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Rachid Saadi, professeur habilité, formateur au CRMEF de l’Oriental

Imprimé pédagogique
‫مطبوع بيداغوجي‬

Eléments pour appréhender la complexité de la didactique de l’oral en classe


de FLE
A l’usage des praticiens du FLE, des étudiants, des formateurs et des
professeurs stagiaires aux CRMEF

2019-2020

0
Préambule

L’idée de ce texte m’est venue essentiellement de mon expérience en tant que formateur au CRMEF de
l’Oriental. Les portfolio des professeurs stagiaires, l’analyse des pratique enseignantes et apprenantes
conduite au centre, comme , bien évidemment, les visites que nous avons pu effectuer auprès de nous
professeurs-stagiaires en exercice , tout ça nous a permis de prendre conscience de la situation paradoxale
de l’oral, comme activité pédagogique mais aussi en tant que médium des enseignements -apprentissages.
Autant l’oral est, pour ainsi dire, omniprésent, structurant les apprentissages et étant au cœur des
processus de communication et socialisation, autant il est rarement objet de réflexion du point de vue
pédagogique. Les praticiens du français montrent peu d’intérêt à la connaissance des modèles didactiques
dans leur construction ou fonctions qui vont par-delà l’école. L’enseignement-apprentissage de l’oral se
trouve réduit, malheureusement, à des habitus figées en routines scolaires peu réfléchies et surtout peu
performantes.
Les visites dans des classes des professeurs du français en activité de l’oral ont laissé voir aussi une
réticence à l’égard de cette activité peu formalisée, rarement finalisée et dont les contours
méthodologiques demeurent incertains dans la vision de ces praticiens. Ceci peut s’expliquer par un fait
« institutionnel », à savoir que les évaluations certificatives ne prévoient point l’oral comme situation
d’évaluation. L’activité orale s’apparente alors à des séances récréatives, de défoulement psychologique,
rarement liées à un référentiel de compétences.

Dans ce sens, nous déplorons l’absence de rapports analytiques ministériels sur les pratiques des
enseignants du FLE, et notamment l’oral devenu vraiment la parent pauvre des pratiques enseignantes. De
même, on doit signaler que les orientations pédagogiques, peu mises à jour, n’accompagnent point
l’évolution permanente des modèles didactiques en rapport avec les transformations socio-culturelles que
connaissent la société et l’école marocaine.
Même dans les CRMEF, la formation initiale sur la didactique de l’oral est peu efficace à partir du
moment où l’entrée choisie par le ministère est celle des compétences professionnelles : Planifier, gérer,
évaluer (PGE) qui sont souvent déconnectées des domaines d’apprentissage que sont l’Ecrit, l’oral, la
lecture et la langue. On passe alors sous silence la complexité « épistémologique » propre à la
communication orale dans sa pluridimensionnalité et sa dynamique.

1
Bien entendu, cette complexité semble caractéristique de moult contextes scolaires. Les didacticiens de
l’oral, un peu partout, se posent toujours la question : l’enseignement de l’oral est-il une mission
impossible ? L’enseignement -apprentissage de l’oral est problématique pour des raisons intrinsèques
(système sémiotique) mais aussi pour des raisons extrinsèques (dispositifs pédagogiques, réalité de la
classe, exigences institutionnelles). En effet, l’oral a été depuis longtemps « considéré comme un non
objet, ni didactique ni pédagogique que l’on n’utilisait pas dans l’enseignement. Cependant, l’oral est
aujourd’hui un domaine pas clairement identifié où l’on emmène avec soi ses préoccupations et que l’on a
du mal à comprendre»1.
Parent pauvre de l’enseignement du français, l’oral n’arrive toujours pas à se défaire de son ambiguïté,
des incertitudes qui l’entourent, clivé entre statut d’objet d’enseignement et celui du médium
d’enseignement.
Nous estimons alors que le point de départ raisonné de toute didactique de l’oral ne peut se construire que
dans la prise en charge de cette complexité relative à l’activité scolaire la plus marquée par la « présence
humaine », l’émotionnalité du sujet apprenant et les dynamiques interculturelles. Ceci est d’autant plus
vrai que la non prise en charge de cette complexité de l’oral impacte son évaluabilité et par là même son
enseignabilité. C’est bien là la structure trialectique dans laquelle vont se déployer les idées de ce livre :
complexité, évaluabilité, enseignabilité.

1-Pourquoi ce manuel sur la didactique de l’oral ?

1-Parce que la pratique de l’oral est transversale à beaucoup de disciplines d’enseignement. La maîtrise
du langage oral est la condition de réussite des élèves dans toutes les disciplines. Elle est à la fois moyen
de construction des savoirs et objet des savoirs, elle est au cœur des processus d’apprentissage, aussi doit-
elle être prise en charge par tous les enseignants, quelle que soit leur discipline. La question de la
verbalisation traverse toutes les disciplines et pose celle de la construction « orale » des connaissances et
des opérations cognitives afférentes. Dans ce sens, on ne peut ignorer la relation entre les compétences
orales et la littératie ou l’aptitude à lire, à comprendre et à utiliser l'information écrite dans la vie
quotidienne.
2-L’importance croissante qu’occupe l’enseignement de l’oral dans le champ de la didactologie des
langues depuis quelques années, ce qui explique que la communication orale est devenue un domaine de
prédilection de la didactique des langues.

1
J-F HALTE J-F. et M.RISPAIL, L’oral dans la classe (compétence, enseignement, activités), Paris, Hatier, 2005,
p.12.

2
3 -Importance de la compétence de l’oral : dans le sillage de l’approche communicative, l’oral est devenu
la compétence majeure à développer. En effet, « la capacité de prise de parole est importante pour
chacun, aussi bien dans la scolaire et professionnelle que dans la vie publique » 2 .Il s’agit de
construire un apprenant qui se réalise comme sujet parlant capable de gérer les questions du sens et de
l’action que posent les contextes socio-professionnels. L’oral est considéré comme vecteur et objet de
l’apprentissage dans les domaines de l’écoute et de la parole .En plus, la maîtrise de l’oral prépare celle de
l’écrit et est une condition importante de la réussite scolaire.

4- La Complexité de l’oral est souvent passée sous silence dans les pratiques enseignantes. Il importe de
rappeler que « l’oral ce n’est pas uniquement le temps de parole des élèves : c’est aussi l’écoute, les
attitudes du corps et la gestuelle, c’est la gestion complexe de relations interindividuelles (…) l’oral c’est
en effet l’écoute tout autant que l’expression, le silence tout autant que la parole, le jeu des regards autant
que celui des mots, c’est aussi la gestion des échanges et de la prise de parole » 3. Dans cette optique, il
faut dire que « les aléas de la didactique de l’oral tiennent aussi au fait que ce n’est pas une pratique facile
à mettre en œuvre dans les conditions ordinaires de l’enseignement. Elle potentialise certains dilemmes et
sa bonne gestion est coûteuse pour l’enseignant, dans la plupart des contextes scolaires »4.De ce fait, la
complexité des pratiques orales scolaires (enseignantes ou apprenantes) soulève la question de la
légitimité «épistémologique » de la didactique de l’oral.

5-De par sa fonction socialisante, démocratisante, l’oral est le chemin vers la culture de la citoyenneté.
L’histoire de la didactique de l’oral montre comment ce dernier est mobilisé, en France, pour éclairer et
gérer les crises sociales. Cela interroge la mission de l’école amenée, «non seulement à qualifier et à
former les enfants et les jeunes mais aussi à en faire des citoyens pleinement impliqués dans la dynamique
de développement social, civique, et politique de leur pays» 5. Ainsi, la question de l’oral resurgit quand la
société se trouve face à une crise, et ce en vue de restaurer la culture de la citoyenneté ou de la culture
commune.

6 -l’enseignement-apprentissage de l’oral pose problème pour les apprenants comme pour les
enseignants.

2
Bernard SCHNEUWLY et al, « L'oral" s'enseigne! Éléments pour une didactique de la production orale », Enjeux, n.
39/40, 1996, p.80.
3
Rapport de A. Boissinot au ministre de l'Éducation nationale en France, juillet 1994
4
Élisabeth Nonnon, « L’histoire de la didactique de l’oral, un observatoire de questions vives de la didactique du
français », Pratiques, 149-150 | 2011, 184-206.
5
Mokhtar El Harras l’éducation aux valeurs face aux défis de la mondialisationhttp://www.atuque.org/leducation-aux-
valeurs-face-aux-defis-de-la-mondialisation

3
Depuis longtemps, l’oral « est perçu négativement, par opposition à l’écrit qui est attaché à la norme. Face
à un écrit valorisé qui représente la norme, l’oral semble être de l’ordre de l’insaisissable, de
l’éphémère, de l’abstrait, quelque chose qu’on ne peut matérialiser » 6. Il est un lieu d’inconfort pour les
enseignants qui éprouvent des difficultés à surmonter les dilemmes qui sont intrinsèques à l’oral :par
exemple gérer conjointement les contraintes institutionnelles et les exigences d’une prise de parole libre.
Pour les apprenants, on doit dire qu’ils ont du mal à se débarrasser du sentiment d’insécurité linguistique
en matière d’expression orale.
7 -Les enjeux de l’oralité pour la réussite scolaire : On ne peut pas faire l’économie d’une réflexion sur le
rapport entre l’échec ou les difficultés scolaires et les« compétences linguistiques socialement
déterminées ». En effet, on peut défendre l’idée que la réussite scolaire est largement tributaire de la
capacité de « bien parler ». De ce fait, « la place croissante de l’oral dans les pratiques de classe et les
dispositifs didactiques participe, à l’insu des enseignants, de l’accroissement des inégalités sociales des
apprentissages »7.L’enseignement-apprentissage de l’oral est pensé alors en termes de handicap socio-
linguistique, marginalisation et exclusion sociale, comme en stratégies de remédiation .Selon Sylvie Plane,
l’oral est «un puissant marqueur social dont les effets sont difficiles à masquer » 8.
8 -Plus on enseigne l’oral plus on augmente et renforce et rationalise son enseignabilité. Pour évaluer
efficacement l’oral, il faut construire un enseignement méthodique et explicite, une démarche didactique
claire pour pouvoir privilégier l’oral comme objet d’enseignement. Pour que l’oral devienne objet légitime
d’enseignement, force est de définir une référence des pratiques langagières orales ainsi que les voies de
leur exploitation pédagogique. Il faut aussi conduire une réflexion raisonnée sur l’articulation entre les
savoirs scolaires et les savoirs sociaux. Les questions principales que posent les didacticiens de l’oral sont
: comment faire de l’oral un objet enseignable ? Comment penser, dans l’enseignement-apprentissage,
l’interaction oral-écrit ? Comment articuler l’oral « objet à enseigner » et l’oral « outil pour apprendre » ?

9-Contexte marocain :Au Maroc, en contexte de diglossie linguistique 9 (le français est toujours en
situation de domination) la maîtrise du français, notamment expression orale, est un puisant garant de la
réussite sociale et professionnelle. Selon les orientations pédagogiques 2007, l’objectif principal de
l’enseignement-apprentissage du FLE est l’autonomisation de l’élève grâce à des tâches constructives et

6
Elie ALRABADI, « Quelle méthodologie faut-il adopter pour l’enseignement/apprentissage de l’oral ? », Didactica
Lengua y Literatura, n. 23, pp. 15-34, 2011, p.18.
7
Élisabeth Bautier, « Et si l’oral pouvait permettre de réduire les inégalités ? », Les dossiers des sciences de l’éducation,
36 | 2016, 109-129
8
5 PLANE Sylvie, Les cahiers pédagogiques: http://www.cahiers-pedagogiques.com/Pourquoi-l-oral-doit-il-etre-
enseign2
9
Situation linguistique d'un groupe humain qui pratique deux langues en leur accordant des statuts hiérarchiquement
différents.

4
valorisantes visant le développement de compétences relatives à la communication et la préparation à
l’enseignement supérieur et à la vie active.
Dans ce sens ;à l’issue du cycle secondaire qualifiant, l’apprenant devra être capable de: Recevoir et
produire de l’oral , Ecouter activement autrui , Comprendre les énoncés reçus , Prendre la parole ,
Participer de manière efficace à un échange en respectant les paramètres de la situation de
communication , Produire des énoncés en adéquation avec la situation de communication , S’exprimer
d’une voix claire, intelligible et audible , Utiliser le niveau de langue approprié à la situation de
communication , Respecter le point de vue d’autrui , Présenter une communication orale construite et
adaptée au public (document, point de vue, compte rendu, exposé) , Utiliser le lexique approprié et
respecter les règles morphosyntaxiques.
Mais la clarté des orientations n’empêche que la pratique de l’oral en classe de FLE est en dégradation
permanente, ce qui explique largement aussi les pratiques enseignantes empreintes de réticence ou
d’incompréhension à l’égard de l’oral. Cependant, il est à rappeler que la crise de l’enseignement-
apprentissage de l’oral fait partie de la crise de l’enseignement du FLE et des langues en général. Le
système éducatif marocain n’arrive toujours pas à sortir de ses impasses. On peut citer comme exemple
révélateur le fait que « l’insécurité́ linguistique (ou flottement linguistique), état d’incapacité́ de mettre en
mots sa pensée et d’interagir efficacement et utilement avec les autres, s’est installée progressivement et
s’est accentuée, notamment avec les politiques d’arabisation telles qu’elles ont été́ conduites. »10. La
défaillance de la maitrise de la langue française touche une grande partie des élèves « des écoles
publiques qui représentent 87% de l’ensemble des écoles au Maroc »11
Par ailleurs, on ne peut qu’être surpris aussi par la « distorsion entre le volume horaire élevé réservé à la
langue française (1500 heures entre le primaire et le collège) et la faible maitrise de celle-ci sont liés selon
Gormati (2010) aux contenus et programmes (top denses avec très peu de ressources pédagogiques, mis à
part le manuel), aux méthodes d’enseignement (avec approches pédagogiques rigides et non innovantes et
des changements intempestifs de méthode) et aux ressources humaines (déficit et lacunes au niveau de la
formation des professeurs) ».12
Il faut préciser que des changements institutionnels pourraient réhabiliter le FLE au sein de l’école
marocaine. Après avoir été réduite au statut de langue étrangère enseignée, la langue française s’est
trouvée progressivement réintégrée à partir de l’entrée 2015-2016 comme langue d’enseignement des
matières scientifiques. Elle est également introduite dans le primaire .D’ailleurs, la « Vision Stratégique

10
Khalil Mgharfaoui , Enseignement du français au Maroc : le paradoxe d’une langue « privilégiée »
http://leric.ma/2018/11/25/enseignement-du-francais-au-maroc-le-paradoxe-dune-langue-privilegiee/
11
Ibid
12
Ibid

5
2015-2030 :pour une école de l’équité́, de la qualité́ et de la promotion » prône l’alternance des langues et
le choix de l’arabisation est de plus en plus remis en question .
La réforme du système éducatif au Maroc, visant le développement d’un enseignement de qualité, se
donne pour finalités :
• « La formation d’un citoyen autonome par le biais d’une appropriation des valeurs civiques et humaines
universelles ;
• La formation à la philosophie et à la pratique des droits de l’homme et de l’enfant, de la citoyenneté, de
l’environnement et de la tolérance ;
• La compréhension et l’assimilation des différents changements et développements de la civilisation
humaine ;
• La formation de citoyens à même d’agir et d’interagir avec les percées scientifiques, technologiques et
économiques en fonction des besoins de la nation ».

Ainsi, la conscience est forte, chez les décideurs comme chez les praticiens, de la nécessité de repenser le
rôle de l’oral dans la classe comme lieu de socialisation, et ce en vue de réhabiliter la culture du civisme
et du vivre-ensemble. Malheureusement, il y a très peu d’études scientifiques sur le statut scolaire de l’oral
en FLE au Maroc et pas de rapports ministériels sur cette questions, et ce malgré le grand nombre des
mémoires de recherche-action préparés dans les CRMEF sur la question.
Commençons par aborder le premier aspect de la complexité de l’oral : la complexité sémiotique qui finit
par avoir des répercussions didactico-pédagogiques.

2-C’est quoi la complexité sémiotique de l’oral ?

On désigne par l’Oral le message exprimé par le moyen de la parole, à l'opposé de l'écrit qui passe par
la graphie. L’oral est éphémère, il se caractérise par la disparition immédiate du message après sa
diffusion, ce qui nécessite une perception vive de la parole. Mais au-delà de cette « tare congénitale »,
l’oral est fait d’une grande complexité. Contrairement à la communication écrite (l'absence physique du
récepteur), la communication orale se caractérise par la co-présence spatio-temporelle des interlocuteurs,
une présence physique (face-à-face ou oreille-à-oreille), cette co-présence peut être spatio-temporelle ou
du moins temporelle. C’est ce qui assure la « spontanéité » de la parole dans sa production immédiate,
cette spontanéité de l’énonciation orale est largement déterminée par les paramètres contextuels. Cela
induit la complexité de l’oral qui transparait dans la multiplicité des contextes (linguistiques et
communicationnels).

6
En général, on distingue, parmi les composantes de la communication orale , deux dimensions : une
dimension structurale qui inclut la syntaxe , phonétique et morphologie (socialisation linguistique) et
une dimension pragmatique se construisant dans le rapport entre le locuteur et le contexte, renfermant le
socioculturel (normes discursives, corporelles et émotionnelles) .La maitrise de l’oral signifie la maitrise
de l’ensemble de ces paramètres13 , et ce en adéquation avec la situation de communication.

Par ailleurs, le discours oral est multicanal (multi-modal) ou plurisémiotique. On parle de trois grands
systèmes sémiotiques fonctionnant de manière synchronisée :

1- verbal,

2-Le non verbal : L’expression non verbale par le corps est «l’ensemble des signaux visuels et
kinésiques produits par les locuteurs au cours de la communication parlée, et plus précisément des
conduites posturo-mimo-gestuelles accompagnant la parole»14. On distingue alors :

a-La kinésie : les mimiques : regards, postures, hochements de tête, sourires, gestes (favorisant la
communication (ouvrir les bras) ou la bloquant (croiser les bras , ne pas regarder) ,
b- la proxémie : concerne l’usage comme la perception de la distance et de l’espace
3-Le paraverbal : le travail de la voix est composé de la diction (prononciation, articulation) et de la
prosodie. La prosodie comporte les éléments suivants :

-Pauses : M. Leybre Peytard et J-L Malandain accordent aux pauses cinq fonctions15 :
-une fonction "syntaxico-sémantique", car les pauses opèrent des segmentations dans le discours,
soulignant ainsi, parfois, son organisation syntaxique ;
-une fonction "sémantique et argumentative», car elles peuvent produire des effets d'emphase sur certaines
unités ;
-une fonction "modalisante", car elles peuvent aider à comprendre l'attitude et l'état d'esprit du locuteur;
-une fonction "sémiologique", en contribuant à la reconnaissance d'une situation de communication
donnée (référence),
-une fonction organisationnelle, puisqu’elle marque l’unité globale de la phrase et contribue (avec
l’accent) à la segmentation de l’énoncé en groupes délimités.

13
Un bon nombre de ces paramètres varie selon les cultures, le statut social, la situation de communication et la
personnalité du locuteur.
14
J.-M Colletta, le développement de la parole chez l’enfant âgé de 6 à 11 ans : corps, langage et cognition, Sprimont
(Belgique) : Mardaga , 2004.
15
F. Desmons et alii, Enseigner le FLE, Pratiques de classe, éd. Belin, 2005 .

7
-Accents d'insistance ou expressifs : permettent d’exprimer une émotion ou de mettre un élément en
évidence
- Intonation (ou ton ) :La variation de la hauteur de la voix au cours de l’énonciation avec une fonction
expressive , syntaxique(ou démarcative) dans la distinction des types de phrase, organisationnelle (unité
globale de la phrase ou segmentation).On distingue les modalités intonatives suivantes : énoncé déclaratif
(ligne mélodique descendante) ,énoncé impératif (chute mélodique),énoncé interrogatif (ligne mélodique
montante),énoncé pourvu d'un marqueur grammatical interrogatif (intonation neutre). Par ailleurs,
l'intonation peut marquer une modalité appréciative, autrement dit les émotions telles que la colère, la
tristesse, la surprise16.

-Débit : vitesse d’élocution qui varie selon les intentions du locuteur ;


-Les liaisons et les enchainements :« On parle de liaison lorsque deux mots sont liés en ajoutant un son
correspondant à la fin du premier mot pour former une syllabe avec la voyelle initiale du mot qui suit (il
n'y a pas de liaison si le mot suivant commence par une consonne prononcée) »17. Alors que
l’enchaînement se produit « lorsqu’une consonne finale d'un mot qui devrait être prononcée est prononcée
avec la première voyelle du mot qui suit pour former une syllabe (enchaînement consonantique) ou
lorsqu'une voyelle finale de mot et la voyelle initiale du mot suivant sont prononcées sans interruption
pour former deux syllabes (enchaînement vocalique) »18.
-Les phénomènes de « disfluence » vs fluence :Il s’agit d’aspects liés à la production du discours oral ,
comme les hésitations, répétitions, constructions interrompues, etc. Il en résulte une syntaxe
« disloquée ». Cependant, ce discours procède à son « autoréparation » et restitue sa cohérence grâce aux
procédés de contextualisation.
-Présence des signaux de régulation : Il s’agit d’un ensemble de signes permettant le pilotage de
l’interaction. Ils peuvent être des « éléments verbaux « phatiques » (tu sais, tu vois, hein, ...), émis par le
locuteur et/ou « régulateurs » (hm hm, oui, d'accord, je vois, ...) émis par l'allocutaire et assurant un rôle
de feed-back interactionnel, ou encore des ou « particules énonciatives » ou « marqueurs méta-
discursifs ».Les plus courants sont bon, ben, eh bien, puis, mais, donc, ben, voilà, alors »19.

3-L’oral, une réalité protéiforme et kaléidoscopique

Reprenons la définition de Christian Dumais : « L’oral est un objet d’enseignement/ apprentissage qui
fait appel à des habiletés cognitives, linguistiques (composante de la langue orale) et pragmatiques ( qui
16
https://www.linguistes.com/phonetique/prosodie.html
17
http://activitesfle.over-blog.com/2015/04/les-liaisons-et-enchainements-obligatoires-ou-interdits.html
18
Ibid
19
L'enseignement de l'oral dans les différents courants méthodologique
https://souad-kassim-mohamed.blog4ever.com/chapitre-1-specificites-de-l-oral-et-de-l-ecrit

8
rend entre autres en compte le social et l’affectif) et qui concerne autant la production que la
compréhension ainsi que le verbal, le paraverbal (prosodie, pauses, etc.) et le non verbal(regard, gestes,
etc.). Il peut être la langue écrite oralisée (lecture ou récitation), un parlé contrôlé ( selon les attentes
scolaires par exemple) ou la pensée spontanée vocalisée, en direct ou en différé, et peut être monogéré
( fait seul) ou polygéré (fait à plusieurs). L’oral est en lien étroit avec la culture »20.
Dans une perspective scolaire, l’oral est protéiforme, et le terme oral recouvre plusieurs réalités :
-l’oral parlé : interaction en face à face, échanges de données énonciatives et pragmatiques ;
-l’oral socialisé : rituels socio-discursifs codés, genres formels, rhétorique ;
-l’oralité : ensemble des faits et processus liés à la parole communautaire qui se déploie dans des
contextes ritualisés, réfère à une mémoire identitaire, met en jeu des mises en scène, une diction et des
gestes spécifiques, une énonciation gnomique (qui exprime des vérités morales sous forme de sentences
ou maximes »21.
En général, le contexte scolaire (appareil idéologique) s’appuie sur l’oral socialisé (à forte dominante
argumentative), alors que l’oral parlé est mal vu et dévalorisé, l’oralité est plutôt caractéristique de la
maternelle, elle fonctionne souvent comme préparation à l’écrit.
Les interactions verbales se réalisent dans trois formes :

a. L’oral spontané : Le plus naturel, caractéristique de la sphère privée, en général faussement associé à
l’erreur et à l’incohérence. Mais beaucoup études ont montré qu’il est doté de sa propre « grammaire » ;

b. L’oral scriptural : dit oral formel, oral institutionnel ou oral scriptural, privilégié par l’école à travers
un certain nombre de pratiques, comme l’exposé ou le débat (prise de parole publique) tendant à devenir
institutionnalisé. En plus, « ses caractéristiques lexicales et syntaxiques sont plus ou moins calquées sur
celles de structures écrites parce que le locuteur focalise son attention sur le lexique qu’il emploie et qu’il
s’attache à produire des « phrases » très proches de celles de l’écrit »22.

c. L’écrit oralisé : le texte écrit mis en voix, se réalise à travers des activités comme la récitation ou la
lecture visant la maitrise de la voix ou la diction.

D’autre part, force est de reconnaitre que le système culturel est un élément fondamental de la
communication orale. Les éléments de l’’expression corporelle et de la proxémie sont fortement marqués

20
Christian, Dumais, vers une progression des objets d’enseignement-apprentissage de l’oral qui s’appuie sur le
développement des élèves
http://www.christiandumais.info/wp-content/uploads/2008/01/Christian_Dumais.pdf
21
Marie Gaussel, JE PARLE, TU DIS, NOUS ÉCOUTONS : APPRENDRE AVEC L’ORAL, Dossier de veille de l’IFÉ
• n° 117 • Avril 2017
22
Pratique et enseignement de l’oral, pistes didactiques
http://sites.estvideo.net/gfritsch/doc/rezo-cfa-2004.htm

9
culturellement et socialement .La production langagière orale ne peut prendre sens en dehors de son
référent culturel. De ce fait, si le locuteur et le récepteur appartiennent à des cultures éloignées, le fait de
ne pas pouvoir interpréter le langage du corps et le sens particulier des énoncés dans les pratiques
sociales du pays empêchera sans doute le contenu du discours. Cela pose des difficultés qu’il faut pallier
en vue d’améliorer la communication.

C’est dans ce sens qu’on peut parler du «jeu social» qui regroupe un certain nombre d’éléments qui
compliquent un peu plus l’enseignement de l’oral , comme les accents régionaux et sociaux, les registres
de langue, les implicites culturels, les variations sociolinguistiques diatopiques (ou régionales),
diastratiques (variations sociales ou sociolectes) et diasphasiques (concerne le style des locuteurs). Il
existe, dans l’enseignement de l’oral, des éléments maitrisables et d’autres difficilement maitrisables,
comme l’expression du corps et l’implication personnelle de l’ensemble de la personne.

Comment cette complexité a-t-elle influencé l’émergence même de la didactique de l’oral comme champ
disciplinaire ?

4-Enseignement-apprentissage de l’oral : caractéristiques didactiques

Dans le contexte scolaire, le statut de l’oral est flou, il désigne à la fois un outil au service des
apprentissages et un objet d’apprentissage particulièrement complexe, sans oublier qu’il peut renvoyer
aussi à des démarches pédagogiques. En didactique des langues, l’oral désigne :« le domaine de
l’enseignement de la langue qui comporte l’enseignant de la spécificité de la langue orale et son
apprentissage au moyen d’activités d’écoute et de production conduite à partir de textes sonores si
possible authentiques. »23.
On peut retenir surtout que l’oral renvoie à la pratique de l’écoute et de la production de la parole, il
n’est pas seulement « le temps de parole des élèves : c’est aussi l’écoute, les attitudes du corps et la
gestuelle, c’est la gestion complexe de relations interindividuelles (…) l’oral c’est en effet l’écoute tout
autant que l’expression, le silence tout autant que la parole, le jeu des regards autant que celui des
mots »24. La communication orale se réalise par des activités langagières, soit de la production, mais aussi
« de l’interaction, de la médiation (notamment les activités de traduction et d’interprétation), chacun de
ces modes d’activités étant susceptible de s’accomplir soit à l’oral, soit à l’écrit, soit à l’oral et à l’écrit »25.

23
P .CHARRAUDEAU. & D .MAIGNENEAU, Dictionnaire d'analyse du discours, Ed Seuil, Paris, 2002. p 230.
24
Rapport de A. Boissinot au ministre de l'Éducation nationale en France, juillet 1994
25
CECRL, p.18

10
L’histoire de la didactique est celle de l’émergence dans le champ de la didactique d’un nouvel objet
d’enseignement-apprentissage : il s’agit de l’oral comme objet. Mais cette émergence ne cesse de
rencontrer un certain nombre d’obstacles qui posent la question de son enseignabilité comme objet d’étude
autonome, et ce pour trois grandes raisons :

Tout d’abord, la pratique de l’oral n’est pas spécifique aux langues, elle est transversale à toutes les
disciplines. Ensuite, l’oral est souvent, dans les pratiques, objet d’une représentation normative a
priori calquée de l’écrit, ce qui pose la question des pratiques orales extra-scolaires. Enfin parce que les
pratiques de l’oral sont génératrices d’un certain nombre de dilemmes relatifs à la gestion de la parole en
classe et à la difficulté de mettre en œuvre des conditions ergonomiques de son enseignement. C’est ce qui
fait que les propositions didactiques restent peu opératoires, et c’est ce qui explique aussi que la
didactique de l’oral a du mal à s’investir durablement dans l’enseignement de l’oral 26.

La réflexion sur l’oral comme objet d’enseignement spécifique à la didactique des langues et différent de
l’écrit avait commencé dans les années 1970 grâce aux approches communicatives où l’oral s’est
transformé en un objectif à part entière. Des techniques et activités nouvelles sont mises en œuvre : les
jeux de rôles et les simulations globales, en plus de prise en considération des éléments non verbaux et
éléments para-linguistiques. Mais « les activités reposent sur des écrits oralisés ou ritualisés, qui somme
toute ne sont qu’un pâle reflet du français parlé. En somme, on efface l’apprenant derrière un français
parlé artificiel ou stérile et qui n’offre pas l’occasion d’en saisir les variations, ni son fonctionnement » 27.

La résurgence de cette autonomisation de l’oral commence à partir des années 1990 à partir de deux
perspectives « prototypiques » : « celle d’un oral objet d’enseignement et d’apprentissage autonome (…)
et celle d’un oral des conduites langagières, intégré dans les séquences d’enseignement habituelles du
français, voire transversal, s’actualisant dans la diversité des tâches scolaires »28. La didactique s’engage
alors dans la voie d’un enseignement systématique qui s’appuie sur la définition d’objets d’enseignement
identifiables avec des objectifs bien définis tout en essayant d’éviter le risque de construire des artefacts
artificiels.

Rappelons que cette réhabilitation de l’oral ne peut être comprise si on ne pense pas de dernier comme
question politique. En effet, la réflexion didactique sur l’oral, en France, moins formellement au Maroc,

26
Élisabeth Nonnon, « 40 ans de discours sur l’enseignement de l’oral : la didactique face à ses questions », Pratiques
[En ligne], 169-170 | 2016, mis en ligne le 30 juin 2016, consulté le 01 décembre 2019. URL :
http://journals.openedition.org/pratiques/3115 ; DOI : 10.4000/pratiques.3115
27
Corinne, Weber, « Pourquoi les Français ne parlent-ils comme je l’ai appris ? » en Le Français dans le monde, 345,
Paris, CLE International, 31-33, 2006,p. 32
28
L'oral aujourd'hui : perspectives didactiques, sous la direction de Jean François de Pietro , carole Fisher , Roxane
Gagnon, presses universitaires de Namur, 2017 , p.12

11
s’est souvent inscrite dans des contextes de mobilisation de la question de l’oral à partir d’enjeux
politiques et idéologiques. Plusieurs contextes d’émergence peuvent être identifiés : échec ou
discrimination scolaire, inégalités, fractures sociales et éclatement de la culture commune. Ainsi, « on
s’intéresse à l’oral quand l’école subit les répercussions d’une crise sociale et se perçoit comme allant
mal »29. L’objectif principal de l’enseignement de l’oral est alors d’intégrer une population, réhabiliter et
restaurer la communauté.

L’oral est indissociable d’une réflexion sur la mission axiologique de l’école ( mission d’intégration
sociale et culturelle). Dans ce sens l’oral est investi d’une mission éducative et éthique de socialisation.
L’éducation à la parole, comme l’apprentissage de l’argumentation, est corrélée au discours sur la
citoyenneté et du vivre ensemble .C’est dans ce sens que l’on peut comprendre la diffusion des travaux
sur l’argumentation conduits par J . Habermas et C. Perlman et conférant à l’argumentation dans
l’espace public la fonction de régulation sociale.

Par ailleurs, la didactique de l’oral n’a pas pu faire l’économie d’une approche de la compétence de la
communication orale à partir de l’idée de l’handicap socio-linguistique et des clivages sociaux. C’est
parce que le déficit oral peut conduire à des limitations cognitives que cette didactique fut amenée à
penser les compétences orales aussi en termes de remédiation.

Au fait, la construction historique de la didactique de l’oral était corollaire des courants méthodologique
du FLE. Comment est née alors cette autonomie de l’oral comme « objet d’apprentissage » ?

5-L'enseignement de l'oral dans les différents courants méthodologiques

Commençons par rappeler que l’oral n’a pas eu toujours une place privilégiée dans la didactique des
langues et que son histoire est celle d’une longue reconnaissance.

a -Méthodologie traditionnelle ou grammaire-traduction, en vigueur jusqu’à la fin du XIXème


siècle
Selon Christian Puren , « le but essentiel de cette méthodologie était la lecture et la traduction de textes
littéraires en langue étrangère, ce qui plaçait donc l’oral au second plan » 30. Cette méthode est appelée
Thème-version :version «de langue 2 vers une langue 1 » et thème de langue «1vers une langue 2 ». Elle
se concentre sur l’écrit, notamment la grammaire. L’oral, stigmatisé, était placé au second plan par
rapport à l’écrit, il prenait comme modèle le langage écrit, en l’occurrence l’écrit des écrivains. En plus,

29
Élisabeth Nonnon, « L’histoire de la didactique de l’oral, un observatoire de questions vives de la didactique du
français », Pratiques, 149-150 | 2011, 184-206.
30
Ana Rodríguez Seara, L’évolution des méthodologies dans l’enseignement du français langue étrangère
https://qinnova.uned.es/archivos_publicos/qweb_paginas/4469/revista1articulo8.pdf

12
les exercices de prononciation, comme la lecture à haute voix, se réduisaient à une simple oralisation de
l’écrit.

b -L'oral dans la méthodologie directe


Cette approche détrône la méthodologie traditionnelle par le choix d’enseigner directement la langue, le
recours à la langue maternelle était alors proscrit. On commence à apprendre la langue pour communiquer,
une priorité est accordée à l’oral comme étant la langue quotidienne, il s’ensuit que la place accordée à la
prononciation fut majorée. En effet, « l’accent était mis sur l’acquisition de l’oral (…) la prédominance de
l’oral, qui s’exerce par tout un jeu de saynètes ou d’activités de dramatisation qui engagent le corps (…)
dans cette méthodologie l’écrit est d’abord envisagé comme l’auxiliaire de l’oral » 31.L’oral est mis en
avant par la valorisation de l’change et de l’interaction en classe .On comprend l’importance accordée à la
phonétique enseignée comme discipline à part entière (documents auditifs).

Dans ce sens s’inscrit la méthode orale (composante de la méthode directe) désignant « l’ensemble des
procédés et des techniques visant à la pratique orale de la langue en classe (…) il s’agit plus exactement
d’une méthode audio-orale, les productions orales des élèves constituant principalement dans la MD une
réaction aux sollicitations verbales du professeur» 32. La priorité accordée à l’oral par rapport à l’écrit fait
que « la forme écrite d’un mot nouveau ne doit apparaître qu’après que la prononciation correcte est
assurée, afin d’éviter les interférences dues au code orthographique »33.Dans le même sens s’inscrit la
méthode interrogative (questions, conversations) et la méthode imitative : l’enfant qui apprend en imitant
(audition et réemploi).

Il faut reconnaitre toutefois que ces activités orales ne développent que faiblement la communication et
l’interaction

c -L'oral dans la méthodologie audio-orale


Elle est apparue dans le contexte de la guerre (2GM) pour former rapidement des militaires américains
capables de comprendre et de parler en langues différentes. C’est dans les années 1950 que des
spécialistes de la linguistique appliquée ont créé la méthode audio-orale en s’inspirant des principes de la
méthode de l’armée. Cette méthode pense la langue comme un automatisme qui s’acquiert par la

31
J-P Cuq & Gruca I, Cours de didactique de français langue étrangère et seconde, Presses Universitaires de Grenoble,
2005, p.257.
32
Christian, Puren, Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues, Édition originale papier : Paris : Nathan-
CLE international, 1988. Présente édition numérisée au format pdf : décembre 2012.
Christian PUREN, www.christianpuren.com
33
L'enseignement de l'oral dans les différents courants méthodologique
https://souad-kassim-mohamed.blog4ever.com/chapitre-2-place-et-fonctions-de-l-oral-dans-les-differents-courants-
methodologiques

13
répétition. Elle donne la priorité à l’oral, « son objectif est d’installer des automatismes avec la pratique
intensive des exercices structuraux susceptibles de donner à l’élève une compétence d’abord orale » 34.
Cette méthode donne la primauté à l’enseignement-apprentissage de l’oral et relègue celui de l’écrit en
deuxième position35. Elle s’appuie sur la répétition intensive et la mémorisation et accorde une grande
importance à la prononciation à travers les exercices de répétition et de discrimination.
La méthode est consolidée avec l’apparition de nouvelles techniques comme l’enregistrement sonore et la
pratique des automatismes oraux dans les laboratoires de langues qui ont permis une forte automatisation
des structures.
d -La méthodologie structuro-globale audiovisuelle (SGAV)
Elle domine en France dans les années 1960-1970. Elle est fondée sur l’étude de la structure de la
communication orale, elle postule que celle-ci se réalise par des moyens verbaux et non verbaux. Ces
éléments sont aussi importants pour la communication orale : le rythme, la gestuelle, le cadre spatio-
temporel et le contexte social sont à la fois des éléments indissociables et déterminants dans une situation
de communication orale. Ce qui est en vue, c’est la perception globale du sens à partir du postulat que la
langue est un ensemble acoustico-visuel. Aussi le succès de la communication est-il tributaire de la
mobilisation synchronisée de l’ensemble des éléments précités.

Cette méthode préconise le recours à des situations les plus authentiques possible, véhiculées par des
images et des supports auditifs. La priorité est encore accordée à l’oral puisque la langue est comprise
tout d’abord comme moyen de communication orale, c’est pourquoi cette méthode privilégie les
composantes non -verbales comme le rythme, l’intonation, les gestes et le cadre spatio-temporel .

La méthode SGAV s’appuyait sur les supports sonores (écouter et répéter jusqu’à imiter) et sur les
exercices structuraux (comme les exercices à trous et modèles de transformation et de substitution pour
assimiler la structure de la phrase) qui visaient à faire acquérir la maîtrise d’une structure linguistique par
la manipulation systématique de cette structure dans une série de phrases construites sur un modèle unique
ou pattern proposé au début de l’exercice ; et visant à faire acquérir un certain comportement linguistique
par conditionnement 36.
Mais, grosso modo, les situations d’apprentissage restaient conventionnelles et peu authentiques, en
attendant l’avènement de l’approche communicative.

e- L’approche communicative : le tournant. S’est développée en France à partir des années 1970.
34
Jean-Pierre Robert, Dictionnaire pratique de didactique du FLE, Ophrys, 2008, p. 132
35
Ibid, p.121.
36
J‐P, Cuq,(dir) , Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde. Paris : CLE International, 2003

14
Son point de départ est le postulat suivant : pour réussir la communication, il ne suffit pas de maitriser le
système linguistique, il faut également savoir s’en servir en fonction de contexte social .Ce qui implique
authenticité des situations d’apprentissage, la centration sur de l’apprenant. Elle est fondée sur une
conception fonctionnelle de la langue mettant l’accent sur son emploi dans des situations signifiantes.
Elle cherche à doter l’apprenant de de la compétence de communication, d’où la place privilégiée de
l’oral, langue usuelle et celle de l’interaction quotidienne, sans pour autant négliger l’étude de la structure
de la langue.

Cette approche vise à préparer l’apprenant aux échanges avec des locuteurs natifs dans des situations de
communication plus authentiques. L’oral est alors privilégié à travers des activités de simulation et de
jeux de rôle, mais l’Ecrit n’est pas négligé puisque l’objectif est de faire acquérir les quatre compétences
en même temps.

Cette approche vise donc à ce que les apprenants prennent en considération, lors de la communication, la
situation de communication (statut de l’interlocuteur, âge, rang social, lieu physique, etc.) ainsi que
l’intention de communication ou la fonction langagière : demander une permission, donner des ordres…
etc. Ses activités principales sont les jeux de rôle et la simulation globale définie comme « reproduction
fictive et jouée d’échanges interpersonnels organisés autour d’une situation problème. Son objectif
principal réside dans le fait que l’apprenant doit être autonome »37.
f -L'oral dans l'approche actionnelle : s’est développée à partir des années 90 comme prolongement de
l’approche communicative. Elle met l’accent sur des tâches à réaliser à l’intérieur du projet. L’utilisateur
de la langue est considéré comme un acteur social qui doit réagir dans plusieurs secteurs. Son concept
principal est la « tâche » définie comme la mise en œuvre d’un projet d’action, ce qui permet de passer de
l’homme communiquant à l’homme agissant. L’oral est compris, dans l’approche actionnelle, comme
étant un moyen pour réaliser une tâche (dans le cadre des interactions sociales), l’apprenant est considéré
comme un acteur social.

Cette approche a été retenue par le Cadre Européen Commun de Référence (CECR) présenté par le
Conseil de L’Europe. La perspective actionnelle y considère « avant tout l’usager et l’apprenant
d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement
langagières) dans des circonstances et un environnement donné, à l’intérieur d’un domaine d’action
particulier »38 . L’oral, comme l’écrit, est un moyen utilisé pour réaliser une tache communicative.
37
L'enseignement de l'oral dans les différents courants méthodologiques
https://souad-kassim-mohamed.blog4ever.com/chapitre-3-la-didactique-de-l-orale-et-de-l-ecrit-la-production-orale-et-
ecrite-en-classe-de-fle
38
CECR, 2001, p .9

15
Les tâches mettent en œuvre :des savoirs (connaissance des rites du mariage, du milieu social dans lequel
on va évoluer) , des savoir-faire (faire un petit discours) , des savoir- être (il y a des mariages où tout le
monde s’embrasse, d’autres où l’on n’embrasse que les gens que l’on connaît, certains où les deux
familles sont séparées, d’autres où femmes et hommes sont séparés, etc.), des savoir -apprendre, autrement
dit, la capacité à s’adapter à ces différentes situations 39.
Certes une égale importance est accordée aux quatre compétences (parler, écrire, écouter et lire), mais
l'oral est priorisé et « l'interaction Orale constitue même l'activité langagière principale. On passe la
majeure partie du temps d'utilisation d'une langue à la parler avec d'autres : nous sommes des acteurs
sociaux, selon le terme du CECRL »40.
En plus des méthodologies, la place de l’oral dépend aussi des styles d’enseignement. Au-delà de
l’importance des méthodologies, il faut rappeler que leur impact dépend largement de la posture de
l’enseignant ou de son style d’apprentissage. En général, nous distinguons quatre styles d’enseignement
et de régulation pédagogique, à situer sur le triangle pédagogique :
-le style transmissif (ou frontal) : centré d’avantage sur la matière, sans tenir compte de la réceptivité de
l’apprenant et où l’interactivité est stigmatisée. D’un point de vue didactique, « le style transmissif avorte
toute activité et tout dynamisme alors que qu’ils sont deux paramètres centraux pour l’appropriation d’une
compétence de communication orale »41.

-Le style incitatif : centré à la fois sur la matière et sur l’apprenant. Il s’appuie sur la motivation et la
stimulation et engage l’apprenant dans son apprentissage pour améliorer les compétences communicatives
orales.

- Le style associatif : centré davantage sur les apprenants, il s’inscrit dans la pédagogie du groupe et
l’apprentissage collaboratif. L’enseignant y est un facilitateur. Dans l’ensemble, le travail de groupe est
une démarche très efficace pour développer la compétence communicative.

-Le style permissif: l’intervention de l’enseignant est fortement réduite (sauf sur le niveau
méthodologique), les apprenants assument leurs tâches. Dans l’enseignement-apprentissage de l’oral, « ce
style est très recommandé car il offre à l’apprenant plus de liberté et le pousse par conséquent à la
39
Jacky Girardet , enseigner le FLE selon une approche actionnelle : Quelques propositions méthodologiques, actes du
XIIème colloque pédagogique de l’alliance française de SÃO PAULO | 2011
https://www.vintage-language.fr/ressources/acte_conference_jacky_girardet.pdf
40
L'enseignement de l'oral dans les différents courants méthodologique
https://souad-kassim-mohamed.blog4ever.com/chapitre-2-place-et-fonctions-de-l-oral-dans-les-differents-courants-
methodologiques
41
Youcef Boudina, L’enseignement-apprentissage de la production orale en FLE :enjeux et stratégies d’une pédagogie
spécifique ?-Etat des lieux du contexte universitaire, Mémoire présenté pour l’obtention du diplôme de magister,
Université Kasdi Merbeh Ouargla, Faculté des lettres et des langues
https://bu.univ-ouargla.dz/Youcef_Boudina.pdf?idthese=4973

16
créativité. Ainsi, certaines activités comme les jeux de rôle sont structurées pour permettre à l’apprenant
d’agir avec une certaine autonomie. Un apprenant, avec ses pairs, peut par exemple construire un dialogue
avec une forme linguistique individuelle et s’exprimer avec ses propres structures. L’enseignant
n’intervient que pour corriger ces structures s’il estime qu’elles sont erronées ou mal formulées »42.

L’Histoire des méthodologies s’est construite, semble-t-il dans le sillage d’un certain nombre de questions
articulées autour de la découverte progressive de la complexité des fonctions de l’oral.

6 -Les fonctions de l’oral


Sylvie Plane et Claudine Garcia-Debanc définissent cinq situations dans lesquelles l’oral remplit une
fonction particulière :

1 -L’oral est moyen d’expression : permet de construire la personnalité et réaliser des axes des paroles.
L’enseignant, en situation d’étayage, doit inciter les apprenants à prendre la parole ;
2- l’oral est un moyen d’enseignement : sert comme véhicule des savoirs et des informations et à la
régulation pédagogique en tant que modalité du travail disciplinaire (l’exposé est une tâche qui n’est pas
spécifique au champ d‘apprentissage de l’oral) ;
3 -L’oral est un objet d’apprentissage : apprentissages communicationnels, linguistiques,
locutoires...etc.. L’accent est mis sur l’acquisition des pratiques langagières, l’oral est à considérer alors
comme un objet donnant lieu à des moments spécifiques durant lesquels le travail se fixe sur une
compétence particulière ;
4- L’oral est un moyen d’apprentissage : les élèves apprennent par la « verbalisation et par les
interactions. L’oral est un moyen d’apprentissage par lequel l’apprenant qui va construire un système de
parole »43. Cela rend possible le développement des compétences linguistiques et communicatives.
5- L’oral est objet d’enseignement : Il s’agit d’expliciter et d’objectiver les contenus de la verbalisation.
La production orale des élèves est analysée par l’enseignant ou par les élèves dans une démarche méta-
discursive.

Autre typologie

42
Ibid
43
SAIDANE Rabiaa , FADDA Imen , La compétence orale dans l’enseignement/apprentissage
(Cas de Master 1 français langue étrangère - Université de Tébessa) , Mémoire élaboré en vue de l’obtention du Diplôme
de MASTER, UNIVERSITÉ LARBI TEBESSI – TEBESSA, FACULTÉ DES LETTRES ET DES LANGUES, Année
Universitaire : 2016 – 2017

17
On peut admettre que parler est une entreprise risquée car il s’agit « de projeter hors de soi une image de
soi, image personnelle, unique. …Prendre la parole parmi des pairs qui se reconnaissent et s’admettent,
c’est prendre un risque volontairement, c’est jouer avec ce risque en même temps qu’avec la parole, c’est
développer de l’audace et des mots...et plus que des mots »44.Le moi de l’individu se convertit alors en
sujet qui s’approprie des savoirs et des expériences. A partir de cette perspective, on peut distinguer :
- L’oral pour se construire : Parler permet à l’individu de construire sa singularité, d’être « sujet du
discours, auteur de ses actes langagiers ».Construisant l’image de soi, l’individu se révèle à lui-même, en
même temps il développe cette compétence de décentration nécessaire à l’acceptation de l’autre comme
un être foncièrement différent de soi mais éminemment respectable. C’est pourquoi il faut mettre en place
des moments de débat qui permettent aux élèves de s’engager à partir de leurs propres systèmes de valeurs
et de représentations, grâce au respect des formes nécessaires à la communication ;

-L’oral pour penser : L’oral contribue à la conceptualisation de la pensée et à sa structuration .L’analyse


de la structure de l’oral spontané permet de déceler, comme le dit Schneuwly, des sortes de
manifestations très tangibles « du travail d’élaboration d’une pensée en train de s’énoncer ».La
verbalisation peut être le début de construction de la reflexivité et de la formalisation. On peut alors
s’interroger sur le rapport entre le langage et la construction de la pensée et la manière « dont
l’expression orale conditionne les apprentissages et les enjeux liés à l’oral pour l’adaptabilité sociale et la
réussite scolaire » 45.
Le travail sur l’expression orale implique un processus sociocognitif complexe qui nécessite un long
apprentissage, car « si l’offre langagière de l’adulte n’est pas adéquate, cela peut générer une distorsion
entre le potentiel cognitif et les réalisations langagières de l’apprenant. C’est pourquoi « dans le cadre
scolaire, pour avoir des interactions efficaces, il ne faut pas compter sur [L’intuition ]: il faut
«conscientiser » sa démarche, ce qui implique une écoute particulière, non naturelle, puisqu’elle se
focalise plus sur la forme des énoncés que sur le contenu. C’est ce que l’on appelle l’entraînement au
langage»46 ;

-L’oral pour se socialiser : L’oral permet, par l’appropriation des savoirs (effet socio-cognitif) , le
partage d’une culture commune fondatrice de la citoyenneté, en plus de la construction identitaire ;

44
L’ORAL REFLEXIF A L’ECOLE PRIMAIRE
pratiquesphilo.free.fr › contribu › mrd › Michele Raoux
45
Marie Gaussel, JE PARLE, TU DIS, NOUS ÉCOUTONS : APPRENDRE AVEC L’ORAL, Dossier de veille de l’IFÉ
• n° 117 • Avril 2017
46
Emmanuelle Canut, apprendre à parler pour ensuite apprendre à lire et à écrire. Congrès FNAME,
Le langage. Objet d’apprentissage, outil de pensée. Quels obstacles ? Quels leviers ?, 2009, Dole,
France. ffhal-00524227f

18
-L’oral pour apprendre : il est considéré comme condition pour développer les conduites
argumentatives qui sont « une composante essentielle du métier d’élève ». On peut parler aussi de la
fonction didactique qui repose sur « la double hypothèse que les interactions entre pairs peuvent fissurer
des certitudes et installer des conditions favorables à l’apprentissage, et que le travail de verbalisation
participe à l’activité de conceptualisation » 47.Donc la nécessité est certaine de construire des dispositifs
qui fournissent les conditions de réalisation des tâches langagières. C’est ce qui permet de faire de la
communication scolaire un « processus finalisé » et productif de comportements réinvestissables.

En bref, on peut dire que l’oral favorise différents types de parole : « les paroles buissonnières, les paroles
constructrices de cognition, enfin les paroles dialogiques »48 . Mais le plus important reste que la
communication orale scolaire peut être aussi génératrice de « situations de libération ou d’expression »
impliquant la libération de la parole par rapport aux « situations de structuration ou d’apprentissage »
impliquant la structuration de la langue.

La complexité « fonctionnelle » de l’oral institue, ipso facto, la complexité des compétences visées dans
les situations de la communication orale et de la démarche de l’enseignement-apprentissage comme étant
un processus finalisé.
7-L’oral comme objet d’enseignement : les compétences orales

Selon L. Lafontaine, pour faire de l’oral un objet d’apprentissage, il faut intégrer les paramètres
suivants :

1 L’intention de communication : Décliner l’intention de communication permet aux élèves de « voir le


fil conducteur dans le projet, d’en connaitre le but, de savoir s’ils vont discuter, débattre, faire une
critique ».49 ;

2 La situation de communication : Elle présente quatre dimensions :


-Intégration des pratiques : oral , lecture et écriture (par exemple rédiger des synthèses pour préparer un
débat) ;

47
Benedito TEIXEIRA BARROS, LA PRATIQUE DE L’ORAL DANS L’ENSEIGNEMENT / APPRENTISSAGE
DU FLE, mémoire présenté pour l’obtention du Master 1 ProfessionnelIngénierie des formations en FLE/FLS
Expertise, concept ion, organisation en FLE/FLS-FOS, niversité Jean Monnet de Saint-Etienne
Faculté Arts - Lettres – Langues, Département de Français Langue Etrangère, ANNEE 2011-2012
48
Emmanuèle Auriac-Peyronnet, »L'oral comme finalité. Le cas des « petits parleurs » au CE2, Dans Je parle, tu parles,
nous apprenons (2003), pages 205 à 236 , Collection : Pratiques pédagogiques, Éditeur : De Boeck Supérieur
49
L. Lafontaine, Enseigner l’oral au secondaire. Séquences didactiques intégrées et outils d’évaluation. Montréal :
Chenelière Éducation, 2007, p. 15.

19
-Présentation de sujets signifiants et non signifiants :Les sujets signifiants en rapport avec les intérêts
des élèves alors que les sujets non signifiants peuvent élargir leur culture, surtout lorsqu’ils sont
contextualisés ;
-Prise en compte des champs d’intérêt des élèves : travailler sur des situations de communication
authentiques en rapport avec la vie de tous les jours. De ce fait, le « jeu ou des pratiques ludiques, comme
une émission de télévision, des rôles précis, l’incarnation de personnages et des déguisements suscitent
l’intérêt des élèves et réduisent beaucoup leur timidité »50.
-Prise en compte de l’auditoire :Rôle actif des auditeurs dans la situation de communication. Par
exemple, « les auditeurs peuvent devenir des observateurs actifs et prendre en note les forces et les points
à améliorer relativement aux éléments non verbaux des élèves qui jouent le rôle de locuteur et
d’interlocuteur »51.

Certes l’oral comme objet d’étude est souhaité, mais il est rarement concrétisé dans les classes. Cela
dépend de la capacité de l’enseignant à construire un processus finalisé d’enseignement-apprentissage, et
ce en intégrant les compétences de l’oral.

En général, on définit la compétence orale comme étant « l’aptitude à exprimer ses pensées et ses
émotions, la maitrise des usages langagiers en contexte, la connaissance des scripts situationnels, la
maitrise des genres oraux et l’aptitude à manier l’implicite en production comme en réception »52. Hymes
définit la compétence de communication comme « la connaissance des règles psychologiques, culturelles
et sociales qui commandent l’utilisation de la parole dans un cadre social » 53. En plus de la maitrise de
l’outil linguistique, il s’agit aussi de la maitrise des situations d’échange dans leur dimension
relationnelle et socioaffective comme dans leur dimension culturelle et discursive ou argumentative.
Plusieurs typologies des compétences orales sont proposées. En didactique de l’oral, on analyse la
compétence orale selon trois dimensions : linguistique, discursive et communicationnelle, en plus de deux
méta-dimensions : psychoaffective et réflexive. Selon le Cadre Européen Commun de Référence, la
compétence communicative possède trois composantes : linguistique, sociolinguistique et pragmatique.
Nous définissons ces domaines de compétence :

50
Ibid, p. 15-16
51
Didactique de l’oral, distinction entre oral médium et oral objet
http://edu1022.teluq.ca/oral/didactique-de-loral/distinction-entre-oral-medium-et-oral-objet/
52
R, GAGNON, Analyse comparative de matériel didactique pour l'enseignement-apprentissage de la communication
orale au secondaire, Mémoire (M.A.), Université de Genève, 2005, p. 39.
53
D. Hymes, vers la compétence de communication, Collection« Langues et apprentissage des langues », Paris, Hatier-
Crédif ,1984, p.60

20
Linguistique : On distingue : les compétences phonologiques, les compétences lexicales, les compétences
morpho-syntaxiques ;

Sociolinguistique :Concerne les règles relatives à la dimension sociale de la langue. Elle comprend, à
titre indicatif : les marqueurs des relations sociales (salutation, règles de politesse
(vouvoiement/tutoiement…), les expressions de la sagesse populaire (proverbes…), la différence de
registre (soutenu, courant, familier…),le dialecte et l’accent (origine régionale, sociale…) ;

Pragmatique: Il définit la tâche langagière ou conduite discursive adaptée à la situation ;

Discursif : Selon le CECR, c’est « la capacité à organiser des phrases dans un ensemble cohérent, donc à
structurer son discours »54 , en d’autres termes il s’agit de construire des conduites discursives 55 en
fonction de la situation narrative, explicative ou argumentative ;

Relationnel et social : Il s’agit de « schémas de comportements mis en œuvre dans les relations
sociales .Il s’agit par exemple , de la capacité à établir un contact , parler en public , écouter , discuter, se
confronter , travailler en groupe »56. C’est une compétence qui se propose d’assurer l’extraversion et de
contrecarrer l’anxiété communicationnelle ;

-Métalinguistique : prendre distance pour pouvoir évaluer et analyser son discours et agir sur sa
production. DOLZ et SCHNEWLY insistent sur la compétence méta-communicationnelle au sein de la
communication orale, et ce comme étant la finalité stratégique de l’enseignement de l’oral. Il s’agit de
créer « un rapport conscient et volontaire de son propre comportement langagier, mais aussi de développer
une représentation de l’activité langagière dans des situations complexes comme étant le produit d’une
réelle réalisation interactive .Dans le même sens, Philippe Perrenoud pense «qu’il n’y a pas de pleine
compétence de communication sans compétences de méta-communication, autrement dit, sans capacités
d’analyser le contexte, les attentes, les règles du jeu et parfois de les expliciter, de les reformuler, de les
renégocier avec l’interlocuteur»57.

54
Cadre Européen Commun de Référence pour les langues ,2001, p. 98
55
La notion de conduite discursive est « l’interface entre le cognitif et le langagier ». Elle permet de rendre compte des
constructions des objets de discours tout au long de l’interaction. On peut parler aussi de «conduites langagières » , dans
le sens où il s’agit « d’activités de discours » qui structurent le rapport au monde et à l’expérience, en plus qu’elles
concrétisent l’apprentissage scolaire » Quelle méthodologie faut-il adopter pour l’enseignement/apprentissage de l’oral ?
Elie ALRABADI, Didáctica. Lengua y Literatura,2011, Vol. 23 15-34, p. 19
56
Gilles Amado et André Guittet, « Interaction et relation à autrui », Dans Dynamique des communications dans les
groupes (2012), pages 39 à 48, 2012,Collection U, Armand Colin.
57
Philippe Perrenoud, « Bouche cousue ou langue bien pendue ? L’école entre deux pédagogies de l’oral », In Wirthner,
M., Martin, D. et Perrenoud, Ph. (dir.) Parole étouffée, parole libérée. Fondements et limites d’une pédagogie de l’oral,
Neuchâtel et Paris, Delachaux et Niestlé, 1991, pp. 15-40.

21
La réalisation de l’ensemble de ces compétences conduit vers deux grands axes de la didactisation de
l’oral : réception ou compréhension de l’oral, puis production ou expression orale.

8- La compréhension de l’oral

La compréhension de l’oral constitue une phase cruciale dans l’acquisition d’une langue étrangère. C’est
une compétence qui cherche à faire acquérir à l’apprenant des stratégies d’écoute puis après de
compréhension d’énoncés dans le cadre de la communication orale. En effet, l’interaction suppose la
capacité de recevoir et de produire des énoncés.
On définit l'acte de compréhension comme un acte d'apprentissage de nature multidimensionnelle. Selon
le dictionnaire de didactique des langues, la compréhension est : «une opération mentale, résultat du
décodage d’un message, qui permet à un lecteur (compréhension écrite) ou à un auditeur (compréhension
orale) de saisir la signification que recouvrent les significations écrites ou orales » 58. Il s’agit d’un
ensemble de processus cognitifs permettant à l’apprenant d’accéder au sens qu’il écoute . A l’oral, la
compréhension est un enjeu majeur parce qu’il peut y avoir distorsion entre ce que l’émetteur veut dire et
ce que le récepteur comprend.

De ce fait, la difficulté à l’oral provient du fait que « comprendre n'est pas une simple activité de
réception : la compréhension de l'oral suppose la connaissance du système phonologique, la valeur
fonctionnelle et sémantique des structures linguistiques véhiculées, mais aussi la connaissance des règles
socioculturelles de la communauté dans laquelle s'effectue la communication sans oublier les facteurs
extralinguistiques comme les gestes ou les mimiques. La compétence de la compréhension de l'oral est
donc, et de loin, la plus difficile à acquérir, mais la plus indispensable » 59.
La compréhension fait partie de la réception de l’oral, résultat d’un long entrainement en assimilant le
fonctionnement d’une langue, d’une culture et des situations de communication.

Audition et écoute : En matière de compréhension de l’oral, deux aptitudes doivent être développées
chez les apprenants d’une langue étrangère :

A. la perception auditive : on peut la définir comme étant « la découverte de la signification à travers


une suite de sons. Généralement, on ne peut percevoir que ce que l’on a appris à percevoir. Par
conséquent, cette habilité évolue en cours d’apprentissage jusqu’à la maîtrise du système phonologique de
la langue étrangère en question et le développement des compétences linguistiques et langagières »60. En
d’autres termes, il s’agit d’« identifier la forme auditive du message, percevoir les traits prosodiques ainsi
58
Robert GALISSON, et Daniel, COSTE, « Dictionnaire de didactique des langues », Hachette,France, 1976, p. 10.
59
J .P.Cuq et I .Gruca, Cours de didactique langue étrangère et seconde, presse universitaire de Grenoble, 2005,p.183

22
que la segmentation des signes oraux et y reconnaître des unités de sens sont des opérations difficiles,
d’autant plus que l’on est conditionné par son propre système phonologique pour apprécier les sons d’une
langue étrangère »61.
B. l’écoute : A la différence de la perception auditive, l’écoute est une pratique volontaire et active qui
est, selon Lhote, « une écoute consciente, effectuée dans la vigilance, et qui met en jeu le double
fonctionnement de la perception de parole, c’est-à-dire un traitement de parole selon deux modes, l’un de
type global, l’autre de type analytique » 62.D’autres capacités s’en suivent comme sélectionner, identifier,
synthétiser…etc. Etape fondamentale de la compréhension, l’écoute active peut être subdivisée, selon
certains didacticiens, en trois étapes principales : la pré-écoute, l’écoute et enfin l’après écoute.
1-La pré-écoute : son objectif est la compréhension du contenu de message, l’enseignant oriente ses
apprenants vers les mots clés du document (vocabulaire) pour en préparer l’explication ou organise une
autre activité pour saisir le sens du document ;
2-L’écoute : la première étape de la compréhension de l’oral :On procède par une bonne
mémorisation en vue de saisir le sens du message et sa situation , répondre aux questions qui ?, ou ?,
quand ?, à qui ?de quoi ?). L’étape de l’écoute passe par trois phases :
La première écoute : présenter la situation de communication (le thème, les interlocuteurs).
La deuxième écoute : vérifier les hypothèses émises au départ et permettre aux apprenants de préparer
des réponses exactes et précises.
La troisième étape : faire la synthèse des informations recueillies et préparer la troisième phase dite
« après écoute »
3-L’après écoute : formuler les hypothèses

Les types d’écoute : Les didacticiens distinguent plusieurs types d’écoute que l’enseignent du FLE se
doit de faire développer chez ses apprenants :

-L’écoute de veille: elle est naturelle et inconsciente, son objectif est d’éveiller l’attention de
l’apprenant ;
-L’écoute analytique : orienter l’attention de l’élève à la parole dans ses détails ;
-L’écoute sélective : son objectif est de repérer certaines informations cherchées par l’auditeur ;
- L’écoute globale ou synthétique : déceler la signification générale ou l’idée principale du document.
Elle intervient après l’écoute analytique et procède par induction ;

60
ALRABADI, Elie, « Quelle méthodologie faut-il adopter pour l’enseignement/apprentissage de l’oral ? », Didactica
Lengua y Literatura, n. 23, pp. 15-34, 2011 ,p.23.
61
Jean-Pierre, CUQ, et Isabelle, GRUCA , Cours de didactique du français. Langue Etrangère et seconde, Grenoble,
PUG, 2003, 154-155
62
Elisabeth, LHOTE Enseigner l’oral en interaction. Percevoir, écouter, comprendre, Paris, Hachette, 1995, p.51

23
-L’écoute perceptive : se concentre sur la recherche du sens à travers le registre de la voix ou les formes
expressives ;
-L’écoute critique : évaluer, inférer et porter un jugement sur le texte

L’ensemble de ces éléments relatifs à la compréhension de l’oral doivent être intégrés dans des modèles
de compréhension de l’oral² .La compréhension orale, dans ses processus cognitifs, comme celle de
l’écrit, peut se réaliser à travers deux modèles :
-Le modèle onomasiologique (du sens à la forme) : Dans ce modèle, le processus de compréhension
fonctionne de haut en bas, il résulte d’une série d’opérations : formuler les hypothèses, les vérifier par une
confrontation avec les indices (confirmées ou infirmées)63.
- Le modèle sémasiologique : (de la forme au sens) : Dans ce modèle, « le processus de compréhension
fonctionne de bas en haut, c’est-à-dire, décoder les unités linguistiques individuelles [phonèmes,
graphèmes, mots, syntagmes et propositions], puis à confronter ces unités analysées à des connaissances
générales » 64.Ce modèle induit des opérations et un certain nombre de phases comme la discrimination :
(identification des sons), la segmentation (délimiter les mots, groupe de mots ou de phrases qui
représentent ces sons), interprétation ( donner du sens à ces groupes de mots , synthèse (la construction
globale du sens du message).

Pour ce qui est des procédés d’évaluation de la compréhension de l’oral ,on peut proposer une palette
d’exercices pour recueillir des réponses précises aux questions :des questionnaires à choix multiples
(QCM) , des questionnaires vrai/faux/je ne sais pas des tableaux à compléter, des exercices de
classement ,des exercices d’appariement, des questionnaires à réponses ouvertes et courtes (QROC) ,des
questionnaires ouverts, les questions fermées, le texte lacunaire ou à trous.

9-L’expression ou production orale

Elle est considérée comme priorité de la didactique des langues en général. Son objectif est d’amener
l’apprenant à prendre la parole comme à respecter celle de l’autre. On définit l’expression orale comme
étant une compétence consistant à s’exprimer oralement (produire des énoncés oraux) dans des diverses
situations de communications pour transmettre un message, cette compétence est déclinée en sous-
compétences : phonétique, lexicale, grammaticale, discursive, socioculturelle et stratégique.

63
Ferroukhi K, la compréhension orale et les stratégie d’écoutes des élèves apprenant le français en2eme année
moyenne en Algérie, synergies, Algérie, n° 4, P.273-280, 2009
64
Ibid

24
Il ne s’agit pas d’une démarche unilatérale, mais d’un rapport interactif entre deux interlocuteurs, ce qui
induit aussi la démarche de l’écoute et de compréhension de l’autre. Cette compétence est complexe et
difficile à acquérir car elle fait appel à plusieurs composantes : linguistique, discursive, socioculturelle.

L’enseignement de la prononciation est fort important puisqu’elle est la condition sine qua non de la
compréhension et de l’expression orale. Les enseignants planifient des activités pour corriger les erreurs
de prononciation par des méthodes comme celle de la discrimination auditive. De la part des
enseignants, on s’attend aussi à une bonne connaissance du système phonique de la langue maternelle
comme de la langue cible pour pouvoir gérer les phénomènes de l’interférence linguistique. Par exemple,
pour certains arabophones « il est difficile de percevoir la différence entre deux énoncés tels que je
voudrais prendre un pain et je voudrais prendre un bain (confusion [P] vs [b]), le son [P] n’existant pas
dans le système phonétique arabe. Certains apprenants ne repèrent pas facilement leurs erreurs
phonétiques et peuvent être convaincus d’avoir produit [P] alors qu’ils ont produit un [b]. On doit donc
essayer de leur faire distinguer les deux phonèmes pour ensuite les reproduire »65.
On peut aussi encourager la prise de parole des apprenants et valoriser leurs productions, la lecture à
haute voix ou l’oralisation comme travail sur la langue dans ses différents aspects : prononciation,
prosodie, élocution, compréhension, vocabulaire, etc.

Cependant, plusieurs obstacles se dressent devant la volonté de prendre la parole chez les apprenants :

Les obstacles psychologiques : absence de confiance en soi, peur du regard des autres, lequel peut
entraîner un blocage psychologique se traduisant par le trac, la timidité ou l’anxiété langagière.

Les obstacles sociologiques et institutionnels : la peur d’être jugé par le groupe peut freiner l’apprenant
et le mettre mal à l’aise. D’où la nécessité pour l’enseignant de ne pas sanctionner l’erreur et de créer
toutes les conditions favorables à la prise de parole. Pierre-Yves Roux parle de cinq conditions pour
assurer une bonne prise de parole66 :

• Il faut avoir quelque chose à dire ou à exprimer, il faut savoir le dire et l'exprimer, il faut avoir le droit de
le dire ou de l'exprimer, il faut avoir l'envie de le dire et de l'exprimer (motivation), il faut avoir l'occasion
de le dire et de l'exprimer ( l'enseignant ne doit pas monopoliser la parole).En même temps, il est plus que
nécessaire de faire prendre conscience aux apprenants que la prise de parole « n'est pas un moment de

65
Elie ALRABADI, « Quelle méthodologie faut-il adopter pour l’enseignement/apprentissage de l’oral ? », Didactica
Lengua y Literatura, n. 23, pp. 15-34, 2011 ,p.18.
66
Pierre-Yves Roux, Conditions nécessaires à l’entraînement de l’expression orale.
http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2005.chaban_o&part=9346

25
défoulement mais bien un outil de travail. Parler, ce n'est pas simplement s’exprimer, mais c'est aussi être
compris des autres »67.

La production de l’oral en contexte scolaire, à travers des processus finalisé, induit une rationalité
didactique que traduit la notion du genre scolaire ou du modèle didactique.

10- Les modèles didactiques de l’oral

La maîtrise de l’oral ne n’acquiert pas spontanément, c’est pourquoi « la communication scolaire est un
processus finalisé, c’est-à-dire qu’elle est autorisée et même provoquée par l’enseignant en ce qu’elle lui
semble constituer au moins un bon moyen pour atteindre certains objectifs »68.De ce fait, la pratique de
l’oral doit être formatrice à travers de véritables situations d’apprentissage et une pédagogie active et
fonctionnelle. L’enseignabilité de l’oral, en tant qu’objet d’enseignement, dépend de la capacité de la
didactique à élaborer des modèles porteurs de compétences et inspirés des pratiques langagières sociales.

Ce travail de didactisation commence avec l’investissement de la notion du genre qui « fixe des
significations sociales complexes concernant les activités d’apprentissages langagières. Il oriente la
réalisation de l’action langagière, tant du point de vue des contenus, qui lui sont afférents et qui sont
dicibles par lui, que du point de vue de la structure communicationnelle et des configurations d’unités
linguistiques auxquelles il donne lieu (sa textualisation) »69.

Les genres sont alors institués en outil d’enseignement-apprentissage permettant de construire des
situations de communication : s’exprimer, de s’expliquer, de décrire, d’argumenter, de décider…etc. Selon
Schneuwly et son équipe, les genres doivent être tout d’abord des pratiques orales socialisées que les
élèves peuvent retrouver dans la vie de tous les jours, telles que les débats et les discussions. Le genre
fonctionne comme une norme qui intervient dans la structuration des énoncés compte tenu de la situation
d’interaction. M. Bakhtine distingue deux types de genres :

- Le genre du discours premier ou primaire : échanges spontanés appartenant la vie courante, comme la
conversation familière,

67
Didactiques de l’oral, aborder autrement la compréhension et l’expression orales
http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:tQFk-zKk9oUJ:oulad-touhami.e-monsite.com/medias/files/
didactique-de-l-oral2.ppt+&cd=1&hl=fr&ct=clnk&gl=ma
68
Marc Weisser, la gestion didactique des situations d’argumentation orale in Les Sciences de l’Éducation pour l’Ère
Nouvelle n°36/3, U. Caen, pp. 49-76, 2003.
69
Joaquim Dolz et Roxane Gagnon, « Le genre du texte, un outil didactique pour développer le langage oral et écrit »,
Pratiques, 137-138 | 2008, 179-198.

26
-Le genre du discours second : échanges soumis à des règles et plus ou moins élaborés, il se réalise à
travers des formes langagières conventionnelles à une communauté culturelle ou disciplinaire, comme le
roman, la conférence et le débat.

Le passage du premier genre discursif au deuxième repose sur la transformation des pratiques langagières
que peuvent accomplir, dans le contexte scolaire, les élèves à partir des consignes ou prescriptions de
l’enseignant. Ainsi, « la prescription initiale devient matériau constitutif d’un genre second, en usage dans
la communautés scientifique scolaire et indispensable au contrôle de l’activité» 70. On parle alors de
processus de « secondarisation » correspondant à l’appropriation d’outils culturels, linguistiques et
disciplinaires dans le contexte scolaire.

Si les genres regroupent la diversité et l’hétérogénéité des textes, prenant en compte les « pratiques
sociales de référence », ils permettent aussi de définir les dimensions enseignables qui peuvent générer
des activités et des séquences d’enseignement. Ils peuvent de même servir de base pour une grammaire de
l’oral (caractéristiques communicationnelles, textuelles et sémantiques ou d’oralité).

Les modèles didactiques sont constitués à partir de la formalisation des composantes enseignables des
genres oraux et écrits pour l’enseignement, ces modèles désignent« la description provisoire des
principales caractéristiques d’un genre textuel en vue de son enseignement. Le modèle didactique du genre
est une élaboration en ingénierie didactique qui explicite les dimensions suivantes : « les savoirs de
référence à mobiliser pour travailler les genres, la description des différentes composantes textuelles
spécifiques, les capacités langagières de l’élève qui les concernent »71.

Lizanne Lafontaine et Clémence Préfontaine définissent les critères épistémologiques qui président à
l’élaboration d’un modèle didactique, à savoir :

« La pertinence : permet de sélectionner et d’expliquer les composantes et les articulations estimées


significatives et importantes dans un processus ;

-Le globalisme : exige que l’objet d’étude soit perçu comme une partie insérée et active dans un plus
grand tout ;

70
Martine Jaubert, Langage et construction de connaissances à l'école: un exemple en sciences, Etudes sur l’Education,
Presses universitaires de Bordeaux, 2007, p 207
71
Joaquim Dolz et Roxane Gagnon, « Le genre du texte, un outil didactique pour développer le langage oral et
écrit », Pratiques, 137-138 | 2008, 179-198.

27
- La téléologie : permet de ne pas seulement considérer la relation de cause à effet qui peut être invalide
dans certaines situations. La téléologie est aussi une réflexion sur les finalités de l’objet à connaître
comme des clés d’entrée du dispositif de l’intelligence rationnelle ;

- L’agrégativité : permet d’interpréter des éléments qui sont intéressants à travers des simplifications qui
imposent la sélection d’agrégats pertinents »72.

Dolz et Schneuwly élaborent le modèle d’une séquence didactique pour l’enseignement d’un genre
textuel, ce modèle s’organise en cinq étapes :

1-Production initiale : les élèves réalisent une quelconque production à partir de leurs connaissances
antérieures (cerner les difficultés par rapport au genre textuel) ;

2-Etablir l’état des connaissances des élèves et de leurs représentations ;

3-Réalisation d’un projet concret réalisé pour quelqu’un (une autre classe, un comité, etc.) et déclenché
dans la production initiale (atelier -modules d’activités scolaire) ;

4-Réalisation de productions simplifiées (modules divers) pour enrichir la production finale ;

5-Production finale (intégration des apprentissages) avec possibilité d’évaluation formative ou


certificative critériée à l’aide des grilles d’évaluation

Il convient de distinguer deux orientations didactiques de l’enseignement de l’oral : l’oral intégré et l’oral
autonome. L’oral autonome désigne un enseignement de l’oral spécifique avec des objets et contenus
définis à partir de genres (formes orales modélisées) » .L’oral intégré, lui, correspond aux situations
d’oral intégrées dans les enseignements de l’école et la vie de la classe ( dimension cognitive de l’oral et
les interactions dans la construction des savoirs de manière transversale), son objectif est de s’approprier
les apprentissages mais aussi de développer des conduites langagières spécifiques .

Modèles didactiques :

1 -La conversation. Elle se caractérise par :


- Des échanges qui sont égalitaires, chaque participant est tour à tour locuteur et destinataire 73, le cadre est
interactif symétrique ou interpersonnel ;
- Absence de rôles prédéterminés et d’intervention extérieure pour gérer les tours et les temps de parole ;

72
Lizanne Lafontaine et Clémence Préfontaine, Modèle didactique descriptif de la production orale en classe de français
langue première au secondaire , Online publication: Aug. 14, 2007
https://id.erudit.org/iderudit/016188arCopiedAn error has occurred
73
Béal-Hill , ANALYSE DES INTERACTIONS E53MCM EAD
http://asl.univ-montp3.fr/L308-09/MCC5/E53SLMC1/cours/Analyse_interactions1.pdf

28
- La conversation est en quelque sorte gratuite et trouve sa finalité en elle-même : on converse pour le
plaisir et pour créer ou maintenir des liens sociaux ;
-Style familier et déroulement improvisé ;
-La conversation, qui implique une composante argumentative, peut être consensuelle, coopérative ou
conflictuelle ; dans ce dernier cas, elle est compétitive.
La conversation est peu exigeante, ce qui est plus rassurant et motivant pour les élèves, cela leur garantit
une sorte de liberté d’expression. Ainsi, la diversité des thèmes permettra la prise de paroles de la majorité
d’entre eux chacun selon son centre d’intérêt.

2-Discussion

La conversation et la discussion pourraient être considérées comme les deux piliers de communication : la
première est centrée sur le consensus et la coopération, la seconde sur l’expression de la divergence et
l’affirmation d’une compétitivité. La discussion est une pratique d’oral planifiée, on la définit comme
toute situation où « chacune des parties réagit aux signaux de l'autre partie. La confrontation des signaux
a pour objectif d'enrichir la connaissance des différentes parties. Cela implique l'écoute qui est le point de
départ constituant le prolongement de l'échange »74. La discussion est la construction d’un dialogue entre
un locuteur et un interlocuteur sur un sujet déterminé. Dans ce cas, le débat peut être considéré comme
une forme de discussion.

3-L’exposé75 :Il « vise à communiquer aux autres le résultat d’une recherche; à les informer, les instruire
sur un sujet particulier. Par ses exigences et son ampleur, cette activité prolonge et approfondit celle du
compte rendu »76.Il nécessite la maîtrise des techniques de la recherche documentaire ainsi que de la
synthèse. Lors de la prestation, l’attention sera focalisée sur la prise de parole et l’adaptation à l’auditoire,
ainsi que sur les interactions.

On pense souvent qu’il s’agit d’une activité qui a mauvaise presse parce qu’elle est « souvent une source
de stress pour les élèves :Un des grands problèmes de l’exposé oral reste son manque d’interaction entre le
locuteur et l’auditoire et entre les locuteurs eux-mêmes lorsque la prise de parole se fait en équipe. […]
[En effet, il est important de favoriser] les échanges entre les participants comme dans une réelle situation

74
Qu'est-ce qu'une discussion, finalement ?
https://jbp.typepad.com/jb/2009/05/questce-quune-discussion-finalement-.html
75
LES DIFFÉRENTES PRATIQUES DE L’ORAL EN CLASSE DE LANGUE , DÉVELOPPER LA PRODUCTION
ET LA MAÎTRISEDE L’ORAL DE NOS ÉLÈVES
http://bp.sscc.edu.lb/formation_word/D-3-12-13.pdf
76
Ibid

29
de communication et que l’auditoire soit également partie prenante de cette interaction »77.
4-La narration orale78

5-La description orale79 d’un objet, d’un personnage, d’un paysage ou d’une image, elle est pratiquée de
manière préparée ou improvisée80.

6-Le salon romanesque 81: les élèves sont installés dans un demi-cercle, un élève commence le début de
la situation initiale d’un Récit, un autre greffe des éléments de la situation spatio-temporelle, le troisième
peut introduire le héros, un autre l’élément perturbateur …ainsi de suite.

7-La lecture suspendue82 : l’enseignant entame la lecture d’un extrait de roman, demandera aux élèves
d’imaginer la suite.

8-Discussion philosophique : L’objectif en est tout d’abord « apprendre à penser ». Il s’agit moins
« d’assimiler des idées toutes faites que d’apprendre à recourir à un processus qui permette de formuler
ses propres idées au sein d’une dynamique interactive »83 . On peut se référer ici à l’approche éducative
holistique de M. Lipman, approche affective, sociale et morale et heuristique (découvrir en pratiquent).Il
s’agit d’un modèle de recherche cognitive axée sur « la mise en relation des idées ainsi qu’un mode
d’interaction avec pratique du dialogue, de l’écoute, du respect et du souci de l’autre »84.
A partir de la dimension relationnelle, se crée une « communauté de recherche » qui met en avant des
postures de décentrement : centration sur la tâche, la verbalisation, la divergence des points de vue. Cela
permet de faire émerger des conflits socio-cognitifs pour faire que les représentations évoluent.

On peut soulever l’importance de la notion de communauté de recherche qui permet « un lent détachement
du subjectivisme, de l’isolement intellectuel et social et du sentiment d’un monde incompréhensible et

77
L , Lafontaine , Activités de production et de compréhension orales. Présentation de genres oraux et exploitation de
documents sonores. Montréal : Chenelière., 2011 p. 37
78
LES DIFFÉRENTES PRATIQUES DE L’ORAL EN CLASSE DE LANGUE , DÉVELOPPER LA PRODUCTION
ET LA MAÎTRISEDE L’ORAL DE NOS ÉLÈVES
http://bp.sscc.edu.lb/formation_word/D-3-12-13.pdf
79
Ibid
80
Ibid
81
Ibid
82
Ibid
83
L’ORAL REFLEXIF A L’ECOLE PRIMAIRE
pratiquesphilo.free.fr › contribu › mrd › Michele Raoux
84
Ibid

30
déroutant »85.On procède à la recherche de vérité intersubjective comme on fait l’apprentissage du
dialogue et de la tolérance. En plus, selon M Lipman, le dialogue philosophique privilégie la
compréhension globale ou systémique.
Dans le contexte oral, la pratique de la discussion philosophique « tend à la complexité, elle tend à
l’unité, elle est prête à se plier à la preuve, elle recherche l’intelligibilité, vise l’acmé de la connaissance et
est généralement de grande portée »86.Cette pratique permet de passer par l’apprentissage de trois notions
essentielles, à savoir la conceptualisation, la problématisation et l’argumentation.

9-Le jeu de rôle


On le définit comme « un événement de communication interactif à deux ou plusieurs participants, simulé
par les apprenants pour développer leur compétence de communication sous trois aspects : compétence
linguistique, compétence sociolinguistique et compétence pragmatique. Cet événement de communication
peut être préparé par les apprenants, mais doit laisser une marge à l’improvisation, sans quoi le jeu de rôle
ne serait pas formateur et ne permettrait pas de travailler sur un des éléments essentiels de l’interaction
réelle, à savoir l’aptitude à réagir à l’imprévu. À l’instar de la dramatisation, le jeu de rôle invite ainsi les
apprenants à endosser le rôle d’un personnage, réel ou imaginaire, dans des situations fictives
préétablies.»87.
À la différence de la dramatisation, le jeu de rôle ne fournit pas le texte à jouer, mais seulement un
squelette, qu’il s’agira d’habiller en actions et en mots. Il est différent aussi de la simulation où «
l'étudiant joue son propre rôle en se projetant dans une situation professionnelle réaliste. Dans un jeu de
rôle, il campe un rôle ou un personnage »88. Les élèves jouent des rôles à partir d’un canevas concerté avec
l’enseignant qui prépare l’activité, définit les objectifs, définit les personnages et règles et prend en
considération la contrainte du temps. Il teste le scenario par un pré-test et visualise le déroulement en
fonction des contraintes.

Le jeu de rôle Implique une grande part de liberté, les rôles sont interprétés de manière spontanée. C’est
pourquoi il est l’activité par excellence pour atteindre les objectifs psycho-affectifs. Trois phases
pédagogiques structurent l’activité : préparation, déroulement et retour sur l'activité.

10-Oral réflexif

85
Ibid
86
Ibid
87
Jean-Pierre, ROBERT, Dictionnaire pratique de didactique du FLE. Paris : Ophrys, 2008, p.110
88
Chamberland,G. Lavoie, L. et Marquis,D, 20 formules pédagogiques. Sainte-Foy : Les Presses
de l’Université du Québec, 2000, p. 81

31
L’oral réflexif sert à reconstruire, à penser et à apprendre. Il est question pour l’élève de clarifier ses
perceptions, sa compréhension ou encore ses anticipations à l’aide de mots ou d’énoncés en regard des
apprentissages réalisés et de l’enseignement reçu. C’est « est un type d’oral dans lequel les élèves sont
encouragés, par des questionnements et des discussions, à s’exprimer sur les composantes, sur les effets
des différents objets de l’oral (par exemple, le regard, l’intonation, le lexique, etc.), sur la situation de
communication, sur leurs connaissances et sur la mobilisation de stratégies diverses »89.Il permet de
développer des capacités d’analyse de la situation de communication.

De ce fait, il favorise une prise de distance et la construction de processus langagiers qui contribuent à la
construction des connaissances et à la prise en compte du discours de l’autre .Ces types d’interactions
orales participent au développement des pratiques langagières en classe, ils permettent aux élèves de
construire des points de vue et réseaux conceptuels nouveaux. Pour les enseignants, ce modèle didactique
permet de vérifier le degré de compréhension sans oublier qu’il favorise une écoute plus soutenue de la
part des élèves.

11-Le débat

Genre social à valeur didactique, le débat est un dialogue où plusieurs personnes présentent des
arguments contradictoires afin de faire avancer une idée sur un thème quelconque. Dolz, J. Schneuwly, B
pensent que : « dans les sociétés démocratiques le débat est l’une des formes courantes de délibération
publique, il se caractérise par une discussion sur une opinion controversée entre plusieurs partenaires qui
essaient de modifier les opinions ou les attitudes d’un auditoire, il peut être envisagé comme un moyen
d’atteindre un consensus ou comme la manifestation d’un désaccord irréductible entre les
adversaires .Généralement ,il précède et prépare une prise de décision » 90.

On parle d’un « débat réglé » dans le sens où il est régi par des règles et d’un « débat régulé » parce
qu’un modérateur en gère le déroulement, met en évidence les positions des débatteurs et facilite les
échanges entre eux et arbitre les conflits. Le débat se présente comme une interaction symétrique, il
diffère de la discussion proprement dite par sa formalité : déroulement devant un public, le choix du
sujet à l’avance, délimitation de la durée et du nombre des participants, les tours de rôles.

Selon Dolz, J. & Schneuwly, B, on peut définir trois formes de débat en classe :

89
Nancy, Allen, La compréhension orale : une compétence essentielle à la réussite scolaire, 2017
https://passetemps.com/blogue/la-compr%C3%A9hension-orale-une-comp%C3%A9tence-essentielle-%C3%A0-la-r
%C3%A9ussite-scolaire-n3713
90
J. Dolz, B. Schneuwly, Pour un enseignement de l’oral, initiation aux genres formels à l’école. (4em
édition) esf, 2009, p.163.

32
- Le débat d’opinion sur fond de controverse : il porte sur des croyances et des opinions, il vise une
mise en commun des diverses positions dans le but d’influencer la position de l’autre et de modifier la
sienne ;
La délibération : une forme d’argumentation qui vise une prise de décision en cas où il y a choix ou
intérêts opposés, il demande explication des motifs de chacun afin d’aboutir à une solution qui intègre des
positions diverses ;

-Le débat à fin de résolution de problème : l’opposition initiale est ici de l’ordre des savoirs, ou plutôt
des non savoirs où savoirs partiels, une réponse »91.

On peut proposer une autre typologie où le débat peut prendre différentes déclinaisons en fonction des
intentions ou objectifs visés :

-Débat à caractère pédagogique (élaboration d’hypothèses en sciences, résolution de problèmes, ...) ;


-Débat décisionnel (régler des conflits, établir un règlement de classe, ...) ;
-Débat citoyen (vie de la classe, de l’école,…) ;
-Débat « philosophique » (réflexion, échanges sur des sujets tels que le bonheur, ...) ; littéraire,
artistique92.
Le débat d’opinion apparait comme la meilleure forme pour développer les compétences
communicationnelles des apprenants puisqu’il vise à influencer la position d’autrui et par là à créer des
tensions interactionnelles et une dialectique des idées ; il permet de générer un conflit socio-cognitif.

D’autre part, il permet autant à l’enseignant qu’aux élèves d’« analyser les conditions sociales de
production et de réception de l’oral » et « de s’approprier une stratégie argumentative » 93.En d’autres
termes, il s’agit de faire passer l’apprenant « d’une implication forte, personnelle ou passionnelle à un
traitement plus distancié du propos »94 par la maîtrise de la modalisation et du consensus par la prise en
considération de la parole d’autrui .C’est ce qui fait du débat une préparation à l’éducation citoyenne.

91
Dolz, j .Moro, C.et Pollo, A. (2000) le débat régulé : de quelques outils et de leurs usages dans
l’apprentissage .IN REPERES N 22 .tiré de http://ife .ens- Lyon .Fr /publication /édition-électronique/repères
/INRP R S022 -3pdf
92
LE DEBAT REGLE,
http://www2.ac-lyon.fr/etab/ien/rhone/oullins/IMG/pdf/debat_regle_fiche_compl.pdf
93
DOLZ Joachim et SCHNEUWLY Bernard, Pour un enseignement de l’oral, éd. ESF, p164.
94
Le français en classe de 3e Accompagnement pour la classe de 3e , L’oral ,
http://michel.balmont.free.fr/pedago/outils/oral/oral_3eme_acc.pdf

33
A partir du moment où l’apprenant prend conscience de ses comportements langagiers, le débat peut
assurer le passage « d’une parole réactive à une parole réflexive ». Cet apprenant est appelé à se
soumettre aux mêmes exigences d’intelligibilité qu’il exige des autres. Dans ce sens le débat est le lieu
d’un dialogue « doublement prototypique » :« conduite originelle mais aussi aboutissement de toutes les
autres conduites langagières. Ainsi le dialogue incarne le plus haut degré dans les conduites langagières
par sa double dimension, à la fois thétique et téléologique »95.

On doit mettre en avant aussi la dimension dialogique du débat puisque chaque débatteur est à la fois
locuteur et auditeur, aussi les interlocuteurs cherchent-ils à « construire conjointement un discours
conversationnel dont ils négocient le sens suivant un principe de coopération. » 96. Les interactions mettent
ainsi en brèche les certitudes, ce qui peut créer les conditions propices à l’apprentissage puisque la
verbalisation participe à l’activité de conceptualisation. Il s’agit, comme dit Dolz, de cette « pensée qui
s’énonce ».

Le débat est le lieu par excellence de construction des compétences argumentatives et interculturelles,
notamment « la compétence de décentration nécessaire à l’acceptation de l’autre comme un être
foncièrement différent de soi mais éminemment respectable. Aussi faut-il mettre en place des moments de
débat qui permettent aux élèves de s’engager à partir de leurs propres systèmes de valeurs et de
représentations, grâce au respect des formes nécessaire à la communication. » 97. La décentration permet de
développer d’autres sous-compétences : prendre conscience de la relativité des systèmes de valeurs,
apprendre à penser par soi-même, apprendre à confronter les interprétations, différencier l’acte de
convaincre et celui de persuader, accepter la coexistence d’un autre point de vue, d’une autre
connaissance, inviter l’interlocuteur à préciser sa pensée.

Au fait, si l’on admet que l’opposition98 est l’attitude interactionnelle garante d’une véritable dynamique
argumentative , les interactants sont tenus de justifier leurs prises de position et s’attendre à l’éventualité
de l’objection qui leur sera opposée de la part des contradicteurs , d’où des conditions rationnelles et
éthiques à réunir, d’autant plus difficilement que la formulation pousse d’emblée à la prise de position et à
l’affrontement cognitif .De là l’importances des modalités linguistiques telles que l’emploi des verbes et
expressions d’opinions (je pense, je crois, je suis persuadé que, il me semble que, d’après moi…),adverbes
de modélisateurs ( évidement, vraiment, heureusement, malheureusement).

95
DOLZ Joachim et SCHNEUWLY Bernard, Pour un enseignement de l’oral, éd. ESF, p164.
96
CECR, 2000 : 60
97
Bruno, Maurer, Politesse, respect : de quelques implications sociales de la didactique de l'oral,
http://eduscol.education.fr/cid46395/politesse-respect-quelques-implications-sociales-didactique-oral.html
98
La notion de l’opposition diffère de la réfutation qui prétend clore le dialogue alors que l’opposition implique et
interpelle une réponse, et est donc une continuation du dialogue.

34
Protocole didactico-pédagogique du débat : Il importe de rappeler que « le recours à l’argumentation
orale en classe résulte à la fois d’une injonction institutionnelle et d’une nécessité épistémologique. Mais
la gestion des moments de débat n’est pas un exercice familier pour nombre de praticiens »99.

On peut préparer l’activité, en phase pré-pédagogique, en demandant aux élèves de faire des lectures
pour structurer leur argumentaire, rechercher des documents (articles de presse, textes réglementaires)
pour enrichir l’argumentation et les mettre à disposition dans la classe dans le cadre des activités de
délestage100.

Pour le déroulement du débat, on peut prévoir les étapes suivantes :L’animateur ouvre le débat par une
formule rituelle (ex : « la séance est ouverte ») ,il pose le cadre : la question et ses sous-thèmes, les rôles,
l’horaire. Il rappelle les conditions de prise de parole, il lance le 1er sous-thème et régule les prises de
parole; lorsque le sous-thème lui semble épuisé, il recentre sur la question principale et lance le sous-
thème suivant. En fin de séance, il fait la lecture des notes prises par les secrétaires. On y apporte les
compléments éventuels. L’animateur clôt la séance par une formule rituelle, alors que les secrétaires
rédigent la synthèse qui sera transcrite dans le cahier de débats; chaque élève en est également destinataire
de même que sa famille par le biais du cahier de correspondance.

Rôles et places discursives :

Un élève est désigné comme président de séance, alors que deux élèves sont nommés observateurs, deux
autres secrétaires, un élève est reformulateur et le reste de la classe sont les discutants.

Le président est appelé à distribuer équitablement la parole, « à réguler les émotions des débatteurs,
relancer le débat en gardant une attitude neutre. Il est principalement en charge de permettre à chacun de
s’exprimer »101.

Le discutant cherche à construire sa pensée à partir de l’analyse et en interaction avec les autres
discutants, l’objectif étant de construire une « réflexion commune ».
Le reformulateur : reprend synthétiquement et neutrement (s’abstraire ce qu’il pense) les paroles des
discutants ou débatteurs.Par là, il contribue à la conceptualisation des propos et à la construction de la
progression thématique.

99
Marc, Weisser. La gestion didactique des situations d'argumentation orale. Les Sciences de l'éducation pour l'ère
nouvelle : revue internationale, CERSE, Université de Caen, 2003, p. 49-76. ⟨hal-00493116⟩
100

101
Michel Tozzi, Kristel Godefroy, « Apprendre à débattre, Les trois compétences philosophiques de base , Discuter
philosophiquement »
https://www.philotozzi.com/1999/11/apprendre-a-debattre/

35
Les secrétaires de séance : leur revient la tâche de prendre en note (traces écrites) les idées
fondamentales, ils présentent vers la fin une synthèse orale (Questions, arguments, problématiques,
décisions).
Les observateurs (deux) : munis d’une grille d’observation pour observer les discutants. Ils exposent
leurs observations pour permettre aux discutants de « prendre conscience de leur comportement pour
qu’ils puissent par la suite progresser et évoluer dans leur participation. On développe par ce biais la
communication réflexive »102.
Règles de la discussion : Respecter le temps défini : 30 mn (temps limite d’attention des élèves), traiter
d’un seul thème par séance, prendre la parole chacun à son tour, ne pas interrompre celui qui parle,
argumenter toute parole, interdire toute moquerie, geste d’agacement ou mépris exprimé par des attitudes
non verbales.

Débat et postures de l’enseignant : L’enseignant peut intervenir pour expliciter les règles, donner un
sens aux activités menées dans la séquence en les situant par rapport au projet global de la classe. Il est
appelé aussi à construire les médiations d’apprentissage lorsque les discutants observent leurs
comportements (enregistrements) en auto-confrontation. Il organise les conditions intellectuelles de
l’échange, il est garant de la qualité des échanges, il doit mobiliser des moyens pédagogiques appropriés
pour construire un débat réfléchi.

Par rapport à l’élève, il procède aux reformulations comme à la définition du contrat didactique. Par
rapport à la classe, il se charge de la répartition des places discursives, de la circulation thématique.

Deux tâches incombent à l’enseignant en activité de débat :


1 -Susciter la demande de savoir « en mettant à la disposition de la classe un matériel expérimental, des
textes littéraires appropriés pour provoquer des discussions riches, c’est-à-dire contenant en germe des
faisceaux d’objet aux aspects variés, « discutables »103.
2-Encadrer la production du savoir : aider les élèves à structurer la discussion

D’autre part, l’enseignant se doit d’éviter des postures comme :


- La « neutralité exclusive » : exclure les sujets « controversés » ;
-La « partialité exclusive » (s’apparente au prosélytisme) consistant à faire adhérer à un point de vue.

102
Un exemple de formation des enseignants à la citoyenneté pour la mise en place de débat réglé à l’école élémentaire.
http://www.inrp.fr/biennale/8biennale/contrib/longue/373.pdf
103
Marc, Weisser. La gestion didactique des situations d'argumentation orale. Les Sciences de l'éducation pour l'ère
nouvelle : revue internationale, CERSE, Université de Caen, 2003, p. 49-76. ⟨hal-00493116⟩

36
De ce fait, il se doit de « quitter la posture hégémonique de distributeur de savoir pour adopter une
position d'étayage dans la construction des savoirs. Cette décentration de l'enseignant facilite également
l'observation des postures de ses élèves dans des formes de communication authentique »104.

Critères de choix de sujet de débat : le sujet doit être générateur de controverse et permettre la
progression des élèves. Selon J.Dolz, J et B.Schneuwly le sujet doit présenter quatre dimensions :

-Une dimension psychologique (motivations, affects, intérêts des élèves) ;


-Une dimension cognitive (complexité du thème, l’état des connaissances des élèves) ;
-Une dimension sociale (épaisseur sociale du thème, ses potentialités polémiques, ses enjeux, ses aspects
éthiques, sa présence réelle à l’intérieur ou à l’extérieur de l’école et le fait qu’il puisse donner lieu à un
projet de classe qui fasse sens pour les élèves) ;
-Une dimension didactique, qui demande que le thème ne soit pas trop quotidien et qu’il comporte
de « l’enseignable »105.

Cadre et exigences éthiques du débat : Force est de préciser en prime abord qu’ «il serait illusoire de
penser que l'objectif final du débat soit la recherche d'un consensus, par émergence d'une position
médiane, ou par accord sur un point de vue particulier(…) Il est plus important que le débat permette non
de convaincre l'autre ou de dégager une position commune, mais de faire émerger les systèmes de valeur à
partir desquels chacun argumente».106

De là la nécessité d’intégrer, dans la réflexion didactique sur le débat, une réflexion aussi sur l’ « éthique
de la discussion » créative des conditions de compréhension mutuelle. Cette éthique peut chercher son
fondement, selon J. Habermas et Karl-Otto Appel, dans l’impératif catégorique d’E Kant : « Agis de telle
sorte que la maxime de ta volonté puisse toujours valoir en même temps comme principe d’une législation
universelle». L’importance du débat serait alors de mettre en place les conditions linguistiques et
intellectuelles qui rendent possible la révision des critères de validité des paroles et des idées. En effet,
dans une discussion « seules peuvent prétendre à la validité les normes susceptibles de rencontrer
l'adhésion de tous les intéressés en tant que participants d'une discussion pratique »107. Il s’agit en d’autres
termes de procéder, pour l’apprenant-locuteur-discutant, à un déplacement, pour ainsi dire copernicien, du
« solipsisme transcendantal » vers la sphère de l’intersubjectivité.

104
Ibid
105
J, Dolz, J. &B. Schneuwly, Pour un enseignement de l’oral. Paris : ESF, 1998, p. 37
106
Bruno Maurer, Politesse, respect : de quelques implications sociales de la didactique de l'oral,
http://eduscol.education.fr/cid46395/politesse-respect-quelques-implications-sociales-didactique-oral.html
107
Jürgen, Habermas, De l'éthique de la discussion, traduction française 1992, Paris, éditions du Cerf, 1991,p.17

37
Le débat développe alors ce que Y. Habermas appelle la raison communicationnelle ou l’éthique de
l’agir communicationnel qui induit un certain nombre d’exigences: reconnaissance de chaque sujet, prise
en compte des arguments de l’autre, création des normes qui pourraient rencontrer l’assentiment de tous.
On comprend alors que le débat soit constitutif de l'espace public et fondateur de la citoyenneté.

On peut évoquer dans ce sens la notion de « communauté de discussion » qui peut conduire à une
communauté de pensée. Matthew Lipman, dans son ouvrage « À l’école de la pensée », parle de ce qu’il
appelle «la communauté de recherche» qui se construit à travers l’élaboration commune de réponse à une
question philosophique. Compte tenu de l’éventualité, permanente, de l’objection de la part des
contradicteurs, les discutants sont, sans cesse, appelés à justifier leurs positions, « d’où des conditions
rationnelles et éthiques à réunir, d’autant plus difficilement que la formulation pousse d’emblée à la prise
de position et à l’affrontement cognitif »108 .

De là peut découler la reconnaissance de la relativité des systèmes de valeurs pour maintenir la relation
dialogique et pour pouvoir construire « une réponse commune à la question posée à partir de réponses
différentes mais égales en dignité ».109 On ne peut donc, également, faire l’économie d’une réflexion sur
la fonction civilisatrice du débat, sur la politesse qui «entraîne d’abord un refoulement de l’agressivité
»110, et qui devient alors un facteur de cohésion sociale et de paix civile.

La fonction « civilisatrice » du débat, garantie en principe par sa relationalité symétrique, ne peut


occulter les dérives qu’il peut engendrer attendu que les protagonistes tiennent des places comparables et
ont parfois des velléités de domination, ce qui conduit à une situation où l’esprit de compétition l’emporte
sur celui de coopération.

111
Eléments didactiques pour structurer le débat : Selon Roxane Gagnon , un certain nombre
d’éléments peuvent structurer le débat mais aussi en permettre l’évaluation, aussi bien pour les
enseignants comme pour les apprenants :

-Les savoirs à enseigner en fonction de chaque genre textuel :

1. La dimension portant sur la représentation de la situation de communication : statut de l’argumenteur,


du destinataire et but d’interaction ;

108
Michel Tozzi, « Débat scolaire : les enjeux anthropologiques d’une didactisation », Tréma, 23 | 2004, 49 - 57.
109
Le débat (réglé ou argumenté), éduscol
https://cache.media.eduscol.education.fr/file/EMC/01/1/ress_emc_debat_464011.pdf
110
Kerbrat-Orecchioni, Les interactions verbales, Tome 1, 2, 3, Paris, Armand Colin, 1992, p.302
111
Roxane Gagnon, Qu'est-ce qu'être compétent en argumentation à l'oral au secondaire professionnel ?, Le français
aujourd'hui 2015/4 (N° 191), pages 45 à 56

38
2. Planification qui précède le débat : documentation thématique ;

3. Planification faite en simultané : structure des contenus thématiques et circuits argumentatifs ;

4.La Textualisation :unités linguistiques nécessaires à la mise en texte du débat :marques de modalisation ,
lexique ;

5. La dimension Voix : regroupe la qualité et le volume de la voix, la diction et l’articulation, la prosodie,


l’intonation et les marques de l’oralité ;

6. Les Ressources paraverbales : incluent à la fois le langage non verbal et les signes non verbaux.

-Les savoirs pour enseigner

1. Tout ce qui a trait aux grandes finalités sociales de l’argumentation orale : argumentation heuristique,
rhétorique, démocratique, oral citoyen d’une part, et, d’autre part, aux implications pédagogiques induites
par le fait de travailler le débat à l’école ;

2. L’institution, deuxième regroupement, stabilise les finalités de l’enseignement, prescrit des instructions
dans les plans d’études, régule par l’énoncé des politiques administratives, etc ;

3. Les connaissances, le développement, les modes d’apprentissage des élèves forment la troisième classe
de savoirs pour enseigner : besoins langagiers et capacités cognitives des élèves ;

4. Les méthodes d’enseignement regroupent les éléments suivants: les savoirs autour des activités
langagières et métalangagières, de la théorie des genres textuels, des processus de décontextualisation
/recontextualisation; les savoirs sur les dispositifs, les consignes et les tâches; les savoirs sur les prototypes
d’ingénierie didactique pour faciliter l’apprentissage de l’oral; les modélisations didactiques, séquences
didactiques (découpage des contenus, organisation des contenus dans le temps, évaluation ;

5. cinquième regroupement est constitué des savoirs sur les pratiques professionnelles.

L’ensemble de ces éléments peut servir à une analyse en macro des séquences d’un débat, y compris en
contexte de formation, et ce à travers :

-les activités langagières ayant trait aux savoirs à enseigner;

- les activités langagières ayant trait aux savoirs pour enseigner;

- les activités métalangagières visant des savoirs à enseigner;

39
- les activités métalangagières ayant trait aux savoirs pour enseigner.

Les modèles didactiques de l’oral, notamment le débat, révèlent l’importance du contexte interactionnel
dans la construction des compétences orales qui ne sont pas uniquement de l’ordre des « postures
scolaires », mais les transcendent vers des postures relevant de la gestion de la « différence », de
l’ « altérité », et par là même de l’éthique de la citoyenneté.

12-Oral et dynamique interactionnelle

La réflexion sur la didactique de l’oral passe aussi par l’analyse des interactions ou de la perspective
interactionniste dans sa dimension formative (constructive des apprentissages).La communication orale
est co-construction d’un contenu, d’une situation et d’une relation dans l’interaction avec autrui. De ce
fait l’interaction implique « l’influence réciproque que les partenaires exercent sur leurs actions
respectives lorsqu’ils sont en présence physique immédiate les uns des autres »112 .

Au début de son livre Les interactions verbales , Kerbrat-Orecchioni formule comme principe
fondamental de l’approche interactionniste: l’idée que tout discours est une construction collective ou une
réalisation interactive. Ainsi, « tout au long du déroulement d’un échange communicatif quelconque, les
différents participants, que l’on dira donc des « interactants » exercent les uns sur les autres un réseau
d’influences mutuelles - parler, c’est échanger, et c’est changer en échangeant » 113. Par cette construction
conjointe du discours conversationnel, les apprenants « négocient le sens suivant un principe de
coopération »114.

Dans ce sens, la discussion, définie comme l’ensemble des interactions verbales orales polygérées autour
d’un thème objet de controverse, est un lieu de co-apprentissage s’appuyant sur « les mécanismes
dialogiques ou conversationnels dans ce la mise en circulation des représentations, des savoirs, des
apprentissages, ainsi que des dynamiques identitaires »115.

Kerbrat distingue les types d’interactions suivants :

-Le dialogue : échange à propos fabriqués par opposition aux conversations authentiques ;
112
Goffman E, cité par Laurent Fillettaz ; Maria –Luisa Schubauer –Leoni dans Processus interactionnels et
situations éducatives, introduction, p.11
113
Kerbrat-Orecchioni, Les interactions verbales. Tome 1, Paris , Armand Colin,1990 , p. 17
114
Le Cadre Européen Commun de Référence pour les langues ,2005, p.60
115
Laurent Filliettaz et Maria Luisa Schubauer-Leoni, Les processus interactionnels dans leurs dimensions
interpersonnelles, socio-historiques et sémiotiques, dans Processus interactionnels et situations éducatives ;2008, pages 7
à 39, Collection : Raisons éducatives, Éditeur : De Boeck Supérieur

40
-La conversation : se caractérise par son caractère improvisé et son immédiateté dans le temps et
l’espace, ce qui en fait aussi un échange familier et décontracté. La conversation est « la matrice de nos
cognitions, elle nous convie à réfléchir sur ce que l’auteur appelle le régime schizophrénique ou le
cooparler qui change notre compréhension de la manière dont le sujet marque il le discours de sa
présence (énonciation) »116 ;

-La discussion : considérée comme un cas particulier de conversation, elle se distingue par « une
composante argumentative importante » ;

-Le débat : Kerbrat-Orecchioni le définit comme une « discussion plus organisée, moins informelle, où
la confrontation d’opinions à propos d’un objet particulier se déroule dans un cadre “préfixé” et comporte
généralement un public et un modérateur »117 ;

-L’entretien : porte sur un thème précis s’appuyant sur un contrat du sérieux ;

-L’interview : se construit dans la dissymétrie des rôles interactionnels, « c’est une action finalisée, faire
connaître aux spectateurs /auditeurs de nouvelles idées ou de nouveaux individus. (…). L’interview est un
spectacle : on parle pour la galerie»118 ;

Pour ce qui est de l’organisation des échanges oraux, toute interaction renferme une grammaire
conversationnelle qu’on peut décomposer en un certain nombre d’unités :

- Une séquence : unité d’échanges cohérents, par exemple séquence d’ouverture et de clôture ;

-L'échange: petite unité dialogale minimale ;

-l'intervention : contribution d’un locuteur à un échange

Les places discursives des interlocuteurs révèlent leur statut. En général, la «position haute » revient à
celui qui définit le mode discursif de l’interaction, c’est-à-dire ici qui transforme une simple conversation
en discussion, ou à celui qui assure la progression thématique, du choix du sujet général à la conclusion,
en passant par les focalisations successives sur différents sous-thèmes »119.

116
Emmanuèle Auriac-Peyronnet, « Comment étudier ce qu'ils disent ? Perspective psycholinguistique », dans Je parle,
tu parles, nous apprenons (2003), pages 67 à 83 , Collection : Pratiques pédagogiques, Éditeur : De Boeck Supérieur
117
Kerbrat-Orecchioni, Les interactions verbales, Tome1, Armand Colin, 1998, Paris, p.118
118
Ibid, p.121
119
Marc, Weisser. La gestion didactique des situations d'argumentation orale. Les Sciences de l'éducation pour l'ère
nouvelle : revue internationale, CERSE, Université de Caen, 2003, p. 49-76. ⟨hal-00493116⟩

41
Les interactions langagières verticales (enseignant > apprenants) se caractérisent par l’asymétrie 120, alors
que celles horizontales (apprenants -apprenants) se caractérisent par la symétrie. Mais ces
caractéristiques ne doivent pas être considérées comme des lois immuables .Le professeur, selon ses
choix, peut ne pas être celui qui tient la position haute d’expliquant.

Typologie des interactions et genres oraux de Robert Vion :

Robert Vion classe tous les « types » d’interactions verbales en fonction de leurs
caractéristiques génériques : pratique sociale de référence, échange entre interlocuteurs, le caractère
formel de l’échange :

Type Équivalent Échange


Caractère Écrits associés
d’interaction scolaire s
très
Allocution Récitation, lecture non texte, notes
formel
très
Conférence cours, exposé non texte, notes...
formel
Témoignage récit non formel -
Consultation questions/réponses oui formel -
Conversation - oui informel -
notes,
Débat débat oui formel
documents
notes,
Discussion discussion oui formel
documents
Dispute - oui informel -
Enquête questions/réponses oui formel questionnaire
Entretien - oui informel trame
Transaction négociation oui formel -

Selon lui, « les genres oraux qui doivent faire l’objet d’un enseignement/apprentissage à l’école sont
essentiellement ceux qui rythment la vie sociale et publique : débat, discussion, négociation, témoignage,
entretien… ; naturellement les genres plus spécifiquement scolaires - exposé, récit, débat, lecture et
récitation - seront nécessairement abordés parce que, d’une part, ils sont en eux-mêmes des vecteurs
d’apprentissages dans la plupart des disciplines et, d’autre part, parce qu’ils constituent souvent des cadres
d’évaluation pour d’autres compétences121 ». Les interactions verbales plus spontanées, qui apparaissent
120
En cas d’asymétrie de compétences linguistiques et communicationnelles on parle de communication exolingue .
121
Les formes de l'oral en classe de FLM/FLE/FL
Extrait de http://sites.estvideo.net/gfritsch/doc/rezo-cfa-2004.htm)

42
dans la sphère familiale, notamment la conversation, trouvent, moins de légitimité à être abordées dans le
cadre scolaire.

L'inventaire de variables didactiques comme aide au choix de programmation des activités


122
orales :On peut s’appuyer sur le modèle proposé par Claudine Garcia-Debanc :

-Nature de l''activité orale : participation à une interaction /oral monogéré / oral scriptural / écrit oralisé ;

-Place de l''activité dans le projet de la classe :Domaine disciplinaire / «oral citoyen » (participation à la
gestion de la classe ou de l''école) - Activité intégrée à un projet / provoquée / simulation (jeu de rôle) -
Degré de ritualisation : activité exceptionnelle / activité fréquente / activité ritualisée ;

-Modalités d'organisation du groupe-classe :Organisation du groupe : groupe-classe / travail en groupes


(taille des groupes, constitution des groupes par affinité ou selon les compétences...) - Présence / absence
du maître au moment de la production orale -Nature des interlocuteurs : à l''intérieur de la classe, entre
classes - Rôles explicites donnés aux enfants (porte-parole, instructeur, régulateur) / pas de rôles -
Disposition spatiale ;

-Pratiques sociales de référence :Genre socialement existant (interview, débat...) / genre scolaire
(exposé) / interaction ordinaire en classe - Prise en compte d''enregistrements radio ou télé - Registre de
langue choisi ;

-Nature des conduites discursives attendues : Enjeu discursif : expliquer, convaincre... - Conduite
discursive : raconter, décrire, expliquer, argumente - Monogéré (généré par un seul émetteur) (oral
monologué) / Polygéré (construit par plusieurs émetteurs (oral dialogué) ;

-Relation écrit / oral : Rapport à l''écrit : pas d''écrit / écrit à lire / à produire - Nature de l''écrit : schéma /
tableau / notes / texte - Moment où intervient l''écrit : avant l''oral / entre deux phases orales / après l''oral ;

-Nature de l''étayage par l'enseignant : Nature des questions : ouvertes / fermées - Nature et fréquence
des reformulations - Niveau de traitement didactique privilégié : gestion des tours de parole / discursif /
lexical / syntaxique / phonologique / prosodique / non-verbal ;

-Place et forme d''une analyse métalinguistique : utilisation d''outils d''enregistrement : vidéo / audio /
transmission d''un micro - Moment : pause en cours d''action / analyse à chaud / visionnement ou réécoute
en groupes / visionnement ou réécoute en groupe-classe - Elaboration d''outils d''évaluation ? - Modalités
d'élaboration d''outils d''évaluation : interaction orale / rédaction en groupes d''indicateurs à observer /
rédaction individuelle d''indicateurs à observer - Utilisation d''outils d''évaluation ? - Modalités
d'utilisation d''outils d''évaluation ;
122
Claudine Garcia-Debanc , « Évaluer l'oral » , Pratiques Année 1999 103-104 pp. 193-212

43
Il est évident que toute situation de l’orale mise en place dans une activité scolaire sélectionne certains de
ces paramètres en fonction des objectifs pédagogiques escomptés. Cependant , la question qui pose le
plus de problèmes pour les praticiens demeure celle de l’évaluation, et ce en raison de la «grammaire »
complexe de l’oral et de la complexité des contextes socio-culturels comme des contraintes « physiques »
qu’il induit.

13-Problématiques de l’évaluation de l’oral

Commençons par cette phrase qui semble résumer toute la problématicité de l’enseignement-
apprentissage-évaluation de l’oral : « l’oral est difficile à évaluer parce qu’il n’est pas enseigné. Il n’est
pas enseigné parce qu’on ne sait pas comment l’évaluer »123. En effet, l’évaluation de l’oral dépend de la
capacité de l’enseignant à en faire un objet d’enseignement, selon une démarche didactique claire
structurée, en amont comme en aval, par des pratiques évaluatives elles -mêmes liées à des objectifs liés
à l’enseignement de l’oral. L’intérêt de l’évaluation de l’oral provient du fait que c’est une condition sine
qua non pour son enseignabilité. Par là aussi, elle peut permettre à l’enseignant d’analyser son mode de
travail, préparer un étayage efficace et une régulation proactive pour permettre aux élèves de progresser.

Néanmoins, on doit reconnaitre que l’oral présente, sui generis, une difficulté à être évalué, et ce de par
son immédiateté et sa nature éphémère et volatile, sans oublier sa multimodalité. C’est ce qui explique,
souvent, la nécessité du détour pédagogique par l’écrit, en plus des enregistrements pour réécouter les
productions et pouvoir retranscrire les corpus oraux et en faire un examen attentif. Par ailleurs, la
spécificité « sémiotique » de la production orale génère un certain nombre de tensions et contraintes se
déployant sur diverses dimensions à la fois didactiques et pédagogiques :
- « Tensions entre la dimension individuelle de l’évaluation (et de l’apprentissage) et la nature interactive
des pratiques d’oral, la dimension collective de son exercice »124 ;

-Tensions liées aux contraintes de la temporalité ;


-Tensions liées à la contrainte du nombre, sachant qu’un apprenant occupe le temps collectif, que l’oral
est chronophage ;

123
Lizanne Lafontaine, L’ÉVALUATION DE L’ORAL EN CLASSE DE FRANÇAIS AU SECONDAIRE
www.aefe-europe.net › ressources-zese › download
124
Élisabeth Nonnon, Entre description et prescription, l’institution de l’objet : qu’évalue-t-on quand on évalue l’oral ?
Repères. Recherches en didactique du français langue maternelle Année 2005 31 pp. 161-188

44
-Tensions liées à la dimension affective de la prise de parole qui devient source d’insécurité
psychologique pour l’apprenant. En effet, « c’est toute sa personnalité, son corps, son apparence que le
locuteur met en jeu. L’apprenant doit oser et cela génère parfois un sentiment d’insécurité »125.

-Tensions liées à la prédominance de la question de la norme faisant que, parfois, les enseignants, même
en FLE, cherchent à amener les élèves à la compétence orale d’un natif.
L’auto-évaluation et métacognition : Soulignons tout d’abord l’importance de la rétroaction qui permet
à l’élève de prendre en charge sa communication orale et à s’auto-évaluer. Cette rétroaction permet de
réduire les effets de la « fragilité sémiotique » de l’oral (insaisissabilité). Les traces de la production orale
peuvent être retenues à travers plusieurs techniques et démarches : Filmer les élèves, les enregistrer sur
cassette audio, leur faire faire une autoévaluation, prendre des notes pendant la production orale, avoir
recours à des élèves observateurs/évaluateurs et recueillir leurs notes, utiliser le portfolio, grilles d’auto-
évaluation, évaluation par les pairs et aussi les grilles évolutives 126.

En arrière-plan des « événements visibles » du débat, sa structure profonde nous reste inaccessible sans
un passage de l’activité cognitive à la conscience « métacognitive » qui se laisse formaliser dans le travail
de méta-communication, autrement dit la recherche d’un consensus sur le code, les règles et le sens de la
communication.

Par cette compétence méta-discursive, l’apprenant réfléchit sur sa façon de communiquer et celle des
autres, ce qui permet de mettre en place de processus d’apprentissage. Une telle compétence ne peut se
construire que par une intégration progressive de la « conscience de l’erreur », notamment dans sa
spécificité orale. Parfois, en contexte du FLE, l’erreur « n’est que la manifestation de ce que l’on appelle
l’interlangue, c'est-à-dire l’état de maîtrise provisoire de la langue étrangère en train de se former. L’erreur
fait partie intégrante de cette langue intermédiaire entre les balbutiements du départ et l’état de maîtrise
relative final. C’est donc par ses erreurs que l’apprenant progresse, qu’il teste ses hypothèses de
fonctionnement du système nouveau qu’il est en train de se créer. »127. En tant que système
« intermédiaire », l’interlangue d’un LNN (locuteur non natif) se réalise à travers des « marques
transcodiques », ce « qui peut remplacer la notion de l’erreur, et qui renvoie « la rencontre de deux ou
plusieurs systèmes linguistiques : calques, emprunts, transferts lexicaux, alternances » 128 .

125
Laura CHIRIAC, PROFESSIONAL COMMUNICATION AND TRANSLATION STUDIES, 6(1-2) / 2013, 211,
L’ORAL–OBJET OU MOYEN D’APPRENTISSAGE? Politehnica University of Timişoara, Romania
126
Noter les observations sur une période à long terme
127
Comment corriger l’erreur ? De la nécessité du signalement
http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2004.burkhardt_e&part=89778
128
Elena Coşereanu, « Transferts interlinguistiques dans des tâches d'écart d'information chez des apprenants de FLE »,
Recherches en didactique des langues et des cultures [En ligne], 7-2 | 2010, mis en ligne le 01 octobre 2010, consulté le
03 décembre 2019. URL : http://journals.openedition.org/rdlc/2111 ; DOI : 10.4000/rdlc.2111

45
On peut amener l’apprenant, en posture métadiscursive, à conscientiser cette dimension interlinguistique
et à la réguler. En effet, « Au lieu de faire comme si la langue maternelle n’existait pas, on peut aider
l’élève à prendre conscience des différences entre les systèmes linguistiques en présence dans son
répertoire verbal lui permettra sans doute de mieux gérer ces tensions »129 .
On peut intégrer aussi, dans cette démarche méta-disursive et métacognitive, une réflexion sur
l’enseignement de l’oral en contexte exolingue130 et notamment sur le phénomène de la « bifocalisation »,
c’est-à-dire « la double focalisation qui se fait, d’une part sur l’objet thématique de la conversation, et
d’autre part sur les problèmes langagiers qui peuvent apparaître au sein de la discussion. En classe de
langue, très souvent, l’attention est portée essentiellement voire exclusivement sur la forme et les moyens
de la communication, alors même qu’on prétend communiquer »131. Cela peut bloquer les apprentissages
et induire des comportements d’évitement s’expliquant par l’intériorisation d’une « correction-sanction »
et conduisant à « l’abandon ou la réduction des buts de communication visés »132 pour choisir des
syntagmes linguistiques plus simples et moins générateur d’erreurs.

Démarches correctives à l’oral : Compte tenu de l’ensemble des spécificités de l’oral précitées, les
techniques de la correction linguistique peuvent prendre plusieurs formes en fonction du choix
pédagogique et des modes de gestion de la classe. Les didacticiens de l’oral distinguent :

A- Correction immédiate :
La rétroaction de l’enseignant prend la forme d’une reprise ou d’une reformulation. On distingue cinq
modalités verbales d’évaluation ou correction immédiate. 133 :
1- « l’évaluation positive directe » : la production des apprenants est prise telle quelle accompagnée de
termes évaluatifs tels que « oui », « bien », « d’accord », etc ;
2- « l’évaluation positive indirecte » : l’enseignant reprend l’énoncé de l’apprenant sans marques de
satisfaction ;
3- « l’évaluation négative indirecte » : reprise de l’énoncé fautif de l’apprenant en le corrigeant, mais sans
jugement ni marqueurs négatifs ;
129
Les travaux sur les parlers bilingues : de l’erreur à la notion de marque transcodique
http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2004.burkhardt_e&part=89777
130
La notion de la communication exolingue signifie toute communication qui s’effectue par des moyens langagiers
autres qu’une langue maternelle commune aux interlocuteurs, par opposition à la communication endolingue, qui
s’effectue dans une langue commune aux interlocuteurs
131
Comment corriger l’erreur ? De la nécessité du signalement
http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2004.burkhardt_e&part=89778
132
Pierre Bange, « À propos de la communication et de l’apprentissage de L2 (notamment dans ses formes
institutionnelles) », Acquisition et interaction en langue étrangère, 1 | 1992, 53-85.
133
Elie Alrabadi Quelle méthodologie faut-il adopter pour l’enseignement/apprentissage de l’oral Didáctica. Lengua y
Literatura , 2011, Vol. 23 15-34

46
4- « l’évaluation négative directe » : c’est la même que la précédente à laquelle on ajoute des
commentaires ;
5- « l’absence d’évaluation » : l’enseignant n’intervient pas dans les échanges verbaux. Il n’intervient qu’à
la fin de la prise de parole134.

B- Correction différée : Elle intervient à la fin de la prise de parole, cherchant , dans la mesure du
possible, à éviter la démarche corrective pour ne pas interrompre le discours oral de l’apprenant puisqu’il
y va de son image et de la relation qui le lie aux autres (situation d’auto-exposition)

Articulation Oral –Ecrit : Souvent l’oral est considéré comme premier par rapport à l’écrit et comme
étant le mode originel de communication. Toutefois, au bout de transformations culturelles profondes,
l’oral se voit dévalorisé par rapport à l’Ecrit devenu progressivement lieu de la culture, de la mémoire
collective et des textes sacrés.
Si les genres de l’écrit sont bien codifiés, ceux de l’oral, par contre, donnent l’impression d’être un peu
« laxistes » et prêtant aux transgressions comme aux cafouillages (grammaire et construction du discours).
Aussi l’oral est-il souvent minoré parce que pensé dans le sillage du « scriptocentrisme ».En effet, «la
façon la plus répandue de penser l’oral, a été continue souvent à être contrastive: l’oral est référé à
l’écrit»135.
Cette vectorisation de la relation Ecrit-Oral se voit déjà dans « l’histoire de la didactique qui montre le
mépris de la méthode grammaire/traduction envers l’oral, toujours rangé du côté du spontané, du ludique, de
l’expression débridée, source de chahut »136. De là aussi des représentations dichotomique comme Ecrit -
Ordre-distance critique vs Oral-désordre-affectivité .Cette minoration de l’oral explique le fait que son
apprentissage-enseignement implique un détour par l’Ecrit. Joaquim Dolz et Bernard Schneuwly vont
jusqu’à affirmer « que le seul oral qui s’enseigne est dès lors celui qui est nécessairement lié à l’écrit »137.

Néanmoins, est observée une tendance croissante de la didactique des langue à comprendre l’oral dans sa
spécificité par rapport à l’Ecrit, surtout parce que « le travail du sens est différent puisqu’il y a interaction,
donc feed-back, approximations successives en fonction des réactions de l’interlocuteur, possibilités

134
Ibid
135
. Jean-François , HALTE, RISPAIL.M, L’oral dans la classe (compétence, enseignement, activités), Paris, 2005,
p. 12
136
Jean-Maurice Rosier, « L'oral en situation scolaire », Dans La didactique du français, pages 87 à 92, 2002,
Collection : Que sais-je ?Éditeur : Presses Universitaires de France
137
Joaquim , DOLZ-MESTRE, , Bernard , SCHNEUWLY,Pour un enseignement de l'oral:Initiation aux genres formels
à l'école. 4e édition. Issy-les-Moulineaux : ESF éditeur, 2009, p .18

47
de méta-communication, autrement dit de recherche d’un consensus sur le code, les règles et le sens de la
communication »138.

Par ailleurs, la frontière entre écrit et oral n’est pas aussi évidente qu’on le pense. On peut penser à des
articulations complexes qui peuvent montrer un continuum entre les deux formes discursives, comme
l’emploi des traces écrites dans les activités orales. De ce fait, « l'écrit peut ne pas être un aboutissement
des pratiques orales, mais un outil au service de l'’oral. Il peut être finalisé par une conduite orale ou
occuper une position intermédiaire, de médiation, entre un premier oral dont il garde trace et un oral
second auquel il sert d''appui »139.

On peut penser aussi l’interdépendance des deux processus d’apprentissage, celui de l’oral et celui de
l’écrit. Souvent les productions écrites d’un apprenant ne sont que le reflet de ses productions orales. Il
faut prendre en considération la continuité des deux apprentissages puisque l’apprenant « ne peut pas
rédiger des textes s’il n’est pas capable d’exprimer oralement quelques idées cohérentes. On ne voit pas
comment sa syntaxe écrite serait adéquate si son langage oral est incompréhensible ....En travaillant l’oral,
on travaille donc pour l’écrit»140. L’oral conditionne ainsi l’écrit et le structure. De là aussi l’importance,
en FLE, de prendre en considération les particularités des apprentissages qui surgissent de la différence
entre la graphie ou la phonie (prononciation).

Devant cette complexité, le praticien du FLE se trouve pris dans une situation problématique souvent
irréductible.

14-Les dilemmes de l’enseignement-apprentissage de l’oral

Les pratiques enseignantes-apprenantes de l’oral en classe de FLE sont profondément marquées par une
conscience « dilemmique » en rapport avec les conditions pédagogiques de l’enseignement-apprentissage
de l’oral. En effet, l’oral renvoie à des « points nodaux du travail enseignant » qui est lieu de conflits
autour d’un certain nombre de questions « de normes et de valeurs, autour de l’équité, du statut de l’erreur
et du conflit, de l’efficacité et de l’usage du temps didactique, de la norme langagière »141 . Ces questions

138
Philippe Perrenoud , A propos de l’oral,Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Université de Genève,
1988
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1988/1988_14.html
139
Elisabeth Nonnon, « Des interactions entre oral et écrit : notes, canevas, traces écrites et leurs usages dans la
pratique orale » , Pratiques Année 2002 115-116 pp. 73-92
140
Philippe, PERRENOUD, à propos de l’oral, 1988. http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php-
main/textes.html. Consulté le 02/02/2016.
141
Élisabeth Nonnon, « L’histoire de la didactique de l’oral, un observatoire de questions vives de la didactique du
français », Pratiques, 149-150 | 2011, 184-206.

48
se traduisent aussi, psychologiquement parlant, par un certain nombre de peurs 142. Selon P. Perrenoud , la
pratique de l’oral est investie d’un certain nombre de peurs : « peur de perdre la continuité du propos, de
voir l’attention se disperser, peur de perdre du temps, peur du désordre dans la construction du savoir, de
voir le texte du savoir se brouiller, peur que le niveau de langue se dégrade, peur d’être injuste, de devoir
renoncer à une forme d’équité... peur du désordre dans la construction du savoir ,peur du silence ,peur du
conformisme, de l’imitation peur de perdre son calme ;peur de dévoiler son ignorance »143.

En raison de sa nature insaisissable, floue et éphémère, l’oral est souvent vécu comme une pratique
conflictuelle, l’enseignant, comme parfois l’apprenant, se trouve souvent déchiré entre les conditions de
la pratique et des normes intériorisées. C’est cela qui potentialise des dilemmes qui surgissent dans
l’écart entre « la pluralité des normes qu’un enseignant essaie de concilier et des contraintes pesant sur la
gestion des progressions »144. Ce conflit, générateur des dilemmes de l’oral, prend la forme de structures
dichotomiques spécifiques à la pratique de la communication orale :

« Premier dilemme : Comment contrôler la prise de parole sans stériliser les échanges, tuer la
spontanéité, le plaisir ?

Second dilemme : Comment ménager une certaine équité sans blesser les uns et faire violence aux autres,
sans interférer avec les règles du jeu social ?

Troisième dilemme : Comment respecter les formes de la communication et de la langue sans réduire les
élèves au silence ou aux banalités prudentes ?

Quatrième dilemme :Comment valoriser l’expression ouverte et honnête des idées et des sentiments sans
dénier aux élèves le droit d’être des acteurs, donc parfois de dissimuler et d’enjoliver ?

Cinquième dilemme : Comment faire entrer la vie dans l’école sans attenter à la sphère intime des élèves
et des familles ? Comment traiter l’élève comme une personne et l’impliquer dans des activités qui ont du
sens pour lui sans l’exposer ?

Sixième dilemme : Comment ne pas aseptiser la communication, la vider de toute référence à la vie et à
ses contradictions, aux conflits sociaux, sans mettre les élèves et les enseignants en danger ?

142
Philippe Perrenoud , La communication en classe :onze dilemmes, In Cahiers pédagogiques, 1994, n° 326, pp. 13-18.
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1994/1994_07.html
143
Ibid
144
Élisabeth Nonnon, « L’histoire de la didactique de l’oral, un observatoire de questions vives de la didactique du
français », Pratiques, 149-150 | 2011, 184-206.

49
Septième dilemme : Comment ne pas euphémiser la part du pouvoir dans la communication sans mettre
en cause l’autorité du maître ? Comment donner des outils d’analyse et de négociation sans en être la
première cible ?

Huitième dilemme : Comment impliquer les élèves dans le projet principal sans les priver du droit de
bavarder ? Comment trouver l’équilibre entre le contrôle tatillon des propos et l’explosion des
conversations particulières ?

Neuvième dilemme : Comment faire une place aux représentations des apprenants sans mettre en
circulation des théories fausses et leur donner crédit ? Comment autoriser chacun à dire ce qu’il croit sans
tomber dans le relativisme ou l’obscurantisme ? Comment travailler avec l’erreur sans la légitimer ?

Dixième dilemme : Comment laisser un espace à la construction interactive des savoirs sans que la
conversation aille " dans tous les sens " ? Comment ne pas canaliser complètement la communication
didactique sans perdre pour autant tout fil conducteur ?

Onzième dilemme : Comment faire une place à la métacommunication et à la recherche de sens sans
déstabiliser le groupe-classe et se trouver en porte-à-faux par rapport aux attentes de l’institution ? »145
Cela amène les enseignants à stigmatiser quelques conduites des élèves comme étant des manquement
aux règles ou au contrat didactique ou pédagogique.

Par ailleurs, Dans les pratiques enseignantes, il est difficile de gérer pluralité et hétérogénéité de la
classe. Par exemple, l’oral « ne permet pas comme l’écrit un travail individuel simultané de chacun.
Toute prise de parole d’un élève occupe le temps collectif, et sa prise en compte pose donc des problèmes
de coût » 146 Il incombe à l’enseignant alors de résister à la « différenciation didactique passive », c’est-à-
dire à la tendance à faire profiter les élèves compétents des situations didactique, et ce pour accroitre la
dispersion des résultats.

L’enseignant se trouve alors tiraillé et clivé entre des exigences contradictoires : garantir l’ordre et
l’économie du temps didactique, et la nécessité en même temps de générer la coopération et
l’engagement des élèves puisque « ses valeurs (individuelles et collectives) le portent à valoriser
147
l’expression des élèves et à rejeter la censure » .Au surplus, l’oral expose les apprenants à la
vulnérabilité, au regard comme aux jugements des autres, «ce qui nécessite de la part de l’enseignant un
travail de régulation et d’éducation très important pour ne pas les mettre en danger, travail qui n’est pas

145
Élisabeth Nonnon, « L’histoire de la didactique de l’oral, un observatoire de questions vives de la didactique du
français », Pratiques, 149-150 | 2011, 184-206.
146
Ibid
147
Ibid

50
seulement éthique (apprendre à respecter le droit d’autrui à la parole) mais nécessite aussi l’invention de
situations de partage de la parole qui limitent l’intolérance à l’inégalité des apports »148.

Il faut reconnaitre que l’ensemble de ces dilemmes ne sont pas aisément réductibles ni passagers ou
pouvant faire objet de solutions stables, puisqu’ils relèvent de l’espace de la complexité définie par Edgar
Morin comme étant « l’irruption des antagonismes au cœur des phénomènes organisés, à l’irruption des
paradoxes ou contradictions au cœur de la théorie. Le problème de la pensée complexe est dès lors de
penser ensemble, sans incohérence, deux idées pourtant contraires "149. On doit admettre cette complexité
comme étant constitutive des pratiques enseignantes et des phénomènes communicationnels oraux.

Dans ce sens , les enseignants sont appelés à apprendre de l’expérience pour réfléchir sur les pratiques
tout en essayant « d’associer les élèves à l’analyse des phénomènes de communication et plus globalement
à une métaréflexion sur le sens des savoirs et du travail scolaires »150 en vue d’une professionnalisation
accrue du métier d’enseignant, à travers, par exemple, la relativisation des modèles didactiques qui
peuvent s’avérer, parfois, peu opératoires.

Cette réalité « dilemmique » se trouve pour ainsi dire cristallisée dans la particularité de l’agir apprenant et
enseignant en contexte FLE : Prépondérance de la langue maternelle, impératif de la « norme
linguistique ». Telle complexité est transformée par les apprenants en posture spécifique : l’anxiété
langagière.

15-Oral et anxiété langagière

On définit l’anxiété langagière comme une « sensation d‘appréhension associée aux contextes dans
lesquels la langue seconde est utilisé, y compris la production orale, la compréhension orale et
l‘apprentissage »151. L’anxiété langagière est faite d’auto perceptions, de croyances, de sentiments et de
comportements liés à l‘apprentissage des langues dans le contexte de classe et résultant du caractère
spécifique du processus d’apprentissage des langues152.

148
Ibid
149
Edgar, Morin, La méthode. Tome I La nature de la nature, Paris, 1977, Seuil, p. . 379
150
Philippe , Perrenoud , « La communication en classe :onze dilemmes », In Cahiers pédagogiques, 1994, n° 326, pp.
13-18.
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1994/1994_07.html
151
P. D , MacIntyre and R. C , Gardner, ,The subtle effects of language anxiety on cognitive processing in the
second processing in the second language. Language Learning, 44(2), 283-305 ,1994, p. 284
152
E. K , Horwitz M. B Horwitz & Cope, J, Foreign language classroom anxiety. The Modern Language Journal, 70(2),
125-132 , 1986, p. 128

51
Pour W. Labov , il s’agit d’un un malaise qui surgit lorsque l’apprenant prend conscience de l’écart entre
sa production linguistique et la norme valorisée par la communauté. L’anxiété langagière est liée donc à
la conscience normative qui prend naissance souvent dans le contexte scolaire censé véhiculer la forme
standard de la langue. Pour sa part, Jean Louis Calvet propose une définition de la dichotomie sécurité -
insécurité linguistique : « On parle de sécurité linguistique lorsque, pour des raisons sociales variées, les
locuteurs ne se sentent pas mis en question dans leur façon de parler, lorsqu’ils considèrent leur norme
comme la norme. A l’inverse, il y a insécurité linguistique lorsque les locuteurs considèrent leur façon de
parler comme peu valorisante et ont entête un autre modèle, plus prestigieux, mais qu’ils ne pratiquent pas
»153.

Par ailleurs, il est largement démontré que, parmi toutes les compétences langagières, la situation de
communication orale est celle qui génère le plus grand degré d’anxiété linguistique, surtout lorsque le
locuteur est appelé à prendre la parole dans une langue étrangère, anxiété se traduisant par la panique et
le trac. On comprend alors que la prise de parole a été souvent considérée comme étant le parangon de la
maîtrise d‘une langue étrangère.
Les causes de l’insécurité linguistiques sont nombreuses: peur du jugement des autres et peur de
commettre des erreurs, inconfort de son propre corps , complexes personnel, timidité en manque de
confiance en soi, histoire personnelle (échecs antérieurs), absence de conditions favorisant la prise de
parole. Grosso modo, elle peut être d’origine psycholinguistique (représentations du sujet parlant par
rapport à la langue étrangère) ou sociolinguistique : reflète le statut social de la langue.

Signes de l’insécurité linguistique : L’hypercorrection : l’apprenant va tellement vouloir éviter de


commettre des erreurs qu’il va le faire sans le vouloir, les reprises, les reformulations, la perception
erronée de son propre discours, la perte de ses moyens, c’est-à-dire ne plus pouvoir trouver les mots qui
conviennent dans une situation donnée (le silence ou l’hésitation), le refus de prendre la parole, un
manque d’assurance.

Le phénomène d’insécurité linguistique se fait remarquer surtout chez les élèves non natifs, ce qui révèle
la prégnance de la notion de « la norme linguistique » qui juge le variations linguistiques, valorise des
emplois langagiers et en sanctionne d’autres.

Dans un contexte plurilingue, Pierre Bourdieu met en rapport le phénomène d’insécurité linguistique
avec la notion de « marché linguistique » régi par rapports de force (social et idéologique). Les locuteurs
de la classe dominée se retrouvent en situation d’insécurité linguistique et sont tenus de reproduire le

153
J, L , CALVET, , la sociolinguistique, PUF, collection que sais-je ? Paris 1993 , p.50

52
modèle linguistique de la classe dominante. C’est ce qui nous permet de comprendre les « […] corrections
ponctuelles ou durables, auxquelles les dominés, par un effort désespéré vers la correction, soumettent,
consciemment ou inconsciemment, les aspects stigmatisés de leur prononciation, de leur lexique (avec
toutes les ormes d’euphémisme), de leur syntaxe ; ou dans le désarroi qui leur fait« perdre tous leurs
moyens », les rendant incapables de « trouver leurs mots », comme s’ils étaient soudain dépossédés de
leur propre langue »154.

De là l’importance des représentations socio-linguistiques sur les langues, en contexte du FLE, dans les
stratégies d’enseignement-apprentissage des langues étrangères. Ces représentations se traduisent surtout
par l’attitude de l’enseignant vis-à-vis de l’erreur .L’idéal est d’accepter que les erreurs fassent partie du
processus d’apprentissage et des rythmes individuels d’apprentissage. Dans ce sens, on peut penser
qu’encourager la variation linguistique, en l’occurrence les « accents », est une façon de dire qu’on peut
parler une langue étrangère tout en restant soi-même et avoir un accent verbal ne constitue nullement une
déviance ou une transgression de la norme en soi.

L’oral et la réflexion sur la norme en FLE : Souvent, dans la perception francophone générale, la
norme du français est la langue écrite. L’oral, méconnu dans sa singularité, s’est trouvé alors souvent
subordonné aux normes scripturales. On peut comprendre que les didacticiens dénoncent « la
méconnaissance des dimensions variationnelles du langage et des fonctionnements spécifiques de la
langue parlée, la sous-estimation de la complexité du rapport entre traces linguistiques et opérations
psycholinguistiques » dont la stigmatisation relevait d’une attitude « sur-normative ».

Mais en même temps, ces didacticiens posent la question de la contrainte de la norme attendu que «
l’enseignant ne peut se contenter d’une approche descriptive et revendiquer la tolérance qu’elle induit en
tant qu’il vise à développer chez les élèves une compétence dans la prise de parole, qu’il doit mesurer des
progrès, il mobilise forcément des catégories d’évaluation. Comme le dit Canguilhem, « il y a fixation de
normes à partir du moment où il y a finalité »155.

Cette problématique est largement justifiée par le fait que, pour l’oral, se pose la question de la porosité
des frontières avec les usages extrascolaires en plus de la multimodalité du discours oral et intrication
des systèmes signifiants. C’est ce qui explique que la conception de genres codifiés est plus difficile pour
l’oral que pour l’écrit et que ces genres sont plus difficiles à didactiser. La didactique de l’oral fonctionne
alors comme un laboratoire d’élaborations normatives et de régulations de ces normes. De ce fait, l’oral
154
Pierre , Bourdieu, Questions de sociologie, Paris, Les Éditions de Minuit, 1984 , p. 123.
155
Cité par Élisabeth Nonnon, « L’histoire de la didactique de l’oral, un observatoire de questions vives de la didactique
du français », Pratiques, 149-150 | 2011, 184-206.

53
peut être un objet de travail explicite à l’école, cela ne veut pas forcément dire qu’il s’enseigne puisque
la tension entre description et prescription (normativité) reste inévitable.

Des questions plus sceptiques surgissent. Un colloque est intitulé : Faut-il parler pour apprendre ? (2004)
Au-delà des évidences consensuelles, on réfléchit sur les conditions de la productivité de l’exercice de
parole. L’oral est-il toujours un OVMI (Objet Verbal Mal dentifié) ? Quel oral enseigner ? Les modèles
didactiques sont-ils vraiment enseignables ?

C’est bien le dilemme de la didactique de l’oral entre norme, transposition didactique et échec scolaire.
On peut reprendre ici cette phrase de Marcel Pagnol:« Dès que les professeurs commencèrent à le traiter
en bon élève, il le devint véritablement » .Nous pouvons émettre l’hypothèse que l’amélioration des
compétences orales de l’apprenant dépend largement de l’image qu’on lui donne de lui-même, plus cette
image est positive plus il peut surmonter son anxiété linguistique.

16-La compétence de l’oral : une prophétie auto-réalisatrice ?(effet Pygmalion, effet Golem)

Si l’oral est le lieu de construction de soi, les enseignants peuvent profiter des séances de l’activité orale
pour solliciter les élèves et leur faire prendre confiance en eux-mêmes et renforcer par là même leur
construction « identitaire ».156A ce niveau, on peut mettre à profit ici les modèle effet pygmalion et son
contraire effet Golem.

L’effet Pygmalion (ou effet Rosenthal & Jacobson) est défini comme « une prophétie auto-réalisatrice qui
provoque une amélioration des performances d'un sujet, en fonction du degré de croyance en sa réussite
venant d'une autorité ou de son environnement. Le simple fait de croire en la réussite de quelqu'un
améliore ainsi ses probabilités de succès »157. En d’autres termes, se projeter dans l’avenir peut
158
augmenter ses performances en ayant prise sur les stéréotypes qui influencent la réussite ou l’échec.

On se réfère ici à l’expérience conduite par Rosenthal et Lenore Jacobson avec des enfants à Oak
School, San Francisco, aux États-Unis, et ce en jouant sur les attentes favorables des maîtres. Ils ont
choisi un quartier pauvre et défavorisé pour faire passer un test à tous les élèves, font de sorte que les
enseignants prennent connaissance des résultats, des résultats, aléatoires, qui ne sont pas conformes à
ceux collectés du test de QI , étant fortement surévalués. Vers la fin de l'année, Rosenthal et Jacobson font
156
Voir Cahiers franco-canadiens de l'Ouest L’oral, pour se dire : remarques sur la communication orale dans les
apprentissages en français en milieu francophone minoritaire, François Lentz :Apprendre en français en milieu
francophone minoritaire Volume 21, numéro 1-2, 2009
157
https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_Pygmalion
158
Tout comme Pygmalion avec sa statue, façonner de façon très précise son projet augmente les chances de lui donner
vie.

54
repasser le test de QI aux élèves. Le résultat : 20 % des élèves surévalués ont amélioré leurs
performances. L’explication est qu’en pensant que quelqu'un possède une caractéristique, nous changeons
notre propre attitude vis-à-vis de cette personne, et l'influençons de telle sorte qu'il va effectivement
acquérir cette caractéristique ou l'exprimer de façon plus flagrante. Cela est valable aussi bien pour le
rapport avec soi-même comme pour une personne tierce croyant en la capacité d’une personne ou un
individu croyant en ses propres capacités, et le met ainsi en bonne disposition.

En pédagogie, l’effet Pygmalion, «désigne l'influence d'hypothèses sur l'évolution scolaire d'un élève et
sur les aptitudes de celui-ci. Le problème est d’importance, car si les enfants des milieux
défavorisés réussissent moins bien à l'école que les enfants des milieux favorisés, la cause pourrait ne pas
être uniquement liée aux carences de ces enfants et de leurs milieux »159.

Les retombées positives de l’effet Pygmalion se déploient sur trois niveaux : le comportement de
l’apprenant , le comportement du professeur vis-à-vis de l’apprenant , les perceptions que l’apprenant a de
lui-même. On peut donner un exemple de la manière dont les représentations stéréotypées qu'ont les
enseignants influencent les résultats et le devenir des élèves :«l'idée préconçue qu'une fille serait moins
douée en mathématiques qu'un garçon entraîne inconsciemment les enseignant⋅e⋅s à se conduire de telle
manière que les filles ont effectivement de moins bons résultats en mathématiques que les garçons, et se
désintéressent de cette matière. Cet effet est renforcé par le phénomène qu'on appelle la menace du
stéréotype »160,« Un⋅e enseignant⋅e a une vision stéréotypée d’un⋅e élève et donc une attente préconçue de
sa réussite (par exemple en adhérant inconsciemment à la croyance qu’une fille serait moins performante a
priori en mathématiques ou que des élèves issu⋅e⋅s de milieux socioculturels défavorisés réussiraient
moins bien scolairement) »161. En d’autres termes, les élèves intègrent le comportement de l’enseignant⋅e
(même inconsciemment) et vont y réagir en conformité avec les attentes. Par exemple, désintérêt de
l’élève pour la discipline, moins d’investissement. De plus, l’élève analyse son propre comportement
comme relevant de données intrinsèques (« je suis nulle en maths », « je ne suis pas fait⋅e pour faire des
études »), ce qui va venir renforcer d’autant plus son désintérêt et son manque de confiance 162.

Il importe de souligner que, suite à son interprétation des résultats des différentes études, Rosenthal
proposa la « théorie des 4 facteurs », définissant quatre grandes modalités de comportements par le biais
desquelles les enseignants impactent le devenir des élèves. David Trouilloud et Philippe Sarazin les
résument ainsi :

159
https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_Pygmalion
160
http://svt-egalite.fr/index.php/mecanismes/effet-pygmalion
161
Ibid
162
Elisabeth Deswarte, psychosociologue, « L'effet Pygmalion à l'école », site Psychologie sociale

55
1- Le contenu pédagogique et le mode de représentation des tâches d'apprentissage (input) ;

2- Les sollicitations et opportunités d'expression octroyées aux élèves (output) ;

3- Les réactions des enseignant⋅e⋅s aux prestations des élèves (feedback) ;

4- Le climat socio-émotionnel des interactions verbales et non verbales avec les élèves (climate) 163

Voici deux schémas montrant comment l’effet Pygmalion constitue un « cercle vertueux » et un levier
pour l’atteinte des objectifs, et son contraire l’effet Golem avec un effet de cercle vicieux .référence :
L'effet pygmalion à l'école psychologie-sociale.com, Effet Pygmalion et (self) management
kolibricoaching.com

163
David Trouilloud et Philippe Sarazin , « Les connaissances actuelles sur l'effet Pygmalion : processus, poids et
modulateurs »(Revue Française de Pédagogie, n° 145, octobre-novembre-décembre 2003)

56
Effet Golem

L’effet Golem164 « est l’inverse de l’effet Pygmalion, son pendant négatif. Il s’agit d’une autre prophétie
autoréalisatrice. L’effet Golem se définit de la manière suivante : des attentes peu élevées sur un individu
conduisent insidieusement à des performances moindres de sa part »165. Ainsi, une attente initialement
fausse (de mauvais résultats pour les élèves jugés moins bons a priori) a plus de chance de se vérifier en
raison du comportement adopté par les enseignants : un professeur qui pense qu’un élève est moins doué
qu’un autre va lui proposer des exercices plus simples et ne le fait pas progresser autant qu’un élève qu’il
juge « meilleur », duquel il attendra plus.

164
Dans la tradition juive, le golem est un homme artificiel animé de vie. C’est donc une créature fabriquée par des
moyens magiques. Le golem devient, de ce fait, l’antithèse d’Adam qui a été créé par Dieu. En effet, cette création du
Golem s’effectue par imitation de l’acte créateur. Cependant, bien qu’il y ait conflit, cet homme robot ne communique
pas vraiment car contrairement à Dieu, les hommes sont bien incapables de lui donner une parole claire.
Le terme golem vient de l’hébreu goylem ou gōlem qui signifie « matière informe » ou "embryon". En principe, cette
créature est façonnée en argile et animée par un mot magique inscrit sur son front ou sur un morceau de parchemin placé
dans sa bouche. Le golem symbolise donc l’essai infructueux de l’homme dans une vaine tentative d’imiter Dieu. Il
essaye de créer un être à son image. Cependant, ce n’est qu’un reflet déformé. C’est un être dénué de toute liberté et
prisonnier de ses passions les plus maléfiques.
https://www.dinosoria.com/golem.html
165
https://www.appvizer.fr/magazine/ressources-humaines/gestion-talents/effet-pygmalion

57
Conclusion : oral et formation des enseignants

Le principe de l’isomorphie, en épistémologie de l’éducation, signifie que l’on doit former les
professeurs comme les apprenants que l’on souhaite avoir (actifs). Cela signifie la nécessité d’une
professionnalisation du métier d’enseignant. On définit l’acte d’enseignement « comme un processus
interpersonnel et intentionnel, qui utilise essentiellement la communication verbale, le discours
dialogique finalisé ; comme moyens pour provoquer, favoriser, faire réussir l’apprentissage dans une
situation donnée, c’est une pratique relationnelle finalisée »166.

Nous pouvons définir la compétence professionnelle comme étant l’« articulation des trois registres
variables : des savoirs, des schèmes d’action, un répertoire de conduites et de routines disponibles »167. De
là l’enseignant professionnel est « une personne autonome dotée de compétences spécifiques ,
spécialisées qui reposent sur une base de savoirs rationnels , reconnus , venant de la science , légitimés
par l’université ou de savoirs explicités issus des pratiques »168 .Il s’agit du praticien qui rationalise ses
savoirs par le truchement des pratiques ,ce qui implique l’auto-analyse de la personne, comme compétence
à acquérir relativement à sa pratique .La professionnalité se construit alors dans l’articulation entre les
savoirs académiques , didactiques et la pratique professionnelle et pédagogique. De ce fait, « l’enseignant
professionnel est avant tout un professionnel de l’articulation du processus enseignement-apprentissage en
situation, un professionnel de l’interaction des significations partagées »169 .

L’ajustement de l’agir enseignant constitue alors la démarche fondamentale d’un enseignant de l’oral en
situation du FLE, en raison de l’ensemble des dilemmes précités. Autrement dit, il faut observer l’oral
pour mieux le pratiquer .De là la nécessité d’une pédagogie spécifique à l’oral car « dans l’enseignement
de l’oral, ne se justifient que les observations et les prises de conscience qui permettent une meilleure
maîtrise pratique. Dans cet esprit, l’analyse des actes de parole, des intentions et stratégies des
interlocuteurs, des niveaux de langue et des normes sociales gouvernant la communication pourraient être
très formatrices »170.

166
Marguerite Altet, « Les compétences de l'enseignant- professionnel : entre savoirs, schèmes d'action et adaptation, le
savoir analyser »,Dans Former des enseignants professionnels (2001), pages 27 à 40, Collection : Perspectives en
éducation et formation, Éditeur : De Boeck Supérieur
167
Évelyne Charlier , « Former des enseignants-professionnels pour une formation continuée articulée à la pratique
Dans Former des enseignants professionnels (2001), pages 97 à 117, Collection : Perspectives en éducation et formation
Éditeur : De Boeck Supérieur
168
Marguerite Altet, op. cit.
169
Marguerite Altet, op. cit.
170
Philippe Perrenoud, A propos de l’oral, faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Université de Genève,
1988

58
Au cœur de cette pédagogie nous pouvons situer la réflexion et le travail analytique et déconstrutionniste
sur les habitus des enseignants ou ce que J. Piaget appelle l’« inconscient pratique » .On peut définir
l’habitus comme étant une « structure structurante », une grammaire génératrice des pratiques » et qui
couvre l’ensemble de nos schèmes de perception, d’évaluation, de pensée et d’action. De ce fait, l’action
pédagogique est constamment sous le contrôle de l’habitus (gestes du métier, savoirs, microrégulation de
toute action intentionnelle »171.

L’école marocaine montre largement que les pratiques enseignantes, en matière de FLE-activité orale, sont
déterminées par une culture « professorale » elle-même construite à partir de ces pratiques et parfois pour
les justifier. Cela nous met dans le cercle vicieux de l’enseignement-enseignabilité de l’oral, plus on ne
l’enseigne pas ou on l’enseigne mal (sans finalités et démarches évaluatives explicités) , plus on est dans
la fausse conviction de son non-enseignabilité. L’argument le plus probant pour défendre la nécessité de
réhabiliter l’enseignement-apprentissage de l’oral est que la parole est la voie royale de la construction des
apprentissages, mais surtout de la circulation rationnelle de la parole, de l’éthique de la discussion, pour
aspirer à une société plurielle, démocratique et conciliant tradition et modernité. Sans soute la parole est-
elle le lieu de la citoyenneté et du civisme.

171
Philippe Perrenoud, « Le travail sur l’habitus dans la formation des enseignants, Analyse des pratiques et prise de
conscience », Faculté de psychologie et de sciences de l’éducation, de Genève,1996
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1996/1996_13.html

59
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63
Table des matières

Préambule………………………………………………………………………………………….1
1-Pourquoi ce manuel sur la didactique de l’oral …………………………………………..... 2
2-C’est quoi la complexité sémiotique de l’oral ?...................................................................6

3-L’oral, une réalité protéiforme et kaléidoscopique……………………………………… …..8

4-Enseignement-apprentissage de l’oral : caractéristiques didactiques………………………..10

5-L'enseignement de l'oral dans les différents courants méthodologiques …………………...12

6 -Les fonctions de l’oral ……………………………………………………………………....17


7-L’oral comme objet d’enseignement : les compétences orales ……………………………...19
8- La compréhension de l’oral…………………………………………………………………..22
9-L’expression ou production orale …………………………………………………………….24
10- Les modèles didactiques de l’oral……………………………………………………………….26

12-Oral et dynamique interactionnelle …………………………………………………………..40

13-Problématiques de l’évaluation de l’oral ……………………………………………………..44

14-Les dilemmes de l’enseignement-apprentissage de l’oral ……………………………………48

15-Oral et anxiété langagière………………………………………………………………………51

16-La compétence de l’oral : une prophétie auto-réalisatrice ?(effet Pygmalion, effet Golem).54

Conclusion : oral et formation des enseignants….. ……………………………………………..58

Sources bibliographiques …………………………………………………………………….60

64

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