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La didactique du français
JEAN-FRANÇOIS HALTÉ
Bibliographie 125
HALTÉ, Jean-François, La didactique du français, PUF, «Que sais-je?», 1992.
Imprimé en France
Imprimerie des Presses Universitaires de France
73, avenue Ronsard, 41100 Vendô̂me
Décembre 1992 – No 37 967
ISBN 2 13 044511 X
DIDACTIQUE ↓(교수법)
ENSEIGNANT → ELEVES
PEDAGOGIE ↑(교육학)
1) L. Legrand, Les politiques de l'éducation, PUF, «Que sais-je ?», no 2396, 1988.
dangereusement réducteur. En masquant la complexité des actes d'enseignement, il
donne une idée fausse et de la didactique, et de la pédagogie. Dans le fil des
représentations qui ont été rappelées, il constitue la didactique en presque science
en la plaçant dans la seule mouvance des disciplines de référence — la didactique,
c'est de la linguistique à peu près (ou de l'histoire littéraire, ou de la
sémiologie...), approximative, compromise, eu même temps qu'il déprécie la
pédagogie en l'assimilant volontiers à des trucs, à des recettes relevant de
l'empirisme ou de l'art. Enfin il prête le flanc à des investissements idéologiques
peu compatibles avec une réflexion sereine. L'attention aux contenus
implique-t-elle nécessairement la cécité aux problèmes d'apprentissage ?
Inversement, le souci de la réussite pour tous implique-t-il le mépris des savoirs ?
Trop simple, le modèle permet toutes les manipulations. Cependant, ses enjeux
macro-sociaux masquent une dialectique plus subtile et plus technique.
Jusqu'aux années 80, les acteurs du champ éducatif parlaient tout uniment de
pédagogie du français pour évoquer les problèmes d'enseignement de la matière.
Ils ont dit ensuite, pendant un temps, didactique et pédagogie. Ils disent
maintenant, de plus en plus, didactique du français... D'une expression à l'autre
interviennent, des changements de focalisation imputables à la conjoncture
socio-institutionnelle et des phénomènes plus profonds dans la manière de penser
le champ.
Paradoxalement, le terme de didactique se propage dans les milieux du français
langue maternelle, au moment où la pédagogie connaît dans le système éducatif
une diffusion sans précédent. L'entreprise de rénovation des collèges lancée par L.
Legrand et le ministre A. Savary au début des années 80 a propulsé des
problématiques indubitablement pédagogiques. Il suffit de citer, sans souci
d'exhaustivité : les modes de travail pédagogiques, la pédagogie par objectifs, la
pédagogie de (ou le travail en) projet, la pédagogie différenciée, la pédagogie de
groupe, l'évaluation, le travail autonome... toutes théories qui ont fourni — et
fournissent encore — les arguments de base d'un travail de formation sans
précédent dans le système éducatif.
Pourtant, c'est au plus fort de ces avancées que des universitaires, des
formateurs, des enseignants, tous membres de « la sphère étroite où l'on pense »
— de la « noosphère » comme dit Y. Chevallard2) —, font avancer la question
didactique. Ils le font, non pas contre la pédagogie, mais dans la continuité même
de ses ouvertures.
Compte tenu des fonctionnements dominants de l'institution — pédagogie
traditionnelle frontale, évaluation somrnative totalement liée à l'orientation scolaire,
Dans la dernière période, bien que les oppositions entre Sciences et Humanités
se maintiennent, que l'esprit de finesse et l'esprit de géométrie, le bon goût et le
savoir, l'imagination et la rigueur, continuent d'alimenter des argumentaires
dressant l'homme de lettres contre l'ingénieur, les poids respectifs des sciences et
des lettres se rééquilibrent un tant soit peu sur la scène sociale. Des chefs
d'entreprise par exemple disent préférer des cadres largement cultivés plutôt
qu'étroitement performants en mathématiques parce qu'ils sont plus ouverts sur le
monde et plus efficaces dans le « management » des hommes.5) Mais, dans ce
renonveau timide de faveur, on reproche encore au français, tout à la fois, d'être
incertain de ses savoirs et de ses enjeux, de ne pas réussir suffisamment dans la
formation des savoir-faire, de ne pas inculquer suffisamment de culture. Dans les
universités, les rattrapages, remédiations et autres mises à niveaux visant des
maîtrises communicationnelle, rédactionnelle et méthodologique, se multiplient. Ces
discours socialement répandus, pour excessifs qu'ils sont parfois, renvoient à des
tensions contradictoires très sensibles dans les pratiques d'enseignement.
7) D. Coste, traitant de didactique des tangues étrangères. pose que la didactique est un
ensemble de discours portant (directement ou indirectement) sur l'enseignement des
langues (pourquoi, quoi, comment enseigner à qui, en vue de quoi ?) et produits, sur des
supports généralement spécifiques (par exemple des revues s'adressant aux enseignants
de langues), par des producteurs eux-mê̂mes le plus souvent professionnellement
particularisés (enseignants, formateurs d'enseignants, chercheurs), in Débats à propos
des langues étrangères à la fin du XIXe siècle et didactique du français langue étrangère
depuis 1950, Langue française, no 82, mai 1989.
cognitive : savoir ou savoir-faire... ; à leur statut épistémologique : savoir savant
ou savoir social... ; à la méthodologie de leur construction : transposition ou
élaboration de savoirs... ; à leur organisation en curricula ; à leur histoire
institutionnelle... La dominante de cette tendance est épistémologique ;
b) Des recherches sur les conditions d'appropriation des savoirs. Elle s'interroge
alors moins sur les concepts et les notions en eux-mêmes, que sur leur
construction dans l'apprentissage, les prérequis qu'ils supposent, les
représentations ordinaires qu'en ont les apprenants, les différentes sortes
d'obstacles à l'apprentissage qu'ils peuvent susciter... La dominante est
psychologique ;
c) Des recherches sur l'intervention didactique. Systémique, la didactique alors
articule les points précédents aux tâches de l'enseignant, à l'organisation des
situations d'enseignement, à la construction de cycles ou de séquences didactiques,
à l'adaptation au type de public, bref, à l'approche de la classe et de son
fonctionnement propre. La dominante est praxéologique.
Le point commun de ces trois tendances, au demeurant non exclusives les unes
des autres, est l'attention aux savoirs scolaires disciplinaires. On remarquera
cependant que :
— dans l'acception a) la didactique est surtout une interface entre l'école comme
lieu de diffusion de savoirs et l'ensemble des savoirs savants et sociaux ;
— dans l'acception b) la didactique est surtout une interface entre les savoirs
dans leur environnement et le sujet apprenant ;
— dans l'acception c) enfin, la pratique d'enseignement est à la fois le point de
départ privilégié de l'interrogation didactique et le point d'arrivée : c'est dans cette
dernière acception, la plus large, que la didactique tend à devenir la discipline de
référence des pratiques d'enseignement.
Dans la mesure où la troisième acception implique les deux autres c'est elle que
nous aurons ici pour horizon. C'est une discipline théorico-pratique : son objectif
essentiel est de produire des argumentations « savantes », étayées et cohérentes,
susceptibles d'orienter efficacement les pratiques d'enseignement.
«Le didacticien [...] s'intéresse au jeu qui se mène — tel qu'il peut l'observer
puis le reconstruire en des classes concrètes — entre un enseignant, des élèves et
un savoir » (op. cit., p. 12).
La didactique se donne pour tâche de rendre compte du système didactique à
trois places et des relations entre les éléments du système.
SAVOIRS
↗ ↓ ↖
/ DIDACTIQUE \
↗ ↖
↙ ↙ ↘ ↘
ENSEIGNANT ←--------→ ELEVES
8) L. Resnick développe dans Vers une théorie cognitive de la didactique in Quels types de
recherche pour rénover l'éducation en sciiences expérimentales, Giordan éd., 1983. une
approche cognitive de la didactique dans laquelle elle prend comme point de départ de
sa réflexion le travail cognitif de rapprenant. Cette présentation s'inspire de sa réflexion
sans la suivre complètement.
— modalités du contrat didactique (implicitation. ou explicitation des objectifs des
activités) ;
— distinction des objectifs (de mémoriser une connaissance, à transférer en
situation inédite) ;
— mise en place de stratégies didactiques (expliquer et appliquer ? faire et
évaluer ?) ;
— inventaire de situations et de dispositifs didactiques (enseignement frontal,
travail de groupe...) ;
— mode de travail didactique (projet intégrant, pas à pas programmé...) ;
— adaptation du programme à la classe (tout le programme ? noyaux ?) ;
— progressions (d'oral à écrit ? d'écrire à raconter ? d'un genre narratif à
l'autre ?)...
Il est clair que chacune des problématiques doit être pour une part travaillée de
façon autonome. La réflexion sur les savoirs tire l'un des sommets du triangle
didactique vers des recherches à caractère historique, documentaire, philosophique
sans rapport immédiat avec l'élève et l'enseignant. Mais il est clair, tout autant,
que la didactique se défait si les forces centrifuges l'emportent au point de faire
éclater le triangle. Se perdrait alors l'aspect systémique de la didactique. La
question de la sélection des savoirs intéresse certes intrinsèquement le rapport aux
finalités, mais elle se lie nérnsnirement à la question de la construction des objets
d'enseignements. Ceux-ci ne peuvent être pensés valablement en dehors d'une
pensée de l'appropriation et de l'intervention. Chaque pôle se constitue dans la
relation qu'il établit aux autres. De la même façon, penser l'apprenant tout seul,
jusqu'au bout, ce serait oublier qu'il apprend quelque chose et, qui plus est, par
l'entremise de médiations institutionnelles. Le même raisonnement conduit à la
nécessité d'étudier les relations à deux termes : savoir et apprenant, enseignant et
apprenant, savoir et enseignant, et à introduire dans l'étude, comme un tiers
structurant, le troisième pôle.
Issue de recherches relativement autonomes développées sur chacun des pôles
du triangle, de recherches concernant les relations, de recherches intégrant enfin
les précédentes, la didactique à prétention praxéologique est une discipline
d'articulation des problématiques. De telles articulations, concrètes, définissent des
configurations didactiques.
BIBLIOGRAPHIE
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