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Cours G.

Guéant

Johannes Brahms
(1833-1897)

I. Elements biogaphiques

Son père, Johann Jakob Brahms (v.1807-1872) est corniste et contrebassiste dans des orchestres
populaires. Il se produit au théâtre et dans des brasseries.
Johannes Brahms est né à Hambourg. D'un quotidien très modeste, il achète ses livres et partitions
dans des brocantes. Ses dons précoces incitent son père à lui faire étudier la musique dès l'âge de
sept ans pour faire de lui un musicien d'orchestre.
À dix ans, il devient l'élève de Marxsen, célèbre pédagogue et étudie la composition et le piano. À
quatorze ans, il donne son premier concert public, où il joue une de ses compositions. Il doit
cependant gagner sa vie en jouant et en écrivant pour les brasseries du port.

Sa carrière débute en 1853 (20 ans) et rapidement ses pièces commencent à être publiées : scherzo
op.4 en Mi b mineur, sonate pour piano op.5 (très grand succès). Cette année-là, le violoniste
hongrois Remenyi lui propose d'être son partenaire pour une tournée de concerts. À cette occasion,
il rencontre le célèbre violoniste Joseph Joachim (1831-1907) avec lequel il se lie d’amitié (Brahms
lui dédie son concerto pour violon). Joachim apprécie son talent et le recommande à Franz Liszt et à
Clara et Robert Schumann. Brahms joue également en concert en soliste avec notamment des
œuvres de Bach et des sonates rares de Beethoven, surtout les dernières.

Schumann est enthousiasmé par son talent, il lui offre son appui et son hospitalité ; il lui consacre
un article dans la Neue Zeitschrift für Musik du 25 octobre 1853, « Neue Bahnen » (voies
nouvelles), il impose son nom à l'opinion publique en tant que génie, le « nouvel élu ». L'affection
particulière de Brahms pour les intermezzi révèle l'influence de Schumann.
Cependant, Brahms souffre de ses origines populaires et de sa culture quasi-autodidacte, il profite
de la bibliothèque personnelle des Schumann et d'une reliation privilégiée avec Robert
(compositeur, penseur, critique), et Clara (pianiste virtuose respectée par Liszt...). Quand, un an
plus tard, il apprend que Robert est malade, il revient s’installer à Düsseldorf pour lui offrir son
assistance. Il y demeure deux ans, jusqu'à la mort de Schumann.

Curieusement, il réalise une carrière de chef de chœur alors que se contemporains sont concertistes
virtuoses, directeurs opéra, chefs d'orchestre. De 1857-1859 il est chef de chœur à Hambourg. À
partir de 1862, Brahms vit principalement à Vienne où il est chef de la Singakademie (1863-1864),
puis de la Gesellschaft der Musikfreunde (1872-1875). La musique vocale occupe une très grande
place dans l’Allemagne du XIXe siècle, Schumann fut en son temps chef des rencontres vocales du
Rhin qui rassemblaient plus de six cents chanteurs. (poste prestigieux et très convoité).

A partir de 1875, il peut se consacrer presque entièrement à la composition. Bien qu'adoubé par
Schumann, toutes ses compositions n'ont pas rencontré un franc succès à l'image de son premier
concerto pour piano créé au Gewanthaus de Leipzig le 27 janvier 1859. Cependant l'exécution du
Requiem allemand dans la cathédrale de Brême, le 10 avril 1868, en présence de Joseph Joachim et
de Clara Schumann et de nombreuses personnalités musicales, fut un triomphe. Pourtant, Brahms a
toujours reçu l’appui des plus grands critiques de son temps, de Robert Schumann à Eduard
Hanslick (1825-1904).

Compositeur très prolixe, son œuvre compte 122 opus officiels dont nombreux sont des recueils, ce
qui porte à quelques 335 pièces.
Brahms, compositeur perfectionniste, a beaucoup composé et beaucoup détruit. Beethovénien par
certains aspects, il décide en 1890 de cesser de composer...testament musical.. Mais la rencontre
avec le clarinettiste Richard von Mühlfeld lui fit réviser sa position et livra notamment à partir de
1891 : le trio op.114, le quintette op.115 et les deux sonates op.120.

II. Brahms, la musique allemande, la musique de l’avenir

L’Allemagne est un pays de grands musiciens et de grands penseurs de la musique. Brahms arrive
alors que la génération 1810 est en pleine maturité.

Liszt au départ est impressionné par le jeune Brahms. Mais assez tôt, Liszt s'en désintéresse et reste
assez indifférent car il ne comprend pas l’enthousiasme de Schumann. Les positions de Liszt et de
Schumann sont alors en train de diverger. Liszt et Schumann figurent parmi les grands penseurs de
l’Allemagne au XIXe siècle, il y aurait bien eu Félix Mendelssohn en troisième homme mais il
meurt prématurément. Tous deux écrivent des articles qui font autorité. Mais Schumann prend
l'ascendant et devient plus influent que Liszt parce qu’il ne se consacra à la critique et à la
composition alors que Liszt est un virtuose encore alors plus pianiste-compositeur que compositeur-
pianiste. Liszt ne se consacre à une composition conduite par une pensée qu'à partir de 1850, début
de sa période à Weimar.

Se forment ainsi deux lignes de pensée en Allemagne pour la musique de l’avenir :


Liszt-Wagner-Bruckner
Schumann-Brahms-Mahler

Les positions se durcissent à partir de 1860. Liszt et Wagner défendent une évolution de l'harmonie
et des formes vers la dramaturgie et la psychologie.

Brahms ne prend pas spécialement et officièlement position comme Schumann et Liszt mais il
devient avec l'âge une personnalité dont les avis font autorité. Même encensé par Hanslick Brahms
doute. Vis-à-vis de ses contemporains, il est cependant suffisamment sensible pour reconnaître le
génie de Liszt et de Wagner, même si, par goût personnel, il apprécie davantage Dvorak, Grieg,
Bizet ou le Verdi du Requiem. On lui connaît en revanche des échanges vifs avec Bruckner dont il
critique sévèrement les œuvres.

III. Centres d’intérêt

-Vénération pour Jean-Sébastien Bach :

En cela, il n'est pas le premier :


-Beethoven
-Mendelssohn, qui, à 20 ans, réalise la réorchestration de la Passion selon Saint-Mathieu et qu'il
dirige au lieu même de la création, joue les concertos dirigé par Liszt.
-Liszt, qui fait l’apprentissage du piano sur les préludes et fugues, réalise de nombreuses
transcriptions (toccatas) et compose des hommages (fugue sur B.A.C.H).
-... de nombreux et vénérables compositeurs allemands...

Mais la démarche de Brahms est différente, motivé par un besoin d’authenticité et de respect du
texte et son esprit. Brahms est plus baroqueux que Mendelssohn: la chaconne de Bach a été
transcrite par Brahms mais sous la forme d’une pièce pour la main gauche car la chaconne se joue
au luth ou à la guitare baroque. C'est une conception plus mélodique qu’harmonique avec de
nombreux arpèges. Lors de ses récitals, Bach occupait une place de choix dans ses programmes.
-Passion pour les musiques anciennes :

Brahms se passionne pour les musiques anciennes. Il s’y intéresse à partir de ses 22 ans (1855) et ne
cessera jamais de l’étudier, appréciant particulièrement les grnads maîtres de la Renaissance tels
que Palestrina et Lassus. Il est par ailleurs l'un des principaux acteurs pour faire éditer l’intégrale de
l’œuvre pour clavecin de Rameau qu’il finance avec ses fonds propres.
De plus, ses activités professionnelles de chef de choeur lui permettent d'approfondir les
connaisances de ce répertoire

-Adorateur de Beethoven :

De tout son répertoire, sa première symphonie 1 ère symphonie créée le 17 décembre 1876 à Vienne
en laisse un témoignage singulier. Surnommée «la 10 e de Beethoven» par Hans von Büllow, le
succès est pourtant mitigé. Mais le plus surprenant est qu’il attend ses 43 ans avant d’écrire une
symphonie dans cette Allemagne romantique.

Brahms : « Vous ne pouvez pas savoir ce que je ressens, Beethoven me terrorise, je n’écrirai jamais
de symphonie ».

Les premières esquisses de cette œuvre remontent à 1862, soit 14 ans de gestation. Il se livre à
quelques essais préparatoires avec ses concertos avant de se concrétiser. Ses quatre symphonies
sont composées entre 1876 et 1885.

Symphonies 1 op.68 1876


2 op.73 1877
3 op.90 1883
4 op.98 1885

IV. Ambiguité de la modernité de Brahms

Brahms moderne ou Brahms anti-moderne ? ...


...C'est une très mauvaise question mais très bon sujet d’examen.

Moderne ou anti-moderne est un choix personnel esthétique qui se pérennise dans le temps et dans
la production d’un compositeur. Si la question est posée pour Brahms, c’est qu’il y a des doutes.
Mais la grande difficulté réside dans le fait que Brahms n’est absolument pas linéaire.

Brahms a été adoubé comme génie par Robert Schumann à une époque où le grand critique posait la
question de la musique de l'avenir, ce qui revient à considérer qu'il avait décelé une forme de
modernité chez ce jeune compositeur. La réponse ne peut donc être ni directe, ni radicale. On a
tendance à définir la notion de modernité par rapport des oppositions et des ruptures ; la réalité est
beaucoup plus modeste.

Berlioz écrit à Joachim le 9 décembre 1853: « Ce jeune audacieux si timide qui s’avise de faire de
la musique nouvelle…il souffrira beaucoup ».
Schoenberg : « la plénitude de son langage harmonique si en avance sur son époque »
« L’irrégularité fait pour lui partie des règles, il la traite comme l’un des principes de
l’organisation musicale. Le sens de la logique, le sens de l’économie, la puissance d’invention qui
ont su créer de telles mélodies où tout coule de source, justifient l’admiration de tout musicien
amoureux de son art. Cette libération totale du langage musical dont Brahms le progressiste aura
été l’initiateur. »
Webern : « Développer à partir d’une pensée centrale tout le reste, tendre à la cohérence de façon
toujours plus dense et revenir ainsi à la pensée polyphonique, Brahms a, dans ce domaine, une
signification toute particulière. »

Brahms dans son temps et dans son œuvre :

Répertoire : seulement 4 symphonies, beaucoup de musique de chambre aux titres très classiques
« sonate pour... », « trio pour... », « quatuor.. », etc...

Elargissement de la forme et du langage :


-Des sonates avec des zones thématiques à plusieurs thèmes : symphonies, trio op.114
-Formes cycliques : reprise des travaux de Beethoven (ex : sonate en la M), structure favorite de
Liszt (grande sonate pour piano en Si mineur), de César Franck (symphonie en ré m). ex : Brahms,
sonate op.5. Pour rappel historique : sonate de Liszt 1850 / Brahms op.5 1853.
-Trahison des formes et remise en question des expositions thématiques
-Nouvelle gestion du discours : périodes de stases, horizon d’attente, suspension de l’action
(héritage beethovénien souligné par Messiaen pour la 6e symphonie).
-Cycles et nouvelles formes : fantaisie, rhapsodie, ballade, intermezzo…

Pourtant :
-Recours aux formes anciennes : symphonie n°4, 4e mvt, Passacaille sur un thème de J-S Bach.
-Introduction de la modalité : symphonie n°1 mvt1, sonate pour violon et piano n°3(« Faites de
l'ancien, ce sera moderne ! » Verdi)
-Harmonie utilisant principalement des accords de quinte, à l'opposé du chromatisme wagnérien.
(ex : rhapsodie n°2, le 1e degré est timidement évoqué sans même une basse).
-Un intérêt pariculier pour le thème et variations tant sur des thèmes contemporains qu'anciens :
op.9 Seize variations pour piano sur un thème de Schumann
op.21/1 Variations pour piano sur un thème original en Ré Majeur
op.21/2 Variations pour piano sur une chanson hongroise, en Ré Majeur
op.23 Variations pour piano à quatre mains sur un thème de Schumann
op.24 Variations et fugue pour piano sur un thème de Haendel
op.35 Etudes pour piano en La mineur - Variations sur un thème de Paganini
op.56a Variations pour orchestre sur un thème de Haydn
op.56b Variations pour deux pianos sur un thème de Haydn

A contre-courant des œuvres dramatiques :


-Pas de poème symphonique, pas d’opéra, pas de musique à programme.
-Traitement thématique plus proche de Beethoven, construction comme Haydn, loin des formes
évolutives et des métamorphoses continues qu’imposent Liszt et Wagner à leur thèmes.
-Rapport personnel avec la culture populaire certainement issu de son enfance, accompagnant son
père qui jouait dans des bals et par ses débuts comme pianiste dans des tavernes. (Danses
hongroises 1852-1869, Variations sur un thème hongrois, et de nombreuses pièces sur des mélodies
hongroises)
Ecoutes conseillées :
Concerto pour piano no. 1 Ré mineur op.15
Sextuor à cordes n°1 op.18
Symphonie no. 1 Do mineur op.68
Concerto pour piano n°2 op.83
Symphonie no. 3 Fa majeur op.90
Symphony No. 4 in Mi mineur op.98
Sonate n°2 op.100
Trio n°3 Do mineur op.101
sonate n°3 pour violon et piano op.108
Trio op.114
Quinette op.115
Intermezzi op.117
Danses hongroises sans opus : pou piano qutre mains (Nos. 1-21); pour piano seul (Nr. 1-10);
orchestrées (Nos. 1, 3, 10)

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