Vous êtes sur la page 1sur 173

Collection « Témoins de l’extraordinaire »

dirigée par Pierre Lunel et Didier van Cauwelaert

© Éditions First, un département d’Édi8, 2020.

« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client.
Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de
cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2
et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre
toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »

ISBN : 978-2-412-04791-0
ISBN numérique : 978-2-412-06601-0
Dépôt légal : novembre 2020

Lecture-correction : Judith Lévitan et La Machine à mots


Couverture : Hokus Pokus

Éditions First, un département d’Édi8


92, avenue de France
75013 Paris
Tél. : 01 44 16 09 00
Fax : 01 44 16 09 01
Courriel : firstinfo@efirst.com
Internet : www.editionsfirst.fr

Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo.


COLLECTION TÉMOINS DE L’EXTRAORDINAIRE

Dirigée par Pierre Lunel


et Didier van Cauwelaert

Ce truc
Quelle est cette énergie qui, pour notre bien,
nous fait parfois agir de manière inexplicable ?
r
D Jean-Jacques Charbonier
À ce truc qui nous fait vivre tant de choses.
À Coco qui partage avec beaucoup d’amour
et de patience les diverses turbulences de ma vie.
À mes enfants, Damien et Laurent, pour leur indéfectible soutien, je
suis très fier d’être leur père,
et à mes belles-filles, Aurélie et Nadia, que j’aime
comme si elles étaient mes propres filles ainsi qu’aux
cinq beaux enfants qu’elles ont récemment mis
au monde : Mathéo, Aaron, Noa, Valentin et Louna.
À tous mes parents et amis qui me suivent fidèlement
en lisant mes ouvrages ou en regardant mes interventions
sur les réseaux sociaux.
Sommaire

Copyright

Titre

Dédicace

Avertissement

Préface

Avant-propos
L'improbable palpation

La femme en bleu

Le truc des animaux


La table d'orientation

Le truc et les accidents de la route

Au-delà de la matière et du temps


Le miracle de la naissance

Poursuivre un immuable destin

L'information tombée du ciel

Un rendez-vous programmé

L'école des sorciers

Je ne savais pas que c'était possible

La table en verre

La famille Templeton
Le perroquet géant

Le choc d'une rencontre

Être à la bonne place

Nos lieux de vie nous choisissent

Olé torero !
Une alerte nocturne

Quand ce truc se sert de cette chose

Comment dialoguer avec ce truc

Ma rencontre avec Édith Piaf

Savoir écouter son cœur

Un itinéraire balisé

Texte de méditation pour recevoir les informations de ce truc

Épilogue

Glossaire

À propos de l'auteur

Du même auteur

Remerciements
Avertissement

Tous les témoignages rapportés dans cet ouvrage sont authentiques ; ils
m’ont été personnellement adressés par écrit ou confiés lors d’entrevues. La
plupart ne sont pas anonymes.
Toutes les identités qui sont ici révélées ont fait l’objet d’une
autorisation écrite et je remercie chaleureusement celles et ceux qui ont eu
le courage d’accepter la publication de leurs expériences de cette façon, car
il n’est pas simple de révéler l’inconcevable en exposant au grand jour un
vécu intime qui n’entre pas dans un courant de pensée dominant. Pour cette
prise de risque, je leur suis infiniment reconnaissant.
Le procédé TCH est protégé par l’exclusivité de la propriété d’auteur.
Code de la propriété intellectuelle, art. L. 335-2 et L. 335-3. Certificat de
dépôt Copyright France no 9PZ81 HA.
Question :

Quand on assiste à un tour de magie défiant toute compréhension et


toute logique, ne dit-on pas qu’il doit y avoir un truc ?
Préface

APRÈS LE GRAND SUCCÈS DE CETTE CHOSE…, son premier titre publié dans la
collection « Témoins de l’extraordinaire », Jean-Jacques Charbonier a
ressenti le besoin d’aller plus loin dans l’étude des événements déroutants
qui ont transformé un matérialiste pur et dur, celui qu’il était pendant ses
études de médecine, en trait d’union entre l’invisible et le concret.
Comment l’incrédule tranquille qui ne s’imaginait qu’en généraliste de
campagne est-il devenu cet explorateur des mystères de la mort et des
secrets de la vie, cet anesthésiste augmenté d’un éveilleur de conscience, ce
réanimateur des âmes en sommeil, ce thérapeute des cœurs en souffrance ?
Tous les signes, les changements de trajectoire, les accidents saugrenus qui
l’ont affranchi de ses limites initiales, il les analyse ici avec autant de
rigueur méthodique que d’ironie cinglante. Oui, le destin a joué avec lui en
le détournant des chemins « logiques » qui s’ouvraient à lui, mais le mot
« destin » est-il approprié ? Une telle force de réorchestration en vue
d’harmoniser ses aspirations inconscientes et les besoins de l’Univers, Jean-
Jacques Charbonier préfère l’appeler « ce truc ».
Peu lui importe que certains en profitent pour tenter de faire de lui un
« truqueur ». Comme tous les indépendants qui proposent une alternative
aux manipulations mentales qui asphyxient le monde, il s’attire de
nombreuses attaques, souvent si outrancières et dérisoires qu’elles ne font
que renforcer la sympathie qu’il inspire au plus grand nombre. C’est la
rançon du succès. Dans une société gangrenée par le principe de suspicion
et l’hypocritement correct, où la générosité d’une démarche ne peut que
« cacher quelque chose », donner de sa personne condamne souvent à prêter
le flanc. Charbonier le sait, même s’il néglige d’en tenir compte. Qu’il règle
étourdiment une amende avec le chéquier de sa société (dont il est seul
actionnaire avec son épouse) au lieu d’utiliser son compte personnel, et le
voici accusé dans un journal d’abus de biens sociaux. Qu’un de ses patients
se plaigne d’avoir été insuffisamment anesthésié, et le voici traîné en justice
– mais, lorsqu’il demande le dossier dudit patient pour savoir ce qui a pu se
passer durant l’intervention chirurgicale, le magistrat le lui refuse en vertu
du secret médical ! On rêve. C’est un peu comme si le juge était privé du
dossier de l’accusé, afin que soit respecté le secret de l’instruction.
Mais de quoi le Dr Charbonier est-il coupable, en définitive ? De faire
gravement baisser la consommation d’antidépresseurs et de somnifères chez
les milliers de gens qui fréquentent aujourd’hui ses ateliers de
transcommunication hypnotique. Invités à se reconnecter en même temps à
leurs voix intérieures, à l’inconscient collectif et à la conscience de leurs
défunts, la plupart des participants se retrouvent délivrés, en une séance, de
leur peur de la mort et des traumatismes liés au deuil. Alors on accuse cet
électron libre de faire du bien hors des sentiers battus, on lui reproche
d’utiliser son titre de docteur en médecine pour inspirer confiance, on
retourne contre lui l’immense engouement qu’il suscite en s’efforçant de le
faire passer pour un gourou sectaire – ce qui est assez difficile, vu qu’aucun
prosélytisme, aucune récupération, aucun produit dérivé ne viennent polluer
la simple expérience psychique qu’il propose à des gens consentants. Quand
tant de témoignages et de résultats probants plaident pour lui, seules la
jalousie de certains confrères et l’inquiétude des marchands de
tranquillisants peuvent expliquer les menaces de mort, les diffamations et
les tracasseries variées auxquelles il répond avec cet humour déstabilisateur
qui est la meilleure des armes. Le présent livre en est un exemple éclatant.
Jean-Jacques Charbonier ne se justifie pas : il développe. Il va chercher
dans les tréfonds de son esprit et de ses expériences les raisons de la
mission, parfois suicidaire, qu’il s’est assignée pour le bien d’autrui – cette
extension du serment d’Hippocrate dont l’accusent certains pour qui la
médecine s’accommode mieux des conflits d’intérêts passés sous silence
que de la médiatisation des donneurs d’espoir. Oui, ouvrir les gens à
l’extraordinaire pour apaiser leurs souffrances et renforcer leurs défenses
immunitaires choque les esprits étroits, plus respectueux de leurs propres
limites et du qu’en-dira-t-on que des innovations altruistes. Alors, faut-il se
renier et refuser son assistance aux personnes en détresse pour que les
censeurs vous laissent en paix ? Loin de faire profil bas, Jean-Jacques
Charbonier creuse en profondeur dans ce nouvel ouvrage les raisons de sa
vocation, de ses prises de risques et de l’autonomie spirituelle qu’il
s’emploie à restaurer chez ses contemporains. Et s’il dévoile ici comme
jamais auparavant sa vie privée, c’est que les plus grandes révélations qu’il
a reçues, comme les perturbations incontrôlables qui l’ont amené où il
fallait, se sont produites le plus souvent dans un cadre intime. On
découvrira notamment combien l’enthousiasme sexuel a joué un rôle
déterminant dans l’éveil de sa spiritualité. Sa manière savoureuse de
réconcilier la gauloiserie et le sacré, au plus profond des questions
existentielles, nous rappelle que l’amour est un guide bien plus fiable que le
pur intellect. Si le cœur a ses raisons que la raison ignore, Jean-Jacques
Charbonier, lui, sait rétablir le dialogue. Mais à quel prix…
Toutes les bifurcations, toutes les explorations nouvelles au service
d’autrui qui se sont proposées à lui ont correspondu, comme par hasard, à
une mise en danger, un défi à relever. Mais il n’a jamais eu peur. La peur,
c’est ce qui empêche de suivre le destin qu’on s’est choisi en fonction de
ses aspirations, de ses compétences et des signes reçus. La peur, c’est ce
boulet du doute et de la précaution qui empêche de répondre aux attentes du
monde comme aux suggestions de son intuition. Lui, conscient des ailes que
lui donnent l’amour exaltant de sa femme et la fière confiance de ses
enfants, a toujours mené une existence sans peur, sinon sans reproche. Mais
il n’en tire pas vanité : les reproches qu’il s’adresse au détour de certaines
pages sont bien plus argumentés que les procès d’intention qu’on peut lui
faire.
Quoi qu’il en soit, l’image qu’il donne lui importe moins que les
vitamines morales et les anticorps spirituels qu’il transmet à ceux qui en ont
besoin, au travers d’un atelier, d’une conférence ou d’un livre. Car le
présent texte n’est pas qu’une somme de confidences, c’est aussi un
précieux mode d’emploi de ce truc qui surgit si fréquemment dans
l’existence de chaque être humain, à condition qu’il sache le reconnaître et
en faire usage. C’est-à-dire concilier le discernement, les folies et le bon
sens. Certes, ce n’est pas évident pour tout le monde, mais rien n’interdit
d’essayer…
Si le Dr Charbonier demeure contre vents et marées un « passeur », son
truc n’est pas un tour de passe-passe. C’est une clé. Une clé susceptible de
déverrouiller nos esprits et nos vies, comme elle l’a aidé à nous ouvrir son
cœur.
Didier van Cauwelaert
Avant-propos

SELON LA DÉFINITION DU LAROUSSE, un « truc » est « un mot par lequel on


désigne quelque chose ou un fait quelconque ».
La langue française a la réputation d’avoir un vocabulaire très riche. Il
paraît que, pour coucher sur le papier la subtilité des sentiments, des
descriptions ou des ressentis, nous serions un des pays les mieux lotis du
monde – c’est dire !
Pas mal d’écrivains étrangers n’ont pas cette chance et sont bien loin de
pouvoir disposer de la même palette de mots. Par exemple, pour un Anglo-
Saxon, spring désigne aussi bien le printemps qu’un ressort ou qu’une
source, il peut aussi signifier l’action de sauter et il faudra donc que le
malheureux British se débrouille en fonction du contexte ou du sens de la
phrase pour deviner de quel spring il s’agit.
Pourtant, malgré cette abondance lexicale, parfois les mots me
manquent.
« Cette chose », qui est l’intitulé d’un de mes derniers livres 1, souligne
déjà la carence. Je souhaitais dans cette précédente publication trouver le
terme précis qui traduirait au mieux l’origine de l’ouvrage, à savoir
l’étonnante émotion éprouvée au tout début de ma carrière de médecin, au
moment même où s’échappa la vie du corps de ce jeune homme que je
tentais en vain de réanimer. Cette indicible sensation ou plutôt cette sorte
de perception transcendante et totalement inhumaine fut en tout cas
suffisamment exceptionnelle pour ne jamais avoir été vécue par un de nos
académiciens ; en effet, le mot n’existe pas. Oui, c’est bien « cette chose »
qui, en moins de cinq secondes, changea radicalement ma vie en me faisant
comprendre que nous sommes des esprits éternellement vivants qui
s’échappent allègrement de leur enveloppe faite de chair et d’os au moment
de la mort après un plus ou moins bref passage terrestre. La bascule fut
immédiate. Moi qui jusque-là pensais que nous étions des sortes de robots
biologiques animés par des pensées biochimiques me retrouvai en un clin
d’œil devant l’évidence de la survivance de ce que certains nomment
l’Esprit… Enfin, à bien y réfléchir, je ne le pensais pas vraiment, on me
l’avait appris sur les bancs de la faculté de médecine ; la nuance est de
taille. Mais, au bout de toutes ces années de bourrage de crâne, j’avais bien
du mal à faire la part des choses pour distinguer ce qui provenait de mes
croyances, de mes intimes convictions ou de mes connaissances médicales
ingurgitées sans aucune possibilité de contestation ou de discernement, avec
la même résignation qu’une oie que l’on gave avant la période de Noël.
La sensation intime et physique d’être en présence d’une « chose »
vivante et joyeuse délivrant celui qui me claquait dans les doigts me
bouleversa à jamais de façon radicale. Cette singulière perception changea
toute mon existence puisqu’elle me fit décider de devenir médecin
anesthésiste-réanimateur alors que tout était planifié pour que j’embrasse
une carrière de généraliste dans un petit village de campagne. Cet
incroyable événement fut le détonateur d’une de mes plus grandes passions
qui, telle une maîtresse exigeante, demande à son amant de choisir une fois
pour toutes entre elle et l’épouse. Et cela fait plus de trois décennies que ça
dure ! Je me suis solennellement et officiellement lié pour toujours à la
médecine il y a plus de trente-cinq ans en passant ma thèse de doctorat
tandis que le monde spirituel me poursuit dans son insatiable débauche, et
aujourd’hui plus que jamais. Il faut être rusé comme un renard et habile
comme un singe pour éviter les scènes de ménage. Je marche sur un fil.
Aujourd’hui avec « ce truc », ça recommence. D’aucuns vont peut-être
trouver que j’exagère et que j’exploite le filon de cette singulière pénurie
littéraire, mais non, je suis formel ; j’ai beaucoup cherché et, ici encore, le
mot ou la courte phrase qui résumeraient le livre que vous tenez entre vos
mains n’existent pas. Et, dans ces conditions, pourquoi ne pas écrire un
troisième livre qui, après Cette chose… et Ce truc, s’intitulerait « Ce
machin… », avec l’objectif de bâtir une sorte de trilogie de l’indicible ? Ne
riez pas, j’y songe déjà.
Mais venons-en à l’essentiel. Ce que j’appelle « ce truc » est une
énergie incoercible qui nous pousse à produire de manière incontrôlable les
actions les plus inexplicables, les plus incongrues, les plus bizarres, les plus
inattendues, les plus surprenantes, sans que l’on puisse y trouver une
véritable logique au moment où elles se produisent. On ne peut parler de
coïncidence ou de synchronicité puisqu’il existe à chaque fois une finalité
bien déterminée qui oriente vers un chemin de vie spécifique ; la singulière
attitude qui en découle étant induite par une sorte de petite voix intérieure
qui nous conseille, ou plutôt nous ordonne ; une injonction presque
autoritaire ; une impérieuse intuition qui nous guide ; une pulsion qui nous
sauve ; une force incroyable qui nous conduit sur les itinéraires les plus
inattendus, sur des routes que l’on pensait inaccessibles et même
inexistantes.
L’objet de cet ouvrage est de démontrer qu’il faut savoir être à l’écoute
et au service de ces fameux trucs sans trop chercher à analyser ou à évaluer
les éventuelles conséquences des décisions qu’ils nous font prendre. Nous
verrons également de quelle manière on peut recevoir et gérer au mieux
toutes les informations qu’ils nous apportent.
Pour paraphraser Blaise Pascal, le truc a ses raisons que la raison
ignore ; le tout étant d’apprendre à l’identifier quand il passe pour pouvoir
en bénéficier pleinement afin de ne pas nous priver des différentes
opportunités qu’il nous offre. Savoir saisir le truc quand il est là, c’est ce
que nous apprendra ce livre.
Nous démontrerons, principalement à travers le récit de mes
expériences personnelles, que les tournants les plus importants de la vie
sont imputables à des faits imprévisibles et presque irrationnels, mais qui
trouvent toujours une explication à plus ou moins brève échéance et nous
verrons lesquelles.
De tous les ouvrages que j’ai écrits, celui-ci est certainement le plus
intime et le plus personnel puisque j’y rapporte également certains détails
de ma vie sexuelle que même mon épouse ignorait – c’est dire…
Le récit est sans concession et sans retenue car j’ai souhaité livrer ex
abrupto, le plus honnêtement possible et sans le moindre tabou – avec bien
entendu l’accord de tous les protagonistes qui figurent dans le texte –, les
différents rouages de mon chemin de vie mis en place par ce truc.

*
Pour résumer plus clairement mon propos, vous êtes soumis à ce truc
dès que vous faites une action qui vous semble a priori illogique et que
celle-ci ne trouve son exégèse qu’après avoir été produite. Dans ces
conditions, il devient assez facile d’admettre que les informations dictées
par ce truc ne peuvent venir que d’une « énergie supérieure » qui guide nos
vies dans un plan que l’on pourrait qualifier de « spirituel ».

1. Cette chose…, First éditions, 2017.


L’improbable palpation

TOUT SE PASSE COMME SI NOTRE CERVEAU était un organe non seulement


capable de traiter des informations sensorielles nous permettant d’avoir des
initiatives calculées, analysées et réfléchies mais aussi d’en recevoir
d’autres venant d’une source extérieure à notre monde. Les lecteurs qui me
connaissent savent que j’appelle « conscience intuitive extraneuronale 1 »
ces données qui nous caractérisent tout autant qu’elles nous surprennent.
Nous avons bien sûr notre libre arbitre pour décider et conduire notre
existence, mais il semble qu’un certain destin soit déjà tracé et que les trucs
nous y ramènent toujours avec la constance d’un invisible jardinier qui
arrose tous les jours ses plantes. Comme avec un GPS, une fois
programmée, la destination finale reste immuable quoi que l’on fasse. C’est
à croire que, même si à moment donné on se trompe de route ou s’il nous
prend l’envie subite de bifurquer pour changer de direction, un autre trajet
sera aussitôt calculé pour nous indiquer de rejoindre au plus vite le lieu où
l’on doit obligatoirement se rendre.
Ces différents trucs qui me sont arrivés avant et après cette chose
surgissent avec une implacable détermination dans l’existence de chacun
d’entre nous. Comme pour vous, ma vie fut jalonnée de trucs qui m’ont
amené à être ce que je suis devenu aujourd’hui.
Force est de constater que les meilleurs choix que j’ai pu faire étaient
totalement déraisonnables et le fruit d’aucune réflexion rationnelle. Avec un
minimum d’analyse et de jugeote, il est certain que je ne les aurais jamais
faits. Je vais commencer par vous en relater quelques-uns.
*
Nous sommes le 21 mai 1977. Je suis en deuxième année de médecine,
à une petite semaine de l’examen final. En général, quand je suis aussi
proche de l’échéance, je rentre dans ma bulle et me transforme en une sorte
d’autiste qui ne pense qu’à réviser ce qu’il a ingurgité au cours des mois
précédents. Dans ces périodes-là, il est inutile de m’adresser la parole, je
n’écoute aucune conversation ; je repasse en boucle dans ma tête ces
fameuses formules chimiques ou ces diverses équations mathématiques qui
ne servent qu’à sélectionner les plus cons. Je me suis toujours méfié des
gens qui ont une excellente mémoire car cette faculté ne se développe de
façon exagérée que chez ceux qui ont un déficit de compréhension ; la
plupart du temps ils apprennent par cœur ce qu’ils sont incapables de
retrouver par le raisonnement. Je suis désolé de briser le mythe, mais les
études des futurs hommes en blanc ne font appel qu’à la mémoire et
nullement à l’intelligence ou à la finesse d’esprit ; c’est bien dommage car
je connais pas mal de bons camarades très doués pour la logique qui sont
restés sur le carreau alors que, pourvus d’une grande humanité, ils auraient
fait d’excellents praticiens. Bref, je ferme la parenthèse.
Il est environ 23 heures. Je suis au volant de ma Dyane couleur caramel
achetée d’occasion au pharmacien du village. La vieille Citroën affiche
quarante mille kilomètres et des poussières mais son compteur est cassé
depuis environ cinq ans – enfin c’est ce que l’apothicaire a dit à ma mère
pour encourager la vente car, vu l’état de la carrosserie et l’usure des sièges
troués, la carriole a dû passer la décennie. Je me dirige, le pied collé au
plancher vibrant et chauffant, vers mon studio toulousain qui est à une
centaine de kilomètres de la maison de mes parents. D’habitude, je reste
tout le week-end chez eux mais, compte tenu du travail qui m’attend, je
préfère écourter le séjour et rentrer dès le samedi soir dans ma tanière pour
être isolé et au calme le dimanche. Je suis seul sur la route. La cassette
tachée de café diffuse en sautant Dark Side of The Moon des Pink Floyd.
Pour ne pas perdre de temps sur mes révisions, je récite à voix haute le nom
des douze paires de nerfs crâniens en utilisant la fameuse phrase
mnémotechnique : Ola Oscar ma petite Thérèse me fait à grand-peine six
gosses. Le premier duo concerne le nerf olfactif (ola) et le dernier, le grand
hypoglosse (gosses), je vous épargne le nom des dix autres… J’en suis à
peu près à la moitié de cette laborieuse et fastidieuse énumération,
probablement vers le nerf moteur oculaire externe (me) ou peut-être même
le facial (fait), je ne sais plus trop, quand tout à coup le truc arrive : sans
savoir pourquoi ni comment, je mets mon clignotant à droite pour prendre
la route de Martres-Tolosane, située à la perpendiculaire du trajet prévu. Je
me souviens parfaitement de cet instant décisif. Mais qu’est-ce que tu fous,
JJ, tu deviens barge ou quoi ? Je roule comme un robot une dizaine de
kilomètres et finis par me garer derrière une file de voitures stationnées
devant La Veillée, la seule discothèque de la région, perdue en pleine
cambrousse. Je ne comprends absolument pas ce qu’il m’arrive. Interloqué
par la situation, je reste un bon moment immobile les deux mains sur le
volant avant de décider de descendre.
Le videur me dévisage et me scrute de la tête aux pieds. Il faut dire que
ma veste délavée et mon jeans qui ne se termine pas en « pattes d’eph » ne
correspondent vraiment pas du tout au dress code de la mode disco. Avec
leurs tailles fines et leurs longues jambes exagérément élargies sur des pieds
aussi invisibles que surélevés, tous les ados voulaient ressembler à des
sortes de clous inversés que l’on essayait en vain d’enfoncer au sol en
martelant chaque seconde sur les enceintes et toutes les surfaces que l’on
touchait.
Je n’ai même pas l’indispensable chemise au grand col ouvert. Mes
tennis tranchent avec les boots à talons hauts que portent tous les garçons de
mon âge quand ils « sortent en boîte ». Mes cheveux sont en vrac et je n’ai
pas non plus la grosse chaîne en or plaqué autour du cou.
— T’es tout seul ?
— Ben, heu… oui.
L’homme baraqué qui me dépasse de deux têtes réfléchit. Et tandis qu’il
se gratte le menton en fronçant les sourcils, un gros point d’interrogation
semble se dessiner au-dessus de lui. Il hésite encore avant de donner son
verdict :
— Ouais, bon, ça va pour cette fois, tu peux entrer, mais la prochaine
fois tu ne viens pas seul et tu changes de fringues. On est en 77, mec ! Tu
sors de quelle époque, habillé comme ça ? Les chaussures de sport, c’est
pour le stade pas pour ici, normalement j’devrais même pas te laisser
passer, OK ? Peut-être que t’es pas au jus mais c’est gratos pour les nanas le
samedi soir, vaut mieux que t’en amènes au moins une… deux ou trois si tu
peux, t’es mignon, tu devrais pouvoir y arriver ! OK, man ?
Sur la piste de danse, des filles en minijupe se déhanchent sur une
musique de Donna Summer : I feel love… I feel love… Boum… love…
Boum… love…
La lumière stroboscopique casse leurs gestes. Tout autour, des garçons
debout et immobiles guettent leurs proies, un verre à la main. Les requins
attendent l’instant qui leur permettra de plonger dans l’aquarium pour
foncer sur la danseuse la plus désirable au moment des slows. Le pilier
contre lequel je me suis adossé vibre à chaque percussion.
Mes tympans sifflent. J’en profite pour me concentrer. Je ferme les yeux
et révise mentalement l’anatomie de l’oreille moyenne : le marteau,
l’enclume, l’étrier, la fenêtre ovale, la fenêtre ronde. Mais au moment de la
trompe d’Eustache, changement de décors : une cascade d’éclairages fixes
dégringole du plafond. Les jets de lumières affolants qui tournoyaient dans
tous les sens sur les poitrines brillantes de sueur et les petits culs
multicolores des sardines qui se trémoussaient disparaissent illico. Les Bee
Gees donnent le top départ : How Deep Is Your Love s’étire comme un
serpent de mer qui sort de sa grotte pour choper une souris au milieu des
spots bleus. C’est à ce moment-là que je la vois pour la première fois. Un
projecteur kaléidoscopique d’algues vertes illumine sa longue chevelure
blonde. Elle est habillée tout en blanc : un ange, oui, c’est ça, un ange au
milieu de cet enfer océanique ! Le plus étrange est son attitude. Mais
comment peut-on s’endormir avec autant de décibels dans les oreilles ?
S’endormir dans une boîte qui s’appelle La Veillée, c’est un gag, me dis-je
en souriant. Avec son buste droit et ses jambes repliées sur la banquette, la
poupée de cire semble irréelle ; une vraie statue minérale sur un rocher
après une tempête en mer. La sculpture d’Edvard Eriksen exposée dans le
port de Copenhague s’impose à moi. Quand j’avais vu dans je ne sais plus
quel livre la photo de cette fameuse Petite Sirène, une mystérieuse émotion
m’avait immédiatement envahi comme si la sculpture m’avait donné
rendez-vous quelque part. C’est donc là, ici et maintenant ?
Le truc me dit :
— Réveille-la et parle-lui !
— Quoi ? N’importe quoi, elle va me prendre pour un barge, un
dragueur qui s’est déjà pris des râteaux avec toutes les nanas qui sont ici et
qui ne sait plus où aller.
— Mais si, vas-y, réveille-la !
— Elle n’est peut-être pas seule. Son mec est sans doute aux toilettes ou
au bar pour lui chercher une conso. Je vais attendre un peu…
— Mais non, vas-y maintenant, ne laisse pas passer ta chance. Qui te
dit que quelqu’un d’autre ne pense pas la même chose que toi en ce moment
même ? Et s’il est plus rapide que toi, t’es foutu !
Le truc a gagné.
Je m’assois timidement à côté d’elle et lui secoue doucement l’épaule :
« Coucou… ça va ? » Elle ouvre les yeux. Ils sont vert fluorescent. J’avale
ma salive pour encaisser le choc afin que la boule qui est dans ma gorge
descende dans l’estomac.
J’apprends que deux amies, des jumelles d’une trentaine d’années, l’ont
amenée là, dans cet endroit bizarre situé à quatre-vingts kilomètres de son
domicile. Elle trouve ce lieu tellement inintéressant et ennuyeux qu’elle a
fini par s’endormir sur place en attendant que ses deux copines décident de
rentrer.
Corinne n’a que 18 ans et c’est la première fois de sa vie qu’elle entre
dans une discothèque. Qu’un type aussi étrange que moi lui pose autant de
questions inhabituelles l’amuse. Je me souviens encore de toutes ses
réponses, notamment que le bleu est sa couleur favorite et qu’elle se
réincarnerait volontiers en chien assoupi près d’une cheminée si la
métempsychose existait. Je vois tout de suite que ce n’est pas le genre de
fille qui se fait culbuter sur la banquette arrière des bagnoles ou dans les
toilettes en s’offrant au premier venu. Cependant, environ trente minutes
plus tard, au moment de nous dire au revoir devant ma Dyane déglinguée,
après m’avoir demandé mon numéro de téléphone, elle prend l’initiative de
m’embrasser voluptueusement sur la bouche en me caressant
vigoureusement le sexe avec sa main droite. Sans oublier de me palper les
testicules avec la gauche. Comme je l’écrivais plus haut dans ma
présentation, elle avait réussi à saisir le truc ou plutôt les trucs quand ils
s’étaient présentés.
Elle me confiera plus tard qu’elle ne sait toujours pas pourquoi elle a
fait cela pour clôturer notre rencontre alors que nous ne nous étions même
pas effleurés au cours de notre longue discussion philosophique. Elle,
d’habitude si timide et si prude ! Peut-être un conseil de son truc à elle ?
Qui sait ? En tout cas ce fut très efficace car en la quittant ce soir-là, je
n’eus qu’une seule envie : la revoir au plus vite.
Il est tout à fait exceptionnel que je fasse des confidences aussi intimes
et que j’utilise ce genre de vocabulaire dans mes livres, mais tous ces
termes sont irremplaçables et même mûrement réfléchis car ils
correspondent parfaitement à la brutale surprise que j’ai vécue lors de cette
petite minute de jouissance extrême, un mélange de volupté et de violence.
Je devenais subitement un esclave, un objet, mais aussi un trophée, un
joyau, un bijou chouchouté, une offrande. Mon ange masturbateur devenait
tout à coup une fée. Car oui, pour être bien précis, cela n’a pas pu durer plus
de soixante secondes car l’espiègle joueuse est repartie aussitôt en courant
vers les jumelles qui l’appelaient en hurlant, soit bien avant que je puisse
laisser exploser mon plaisir qui ne put s’extérioriser que deux kilomètres
plus loin dans un des kleenex sortis à la hâte de la boîte à gants. C’est sans
doute le côté décalé et sauvage de cette branlette impromptue qui m’a
séduit car, dans la passionnante discussion préliminaire de la demi-heure
qui l’a précédée, à aucun moment nous n’avions évoqué de près ou de loin
un sujet relatif aux parties génitales. C’était même étonnant compte tenu
des circonstances. Nous ne nous étions même pas renseignés sur nos
affaires de cœur. J’ignorais si elle avait un amoureux et elle ne savait pas si
j’étais libre. En quelque sorte, l’équilibre fut rétabli de cette façon. En tout
cas cette palpation instinctive lui permit de vérifier que je n’étais pas
insensible à ses charmes.
Sans savoir pourquoi, cette surprenante initiative me fit tomber
instantanément, inexorablement et éternellement amoureux. D’aucuns
pourraient penser que ça tient vraiment à peu de chose, mais non je ne le
crois pas. Si ce geste avait été fait trente secondes plus tôt ou trente
secondes plus tard, il n’est pas sûr que cela aurait fonctionné. C’était le bon
moment, c’est tout ; comme l’instant où le poisson est ferré sur l’hameçon,
trop tôt il n’accroche pas, trop tard il décroche. Je préviens toutefois mes
lectrices que cette recette n’est peut-être pas bonne pour tout le monde,
aussi je leur déconseille de la reproduire systématiquement. Ce n’est ni
infaillible, ni miraculeux. Donc, mesdemoiselles, mesdames, si un garçon
vous plaît, ne vous précipitez pas systématiquement sur son appareil de
reproduction pour le secouer comme une furie au bout de trente minutes de
discussion sérieuse car, bien que ce truc ait marché pour moi, le résultat
n’est absolument pas garanti.
Depuis cette brève rencontre du 21 mai 1977, Coco et moi ne nous
sommes plus jamais quittés. Ou si peu. Un mariage en 1984, des jumeaux
en 1986 qui nous ont donné cinq petits-enfants, dont le plus âgé a
aujourd’hui 4 ans et demi et le plus jeune quelques jours au moment où je
relis ce texte. La vie n’étant pas un conte de fées, nous avons bien sûr
traversé des épreuves et des orages, mais l’amour que nous avons l’un pour
l’autre est indéfectible. Il nous a fait accepter nos erreurs, nos fautes, nos
défauts, nos faiblesses et… nos rides. L’amour pardonne tout, il ne se
gonfle pas d’orgueil. L’amour ne passera jamais. En général, c’est ce que
l’on lit sans vraiment trop y croire dans les églises les jours de mariage.
Oui, ce truc était vraiment un bon truc, sans aucun doute le meilleur truc
de toute mon existence.

*
En reprenant l’historique de cette rencontre improbable, on se rend
compte qu’il n’y a eu que deux moments précis qui restent inexplicables et
illogiques : celui où je décide brusquement de mettre mon clignotant pour
tourner à droite et celui où j’ai cette sorte de discussion avec moi-même
pour oser aller réveiller ma future épouse comme le ferait un timide prince
charmant médiéval surgissant dans un Saturday Night Fever de campagne.
En fait, et c’est bien cela le plus surprenant, ce n’est qu’une fois engagé
sur la route secondaire que j’ai compris qu’il s’agissait de l’itinéraire qui
conduisait à la discothèque. Mais au moment de tourner, je ne savais
absolument pas où j’allais. Ensuite, les événements se sont enchaînés avec
une certaine logique : j’étais sur le chemin de La Veillée donc autant m’y
rendre par simple curiosité pour avoir l’opportunité d’éventuellement
reconnaître les voitures d’amis qui fréquentaient cet endroit le samedi soir.
Et effectivement, arrivé sur place, je me garai derrière la vieille DS 21
blanche de René Thomas, mon inséparable copain de fac. J’ai accepté
d’affronter les sarcasmes du videur dans l’idée de retrouver cet ami pour
partager un verre avec lui et me renseigner sur l’état de ses révisions car
nous étions tous les deux en deuxième année de médecine. D’ailleurs je me
demande bien où il était passé celui-là ; probablement posté à l’affût
quelque part dans l’aquarium, planqué avec les autres requins, son
sempiternel Bourbon-glace à la portée des lèvres. Tout cela est bien clair
dans ma tête mais ne me dit pas comment ni pourquoi j’ai pris la décision
de tourner à droite ! L’information ne pouvait venir que de l’extérieur.
Oui, c’est ce truc qui m’a fait actionner ma main droite pour mettre le
clignotant et c’est encore lui qui m’a fortement conseillé d’aller réveiller la
belle au bois dormant ; j’en suis maintenant intimement persuadé. Ces
injonctions ne venaient pas de moi.
Quant à Corinne, mis à part sa façon très originale de me dire au revoir
sur le parking de La Veillée, rien ce soir-là ne lui paraît illogique, inhabituel,
anormal, irrationnel ou inexplicable dans ses attitudes ou ses décisions.
Nous en avons longuement discuté.
La future Mme Charbonier habitait à l’époque avec ses parents dans un
des bâtiments du Trésor public toulousain. Sa mère était la gardienne de
l’immeuble et son père le chauffeur attitré des hauts fonctionnaires
collecteurs d’impôts. Le week-end, les parents de Coco partaient s’évader
dans leur maison de campagne en Ariège en laissant la petite lycéenne dans
la ville rose pour qu’elle puisse préparer son bac tranquillement. Comme le
bâtiment devait être en permanence sous surveillance, des jumelles aussi
sérieuses qu’assidues venaient régulièrement remplacer la mère de Corinne
lorsqu’elle devait s’absenter.
Seulement voilà, le 21 mai 1977 au soir, le contrat est rompu car les
deux sœurs en poste ont une furieuse envie de passer outre leurs
engagements de vigile pour sortir en boîte. Il fait chaud dans l’appartement
de l’Esquille et les célibataires en chasse perpétuelle pour cause
d’instabilité sentimentale chronique savent bien que c’est surtout le samedi
soir que les couples se forment dans les discothèques à la mode. Et quoi de
mieux que d’amener avec elles la fille de la gardienne pour acheter son
silence ? Elles ont vite compris que rendre « la petite » complice de la fugue
serait pour elles la meilleure des garanties. Il paraît que les deux coquines
ont quand même dû insister lourdement pour convaincre ma future épouse,
en lui répétant plusieurs fois que non, il n’y avait pas que des voyous qui
fréquentaient ces endroits, non, il n’y avait pas de risque de bagarres, non,
pas de drogues non plus, mais non, bien sûr que non, ni ses parents ni
personne ne serait au courant de l’escapade nocturne. C’est surtout la
grande aux cheveux bleus qui argumentait, celle que Corinne surnommait
Cruella, tandis que sa sœur, une blonde décolorée version platine argenté, se
contentait comme toujours d’acquiescer en minaudant.
— C’est sans risque. Zéro risque et tu verras, on va bien s’amuser.
Quand t’auras connu ça, tu ne pourras plus t’en passer. Accepte, tu ne le
regretteras pas. T’es jeune, t’es belle, tu vas emballer grave, c’est sûr. T’as
pas des sapes plus sexy que ce jean tout moche ?
— Euh… si, j’ai ma jolie robe blanche…
— T’as pas plutôt une minijupe avec des bottes ou des bottines ?
— Ben, non…
— Bon, ça fait rien. Grouille-toi, change-toi et rapplique, on t’attend
dans ma caisse.
Ce qui est surprenant dans cette échappée clandestine, c’est la décision
de Cruella qui tenait le volant. Bien qu’à Toulouse les boîtes branchées
soient légion, elle opta pour l’option de fuir subitement la ville et fonça vers
le sud. Pourquoi faire toute cette route inutile et pourquoi vers le sud ?
Coco, qui s’ennuyait déjà sans oser le dire à l’arrière de la voiture, se
souvient encore de la conversation des deux sœurs au bord de la dispute.
— Mais enfin, tu sais où on va ? Ça va faire bientôt une heure qu’on
roule. T’as un plan cul ou quoi ?
— Non pas du tout. J’ai zéro plan. Juste une envie de quitter cette ville
de merde où il n’y a que des pauvres taches. On va bien finir par trouver
une boîte quelque part. À la campagne aussi les gens aiment s’amuser.
— Passe-moi une Camel, j’en ai plus. Tu me fais tellement chier que ça
me donne envie de cloper deux fois plus qu’avant ! Moi qui voulais arrêter,
avec une sœur aussi barrée, c’est pas gagné.
À bien y réfléchir, tout laisse à penser que le truc avait décidé
d’intervenir sur la fille aux cheveux bleus pour organiser notre improbable
rencontre.

1. La Conscience intuitive extraneuronale, un concept révolutionnaire sur l’après-vie enfin


reconnu par la médecine, Guy Trédaniel, 2017.
La femme en bleu

IL Y A ENVIRON UNE DIZAINE D’ANNÉES, c’est encore une femme en bleu que le
truc m’envoya pour régler mon petit problème. Mais cette fois-ci, la couleur
préférée de Corinne n’était pas étalée sur les cheveux de la fille ; c’était
celle de son uniforme et de son petit calot.
J’étais en retard. Le taxi qui me ramenait à l’aéroport de Lyon faisait
comme il pouvait pour slalomer entre les files de voitures qui
s’agglutinaient, mais même avec la meilleure volonté du monde on ne peut
pas faire grand-chose quand tout est bloqué. « Putain ! C’est toujours le
même bordel, le dimanche soir », répétait sans cesse mon chauffeur en
mâchant rageusement son chewing-gum. De temps en temps, il lui arrivait
de taper sur son volant en criant « Avance, putain ! » au coffre de la bagnole
qui était devant lui ou d’accélérer sur dix mètres puis de piler après avoir
chanté sur tous les tons « On l’aura pas, on l’aura pas, putain ! » En fait le
type était devenu subitement nerveux après mon annonce : l’embarquement
de mon vol serait clos dans onze minutes, et d’après son GPS il nous en
fallait encore au moins quinze pour arriver à destination. Visiblement, ces
quatre minutes de décalage le survoltaient. En descendant du taxi, je
pressentais que c’était déjà trop tard.
— Vous voulez une note de frais ?
— Non, pas la peine, merci, gardez la monnaie.
C’est à partir de ce moment-là que les choses basculent dans le
« paranormal ».
J’arrive enfin devant le comptoir d’enregistrement. Je dégouline de
sueur après un sprint de quatre cents mètres effectué les bras écartés en
tirant ma grosse valise.
Avec mon imperméable ouvert et mon regard affolé qui scrutait les
tableaux d’affichage, je devais ressembler à une sorte de chauve-souris
déjantée qui traînait une proie vers son nid. J’exhibe mon passeport et ma
carte d’embarquement. La jeune dame assise devant moi fronce les sourcils
et me regarde avec pitié.
— Je suis désolée, monsieur, c’est trop tard, l’embarquement pour
Toulouse est terminé. En plus, il n’y a plus de vol, c’était le dernier de la
journée. Le prochain est demain matin à 8 h 30.
— Hein ? Demain ? Mais c’est impossible, je dois être au bloc
opératoire à 8 heures lundi, moi, je ne peux pas attendre demain matin…
— Désolée, monsieur…
Je fais demi-tour et m’écroule sur la banquette la plus proche. Inutile de
se presser. J’ai tout le temps pour réfléchir et décider de la meilleure option
possible.
Je ne comprends pas pourquoi l’au-delà me met dans cette galère alors
que je travaille comme un dingue pour essayer de faire admettre aux autres
sa réalité. La conférence que je viens de faire devant des centaines de
personnes servait à ça pourtant, alors pourquoi ? C’est de ma faute, j’aurais
dû écourter ma séance de dédicaces, c’est ça qui m’a fait manquer mon
avion… Devais-je ne pas répondre à tous ces gens qui sont venus me voir
avec leur livre à la main ? Je ne pense pas mériter cela… Non, vraiment.
Bon, ce n’est pas le tout, qu’est-ce que je fais, moi, maintenant ? Il y a
quelqu’un là-haut pour m’aider ?
En formulant cette dernière question, je lève mon regard vers le plafond
et découvre une jolie jeune femme en costume bleu clair. Elle est immobile
devant moi et m’offre un joli sourire qui éclaire l’étonnante pâleur de son
visage. C’est drôle, toutes les hôtesses ici sont habillées en bleu marine,
elle vient d’où celle-ci ? Tout est clair chez elle : son uniforme… même sa
peau.
— Vous allez à Toulouse, n’est-ce pas ?
— Oui, enfin c’est ce que je voulais faire, mais c’est trop tard. Je dois
prendre le prochain vol demain matin.
— Non, ce n’est pas trop tard, votre vol vient d’être retardé. Donnez-
moi votre carte d’embarquement, votre passeport et rejoignez-moi là-bas,
me dit-elle en pointant son doigt vers une porte à doubles battants située sur
la gauche des comptoirs d’enregistrement.
J’exécute docilement ses ordres. Cette fille est vraiment bizarre.
Comment sait-elle que je vais à Toulouse ? Pourquoi n’est-elle pas habillée
comme toutes les autres hôtesses qui sont ici ? C’est peut-être une
arnaqueuse… une voleuse de passeports ? Si c’est ça, j’ai vraiment l’air
con. Comment je vais faire, moi, demain pour prendre un vol sans aucun
papier d’identité ?
Mais moins d’une minute plus tard ma mystérieuse bienfaitrice
réapparaît comme un génie sorti de son vase. Elle me rend mes papiers et
me demande de la suivre sans perdre de temps. Nous passons des portiques
de sécurité désertiques probablement réservés au personnel navigant et nous
arrivons enfin au comptoir d’embarquement.
L’hôtesse qui m’accueille est habillée normalement, enfin je veux dire
comme toutes les autres qui sont ici, c’est-à-dire en uniforme bleu marine.
Elle me dévisage et, avant de prendre mon passeport, me dit :
— Vous êtes M. Charbonier, c’est ça ?
— Euh… oui, c’est bien ça.
— On peut dire que vous avez vraiment beaucoup de chance. Votre vol
vient d’être retardé, mais malgré cela vous auriez pu le manquer quand
même. Vous êtes arrivé juste au moment où j’allais fermer.
— Oui, j’ai beaucoup de chance, mais c’est surtout grâce à votre
collègue, là, qui est derrière moi, que je suis arrivé à temps.
— Ma collègue ? De qui parlez-vous, monsieur ? Je ne vois personne
derrière vous… Vous êtes sûr que ça va ?
— Mais si, là…, dis-je en me retournant.
Personne, il n’y avait plus personne derrière moi !
Je repense souvent à cette histoire en m’endormant. Qui était cette
femme ? D’où venait-elle ? Comment était-elle parvenue à apparaître et à
disparaître aussi vite qu’une bulle de savon qui éclate dans le vent ? Était-ce
mon ange gardien ? Une entité venue de l’au-delà au moment où j’implorais
son aide ? Peut-être, oui peut-être…
En tout cas il me plaît de croire que le truc avait entendu ma prière.
Le truc des animaux

NOUS BÉNÉFICIONS TOUS D’INTUITIONS aussi fulgurantes qu’inattendues. Elles


surgissent dans nos existences pour nous conseiller, nous sauver la vie, celle
d’autres personnes ou même parfois celle d’animaux que nous aimons.
Notre amie Gisou habite à environ cinq cents mètres en contrebas de
chez nous. Sa résidence est, comme la nôtre, une maison d’architecte avec
de grandes baies vitrées, qui surplombe le même paysage : une vaste forêt
de chênes soulignant les vallons et les sommets enneigés des Pyrénées
ariégeoises.
En janvier 1998, nous décidâmes de partir en famille une dizaine de
jours en République dominicaine. La veille de notre périple, Gisou nous
invita à dîner chez elle pour permettre à Corinne de mieux se concentrer sur
les préparatifs du voyage. Comme je suis aussi nul en cuisine que pour faire
les valises, surtout celles des jumeaux, mon aide ne pouvait pas être d’une
grande efficacité. Coco accepta donc de bon cœur sa proposition.
Après le repas, nous confiâmes les clés de notre maison à notre
prévenante voisine pour qu’elle puisse arroser les plantes d’intérieur
pendant notre absence et surveiller que tout allât bien. En toute logique,
Gisou devait faire cette petite visite au milieu de notre séjour sous les
cocotiers, soit cinq ou six jours après notre départ. Or, dès le lendemain soir
une formidable intuition la poussa à ouvrir la porte de notre maison. « C’est
comme si quelqu’un me disait qu’il fallait absolument que je me rende chez
vous », dit-elle toujours quand elle évoque avec nous cette histoire. Elle ne
comprend pas non plus pourquoi, une fois arrivée dans le hall, une autre
envie lui prit : celle de monter à l’étage où elle savait bien qu’il n’y avait
aucune plante à arroser. En haut de l’escalier, elle jeta un regard sur les
quatre portes fermées et décida instinctivement de pénétrer dans la chambre
d’amis. Cette pièce est la seule qui contient des meubles anciens : un vieux
secrétaire Empire, une grande armoire normande et un lit centenaire style
Henri II qui appartenait à mon arrière-grand-mère maternelle.
Le raidillon de cinq cents mètres et l’escalier monté à la hâte avaient
cassé les jambes de notre amie. Elle s’allongea un moment sur l’épais
matelas pour récupérer un peu de sa fatigue, toujours sans savoir ce qui la
poussait à être à cet endroit précis, et somnolait presque quand elle entendit
un bruit sourd dans le meuble normand : une sorte de signal qui témoignait
d’une présence. Coco lui avait déjà raconté que bon nombre d’invités
avaient été réveillés à plusieurs reprises dans ce lieu par des coups frappés
au beau milieu de la nuit. Et si c’était un esprit qui se manifestait à elle ?
Dressée sur le lit, elle prêta une oreille encore plus attentive pour savoir si
elle n’avait pas rêvé. Non, pas de doute, il y avait bien quelque chose de
vivant à l’intérieur de cette armoire ; ça gigotait comme pouvait le faire une
poupée de céramique habitée par un démon. Le chahut empirait ; ça
craquait, ça grattait à qui mieux mieux ; pire, ça soufflait comme dans le
film L’Exorciste quand la petite fille crache de la bouillie verte.
Tremblante de peur, elle se rechaussa en quatrième vitesse avec une
folle envie de déguerpir au plus vite. Les coups dans l’armoire montaient
crescendo. On se serait cru dans un film d’horreur quand le son devient
obsédant pour annoncer un ultime déversement d’hémoglobine. Elle essaya
de se raisonner : Mais non, à ton âge, tu ne vas quand même pas croire qu’il
y a un esprit frappeur coincé là-dedans ! C’est absurde, allons ma fille, un
peu de courage, ouvre cette porte et tu verras bien !
Oui, mais voilà, il y avait un autre problème à résoudre : l’armoire était
fermée à clé et la serrure était vide. Ghislaine fut à nouveau guidée par de
mystérieuses instructions qui la poussèrent à se diriger vers la fontaine
murale située en face de la fenêtre pour soulever la coupelle en cuivre
destinée à recueillir l’eau. Une initiative fructueuse puisque c’était
précisément là que se trouvait la fameuse clé manquante. Quand elle ouvrit
enfin le meuble, on peut dire que l’énigme lui sauta dans les bras en hurlant
des miaulements rauques de reconnaissance.
Notre chatte Birdie était restée enfermée plus de douze heures dans
l’obscurité sur les draps de lits empilés près du coffre à bijoux. On n’ose
imaginer dans quel état on aurait retrouvé notre petite Birdie si Gisou
n’était pas intervenue pour la sauver de ce piège mortel. Notre voisine avait
su écouter les instructions de ce truc et les avait suivies à la lettre sans
rechigner et sans chercher à comprendre.
Le problème est de savoir quelle est la provenance des instructions
reçues. S’agit-il d’informations autonomes destinées à sauver la chatte
d’une mort certaine ou bien la résultante d’un souhait formulé par
l’animal ? Birdie, se sachant perdue si on ne venait pas la délivrer
rapidement, aurait-elle été capable de supplier l’Univers pour la sortir de ce
pétrin ? Et, dans ce cas, sa « prière » aurait-elle été entendue en envoyant
notre voisine à son secours ? Il faudrait alors admettre qu’un animal soit à
la fois capable de sentir le danger qui menace sa vie tout en envoyant une
demande pour être sauvé.
En ce qui concerne l’anticipation animalière d’un danger ou d’une
catastrophe on peut déjà répondre par l’affirmative car bon nombre
d’exemples le démontrent. Un des plus fameux est celui du tsunami survenu
au large de l’Indonésie le 26 décembre 2004 où on ne retrouva que très peu
de cadavres d’animaux dans ses vestiges, et pour cause : percevant sans
doute l’imminence du cataclysme, la majorité des bestioles s’échappèrent
très rapidement vers l’intérieur des terres pour éviter le pire. On avait même
vu des éléphants habituellement dociles et obéissants casser leurs chaînes
pour, une fois leur liberté obtenue, s’enfuir à toute vitesse à bonne distance
des côtes, quelques heures à peine avant l’arrivée de la vague tueuse.
Botter en touche en disant que ce comportement est secondaire à ce que
l’on appelle « l’instinct animal » n’avance en rien dans son explication car
personne ne sait encore comment cela fonctionne. On peut en conclure que,
sous l’influence du truc, ces bêtes de différentes races ont eu la meilleure
attitude qui soit : partir le plus loin et le plus rapidement possible de
l’endroit où elles se trouvaient.

*
Il arrive aussi que ce truc guide les animaux perdus pour retrouver leurs
maîtres et, là encore, on ne peut parler ni d’intuition, ni d’instinct animal, ni
de flair car les chats ou les chiens perdus ne peuvent sentir leurs
propriétaires à plusieurs centaines de kilomètres. Il n’y a aucun mot français
pour traduire cette capacité extraordinaire ; c’est ce truc qui, à la manière
d’un GPS, oriente nos compagnons à quatre pattes à travers les champs, les
routes et les villages pour enfin arriver au bout d’un long voyage de
plusieurs mois à leur destination finale. Les rubriques « Faits divers » de
nos journaux rapportent souvent ces incompréhensibles périples, mais à ce
jour c’est Karim qui détient le record de distance parcourue pour rejoindre
ses hébergeurs habituels.
Karim est un chat qui coulait des jours heureux dans une maison
familiale située en Ouzbékistan. En 2008 les propriétaires de Karim
devaient déménager en Russie. Pensant que l’animal ne s’adapterait pas à
un voyage aussi long, ils préférèrent le laisser sur place en le confiant
à leurs voisins. Deux ans plus tard, en juin 2010, la maîtresse du chat
retrouva l’animal épuisé sur le pas de la porte de sa maison russe. Karim
avait parcouru plus de trois mille kilomètres pour la retrouver. Interrogée
par le journal La Libre Belgique, voici ce que la propriétaire du prodigieux
matou rapporta :
Je savais par mes anciens voisins que mon chat avait disparu de la maison
quelques jours après notre départ et j’en étais très triste, mais nous n’avons
plus eu de nouvelles à son sujet par la suite. Quand je me suis approchée de
la porte, j’ai vu que c’était Karim, amaigri et en mauvaises conditions,
mais c’était bien lui. Il est très heureux aujourd’hui, tout comme nous. Je
n’ai aucune idée de comment il nous a trouvés mais je suis très contente
qu’il l’ait fait.

Quand on observe le comportement de nos animaux de compagnie on


s’aperçoit très vite qu’ils ont bien sûr des craintes et des peurs mais aussi
des réflexions personnelles qui les amènent à faire des projets. S’ils
parviennent à visualiser leur futur potentiel, cela veut donc bien dire qu’ils
peuvent entreprendre des actions qui vont les pousser à le rendre agréable
en fuyant les situations de danger tout en cherchant à l’améliorer.
Il y a une vingtaine d’années de cela, j’avais un adorable yorkshire.
Nous l’avions appelé Gershwin en hommage au musicien car il était né
l’année des « G » et son « miaulement » plaintif quand il réclamait de la
nourriture ressemblait aux premières notes de Rhapsody in Blue. En fait, ce
chien se comportait dans la vie comme un véritable chat, il miaulait et
n’aboyait jamais, adorait le lait froid et détestait les os, grimpait sur les
meubles et fuyait les laisses, vagabondait dans la rue de Péreille – ce tout
petit village n’ayant qu’une seule rue, sans non – et revenait à la maison
quand ça lui chantait. Les chaudes après-midi d’été, Gershwin restait
endormi à mes pieds près du relax en bois, à l’ombre du bouleau où j’aime
bouquiner au calme. C’était chaque fois le même manège. Le chien-chat
ronronnait doucement les yeux fermés en soufflant sur ses moustaches de
Gaulois, puis tout à coup son regard s’allumait d’une façon spéciale. Son
rituel était immuable et je savais alors où il partait et ce qu’il allait faire. La
petite boule de poils se secouait et trottinait vers le petit portillon de notre
clôture qu’il ouvrait d’un énergique petit coup de museau. Je le voyais
ensuite gambader jusqu’à la maison de Gisou. En général il entrait chez elle
par la porte ouverte de l’arrière-cuisine mais il pouvait aussi en cas d’échec
s’introduire par la baie vitrée qui donne sur le patio. Arrivé dans le salon,
l’invité surprise montait sur le canapé où s’étalaient une multitude de petits
coussins multicolores et moelleux et, après quelques hésitations, il finissait
par en choisir un pour se masturber gentiment. Une fois son objectif atteint,
il revenait tout essoufflé pour s’installer près de moi comme si de rien
n’était. Souvent, Gisou nous téléphonait : « Je pense que Gershwin est
venu, il m’a laissé une trace dans le salon, bon je ne vous fais pas un
dessin… » ou alors « Ne cherchez pas votre chien, il est chez moi, il
s’astique sur mon divan, comme d’hab… »
On peut donc en conclure que même un chien de cette taille pouvait
brusquement penser au beau milieu de son sommeil en ouvrant les yeux :
Tiens, j’ai bien envie d’aller niquer un joli petit coussin moelleux chez
Gisou, moi, pour terminer ma sieste, je suis sûr que ça va être agréable, ça
va me détendre un peu et après je reviens ici ! C’est une pensée élaborée
avec une projection dans le futur orientée sur un plaisir sexuel. Dans ce cas
l’information est claire et ne vient pas a priori de l’extérieur mais d’une
pensée, d’une réflexion qui aboutit à une intention : celle d’aller se
satisfaire sur un des coussins de ma voisine. On peut néanmoins se poser la
question de savoir si l’origine de cette intention vient bien de Gershwin car
elle pourrait tout aussi bien provenir de ce truc. Dans ce cas, l’animal aurait
capté une information extérieure qui l’aurait réveillé en induisant
secondairement la mise en place d’une stratégie pour la réaliser. Bien que
l’on ne comprenne vraiment pas l’utilité d’une telle démarche au niveau
universel, il existe sans doute une logique et une finalité quelque part. J’ai
pris cet exemple caricatural pour bien démontrer que les faits les plus
aberrants font partie d’un plan supérieur qui nous échappe totalement.
Après tout, peut-être que la seule finalité de ces branlettes textiles est de me
permettre de faire cette démonstration dans ce livre ? En tout cas
l’explication existe sûrement quelque part car rien n’arrive par hasard si on
considère que tout est organisé par ce truc.
Je décrirai plus loin un autre événement aberrant dans ma vie sexuelle
qui est survenu à un moment totalement inattendu et qui est pourtant,
comme on le verra, à l’origine de la naissance de mes petits-enfants.
Vous trouvez peut-être que je vais un peu loin dans ma théorie
alambiquée, mais je vous invite à relever les événements aberrants de votre
existence et à essayer de déterminer ce qui se serait passé s’ils ne s’étaient
pas produits. Vous allez être surpris de constater que vous ne seriez
probablement pas la même personne et que vous n’auriez peut-être pas cette
vie si vous n’aviez pas assisté ou participé à ces singulières scènes.
Il faut dans cette hypothèse reconnaître avec humilité que, comme
Gershwin, nous ne sommes pas responsables de nos intentions ; c’est le truc
qui dirige nos vies. Croyez-vous que les fourmis ou les abeilles qui émettent
l’intention d’amener sur leurs dos ou dans leurs pattes de minuscules
particules de matière savent à l’avance qu’elles vont construire une
fourmilière de deux mètres de hauteur ou une immense ruche ? Non, bien
sûr, c’est ce truc, l’architecte ; il en va des humains comme des animaux et
de tout organisme vivant, même les végétaux.
Sur la droite de ma terrasse qui est orientée plein sud vit un chêne
centenaire. J’ai demandé à l’architecte qui a construit ma maison de réaliser
un décrochage de cinq mètres d’une partie de la façade pour éviter de le
couper. Cela a été pour lui un véritable casse-tête aux motivations
incompréhensibles puisqu’elles ont nécessité une rallonge considérable au
budget prévu mais le résultat obtenu a dépassé mes espérances : non
seulement l’arbre a survécu aux différents travaux de terrassement qui
l’entouraient, mais son tronc a grossi en produisant de magnifiques feuilles.
Des branches épaisses et robustes se sont mises à pousser horizontalement
pour offrir une belle tonnelle à un espace de repos qui est en contrebas. Le
plus étonnant est que la branche située en regard de la terrasse du haut fait,
à environ un mètre du balcon, un angle de soixante-dix degrés vers le haut
pour l’éviter. Impossible de savoir si le chêne a émis une intention
particulière dans sa configuration mais, ici encore, ce truc a parfaitement
organisé les choses.
Quand nous faisons une promenade en pleine nature, nous occultons la
plupart du temps sa parfaite harmonie mais en observant plus en détail on
s’aperçoit que tout est parfaitement organisé et que le truc est partout. Les
structures végétales et minérales sont agencées avec une incroyable
précision et cette architecture qui fait la beauté d’un paysage ne peut venir
que d’informations extérieures à elles-mêmes.
Les animaux sont particulièrement doués pour les percevoir. Zaza, mon
petit bouledogue français, nous démontre régulièrement ses talents de
médium. Bien que ma résidence principale soit en Ariège, je travaille
depuis une quinzaine d’années à Toulouse. Environ cent vingt kilomètres
séparent ma maison de la clinique où j’exerce et il m’arrive assez souvent
de rester dans mon appartement en ville quand les journées opératoires se
prolongent un peu trop. Coco sait que je dois rentrer à la maison avant
même que je la prévienne par téléphone car, dès que je prends la décision de
revenir chez moi, Zaza vient se poster devant le portail d’entrée jusqu’à ce
qu’elle voie ma voiture arriver. Le plus stupéfiant, c’est qu’elle prend cette
posture particulière dès l’instant où j’émets l’intention de rentrer en Ariège,
sans que je change quoi que ce soit dans mon comportement qui puisse faire
évoquer cette éventualité. C’est d’autant plus étonnant que ce retour ne se
fait jamais à une heure régulière : ce peut être aussi bien le matin que le soir
ou même parfois en début d’après-midi. Zaza ne se trompe jamais. Bien que
certains chercheurs se soient déjà penchés sur ce phénomène de
« transmission de pensées » canines, personne n’est à ce jour parvenu à
l’expliquer.
Rupert Sheldrake est un auteur parapsychologue anglais qui a étudié de
près le comportement des animaux et des végétaux. Il est passionné par la
télépathie et ses travaux sont, comme on pouvait s’y attendre, contestés par
une communauté scientifique aussi bien-pensante que rétrograde. Ses
multiples expériences réalisées sur les attitudes des chiens attendant leurs
maîtres valident les capacités médiumniques de Zaza. Il a pu notamment
démontrer que des chiens étaient en mesure de prédire l’arrivée de leur
propriétaire même si celui-ci revient à une heure inhabituelle, avec une
voiture différente ou même à pied. Dix minutes à deux heures avant la
venue de son maître, le chien s’assied près de la porte d’entrée et attend,
comme s’il anticipait son retour. Sheldrake a renouvelé ses expériences en
installant des caméras vidéo dans les pièces de la maison où le chien avait
l’habitude d’aller. Le propriétaire sortait de chez lui sans avoir la moindre
idée d’où il devait se rendre ni sans savoir à quel moment il allait revenir
chez lui. Ce n’est qu’une fois installé au volant de sa voiture qu’il prenait
connaissance de sa destination. Plus tard, à une heure choisie de façon
aléatoire, l’un des chercheurs le contactait pour lui indiquer de rentrer.
L’heure était consignée et mise en parallèle avec les mouvements du chien
enregistrés sur les vidéos. Dès que son maître se mettait en route, le chien
allait presque toujours à la porte pour attendre son retour.
Des animaux bien plus petits que les chiens ont pu montrer qu’ils
étaient en mesure de recevoir des informations extérieures capables de
modifier leurs comportements. Quand on observe un vol d’étourneaux où
les déplacements d’un banc de poisson, on est sidéré de voir à quel point
ces milliers de minuscules animaux parviennent à se déplacer avec autant
d’harmonie. Leurs mouvements sont suffisamment coordonnés pour qu’ils
parviennent à progresser sans se heurter, tout en changeant régulièrement
leurs directions de vol ou de nage. Or ces modifications de trajectoires sont
rigoureusement simultanées et sans aucun décalage. Des chercheurs ont pu
montrer qu’il n’y a pas un leader qui influence les autres pour modifier le
cap ; tous les participants de la chorégraphie optent sans aucun décalage de
temps pour la même nouvelle route. Puisque l’information est unique et
reçue à cent pour cent par tous les participants du ballet et sans exception
aucune, on peut facilement en déduire qu’elle ne peut que venir de
l’extérieur et qu’ici aussi c’est bien ce truc qui mène la danse.
La table d’orientation

CORINNE EXPÉRIMENTE SOUVENT ses facultés intuitives. Dans les années qui
ont suivi notre première rencontre à La Veillée, nous faisions très souvent
l’amour. C’est la fameuse « règle des MMS » : à 20 ans, c’est matin, midi et
soir ; à 40, mardi, mercredi et samedi ; à 80, mars, mai et septembre ; et à
90, mes meilleurs souvenirs. Nous étions donc dans la période du « au
moins trois fois par jour » et nous adorions faire nos petites galipettes dans
des endroits improbables, en particulier sur les tables d’orientation. Ne nous
demandez pas pourquoi, on n’en sait absolument rien. J’ai retrouvé plus
tard ce même sentiment de puissance ostentatoire éprouvé dans ces
circonstances de domination du vide au cinéma quand Leonardo DiCaprio
enlace sa bien-aimée à la proue du Titanic en criant, les bras en croix, qu’il
est le roi du monde. C’était tellement ça que j’ai pleuré d’émotion en
voyant la scène. Bref, nous devenions au fil de nos visites d’altitudes des
spécialistes de cette acrobatie poétique. Coco posait ses fesses ou ses seins
sur la faïence froide où sont dessinées les montagnes affublées des
inscriptions de leurs altitudes et, tout en glissant en elle, je lui lisais en riant
le nom des pics, des lacs et des sommets.
Une après-midi d’août, alors que nous nous apprêtions à renouveler
notre spécialité au sommet d’un des volcans des Vosges, ma dulcinée quitta
brusquement son promontoire en remontant sa jupe.
— Ben, qu’est-ce qui t’arrive, pourquoi tu descends ?
— Je ne sais pas. Pas ici. Pas maintenant. Je ne le sens pas.
Effectivement, environ vingt secondes plus tard, une colonie de
vacances déboula en trombe à quelques mètres de nous pour découvrir un
point de vue qui n’avait rien de comparable à celui que nous aurions pu leur
offrir.

Les trucs perçus par Corinne nous ont souvent sortis de situations
difficiles. Si je fais toujours appel à son intuition avant de prendre une
décision importante ou risquée, il arrive aussi que, sans lui demander quoi
que ce soit, elle lance une alerte vitale qui permet de nous sauver. Nous
verrons dans le prochain chapitre que ce fut le cas en Corse en mai 1980.
Mais ceci ne nous explique pas pourquoi cette prouesse sexuelle nous
semblait nécessaire. Oui, pourquoi prendre ce risque inconsidéré
d’exhibitionnisme flagrant sévèrement puni par la loi ? Sans doute pour
m’apprendre le courage car il en faut quand même pas mal pour arriver à
bander dans de telles circonstances. Le plaisir sexuel a vaincu ma peur.
Peut-être serais-je moins courageux si ce truc ne m’avait pas donné le goût
de l’adrénaline ; celle-ci a une saveur bien particulière quand elle est
stimulée par la testostérone. Et c’est probablement cette même testostérone
qui me conduit à prendre toutes les initiatives dangereuses qui ont jalonné
ma vie.
Le truc et les accidents de la route

C’EST DRÔLE, IL SUFFIT D’ÉVOQUER CERTAINS ÉVÉNEMENTS forts de notre


existence en fermant les yeux pour se trouver immédiatement projeté dans
le passé avec une formidable acuité ; c’est un peu comme si par magie on
pouvait remonter le temps.
Je revois mes mains glisser sur le volant en similicuir de l’Alfasud bleu
métallisé en alternant les virages serrés du cap Corse. La route est étroite et
surplombe des criques de sable noir qui ponctuent d’interminables enfilades
de falaises rocailleuses. C’est à la fois lugubre et fascinant d’observer en
roulant ce monstre minéral qui émerge de la mer en lançant des tentacules
qui semblent vouloir attirer ses proies vers le bas. On ressent une furieuse
envie de dégringoler dans l’écume blanche des vagues. Je fais souvent ce
rêve : je conduis et je tombe dans un précipice car mes freins ont lâché. En
général c’est au moment du vol plané que je me réveille en suffoquant.
Assis sur mon lit et en sueur, l’espace d’une seconde, je cherche à savoir si
je suis toujours en vie.
Coco s’est assoupie à côté de moi. Sa tête dodeline à droite et à gauche
au rythme des crissements de mes pneus lisses. Il ne faut pas traîner. Notre
bateau qui nous attend à Ajaccio lèvera l’ancre dans seulement quatre
heures et nous venons de quitter Rogliano qui est à cent quatre-vingts
kilomètres de là. Heureusement qu’elle dort, elle ne me permettrait jamais
d’aller aussi vite. Je m’amuse à faire coïncider les bruits du caoutchouc sur
le goudron avec les Stones : I can’t get no, oh, no, no, no, [Zss]… Hey, hey,
hey, [Zss] that’s what I say [Zss] I can’t get no satisfaction [Zssss].
La longueur du dernier dérapage réveille Coco.
— Mais qu’est-ce que tu fous ? Tu peux pas ralentir un peu ? gémit-elle
en s’étirant.
— Bien dormi ?
— Bof, pas terrible avec tous ces virages, tu conduis comme un dingue.
Tu veux bien ralentir un peu, s’il te plaît ?
— On est à la bourre, j’ai pas envie de rater le bateau.
— Et moi, j’ai l’intention d’arriver vivante. Ralentis, je vais détacher
ma ceinture pour attraper le bouquin qui est derrière.
I can’t get no, [Zss] oh, no, no, no, [Zss] Hey, hey, hey, that’s what I say
[Zss].
— C’est quoi, ce livre ?
— Le guide Michelin. Il y a plein d’astuces intéressantes là-dedans.
— Vraiment ?
— Oui, tu vas voir, je l’ouvre au hasard et je te lis un passage… Baisse
un peu la musique, s’il te plaît.
— D’accord, vas-y, je t’écoute.
— Ah ! voyons… Tiens, c’est parfait ça : leçon de conduite… Le
dérapage contrôlé. Écoute bien : « Freiner brusquement quand la voiture
part en glisse est le réflexe le plus instinctif mais aussi le plus dangereux.
Vous avez peut-être abordé le virage à trop grande vitesse et votre réaction a
été de freiner. Résultat : votre voiture tire tout droit et devient incontrôlable.
Si votre voiture glisse des roues arrière, surtout ne freinez pas, contre-
braquez et orientez votre voiture dans la direction souhaitée…
— Non, non, NON ! ne freine pas, ne freine pas !
— Mais qu’est-ce que tu fous, merde, t’es con ou quoi ?
— Je viens de faire exactement ce que tu m’as dit… je n’ai pas freiné et
j’ai… j’ai contre braqué.
Ma voix tremble. Mes jambes sont coupées en deux par l’émotion. Mes
mains restent crispées sur le volant. Je suis figé comme si le moindre geste
ou le moindre éternuement allait nous précipiter dans le ravin que
surplombe un des rares promontoires où nous venons de nous immobiliser.
Au moment précis où Coco m’a lu ces fameuses recommandations, l’arrière
de la voiture était déjà parti en glissade. Je sais que si elle ne m’avait pas
énoncé ce qu’il fallait faire, j’aurais eu le réflexe de freiner. Dans ce cas, il
est sûr que nous serions allés tout droit pour faire le grand saut avant d’être
pulvérisés quatre cents mètres plus bas. Grâce au ciel, ce truc était arrivé à
temps. Il y a des moments où les secondes se transforment en minutes
comme dans un film passé au ralenti. Le temps se dilate et l’espace s’étire.
Après une interminable glissade d’une vingtaine de mètres et un contre-
braquage effectué selon les règles préconisées par le guide Michelin,
l’Alfasud s’était enfin immobilisée à quelques centimètres du vide, juste à
côté d’une table d’orientation que nous n’avons pas eu le courage d’utiliser.
Ce truc avait réveillé celle que j’épouserai quatre ans plus tard, pour lui
faire prendre le livre qui était sur la banquette arrière, l’ouvrir à la bonne
page et lui donner l’envie de lire à haute voix et au parfait moment les
lignes qui nous ont sauvé la vie. Comment expliquer cela ? On ne peut
même pas parler d’intuition ou de prémonition, de hasard ou de coïncidence
puisque la finalité de toutes ces improbables initiatives fut de nous éviter un
accident mortel.

Quand j’ai raconté cette étonnante histoire à mon ami Félix Fauré,
homonyme du célèbre musicien, il eut un énigmatique sourire car il fut lui
aussi un jour confronté à un truc identique au volant de sa puissante BMW.
Lui aussi était, ce jour-là, en retard. Le rendez-vous prévu était vital pour
son entreprise. Lui aussi roulait vite ; bien au-delà du raisonnable. Pourtant,
sans aucune raison valable, il décida tout à coup de ralentir et de s’arrêter
sur une aire de parking pour fumer une cigarette. L’envie de nicotine n’était
pas un motif suffisant de stationnement car il avait l’habitude de fumer en
conduisant. Il resta là, assis sans bouger, le moteur éteint, en soufflant des
volutes de fumées en direction de sa vitre ouverte. Au bout d’une dizaine de
minutes, il écrasa son mégot dans le cendrier et repartit en trombe sans
comprendre la raison qui l’avait poussé à cette halte soudaine. C’était pour
lui aussi stupide qu’incompréhensible. Pourquoi perdre un temps qui lui
était aussi précieux ?
L’explication l’attendait à quelques kilomètres de là où un terrible
accident venait de se produire : un gigantesque carambolage de plusieurs
voitures totalement détruites avec un semi-remorque couché sur la
chaussée. Dix minutes plus tôt, et Félix faisait partie des victimes, il en est
intimement persuadé.

*
C’est également un truc de ce genre qui épargna la vie de mon fils
Laurent par une chaude soirée de juin. Son frère Damien venait d’obtenir le
permis de conduire. Arrivé à la maison, le lauréat exhiba fièrement son
papier rose et me demanda la permission d’emprunter mon nouveau joujou,
un magnifique 4x4 Suzuki décapotable, pour faire une petite balade avec
son jumeau. Je revois encore leurs regards suppliants : « Oh ! oui, papa, dis
oui, dis oui, s’il te plaît papa… Laurent et moi on serait trop contents si tu
disais oui ! » Comment leur refuser ce plaisir ?
Environ deux heures plus tard me vint une étonnante vision. J’étais
allongé dans ma baignoire, parfaitement relaxé. La fumée qui s’échappait
de l’eau bouillante embuait le blanc des murs carrelés et la fenêtre, en
dessinant des sortes de nuages sur la vitre noircie par la nuit qui venait de
tomber. C’est alors qu’une scène aussi terrible qu’inexplicable s’imposa, un
drame imprévisible, le chaos. L’image de ma voiture faisant plusieurs
tonneaux, avec au volant un ami de mes enfants, était tellement présente
dans mon esprit que je ne pus m’empêcher d’alerter Corinne qui était
allongée dans la chambre attenante à notre salle de bains.
— Il ne faudrait pas que Damien ait l’idée de prêter la voiture à un
copain et qu’ils aient un accident !
— Mais pourquoi tu dis ça ? Damien est sérieux, il n’oserait jamais
faire une chose pareille !
Je n’eus même pas le temps de répondre à Coco. Le téléphone sonna
pour nous annoncer que nos deux fils venaient d’avoir un accident et que la
voiture avait fait plusieurs tonneaux. Grâce au ciel, ils étaient indemnes.
Nous apprîmes plus tard que Damien avait cédé le volant à son copain
et qu’il occupait la place du passager tandis que son frère Laurent assis à
l’arrière avait voulu être débarqué avant l’essai fatidique. Sous le choc, le
conducteur qui ne portait pas de ceinture avait été éjecté de la décapotable
dès la première embardée tandis que Damien, solidement attaché sur son
siège, avait subi tant bien que mal les deux ou trois tonneaux qui, pensait-il,
n’en finiraient jamais.
Coco et moi arrivâmes le cœur serré sur les lieux de ce qui aurait pu être
un drame. Ma pauvre Suzuki flambant neuve ne ressemblait plus qu’à un
petit cube de tôle qui évoquait une compression de César. Seule la place du
passager avant n’était pas écrasée. Les deux occupants s’en sortaient
miraculeusement avec seulement quelques égratignures et quatre ou cinq
hématomes ; rien de plus. Laurent avait anticipé la prouesse du cascadeur
en herbe. Il nous raconta qu’au moment où son copain prit le volant, il vit
une tête de mort se dessiner sur la place où il était installé. Il insista pour
descendre : « Allez-y tous les deux, je préfère vous attendre là. » Le truc lui
avait sauvé la vie en lui envoyant ce symbole annonciateur.

*
Et puisque j’en suis à relater les accidents où le pire fut évité grâce à un truc
particulier, je rapporte ici celui que j’ai eu au mois d’octobre 2008.
Sans comprendre la véritable raison qui me pousse à cet atavisme – on
surnommait ma grand-mère maternelle Beltoise et ma mère Schumacher –,
j’aime la vitesse. Je raffole de cette sensation de puissance que l’on peut
éprouver en se déplaçant rapidement sur les routes. Je sais que c’est
particulièrement stupide et irresponsable compte tenu des dangers mais,
malgré cela, cette attirance imbécile ne m’a jamais quitté. Est-ce le goût de
transgresser l’interdit qui m’attire ? Peut-être… Ou alors cette sensation
étrange de se mettre en danger de mort en modifiant notre rapport au temps
et à l’espace ? Sans doute… En tout cas je suis certain d’une chose : dès
que je franchis le seuil de la limite autorisée, je jubile. Pourtant j’ai
conservé mes douze points. Il faut dire que, depuis quelques années, je me
suis bien calmé et j’actionne plus volontiers mon régulateur de vitesse, en
savourant les mélopées du requiem de Verdi, que l’accélérateur, en montant
les décibels d’un concert de rock comme je le faisais autrefois.
J’ai obtenu mon permis moto à 16 ans. À l’époque, on pouvait piloter
dès cet âge des deux-roues qui frôlaient les deux cents kilomètres par heure,
avec des possibilités de décélération aussi réduites qu’aléatoires puisque la
plupart des engins n’étaient équipés que de simples freins à tambour, mais
paradoxalement il fallait attendre deux ans de plus pour conduire une deux-
chevaux qui atteignait péniblement les quatre-vingt-dix kilomètres par
heure. Le permis voiture ne pouvait être délivré qu’à 18 ans sans possibilité
de bénéficier comme aujourd’hui des conduites accompagnées préalables.
Les bolides à deux roues faisaient un bruit d’enfer, surtout les grosses
cylindrées au moteur deux temps comme la Kawasaki 750 H2 Mach IV ou
la Suzuki 750 GT qui avait trois cylindres en ligne refroidis par un radiateur
frontal. Quand on chevauchait ces monstres et que l’on essorait la poignée
des gaz pour faire des concours de gerbes d’étincelles en faisant racler notre
béquille latérale sur le goudron à chaque virage avec d’autres très jeunes
motards, on prenait des pieds incroyables mais surtout des risques absurdes.
D’ailleurs beaucoup de mes amis en sont morts ou sont restés estropiés pour
le restant de leur vie. On se formait sur le tas avec l’expérience des autres
ou par nos erreurs de conduite régulièrement sanctionnées par des chutes
plus ou moins graves. L’examinateur avait signé le permis d’aller me tuer
après m’avoir dit : « Tu vas jusqu’au bout de la route là-bas et tu reviens
jusqu’ici sans mettre le pied à terre, et c’est bon ! » C’est bon, c’est ce que
je croyais en partant avec ma feuille rose à la main, mais je me suis aperçu
au fil du temps, de mes plaies, de mes bosses et de mes habits déchirés que
ce n’était pas bon du tout. On délivrait des permis à des gamins
inconscients qui n’étaient pas capables de piloter correctement des engins
qui n’auraient dû évoluer que sur des circuits de courses. Et encore, même
dans ces conditions optimales, ce n’était pas gagné. Combien de morts ?
Impossible à dire mais beaucoup trop et c’est un vrai miracle que je m’en
sois sorti vivant. Au grand soulagement de ma mère, qui tremblait chaque
fois qu’elle me voyait partir à moto, la Dyane caramel du pharmacien
remplaça ma Honda CB 500 Four dès mes 18 ans en mettant une fin
provisoire à ma courte carrière de motard.
Mais vieux motard que jamais, quand on aime la moto, c’est pour la vie.
Aussi, dès que mes revenus de médecin anesthésiste me permirent
d’acquérir un deux-roues en plus de ma voiture utilisée pour mes
déplacements professionnels, je ne m’en suis pas privé.
Ma quatrième moto achetée après la pause de mes 18 ans était une
Kawasaki GPZ 900 R Ninja que j’avais fait débrider et préparer en modèle
course pour les circuits. La bestiole avait des accélérations de folie : elle
atteignait les cent kilomètres par heure en deux secondes et demie et quatre
cents kilomètres par heure en vitesse de pointe. Autant vous dire que je
devenais complètement dingue dès que j’enfourchais un tel bolide. Plus rien
ne comptait. Couché sur ma machine, les bras tendus sur le guidon en ayant
pour seule mire le compte-tours, je devenais subitement un autre homme
prêt à jouer ma vie pour retrouver l’extase de cette incroyable poussée que
seuls les pilotes de course peuvent connaître.

Ici aussi, je revis l’histoire dès que je l’évoque.


Il fait plutôt frais en cette soirée d’octobre, la route est encombrée et la
circulation est dense. Le feu vient de passer au vert. Pas trop tôt. En moins
de trois secondes, j’aurai dépassé tout ça et je pourrai enfin me dégager des
bouchons pour me délecter des routes sinueuses que l’on ne trouve qu’à
distance de la ville. Enfin, c’est ce que je pense à ce moment-là. La réalité
est tout autre. Au moment de ma puissante accélération, une voiture déboîte
devant moi pour doubler. Son conducteur doit être sourd et aveugle ; il ne
m’a pas vu arriver dans son rétroviseur et il n’a pas non plus entendu
l’impressionnant rugissement de ma Ninja. Le choc est inévitable. Je
percute sa portière arrière gauche. Ma moto se couche et glisse sur plusieurs
dizaines de mètres. Le temps se dilate et me semble interminable. Je n’ai
absolument pas peur. Sans savoir pourquoi, agrippé solidement au guidon,
je serre les jambes pour faire corps avec la machine, je suis en totale
confiance. Le goudron défile sous moi comme une mer calme sous un
catamaran lancé à pleine vitesse. Je ne ressens aucune douleur. J’ai
l’impression qu’une énorme bulle de protection m’entoure. Ma
Kawasaki 900 est un brave cheval qui vient d’être touché par l’ennemi. Je
sais qu’elle se battra jusqu’au bout pour sauver son maître, son cavalier
avec lequel elle a partagé tant de jouissances et de voluptés. Elle va
maintenant mourir pour moi. Le sacrifice est magnifique ! Je sais que c’est
ridicule mais j’ai presque, à cet instant précis, un sentiment amoureux pour
elle. Le goudron défile encore, ça sent l’essence et l’acier cramé. La Ninja
s’immobilise enfin en fumant dans un ultime gémissement métallique. Je
me relève et constate les dégâts. La Kawasaki morte en héroïne au champ
d’honneur ressemble à une sorte de vaisseau spatial venu d’un autre monde,
recouvert de câbles électriques et de tuyaux compliqués. Je me retourne
vers le lieu de l’impact. À une centaine de mètres, la voiture que j’ai
percutée est pliée en deux. Son conducteur s’en extrait en mettant ses deux
mains sur sa tête pour signifier son effroi. Des gens viennent vers moi en
courant. L’un d’entre eux me demande de m’allonger et de ne surtout pas
enlever mon casque. Mon blouson de cuir déchiqueté s’est transformé en
une veste à franges de Davy Crockett.
— Mais non, je ne vais pas m’allonger, je n’ai rien, dis-je en enlevant
mon casque.
Le chauffard est maintenant près de moi. Il s’excuse, me dit qu’il ne
m’avait pas vu, que c’est de sa faute et qu’il pensait m’avoir tué. Il insiste
pour que j’aille au moins me faire examiner :
— Mais vous êtes sûr que vous n’avez rien ? Vous ne voulez pas que
l’on appelle une ambulance pour vous amener faire quelques examens de
contrôle à l’hôpital ? C’est impossible que vous n’ayez rien, ma voiture est
foutue et vous avez vu l’état de votre moto ?
Impossible, incroyable, extraordinaire, inouï, tous les témoins de cet
accident n’en revenaient pas de constater que je n’avais pas la moindre
blessure, pas la moindre égratignure.
C’est à croire que ce truc avait installé ce jour-là une bulle invisible de
protection tout autour de mon corps : la voiture que j’avais percutée était
une épave, ma moto était totalement détruite et mes vêtements bons pour la
poubelle. Comment expliquer cela ?
Au-delà de la matière et du temps

CE TRUC POURRAIT-IL AVOIR UNE ACTION DIRECTE sur la matière pour nous
protéger ? L’histoire de Christine Ricotta plaide en ce sens.
Depuis maintenant cinq ans, j’organise avec mes amis Marc Leval et
Étienne Dupont des séances d’hypnose collective regroupant une
quarantaine de personnes qui, durant quatre heures, vivent et partagent des
expériences d’état de conscience modifiée. Les participants sont
confortablement installés sur des relax, avec un masque sur les yeux et un
casque sur les oreilles qui diffuse une musique composée par Étienne,
mixée en temps réel avec le son de ma voix en alternant les différentes
stimulations sonores de gauche à droite et inversement afin de donner un
effet relief qui éteint les deux hémisphères cérébraux. Nous avons
perfectionné notre technique au fil du temps et de nos différentes
expériences. Force est de constater que les résultats obtenus s’améliorent
sans cesse. J’ai nommé « transcommunication hypnotique » ou TCH ces
ateliers, par analogie à la TCI ou transcommunication instrumentale. La
TCI consiste à communiquer avec le monde spirituel aux moyens
d’instruments phoniques ou télévisuels tandis que, en TCH, c’est l’hypnose
qui établit ce lien.
En février 2020, Christine Ricotta fait une TCH et reçoit sous hypnose
une explication au miracle qu’elle a vécu trente-six ans plus tôt.
Elle n’avait que 21 ans au moment de son époustouflante aventure. Ce
jour-là, une tempête de neige sévissait depuis déjà plusieurs jours et la jeune
femme se trouvait bloquée à son domicile car toutes les routes étaient
devenues impraticables. La prisonnière prit son mal en patience jusqu’à ce
qu’elle puisse de nouveau utiliser la voiture pour se rendre au travail. Sur
son trajet emprunté quasi quotidiennement se trouve un tunnel très étroit
dans lequel il est impossible que deux véhicules se croisent. Christine n’est
plus qu’à quelques dizaines de mètres de l’entrée du fameux souterrain
lorsqu’elle aperçoit le car qui vient d’y pénétrer à vive allure en sens
inverse. Compte tenu de la distance qui la sépare de la galerie, il n’y a pas
d’autre choix que de se ranger sur le côté pour laisser passer le bus. Oui,
mais voilà, sa voiture qui glisse sur le verglas ne lui obéit plus et la vitesse
devient aussi incontrôlable que la direction ; le volant tourne dans le vide
sans modifier son dérapage et la pédale de frein fait plutôt office
d’accélérateur. S’immobiliser en travers de la route à la sortie du tunnel est
vraiment le pire des scénarios à envisager et c’est pourtant celui qui se
produit. Christine n’a même pas le temps de s’extraire du véhicule. Elle sait
que dans moins de deux secondes le car l’aura pulvérisée. C’est la fin.
Résignée et prête à quitter ce monde, elle ferme les yeux et attend, une
seconde, deux secondes, trois… dix. Étonnée d’être encore vivante, elle
finit par soulever ses paupières pour constater que non seulement le bus est
passé sans la toucher, mais aussi, et sans doute surtout, qu’elle est toujours
dans la même position mais… à l’autre extrémité du tunnel ! Comment a-t-
elle pu effectuer la centaine de mètres qui la sépare de sa position initiale
sans percevoir le moindre déplacement et en aussi peu de temps ?
Pendant toutes ces années, Christine a gardé en mémoire cette
incroyable énigme sans oser en parler de peur de passer pour une folle.
J’ai reçu récemment son compte rendu écrit de TCH et voici ce qu’elle
écrit au sujet de cette histoire stupéfiante :

J’ai demandé à Dieu ce qui s’était passé quand j’ai croisé le car sous le
tunnel. Il m’a alors montré les molécules qui constituaient ma voiture et
celles du car. Ces molécules étaient écartées. De l’air passait entre elles. Je
ne sais pas l’expliquer exactement. Il y avait de l’air entre chaque
molécule. Elles ne se touchaient plus. La matière n’était plus dense. Donc
les deux véhicules ont pu passer l’un à travers l’autre grâce à ça et j’ai pu
être déplacée. C’est assez mal expliqué car j’ai la vision encore devant mes
yeux et je n’ai pas les mots exacts pour permettre une description telle que
je la vois exactement. Voilà, Dr Charbonier. J’espère que mon témoignage
vous intéressera. Vous pouvez le diffuser si vous le jugez utile.

Je ne fais pas de prosélytisme. J’ai bien sûr moi aussi mes croyances et
il m’arrive souvent de prier mais je préfère parler de « ce truc » plutôt que
de parler de Dieu. J’aime autant laisser le lecteur libre de toute
interprétation et de toute conclusion personnelle.

Après avoir posté le témoignage de Christine sur ma page Facebook,


d’autres récits d’expériences similaires me sont parvenus.
Par exemple, Dominique Pelletier me raconta qu’un de ses amis
passionné de spéléologie avait été victime d’un éboulement qui s’était
produit derrière lui alors qu’il visitait une rivière souterraine. Un
volumineux amas de roches obturait totalement la galerie et ne lui
permettait plus d’envisager de rebrousser chemin. En plus, comble de
malchance, l’eau montait assez rapidement dans l’espace restreint où il se
trouvait si bien que l’explorateur ne pouvait ni avancer ni reculer et comprit
qu’il allait mourir là, noyé dans ce siphon. Après un bref moment de lutte
inutile pour tenter de fuir en essayant de soulever les rochers, il finit par se
résigner et lâcha prise. C’est alors que le miracle se produisit. Sans aucune
explication, le spéléologue se retrouva tout à coup de l’autre côté de
l’éboulement tout près de la lumière du jour. Il marcha quelques mètres
pour savourer à plein poumons l’air pur qui avait bien failli cruellement lui
manquer. Et quand son regard se posa de nouveau vers l’entrée de la grotte,
il constata qu’il n’avait pas rêvé : l’impressionnant amas de rochers était
bien là et bouchait totalement son accès. Comment était-il parvenu à
traverser autant de matière sans même s’en rendre compte ? Encore
aujourd’hui, cette question reste pour lui sans réponse.

*
Isabelle Abeilles me rapporta une anecdote tout aussi étonnante, mettant
en cause un piéton parvenu à éviter de justesse d’être écrasé par une voiture
qui arrivait vers lui à vive allure. Or pour réaliser cet exploit il n’y avait que
deux solutions possibles : faire un saut surhumain au-dessus du véhicule
ou… passer à travers sa matière.
Son témoignage me fit penser à une courte vidéo qui traîne sur le Net.
Le petit film intitulé « Téléportation ou manipulation ? » est en noir et
blanc ; on imagine qu’il s’agit de l’enregistrement d’une caméra de
vidéosurveillance placée au-dessus d’un carrefour. La séquence visionnée
des millions de fois a de quoi surprendre les plus grands adeptes du
paranormal puisqu’on y voit un camion passer carrément à travers un
homme qui arrive tranquillement à vélo au milieu du carrefour et que le
cycliste en question réapparaît de l’autre côté de la chaussée une ou deux
secondes plus tard, apparemment totalement indemne. Le réflexe normal
devant un tel film est de penser à la supercherie d’un montage ; la logique
de nos apprentissages exclut de telles scènes du réel en les faisant entrer en
totale dissonance cognitive. Pourtant faut-il les rejeter systématiquement ?
Et si c’était vrai ?

Une autre amie, Stéphanie Brillot, m’envoya un témoignage tout aussi


bouleversant.

Ça m’est arrivé à moi aussi… par deux fois j’ai été préservée d’un accident
à la gravité indéniable. Adolescente, j’ai fait un bond d’une impulsion
inouïe, échappant ainsi au véhicule qui me fonçait droit dessus sur un
passage pour piétons. Une autre fois, adulte : je me suis endormie au volant
de mon véhicule, une nuit de trajet entre Bruxelles et les Ardennes. La
vibration émise par mes roues qui passaient sur la voie centrale m’a
réveillée. Je me suis dit que c’était cuit et, sans que je me l’explique, le
volant, seul, a contre-braqué, me replaçant dans l’axe de la route. J’ai senti
une décélération douce, comme si j’étais dans un état second. C’était
comme si quelqu’un d’autre prenait les choses en main. Au parking suivant,
en état de choc, je me suis arrêtée, pour reprendre mes esprits, réaliser le
phénomène dont je venais d’être le témoin. Je suis intimement convaincue
d’avoir été aidée. De toute évidence, j’avais encore des choses à faire sur
terre…

Le truc pourrait peut-être aussi avoir une influence sur la matière pour
modifier nos destins.
Le miracle de la naissance

LE 21 MARS 1986, LE TRUC FIT NAÎTRE mes deux fils, Laurent et Damien. Ils
sont jumeaux dizygotes. Pour que cela se soit produit, il a fallu que l’ovaire
de mon épouse expulse deux ovocytes en même temps et que chacun
d’entre eux soit fécondé par un spermatozoïde. On obtient dans ce cas deux
embryons très différents qui peuvent même être de sexes opposés. À
l’inverse de ces « faux jumeaux », les jumeaux monozygotes, encore
appelés « vrais jumeaux », se ressemblent comme deux gouttes d’eau car ils
sont issus d’un même œuf séparé ensuite en deux embryons. Dans ce cas, ce
sont le même spermatozoïde et le même ovocyte qui sont à l’origine de leur
capital génétique.
Effectivement, mes deux enfants ne se ressemblent ni par leur physique
ni par leur personnalité. Ils ont, bien sûr, quelques points communs mais ni
plus ni moins que des frères nés à plusieurs années d’intervalle.
J’écris que c’est ce truc qui a organisé leur venue au monde, mais vous
pouvez en conclure la même chose si vous avez des enfants. Et même si
vous n’en avez aucun, vous devez réaliser à quel point votre simple
présence sur terre est un vrai mystère organisé par on ne sait quoi ou on ne
sait qui ; par un truc en somme. En fait, il s’agit vraisemblablement de la
plus grande énigme de tous les temps. On ne se rend vraiment pas compte
des incroyables coïncidences qu’il faut pour réaliser une naissance qui
semble a priori tellement ordinaire ; c’est tout simplement phénoménal !
En ce qui concerne celle de mes enfants, je peux dire que je connais
l’endroit où ils furent conçus. C’était dans une chambre d’hôtel à Castres en
face de la maternité dans laquelle je travaillais. À cette époque, j’effectuais
des remplacements d’anesthésiste dans différents endroits tout en préparant
mon concours de spécialiste. Mes deux années validées de médecin
réanimateur permettaient d’avoir un statut de remplaçant en attendant d’être
titulaire du diplôme officiel qui autorisait une installation en clinique ou à
l’hôpital. J’étais donc souvent en déplacement dans différentes villes de
France tandis que Coco restait à Toulouse pour exercer son nouveau métier
de secrétaire médicale. J’écris « nouveau » car elle se destinait au départ à
une carrière de prof de gym et avait abandonné ce projet en pensant un jour
pouvoir m’aider dans la fonction de médecin de campagne que j’avais
envisagée avant que je connaisse « cette chose » qui me fit bifurquer sur
l’anesthésie-réanimation. De temps en temps, quand notre séparation était
trop longue, elle venait me rejoindre.
Ce soir-là à Castres, au moment de l’extase, j’ai déversé trois cents
millions de spermatozoïdes dans le vagin de Coco – c’est le nombre moyen
de gamètes par éjaculation et, compte tenu de ma bonne semaine
d’abstinence, je ne pense pas avoir été en dessous de ce chiffre. Seuls
quelques milliers sont parvenus à remonter le col de l’utérus, l’endomètre,
l’angle tubaire et la trompe pour finalement atteindre l’ovule – enfin deux
ovules dans le cas qui nous intéresse puisque, pour des raisons inconnues,
l’ovaire de ma femme avait décidé de doubler sa production. Imaginez la
scène. Des centaines de spermatozoïdes se collent aux parois des deux
ovocytes. Car oui, ils ne sont plus des milliers en arrivant au port en
arborant sur le front une mâle assurance ; ils sont là, minuscules et
implorants comme des coureurs de fond attendant leur médaille après avoir
franchi la ligne d’arrivée. La queue frétillante, ils supplient un droit d’entrée
pour monter sur le podium. Mais celui-ci n’a pas trois places : l’ovocyte est
élitiste et n’accepte que l’or ; l’argent et le bronze sont exclus. Un
spermatozoïde, oui un seulement sur six ou sept cents prétendants, pourra
pénétrer la reine, un pour chacune des deux reines dans le cas décrit. Tous
les autres vont mourir. Comment choisit-elle ? D’ailleurs est-ce bien elle
qui sélectionne ou ce truc ? Personne, aucun scientifique, même le mieux
informé sur toutes ces questions, n’est foutu de le dire.
Bien que tout aussi mystérieuse qu’incomprise, la suite est banale
puisqu’elle existe depuis les débuts du règne animal. Une quinzaine
d’heures après la pénétration du spermatozoïde dans l’ovule, les noyaux des
deux gamètes fusionnent en mélangeant leur capital génétique pour former
une seule cellule. L’œuf ainsi constitué descend alors lentement le long de
la trompe et vient se fixer sur l’utérus au bout de six jours de voyage. La
cellule nouvellement créée se divise en deux, puis en quatre, en huit, en
seize, en trente-deux et enfin en soixante-quatre cellules identiques. Cette
multiplication se poursuit mais un autre phénomène se produit qui est la
plus formidable des énigmes scientifiques : la différenciation cellulaire.
Tout à coup, des cellules décident, on ne sait ni comment ni pourquoi, de
former des tissus très spéciaux et de devenir un cerveau, un cœur, de l’os,
afin de constituer un individu complet au stade embryonnaire. Et ici encore
on peut dire que c’est ce truc qui organise la métamorphose car personne
sur cette terre n’est en mesure d’expliquer cette époustouflante réalisation
qui aboutira à mettre au monde un bébé en relief avec ses formes, ses
structures et toute sa complexité anatomique neuf mois plus tard.
Nous avons environ une chance sur vingt millions de tirer les cinq bons
numéros du Loto mais une sur trois cents millions de naître, en considérant
le nombre de spermatozoïdes dans un éjaculat et en excluant les probabilités
de rencontre et de séduction d’un homme et d’une femme qui finissent
enfin par s’accoupler. Si on prend en compte que la semence masculine doit
arriver au bon moment et à l’endroit voulu, c’est-à-dire ni dans le vide, ni
dans un Kleenex, ni dans tout autre orifice, la probabilité doit plutôt se
chiffrer en centaines de milliards.

Oui, il n’y a pas plus d’une chance sur plusieurs centaines de milliards
pour que vous puissiez être ici en vie sur cette planète.
Ce truc a tout organisé pour que vous y soyez afin d’accomplir votre
propre destin.
Poursuivre un immuable destin

JE SUIS COMME TOUT LE MONDE, quand j’ai commencé ma vie, j’ignorais


totalement ce que j’en ferais et les notions de destin ou de route déjà tracée
à l’avance me passaient au-dessus de la tête ; elles ne m’intéressaient même
pas. À l’âge de 20 ans, je ne me sentais aucunement concerné par toutes ces
réflexions existentielles ; j’aurais certainement pris pour un fou celui qui
aurait prétendu que j’écrirais quarante-trois ans plus tard un livre
exclusivement dédié à ce sujet et que, manquant de vocabulaire pour relier
ce destin à des conduites irrationnelles ou illogiques, j’intitulerais « Ce
truc » l’ouvrage en question. Quand j’analyse mon parcours, je m’aperçois
qu’il a été totalement guidé par une série de rencontres et d’événements
précis.
Je suis devenu médecin car je voulais ressembler à cet homme qui
venait à la maison pour soigner ma famille – et en particulier mon père qui
souffrait d’arythmie cardiaque –, puis anesthésiste-réanimateur après avoir
connu « cette chose ». Je me suis ensuite intéressé à l’étude des expériences
de mort provisoire (EMP) en collectant les récits de personnes qui ont
connu des arrêts cardiaques, puis à celle de la médiumnité en faisant des
conférences sur les EMP dans des associations d’aide aux personnes en
deuil où intervenaient des gens qui ont la faculté d’entrer en contact avec le
monde des esprits. Tout cela a donc jusque-là une certaine logique ; on met
un pied devant l’autre en se laissant porter par le poids du corps qui est
projeté en avant. Rien de plus. C’est après que ça se corse. Les ateliers de
TCH que j’anime actuellement bousculent tellement l’ordre établi et
rencontrent tellement d’obstacles qu’il devient presque absurde de les
poursuivre. Pourtant, je sais au fond de moi-même que je ne pourrais jamais
m’arrêter. Le truc est plus fort que tout.
Michèle Riffard, la doyenne des médiums, qui est partie pour l’autre
monde le 5 septembre 2014 à l’âge de 93 ans, me l’avait prédit. Un an avant
son décès et le début de la TCH, elle m’avait remis une prière de Padre Pio
en me disant : « Tiens, tu vas en avoir besoin car bientôt tu vas contacter
l’au-delà. Tu vas faire de grandes choses, ça ne sera pas facile pour toi, mais
tu ne pourras jamais t’arrêter, jamais… » J’avais pris sa prière sans grande
conviction. Je pensais que son grand âge lui faisait dire des bêtises. Cette
pauvre Michèle devient totalement sénile. Il faut vraiment qu’elle perde la
boule pour me prédire un avenir de médium… Je ne peux aujourd’hui que
valider sa prédiction puisqu’avant chaque atelier de TCH je ne manque
jamais de lire à voix basse le petit texte de Padre Pio qu’elle m’a remis.

Je sais que si ces séances particulières d’hypnose rencontrent autant de


succès, c’est bien que je dois les poursuivre coûte que coûte. Les émouvants
témoignages des milliers de personnes qui ont participé à ces TCH et les
bienfaits qu’elles en retirent sont mon véritable moteur.
Nous avons proposé nos prestations dans à peu près toutes les grandes
villes de France mais aussi en Belgique, en Suisse et au Canada. Au
moment où j’écris ces lignes, plus de quatorze mille personnes ont connu
les fabuleuses expériences de ces ateliers et j’ai déjà écrit trois ouvrages
exclusivement consacrés à ce sujet 1. Plus de mille deux cents personnes
dont cent vingt-neuf médecins sont inscrits à nos formations pour utiliser
eux-mêmes la TCH auprès de leurs clients ou de leurs patients. Certains de
mes confrères ont en effet pu vérifier l’efficacité de cette technique pour
apaiser et même faire disparaître définitivement les souffrances du deuil et
les angoisses liées à la mort. Ceci leur a parfois permis de diminuer et
même d’arrêter progressivement des traitements psychotropes qui étaient
prescrits depuis de longues années.
C’est sans doute cette raison qui a motivé autant d’attaques sur la TCH.
En effet, dans notre pays il est très dangereux de vouloir concurrencer les
monopoles financiers de « Big Pharma » qui dirige le monde ;
l’homéopathie en a fait récemment les frais, comme tous ceux qui ont voulu
traiter des maladies à moindre coût. Ce que j’écris là n’est pas une fausse
rumeur ou une légende, je l’ai réellement vécu. Je ne suis ni paranoïaque ni
adepte des théories complotistes. J’ai reçu une formation scientifique
universitaire pendant douze longues années. Je pense avoir les pieds sur
terre et un minimum de logique dans tous mes raisonnements.
Nous sommes, en France, l’un des pays du monde qui consomme le
plus de psychotropes par habitant. Nous vidons environ cent cinquante
millions de boîtes par an, trois fois plus qu’en Allemagne ou qu’au
Royaume-Uni. Par ordre de vente décroissant, on trouve les anxiolytiques,
les antidépresseurs, les somnifères, les neuroleptiques, les médicaments de
dépendance alcoolique et le lithium pour traiter les psychoses maniaco-
dépressives. À partir de 70 ans, la moitié de nos compatriotes consomment
régulièrement au moins un psychotrope. Les trois régions où l’on ingurgite
le plus d’antidépresseurs sont le Limousin, l’Auvergne et le Poitou-
Charentes. L’une des explications avancées est la vieillesse, le célibat et le
nombre de couples sans enfants. Comme cette population d’esseulés ne
cesse de grandir, la consommation n’est pas près de baisser.
Le marché est colossal et se chiffre en milliards de dollars. Il est bien
sûr encouragé par les lobbies des puissants laboratoires qui les produisent.
De manière générale, la France se situe en tête des pays européens pour les
dépenses de produits pharmaceutiques. Notre patrie se caractérise par une
vente record d’antihypertenseurs, de vasodilatateurs et d’antibiotiques…
Cela ne s’explique pas par des différences réglementaires, mais plutôt par
les comportements des prescripteurs et des patients à l’égard des
médicaments, pour lesquels les Français ont une forte appétence. La grande
majorité de nos compatriotes « croient » aux médicaments. Les remèdes
miracles qui soignent à peu près tous les maux trouvent, à travers les
annonceurs qui financent la plupart des médias, un excellent pourvoyeur
publicitaire. Au niveau de l’information, tout est verrouillé et la plupart des
émissions médicales de télévision, de radio ou des articles de grande presse
écrite dénigrent les approches holistiques de la maladie en encourageant la
consommation de médicaments ou de techniques coûteuses. Tout ceci est
renforcé par des publications d’études de pseudo-comités scientifiques
animés par des médecins qui sont en conflit d’intérêts permanent avec les
laboratoires pharmaceutiques qui les financent. Richard Horton, rédacteur
en chef du Lancet, une des plus prestigieuses revues scientifiques du
monde, a déclaré en 2015 qu’une « bonne part de la littérature scientifique,
peut-être la moitié, pourrait être fausse » en raison du conflit d’intérêts dans
lequel se trouvent les scientifiques qui publient leurs études tout en étant
largement subventionnés par des laboratoires pharmaceutiques 2. Une
ancienne rédactrice en chef du New England Journal of Medecine avait tenu
des propos similaires en 2009.
Compte tenu de ce que je viens de détailler, il est logique que la TCH ait
bien du mal à avoir une petite place dans le panel des thérapies médicales
officiellement reconnues.
Le Conseil de l’Ordre des médecins me l’a bien fait comprendre. Après
moult convocations dissuasives et une sévère sanction – trois mois
d’interdiction d’exercice avec sursis et 1 500 euros d’amende pour avoir
mentionné mon titre de docteur en médecine en parlant de TCH –, voyant
que rien n’y faisait, mes chers confrères m’ont fait subir une expertise
psychiatrique qui, comme on pouvait s’en douter, s’est avérée on ne peut
plus normale ! Je reconnais toutefois que l’on puisse avoir des doutes sur
ma santé mentale ; j’ai un bon métier qui me rapporte bien plus que mes
ateliers de TCH et cette activité marginale m’occasionne de violentes
attaques que je dois sans cesse contrer, y compris des menaces de mort
envoyées à mon domicile, alors pourquoi dans ces conditions persister dans
cette voie qui risque de tout me faire perdre ? Une personne saine d’esprit
aurait immédiatement jeté l’éponge pour avoir la tranquillité et pouvoir
passer son temps libre à faire du golf et des voyages. Il m’était aussi
reproché d’avoir édité deux livres 3 sur le sujet pour promouvoir la
technique et d’avoir fondé un institut 4 pour réaliser des formations. Mais
Michèle Riffard avait raison, je ne peux pas m’arrêter, le truc est plus fort
que la raison.
Non seulement je poursuivais les TCH en augmentant le nombre de
séances mais j’annonçais sur les réseaux sociaux que j’allais sortir le
6 février 2020 un troisième livre exclusivement dédié à la TCH au titre
volontairement provocateur : J’ai envoyé dix mille personnes dans l’au-
delà 5.

Je suis comme mon avocat, je ne crois pas aux coïncidences. Le


6 février 2020, le jour de la sortie de mon nouvel opus subversif, Coco et
moi sommes placés en garde à vue pour un simple problème de
redressement fiscal. Les policiers qui nous interrogent sont les premiers
étonnés de cette démarche très inhabituelle qui leur a été imposée. Nous
apprenons qu’ils ont enquêté pendant des mois sur notre train de vie. Un
drone est venu visiter notre maison pour l’évaluer. Nos conversations
téléphoniques ont été espionnées, tous nos déplacements étudiés, nos
moindres dépenses passées à la loupe, mes éditeurs et mes relations
questionnés. Mon avocat m’apprendra à l’issue de la garde à vue que ces
pratiques des brigades financières sont courantes quand une cible leur est
donnée. Coco est interrogée et fouillée par une femme, moi par un homme.
Le policier qui a mené l’enquête se veut rassurant ; il m’annonce qu’il sait
que je ne suis pas un voyou financier, que mes comptes sont très mal tenus
et que j’ai été très mal conseillé par mon service comptable. Il s’est bien
aperçu que je n’ai aucun argent dissimulé en Suisse ou ailleurs. D’ailleurs,
contrairement à la majorité de mes confrères, je n’ai aucun plan de
défiscalisation ni de réserves de trésorerie. J’ai bien sûr été sollicité pour
des placements financiers mais tout cela ne m’a jamais intéressé. Il n’y a
aucune tentative de fraude volontaire dans mon dossier.
Au bout d’environ deux heures d’entretien, le policier agite la copie
d’un chèque sous mon nez en me précisant que c’était le Conseil de l’Ordre
des médecins (COM) qui leur avait adressé ce document. Je reconnais
effectivement ma signature et le montant de 1 500 euros destiné à payer la
fameuse amende au COM. Mon comptable m’ayant précisé que je pouvais
utiliser le chéquier de ma société Conscience et Hypnose pour tout ce qui
était en relation avec la TCH, je pensais pouvoir le faire. Or, il n’en est
rien ; pour régler une sanction personnelle, on doit utiliser son propre
compte bancaire. J’avais commis ce que l’on appelle un « abus de biens
sociaux », plus par ignorance que par malice. Étant donné que mon épouse
et moi sommes les deux seuls actionnaires de cette société, que l’on débite
de l’argent sur un compte ou un autre ne change pas grand-chose pour nous,
sauf pour notre réputation puisque la presse locale précisera quelques
heures plus tard que j’étais accusé de blanchiment d’argent et d’abus de
biens sociaux !
Nous avons été sous le feu des questions de 9 heures à 19 heures et
avons passé cent trente-cinq longues minutes en cellules de prison à l’heure
du déjeuner. J’entendais pleurer Coco à travers la cloison, mais sa
claustrophobie n’a ému personne…
Le lendemain matin, La Dépêche du Midi titrait : « Le médecin
toulousain Jean-Jacques Charbonier qui prétend aider à contacter les morts
placé en garde à vue. » L’article est à charge et on peut se demander
comment l’information a pu filtrer car à ma connaissance seules six
personnes pouvaient être au courant de cette singulière procédure : nos deux
avocats, les deux policiers, le bâtonnier et le procureur. Mon conseil,
Me Scaboro, déclara dans le même article :
« Il n’y a vraiment rien d’extraordinaire ! Ce dossier prend une tournure
pénale parce que c’est lui. C’est un homme qui n’a pas que des amis : j’ai
l’impression que ses détracteurs sont d’ailleurs nombreux. Il a commis des
maladresses, certes, mais qui sont le fruit de mauvais conseils couplés à
une certaine négligence. Il n’a aucun montage ou autre compte en Suisse et
il a fait en sorte d’être en règle. Il assumera bien évidemment les
conséquences de ce qu’on lui reproche. En réalité, il s’agit d’une banale
affaire ! » Une analyse à laquelle Me Laure Saint-Germes, conseil de la
femme du médecin, adhère totalement. « Ils ont commis des erreurs par
négligence et légèreté », assure-t-elle.

Le 11 février, le même journal remet le couvert avec un autre article


r
encore à charge et un intitulé tout aussi accrocheur : « Le D Charbonier
assume ses “bêtises”, sa maison saisie. » Que ne ferait-on pas pour vendre
du papier ? Il y a de véritables perles journalistiques dans ce texte,
notamment celle-ci : « “Le Docteur Charbonier abuse de la confiance des
gens et s’enrichit avec leur malheur”, analyse un de ses confrères qui
souhaite garder l’anonymat », ou encore : « “[Sa maison en Ariège est] d’un
grand standing”, souffle une source. » Décidément, les anonymes se
déchaînaient. La lapidation est d’autant plus méprisante que celles et ceux
qui me jettent les pierres le font à la manière des lâches qui en 1942 se
cachaient derrière leurs persiennes.
Enfin, cinq jours plus tard, La Dépêche du Midi écrit l’article de trop en
titrant sur sa première page : « Il se réveille en pleine opération, le patient
du docteur Charbonier raconte. » Les lecteurs ne sont pas idiots et savent
quoi penser lorsqu’ils prennent connaissance du témoignage de ce
mystérieux patient sorti du chapeau qui se plaint de mes services. Un
entêtement qui aura été pour mes détracteurs totalement contre-productif
puisqu’il a entraîné un immense courant de sympathie. J’ai reçu
énormément de lettres et d’e-mails de soutien, certaines personnes pour
lesquelles j’étais un parfait inconnu, intriguées, se sont intéressés à mes
recherches. Mon livre s’est retrouvé en un éclair propulsé dans le top 50 des
meilleures ventes de la semaine. Je dus décliner à de nombreuses reprises
de magnifiques cadeaux ; des personnes dont j’ignorais totalement
l’existence et qui parfois ne roulaient pas sur l’or étaient prêtes à me donner
leur chemise. Pensant que j’étais ruiné et sans abri, ces braves sauveteurs
potentiels voulaient même m’héberger chez eux ou me donner de l’argent.
Chaque fois je devais refuser leurs offres en expliquant que le fisc ne
m’avait pas retiré ma maison, que je pouvais toujours y habiter mais que
celle-ci était simplement hypothéquée jusqu’à ce que ma dette soit réglée et
que j’allais m’en acquitter sans tarder.
Cette lamentable affaire m’a montré à quel point les gens m’apprécient
et sont en cas de coup dur d’une bonté et d’une générosité incroyables. Il y
a eu des gestes et des attentions inattendues, comme cette hôtesse de l’air
qui, scandalisée par la méchanceté de ce qu’elle avait lu le matin du
7 février dans l’avion, vint m’offrir pour me consoler une coupe de
champagne dans le vol Toulouse-Paris après m’avoir fait changer de place
pour me surclasser. Elle se reconnaîtra car elle lit tous mes livres.
Après ce troisième article présentant les doléances de ce patient qui,
selon ses dires, aurait été « mal endormi » par mes soins, alors que je
refusais toute interview, mon conseil demanda à être reçu par La Dépêche
du Midi. Le quotidien publia un nouveau texte en soulignant les propos de
mon avocat : « On le traîne dans la boue. »

Son client en est persuadé : il fait l’objet d’un « acharnement » et d’une


campagne de dénigrement collective. Me Romain Scaboro, son avocat, a la
désagréable sensation que Jean-Jacques Charbonier a été « mis à mort ». Il
nous explique pourquoi. « Il n’y a aucun élément qui laisse à penser qu’il y
ait eu une éventuelle erreur médicale, ce qui n’enlève en rien les séquelles
psychologiques que cet homme dit subir. Mais les aléas thérapeutiques, ça
existe. Le Dr Charbonier lui a d’ailleurs témoigné son empathie car il aime
les gens. Anesthésiste, c’est prendre en charge la douleur des patients : il
faut de l’humanité pour exercer ce métier. À 63 ans, il n’a jamais eu aucun
problème en trente ans de carrière. Mais étonnamment, depuis que ses
activités parallèles rencontrent du succès, son contrat n’est plus renouvelé,
il fait l’objet de procédures disciplinaires et de poursuites pénales.
Troublant comme coïncidences… Ses travaux sur la TCH
[transcommunication hypnotique] dérangent et on essaie de le faire passer
pour quelqu’un qui mène des expériences, ce n’est pas acceptable ! On le
traîne dans la boue et cette situation est très dure à vivre pour lui. Je ne
sais pas si on peut contacter l’au-delà, je ne suis pas son agent. Mais un
catholique pratiquant croit à des choses qui ne sont pas moins farfelues.
Quand on parle de résurrection, l’évêque n’est pas pour autant qualifié de
charlatan.

Mon avocat évoque dans ce droit de réponse le fait que, suite à ce


déballage médiatique, mon contrat professionnel n’a pas été renouvelé.
Effectivement, la direction de l’établissement privé dans lequel je travaille
depuis maintenant deux ans n’aime pas ce genre de publicité qui risque de
faire fuir ses clients potentiels. Elle m’a aussitôt envoyé une rupture de
contrat par lettre recommandée avec un préavis qui court jusqu’au
30 novembre 2020 minuit. Mon CDI prend donc fin à cette date, pour faute
médicale.
Suite à cela, mon fils Damien publia un petit mot sur sa page Facebook.
Comme celui-ci m’a ému aux larmes, je le rapporte ici :

Papa, tu as toutes les caractéristiques d’un Héros : grande force morale,


courage, détermination, intelligence, sagesse. Tu fais le bien autour de toi,
tu portes de l’attention aux plus faibles, tu affrontes le danger et tu combats
les méchants. Comme tous les héros, tu as tes faiblesses qui t’humanisent.
La CAC est ta kryptonite, la CIE ton pouvoir ; une intuition que tu suis
depuis toujours et qui te permet de donner de l’Amour aux autres et de les
soulager.
Papa, toute la famille te soutient, on t’aime très fort, l’amour triomphe
toujours, tu es notre Héros.

Je me souviens encore de ce surprenant dialogue que j’ai eu avec le truc


quand j’ai pris connaissance de ce courrier laconique qui, sans aucun
préambule, mettait fin à mon job :
— Bon, j’ai compris, je ne suis quand même pas bouché, tout
s’organise pour que j’arrête la TCH. Je n’ai que des emmerdes avec ça !
— Tu ne vas pas arrêter maintenant, au moment où ça marche le
mieux ?
— Je viens de perdre mon boulot, le Conseil de l’Ordre me poursuit et
menace de me radier, ma maison est hypothéquée, je vais sûrement être
condamné au pénal pour ma mauvaise déclaration fiscale, les médias qui
m’étaient jusque-là favorables se déchaînent contre moi, Coco déprime et
tout ça à cause de la TCH… Tu trouves que ça marche au mieux pour moi ?
Tu rigoles ou quoi ?
— Ne pense pas à toi et à ton petit confort, pense aux autres. Que
deviendraient tous ces gens qui espèrent faire une séance de TCH avec toi
si tu décidais d’arrêter ?
— Les gens indispensables, les cimetières en sont remplis…
— C’est quoi le plus important pour toi ?
— Hein ?
— Oui, c’est quoi le plus important pour toi ?
— Ben… heu… je n’en sais rien.
— Ah ! bravo, alors là, bravo ! Ça veut dire que tu ne sais même pas
quel sens tu veux donner à ta vie, c’est bien ça ?
— Attends, laisse-moi réfléchir un peu…
— C’est quand même dingue de devoir réfléchir pour savoir quel sens
on veut donner à sa vie. T’es vraiment nul en fait, ah, ah, ah !
— J’ai pour principe de faire confiance à l’Univers. Je me laisse guider
sans chercher à donner nécessairement un sens à ma vie. Quand j’ai un
objectif précis et que je rencontre trop d’obstacles, je lâche prise et je me
dis que cela s’oriente comme cela doit s’orienter. Je n’insiste pas.
— C’est une belle connerie de raisonner ainsi !
— Ah bon ? C’est pourtant ce que les sages nous enseignent la plupart
du temps.
— Des conneries, je te dis ! C’est un raisonnement de faignants qui se
donnent bonne conscience en fuyant les difficultés.
— Tu m’agaces vraiment, tu sais. La TCH m’a fait tout perdre : ma
maison, mon boulot, mon argent. Il faut se faire une raison, Big Pharma et
les pouvoirs en place sont plus forts que moi. Si j’insiste encore ils peuvent
aller plus loin : je peux finir en tôle ou, pire encore, dans un accident
comme Coluche, Balavoine ou Jean-Edern Hallier…
— Ce n’est pas faux, mais si tu arrêtes maintenant cela voudra dire
qu’ils ont gagné et que tu as perdu, cela voudra dire aussi que tu auras
donné ta préférence au superflu pour abandonner l’essentiel. Souviens-toi
de ce que racontent les « expérienceurs » quand ils reviennent à la vie.
Dans l’au-delà, l’être de lumière leur a posé une question : « Qu’as-tu fait
de ta vie, comment as-tu aimé les autres ? » Ce n’est pas pour rien qu’ils
t’ont rapporté tous ces récits.
Une fois de plus, le truc venait de remporter la partie.

1. Contacter nos défunts par l’hypnose, Guy Trédaniel, 2018. Devenir hyperconscient, Guy
Trédaniel, 2019. J’ai envoyé dix mille personnes dans l’au-delà, Michel Lafon, 2020.
2. Blog du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique du
4 juillet 2016. Voir aussi l’éditorial de The Lancet du 11 avril 2015.
3. Voir note 3.
4. Institut de recherche et de communication sur la conscience intuitive extraneuronale
(IRCCIE). www.irccie.com
5. Michel Lafon, 2020.
L’information tombée du ciel

SI LE TRUC INSISTAIT POUR ME MAINTENIR sur la voie de la TCH, je n’en


oubliais pas pour autant la manière dont il me l’avait suggérée.
La sortie de mon dernier livre 1 en mars 2013 avait motivé un déjeuner
avec mon éditeur pour mettre en place une stratégie de vente. C’était le
cinquième livre que je publiais chez lui et nous avions pris l’habitude de
cette agréable routine gastronomique qui joint l’utile à l’agréable. Nous
dégustions la fameuse crème catalane à l’orange qui fait la réputation de ce
célèbre restaurant parisien lorsque Guy Trédaniel souleva son regard au-
dessus de ses lunettes :
— Bon, je suis content, tout est calé avec Jo Ann Champagne, notre
attachée de presse qui est sur place à Montréal. Vous serez logé avec votre
épouse au Hilton en plein centre. Une voiture vous amènera dans les
différentes villes du Québec où vous devez faire vos conférences et vos
dédicaces. Elle vous donnera votre road book dès votre arrivée puisque
c’est elle qui ira vous chercher à l’aéroport. Elle vous a prévu des télés et
des émissions radios. Je crois que ça sera pas mal du tout. Elle m’a
demandé si vous faisiez des work shops.
— Des quoi ?
— Des work shops, des ateliers, si vous préférez. Les Canadiens sont
comme les Américains, ils aiment bien qu’on les fasse travailler sur les
nouveaux concepts que les auteurs proposent dans leurs ouvrages.
— Oui, d’accord, mais moi je ne vois pas sur quoi je pourrais les faire
travailler…
— Dans votre livre vous dites qu’il y a deux formes de conscience, une
conscience analytique que vous appelez « la CAC » et une autre qui est
intuitive et que vous appelez « la CIE », c’est bien ça ?
— Euh… oui et alors ?
— Vous écrivez que, pour vaincre les pires épreuves de la vie, il faut
lâcher la CAC et se trouver connecté à sa CIE. Vous dites aussi que l’on est
en contact avec sa CIE quand on est en arrêt cardiaque, dans le coma ou
sous anesthésie générale…
— Oui, c’est vrai et alors ?
— Alors, je pense que vous pourriez peut-être faire des ateliers là-
dessus. Qu’est-ce que vous en dites ?
— Vous plaisantez ? Je ne vais quand même pas induire des anesthésies
générales ou provoquer des arrêts cardiaques dans des ateliers, c’est
totalement impossible d’un point de vue éthique !
— Oui, bien sûr, bien sûr… Bon, ben tant pis, je vais prévenir Jo Ann
pour lui dire que vous ne faites pas d’atelier.

Quelques heures plus tard, dans l’avion qui me ramenait à Toulouse, je


songeais à cette conversation que nous venions d’avoir lorsque ce truc
intervint d’une bien singulière manière. Le passager installé à ma droite
s’était endormi. Le magazine ouvert étalé sur ses jambes attira mon regard.
L’article qui avait probablement plongé son lecteur dans un sommeil
profond titrait en gros : « L’hypnose, la solution à tous vos problèmes ? »
Le déclic fut pour moi instantané : L’hypnose, mais bien sûr, pourquoi
n’y ai-je pas pensé plus tôt ? J’ai des amis anesthésistes qui pratiquent
cette technique pour endormir des patients en bloc opératoire. Dès mon
arrivée, je les contacte pour me former. L’hypnose ralentit la CAC et, si
mon hypothèse est bonne, j’ai là un bon moyen de faire des ateliers pour
que les participants puissent être en connexion avec leur CIE et obtenir des
expériences similaires à celles des expérienceurs. Ils pourraient peut-être
avoir des contacts avec leurs défunts comme dans les EMI ? Ce serait alors
un moyen original de communiquer avec l’au-delà ? Un moyen tout aussi
révolutionnaire que la TCI ? Oui, c’est ça, c’est exactement ça… et on
pourrait appeler « TCH » cette façon de mettre en relation l’au-delà avec
notre monde ; la « transcommunication hypnotique », c’est pas mal du tout,
ça sonne bien, je trouve.
Mon premier atelier de TCH eut lieu à Montréal l’automne suivant.
Deux ans plus tard, alors que les résultats que j’obtenais étaient bien
loin de me satisfaire et que j’envisageais même de les stopper, le truc
m’envoya l’aide inespérée de Marc Leval puis d’Étienne Dupont qui m’ont
permis de réaliser au mieux ces séances de TCH dont l’efficacité n’est plus
à démontrer.

Marc Leval est un homme de radio et de télévision qui a animé et


produit diverses émissions sur TF1, NRJ, Fun Radio, M6… Ce journaliste
d’investigation répond parfaitement aux différents critères d’un bon
professionnel qui aime les débats de société. Ce jeune quinquagénaire est
curieux, rigoureux, honnête, cultivé et possède le sens de la synthèse.
Ancien joueur de rugby, c’est un fonceur qui a son franc-parler et l’esprit
d’équipe. Passionné par les sujets touchant la médecine et l’après-vie, dès
que je sortais un nouveau livre, il ne manquait jamais de m’inviter à La
Matinale de Marc Leval, une quotidienne de deux heures qu’il animait sur
les ondes de Sud Radio. C’est de cette façon que nous avons appris à nous
connaître et à nous apprécier. En 2015, je présentais dans son émission mon
dernier livre La Mort expliquée aux enfants 2.
Je me souviendrai toujours de notre conversation à l’issue de nos deux
heures de direct :
— Ah ! c’est quand même dingue, ce qui se passe. Chaque fois que je
vous invite, le standard et l’audimat explosent. On aura les vrais chiffres
demain, mais je suis sûr que l’on va encore pulvériser tous les records, ça
me fait vraiment râler.
— Ah bon, pourquoi ?
— Ben oui, ça me fait râler parce que les auditeurs adorent ces sujets
mais je vous assure que j’ai vraiment dû me battre avec la programmation
pour vous inviter.
— Vraiment ?
— Oui, ce sont les nouvelles consignes données par la direction de Sud,
tout ce qui touche à des domaines un peu touchy comme le paranormal,
l’après-vie, les NDE et tout le reste doivent être évités. Ils veulent faire des
émissions axées sur la politique. Et ça, vous voyez, ça… vraiment, ça me
fait énormément, énormément… râler !
Et c’est à ce moment précis que le truc est intervenu pour me faire
prononcer une phrase totalement imprévue :
— Il y a pourtant une solution pour lever votre frustration : vous
démissionnez de Sud Radio, vous montez votre propre boîte de prod et,
tenez, pour vous aider, si vous faites ça, je vous propose de faire
gratuitement une tournée de conférences avec vous en présentant mon
dernier livre ! Mais pourquoi je dis ça moi, je deviens fou ou quoi ? Et s’il
prend ma proposition au sérieux, je fais quoi ?
J’ai vu qu’il se passait quelque chose de bizarre au niveau de son
regard ; une étincelle s’alluma dans ses yeux comme s’il venait de recevoir
un électrochoc. Il me serra la main et murmura avant de me quitter :
— Oui, c’est ça, bien sûr… bien sûr… c’est ça.
Une semaine plus tard Marc me téléphona pour me dire qu’il acceptait
mon offre, qu’il venait de démissionner et qu’il avait créé sa propre maison
de production : Abc Talk.
Nous fîmes donc la tournée de conférences que je lui avais promise et
c’est encore à l’issue de l’une d’entre elles que le truc intervint de nouveau
pour que Marc me pose une question tout aussi surprenante que la
proposition que je lui avais faite quelques semaines plus tôt :
— Vous m’avez dit que vous faisiez des ateliers d’hypnose pour
contacter l’au-delà et que vous arrêtiez car vos résultats n’étaient pas
satisfaisants. Vous m’avez aussi dit que vos premiers essais au Canada
étaient meilleurs qu’en France. Vous savez pourquoi ?
— En fait cela dépend de la structure d’accueil des participants : si je
peux disposer d’une salle bien isolée et confortable avec une bonne sono, ça
marche. Malheureusement ces conditions minimales sont rarement données
par les associations qui m’accueillent.
— Il vous faudrait quoi comme matériel pour réussir ?
— Dans l’idéal, chaque participant serait équipé d’un casque haute
définition relayé à une table de mixage mélangeant ma voix à une musique
hypnotique. Là, ce serait le top, je suis sûr que ça marcherait.
— Vous pourriez faire combien de participants par séance ?
— Il faudrait que je puisse intervenir de façon individuelle sur chacun
d’entre eux, donc cela ne peut s’adresser qu’à une quarantaine de personnes
par séance, pas plus.
— Oui, je vois, bien sûr, c’est ça… c’est ça…
Marc eut le même regard que la dernière fois en prononçant cette
dernière phrase.
Une semaine plus tard il m’adressa un autre coup de fil inattendu :
— J’ai tout acheté : quarante casques haute définition, tout le réseau
câblé et une table de mixage. On commence quand ?
Étienne Dupont, l’ingénieur du son qui travaillait avec Marc à Sud
Radio, vint assister à nos premières séances pour donner un coup de main
sur les installations. Au fil des ateliers son investissement grandit et on peut
dire que son enthousiasme était, et reste encore aujourd’hui, un puissant
moteur d’action. Il réalisa lui-même la musique hypnotique et finit lui aussi
par démissionner de Sud Radio pour s’investir totalement dans l’aventure
de la TCH. Il a su se rendre indispensable et j’avoue que, sans Étienne aux
manettes de sa table de mixage géante, nos résultats seraient sans aucun
doute moins bons.
1. Les Trois Clés pour vaincre les pires épreuves de la vie, Guy Trédaniel, 2013.
2. La Mort expliquée aux enfants mais aussi aux adultes, Guy Trédaniel, 2015.
Un rendez-vous programmé

DÈS QU’IL S’AGIT DE COMMUNIQUER AVEC L’AU-DELÀ, ce truc intervient toujours


de façon insistante en organisant toute une série de coïncidences qui ne sont
en rien dues au hasard. En fait tout se passe comme si elles étaient toutes
orientées vers cette finalité.

Depuis quelques années, mon fils Laurent pratique régulièrement


l’écriture automatique. Cette technique utilisée par les spirites pour entrer
en contact avec les esprits des défunts ne fait appel ni à la volonté ni à la
conscience analytique. La personne qui souhaite recevoir des messages
place son stylo ou son crayon sur du papier vierge et attend qu’il se
remplisse à la manière d’un stylet encreur sur la page d’une imprimante. La
main de l’opérateur semble être totalement incontrôlable, comme si elle
était animée par une force invisible qui la guide. Les mouvements sont
souvent amples et rapides et les feuilles garnies d’inscriptions et de ratures
se succèdent avec une étonnante célérité. À la fin de la séance, l’auteur des
gribouillages découvre ce qu’il a noté car, au moment où sa main et son
bras s’agitent dans tous les sens, il n’en a aucune idée. Il doit faire le vide
dans ses pensées, s’abstenir de toute interprétation, de toute émotion, de
contrôle ou de censure. Pour que le processus fonctionne l’opérateur doit se
trouver dans un total lâcher-prise afin que l’entité qui communique ses
informations puisse l’instrumentaliser. Voilà le principe tel qu’il est décrit
par les différents protagonistes de cette forme de médiumnité.
L’écriture « automatique » se différencie de l’écriture « inspirée » où le
médium a parfaitement conscience de ce qu’il transmet puisque dans ce cas
les messages de l’au-delà passent par le filtre cérébral. Les auteurs de
romans ou de fiction sont bien souvent des médiums qui s’ignorent ; leurs
créations artistiques n’ont pas été construites par leurs petits neurones mais
reçues, analysées et triées avant d’être couchées sur le papier. Ceci est
particulièrement flagrant pour les écrivains qui ont créé des œuvres
totalement avant-gardistes, comme Jules Verne ou Léonard de Vinci ; ces
visionnaires étaient surtout des voyants recueillant des informations du
futur.

Mais revenons à l’essentiel de mon propos. Nous sommes en


juillet 2006 et Laurent, qui a terminé depuis peu son apprentissage à l’école
hôtelière de Saint-Girons, vient de perdre son grand-père paternel et est
isolé dans le petit studio de la banlieue de Philadelphie qu’il occupe depuis
le début de son séjour. Il n’a que 20 ans. Se retrouver aux États-Unis dans
des conditions aussi douloureuses et à si grande distance de sa famille, pour
parfaire son anglais tout en apprenant les subtilités de la restauration lui
donne envie de partager son chagrin avec quelqu’un. Oui, mais avec qui ?
Compte tenu du décalage horaire, il ne peut appeler ni ses parents ni ses
amis restés en France ; de l’autre côté de l’Atlantique il est plus de minuit et
tout le monde doit dormir. Le cœur gros, il se prend à maudire son ancien
chef Alain Ducasse chez lequel il travaillait quelques mois auparavant.
C’est cet illustre chef qui a recommandé ce foutu stage américain à ses
parents. Le Louis XV à Monaco, c’était déjà dur par la rigueur et la
discipline imposées, mais ici, loin de tout, c’est encore pire. Au bout de
deux mois de séjour, le mal du pays est de plus en plus présent même si une
sorte de routine s’est installée.
Laurent repense encore aux bons moments passés avec son grand-père.
Assis devant la table de sa kitchenette, il sent ses larmes monter comme
chaque fois que ce genre de souvenirs ressurgit. Un bruit de chute d’objet le
sort de sa torpeur. La petite boîte en carton qui était posée sur le micro-
ondes vient de tomber. Une série de questions l’assaillent. Comment est-ce
possible ? Comment un objet plat et relativement lourd pourrait-il glisser en
avant sur une surface horizontale ? Il faut nécessairement qu’une force ou
qu’une énergie extérieure soit intervenue pour le pousser. Et si c’était un
signe ? Par-delà le voile qui sépare les morts des vivants, le papy
malheureux aurait-il perçu la détresse de son petit-fils et se manifesterait-il
de cette façon pour tenter de le consoler ? Après tout, si tout ce que raconte
son père dans ses livres est vrai, il serait peut-être possible d’entrer en
contact avec l’esprit des défunts. Laurent ouvre sa tablette pour taper sur
Google : « Comment contacter les morts ? » et finit par tomber sur les
expériences de Marcelle Corriveau qui pratique l’écriture automatique.
Pourquoi ne pas essayer ce qu’elle propose ?
L’apprenti médium pose la mine d’un crayon à papier sur une feuille
vierge et attend une minute, deux, dix, vingt… Mais rien ne se passe : sa
main reste aussi immobile que celle d’une statue. Malgré ses échecs répétés,
Laurent persiste ; inlassablement, tous les soirs à la même heure, il réitère
ce petit rituel avec la constance d’un jardinier qui espère voir un jour
pousser la graine hors de terre. Enfin un soir, le miracle se produit, sa main
se met à bouger et trace un début de phrase qui ressemble bien à un
conseil : netenfépa. Ce premier message lui sera confirmé à Paris deux ans
plus tard par un médium : « Votre grand-père vous protège et vous guide ; il
est là et vous demande de ne pas vous en faire ! » D’autres phrases
laconiques arriveront de cette façon : par-delà le voile, son grand-père lui
prodigue ses conseils ; il lui recommande la patience, le courage et la
persévérance, il lui répète qu’il l’aime et qu’il sera toujours à ses côtés pour
l’aider chaque fois qu’il en aura besoin.

De retour en France après six mois passés aux États-Unis, Laurent


interrompt les communications qu’il avait régulièrement avec son papy
Maurice. Désormais, il ne craint plus les inconvénients du décalage horaire
pour oser déranger ses amis et ses parents. Entre son nouveau travail dans
une brasserie toulousaine, les bavardages au téléphone et les nouvelles
rencontres occasionnelles, il ne lui reste guère de temps pour faire autre
chose.
Mais c’est à croire que l’au-delà ne souhaite pas en rester là. Hors de
question d’abandonner celui qui communique aussi bien avec le monde
invisible.
Le truc insiste et décide d’organiser un autre rendez-vous important.
Comme toujours dans ces cas-là, tout se passe très vite et s’effectue avec
une facilité déconcertante. Il aura suffi d’un coup de fil d’un ami qui est
dans la restauration et qui indique « une bonne place à prendre » pour que
mon fils se retrouve en moins d’une semaine chef de rang dans un
établissement près de Vevey, une ville suisse de 17 000 habitants située en
bordure du lac Léman. Une fois sur place, Laurent est assez déçu de s’être
engagé avec autant d’empressement ; l’hôtel-restaurant est excentré et loin
de tout et, comble de malchance, sa nouvelle patronne est une femme
acariâtre, paranoïaque, qui passe son temps à crier sur les personnes qu’elle
dirige. Il ne dispose que d’un seul jour de repos par semaine, le mercredi, et
ne compte plus ses heures supplémentaires. Bref, le soi-disant bon plan
s’est rapidement transformé en un épouvantable cauchemar.

Sa mère et moi percevions l’amertume du fiston lors de ses appels


téléphoniques qui devenaient de plus en plus fréquents. Nous savions que
des coups de fil aussi rapprochés annonçaient probablement une prochaine
démission. Pour lui changer les idées, je l’informais qu’un film
documentaire sur la médiumnité auquel j’avais participé serait projeté en
avant-première à Blonay. J’avais vu que cette petite ville n’est située qu’à
six kilomètres de Vevey. Le cinéma organisait à l’issue de la projection un
débat public en présence de la médium Céline Boson Sommer, qui est le fil
conducteur de ce long-métrage, et de Denise Gilliand, sa réalisatrice. Et là
encore, le truc avait bien organisé les choses puisque cet événement devait
se dérouler un mercredi à 21 heures, soit la seule soirée de la semaine où
mon fils ne travaillait pas.
Le film Médiums, d’un monde à l’autre montre de quelle manière
Céline Boson Sommer communique avec le monde des esprits pour obtenir
des messages de défunts ou pour soigner les vivants en utilisant les
pouvoirs guérisseurs du tambour chamanique. On la suit dans sa quête, en
Suisse, bien sûr, qui est le lieu de sa résidence, mais aussi en France et en
Angleterre, où Céline interroge les différentes personnalités qui
s’intéressent à la médiumnité. C’est dans ce cadre d’investigation que mon
interview fut filmée à Toulouse.
Laurent me raconta avoir été amusé de voir cette grande affiche bleue à
l’entrée du petit cinéma d’une ville suisse qui ne compte pas plus de six
mille habitants où on voyait Céline Boson Sommer en compagnie de son
père en blouse blanche.
À la fin du débat qui clôture la projection du documentaire, mon fils
s’avance vers Céline pour se présenter. Il s’ensuit une longue conversation.
La médium sait bien qu’une rencontre aussi improbable ne peut être le fruit
d’un simple hasard. La discussion s’oriente très vite sur les contacts obtenus
en écriture automatique à Philadelphie et une adresse est donnée pour
parfaire le don naissant : le collège Arthur-Findlay, près de Londres. Céline
a pu développer ses facultés que l’on pourrait qualifier de paranormales
dans cet institut et promet d’intercéder en la faveur du fils de celui qui est
devenu son ami pour qu’il puisse participer à un des stages de médiumnité
très prisés qui s’y déroulent régulièrement.
Après cette improbable rencontre, il ne fallut pas plus d’une semaine
pour que le chef de rang dépité démissionne et rentre en France pour
intégrer une nouvelle place dans un restaurant gastronomique de Toulouse.
C’est à croire que le truc avait organisé ce court déplacement en Suisse
uniquement pour obtenir cet étonnant rendez-vous en Grande-Bretagne afin
d’établir un nouveau pont entre nos deux mondes. Le rendez-vous aura bien
lieu six mois plus tard.
L’école des sorciers

LE COLLÈGE ARTHUR-FINDLAY POURRAIT ÉVOQUER l’école des sorciers de


Harry Potter. Arthur Findlay, son créateur, né le 16 mai 1883, se passionna
dès l’âge de 17 ans pour tout ce qui touche au domaine de la religion
comparée. Ses parents, résolument chrétiens, désapprouvaient les
recherches de leur fils et brûlaient régulièrement les livres évoquant ce sujet
tabou. Curieux de tout et doué d’une intelligence rare, le jeune Arthur
devint très vite un courtier en valeurs immobilières puis un des plus hauts
magistrats d’Essex. Mais le puissant affairiste s’intéressait aussi à l’écriture
et au spiritualisme religieux. Humaniste dans l’âme, fondateur du journal
Psychic News et de l’Institut international de recherches psychiques, le
richissime propriétaire terrien reçut en 1913 le titre de membre de l’Ordre
de l’Empire britannique (Most Excellent Order of the British Empire) pour
son travail d’organisation pour la Croix-Rouge. Il légua peu avant sa mort,
survenue le 24 juillet 1964 à l’âge de 81 ans, son château de Stansted Hall
pour en faire un collège d’études spirites et chamaniques. Lord Findlay n’a
que 40 ans quand il devient le propriétaire de cet impressionnant bâtiment
qui compte presque autant de tourelles que de cheminées. La construction
d’origine date de 1450, mais c’est en 1871 que le domaine prend la forme
originale que l’on connaît aujourd’hui, sans compter les nombreuses
annexes qui furent construites par la suite. Au fil des ans, ce lieu est devenu
le centre mondial de référence pour l’apprentissage de la médiumnité et de
ses facultés connexes, comme la communication animale, l’art de la transe,
la méditation, la guérison spirituelle ou le magnétisme. Les cours
s’adressent à tous les niveaux et sont destinés aussi bien aux débutants
qu’aux médiums confirmés qui souhaitent améliorer leurs techniques ou
leurs performances. Les enseignants, qui sont des médiums ou des chamans
de grande notoriété, viennent du monde entier et déterminent le premier
jour dans quelle catégorie seront placés les étudiants afin que les petits
groupes sous la tutelle d’un enseignant ne soient pas formés de personnes
de niveaux ou d’objectifs trop éloignés.
Les stages vont de trois à sept jours. Tous les participants sont logés et
nourris sur place. Les séjours sont regroupés par nationalité et les Français
sont en général accueillis la deuxième semaine d’octobre.

Nous sommes le 9 octobre 2008. Il est plus de minuit quand Laurent


arrive enfin devant la prestigieuse bâtisse sombre qui émerge de la bruine
londonienne comme le ferait un vaisseau fantôme échoué sur un banc de
sable noir à la fin d’une grosse tempête. Un vieux bus rouge vide et grinçant
vient de le déposer devant l’entrée du collège Arthur-Findlay. Il est seul à
en descendre car tous les autres stagiaires doivent être là depuis le matin.
Entre l’avion manqué à l’aube et les péripéties pour se rendre jusqu’à
Stansted Hall, il a déjà raté la première journée du séjour. L’apprenti
médium sait à quel point ce premier rendez-vous loupé est important car il
permet de déterminer les groupes d’étudiants. Les fines gouttes de pluie qui
coulent sur ses épaules comme une cape glacée jetée à la hâte par un
mauvais esprit augmentent son angoisse. L’idée d’arriver avec autant de
retard dans une institution où les places sont comptées et réservées parfois
plusieurs années à l’avance est bien loin de le calmer. Que va-t-on penser de
lui ? Comment va-t-on l’accueillir ? Et d’ailleurs trouvera-t-il quelqu’un
dans ce château à cette heure-ci pour le renseigner ? Et s’il n’y a personne,
que faire, maintenant que son bus est parti, dormir là, dehors, en s’abritant
tant bien que mal au pied de la corniche d’une de ces tours ? Toutes ces
questions tournent dans sa tête quand il franchit le grand portail de fer.
Pourtant, malgré toutes ses incertitudes et l’ambiance lugubre des lieux,
Laurent se sent étonnamment bien. C’est un peu comme s’il revenait chez
lui et qu’il connaissait déjà les moindres détails de cet endroit qui semble
sorti d’un film de vampires. Au fur et à mesure qu’il s’avance dans l’allée
gravillonnée, la boule qu’il avait au milieu du ventre disparaît peu à peu. Un
homme voûté armé d’une lampe torche arrive en trottinant vers lui. Son
imperméable trempé laisse deviner qu’il attendait depuis un certain temps le
retardataire pour le guider :
— Bienvenou, Mister Tchaboné, Am I right ? I was waiting for you,
follow me.
Le veilleur de nuit conduit son hôte dans un petit bâtiment qui jouxte la
droite du château. L’invité découvre le logement qu’il occupera toute la
semaine : une chambre spartiate de douze mètres carrés qui sent la cire des
vieux meubles en bois que l’on trouve dans les églises.
Après une courte nuit, Laurent arrive en avance au réfectoire pour
prendre son petit déjeuner. Attablé devant un grand bol de café fumant, il
s’apprête à recouvrir une autre tartine beurrée d’une épaisse couche de
raspberry jam lorsqu’une femme élégante s’assied en face de lui. La
directrice du collège lui annonce qu’il lui a été attribué une place dans le
groupe d’Eamonn Downey qui sera son maître de stage et qui l’accueillera
dans moins d’une heure avec onze autres élèves pour recevoir un premier
cours.
De retour dans sa chambre, Laurent tape le nom qu’il a noté sur sa
tablette et lit :

Eamonn Downey est maître de conférences international de sujets


métaphysiques. Il anime depuis plus de vingt ans des ateliers et des salles
de présentation en Europe et aux États-Unis. Ces stages sont motivants et
responsabilisent les gens avec des concepts originaux. Son enseignement
est livré avec une profonde compréhension et un bon sens de l’humour.
Cette lecture n’est pas très motivante pour les objectifs de Laurent ; en
effet pas grand-chose à voir avec l’écriture automatique. « Je n’aurais
jamais choisi cet enseignant si j’étais arrivé plus tôt », nous répétera-t-il
plusieurs fois au téléphone. Et pourtant, force est de constater que c’est très
précisément celui-là qu’il lui fallait.
Le truc avait tout organisé pour que cela se passe ainsi.
Je ne savais pas que c’était possible

À 22 ANS, LAURENT ÉTAIT LE BENJAMIN DU GROUPE, la moyenne d’âge se situant


plutôt autour de 40 ans. Le doyen était un octogénaire clairaudiant 1 mais
pratiquement totalement sourd. Certains étaient des habitués des lieux,
curieux de découvrir un nouveau stage, d’autres des médiums ou des
magnétiseurs professionnels avertis souhaitant améliorer leurs
performances, trois autres des béotiens qui pressentaient en eux des dons
cachés qu’ils espéraient pouvoir révéler. Mon fils se situait hors de ces trois
catégories ; il savait qu’il était en mesure d’écrire des messages sans en
avoir le contrôle mais se posait malgré tout la question de leur provenance.
C’était surtout cela qu’il voulait savoir. Était-ce bien son grand-père décédé
qui communiquait avec lui ou tout ceci était-il construit par son
imagination ? La réponse était déjà dans son cœur mais l’investigateur en
herbe avait toutefois besoin d’être rassuré car, quand on parle de ces sujets à
des proches ou à des amis, on a l’habitude de recevoir dans les meilleurs
des cas des sourires polis et compatissants, mais ce sont la plupart du temps
des moqueries et des railleries qui clôturent les discussions. Et à la fin,
devant tant d’oppositions, on finit par douter de ses propres capacités.
Laurent pensait trouver à Arthur-Findlay des personnes soumises
comme lui à cette difficulté de communication mais il savait aussi que, dans
ce collège, sa médiumnité serait prise au sérieux car ici ceux qui en parlent
ne sont pas assimilés à des fous ou à des faibles d’esprit. C’était toujours ça
de gagné.
Toutefois, coincé par des motivations spécifiques, chacun restait dans sa
bulle. Aussi, quand pour s’insérer dans le groupe le retardataire demanda au
plus âgé s’il venait de loin, celui-ci lui montra les toilettes pensant qu’il
voulait aller au petit coin. Le plus jeune de la bande s’aperçut très vite que
les autres n’étaient pas plus loquaces que le plus vieux, qui était sourd
comme un pot.
Malgré ce mutisme généralisé et cette ambiance de monastère, l’adepte
de l’écriture automatique se sentait néanmoins parfaitement intégré dans ces
lieux chargés d’histoire.
En fin de matinée, après son premier cours, il prit un itinéraire différent
pour rejoindre sa chambre et traversa une galerie remplie de sculptures et de
tableaux. Son regard fut immédiatement attiré par le portrait d’un homme
barbu dont le costume devait dater d’une autre époque. L’inscription située
en dessous du cadre mentionnait qu’il s’agissait d’un illustre médecin
décédé au siècle dernier. Le regard noir de l’ancien thérapeute le troubla car
il sembla ne pas le quitter quand il traversa la pièce.
Tout au long de son séjour, Laurent put vérifier la véracité de ce qu’il
avait lu sur la fiche descriptive : son maître de stage était vraiment un
médium original qui parvenait avec beaucoup d’humour à se mettre à la
portée de chacun en s’adaptant parfaitement à toutes les attentes. En fait,
contrairement à ce que l’on pouvait imaginer, l’écriture automatique n’avait
aucun secret pour Eamonn Downey et l’enseignant fit facilement
comprendre à son élève que, pour réussir au mieux cette technique
particulière, il s’agissait surtout et avant tout de savoir faire circuler
l’énergie. Il put facilement identifier les différents blocages qui
empêchaient Laurent de progresser et lui fit faire une série d’exercices qui
améliorèrent très vite ses résultats.

Lors du dernier jour de stage, Eamonn Downey fit comme tous les
autres médiums une démonstration de ses capacités dans le « sanctuaire »
qui est la salle réservée à ce genre de prestations.
Le maître s’installa sur un siège posté au milieu de l’estrade et demanda
à deux volontaires de venir se placer l’un sur sa gauche et l’autre sur sa
droite. Le médium se concentra et étendit ensuite ses bras vers eux.
L’expérience se renouvela ainsi plusieurs fois avec différents participants.
Laurent est formel, il y avait chaque fois un rayon lumineux qui prolongeait
les doigts d’Eamonn Downey en direction des deux élèves. Mais le plus fort
c’est qu’il vit apparaître en même temps et à plusieurs reprises le buste bleu
d’un homme au-dessus du médium en transe. Il reconnut tout de suite le
fameux médecin barbu au mystérieux regard suiveur rencontré le premier
jour sur un des portraits de la galerie. Mon fils se demanda si cet étrange
docteur avait la possibilité de soigner les gens par l’intermédiaire de ce
médium réputé mais il savait aussi qu’il fallait rester toujours très méfiant
devant ce genre de démonstrations. Quand tout le monde fut parti, Laurent
resta un moment dans la salle pour vérifier s’il n’y avait pas de trucages et
en particulier des sources électriques qui auraient pu alimenter la projection
d’un hologramme ; rien, il ne trouva absolument rien. Il avait aussi
interrogé les autres spectateurs : certains avaient vu la même apparition que
lui au-dessus du professeur Downey, tandis que d’autres n’avaient rien vu
ou avaient perçu des choses totalement différentes et notamment d’autres
visages inconnus, nombreux et plus petits. Ceci ne plaidait donc pas en
faveur d’un hologramme car dans ce cas tout le monde aurait assisté à la
même scène. L’enquêteur ne put souligner qu’une chose : tous les
participants qui avaient bénéficié des talents d’Eamonn Downey ce soir-là
prétendaient avoir reçu un soin énergétique très puissant qui était pour
beaucoup un des plus forts qu’ils aient jamais reçu de toute leur existence.

De retour en France, Laurent put vérifier l’efficacité de son stage. Sans


en faire commerce, il pratique désormais régulièrement l’écriture
automatique pour lui, pour sa famille ou pour ses amis.
Lors de ses transes médiumniques, l’ancien élève d’Arthur-Findlay prit
pour habitude d’enregistrer le bruit produit par la mine de son crayon HB
numéro 2 sur le papier. Conformément à une incroyable intuition
probablement dictée par ce truc, il eut la surprise de constater que ces
restitutions sonores lui permettaient d’obtenir des messages
complémentaires à ses écrits automatiques.

Je me souviens parfaitement de cette soirée d’automne où nous étions


rassemblés en famille autour de la table de la cuisine. Tandis que mon
épouse nous servait le café, Laurent nous expliqua la façon dont il procédait
pour communiquer avec le monde spirituel. Damien et moi l’écoutions avec
attention sans en perdre une miette mais son copain Patrick se foutait
ouvertement de lui. Pour ce jeune matérialiste, tout ce qu’il venait
d’entendre était totalement inconcevable si bien que, au bout d’un moment,
il lança carrément un défi :
— Eh bien ! d’accord, espèce de mytho, si ce que tu dis est vrai, tu
devrais pouvoir me le montrer. Moi, je veux bien te croire si tu me montres
que c’est possible !
Je sentis que mon fils était profondément blessé par cette allusion de
malhonnêteté. Il sembla réfléchir un long moment. D’ailleurs après cette
demande de mise à l’épreuve personne n’osa prendre la parole jusqu’à ce
qu’un souffle froid très net passe sur notre petit groupe. Coco se leva pour
vérifier la fermeture des portes, mais non il n’y avait aucun courant d’air
possible dans la maison. Laurent comprit qu’il s’agissait plutôt d’un signal
pour établir un contact avec l’au-delà ; une sorte d’autorisation à
communiquer. Il était habitué à interpréter ce genre de phénomènes qui lui
étaient devenus familiers.
— D’accord, on va le faire. Restez bien assis en cercle autour de la
table, je vais chercher mon crayon et du papier.
Cela faisait bien dix minutes que nous étions concentrés sans bouger.
Laurent, les yeux fermés, patientait, la mine de son crayon désespérément
immobile sur sa feuille blanche. Les petits rires étouffés de Patrick, très
nombreux au début de l’expérience, surtout quand Laurent demanda à son
papy s’il était là et s’il nous voyait, s’espaçaient de plus en plus. Le micro
du portable était ouvert pour recueillir les éventuels frottements de la mine
de l’HB numéro 2 sur la feuille désespérément vierge. Tout est une question
de circulation d’énergie lui avait asséné Eamonn Downey chaque jour de
cette fameuse semaine passée à Arthur-Findlay. Le seul problème était que,
justement, dans cette configuration-là, celui qui devait faire office de
médium ne sentait rien venir ; aucun fluide circulant, aucune sensation,
rien. On lui avait aussi appris que, dans une expérience collective comme
celle-là, il suffisait d’une personne récalcitrante pour que tout se bloque en
transformant la séance de médiumnité en échec et il savait aussi que son
ami Patrick pouvait bien être cette personne-là. J’observais Laurent tout en
priant. Il était visiblement très concentré ; son front plissé ne laissait aucun
doute là-dessus. Il répéta : « Papy es-tu là ? Est-ce que tu nous vois ? » Je
priais encore. Puis tout à coup, sa main droite bougea ; imperceptiblement
au début puis avec une amplitude croissante. Ses gestes rapides donnaient
l’impression qu’une force extérieure incontrôlable avait pris possession de
ses doigts, de son poignet, de son coude et même de son épaule. Le crayon
traça des grands cœurs sur la feuille, puis des courbes et des pics sur une
autre et une autre encore… De sa main gauche, celui qui semblait être
habité par un esprit faisait défiler les pages devant lui tandis que la droite
poursuivait l’écriture. En moins d’une minute, une dizaine de feuilles furent
remplies comme dans un film passé en accéléré. Tout s’arrêta très vite. Le
membre endolori qui venait d’accomplir cette incroyable performance
tomba sur la table comme celui d’un robot débranché.
— Mais c’était quoi, ce bordel ? s’esclaffa Patrick.
Il ne restait plus qu’à lire les écritures. Elles passèrent de mains en
mains. Au milieu des gribouillis et des cœurs dessinés, cinq phrases
apparaissaient nettement : Oui, je suis là. Je vous vois. Je vous aime. Tout
va bien. Laurent, ne t’en fais pas.
Patrick semblait dubitatif. Il ne riait plus. Ses réflexions lui firent poser
une question cruciale, qui était dans ces circonstances on ne peut plus
logique :
— Je suis d’accord pour reconnaître que tu n’as pas conscience de ce
que tu écris quand tu fais ça, mais peut-être que c’est quand même toi qui
envoies ces messages. Toi, enfin je veux dire ton inconscient. Comment tu
peux savoir que ce n’est pas toi ?
— Je me posais cette même question avant d’aller à Findlay. Mais là-
bas j’ai compris que les énergies que les médiums reçoivent pendant leurs
transes viennent de l’extérieur. J’ai même pu les visualiser. Un soir j’ai vu
apparaître un médecin décédé au-dessus de mon maître de stage qui faisait
des soins énergétiques.
— Ouais, ça, ça n’est pas une preuve, on voit la même chose dans les
cirques ou les fêtes foraines.
— Oui, c’est vrai. Sauf que dans ces endroits tous les spectateurs voient
la même chose. Là ce n’était pas le cas : certains ont vu apparaître d’autres
entités et d’autres n’ont rien vu. Et puis dans les cirques on ne te laisse pas
inspecter les lieux à la fin du spectacle pour voir s’il n’y a pas un trucage
quelque part.
— Tu as pu le faire ?
— Oui, j’ai cherché partout, j’ai fouiné comme un malade et je n’ai rien
trouvé. C’est une salle très simple : des chaises et une estrade, c’est tout.
Mais il y a une autre chose qui me fait dire que c’est bien papy qui est à
l’origine de tout ça.
— Ah ! oui, c’est quoi ?
— Sur une de mes feuilles d’écriture automatique, mamie a reconnu la
signature de papy : un « M » très particulier avec des arrondis, il s’appelait
Maurice, prolongé par un grand trait horizontal sous son nom de famille.
Comment j’aurais pu inventer ça ? Je ne savais pas du tout comment il
signait, moi ! Il n’y a que mamie qui connaissait sa signature officielle.
— Tu as pu la voir quelque part et ton cerveau l’a mémorisée sans que
tu t’en rendes compte.
— J’y ai aussi pensé, mais non, c’est impossible. Les rares fois où il
m’a écrit, il signait toujours « Ton papy qui t’aime ».
Patrick n’était pas au bout de ses surprises. Un autre élément allait
définitivement le faire changer d’avis sur la réalité des contacts
médiumniques : l’enregistrement du bruit du crayon sur les feuilles de
papier. Sur celui-ci on entendit très nettement une voix qui soufflait tous les
prénoms de notre petite assemblée dans l’ordre de disposition autour de la
table de la cuisine : Jean-Jacques, Corinne, Laurent, Damien et Patrick !
Patrick était en larmes. Il répéta plusieurs fois : « C’est incroyable,
pardon, pardon, je ne savais pas que c’était possible ! »
Par une série de coïncidences et de synchronicités, le truc lui avait
imposé cette incroyable expérience pour lui faire admettre la réalité de l’au-
delà.

1. Médium qui reçoit des messages auditifs de l’au-delà.


La table en verre

IL EST CLASSIQUE DE DIRE qu’il n’est pas recommandé de chercher à contacter


nos défunts dans les six mois qui suivent leur départ ; c’est en tout cas ce
que préconisent la majorité des médiums aux personnes qui désirent les
consulter.
Je pense que cette précaution est en effet indispensable pour éviter des
réactions émotionnelles trop importantes chez les gens qui sont encore sous
le choc du départ mais en fait il semblerait qu’il n’y ait aucune règle
précise ; l’esprit de l’être aimé parti dans l’invisible peut se manifester très
tôt après son décès. Nous avons aussi pu vérifier cela à de nombreuses
reprises lors de nos ateliers de TCH où certains participants ont reçu des
messages de personnes décédées depuis quelques jours ou même à peine
quelques heures ; les phénomènes médiumniques, de clairaudience, de
clairvoyance ou de télékinésique 1 sont parfois très précoces.
Je me souviens notamment du témoignage de la médium Christelle
Dubois qui, dans son travail d’aide-soignante, fut un soir confrontée à
l’injonction de l’entité du patient qu’elle préparait pour partir à la morgue.
Alors qu’elle était occupée à lui faire sa toilette mortuaire, elle reçut le
message suivant : S’il vous plaît, n’oubliez surtout pas de me mettre mes
bretelles et mon béret ! Elle eut ensuite la surprise de découvrir que, dans le
sac que lui avait remis la famille pour habiller celui dont la mort était
prévue, il y avait effectivement un béret et une paire de bretelles !
Le 27 juillet 2020 à 5 h 30 précises, Coco et moi fûmes réveillés par
mon portable pour nous annoncer une bien triste nouvelle : Alain, notre ami
de trente-cinq ans, était sur le point de partir pour l’autre monde de façon
aussi brutale qu’inattendue puisqu’il se trouvait jusque-là en parfaite santé.
Le réanimateur de garde m’expliqua que celui qui nous avait accompagnés
durant toutes ces années venait de faire un accident vasculaire cérébral
massif et qu’il n’y avait malheureusement plus rien à faire pour lui si ce
n’est attendre quelques heures avant que son cœur s’arrête définitivement
de battre. Même si on est, comme moi, persuadé que la vie continue après la
mort physique, dans ces moments-là, le chagrin est immense ; on pleure sur
nous-mêmes et nos manques – la nostalgie des moments passés et les
craintes du futur sans la présence de l’être cher.
Nous avons partagé beaucoup de bons moments avec Alain et
notamment de belles parties de golf en France et dans différents pays du
monde. Nous étions tous les deux à peu près du même niveau dans cette
discipline mais Corinne nous battait régulièrement – ce qui agaçait
passablement notre partenaire de jeu habituel. « Coco, on arrivera un jour à
te battre, tu verras, j’en suis sûr ! » disait-il souvent en buvant sa bière à la
fin de nos dix-huit trous.
Dans le hall d’entrée de ma maison, il y a une table en verre sur laquelle
sont exposés les coupes et les différents trophées obtenus lors des
compétitions de golf de mon épouse. Dès qu’Alain passait la porte d’entrée,
il disait : « Elle est encore là cette putain de table, pourquoi vous ne la virez
pas ? Elle m’énerve et en plus elle est moche ! » Ce petit rituel taquin nous
faisait à tous les coups éclater de rire.
Le 31 juillet 2020 à 5 h 30, soit exactement quatre jours après ce maudit
appel qui nous déchira le cœur, un bruit énorme nous réveilla de nouveau.
Le fameux plateau soutenant les victoires de ma championne venait de se
fendre en deux. Le tableau qui était installé au-dessus depuis plusieurs
années était au sol, comme d’ailleurs tous les objets posés sur la table. Rien
de cassé ou d’abîmé, mis à part bien sûr la plaque en verre qui faisait un
bon centimètre d’épaisseur. Plus étonnant encore, un tee 2 reposait sur le
carrelage non pas à l’horizontale comme il devrait l’être logiquement en
tombant d’une hauteur d’environ quatre-vingts centimètres mais en
équilibre à la verticale ! Et ce n’est pas fini ; la suite est encore plus
époustouflante. Une balle de golf qui était dans l’une des coupes a traversé
le hall, a tourné à gauche pour entrer dans la cuisine puis à droite pour
rejoindre la salle à manger ; enfin, c’est ce que l’on suppose car c’est le
trajet qu’elle avait dû logiquement emprunter pour se retrouver sous la
grande table en chêne à un endroit bien précis : celui où s’installait
invariablement notre ami quand il déjeunait ou dînait chez nous !
Quel magnifique cadeau tu nous as fait là, cher Alain.
Toi qui doutais de la réalité de l’au-delà, maintenant tu sais et tu nous le
fais savoir.

1. Déplacements d’objets, ampoules qui claquent ou appareils électriques qui s’allument


spontanément.
2. Petite tige en bois ou en plastique qui sert à positionner une balle de golf sur le départ de
chaque trou.
La famille Templeton

L’INITIATION QUE JE REÇUS EN ANGLETERRE à l’âge de 14 ans fut bien


différente de celle de Laurent. Nous allons voir qu’elle est cependant reliée
aux différents guidages du monde spirituel puisqu’elle est à l’origine de ma
passion pour Coco – qui est née, comme je l’ai raconté précédemment, au
moment de nous dire au revoir d’une manière très originale sur le parking
de La Veillée.
Ma famille d’accueil résidait dans un endroit bizarre de la banlieue de
Birmingham où toutes les habitations se ressemblaient. Dans ce village de
poupées aux jardins dépourvus de barrières, je ne pouvais identifier le
domicile qui m’hébergeait qu’en comptant les maisons de la rue et en
vérifiant que la peinture de la boîte aux lettres écaillée dessinait bien des
ailes de papillon sur son côté droit car, pour ne pas déroger à la règle de
l’uniformité absolue, les petits coffres sur pied surmontés d’un drapeau
rouge escamotable étaient tous jaune citron.
Je retrouvais avec soulagement mes amis français chaque jour de la
semaine de 10 heures à midi pour les cours d’anglais et je revenais ensuite
chez M. et Mme Templeton, un couple de quinquagénaires qui parvenaient
malgré tous leurs efforts à me transmettre l’ennui qu’ils avaient souhaité
rompre en m’hébergeant les trois premières semaines de juillet.
Quand John et Rosy Templeton m’ont accueilli sur le quai de la gare,
j’ai tout de suite compris que quelque chose chez eux ne tournait pas rond.
Lui, très sec, très long et très pâle, affublé d’une veste à petits carreaux aux
manches trop courtes m’évoqua d’emblée Buster Keaton, l’homme qui ne
rit jamais, tandis que celle qui l’accompagnait était une petite femme
boulotte aux joues rouges qui souriait trop ; ses lunettes cerclées de brillants
m’inquiétaient tout autant que la couleur de son tailleur vert pomme.
Franchement, quand je les ai vus avec mon nom sur leur pancarte, ils m’ont
carrément foutu la trouille et je me suis même demandé si je n’allais pas
être découpé à la hache pendant mon sommeil quand je serais installé dans
la chambre de leur maison.
Leurs rituels étaient aussi immuables que leur manque de fantaisie. Je
restais invariablement chez eux jusqu’à 16 heures précises pour regarder le
programme télé qu’ils avaient choisi – en général un match de cricket – ou
pour une petite balade en voiture qui menait toujours dans les mêmes
endroits désertiques recouverts de ce même gazon vert olive taillé
extrêmement court, ou bien encore pour une conversation prolongée qui
portait la plupart du temps sur leur étonnante façon de vivre et de manger
ainsi que sur les incompréhensibles règles du cricket. Je rejoignais ensuite
mes copains logés à la même enseigne dans un des pubs de la ville en
essayant de tricher sur mon âge pour pouvoir déguster une bière brune
servie tiède et mousseuse. Je devins très vite un spécialiste des stouts
irlandais aux grains hautement torréfiés qui laissent dans la bouche un goût
de café et de cacao, ma préférée étant la Guinness bien que la Beamish, la
Murphy’s ou encore la Caffrey’s fussent loin de me laisser indifférent. Je
quittais chaque fois à regret trop tôt cette ambiance conviviale où on
refaisait le monde en se moquant des traditions anglaises vécues chez ceux
qui nous recevaient : mes parents n’ayant pas signé l’indispensable
autorisation de sortie nocturne, je devais être chez mes hôtes avant
20 heures. J’arrivais malgré les railleries de mes amis à remplir ce contrat
avec tout au plus dix ou quinze minutes de retard, la tête embrumée par les
chopines de bière des différentes tournées.
Pourtant un soir, lassé de cette routine imbécile, je décidai de faire une
entorse au règlement imposé et de suivre mes camarades qui, tous
détenteurs de la fameuse autorisation parentale, avaient programmé une
sortie dans une des nouvelles discothèques branchées du centre-ville. J’étais
un garçon sérieux, plutôt bon élève, docile et sans problème et il n’y avait
vraiment aucune raison pour que je me rebelle. Aussi, je pense que c’est
encore ce truc qui me poussa à désobéir aux consignes imposées. En
pénétrant dans la cabine téléphonique rouge, je savais que Mme Templeton
n’apprécierait pas du tout mon initiative. Je ne fus pas surpris par son
manque d’enthousiasme et ses petits cris perçants.
— Oh no ! you can’t do it ! 1 hurla-t-elle dans le combiné quand je lui
annonçai que je ne serais pas rentré avant une à deux heures du matin. Je lui
répondis aussi sec :
— Yes of course I can do it ! 2 avant de raccrocher et de rejoindre en
courant le bus dans lequel venaient de s’engouffrer ceux qui m’avaient
débauché.
Quand je repense à cette histoire, je me dis que ce truc nous fait prendre
des initiatives dont les motivations ne sont pas du tout celles que l’on croit.
Mon fils pensait partir en Suisse pour un meilleur job alors que ce
déplacement était uniquement destiné à lui faire rencontrer une médium qui
lui donnerait les possibilités d’améliorer son écriture automatique tandis
que son futur père, quelques décennies plus tôt avait traversé la Manche
pour parfaire son anglais alors que le truc avait tout organisé pour qu’il
rencontre un perroquet géant…

1. Oh ! non, vous ne pouvez pas faire ça !


2. Si, bien sûr que je peux le faire !
Le perroquet géant

EN 1970, LA MODE PUNK BATTAIT SON PLEIN en Angleterre. L’immense fille qui
s’agitait devant moi sans me quitter des yeux depuis un bon quart d’heure
sur la piste de danse me donna la sensation d’être dragué par un perroquet
géant. Son crâne rasé sur les côtés contrastait avec une haute crête de
cheveux orange vif et son long nez busqué évoquait un bec de rapace. Tout
en me fixant du regard, elle ondulait son corps androïde en battant
lentement ses longs bras de bas en haut comme si elle essayait de décoller.
La sono était parfaite pour savourer My Generation du groupe londonien
The Who ; surtout pour la batterie de Keith Moon qui faisait l’excellence de
ce morceau. Je m’amusais à mimer Roger Daltrey que j’avais vu en concert
à Toulouse en faisant de grands moulinets avec mes bras pour entrer dans
son jeu. Au moment où on entendit les premières notes de Space Oddity,
l’oiseau posa ses longs doigts effilés garnis de bagues multicolores sur mes
épaules comme les serres d’un prédateur voulant rythmer les mélopées de
David Bowie. Le slow qui s’ensuivit amplifia la taille de l’extraterrestre qui
me dépassait de plus d’une tête. Ses yeux vairons finissaient de donner un
pouvoir hypnotique à son regard exagérément maquillé de noir. Le serpent
ailé tatoué sur son épaule droite semblait me défier.
L’extravagance de sa laideur animale la rendait magnifique. J’étais
fasciné par sa maigreur. Son odeur âcre de transpiration se mélangeait à
celle du shit qu’elle venait sûrement de s’envoyer. Ce monstre à la féminité
affolante avait dû en plus sniffer quelques rails de coke car des traces de
poudre blanche entouraient l’orifice de sa narine droite. À l’époque, je
n’avais pas la moindre idée de la signification de ce reliquat nasal, ce n’est
que rétrospectivement que je compris, soit environ six ou sept ans plus tard
en participant à quelques soirées d’étudiants en médecine.
Le visage de la fille dodelinait en rythme au-dessus de moi en exhibant
deux énormes incisives blanches taillées comme les crocs d’un vampire.
Quand David Bowie chanta : “Planet Earth is blue and there’s nothing I
can do 1”, le cobra fonça sur mes lèvres et sortit sa langue que j’imaginais
volontiers fourchue. Je me disais que, à en juger par sa façon de
m’embrasser, la vieille femme de 20 ans devait déjà avoir une sacrée
expérience. J’admirais la technique les bras ballants quand elle me dit :
“Come on, boy !” Ma prédatrice me prit la main et m’entraîna au sous-sol.
Elle me fit mettre des pièces dans le distributeur de préservatifs, qui à
l’époque n’étaient là que pour éviter les grossesses et les chaudes-pisses
puisqu’il faudra attendre une décennie de plus avant d’entendre parler du
sida. Je ne voyais toujours pas où elle voulait en venir dans la mesure où je
ne savais même pas ce qu’il y avait dans la boîte.

En « demandant » à Mme Templeton la permission de minuit, j’étais loin


de me douter que, quelques heures plus tard, je me retrouverais entièrement
nu, allongé sur les carreaux froids des toilettes d’une discothèque pour être
chevauché par une sorte de mante religieuse en furie.
Comme c’était la première fois que je baisais, ma cavalière dut prendre
toutes les initiatives. Écrire que, dans ces circonstances, nous « fîmes
l’amour » serait très exagéré car je suis absolument certain que nous
n’éprouvions aucun sentiment l’un pour l’autre. D’ailleurs notre dialogue se
réduisit à des sons d’animaux, des cris de plaisir ou des soupirs contrits.
Après avoir tiré le verrou de la porte des WC, elle me déshabilla
rapidement en tirant mon pantalon vers le bas et en arrachant ma chemise.
Je commençais tout juste à comprendre enfin ce qu’elle attendait de moi. Je
me demandais si j’allais pouvoir être à la hauteur car son autorité et sa
détermination me bloquaient un peu ; il est sûr qu’au moment où elle posa
mes fringues sur la cuvette des chiottes avec les siennes qui les suivirent de
près, j’étais bien loin de pouvoir bander. Elle prit toutefois les choses en
main sans moquerie ni dénigrement ; j’appréciais son sérieux et son
application car le moindre sourire m’aurait définitivement bloqué.
J’imaginais très vite que celle qui me faisait autant d’effet devait avoir des
incisives rétractiles car quand elle m’encouragea avec sa bouche, je ne
ressentis aucune douleur, bien au contraire. Mon professeur m’enfila avec
une incroyable dextérité la capote qui pour le coup était bien anglaise ; je
n’en avais jamais vu de ma vie et je fus étonné de voir à quel point ce petit
bout de latex transparent pouvait s’étirer sans se déchirer. Apparemment
ravie de l’efficacité de sa préparation, elle me coucha sur le dos d’un geste
autoritaire et s’enfourcha sur mon membre tendu en me tournant le dos pour
s’agripper à mes chevilles. Je ne voyais d’elle qu’une tête de mort aux
orbites rouges tatouée entre ses omoplates ; ce dessin macabre semblait me
narguer en oscillant de haut en bas devant mes yeux agrandis par toute cette
noirceur qui tranchait avec la pâleur de sa peau à peine rosie par les violents
impacts qu’elle s’imposait en cambrant vers moi ses fesses gloutonnes.
L’idée que, d’une seconde à l’autre, la vie pût quitter cette créature
exsangue qui semblait venir d’un monde magique me terrifia. Le monstre
magnifique me pilonnait avec une énergie colossale ; c’est sûr, la bête
sexuelle n’allait pas mourir là devant moi, enfin c’est ce que je pensais
compte tenu de l’énergie qu’elle déployait. Les tendons de son cou tiraient
une face de marionnette blanche en direction du plafond pour que la bouche
ouverte de cette gargouille vivante implore une pluie apaisante qui ne
viendrait jamais.
Elle pivota ensuite vers moi en soulevant sa longue jambe au-dessus de
ma tête. Je sentis le souffle de la faux sur ma chair et cela me fit frissonner.
C’est alors que je vis son joli visage terriblement émouvant ; un mélange
subtil de tendresse et de cruauté. Oui, je fus terrorisé puis attendri par son
maquillage dégoulinant qui dessinait sur ses joues un masque de clown
blanc. La déesse d’amour s’immobilisa un moment pour souffler un peu,
fixa de ses doigts nerveux mes poignets au sol et remonta ses hanches sur
ma bouche pour me faire goûter le plaisir salé qu’elle venait de se donner.
Le délicieux supplice dura un long moment. Ma langue fouillait les rythmes
de sa balançoire lubrique ; je savais bien que je ne pouvais faire que ça. Elle
m’abreuvait de son jus pour que je grossisse et durcisse encore. Sel de sueur
et sucre de fruit rouge. Je me consumais en elle sans rien perdre de mon
énergie ; au contraire je n’étais plus qu’une turgescence offerte ; je me
sentais libre de ne plus bouger et d’attendre la volupté de son désir.
Satisfaite de son effet, elle me sourit en mordant ses lèvres, jeta à nouveau
sa tête en arrière et recula un peu pour reprendre de plus belle son insatiable
chevauchée. Elle crachait et dansait sur mon corps en m’imposant un rituel
sauvage contre lequel je ne pouvais rien. Sous elle, je devenais un loustic
divin, un athlète cosmique et gluant au mât glorieux, je lui barbouillais les
seins de sa salive en tirant sur sa crinière infernale. Mon écuyère semblait
supplier le poulain de tenir bon, de ne pas lâcher encore le plaisir en elle ;
pas là, pas maintenant, pas encore, semblait-elle me crier du regard. Ses
talons hauts claquaient comme les sabots d’une licorne affolée qui
rythmaient chacune de ses ruades. Elle me chanta des “come on boy, fuck
me” encourageants sur tous les tons, au trot puis au galop, avant de pousser
un long gémissement de louve en rut et de s’écrouler inerte sur moi,
ruisselante de plaisir. Je ne savais pas qu’une femme pouvait produire
autant de liquides en aussi peu de temps.
Nos habits avaient valdingué en tous sens. Pour une raison que j’ignore,
elle n’avait conservé comme parure que ses étranges chaussures de drag-
queen, ses bagues et des grosses chaînes aux poignets. Son corps me laissa
le goût délicieusement iodé d’une tempête en mer.
Quand tout fut terminé elle retira mon préservatif, fit un nœud à son
extrémité et pressa le caoutchouc pour exhiber et palper la jolie bille
blanche qu’elle venait de construire. L’experte serra ensuite la perle entre
ses dents pour bien me montrer qu’elle était indestructible et que je ne
risquais pas d’engendrer une descendance avec elle, avant de balancer
l’objet dans la poubelle réservée aux serviettes usagées.
Mon initiatrice se rhabilla rapidement et ébouriffa mes cheveux d’un
geste bienveillant tout en faisant sonner ses bracelets métalliques. On eut dit
une mère félicitant son enfant pour une bonne note obtenue à l’école. “My
good boy, my very good boy”, fut la dernière phrase qu’elle m’adressa en
pinçant ma joue. Elle souffla vers moi son ultime baiser fantôme mis au
creux de sa main. Ce fut une brève histoire sans parole car elle disparut
aussitôt. J’ignore tout de cette fille, même son prénom. Je ne l’ai plus
jamais revue. Elle ne saura jamais à quel point cet épisode, qu’elle aura
sûrement oublié dès le lendemain, a pu orienter ma vie de façon aussi
radicale.

Durant les sept années qui suivirent ce dépucelage forcé, j’ai eu bien sûr
d’autres expériences sexuelles avec différentes filles mais je n’ai jamais
connu un plaisir aussi intense que celui-là. J’écris que ce court ébat sexuel a
bouleversé mon existence car je suis certain que, s’il n’avait pas existé, la
rencontre avec Coco n’aurait pas eu cette suite. Cette domination aussi
soudaine qu’inattendue qu’elle m’imposa sur le parking au moment de nous
quitter réveilla en moi la puissante émotion ressentie en Angleterre sept ans
plus tôt. Je suis intimement persuadé que notre courte rencontre serait restée
sans suite si ce moment furtif n’avait pas existé. Ce simple détail d’une
minute fut primordial et essentiel pour que notre couple se forme. C’est
aussi inexplicable que stupide mais c’est pourtant la réalité.
Ce qui veut donc dire que ce truc pourrait nous faire vivre les scènes les
plus torrides, les plus incompréhensibles, les plus imprévisibles, les plus
inattendues, les plus bestiales, les plus ombrageuses dans le seul but de
nous faire accomplir un mystérieux destin.
Oui, je peux dire et écrire aujourd’hui que si je n’avais pas été initié par
un perroquet géant dans les toilettes d’une discothèque anglaise à l’âge de
14 ans, il est probable que mes cinq petits-enfants, Mathéo, Aaron, Noa,
Louna et Valentin ne seraient pas de ce monde.

1. La planète Terre est bleue et je ne peux rien faire.


Le choc d’une rencontre

L’HISTOIRE QUI SUIT EST AUSSI SURPRENANTE que les précédentes par les
coïncidences troublantes et les conséquences qu’elle expose. Bien que ce
récit soit, pour la plupart des gens, totalement inconnu, c’est probablement
celui que j’ai le plus entendu dans ma vie, étant donné que mon père adorait
l’utiliser dès que l’occasion se présentait.
L’action se déroule durant l’hiver 1954, mon futur géniteur n’a alors
que 28 ans et vient d’être engagé à la Régie autonome des pétroles (RAP).
La nouvelle recrue sait qu’en signant son contrat d’embauche elle sera
bientôt loin de son pays pendant plusieurs mois, car les employés de son
âge partent la plupart du temps très rapidement après avoir intégré
l’entreprise, en général en Afrique du Nord, et plus particulièrement au
Sahara où plusieurs puits de pétrole viennent d’être mis en exploitation.
Le jeune Maurice profite de ce dimanche de repos pour faire une petite
promenade en montagne en imaginant combien ses chères Pyrénées vont lui
manquer une fois arrivé en plein désert.
Il est très tôt, la météo est favorable et la journée s’annonce magnifique.
Les pics enneigés se détachent parfaitement sur un ciel bleu rosé et sans
nuage. Il a fallu que le prochain exilé gare sa vieille Citroën au bord de la
petite route qui surplombe la ville de Luchon dès que les roues de la deux-
chevaux ont dérapé sur la route blanche. Bien que la traction avant ait la
réputation de pouvoir grimper aux arbres, en cas de patinages répétés mieux
vaut ne pas insister ; il ne sert à rien de faire hurler le petit moteur pour
essayer d’aller plus loin.
Cela fait bien une heure que le montagnard du dimanche a commencé
l’ascension du pic de Céciré qui culmine à 2 400 mètres d’altitude. Ses
spatules en bois équipées de peaux de phoque tracent de belles lignes en
pattes d’oie sur la neige immaculée. La température est négative mais cela
n’empêche pas le grimpeur de transpirer à grosses gouttes tant l’effort est
difficile. À l’époque, les remontées mécaniques n’existaient pas et les
skieurs, qui n’étaient pas légion, ne faisaient la plupart du temps qu’une
seule descente de quelques minutes par jour après plusieurs heures d’efforts
effectués en poussant laborieusement sur leurs bâtons.
Maurice s’essuie le front. Il est temps de faire une courte pause pour
souffler un peu et profiter du paysage. En sortant sa gourde du sac,
l’assoiffé remarque un skieur sur la pente qui lui fait face et constate avec
amusement qu’ils en sont au même stade : la hauteur est identique et son
homologue a choisi tout comme lui de faire une petite halte de repos.
Durant les trois heures qui suivront ce constat, la similitude des deux
sportifs est frappante ; ils montent à la même vitesse, font des pauses et
repartent au même moment si bien que Maurice à l’impression d’être face à
un miroir. Arrivés aux sommets de leurs pentes respectives, les complices
brandissent leur gourde l’un vers l’autre pour saluer leur petite victoire.
Une fois leurs casse-croûte terminés, les acolytes conviennent par gestes
de s’élancer en même temps sur leurs itinéraires improvisés, car inutile de
préciser qu’en 1954 rien n’était balisé ou sécurisé ; tout le monde pratiquait
le hors-piste. Les virages s’enchaînent dans la poudreuse des deux côtés au
même rythme et sans interruptions. La neige légère dessine des volutes
blanches derrière les skieurs chevronnés. Comme les deux versants
aboutissent à la même vallée, les silhouettes se rapprochent de plus en plus.
Le rythme s’accélère. Visiblement, une course tacite s’est engagée entre les
deux hommes. Le gagnant étant celui qui sera le premier en bas.
En fait, il n’y aura pas de gagnant. Non seulement, les concurrents
arrivent en même temps mais en plus, en voulant s’éviter, malgré
l’immensité des lieux, ils finissent par se rentrer dedans assez violemment.
Il n’y aura que des dégâts matériels : une spatule et deux bâtons cassés et
quelques très légères égratignures.
Mais il y aura surtout pour mon futur père une énorme surprise : son
adversaire d’un jour, qui saigne du nez, n’est pas un skieur mais… une très
jolie femme brune de 26 ans ! Il apprend qu’elle s’appelle Solange, qu’elle
est institutrice et qu’elle vient d’être mutée dans une école à Labaderque, un
tout petit village des Hautes-Pyrénées. Mon père l’épousera dès son retour
du Sahara. Solange deviendra ma mère deux ans plus tard.
Ici encore le truc avait tout organisé. Sans cette improbable collision je
n’existerais pas et vous n’auriez jamais pu lire cette belle histoire.
Être à la bonne place

J’AI PASSÉ LA SOIXANTAINE DEPUIS PEU et pourtant je me pose toujours les


mêmes questions qui continuent à hanter les enfants de l’âge de 7 ans
jusqu’à leur adolescence. Qui suis-je ? Que suis-je venu faire sur cette
terre ? Qui décide ? Ces questions existentielles chacun de nous se les est
bien sûr posées au cours de la petite enfance. Ensuite, elles s’effacent peu à
peu car on est en général préoccupé par d’autres centres d’intérêt : la
réussite sociale, la vie familiale, les exigences professionnelles, les parents,
les amis, les loisirs, les voyages, les biens matériels et on se détourne de
l’essentiel. Je ne prétends pas pour autant que nos préoccupations
habituelles sont dénuées d’importance, non loin de là, mais je pense que
l’on devrait davantage s’intéresser à nos motivations originelles ; celles qui,
même sans explications rationnelles, parviennent à nous faire vibrer. En ce
qui me concerne, j’ai évoqué précédemment la TCH, mais il y en a bien
d’autres : des détails de ma vie qui pourraient sembler futiles mais qui ont
pourtant été orientés par ce que j’appelle « ce truc ».
En fait, nous sommes et nous faisons ce que ce truc décide. Et c’est
encore ce truc qui détermine nos motivations profondes. Nous conservons
bien sûr une certaine liberté et un libre arbitre mais nos raisonnements, nos
réflexions, nos logiques influent moins sur nos chemins de vie que les
coïncidences, les synchronicités ou les rencontres fortuites.
Par exemple, si vous réfléchissez sur votre lieu d’habitation actuel, vous
vous rendrez très vite compte qu’il est secondaire à toute une série de choix
qui se sont imposés à vous avec une logique qui vous dépasse et selon une
série de coïncidences souvent surprenantes. Si vous habitez dans un endroit
précis, un appartement, une cabane, un château, une villa, une petite maison
ou une vaste demeure ou même si vous n’avez aucun logement précis, que
vous vivez dans une caravane itinérante ou même en prison, eh bien cela
veut dire que ce truc a décidé que vous devez être là et pas ailleurs. Chacun
est à la bonne place pour accomplir sa mission de vie. Le truc a choisi pour
vous le meilleur endroit même si celui-ci ne vous semble pas adapté à vos
désirs ou à vos envies. Cette évidence fait partie des messages reçus en
TCH : rien n’est grave et tout est juste, nous sommes sur cette terre pour
faire des expériences et progresser sans cesse. Plus nos épreuves sont
difficiles à surmonter et plus nous nous améliorons au niveau spirituel. En
suivant ce raisonnement, dont je conçois qu’il puisse paraître choquant,
surtout quand on subit une épreuve, même s’il est plus agréable d’habiter
dans un château, nous aurions probablement davantage de chances
d’évoluer spirituellement dans une cabane perdue au milieu des bois en
adoptant le statut d’un ermite.
Il en est de nos lieux de vie comme de nos professions : nous exerçons
le métier que le truc a choisi pour nous et c’est exactement celui qu’il nous
fallait.

*
Quand j’ai terminé mes études d’anesthésiste-réanimateur, j’ai souhaité
m’installer dans une clinique privée car, ayant horreur des systèmes
pyramidaux où on devient chef (mais pas nécessairement plus intelligent)
en prenant de l’âge, je ne voulais pas être confronté à la hiérarchie
hospitalière. Le seul problème était que, pour envisager ce projet, il fallait
investir une grosse somme d’argent – ce qui n’est plus le cas aujourd’hui
puisque l’offre de postes est beaucoup plus importante que la demande. Je
n’avais pas un sou en poche et mes jumeaux venaient de naître. Bref, j’étais
dans une impasse financière et je ne vivais que de remplacements
épisodiques pour faire bouillir la marmite. Je commençais à désespérer de
devoir faire toute ma vie régulièrement ma valise pour m’éloigner de ma
petite famille en effectuant des séjours de plusieurs semaines aux quatre
coins du pays lorsque ce truc intervint au moment où je m’y attendais le
moins.
Cette fois-ci, pour m’indiquer la route à suivre, le truc m’envoya un ami
que je n’avais pas vu depuis nos années de lycée à Saint-Gaudens. Malgré
le temps passé, je reconnus tout de suite Xavier qui prenait un petit déjeuner
à la terrasse d’un des nombreux cafés toulousains qui cernent la place
Wilson. Et comme par hasard, chose rarissime, je disposais de temps car je
venais de me rendre compte que la Fnac où je devais acheter quelques livres
n’ouvrait que dans une heure. J’avais donc la possibilité de faire un petit
brin de causette avec lui.
Après la surprise de nos retrouvailles, il m’apprit qu’il était comme moi
devenu anesthésiste et qu’il envisageait de faire une carrière hospitalière au
CHU de Montpellier où il avait fait toutes ses études. C’était déjà
incroyable que je rencontre cet ami d’enfance dans ces circonstances mais
encore plus étonnant d’apprendre qu’il avait choisi exactement le même
métier que le mien. Sa petite amie était ostéopathe dans la ville rose mais
elle envisageait de déménager pour s’installer avec lui à Montpellier. Xavier
venait de faire un remplacement dans une petite clinique de l’Ariège
appelée La Soulano. Il avait trouvé cet endroit très bien. L’anesthésiste qu’il
avait remplacé souhaitait partir à la retraite et avait beaucoup de mal à
trouver un successeur étant donné que personne ne souhaitait venir vivre à
la campagne. La somme d’argent qu’il demandait était dix fois moins
élevée que celles proposées dans les transactions toulousaines.
Je peux dire que ce truc m’a servi cette place sur un plateau d’argent,
même si au départ cette solution sembla illogique, car mon épouse ne
souhaitait pas venir s’installer en Ariège.
J’ai passé à La Soulano les vingt meilleures années de ma vie
professionnelle. Ensuite, comme partout en France, les contraintes
économiques dictées par des décisions politiques totalement imbéciles ont
détruit les petites cliniques de proximité pour fait grossir les plus
importantes. La Soulano n’a pas résisté à cette énorme vague de démolition.
Dans cet établissement, tous les médecins actionnaires étaient à la fois
propriétaires et gestionnaires. Nous prenions les décisions
d’investissements ensemble et c’était toujours dans l’intérêt du patient en
lui offrant un service de qualité. Je me suis beaucoup impliqué pour
maintenir en vie cette structure puisque je suis resté pendant vingt ans
président de CME 1 ; nous n’étions que trois puis deux anesthésistes pour
une dizaine de chirurgiens, un service de réanimation de cinq lits, quatre
blocs opératoires et une maternité. Et comme si cette charge de travail
n’était pas suffisante, j’étais aussi, avec mon autre collègue anesthésiste,
2
médecin pompier et faisais office de praticien SMUR sur les interventions
d’urgence. J’ai aussi contribué à la naissance du SAMU de l’Ariège en
1991 avec mon ami le Dr Chansou, qui est devenu le chef de ce service
d’urgence. Que de souvenirs magnifiques ! Nous étions une véritable petite
famille de médecins et d’infirmières totalement dévoués aux patients. Je ne
veux pas faire office de vieil aigri en disant que c’était « mieux avant »,
mais oui je l’écris quand même et sans aucune honte : c’était cent fois
mieux avant.
Au moment où j’écris ces lignes je sais que je vais bientôt quitter sans
une once de nostalgie un établissement de soins que j’ai fréquenté pendant
deux ans. Cette structure impersonnelle et sans âme que je ne nommerai pas
ressemble à une véritable usine à malades où nous sommes vingt et un
anesthésistes pour occuper une trentaine de blocs opératoires. Cette grosse
clinique est dirigée par des financiers qui, selon moi, ne pensent qu’à
rentabiliser un outil de travail sans prioriser l’intérêt des patients et encore
moins celui des soignants, qui sont considérés comme de simples ouvriers,
des prestataires de services : il faut opérer vite et le plus possible, de
préférence des opérations courtes avec des durées de séjour très brèves pour
ne pas encombrer les lits et tant pis si le patient meurt chez lui d’une
complication chirurgicale. Ce genre de fonctionnement s’appuie sur les
recommandations des agences de santé qui préconisent l’utilisation de la
RAC (réhabilitation améliorée après chirurgie) pour développer la chirurgie
dite « ambulatoire » où les malades rentrent chez eux le jour de leur
opération. Il n’est pas indispensable d’être médecin pour comprendre que
les risques postopératoires augmentent quand la surveillance médicale se
relâche ; ce principe est une lapalissade. Pourtant, le bourrage de crâne
effectué sur les soignants est tellement bien fait, à grand renfort de
PowerPoint ingurgités lors de multiples buffets dînatoires, que certains de
mes confrères finissent par croire que c’est de l’intérêt du malade d’être
surveillé moins longtemps. Or si par exemple on enlève un bout de côlon à
une personne atteinte d’un cancer et qu’une suture digestive lâche au
cinquième jour comme cela arrive assez souvent sans que les compétences
du chirurgien puissent être mises en cause – puisque cette fragilité de
montage concerne des tissus remaniés par des processus inflammatoires –,
le patient meurt s’il est chez lui mais a des chances d’être sauvé s’il se
trouve encore hospitalisé. Seule une nouvelle intervention chirurgicale très
rapide pratiquée sans délai après le diagnostic évite dans ce cas précis une
mort certaine.

Les administratifs et les financiers se sont emparés du pouvoir médical


sous la houlette de Big Pharma. Les médecins ne décident plus rien. Nous
venons de subir une démonstration criante de cette grave dérive lors de la
pandémie de Covid-19. Le 28 mars 2020 un décret gouvernemental 3
autorise l’utilisation de Clonazepam (notamment commercialisé sous la
marque Rivotril®) pour des patients suspectés, et non nécessairement testés,
d’infection virale au coronavirus. Ce médicament qui est un sédatif
anticonvulsivant est bien connu pour ses effets dépressifs au niveau de la
respiration. Il faut être clair : administrer un tel médicament par voie
intraveineuse à une personne qui a des difficultés respiratoires, comme c’est
le cas dans cette infection virale, reviendrait ni plus ni moins à le tuer et non
à le soigner, et ceci sans le consentement obligatoire du patient ou de sa
famille. L’utilisation du produit se faisant hors AMM 4 et en dehors de son
indication habituelle d’anticonvulsivant, il était recommandé de mettre sur
l’ordonnance : « Rivotril : prescription hors AMM dans le cadre de la
Covid-19 » pour l’obtenir en pharmacie. Bien que je puisse comprendre
l’intérêt de l’utilisation du Rivotril dans les Ehpad, je me demande si ce
décret n’a pas entraîné certains abus. En effet, rien n’interdisait
d’administrer ce produit mortel à un patient ayant des difficultés
respiratoires en raison d’une simple bronchite bactérienne.
Autre ingérence dans le pouvoir médical, le Gouvernement, après avoir
publié un deuxième décret le 25 mars 2020 autorisant l’usage de
l’hydroxychloroquine pour traiter la Covid-19, décide de l’abroger le
27 mai. Cette dernière décision interdit aux médecins de prescrire le seul
traitement actif à cette date sur la Covid-19 : l’association
r
hydroxychloroquine-azithromycine, préconisée par le P Didier Raoult de
l’IHU 5 de Marseille, qui diminuerait, d’après sa propre étude, la charge
virale de plus de 75 % en cinq jours.
Ces deux produits peu coûteux employés de façon très large par cet
institut d’infectiologie mondialement connu ont été diabolisés par le
Gouvernement et les médias mainstream alors qu’ils sont largement utilisés
depuis plus de cinquante ans pour d’autres indications spécifiques et ceci
sans aucun problème. Cette interdiction sera relayée quelques semaines plus
tard par le COM 6 sous prétexte qu’« elle donnerait de faux espoirs aux
patients ». On croit rêver !
Enfin, Le Canard enchaîné dévoile dans son édition du 22 avril 2020 un
nouveau scandale : une circulaire du ministère de la Santé en date du
19 mars qui conseille de limiter fortement l’admission en réanimation des
personnes les plus fragiles âgés de plus de 75 ans. Et ceci alors qu’il existait
en France des lits disponibles de réanimation, surtout dans les cliniques
privées du sud de la France.
Il reste Dieu merci les réseaux sociaux et les livres pour informer les
gens ; les quatre vidéos 7 que j’ai postées sur YouTube à ce sujet ont été
vues plus d’un million de fois. L’une d’elles a été supprimée.
Dans notre pays les médecins n’ont aucune liberté d’expression ou
plutôt aucune liberté d’information. Il est donc normal que peu de médecins
français prennent le risque de parler publiquement de ces scandales
sanitaires car, comme on a pu le remarquer, mis à part certains comme le
Pr Perronne de l’équipe de Marseille et de trop rares généralistes, comme le
r r
D Violaine Guérin, le D Martine Wonner ou d’autres qui ont annoncé que
désormais ils ne paieraient plus leur cotisation annuelle à l’Ordre des
médecins, presque personne n’ose bouger le petit doigt.
Comment et surtout pourquoi ce truc a-t-il organisé une telle gabegie au
détriment de l’humain ? Je l’ignore totalement. Peut-être aurons-nous un
jour la réponse ? Peut-être…

Cette pandémie virale n’a toutefois pas eu que des effets négatifs. Mis à
part les trop nombreux décès et la détresse financière et morale qu’elle va
entraîner dans beaucoup de familles, elle nous a permis de nous recentrer
sur l’essentiel en assimilant les valeurs matérielles au superflu, voire à
l’inutile : à quoi sert d’avoir une belle voiture si on ne peut plus rouler ?
Nous avons fait une pause pour nous consacrer à l’introspection, à la lecture
de livres, à l’écoute de musiques oubliées. Nous avons dépollué la planète
en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Nos animaux ont repris
leurs places essentielles, les abeilles sont revenues et les oiseaux se sont
remis à chanter. Mais saurons-nous tirer les leçons de tout cela ?
1. Conférence médicale d’établissement. Le président de CME est élu par les médecins d’un
établissement de soins pour les représenter auprès des administrations et les agences régionales
de santé.
2. Service mobile d’urgence et de réanimation.
3. Décret no 2020-360.
4. Autorisation de mise sur le marché.
5. Institut hospitalo-universitaire.
6. Conseil de l’Ordre des médecins.
7. https://youtu.be/3iancr6DXCY
https://youtu.be/UFzyZX6F708
https://youtu.be/2sK39ITBWvw
https://youtu.be/rpaEvisjeg4
Nos lieux de vie nous choisissent

DEUX ANS APRÈS MON INSTALLATION à La Soulano, pris par mes occupations
professionnelles, il ne me restait que très peu de temps pour les loisirs, qui
se limitaient à un peu de ski en hiver, puisque la ville de Lavelanet où je
travaillais est à seulement vingt minutes de voiture de la station des Monts
d’Olmes, et à quelques balades à pied ou à vélo quand les beaux jours
revenaient.
J’ignore pourquoi ce matin-là j’ai voulu prendre la petite route de
Péreille alors que je pédalais habituellement sur un circuit qui passait par le
col de Montségur pour revenir ensuite sur Lavelanet en croisant la fontaine
intermittente de Fontestorbes. Je ne connaissais pas du tout cet endroit et on
pouvait facilement deviner que le chemin que j’empruntais finirait dans une
impasse, ce qui est effectivement le cas. Je devais rapidement changer de
braquet car la côte devenait de plus en plus raide. Je décollais les fesses de
ma selle pour monter en danseuse en tirant sur les bras et sentais mes
tempes battre de plus en plus fort. De grosses gouttes de sueur tombaient
sur mon guidon. Puis tout à coup, il y eut ce craquement au niveau de ma
roue arrière, accompagné d’une douleur violente derrière mon tibia droit ;
un bruit sec, intense et bref que je n’avais jamais entendu de ma vie. Mes
pieds ne rencontraient plus aucune résistance ; je pédalais dans le vide. Un
coup d’œil vers le bas me permit de constater que ma chaîne venait de
casser en fouettant au passage mon mollet qui saignait. Les cyclistes
chevronnés qui ont parcouru des milliers de kilomètres, ce qui est loin
d’être mon cas, savent que cela n’arrive jamais. Ce qui se produisait là était
rarissime, improbable et même inimaginable.
Il ne me restait plus qu’à revenir à pied chez moi en tirant mon vélo
après avoir descendu la côte en roue libre. Je ne pouvais prévenir personne
car à l’époque les téléphones portables n’existaient pas ou en tout cas
n’étaient pas d’une utilisation courante. Mais avant d’envisager ce pitoyable
retour, je devais m’occuper de ma jambe blessée pour ne pas perdre trop de
sang. Je me mis torse nu et m’assis sur un rocher afin de confectionner un
pansement compressif en nouant mon maillot trempé de sueur sur le mollet
couvert de sang. Quand ma petite intervention fut terminée, je levais la tête
et découvris un paysage d’une beauté à couper le souffle. J’étais dans une
forêt de chênes. À travers les branchages qui oscillaient lentement devant
moi et les fougères géantes qui ouvraient leurs larges mains de lumière vers
le ciel, on voyait toute la chaîne de Pyrénées, le pic du Saint-Barthélemy et
le départ de la station de ski des Monts d’Olmes. En premier plan se
détachait le « pog » du château de Montségur ; cette dent géante semblait
sortie d’une mâchoire terrible prête à m’engloutir. Je suis incapable
d’analyser ce qui se passa à ce moment-là, mais je sais que j’ai décroché du
réel comme si je venais d’être assommé. Des larmes coulaient sur mes joues
sans que j’en comprenne la raison. Ce paysage me gobait doucement et je
me fondais en lui ; nous ne faisions plus qu’un. À entendre tous ces récits
de sortie de corps, il est possible que je sois entré, l’espace d’un instant,
dans une autre dimension au-dessus des cimes et des vallées et que je ne
m’en souvienne plus. Je me suis rarement senti aussi bien et aussi heureux
qu’à cet instant précis. J’entamais un dialogue avec ce truc.
— C’est magnifique. C’est étrange, il me semble que je connais ce
paysage ; j’ai l’impression d’avoir déjà habité ici.
— Oui, tu ne vivais pas très loin d’ici, à l’époque des Cathares.
— Cela ne m’étonne qu’à moitié. Je fais souvent le même rêve :
j’entame la montée du château de Montségur au milieu d’un village ; il y a
des personnes très pauvres ; c’est à l’époque médiévale ; il y a de la boue,
des poules et des petits cochons noirs. Je porte du lait et je suis pieds nus,
revêtu d’une robe de bure. J’ai plus tard appris que ce village a réellement
e
existé au XII siècle tel que je le vois dans ce rêve récurrent.
— Mais tu vas bientôt habiter ici de nouveau.
— Ici ? Mais c’est impossible, c’est une forêt, il y a des rochers partout
et la pente est bien trop importante pour bâtir une maison.
— Rien n’est impossible, ce terrain est peut-être à vendre, on peut
abattre quelques arbres et faire un terrassement. Renseigne-toi.
Je pris très au sérieux le conseil du truc. Le terrain en question
appartenait au maire de Lavelanet qui était aussi le médecin biologiste de
La Soulano. Personne ne voulait l’acheter car il était trop pentu et rempli
de rochers. Je devins dès le mois suivant le propriétaire de ces quatre mille
mètres carrés pour l’équivalent de la modique somme de dix-huit mille
euros actuels. Le pari de construire une maison dans ce lieu magique était
risqué mais fut une parfaite réussite puisque j’écris ces lignes dans une des
pièces de cette maison de deux étages qui a aujourd’hui plus de vingt-cinq
ans.
Olé torero !

J’EUS, QUELQUES ANNÉES PLUS TARD, un autre dialogue avec ce truc lors d’une
belle après-midi ensoleillée du mois de juin. Nous étions partis avec
Laurent et Coco faire une petite promenade digestive après avoir déjeuné
sur la terrasse de notre toute nouvelle habitation. Notre trio de promeneurs
grimpait depuis une bonne heure sur un des chemins qui montent au-dessus
de Péreille. Mon fils n’avait alors que 12 ans et tout en marchant il
s’amusait à lancer des bouts de bois à notre jeune dalmatien Ramsès pour
qu’il nous les rapporte en grognant joyeusement ses prouesses. Au moment
de passer devant l’enclos où était habituellement parqué « Grossevaloch »,
Corinne nous fit remarquer qu’il n’était plus là. Mon épouse avait donné ce
surnom à ce taureau en raison de l’impressionnante grosseur de ses mâles
attributs. La mélodie des grillons et des cigales encourageait nos efforts.
Comme nous n’avions rien pris à boire, qu’il faisait très chaud et que la soif
nous gagnait, nous décidâmes de raccourcir l’itinéraire prévu en coupant à
travers champs pour rejoindre un autre sentier qui nous ramènerait à la
maison. Nous passâmes sans encombre une première clôture électrique en
la soulevant avec une branche morte, puis une seconde. Nous étions au beau
milieu du champ à environ cinq cents mètres de sa limitation lorsque nous
aperçûmes l’impressionnante silhouette de Grossevaloch. L’animal était là,
immobile, à quelques centaines de mètres de nous, et ses immenses cornes
pointaient vers le ciel comme une menace que l’on pouvait pressentir
cruelle. À côté de ce monstre aux armes dressées, deux autres taureaux tout
aussi massifs que lui étaient dans la même attente. On aurait dit que les
bêtes musculeuses se concertaient pour savoir quel sort elles allaient
réserver aux trois intrus affublés d’une petite bestiole gesticulante tachée de
noir et de blanc qui venaient perturber leur quiétude. Nous étions pétrifiés
par la peur. Les aboiements joyeux de Ramsès se transformèrent vite en
sifflements plaintifs comme si son instinct animal pressentait l’imminence
d’un grave danger. Grossevaloch gratta le sol avec ses pattes tout en agitant
la tête de haut en bas comme une grosse locomotive noire qui s’apprête à
démarrer pour écraser des envahisseurs.
— Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Corinne. Il me sembla qu’il était
plus raisonnable de ne pas avancer.
— Rien, on ne bouge pas ! lui répondis-je. Elle insista :
— On fait demi-tour ?
Ce n’était pas non plus la bonne solution car je savais qu’une fuite
précipitée les exciterait et qu’en moins de deux minutes nos agresseurs
seraient sur nous, en tout cas bien avant que nous puissions rejoindre la
clôture électrique qui limitait la nouvelle propriété de Grossevaloch.
Laurent, tremblant de peur, serrait la main de sa mère. « Maman, j’ai peur
là, ils vont nous tuer, hein maman ils vont nous tuer ? » Et c’est à ce
moment-là qu’un nouveau dialogue s’instaura entre ce truc et moi :
— Tu dois montrer à ces trois taureaux que tu n’as pas peur d’eux.
— Ah ! oui, vraiment ! et comment je vais leur montrer ça ?
— Fonce sur eux !
— Hein ? Pff ! n’importe quoi !
— Si, fonce sur eux, c’est la seule chance de vous en sortir.
— Vraiment ?
— Ben oui, regarde, maintenant ils sont trois à gratter la terre ; ça veut
dire que dans quelques secondes ils vont vous attaquer pour vous encorner.
T’imagines un peu le carnage que ça sera ?
— Bon d’accord, foutu pour foutu, je vais essayer ça.
Quand je me mis à courir vers eux, j’entendis Laurent crier : « Non,
papa ! t’es fou, ne fais pas ça, reviens ! » puis Corinne : « Tu veux te
suicider, c’est ça, hein ? » En fait il est vrai que mon initiative pouvait
sembler débile car du coup le trio venait de décider de me charger et
accourait maintenant au triple galop vers leur cible commune : l’insignifiant
bonhomme qui osait venir les déranger sans autorisation. Soixante-dix kilos
de chair humaine contre trois fois cinq cents kilos de muscles remontés à
bloc ! Tout en continuant ma course j’interpellais ce truc :
— C’est une idée stupide, ça ne marche pas du tout.
— Mais si, ça va marcher, si tu leur fais vraiment peur, ça va marcher.
— Je ne fais vraiment pas le poids, si j’étais à leur place, je n’aurais
vraiment pas peur de moi.
— Crie très fort en agitant les bras.
— N’importe quoi !
— Si tu ne fais pas ça, tu es mort dans moins de vingt secondes !
— OUAAAH !
Je crois que je n’ai jamais crié aussi fort de ma vie. C’était un
rugissement de prédateur cruel, un vacarme inhumain qui déchire le ciel,
plus fort qu’un claquement d’éclair, j’y ai mis toutes mes tripes ;
l’extériorisation d’une hargne incroyable dont je ne me sentais même pas
capable. Comment un son aussi puissant qui fit écho dans toutes les vallées
a pu sortir de moi ? Je l’ignore. C’est Grossevaloch qui, sans doute étonné
par mon hurlement soudain et autant de détermination, ralentit le premier,
puis très rapidement les deux autres l’imitèrent. Et tandis que je continuais à
vociférer de toutes mes forces en courant vers eux, ils s’immobilisèrent
enfin. Je n’étais plus qu’à une vingtaine de mètres des trois colosses quand
ils décidèrent de faire demi-tour puis de détaler à toute vitesse en meuglant
leur affolement comme si un tsunami les poursuivait.
Le truc venait sans aucun doute de nous sauver la vie.
Une alerte nocturne

POUR RECEVOIR LES INFORMATIONS DE CE TRUC il faut savoir écouter son cœur,
c’est-à-dire que l’on ne doit pas hésiter une seconde à faire ce qu’on pense
être bon pour soi ou pour les autres, ce qui revient au même car le bonheur
que l’on saura apporter à l’autre reviendra tôt ou tard comme un
boomerang. Par exemple si vous donnez un billet de dix euros à un
mendiant dans la rue, la reconnaissance que vous lirez dans ses yeux vous
procurera beaucoup de joie et de légèreté, votre cerveau secrétera de la
dopamine, si bien que le plaisir et le bien-être que vous en retirerez
vaudront largement la somme que vous aurez investie. Le mendiant recevra
ce cadeau comme un petit miracle car il est sûrement très rare qu’un passant
dépose un billet de dix euros dans sa coupelle. Et croyez-moi, un être
humain qui bénéficie de ce genre de grâce irradie tout autour de lui des
ondes positives que vous capterez facilement, vous serez son ange, son
bienfaiteur, sa prière exaucée. Les personnes qui travaillent pour des œuvres
caritatives comme La Croix-Rouge ou les Restos du cœur connaissent cet
état de grâce, cette nourriture spirituelle. C’est tellement puissant que cela
devient rapidement addictif ; tous les amis que je connais et qui travaillent
dans ces structures ne les ont jamais quittées.
Le truc vous orientera toujours vers votre propre destin et si par
négligence, par paresse ou par facilité vous vous en éloignez, il placera sur
votre chemin des balises, des rappels sous forme de coïncidences. Ces
hasards organisés se répéteront jusqu’à ce que vous en compreniez la
signification et que vous les preniez enfin en compte.
Comme je l’ai précisé précédemment, au moment où j’écris ces lignes
cela fait deux ans que je travaille dans une clinique qui ne me plaît pas et
que je vais bientôt quitter ; celle-ci est pourtant toute neuve, bien équipée et
ne manque de rien. Cette structure immense regroupe en fait deux
anciennes grosses cliniques toulousaines. Étant donné que je suis resté
treize ans dans l’une d’elles, je connais la moitié du personnel de santé, qui
a déménagé avec moi dans ces beaux bâtiments. En intégrant ces locaux, les
gens qui travaillaient à mes côtés se sont rapidement transformés : ils
étaient auparavant aussi souriants que chaleureux et sont devenus peu à peu
tristes et aussi froids que les murs gris de la bâtisse qu’ils ont intégrée. Dès
le premier jour, le truc m’a dit : Ne reste pas là, trouve-toi rapidement un
autre endroit pour travailler, cette clinique n’a aucune âme, c’est une usine
à malades, tu ne vas pas être heureux ici, fuis au plus vite… J’ai eu bien tort
de ne pas l’écouter.
La direction ayant durci les négociations syndicales pour aligner au plus
bas les grilles salariales des deux établissements fusionnés, il y eut
rapidement une grève des aides-soignants et des infirmiers, créant un
profond malaise avec les praticiens libéraux qui, étant payés à l’acte,
souhaitaient reprendre le travail au plus vite. C’était une deuxième bonne
raison pour partir… L’inertie de cette grosse machine envahie par un
personnel administratif presque aussi nombreux que le personnel soignant
ralentit en permanence le rythme de travail habituel, si bien qu’il faut se
soumettre à une foison de protocoles inutiles, inventés par des bureaucrates
qui n’ont jamais vu un malade, avant de pouvoir endormir un patient qui
finit par arriver au bloc après avoir effectué un itinéraire administratif digne
du parcours du combattant. Troisième bonne raison… Mais le truc insista.
En trente-cinq ans d’exercice je n’ai jamais eu un seul problème
relationnel avec un chirurgien ni avec un malade, et là je subis les deux en
même temps dans une sombre affaire, relayée par le quotidien local et sur
les réseaux sociaux compte tenu de ma notoriété. Quatrième et cinquième
« coïncidences » ou tout au moins signaux d’alerte. Mais le truc est têtu :
comme je ne bronchais toujours pas, j’ai finalement reçu une lettre de
rupture de contrat avec préavis. J’aurais dû être plus attentif à ma première
impression. Il faut toujours écouter le truc surtout quand il répète aussi
souvent ses conseils. Le problème, c’est que la plupart du temps nous ne
savons relier les coïncidences et les indications du truc que
rétrospectivement tandis que nous avons tendance à les négliger ou à les
ignorer au moment où elles se produisent. D’emblée, dès le jour où je suis
entré dans cette clinique, je savais au fond de moi que cela se passerait mal
et que je n’y serais jamais heureux.
Les coïncidences envoyées par ce truc ne surviennent jamais par hasard
et, lorsqu’elles se produisent, nous devons réfléchir à leurs significations.

Avec Coco, nous sommes retournés sur la route du cap Corse qui a
manqué nous tuer. Cette fois-ci nous étions à moto. J’avais loué une Harley-
Davidson à Marseille parce que ma coéquipière ne souhaitait pas que je
transforme cette belle promenade inspirante en circuit de course au guidon
d’une Kawasaki. Nos casques sans visière nous permettaient de profiter
pleinement de l’air marin. Corinne derrière moi s’amusait à mettre ses bras
à l’horizontale à chaque virage pour me montrer qu’elle était heureuse. Je
me régalais à faire gronder les deux cylindres en V inclinés à quarante-cinq
degrés qui caractérisent la silhouette légendaire de cette bécane mythique.
À chaque mouvement de ses pistons, le moteur et le système
d’échappement tout entier basculent de l’avant à l’arrière. Toute la moto
tremble comme si elle sursautait, au point que la roue avant semble décoller
du sol. Le tout est accompagné d’une sonorité rauque et puissante ; c’est ce
que l’on appelle les good vibrations Harley.
Au moment d’arriver sur notre lieu de pèlerinage où nous avions failli
mourir après ce fabuleux dérapage contrôlé par la lecture de Coco, la roue
arrière de la moto explosa en rendant ma trajectoire encore plus
incontrôlable que la première fois. Une incroyable malédiction allait bientôt
nous précipiter vers la mort car cette fois-ci je ne pouvais plus éviter le
pire : le grand saut dans le vide. Je sentais les mains de Coco s’agripper à
mon blouson de cuir. L’Harley se coucha et nous percutâmes le mince
parapet situé à gauche de la table d’orientation. Coco hurla à mes oreilles :
« Adieu mon amour, on se verra dans une autre vie ! » C’était triste et
magnifique. Notre cheval métallique tomba plus vite que nous. Il se
fracassa contre les rochers en explosant et termina sa chute dans la mer.
Nous le suivions de près. Et tandis que nous flottions dans l’air, Coco vint
me rejoindre pour me donner la main comme le font les parachutistes quand
ils sont en chute libre avant d’ouvrir leur toile. C’est au moment où nous
allions toucher le premier rocher que le miracle se produisit : des ailes
géantes nous poussèrent dans le dos pour nous conduire dans un magnifique
tunnel de lumière.
Je me dressai sur mon lit le cœur battant, trempé de sueur.
Ce cauchemar n’est pas arrivé pour rien et me permit sans doute
d’éviter un accident. En effet, ce matin-là l’examen du pneu arrière de ma
Kawasaki Ninja me permit de détecter une vilaine boursouflure sur son
flanc droit. Je téléphonai aussitôt à mon garagiste et partis travailler en
voiture en laissant ma moto chez moi. Il est certain que si je n’avais pas fait
ce rêve, il n’y aurait eu aucune vérification de ma part. Ce n’était pas pour
rien que ce truc m’avait adressé ces images pendant ma nuit de sommeil : il
fallait absolument que je vérifie l’état de mon pneu arrière avant de partir.
Quand ce truc se sert de cette chose

IL EST TOUT À FAIT ÉPOUSTOUFLANT de se rendre compte à quel point ce truc


peut produire une grande série de coïncidences pour nous amener à réaliser
nos destins. En 2020, Maryse a 53 ans. Elle est infirmière libérale et
travaillait très dur au moment où elle a perdu Michel, son mari, le jour de
son anniversaire, le 3 janvier 2017. Ce jour que désormais elle maudit,
l’amour de sa vie partit en voiture précipitamment pour acheter les
cinquante bougies oubliées qui devait décorer le gâteau. Il n’est jamais
revenu. Les accidents de la route arrivent toujours quand on s’y attend le
moins. Ces deux-là étaient visiblement très fusionnels, si bien qu’après
cette mort brutale, Maryse sombra très vite dans la dépression et
l’alcoolisme. Elle fit plusieurs séjours en secteur psychiatrique et finit par
accepter une cure de désintoxication.
Un beau matin, en allant faire ses courses au centre Leclerc de son
quartier, elle rencontra une ancienne connaissance qui remplissait le coffre
de sa voiture des provisions qu’elle venait de faire : première coïncidence.
Tout en bavardant, Maryse remarqua qu’il y avait dans le caddie de sa
copine un de mes livres, Cette chose… : deuxième coïncidence. Cette
découverte l’intrigua car l’amie retrouvée disait toujours qu’elle détestait la
lecture et qu’elle préférait voir un bon film plutôt que de passer des heures à
tourner des pages. Émue par le récit de la jeune veuve qu’elle n’avait pas
vue depuis une bonne dizaine d’années, la propriétaire de mon ouvrage le
lui offrit en pensant qu’il lui serait plus utile qu’à elle : troisième
coïncidence. L’ancienne infirmière qui était en congé maladie longue durée
pour trouble psychiatrique dévora l’ouvrage et apprit que, lors d’ateliers de
TCH, on pouvait parfois entrer en contact avec des défunts. Elle fit part à
ses enfants de son rêve d’assister à une séance. Fin décembre 2017, ses fils
obtinrent une place libérée par un désistement de dernière minute dans la
ville où réside leur mère pour la lui offrir en cadeau d’anniversaire :
quatrième coïncidence. La TCH de Maryse fut pour elle une bénédiction.
Bien qu’à son grand regret, elle ne pût avoir de contact avec Michel, elle
reçut l’information qu’elle avait depuis toujours un don qu’elle ignorait
totalement, celui de pouvoir soigner avec ses mains : cinquième
coïncidence. Une semaine après cette stupéfiante révélation, un de ses
enfants se fait une entorse à la cheville : sixième coïncidence. Sans trop
vraiment croire à ses pouvoirs cachés, la maman applique ses mains sur
l’articulation enflée. Et là, miracle ; non seulement le fiston est
immédiatement soulagé mais après une vingtaine de minutes de soins
maternels, il peut poser son pied au sol et se remet à marcher comme si de
rien n’était.
L’ancienne infirmière exerce aujourd’hui avec beaucoup de bonheur et
de réussite son nouveau métier de magnétiseuse.
Je suis certain que si vous réfléchissez aux coïncidences qu’il a fallu
que ce truc réalise pour arriver à exercer votre métier actuel vous en
trouverez au moins six. C’est ce que j’ai pu remarquer en testant mon
entourage ; cela va de six à treize coïncidences successives pour les plus
chanceux ; enfin quand j’écris « les plus chanceux » je veux parler des
personnes qui ont été de nombreuses fois guidées pour accomplir leur destin
professionnel car il est évident que l’on ne peut évoquer la chance quand on
exerce un métier que l’on déteste et qui est purement alimentaire, car cela
existe aussi.
En reproduisant ce questionnement pour les autres secteurs de nos
existences : rencontre du conjoint, lieux d’habitation, choix de ses amis, de
sa voiture, etc., on se rend bien compte que ce truc intervient très souvent,
pour ne pas dire en permanence, dans nos chemins de vie. Vous pouvez
aussi prendre un carnet avec vous et noter tous les jours le nombre de
coïncidences que vous rencontrez, vous serez surpris du nombre obtenu en
seulement une petite semaine. En fait, on ne s’en rend pas bien compte car
si on ne trouve aucune logique à leurs survenues, on les ignore et on les
oublie très vite.
Par exemple, si en vous promenant dans la rue vous croisez une
personne qui porte la même eau de toilette que celle de votre ancien petit
ami, vous allez peut-être acheter dans l’après-midi un plat cuisiné que vous
aviez l’habitude de déguster avec lui, sans faire la relation avec le parfum
que vous avez inhalé « par hasard » quelques heures plus tôt et vous ne
vous serez même pas aperçu que le choix que vous avez fait pour votre
dîner est en relation directe avec votre ex. Pour reconnaître les informations
de ce truc, il faut arriver à capter les coïncidences et, une fois qu’elles sont
identifiées, trouver la logique qui les relie afin de comprendre leurs
significations. Nous avons vu qu’en ce qui concerne l’abandon de mon
poste à la clinique, il a fallu que le truc insiste vraiment avant que je quitte
définitivement cet établissement ; il est clair aujourd’hui qu’exercer dans
cet endroit n’appartient pas à mon itinéraire. Ce fut cependant une sortie de
route utile, ne serait-ce que pour faire la démonstration que vous êtes en
train de lire ou peut-être aussi pour d’autres raisons que j’ignore encore. À
l’inverse, je sais que mes ateliers de TCH correspondent au bon plan de
l’Univers car un nombre impressionnant de coïncidences m’y ont conduit
en balayant avec une grande facilité tous les obstacles les plus compliqués
et les plus difficiles à franchir. Ce truc est parvenu à m’ouvrir les yeux et le
cœur dans la bonne direction car je suis rempli de joie chaque fois que je
fais une séance.
Comment dialoguer avec ce truc

LE DIALOGUE AVEC CE TRUC est à la portée de tout le monde ; la sagesse


populaire qui ne se trompe jamais prétend avec raison que « vouloir, c’est
pouvoir » et cet aphorisme s’applique parfaitement ici. Non, nul besoin
d’être ni médium, ni intuitif, ni particulièrement doué pour entendre ce truc,
il suffit de savoir qu’il existe et d’écouter son cœur, ou son âme, si vous
préférez. Dès que vous percevez une information qui vous semble décalée,
illogique, irrationnelle, hors propos, déraisonnable, insensée, extravagante,
absurde, aberrante, incohérente, eh bien il y a de fortes chances que ce soit
ce truc qui vous parle. Vous conviendrez alors que ce que vous entendez, ou
plutôt ce que vous pensez, ne peut venir de vous, d’une réflexion
personnelle mûrement réfléchie. Cette intuition subite vient donc de
l’extérieur ; d’une conscience extraneuronale qui vous pousse à accomplir
votre destin. Soyez à l’écoute de votre propre destin. Foncez sans peur ni
appréhension. Il n’y a pas à hésiter. Le truc a toujours raison et vous
poussera à faire le choix qui sera le mieux adapté à votre chemin de vie,
même si ce ne sera pas immédiatement évident.
Le plus souvent c’est en priant ou en méditant, comme je l’ai fait, assis
sur ce rocher au bord de la route de Péreille après mon accident de vélo, que
l’on peut être connecté, mais c’est aussi dans l’urgence sous le coup d’une
violente émotion, comme je le fus lors de ma rencontre avec les trois
taureaux. Devant un grave danger imminent, on prend très rapidement la
meilleure décision à cause de cela. La personne qui aura su écouter le truc
sera sauvée.
Face à une tempête en mer, aucun marin ne consulte un livre pour savoir
comment se sortir du pétrin ; il se laisse guider par ses propres ressentis et
trouve la stratégie la mieux adaptée à la situation en seulement quelques
secondes.
Vous pouvez aussi vous entraîner à obtenir cette connexion et vous
bénéficierez alors assez facilement de tout un champ d’informations qui
pourront vous aider.
Si vous avez une décision importante à prendre ou que vous hésitez
entre plusieurs options et que vous ne savez pas comment vous en sortir, il
est totalement illusoire de peser le pour et le contre de chaque choix car
personne ne peut quantifier l’importance de ce que vous aurez sélectionné.
Prenons un exemple simple. Vous êtes en couple depuis peu avec une
personne que vous aimez mais vous n’osez pas vous engager davantage
avec elle car vous ne savez pas si elle correspond vraiment à votre
personnalité et si votre couple va s’épanouir en parfaite harmonie. Si vous
faites une analyse rationnelle et réfléchie des avantages et des
inconvénients, vous allez lister les défauts et les qualités de votre futur
conjoint potentiel et en tirer un bilan. Cette façon de faire n’est pas bonne
car une fois en couple tout se transformera. Peut-être que des défauts
insupportables apparaîtront tandis que les qualités que vous aviez observées
disparaîtront ou alors, ne soyons pas que négatifs, peut-être que ce sera
l’inverse, c’est-à-dire encore mieux que vous ne l’auriez imaginé car ce
seront les défauts observés qui s’évanouiront tandis que d’autres qualités
aussi nouvelles qu’insoupçonnées apparaîtront. Le mieux est de ne pas
réfléchir et de laisser plutôt parler votre conscience intuitive extraneuronale.
Pour ce faire, je vous indique quelques techniques personnelles. Ce sont
les miennes, mais une fois que vous aurez saisi le principe, vous pourrez
facilement en trouver d’autres. L’essentiel est de pouvoir mettre votre
cerveau au repos. Il ne devra plus fabriquer les informations, mais les
recevoir ; ne plus penser, analyser ou réfléchir mais accueillir les
stimulations, les ondes, les énergies qui viennent de l’extérieur. C’est en
effet lorsque l’activité électrique corticale cérébrale diminue que les
expériences les plus merveilleuses se produisent et que l’on peut ensuite les
restituer si on parvient à s’en souvenir : lors du sommeil, des comas, de
l’anesthésie générale, de l’arrêt cardiaque ou de l’hypnose. Si le cerveau
perçoit une activité sensorielle répétitive et suffisamment irrégulière pour
qu’elle devienne imprévisible, il va la recevoir en lâchant totalement
l’analyse anticipatoire et, au bout d’un certain temps, il se mettra en mode
« vacances ». La visualisation d’un mouvement oscillant et aléatoire
convient très bien. Pour les personnes qui sont plus auditives que visuelles,
on pourra alterner des sons continus à différentes fréquences en donnant la
préférence aux plus basses, les infrasons, comme ceux obtenus avec les bols
tibétains ou les tambours des chamans.
Personnellement, j’aime bien m’asseoir dans la nature, observer les
nuages qui se transforment au gré du vent, le mouvement des branches ou
des feuilles oscillantes, le cours d’une rivière ou d’un ruisseau ou encore le
ressac des vagues en bord de mer. Quand la météo m’oblige à rester à
l’intérieur, ce peut être des gouttes de pluie qui explosent en tombant sur le
sol ou leurs marques laissées sur la vitre d’une fenêtre. Quelques fois un feu
de bois ou la simple flamme d’une bougie suffisent à me faire décoller. Si
vous fixez sans bouger et au calme les différentes scènes que je viens
d’énumérer, au bout d’un certain temps, qui sera d’autant plus court que
vous êtes entraîné, vous allez nécessairement être en état de connexion,
c’est obligatoire, et vous serez alors surpris de recevoir des informations
totalement inattendues.
Mais le truc arrive parfois spontanément. Je suis sûr que vous avez déjà
entendu prononcer les phrases suivantes : Cette incroyable idée m’a
traversé l’esprit… Je ne sais pas ce qui m’a pris mais j’ai fait ceci ou
cela… Je ne sais pas pourquoi j’ai eu tout à coup besoin de lui dire ceci ou
cela… Je n’ai pas pu m’empêcher de…
Vous pouvez être certain que les personnes qui utilisent ce genre
d’expressions ont été nécessairement connectées à ce truc. D’ailleurs,
n’avez-vous jamais utilisé vous-même l’une de ces quatre phrases ?
Je fais souvent de longs trajets en voiture pour rejoindre les villes où se
trouvent mes ateliers de TCH. Quand je conduis sur les autoroutes, je sais
que je peux recevoir des informations de ce truc tandis que mon cerveau
traite en mode automatique les gestes que je dois effectuer pour poursuivre
ma route : changements de vitesse, clignotant, freinages, accélérations et
différentes actions à effectuer sur le volant. Mes neurones, habitués depuis
des années à réagir devant à peu près toutes les situations rencontrées sur le
macadam, vont traiter tout cela sans que je m’en occupe ; les
renseignements perçus par mes cinq sens seront triés en ne retenant que
l’essentiel. Par exemple quand un véhicule plus lent est devant moi, je vais
regarder dans le rétroviseur pour vérifier que je puisse déboîter sans danger,
je vais ensuite mettre le clignotant et le doubler mais si quelqu’un me
demande de quelle couleur était la voiture que je viens de dépasser, je serai
incapable de le dire. Vous pourrez vérifier cela vous-même en posant la
question à celui ou celle qui vous conduit sur un long trajet. Cette foule
d’analyses occupe le cerveau de manière sélective pour lui permettre d’être
le plus efficace possible et de se libérer de ses pensées habituelles. La
conscience analytique cérébrale (CAC) inactivée comme durant une
hypnose nous rendra alors disponible pour recevoir des informations
extérieures venant de notre conscience intuitive extraneuronale (CIE) par
laquelle ce truc nous contacte. On retrouve ce même phénomène
hypnotique quand on effectue des tâches automatiques : tondre sa pelouse,
éplucher des patates, passer l’aspirateur, faire la vaisselle, couper du
bois, etc.
En ce qui me concerne, j’ai souvent pris d’importantes décisions dans
ma vie en conduisant, en tondant la pelouse ou en débroussaillant le sous-
bois qui est devant ma maison. Ce sont dans ces moments-là que le truc me
parle.
Les personnes qui sont en relation avec leur conscience intuitive
extraneuronale ont une attitude particulière : elles sont en général
immobiles avec le regard fixe. Face à de telles attitudes, les enfants – qui
sont plus connectés que les adultes – se font gronder par leurs parents qui
leur reprochent d’être encore « dans la lune », les couples se disputent :
— À quoi tu penses encore ?
— À rien.
— Tu te fous de moi ? Je vois bien que tu penses à quelque chose. La
vérité c’est que tu ne veux pas me dire à quoi tu penses, voilà tout !
Et on imagine facilement la suite de la conversation…
Les moments de connexion à la CIE sont rares et précieux ; ils doivent
être respectés. Je le dis et le répète ici : si vous voyez une personne
immobile et le regard fixe, foutez-lui la paix ! Elle ne pense à rien, elle est
tout simplement en relation avec des informations qui vont sans doute
l’aider à guider sa vie.

Vous trouverez à la fin de ce livre un texte de méditation que j’ai tout


spécialement réalisé pour cet ouvrage. Il vous permettra de mettre en
sourdine votre CAC pour vous relier à votre CIE afin de peut-être recevoir
des informations de ce truc. Vous aurez de cette façon les moyens d’être en
quelque sorte hypnotisé par votre propre voix et j’espère que cette
autohypnose, que vous pourrez répéter autant de fois que vous le souhaitez,
vous amènera à trouver des chemins insoupçonnés ou tout au moins vous
aidera à trouver des solutions à vos problèmes.
Ma rencontre avec Édith Piaf

NOUS AVONS VU QUE CE TRUC peut intervenir en diffusant des informations


pendant le sommeil – « la nuit porte conseil », dit un vieil adage populaire.
Lequel d’entre nous ne s’est pas réveillé un beau matin avec la solution à un
problème jusque-là irrésolu ? Ce truc, qui est en relation avec une
conscience universelle qui contient l’ensemble des données
indépendamment du temps ou de l’espace, peut nous faire vivre, pendant
que nous sommes dans les bras de Morphée, non seulement des scènes de
notre passé mais aussi celles de notre futur sous forme de rêves
prémonitoires.
Les religieux considèrent unanimement que les rêves sont des
communications privilégiées avec Dieu. La Bible est remplie de songes –
divins – avec des apparitions d’anges annonçant et transmettant le
message. Yahvé interdit au peuple d’Israël de pratiquer la divination et
l’astrologie qui rendent impur, mais va expressément consacrer le songe
comme mode de communication entre lui et les hommes. Ainsi, alors
qu’Aaron et Myriam, le frère et la sœur de Moïse, s’interrogent sur les
sentiments de Yahvé à leur égard, celui-ci descend du ciel dans une colonne
de fumée et dit : « S’il y a parmi vous un prophète, c’est en vision que je me
révèle à lui et c’est en songe que je lui parle. »
Les polythéistes de l’Antiquité grecque utilisaient les services
d’onirocrites (de oneiro, songe et kirsten, juger) pour interpréter les rêves
envoyés par les dieux de l’Olympe. Les disciples d’Hippocrate accordaient
une telle importance aux rêves qu’ils invitaient leurs malades à venir dormir
dans le temple d’Asclépios, dieu de la Médecine, afin qu’ils puissent
raconter leurs rêves au réveil pour faciliter la découverte des bons remèdes.
Et pour induire leurs vécus oniriques, ils n’hésitaient pas à faire inhaler
certains somnifères administrés en fumées.
L’Égypte fut, des pays de l’Antiquité, celui qui a sans doute essayé le
plus tôt de percer le secret des rêves en rédigeant sur papyrus de véritables
décodeurs qui sont en fait les ancêtres des « clés des songes » freudiennes
que nous connaissons aujourd’hui.
De la tradition hébraïque vont naître deux héritières. La première est
tout naturellement la tradition talmudique, enrichie au cours des siècles.
Elle était le fait de rabbins qui découvrirent déjà les éléments d’une
sexualité déguisée sous les images oniriques, mais où les démons tiennent
une place importante. La deuxième héritière de l’Ancien Testament allait
être la civilisation arabe. Tout le monothéisme imposé par Mahomet aux
tribus de Bédouins illettrés est tiré de la tradition juive : Dieu unique,
paradis, enfer, Adam et sa filiation, les prophètes, tout y est. En créant
l’unité religieuse du monde arabe, le Prophète allait donner un essor
prodigieux à une civilisation du plus grand raffinement qui honora le culte
des rêves. Mahomet vit en rêve l’archange Gabriel qui l’appelait à répandre
la bonne parole. En Égypte, on considérait que les rêves étaient tous
envoyés par Dieu. Bref, on le voit bien, à toutes les époques, et encore
aujourd’hui, on a toujours donné une grande importance aux rêves.

Une nuit, il y a environ une vingtaine d’années de cela, un terrible


cauchemar me fit sursauter et mon cri d’effroi réveilla Corinne :
— Qu’est-ce qui t’arrive ? me demanda-t-elle en allumant la lumière.
— Je n’en sais rien…
En fait je mentais car je savais très bien ce qui venait de se passer. Il
était 4 heures du matin. Je partis à la cuisine pour boire un verre d’eau et
revins me coucher. Coco voulait en savoir plus :
— Alors, tu me racontes ton rêve ou quoi ?
— Il faisait nuit. Je conduisais. Tu étais à côté de moi et à l’arrière
Laurent et Damien se disputaient. À la radio on entendait la chanson de Piaf
Non, je ne regrette rien, mais le son était mauvais, il y avait plein de
parasites. On roulait vite, la route était belle. Tu m’as montré une petite
route à droite et tu m’as dit que je m’étais trompé, qu’il fallait tourner là sur
cette petite route. Tu avais un drôle de regard avec des yeux
phosphorescents. J’ai freiné et j’ai mis la marche arrière pour prendre la
direction indiquée. Ma pédale d’accélérateur s’est bloquée et nous reculions
de plus en plus vite. Le volant tournait dans le vide. Je ne contrôlais plus
rien : ni la vitesse, ni la direction. La chanson de Piaf aussi s’était accélérée
et le son était de plus en plus mauvais. Nous foncions, ou plutôt nous
tombions à reculons dans une espèce de puits sans fond. Les gosses criaient,
ils avaient comme toi une trouille bleue. Et moi je ne pouvais rien faire, rien
du tout ! Puis d’un seul coup, on a franchi un obstacle difficile à décrire ;
c’était à la fois doux et violent, un peu comme un passage dans un milieu
aquatique après un plongeon de dix mètres ; on sent l’impact et on se
retrouve en apesanteur dans l’eau au milieu des bulles. Oui, c’est à peu près
ça… Et alors là, le noir absolu, le néant. J’ai ressenti une extraordinaire
sensation de bien-être. Au fond, un rond de lumière éclairait une scène de
théâtre. Dans ce rond de lumière, Édith Piaf chantait la chanson qu’on
écoutait dans la voiture, mais cette fois-ci la musique était magnifique.
C’était comme si j’étais au milieu de l’orchestre. Je m’approchais
doucement d’elle… une sorte de zoom avant. Elle me souriait comme si elle
me voyait. La chanson se terminait. Il n’y avait pas de public. Piaf n’avait
chanté Non, je ne regrette rien que pour moi. J’étais peut-être à cinquante
centimètres de son visage quand elle me dit : « Souviens-toi de cette date :
le 7 août » et c’est à ce moment-là que j’ai crié.
— Oui, bon, rendors-toi. Tu as vu l’heure ? Ton réveil va sonner dans
deux heures !
Mais impossible de trouver le sommeil, alors quitte à être réveillé,
autant l’être tout à fait. Je fis une nouvelle virée vers la cuisine pour boire
un café serré et chercher la signification de ce rêve sur Google en tapant :
« Édith Piaf 7 août » dans le moteur de recherche. Non, rien de rien, non, je
ne trouvais rien, ni en bien ni en mal, que dalle ! Ce matin-là, je partis
bosser la tête en vrac, obsédé par ce message précis que je cherchais à
comprendre. J’enviais presque les malades que j’avais à endormir ; eux au
moins n’avaient pas ce genre de problème à résoudre. C’est dire à quel
point cette énigme me prenait la tête ! Qu’est-ce qui allait se passer le
7 août prochain ? Piaf m’accueillerait-elle ce jour-là dans l’au-delà ? Et si le
7 août était la date de ma mort ? Je n’aurais dans ce cas que deux petits
mois à vivre.
Dans la soirée, je téléphonai à mon ami médium Henry Vignaud. Après
tout, la dernière fois que nous nous étions vus, il m’avait prédit que j’allais
bientôt être contacté par l’au-delà ; ce rêve qui me semblait on ne peut plus
réel était-il ce fameux rendez-vous ? Henry m’écouta attentivement sans me
couper – ce qui est pour lui une véritable prouesse – et me confirma que ce
rêve était bien un message de l’au-delà, en me rassurant sur la phrase de
Piaf. Le célèbre médium était certain que je n’allais pas mourir le 7 août et
qu’il allait au contraire se passer quelque chose de très positif pour moi ce
jour-là.

Quelques semaines plus tard, vers 23 heures, je fumais mon traditionnel


cigare du soir sur la véranda en contemplant le magnifique clair de lune.
J’aime bien ce vieux fauteuil en cuir usé sur lequel j’étais installé, il est
aussi moche que confortable. Aujourd’hui, il est encore plus moche et n’est
même plus confortable puisque ses ressorts viennent volontiers vous
taquiner les fesses dans les trente secondes qui suivent votre installation.
Pourtant, au désespoir de tout le monde, je n’arrive toujours pas à m’en
séparer. Quand Coco m’embête avec ça, je lui dis qu’il n’y a pas beaucoup
de femmes qui reprochent à leur mari d’être fidèle malgré le poids des
années. Donc, tout en savourant l’instant sur ce trône adoré, je caressais le
bois luisant de la table Henri II de ma grand-mère sur laquelle était posé le
cendrier. Je repensais aux coïncidences qui avaient récemment abouti à sa
restauration. Le meuble crasseux avait été retrouvé par hasard au fond de
mon garage sous un amas d’objets inutiles par Auguste Lopez, un ami
menuisier venu m’aider à faire un peu de rangement. « Elle est très belle
cette table, ça vaudrait le coup de la remettre à neuf, c’est du bois massif »,
m’avait-il dit en examinant l’antiquité sous tous les angles. Sans cette
découverte et son expertise, l’objet séculaire aurait probablement pourri sur
place dans l’indifférence générale.
Le requiem de Verdi attaquait son Lacrimosa, lorsque mon fils Damien
vint s’asseoir à mes côtés :
— Tu ne sors pas avec tes copains ce soir ? lui demandai-je intrigué.
— Bof ! non, je n’ai pas envie.
— Ton frère est sorti, lui.
— Oui, il est allé à l’anniversaire de Pierre.
— Tu n’as pas voulu y aller ?
— Bof, non…
— Pourquoi ?
— Pas envie…
Manifestement, il était inutile d’insister. Corinne vint nous rejoindre
avec deux bougies blanches allumées qu’elle posa sur la table.
— Alors, les hommes, on médite dans le noir ? Laurent n’est pas avec
vous ?
— Non, il est à l’anniversaire de Pierre.
— Tu n’y es pas allé ?
— Non, maman, je préfère rester ici.
— Vous vous êtes disputés ?
— Mais non, maman, t’es lourde là, je préfère être ici au calme, c’est
tout. Mais pourquoi tu mets ce verre à l’envers sur la table ?
— Tu vas bien voir ! Faites comme moi, tous les deux : mettez un doigt
de la main gauche au-dessus du verre sans le toucher et concentrez-vous !
Nous obéîmes sans moufter. On eut dit que nous n’avions pas d’autre
choix que d’exécuter cet ordre surprenant. En moins de trois minutes, le
verre se mit à bouger et se dirigea vers moi. Croyant à une sorte
d’hallucination collective, nous le remîmes aussitôt à sa position initiale
avec nos doigts pointés dans la même position qu’au début de l’expérience.
— Mais c’est quoi, ça ? Je sais pas si vous êtes au courant mais on est
en train de faire du spiritisme là, c’est dangereux, on ne fait pas ça
n’importe comment sans protection et on…
— Tais-toi, Jean-Jacques, on est protégés, ne t’inquiète pas, coupa
Coco.
— Chut ! renchérit Damien.
— Franchement, vous me faites flipper, je viens de sentir quelqu’un
m’effleurer le dos de la main. C’est toi, Coco, qui vient de me toucher ?
T’as profité de mes yeux fermés pour me toucher, c’est ça, hein ?
En fait, je savais bien que ce n’était ni elle ni Damien qui était à
l’origine de cette sensation. Coco parlait comme un robot :
— Non, c’est ta grand-mère ; c’est Marie-Rose qui est là !
Le verre glissa à nouveau vers moi. Un frisson parcourut mon corps de
la tête aux pieds. Damien convint d’un code : à droite pour dire oui, à
gauche pour non. Corinne posa les premières questions et nous reçûmes
d’étonnantes informations : c’était bien Marie-Rose qui était avec nous et
qui faisait bouger le verre ; non, elle n’avait pas souffert au moment de sa
mort ; oui, dans l’au-delà tout est amour ; oui, elle était heureuse de voir sa
table restaurée ; oui, l’au-delà est bien mieux que la vie sur terre ; non, il
n’est pas facile de communiquer avec les personnes qui sont sur terre.
Damien posa des questions plus difficiles : oui, les extraterrestres existent ;
oui, ils sont plus évolués que nous. Sa troisième sollicitation resta sans
réponse : impossible de savoir s’il existait des mondes parallèles.
— Inutile d’insister, elle est partie. Il n’y a plus rien, trancha Coco.
Elle essaya ensuite d’appeler Jeanne, sa grand-mère. Mais rien à faire,
le verre resta immobile. Nous étions tous les trois stupéfaits par ce que nous
venions de vivre. Damien regretta de ne pas avoir posé des questions plus
pertinentes. Il était à la fois heureux et frustré de ce trop court échange.
Corinne nous dit ensuite qu’elle savait pourquoi Jeanne n’était pas venue :
Laurent n’était pas là, et sans sa présence elle sentait que le contact avec sa
mamie serait impossible. À peine eut-elle fini son explication qu’on
entendit le scooter de Laurent rentrer dans le garage. Deux minutes plus
tard, il nous rejoignait dans la véranda :
— Qu’est-ce que vous faites ? vous faites venir les esprits ou quoi ?
— Tu n’es pas resté avec tes copains ? se contenta de répondre mon
épouse.
— Non, je les ai laissés. Je suis venu ici, je ne sais pas pourquoi. J’ai
senti qu’il fallait que je vienne. Qu’est-ce que vous faites ?
Corinne lui raconta en détail ce qui venait de se produire jusqu’à ce que
quatre doigts interrogateurs s’alignent au-dessus du verre. Tout à coup,
Coco sursauta. Sa chaise avait bougé ; deux petits coups secs perçus sur le
dossier :
— Jeanne est là, nous dit-elle en tremblant.
Nous avions encore en mémoire l’effleurement ressenti sur ma main qui
avait annoncé l’imminence du contact avec ma grand-mère. Nous étions
prêts. Corinne entama le dialogue. Les réponses s’enchaînèrent sans délais :
oui, c’était bien Jeanne qui avait fait bouger le siège ; oui, elle nous voyait ;
oui, elle nous guidait ; oui, c’était bien elle qui nous avait protégés au cap
Corse en immobilisant notre voiture à quelques centimètres du vertigineux
ravin ; oui, les enfants allaient réussir leur vie ; non, sa mort n’avait pas été
douloureuse. Pourtant Jeanne avait été retrouvée morte sur le carrelage de
sa cuisine, avec des traces de sang sur le visage et tous ses vêtements
déchirés. Damien profita de l’émotion de sa mère pour poursuivre
l’interrogatoire : non, nous ne sommes pas seuls dans l’Univers ; oui, il
existe une intelligence supérieure qui nous dirige. Comme la fois
précédente, sa troisième question demeura sans réponse. Mamie Jeanne ne
voulut pas dire, ou plutôt ne put pas dire, si Dieu existait… Corinne eut une
crise de violents tremblements. Nous devinions que c’était fini et que les
contacts étaient terminés. Nous ressentions tous la fuite d’une indicible
présence. Nous savions qu’il était inutile d’essayer de poursuivre cet
incroyable dialogue. Nous étions vidés, aussi fatigués qu’après une épreuve
sportive. Laurent fixait des yeux le verre immobile. C’est alors que Damien
me demanda :
— Quelle heure est-il, papa ?
— L’heure d’aller se coucher, répondis-je en consultant ma montre.
— D’accord, mais quelle heure est-il ? insista-t-il.
— Minuit vingt.
— Donc, il est plus de minuit.
— Oui, bien sûr, et alors ?
— Alors s’il est plus de minuit, nous sommes le 7 août ! Édith Piaf
t’avait prévenu : « Souviens-toi de cette date, le 7 août. »
En rédigeant ces lignes, je pense à certains de mes confrères qui
tournent en ridicule toute expérience spirituelle. Mieux vaut prendre ces
moqueries avec philosophie car ce genre de dérision a certainement des
r
raisons plus profondes. Le D Goren Grip, qui est un anesthésiste maître de
conférences et praticien dans un grand hôpital de Suède, disait : « En
comprenant une petite partie du corps humain, les médecins pensent en
avoir acquis la totale maîtrise. Mais qu’apparaisse quelque chose qu’ils ne
peuvent expliquer et c’est toute leur vue du monde qui menace de
s’effondrer. Voilà pourquoi tant de médecins plaisantent des expériences
spirituelles : en réalité, elles leur font peur. »
Et cette nuit-là le truc nous avait poussés à mettre quatre doigts sur un
verre pour contacter l’au-delà. Une expérience si émouvante qu’elle restera
toujours dans nos cœurs.
Savoir écouter son cœur

NOUS AVONS PRIS L’HABITUDE de raisonner avec les modélisations que l’on
connaît et celles-ci sont étroitement dépendantes de nos repères terrestres
axés sur nos dimensions spatio-temporelles. Ainsi, quand on me demande à
l’issue de mes conférences à quel endroit je situe l’au-delà ou l’existence de
nos défunts, je réponds que l’on ne peut les localiser de façon géographique
car ils sont dans une dimension où ni le temps ni l’espace n’existent. Nous
sommes contraints de raconter à nos enfants que nos chers disparus sont
« au ciel » car il est difficilement concevable d’admettre la réalité d’une
personne si elle n’est pas dans un endroit précis.
Il en est de même pour ce truc. La première question que l’on va se
poser à son sujet est d’essayer de connaître son identité : Qui est ce truc ?
Qui est cette petite voix intérieure qui nous parle ?
Certains vont penser qu’il s’agit d’un Dieu qui aura un nom particulier
en fonction de la religion pratiquée, d’autres vont plutôt croire qu’il s’agit
d’un ange gardien ou d’un guide de lumière ou encore d’un parent ou d’un
ami défunt qui prodigue ses conseils. Pour la plupart d’entre nous, une
recommandation, une injonction ne peuvent être données que par une ou
plusieurs personnalités même si elles se trouvent dans une autre dimension.
En fait, mes longues recherches sur ce sujet m’ont permis de comprendre
que dans le monde invisible tout n’est qu’énergie et que les informations
nous sont transmises de cette façon. Cette énergie que j’ai qualifiée
d’universelle dans mes précédents ouvrages regroupe l’ensemble des forces
en présence et donc tout le monde a raison : ce truc peut-être aussi bien
l’énergie christique que celle d’un ange gardien ou que celle d’une tout
autre nature ; en fait c’est celle que l’on ressent dans son cœur et l’on ne se
trompe jamais sur son identité quand on laisse parler son âme.
Mais faut-il pour autant suivre aveuglément toutes nos pulsions ?
Certainement pas.
Dans le livre La Mort expliquée aux enfants mais aussi aux adultes 1, je
compare notre cerveau à un poste de radio : il reçoit plusieurs informations
mais celles qui viennent de ce truc sont les mieux perçues ; c’est comme si
ce truc était la seule station de radio valable, la seule qui soit claire, nette et
parfaitement audible.
En éloignant le poste radio des zones de bonne réception, il captera
moins bien l’émission principale et on peut alors entendre n’importe quoi
venant de n’importe quelle autre station ; des radioamateurs, des radios
pirates et autres émissions plus ou moins bonnes. Tout cela casse les oreilles
jusqu’à ce que l’on décide soit d’éteindre le poste, soit de bouger le curseur
ou de se déplacer pour essayer de retrouver la station favorite.
De la même façon, si on s’éloigne des principales informations données
par ce truc, le cerveau pourra recevoir des messages venant d’« esprits
parasites » qui produiront des mauvaises pensées. Dans ce cas-là, il faut
essayer de se connecter rapidement aux informations de ce truc en arrêtant
celles venant d’on ne sait trop où.
Pour chasser ces mauvaises idées qui ne viennent pas de ce truc, il suffit
de les identifier avec son cœur. Quelqu’un qui est poussé par une petite voix
intérieure à faire quelque chose de mal saura toujours au fond de son cœur
que ce n’est pas bien. Certains parlent d’« esprits possessifs » ou d’« esprits
du bas astral » pour nommer ces mauvais conseillers qui rendent les séances
de spiritisme dangereuses quand on les fait n’importe comment et sans
protection. On peut en effet concevoir que, une fois décédées, les mauvaises
personnes ne s’améliorent pas subitement en passant dans l’au-delà et
poursuivent leurs méchantes actions en tentant d’influencer négativement
les vivants.
Ces esprits possessifs qui envahissent des personnalités vulnérables
peuvent les pousser à faire les pires choses. Ainsi, des gens tout à fait
respectables et apparemment normaux vont commettre, sans que l’on s’y
attende, des actes terribles et diront, une fois l’irréparable commis, qu’ils ne
se souviennent de rien ou qu’ils ont entendu des voix leur demandant
d’exécuter des ordres précis. Les exemples sont nombreux. Les médias en
parlent régulièrement. Un père de famille respectable prend un beau matin
son fusil, sort de chez lui et tire sur la foule. Un autre qui, au volant de sa
voiture, fonce sur un marché de Noël et tue plusieurs personnes ou, un autre
encore, qui s’enferme dans un poste de pilotage pour envoyer un avion
rempli de passagers se fracasser contre une montagne.
Tous ces affreux meurtriers sont aussi des victimes ; ils n’ont pas su
faire taire les esprits possessifs qui les envahissaient. Devant de tels drames,
la société ne sait trop quoi faire de ces individus devenus des monstres le
temps de ces quelques minutes où elles ne pouvaient se contrôler. Comment
réagir ? Les mettre en prison pour le restant de leurs jours ou leur donner
des traitements lourds pour essayer de soigner leur folie ? Malheureusement
il n’existe aujourd’hui aucun remède miracle pour guérir ces possessions.
Le seul véritable remède est en eux, dans leur cœur, dans leur âme.
J’ai eu comme nous tous des mauvaises idées, des envies de meurtres,
des idées de destructions mais je sais que ces informations ne venaient pas
de moi et j’ai pu facilement les évacuer de cette façon. Quand j’ai ressenti
le besoin impérieux de tourner mon volant à droite pour rejoindre la femme
qui deviendrait mon épouse alors que j’ignorais totalement que j’allais faire
une telle rencontre, que j’avais un examen important à préparer et que je
savais pertinemment que ce que je faisais était illogique et risquait de
perturber sérieusement mes révisions, je sentais au fond de mon cœur que
c’était bien.
Il faut toujours écouter son cœur, c’est de cette façon que les
informations de ce truc deviennent perceptibles.

1. La Mort expliquée aux enfants mais aussi aux adultes, Guy Trédaniel, 2015 ; version
illustrée, 2020.
Un itinéraire balisé

L’OUVRAGE QUE VOUS VENEZ DE LIRE est certainement le plus intime des dix-
huit que j’ai déjà écrits. J’apparais ici en toute sincérité et dans les
confidences les plus occultes ; une mise à nu en quelque sorte, au propre
comme au figuré (vous avez pu vous en rendre compte en lisant le chapitre
du « perroquet géant »). La prise de risque de toutes ces révélations est bien
réelle mais j’ai néanmoins choisi cette option. Après tout, nous sommes
tous des humains avec nos faiblesses et nos qualités. Comme je ne suis ni
dans le calcul ni dans la séduction, que je n’ai rien à prouver, et que je me
moque pas mal de ce que l’on pourra penser de moi, j’ai voulu rester le plus
honnête possible et sans concession par rapport à mes propres vécus et
ressentis, quitte à parfois choquer par l’impudeur de mes propos.
Tout en retrouvant l’aspect biographique du récit qui a fait le succès du
livre précédent 1, on a pu découvrir dans ces lignes une partie de ma
personnalité qui était jusqu’alors cachée car je la trouvais sans doute trop
personnelle pour être dévoilée. Je pense qu’il est toutefois important et utile
de la révéler car elle explique certains aspects de mon singulier
cheminement qui semble pour beaucoup totalement marginal, voire
illogique. Cette longue explication était donc nécessaire.
J’ai toutefois souhaité que ce texte soit avant tout un message d’espoir ;
une bouée de secours pour les personnes désespérées qui, arrivées à une
période douloureuse de leur vie, pensent que tout s’écroule et que tout est
fini. Non, ce n’est jamais fini ; ce qui est détruit se reconstruit toujours,
d’une façon différente, bien sûr, car le nouvel édifice ne ressemble que très
exceptionnellement à celui qui est perdu, il pourra même être en totale
opposition et n’avoir aucun point commun avec celui qui le précède. Ce que
nous avons à vivre doit être vécu pour notre propre évolution. Par exemple,
j’ai remarqué que beaucoup de parents endeuillés ont développé une grande
spiritualité après la perte de leur enfant alors qu’ils étaient auparavant très
axés sur les valeurs matérielles, totalement athées, et complètement détruits
dans les instants qui ont suivi le drame.

Une de mes amies me raconta l’histoire suivante :

Un jour, un prêtre est venu rendre visite à une famille endeuillée. En le


voyant arriver chez elle, la maman s’écria : « On vient d’assassiner ma fille
de 18 ans. Si Dieu existe, comment a-t-il pu laisser faire cela ? » Le
religieux fixa un moment la maman éplorée du regard et lui dit : « C’est une
question qui me tourmente moi aussi. La meilleure réponse qui m’a été
fournie vient du sermon d’un prêtre âgé que j’ai entendu voilà des années.
Il voyageait au Moyen-Orient et avait été impressionné par la splendeur
des tapis persans qu’il avait vus dans une vitrine. Ces merveilleuses
créations si habilement tissées et ornées de motifs magnifiques l’avaient
profondément troublé. Il entra dans le magasin, où certaines de ces
magnifiques pièces de tissus étaient suspendues au plafond pour mieux être
exposées. Alors qu’il examinait l’envers des tapis, il s’étonna à la vue du
chaos que formaient les fils qui partaient dans tous les sens. Une telle
beauté d’un côté et la confusion totale de l’autre ; l’envers et l’endroit d’un
même projet. Le message lui apparut alors clairement. Dans cette vie, nous
ne voyons que l’envers du tapis. »

Faisons confiance à l’Univers, ce que nous pensons être mal pour nous
est parfois un bienfait caché pour le futur ; un mal pour un bien, comme dit
le proverbe.
*
HJ Lim est une jeune pianiste virtuose, concertiste internationale. Dans
l’une de ses nombreuses interviews données dans le monde entier, elle
raconte une légende de son pays, la Corée du Sud, qui symbolise son
parcours de vie chaotique. C’est l’histoire d’un paysan très pauvre qui un
jour voit arriver un cheval abandonné devant sa maison. Ses voisins lui
disent qu’il a beaucoup de chance d’avoir reçu ce magnifique cadeau du
ciel, mais l’homme tant envié n’est pas très enthousiaste et il répond en
souriant : « Oui, peut-être, c’est possible mais je ne sais pas. » Le vieux
paysan choisit d’offrir le cheval à son fils pour le récompenser d’avoir bien
travaillé avec lui dans les champs. Mais quelques jours plus tard, l’apprenti
cavalier tombe de cheval et se casse une jambe. Les voisins vont alors
rendre visite au père de l’estropié en pensant le trouver totalement effondré
par ce malheur qui lui tombe dessus. Mais le vieux sage est toujours
souriant. Un des voisins s’adresse à lui : « Tu n’as vraiment pas de chance,
finalement ce cheval n’aura pas été un bon présent pour toi car avec cette
blessure ton fils ne pourra pas t’aider aux champs et toute ta récolte va être
perdue. » Le paysan fait alors la même réponse : « Oui, peut-être, c’est
possible mais je ne sais pas. » Le lendemain, la guerre éclate dans le pays et
tous les jeunes gens valides sont réquisitionnés pour partir à la guerre. Les
enfants des voisins se font tous tuer et il ne restera au village pour toute
jeunesse que le fils du paysan qui n’avait pas pu être mobilisé en raison de
sa jambe cassée.
Peut-être que HJ Lim lira ces lignes car dans cette même interview, elle
annonce qu’elle me suit depuis le début de ma carrière d’écrivain et qu’elle
possède tous mes livres. Je la remercie pour cette jolie légende arrivée au
bon moment et qui illustre parfaitement mes propos.

*
Restons humbles, soyons les spectateurs de nos vies car c’est le truc qui
choisit toujours ce qui est bon pour nous. Ce que nous pensons être le
meilleur est parfois le pire et inversement.
Je devais rendre ce manuscrit à mon éditeur en décembre 2019 mais,
pris par le temps, le dernier jour de l’année je n’avais toujours pas écrit une
seule ligne. Un délai supplémentaire m’a été gentiment accordé jusqu’en
juillet 2020. Inquiète, mon épouse me dit avec raison :
— Mais comment tu vas pouvoir écrire un livre en si peu de temps ?
C’est impossible, j’ai regardé ton agenda ; tu as tous tes week-ends occupés
par tes gardes et tes ateliers de TCH, et le reste du temps tu es à la clinique.
J’ai compté que tu n’avais d’ici juillet que quinze jours de vacances. Tu ne
comptes quand même pas écrire un livre en quinze jours ? Quand est-ce que
tu vas te reposer un peu ? Tu ne sais même pas ce que tu vas écrire…
— Si, je sais très bien ce que je vais écrire, j’ai déjà tout le livre dans
ma tête.
— Ah bon ?
— Oui et j’ai même le titre.
— Ah bon ? C’est quoi ?
— Ce truc.
— Ce truc ?
— Oui, ce truc, la suite de Cette chose…
— Tu te fous de moi ?
— Pas du tout et je sais que je vais trouver le temps de l’écrire. J’en suis
sûr. J’ai remarqué que c’est toujours comme ça ; quand je décide de faire
quelque chose de bien, l’Univers me donne un petit coup de main.
À vrai dire, je n’étais pas aussi certain de ce que je venais d’annoncer à
Coco pour la rassurer et je me demandais tout comme elle à quel moment
j’allais pouvoir effectuer ce travail. La seule solution était d’annuler tous les
stages de TCH prévus jusqu’en juillet mais cette décision n’aurait pas été
correcte vis-à-vis des trois personnes qui travaillent avec moi pour réaliser
ces projets.
Le truc décida à ma place. Il envoya ce foutu coronavirus qui annula
tous nos ateliers jusqu’au mois de septembre et m’accorda aussi une
interdiction temporaire d’exercice qui me permit d’écrire tout ce que vous
lisez dans ce livre.
Il ne faut jamais désespérer.
Vous aussi, faites confiance à ce truc. Au moment où vous êtes perdu, il
vous montre toujours le meilleur chemin à suivre pour votre propre
évolution en orientant et organisant sans cesse les rencontres et les
événements de votre vie, même ceux qui peuvent a priori paraître les plus
futiles, les plus insignifiants ou les plus anodins. Par exemple, ce truc vous
a permis de faire cette lecture et il est sûr que vous ne serez désormais plus
tout à fait la même personne car, lorsqu’on a conscience de son existence, la
vie prend immédiatement une tout autre tournure et on se met alors à
savourer l’imprévu avec un plaisir de gourmet, même celui qui est
apparemment le plus désagréable.
Ce truc vous aura montré que, même dans les moments les plus
difficiles qu’il aura provoqués, le plan est déjà tracé et l’itinéraire balisé
pour que vous puissiez accomplir au mieux votre propre destin.
Merci à ce truc qui nous fait vivre tant de choses.

1. Cette chose…, First éditions, 2017.


Texte de méditation pour recevoir les informations de ce truc

VOUS ENREGISTREREZ CE TEXTE LU À VOIX HAUTE. Vous parlerez lentement et


calmement. Les points de suspension laisseront des pauses d’environ trois
secondes. Les périodes de silence plus longues sont indiquées dans le texte.
Vous pourrez dans l’idéal mettre un fond sonore de musique de relaxation.
Vous en trouverez de nombreux sur le Net. Choisissez celui qui convient le
mieux à votre personnalité ; il s’agit toutefois de sélectionner un morceau
qui vous procure du calme et de la détente en privilégiant les sons graves
aux aigus. Personnellement, j’aime bien me servir des œuvres de Steve
Roach ; les rythmes et les tonalités de ce compositeur californien sont très
inspirants. Ses premiers albums, sortis au début des années 1980, sont dans
la lignée des productions de Tangerine Dream.
Le mieux sera d’écouter votre enregistrement final qui mélange votre
voix à la musique choisie avec des oreillettes ou un casque.
Vous vous installerez dans un endroit calme et sans bruit ou personne ne
sera susceptible de venir vous déranger pendant au moins une trentaine de
minutes ; ce peut être sur le lit de votre chambre ou sur un fauteuil que vous
aimez bien. La pièce ne doit pas être trop exposée à la lumière ; de
préférence dans l’obscurité totale.
Positionnez-vous confortablement et écoutez ceci après avoir laissé
dérouler une à deux minutes de l’enregistrement musical que vous aurez
fait.
J’inspire profondément par le nez tout le positif qu’il y a autour de
moi pendant trois secondes ; un, deux, trois, je bloque en haut une
seconde ; et j’expire par la bouche tout le négatif qui est en moi
pendant cinq secondes ; une, deux, trois, quatre, cinq. Je renouvelle
cinq fois cette inspiration forcée… [le temps nécessaire à ces
5 mouvements respiratoires]
Je ferme doucement les yeux et je respire maintenant normalement,
calmement, au rythme qui me convient… d’ailleurs cet air qui entre
et qui sort de mes poumons ne me concerne plus, tout est calme et
détendu… [10 secondes] Calme et détendu… Je suis calme et
détendu… Mes idées, mes pensées, les bruits extérieurs sont comme
des nuages dans un ciel bleu par temps de vent… ils passent… c’est
tout… Mes idées, mes pensées, les bruits extérieurs sont comme des
feuilles ou des brindilles à la surface d’un ruisseau… ils passent…
c’est tout… Calme et détendu… [30 secondes] Les muscles de mon
front sont relâchés, relaxés… La peau de mon front devient lisse
[rallonger la dernière syllabe]… comme la surface d’un lac…
[10 secondes] Les muscles qui entourent mes yeux sont relâchés,
relaxés… Il en est de même pour les muscles de mes joues… pour
les muscles qui entourent ma bouche… pour les muscles de ma
langue… pour les muscles de ma mâchoire… d’ailleurs mes dents
ne se touchent plus, tout est calme et détendu… [10 secondes] Les
muscles de mon cou sont relâchés, relaxés… ainsi que les muscles
de mes épaules… de mes bras… de mes avant-bras… de mes
mains… de mes doigts… [10 secondes] Ma relaxation descend
lentement et agréablement le long de ma colonne vertébrale… de
haut en bas [10 secondes] Et c’est comme si mon corps devenait
tout à coup lourd… Lourd [étirer la syllabe]… très, très lourd…
c’est comme si mon corps s’enfonçait sur son support… Lourd
[étirer la syllabe]… très, très lourd… [10 secondes] Les muscles de
mes fesses sont relâchés, relaxés… ainsi que les muscles de mes
cuisses… de mes jambes… de mes mollets… de mes pieds… de
mes orteils… [10 secondes] J’imagine… J’imagine que mon corps
est une simple enveloppe de chair… une enveloppe lourde…
immobile… totalement immobile… immobile et inerte… J’imagine
que je peux quitter cette enveloppe de chair posée sur son support…
Ce corps lourd est devenu si lourd et si petit pour moi… si lourd et
si petit… Je me sens tellement léger… tellement grand dans ce
corps devenu trop lourd et trop petit pour moi… qu’il me devient
très facile d’imaginer le quitter… oui, si facile… je suis tellement
grand et tellement léger… [10 secondes] Expansion de
conscience… Expansion de conscience… Expansion de
conscience… [10 secondes]
J’imagine quitter un instant ce corps le temps d’un voyage…
J’imagine être au-dessus de lui et je visualise parfaitement la
scène… [10 secondes] J’imagine qu’un cordon d’argent me relie à
mon corps terrestre, un cordon solide qui peut s’étendre à l’infini et
qui me reliera toujours à mon corps terrestre… Très facile de passer
la matière… J’imagine traverser le plafond et être à l’extérieur de
cette pièce… [10 secondes] Les paysages s’éloignent… La maison
s’éloigne… Je passe à travers les nuages… à travers l’atmosphère
terrestre… Je visualise la courbure terrestre, ce bleu irisé de blanc
au milieu d’un ciel étoilé… Je visualise la Terre, notre planète, qui
s’éloigne… de plus en plus, elle devient comme un gros ballon
bleu… une balle bleue… une bille bleue… un petit point bleu perdu
au milieu des étoiles… des étoiles qui elles aussi s’éloignent… elles
deviennent de plus en plus petites et de moins en moins nombreuses
et… elles disparaissent… noir, tout est noir mais c’est un noir
apaisant, rassurant, enveloppant, c’est comme si j’étais dans une
sorte de tunnel… un tunnel dans lequel je monte en tournant
lentement sur moi-même… c’est comme si j’étais aspiré vers le
haut… aspiré par une lumière qui m’attire… une lumière puissante,
une lumière aimante, une lumière qui m’aime et que j’aime, une
lumière que je connais… c’est comme si je rentrais chez moi, dans
ma vraie maison… [10 secondes] Je pénètre à présent dans cette
belle lumière, la lumière est tout autour de moi, tout autour de moi,
tout autour de moi… Et c’est comme si j’étais dans un bain d’amour
inconditionnel… je ressens parfaitement cet amour… [10 secondes]
La lumière connaît tout de moi dans les moindres détails, elle
connaît mes qualités, mes défauts, mes faiblesses, elle est
miséricorde et pardonne tout. J’attends qu’elle me donne des
solutions à mes problèmes, qu’elle exauce mes prières, qu’elle me
montre des chemins à suivre… [10 à 15 minutes]

La lumière… la lumière s’estompe peu à peu… Elle s’éloigne et


disparaît… Et c’est comme si j’étais aspiré vers le bas, attiré par ce
cordon d’argent qui me relie à mon corps terrestre… Plus bas, des
petits points lumineux m’attirent, les étoiles… Des étoiles de plus
en plus nombreuses et de plus en plus grosses… Je descends
encore… Je suis au milieu des étoiles et parmi ces étoiles un petit
point bleu m’attire ; notre planète… Notre planète qui se rapproche
et qui devient… une bille bleue… une balle bleue… un gros ballon
bleu… Je descends encore, attiré par ce cordon d’argent qui me relie
à mon corps terrestre… la courbure terrestre ; ce bleu irisé de blanc
au milieu d’un ciel étoilé… l’atmosphère terrestre… les nuages… le
paysage qui entoure ma maison… ma maison… je suis au-dessus de
ma maison que j’ai quittée il y a plusieurs minutes… Très facile de
passer la matière… Je traverse le plafond et me retrouve facilement
au-dessus de mon corps, attiré par ce cordon d’argent qui me relie à
mon corps terrestre… Je suis juste au-dessus de ma tête, juste au-
dessus… Très facile de repasser dans ce corps… d’ailleurs…
d’ailleurs, c’est ce que je fais… [10 secondes] Je vais compter
jusqu’à dix et à dix je serai totalement réveillé et tout redeviendra
normal… Un, la lourdeur de mon corps diminue… Deux, plus
aucune lourdeur au niveau de mon corps… Trois, plus aucune
lourdeur au niveau de mes membres… Quatre, je peux bouger mes
doigts, je peux bouger mes mains… Cinq, j’étire mes bras en avant,
j’étire mes jambes comme le matin quand on s’étire après une nuit
de sommeil… Six, je me sens formidablement bien installé dans
mon corps… Sept, j’incline ma tête à droite et à gauche… Huit,
j’inspire profondément par le nez et… Neuf, j’expire [étirer le i]
profondément par la bouche… Dix, ma conscience est normale, tout
est redevenu normal, je suis parfaitement réveillé et je me sens en
pleine forme… J’ouvre les yeux, ma séance est terminée… Merci.

Mise en pratique

Quand vous aurez effectué ce protocole plusieurs fois, vous atteindrez


facilement l’état de connexion à votre CIE qui se situe aux environs des
deux tiers de ce texte et qui, comme je l’ai indiqué, doit durer entre dix et
quinze minutes par séance.
Vous saurez que vous êtes en CIE quand vous obtiendrez des visions,
des sensations physiques (chaleurs, froideurs, vibrations, pressions dans
certaines parties du corps), des perceptions de voix, d’odeurs spéciales, de
pensées qui ne semblent pas être les vôtres ou des goûts particuliers dans la
bouche. Vous devrez alors prendre conscience de ces différents ressentis
sans les interpréter ou les analyser. Vous aurez tout le temps de leur donner
un sens quand l’expérience sera terminée et que vous serez revenu à un état
de conscience normal ; c’est-à-dire en CAC. Pensez à noter tout ce que
vous avez vécu sur un carnet dès la fin de la séance en mentionnant le jour
et l’heure. N’hésitez pas à écrire le plus de renseignements possible, même
ceux qui peuvent vous sembler les plus futiles, les plus absurdes, les plus
incompréhensibles ou les plus inutiles ; ils pourront prendre sens plus tard.
Il en est de même lorsque vous décidez de méditer en vous promenant dans
la nature ou chez vous, n’oubliez pas d’avoir à portée de mains votre petit
carnet pour noter vos ressentis dès la fin de votre exercice car les
informations reçues s’oublient très vite et vous aurez bien du mal à les
retrouver dans les heures qui suivent.

Une TCHiste m’écrit un jour un long e-mail pour me décrire


l’expérience qu’elle avait vécue en écoutant mon MP3 d’entraînement à la
TCH. Lors de sa relaxation elle avait visualisé de façon très nette une petite
maison blanche de plain-pied aux volets verts. L’habitation totalement
inconnue ne lui évoquait rien de particulier ; pas plus son architecture que
son emplacement. Elle se situait dans un endroit isolé au milieu de la
campagne et il y avait deux chevaux parqués dans le champ voisin. Comme
cette perception lui sembla n’avoir pour elle aucune signification, elle
l’oublia très vite. Ce n’est que dans l’après-midi du même jour que cette
scène revint à sa mémoire : la maison qu’on lui fit visiter dans l’espoir
d’une location était celle qu’elle avait vue quelques heures avant dans sa
méditation ; une maison blanche de plain-pied aux volets verts située en
pleine campagne et, pour conforter sa voyance, même les deux chevaux
étaient là ! Autant dire que, avec une telle coïncidence, le bail fut signé dans
l’heure en toute confiance. La TCHiste termine son courrier en écrivant
ceci : « Ma visualisation était pour moi tellement dépourvue de sens qu’il
est probable que je l’aurais sûrement oubliée si la visite de cette maison ne
s’était pas faite le même jour. »

Avec beaucoup d’entraînement, vous n’aurez même plus besoin de ce


texte de méditation pour vous retrouver rapidement en état d’autohypnose.
Vous pourrez vous y plonger presque instantanément en seulement quelques
petites secondes. L’autohypnose est en effet un excellent moyen de se sortir
de situations particulièrement difficiles et c’est vraiment très utile de
pouvoir la pratiquer en urgence, par exemple au travail quand on doit
affronter une situation conflictuelle, dans la vie courante face à une relation
toxique ou à l’occasion de douleurs physiques imputables à une maladie ou
un traumatisme.
Quand je me suis retrouvé en garde à vue, seul en cellule de prison et
que j’entendais ma femme claustrophobe pleurer à travers la cloison, il est
évident que je ne pouvais que subir cette situation de souffrance sans
pouvoir faire la moindre chose qui aurait pu la modifier. Le fait de pouvoir
me mettre rapidement en autohypnose m’a permis de traverser facilement
cette épreuve qui aurait été sans cela difficilement supportable.
Parfois, certaines personnes qui font mes stages de TCH me disent que,
1
malgré leur acharnement à s’entraîner avec mon MP3 et à effectuer des
ateliers de TCH, elles n’obtiennent toujours pas de résultats satisfaisants. Il
ne faut jamais se décourager car si on persiste cela finit toujours tôt ou tard
par réussir, à condition de savoir faire preuve de patience et de
persévérance. Si vous désirez y arriver, je peux vous certifier que vous y
parviendrez forcément ; j’ai acquis suffisamment d’expérience dans ce
domaine pour vous le garantir. Le texte de méditation que je vous donne
dans ce livre peut fonctionner dès la première écoute mais vous pouvez
aussi n’obtenir satisfaction qu’après plusieurs dizaines de séances. Il vous
faudra donc accepter de ne rien attendre et de faire cet exercice comme une
sorte de rituel pour qu’un jour, certainement au moment où vous vous y
attendrez le moins, votre CAC lâchera et vous aurez alors la surprise d’être
en CIE. En revanche, le jour où cela se produira, il ne vous faudra pas
patienter douze ou vingt séances supplémentaires pour obtenir un résultat
similaire ; il est fort probable que toutes les séances qui suivront seront
positives puisque votre conscience aura enfin trouvé le bon chemin. C’est
comme quand on cherche sa route en voiture ; on peut se tromper plusieurs
fois d’itinéraire, mais quand on connaît enfin le bon trajet, on ne se trompe
plus.
Vous pouvez faire cette méditation autant de fois que vous voulez mais
il est inutile d’en faire plus d’une par jour. Il n’est pas non plus nécessaire
d’avoir une heure fixe pour la réaliser. Il est au contraire intéressant de
varier les périodes et de vérifier sur votre carnet à quel moment de la
journée vous obtenez les meilleurs résultats.
Je suis certain que cette nouvelle possibilité vous aidera à traverser de
façon optimale toutes les épreuves que vous rencontrerez et vous permettra
également de prendre les meilleures décisions de votre vie.
Ce truc y aura grandement contribué puisque vous saurez l’entendre et
sans doute aussi l’écouter.
Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter un bon apprentissage sur ce joli
chemin qui s’offre désormais à vous.

1. Écoute gratuite sur irccie.com.


Épilogue

IL EST 6 HEURES DU MATIN, je viens de me doucher et je suis en peignoir assis


devant mon clavier pour rédiger ces lignes. Le jour se lève à peine. Sur ma
droite, une tasse de café fume doucement. Tout est calme. Coco dort encore,
je sais qu’elle sortira de notre chambre selon son habitude à 8 h 30 précises.
D’ici là, je serai revenu de la boulangerie avec deux croissants et une
baguette pas trop cuite pour prendre notre petit déjeuner en tête à tête sur la
terrasse face à nos chères Pyrénées ariégeoises. Je me suis donné la journée
pour relire ce texte et faire les dernières corrections avant de l’envoyer à
mon éditeur. Quelques fois la drogue de l’écriture tourne au marasme,
surtout comme ce matin quand la fin du livre est là, avec cette inévitable
béance prête à tout engloutir. Je n’aurai plus ce rendez-vous avec moi-
même jusqu’à ce qu’un autre projet éditorial surgisse dans ma vie, je
connais le manège ; c’est chaque fois cette inévitable nostalgie qui me mord
le cœur ; celle de l’imminence du départ, de la fragilité de « l’ici et
maintenant » avant le « et maintenant j’écris quoi ? » Je ferme les yeux et
appuie ma tête sur le dossier de mon fauteuil, quand tout à coup :
— T’inquiète pas, t’as encore pas mal de livres à faire.
— C’est toi ? Ce truc ?
— Ben oui, évidemment, qui veux-tu que ce soit d’autre ?
— Je ne m’attendais pas à ce que tu viennes maintenant.
— Pourtant tu sais bien que c’est comme ça que je fonctionne, tu l’as
écrit dans ce livre. Tu ne t’attendais pas à rencontrer non plus celle que tu
as baptisée « le perroquet géant » dans la discothèque, ni ta femme quand
je t’ai fait tourner subitement à droite pour aller la rejoindre…
— Oui, je sais, je sais. Il arrive aussi que tu ne sois pas au rendez-vous
quand je t’appelle dans mes méditations. Pourquoi ?
— Si je ne te réponds pas, c’est qu’il y a une raison que tu ignores
encore, mais que tu comprendras un jour quand tu auras rejoint le monde
invisible.
— Oui bon, je ne suis pas pressé de savoir.
— Ah, ah, ah ! Très drôle. En revanche, il y a aussi des moments où je
viens sans que tu m’appelles quand je sais que tu as besoin de mes conseils,
comme cette fois où tu as été confronté à l’attaque des trois taureaux ou
quand je t’ai fait examiner la roue arrière de ta moto qui allait éclater. Tu
t’en souviens puisque tu en as parlé dans ce livre.
— Oui et alors, si tu viens maintenant sans que je t’appelle, ça veut dire
qu’un danger me guette ?
— Non, je viens simplement te rassurer.
— Me rassurer par rapport à quoi ?
— Par rapport à ta crainte de ne plus rien avoir à écrire puisque tu
l’évoques dans tes pensées. Je serai toujours là comme je l’ai toujours été
quand tu rédiges un livre.
— C’est donc toi qui écris à ma place ?
— Ben oui, évidemment, d’où crois-tu que vienne ton inspiration ?
— Je pensais très sérieusement que cela venait de moi !
— Ne manquerais-tu pas un peu d’humilité ou d’un poil de modestie ?
— Euh, oui, c’est possible…
— Je t’ai fait écrire tous tes livres y compris Cette chose… et Ce truc,
le prochain sera « Ce machin », comme tu l’as annoncé ; souviens-toi : la
trilogie de l’indicible.
— Ah ! oui, vraiment ? Et tu peux me dire en deux mots de quoi ce livre
parlera ?
— Un peu de patience, je te dirai ça le moment venu. Avant cela tu vas
écrire un roman et il aura un joli petit succès.
— Un roman ?
— Oui, je t’en ai déjà fait écrire quatre, tu as de l’imagination, enfin je
veux dire par là que tu as su m’écouter, mais à l’époque ton écriture n’était
pas aussi mature que maintenant ; ce sera un bon roman et on en fera un
film.
— Mon ancien roman, La Mort décodée, était sur le point d’être
scénarisé par un cinéaste de Montréal.
— Tu te doutes bien que je suis au courant ; c’est moi qui ai fait foirer
le projet.
— Mais pourquoi ?
— Ce n’était pas le moment, c’est tout, ne cherche pas à comprendre.
Accepte la vie comme elle se présente, tout vient en son temps.
Je soulève les paupières et savoure les phrases qui flottent dans ma tête.
Ça cogne sans blesser ; ça secoue sans bouger. Au moment même où je me
pose la question, un rayon de soleil rasant pénètre ma pupille.

Et si ce truc, en fin de compte, c’était Lui ? Un Dieu incognito qui, pour


notre bien, orchestrerait nos libertés ?
Glossaire

CAC : conscience analytique cérébrale.


CIAM : communication induite après la mort.
CIE : conscience intuitive extraneuronale.
ECG : électrocardiogramme, mesure de l’activité électrique du cœur.
EEG : électroencéphalogramme, mesure de l’activité électrique du cerveau.
EMI : expérience de mort imminente.
EMP : expérience de mort provisoire.
Expérienceur : personne ayant vécu une EMI ou une EMP.
NDE : near death experience, expérience proche de la mort.
OBE : out of body experience, expérience hors du corps.
Remote viewing : vision à distance sans déplacement du corps.
TCH : transcommunication hypnotique, communiquer avec l’au-delà par
l’hypnose.
TCHiste : personne ayant participé à une TCH.
TCI : transcommunication instrumentale, communiquer avec l’au-delà par
l’intermédiaire d’instruments électroniques, visuels ou phoniques.
À propos de l’auteur

Le Dr Charbonier est médecin anesthésiste-réanimateur. Il étudie depuis


plus de trente ans les expériences vécues au seuil de la mort et est considéré
aujourd’hui comme l’un des meilleurs spécialistes mondiaux de ce domaine
sensible.
Depuis 2014, il organise des ateliers d’hypnose en France et à l’étranger
pour induire chez des participants volontaires des états de conscience
modifiée.
En 2018, il fonde sa société Conscience et Hypnose et un institut,
l’IRCCIE (Institut de recherche et de communication sur la conscience
intuitive extraneuronale – www.irccie.com), pour réunir autour de lui des
scientifiques qui le rejoignent dans sa démarche de recherche et de
communication.
Du même auteur

ROMANS

Coma dépassé, CLC éditions, 2001.


Derrière la lumière, CLC éditions, 2002.
Éternelle jeunesse, CLC éditions, 2004.
La Mort décodée, Exergue, 2008 ; Guy Trédaniel, 2011.

ESSAIS

L’après-vie existe, CLC éditions, 2006.


Les Preuves scientifiques d’une vie après la vie, Exergue, 2008 ; J’ai Lu,
coll. « Aventure secrète », 2016.
Histoires incroyables d’un anesthésiste-réanimateur, Le Cherche midi,
2010.
La Médecine face à l’au-delà, Guy Trédaniel, 2010.
Les 7 bonnes raisons de croire à l’au-delà, Guy Trédaniel, 2012 ; J’ai Lu,
coll. « Aventure secrète », 2015.
Les 3 clés pour vaincre les pires épreuves de la vie, Guy Trédaniel, 2013.
4 regards sur la mort et ses tabous : soins palliatifs, euthanasie, suicides
assistés et expériences de mort imminente, en collaboration avec Annie
Babou, Guy Trédaniel, 2015.
La Mort expliquée aux enfants mais aussi aux adultes, Guy Trédaniel, 2015.
La Conscience intuitive extraneuronale, Guy Trédaniel, 2017.
Cette chose…, First éditions, 2017.
Contacter nos défunts par l’hypnose, Guy Trédaniel, 2018.
L’Au-Delà en questions, en collaboration avec Geneviève Delpech,
Pygmalion, 2018.
Devenir hyperconscient, Guy Trédaniel, 2019.
J’ai envoyé dix mille personnes dans l’au-delà, Michel Lafon, 2020.
Remerciements

Merci à Didier van Cauwelaert qui m’a requis pour être l’un des auteurs
de sa collection « Témoins de l’extraordinaire ». Il sait toujours me donner
d’excellents conseils pour améliorer mon texte.
Merci à Lisa Marie et Marie-Anne Jost-Kotik pour leur confiance, leurs
conseils et leur travail de correction.
Merci aux éditions First car il faut avoir un certain courage pour éditer
des livres qui défendent des idées quelque peu subversives.

Vous aimerez peut-être aussi