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L’enfant (Jules Vallès)

… J’ai été puni un jour : c’est, je crois, pour avoir roulé sous la poussée d’un grand,
entre les jambes d’un petit pion qui passait par là, et qui est tombé derrière par-dessus tête ! Il
s’est fait une bosse affreuse, et il a cassé une fiole qui était dans sa poche de côté ; c’est une
topette de cognac dont il boit — en cachette, à petits coups, en tournant les yeux.
On l’a vu : il semblait faire une prière, et il se frottait délicieusement l’estomac. — Je
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suis cause de la topette cassée, de la bosse qui gonfle… Le pion s’est fâché.
Il m’a mis aux arrêts ; — il m’a enfermé lui-même dans une étude vide, a tourné la
clef, et me voilà seul entre les murailles sales, devant une carte de géographie qui a la
jaunisse, et un grand tableau noir où il y a des ronds blancs et la binette du censeur.
Je vais d’un pupitre à l’autre : ils sont vides — on doit nettoyer la place, et les élèves
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ont déménagé.
Rien, une règle, des plumes rouillées, un bout de ficelle, un petit jeu de dames, le
cadavre d’un lézard, une agate perdue.
Dans une fente, un livre : j’en vois le dos, je m’écorche les ongles à essayer de le
retirer. Enfin, avec l’aide de la règle, en cassant un pupitre, j’y arrive ; je tiens le volume et je
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Il est nuit.
Je m’en aperçois tout d’un coup. Combien y a-t-il de temps que je suis dans ce livre ?
— quelle heure est-il ?
Je ne sais pas, mais voyons si je puis lire encore ! Je frotte mes yeux, je tends mon

20 regard, les lettres s’effacent, les lignes se mêlent, je saisis encore le coin d’un mot, puis plus
rien.
J’ai le cou brisé, la nuque qui me fait mal, la poitrine creuse ; je suis resté penché sur
30 les chapitres sans lever la tête, sans entendre rien, dévoré par la curiosité, collé aux flancs de
Robinson, pris d’une émotion immense, remué jusqu’au fond de la cervelle et jusqu’au fond
du cœur ; et en ce moment où la lune montre là-bas un bout de corne, je fais passer dans le
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ciel tous les oiseaux de l’île, et je vois se profiler la tête longue d’un peuplier comme le mât
du navire de Crusoé ! Je peuple l’espace vide de mes pensées, tout comme il peuplait
l’horizon de ses craintes ; debout contre cette fenêtre, je rêve à l’éternelle solitude et je me
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demande où je ferai pousser du pain…
La faim me vient : j’ai très faim.
Vais-je être réduit à manger ces rats que j’entends dans la cale de l’étude ? Comment
faire du feu ? J’ai soif aussi. Pas de bananes ! Ah ! lui, il avait des limons frais ! Justement
j’adore la limonade !
Clic, clac ! on farfouille dans la serrure.
Est-ce Vendredi ? Sont-ce des sauvages ?
C’est le petit pion qui s’est souvenu, en se levant, qu’il m’avait oublié, et qui vient
voir si j’ai été dévoré par les rats, ou si c’est moi qui les ai mangés.

Après avoir lu le texte répondez aux questions suivantes :

1. Qui a puni le narrateur ?


Le petit pion
2. Selon l’enfant il y a deux raisons pour lesquelles il a été puni, quelles sont-elles ?
Utilisez le texte pour les expliquer.
Pour avoir fait tomber le pion et surtout parce que dans sa chute sa topette (fiole) de
cognac s’est cassée.
Pour aller plus loin : En effet le pion buvait en cachette, cette chute le met en mauvaise
posture et dévoile son secret. C’est pour cela que la punition est sévère.
3. La salle d’étude vous parait-elle accueillante ? Justifiez votre réponse avec des
éléments du texte.
La salle d’étude ne parait pas du tout accueillante, les murs sont sales, et tout est vieux, le
tableau noir n’est plus blanc, la carte de géographie est toute jaune. La place doit est
nettoyée car il n’y a plus d’élève dans cette classe.
4. Pendant son examen de la salle, le narrateur fait une trouvaille. De quoi s’agit-il ?
Expliquez pourquoi selon vous cela est intéressant ?
Un livre : Robinson Crusoé. C’est un roman d’aventure de Daniel Defoe. Comme il n’y a
rien à faire dans l’étude un roman d’aventure peut occuper le temps.
5. Comment le narrateur fait-il comprendre son intérêt pour cet objet ? Quels types de
sensations ressent-il ?
D’abord la nuit est tombée sans qu’il s’en rende compte cela signifie que livre était
intéressant et donc que le temps est passé rapidement. Il essaye de lire malgré la nuit et
comprend que ce n’est pas possible, il ‘aperçoit qu’il a mal partout et qu’Il est pris d’une
émotion intense : « J’ai le cou brisé, la nuque qui me fait mal, la poitrine creuse ; je suis
resté penché sur les chapitres sans lever la tête, sans entendre rien, dévoré par la curiosité,
collé aux flancs de Robinson ».
6. Qui est Robinson Crusoé ? (Vous pouvez faire des recherches sur internet mais utilisez
vos propres mots pour expliquer).
C’est le héros d’un roman d’aventure qui porte le même nom. Il fait naufrage sur une île
apparemment déserte.
7. Lignes 29 à 34. L’enfant décrit un paysage alors qu’il est dans une salle d’étude et
qu’il fait nuit, on comprend qu’il utilise ses souvenirs pour le faire, de quoi se
rappelle-t-il ?
Il se souvient de ce qu’il vient de lire, il est encore dans l’ambiance de l’histoire, il la revit
à sa manière. Il transforme ce qu’il voit comme si lui-même était en train de vivre une
aventure.
8. Ligne 36-37. Pourquoi le narrateur parle-t-il d’une « cale » de la salle d’étude ?
Il compare la salle d’étude à la cale d’un bateau, celle où on enfermait les prisonniers.
9. Ligne 40. Le narrateur n’explique pas qui est Vendredi, connaissez-vous ce
personnage ? A quelle histoire fait-il référence ?
Vendredi est un personnage du livre Robinson Crusoé. C’est un indigène cannibale et
Robinson le nome Vendredi en référence au jour où il l’a rencontré.
10. Jules Vallès est un auteur qui a écrit plusieurs livres autobiographiques quels en sont
les titres ? Comment appelle-t-on une série de trois livres ?
Les trois livres autobiographiques sont :
- L’Enfant
- Le Bachelier
- L’Insurgé
Il s’agit d’une trilogie.

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