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Demopolis
Accompagner | Michèle-H. Salamagne, Patrick Thominet

20. Elisabeth
Kübler-Ross -
Accompagnement
et dimension
spirituelle
Hervé Mignot
p. 23n 7-247

Texte intégral
1 S’il est une personnalité qui a marqué le mouvement
des soins palliatifs et plus largement, celui de la

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thanatologie moderne, c’est bien Elisabeth Kübler-
Ross : EKR ou Elisabeth comme la surnomment
simplement ceux qui l’affectionnent sans pourtant
l’avoir jamais rencontrée. Née le 8 juillet 1926 à Zürich
en Suisse, Elisabeth Kübler-Ross, psychiatre,
professeur de médecine du comportement à
l’université de Charlottesville (Virginie, États-Unis),
meurt le 24 août 2004 à l’âge de 78 ans, à son domicile
de Scottsdale (Arizona). Considérée comme une des
personnalités les plus marquantes du XXe siècle, elle a
eu et continue d’avoir une influence considérable, tant
sur les soignants que sur le grand public. On peut
raisonnablement dire qu’Elisabeth Kübler-Ross a
changé notre regard sur la mort.
2 EKR est tout autant adulée par les uns que stigmatisée
par les autres, qui dénoncent son côté New Age. Le
mouvement français des soins palliatifs n’a pas
toujours été tendre avec elle. Il n’est pas facile, dans
les années 1990, de se dire son élève, ce qui est mon
cas. En réalité, Elisabeth Kübler-Ross n’a laissé
personne indifférent. Les chiffres de vente de ses
livres, encore aujourd’hui, attestent de sa popularité.
CeSes ouvrages
site utilise comme
des cookies et ses conférences ont touché
hommes
vous donne le etcontrôle
femmes sur de tous les continents. Ils venaient
ceux que vous souhaitez
exactement au bon moment, tant l’exclusion de la
activer
mort par notre société devenait intolérable. La mort
fait partie de la vie, répétaitelle inlassablement. La
✓ Tout accepter
mort, comme la naissance, sont deux étapes naturelles
qui ✗jalonnent
Tout refuserl’existence. Ce n’est pas mourir qui est
difficile, mais vivre. Ces vérités universelles
Personnaliser
constituaient l’essentiel de son message, ouvrant la
voie Politique
de l’accompagnement
de et offrant à la médecine
confidentialité
une perspective radicalement différente.

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Les papillons des enfants de Maïdenek
3 Impossible d’évoquer la personnalité d’Elisabeth
Kübler-Ross sans évoquer son histoire, sa saga
pourrions-nous dire, qui confine à la légende. Dès le
début, sa vie s’inscrit dans un combat. Née triplée le 8
juillet 1926, Elisabeth Kübler ne pèse qu’à peine plus
d’un kilogramme. Il n’existe à l’époque ni couveuse, ni
lait maternisé. Petite fille, elle ne supporte pas d’être
habillée à l’identique de ses sœurs, de fréquenter les
mêmes écoles, de parader afin de flatter la vanité de
ses parents. Elle veut être différente ! Son père la
destine à être femme d’intérieur, elle rêve d’être
médecin. Son entêtement, sa capacité de travail, sa
volonté de différenciation ont raison des oppositions.
Gâtée ni par sa taille (elle est petite), ni par le minois
elle décrète qu’elle épousera le plus bel interne de sa
faculté, en l’occurrence Emmanuel Ross, un Américain
aux épaules carrées, au sourire ravageur, venu faire
ses études sur le vieux continent. Elle parvient à
gagner son cœur et, suivant son mari, émigre aux
États-Unis.
4 Auparavant, il y a sa rencontre avec les réfugiés juifs
fuyant l’Allemagne nazie, son engagement, à peine
majeure, dans les Peace Corps en 1945, la découverte
des camps de concentration nazis en Pologne (où
atteinte de typhus, elle faillit perdre la vie en 1947).
Celui de Maïdenek la marque profondément. Elle
observe que les enfants, avant leur passage dans les
chambres à gaz, ont dessiné des papillons sur les
baraquements1. Elle reprendra par la suite ce symbole
pour illustrer son discours sur la mort. Tout cela
affecte la jeune Elisabeth Kübler qui se destine à
panser les plaies de l’humanité souffrante.

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5 Son premier centre d’intérêt est la psychiatrie. C’est
l’époque de la chimie lourde, des neuroleptiques. Elle
veut se démarquer des chimiatres, confiante en la
force de la relation. Elle obtient des résultats auprès
de patients psychotiques. Diplômée, elle approche des
malades en fin de vie qui délirent. C’est l’époque du
rock-en-roll, des grosses voitures, de la conquête
spatiale. La mort se doit d’être maitrisée, silencieuse,
convenable, afin de ne pas perturber la frénésie des
bien-portants. Elle est aussi appelée auprès de
malades qui décrivent des sorties du corps, des
tunnels, de la lumière, à la suite d’un arrêt cardiaque.
Ils lui sont adressés afin d’être ramenés à la raison.
Elle publie quelques articles pour relater ces
expériences. Raymond Moody lui demande alors de
préfacer son livre Life after death paru en 1975.

Avoir la témérité d’oser le face-à-face


6 Appelée au chevet des mourants, elle les écoute, leur
demandant de partager ce qu’ils éprouvent. Bien loin
de sédater leur angoisse ou leur agitation par des
traitements médicamenteux, elle entame un véritable
accompagnement. Ses confrères, aux yeux desquels
cette attitude passe pour malsaine, la surnomment le
vautour. Un jour, des étudiants presbytériens se
destinant au pastorat et désireux d’en savoir un peu
plus sur l’accompagnement des derniers instants, lui
font une demande de formation. En guise de réponse,
elle leur propose de mener une recherche. Des
patients sont placés derrière une glace sans tain tandis
qu’Elisabeth les interroge. Les étudiants sont chargés
de consigner les échanges ainsi que leur propre
ressenti. C’est ainsi que sont repérés des vécus

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communs à nombre de malades, des étapes, des
stades, objets de publication : choc, déni, colère,
marchandage, dépression et acceptation2. Ainsi paraît
en 1969 le premier livre d’Elisabeth Kübler-Ross, On
death and dying (dont elle cède les droits d’auteur à
l’éditeur Macmillan pour un dollar symbolique,
incluant tout autre ouvrage qu’elle écrira par la suite).
7 Ce livre rencontre un énorme succès à travers le
monde. Elisabeth Kübler-Ross, par la description des
étapes du mourir, offre aux innombrables personnes
soignant des malades en fin de vie une échelle de
compréhension de ce que ces derniers peuvent vivre et
indique une façon de se comporter face à eux. Tandis
que, trop souvent, les visites de médecins sautent les
chambres de ceux pour qui la médecine n’a plus rien à
proposer, elle donne aux soignants le courage d’oser le
face-à-face. Une fois la porte ouverte, le lien se fait,
l’accompagnement prend place, Il n’en faut pas plus.
Combiné à la redécouverte par Cicely Saunders de
l’usage raisonné de la morphine, le mouvement des
soins palliatifs est né. Ces deux femmes, de part et
d’autre de l’Atlantique, sont les deux grandes
pionnières de cette nouvelle discipline3.

Choc, déni, tristesse, marchandage,


dépression et acceptation
8 Le succès retentissant de On death and dying se
concrétise par sa traduction en une trentaine de
langues. Il paraît en français en 1975 chez Labor et
Fidès à Genève sous le titre Les derniers instants de la
vie. Ce livre en appelle bien d’autres qui le prolongent
(Questions and answers on death and dying ; Living
with death and dying, etc). Licenciée du Billings

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Hospital de Chicago pour mauvaise publicité faite à
l’établissement (son livre sous-entend qu’on y meurt),
Elisabeth Kübler-Ross est réclamée aux quatre coins
du monde. Elle devient une conférencière infatigable,
attirant des foules innombrables. Elle a un don
incroyable de communication, sait capter son public.
Elle l’appelle à regarder la mort comme une étape
naturelle qu’il ne faut pas craindre. Elle ajoute qu’il lui
paraît impossible qu’un professionnel de santé soigne
des malades sans un travail personnel de
confrontation à la mort.
9 Le mouvement d’adaptation psychologique qu’elle
décrit s’observe en réalité à l’occasion de toutes les
pertes de la vie, quelle que soit leur nature, remarque-
t-elle. Choc, déni, tristesse, marchandage, dépression
et acceptation, tel est notre lot commun face aux
péripéties de l’existence. Elle utilise l’expression
unfinished business pour décrire ces deuils inachevés
vis-à-vis desquels nous demeurons bloqués à un stade
du cheminement, sans parvenir à son terme. Cet
unfinished business, c’est ce que nous déposent les
malades sur leur lit de mort, témoigne-t-elle,
davantage pressés de revenir sur les événements
difficiles que sur les temps heureux de leur existence.
Comme si la mort représentait pour eux une ultime
opportunité de s’en libérer.
10 Elisabeth Kübler-Ross organise, partout dans le
monde, des séminaires intitulés Life, death and
transition, pour permettre aux malades d’exprimer
leurs émotions à l’approche de la mort. Elle ouvre ces
séminaires aux familles puis aux soignants, qui le lui
réclament, alliant enseignement didactique et travail
cathartique. D’une durée de cinq jours, regroupant

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près de cent personnes de toute nationalité, ils sont
très impressionnants tant leur niveau émotionnel est
élevé. Vient ensuite le temps de l’apaisement et
l’expression d’une foi en la vie, quelque tourment qui
ait pu la briser et quelque fragile qu’elle puisse être.

Les expériences de mort imminente et


les années sombres
11 Elisabeth Kübler-Ross a reçu de nombreuses
distinctions. Docteur honoris causa d’un grand
nombre d’universités, elle rencontre mère Térésa, et
bien d’autres personnalités. Selon un sondage réalisé
pour l’hebdomadaire Time Magazine aux États-Unis,
elle est l’une des cent personnalités les plus influentes
du XXe siècle. Pourtant, Elisabeth Kübler-Ross n’a pas
que des amis ! Elle a connu des années sombres qui
ont scellé son exclusion de la communauté
scientifique. Persuadée de l’existence d’une vie après
la mort, elle rêve d’en percer le mystère… Elle n’hésite
pas à se rendre en Californie auprès de mystificateurs
afin de communiquer avec l’au-delà. Consciente de ses
excès et incitée par sa famille, elle cesse ces recherches
et revient vivre en Virginie une existence simple, dans
une ferme située dans la Shenandoah Valley, proche
d’une réserve indienne. Dans ce lieu qui lui rappelle sa
Suisse natale, elle fait construire un centre où se
déroulent dorénavant ses séminaires.
12 Certains ouvrages (Life after death ; Death, the final
stage of growth ; The Wheel of life) la disqualifient
aux yeux des scientifiques. Dans ces écrits, Elisabeth
Kübler-Ross, fortifiée dit-elle par plusieurs
expériences de mort imminente, exprime sa foi en un
au-delà. Le papillon, symbole de cette métamorphose

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de l’âme, est largement utilisé pour illustrer son
propos. Elle évoque de façon tout à fait irrationnelle sa
croyance en l’existence d’anges gardiens, en des vies
sur d’autres galaxies. Pour elle, la vie est une épreuve
où nous nous devons d’apprendre les leçons qui nous
sont envoyées. Son discours laisse parfois ses proches
interdits. Il n’est cependant pas sans intérêt. Ces
pertes que nous ne parvenons pas à accepter nous
empêchent de vivre, scande-t-elle. Elles pèsent sur nos
existences comme des valises trop lourdes. Elles font
obstacle à l’amour inconditionnel auquel nous
aspirons, qui, lorsque nous l’atteignons, nous permet
de traverser la vie avec confiance et légèreté.
Accompagner chacune de ces pertes, c’est défaire
autant de nœuds. C’est permettre de vivre une vie plus
aimante, en lien avec soi-même et avec les autres.
C’est le gage d’une mort plus paisible, lorsque notre
tour viendra. Voilà le credo d’Elisabeth Kübler-Ross :
beaucoup y sont sensibles. Le lien avec le mouvement
du développement personnel est fait, auquel elle
appelle les soignants.

Le dernier engagement, auprès des


personnes séropositives
13 Elle n’abandonne pas pour autant ses différents
combats. Vers la fin des années 1980, elle prend fait et
cause pour les victimes de l’épidémie du sida et lutte
contre toute forme de discrimination à leur encontre.
Elle projette de faire construire un orphelinat destiné
aux enfants de parents morts du virus et écrit Aids :
the ultimate challenge4. Sa ferme est incendiée en
raison, dit-on, de l’opposition de son voisinage à ce
projet d’orphelinat qui risque d’attirer des personnes

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séropositives dans la vallée. Sa correspondance et ses
souvenirs sont détruits.
14 Ne se ménageant jamais, fumant plus que de raison,
Elisabeth Kübler-Ross est victime de plusieurs
accidents vasculaires cérébraux qui la laissent
handicapée. Meurtrie par tant d’adversité à laquelle
s’ajoute la mort de son mari (dont elle était divorcée),
elle se rapproche de son fils Ken Ross et s’installe en
Arizona. Restreinte dans son autonomie, elle connaît
une longue traversée du désert entre dépit et colère,
avant de s’éteindre. On n’abat pas les chênes si
facilement ! Quelques-uns s’étonneront d’une fin de
vie si rude. En réalité, Elisabeth Kübler-Ross a eu une
mort semblable à celle de nombreuses personnes
âgées, entre lit médicalisé et déambulateur. Une
dernière façon de manifester sa pleine et entière
humanité, elle qui détestait être prise pour un gourou.
Avant de rendre définitivement son souffle, elle rédige
un ultime et magnifique ouvrage avec David A. Kessler
son psychothérapeute : On grief and greaving5.
15 Elle aurait pu être riche si elle n’avait pas cédé à si bon
compte ses droits d’auteur. Elle a mené une existence
nomade et simple, partagée entre son mari et ses deux
enfants qu’elle délaissait trop souvent pour répondre à
sa notoriété. Dotée d’un fort tempérament, cédant
parfois à la colère, ses paroles étaient toujours en
accord avec ses actes.

Promouvoir une culture de


l’accompagnement intégrant la
dimension spirituelle
16 Peu de Français ont suivi les séminaires d’Elisabeth
Kübler-Ross. J’ai eu cette chance à treize reprises.

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Après une formation à l’animation, je rejoins son
équipe non sans me rappeler notre première
rencontre, en octobre 1991. Un voyage d’étude en
Amérique du Nord m’avait donné l’occasion –
exceptionnelle – de passer plusieurs jours en Virginie
en tête-à-tête avec elle. Alors que je m’étonne de
l’absence de mouvement EKR en France tandis qu’il
en existe partout dans le monde, Elisabeth Kübler-
Ross me répond : « Vous autres Français, vous avez un
esprit très critique et vous vous estimez supérieurs.
Voilà pourquoi. Fonde un mouvement en France, si tu
veux. » Le défi est de taille. Je le relève. Il n’est pas
difficile de trouver des Français de toute appartenance
professionnelle (infirmière, psychologue,
psychothérapeute, enseignant, formateur
professionnel, professeur de yoga, etc.) désireux de
s’impliquer avec sincérité dans ce travail. J’affronte
quelques sarcasmes : « Sainte Elisabeth » « gourou »,
murmure-t-on autour de moi. J’ai droit à une
authentique audition dès mon retour des États-Unis
où l’on me presse de faire un rapport sur l’état de
santé mentale d’Elisabeth Kübler-Ross.
17 Les statuts de l’association Elisabeth Kübler-Ross
France sont déposés à la Préfecture de Paris le 19 juin
1992 et paraissent au Journal officiel le 15 juillet.
Nombreuses étant les associations d’accompagnement
de fin de vie, il ne nous paraît pas opportun d’en créer
une nouvelle : l’association EKR-France se donne pour
objectif de diffuser les travaux d’Elisabeth Kübler-
Ross et de promouvoir une culture de
l’accompagnement intégrant la dimension spirituelle.
Si cette dimension semble naturelle dans le monde
anglo-saxon, elle est beaucoup plus difficile à mettre

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en œuvre dans le contexte français. Comment évoquer
la mort sans questionner le sens de ce qui s’y vit ?
Elisabeth accorde beaucoup d’importance à ces
questions. Elle attache une particulière attention aux
émotions vécues à l’occasion de toutes les pertes de la
vie et nous incite à les exprimer sans retenue ce qui, là
encore, heurte nos habitudes. Pour elle,
l’accompagnement ne peut se concevoir sans que ces
dimensions aient toute leur place. EKR France se
propose d’inspirer les soignants et les bénévoles en les
nourrissant de cette approche. Assez naturellement,
l’association s’oriente vers l’accompagnement des
deuils de l’existence, les étapes décrites par Elisabeth
s’appliquant à toutes les pertes de la vie. Détentrice du
protocole d’animation des groupes de soutien mutuel
tels que les a conçus Elisabeth aux États-Unis,
l’association est parmi les premières à les mettre en
place en France et à y accueillir des personnes
endeuillées.

Influence sur le mouvement français


des soins palliatifs
18 EKR-France contribue à la naissance de l’association
Vivre son deuil qui, à ses débuts, est un collectif
d’associations et d’institutions constitué sous
l’impulsion du docteur Michel Hanus, président de la
Société de thanatologie. Elle prend de l’ampleur et
organise des séminaires « Vie, mort et transition »,
réplique exacte de ceux animés par Elisabeth Kübler-
Ross. Des intervenants étrangers, américains, suisses,
irlandais, espagnols, les co-animent. Des journées de
formation sont régulièrement organisées. Elles
attirent plusieurs centaines de participants de toute la

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France. L’association se dote de locaux, à Paris et
d’antennes en région. Une newsletter paraît, un site
Internet est mis en place, recevant de très nombreuses
visites.
19 Les travaux Elisabeth Kübler-Ross sont connus depuis
qu’ils ont fait l’objet de lecture, au milieu des années
1970, dans les séminaires du Centre Laennec à Paris,
que suivent les pionniers français de
l’accompagnement des patients en fin de vie.
20 Elisabeth Kübler-Ross vient une première fois à cette
époque faire une conférence à la Sorbonne. Elle
revient à Nice puis à Paris, à la Maison de la chimie, en
1992. L’association l’invite à nouveau en avril 1994
pour une conférence au palais de la Mutualité, à Paris.
Mille cinq cents personnes assistent à cette dernière.
Elle visite l’unité de soins palliatifs du centre
hospitalier Paul-Brousse de Villejuif (Assistance
Publique – Hôpitaux de Paris) que dirige le docteur
Michèle-H. Salamagne, et accepte d’en être la
marraine.
21 Si certains adoptent une attitude réservée lorsque l’on
évoque le nom d’Elisabeth Kübler-Ross, beaucoup,
notamment des soignants, lui vouent une véritable
affection. Ils ne donnent pas crédit à toutes ses thèses
mais n’oublient pas qu’elle leur a permis d’oser le face-
à-face avec les mourants et d’apaiser leurs propres
angoisses face à la mort. Elisabeth leur devient comme
familière. Sans l’avoir rencontrée, ils s’en sentent
proches. Elle est au fondement de leur engagement.

Ultime témoignage de reconnaissance


22 Le congrès de l’association européenne de soins
palliatifs (EAPC) doit se tenir à Genève du 22 au 24

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septembre 1999, cent jours avant l’an 2000. Deux de
ses organisateurs, le docteur Michèle-H. Salamagne et
le professeur Charles-Henri Rapin, émettent l’idée
d’interviewer les deux grandes pionnières du
mouvement des soins palliatifs avant que celui-ci ne
bascule dans le troisième millénaire. Ils me sollicitent
pour soumettre Elisabeth Kübler-Ross à un
questionnaire que nous avons mis au point avec David
Oliviere, directeur de la formation au St Christopher’s
Hospice de Londres qui doit, de son côté, le soumettre
à Cicely Saunders. Je pars pour l’Arizona avec une
équipe de la télévision suisse afin de recueillir ce
témoignage6. Sa projection déclenche une standing
ovation. La réconciliation avec le public – et les
soignants – notamment français, est en marche. À ce
moment-là, je ne sais pas que quatre ans plus tard, je
retournerai en Arizona prononcer, à la demande de
son fils, l’éloge funèbre d’Elisabeth Kübler-Ross au
nom de la communauté scientifique. Je serai porteur
d’un message de la Société française
d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) et de la
fédération Vivre son deuil, ultime témoignage de
reconnaissance du mouvement français à l’une de ses
grandes inspiratrices.
***
23 EKR-France a contribué, à sa mesure et dans le droit
fil d’une de ses pionnières, à l’œuvre de construction
du mouvement français des soins palliatifs. Forte
d’une centaine de membres, l’association dispose de
quatre antennes départementales (Paris, Rhône, Orne,
Indre) et de permanents. Son siège est désormais à
Châteauroux. EKR-France poursuit son œuvre
d’accompagnement des deuils de la vie, continue à

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instaurer des groupes de soutien mutuel à l’image de
ceux qu’Elisabeth animait, organise de nouveaux
séminaires « Accompagner de tout son être ». Si le
travail cathartique a disparu de ces formations, les
enseignements demeurent identiques, d’une très
grande richesse.
24 L’association est intervenue à deux reprises à
l’occasion du tremblement de terre du 12 janvier 2010
en Haïti. Les Américains, qui ont été les principaux
fournisseurs d’aide aux victimes, recherchaient des
intervenants francophones afin d’évaluer l’impact
psychologique de la catastrophe. Le nom d’Elisabeth
Kübler-Ross a été un sésame Ce fut une expérience
éprouvante qu’EKR n’aurait pas reniée.
25 Le travail n’est pas terminé. Nous nous devons de
développer et de structurer encore le mouvement
d’accompagnement du deuil tant son impact est
important pour notre société affectée par tant
d’unfinished business.

Notes
1. L’accompagnement des enfants en fin de vie sera l’un des
centres d’intérêt majeurs d’Elisabeth Kübler-Ross. Ses livres On
children and death paru chez Macmillan en 1981 (La mort et
l’enfant, éditions du Rocher) et A letter to a child with cancer
parue en 1979 (Lettre à un enfant devant la mort, éditions du
Tricorne, 1992) en témoignent.
2. Ces différentes étapes du mourir d’Elisabeth Kübler-Ross
seront enseignées partout dans le monde. Leur compréhension,
pas toujours exacte, incitera nombre de professionnels ou
bénévoles à vouloir mener à tout prix les malades vers
l’acceptation.
3. Le docteur Balfour Mount crée en 1974 au Royal Victoria
Hospital de Montréal (Québec, Canada), la première palliative
care unit. Ami personnel d’Elisabeth Kübler-Ross, il hérite, à

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l’image du mouvement des soins palliatifs, de ces deux pionnières
que sont Cicely Saunders et Elisabeth Kübler-Ross.
4. Macmillan, 1987 ; en français Le sida, un défi à la société,
Inter-Éditions, 1988.
5. Simon & Schuster, 2005 ; Sur le chagrin et le deuil, éd. JC
Lattès, Paris, 2009.
6. Ce document est toujours visible sur le site de l’association
www.ekr.france.free.fr

Auteur

Hervé Mignot
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes
importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention
contraire.

Référence électronique du chapitre


MIGNOT, Hervé. 20. Elisabeth Kübler-Ross - Accompagnement
et dimension spirituelle In : Accompagner : Trente ans de soins
palliatifs en France [en ligne]. Paris : Demopolis, 2015 (généré le
10 janvier 2024). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/demopolis/366>. ISBN : 978-2-
35457-110-8. DOI :
https://doi.org/10.4000/books.demopolis.366.

Référence électronique du livre


SALAMAGNE, Michèle-H. (dir.) ; THOMINET, Patrick (dir.).
Accompagner : Trente ans de soins palliatifs en France.
Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Demopolis, 2015 (généré le 10
janvier 2024). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/demopolis/284>. ISBN : 978-2-
35457-110-8. DOI :
https://doi.org/10.4000/books.demopolis.284.
Compatible avec Zotero

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:
Accompagner

Trente ans de soins palliatifs en France

Ce livre est cité par

Cuniah, M.. Bréchon, G.. Bailly, N.. (2023) La spiritualité


dans le cadre d’une maladie incurable : points de vue des
patients. Psycho-Oncologie, 17. DOI: 10.3166/pson-2022-
0232
Legrand, Emilie. Mino, Jean-Christophe. (2016) Les
cadres de la décision de sédation en fin de vie au domicile :
le point de vue des médecins de soins palliatifs.
Anthropologie et Santé. DOI:
10.4000/anthropologiesante.2072

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