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Tréma

58 | 2022
Penser l'inclusion au prisme du plurilinguisme

Innovation en didactique du plurilinguisme


inclusif pour des allophones
Fatima Chnane-Davin, Karima Gouaïch et Jessyca Tretola

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/trema/7793
DOI : 10.4000/trema.7793
ISSN : 2107-0997

Éditeur
Faculté d'Éducation de l'université de Montpellier

Référence électronique
Fatima Chnane-Davin, Karima Gouaïch et Jessyca Tretola, « Innovation en didactique du
plurilinguisme inclusif pour des allophones », Tréma [En ligne], 58 | 2022, mis en ligne le 30 septembre
2022, consulté le 14 avril 2023. URL : http://journals.openedition.org/trema/7793 ; DOI : https://
doi.org/10.4000/trema.7793

Ce document a été généré automatiquement le 14 avril 2023.

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Innovation en didactique du plurilinguisme inclusif pour des allophones 1

Innovation en didactique du
plurilinguisme inclusif pour des
allophones
Fatima Chnane-Davin, Karima Gouaïch et Jessyca Tretola

Introduction
1 En France, les dispositifs appelés Unités Pédagogiques pour Élèves Allophones Arrivants
(UPE2A), des classes-monde désignées auparavant par classes d’accueil ou dispositifs
d’accueil et d’intégration, scolarisant des élèves allophones, constituent un microcosme
des contextes multilingues et multiculturels avec une hétérogénéité de parcours
scolaires et d’âges des élèves. De ce fait, une inclusion scolaire réussie de l’élève
allophone met l’enseignant au défi de composer avec les diverses formes de pluralités.
En l’absence de programme et de formation adéquate (Mendonça, Azaoui et Chnane-
Davin, 2020 ; Rigoni, 2020), les voies de l’inclusion scolaire provoquent insécurité
(Jeannin, 2020) et souffrance chez les enseignants (Azaoui, 2020). Elles deviennent
moins incertaines devant la créativité et l’innovation pédagogique dont nombre
d’enseignants font preuve (Nicolas, 2016). Partant de vecteurs communs au groupe-
classe tels que le plurilinguisme et le pluriculturalisme, l’enseignant peut s’appuyer sur
les approches plurielles (Candelier, 2003) comme ressource didactique innovante et
inclusive au service de l’apprentissage de la langue de scolarisation (Verdelhan-
Bourgade, 2002). Toutefois, dans un espace d’ouverture au plurilinguisme aussi grand
que la classe-monde – avec des langues-cultures souvent éloignées du français, voire
éloignées entre elles – nous pouvons nous interroger sur l’efficience des modalités de
mise en œuvre de ces approches plurielles en termes d’inclusion scolaire.
2 Nous nous interrogeons dans cette contribution sur les pratiques d’enseignants de
français en classe d’UPE2A. L’objectif est d’étudier la prise en compte et la valorisation
des langues premières des élèves allophones dans l’apprentissage du français langue de
scolarisation, de réfléchir sur les implications pédagogiques et didactiques que suppose

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cette prise en compte. Nous nous intéressons aux enseignants qui mettent en place ou
pas une didactique inclusive du français (Miguel-Addisu, 2020) afin de comprendre les
relations, voire les tensions entre plurilinguisme, inclusion et innovation pédagogique
et répondre aux questions suivantes :
• La valorisation et la prise en compte des langues des élèves peuvent-elles être considérées
comme une innovation pédagogique ?
• L’inclusion visant à favoriser l’appropriation du français langue de scolarisation par les
élèves peut-elle passer par l’innovation pédagogique ?
• Quelles relations voire tensions entre plurilinguisme, inclusion et innovation pédagogique
apparaissent dans les pratiques des enseignants ?
3 Nous répondrons à ces questions en nous appuyant d’abord sur un cadre institutionnel
et un cadre théorique qui discutent les notions d’allophonie, d’inclusion et d’innovation
pédagogique notamment par les langues premières des élèves allophones en relation
avec la didactique des langues, du français et du plurilinguisme. Dans un deuxième
temps, nous présenterons la méthodologie puis les résultats d’une recherche à partir de
deux corpus : un questionnaire sur les représentations des enseignants concernant
plurilinguisme, l’inclusion linguistique et l’innovation pédagogique ainsi que l’analyse
de l’expérimentation d’un dispositif innovant visant à inclure les langues premières des
élèves dans l’apprentissage du français aux élèves allophones nouvellement arrivés
(désormais EANA). Nous discuterons ces résultats dans la conclusion afin de formuler
quelques propositions pour une didactique inclusive du français.

Inclusion scolaire et prise en charge des EANA


4 Si dans les années 70 on parlait d’insertion, d’intégration des élèves nouvellement
arrivés1 qui ont été généralement scolarisés dans des classes d’accueil fermées ce n’est
que dans les années 20002 qu’on a commencé à se préoccuper de leur intégration dans
les classes ordinaires et de leur double inscription à la fois dans le dispositif d’accueil et
dans la classe ordinaire correspondant à leur âge. On va alors passer de l’intégration à
l’inclusion scolaire, ce qui va nécessiter des approches didactiques plus adaptées
articulant français langue étrangère, langue seconde et langue de scolarisation. Celui-ci
va occuper une place importante et on parlera alors dans les textes officiels de « langue
instrumentale des différentes disciplines » où l’inclusion dans les classes ordinaires va
être considérée comme « la modalité principale de scolarisation » (MENESR, 2012). En
2009, suite au rapport de l’Inspection Générale (Klein et Sallé, 2009), les EANA ont été
catégorisés comme élèves à besoin éducatifs particuliers (EBEP). Quant à leur origine, le
rapport retrace l’histoire de l’immigration depuis le XIXème siècle en passant par celle
des pays de l’Europe centrale et de l’Est, l’Europe du Sud, le Maghreb et l’Afrique Noire.
En arrivant en France, et depuis les lois Jules Ferry (1881 et 1882), le droit à
l’instruction et l’obligation scolaire s’applique à tout enfant résidant en France, sans
qu’il soit fait mention de sa nationalité. Avec le pic de l’immigration en 1972 et le
regroupement familial en 1975, la scolarisation des nouveaux arrivants devient une
question vive. De nouvelles populations (Protasi, 2021) non francophones sont
également arrivées, en fuyant la guerre et la misère, d’Irak, de Somalie, de Libye, du
Yémen, de la Syrie, etc. et dernièrement de l’Afghanistan.

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Allophonie et inclusion

5 Sur le plan institutionnel, plusieurs dispositifs (Davin-Chnane, 2008) vont se succéder


avec des confusions dans les appellations de primo-arrivants à EANA allant jusqu’à
désigner des Français par la même appellation, ceux de Mayotte, par exemple. Les
EANA sont considérés comme différents sur le plan linguistique et culturel et ils ont
besoin d’être inclus dans une classe ordinaire. Pour rappel, l’inclusion jusqu’à une date
récente concernait les élèves en situation de handicap. Aujourd’hui, comme l’explique
Bouquet (2015) « « l’éducation inclusive » recherche le passage d’un système
d’éducation intégrative à un système inclusif » (p. 6). Du handicap, le concept s’est
élargi à d’autres publics ; on parle alors de « l’inclusion sociale des femmes, l’inclusion
sociale des jeunes, l’inclusion sociale des enfants, l’inclusion sociale des migrants,
l’inclusion sociale des Roms... » (op.cit., p. 7). On ne peut donc que se demander si les
élèves allophones sont concernés par l’inclusion. Apparemment, oui puisque « l’école
inclusive se veut en effet une rupture face à la scolarisation séparée de certains publics.
C’est une école pour tous les élèves, quel que soit leur besoin » (Bauer et al., 2019, p. 20)
mais nécessite une adaptation des pratiques et de l’innovation pédagogique pour
répondre aux besoins de communication, de scolarisation et culturels. Thomazet (2006,
p. 19), explique bien que le passage de l’« intégration » à l'« inclusion » implique une
évolution dans la manière dont l'école accueille les élèves. De ce fait, depuis 2012, le
concept d’inclusion ne s’applique plus seulement aux élèves en situation de handicap
mais également à tous les élèves à « besoins éducatifs particuliers » parmi lesquels les
élèves allophones. Comme il est mentionné sur le site de Eduscol 3, la mise en œuvre de
l’École inclusive pour les EANA repose sur des principes partagés par l'ensemble des
acteurs de l'éducation tel que le renouvellement des pratiques pédagogiques. On peut
s’interroger sur ce qu’il y a derrière ce dernier principe. Qu’est-ce que l’École inclusive
a changé sur le plan didactique pour la prise en charge des EANA ? Quelles innovations
pédagogiques en termes d’inclusion des langues premières comme médiatrices dans
l’apprentissage du et en français dans le cadre de la valorisation du capital plurilingue et
pluriculturel ? Or, si la réflexion avance sur le plan institutionnel, celle sur la formation
des enseignants est à repenser ... La formation initiale à la prise en charge des EANA
demeure le parent pauvre malgré les réformes (Mendonça, Azaoui et Chnane-Davin,
2020). Quant à la formation continue, souvent organisée dans le cadre du Plan
académique de formation (PAF) ou par le CASNAV, est fréquemment intégrée dans le
pôle des EBEP.

Allophonie et didactique des langues


Allophonie et médiation par les langues en présence

6 Les travaux sur la scolarisation des EANA se sont intéressés aux langues en contact mais
celles-ci sont souvent restées en dehors de la classe. Pourtant, le concept
d’« allophonie » renvoie bien à l’idée d’une autre langue que celle de la société
d’accueil. Avec l’entrée par la biographie langagière (Cuq, dir. 2003), « allophone » est
devenu le terme usuel pour parler des EANA et du plurilinguisme. On a souligné
plusieurs fois qu’inscrire l’enseignement-apprentissage du français en situation de FLS
(Chnane-Davin, Félix et Roubaud, 2011) ne signifie pas que cette langue occupe
forcément le rang 2 dans la liste des langues connues par l’apprenant. Certains arrivent

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plurilingues avant même d’être scolarisés en France. Par conséquent, une didactique du
plurilinguisme (Billiez, 2011) est nécessaire pour gérer les situations de classe et
accompagner les apprenants dans l’apprentissage du français tout au moins dans les
UPE2A. Comme l’expliquent Stratilaki-Klein et Nicolas (2020), les EANA eux-mêmes
« catégorisent les langues, les statuts des langues, les situations sociolinguistiques et
didactique de manière plurielle » (p. 145). Si l’accompagnement lors de la scolarisation
n’est pas mis en place, un déséquilibre dans le contact des langues peut être constaté
lors de la valorisation de la langue de la société d’accueil et la marginalisation de la
(des) langue (s) d’origine. Or, cet accompagnement qui mènerait à la réussite scolaire et
sociale des allophones ne peut se faire que si les enseignants sont formés à la didactique
du plurilinguisme sans discriminer les langues non dominantes sous prétexte qu’elles
représentent un obstacle à l’apprentissage. Il ne s’agit aucunement de former à toutes
les langues de la classe mais d’initier aux spécificités des langues et de les utiliser
comme médiatrices et d’accompagner les enseignants dans la compréhension de
l’interlangue (Lüdi et Py, 2003) de leurs élèves qui se construit via les langues en
présence. De ce fait, la médiation4 par les langues connues des élèves, liée à la
compétence plurilingue et pluriculturelle (le CECR, 2018) occupe une place importante
dans le contexte des UPE2A lors des activités langagières communicatives et de
scolarisation. Nous pensons qu’une didactique du plurilinguisme inclusif est alors
possible si les enseignants acquièrent des connaissances sur les langues de leurs élèves.

Didactique inclusive du français et didactique du plurilinguisme


inclusif

7 La diversité linguistique et culturelle, de plus en plus prégnante dans les classes,


réactualise la réflexion sur l’enseignement du français langue de scolarisation en
contact avec d’autres langues. Nombre de chercheurs se penchent alors sur les intérêts
d’une didactique du plurilinguisme qui mobilise les langues étrangères, qu’elles soient
familiales et/ou scolaires, en vue de faciliter l’appropriation du français langue de
scolarisation (Billiez, 2011 ; Coste, 2013).
8 Spécifiquement pour les élèves allophones, se pose la question des relations entre
plurilinguisme et inclusion scolaire autour de la didactique inclusive (Auger, 2020), la
didactique inclusive du français (Miguel Addisu, 2020) et la didactique du
plurilinguisme inclusif (Stratilaki Klein et Nicolas, 2020). Le point commun de ces
didactiques est l’enseignement-apprentissage du français langue de scolarisation à
travers la reconnaissance et la prise en compte du répertoire pluriel de l’élève
allophone.
9 Pour Miguel-Addisu (2020), une dynamique d’inclusion nécessite que la langue de
scolarisation soit apprise en complémentarité avec les langues et les cultures des
élèves. Cela requiert de la part de l’enseignant d’alterner des approches plurielles et
singulières de la langue de scolarisation. Autrement dit :
une didactique inclusive du français serait fondée sur des liens dialectiques entre
des moments d’approches spécifiques, singulières (travail dans la langue de
scolarisation) et des moments d’approches plurielles (travail dans /avec plusieurs
langues et/ou cultures présentes dans la classe) (p. 160).
10 Selon cette auteure (ibid.), une pédagogie du translanguaging (Garcia, 2017 ; Narcy-
Combes et alii, 2019) serait une réponse tout à fait intéressante voire indispensable car

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elle tient compte de l’ensemble des répertoires de l’élève. Elle montre que ces
pratiques, qui reposent sur des interactions exolingues et s’appuient sur l’ensemble du
répertoire plurilingue de l’élève, surgissent entre pairs de façon illégitime ou peuvent
être initiées par l’enseignant de classe ordinaire. Quant à Auger (2020), elle constate
que les discours institutionnels autour de l’allophonie et de l’inclusion, les didactiques
du français et du plurilinguisme n’atteignent pas les pratiques. Elle propose diverses
pistes intéressantes pour favoriser l’inclusion des élèves allophones, et en particulier
en s’appuyant sur deux approches :
• L’inclusion linguistique qui consiste à identifier, reconnaître, accepter, valoriser les
ressources langagières des élèves plurilingues et proposer des activités qui vont mobiliser
ces ressources, pas seulement pour le plaisir de les valoriser, mais aussi pour aider à
construire d’autres apprentissages, par exemple en français.
• L’inclusion langagière qui repose sur le transfert d’une langue à l’autre (vers le français en
priorité) et permettre aux élèves allophones d’utiliser leurs compétences plurilingues afin
d’être inclus dans toutes les tâches (notamment en classe ordinaire). Cette autorisation de
l’emploi des langues (Young et Mary, 2016) peut se réaliser à un niveau micro (utilisation
d’un mot/phrase) ou macro (utilisation tout au long de l’activité).
11 Pour Stratilaki-Klein et Nicolas (2020) une didactique du plurilinguisme inclusif se
fonde sur la reconnaissance de tous les plurilinguismes : le plurilinguisme lié aux
langues majoritaires et minoritaires, et en particulier les langues de la migration. Pour
ces auteures, la prise en compte du plurilinguisme de l’élève allophone est nécessaire
dans son appropriation de la langue de scolarisation et va au-delà de la compétence
communicative. Elle repose sur certaines conditions :
• donner le temps à l’élève allophone d’acquérir sereinement des connaissances en leur
permettant d’utiliser leurs langues premières comme des ressources potentielles ;
• reconnaitre les singularités et les pluralités de l’élève allophone dans l’inclusion scolaire à
travers sa biographie langagière, sa trajectoire et son histoire de migration ainsi qu’à travers
ses diverses expériences de la compétence plurilingue et pluriculturelle.

Innovation pédagogique en DDL

12 L’inclusion des allophones et la didactique du plurilinguisme peuvent être réussies en


s’inscrivant dans une logique didactique basée sur l’innovation pédagogique et la mise
en œuvre de dispositifs en séance(s) plurilingue(s). L’innovation correspond à une
démarche selon laquelle une novation est mise en œuvre dans un milieu donné (Bédard
et Béchard, 2009). Il ne s’agit pas d’inventer, mais de « revisiter » les méthodes et les
modalités d’application (Bédard et Béchard, 2015) « dans les classes du passé » (Besse,
2016).
13 En didactique des langues et culture, à travers le temps, les politiques éducatives,
économiques et scientifiques, ont pu définir l’innovation comme véhiculant l’idée de
progrès (Debono, 2016). Les institutions humaines et les systèmes éducatifs doivent
évoluer car elles appartiennent à des systèmes « faisant partie d’environnements
vivants » (Tricot, 2017) qui sont par conséquent évolutifs. En ce sens, l’innovation
correspond donc à une adaptation de cette évolution. Pour ce même auteur, pour qu’il
y ait innovation, il faut qu’il y ait un effet durable de la modification des pratiques
enseignantes dans un milieu donné afin d’avoir des effets sur les tâches réalisées par les
élèves. Selon Cuq (dir., 2003), il s’agit « d’un concept, un objet ou une technique perçue

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comme une nouveauté, et qui a été créé afin de combler un manque ou d’améliorer
complètement ou partiellement une situation jugée insatisfaisante. » (p.131). De plus,
selon Puren (2021), l’innovation liée à des expérimentations d’un nombre limité
d’enseignants doit donner lieu à un changement durable, une généralisation et une
pérennisation de celles-ci dans des classes dites « ordinaires ».
14 La prise en compte d’un milieu pluriethnique et plurilingue permet la mise en œuvre de
pratiques innovantes de la part des enseignants, adaptant ainsi leur enseignement aux
élèves allophones. En classe de langues, l’innovation peut revêtir plusieurs formes. En
effet, les enseignants ont souvent recours à des stratégies ou des techniques pour
impliquer les élèves dans la tâche. Une de ses formes relève d’activités ludiques. Dans
une perspective actionnelle promue par le CECR (2001), en FLE ou en FLS, le jeu serait
également un outil pédagogique au service de l’enseignement/apprentissage de la
langue. Selon Silva (2019), « se développe, en parallèle, une montée de la
« gamification » – entendue comme l'extension du ludique à des domaines censés en
être exclus (Silva, 2019, en ligne) –, ayant comme effet le développement théorique et
pratique de l'apprentissage basé sur le jeu et comme corollaire une transformation des
représentations et des pratiques associées à l'enseignement et à l'apprentissage des
langues en général et des langues étrangères en particulier. Cette « gamification » ou
« ludicisation » s’accompagne souvent de nouvelles technologies.
15 La démarche de projet peut être également considérée comme une innovation. Elle met
l’apprenant en « action » dans le cadre des définitions de pédagogie active. Puren
(2011) décrit cette démarche comme une action complexe dans laquelle les apprenants
doivent s’impliquer collectivement pour concevoir (définition des
objectifs), planifier (répartition des tâches), réaliser (contrôler la bonne mise en œuvre à
travers des activités métacognitive), évaluer (les objectifs et les critères de réussite
définis au départ). « Le « projet pédagogique » relève de finalités qui peuvent être
définies par les trois concepts de mobilisation, responsabilisation et autonomisation à la fois
individuelles et collectives des apprenants. En même temps, il doit rester un instrument au
service de la poursuite des objectifs langagiers et culturels. » (Puren, 2011, p. 2). Tricot
(2017), quant à lui, donne une conclusion positive sur la pédagogie de projet,
définissant également cette démarche comme innovante, même si les apprenants
peuvent être confrontés à des difficultés à « apprendre ensemble, à s’organiser, à
communiquer ou à utiliser un outil informatique ou numérique ». (p. 127). La
didactique des langues a su, à travers le temps, utiliser les nouvelles technologies ou
des « techniques matérielles » exploitées à des fins didactiques (Besse, 2016). Ces
nouvelles « techniques matérielles » ont donc pu développer une certaine innovation
en didactique des langues exploitables dans des classes comme les UPE2A.

Méthodologie
16 C’est la mise en œuvre de l’inclusion linguistique et langagière dans l’enseignement de
la langue de scolarisation que nous interrogeons dans cet article. À travers le
questionnaire, nous décrivons comment les enseignants la mettent en œuvre et s’ils
introduisent des innovations didactiques et notamment numériques. L’expérimentation
nous permet d’observer les effets d’une telle inclusion, les leviers susceptibles de
mettre en relation le plurilinguisme de la classe avec les répertoires plurilingues de
chaque élève.

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Le questionnaire

17 Afin de recueillir les représentations des enseignants relatives aux concepts de


plurilinguisme, d’inclusion scolaire et d’innovation pédagogique, un questionnaire a été
réalisé, proposé en mai 2021 et complété par 63 enseignants d’UPE2A d’écoles
élémentaires, de collèges et lycées.
18 En ce sens cette étude repose sur la méthode de l’enquête (Vilatte, 2007), permettant
également d’interroger les pratiques déclarées des enseignants quant à la mise en
œuvre de leur enseignement sur les mêmes concepts et la prise en compte « des
caractéristiques du maître par rapport à sa pratique » (Dupin de Saint-André,
Montésinos-Gelet et Morin, 2010). Le questionnaire a été soumis de manière anonyme,
en ligne aux différents participants. Nous présenterons les principales questions, les
résultats et les interprétations concernant ce questionnaire.

L’expérimentation

19 La partie qui porte sur les pratiques in situ concerne l’expérimentation d’un dispositif
innovant visant à inclure les langues premières des apprenants dans l’enseignement-
apprentissage du français langue de scolarisation. L’innovation pédagogique concerne
ici le renouvellement d’une réflexion sur l’inclusion des langues premières des élèves
dans l’enseignement du français (Cortier et Puren, 2008). L’expérimentation a été
menée dans deux UPE2A (désormais classes A et B) de 2 deux écoles REP situées dans le
centre-ville de Marseille5. L’expérimentation, effectuée dans le cadre du projet Erasmus
KA+ Xenios Zeus6 (Gouaïch, Azaoui et Roubaud, 2020), a été réalisée par deux
chercheuses dont Gouaïch (désormais C1). C’est cette dernière qui a conduit les séances,
la seconde chercheuse (désormais C2) co-animait. Les enseignants des deux classes
d’UPE2A ainsi qu’une conseillère pédagogique ont assisté à cette expérimentation.
20 Les élèves ont entre 9-12 ans (classe A) et 7-10 ans (classe B). Les élèves de la classe A
viennent d’Albanie (Aurela, Hyqmet, Klaudja), d’Algérie (Ishaq, Maroua, Rania),
d’Arménie (Aram) et du Maroc (Loudjaine). Outre leur langue d’origine, certains élèves
ont des compétences dans d’autres langues qui correspondent parfois à des langues
apprises dans un premier pays d’émigration, avant d’arriver en France 7. C’est le cas
d’Aram (arménien et russe), d’Aurela (albanais et anglais), de Loudjaine (arabe et
espagnol), de Marwa (arabe et italien) et de Rania (arabe, allemand et italien). Les
élèves de la classe B viennent d’Algérie (Kayane et Soujoud), de Mayotte (Mohamed) et
de Nouvelle-Guinée (Sérifou). Deux élèves alloglottes (Gouaïch, 2018) sont nés en France
et ont des origines turques (Kadir et Yagmur)8. Les élèves de cette classe parlent
respectivement l’arabe, le shimaoré et le turc.
21 Lors des deux séances, un livret d’accueil pour enfants (Gouaïch, 2020) qui présente la
ville de Marseille est projeté au tableau pour servir de support à des activités
langagières orales et écrites. Les élèves participent à plusieurs activités d’expression
orale, de lecture de mots écrits dans plusieurs langues et de production écrite (écrire
son prénom, les langues connues ainsi qu’un mot retenu au cours de la séance).
22 Le corpus se compose des transcriptions liées à l’activité d’écriture : du prénom
accompagné des langues connues, en plus du pays correspondant à ces langues
(seulement pour la classe B). Tout au long de cette activité, les langues des élèves et les

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compétences développées au sein de ces langues sont explicitement sollicitées et


fortement valorisées. L’activité s’inspire de la démarche « Comparons nos langues »
(Auger, 2005). Ce corpus est complété par la transcription des entretiens menés avec les
enseignants d’UPE2A et la conseillère pédagogique, les productions écrites des élèves
(effectués lors de l’expérimentation et au cours de l’année). L’analyse consiste à étudier
les rôles, les responsabilités des acteurs (chercheurs-élèves et entre pairs) au cours des
interactions didactiques, ainsi que le contenu linguistique de leurs discours.

Résultats
Le questionnaire
Inclusion et plurilinguisme

Quelle définition d’une personne plurilingue vous semble la plus appropriée ?


Sur les 63 enseignants9, 14 d’entre eux pensent que la définition d’une personne
plurilingue la plus appropriée est d’avoir la compétence d’un locuteur natif dans
deux ou plusieurs langues alors que 49 d’entre eux pensent qu’il s’agit d’utiliser deux
langues dans la vie de tous les jours.
Avez-vous recours aux langues maternelles de vos élèves dans votre enseignement du
français ?
Les enseignants participant au sondage déclarent s’appuyer majoritairement sur la
langue maternelle de leurs élèves. La place de la langue maternelle des élèves dans les
enseignements des professeurs occupe donc une place importante. Lorsque ces
mêmes enseignants sont interrogés sur les modalités essentielles favorisant
l’inclusion des élèves allophones, 34 d’entre eux estiment qu’il faut, dans un premier
temps, inscrire cette inclusion dans le projet d’établissement, travailler en équipe et
mettre en œuvre des outils et des projets communs avant de prendre en compte la
langue maternelle de l’élève allophone dans l’apprentissage du français. Pour ces
enseignants, il semble que l’inclusion des élèves allophones repose en premier lieu
sur l’établissement et l’équipe éducative avant l’utilisation des langues maternelles.
De quelles façons utilisez-vous les langues maternelles de vos élèves ?
90 % des enseignants interrogés déclarent avoir recours à la comparaison des langues
maternelles des élèves avec le français, surtout au niveau grammatical, s’appuyant
sur la comparaison des structures et la traduction. Il semble donc que les enseignants
utilisent la langue maternelle des élèves allophones afin de les inclure dans les
apprentissages favorisant potentiellement une réflexion métalinguistique.

Innovation pédagogique : technologie numérique et ludique

Utilisez-vous le numérique pour enseigner le français au contact des autres langues ?


Si oui, à quelles fins (compréhension orale, écrite, lexique, phonologie, interculturel...) ?
Dans les pratiques déclarées des professeurs, le numérique est majoritairement
utilisé. Les technologies leur semblent propices, à la compréhension orale dans un
premier temps puis à la phonologie dans un second temps. Le travail du lexique et de
la culture arrivent en dernière position. Le numérique est donc exploité à des fins
didactiques (Besse, 2016) et vise des objectifs langagiers. Les outils les plus
fréquemment utilisés par ces enseignants sont les tablettes. Cependant, l’artefact

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n’est pas le seul élément numérique déterminant (Audran et Dazy-mulot, 2019). Les
sites internet sont largement exploités, en particulier les sites consacrés à
l’enseignement du FLE (comme par exemple, le point du FLE, les Zexperts,
TV5Monde). Des applications de création numérique comme « Book creator » ou
« Puppet pals » sont également désignés comme des appuis faisant ainsi appel à la
créativité de leurs élèves.
23 De plus, les enseignants se servent du jeu pour la mise en œuvre de leur enseignement.
À la question concernant les activités mises en œuvre dans les classes, les activités sont
souvent ludiques et en particulier ludiques et numériques. Le manque de matériel
numérique et technologique relevé par certains empêche la mise en œuvre des
enseignements à ce niveau ainsi qu’un manque de formation à l’utilisation des outils et
des supports. Nous pouvons constater que le ludique donc occupe une place importante
dans les activités proposées (Silva, 2013).

La pédagogie de projet

Mettez-vous en place des projets innovants pour enseigner le français aux élèves
allophones ?
Plus de la moitié des enseignants du sondage disent mettre en place des projets
innovants. La majorité des projets déclarés par les enseignants sont des projets
utilisant la vidéo, le théâtre et les projets d’écriture. Le numérique est quasiment cité
dans toutes les mises en œuvre de projets « innovants ». Pour les enseignants ayant
répondu ne pas mettre en œuvre de projet innovant, quatre d’entre eux s’/nous
interrogent sur la définition d’innovation10 tandis que plusieurs d’entre eux ne
pensent pas pouvoir en réaliser à cause de leur manque d’expérience ou de temps. Il
apparaît donc que la notion d’innovation, comprenant de nombreuses définitions,
soit perçue de manière différente par les enseignants de terrain.
24 L’analyse des réponses montre donc qu’une bonne majorité des enseignants ayant
participé ont recours à de l’innovation pédagogique et/ou technologique dans leur
enseignement. Même si la plupart d’entre eux rencontrent des difficultés à donner une
définition à l’innovation (cf. paragraphe supra) ils mettent en œuvre des dispositifs
permettant d’inclure les élèves allophones dans les enseignements. Ils déclarent le plus
souvent mobiliser la comparaison des langues et la pédagogie de projet, prenant appui
sur des outils numériques exploités à des fins didactiques et langagières. L’innovation
se réalise donc au niveau pédagogique, s’appuyant souvent sur les nouvelles
technologies.

L’expérimentation

25 L’analyse montre les potentialités de la prise en compte des compétences plurilingues


des élèves. En effet, l’activité d’écriture permet à certains élèves allophones de produire
une réflexion métalinguistique sur les langues, de se positionner en tant que locuteurs
plurilingues et de mettre leurs compétences plurilingues au profit de la classe.
Cependant, nous allons voir que cette prise en compte révèle aussi des limites qui nous
incitent à suggérer des précautions et à réfléchir à des pistes pédagogiques et
didactiques nécessaires dans la mise en œuvre d’une didactique du plurilinguisme
inclusif.

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Innovation en didactique du plurilinguisme inclusif pour des allophones 10

Des potentialités : le métalangage

26 Lors de l’activité d’écriture, C1 demande aux élèves d’écrire sur une feuille blanche leur
prénom dans les langues qu’ils connaissent. L’objectif est de les amener à comparer des
systèmes graphiques.
C1 : Vous allez pouvoir écrire toutes les langues que vous connaissez + parce que parfois
regardez + regardez Marwa tu as écrit en quelle langue ?
Marwa : français
C1 : et là
Marwa : arabe
C1 : non juste en bas
Marwa : Italie
C1 : en italien + vous avez vu c’est les mêmes caractères + alors si j’écris + regardez + si je
prends l’exemple de Marwa (C1 écrit au tableau) elle a écrit Marwa en français + elle a écrit
Marwa en italien + vous avez vu
Marwa : c’est la même chose + c’est mes deux prénoms
27 C1 s’appuie sur les travaux des élèves pour mener une réflexion sur les langues : ici,
l’existence d’un alphabet commun entre le français et l’italien.

L’expertise des apprenants

28 Ainsi encouragée, la comparaison des langues conduit les élèves à mettre en relief les
différences graphiques qui existent entre les langues, surtout lorsque les systèmes se
distinguent nettement. Les productions de certains élèves montrent une
retranscription fine des différences entre les langues, comme le montre le tableau
suivant :

Tableau 1 : Écriture des prénoms en langues

Élève Langue 1 Langue 2

Aurela Aurela (albanais) Aurela’s (anglais)

Serifou Serifou (africain de Guinée) Serife (français)

Hyqmet Hyqmet (albanais) Ikmet (français)

Isaac Ishaq (arabe) Ishak (français)

29 Pour montrer sa connaissance de l’anglais, Aurela emploie le ‘s de la possession afin de


différencier cette écriture avec l’albanais. Les différences que marquent les autres
élèves se situent au niveau phonétique. Ces élèves montrent leurs capacités à extraire
un son et le comparer entre deux systèmes phonétiques.
30 Les élèves sont aussi capables de mener des réflexions métalinguistiques sur les
langues, comme le montre l’extrait suivant :
C 1 : tu t’appelles Ishaq (C1 prononce le prénom en arabe)
élève : Isaac ! + Isaac !

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Innovation en didactique du plurilinguisme inclusif pour des allophones 11

Marwa : (s’adresse à Loudjaine) Ishaq bil’ arabiya + ma i goulouch al ha wal qa + i


goulou + Isaac + Isaac11
C1 :oui + c’est ça (Extrait séance, classe A)
31 Lorsque C1 prononce le prénom d’Ishaq en arabe, un élève qui se positionne en tant
qu’expert, corrige cette prononciation en indiquant celle couramment utilisée en
classe, c’est-à-dire la prononciation en français. En effet, elle s’appuie sur la
prononciation du prénom en arabe et en français et précise d’une part, que les
phonèmes [ḥ] et [q] de l’arabe n’existent pas en français, et d’autre part que le
phonème [q] est remplacé par le [k]. Ce moment verbalisé à haute voix est validé par
C1. Cette réflexion sert seulement aux élèves dont l’arabe fait partie du répertoire.
32 L’activité conduit à d’autres réflexions fructueuses et qui servent à l’ensemble de la
classe, comme dans les extraits suivants :
Aram : en anglais + oui ça veut dire yes + en Arménie + ça veut dire je
C1 : Vous avez entendu ce que dit Aram + quand on dit yes + en anglais + ça veut dire je +
en arménien (en écrivant au tableau) yes en anglais + ça veut dire je + yes pour dire oui + ça
veut dire je en arménien + vous avez vu ce qu’on a découvert + c’est joli ! (Extrait séance,
classe A)
Kayane : En arabe + il y a deux langues + il y a la langue de la route et la langue de
l'école
C1 : Il y a la langue de la route + c'est joli comme expression ! + donc ce qu'il veut dire par là
+ c'est la langue qu'on parle dehors
Kayane : et de l'école
C1 : et bien écoutez + ici en France + et d'ailleurs dans tous les pays + d'ailleurs + souvent il
y a la langue de la route + la langue + qu'on va dire + de dehors + on va pas dire de la rue +
et il y a la langue de l'école + celle qu'on doit maîtriser + qu'on doit bien connaître + d'accord
+ la langue de la route + elle est un peu plus décontractée + n'est-ce pas ? (Extrait séance,
classe B)
33 On voit dans cet extrait que les apprenants soumettent leurs réflexions à leurs pairs
ainsi qu’au chercheur afin de co-construire des connaissances. Dans ces interactions, ce
dernier accompagne les élèves dans la verbalisation, en approfondissant leurs idées. En
cela, ces élèves occupent une position d’expert. Partant d’une des langues de leurs
répertoires, Aram et Kayane font profiter de leurs réflexions métalinguistiques sur les
langues à l’ensemble de la classe. Aram établit des relations sémantiques entre sa
langue et l’anglais, l’une des langues en présence. Il constate l’homonymie du terme yes
dont le sens diffère selon la langue. Kayane évoque la diglossie de la langue arabe. C1
profite de cette dernière réflexion pour expliciter qu’il s’agit d’une règle universelle
mais en faisant référence cette fois-ci à la variation langagière qui traverse les langues.
Cet extrait montre qu’il est possible de s’appuyer sur la singularité linguistique
observée par l’élève pour le faire cheminer vers un métalangage sur les langues et
comme dans ce cas lui faire observer la pluralité langagière inhérentes aux langues.

Quelques limites

34 Solliciter les langues premières des élèves ne produit pas toujours l’effet escompté et
révèle certaines limites. Les stratégies pédagogiques utilisées « sur le tas » permettent
de réfléchir aux précautions à prendre dans une démarche plurilingue inclusive.

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Innovation en didactique du plurilinguisme inclusif pour des allophones 12

Contester

35 Valoriser les connaissances et les compétences de l’apprenant, lui attribuer la position


d’expert peut avoir des conséquences positives. Dans la classe B, on assiste à un aparté
au cours duquel un élève interroge Soujoud sur la signification d’une phrase en arabe.
Avant cela, C1 a validé la réponse en arabe de Soujoud. Agissant ainsi, C1 légitime les
connaissances linguistiques de cette élève qui est, de fait, reconnue experte dans la
langue par son pair. En revanche, dans la classe A, un aparté entre deux élèves montre
que cette expertise peut être contestée :
Rania : et moi je parle quatre langues (…) je parle quatre langues ++ je je + je parle
français + je parle arabe + je parle Italie + je parle allemand
Élève : tu parles pas allemand
Rania : oui j’te jure + je parle allemand
Élève : vas-y parle alors
Rania : ich bin xxx ah ah ah ah ! + Ich bin xxx
36 Rania doit faire preuve de ses compétences en allemand pour acter sa connaissance de
la langue et s’en sort plutôt bien. Elle va même jusqu’à défier son camarade « ah ah
ah ! ». Cet extrait montre que les élèves ont parfois besoin « d’affirmer » leur
plurilinguisme et que les rapports entre élèves au sujet des langues ne sont pas toujours
bienveillants. Nous mettons ces comportements en lien avec l’âge des élèves.

Résister

37 L’inclusion des langues premières des élèves peut aussi se heurter aux résistances des
élèves, comme le montre l’extrait suivant :
Kadir : Oh ! Non ! On va pas écrire en turc
38 C1 : C'est comme vous voulez

C2 : Pourquoi ?
Kadir : Je sais pas écrire en turc
C2 : C'est pas grave !
Kadir : Et vous allez rigoler !
C1 : Ah non ! Jamais + au contraire nous on trouve que connaître d'autres langues
c'est une richesse + on ne va pas se moquer !
Conseillère péda : T'as vu cette image négative + pourtant les cultures sont revalorisées +
hein !
C1 : Allez + bien + c'est comme tu veux + en tout cas vous écrivez dans les langues que
vous voulez + que vous souhaitez
El : Tous les pays ?
C1 : oui + tout ce que vous savez faire
Kadir : en arabe ? + je connais en arabe
C1 : beh alors écris toutes les langues que tu connais

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39 Kadir ne veut pas rentrer dans la démarche. Notons que cette limite a déjà été signalée
(Alaoui, 2007) au sujet de la comparaison des langues. L’élève justifie son refus par le
fait qu’il ne sait pas écrire en turc et que donc il se fera moquer. Il décide par
conséquent d’écrire en arabe, une langue dans laquelle il développe des compétences :
dans sa production écrite, il mentionne son prénom en français et en turc, puis une
phrase plurilingue composée d’éléments en arabe, turc et français. Il rencontre des
difficultés pour rentrer dans la démarche par rapport aux relations identitaires
conflictuelles qu’il semble entretenir avec sa langue première 12. Nous constatons cela
lors de l’expérimentation : son discours est ponctué de contradictions. Cela est
confirmé dans l’entretien avec son enseignant qui nous informe que le discours et le
comportement de Kadir reflètent des sentiments paradoxaux envers son pays et sa
langue d’origines. Les résistances de Kadir montrent la nécessité de laisser l’élève
choisir d’entrer ou pas dans la démarche, comme dans l’extrait suivant :
C1 : Est-ce que Kadir veut nous chanter une chanson en turc ? Non ? Yagmur une chanson
en turc ? Sérifou + tu vas nous chanter une chanson ? Je suis sûre que ta maman t'a bercé
avec une jolie chanson + t'en as retenue une ?
40 Soulignons que le refus de l’élève n’est pas toujours le signe d’une relation conflictuelle
avec la langue. En effet, dans le cas de Yagmur et Sérifou les silences traduisent
davantage une timidité à s’exprimer devant les camarades (entretien avec
l’enseignant). Respecter le silence de l’élève participe de cette bienveillance envers
l’élève plurilingue et renvoie aussi à l’importance de ne pas assigner l’élève à son
identité (Azaoui, 2013) ni à sa langue d’origine (Gouaïch, 2020). Dans une démarche
inclusive, il aurait été pertinent de demander à l’élève de chanter une chanson dans
une langue de son choix. Une manière de contourner le piège de l’assignation
identitaire et linguistique est de solliciter les langues secondes des élèves, notamment
pour les élèves en situation de « plurimobilité » (Azzara et Villa-Perez, 2020). À
plusieurs reprises, C1 dit aux élèves de faire ce qu’ils peuvent, savent et surtout ce
qu’ils veulent faire. Ainsi, elle ne sollicite pas toujours les langues premières des élèves :
C 1 : en Albanie quel temps fait-il ? Il fait pareil qu’à Marseille ? + oui ? l’été il fait chaud et
l’hiver il fait froid ? Il fait pas très froid dans ton pays ? + tu me racontes ?
C1 : tu veux nous le dire en anglais ? oui ? on t’écoute + on comprend toutes les langues
Aurela : In Albany it’s cold
C1 : yes
Aurela : and on summer it’s +++
C1 : it’s hot ?
Aurela : oui
C1 : yes +++ alors elle nous dit qu’en hiver il fait froid + et en été il fait chaud en Albanie +
ensuite les autres pays + en Italie + on t’écoute + quel temps fait-il en Italie + il fait le même
temps qu’ici ?
Marwa : il y a la neige en Italie
C1 : dans quelle région tu étais en Italie ?
Marwa : Magrè13
C2 : la ville + la région où tu étais + le nom
C1 : comè si chiama la città ? + Magrè ? Magrè
Marwa : sí

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Innovation en didactique du plurilinguisme inclusif pour des allophones 14

41 Donner la possibilité à Aurela de s’exprimer en anglais et à Marwa de parler italien peut


débloquer des situations14. D’autres stratégies ont été utilisées pour pallier les limites
liées à la crainte des élèves ne pas savoir écrire dans la langue maternelle : rassurer les
élèves ; dédramatiser la situation (cf. supra échanges avec Kadir) ; insister sur la
richesse de développer différentes compétences dans une langue : L’extrait suivant
illustre ces stratégies :
C1 : oh là ! Regardez comme c’est joli + il a utilisé des couleurs + parce que c’est joyeux de
parler plusieurs langues
Élève : moi je parle trois langues
C1 : c’est bien de parler plusieurs langues + même si on ne l’écrit pas la langue + c’est bien
de la comprendre + de pouvoir la parler
Élève : moi je parle quatre langues
C1 : c’est bien + on peut la parler + on peut l’entendre + la comprendre la langue + on peut
l’écrire (…) c’est une grande richesse que vous avez là […]
42 On constate que la valorisation des compétences plurilingues des élèves favorise leur
empowerment (Rappapport, 1987) : les élèves font état de leur plurilinguisme. Aussi, il
est important d’expliciter aux élèves que la richesse du plurilinguisme ne se limite pas
aux compétences linguistiques stricto sensu mais repose aussi sur des valeurs comme
l’altérité et le vivre ensemble. L’exemple où l’élève remet en question la connaissance
de l’allemand chez sa camarade peut constituer un bon départ pour une réflexion sur la
bienveillance à l’égard de l’élève plurilingue.

Conclusion : propositions pour une didactique du


plurilinguisme inclusif
43 À travers la prise de représentations et de pratiques déclarées des enseignants
d’UPE2A, de collège et de lycée ainsi que l’analyse du corpus de l’expérimentation, nous
pouvons affirmer que la valorisation et la prise en compte des élèves peuvent être
considérées comme une innovation pédagogique. Comme cela a été défini auparavant,
l’innovation pédagogique connait plusieurs définitions qui se rejoignent. En effet, il
s’agit d’introduire une nouvelle manière de procéder dans les pratiques enseignantes
ou de faire évoluer des pratiques existantes. Dans le cas de l’expérimentation,
l’utilisation des langues d’origine ou du répertoire plurilingue des élèves comme point
d’appui à leur apprentissage du français langue de scolarisation peut être considéré
comme innovant. En ce sens, nous pouvons avancer que l’inclusion visant à favoriser
l’appropriation du français langue de scolarisation peut passer par l’innovation
pédagogique, quelle que soit la forme qu’elle revêt.
44 Comme on le constate à travers l’analyse, la question de la didactique plurilingue
inclusive pour enseigner le français à des allophones est une réalité inévitable
aujourd’hui lors d’une action didactique conjointe où la réalisation des interactions,
implicitement ou non, s’appuient sur les langues en présence, qu’elles soient
maternelles ou pas. En 2020, Miguel Addisu constatait que les moments d’approches
plurielles de l’apprentissage de la langue de scolarisation sont surtout initiés par les
élèves allophones et pratiquées de façon illégitime. Nous avons montré que la
légitimation de ces moments concourt à l’inclusion linguistique et langagière (Auger,
2020) des élèves allophones. Mais pour que cette inclusion soit effective, il est

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Innovation en didactique du plurilinguisme inclusif pour des allophones 15

nécessaire de donner à l’élève la liberté de choisir une langue de son répertoire. En


effet, nous partageons l’idée que « pour un jeune locuteur plurilingue, ne plus pratiquer
sa (ses) langue(s) d’origine, ne plus continuer ses apprentissages dans cette (ces)
langue(s), c’est peut-être hypothéquer ses progrès en français » (Stratilaki Klein et
Nicolas, 2020 p. 151) en précisant que toutes les langues du répertoire pluriel de l’élève
peuvent être sollicitées. Cette précaution devrait être, selon nous, au cœur d’une
didactique du plurilinguisme inclusif, en ce qu’elle reconnaît les singularités et les
pluralités qui caractérisent le profil sociolinguistique de l’élève allophone (ibid.). Une
autre précaution nous semble importante : la nécessité de poser un cadre bienveillant,
en insistant, notamment avec les élèves plus âgés, sur le fait que l’activité plurilingue
ne consiste pas à contrôler des compétences mais à les mettre au profit de tous dans
l’objectif de former une communauté plurilingue d’apprentissage. Si la posture et la
démarche consciente du chercheur le conduisent à cette réflexion, il lui incombe
d’accompagner les enseignants en UPE2A et en classe ordinaire dans une démarche
inclusive plurilingue et novatrice.

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NOTES
1. La toute première circulaire de 1973 pour le collège souligne déjà la nécessité « d’insérer le
plus rapidement possible les enfants étrangers dans un cycle d’études normal » (MEN).
2. Circulaire n°2002-063 du 20 mars 2002, BOEN n°13 du 28 mars 2002.
3. 3 https://eduscol.education.fr/1194/se-former-l-accueil-des-eana-et-efiv
4. Le CECR (2018) a été augmenté par un volume sur la médiation ajoutée aux activités
langagières de réception, de production et d’interaction.
5. Les deux écoles se situent dans des quartiers prioritaires.
6. L’objectif du projet était de créer des guides d’accueil et des livrets pédagogiques à destination
des enseignants d’UPE2A. La question de la valorisation et de la prise en compte des langues
premières des élèves était au centre de l’expérimentation. Dans cet article, nous nous appuyons
sur la mise en œuvre de cette prise en compte afin d’interroger la relation entre plurilinguisme,
inclusion et innovation pédagogique.
7. Les profils linguistiques ont été établis en recoupant diverses informations recueillies auprès
des élèves (échanges verbaux et productions écrites) et des enseignants.
8. Ce ne sont pas des élèves allophones nouvellement arrivés mais suivent des heures de français
en UPE2A, à la demande des enseignants. Cette situation n’est pas exceptionnelle et a été relevée
par Davin-Chnane (2005) et Gouaïch (2018).
9. Nous ne ferons pas de distinction entre les déclarations des enseignants de l’école élémentaire,
du collège et du lycée.
10. « Qu’est-ce qu’un projet innovant ? » ; « je ne sais pas définir un projet innovant ».
11. Ishaq en arabe + ils ne disent pas le ha et la qa + ils disent + Isaac + Isaac
12. Le fait d’être en UPE2A peut provoquer de l’incompréhension chez Kadir et des difficultés à se
situer dans son plurilinguisme.
13. Commune située dans la région du Trentin Haut-Adige (Nord-est de l’Italie).
14. Le chercheur aurait pu solliciter les langues premières d’Aurela et Marwa et aurait demandé
aux pairs, partageant la même langue, de traduire.

Tréma, 58 | 2022
Innovation en didactique du plurilinguisme inclusif pour des allophones 19

RÉSUMÉS
Une inclusion scolaire réussie des allophones met l’enseignant au défi de composer avec des
formes de pluralités, notamment la prise en compte des langues-cultures des élèves dans
l’apprentissage du FLSco et de réfléchir aux implications didactiques. Dans cette contribution,
nous cherchons à savoir si les enseignants mettent en place ou pas une didactique plurilingue
inclusive et comment pourrait se déployer une didactique du plurilinguisme inclusif afin de
réfléchir aux relations, voire aux tensions entre plurilinguisme, inclusion et innovation
pédagogique.

Abstract : Successful school inclusion of allophones challenges the teacher to deal with forms of
pluralism, in particular taking into account the language-cultures of students in learning FSL and
to reflect on the didactic implications. In a comparative approach, we seek to find out whether or
not teachers implement inclusive in order to reflect on the relationships, even the tensions
between plurilingualism, school inclusion and pedagogical innovation.

INDEX
Mots-clés : allophones, FLSco, inclusion, innovation, plurilinguisme
Keywords : allophones, FSL, inclusion, innovation, plurilingualism

AUTEURS
FATIMA CHNANE-DAVIN
Aix-Marseille Université, ADEF

KARIMA GOUAÏCH
Aix-Marseille Université, ADEF

JESSYCA TRETOLA
Aix-Marseille Université, ADEF

Tréma, 58 | 2022

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