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Cours d’Algèbre II : ENSAM-RABAT

Profs. M. JOHRI & Y. OMARI

École nationale supérieure d’Arts et Métiers Rabat

Année universitaire : 2022/2023

Cours d’Algèbre II : 1API (ENSAMR) 1 / 27


Applications linéaires

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I. Généralités
Définition
Soient E et F deux K− espaces vectoriels donnés et soit f une application de E dans F ,
on dit que f est une application linéaire où bien un morphisme si et seulement si :

∀x , y ∈ E , ∀λ ∈ K, f (x + y ) = f (x ) + f (y ) et f (λ · x ) = λ · f (x ),

où d’une manière équivalente :

∀x , y ∈ E , ∀λ ∈ K, f (λx + y ) = λf (x ) + f (y )

Remarque
1 C’est-à-dire que f respecte les opérations disponibles sur E et F .
2 Une application linéaire transforme un segment de droite en un segment de droite,
puisque
f (tx + (1 − t)y ) = tf (x ) + (1 − t)f (y ).
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I. Généralités

Exemples :
Les applications suivantes sont linéaires de E dans F :
1
IdE : E −→ E
x 7−→ x

2
f1 : R2 −→ R
(x , y ) 7−→ x − y

3
f2 : R3 −→ R3
(x , y , z) 7−→ (−x + y , x − 5z, y )

4
f3 : Kn [X ] −→ K
P 7−→ 2P ′ (0)

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I. Généralités
f1 : R2 −→ R
1 L’application est une application linéaire, car :
(x , y ) 7−→ x − y
∀(x , y ), (x ′ , y ′ ) ∈ R2 , ∀λ ∈ R,
f1 (λ(x , y ) + (x ′ , y ′ )) = f1 (λx + x ′ , λy + y ′ ) = λx + x ′ − (λy + y ′ )
= λ(x − y ) + (x ′ − y ′ ) = λf1 (x , y ) + f1 (x ′ , y ′ ).
f2 : R3 −→ R3
2 L’application est une application
(x , y , z) 7−→ (−x + y , x − 5z, y )
linéaire, car : ∀(x , y , z), (x ′ , y ′ , z ′ ) ∈ R3 , ∀λ ∈ R,
f2 λ(x , y , z) + (x ′ , y ′ , z ′ ) = f2 (λx + x ′ , λy + y ′ , λz + z ′ )


= (−λx − x ′ + λy + y ′ , λx + x ′ − 5λz − 5z ′ , λy + y ′ )
= (−λx + λy , λx − 5λz, λy ) + (−x ′ + y ′ , x ′ − 5z ′ , y ′ )
= λ(−x + y , x − 5z, y ) + (−x ′ + y ′ , x ′ − 5z ′ , y ′ )
= λf2 (x , y , z) + f2 (x ′ , y ′ , z ′ ).
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I. Généralités

Exercice :
f : R −→ R
1 La translation .
x 7−→ x + 1
D : C 1 (R, R) −→ C 0 (R, R)
2 .
f (x ) 7−→ f ′ (x )
I : C 0 (R, R) −→ RC 1 (R, R)
3 .
f (x ) 7−→ 0x f (t)dt
u : C 0 (R, R) −→ C 1 (R, R)
4 .
f (x ) 7−→ f (x 2 )
v : C 0 (R, R) −→ C 1 (R, R)
5 .
f (x ) 7−→ (f (x ))2

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I. Généralités

Correction :
f : R −→ R
1 La translation n’est pas linéaire car f (0) ̸= 0.
x 7−→ x + 1
D : C 1 (R, R) −→ C 0 (R, R)
2 est une application linéaire.
f (x ) 7−→ f ′ (x )
I : C 0 (R, R) −→ RC 1 (R, R)
3 est une application linéaire.
f (x ) 7−→ 0x f (t)dt
u : C 0 (R, R) −→ C 1 (R, R)
4 n’est pas une application linéaire.
f (x ) 7−→ f (x 2 )
v : C 0 (R, R) −→ C 1 (R, R)
5 n’est pas une application linéaire. En effet,
f (x ) 7−→ (f (x ))2
v (2f ) = 4f 2 ̸= 2v (f ) en général.

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I. Généralités

Proposition
Soit f une application linéaire de E dans F .
1 f (0E ) = 0F ,
2 ∀x ∈ E , f (−x ) = −f (x )

Preuve : On a, ∀x ∈ E
1 f (0E ) = f (0E + 0E ) = f (0E ) + f (0E ) ⇒ f (0E ) = 0F .
2 f (0E ) = f (x − x ) = f (x ) + f (−x ) = 0F ⇒ f (−x ) = −f (x ).

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II. Opérations générales sur les applications linéaires

Notation
On note L(E , F ) l’espace des applications linéaires de E dans F .

Proposition
L(E , F ) est un espace vectoriel.
→ Si f , g ∈ L(E , F ), alors λf + g ∈ L(E , F ) (exercice).

Restriction à un sous espace vectoriel


f|G : G −→ F
Si f ∈ L(E , F ) et G est un sous espace vectoriel de E , alors est
x 7−→ f (x )
une application linéaire.

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II. Opérations générales sur les applications linéaires
Composition
Si f ∈ L(E , F ) et g ∈ L(F , G), alors f ◦ g ∈ L(E , G). En effet,
(g ◦ f )(λx + y ) = g(f (λx + y )) = g(λf (x ) + f (y ))
= λg(f (x )) + g(f (y )) = λ(g ◦ f )(x ) + (g ◦ f )(y ).

Définitions
1 Si f ∈ L(E , F ) est une bijection, on dit que c’est un isomorphisme de E dans F .
2 Si f ∈ L(E , E), on dit que f est un endomorphisme de E . L(E , E ) = End(E ).
3 Si f ∈ End(E ) est une bijection, on dit que c’est un automorphisme de E .
4 Si f ∈ L(E , K), on dit que c’est une formes linéaires. On note E ′ = L(E , K), E ′
est l’espace dual de E .

Définition
Deux espaces vectoriels liés par un isomorphisme sont dits isomorphes.
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II. Opérations générales sur les applications linéaires

Définition : Injectivité, surjectifité et bijection


Soit f : E → F une application, on dit que :
f est injective si pour tous x , y de E , f (x ) = f (y ) entraîne x = y .
f est surjective si pour tout y ∈ F , ∃x ∈ E tel que y = f (x ).
f est bijective si elle est à la fois injective et surjective, ou encore si pour tout
y ∈ F , l’équationy = f (x ) possède une unique solution.

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Exemple d’isomorphisme
Soit E est un K-ev et F = (v1 , v2 , . . . , vn ) ⊂ E une famille donnée.
On considère l’application ≪ combinaison linéaire ≫

f : Kn −→ E
(x1 , x2 , . . . , xn ) 7−→ x1 v1 + x2 v2 + . . . + xn vn

v = f (x1 , x2 , . . . , xn ) ⇔ v = x1 v1 + x2 v2 + . . . + xn vn

Propriété
1 f est injective si et seulement si F est libre.
2 f est surjective si et seulement si F est génératrice de E .
3 f est bijective si et seulement si F est une base de E , et l’application réciproque
f −1 (v ) = (x1 , x2 , . . . , xn ) = les coordonnées de v dans F.
On dit alors que E et Kn sont isomorphes.

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Exemple d’isomorphisme

Corollaire important
Un espace vectoriel E de dimension finie sur K est toujours isomorphe à Kn avec
n = dim E .
En particulier, les droites réelles sont toutes isomorphes à R, les plans réels sont
isomorphes à R2 , etc.

Attention
Cela ne signifie pas qu’il n’existe qu’une seule droite vectorielle, mais que toutes les
droites ≪ se ressemblent ≫ !

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II. Opérations générales sur les applications linéaires

Proposition
Soit f ∈ L(E , F ) et (v1 , . . . , vn ) un système de vecteurs de E .
1 Si f est injective et le système (v1 , . . . , vn ) est libre dans E , alors le système
(f (v1 ), . . . , f (vn )) est libre dans F .
2 Si f est surjective et le système (v1 , . . . , vn ) est générateur de E , alors le système
(f (v1 ), . . . , f (vn )) est générateur dans F .
3 En particulier si f est bijective, l’image d’une base de E est une base de F .

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III. Noyau et image d’une application linéaire
Définitions
Soit f ∈ L(E , F ). On note :
1 Imf = {y = f (x ), x ∈ E } ⊂ F . C’est l’image de f ,
2 kerf = {x ∈ E | f (x ) = 0} ⊂ E . C’est le noyau de f .

Ces espaces sont fondamentaux dans l’étude des propriétés des applications linéaires.
Proposition
Soit f ∈ L(E , F ).
1 kerf est un sous espace vectoriel de E .
2 Imf est un sous espace vectoriel de F .
3 f est injective si et seulement si kerf = {0}.
4 f est surjective si et seulement si Imf = F .

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III. Noyau et image d’une application linéaire
Démonstration :
La preuve de 1, 2 et 4 à faire en exercice.

⇒ ) Soit x ∈ kerf . On a f (x ) = 0F = f (0) . Par injectivité, on a x = 0.


En effet, 0F n’a qu’un seul antécédent et c’est 0 car f est une application linéaire.

⇐ ) On suppose que kerf = {0}. Soient x1 , x2 ∈ E . On a

f (x1 ) = f (x2 ) ⇔ f (x1 ) − f (x2 ) = f (x1 − x2 ) = 0 ⇔ x = x1 − x2 ∈ kerf

Ce qui implique que x1 = x2 et f est injective.


Remarque
Ce critère d’injectivité par le noyau est élémentaire mais très utile. En effet, si
dim E = n, le problème f (x1 ) = f (x2 ) a 2n inconnues alors que f (x ) = 0 n’en a que n.
Notez que c’est la linéarité de f qui permet cette réduction.

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III. Noyau et image d’une application linéaire

Exercice
Soit le morphisme u : R3 → R2 définie par

u(x , y , z) = (x + y + z, 2x + y − z)

Déterminer ker(u).
Soit f : R2 → R3 l’application linéaire définie par

f (x , y ) = (x + y , x − y , x + y ).

Déterminer kerf et Imf . f est-elle injective ? surjective ?

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IV. Résultats fondamentaux
On se place dans le cas où l’espace de départ E est de dimension finie, et f : E → F est
une application linéaire. kerf ⊂ E est donc un sous espace vectoriel de E de dimension
finie.
Proposition
Soit f ∈ L(E , F ), et B = (e1 , e2 , . . . , en ) une base de E . Alors
Imf = Vect(f (e1 ), f (e2 ), . . . , f (en )) est le sous espace vectoriel de F engendré par
l’image d’une base de E .
En particulier, Imf est de dimension finie inférieure ou égale à la dimension de E .

Démonstration : On a y ∈ Imf , alors


∃x ∈ E tel que y = f (x ) avec x = x1 e1 + . . . + xn en .
Par linéarité de f , on a

f (x ) = x1 f (e1 ) + . . . + xn f (en )) = y
⇔ y ∈ Vect(f (e1 ), . . . , f (en )).

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IV. Résultats fondamentaux

Définition du rang d’une application linéaire


On note rg(f ) = dim(Imf ) = rg(f (e1 ), f (e2 ), . . . , f (en )) .

Bornes inférieures sur le rang


Soit f ∈ L(E , F ) . On a rg(f ) ⩽ min(dim E , dim F ).

Démonstration :
D’après la proposition ci-dessus,

rg(f ) = dim(Imf ) = rg(f (e1 ), . . . , f (en )) ⩽ n = dim E .

Et comme Imf ⊂ F , on a aussi rg(f ) = dim(Imf ) ⩽ dim F .

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IV. Résultats fondamentaux

Exercice
Soit f l’application linéaire f : R3 → R3 définie par :

f (x , y , z) = (−3x − y + z, 8x + 3y − 2z, −4x − y + 2z)

1 Déterminer une base du noyau de f et sa dimension. L’application f est-elle


injective ?
2 Déterminer une base de Im(f ). Donner le rang de f .
3 L’application f est-elle surjective ?

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IV. Résultats fondamentaux
Illustration : L’image par une application linéaire d’un espace vectoriel de dimension n
est toujours un espace vectoriel de dimension inférieure ou égale à n.
Exemples
1 L’image par f d’une droite est une droite ou un point.
2 L’image par f d’un plan est un plan, une droite ou un point.
3 Si f : Rn → Rp est une application linéaire surjective alors p ⩽ n.

Théorème
Soit f ∈ L(E , F ), et B = (e1 , e2 , . . . , en ) une base de E . On note
f (B) = (f (e1 ), . . . , f (en )) l’image de la base B.
1 f injective ⇔ f (B) est libre.
2 f surjective ⇔ f (B) est génératrice de F .
3 f bijective ⇔ f (B) est une base de F .

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IV. Résultats fondamentaux
Démonstration :
1) On a vu que f injective ⇔ Kerf = {0}.
On suppose donc que Kerf = 0. La famille f (B) est-elle libre ?
Soient λ1 , λ2 , . . . , λn ∈ K tels que
λ1 f (e1 ) + . . . + λn f (en ) = 0 ⇔ f (λ1 e1 + . . . + λn en ) = 0
⇔ v = λ1 e1 + . . . + λn en ∈ Kerf = 0
⇔ λ1 = λ2 = . . . = λn = 0
car B est libre par hypothèse.
Inversement : On suppose f (B) est libre et v = λ1 e1 + . . . + λn en ∈ Kerf . Alors
f (λ1 e1 + . . . + λn en ) = 0 = λ1 f (e1 ) + . . . + λn f (en )
⇒ λ1 = λ2 = . . . = λn = 0 si f (B) est libre.
Ceci donne Kerf = 0.
2) On a vu que f surjective ⇔ Imf = F = Vect(f (B)) ⇔ f (B) est génératrice de F .
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IV. Résultats fondamentaux

Théorème de rang (de dimension)


Soit f : E → F une application linéaire et E et F deux espaces vectoriels de dimension
finie, alors :

dim(E ) = rg(f ) + dim(ker (f ))


= dim(Im(f )) + dim(ker (f )).

Autrement dit, on a :
rg(f ) = dim E − dim(kerf ).
En particulier, f injective ⇒ rg(f ) = dim E ⩽ dim F ,
f surjective ⇒ rg(f ) = dim F = dim E − dim(kerf ) ⇒ dim F ⩽ dim E ,
f bijective ⇒ rg(f ) = dim E = dim F .

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IV. Résultats fondamentaux

Exemple :
Dans Rn [X ], on considère l’application linéaire
f : Rn [X ] → Rn [X ]
, avec λ ̸= 0 fixé.
P 7→ λP + P ′
Problème : On veut montrer que f est un isomorphisme. En particulier, pour tout
Q ∈ Rn [x ] donné, l’équation différentielle λP + P ′ = Q admet une unique solution.

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IV. Résultats fondamentaux

Correction

La dimension de l’espace de départ est égale à celle de l’espace d’arrivée. Il suffit donc
de vérifier que f est injective, c’est-à-dire que kerf = {0}.

Soit P ∈ Rn [X ] tel que f (P) = 0 = λP + P ′ ,


P = Ce −λx est une solution mais pas un polynôme. Si P(x ) = a0 + a1 x + +an x n alors le
degré de λP est égal au degré de P si λ ̸= 0, et le degré de P ′ est inférieur ou égale
deg(P) − 1.
⇒ λP + P ′ = 0 entraîne que P = 0. Par conséquent, f est injective, et finalement
bijective.

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Remarques
Dans le cas des endomorphismes, kerf et Imf sont deux sous-espaces vectoriels de
E avec dim E = dim(kerf ) + dim(Imf ) (théorème du rang), mais on a pas en
général
kerf ∩ Imf = {0} ni E = kerf ⊕ Imf .
En effet, le théorème du rang ne donne pas les positions respectives de kerf et
Imf .
Il existe aussi des cas où E = kerf ⊕ Imf .

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Exercice
Soit E = R3 . On note B = {e1 , e2 , e3 } la base canonique de E et u l’endomorphisme de
R3 défini par la donnée des images des vecteurs de la base :

u(e1 ) = −2e1 + 2e3 , u(e2 ) = 3e2 , u(e3 ) = −4e1 + 4e3 .

1 Déterminer une base de ker u. u est-il injectif ? peut-il être surjectif ? Justifier ?
2 Déterminer une base de Im u. Quel est le rang de u ?
L
3 Montrer que E = ker u Im u.

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