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Jean-Sébastien Bach [ ʒɑ̃sebastjɛ̃ bak]1 (en allemand : Johann Sebastian Bach

[ˈjoːhan zeˈbasti̯an baχ]2 Écouter), né à Eisenach (Duché de Saxe-Eisenach) le 21


mars 1685 (31 mars dans le calendrier grégorien) et mort à Leipzig le 28 juillet
1750, est un compositeur, musicien, et notamment organiste, allemand.

Membre le plus éminent de la famille Bach — la famille de musiciens la plus


prolifique de l'histoire —, sa carrière se déroule entièrement en Allemagne
centrale, dans le cadre de sa région natale, au service de petites municipalités,
de cours princières sans importance politique, puis du conseil municipal de
Leipzig, qui lui manifeste peu de considération : ainsi, jamais il n'obtient un
poste à la mesure de son génie et de son importance dans l'histoire de la musique
occidentale, malgré la considération de certains souverains allemands, tel Frédéric
le Grand, pour le « Cantor de Leipzig ».

Orphelin de bonne heure, sa première formation est assurée par son père, Johann
Ambrosius Bach, puis par son frère aîné, Johann Christoph Bach. Mais il est aussi
un autodidacte3, passionné de son art, copiant et étudiant sans relâche les œuvres
de ses prédécesseurs et de ses contemporains, développant sa science de la
composition et particulièrement du contrepoint jusqu'à un niveau inconnu avant lui
et, depuis lors, jamais surpassé4. Jean-Sébastien Bach est un virtuose de plusieurs
instruments, le violon et l'alto, mais surtout le clavecin et l'orgue. Sur ces deux
derniers instruments, ses dons exceptionnels font l'admiration et l'étonnement de
tous ses auditeurs ; il prétend tout jouer à première vue et peut improviser sur-
le-champ une fugue à trois voix. Il a aussi une compétence reconnue et très
sollicitée en expertise de facture instrumentale.

À la croisée des principales traditions musicales européennes (pays germaniques,


France et Italie), il en opère une synthèse très novatrice pour son temps. Bien
qu'il ne crée pas de forme musicale nouvelle, il pratique tous les genres existant
à son époque, à l’exception de l’opéra : dans tous ces domaines, ses compositions,
dont seules une dizaine sont imprimées de son vivant, montrent une qualité
exceptionnelle en invention mélodique, en développement contrapuntique, en science
harmonique, en lyrisme.

La musique de Bach réalise l'équilibre parfait entre le contrepoint et l'harmonie,


avant que cette dernière prenne le pas à partir du milieu du xviiie siècle. Il est,
en particulier, le grand maître de la fugue, du prélude de choral, de la cantate
religieuse et de la suite, qu’il a portés au plus haut degré d’achèvement. La
principale destination de ses œuvres dépend beaucoup des fonctions exercées :
pièces pour orgue à Arnstadt, Mühlhausen ou Weimar, de chambre et orchestrales à
Cöthen, religieuses à Leipzig notamment.

Inspiré d’une profonde foi chrétienne, ses contemporains le considèrent souvent


comme un musicien austère, trop savant et moins tourné vers
l’avenir[Exemple/sens ?] que certains de ses collègues. Il forme de nombreux élèves
et transmet son savoir à plusieurs fils musiciens pour lesquels il compose quantité
de pièces à vocation didactique, ne laissant cependant aucun écrit ou traité. Mais
la fin de sa vie est consacrée à la composition, au rassemblement et à la mise au
propre d’œuvres magistrales ou de cycles synthétisant et concrétisant son apport
théorique, constituant une sorte de « testament musical ».

Peu connue de son vivant au-dehors de l'Allemagne, passée de mode et plus ou moins
oubliée après sa disparition, pleinement redécouverte au xixe siècle, son œuvre,
comprenant plus de mille compositions, est généralement considérée comme
l'aboutissement et le couronnement de la tradition musicale du baroque : elle fait
l’admiration des plus grands musiciens, conscients de son extraordinaire valeur
artistique. Objet, chez les musicologues et musiciens, d'un culte5, qui a pu
susciter l'ironie de Berlioz6, Jean-Sébastien Bach est considéré, depuis sa
redécouverte au xixe siècle, comme un des plus grands compositeurs de tous les
temps, si ce n'est comme le plus grand7.

Biographie
Origines
Comme nombre de musiciens des xviie et xviiie siècles, Jean-Sébastien Bach est issu
d'une famille de musiciens : mais la famille Bach — peut-être venue de Hongrie au
xvie siècle et implantée en Thuringe pour pouvoir y pratiquer librement sa
confession luthérienne — est la plus nombreuse de toutes8.

Un document, probablement établi par Jean-Sébastien Bach lui-même, donne des


informations sur la généalogie et la biographie de cinquante-trois musiciens
membres de cette famille ; il est intitulé Ursprung der musicalisch-Bachschen
Familie (Origine de la famille des Bach musiciens) et trois copies existent, à
défaut du manuscrit autographe9.

De fait, cette famille exerce une sorte de monopole sur toute la musique pratiquée
dans la région : ses membres sont musiciens de ville, de cour, d'église, cantors,
facteurs d'instruments, dominant la vie musicale de toutes les villes de la région,
notamment Erfurt, Arnstadt, etc. Chaque enfant a donc son destin déterminé :
recevoir l'enseignement de son père, de ses oncles ou d'un frère aîné, puis suivre
leur trace, celle de ses ancêtres et de ses nombreux cousins.

L'ancêtre Veit Bach, que quatre générations séparent de Jean-Sébastien, aurait été
meunier, boulanger et joueur de cithare. Son fils Hans Bach est le premier musicien
professionnel de la famille, et a trois fils également musiciens : Johann (1604-
1673), Christoph (1613-1661) et Heinrich (1615-1692) ; parmi les enfants de
Christoph, on trouve des frères jumeaux : Johann Christoph (1645-1693) et Johann
Ambrosius (1645-1695), le père de Jean-Sébastien, nés à Erfurt, qui est une des
villes de résidence de la famille.

Eisenach
peinture : le père de Bach
Johann Ambrosius Bach, le père de J.-S. Bach.

Eisenach en 1647.
Jean-Sébastien Bach naît à Eisenach le 21 mars 1685, selon le calendrier julien
alors en usage dans l'Allemagne protestante, soit le 31 mars 1685 selon le
calendrier grégorien adopté en Allemagne le 18 février 1700 (qui devient le 1er
mars 1700)10,11, dans une maison à ce jour disparue, proche de l'actuel musée Jean-
Sébastien Bach d'Eisenach.

La famille Bach est réputée pour ses musiciens, car les Bach qui pratiquent cette
profession à l'époque sont déjà au nombre de plusieurs dizaines12, exerçant comme
musiciens de cour, de ville ou d'église dans la Thuringe. Jean-Sébastien Bach se
situe à la cinquième génération de cette famille depuis le premier ancêtre connu,
Veit Bach, meunier et musicien amateur de confession protestante qui, fuyant des
persécutions religieuses en Hongrie ou en Slovaquie, s'installe dans la région, à
Wechmar, au xvie siècle.

Jean-Sébastien Bach est le dernier des huit enfants (quatrième survivant)13 de


Johann Ambrosius Bach (1645-1695), trompettiste à la cour du duc13 et Haussmann,
c'est-à-dire musicien de ville14, et de son épouse Elisabeth, née Lämmerhirt,
originaire d'Erfurt (1644-1694). Il est baptisé dans la confession luthérienne le
23 mars à l'église Saint-Georges (Georgenkirche).

Son enfance se passe à Eisenach, et il reçoit sa première éducation musicale de son


père, violoniste13 de talent. Il est aussi initié à la musique religieuse et à
l'orgue par un cousin de son père, Johann Christoph Bach, qui est l'organiste de
l'église Saint-Georges et claveciniste du duc13. Il fréquente, à partir de ses huit
ans, l'école de latin des dominicains d'Eisenach15.

Ohrdruf
carte : les villes où Bach a travaillé
Le parcours de Bach de ville en ville, de sa naissance à la mort.
Sa mère, Maria Elisabetha Lämmerhirt, meurt le 1er mai 169416, alors qu'il vient
d'avoir neuf ans. Le 27 novembre suivant, son père se remarie avec Barbara
Margaretha Bartholomäi née Keul, (elle-même doublement veuve depuis la fin de
1688 : d'abord d'un Bach et ensuite d'un diacre), mais il meurt quelques semaines
plus tard, le 20 février 169517,18. Orphelin dès dix ans, Jean-Sébastien est
recueilli par son frère aîné, Johann Christoph, âgé de vingt-quatre ans, élève de
Johann Pachelbel et organiste à Ohrdruf — à une cinquantaine de kilomètres de là —,
et sa tante Johanna Dorothea, qui est l’Ersatzmutter (la mère de substitution),
dont cinq des neuf enfants deviennent des musiciens accomplis19.

Dans cette ville, Jean-Sébastien Bach fréquente le lycée, acquérant une culture
plus approfondie que celle de ses aïeux. Il a pour camarades de classe l'un de ses
cousins, Johann Ernst Bach, et un ami fidèle, Georg Erdmann. Johann Christoph
poursuit son éducation musicale et le forme aux instruments à clavier. Jean-
Sébastien se montre très doué pour la musique et participe aux revenus de la
famille en tant que choriste20,21 au sein du Chorus Musicus, composé d'une
vingtaine de chanteurs22. Son frère le laisse suivre la construction d'un nouvel
orgue pour l'église, puis toucher l'instrument22. Il aime à recopier et étudier les
œuvres des compositeurs auxquelles il peut accéder, parfois même contre la volonté
de son aîné23,24. La passion d'apprendre reste un de ses traits de caractère et en
fait un connaisseur érudit de toutes les cultures musicales européennes25 : « Le
trait le plus saillant de Johann Sebastian enfant est sa puissante autonomie. Il se
garde libre. Il dévore ce qui lui paraît bon. Il travaille. Il imite. Il corrige.
Il refait. Il s'impose. C'est un prodigieux empirique. Le génie fait le reste26. »

Lunebourg
photo : église st Michel de Lunebourg
Michaelisschule de Lunebourg.
Le 19 janvier 1700, doté d'une bourse, Georg Erdmann quitte Ohrdruf pour le
pensionnat Saint Michel de Lunebourg. Dès le 15 mars suivant, Jean-Sébastien Bach
le rejoint, parcourant à pied une distance de plus de 300 km : le désir de
retrouver son ami et d'alléger la charge de son entretien par l'aîné, qui est marié
et père de famille, le décide probablement à ce changement décisif. Il est admis,
avec son ami, dans la manécanterie de la Michaelisschule, qui accueille les jeunes
garçons pauvres ayant une belle voix.

Outre la musique, il y apprend la rhétorique, le latin, le grec et le français27.


Il fait la connaissance de Georg Böhm, un compatriote de Thuringe28, musicien de la
Johanniskirche et élève du grand organiste de Hambourg Johann Adam Reinken29 ; Böhm
l'initie au style musical de l'Allemagne du nord30 et l'on retrouve quelques
menuets dans le Klavierbüchlein. Il côtoie aussi à Lunebourg ou à la cour ducale de
Celle des musiciens français émigrés, notamment Thomas de La Selle, élève de Lully
et professeur de danse27 : c'est l'approche d'une autre tradition musicale31
(François Couperin notamment32, Lully, Destouches et Collasse33). Après la mue de
sa voix, il se tourne vers la pratique instrumentale : orgue, clavecin et violon.
Il peut fréquenter la bibliothèque municipale de Lunebourg et les archives de la
Johanniskirche, qui recèlent de nombreuses partitions des plus grands musiciens de
l'époque34. En 1701, il se rend à Hambourg et y rencontre Johann Adam Reinken et
Vincent Lübeck, deux grands virtuoses titulaires des plus belles orgues de
l'Allemagne du nord.

Weimar et Arnstadt
photo : église d'Arnstadt
Église Saint-Boniface, Arnstadt.
manuscrit : BWV 739
Manuscrit du prélude de choral Wie schön leuchtet der Morgenstern, BWV 739, composé
à Arnstadt. C'est le plus ancien manuscrit de Bach conservé, antérieur à 170735.
Bach passe sa première audition en 1702, à Sangerhausen, à l'ouest de Halle. Il
s'agit de trouver un successeur à Gottfried Christoph Gräffenhayn qui vient de
mourir le 9 juillet 1702. En dépit de l'excellente audition qu'il donne, le duc en
personne, Johann Georg de Saxe-Weissenfels, s'oppose à cette nomination et attribue
le poste au petit-fils d'un ancien titulaire de cette charge. Au début de mars
1703, fraîchement diplômé, Bach prend un poste de musicien de cour dans la chapelle
du duc Jean-Ernest III de Saxe-Weimar à Weimar, grande ville de Thuringe. « Il est
employé comme laquais et violoniste dans l'orchestre de chambre du frère du duc de
Weimar36. ». En sept mois, jusqu'à la mi-septembre 1703, il se forge une solide
réputation d'organiste et est invité à inspecter et inaugurer le nouvel orgue de
l'église de Saint-Boniface d'Arnstadt, au sud-ouest de Weimar. Il a dix-huit ans37.

photo : église de Lübeck


Église Sainte-Marie, Lübeck.
En août 1703, il accepte le poste d'organiste de cette église38,39, qui lui assure
des fonctions légères, un salaire relativement généreux, et l'accès à un orgue neuf
et moderne. La famille de Bach entretient depuis toujours des relations étroites
dans cette ville, la plus ancienne de Thuringe. Mais cette période n'est pas sans
tensions : il n'est apparemment pas satisfait du chœur. Des conflits éclatent et,
par exemple, il en vient aux mains avec un bassoniste, Johann Heinrich Geyersbach.
Ses employeurs lui reprochent une absence excessive lors de son voyage à Lübeck :
il annonce partir pour quatre semaines, mais ne revient que quatre mois plus tard,
faisant quatre cents kilomètres à pied pour rendre visite à Buxtehude40 afin
d'assister aux fameuses Abendmusiken (Concerts du soir) à l'église Sainte-Marie41.
C'est à cette époque que Bach achève d'élaborer son art du contrepoint et sa
maîtrise des constructions monumentales42.

De retour à Arnstadt en janvier 170643 — après avoir rendu visite à Johann Adam
Reinken à Hambourg et à Georg Böhm à Lüneburg — le consistoire critique vivement sa
nouvelle manière d'accompagner l'office, entrecoupant des strophes et usant d'un
contrepoint si riche que le choral n'en est plus reconnaissable44. En l'occurrence,
il lui est fait le reproche suivant45 : « comment se fait-il, monsieur, que depuis
votre retour de Lübeck, vous introduisiez dans vos improvisations, beaucoup trop
longues d'ailleurs, des modulations telles que l'assemblée en est fort troublée ? »
Le consistoire l'accuse aussi de profiter des sermons pour s'éclipser et rejoindre
la cave à vin, et de jouer de la musique dans l'église avec une « demoiselle
étrangère », sa cousine Maria Barbara46.

Mühlhausen
gravure : Mühlhausen en 1650
Mühlhausen en 1650
(gravure de Matthäus Merian).
Le décès de l'organiste de l'église Saint-Blaise de Mühlhausen, situé à soixante
kilomètres d'Arnstadt, lui offre l'occasion qu'il attend : de l'automne 1707 à la
mi-juillet 1708, il est organiste à Mühlhausen. Il y écrit sa première cantate
(peut-être la BWV 131), prélude à une œuvre liturgique monumentale à laquelle vient
se rajouter l'œuvre pour orgue. Il compose durant sa vie plus de trois cents
cantates, correspondant à cinq années complètes de cycle liturgique. Plusieurs
dizaines de ces compositions sont perdues, dont une partie date de cette période.

Mühlhausen est alors une petite ville de Thuringe, récemment dévastée par le feu,
et Bach peine à trouver à se loger à un prix convenable. Le 17 octobre 1707, à
Dornheim près d'Arnstadt32, il épouse sa cousine Maria Barbara47, dont il admire le
timbre de soprano. Il doit se battre pour constituer une dot convenable, aidé par
l'héritage modeste de son oncle Tobias Lämmerhirt48, et pour donner à sa femme une
place dans les représentations, car jusqu'au xixe siècle les femmes ne sont
généralement pas admises à la tribune d'honneur. Ils ont sept enfants dont quatre
atteignent l'âge adulte, parmi lesquels Wilhelm Friedemann et Carl Philipp Emanuel.

Bach rassemble une bibliothèque de musique allemande, et fait travailler le chœur


et le nouvel orchestre. Il récolte les fruits de son labeur lorsque la cantate BWV
71, inspirée de Buxtehude47,48, écrite pour l'inauguration du nouveau conseil est
donnée dans la Marienkirche, où ce conseil a son siège49, le 4 février 1708.

Le gouvernement de Mühlhausen est satisfait du musicien : il ne fait aucune


difficulté pour rénover à grands frais l'orgue de la Divi-Blasii-Kirche
(Blasiuskirche ou église Saint-Blaise) (de) et lui confie la supervision des
travaux. Le gouvernement édite également à ses frais la cantate BWV 71, l'une des
rares œuvres (et unique cantate50) de Bach publiées de son vivant, et réinvite par
deux fois le compositeur pour la diriger.

Cependant, une controverse naît au sein de la ville51 : les luthériens orthodoxes,


amoureux de musique, s'opposent aux piétistes, plus puritains et qui refusent les
arts. Bach, dont le supérieur direct, Johann Adolf Frohne, est un piétiste, sent
que la situation va en se dégradant et accepte une meilleure situation à Weimar52.

Weimar
peinture : Bach en 1715
Jean-Sébastien Bach à trente ans (1715) par Johann Ernst Rentsch le Vieux (mort en
1723).
De 1708 à 1717, il est organiste et, de 1714 à 1717, premier violon soliste à la
chapelle du duc de Saxe-Weimar, Guillaume-Ernest de Saxe-Weimar. Il dispose de
l'orgue, mais aussi de l'ensemble instrumental et vocal du duc. Cette période voit
la création de la plupart de ses œuvres pour orgue, dont la plus connue, la célèbre
Toccata et fugue en ré mineur, BWV 565. Il compose également de nombreuses
cantates53, et des pièces pour clavecin inspirées des grands maîtres italiens et
français.

Bach a la compétence, la technique et la confiance pour construire des structures


de grande échelle et synthétiser les influences de l'étranger, italiennes ou
françaises54. De la musique des Italiens tels que Vivaldi, Corelli et Torelli55, il
apprend l'écriture d'ouvertures dramatiques et en applique les développements
ensoleillés, les motifs rythmiques dynamiques et les arrangements harmoniques
décisifs. Bach adopte ces aspects stylistiques grâce à sa méthode habituelle de
travail : la transcription pour le clavecin56 et l'orgue. En l'espace de douze
mois57, il réalise seize transcriptions pour clavecin et cinq pour orgue seul des
concertos de Vivaldi58.

Il est attiré en particulier par la structure italienne qui fait alterner solo et
tutti, dans laquelle un ou plusieurs instruments soli alternent avec l'orchestre
dans un mouvement entier59. Ce dispositif instrumental italianisant peut être
entendu dans la suite anglaise no 3 pour le clavecin (1714) : l'alternance solo-
tutti est matérialisée par le passage au clavier inférieur (sonorité plus pleine)
ou au clavier supérieur (sonorité plus expressive).

gravure : Weimar au XVIIIe siècle


Weimar au début du xviiie siècle.
Mais Bach souhaite quitter cette ville où il s'ennuie. Il a comme élève le neveu du
duc et son héritier, Ernest-Auguste Ier. Celui-ci, bon claveciniste, a épousé
Éléonore-Wilhelmine d'Anhalt-Köthen, mais critique ouvertement la politique de son
oncle. Bach passe une bonne partie de son temps au château d'Ernest-Auguste.
Voulant marquer son mécontentement à l'égard de son neveu, le duc de Weimar
interdit aux musiciens de jouer chez ce dernier, mais Bach ne tient pas compte de
cette interdiction. Le duc s'en trouve alors offusqué. En 1716, lorsque meurt le
maître de la chapelle, Drese, la place doit logiquement revenir à Bach, mais le
duc, essayant d'abord de s'assurer les services de Georg Philipp Telemann, nomme
finalement à ce poste le fils de Drese. Bach affiche alors ouvertement son soutien
à Ernest-Auguste et cesse d'écrire des cantates pour Guillaume II.

Bach refuse un poste à la cour du roi de Pologne à Dresde lorsque le duc de Saxe-
Weimar double ses appointements pour le garder. Le prince Léopold d'Anhalt-Köthen,
beau-frère du duc, très impressionné par la musique écrite par Bach pour le mariage
de sa sœur Éléonore-Wilhelmine avec Ernest-Auguste Ier, lui propose le poste de
maître de chapelle de la cour de Köthen, le plus élevé des postes de musiciens,
permettant à Bach d'être appelé Herr Kapellmeister. Cette fois-ci, Bach accepte
l'offre. En apprenant la nouvelle, le duc fait emprisonner Bach durant un mois, du
6 novembre au 2 décembre. C'est alors en prison que Bach compose les quarante-six
chorals du Petit livre d'orgue (Orgelbüchlein)60.

Köthen
gravure : le Palais de Cöthen
Palais et jardins à la française de Cöthen, d'après une gravure de Matthäus Merian
Topographia (1650).
De décembre 1717 à avril 1723, il succède à Johann David Heinichen (un ancien élève
de Köthen61) comme maître de chapelle (Kapellmeister) à la cour du prince Léopold
d'Anhalt-Köthen, beau-frère du duc de Weimar. Le prince est un brillant musicien
(il a étudié avec Heinichen à Rome62) : il joue avec talent du clavecin, du violon
et de la viole de gambe. Son Grand Tour de 1710 à 1713 le met en contact avec la
musique profane italienne et le convainc de la nécessité de développer la musique
profane allemande, d'autant que ses convictions religieuses calvinistes lui
interdisent la musique d'église. Une occasion se présente à lui car Frédéric-
Guillaume Ier vient d'accéder au pouvoir, et celui-ci ne montre aucun intérêt pour
les arts : il licencie les artistes de la cour et les dépenses baissent de 80 % en
une année. Le prince Léopold peut attirer des musiciens de la cour de Berlin vers
celle de Köthen, qui dispose rapidement de 18 instrumentistes d'excellent niveau.
La musique représente dès lors le quart du budget pourtant limité de la principauté
de Anhalt-Köthen, qui devient un important centre musical.

Fichiers audio
Concerto brandebourgeois no 4, premier mouvement
7:18
Concerto brandebourgeois no 5, second mouvement
5:56
Concerto brandebourgeois no 6, troisième mouvement
5:36
Air BWV 1068, deuxième mouvement
2:50
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L'ambiance y est informelle, et le prince traite ses musiciens comme ses égaux. Il
les emmène à Carlsbad (devenue Karlovy Vary en République tchèque) pour « prendre
les bains », et il joue souvent avec eux, parfois même chez Bach lorsque sa mère,
Gisela Agnes, s'irrite de la présence perpétuelle de l'orchestre au palais. Son
poste offre à Bach un certain confort matériel, avec une dotation de 400 thalers
par an63. Le prince Léopold est par ailleurs le parrain de Léopold Augustus Bach,
le dernier enfant de Maria Barbara.

Cette période heureuse est propice à l'écriture de ses plus grandes œuvres
instrumentales pour luth, flûte, violon (Sonates et partitas pour violon seul),
clavecin (premier livre du « Clavier bien tempéré »), violoncelle (Suites pour
violoncelle seul), Six concertos brandebourgeois, et probablement la Suite
orchestrale no 3 en ré majeur BWV 1068 (dont la célèbre Aria ou Air sur la corde de
sol de son 2e mouvement, appelé « Air de Jean-Sébastien Bach »).
Mais sa femme, Maria Barbara, meurt le 7 juillet 172064, et cet événement le marque
profondément. Il en est d'autant plus bouleversé qu'il n'apprend la mort et
l'enterrement de son épouse qu'à son retour de Dresde. Il se remarie un an et demi
plus tard avec Anna Magdalena Wilcke, fille d'un grand musicien et prima donna de
la cour de Köthen65,19.

emblème de Bach
Le monogramme de Bach.
Il songe à quitter cet endroit rempli de souvenirs à la recherche d'une ville
universitaire pour les études supérieures de ses enfants, d'autant qu'il ne peut
composer de musique sacrée dans une cour calviniste. De plus, le prince se remarie
en 1721, et sa deuxième épouse semble être eine amusa, selon le dire de Bach66,
c’est-à-dire peu sensible aux arts en général, et en détourne son mari.
Parallèlement, le prince doit contribuer davantage aux dépenses militaires
prussiennes67.

Bach cherche un nouvel emploi. En 1720, à la Katharinenkirche de Hambourg, il donne


un concert très remarqué, en particulier par Johann Adam Reinken, très âgé68, et se
voit presque proposer un poste. Il rassemble un recueil de ses meilleures œuvres
concertantes (les six concertos brandebourgeois), et les envoie au margrave de
Brandebourg qui lui avait marqué un certain intérêt deux ans auparavant. Il postule
à Leipzig, où le poste de cantor est vacant et lui offrirait une plus grande
renommée dans le Saint-Empire, mais aussi en Pologne et en France : le prince-
électeur de Saxe est roi de Pologne et a fréquenté la cour de Versailles, avec
laquelle il garde de bonnes relations.

Il obtient le poste de cantor de Leipzig, succédant à Johann Kuhnau, fonction


pourtant d'un rang inférieur à celle de Kapellmeister qu'il occupait auprès du
prince. C'est peu après sa nomination, alors qu'il est encore à Köthen, qu'il
compose la Passion selon saint Jean destinée à l'église Saint-Thomas de Leipzig.
Cette ville de commerce n'a pas d'orchestre de cour et l'opéra y a fermé ses
portes, sa femme doit abandonner sa carrière de cantatrice. Elle l'aide alors dans
ses travaux de copie et de transcription19.

Leipzig
photo : appartement de Bach à St. Thomas détruit en 1902
Cliché du logement de Bach, au rez-de-chaussée de l'école Saint-Thomas (extrême
gauche du bâtiment en façade), pris avant sa démolition en 1902 pour insalubrité69.
Trois marches mènent à la porte.
gravure : église St Thomas à droite et bâtiment de l'école à gauche
École et église Saint-Thomas de Leipzig, gravure de Johann Gottfried Krügner, 1723.
Remarquez que le bâtiment de l'école ne comporte que deux étages à cette époque.
gravure : église st. thomas en 1749
Église Saint-Thomas de Leipzig en 1749.
photo : Statue à Leipzig
Statue de J.-S. Bach à Leipzig, inaugurée en 1908.
À Leipzig, le poste de Johann Kuhnau, le Thomaskantor de l'église luthérienne saint
Thomas, est à pourvoir. La place ayant été précédemment refusée par Georg Philipp
Telemann, le conseil tente de débaucher d'autres compositeurs : Christoph
Graupner70 décline l'offre (son précédent employeur, le landgrave Ernst Ludwig de
Hesse-Darmstadt, refuse de lui rendre sa liberté et augmente ses émoluments) ainsi
que Georg Friedrich Kauffmann (employé à Mersebourg), Johann Heinrich Rolle
(employé à Magdebourg), et Georg Balthasar Schott (employé à la Nouvelle Église de
Leipzig). Le Docteur Platz, membre du conseil, révèle dans sa correspondance les
raisons du choix qu'ils se résolvent à faire71 : « Pour des raisons importantes, la
situation est délicate et puisque l'on ne peut avoir les meilleurs, il faut donc
prendre les médiocres. » Bach est choisi le 22 avril 172372 et signe son contrat en
quatorze clauses le 5 mai73.
À l'époque, Leipzig, avec ses 30 000 habitants, est la deuxième ville de Saxe. Elle
est le siège de foires commerciales réputées, un centre d'édition reconnu et
s'enorgueillit d'une université renommée73 qui dut compter dans le choix que fit
Bach de venir s'installer dans la ville. La possibilité que ses fils y étudient
entre en effet dans les projets du futur Cantor.

La famille Bach s'installe à Leipzig le 22 mai 1723 et y séjourne jusqu'à sa mort


en 1750. En qualité de Thomaskantor et Director Musices, il est responsable de
l'organisation musicale des deux églises principales de la ville (Saint-Nicolas et
Saint-Thomas) et enseigne la musique aux élèves de Saint-Thomas. Il doit ainsi
fournir de très nombreuses partitions et constitue selon sa Nécrologie74 un
ensemble de « Cinq années de cantates pour tous les dimanches et jours de fête »
(rassemblant des cantates datant de Weimar et de nombreuses nouvelles œuvres
composées essentiellement avant 1729), sans compter le Magnificat (Noël 1723), les
Passions (1724 et 1727), et autres œuvres… De ces trois cents cantates supposées et
probables, un tiers environ a malheureusement été perdu. Il n'y a qu'une seule
répétition pour les cantates, mais le Cantor bénéficie de solistes instrumentaux
brillants (les trompettistes) ou d'excellent niveau, solistes de passage et
étudiants du Collegium Musicum. Les chœurs, dont on ne connaît pas l'effectif
exact, sont apparemment capables de chanter des parties difficiles après la
formation que Bach leur a dispensée. Il se heurte souvent à la jalousie de ses
confrères qui forcent notamment les élèves à boycotter ses leçons de musique. Il
eut sans cesse des rapports tendus avec les autorités civiles et religieuses de la
ville, ce qui le poussa plusieurs fois, mais sans résultat, à chercher une
meilleure situation ailleurs.

Le 19 novembre 1736, Bach se vit accorder le titre honorifique de compositeur de la


Chapelle royale de la cour de Saxe75, sans toutefois que cela s'accompagnât d'un
salaire. À cette occasion, il se fit entendre sur le nouvel orgue Silbermann de la
Frauenkirche à Dresde.

gravure : Café Zimmermann


Café Zimmermann à Leipzig, détail d’une gravure du xviiie siècle de Georg
Schreiber.
Il mène une vie riche en connaissances, constituant une bibliothèque spécialisée en
bibliologie, théologie et mystique. Sa femme Anna Magdalena l'aide, beaucoup et
remarquablement, dans sa fonction de Cantor en recopiant toutes ses partitions.

Sa fonction de responsable du Collegium Musicum (de 1729 à 1737, puis — après


l'intérim de son élève Carl Gotthelf Gerlach — de 1739 à vraisemblablement 1744)
lui permet d'organiser des représentations musicales au Café Zimmermann pour des
amateurs de musique. Il ne manque pas une occasion d'aller à l'opéra de Dresde où
son fils Wilhelm Friedemann est organiste. C'est à Leipzig qu'il compose la
majorité de ses œuvres sacrées.

Il écrit également la Clavier-Übung (ou Klavierübung), le deuxième livre du Clavier


bien tempéré. Il compose aussi un important corpus pour orgue, cinq Passions selon
son fils Carl Philipp Emanuel (dont une à deux chœurs, la célèbre Passion selon
saint Matthieu), un Magnificat, trois oratorios, et son testament musical, écrit
pour Noël 1724 (Sanctus) et de 1733 à 174976 : la Messe en si mineur.

manuscrit : début de l'art de la fugue


Première page du manuscrit de l'Art de la fugue.
première page de la nécrologie de Carl Philip Emanuel et Agricola
Première page de la nécrologie de Carl Philipp Emanuel et Agricola, publié à
Leipzig en 1754 au sein du dernier volume de la Bibliothèque musicale de Mizler77,
un ancien élève du cantor78. Les vingt pages de ce texte ont été l'unique source
biographique au xviiie siècle.
Les dix dernières années de sa vie, renonçant aux activités attachées à la fonction
de Cantor, Bach limite sa production essentiellement à la musique instrumentale. En
1747, il intègre la Correspondierende Societät der musicalischen Wissenschaften
fondée par Lorenz Christoph Mizler pour laquelle il dut fournir chaque année une
communication scientifique dans le domaine musical (une composition dans le cas de
Bach) ainsi que son portrait à l'huile, celui d'Elias Gottlob Haussmann présenté en
haut de l'article. C'est pour cette société qu'il compose et fait publier les
Variations canoniques (1747), l'Offrande musicale (1748) et il est probable que
l'Art de la fugue devait être la contribution de l'année suivante79. Il est dans
cette phase de sa vie, où, comme le dit Johann Nikolaus Forkel, « il ne pouvait
toucher une plume sans produire un chef-d'œuvre ».

En mai 1747, il se rend en compagnie de son fils Wilhelm Friedemann à Potsdam pour
une visite à Frédéric II sollicitée par le souverain lui-même80 par l'entremise de
Carl Philipp Emanuel, claveciniste de la cour depuis 1741.

« Dimanche dernier, Monsieur Bach, le célèbre maître de chapelle de Leipzig est


arrivé à Potsdam dans le but d'avoir le plaisir d'y entendre la noble musique
royale. Le soir, au moment où la musique de chambre ordinaire de la chambre entre
dans les appartements du roi, on annonça à Sa Majesté que le maître de chapelle
Bach […] attendait la très-gracieuse autorisation d'entendre la musique. Sa Majesté
ordonna immédiatement qu'on le laissât entrer et se mit aussitôt à l'instrument
nommé forte et piano et eut la bonté de jouer en personne un thème au maître de
chapelle Bach, sans la moindre préparation, sur lequel celui-ci dut exécuter une
fugue. Le maître de chapelle s'exécuta de manière si heureuse que Sa Majesté eut la
bonté de montrer sa satisfaction, et que toutes les personnes présentes restèrent
stupéfaites. Monsieur Bach trouva si beau le thème qui lui avait été présenté qu'il
veut porter sur papier une véritable fugue et la faire ensuite graver sur cuivre. »

— Berlinische Nachrichten (« Nouvelles de Berlin »), Berlin, 11 mai 1747 81.

Il commence à perdre la vue en 1745, et bientôt ne peut plus travailler. Au


printemps 1750, il confie par deux fois ses yeux à John Taylor, un « ophtalmiatre »
réputé, qui ne lui permit pas de recouvrer la vue, sinon par intermittence. Deux
ans plus tard, le même John Taylor opère Haendel avec le même résultat. Affaibli
par ces opérations de la cataracte, Bach ne survit pas plus de six mois. Le 18
juillet, il recouvre soudainement la vue, mais quelques heures plus tard est
victime d'une attaque d'apoplexie. Il meurt le 28 juillet 1750, en début de soirée.
Anna Magdalena lui survit dix ans, vivant précairement de subsides de la
municipalité.

Il est enterré dans le cimetière de la Johanniskirche (Leipzig) (de). Selon les


sources de l'époque, la tombe de Bach se trouve « à six pas tout droit de la porte
du côté sud de l'église82 ». Les ossements présumés de Jean-Sébastien Bach, qui
avaient été exhumés lors de la démolition du mur sud de la nef le 22 octobre 1894,
sont inhumés le 16 juillet 1900 dans une crypte sous l'autel de l'église83.

Après l'incendie de l'église lors du bombardement de Leipzig le 4 décembre 1943 ,


l'administration municipale fait démolir les ruines de la nef en 1949 et enlève les
décombres. Il s'est avéré que le cercueil de Bach était intact. Les ossements
présumés de Bach ont été transférés le 28 juillet 1949, selon la tradition avec une
charrette à bras84, à l'Église Saint-Thomas de Leipzig où il repose toujours
aujourd'hui.

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