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Approche plurielle en alphabétisation à la Réunion : Comment

impliquer des adultes allophones en situation d’analphabétisme


dans leur processus d’apprentissage ? (Dispositif OEPRE)

Cours de français dans le cadre du dispositif OEPRE, au collège Joseph Hubert à Saint
Joseph (Réunion) - photo prise le 23 septembre 2021.

Séminaire de réflexion - Alexia Assati - M2 FLE


SOMMAIRE

Diapo 1 Titre

Diapo 2 Sommaire

Diapo 3 Contexte d’apprentissage

Diapo 4 Définitions des termes

Diapo 5 Problématiques rencontrées

Diapo 6 Intérêt de l’approche plurielle pour l’apprenant et pour l’enseignant

Diapo 7 Expérimentation (1)

Diapo 8 Expérimentation (2)

Diapo 9 Apports du projet sur l’apprentissage des apprenants

Diapo 10 Conclusion
CONTEXTE D’APPRENTISSAGE

La population réunionnaise compte parmi elle de nombreux migrants en situation d’analphabétisme


originaires des pays de l’Océan Indien (Mayotte, Comores ou Madagascar). Cette population rencontre
diverses problématiques d’ordre social, professionnel ou financier, et se retrouvent ainsi en situation de
grande précarité.
Du fait qu’elles ne savent ni lire, ni écrire même dans leur propre langue, elles se retrouvent démunies
voire impuissantes quotidiennement et connaissent l’insécurité linguistique.
Il est difficile pour ces personnes de s'insérer socialement lorsqu’elles ne maîtrisent pas le français. La
particularité de l’alphabétisation dans une langue étrangère est que l’apprentissage de cette langue est
justifié par l’urgence et la nécessité inéluctable de sa maîtrise orale et écrite. Les apprenants apprennent la
langue dans le but premier de survivre dans le pays d’accueil.

Revenons à notre questionnement : En situation d’enseignement je me retrouve face à un public difficile à


mobiliser et qui se découragent très vite face aux difficultés d’apprentissages auxquelles ils sont confrontés.
Or on sait tous que l’acquisition des compétences repose tout d’abord sur l’implication de l’apprenant dans
son apprentissage. Un apprenant qui ne s’implique pas risque de se retrouver en situation d’échec et de
décrochage.
Je me suis donc intéressée aux apports de l’approche plurielle en alphabétisation. Comment par une
approche plurielle permettre l’implication de ce type de public dans leur apprentissage ?
DÉFINITIONS DES TERMES

Qu’est ce que l’analphabétisme ? Selon l’UNESCO (1958), une personne analphabète est une personne“ incapable de lire et
d’écrire en le comprenant, un exposé simple de fait en rapport avec la vie quotidienne.”

Qu’est ce que l’approche plurielle ? Selon Candelier (2008) “par définition, on appellera approche plurielle toute
approche mettant en œuvre des activités impliquant à la fois plusieurs variétés linguistiques et culturelles. En tant que telle,
une approche plurielle se distingue d’une approche singulière, dans laquelle le seul objet d’attention est une langue ou une
culture particulière, prise isolément.” Il existe 4 types d’approche plurielle (interculturelle, l’éveil aux langues,
l’intercompréhension, et la didactique intégrée des langues) ces approches définissent ce qu’on appelle alors “la didactique du
plurilinguisme”

Didactique(s) du plurilinguisme
Candelier - Castellotti (2009)
PROBLÉMATIQUES RENCONTRÉES DANS LE CADRE DE L'ALPHABÉTISATION À LA RÉUNION

Mes diverses expériences professionnelles passées m’ont permis de constater plusieurs points qui influencent l’apprentissage et aussi la
progression des apprenants migrants en situation d’analphabétisme:

- Enseignements non adaptés : Très scolaires, sans objectifs linguistiques et communicatifs, pas adaptés aux besoins des apprenants
(justifiés par le manque de formations des formateurs en alphabétisation : souvent des bénévoles sans formation FLE)
- Les compétences sociolinguistiques et socioculturelles sont souvent négligées : L’aspect social de la langue est souvent oublié. Un vrai
travail d’information et de conscientisation est à faire en parallèle, ce travail permettrait aux apprenants de travailler également les
compétences sociolinguistiques (souvent négligées dans les centres de formation ou les associations de lutte contre l’analphabétisation
à la Réunion)
- L’apprentissage de la lecture limité au décodage au détriment de la compréhension : Un apprenant non-francophone peut réussir à
décoder, mais s’il décode sans comprendre ce qu’il lit, quel est l'intérêt ?
- Un enseignement monolingue : la langue maternelle est mise à l’écart, voire exclue. Certains formateurs peuvent “interdire” son
utilisation. Beaucoup d’apprenants se découragent et abandonnent l’apprentissage : ils ne peuvent pas utiliser leur langue et ne peuvent
pas parler français car comme ils le disent “ils ne comprennent pas”. La langue maternelle est alors parlée entre apprenants de façon
“marginale”. Pour un apprenant analphabète, s’appuyer sur sa langue maternelle pour apprendre une langue étrangère est important,
d’un côté cela le rassure et de l’autre il ose prendre la parole, premier pas vers l’apprentissage de la langue orale. Pour l’enseignant c’est
également un moyen de partage, en faisant l’effort d’entrer dans la langue de l’apprenant, l’apprentissage se fait conjointement.

Ce constat m'a permis de mettre en oeuvre des actions et activités centrées sur : l'adaptation de l’enseignement aux besoins des
apprenants, le développement des compétences communicatives , sociolinguistiques et socioculturelles, et enfin la prise en compte de la
langue maternelle de l’apprenant dans le processus d’apprentissage (approche plurielle)
INTÉRÊT DE L’APPROCHE PLURIELLE POUR LES APPRENANTS ET POUR L’ENSEIGNANT

Pour l’apprenant Pour l’enseignant

Valoriser son patrimoine linguistique et culturel et renforcer l’estime de Construire un climat de classe positif et bienveillant aux
soi apprentissage

Travailler l’empathie Favoriser le travail de groupe, les échanges, la co-construction des


savoirs et l’autonomie des apprenants

Prendre appui sur son répertoire linguistique pour apprendre une autre Susciter l'intérêt pour l’apprentissage de la langue française
langue

Maintenir une horizontalité dans l’apprentissage afin qu’ils ne


Analyser en classe les différences et les ressemblances avec la langue soient pas constamment en situation d’échec
cible et/ou les autres langues en présence dans la classe

Mettre en place une pédagogie active où l’apprenant est acteur de


Se positionner en tant qu’apprenant “expert” son apprentissage
EXPÉRIMENTATION

Contexte : Cours de français (alphabétisation) dans le cadre du dispositif OEPRE (Ouvrir l’école aux parents pour la réussite des
enfants). Je vous invite à consulter le lien présent, afin d’en connaître plus sur ce dispositif destiné aux parents étrangers primo-arrivant.

Public : Adultes allophones en situation d’analphabétisme originaires des pays de l’Océan Indien (Mayotte, Comores, Madagascar)

Besoins du public :
- Comprendre et parler français pour pouvoir suivre la scolarité de leurs enfants.
- Comprendre et parler français afin de communiquer facilement lors des situations de communications essentielles.

Exemple d’une action réalisée lors des ateliers OEPRE : Mise en oeuvre d’un projet basé sur le plurilinguisme et les langues en présence
au sein de l’école : Traduction par les apprenants en plusieurs langues (shimaore, malgache, créole) d’un livre de la littérature française
jeunesse. Le livre sera ensuite présenté et lu aux élèves de Grande Section par les parents à l’école maternelle “Les Jacques “. Un
exemplaire du livre plurilingue sera ensuite laissé aux enseignantes qui pourront l'exploiter à leur tour.

Plurilinguisme Approche plurielle Eveil aux langues Interculturelle

Intérêt du projet : Intérêts pour les apprenants, les enfants de l’école et l’équipe éducative
- Valoriser les langues en présence à l’école à la Réunion
- Mettre en relation ces langues et le français
- Découvrir la langue et la culture de l’autre
- Renforcer le lien et la communication école - famille
- Intégrer les apprenants (parents) au sein de l’école
Objectifs spécifiques du projet :

En lien avec l’apprentissage des apprenants


- Favoriser les interactions sociales et la co-construction des savoirs en valorisant le répertoire langagier de l’apprenant en lui offrant un lieu où il se
sentira écouté et où il pourra s’exprimer
- Développer les stratégies d’apprentissages des apprenants en brisant les représentations de l’apprenant concernant l’apprentissage et en lui montrer qu’il
est possible d’apprendre de différentes façons
- Créer des situations de communications formelles et informelles favorables au développement des compétences orales en permettant à l’apprenant de
s’intégrer au sein de l’école et être reconnu en tant que parent d’élève

Activitées* :

- Découverte des langues de l’Océan Indien : biographie langagière des apprenants


- Médiation/débat sur la littérature et la transmission d’histoire aux enfants en france, à Mayotte et à Madagascar : similitude et différence entre les
cultures
- Visite à la médiathèque : choix du support
- Travail de lecture (décoder/comprendre l’histoire/prosodie)
- Travail en groupe afin de traduire l’histoire en fonction du sens
- Mise en relation/ Comparaison entre la traduction française et les autres traductions (shimaore/comorien/malgache/créole)
- Repérage des similitudes et différences (syntaxique/grammaticale/phonologique)
- Travail sur la posture : comment transmettre une histoire (la gestuelle/le regard/ le contact avec l’auditoire)
- Présenter le livre, le projet simplement
- Apprendre à transmettre : Lire le livre en français et dans sa langue devant un auditoire

* Les objectifs communicatifs, socio-linguistiques et socioculturelles ont clairement été explicités à chaque activitées. Les activités servent aux
apprentissages et au développement des compétences orales
APPORTS DU PROJET SUR L’APPRENTISSAGE DES APPRENANTS

Ce projet plurilingue impliquant les apprenants du début à la fin a répondu d’une part à un réel besoin d’accompagnement à
la parentalité, mais a permis également aux apprenants d’exploiter leur patrimoine linguistique afin d’apprendre la langue
cible. Les liens du groupe et l'intérêt pour l’apprentissage de la langue se sont renforcés. Plusieurs apports sont à contacter
concernant les apprentissages. Bref récapitulatif ci dessous.

Apport 1 Apprentissage motivé par l'intérêt des apprenants à apprendre la langue

Apport 2 Co-construction des savoirs et découverte de diverses façons d’apprendre. Les


apprenants construisent leur apprentissage.

Apport 3 Dédramatisation de l’erreur : l’erreur est maintenant vue comme un outil de


progression plutôt qu’une preuve d’échec.

Apport 4 Développement de stratégies d’apprentissages directes et indirectes : les apprenants


acquièrent des automatismes afin de favoriser leur progression dans la maîtrise de la
langue. (Exemple : apprentissage entre pairs)

Apport 5 Progression dans l’acquisition et la compréhension de la langue orale.


CONCLUSION

L’apprentissage en alphabétisation peut parfois être monotone : les apprenants visent souvent en premier lieu
l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, cependant ce type d’activité peut rapidement devenir chronophage et
décourager les apprenants qui apprennent tout depuis le début, sans avoir aucune base en lecture et en écriture.
Ce type de projet interculturel a permis de redynamiser l’apprentissage du groupe, de valoriser leur langue et leur
culture souvent mises de côté. Les apprenants ont compris qu’il était possible d’apprendre d’une autre façon. Les
activités complémentaires telles que la mise en page, le choix des couleurs, l’illustration du livre par les
apprenants ont également permis d’apporter un nouveau souffle à l’apprentissage et d’impliquer les apprenants en
difficultés.

Quelques obstacles ont cependant pu être rencontrés lors de la réalisation de ce type de projet :
- Difficultés à mobiliser des parents francophones ou créolophones pour participer à la présentation du
projet avec les apprenants d’origine mahoraise, comorienne et malgache.
- Difficultés à mobiliser les écoles pour accueillir les apprenants afin de présenter le projet (sûrement en
raison du contexte sanitaire actuel)

Ce projet vise à rassembler plusieurs cultures, plusieurs langues, or je trouve qu’il est assez difficile en dehors de la
sphère de l’enseignement de mobiliser les personnes et les partenaires afin de participer à ce type de projet. La
situation sanitaire actuelle n’aide pas non plus. Un gros travail est également à faire pour valoriser l’image de la
communauté mahoraise et comorienne au sein de l’école mais également au sein de la société. Les préjugés
persistent.

Avez-vous déjà travaillé avec ce type de public ? Que pensez-vous de cette approche plurielle en alphabétisation ?
Avez-vous d’autres idées de projet ou d’action qui pourraient sensibiliser les élèves, les parents et l’équipe
éducative à la diversité linguistiques ? Des activités en lien avec l’approche plurielle afin de favoriser
l’apprentissage d’apprenants en difficulté ?
Synthèse de Laurence Lienard

Problématique posée : Comment impliquer des adultes allophones en situation d’analphabétisme dans leur
processus d’apprentissage?

❏ Contexte d’apprentissage : Dispositif Ouvrir l’École aux Parents pour la Réussite des Enfants
❏ Public : Femmes originaires des pays de l’Océan Indien en situation d’analphabétisme (n’ayant été peu
ou jamais scolarisées)
❏ Approche choisie pour répondre à la problématique : utiliser l’approche plurielle pour impliquer les
apprenantes dans leur apprentissage
❏ États des lieux de l’alphabétisation à la Réunion : Quels sont les problèmes identifiés ?
❏ Enseignement non adapté aux besoins des apprenants tant sur la forme que sur le fond
❏ Aspect social de la langue non pris en compte
❏ Méthode d’apprentissage de la lecture obsolète
❏ Non prise en compte des langues des apprenants
Synthèse de Laurence Lienard

❏ Intérêt de l’approche plurielle :


❏ Pour l’apprenant : Valoriser son patrimoine linguistique et culturel et renforcer l’estime de soi,
travailler l’empathie, prendre appui sur son répertoire linguistique pour apprendre une autre
langue, analyser en classe les différences et les ressemblances avec la langue cible et/ou les
autres langues en présence dans la classe, se positionner en tant qu’apprenant “expert”
❏ Pour l’enseignant : Construire un climat de classe positif et bienveillant aux apprentissage,
favoriser le travail de groupe, les échanges, la co-construction des savoirs et l’autonomie des
apprenants, susciter l'intérêt pour l’apprentissage de la langue française, aintenir une
horizontalité dans l’apprentissage afin qu’ils ne soient pas constamment en situation d’échec,
mettre en place une pédagogie active où l’apprenant est acteur de son apprentissage
❏ Exemple d’activité: traduction et présentation d’un livre jeunesse dans la langue des apprenantes
❏ Objectifs : valoriser la langue des apprenants et les mettre en relation avec le français,
découvrir la culture de l’Autre, tisser des liens au sein du groupe et aus sein de l’école
❏ Résultats : feedback en cours, mais renforcement des liens au sein du groupe observé
Synthèse Gaillat
Merci à Laurence pour sa synthèse et aux 15 fils de discussion qui ont été lancés.Le sujet de
l’alphabétisation des adultes ( on le retrouvera encore sur d'autres présentations, tout du moins
de manière transversale ou abordée sur une autre entrée) est un sujet important dans le champ
du FLE. Alexia nous propose de l’illustrer autour de son expérience au sein du dispositif OEPRE, y
associant une approche plurielle.
Comme rappelé dans la synthèse, est mis en avant l’intérêt d’une approche plurielle pour les
apprenants et pour les enseignants.
Toutefois, il faut je pense, si l’on est convaincu de tout cela, arriver à en convaincre les principaux
intéressés, et c’est bien souvent ce que l’on oublie. N’oublions pas que nous avons le regard
d’enseignants, de didacticiens, “d’intellectuels” et que si nous ne nous dé-centrons pas, si bonne
soit notre approche, elle n’aura pas les effets souhaités. Il faut y faire adhérer les apprenants, qui
plus est des adultes, qui se retrouvent sur le “banc de l’école”, souvent bien malgré eux.
Il est donc nécessaire d’expliciter le pourquoi de nos activités, leur intérêt au regard des
objectifs visés, afin que nos adultes apprenants,ne fassent pas les activités par occupation, par
intérêt personnel certe légitime (mais autre que celui lié aux objectifs d’apprentissage) ou pour
nous faire plaisir.
Plus on associe les apprenants - petits et grands - à ce que l’on fait, plus ils y adhèrent et plus on
peut aller vers les objectifs d’apprentissage pour lesquels nous proposons les activités.

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