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CARNAVAL

Scènes mignonnes composées pour le Piano-forte sur quatre notes


de Robert Schumann (1834-1835)

Présentation, Anne POELEN

Première partie
Le XIXe siècle, la période romantique

Le romantisme est un courant d’abord littéraire né en Allemagne au début du XIXe siècle et dont les
représentants les plus marquants sont les poètes allemands : Goethe et Schiller dans leur période de jeunesse,
Novalis, les frères Grimm, Shubart, Klinger, Herder...
En musique, son apparition fut plus tardive et ne s’affirmera pleinement qu’à partir des années 1830.
Ce courant musical est en opposition avec la période précédente, le classicisme musical, très limpide et
structuré et représenté par Haydn ou Mozart.
Le romantisme met en évidence la valorisation de l'individu et des sentiments et qui s'appuie sur les thèmes
présents dans la littérature romantique comme la liberté, le mal être, la mort, la nature, l’errance, l’amour
idéal ( jamais trouvé et souvent insatisfait) , le dépassement de soi...
Le musicien romantique revendique pleinement l'incompréhension de son œuvre et même la souhaite
fortement. Schumann écrivait l'année du Carnaval :
« Si vous me demandez le nom de ma douleur, je ne peux pas vous le dire. Je crois que c'est la douleur
elle-même, et je ne saurais pas la désigner plus justement ».
Cette période voit se développer la virtuosité et par là même les virtuoses que l’on va aduler, comme Paganini au
violon et Franz Liszt, qui fait du piano un instrument de concert et crée le récital pour piano seul.
Pour l’anecdote, il arriva à plusieurs reprises qu’une foule compacte se masse devant l’hôtel où Liszt était descendu,
jusqu’à ce qu’un piano soit transporté sur le balcon et que le hongrois joue, enfin, pour ses admirateurs en délire.

Voici des caricatures,


témoignages de Paganini Liszt
l’incroyable dextérité en train de jouer du violon et ses longs doigts et
de ces virtuoses : sur lequel il ne reste plus nombreux bras…
qu’une corde ...

Schumann était aussi fasciné par la virtuosité qu’il n’arrivait pas à atteindre au piano et par les virtuoses eux-mêmes.
Dans Carnaval, certains de ces virtuoses renommés sont évoqués musicalement : Paganini (Presto ) mais aussi Chiarina, surnom de Clara
Wieck (Allegro suivi d’un Presto ), pianiste virtuose, fille de son professeur de piano et qui deviendra son épouse.

C’est aussi une époque pendant laquelle la bourgeoisie et le capitalisme prennent le dessus.
Une bourgeoisie cultivée qui fait vivre l’art par le soutien qu’elle apporte aux artistes et par la pratique instrumentale,
surtout celle du piano, au sein même du cercle privé, en particulier dans les salons des familles bourgeoises.
Ce tableau de Joseph Danhauser « Franz Liszt au piano », est une pure fiction.
Il est très romantique par les éléments qui le compose :

La notion de salon, de concert privé autour du piano


Le ciel que l’on voit par la
fenêtre est tourmenté, gris,
Le portrait de Lord Byron et nuageux

Victor Hugo Buste de Beethoven

Des camélias, fleurs


Rossini tient Paganini romantiques par
par l’épaule excellence (Ref. à la dame
aux camélias d’ A.Dumas, fils)
Alexandre Dumas père
Liszt dans une position
Dans le fauteuil, George romantique, joue la «
Sand, habillée en homme Marche funèbre sur la mort
et fumant un cigare du héros » de Beethoven

Le narguilé, intérêt Aux pieds de Liszt, Marie


pour l’orient d'Agoult, sa maîtresse
Le piano, un instrument
romantique
Le piano de Schumann Le piano est apparu dans la seconde moitié du XVIIIe siècle
et a peu à peu supplanté le clavecin .
Au cours du XIXe siècle, l’instrument allait subir un certain nombre d’améliorations :
◦ Invention en 1823 du double échappement par S. Erard, célèbre facteur de piano parisien, qui
permet une plus grande rapidité d’exécution
◦ Élargissement du clavier de 5 à 7 octaves ¼
◦ Puissance et solidité renforcées
◦ Invention également de pianos de toutes sortes, droits, à queue, hybrides…

Les romantiques en firent leur instrument de prédilection en raison


◦ De ses possibilités expressives : nuances, toucher, expression…
◦ De sa double vocation : d’instrument de salon convenant aux évocations intimes et se suffisant à
lui-même ou seul en concert (Apparition du récital pour piano seul, inconnu avant 1800) mais aussi
capable de s’opposer à tout un orchestre dans un concerto.
Les compositeurs romantiques aiment écrire pour l’instrument

· soit des formes plus libres, courtes, et souvent de caractère improvisé : impromptus, préludes,
nocturnes etc., parfois aussi descriptives (Liszt, Schumann), particulièrement à leur place dans les salons
de l’époque. D’ailleurs une grande part de la littérature de piano est destinée à l’usage privé.
· Soit des concerti pour piano et orchestre, destinés aux salles de concerts et qui leur permettaient de
donner libre cours à une expression souvent débordante.
Les compositeurs :
Schubert, Mendelssohn, Brahms et surtout les trois grands maîtres qui sont Schumann, Chopin et Liszt.
Ces trois derniers adoptent des approches différentes :
▪ L’œuvre de Schumann est plus axée vers la poésie et la littérature
▪ L’œuvre de Chopin appartient à la musique pure au sens le plus intransigeant du terme
▪ L’œuvre de Liszt est suscitée soit par les problèmes de virtuosité, soit par des prétextes
extra-musicaux (folklore, paysages…)
Robert Schumann
(Swickau, 1810- Endenich près de Bonn, 1856)

Musicien allemand de la 1ère moitié du XIXe siècle.


Son père, éditeur très cultivé, le soutient dans ses doubles aptitudes, littéraires et musicales (Il lui offre d’ailleurs pour
ses 16 ans un piano à queue viennois).
La bibliothèque familiale regorge, en plus de nombreuses partitions, de volumes littéraires : Byron traduit par Schumann père
lui-même, Shakespeare, Schiller, Goethe, Hoffmann et Jean Paul.
Sa vocation musicale est soutenue par son père, mais non par sa mère, elle-même pourtant musicienne mais qui s’opposait à
cette carrière.
Sa vie est parsemé de décès qui ébranle son âme sensible, la mort prématuré de son père, en 1826, à l’âge de 53 ans et
le suicide de sa sœur la même année; celles d’un de ses frères et d’une belle sœur aimée en 1832 et son fils qui
meurt en 1847 à l’âge d’un an…
En 1828, il part à Leipzig étudier le droit, choix imposé par sa mère et son tuteur, tout en suivant l’enseignement
pianistique de F Wieck. Par la suite, il tombera amoureux de Clara, la fille de son professeur qui s’opposera à leur
union. Il doit attendre 1840 pour l’épouser après une action en justice.
Il renonce à sa carrière de pianiste et se tourne vers la composition et la critique musicale.
D’un caractère dépressif, il sombrera peu à peu et terminera ses jours dans une clinique psychiatrique.
Les œuvres de Schumann
Pianiste avant d’être compositeur, il n’écrit tout d’abord que pour cet instrument, faisant de lui un des grands
maîtres du piano romantique aux côtés de Chopin et Liszt.
D’une écriture moins spectaculaire, ses œuvres sont souvent inspirées par la littérature et on ne trouve que des
chefs-d’œuvre de formes libres : Les opus 1 à 23, 26, 28 et 32; les Variations « Abegg » (1830); Papillons (1831); Carnaval dont
la composition commence en décembre 1834 et s’achève l'été suivant en 1835 ; Fantaisies op 12 (1837) Etudes symphoniques
(1837), Scènes d’enfants (1838); Humoresque (1838); Kreiskeriana (1838); Fantaisie en ut (1838); Novelettes (1838)
A partir de 1840 les œuvres uniquement pour piano deviennent beaucoup plus rares et éparses et jalonnent
discrètement la seconde partie de sa carrière. De plus il s’exprime dans des cadres plus conventionnels (forme
sonate) et dans une écriture néo-classique :
3 Sonates pour piano; sonates pour violon et piano; 1 concerto pour piano; les 2 konzertstucke avec orchestre; quatuor avec piano;
quintette avec piano
Schumann va également s’intéresser à la voix à travers le lied, qui combine son goût pour la littérature et le piano.
Il écrit entre autres 2 cycles de lieder Amour et vie d’une femme (Chamisso) et Les amours du poète (Heine).
Il aborde également le domaine orchestral ( concertos et symphonies) dans lequel sans manque d’expérience est
compensé par une richesse mélodique des thèmes et des élans lyriques..
Leipzig
La ville de Leipzig, autour des années 1830 est la deuxième ville de Saxe après Dresde, la capitale. C’est une
ville riche intellectuellement et commercialement : Elle possède une université renommée depuis fort
longtemps où les fils Bach, Goethe, Leibniz y ont étudiés, des centaines de librairies, des maisons d’
éditions et journaux parmi lesquels des journaux de musique. De plus, trois foires annuelles attirent de
nombreux visiteurs dans cette ville.
En 1828, Schumann jeune musicien de 24 ans y vient pour étudier le droit à l’université…mais sans
conviction, et surtout la musique. Il prend des cours de piano avec Friedrich Wieck, professeur renommé,
et des leçons de contrepoint et de théorie avec le chef d’orchestre de l’opéra.
En 1832, il ne peut poursuivre sa carrière de pianiste à cause de la mutilation d’un doigt qu’il s’est infligé et
se tourne alors vers la composition. En 1833, la perte d’êtres chers le plonge dans une profonde
dépression.
Mais dès février 1834, Schumann fonde un journal qui parait deux fois par semaine, La nouvelle revue
musicale qui lui demande un énorme travail même si Schumann a un réel talent de plume et de plus, il
commence une nouvelle œuvre qu’il intitule Carnaval.
La crise de 1833
Malgré les encouragements de son professeur Wieck, Schumann doute de ses capacités à devenir un pianiste virtuose
à cause d’études tardives qui laissent trop de lacunes à combler. Il assiste aux progrès foudroyants de la petite Clara, la
fille de son professeur et demeure subjugué devant la virtuosité du célèbre violoniste Paganini.
Désespéré, Schumann en 1832, a l’idée saugrenue de travailler avec le médius de sa main droite maintenu immobile
par une ligature afin d’assurer l’indépendance du problématique quatrième doigt. Le troisième doigt paralysé met fin
définitivement à l’espoir d’une carrière de pianiste.
A cela s’ajoute deux deuils venus raviver encore les deuils anciens de son père et de sa sœur : celui de Julius, l’un de
ses frères, mort de la tuberculose, et celui de Rosalie, sa belle-sœur Rosalie, victime de la malaria et à laquelle il était
tendrement attaché. La crise éclate en 1833, la peur de devenir fou, et qu’il décrit en ces termes :
« Ceci se passait en été 1833, je me sentais alors rarement heureux. J’étais tenu en mince estime et par surcroît je perdis l’usage
de la main droite pour jouer du piano ; la mélancolie qui pesait sur moi depuis la mort d’un frère chéri allait augmentant. J’
étais dans ces dispositions quand j’appris la mort de Rosalie. Dans la nuit du 17 au 18 octobre, je fus envahi soudain par la plus
terrifiante pensée qui puisse venir à un homme, la plus terrifiante que le Ciel puisse infliger comme châtiment, la crainte de perdre la
raison. Elle s’empara de moi avec une violence telle que toute consolation, toute prière se taisaient, devenaient pareilles à de
méprisantes railleries. Tout éperdu, tout craintif, je m’en fus chez un docteur, je lui dis tout : que je perdais souvent le sens et ne savais
où me réfugier, dans mon angoisse, que dans un de ces moments d’impuissance, j’attenterais à ma vie. »
Schumann, l’écrivain
Rétabli, Schumann lance en avril 1834, un périodique - qui existe toujours- la Neue Zeitschrift für Musik.
L'introverti et peu loquace Schumann se révèle alors un critique musical brillant, alternant l'humour, le sarcasme et
l'éloge. Ses articles sur Schubert, Berlioz, Chopin… restent des modèles de critique poétique, d'autres comme ceux qu'il
écrit sur Meyerbeer sont d'une ironie et d'une virulence rares.
Il signe ses articles des pseudonymes Florestan et Eusebius, s’inspirant des héros du roman Flegeljahre de Jean Paul, les
jumeaux Vult et Walt aux caractères opposés, un stratagème pour donner vie à ses articles en introduisant un dialogue
entre deux personnages aux avis divergents.
Schumann, dans cette revue, met également en scène une confrérie, les Davidsbundler (Les Compagnons de David,
faisant référence à David et ses compagnons de la Bible, partis en guerre contre les philistins ). Il s’agit ici d’un groupe
d'amis compositeurs et écrivains qui s’oppose aux gardiens d’un ordre musical rétrograde.
On y retrouve entre autres Maître Raro (Friedrich Wieck), Zilia (sa fille Clara) et Eusebius, rêveur introverti, et Florestan,
passionné et combatif (les doubles de Schumann), ainsi que des membres d'honneur comme Chopin et Paganini.
A propos de cette confrérie, Schumann écrit : « elle n’a jamais existé que dans le cerveau de son fondateur. Pour exposer tour à
tour des points de vue divers sur les questions d’art, il ne me sembla pas mauvais d’inventer des caractères d’artistes en opposition les
uns avec les autres, dont Florestan et Eusébius seraient les plus marquants, avec maître Raro comme conciliateur ».
Le carnaval
La place du carnaval dans l'histoire culturelle allemande est légendaire :
Période de désinhibition qui précède le carême, et dans laquelle on peut tout faire, tout clamer sans craindre
de représailles, parce qu’on y avance masqué. Ainsi les personnifications insolites vont s’y multiplier :
bossus, contrefaits, masques doubles mi-homme mi-femme…
C’est aussi le lieu de la danse, des bals masqués, du laisser-aller et de la frivolité.

Par la manière même de se cacher derrière un masque, chacun révèle également sa nature profonde.
C'est le thème romantique par excellence, puisqu'il exprime la dualité de la personne, l'incertitude dans la
connaissance de soi, la hantise du Djoppelgànger, le jumeau maléfique.
Dans L’œuvre de Schumann, Carnaval, op. 9, le masque que portent les personnages musicaux devient la
manifestation de la nature double (Doppelnatur) de l'être humain, un aspect dont Schumann était conscient
déjà en 1831, soit trois ans avant la composition du Carnaval :
« J'ai parfois le sentiment que mon humanité objective veut se séparer complètement de ma subjectivité, ou
comme si je me trouvais entre mon existence et mon apparence, entre la forme et l'ombre. »
Flegeljahre (L’Âge ingrat)
de Jean-Paul Richter
Schumann s’inspire de ses lectures pour ses créations musicales.
Pour Carnaval, il puise son inspiration dans le livre Flegeljahre (L’Âge ingrat), de Jean-Paul Richter, son auteur de
prédilection et dans lequel, dans le dernier chapitre, l’auteur décrit l’atmosphère d’un bal masqué et sa
succession de visions brèves et fantastiques, qui se suivent dans un désordre apparent.
Une autre inspiration issu de ce roman est celle jumeaux, Walt et Vult, aux caractères opposés (le premier
timide et rêveur et le deuxième farceur et insolent) qui échangent leurs masques pour mettre à l’épreuve Wina,
la jeune femme aux « paroles ailées du désir [Papillons] qui s’échappent en polonais de ses lèvres » et qu’ils
aiment tous les deux. Ces deux personnalités contrastées donneront naissance aux « masques » de Schumann à
travers Eusébius et Florestan.

Schumann y fait déjà référence dans une œuvre antérieure, Les Papillons, op 2 (1829-1831) , une suite de pièces
pour piano représentant également un bal masqué.
Schumann écrit le 17 avril 1832 : « priez-les de lire la scène finale de L'âge ingrat de Jean Paul dès que possible, et
dites-leur que les Papillons sont en fait supposé traduire le bal costumé en son, et demandez-leur si peut-être quelque chose
de l'amour angélique de Wina, la nature poétique de Walt et l'âme vive de Vult sont bien retranscrit dans les Papillons ».
Miniature ou « pièce caractéristique »
Au XIXe siècle, les compositeurs ne se contentent plus de « musique pure » Si, au travers l'histoire de la musique,
(qui n’est pas porteuse de sens et qui s’appuie sur des formes préétablies et on peut trouver des éléments
rigides imposées par la période classique et aboutissant à des titres précurseurs dans les intitulés
génériques comme sonate, concerto, symphonie … ) et sont de plus en plus imitatifs ou descriptifs de certaines
chansons polyphoniques de la
préoccupés de délivrer une idée, un message au travers de leur musique et
Renaissance comme Le chant des
éveiller l'imaginaire de l'interprète et de l'auditeur. oiseaux ou La guerre de Cl. Janequin,
Ainsi au piano, la miniature ou « pièce caractéristique » va se développer ou encore chez des compositeurs
au cours du siècle. Elle a pour caractéristique d’être porteuse d’un titre à baroques comme J.P. Rameau et sa
pièce de clavecin La poule, Vivaldi et
teneur souvent poétique, conditionnés par la peinture ou la poésie
ses Quatre saisons, ou à l’époque
(Aquarelle, Humoresque), parfois plus fantaisiste ou plus hermétique. classique avec la symphonie L’horloge
Schumann, avec son Carnaval, nous propose un cycle de 21 miniatures. de J. Haydn - le romantisme semble
Les pièces caractéristiques ne sont pas uniques dans sa production pour redéfinir la nature de l'intitulé qui
n’est plus dans la description mais qui
piano : Il signe également d’autres œuvres aux titres évocateurs comme
peut éveiller une idée, engendrer un
Papillons,, Kreisleriana, Scènes de la forêt, Arabesque, Humoresque, climat, produire une émotion et
Fantaisie, Novellettes… provoquer l'imaginaire.
1. Préambule
2.
3.
4.
Pierrot
Arlequin
Valse noble
Carnaval,
5.
6.
Eusebius
Florestan
suite de 21 pièces pour piano
7. Coquette Bien que l'œuvre comporte 22 titres, seulement 21 pièces sont
1. Réplique numérotées dans le manuscrit de Clara Schumann.
Sphinxs
« Sphinxs » n’est pas numéroté, ni joué (comme indiqué dans le manuscrit).
9. Papillons
10. A.S.C.H. S.C.H.A. Y a-t-il un jeu de numérologie comme le pratiquait Bach?
(Lettres dansantes) - Le titre n° 10, qui se place environ au centre de l’œuvre, trouve son sens
11. Chiarina
dans les 3 motifs de 3 et 4 notes, placés sous le titre Sphinxs, un jeu sur
12. Chopin
13. Estrella les lettres-notes de ASCH comme le pratiquait Bach avec son propre nom.
14. Reconnaissance - 21, un chiffre parfait, présent dans la littérature de Bach et qui vient de
15. Pantalon et Colombine la multiplication de 2 autres chiffres parfaits 7 et 3.
16. Valse allemande - 7, la Coquette, la fiancée du moment, « Estrella » ou Ernestine et qui
17 Paganini régit l’œuvre par son motif inspiré de sa ville natale ASCH?
18. Aveu - 3 comme le nombre de motifs dans Sphinxs ?
19. Promenade - 9, chiffre parfait et qui vient de la multiplication de 3 par 3, qui a pour
20. Pause titre Papillons, déjà exploité dans une œuvre antérieur, l’opus 2, et qui
21. Marche des Davidsbündler
renvoie aussi à l’univers du Carnaval …
contre les Philistins
Les personnages du Carnaval de Schumann
Dans l’idée du bal masqué, les différentes pièces, très courtes, se suivent et présentent une galerie
de personnages, qui se croisent, se rejoignent, se séparent…
La composition musicale de Schumann réunit :
- les personnages allégoriques de la commedia dell’arte (Pierrot, Arlequin, Pantalon et Colombine)
- des personnages réels mais à la désignation relevant du masque (Eusebius [Schumann], Florestan
[Schumann], Chiarina [Clara Wieck] et Estrella [Ernestine von Fricken])
- des personnages réels sans masque (Chopin et Paganini)
Le Carnaval est donc en partie autobiographique : sous certains masques se cachent des amis
et compositeurs qu’il estime, ses amours et lui-même.
- On trouve également des situations propres à la fête, comme Valse noble, Valse allemande, sorte
d’hommage à Schubert que Schumann semble ressusciter à travers ces pages.
- Et d’autres situations liées au carnaval comme Aveu, Promenade et Reconnaissance, ce dernier étant
l'un des jeux favoris des bals masqués.
1. Préambule
2. Pierrot
3.
4.
Arlequin
Valse noble Échos…Doubles…Dualités?
5. Eusebius
6. Florestan
7. Coquette Les titres des pièces de Carnaval vont souvent par paires.
8. Réplique Successifs ou dissociés, ils se font mutuellement écho dans le recueil :
Sphinxs Valse noble (4) et Valse allemande (16)
9. Papillons
10. A.S.C.H. S.C.H.A. Coquette (7) et sa Réplique (8)
(Lettres dansantes) Pierrot (2) et Arlequin (3) , d’un côté le rêveur et de l’autre le fantasque.
11. Chiarina
12. Chopin
Deux masques de de la Commedia dell’arte aux personnalités opposées.
13. Estrella Une dualité qui n’est pas sans rappeler celle des doubles de Schumann :
14. Reconnaissance Eusebius (5) et Florestan (6)
15. Pantalon et Colombine
16. Valse allemande Colombine (15) issu de la commedia dell’arte se dédouble, en
17 Paganini Chiarina (11) (Clara, la future épouse) et Estrella (13) (Ernestine von Fricken,
18. Aveu la fiancée de l’époque)
19. Promenade
20. Pause Sont présents également deux musiciens admirés par Schumann et aux univers
21. Marche des Davidsbündler musicaux éloignés : Chopin(12) et Paganini (17)
contre les Philistins En reprenant de larges fragments du Préambule (1) dans la Marche des
Davidsbündler (21) , Schumann donne aussi à son œuvre une forme cyclique.
« Scènes mignonnes sur quatre notes ».
C’est le sous-titre de l’ œuvre!
Le titre original allemand de cette œuvre était Fasching : Schwànke auf 4 Noten.
L'éditeur français Schlesinger souhaitait un titre plus approprié et plus séduisant pour le public
parisien. Schumann a donc modifié le titre en gardant la traduction de Fasching qui signifie Carnaval
et en transformant Schwanke (farces, bouffonneries ou anecdotes) en scènes mignonnes.
L'expression « scènes mignonnes » affaiblit le caractère du mot Schwànke mais sans doute que
Schumann l’a fait sciemment car la langue intellectuelle et littéraire de l'Allemagne, au début du XIXe
siècle, était encore le français.
Schumann nous propose donc des tableautins, une sorte de « théâtre » exprimé en musique, validant
du même coup l'esprit de la fête propre au carnaval et justifiant la présence des personnages de la
commedia del’arte. La musique rend donc ce que le sous-titre annonce.
Mais quelles sont ces quatre notes?
Sphinxs, un des 22 titres de ce cycle nous en donne la clé!

.
Sphinxs
Après la 8e pièce, sous le titre de Sphinxs ( titre repris du manuscrit avec le « s »),
Schumann présente des rébus de lettres-notes, non destinés à être joués :

Dans la mythologie égyptienne, le terme « sphinx » serait dérivé du sanskrit स्थग, sthag, en pali thak,
signifiant « dissimulé ».
Les représentations de sphinx égyptien, statues de pierre, sont généralement associées au rôle de
gardien des tombes royales ou des temples religieux.
Les sphynx de Schumann seraient-ils les gardiens de cette suite pour piano et révéleraient
ainsi la clé « dissimulée » dans les diverses pièces de l’œuvre?
Ce qui est sûr, c’est que ces rébus gouvernent l’œuvre dont ils fournissent les motifs pour pratiquement chaque
personnage ou tableau.
En allemand, les lettres correspondent également à des notes musicales :
Ainsi Bach utilisera parfois son nom comme motif dans certaines de ses pièces :

Schumann se prête également à ce jeu et s’en explique : « Je viens de me rendre compte que Asch est un nom très
musical, que les mêmes lettres se retrouvent dans mon nom, et [qu'elles] sont les seules musicales ».
Asch, petit village de Bohême près de Leipzig, dont est originaire Ernestine von Fricken, la fiancée du moment de Schumann.
Elle était alors élève comme lui de Friedrich Wieck, son professeur de piano.
Utiliser le motif musical de son village est en quelque sorte lui dédier cet ouvrage. Après la rupture de ses fiançailles, Schumann
décide de dédier Carnaval au violoniste Carol Lipinski.

S n’est pas une note mais Es ( qui peut être prononcé également « s ») indique un bémol.
ASCH peut donc se traduire musicalement de 2 façons :
As(lab) - C(do) - H(si) 3 notes
A(la) - S ( à traduire par Es = mib) – C(do) – H(si) 4 notes
Le Sphinx 1 correspond aux quatre lettres musicales de SCHUMANN et ne sera pas utilisé dans l’oeuvre.
S (Es = mib) - C(do) - H(si) – UM - A(la) - NN
Dans pratiquement chaque pièce, il insère ce
motif, utilisant d’abord la formule à quatre notes
: la - mi bémol - do - si puis à partir de Sphinx
celle à trois notes : la bémol - do - si.

Formant souvent les premières notes de la pièce


comme un élan initial, parfois glissé de manière
plus cachée, ce court motif mélodique est le fil
conducteur du recueil.

Sur le plan tonal, l’ouvrage se divise en deux pans


toujours autour de Sphinx et autour d’une
progression irrégulière de quinte en quinte :
- La première partie (de 1 à 8) : globalement deux
quintes ascendantes Lab – Mib - Sib
- La deuxième partie, à travers une progression
de quinte descendante Mib – Lab - (Réb)
La Danse
Version chorégraphiée
En 1910, Carnaval est repris par les Ballets russes de Serge Diaghilev dans une version orchestrale de, entre
autres, Rimksi-Korsakov et Glazounov, le chorégraphe Michel Fokine et Léon Bakst pour les décors et costumes.
Fin de la première partie

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