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Introduction

Le lied (lieder au pluriel), signifie « chanson » ou « chant » en langue allemande. D'abord


polyphonique, prenant son origine dans les chants ecclésiastiques et populaires allemands du
XVIe siècle, le lied devient progressivement un chant à une seule voix et trouve son
aboutissement au XIXe siècle.

I-Définition

Un lied (littéralement un chant, pluriel : lieder1 ou quelquefois lieds, sans prononcer le s)2 est
un poème germanique chanté par une voix, accompagné par un piano ou un ensemble
instrumental.

Un lied étant une pièce musicale courte, le genre lied est considéré comme faisant partie de la
petite forme, par opposition avec des genres tels que la symphonie qui eux sont désignés sous
le nom de grande forme.

II-Histoire DU LIED
À l’origine, les lieder étaient des chants ecclésiastiques allemands populaires (source du
choral luthérien lors de la Réforme luthérienne au XVIe siècle). On trouve d’abord trois ou
quatre voix en polyphonie fondées sur des mélodies populaires ou de cours existantes. Les
voix inférieures de cette polyphonie sont très souvent confiées à des instruments, tandis que
seule la voix supérieure demeure chantée. C’est à partir de 1530 que l’on trouve des lieder à
une seule voix, de forme strophique (alternance couplet/refrain) et qui ressemblent à la
canzonetta italienne, tout en gardant un texte en allemand.

Ce genre musical est l’équivalent allemand de la mélodie française, bien qu’il y ait de
nombreuses différences. Tout d’abord, dans le temps ; le lied est à son apogée alors que la
mélodie française balbutie encore et peine à acquérir ses lettres de noblesse. On peut
considérer qu'Emmanuel Chabrier, Gabriel Fauré, Henri Duparc, Ernest Chausson, Claude
Debussy, Reynaldo Hahn (et d'autres, dont accessoirement Gabriel Dupont) en sont les
principaux représentants. À la même époque, en Allemagne, Mahler et Richard Strauss
composent depuis longtemps. Une autre différence est le fait que le lied soit d’origine
populaire (Volkslied) avant de s'académiser. A contrario, la mélodie est un genre savant dès le
départ. Le fait que l’on utilise le terme allemand lied souligne bien le développement et
l’importance qu’a eue ce genre en Allemagne et en Autriche, depuis les grands cycles de
Schubert3 jusqu’aux Gurre-Lieder d'Arnold Schönberg qui totalisent presque deux heures de
musique et monopolisent un orchestre gigantesque.

Parmi les compositeurs de lieder célèbres, on trouve notamment : Franz Schubert (environ
650 lieder4), Robert Schumann, Richard Wagner, Johannes Brahms, Hugo Wolf, Alma
Mahler, Gustav Mahler, Richard Strauss, Arnold Schönberg, Alban Berg (et accessoirement
Othmar Schoeck).

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III-Formes DU LIED

 Le lied strophique simple : le lied est dit strophique quand il respecte la structure en
strophes du poème. Dans le lied strophique simple, la musique pour chaque couplet est
identique. Cela implique une plus grande concentration, mais peut induire un caractère
monotone. Comme la même musique se répète pour chaque strophe, le rythme ainsi
que la prosodie des strophes suivantes peuvent se combiner moins bien avec une
musique composée généralement pour la première. Il est donc adapté à des poèmes à
la prosodie très régulière. Exemples : Wiegenlied (Berceuse) de Brahms ou Auf dem
Wasser zu singen (À chanter sur l’eau) de Schubert. Les lieder strophiques simples de
Schubert se caractérisent par une mélodie qui sait s’adapter à l’expression de
sentiments variés.

 Le lied strophique varié : la structure du poème est respectée mais des modifications
sont induites dans la ligne mélodique ou dans l’accompagnement. Cela s’éloigne de
l’esprit du Volkslied mais permet une cohésion plus fine entre la musique et les
différentes strophes comme dans Das Rosenband de Richard Strauss. Les grandes
ballades de Carl Loewe utilisent fréquemment la forme strophique variée.

 Le lied à composition continue (en allemand : durchkomponiert) : la musique se


renouvelle à chaque strophe, contrairement à la rigidité de la forme strophique. Il y a
donc deux distinctions à faire : le renouvellement constant de la musique et une
homogénéité à travers l’œuvre. C’est le cas d'Erlkönig (Le Roi des Aulnes) de
Schubert.

 Les formes tripartites ou Barform : la Barform AAB, serait issue du choral luthérien et
serait un héritage direct des poètes du Moyen Âge par exemple : Die Forelle (La
Truite) ou Die Stadt (La ville) de Schubert. On trouve également la forme lied ABA :
sa période initiale est reprise après un épisode central contrastant.

 La forme Rondo : cette forme est bâtie sur l’alternance couplet/refrain. Comme dans la
forme strophique, on note une même musique pour les refrains, mais une
interprétation différente ainsi qu’une ritournelle pianistique entre chaque strophe qui
fait office de couplet, comme : Gretchen am Spinnrade (Marguerite au rouet) de
Schubert.

 La forme symétrique ABCB'A' : elle permet d’obtenir une unité globale très forte,
ainsi qu’une liberté plus importante. Cette forme est par contre assez peu utilisée dans
le lied. Un exemple est Schäfers Klagelied (la Plainte du berger) de Schubert.

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IV-LES GRANDS NOMS DU LIED
Schubert restant à ce jour l’un des compositeurs ayant le plus écrit de lieder, il est une des
figures majeures et incontournables de l’histoire du lied, avec des pièces célèbres, comme Die
Forelle (« La truite »), écrite en 1817. Nous la découvrirons chantée par le célèbre baryton
allemand Dietrich Fischer-Dieskau. À sa suite, Mahler innove en accompagnant
les Kindertotenlieder (« Chants des enfants morts»), non plus d’un piano, mais d’un orchestre.
Composés entre 1901 et 1904, ces chants sonneront comme un présage funeste à la mort de sa
fille Maria en 1907.

Franchissant le XXe siècle, le lied connaîtra une dernière heure de gloire grâce à Richard
Strauss qui composera, l’année précédant sa mort, les quatre derniers Lieder pour soprano et
orchestre en 1948. Honorant le cycle de la vie, ce testament musical marquera la fin de la
musique romantique en Europe.

Intrinsèquement lié à l’Allemagne, le lied n’en a pas moins inspiré d’autres genres musicaux à travers
l’Europe. La mélodie française, illustrée par des grandes figures comme Berlioz, Fauré ou Debussy, en
présente des parentés, tant par les thèmes que par la forme. Écoutons ensemble un passage
des Nuits d’été de Berlioz et comparons-le au lied.

Les œuvres en détail:

Franz Schubert, Die Forelle

Franz Schubert composa plus de 600 lieder, « poèmes chantés » qui feront sa renommée. En
1817, il compose un lied inspiré d’un poème de Christian Schubart, dénommé « La Truite »,
soit « Die Forelle » en allemand. L’été suivant, il joue cet air à son hôte, le mécène Sylvester
Paumgartner, dans sa résidence de Steyr, en Autriche. Sous le charme, ce dernier propose au
compositeur d’en faire un quintette, comme une variation autour de ce chant. Schubert, bien
entendu, répond immédiatement à la demande du mécène…

Franz Schubert, Winterrerise

Schubert composa cet ensemble de 24 lieder en 1827, un an avant sa mort. Il met en musique
des poèmes de Wilhelm Müller. Dans ce cycle bouleversant de l’histoire de la musique, il
évoque le chagrin d’amour, la solitude, les souvenirs de bonheur dans un présent triste et
mélancolique. Dès le Bonne nuit, premier chant, le décor est planté. Les croches continues
évoquent le mouvement, le départ du poète, le rythme harmonique bascule à contre-temps,
témoin de l’âme sans repère de l’amoureux déçu.

Friedrich Glück, In einem kühlen Grunde

Il s’agit de l’œuvre la plus populaire du compositeur Friedrich Glück (1793-1840), inspirée


d’un poème de 1814 d’Eichendorff intitulé Das zerbrochene Ringlein (l’anneau brisé) connu
de tous les germanophones comme In einem kühlen Grunde, premiers vers de la première
strophe qui se traduisent par : Dans la vallée glaciale. Chanson populaire, elle fait partie du
répertoire de tout chanteur de lieder.

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Gustav Mahler, Chants des enfants morts

Entre 1901 et 1904, Mahler mit en musique cinq des poèmes de son compatriote Rückert. Ce
dernier avait écrit ces textes à la mort de ses deux enfants. Alma, épouse de Mahler lui
reprocha de se plonger dans la composition d’un sujet si lugubre alors qu’ils tentaient de
fonder une famille. La mort de sa fille, Maria, en 1907 exposa, par infortune, le compositeur à
la douleur qu’il avait évoquée dans cette œuvre. Mahler innove avec cette œuvre, créant un
recueil de lieder non plus pour voix et piano mais pour voix et orchestre.

Gustav Mahler, Le cor enchanté de l’enfant

Pour cette pièce, Mahler s’inspire d’un recueil de textes et chants populaires germaniques
(Volkslieder) : Des Knaben Wunderhorn. Ces textes nous plongent au cœur de l’Allemagne
romantique : légendes médiévales, héros (Tannhäuser, Charles Quint, Chevalier de Saint-
Georges). Composé en 1893, en même temps que ces symphonies, il est chargé d’une force
orchestrale, mêlant grandes émotions et passages humoristiques.

Richard Strauss, Quatre derniers Lieder

Richard Strauss écrivit des lieder toute sa vie, la plupart destinés à son épouse, Pauline,
soprano. Ce dernier recueil, composé un an avant sa mort, en 1948. Nous écoutons le radieux
Printemps inspiré d’un poème d’Hermann Hesse. La première eut lieu en 1950, après sa mort,
au Royal Albert Hall de Londres.

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V-CONCLUSION

Au cours de sa vie, Franz Schubert a composé plus de 600 lieder. Ces poèmes, chantés en
langue allemande et accompagnés au piano ou par un ensemble instrumental, sont
indissociables de l’histoire du romantisme allemand. Sublimant la poésie à travers le chant et
l’accompagnement musical, le lied exprime l’âme du romantisme européen. Comme une
plongée dans les tableaux de Caspar David Friedrich, il nous fait voyager dans un univers de
paysages lointains, de truites remontant les rivières, de jeunes filles au printemps… Laissez-
vous emporter par les sublimes voix de Dietrich Fischer-Dieskau, Leontyne Price, Elisabeth
Schwarzkopf ou encore Christa Ludwig.

'Le plus bel instrument, le plus vieux, le plus vrai, la seule origine à laquelle notre musique
doit son existence, c'est la voix humaine.'

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