De l’alchimie
A u cours de ces dernières années, le
mot alchimie est devenu de plus en
plus courant parmi ceux qui s’interrogent
d’une façon nouvelle sur les processus de
transformation dans la Nature et sur une
partie de ceux-ci, les processus de
transformation dans le corps humain, ainsi
que sur les méthodes de développement de
la conscience humaine. Ils comprennent
intuitivement qu’au cours de l’histoire
séculaire de l’alchimie, des processus
analogues ont existé.
Ignorant souvent le monde complexe des
idées qui se trouvent à l’arrière plan, nous
utilisons jusqu’à aujourd’hui des mots qui
nous sont parvenus à travers les siècles. Le
contexte social et scientifique ayant changé,
leur sens s’est perdu et leur signification est
devenue impénétrable. Voici quelques-uns
de ces mots et expressions du domaine de
l’alchimie: faiseur d’or, la Pierre
Philosophale, trouver l’élixir de vie, les
accès fermés hermétiquement,etc.
Tout ceci est en association avec l’idée
que les alchimistes pouvaient transmuer le
plomb en or, qu’ils étaient des sages qui
développaient une matière, la Pierre
Philosophale, avec laquelle ils pouvaient
transformer l’imperfection en perfection;
que les alchimistes étaient des adeptes, des
initiés dans les mystères les plus profonds
de la Nature, de sorte qu’ils étaient capables
d’harmoniser les forces vitales, si bien que
le corps humain était amené dans un état
d’équilibre parfait, toujours sain et capable
de devenir très vieux.
L’expression ‘fermé hermétiquement’
signifie qu’il est impossible d’entrer. Les
alchimistes aspiraient à réaliser le Grand
Œuvre, l’Opus Magnum dans l’Art
Hermétique, c’est-à-dire d’accéder au savoir
matériel et spirituel complet des lois et des
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secrets de l’univers, tels qu’ils furent
révélés, en des temps légendaires par
Hermès Trismégiste, le divin Trois Fois
Grand.
Le mot latin ‘alchimia’ provient de
l’arabe et dérive d’un mot d’origine grecque
ou égyptienne et renvoie à la fonte des
métaux et à la noirceur de la terre
égyptienne. Les alchimistes se basaient sur
quelques prémisse importantes, l’hylozoïs-
me et l’idée de l’ ‘unus mundus’. Ils
considéraient l’univers comme un cosmos
animé avec de la matière animée, avec une
force motrice incitant à la purification, au
raffinement et au perfectionnement et, pour
autant que cela concerne l’âme humaine, au
retour à la source divine originelle.
L’idée de l’ ‘unus mundus’ se base sur la
relation des choses; la différenciation émane
de l’Unité, retourne à l’Unité et les ‘mille
choses’ différenciées dans la réalité
manifestée sont inséparablement reliées
entre-elles. Un texte alchimique-hermétique
traduit cette version par les mots suivants:
« Il est vrai, ce qui est en bas est comme
ce qui est en haut, et ce qui est en haut est
comme ce qui est en bas, pour faire les
miracles d’une seule chose. »
Parlant du fils des Philosophes, la Pierre
Philosophale, le texte poursuit:
« Le Soleil est le père, la Lune en est la
mère, le Vent l’a porté dans son ventre et la
Terre est sa nourrice. »
Ces citations sont extraites de la Tabula
Smaragdina (la Table d’Émeraude), un des
textes les plus anciens de l’alchimie -
exception faite de l’alchimie provenant de la
culture de la Chine et des Indes - et en
même temps un des plus accrédités. Ce qui
reste concrètement de nos jours, c’est le
texte de la Tabula Smaragdina écrit en
langue arabe. L’auteur de ce manuscrit
arabe dit qu’il cite Apollonius de Tyane, un
néo- pythagoricien et magicien du premier
siècle. Pour ce qui est de l’origine de la
Tabula Smaragdina, la légende nous fait
remonter bien plus loin dans le temps. Dans
un passé très lointain, cette Table
d’Émeraude se serait trouvée dans la tombe
d’Hermès Trismégiste qui la tenait lui-
même dans ses mains.
En Europe, on continua à écrire des
commentaires sur la Tabula Smaragdina
jusqu’au dix-septième siècle. Bien que très
différents entre eux, tous ces textes avaient
pour point commun que les forces de l’âme
cosmique pouvaient être incorporées dans
une matière solide, appelée la Pierre
Philosophale ou la ‘Tinctura Rubea’. Cette
teinture rouge, dont le pouvoir de coloration
(analogue au sang - force vitale - force
purifiante - force animante) était si
important, pouvait, lorsqu’elle était projetée
sur l’imparfait, effectuer la transmutation
jusqu’à la perfection.
Ceci implique la possibilité des processus
de transformation dans tous les aspects:
épuration des métaux, ennoblissement de
l’homme, purification des forces corpo-
relles, purification de l’âme, clarification de
la conscience, grâce à quoi il est donné à
l’Esprit de contempler enfin le Divin, en
toute clarté et en union mystique.
Il est intéressant de constater que les
tentatives hésitantes de rapprochement qui
ont débuté ces dernières années entre les
sciences naturelles et les autres sciences
comme la biochimie d’une part et le
INDICATIONS A PROPOS DE QUELQUES TERMES ALCHIMIQUES
(Empruntées partiellement à Martinus Rulandus, Lexicon Alchemiae Francfort 1612, et à Dom Antoine-
Joseph Pernety, Dictionnaire Mytho-Hermétique, Paris 1758)
Rulandus (1532-1602) était médecin à
Lauingen en Souabie et fut plus tard
médecin particulier de l’empereur Rodolphe
II, qui, étant donné son propre intérêt
ésotérique et occulte, fit venir à sa cour à
Prague des savants, des philosophes, des
astronomes, des astrologues, des médecins,
des cabalistes et des alchimistes. Rulandus
était en tant que médecin alchimiste un
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mysticisme avec ses domaines apparentés
tels que la psychologie et la théologie
comparative d’autre part, forment une
nouvelle ronde dans l’aspiration de l’esprit
humain à une structure où les antithèses
conduisent à une nouvelle synthèse. La
dernière période du penser cohérent sur la
matière et l’esprit précéda en Europe de
l’Ouest la révolution scientifique qui a
commencé au dix-septième siècle, et qui,
bien que possédant une connaissance
scientifique extraordinaire de l’Univers, de
la matière et de l’énergie, n’a pas toujours
pu éviter le piège du fragmentarisme et par
conséquent a entraîné la désorientation
psychique. Cette période se manifesta dans
les œuvres et le penser des alchimistes et
des philosophes hermétiques qui,
impuissants à exprimer leurs expériences,
les traduisaient souvent par des symboles.
Qu’une analogie puisse démontrer les
possibilités qui sont cachées dans cette
nouvelle ronde, cette nouvelle période de
notre époque: tout comme l’Ancien
Testament fut interprété par les exégètes
bibliques comme une préfiguration du
Nouveau Testament, je voudrais considérer
la recherche profonde des alchimistes de la
cohérence entre la matière et l’énergie, entre
le corps, l’âme et l’esprit comme une
préfiguration de l’aspiration de notre siècle
pour en venir, à l’aide des pierres de
construction nouvelles et des traditions re-
connues, à une structuration et à une
orientation de nous-mêmes, et de l’Univers
en nous, et de l’Univers en dehors de nous.
adepte de Paracelse.
Dom Antoine Pernety (1716-1800)
accéda à l’Ordre des Bénédictins, puis s’en
retira plus tard et devint pour quelques
années le bibliothécaire de Frédéric le
Grand. Il se consacra à la cabale et aux
sciences ésotériques. Son œuvre principale
est consacrée aux mythes et légendes
Égyptiens et Grecs. Il essaya de démontrer
que toute la mythologie de l’Antiquité décrit
sous forme allégorique la réalisation de la
Pierre Philosophale alchimique. Son
dictionnaire hermétique est imprégné de
cette même idée et de plus donne
l’explication de notions
fréquemment utilisées
dans l’œuvre de Para-
celse et dans d’autres
auteurs hermétiques
avec tous les synonymes
et toutes les divergences
de signification que l’on
rencontre chez les diffé-
rents auteurs. Ainsi
Pernety indique, par
exemple, plus de 500
mots pour le mot
‘matière’, pour désigner
la ‘prima materia’, la
matière de base des
alchimistes. Cette inter-
prétation, complètement différente selon les
auteurs alchimistes de mots et de notions
fréquents, ne permet pas d’en établir une
liste claire et simple. C’est aussi l’une des
raisons pour lesquelles il est difficile de
pénétrer dans la signification des sources.
ADEPTE: Alchimiste qui est supposé
avoir réalisé la Pierre Philosophale.
AIGLE: Nom que les Philosophes
Hermétiques ont donné à leur mercure après
sa sublimation. Ils l’ont ainsi appelé,
premièrement à cause de sa volatilité;
secondement parce que, comme l’aigle
dévore les autres oiseaux, le mercure des
Sages détruit, dévore et réduit l’or même à
sa première matière en le réincrudant, après
Philalèthe. (Pernety)
ALCHIMIE: C’est la séparation de la
substance impure de la substance plus pure.
(Rulandus)
ALAMBIC: Un casque placé au-dessus
d’une cornue pour récolter et rassembler les
vapeurs ascendantes. (Rulandus)
ALKAEST: Liqueur qui, selon Paracelse
et Van Helmont, dissout tous les corps
visibles et les réduit à leur première matière.
(Pernety)
ALUDEL: Vase requis pour le grand
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œuvre chez Geber; l’aludel doit être fait
d’un verre épais également. On désigne
aussi souvent sous ce nom le vase
philosophique, qu’il ne faut pas confondre
avec le vase dans lequel on renferme la
matière, etc. (Pernety)
AME: Magistère
parfait au rouge, parce
qu’alors il est propre-
ment le ferment qui
anime la pierre pour en
faire l’élixir, etc.
(Pernety)
ANDROGYNE ou
HERMAPHRODITE:
Nom que les Chymistes
Hermétiques ont donné
à la matière purifiée de
leur pierre, après la
conjonction; c’est pro-
bablement leur mercure,
qu’ils appellent mâle et
femelle, Rebis, et de tout autres noms, qu’on
peut voir dans l’article ‘matière’, plus de
500 noms, etc. (Pernety)
De ces quelques exemples, on peut
comprendre que la rédaction d’un glossaire
est une entreprise extrêmement délicate. Les
mots et les notions sont polyvalents et
renvoient aussi bien aux sens ésotérique
qu’exotérique de l’alchimie. Le sens, attri-
bué aux mots, renferme d’autres significa-
tions suivant l’époque où l’écrit vit le jour et
selon les mobiles littéraires et autres
considérations du contexte historique.
L’adepte est celui qui a réalisé le Grand
Œuvre et est devenu ainsi le grand initié qui,
à travers le chemin de la matière, sonde les
secrets de la Nature, de l’homme naturel et
de l’homme spirituel et ainsi se trouve sur le
point d’équilibre de la balance entre Dieu et
l’homme. La description de l’aludel a très
clairement un double sens. Les alchimistes
donnent d’innombrables descriptions pour
les mots ‘Hermaphrodite’ ou ‘Rebis’ (500
noms, nous dit Pernety), avec lesquels ils
veulent exprimer une des idées-clés de la
théorie alchimique et du processus alchi-
mique. Les oppositions doivent être rame-
nées à l’unité; le cycle des quatre éléments,
les paires d’opposés, les changements
éternels dus à l’attraction et à la répulsion,
l’amour et la haine entre les éléments,
doivent être neutralisés.
Il va de soi que le monde de la mytho-
logie de l’Antiquité, si riche en images, fut
incorporé dans les textes et illustrations
alchimiques à cause des parallèles mani-
festes. Cette incorporation commença déjà
dans l’Antiquité, puis fut élaborée davan-
tage dans l’écrit de la Margarita Pretiosa
Novella de 1330 et dans l’Arcana Arcanissi-
ma de 1614 de la main de Michel Maier.
Pernety emprunte les données de son
Encyclopédie mytho-hermétique essentielle-
ment à ces éléments antérieurs existants.
Pour illustrer ce qui précède, voici encore
quelques citations extraites de l’œuvre de
Pernety:
APOLLON: On prend communément
Apollon pour le soleil qui nous éclaire et les
Chymistes le prennent pour le soleil ou
partie agente de leur œuvre, comme ils
prennent la lune pour la femelle ou la partie
patiente. C’est pourquoi ils expliquent et
appliquent aux opérations de leur Art toutes
les choses que la Fable nous a apprises
d’Apollon, et de ses fils Orphée, Hymenée
et Jaleme qu’il eut de Calliope, Delphus
qu’il eut d’Acachallide, Coronus de
Chrisforte, Linus de Terpsichore, Esculape
de Coronis. Apollon est considéré comme
Guerrier armé d’un arc et de flèches,
puisque c’est lui qui tua le serpent Typhon,
dit Python par anagramme.
Le texte parle du soleil et de la lune
comme étant le principe agissant et le prin-
cipe patient, le ‘mysterium coniunctionis’
qui revient sans cesse, le secret de la neutra-
lisation des opposés. Apollon, qui tue le
Python au moyen de ses flèches, représente
aussi bien le début que la fin du petit pro-
cessus et du grand processus de transforma-
tion, ou pour utiliser les termes de Rulan-
dus, le processus de ‘la séparation de la
substance impure de la substance plus pure’.
Le principe patient, la lune, a également
beaucoup de noms. En premier lieu, on la
désigne avec le principe féminin, et avec
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l’argent (à cause de la correspondance entre
les corps célestes et les métaux dans les
entrailles de la terre). Pernety en dit ce qui
suit:
ARGENT: Notre Argent ou notre Lune,
ce n’est pas l’argent vulgaire. C’est la
matière (des Philosophes) quand elle est
parvenue au blanc parfait par le moyen de la
cuisson. Ce terme s’entend aussi de leur eau
mercurielle, qu’ils appellent aussi Femelle,
Beja, Sperme, etc. Quelques-uns le
nomment Or Blanc, Or cru, etc.
Les secrets auxquels les textes alchimi-
ques renvoient dans leurs descriptions
allégoriques et dans les titres de leurs écrits,
comme l’Arcana Arcanissima que nous
avons déjà cité, ne sont pas faciles à
formuler. C’est l’ ‘Arcanum Quintessentia’.
Pernety en dit ce qui suit sous les mots
‘arcane’, ‘quintessence’ et ‘azoth’:
ARCANE: (Médecine) Paracelse dit
qu’on entend par ce terme une substance
incorporelle, immortelle, fort au-dessus des
connaissances des hommes, et de leur
intelligence, etc. (Et encore:) Arcane se
prend aussi pour toutes sortes de teintures
tant métalliques, que végétales ou animales.
Arcane, en termes de science hermétique,
doit s’entendre de l’eau mercurielle épaissie,
ou mercure animé par la réunion du soufre
philosophique.
QUINTESSENCE: La quintessence, le
magnétisme spécifique, le lien, la semence
des éléments, la composition des éléments
purs, sont - dit Charles le Breton’ en sa
Philosophie Spagyrique - des expressions
synonymes d’une même chose, d’une
matière ou sujet, dans lequel réside la
forme. C’est une essence matérielle dans
laquelle l’esprit céleste est enfermé, et
opère. On pourrait définir la quintessence
comme un cinquième principe des mixtes,
composé de ce qu’il y a de plus pur dans les
quatre éléments.
En conclusion de ces idées, voici les
paroles de Pernety à propos de l’Azoth, la
quintessence astrale et la relation avec la
Cabale: x
 AZOTH: Quand les Philosophes disent UNION DES ENNEMIS: C’est la
que l’Azoth et le feu suffisent pour l’œuvre, fixation de l’eau mercurielle avec le soufre
c’est-à-dire que la matière préparée et bien fixe des philosophes.
purifiée, ou le mercure philosophale, On rencontre cette phrase dans l’alchimie
suffisent à l’Artiste pour le commencement européenne à partir du moment où les écrits
et la perfection de tout l’œuvre; mais le alchimiques furent traduits de l’arabe en
mercure doit être tiré de sa minière par un latin. Par la répétition sans fin à travers les
artifice ingénieux. siècles dans les
Azoth, selon traités alchimiques,
Planis Campy cette phrase expri-
(1598-1644 env.) mant l’unité des
signifie encore antagonismes, res-
moyen d’union, de semble presque à
conservation, ou une formule incan-
médecine universel- tatoire.
le. Il fait aussi Dans son ‘Sym-
remarquer que le bola aureae mensae
terme ‘Azoth’ doit duodecim natio-
être regardé comme num’ (1617),
le principe et la fin Michel Maier, ‘Les
de tout corps, et symboles de la
qu’il renferme Table d’or des
toutes les propriétés Douze Nations’, en
cabalistiques, l’honneur de Che-
comme il contient la mia, sous la prési-
première et la der- dence de la Vérité’,
nière lettre des trois décrit les figures
langues matrices, connues et les
l’Aleph et le Thau figures légendaires
des Hébreux, de l’histoire de
l’Alpha et l’Oméga l’alchimie en douze
des Grecs, l’A et le chapitres: chacun
Z des Latins. étant introduit par une image symbolique ou
Le processus de transformation se allégorique.
termine par la réalisation de l’unité entre le Hermès Trismégiste occupe la première
corps et l’esprit. Ceci ne peut pas être atteint place dans la lignée des grands. Selon la
sans retourner auparavant au premier légende, déjà à l’époque de Moïse, tous les
commencement qui ne peut être trouvé que secrets de la Nature lui auraient été révélés.
dans le stade de la décomposition. Pernety C’est à ‘Hermès le Trois Fois Grand’ que
et Rulandus disent à propos de cette union: l’alchimie doit son nom: ‘Art Hermétique’.
UNION: Volatilisation du corps et Il fut associé avec Hermès, le messager grec
coagulation de l’esprit; ce qui se fait par la des dieux, et avec Thot, le dieu égyptien,
même opération. Les Philosophes l’ont personnifiant la prêtrise égyptienne qui
appelée Union de la terre et de l’eau. Cette exprimait en paroles la connaissance divine
opération se fait par la putréfaction. Alors à propos de Dieu, de la Nature et de
les éléments sont confondus, l’eau contient l’homme et qui initiait dans cette connais-
l’air, et la terre contient le feu, les deux n’en sance ceux qui en étaient dignes.
font qu’un tout appelé Hyle ou Chaos. Cette Les écrits connus sous le nom d’Hermès
union de la terre et de l’eau se fait aussi Trismégiste datent du deuxième siècle
dans la fixation du volatil. environ, et ont été conçus durant les

59
premiers siècles du Christianisme, à
l’époque où le Gnosticisme fut un courant
important qui, dans la littérature hermétique
et dans l’alchimie, a continué à exister plus
ou moins dans l’ombre jusqu’au quinzième
siècle.
Du Moyen Age nous sont parvenus la
Tabula Smaragdina et Asclepius, tous les
deux attribués à Hermès Trismégiste. Le
texte le plus ancien de la Table d’Émeraude
nous a été transmis en arabe. Il se compose
d’un texte court qui traite de la naissance de
l’univers, de la descente de l’esprit dans la
matière, de la congruence entre le macro-
cosme et le microcosme, de la force motrice
des opposés, d’où proviennent toutes les
formes, et enfin de l’union des opposés qui
chasse les ténèbres en permettant ainsi à
l’homme de reconnaître son origine divine.
Au quinzième siècle l’hermétisme prend
un essor prodigieux grâce à la traduction des
écrits grecs d’Hermès et regroupés sous le
nom de Corpus Hermeticum. Le néoplato-
nisme, l’hermétisme et le gnosticisme
connaissent un nouvel essor. Marsile Ficin
(1433-1499) a le plus contribué à la diffu-
sion du néoplatonisme. Il était membre de
l’académie Platonicienne à Florence qui fut
fondée par Cosimo de Medici. Ficin
traduisait Platon du grec, mais interrompit
son travail pour donner la priorité à la
traduction du grec du Corpus Hermeticum,
car, disait-il: ‘la sagesse d’Hermès Trismé-
giste était plus ancienne que celle de
Platon’. La traduction du Corpus Hermeti-
cum fut terminée en 1463. En 1478 il
termina sa Theologia Platonica seu de
Immortalitate Animorum (Théologie
Platonicienne ou l’Immortalité de l’Ame).
Ce qui relie le néoplatonisme, l’hermétis-
me et le gnosticisme, c’est l’idée du retour
du monde manifesté à l’Unité non-
manifestée. La Table d’Émeraude
d’Hermès Trismégiste l’indique.
Il est difficile de définir le courant
spirituel du gnosticisme ou d’en donner la
date d’origine, étant donné qu’il s’agit d’une
approche religieuse-philosophique de la
vérité, dont on retrouve les traces non
seulement dans les systèmes religieux très
60
différents des premiers siècles après Jésus-
Christ, mais également dans les religions
des mystères, le mysticisme juif et le
Christianisme, tous caractérisés par une
tendance ésotérique. Le gnosticisme - ou du
moins quelques groupements lui appartenant
- se caractérise par l’opposition fondamen-
tale entre le bien et le mal, où la Création est
considérée comme une tragédie obscure,
comme une incarnation du Mal, dont Dieu
n’a pas pu être le Créateur. C’est le
Démiurge qui a crée le monde, et l’homme
de lumière, l’homme originel, s’est relié à la
Nature et est devenu prisonnier de la
matière. Un des principaux gnostiques du
deuxième siècle a été Valentin. Il élabora
un système où il contourna l’opposition
fondamentale entre le Dieu transcendant et
l’anti-Dieu du Mal, en ramenant l’existence
du Mal et la chute de l’Ame à un développe-
ment à l’intérieur de la Divinité même, sans
les placer dans une perspective dualiste.
Une formule de la gnose de Valentin,
transmise dans les paroles de Clément
d’Alexandrie, indique de quelle façon l’âme
humaine peut se libérer; à savoir en
apprenant:
« Ce que nous étions et ce que nous
sommes devenus, où nous étions et où nous
nous trouvons rejetés, vers quel but nous
nous précipitons et de quoi nous nous
sommes libérés; ce qu’est la naissance et ce
qu’est la re-naissance. » (Extraits de
Théodote)
Dans le creuset des pensées d’Alexandrie
se développa le néoplatonisme entre le
troisième et le sixième siècle. Les
philosophies de Pythagore, d’Aristote, de
Zénon, et surtout de Platon se sont reliées
aux courants mystiques de l’Égypte, au
Judaïsme et aux conceptions des traditions
hindoues. Les principaux représentants du
néoplatonisme furent Ammonios Saccas, de
la fin du deuxième siècle, Plotin qui décrivit
ses conceptions mystiques dans les
Ennéades, Porphyre et Jamblique qui
conduisirent le mysticisme de Plotin jusqu’à
son ultime conséquence.
Le Néoplatonisme se base sur l’Unité de
tout ce qui existe. En fin de compte, tout
provient du Bien. C’est ce qui le distingue
de la plupart des systèmes gnostiques qui
sont basés sur la dualité. Dans l’hermétisme
et l’alchimie on retrouve ces deux
composants. L’Unité, l’Esprit et l’Âme sont
les trois hypostases dé la Trinité néoplato-
nicienne. La première émanation qui naquit
de l’Unité fut le Logos, l’Esprit qui
renferme toutes les autres émanations;
l’esprit crée l’âme, le principe du mouve-
ment et de la matière. Toute la création
aspire au retour à la perfection d’où elle est
issue; ce qui signifie le retour à Dieu. Pour
en arriver là, l’âme doit dépasser le penser et
s’unir en extase à Dieu, en abandonnant
toute conscience de séparation.
En 529, l’empereur Justinien ferme
l’Académie Platonicienne et interdit
l’enseignement du néoplatonisme. Le
gnosticisme fut poursuivi par les Pères de
l’Église dans la lutte pour l’orthodoxie de
Rome. C’est dans les écrits alchimistes que
les idées gnostiques survécurent dans un
courant qui exista jusque dans la seconde
moitié du dix-septième siècle. Ce courant
avait pu s’élargir grâce à l’apport des
sources arabes et moyenâgeuses et depuis la
Renaissance avec la tradition du Corpus
Hermeticum et l’incorporation dans le
cadre alchimique de mythologie et
littérature classiques.
Michel Maier commence ses Symbola
Aureae Mensae avec la représentation
d’Hermès Trismégiste, ‘le Roi des
Égyptiens qui occupa la place la plus
importante à la table d’or en tant qu’envoyé
de sa Reine, Dame Chymia’. Il est
philosophe, prêtre et roi et Maier démontre
sa grandeur au moyen de renvois à de la
littérature plus ancienne. Il fait cela avec
une érudition impressionnante, ce qui ne
l’empêche pas de mélanger fiction et vérité,
comme lorsqu’il adhère à l’opinion courante
à son époque concernant le temps où
Hermès Trismégiste aurait vécu. Maier
souligne qu’il a été une figure historique,
vivant autour de 2000 ans avant Jésus-
Christ.
Sur l’illustration (page 50 de ce Bulletin),
Hermès figure avec le globe dans une main;
il posséda ‘les trois parties de la sagesse de
l’Univers’. De l’autre main, il indique le
processus cosmique qui se réalise:
l’annulation des oppositions représentées
par le Soleil et la Lune symbolisant le
principe actif et le principe passif. On
rencontre souvent ces principes sous une
forme personnifiée: l’homme et la femme,
l’époux et l’épouse comme Gabritius et Beia
dans l’alchimie arabe. Leurs noms sont une
déformation des mots soufre et mercure.
Voici la devise de l’emblème:
Le soleil est le Père et la Lune blanche
est la Mère de son union (l’Unité finale) et
en troisième lieu suit, tel un conducteur, le
Feu. Le texte réfère à la

Table d’Émeraude
Il est vrai, sans mensonge, certain et très-véritable.
Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut,
et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas,
pour faire les miracles d’une seule chose.
Et comme toutes choses ont été et sont venues d’un,
ainsi toutes choses sont nées dans cette chose unique par adaptation.
Le Soleil est le Père,
La Lune en est la Mère,
Le vent l’a porté dans son ventre,
La terre est sa nourrice,
Le Père de tout, le Thélème de tout monde est ici;
sa force est entière si elle est convertie en terre.
Tu sépareras la terre du feu, le subtil d’épais,
doucement avec grande industrie.

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 Il monte de la terre au ciel, et ensuite il descend en terre,
et il reçoit la force des choses supérieures et inférieures.
Tu auras par ce moyen toute la gloire du monde,
et toute obscurité s’éloignera de toi.
C’est la force forte de toute force,
car elle vaincra toute chose subtile et pénétrera toute chose solide.
Ainsi le monde a été crée.
De ceci seront et sortiront d’innombrables adaptations desquelles le moyen est ici.
C’est pourquoi j’ai été appelé Hermès Trismégiste,
ayant les trois parties de la philosophie du monde.
Ce que j’ai dit de l’opération du soleil est accompli et parachevé.

Ce court texte, transmis dans des
manuscrits arabes du huitième - dixième
siècle, remonte à des sources d’inspiration
antérieures, peut-être même en partie à un
texte d’origine syrienne. Au douzième
siècle, la Table d’Émeraude fut traduite en
latin et servait de texte de base pour tous les
écrits hermétiques alchimiques ultérieurs.
La Table d’Émeraude fut citée, interprétée,
et commentée jusqu’au dix-septième siècle.
Des bases alchimiques sont reconnais-
sables dans la Table d’Émeraude, comme
l’interaction entre le microcosme et
macrocosme, provenant d’une seule source
originelle; le renvoi à la construction de
l’univers à partir des quatre éléments; la
force universelle, âme ou esprit, qui pénètre
le macrocosme et le microcosme. Le couple
des Noces Chymiques, Sol et Luna, figurent
comme Soufre et Mercure, les deux opposés
qui doivent être unis. Raymond Lulle dit
dans son Codicil:
« Chimiquement parlant, c’est le Soufre
renfermé dans le Mercure (Et:) La Pierre
est le feu, porté dans le ventre de l’air. »
Michel Maier l’appelle dans son Atalanta
Fugiens:
« Sur le plan arithmétique, c’est la
racine du cube, musicalement, c’est la
quinte, du point de vue géométrique c’est un
point comme commencement d’une ligne
droite, astronomiquement parlant c’est le
centre des planètes Saturne, Jupiter et
Mars. »
Le fil conducteur dans les commentaires
de la Table d’Émeraude est que l’esprit doit
être relié à la matière et que cela n’est
possible que lorsque la matière a été purifiée
parfaitement; le produit final est appelé
alors la Pierre Philosophale ou l’Élixir de
Vie, ou l’homme éclairé mystiquement en
tant qu’individu, ou le rétablissement de
l’état originel de l’homme cosmique.
Dans les commentaires sur la Table
d’Émeraude les paroles sont expliquées à
l’aide d’exemples et de citations de sources
alchimiques, néoplatoniciennes, gnostiques,
Pythagoriennes et cabalistiques. L’or est le
joyau de règne minéral, tout comme Jéhova
est le couronnement du monde spirituel;
ainsi l’Or, le Roi Chymique et Dieu sont
reliés mystiquement. (KNORR VON
ROSENROTH: Kabbala denudata.)
Plotin, néoplatonicien de l’école
d’Alexandrie dit les paroles suivantes avant
de mourir (270 A.D.): « Je ramène le Dieu
qui habite en moi, au Dieu qui est l’âme du
monde. »

Réflexion sur la Table d’Émeraude

E t eritis sicut dei scientes bonum et

malum. (Vous serez comme des
dieux, connaissant le bien et le mal).
Hermès Trismégiste, le trois fois grand,
avait beaucoup d’aspects; il était le grand
magicien selon la définition que Pline en
donne: « La magie comprend tout ce qui est
capable d’intéresser l’esprit et le corps, car
la magie englobe la médecine, la religion et
l’astronomie. Ces trois domaines de con-
naissance forment la sainte trinité, telle
qu’elle est enseignée par les magiciens. »

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 Nous retrouvons ce thème de l’union des
oppositions ou de la création d’un équilibre
entre les éléments, comme la théorie du
soufre et du mercure expliquée dans
l’alchimie arabe, dans les paroles suivantes
d’Éliphas Lévi (1810-1875) (pseudonyme
d’Alphonse Louis Constant).
« Le pouvoir entier de l’alchimie se
trouve dans le point central de l’équilibre
universel. Cet équilibre est renfermé dans
quatre points: connaissez la vérité, veuillez
le bien, aimez la beauté et faites ce qui est
juste.
Le point central dans l’ordre intellectuel
et moral est la liaison entre la science et la
croyance. Dans la nature humaine, ce point
central est l’endroit où l’âme et le corps se
rencontrent de sorte que leurs actes soient
en harmonie. Dans les sciences physiques, il
s’agit de la résultante des forces opposées
qui se compensent mutuellement. Compre-
nez cette liaison, prenez possession du
milieu, travaillez à cette résultante et vous
serez des dieux, connaissant le bien et le
mal.
Le point d’équilibre entre la vie et la
mort est le grand secret de l’immortalité; le
point d’équilibre entre le jour et la nuit est
le point d’origine du mouvement des
mondes; le point d’équilibre entre la science
et la croyance est le grand secret de la
philosophie, le point d’équilibre entre
l’ordre et la liberté est le grand secret dans
Nicolas Flamel
N icolas Flamel, et le livre mystérieux
avec des hiéroglyphes sur lequel il a
mis la main, font partie de l’histoire la plus
pittoresque dans l’histoire de l’alchimie où
la vérité historique et la légende sont
étroitement mêlées.
Nicolas Flamel naquit vers 1330 à
Pontoise, près de Paris. Il devint secrétaire
près de l’église Saint-Jacques de la
Boucherie, à Paris, et vivait paisiblement
avec son épouse Pernelle. Après avoir
survécu de nombreuses années à sa femme,
il mourut le 22 mars 1418 comme un
homme fortuné, qui avait donné beaucoup
63
les affaires politiques, le point d’équilibre
entre l’homme et la femme est le grand
secret de l’amour; le point d’équilibre entre
la volonté et l’émotion, entre l’action et la
réaction est le grand secret de la puissance.
Le grand secret de la haute magie, de
l’inexprimable, du secret intransmissible,
n’est autre chose que le point d’équilibre
entre le relatif et l’absolu. C’est l’infini
dans le fini et le fini dans l’infini. C’est la
balance entre le pouvoir absolu relatif de
l’homme et les impossibilités de Dieu […].
Le point d’équilibre est la monade essen-
tielle, qui forme la divinité de Dieu, c’est la
liberté dans l’individu et l’harmonie dans la
Nature. Dans la dynamique, c’est le mouve-
ment perpétuel, dans la géométrie c’est la
quadrature du cercle et dans la chimie c’est
la réalisation véritable du Grand Œuvre.”
(Le Grand secret, ou l’Occultisme révélé)
Le Grand Œuvre, l’Opus Magnum, l’Ars
Magna, le grand art, la teinture rouge, la
Pierre Philosophale, la résurrection de
Christ, la fin du pèlerinage, l’entrée dans le
jardin des Hespérides, la solution de
l’énigme du sphinx, la désaltération de l’eau
vivante dans l’union de la source blanche et
de la source rouge, le couronnement du roi
chimique après le sauvetage hors de la mer
mercurielle; voici quelques expressions des
allégories et symboles alchimiques, indi-
quant le Grand Œuvre.
d’argent aux activités charitables telles que
la fondation et le soutien aux hôpitaux, la
construction de trois chapelles à Paris, à
Boulogne (d’où Pernelle était originaire) et
un legs à l’église de Pontoise. Son capital
considérable s’explique par ses bénéfices
d’éditeur, de libraire, d’écrivain et de
notaire. Sa pierre tombale se trouve au
musée de Cluny.
L’opinion publique chercha une autre
explication pour la richesse de Nicolas
Flamel et l’attribua à ses compétences
alchimiques. Cette légende se développa à
partir du quinzième siècle.
 Nicolas Flamel décrit sa vie et la façon
miraculeuse par laquelle il est entré en
possession du livre d’Abraham le Juif dans
lequel le secret alchimique est révélé. Sans
aucune trace de manuscrits plus anciens, ce
livre ne ressurgit qu’en 1612, presque 200
ans après la mort du riche et historique
Flamel. Ce qui fait que la paternité de
l’ouvrage et la véracité de la biographie en
deviennent fort suspectes.
Dans son autobiographie, ‘Flamel’
raconte que dans un rêve un ange lui apparut
et lui montra un très beau livre ancien en
disant: ‘Maintenant tu ne le comprends pas,
mais un jour viendra où tu en comprendras
des choses que personne d’autre ne
comprendra’. Puis l’ange disparut. Un beau
jour en 1375, Flamel acheta pour peu
d’argent, à un libraire inconnu, un livre qu’il
reconnut immédiatement comme étant le
livre de son rêve. C’était un livre avec des
illustrations singulières, et sans texte. Après
des années de vains efforts pour le déchif-
frer, il partit à Saint-Jacques-de-Compo-
stelle, en Espagne, dans l’espoir de trouver
parmi les sages juifs quelqu’un qui soit
capable de lui expliquer la sagesse secrète
du livre. Finalement il y parvient et après
son retour à la maison et après des expé-
riences alchimiques renouvelées, Flamel
arriva à accomplir la transmutation.
L’histoire de Flamel a passionné de
nombreuses générations. La découverte de
données sur l’historique Flamel, ainsi que la
légende autour de lui - grâce à laquelle le
prestige de l’alchimie a augmenté en France
dès le quinzième siècle - et les questions à
propos de la paternité des écrits qu’on lui
attribue, sont jusqu’à aujourd’hui des sujets
de recherche.
Une des images du Livre d’Abraham le
Juif (ou le Livre des Figures Hiéroglyphes)
est celle du serpent cloué à la croix. Le
serpent est le serpent mercuriel qui symbo-
lise déjà dans les écrits alchimiques grecs
l’unité de l’univers et qui est représenté
entre autres par l’ouroboros, le serpent qui
se mord lui-même la queue, reliant ainsi le
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début à la fin. En tant que symbole de
l’Unité, le serpent mercuriel contient égale-
ment tous les aspects individuels du proces-
sus. En tant que tel, il peut recevoir les
noms les plus contradictoires, comme l’eau
éternelle, mais également le feu dévorant.
Parfois on parle du serpent, parfois du
dragon. Le symbole du serpent et du dragon
se rencontre dans toutes les époques et dans
toutes les cultures et a été largement incor-
poré dans le symbolisme alchimique, ce qui
explique que le serpent mercuriel alchimi-
que renferme des significations multiples.
Dans la ‘Visio Arislei’, un écrit d’origine
arabe concernant les textes du Turba Philo-
sophorum, il est question du ‘Dragon veni-
meux qui porte en lui le médicament le plus
absolu’. Ces mots sont interprétés comme
suit: C’est Mercure sublimé de la juste
façon chimique, dissout dans sa propre eau
(Aqua) et coagulé de nouveau, c’est-à-dire
qu’il s’agit du processus de distillation
chimique ou cosmique, dans lequel tout
poison est dissout et transformé en médica-
ment le plus absolu.
Dans le Livre des Hiéroglyphes la signi-
fication du serpent crucifié cloué à la croix,
comme symbole des tortures qu’il doit subir
dans le monde des quatre éléments -
représenté par les quatre bras de la croix -
doit également être comprise comme le
symbole des processus de transmutation à
l’échelle cosmique, et en tant que tel ce
serpent mercuriel est analogue au Christ, le
Rédempteur de l’Humanité déchue.
Dans certains manuscrits, traitant de la
transmutation des métaux et écrit par plu-
sieurs mains différentes en allemand, latin,
grec et hébreu, figurent des signes de diffé-
rents éléments: d’antimoine, des sept mé-
taux, d’alun, de vitriol, des sels sulfuriques,
de salpêtre, d’arsenic, etc. et, à la fin, les
signes des planètes avec la correspondance
entre les planètes et les métaux: Saturne -
plomb; Jupiter - étain; Mars - fer; Mercure -
mercure ou vif argent; Vénus - cuivre;
Soleil - or; Lune - argent.
 Les alchimistes eurent parfois recours à
une certaine codification, en adoptant, par
exemple, les signes astronomiques des
planètes pour figurer les métaux, mais pour
l’essentiel, ce symbolisme était conçu
comme véhicule d’expression ésotérique de
Les signes représentatifs du feu, de l’air,
de l’eau et de la terre, évoquent des
propriétés ‘ascensionnelles’ des deux
premiers éléments, celles ‘descensionnelles’
des derniers. Les signes ne se limitaient pas
aux ingrédients, mais s’étendaient aux
étapes successives de la préparation de la
Beaucoup plus compliqués que les signes
qui généralement manquent d’uniformité
entre les divers alchimistes, les symboles
sont empruntés aux figures légendaires ou
mythologiques ou empruntés à l’agriculture,
aux animaux, aux animaux de fables, aux
rapports sexuels des dieux et déesses, etc.
C’est la source inépuisable de l’icono-
graphie alchimique, et beaucoup plus encore
parce que chaque motif est multi-
(Extraits de « Les symboles spirituels de l’alchimie », Exposition à l’occasion du Festival International de
l’Ésotérisme, Carcassone 18-20 novembre 1988, Bibliotheca Philosophica Hermetica – Amsterdam)
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la philosophie alchimique. Les systèmes de
notation des alchimistes étaient une sorte de
sténographie qui, à l’exception de signes des
sept métaux et quelques autres, manquent
d’uniformité.
Les signes très communs sont, e. a.,:
Pierre Philosophale. Ainsi on trouve
fréquemment une correspondance entre les
douze opérations du Grand Œuvre
Alchimique et les douze signes du
Zodiaque, comme cela a été formulé par
Dom Pernety dans son Dictionnaire Mytho-
Hermétique:
interprétable; cela veut dire qu’il l’est dans
un sens exotérique et dans un sens
ésotérique. Le Vase, par exemple, dans
lequel les ingrédients chymiques réagissent,
correspond à l’œuf cosmique, à la matrice
universelle, à la chambre nuptiale du roi et
de la reine chimique, au mariage de
Chabritius et Beia, personnifications du
soufre et du mercure de l’alchimie arabe. „
66
 Exemple d’un texte alchimique
S ur l’illustration ci-contre nous
voyons, à l’extérieur de la porte de
l’enclos, un homme sans pieds et à l’arrière
plan le Parnasse, si difficile à escalader.
Saturne, symbole du stade initial du pro-
cessus, est souvent représenté sans pieds ou
avec une jambe en bois. A un autre endroit,
Maier le représente comme celui qui a droit
d’arroser les fleurs dans le Jardin de Hespé-
rides. Dans cet emblème il compare Saturne
à Erichthonios, fils de Vulcain et de la
Terre; Vulcain déversa sa semence sur la
terre après qu’Athéna l’ait éconduit et en
conséquence Erichthonios naquit sans pieds.
Il en va de même pour les hommes qui se
fient dans l’œuvre philosophique unique-
ment à Vulcain (le feu) et non pas à Athéna
(la sagesse). Ils auront des fruits difformes,
qui ne sont pas capables de se tenir debout,
ni d’être de quelque utilité à quelqu’un
d’autre. Un homme a deux jambes pour
marcher, et dans la chimie les deux jambes
sont la raison (le bon sens) et l’expérience.
Ces deux valeurs sont la clef et le déver-
rouillage de la Roseraie où fleurissent des
roses blanches et rouges symboles de la
Pierre blanche et rouge. Il n’y a que les
Sages qui cueilleront ces roses sans se bles-
ser avec les épines. Nombreux furent ceux
qui avec des mains de brigands s’introdui-
rent secrètement dans la Roseraie, ce qui ne
leur apporta que du malheur. Dans la Turba
Philosophorum (texte arabe traduit en latin,
remontant probablement à une source d’ori-
gine grecque), Bacasser dit au cours d’une
table ronde de philosophes à propos des se-
crets de la Nature: ‘Nos livres semblent faire
tort à ceux qui ne les lisent que quelques
fois … ils y ont perdu force, temps et travail
… car quand un homme pense qu’il a atteint
le but final, à savoir la purification de la
matière, il se retrouve les mains vides.’ Un
avertissement donc pour ne pas sousestimer,
ni matériellement, ni spirituellement, le
processus de transmutation.
67
Le motif de la Roseraie entourée de murs
dans laquelle est cachée la rose rouge, ou la
teinture rouge, des appellations pour la
Pierre Philosophale, est également indiqué
comme le Jardin des Hespérides où crois-
sent des fruits d’or et où règne la béatitude.
Une autre analogie conduit du Rosarium
Philosophorum à l’Ancien Testament et à
l’iconographie de Marie. Le Jardin de la
Sagesse est représenté comme une cour
close, un ‘hortus conclusus’, dont il est
question dans le Cantique des Cantiques
(IV, 12): ‘Tu es un jardin fermé, une source
fermée, une fontaine scellée’. Dans la
typologie de Marie, Marie est appelée entre
autres ‘hortus conclusus’, le jardin entouré
de murs, ou ‘vas signatum’, le vaisseau
scellé. Tout comme on trouve dans les
sources alchimiques un parallèle entre le
Christ et la Pierre Philosophale, on trouve
également un lien entre la Roseraie et
Marie. Dans la Roseraie siège ‘Sapientia’, la
Sagesse, et la Pierre Philosophale y est
cachée, et dans Marie, le Jardin entouré de
murs ou le vaisseau bien scellé, se cache le
fils de Dieu. Ce thème donne lieu à de
nombreuses variations, mais le principe qui
en est la base ne change pas.
Dans l’épigramme, il est question d’une
porte avec des verrous, ce qui est analogue
dans l’Ancien Testament au passage d’Esaie
(XLV, 2-3) auquel le Rosarium Philosopho-
rum renvoie brièvement. Voici le texte
d’Esaie:
« Je marcherai devant toi, j’aplanirai les
chemins montueux, je romprai les portes
d’airain, et je briserai les verrous de fer. Je
te donnerai des trésors cachés, des riches-
ses enfouies, afin que tu saches que je suis
l’Éternel qui t’appelle par ton nom, le Dieu
d’Israël. »
Les emblèmes alchimiques nous sur-
prennent toujours de par la splendeur des
différents degrés dont le symbolisme est
composé. „