• 1,30 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9218 LUNDI 3 JANVIER 2011 WWW.LIBERATION.

FR

Attentat en Egypte
Chrétiens,
peur sur ILS VONT
FAIRE 2011
l’Orient
L’attaque à la sortie d’une église copte
CAHIER CENTRAL

qui a fait 21 morts vendredi à Alexandrie

illustre dramatiquement la montée
de la tension entre chrétiens et
musulmans dans toute la région. PAGES 2­4

Le peuple n’est pas Affaire

une masse brutale Karachi:
la piste
REBONDS La notion de
populisme construit un
peuple caractérisé par l’al-
liage redoutable d’une ca-
pacité – la puissance brute
du grand nombre – et
d’une incapacité – l’igno-
démocrates toujours sus-
pects d’«angélisme», ce indienne
qu’est en vérité le peuple
profond : une meute habi- Selon de nouveaux
tée par une pulsion pri- témoignages,
maire de rejet qui vise gou- l’attentat de 2002
vernants et étrangers.
LUIS GRAÑENA

serait lié à la vente

rance attribuée à ce même Un texte du philosophe
grand nombre. Pour cela, le Jacques Rancière, premier par la France
racisme est essentiel. volet de notre série sur de sous-marins
Il s’agit de montrer à des le populisme, PAGE 19 à l’Inde. PAGE 10

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,40 €, Canada 4,25 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2 €, Etats­Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande­Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €,
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 EVENEMENT
2 • LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011

La minorité chrétienne, frappée par un attentat

qui a fait 21 morts vendredi, s’inquiète de
la montée des violences et laisse éclater sa colère.

Nouvelle plaie
pour les coptes
d’Egypte
Par CLAUDE GUIBAL et laissés pour morts dans l’attaque de
L'ESSENTIEL Correspondante au Caire leur monastère à Mallawi ; ou jan-
vier 2010, six coptes fauchés par une ra-
LE CONTEXTE

A
l’entrée de l’église, des uni- fale de mitraillettes à la sortie de la
L’attentat perpétré formes barrent la rue. Les tal- messe de minuit du Noël orthodoxe, à
vendredi devant une kies-walkies crépitent. Le Naga Hamadi. Et vendredi, l’horreur,
église d’Alexandrie a front sombre, Yohanna s’en- encore.
fait 21 morts. Cet acte gouffre sous le porche de l’église de la
rallume la tension Vierge, au Caire. En ce samedi soir, alors IMPUNITÉ. «Jusqu’à quand peut-on s’at-
entre coptes et qu’à Alexandrie, la communauté chré- taquer à nous sans que personne ne
musulmans. tienne enterre les 21 victimes de l’atten- bouge? Sans que justice soit faite?» s’ex-
tat qui a ensanglanté la veille l’église des cite Boutros, étudiant en informatique,
L'ENJEU Deux-Saints, Yohanna a rendez-vous en attente d’un visa pour le Canada,
avec les autres étudiants de sa paroisse. «pour fuir ce pays avant que ça ne de-
Les 15 millions de La nuit, ils vont la passer là. En médita- vienne le Liban». Le verdict dans l’af-
chrétiens d’Orient tion. En prière. En colère. faire de la tuerie de Naga Hamadi, plu-
sont souvent victimes Dans les années 90, alors que les com- sieurs fois reporté, est attendu pour le
de violences mandos des Jamaat al-Islamiya faisaient 16 janvier, alors que les coptes, déçus
et de discriminations. trembler l’Egypte, les coptes, déjà, aux par une enquête jugée expéditive,
Par milliers, ces côtés des touristes et des re-
dernières années, présentants de l’Etat, for- «Jusqu’à quand peut-on s’attaquer
ils ont choisi l’exil. maient des cibles de choix
pour les terroristes qui
à nous sans que personne ne
avaient juré de faire tomber bouge? Sans que justice soit faite?»
le régime. Mais après la ré- Boutros Egytien copte, étudiant en informatique
pression féroce, et la fin des
années de sang, les violences contre les avaient réclamé une justice rapide. Le
chrétiens ont changé de nature. «Elles drame de Kosheh, qui a marqué la re-
se sont banalisées. On fait comme si ce prise des violences contre les coptes, a
n’était rien de grave, rien de révélateur. laissé les chrétiens d’autant plus trau-
On nous dit que l’Egypte est une, qu’on est matisés que la justice a acquitté tous les
tous frères. Mais rien, rien n’est fait, et accusés.
voilà où ça nous mène!» gronde Hanna. Depuis, les incidents n’ont cessé de se Affrontements entre
Autour de lui, chacun entonne une lon- multiplier. A chaque fois, la même im- les chrétiens et la police
gue liste: janvier 2000, 21 chrétiens tués punité. Le même déni: pour les autori- égyptienne, samedi,
dans des affrontements interconfes- tés, il n’y a pas de problème confession- à Alexandrie. PHOTO AMR
ABDALLAH DALSH. REUTERS
sionnels à Kosheh, en Haute-Egypte ; nel en Egypte. Systématiquement, la
mai 2008, des moines blessés par balles police parle d’acte isolé, Suite page 4

REPÈRES LES PRÉCÉDENTS IRAKIENS «Je ne suis pas d’accord avec le point
Le 31 octobre, l’Etat islamique en Irak, un groupe proche d’Al­Qaeda,
de vue du pape, et je me demande pourquoi
attaquait la cathédrale syriaque de Bagdad, tuant une quarantaine de fidèles le pape n’a pas appelé à la protection
rassemblés. Dans leur communiqué, les assaillants, qui comptaient nombre des musulmans quand ils se faisaient tuer
d’Egyptiens, avaient menacé la communauté copte. en Irak?»
Dans la nuit de jeudi à vendredi dernier, 14 maisons appartenant à des
chrétiens à Bagdad ont encore été visées par une campagne d’attentats Ahmed al­Tayeb grand imam d’Al­Azhar, réagissant hier
à la bombe islamiste, qui a causé deux morts. à l’appel de Benoît XVI à protéger les chrétiens d’Egypte
LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011 • 3

Hosni Moubarak a encouragé l’essor des ÉDITORIAL

Par VINCENT GIRET
salafistes pour contrer les Frères musulmans.

Un régime qui joue Survie

avec le feu intégriste En frappant celle que
l’écrivain Lawrence
Durrell surnommait «la
es silences et les non-dits sont montrer qu’il était inattaquable sur le capitale de la mémoire»,

L parfois plus forts que le vacarme chapitre de la bigoterie, il décréta l’in-

des mots. Au-delà de sa condam- terruption des programmes télévisés
nation de l’attentat d’Alexandrie, dans cinq fois par jour pour la prière. Il laissa
les terroristes ont donné la
mesure de leur dessein.
Plus qu’aucune grande cité
une allocution télévisée aussi inhabi- Egyptair bannir l’alcool de ses me- moderne, Alexandrie avait
tuelle que grave, le président Hosni nus, etc. Autant de petits symboles qui, incarné du temps de sa
Moubarak n’a pas jugé bon de décréter mis bout à bout, ont contribué à polari- splendeur le rêve de la
un deuil national à la mémoire des ser la société sur la question religieuse. coexistence des religions
21 victimes. Ce «détail», qui n’a pas Prêches. Un nouveau coup d’accéléra- et de l’enchevêtrement des
échappé à la communauté copte (lire ci- teur fut donné après 2006, suite à la cultures. A l’opposé,
contre), est vécu comme une preuve percée électorale des Frères musulmans, l’horizon des assassins du
supplémentaire que l’Etat la traite la hantise du régime. Pour faire pièce à 31 décembre est celui d’un
comme un corps étranger au sein de la leur islamisme politique, les autorités monde arabe où tout ce qui
société. Autre motif de colère ont encouragé le salafisme, va- n’est pas musulman doit
des chrétiens: le raïs, dans son ANALYSE riante ultrarigoriste de l’islam être éradiqué.
allocution, s’est refusé à re- sunnite qui a l’avantage de A commencer par les
connaître toute spécificité chrétienne prôner le quiétisme politique, c’est-à- chrétiens dont l’histoire se
à l’attentat, qui aurait visé, selon lui, «le dire le retrait des affaires du monde. Un confond avec cette terre.
pays tout entier et non une communauté calcul à courte vue car, dans sa version La haine et la guerre,
en particulier». la plus extrême, le salafisme débouche la peur et la violence ont
Un tel déni de réalité n’est pas une sur- sur le jihadisme, qui encourage la lutte déjà fait leur œuvre,
prise pour tous ceux qui s’intéressent à armée contre les régimes impies et tous d’Alexandrie à Bagdad. Le
l’Egypte, ce géant malade du monde ceux considérés comme des infidèles déclin des communautés
arabe. Mais la plupart des touristes, qui (chrétiens, chiites, etc). chrétiennes semble
découvrent souvent l’existence d’une Dès lors, rien ne sert à l’Etat de tenter de désormais inexorable.
communauté chrétienne une fois sur contrôler les prêches dans les mosquées, Partout, nombre de ces
place, se voient servir le discours léni- alors même que l’islam d’Etat est gan- croyants sont déclassés,
fiant sur l’Egypte éternelle et son indé- grené par l’intégrisme le plus rétro- menacés, sommés de
fectible «unité nationale», défendue par grade. L’université d’Al-Azhar, dont le choisir entre le reniement,
un régime «modéré» adepte d’un islam grand imam est nommé par décret pré- la mort ou l’exil. Si leur
«tolérant». Le plus étonnant, c’est que sidentiel, n’a eu de cesse, ces dernières exode massif se poursuit,
même les chancelleries occidentales décennies, de vouloir s’arroger un pou- ces chrétiens risquent
continuent de faire semblant de croire voir de censure sur la production cultu- de connaître un destin
à cette fiction, probablement au nom de relle et éducative de l’Etat. semblable à celui des juifs
la préservation des accords de paix avec Cette crispation touche l’ensemble de orientaux. Longtemps,
Israël signés à la fin des années 70 par la société. Une grande partie de la le silence régna.
Anouar al-Sadate. Ce qui lui coûta la vie presse, les journaux officiels en tête, fait Etrangement. Etaient-ils
en octobre 1981, déjà dans un contexte ses choux gras depuis six mois sur le trop arabes pour susciter le
de fortes tensions communautaires… sort supposé de chrétiennes converties soutien occidental ou trop
Entrave. Mais c’est ce même Sadate qui à l’islam et retenues de force dans des chrétiens pour être
a initié une politique d’islamisation de monastères. La communauté copte compris des courants laïcs
la société afin d’en finir avec les restes n’est pas en reste: chauffée à blanc par et progressistes ? La survie
de la gauche nassérienne. C’est lui qui, des chaînes satellitaires proches de la des chrétiens d’Orient est
se faisant appeler «le président de la droite chrétienne américaine, elle pourtant bien plus une
science et de la foi», a élargi les Frères bruisse de récits invérifiables de chré- affaire de civilisation que
musulmans alors en prison. Lui qui a cru tiennes kidnappées et converties de de religion. Elle interroge
bien faire en allégeant la taxe foncière force à l’islam. aussi la capacité de l’islam
des immeubles dans lesquels un local En ciblant les coptes, les terroristes ont officiel à dialoguer avec
était réservé à une salle de prière. D’où frappé le point le plus sensible de la l’autre et à s’inscrire dans
l’explosion des zawiya, dirigées par des société égyptienne. Ils savent qu’en cas la modernité. Seules
imams autoproclamés. Cette multiplica- d’affrontements interconfessionnels, quelques voix isolées dans
tion des lieux de culte musulmans se les autorités sont incapables de stopper le monde musulman ont
double d’une politique d’entrave draco- l’incendie. La police laisse faire quand osé protester. Il faudra plus
nienne à la construction d’églises. La elle ne prend pas cause pour la foule qu’un filet d’indignation
communauté copte étant travaillée par musulmane, comme ce fut le cas lors du pour endiguer cette haine
le même mouvement de réveil religieux pogrom antichrétien de Zawiya al- qui déferle et ressusciter
que les musulmans, elle vit ces limita- Hamra, dans la banlieue du Caire, lors le vieux rêve alexandrin.
tions comme une injustice. de l’été 1981. Trois décennies plus tard,
Après l’assassinat de Sadate – par un l’Egypte est plus que jamais un pays di-
commando islamiste –, Moubarak a visé, en crise et en proie à une intermi-
continué sur la même voie, alimentant nable fin de règne…
le feu qu’il cherchait à éteindre. Pour CHRISTOPHE AYAD

LES COPTES
Evangélisés par saint Marc, les coptes sont une des
plus anciennes communautés chrétiennes au monde.
Ils forment une Eglise nationale, d’obédience orthodoxe
et monophysite, et dotée de son propre «pape»,
le patriarche Chenouda III. Leur nom dérive du grec
ancien «aiguptios», qui signifie «Egyptiens». Ils sont restés
majoritaires en Egypte jusqu’au XIIIe siècle.
Hosni Moubarak, 82 ans, est au pouvoir depuis 1981.
Vice­président d’Anouar al­Sadate, il lui avait succédé
après son assassinat, le 6 octobre 1981, reprenant à son
compte la politique menée: libéralisation économique,
paix avec Israël et alliance avec les Etats­Unis. Ces
dernières années, il a été en proie à des problèmes de
santé, qui alimentent les spéculations sur sa succession.
Il a l’intention de se présenter à sa succession à la
présidentielle de septembre 2011.
L’HOMMAGE DE FRANÇOIS FILLON
Le Premier ministre français s’est rendu samedi à la
cathédrale d’Assouan, dans l’extrême sud de l’Egypte,
pour «se recueillir en mémoire des victimes de l’attentat
d’Alexandrie». En vacances dans la ville nubienne, le Pre­
mier ministre a téléphoné au président égyptien Hosni
Moubarak pour lui transmettre «les sincères condoléan­
ces» de son gouvernement après l’attentat d’Alexandrie.
4 • EVENEMENT
Suite de la page2 de personnes désé-
quilibrées, de querelles de voisinages
qui dégénèrent.
Mais après avoir longtemps fait profil
bas, les coptes se désespèrent de plus en
plus ouvertement. Jeudi, Mariam, jeune
employée, ira passer la nuit de Noël à
l’église. «Je n’en reviendrai peut-être pas
vivante.» Elle se repasse en boucle, sur
Internet, la scène de l’attaque de ven-
dredi, filmée par une caméra de vidéo-
surveillance. Sur Facebook, elle et ses
amis appellent au «réveil copte»,
s’inondent de chants religieux, illustrés
par des images de chemin de croix, aux
titres explicites: Je n’ai pas peur, Mourir
sans renier.
KAMIKAZE. A l’annonce de la nouvelle,
les voisins, musulmans, sont venus pré-
senter leurs condoléances. Les mères
ont pleuré dans les bras l’une de l’autre.
«Qu’est-ce que ce pays va devenir ?»
Tous craignent désormais que l’Egypte
ne bascule dans les violences sectaires,
tant le fossé entre les communautés
s’est élargi ces dernières années.
Des proches de Mariam sont partis à
Alexandrie pour participer aux mani-
festations qui ont opposé ce week-end
les chrétiens aux forces de l’ordre, ac-
cusées de ne pas avoir suffisamment
protégé les lieux de cultes. «On savait
que ça allait se produire!» s’enflamme la
jeune femme en rappelant que l’Etat is-
lamique d’Irak, le groupe auteur de
l’attaque antichrétienne de Bagdad en
octobre, avait promis de s’en prendre
aux chrétiens d’Egypte. Une menace
réitérée il y a deux semaines. «Pourquoi
ça n’a pas été pris au sérieux ?»
Mariam a du mal à croire à la thèse des
enquêteurs, qui privilégient l’option
d’un kamikaze plutôt que des voitures
«On savait que ça allait
se produire! Pourquoi
[les menaces] n’ont-elles
pas été prises au sérieux?»
Mariam jeune Egyptienne copte
piégées, comme l’ont d’abord affirmé
des témoins, à la télévision. «On veut
des preuves, et vite.» Hier, Al-Jezira
annonçait que la police aurait procédé
à 17 arrestations.
Quelques heures après le drame, le pré-
sident égyptien, Hosni Moubarak, s’est
adressé à son peuple, promettant avec
fermeté de mettre fin au terrorisme
«aveugle» touchant indistinctement
chrétiens et musulmans. «Mais pourquoi
n’a-t-on pas décrété de deuil national,
comme ça a été le cas lors de la mort de
son petit-fils ?» s’étrangle la jeune
femme. Ostensiblement, elle a posé sur
son col roulé noir la croix d’argent
qu’elle laisse d’ordinaire moins appa-
rente. «Dès qu’on est entre nous, on ne
parle que des problèmes coptes. Le fait que
rien ne soit entrepris nous pousse, nous
aussi, à la radicalisation», admet Nagui
Morcos, un enseignant qui craint que le
scénario de vendredi ne soit voué à se
répéter et que le pays ne bascule dans
une violence quotidienne.
Même inquiétude chez la politicienne
copte Mona Makram Ebeid. Selon elle,
la seule issue possible est «une reprise en
main de l’Etat et de la justice». La sous-
représentation des coptes en politique
et leur marginalisation dans l’octroi des
emplois doivent être examinées sans
fard, souligne-t-elle. •
LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011
 MILLIONS DE CHRÉTIENS AU MAGHREB ET AU MOYEN-ORIENT
TURQUIE
80 000 SYRIE
750 000 (4 %)
IRAK
LIBAN 600 000 (2 %)
1,4 million (37 %)
MAROC
40 000 IRAN
350 000
Cisjordanie 50 000 (1 %)
Gaza 3 500
ALGÉRIE
70 000
PAKISTAN
3 millions (2 %)
Population chrétienne
(moyenne des estimations ÉGYPTE
en l’absence de chiffres officiels) 5 à 8 millions
et part dans la population totale du pays (7 %) JORDANIE
(pour les chiffres supérieurs à 1%) 300 000 (5 %) YÉMEN ARABIE SAOUDITE
5 000 1 million (étrangers)
Persécutions massives
(4 %)
Montée de l’intolérance
Un inexorable exode vide les églises du monde arabo-musulman.
«Chez eux, ces chrétiens sont
perçus comme des étrangers»
ette fois, après le carnage seph Maïla, ex-recteur de l’Ins- nationalistes que les nationalis- ses humiliations, et surtout in-
C d’Alexandrie, les mots du titut catholique de Paris dans un tes», rappelle volontiers dans
pape ont été très durs, article de Confluences Méditerra- ses interviews Antoine Sfeir,
beaucoup plus encore qu’après née (2008). Leur avenir est par- directeur de la rédaction des
quiets d’une islamisation crois-
sante. Même dans la Turquie
théoriquement laïque et candi-
l’attentat de Bagdad du 31 oc- ticulièrement menacé, dans les Cahiers de l’Orient. date à l’Union européenne, la
tobre : face «aux discrimina- pays les plus instables, tel l’Irak Dans des pays comme l’Arabie pression d’une société conser-
tions, aux abus et aux intoléran- où demeurent à peine moins de Saoudite, il n’y a jamais eu des vatrice, plusieurs agressions de
ces religieuses qui frappent en la moitié des 1,2 million de chrétiens autochtones et les prêtres par des ultranationalis-
particulier les chré- chrétiens, en majorité églises sont interdites. Au Li- tes et des brimades administra-
tiens», Benoît XVI a ANALYSE assyro-chaldéens, qui ban, où les chrétiens représen- tives régulièrement dénoncés
appelé «à un engage- y vivaient il y a dix tent encore 37% de la popula- par Bruxelles entraînent no-
ment constant et concret des res- ans. «Les chrétiens de Mossoul tion, comme en Egypte (7%) ou tamment les départs des der-
ponsables des nations». Au [nord] ou Bassora [sud] n’ont le en Syrie (4%), ils ont été long- niers chrétiens du sud-est.
Caire, le grand imam d’Al- choix qu’entre un retour à la temps une des composantes clé «Durcir». «La frontière confes-
Azhar, l’autorité la plus respec- dhimmitude [statut de protégé et de la nation. «Les chrétiens ont sionnelle a certes toujours existé
tée de l’islam sunnite, a dé- de citoyen de seconde zone en été les catalyseurs de la modernité dans les sociétés communautaires
noncé hier «une ingérence inac- vigueur à l’époque ottomane, arabe. Ils sont d’autant plus chez du Moyen Orient, mais elle paraît
ceptable». Malgré les prudentes ndlr], l’émigration ou la mort», eux en terre d’islam qu’ils sont se creuser, se durcir comme si la
conclusions du synode sur les constatait, en 2007, Mgr Jean- antérieurs à l’islam», aime à ligne de démarcation religieuse
Eglises d’Orient qui s’est tenu Benjamin Slimane, archevêque rappeler dans ses écrits l’histo- était devenue moins mobile,
à Rome en octobre, le Vatican a latin de Bagdad. La stabilisation rien Henry Laurens. Mais, moins franchissable comme jadis
décidé de hausser la voix. de la situation ne leur a guère même là, l’exode se poursuit. A par le biais des compromis et des
C’est en effet le monde des profité. Alep en Syrie, les chrétiens re- accommodations», écrit Joseph
chrétiens d’Orient qui est dé- «Les chrétiens d’Orient sont de présentaient plus de 50% de la Maïla, reconnaissant que les
sormais menacé. Ils sont tout au plus en plus perçus chez eux population il y a un demi-siècle causes des départs sont ancien-
plus aujourd’hui 15 millions, comme des étrangers suspects de et à peine 6% aujourd’hui. nes. Certes, les chrétiens sen-
dont 5 millions de catholiques soutenir les causes de l’Occident, Les chrétiens quittent la Cisjo- tent «avoir de moins en moins
reconnaissant Rome. Com- quand bien même ils se revendi- darnie, las de l’occupation is- leur place dans des sociétés à
mencé depuis des années, un quent comme arabes et sont plus raélienne, avec ses contrôles et l’identité marquée et exclusive».
«exode mortel» vide inexora- Mais dans nombre de ces pays,
blement de sa présence chré- LES ÉGLISES D’ORIENT ils ont aussi perdu au cours des
tienne cette région qui en fut le dernières décennies leur rôle
berceau et où certaines com- Quelque 15 millions de chrétiens vivent au Moyen­Orient privilégié d’intermédiaires, de
munautés, tels les syriaques, dont près de 5 millions sont des fidèles d’églises orientales par leur statut culturel et leur
prient encore en araméen, la rattachées à Rome. Les coptes (6 millions, orthodoxes en éducation, avec l’Occident et
langue du Christ. grande majorité) vivent surtout en Egypte, et sont les plus ont été remplacés par de nou-
«Doute». «Les chrétiens sont nombreux avec les maronites (1,5 million de fidèles vivant velles élites musulmanes, «qui
une proie facile. Les violences qui au Liban, mais deux fois plus dans la diaspora) qui sont ont accompli leur mutation et leur
leur sont faites témoignent de la rattachés à Rome. A cela s’ajoutent les melkites, 800000 accession à la modernité écono-
dureté des temps pour des com- en Orient, en majorité catholiques, ainsi que les assyro­ mique». Aujourd’hui, des mil-
munautés désemparées en proie à chaldéens qui eux aussi dans leur majorité se rattachent à lions de chrétiens d’Orient vi-
la peur et au doute. Ce qui ne fait Rome. Les syriaques, 250000 orthodoxes, 160000 vent dans les banlieues des
qu’accélérer le plus souvent une catholiques, vivent notamment au nord de la Mésopotamie grandes métropoles d’Europe
émigration aux raisons autrement et au sud­est de la Turquie. On range aussi parfois les ou d’Amérique du Nord.
plus complexes», analysait Jo- Arméniens, orthodoxes, parmi les Eglises d’Orient. MARC SEMO
LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011 MONDE • 5

Guantánamo,neufansdepolémiques
etunepromessenontenue
Barack Obama n’a toujours pas fermé le camp de détenus soupçonnés de terrorisme.
Par LORRAINE MILLOT
Correspondante à Washington

D
eux anniversaires seront
atteints, mais certaine-
ment pas célébrés, en ce
mois de janvier 2011 au
camp de Guantánamo. Le 11 jan-
vier, le «camp du non-droit», où les
Etats-Unis détiennent sans juge-
ment des suspects de terrorisme,
entrera dans sa dixième année: les
20 premiers prisonniers étaient ar-
rivés le 11 janvier 2002 sur cette
base de l’armée américaine à Cuba,
partiellement reconvertie en camp
de détention. Le 22 janvier 2011,
cela fera aussi deux ans que Barack
Obama a promis de fermer ce
camp… dans l’année. Cette pro-
messe de campagne n’a pas été te-
nue et rien n’indique même qu’elle
pourra l’être d’ici à la prochaine
présidentielle de 2012.
La fermeture de Guantánamo
«prendra sans doute un certain
temps», a dû avouer récemment le
porte-parole de la Maison Blanche,
Robert Gibbs. 174 prisonniers sont
encore détenus dans ce camp de Des prisonniers
haute sécurité, parmi lesquels trois à Guantánamo,
seulement ont été jugés et condam- le 30 mars. PHOTO
nés. L’administration Obama n’a PAUL J. RICHARDS. AFP
pas eu «la volonté politique» suffi-
sante pour mettre en œuvre sa pro-
messe de fermer Guantánamo, re- namo est peut-être le meilleur des ar- annoncé une autre possible «solu- aura face à lui une Chambre des re- sûr un progrès, mais ce n’est certai-
grette le professeur William guments de recrutement utilisé par tion»: le rachat d’une prison inuti- présentants à nouvelle majorité ré- nement pas la solution, souligne
Quigley, professeur de droit à l’uni- les organisations jihadistes, a plaidé lisée dans l’Illinois qui pourrait ac-
publicaine, encore moins disposée Laura Pitter, de l’organisation Hu-
versité Loyola, à la Nouvelle-Or- le Président. Nous le voyons sur leurs cueillir certains des détenus. Mais à l’aider. Assurant travailler malgré man Rights Watch. La solution, c’est
léans. «La promesse de fermer Guan- sites internet ou dans les messages un an plus tard, le gouvernement tout à la fermeture du camp, la que les prisonniers de Guantánamo
tánamo a été sacrifiée pour qu’ils font passer.» Mais américain n’a toujours pas réuni les Maison Blanche a fait savoir qu’elle doivent être soit jugés devant des tri-
poursuivre d’autres objectifs ANALYSE trouver l’équilibre entre fonds pour l’acquérir. En décem- prépare maintenant un décret pré- bunaux civils, soit libérés.»
politiques jugés plus impor- «sécurité» et «respect de bre, lors de ses tout derniers jours sidentiel permettant de prolonger
tants, comme la réforme de la santé nos valeurs» n’est «pas une tâche de session, le Congrès sortant, qui indéfiniment la détention sans ju- «LÉGALISME». Depuis la création
par exemple, déplore cet expert, facile», a reconnu Obama. était encore à majorité démocrate, gement de certains des détenus à du camp, en janvier 2002, les tri-
également directeur juridique du Les pays étrangers vers lesquels les Guantánamo, tout en bunaux civils américains ont jugé
Centre pour les droits constitution- Etats-Unis comptaient renvoyer «La promesse de fermer réexaminant réguliè- plus de 400 accusés pour des ques-
nels. Les détenus de Guantánamo certains prisonniers jugés «libéra- rement leurs dossiers. tions de terrorisme, rappelle cette
n’ont pas de puissant lobby à bles» n’ont accepté d’accueillir les
Guantánamo a été sacrifiée pour Sur les 174 détenus ac- experte de Human Rights Watch.
Washington et d’une façon générale, détenus qu’au compte-gouttes. poursuivre d’autres objectifs […], tuels, 48 pourraient Ce décret présidentiel sur lequel
les questions des droits de l’homme et Parmi les 600 anciens prisonniers telle que la réforme de la santé.» être concernés par ce travaille actuellement la Maison
du droit international ne sont pas ju- qui ont été relâchés depuis 2002, au William Quigley professeur de droit décret, a expliqué Blanche équivaudrait à «mettre du
gées aussi importantes que les ques- moins 150 ont renoué avec le terro- Washington : ils sont parfum sur un cochon», prévient
tions de politique intérieure.» risme, estime le bureau du DNI (Di- a même voté une loi de finances in- considérés comme trop dangereux aussi le professeur William Qui-
rector of National Intelligence) qui terdisant au ministère de la Défense pour être libérés mais ne peuvent gley : «Ce serait une façon élégante
«VALEURS». Lors de sa dernière coordonne les services de rensei- l’usage de fonds fédéraux pour être jugés, faute de charges formel- de recouvrir d’une fine couche de lé-
conférence de presse de l’année, en gnement américain: un taux de ré- acheter cette prison ou transférer les, certains éléments contre eux galisme des détentions qui restent to-
décembre, Barack Obama a assuré cidive particulièrement élevé qui a des prisonniers de Guantánamo ayant été recueillis sous la torture. talement illégales et contraires aux
être toujours soucieux de fermer le aussi freiné les ardeurs de l’admi- aux Etats-Unis, ne serait-ce que «Si les dossiers de ces détenus sont droits de l’homme. Cela serait plutôt
camp, dans l’intérêt même de la nistration Obama. En décem- pour y être jugés. périodiquement réexaminés et s’ils un signe que l’administration cède
sécurité des Etats-Unis. «Guantá- bre 2009, la Maison Blanche avait A compter de mercredi, Obama sont dotés d’avocats, ce serait bien face à ceux qui agitent la peur.» •

Une présence centenaire
REPÈRES Les Etats­Unis occupent la baie
de Guantánamo, au sud de l’île
de Cuba, en vertu d’un traité
signé en 1903 qui leur a cédé un
bail perpétuel et permis d’y ins­
taller la plus ancienne base de la
marine américaine hors de leurs
frontières.
LE CAMP DE DÉTENTION
Les 20 premiers prisonniers
considérés comme des «combat­
tants irréguliers» sont arrivés le
11 janvier 2002 sur cette base de
l’armée américaine à Cuba,
partiellement reconvertie
en camp de détention.
174
«Nous allons fermer
Guantánamo. Nous
allons restaurer l’habeas
C’est le nombre actuel de déte­ corpus… Nous dirigerons
nus. Sur les 775 prisonniers incar­ par l’exemple.»
cérés depuis 2002 la plupart ont
été libérés ou transférés vers leur Barack Obama en campagne
pays d’origine pour y être jugés. à San Antonio (Texas) en juin 2007
6 • MONDEXPRESSO
VU DE ROME
Par ÉRIC JOZSEF
L’Italie vent debout
après le refus de Lula
d’extrader Battisti
a mesure était attendue
L autant que redoutée en
Italie. La décision prise
vendredi par le président
brésilien Lula de ne pas ex-
trader l’ancien terroriste
d’extrême gauche Cesare
Battisti a malgré tout provo-
qué une réaction très dure de
la part de la classe politique
italienne. Le chef de l’Etat,
Giorgio Napolitano, a fait
part de son «amertume» et
jugé qu’il s’agissait d’une
«décision injuste et incompré-
hensible». Cet ancien com-
muniste et figure respectée
du Parti démocrate (PD, cen-
tre gauche) a rappelé qu’il
avait écrit à son homologue
brésilien en janvier 2009
pour lui «illustrer amplement
les circonstances factuelles, les
arguments juridiques et politi-
ques qui militaient clairement
en faveur de l’extradition» de
l’ex-militant des Prolétaires
armés pour le communisme
(PAC) condamné à perpé-
tuité par contumace en 1993
pour quatre meurtres et
complicité de meurtres. Cri-
mes dont Cesare Battisti se
dit innocent.
La réaction du gouverne-
ment Berlusconi a été encore
plus sèche. Quelques minu-
tes seulement après l’an-
nonce de la décision, le mi-
nistre de la Défense, Ignazio
La Russa, parlait pêle-mêle
d’«affront», d’«injustice» et
de «grave offense», allant
jusqu’à évoquer «le manque
de courage» de Lula. De son
côté, Silvio Berlusconi,
soupçonné par certains,
dont le quotidien de centre
gauche Il Riformista, de ne
pas avoir suffisamment
œuvré pour obtenir l’extra-
dition de Cesare Battisti, a
fait part de son «profond re-
gret» et annoncé que «la ba-
DRONES Le commandement
des Gardiens de la révolution
iraniens affirme avoir abattu
dimanche deux drones «es-
pions occidentaux» dans le
golfe Persique.
GRÈCE La Grèce se prépare
à clôturer sa frontière terres-
tre avec la Turquie (150km),
principale porte d’entrée de
l’immigration irrégulière en
Europe, a annoncé, samedi,
le ministre grec chargé de
l’Immigration, Christos
Papoutsis.
taille n’était pas terminée».
L’ambassadeur italien en
poste à Brasília a été immé-
diatement rappelé en con-
sultation à Rome. L’Italie a,
par ailleurs, annoncé son in-
tention de faire appel de la
décision auprès de la Cour
suprême du Brésil, voire de
saisir la Cour internationale
de justice de La Haye. «Nous
tenterons absolument tout»,
a martelé le ministre des
Affaires étrangères, Franco
Frattini.
Le chef de la diplomatie es-
père une intervention de la
nouvelle présidente, Dilma
Rousseff qui, en campagne
électorale, avait laissé enten-
dre qu’elle était favorable à
l’extradition, et n’exclut pas
que «l’approbation du traité
de partenariat entre l’Italie et
le Brésil soit reportée».
D’autant que l’opposition de
gauche italienne est à l’unis-
son. Les responsables du
Parti démocrate soutiennent
les démarches entreprises
pour obtenir l’extradition de
Battisti. Trois dirigeants du
parti, dont l’ex-secrétaire
des Démocrates de gauche
Piero Fassino, avaient même
écrit une lettre ouverte à
«l’homme de gauche Lula»,
rappelant «que la justice ita-
lienne prévoit trois instances de
jugement, garantit le droit à
la défense et assure le respect
entier des garanties de la
personne, y compris lorsque
celle-ci est condamnée par
contumace». Et de conclure:
«Le mouvement terroriste dont
Battisti a fait partie a semé la
mort en contribuant à inter-
rompre un processus d’évolu-
tion civile et sociale et en ayant
comme principaux objectifs les
institutions, les forces démo-
cratiques et les organisations
des travailleurs.» •
CÔTE­D’IVOIRE L’avenir du
pays est suspendu à une
nouvelle mission que doivent
conduire aujourd’hui à Abi-
djan trois chefs d’Etat de
pays voisins, accompagnés
du Premier ministre kényan.
Boni Yayi (Bénin), Ernest
Koroma (Sierra Leone) et
Pedro Pires (Cap-Vert)
étaient venus une première
fois mardi pour rencontrer
les deux protagonistes de
cette grave crise née de
l’élection présidentielle du
28 novembre.
18091
C’est le nombre d’Ivoi­
riens réfugiés au Liberia,
selon le Haut­Commissa­
riat des Nations unies pour
les réfugiés, samedi, avec
un rythme continu de 400
à 500 arrivées par jour.
Environ 200 Ivoiriens ont
également quitté leur pays
pour la Guinée. Il y aurait
en outre 2500 déplacés
ayant fui le Nord selon le
camp de Laurent Gbagbo.
«Je rentre à la
maison la tête droite
et avec le sentiment
du devoir accompli.
[...] Je souhaite
prendre du repos,
mettre mes idées
en place pour
ensuite commencer
à penser à ce que
je vais faire pour
ce pays.»
Luiz Inácio Lula da Silva
en quittant la présidence de
la République brésilienne,
samedi, après deux mandats
consécutifs
L’HISTOIRE
DES UKRAINIENS
FONT SAUTER
STALINE
Une statue de Staline a été
détruite à l’explosif dans la
ville ukrainienne de Zapo­
rijia (est du pays) lors de la
nuit du nouvel an. L’installa­
tion du monument, en mai,
avait déjà suscité une
controverse dans cette
ex­république soviétique,
divisée entre l’ouest natio­
naliste et l’est russophile,
où nombreux sont nostalgi­
ques de l’URSS. «Un crimi­
nel est entré par effraction
dans le siège régional du
Parti communiste et a
placé une charge qui a
explosé dans les minutes
qui ont suivi», a indiqué le
PC local. Des photos mon­
trent que le buste a été
totalement détruit et qu’il
ne reste que le socle. La
même statue du dictateur
soviétique avait été
endommagée la semaine
dernière, une action reven­
diquée par l’organisation
nationaliste Tryzoub, qui
avait dénoncé Staline, sur
son site, comme un «bour­
reau du peuple ukrainien»
et «un terroriste internatio­
nal». En Ukraine, Staline
est tenu responsable de
l’Holodomor, la grande
famine de 1932­1933, qui a
causé des millions de mort.
Jawaher Abou Rahmah, morte après avoir inhalé des gaz lacrymogènes. MADJI MOHAMMED. AP
Cisjordanie:deux
mortsquifontscandale
PALESTINIENS L’une des victimes est morte lors
d’une manifestation contre le mur de séparation.
eux civils palestiniens
D ont été tués ce week-
end lors de heurts
avec des soldats israéliens,
marquant un regain de vio-
lence après des mois de
calme relatif en Cisjordanie.
L’un, âgé de 24 ans, a été
abattu hier matin à un bar-
rage près de Naplouse, dans
le nord des Territoires pales-
tiniens. Selon l’armée israé-
lienne, les soldats ont tiré
après avoir plusieurs fois in-
timé à l’homme, qui s’ap-
prochait d’eux en tenant une
bouteille à la main, de s’ar-
rêter. Un responsable des
services de sécurité palesti-
niens a, quant à lui, indiqué
que la victime, qui travaillait
dans une colonie israélienne,
n’était pas armée.
Samedi matin, c’est une Pa-
lestinienne de 35 ans, Jawa-
her Abou Rahmah, qui est
décédée après avoir inhalé
des gaz lacrymogènes lors de
la manifestation hebdoma-
daire, qui se tient les vendre-
dis après-midi depuis 2005
contre le mur israélien dans
le village de Bilin, au nord de
Jérusalem. Le mur sépare la
commune de plus de la moi-
tié de ses terres cultivées,
expropriées par Israël.
«Horrible». «L’escalade is-
raélienne vise à détruire tout
espoir d’un processus de
paix», a estimé le porte-pa-
role de l’Autorité palesti-
nienne, Nabil Abou Rou-
deina. La mort de Jawaher
Abou Rahmah a relancé la
polémique sur les pratiques
Mer Méditerr.
Tel-Aviv
ISRAËL
Gaza
ÉG Bilin
de l’armée israélienne en
Cisjordanie occupée. «Nous
condamnons ce crime horrible
commis par l’armée israélienne
contre des participants à une
protestation pacifique. Cela fait
partie des crimes de guerre
commis par Israël contre notre
peuple», a déclaré le négocia-
teur palestinien, Saeb Erekat.
Selon des témoins, les soldats
israéliens ont réagi de façon
particulièrement agressive,
utilisant de grosses quantités
de gaz lacrymogènes pour
disperser la manifestation de
vendredi, à laquelle ont par-
ticipé un millier de person-
nes. Une affluence particu-
lièrement importante en
l’honneur du 46e anniver-
saire de la fondation du Fa-
tah, le parti du président pa-
lestinien, Mahmoud Abbas.
Le Premier ministre palesti-
nien, Salam Fayyad, était
d’ailleurs présent au début de
la manifestation. «Jawaher
s’est retrouvée bloquée dans
une zone où le nuage de gaz
était particulièrement épais.
Elle n’a pas réussi à s’échap-
per, a perdu conscience et a in-
halé une importante quantité
de gaz», a expliqué Muham-
mad Abou Rahmah, un des
LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011
oncles de la manifestante dé-
Naplouse
SYR
cédée. Asphyxiée, Jawaher
Abou Rahmah a ensuite été
transportée à l’hôpital de Ra-
Cisjordanie mallah où les médecins n’ont
Jérusalem
pas réussi à la réanimer.
Une version contestée par
JORDANIE
l’armée israélienne, qui dit
Mer
Morte 50 km avoir utilisé les «moyens de
dispersion habituels». Tsahal
affirme en outre avoir reçu
des informations selon les-
quelles Jawaher était décé-
dée à domicile, et non à l’hô-
pital, et dit avoir demandé,
en vain, d’accéder au rap-
port médical de la victime
afin de lancer une enquête
sur les circonstances exactes
de sa mort.
Famille. «Une fois de plus,
l’armée couvre les actes de ses
hommes, au lieu de présenter
ses regrets et d’enquêter sé-
rieusement», a déploré l’avo-
cat israélien de la famille
Abou Rahmah, Michael
Sfard. Jawaher est la
deuxième personne de la
même famille à être tuée lors
de la manifestation contre le
mur à Bilin. En avril 2009,
un de ses frères, Bassem,
avait succombé après avoir
été atteint par une grenade
lacrymogène de plein fouet
dans la poitrine. Depuis six
ans, 21 Palestiniens, dont
10 mineurs, ont été tués lors
de protestations contre la
barrière de plus de 400 kilo-
mètres qui sépare la Cisjor-
danie du territoire israélien.
De notre correspondante
à Jérusalem
DELPHINE MATTHIEUSSENT
LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011 MONDEXPRESSO • 7

Téhéranfaitplanerledoute LES GENS

MANIF ET PRISON

surlalapidationdeSakineh POUR L’OPPOSANT

DROITS DE L’HOMME L’Iranienne a parlé à la presse samedi. Hier, un
responsable de la Justice a estimé que sa sentence pourrait être annulée.
a peine de mort par la- moins de dix minutes devant tag, du groupe de presse Axel
questions», a déclaré une
RUSSE BORIS NEMTSOV
L’opposant et ancien vice­Premier ministre russe Boris
Nemtsov, interpellé lors d’une manifestation vendredi à
Moscou, a été condamné hier à quinze jours de prison
pour «désobéissance aux forces de l’ordre», a indiqué
une porte­parole de son mouvement Solidarnost. Il avait
été placé en garde à vue vendredi alors qu’il participait à

L pidation de l’Iranienne
Sakineh Mohammadi
Ashtiani, condamnée pour
les journalistes, qui n’ont pas
pu poser de questions. «Je
suis venue devant les caméras
Springer, ont été arrêtés le
10 octobre à Tabriz. Les auto-
rités iraniennes leur repro-
porte-parole du ministère
allemand des Affaires étran-
gères. Pour le philosophe
une manifestation de l’opposition. Celle­ci se réunit tous
les 31 des mois comptant 31 jours pour réclamer le
respect de l’article 31 de la Constitution russe qui garan­
adultère, pourrait encore de mon plein gré pour chent d’être entrés en Iran Bernard-Henri Lévy, fer de tit la liberté de rassemblement. Le chef du Parti national­
être annulée, a estimé di- m’adresser au monde», a-t- en tant que touristes . lance de la mobilisation en bolchevique (opposition) et écrivain russe, Edouard
manche le chef de la Justice elle dit, ajoutant : «Laissez En Allemagne, les déclara- France contre la lapidation Limonov, a lui aussi été condamné à quinze jours de
de la province d’Azerbaïdjan tomber mon affaire.» tions de Sakineh n’ont guère de Sakineh, sa rencontre détention pour trouble à l’ordre public. La police russe
oriental, Malek Ajdar Sharifi, Sakineh Mohammadi Ash- convaincu. «Leur contenu avec la presse relève d’une a fait état de 68 interpellations à Moscou et 50 à Saint­
affirmant que «des ambiguï- tiani a été condamnée à mort comme la façon dont elles ont «mise en scène». Pétersbourg au cours de manifestations le dernier jour
tés» demeurent dans les en 2006 pour implication été faites soulèvent bien des Service Etranger de l’année 2010. PHOTO AFP
preuves apportées dans cette dans le meurtre de son mari,
affaire. Cette remarque in- avec l’aide de son amant, et
tervient au lendemain d’une à la lapidation pour adultère.
déclaration du fils de Saki- La révélation de cette affaire
neh, Sajjad Ghaderzadeh, qui en juillet par des associa-
tions de défense
Sakineh a dit qu’elle voulait des droits de
l’homme a provo-
porter plainte contre les qué une vive
deux journalistes allemands émotion en Occi-
venus interviewer son fils et dent, de nom-
emprisonnés depuis en Iran. breux pays de-
mandant que
a demandé samedi devant la cette sentence «barbare» ne
presse que la peine de mort soit pas appliquée. En juillet,
soit commuée, tout en indi- Téhéran avait indiqué que la
quant qu’il considérait sa peine avait été «suspendue»
mère et son complice, Issa dans l’attente d’une révision
Taheri, comme coupables du du dossier, toujours en
meurtre de son père. cours.
La justice locale a fait appa- Dans son intervention, sa-
raître Sajjad puis sa mère de- medi, Sakineh a affirmé
vant un groupe de journalis- qu’elle entendait porter
tes travaillant pour la presse plainte contre deux journa-
internationale à Tabriz listes allemands venus inter-
(nord-ouest), où la condam- viewer son fils et emprison-
née est emprisonnée. L’Ira- nés depuis en Iran. Ces deux
nienne de 43 ans a parlé journalistes du Bild am Sonn-

TOUTES LES FEMMES ET

LES HOMMES DU SERVICE
PUBLIC VOUS SOUHAITENT
UNE BELLE ANNÉE 2011.

SOUHAITEZ-LEUR UNE
GHESQUIÈRE ET TAPONIER ESPIONS : BONNE ANNÉE À VOTRE TOUR
LE QUAI D’ORSAY DÉMENT sur www.facebook.com/fiers.du.service.public
Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier «sont vraiment
des journalistes»: les démentis se sont multipliés en
France suite aux déclarations d’un porte­parole taliban
accusant les deux otages d’être des espions. Le Quai
d’Orsay a «catégoriquement» démenti cette «accusation Le service public,
d’espionnage absurde». Le comité de soutien aux deux ,
otages a jugé ces propos «intolérables, totalement dépla­ on l aime, on le défend.
L’ÉTOFFE DES HÉROS

cés et infondés». «Nous affirmons haut et clair que nos

amis sont vraiment des journalistes», a déclaré à l’AFP
Patricia Philibert, porte­parole du comité de soutien.
Dans ses vœux, le président Nicolas Sarkozy a affirmé
Campagne nationale de contributions pour la qualité du Service Public, à l’initiative de la FSU.
que la France continuerait à «se mobiliser jusqu’au jour de
la libération» de tous ses otages à l’étranger. PHOTO AFP
FSU-PRESSEvoeux-LIBE164X219.indd 1 06/12/10 10:25
 FRANCE
8 • LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011

Nicolas Sarkozy, samedi à l’Elysée, face à une centaine de fonctionnaires ayant travaillé la nuit de la Saint­Sylvestre. Le chef de l’Etat a notamment condamné les violences et agressions dans les

Vœuxprésidentiels:
nouvelanmaisvieillesrecettes
Dans son message Par NICOLAS CORI Dès le lendemain, devant une centaine
de fonctionnaires ayant assuré les per-
pour ne pas se «payer le luxe d’une année
d’immobilisme préélectoral»– la tonalité
aux Français, le Président
L
e Sarkozy à double face a en- manences de nuit de la Saint-Sylvestre, très électorale de ses propos indique
core frappé lors de ses vœux il n’a pas résisté à récupérer le premier qu’il pense bel et bien à cette échéance.
s’est présenté en protecteur 2011. Vendredi soir devant les fait divers venu – en l’occurrence la
Français, le chef de l’Etat a mort d’une femme victime d’un vol CRISE. Sur les ondes et Internet, le
et a réutilisé ses thèmes de voulu jouer au président qui se
«présidentialise». L’air calme et
avec violence dans le métro –
RÉCIT pour condamner «les agressions
31 décembre à 20 heures, Nicolas
Sarkozy a donc décliné le thème du pré-
prédilection: défense de son posé, ne faisant ni dans la pro- dans le métro» et s’associer «à la
vocation ni dans l’originalité, et se vou- douleur des proches de la jeune femme dé-
sident qui protège. D’abord de la crise.
Grâce à lui, les Français auraient ainsi
bilan sur la crise, réduction lant «protecteur des Français». Mais, cédée». Ajoutant : «La victime, c’est
dans le même temps, c’est le Sarkozy cette jeune femme, pas celui qui l’a agres-
connu une «récession moins sévère et
d’une durée plus courte que nombre de nos
de la dette, sécurité… sécuritaire et draguant ouvertement les sée.» Si le Président a refusé d’évoquer
voix du Front national qui est apparu. sa candidature pour 2012 – soi-disant
partenaires». S’il faut réduire les déficits
en 2011, c’est pour ne pas être «sanc-

REPÈRES «Les problèmes, les difficultés «Dans la nouvelle année, vous pourrez
qui aujourd’hui nous paraissent compter sur moi, comme je sais
insupportables, demain seront pouvoir compter sur vous, pour que,
derrière nous […], à condition dès le printemps 2011, nous soyons en
que nous sachions dans quel ordre de marche pour préparer
sens diriger nos efforts.» l’alternative de 2012.»
DR
DR

François Bayrou le 30 décembre Dominique de Villepin le 30 décembre

 LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011 FRANCE • 9

De nombreux conseillers ont quitté la présidence.

A l’Elysée, Guéant
cache la forêt des départs
n l’avait annoncé à l’In- messe tenue : il est aujourd’hui Ses propos avaient embarrassé

O térieur ou aux Affaires à la tête de sa holding familiale,

étrangères. Mais Claude Arfilia, et devrait présider le
Guéant n’a pas changé de poste. groupe AEF, une agence d’infor-
Carla Bruni, qui avait dû les dé-
mentir. Mais Charon ne consi-
dère pas avoir fait l’objet d’une
Tout comme pour le feuilleton mation spécialisée dans le social. quelconque sanction: «C’est en
du remaniement, qui a abouti à Parallèlement, deux conseillers plein accord avec le Président que
un quasi-statu quo, ceux qui ont techniques qui travaillaient avec je m’en vais. Il m’a demandé de
supputé un renouvellement de lui ont choisi de quitter l’Elysée: m’occuper du Grand Paris et je
l’équipe élyséenne ont perdu Marguerite Bérard-Andrieu, en vais réaliser une mission sur le su-
leurs paris. Celui qui a la con- charge de l’emploi, de la forma- jet.» En plus de ce travail destiné
fiance de Nicolas Sarkozy depuis tion et de la «synthèse sociale», à «proposer des actions de com-
maintenant plus de huit ans est a été appelée pour diriger le ca- munication afin de donner une
toujours secrétaire général de binet de Xavier Bertrand et Si- plus grande visibilité» au projet
l’Elysée. Et son pouvoir plus bylle Veil, qui s’occupait des so- du Grand Paris, Charon dispose
grand que jamais. «Je n’ai jamais lidarités, du logement, de la ville de nombreux points de chute. Il
cru à cette histoire de grand rema- et du travail, est partie à la di- a vu son mandat au Conseil éco-
niement, confie un conseiller. rection de l’APHP (Assistance nomique et social renouvelé et il
J’ai toujours entendu Claude publique-Hôpitaux de Paris). A compte faire campagne auprès
Guéant dire qu’il voulait rester. Le la place de Soubie, c’est un des élus parisiens pour obtenir
Président et lui forment un vérita- «jeunot» qui a été nommé: Jean en septembre un poste de séna-
ble binôme.» Un binôme insensi- Castex, 45 ans, ex-directeur de teur représentant la capitale.
ble aux épreuves. Ainsi, lorsque, cabinet de Xavier Bertrand au «Pour cette élection, c’est mieux
fin novembre, pour moi de ne plus être à l’Ely-
l’affaire Karachi «Si on regarde la table des douze sée», ajoute-t-il.
s’est dangereuse-
de départ, rares sont encore ceux Privé. Ainsi, insensiblement,
ment rapprochée l’équipe originelle fait place à de
de Sarkozy, c’est qui sont là aujourd’hui.» nouvelles têtes, moins «politi-
son secrétaire gé- Un ancien de l’Elysée se référant à 2007 ques», moins connues et plus
néral qui a publié technos. «Le cabinet a beaucoup
un communiqué condamnant la ministère du Travail et militant changé, admet un ancien. Si on
«démarche entreprise par ceux qui UMP convaincu. Il est venu en regarde la table des douze de dé-
n’ont d’autre préoccupation que compagnie de Thomas Fatome, part, rares sont encore ceux qui
d’impliquer le chef de l’Etat». ancien directeur de cabinet de sont là aujourd’hui.» Beaucoup
transports en commun. PHOTO CHRISTOPHE ENA. REUTERS La vie à l’Elysée est donc restée Laurent Wauquiez. Après la ré- sont dans le privé, comme Em-
la même. Seul changement, on forme des retraites, le poste manuelle Mignon, ancienne di-
n’a pas lu d’interview de Guéant n’est plus aussi stratégique. rectrice de cabinet, partie chez
tionnés» comme «les pays qui ont voulu çais «de la violence chaque jour plus bru- faisant le tour des projets gou- D’ailleurs, Castex a décidé de Europacorp (le groupe de Luc
vivre au-dessus de leurs moyens sans pen- tale de la part de délinquants multiréité- vernementaux quelques jours rester maire de Prades (Pyré- Besson), Patrick Ouart, ex-con-
ser aux lendemains». Et le Président rants [sic] en ouvrant nos tribunaux avant le discours de politique nées-Orientales) et conseiller seiller justice, chez LVMH ou
d’ajouter : «Mon premier devoir est de correctionnels aux jurés populaires». En générale de Fillon à l’Assemblée, régional. Comme s’il prévoyait François Pérol, ex-secrétaire gé-
protéger la France de cette perspective. La effet, c’est ainsi le «peuple qui pourra comme en 2007… Y a-t-il eu une une charge de travail amoindrie. néral adjoint qui préside
France tiendra donc ses engagements en donner son avis sur la sévérité de la ré- consigne particulière? «Cela «Mission». Beaucoup plus dis- aujourd’hui Banques populaires-
équilibrant ses comptes.» Mais la protec- ponse à apporter à des comportements qui m’étonnerait, estime un proche cret en revanche a été le départ Caisses d’épargne… Dernier en
tion peut s’étendre à d’autres domai- provoquent l’exaspération du pays». de Sarkozy. On ne peut pas de- de Pierre Charon, conseiller et date : Cédric Goubet. Depuis le
nes: «la dépendance», car «chacun a le mander quelque chose comme cela ami du Président. L’événement 1er octobre, l’ancien chef de ca-
droit à sa dignité face aux souffrances du «ESPRIT». Voilà l’électorat tenté par le au secrétaire général.» «Il y a un a été annoncé par un simple ar- binet est adjoint au directeur gé-
grand âge» ; les «délocalisations», via FN bien servi. D’autant que Nicolas climat général de rééquilibrage de rêté au Journal officiel. Charon néral de la branche propulsion
l’harmonisation de «notre fiscalité avec Sarkozy rappelle qu’il a fait adopter une la parole avec Matignon, mais paie ainsi, avec retard, «l’affaire de Safran, le groupe d’électroni-
nos voisins allemands». Soit les deux loi interdisant le voile intégral, qui «sera aucune consigne de silence n’a été de la rumeur». En mars, alors que de défense.
appliquée dans l’esprit comme donnée», renchérit un membre que courait le bruit d’une infidé- Les fidèles se font rares : Henri
«[Il faut] protéger [les Français] dans la lettre», avant d’exiger «le de l’équipe élyséenne. lité conjugale du couple prési- Guaino, la plume du Président,
de la violence chaque jour plus respect dû à la France» par «ceux Jeunot. Silencieux, Guéant est dentiel, il s’était cru autorisé à Jean-David Levitte, son sherpa,
que nous accueillons». Pas sûr même sorti renforcé des der- accuser publiquement Rachida Franck Louvrier, son conseiller
brutale de la part de délinquants que cet exercice d’incantations niers mouvements au sein du Dati d’en être l’investigatrice. communication. Et Guéant. De
multiréitérants…» fonctionne auprès des Français, cabinet. Deux figures importan- Une façon de se venger de l’ex- quoi inquiéter en vue de la cam-
Nicolas Sarkozy lors de ses vœux comme l’a montré l’échec de son tes sont récemment parties. Dé- garde des Sceaux, et de sa proxi- pagne pour 2012. Sarkozy pour-
virage sécuritaire estival, avec le part le plus remarqué, celui de mité passée avec Cécilia ra-t-il partir en campagne avec
principales réformes déjà annoncées discours de Grenoble. Raymond Soubie. Agé de 70 ans, Sarkozy. En début de quinquen- une équipe aussi peu politique?
par… Sarkozy lui-même lors de sa der- Il y a un an, Nicolas Sarkozy prédisait le conseiller social de Sarkozy nat, Charon avait été ostracisé La plupart des technos du cabi-
nière intervention télé. Les clins d’œil une baisse rapide du chômage. Cette s’exprimait souvent dans les par l’ancienne épouse du chef de net reconnaissent ne pas vouloir
aux Français séduits par les thèmes sé- fois-ci, il a promis pour 2011 une «pros- médias. Mais il avait fait savoir l’Etat, ainsi que tous les mem- se lancer là-dedans. Il faudra
curitaires se font également en décli- périté française retrouvée qui nous per- depuis longtemps qu’une fois la bres de «la firme», le surnom de donc aller piocher des bonnes
nant cette thématique. Selon le chef de mettra de créer les emplois dont nous réforme des retraites effectuée, la bande d’amis historiques du volontés à l’extérieur…
l’Etat, il faut ainsi «protéger» les Fran- avons besoin». • il repartirait dans le privé. Pro- Président. Mal lui en avait pris. N.Co.

«Face à un gouvernement qui n’apporte «L’année 2011 doit être Nicolas Sarkozy présentera
pas les réponses dont notre pays a l’année de la construction demain ses vœux aux armées
depuis la base aérienne de
besoin, qui fait peser les efforts toujours d’un autre modèle de société Saint­Dizier (Haute­Marne). Il
sur les mêmes, ma responsabilité, et celle d’un élan populaire se rendra vendredi et samedi
la responsabilité des socialistes est de qui nous conduira vers aux Antilles pour ses vœux
proposer un autre avenir à notre pays.» la victoire de 2012.» aux Français de l’outre­mer, et
effectuera dimanche une
AFP

DR

Martine Aubry le 31 décembre Ségolène Royal le 31 décembre visite de travail à Washington.

10 • FRANCE LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011

Un des sous­marins Agosta commandés par le Pakistan à la France, à Cherbourg, le 8 août 1998. Les Agosta sont plus anciens que les Scorpène vendus à l’Inde. PHOTO MYCHÈLE DANIAU. AFP

Karachi:le L’
Par GUILLAUME DASQUIÉ Et il pointe l’existence d’un événement dé-
clencheur «que représente le choix de la France
attentat de Karachi du 8 mai 2002 de vendre des sous-marins à l’Inde» alors que
ayant tué onze salariés de la Direc- Paris avait pris l’engagement de ne pas ar-
tion des constructions navales mer le rival du Pakistan.
(DCN) aurait été perpétré avec l’aval Dans le bureau du juge Marc Trévidic, le

contratindien
des services secrets pakistanais de l’ISI pour 9 avril, Henri Guittet, ancien négociateur
sanctionner la décision de la France de ven- du contrat Agosta signé en 1994 avec
dre des sous-marins à l’Inde, ennemi politi- le Pakistan, a déclaré que cette vente de
que et militaire du Pakistan. Cette piste sous-marins avait été précédée d’un engage-
– déjà avancée – apparaît aujourd’hui ment secret dans lequel la France promettait
d’autant plus plausible à la faveur de ne pas fournir de matériel équi-
des confidences inédites recueillies ENQUÊTE valent à l’Inde. Même si Alain

endétonateur?
par Libération auprès de deux té- Juillet précise que «l’attentat de Ka-
moins de premier plan de l’époque. Il s’agit rachi se présente comme un tableau à plusieurs
d’un officier pakistanais toujours en poste entrées, avec divers problèmes singuliers»,
qui a autrefois collaboré avec les personnels dont des litiges touchant des intermédiaires
de la DCN envoyés à Karachi, et d’un ancien pakistanais (lire ci-contre), il assure que la
haut responsable de la Direction générale de décision de janvier 2002 de vendre des sous-
la sécurité extérieure (DGSE). marins Scorpène à l’Inde aurait agi comme
Alain Juillet a occupé les fonctions de direc- une étincelle auprès d’une partie de l’appa-
Selon des sources exclusives de «Libération», teur du renseignement de la DGSE d’octobre reil sécuritaire pakistanais.
2002 à décembre 2003, donc à une période
l’attentat du 8 mai 2002 serait une vengeance où les services secrets français ont pu mener GROUPUSCULE. Cette piste est également
des enquêtes sur les causes et les circonstan- confirmée, sous couvert d’anonymat, par un
pakistanaise liée à la vente par la France ces de l’attentat de Karachi. Il se montre ca- officier qui a autrefois côtoyé les salariés de
tégorique. Pour lui, «l’hypothèse d’un attentat la DCN présents au Pakistan, notamment au
de sous-marins à l’ennemi indien. commis sur demande de l’ISI doit être retenue». travers des prestations de la société Deflog.
LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011 FRANCE • 11

Un nouveau témoin, partie prenante du contrat, confirme que

Paris a cessé de payer des intermédiaires pakistanais vers 2001.

L’arrêt des commissions

reste pointé du doigt REPÈRES

es tensions avec les inter- paux décideurs pakistanais. Cel- D’autres témoins accordent une En septembre 1994,

D médiaires pakistanais de la
vente à Islamabad de sous-
marins Agosta ont pu créer un cli-
mat électrique, à défaut d’avoir
provoqué à elles seules l’attentat
de Karachi en 2002. Plusieurs de
ces intermédiaires, choisis pour
faciliter la vente des sous-marins
en 1994, n’ont plus reçu leurs
émoluments à partir des années
2000-2001, comme nous l’avions
déjà révélé sur la fois de docu-
ments judiciaires obtenus à Kara-
chi (Libération du 26 avril). Or, un
nouveau témoin apporte de pré-
cieux détails sur cet épisode.
Ce témoin s’appelle Jacques Jean-
dey, vit à Paris et intervient sur les
marchés des hautes technologies
militaires pour la Chine et le Pa-
kistan. Entre 1990 et 1997, il occu-
pait le poste de délégué Pakistan
au sein de la Sofma, la société re-
tenue par la DCN (la Direction des
constructions navales) pour gérer,
localement, l’aspect commercial
du marché des sous-marins
Agosta. Présent à Karachi entre
1992 et 1995, pour préparer le con-
trat, Jeandey y employait un mili-
taire comme correspondant, le co-
lonel Ejaz Mahmood. Ce dernier a
confirmé à Libération le dispositif
mis en place et consistant à verser
des «gratifications» aux princi-
les-ci transitaient via quatre hom-
mes d’influence qui attendaient
pour eux-mêmes et leurs man-
place centrale à ces événements.
Tel Jean de Tonquedec, un familier
des milieux militaires, ex-direc-
la France vend trois sous­
marins Agosta au Pakistan,
pour 5,4 milliards de francs.
dants près de 6,25% du contrat des teur commercial de la société Deux réseaux d’intermédiai­
sous-marins, soit 338 millions de Construction navale de Norman- res seraient intervenus, via
francs, fractionnés en plusieurs die (fournisseur des patrouilleurs les sociétés Mercor et Sofma.
paiements, au fur et à mesure de de la Marine nationale). Le 8 mai La première était en relation
la réalisation du chantier et jus- 2002, il devait prendre un vol pour avec des affairistes libanais,
qu’à son achèvement en 2008. Karachi, mais l’avait annulé au la seconde avec des militaires
Pour Jacques Jeandey, certains dernier moment après qu’un pro- et des politiciens pakistanais.
d’entre eux n’ont plus rien reçu à che l’avait prévenu de l’attaque
l’horizon 2001. Il cite le cas du terroriste.
«militaire Zafar Iqbal Ahmed» qui Tonquedec se souvient des con- En janvier 2002, alors que
«a lancé une procédure de réclama- versations téléphoniques échan- la guerre débute contre
gées, le jour-même, les talibans afghans, alliés à
L’homme d’affaires Jacques avec ces contacts au une partie de l’appareil sécu­
Pakistan: «Très rapi- ritaire pakistanais, la France
Jeandey cite le cas du «militaire dement, dans les heu- s’engage à fournir à l’Inde six
Zafar Iqbal Ahmed» qui «a lancé res qui ont suivi l’at- sous­marins Scorpène (d’une
une procédure de réclamation, en tentat, assure-t-il, conception plus récente que
2001, pour obtenir son argent». les gens des services les Agosta fournis au Pakis­
de renseignement tan). Le contrat est définitive­
tion envers la Sofma, en 2001, pour français installés à Karachi ont parlé ment signé en septembre
obtenir son argent, en passant par de la possibilité que l’attentat soit la 2005.
un juge arbitral de Londres [puisque conséquence de commissions qui
le contrat était placé sous le ré- n’avaient pas été honorées sur les
gime du droit britannique, ndlr]». marchés de l’armement.» Huit ans L’ATTENTAT
Un autre, Aamir Lodhi, «connu plus tard, il se montre formel sur
pour avoir disposé de bons contacts les paroles prononcées ce jour-là. Le 8 mai 2002 à Karachi, un
avec des chefs d’Al-Qaeda», a fait Pour lui, si ces problèmes de paie- attentat à la voiture piégée
l’objet en 2001 d’une demande ment ont pu jouer un rôle impor- tue onze salariés français
d’extradition de la part des autori- tant dans la détérioration des rela- chargés d’assembler les sous­
tés pakistanaises pour son rôle tions franco-pakistanaise, ils ne marins Agosta. Après des
dans le contrat Agosta, mais sem- sont peut-être pas les seuls. années d’enquête, et des mil­
ble avoir été protégé à Paris. G.Da. liers de pages de procédure,
la piste d’un attentat islamiste
se révèle être une construc­
tion de la police pakistanaise.

En 2002, cette entreprise, dirigée par le colo-
nel Omar Qureshi, coordonnait à Karachi la
sécurité des salariés français chargés d’as-
sembler les sous-marins de type Agosta,
vendus en 1994 au Pakistan. L’officier, avec
lequel Libération a échangé plusieurs cour-
riers, assure lui aussi que l’attentat a été
commis par un groupuscule contrôlé par l’ISI
pour punir la France de sa décision de vendre
des sous-marins plus performants à l’Inde.
Selon lui, aucune cellule islamiste n’aurait pu
préparer une telle action sans l’aval de cer-
tains chefs de l’ISI.
Les tensions entre 2000 et 2001 avec des in-
termédiaires pakistanais auraient également
attisé le ressentiment de ces responsables de
l’ISI. A l’époque, les procédures pénales lan-
cées par Islamabad contre ces mêmes inter-
médiaires témoignaient d’un sentiment de
défiance à l’égard de la France, accusée sur
place de ne pas payer les bonnes personnes.
Plusieurs fois évoquées, les relations étroites
de l’ISI avec les mouvements islamistes ar-
més au moment de l’attentat n’avaient ja-
mais été corroborées par des responsables
français. Jusqu’à la veille de l’attaque du
8 mai 2002, Alain Richard occupait le poste
de ministre de la Défense. C’était donc lui qui
supervisait la coordination de la relation
franco-pakistanaise en matière d’armement
et de lutte antiterroriste. Il confirme qu’en-
tre 2001 et 2002, les services secrets français
savaient très bien que l’ISI soutenait les mou-
vements islamistes armés. Cette compromis-
sion «s’est vérifiée plusieurs fois à l’époque et
surtout dans les années suivantes». Dans l’en-
tretien qu’il nous a accordé (publié en inté-
gralité sur Liberation.fr), Alain Richard ex-
plique qu’«il était radicalement impossible
pour des services étrangers de repérer des me-
naces précises» contre des expatriés en poste
au Pakistan, car «le pouvoir pakistanais lui-
même pouvait être pris au dépourvu par [des]
attentats du fait de la non-fiabilité de ses pro-
pres services». Une situation délicate qui n’a
pas conduit pour autant l’administration
française à ordonner le rapatriement définitif
des personnels de la DCN.
«MULTIPOLARITÉ». Dans le dossier pénal du
juge Marc Trévidic, quantité de notes déclas-
sifiées de la DGSE désignent, de manière
continue, le chef islamiste Amjad Farooqi
comme l’ordonnateur possible de l’attentat
de mai 2002. Or, cet homme, tué en sep-
tembre 2004, est présenté par d’autres sour-
ces gouvernementales comme étant une re-
crue et un serviteur régulier de l’ISI «Nous avons été
(Libération du 22 novembre). Cependant,
Alain Richard a tendance à nuancer l’exis-
alertés de façon
tence d’un lien de causalité entre la décision récurrente par
de janvier 2002 de vendre des sous-marins la DGSE.»
à l’Inde, et une éventuelle intention de frap-
per la France. Alain Richard ministre de
«L’élargissement des relations de défense avec la Défense du gouvernement
l’Inde a été un choix politique que j’ai défendu Jospin de juin 1997 à mai 2002,
durant toute ma période de fonction, partant à propos du soutien
du constat que notre engagement avec le Pakis- des services secrets pakistanais
tan était trop exclusif et que le partenariat poli- de l’ISI aux groupes islamistes
tique avec l’Inde était cohérent avec notre armés, à l’époque de l’attentat
conception de la multipolarité, se souvient-il.
Quand s’est ouverte la perspective d’un marché
de sous-marins avec l’Inde, les assurances «C’est ridicule […].
normales en pareil cas ont été données au
partenaire pakistanais que les équipements
Qui peut croire une
éventuellement livrés à son voisin ne provoque- fable pareille? Si vous
raient pas de déséquilibre militaire. Cela a été avez des éléments,
un sujet de débat avec eux mais, dans mon sou- donnez-les à
venir, aucun signe de conflit politique n’a été
la justice.»
donné.» Sans préciser si cet équilibre fragile
recherché pour vendre des armes à deux pays Nicolas Sarkozy le 19 juin 2009,
en guerre n’a pu être rompu par les tensions sur les financements liés au
apparues au lendemain des attentats du contrat Agosta de 1994, signé
11 septembre 2001. • par le gouvernement Balladur
12 • FRANCEXPRESSO
CARNET
AnniverSAire décèS
« En ce temps-là, elles se sont
appelées des amazones et
elles ont créé l'harmonie.
C'était facile car leur monde
était clément et bon à vivre. »
M.W. , S.Z. ,
Brouillon pour un
dictionnaire des amantes
Gille WITTIG
28 décembre 2009
Monique WITTIG
3 janvier 2003
Nous pensons toujours à elles.
Nous ne les oublierons jamais.
SouvenirS
Il y a eu 25 ans, le 31 décembre
2010 disparaissait
Ricky NELSON
Souvenez-vous de
"COLORADO"
dans RIO BRAVO.
De la part de
George COLLANGE
La reproduction
de nos petites annonces
est interdite
Le Carnet
Christiane Nouygues
0140105245
carnet-libe@amaurymedias.fr
MeurtredeMazières:
lefilsetunamiécroués
FAIT DIVERS L., 17 ans, aurait commandité
l’assassinat de son père pour un motif crapuleux.
Le journaliste Bernard Mazières, en mars 2007. PHOTO JEAN­BAPTISTE QUENTIN. «LE PARISIEN» . AFP
e fils mineur du journa-
L liste Bernard Mazières a
été écroué samedi pour
parricide. Suspecté d’avoir
fait tuer son père qu’il consi-
dérait comme un radin et
qu’il ne supportait plus, L.,
17 ans, a été mis en examen
pour assassinat –à savoir ho-
micide avec préméditation–,
tout comme son «bras
armé», Dany M., âgé de
25 ans, un beau gosse d’ori-
gine africaine qui, à défaut de
devenir mannequin, travaille
comme agent immobilier.
Plus jeune, L., lycéen, tou-
che 500 euros par mois, la
moitié d’un Smic, de son
père, Bernard Mazières, avec
lequel il vit dans le quartier
de Saint-Sulpice à Paris. Fê-
tard invétéré et addict au
shit, voire à la coke, L., qui a
de gros besoins financiers
pour un adolescent, exige
toujours plus d’argent. Il se
plaint sans cesse de ne pou-
voir payer ses sorties en
boîte, sa came et ses frin-
gues. Il en a assez du pré-
tendu manque de générosité
de son paternel et de ses re-
marques sur son comporte-
ment : «Le gamin nous a dit
qu’il ne pouvait plus piffer son
père et qu’il a donc imaginé un
scénario pour lui extorquer de
l’argent et pour le tuer», at-
teste un enquêteur.
Préméditation. Après avoir
servi plusieurs mensonges à
la brigade criminelle, L. a fini
par avouer avoir acheté «un
marteau américain à double
pointe» en vue du crime.
D’où la préméditation rete-
nue par la justice. Il aurait
LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011
L’HISTOIRE
LE CHIFFRE DES VOITURES BRÛLÉES
ENFLAMME LA POLÉMIQUE
La polémique enfle après que Brice Hortefeux a décidé
de ne plus publier les chiffres des véhicules brûlés à la
Saint­Sylvestre. Jean­Jacques Urvoas, secrétaire national
du PS chargé de la sécurité, réclame «un bilan transpa­
rent» et Manuel Valls, député et maire PS d’Evry, lui
reproche de «masquer la réalité». Le ministre de l’Inté­
rieur rétorque qu’il «s’agit de mettre fin au concours, au
palmarès». Pour Patrice Ribeiro, leader de Synergie offi­
ciers, c’est une décision «politique» et de toute façon, «on
détient le record mondial de voitures brûlées» avec «près
de 100 voitures qui brûlent toutes les nuits en moyenne
en France, c’est vraiment un sport national».
930
C’est, en millions, le nombre de SMS envoyés la nuit du
réveillon et dans la journée du 1er janvier pour fêter la
nouvelle année. Un chiffre record qui prend en compte
des données actualisées hier par les opérateurs. Sur la
seule nuit du 31 au 1er, les Français avaient déjà battu des
records avec 400 millions de SMS échangés.
LES GENS
demandé à son pote Dany, gnardé à la gorge «deux fois,
qui s’était «vanté d’avoir déjà
égorgé un homme», de l’aider
à dépouiller son père puis à le
au moyen d’un couteau trouvé
sur place». Avant de voler
son portefeuille et sa carte
supprimer. En réalité, Dany bancaire. Des «centaines
devait être jugé pour une d’euros» ont été retirés sur le
agression au couteau dans le compte de la victime et des
cadre d’un deal de cannabis. achats sur Internet ont été
Fils unique, L. aurait pu tou- effectués après sa mort.
cher l’héritage si son idée de Entourage. C’est la femme
maquiller le crime en un de ménage qui a découvert le
cambriolage ayant mal corps de Bernard Mazières,
tourné avait berné les poli- âgé de 60 ans, le 24 décem-
ciers. bre dans la chambre de son MANUEL VALLS VEUT
Le 23 décembre, Bernard fils. Lequel, pour donner le
Mazières passe la soirée chez change, envoyait des SMS à
«DÉVERROUILLER LES 35 HEURES»
lui avec sept amis, notam- son père s’inquiétant de son Manuel Valls, candidat aux primaires PS pour la présiden­
silence. Les offi- tielle, s’en est pris hier à un symbole des années Jospin.
«Le gamin nous a dit qu’il ciers de police ju- Sur Europe 1, puis dans un communiqué, il a estimé que, si
diciaire ne se sont elle revient au pouvoir en 2012, la gauche devra «déver­
ne pouvait plus piffer son pas laissés pren- rouiller les 35 heures» pour permettre aux Français de
père et qu’il a donc imaginé dre à ce subter- «travailler davantage». Mises en place sous le gouverne­
ce scénario.» fuge. L’absence de ment Jospin par l’actuelle patronne du PS, Martine Aubry,
Un enquêteur trace d’effraction les 35 heures selon Valls «n’existent déjà plus réellement
et de marque de puisqu’elles ont été mises en cause progressivement depuis
ment son voisin, l’acteur lutte les ont vite convaincus 2002». «Est­ce que dans le monde tel qu’il est aujourd’hui,
Vincent Lindon. Son fils est que le criminel se situait avec la concurrence que nous connaissons, nous pouvons
présent, avant de partir en dans l’entourage de la vic- nous permettre d’être sur des idées des années 70, 80 et
discothèque. Dans la nuit, L. time. «C’est le mystère de la 90? Non! C’est ma marque, il faut dépasser la question
aurait remis le marteau à chambre jaune», disait un en- des 35heures», a­t­il martelé. PHOTO SÉBASTIEN CALVET
Dany, puis l’aurait accompa- quêteur qui dédouanait rapi-
gné chez lui pour entrer dans dement les sept invités de
l’immeuble, pianotant les Bernard Mazières. Restait le AGRESSÉ Une information sur un parking, à la sortie
deux codes d’accès puis lui fils. Les auditions de proches judiciaire pour tentative d’une boîte de nuit. La vic-
remettant ses clés ou lui de la victime ont vite révélé d’homicide volontaire et port time, âgée de 35 ans, a suc-
ouvrant la porte de l’appar- que l’adolescent «ne s’enten- d’arme prohibé a été ouverte, combé à ses blessures une
tement. Selon les enquê- dait pas du tout avec son père» hier, après l’agression d’un heure après son transfert à
teurs, «soit L. a attendu en et que le conflit principal jeune homme avec un cou- l’hôpital.
bas, soit sur le palier». En tout portait sur l’argent de poche, teau lors d’une dispute dans
cas, le fils n’aurait a priori insuffisant aux yeux du gar- la nuit de la Saint-Sylvestre à TABASSÉ Un disc-jockey a
pas participé directement au çon «qui se droguait». Et qui Rennes (Ille-et-Vilaine). été grièvement blessé, lors
crime. C’est Dany qui aurait aurait décidé du parricide de la soirée du réveillon du
tué sans rétribution. Il aurait pour ce «mobile crapuleux». PERCUTÉE Un homme était 31, par plusieurs hommes qui
frappé Bernard Mazières à la Les obsèques de Bernard Ma- en garde à vue, hier à Lyon l’ont roué de coups. Le DJ
tête avec le marteau, provo- zières se dérouleront demain (Rhône), après avoir percuté, avait empêché l’un d’eux
quant «un fracas crânien avec à 14 heures à l’église Saint- samedi matin alors qu’il était d’accéder à la soirée privée
un objet contondant» selon Sulpice. en état d’ivresse, une femme qu’il animait, au Blanc-Mes-
l’autopsie, puis l’aurait poi- PATRICIA TOURANCHEAU en coma éthylique allongée nil (Seine-Saint-Denis).
 LUNDI 3 JANVIER 2011
Célèbres ou
inconnus, leurs
visages reviendront
dans l’actualité des
mois qui viennent.
Ils vont faire 2011
L’argent roi ?
Par LAURENT JOFFRIN

La question de 2011 ? Elle est

toute simple : l’argent doit-il
encore mener le monde ? La crise
avait ébranlé le dogmatisme du
laissez faire. Régulation
financière, intervention sociale,
mesures écologiques,
multilatéralisme, coopération
économique… Obama d’un côté,
les Européens de l’autre,
semblaient revenir à une
Dessins politique plus humaine, moins
LUIS GRAÑENA dédiée aux obsessions cupides
de la classe dirigeante. Dans
la guerre de tous contre tous,
un armistice avait été proclamé.
Le danger est passé, le cynisme
revient au pouvoir; une
restauration est en marche.
Encore et toujours, au nom de
la lutte contre les déficits et de
l’orthodoxie rétablie, on veut
faire reculer l’Etat solidaire,
sacrifier le social, maintenir les
bonus, comprimer le pouvoir
d’achat, anémier la régulation,
s’affranchir de la contrainte
écologique «qui commence
à bien faire». La civilisation
du pognon reprend la main;
les valeurs humaines sont
à la baisse. En France, en 2011,
on désignera les candidats à
l’élection présidentielle. Tâche
pleine de rebondissements
distrayants. Mais on définira
surtout les projets pour l’avenir,
à droite comme à gauche.
Dessineront-ils une France
originale, loin des préjugés
affairistes d’une certaine élite ?
Ou bien le dogme reprendra-t-il
le dessus ? A droite pour se
rallier, finalement, aux
injonctions de la banque et aux
angoisses identitaires; à gauche
pour récuser toute audace et
remplacer l’imagination par la
gestion. Aux Etats-Unis, Obama
en difficulté laissera-t-il le
champ libre aux têtes dures, pour
ouvrir la voie en 2012 à une Sarah
Palin ? Rétablira-t-on, à
l’occasion du G8 ou du G20,
le pouvoir de la finance, ou bien
choisira-t-on la voie d’une
économie plus sociale ?
Laissera-t-on enfin, au nom de
l’admiration béate portée aux
géants émergents – ce nouveau
culte de la force – Poutine ou
le parti capitalo-communiste
chinois, les nouveaux tyrans,
imposer leurs lois ? On parlera
beaucoup, cette année, de 2012
et de ses échéances. C’est 2011
qui sera décisif.
 II • ILS VONT FAIRE 2011 LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011

AuPS,laprimaire
desbatailles
Les candidats à la désignation socialiste
devraient être connus en juin. Mais
le calendrier peut encore être bousculé.
Par PASCAL VIROT contre l’autre selon les termes d’un
«pacte» conclu entre les deux respon-

«M
artine», «François»,
«Ségolène» ou «Domi-
nique»? L’investiture du
PS pour la présidentielle
ne devrait pas échapper à l’un de ces
quatre. A moins que l’un des deux outsi-
ders déclarés –Manuel Valls et Arnaud
Montebourg – ne crée la surprise. Les
candidats aux primaires socialistes se-
ront connus en juin. Et le vainqueur à
l’automne. Sauf si, mi-janvier, la direc-
tion du PS modifie ce calendrier.
Si les résultats des cantonales (mars) et
sénatoriales (septembre) sont un succès
pour les socialistes, la première secré-
taire sera en position de force. Mais,
comme elle l’a promis, Martine Aubry
ne fera part de sa décision de se présen-
sables. A son corps (un peu) défen-
dant, le patron du FMI, lui, fait durer
le suspense. Il ne peut, en effet, se dé-
voiler trop tôt sans subir les foudres des
caciques du FMI: a priori, il est coincé
jusqu’au printemps. Dans son
«pacte», la maire de Lille pensait
avoir inclu la présidente de Poitou-
Charentes. Mais Ségolène Royal a
accéléré le mouvement fin no-
vembre, pour se porter candidate.
A la surprise générale. Et refuser
un arrangement à trois qui aurait
pu la marginaliser. Quant à Fran-
çois Hollande, il doit d’abord passer
avec succès les échéances cantona-
les. S’il conserve ses fonctions de
président du conseil général de

ter ou non aux primaires qu’au prin-
temps. Et pas sans en avoir discuté avec
Dominique Strauss-Kahn, puisqu’il est
hors de question que l’une concoure
LUIS GRAÑENA
Corrèze, il pourra, nanti des propo-
sitions qu’il distille depuis plusieurs
mois, briguer lui aussi l’investiture so-
cialiste pour la «mère des batailles». •

MARINE LE PEN La vice-présidente du FN espère être GÉRARD LARCHER Le président UMP de la Haute
élue à la tête du parti dont elle change le vocabulaire. Assemblée se bat pour qu’elle ne bascule pas à gauche.

La fille monte au Front L’entrain d’un sénateur

serrée que prévue. A dix-huit mois du érard Larcher saura-t-il garder le rappelle Larcher: «Un grand électeur sur

G départ de la course élyséenne, la fille du

leader frontiste bénéficie dans les en-
quêtes d’opinion d’un capital de sym-
pathie atteignant jusqu’à 27%. Un score
jamais atteint par le chef du FN.
Avec ses propos très calculés comparant
les prières de rue des musulmans à l’Oc-
cupation durant la Seconde Guerre
REUTERS
Sénat à droite? Alors qu’en sep-
tembre la moitié des sièges est
soumise à renouvellement, le président
sortant est peut-être le seul capable
d’éviter à l’UMP une nouvelle défaite qui
ferait désordre à moins d’un an de la
présidentielle. Logiquement, le Sénat
devrait basculer à gauche: les sénateurs
deux désignés par les communes n’a pas
d’étiquette politique revendiquée.» Et les
communes représentent 90% des grands
électeurs. La gauche dispose de 153 siè-
ges et la droite de 189. Mais les contours
sont flous. Ainsi la gauche, à côté des
116 socialistes et des 24 communistes et
apparentés, peut compter sur 13 radi-

n 2011, Marine Le Pen nourrit une
mondiale, Marine Le Pen a introduit les
thèmes de la défense de la laïcité et des
valeurs de la République et d’un «vivre
ensemble» dans le logiciel FN. Un dis-
cours qui tranche avec celui de la vieille
sont élus au suffrage indirect à partir de
scrutins locaux qui ont tous été gagnés
par la gauche. A une nuance près, que
caux de gauche sur les 17 élus du groupe
Rassemblement démocratique et social
européen (RDSE). Les 4 autres RDSE vo-
tent avec la droite. Quant aux 29 cen-
tristes, ils sont plutôt proches des

E double ambition. D’abord devenir

présidente du Front national face
à Bruno Gollnisch, lors du congrès du
parti à Tours les 15 et 16 janvier. En-
suite, être désignée candidate à la prési-
dentielle pour rééditer en 2012 l’exploit
extrême droite française dont elle tient
absolument à se démarquer. «Elle est
parvenue à imposer son calendrier et ses
149 UMP, mais comptent aussi des amis
de François Bayrou. En 2011, le Sénat
comptera 348 sièges, soit une majorité
thèmes aux autres formations politiques», absolue de 175. La droite devrait en per-
analyse Pascal Perrineau, le directeur du dre une quinzaine. Bref, cela va se jouer
Centre d’études de la vie politique fran- à l’unité près. Fort de sa rondeur et de
LAURENT TROUDE

de son père, qualifié pour le second tour
en 2002.
Si la vice-présidente du FN est donnée
gagnante contre son adversaire en in-
terne, la partie pourrait s’avérer plus
çaise (Cevipof). Paradoxe, elle est dé- son entregent, Gérard Larcher pense
sormais considérée par ses adversaires pouvoir sauver la droite en créant alors
canal historique du FN comme «la can- «une majorité allant de la droite républi-
didate favorite du système». caine au centre gauche».
CHRISTOPHE FORCARI FRANÇOIS WENZ-DUMAS
LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011 FRANCE • III

RENAUD VAN RUYMBEKE Frégates ou

sous-marins, le juge enquête.

JacquesChirac Magistrat en
eaux troubles
enfonddecour
e juge Renaud Van

L Ruymbeke fréquente
les puissants, mais sur
procès-verbal de préférence,
et 2011 s’annonce pour lui
comme une année faste.
Dans les prochains mois, les
enquêtes du magistrat sur les
développements financiers
du dossier Karachi (lire pa-
ges 10 et 11) promettent en
effet de mettre en efferves-
cence quantité de réseaux

AFP
L’ex-chef d’Etat politiques et de dirigeants.
Car Van Ruymbeke gère
sera jugé du maintenant deux informa-
tions judiciaires sur ces as-
Saoudite. Sorte de légende
vivante du pôle financier du
7 mars au 8 avril pects de l’affaire. L’une a
d’ores et déjà permis de
tribunal de grande instance
de Paris, Van Ruymbeke est
à Paris pour deux mieux comprendre les des-
sous du contrat d’armement
reconnu pour avoir permis
de boucler l’instruction sur
dossiers du signé en septembre 1994 par
le gouvernement Balladur
l’affaire Elf, et pour avoir
pointé les responsabilités de
temps où il était pour la vente de sous-marins
au Pakistan; l’autre (où il est
l’appareil d’Etat dans celle
des frégates de Taiwan.
patron de Paris codésigné avec le juge Roger
Le Loire) devrait lever un
Autrefois critiqué pour son
travail sur les fichiers Clears-
et du RPR. coin du voile sur le contrat de
novembre 1994 signé par le
tream, il avait bénéficié
d’une défense sans égal de la
même gouvernement pour part de ses collègues.
Par FABRICE TASSEL vendre des frégates à l’Arabie GUILLAUME DASQUIÉ

I
l aura sans doute son pantalon re-
monté au-dessus de la taille, peut- JACQUES SERVIER Le patron des
être un pull, début mars il fera en-
core frais. La main tachée tremblera
labos du Mediator sur la sellette.
peut-être en s’appuyant sur la barre, et
les magistrats devront parler plus fort
pour se faire entendre. Pour la première
fois, un ancien président de la Républi-
Un coupe-faim
que franchira comme prévenu le seuil
d’un tribunal correctionnel. Ce sera Jac-
ques Chirac, 78 ans, qui sera jugé du
et ses moyens
7 mars au 8 avril à Paris pour deux dos- tiques obèses, a pu continuer
siers qui ont été joints pour l’occasion. à être vendu et remboursé
Dans le premier, dit des emplois fictifs jusqu’en septembre 2009.
de la mairie de Paris, Jacques Chirac sera Car, depuis plus de vingt
jugé pour «détournement de fonds» et ans, le produit était jugé sans
«abus de confiance». Les faits concer- intérêt thérapeutique, voire
nent 21 emplois de complaisance payés dangereux, au point de pro-
par des fonds publics entre 1992 et 1995. voquer entre 500 et
Dans la seconde affaire, l’ancien chef de 2 000 décès.
l’Etat sera jugé pour «prise illégale d’in- La faute à qui ? A l’adminis-
térêts». Il devra s’expliquer sur la rému- tration qui n’a pas réagi ?
nération de sept chargés de mission Aux médecins généralistes
SIPA

payés par la mairie qu’il dirigeait, alors qui ont prescrit à tous vents?
que ces permanents travaillaient en réa- En tout cas, l’activisme
lité pour le RPR qu’il dirigeait aussi. ette année, Jacques commercial du deuxième la-

C
LUIS GRAÑENA

C’est dans cette affaire qu’Alain Juppé
a été condamné en 2004 à dix-huit mois
de prison avec sursis et un an d’inéligi-
bilité, brisant alors sa carrière.
Protégé entre 1995 et 2007 par l’immu-
nité pénale liée à son statut présidentiel,
Jacques Chirac a été rattrapé par la jus-
tice une fois redevenu un citoyen ordi-
naire, du moins aux yeux de la loi. Ce
procès sera surtout symbolique. En rai-
son de l’ancienneté des faits d’abord.
Ensuite parce que l’accusation sera si-
lencieuse. Dans les deux dossiers, le
parquet a requis un non-lieu. Soit, dans
le cas de l’affaire des chargés de mission
du RPR, une lecture diamétralement
opposée à celle faite en 2004 par le tri-
bunal de grande instance de Nanterre,
puis la cour d’appel de Versailles qui
avaient coup sur coup validé la théorie
d’un système orchestré et validé par
Jacques Chirac pour détourner de l’ar-
gent public à des fins partisanes. Mais
les temps changent, les hommes aussi,
et les représentants des parquets sont
désormais beaucoup plus dociles à
l’égard du pouvoir politique qu’il y a
quelques années. Dans le dossier des
emplois fictifs, la mairie de Paris a retiré
sa constitution de partie civile moyen-
nant 2,2 millions d’euros, le montant du
préjudice, payés par l’UMP et Jacques
Chirac. Ce dernier va décidément se re-
trouver bien tranquille, et bien seul, à
l’audience. Un contexte peut-être favo-
rable à quelques confidences politiques
qui sauveraient un procès dont l’enjeu
judiciaire est maigre. •
Servier aura 89 ans. En
dépit de cet âge cano-
nique, le patron des labora-
toires qui portent son nom
risque de passer une bien
mauvaise année. Les pre-
miers orages devraient écla-
ter dès le 15 janvier, date à
laquelle les trois enquêteurs
de l’Inspection générale des
affaires sociales (Igas) vont
rendre un rapport pour ten-
ter d’expliquer comment le
Mediator, un anorexigène
fabriqué par Servier et nor-
malement réservé aux diabé-
boratoire français, sa proxi-
mité pesante avec le milieu
médical comme avec le
monde politique, devraient
être pointés par l’Igas. Est-ce
pour autant la fin annoncée
du patriarche, grand-croix
de la Légion d’honneur ?
Propriétaire à quasi 100% de
son entreprise, Jacques Ser-
vier dénonçait récemment
«un complot politique». «Il y
a chez lui des choses qui sem-
blent d’un autre âge», dit de
lui un ancien employé.
ÉRIC FAVEREAU
IV • ILS VONT FAIRE 2011 LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011

SalvaKiirentoute
VICTOR ORBÁN Le Premier ministre
hongrois est nationaliste et libéral.

Un antieuropéen
indépendance dirige l’Europe
I
l est le premier Hongrois
à diriger l’Union Euro-
péenne pour six mois de-
L’ancien guérillero devrait prendre la tête du Sud- puis l’ adhésion de son pays,
en 2004. Présidence qui
Soudan après le référendum d’autodétermination. s’annonce houleuse malgré
le slogan choisi par Buda-
pest : «Une Europe forte».
Par CHRISTOPHE AYAD Ancien dissident devenu lea-
der du Fidezs, principal parti

B
ientôt, son cha- de la droite et grand vain-
peau, offert par queur des élections d’avril
George W. Bush, avec plus de deux tiers des
sera célèbre. Le sièges, Viktor Orbán est un

AFP
9 janvier, Salva Kiir verra populiste aux tentations
s’accomplir le rêve de autoritaires. Il a réduit les
toute une vie: conduire le compétences de la Cour une modification de cette loi.
Sud-Soudan à l’indépen- constitutionnelle et élaboré «Nous n’allons pas avoir peur
dance. Ce jour-là, 8 mil- une loi mettant la presse en de quelques critiques ou de
lions de Sud-Soudanais coupe réglée, des mesures nombreuses critiques venant
sont appelés à voter sur aux antipodes des valeurs de l’Europe de l’Ouest» a ré-
l’avenir de ce qui n’est pour prônées par l’Union. Bruxel- torqué Orbán, qui sait l’Eu-
l’instant qu’une région auto- les s’alarme. «Un tel pays rope divisée voire impuis-
nome du plus vaste pays mérite-t-il de diriger l’Eu- sante sur un tel dossier.
d’Afrique. Le résultat ne fait rope?» clamait le ministre Surtout quand il lui faut s’ac-
aucun doute tant le souvenir luxembourgeois des Affaires tiver pour la défense de
des sanglantes guerres civiles étrangères, Jean Asselborn. l’euro, alors que la Hongrie
(1955-1972 puis à nouveau Certains Etats membres, n’est pas dans l’eurozone.
de 1983 à 2005) avec le pouvoir dont l’Allemagne, exigent MARC SEMO
central du Nord, incarné par la
capitale, Khartoum, reste cui-
sant chez les sudistes : 2,5 mil-
lions de morts en vingt-cinq HASSAN NASRALLAH Son parti chiite
ans, un niveau de développe-
ment proche de l’âge de pierre libanais est visé par la justice.
alors que l’essentiel du pétrole
soudanais se trouve au Sud, des
pratiques esclavagistes qui perdu-
rent, la charia imposée aux chré-
Les menaces
tiens et aux animistes… Cinq an-
nées de transition, durant lesquelles
le Nord a partagé – plutôt mal gré
que bon gré – le pouvoir et la ri-
du Hezbollah
chesse (essentiellement pétrolière), bollah «coupera la main» de
n’ont pas suffi à convaincre le peuple qui tentera d’arrêter un de
sudiste des bienfaits de l’unité. Le ses membres. Il a aussi écarté
Sud-Soudan sera donc le 193e Etat à l’avance la thèse de «brebis
membre de l’ONU. Et Salva Kiir égarées» qui auraient com-
Mayardit – son nom au complet – son ploté à l’insu du parti.
incontestable président. Mettra-t-il ses menaces à
Pourtant, Kiir n’était pas destiné à de exécution ? Tentera-t-il un
telles responsabilités. Guérillero dès coup de force, comme en
l’adolescence, il n’a connu que les dure- mai 2008, pour prendre le
tés du bush et n’a pas eu l’occasion de contrôle du gouvernement,
mener des études à Khartoum ou aux dirigé par Saad Hariri, fils de
Etats-Unis comme son mentor, John Ga- l’ex-Premier ministre assas-
rang, fondateur et chef historique du siné? Et comment réagira la
SPLM, le Mouvement de libération popu- communauté sunnite ?
AFP

laire du Soudan. Le décès de Garang dans Accusé d’avoir utilisé les ar-
un crash d’hélicoptère a obligé Kiir à sortir mes du Hezbollah contre
de l’ombre en août 2005. Autant Garang rê- a paix ou la guerre ? Le d’autres Libanais, Nasrallah
vait de diriger un Soudan laïque et unifié,
autant Kiir s’est toujours méfié du Nord, où
il n’a jamais été à son aise. Peu bavard, mé-
L secrétaire général du
Hezbollah tient entre
ses mains le destin du Li-
pourrait être tenté de provo-
quer une nouvelle confron-
tation avec l’ennemi israé-
fiant envers les intellectuels, Salva Kiir a su ban… et du Proche-Orient. Il lien. Il a déjà commencé à
mener à bien son projet en ne dévoilant ses ne fait aujourd’hui guère de accuser le TSL d’être à la
cartes qu’au tout dernier moment. Ce n’est doute que les mises en accu- solde d’Israël et des Etats-
que depuis l’été qu’il s’est ouvertement pro- sation que doit prononcer le Unis. Mais une nouvelle
noncé pour l’indépendance. Mais la dernière Tribunal spécial pour le Li- guerre avec l’Etat hébreu,
ligne droite sera la plus périlleuse : une fois le ban (TSL) dans l’enquête sur avide de revanche après son
LUIS GRAÑENA

vote acquis, Salva Kiir aura six mois pour négo- l’assassinat en 2005 de Rafic échec de 2006, prendra cette
cier les formalités du divorce avec le Nord, Hariri viseront des membres fois-ci une dimension régio-
avant l’indépendance formelle prévue au mois du parti chiite. Hassan Nas- nale. Jusqu’où ?
de juillet. • rallah a promis que le Hez- C. A.
 LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011 ECONOMIE • V

Trichetsur
touslescoûts
Les derniers mois du président de la Banque
centrale européenne risquent d’être agités.
Par VITTORIO DE FILIPPIS ques a su dépasser l’orthodoxie mo- de change est loin d’être terminée.
nétaire en adoptant des mesures qui Et, de ce débat-là, Jean-Claude Tri-

I
l a toujours l’air inquiet de celui
qui n’a jamais fini sa tâche.
Président de la Banque centrale
européenne depuis novem-
bre 2003, Jean-Claude Trichet pilote
l’euro, une des plus grandes mon-
naies du monde, créée il y a douze
ans. Vu les tensions sur le sujet de-
LUIS GRAÑENA
semblaient inconcevables: racheter
les obligations d’Etat, notamment
les grecques, les espagnoles et les
portugaises.
Reste que la fin de son parcours ris-
que d’être agitée. «Un banquier
hardi», titrait en juillet le Financial
Times, en soulignant son influence
chet ne pourra se soustraire.
D’autant plus que la gouvernance
européenne brille par son absence.
Celui que le magazine Forbes consi-
dérait en 2009 comme le Français le
plus puissant du monde sera de
toutes les grandes messes interna-
tionales. Les crises à répétition lui

puis quelques mois, on risque de
beaucoup entendre parler de lui
cette année.
A dix mois de la fin de son mandat,
Trichet semble en passe de pouvoir
quitter triomphalement la BCE, en
dépit des critiques des «faucons»
–hostiles à son «laxisme », no-
tamment Axel Weber, le pré-
sident de la Bundesbank, qui
brigue sa succession. En
pleine crise financière, le pa-
tron de la banque des ban-
croissante, bien au-delà de son rôle
officiel de gardien de la stabilité des
prix. Et ce rôle de banquier hardi
pourrait lui être nécessaire dès les
prochaines semaines. Car, de G8 en
G20, le patron de la BCE, qui a ap-
pris à manœuvrer au millimètre
près dans la tempête, a un
agenda 2011 chargé.
Sur la guerre des changes, par
exemple. Là, rien n’est réglé. Entre
les Etats-Unis et Chine, la discus-
sion sur le meilleur niveau des taux
feront-elles changer de discours ?
Pas sûr. Car le «Tout-Puissant»,
comme on le nomme dans le buil-
ding ultrasécurisé de la Kaisers-
trasse, siège de la BCE à Francfort,
continue de penser que ce qui vient
de se passer «confirme combien il est
important de mener des politiques de
sagesse monétaire et budgétaire et de
modération des coûts dans l’écono-
mie»… Au risque de quitter la BCE
en conservant son image d’ayatol-
lah de l’euro fort. •

HENRI PROGLIO Le patron d’EDF rêve

de reprendre en main toute la filière.

Ultrabranché
par le nucléaire
onné par l’affaire de sa dou-

XAVIER BEULIN PAC, OMC, G20… Le nouveau président du

S ble casquette (patron d’EDF
et de Veolia) et de son double
salaire qui avait indigné le pays
dans les premiers mois de 2010,
syndicat agricole, au profil industriel, a un calendrier chargé. Henri Proglio l’a joué profil bas
l’an dernier. Mais 2011 pourrait le

Tache d’huile à la FNSEA voir redresser la tête. D’abord,

sous la pression –tardive– de Ni-
colas Sarkozy, le patron d’EDF a
avier Beulin n’aura pas tation internationale pour faire consenti, en décembre, à aban-

X beaucoup de temps pour

célébrer sa récente élec-
tion à la tête de la FNSEA, le
principal syndicat agricole fran-
çais. Réforme des aides de la Po-
litique agricole commune (PAC),
reprise des négociations à l’OMC
sur la libéralisation des échan-
ges, régulation au menu du G20,
entendre la voix des agriculteurs
sur la régulation des marchés.
Exploitant dans le Loiret, repré-
sentant des grandes cultures,
Xavier Beulin, 52 ans, tranche
avec le profil de ses prédéces-
seurs. Moins marqué «terroir»,
il incarne une agriculture tour-
née vers l’industrie et dirige So-
donner la tête de Veolia Environ-
nement, ce qui va simplifier son
agenda. Ensuite, le mandat
d’Anne Lauvergeon –son ennemie
intime– à la tête d’Areva expirant
en juin, Proglio devrait avoir les
coudées un peu plus franches pour
asseoir son emprise sur le groupe
nucléaire comme il en a très vite
AFP

les sujets de mobilisation ne fiprotéol, structure d’investisse- émis le souhait.

manquent pas pour celui qui
était jusqu’alors vice-président
du syndicat, chargé de l’inter-
national. Alors que les prix des
matières premières continuent
de faire le yo-yo d’une année sur
l’autre, fragilisant le secteur, le
patron de la FNSEA veut organi-
AFP
ment de la filière des huiles et
protéines végétales, qui contrôle
Lesieur ou la production de bio-
diesel. Un profil plus business
que bio qui ne rassure pas les dé-
fenseurs de l’environnement en
ces temps où le volet agricole du
Grenelle est plus que chahuté.
L’objectif d’Henri Proglio est en
effet bel et bien de devenir le
«chef de file» du nucléaire en
France à l’heure où l’atome sem-
ble revenir en grâce dans un con-
texte international de lutte contre
les gaz à effet de serre. Mais les
jeux sont loin d’être faits. Anne
nier mot et la dame a de la res-
source (et des réseaux). Et sur-
tout, minée par ces luttes
fratricides et par un réacteur,
l’EPR, trop sophistiqué et trop
coûteux, la filière nucléaire fran-
çaise est en bien piteux état.

ser en mai à Paris une manifes- GUILLAUME LAUNAY Lauvergeon n’a pas dit son der- ALEXANDRA SCHWARTZBROD
 VI • ILS VONT FAIRE 2011
Spielberg,Tintinetmillions
Le père d’«E.T.» va donner vie en 3D
aux aventures du reporter d’Hergé.
Par BRUNO ICHER
P
eu de héros de la culture
populaire ont échappé à
une exploitation au ci-
néma. Par un singulier
concours de circonstances, Tintin en
fait partie mais l’oubli est sur le point
d’être réparé et l’événement risque de ne
pas passer inaperçu. Les cinéastes Steven
Spielberg et Peter Jackson, dont l’imagi-
naire, pour l’un comme pour l’autre, a été
forgé par le reporter à houppette, ont projeté
de transposer les aventures écrites par Hergé
en une série de films dont le total pourrait at-
teindre la vingtaine. Pour commencer, ce sera
le Secret de la Licorne, qui regroupe des portions de
trois albums (le Crabe aux pinces d’or, le Secret de
la Licorne et le Trésor de Rackham le Rouge). La sor-
tie a été programmée depuis des lustres au 26 octo-
bre 2011.
ALEXANDRE JARDIN Dans «Des gens très bien», il instruit le
procès d’un grand-père collabo et d’un père complaisant.
Roman à l’eau de Vichy
n 1942, quand a lieu la ra-
E fle du Vel’d’hiv, le direc-
JEAN­LUC BERTINI
teur de cabinet de Pierre
Laval est Jean Jardin, dit le Nain jaune,
père de Pascal et grand-père d’Alexan-
dre. Comment a-t-il pu participer à
ça ? Comment la famille Jardin et ses
biographes ont-ils pu occulter ce lien
(qui reste à prouver) entre le patriarche et la dé-
portation des Juifs de France ?
Cette indignation morale, familiale et rétros-
pective est au cœur de Des gens très bien (en
librairies mercredi), un acte émotif d’accu-
sation du romancier, 44 ans, contre son
grand-père, la haute petite société vi-
chyste qui l’entourait («les aficionados du
Troisième Reich mondain»), mais aussi con-
tre son propre père, Pascal, artisan «d’une es-
croquerie aussi sincère que géniale.» Dans les an-
nées 70, Pascal Jardin a en effet écrit quatre livres
centrés sur son père. Si le passé vichyste de Jean
Jardin est au centre de ces ouvrages, l’antisémi-
ANNA CALVI La chanteuse italo-anglaise
porte un univers personnel prometteur.
Tourments folk
heveux tirés, port de
C tête hautain, jeu de
guitare flamenco-
rock. Anna Calvi, 22 ans,
force l’attention ce soir de
novembre 2010 à la Boule
noire, lors du festival des
Inrocks. L’Anglaise, de
sang italien par son père, n’a alors
LUIS GRAÑENA
pas livré le moindre album, mais elle
possède déjà l’autorité d’une bris-
carde. Son premier CD sortira le
17 janvier, ouvrant une année musi-
LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011
Jamie Bell, le gamin danseur de Billy Elliot, sera
Tintin, Andy Serkis, l’acteur qui prêtait son corps
à Gollum dans la Trilogie du Seigneur des Anneaux
et à King Kong, sera Haddock, Nick Frost et Simon
Pegg seront les Dupondt, ou plutôt les inspecteurs
Thompson et Thomson, version anglo-saxonne
oblige, tandis que Daniel Craig sera Rackham le
Rouge. Il faudra s’en souvenir car le procédé de
prise de vue, la 3D Performance Picture, ne devrait
pas permettre de reconnaître les comédiens. En
revanche, jurent les réalisateurs, l’effet rendu à
l’écran sera un mélange d’animation reproduisant
chaque détail de la gestuelle humaine en intégrant
la batterie de trucages numériques et de relief aux-
quels il faudra bien s’habituer.
Premier indice sur l’allure générale du film, quel-
ques photos publiées le mois dernier dans le maga-
zine britannique Empire. Pas très convaincant
a priori, mais nombreux étaient ceux qui expri-
maient, en 2009, la même défiance en découvrant
les premières images d’Avatar. •
tisme n’y est pas abordé – ou si peu.
Alexandre a consacré plusieurs livres
à son exubérante famille névrosée, sur
le mode vif-enchanté inauguré par
Pascal (le Zubial, le Roman des Jardin).
Des gens très bien rompt avec cette my-
thologie: les romans à l’eau de rose qui
ont fait son succès, explique-t-il, fu-
rent la conséquence d’un déni dont il sort péni-
blement. Jean Jardin est mort en 1976, son fils
Pascal quatre ans plus tard : Alexandre se bat et
dialogue, sans en avoir tout à fait les moyens, avec
leurs fantômes.
Son livre est touchant, maladroit, redondant: il
patine dans le chagrin et le dégoût qui l’inspirent.
S’il va faire débat, ce n’est pas parce que ce débat
est neuf mais parce qu’il est posé sur ce ton fu-
rieux, blessé, intime, sans nuances, par un gentil
romancier à succès d’une autre génération –qui
n’a connu aucune guerre, mais dont la conscience
s’est fabriquée à l’ombre portée de la Shoah.
PHILIPPE LANÇON
cale qu’on espère à son
image: hérissée et sans
concession. La hauteur
tendue de son chant évo-
que Jeff Buckley et ses
compositions aux multi-
ples influences (folk,
DR
rock, gothique) portent le
sceau d’un univers personnel riche et
cultivé. La sensualité de la jeune
louve, aussi tempétueuse que rèche,
évoque la PJ Harvey d’antan.
PHILIPPE BROCHEN
 LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011 CULTURE • VII

AArte,Véronique
Cayladonnelela
Etiquetée chiraquienne, l’ancienne membre du CSA
succède à Jérôme Clément à la tête d’une chaîne
franco-allemande assoupie et boudée par le public.
Par RAPHAËL GARRIGOS et ISABELLE ROBERTS passée par la Vidéothèque de Paris, MK2, le Conseil supé-
rieur de l’audiovisuel (CSA), le Festival de Cannes…

Ç
a va faire drôle dans le milieu très poil aux pattes
du PAF: désormais, l’un de ses membres les plus
éminents est une femme, Véronique Cayla.
A60ans, l’ancienne directrice du Centre natio-
nal de la cinématographie (CNC) devient
aujourd’hui la patronne d’Arte. Enfin, pas tout à fait puis-
que les arcanes de la chaîne culturelle franco-allemande
sont complexes: Cayla s’installe ce lundi dans le fauteuil
de Gottfried Langenstein, qui dirigeait Arte GEIE, la
structure de tête; et en mars, elle se posera dans celui de
Jérôme Clément au sommet d’Arte France.
Ce sera là le premier boulot de Véronique Cayla, et pas des
moindres : faire oublier Jérôme Clément, grand mama-
mouchi d’Arte avant même sa création, quand le joli pro-
jet d’une chaîne franco-allemande, né d’un traité signé
par François Mitterrand et Helmut Kohl en 1990, s’appe-
LUIS GRAÑENA
Souvent donnée en outsider pour présider France Télévi-
sions, Véronique Cayla va, pour la première fois, diriger
une chaîne de télé. Et elle le doit à l’actuel patron de la
télé publique, Rémy Pflimlin. C’est lui, germanophone
accompli, qui aurait dû succéder à Jérôme Clément, mais
la mise à l’écart d’Alexandre Bompard l’a propulsé à
France Télévisions, laissant du coup une place vide à Arte.
Vide au point qu’à la faveur d’un changement de statut,
Jérôme Clément aurait même pu se succéder à lui-
même… Un temps donné gagnant, David Kessler, l’ancien
directeur de France Culture et adjoint du maire de Paris,
a été écarté: ça suffit l’ouverture. Et puis Véronique Cayla,
qui a toujours œuvré dans l’audiovisuel et la culture,
n’effraie pas. Mais elle a du boulot: l’audience d’Arte rou-
pille avec 2,2% de part de marché, derrière TMC et W9,
alors que la chaîne est aussi bien diffusée que TF1. Sur-

lait la Sept. Si Clément affiche sans peine sa couleur so- tout, l’antenne d’Arte, aux mains d’un cénacle de pro-
cialiste (et il ne se privait pas, à chaque conférence de ducteurs qui manque d’oxygène, s’est assoupie, laissant
presse d’Arte, d’égratigner le gouvernement à sa manière l’innovation aux nombreuses déclinaisons internet de la
chattemite), Cayla est étiquetée chiraquienne. Elle est chaîne. •

CHRISTINE OCKRENT La numéro 2 de l’Audiovisuel TINA BROWN Le magazine américain «Newsweek»

extérieur se débat dans un mauvais polar. et le site The Daily Beast sont unis sous sa houlette.

Le trône éjectable Le mariage du canard

de la reine du PAF et de la souris
n l’a laissée en 2010, la couronne de a blonde Tina Brown, 57ans, a la répu-

O traviole, la reine Christine, numéro 2

de l’Audiovisuel extérieur de la France
(AEF) qui chapeaute France 24, RFI et une
L tation de faire des miracles. Voilà une
star du journalisme anglo-saxon à la
tête du mariage improbable entre un vieux
partie de TV5. Boycottée par la direction de titre de la presse papier et le dernier cri du
France 24 et par les salariés qui ont voté une journalisme en ligne. Le vénérable hebdo
motion de défiance contre elle, Christine Oc- Newsweek, 77 ans, 2,3 millions d’exemplai-
krent est accusée d’avoir fait espionner les res, a épousé en novembre le site The Daily
ordinateurs de l’AEF. Extravagant polar, ré- Beast, deux ans d’âge et 5 millions de visi-
sultat d’une guerre des chefs avec Alain de teurs uniques. Les challenges, elle connaît :
Pouzilhac, numéro 1 de l’AEF, qui a éclaté à relookage réussi du magazine anglais Tatler,
l’été 2010 quand, découvrant, selon le clan relance du mensuel Vanity Fair puis du New
Pouzilhac, des dérapages financiers, les têtes Yorker, tout ça entre 1979 et 1998. Petit bé-
ockrentiennes sont coupées une à une. Drôle mol, son propre bébé, le magazine Talk
d’histoire que celle de France 24: née en 2004 n’aura vécu que trois ans. Tina Brown préside
de la volonté de Chirac, il y place un proche, aux destinées éditoriales du couple au sein
le publicitaire Pouzilhac. Il sera flanqué d’une nouvelle société, qu’elle décrit comme
d’Ockrent en 2008, compagne du ministre «un mariage entre la profondeur journalistique
des Affaires étrangères et tutelle de Fran- de Newsweek et la vitalité versatile que
ce 24, Bernard Kouchner. Vous avez dit con- The Daily Beast a installée sur le Web». La
flit d’intérêt? Le gouvernement attend les ré- carpe et le lapin ont des qualités complémen-
sultats de l’enquête de police (pour l’instant taires selon elle. Les deux noms ont en tout
les accusations se basent sur une enquête pri- cas en commun d’être déficitaires dans un
REUTERS

vée commandée par Pouzilhac) pour décider secteur oublié par les miracles. Tina Brown
de couper une tête ou deux d’un coup. va avoir fort à faire pour tenir sa réputation.
AP

R.G. et I.R. FRÉDÉRIQUE ROUSSEL

 VIII • ILS VONT FAIRE 2011 SPORTS LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011

Nadalprêt
àracketter
lecircuit
Numéro 1 mondial, l’Espagnol peut
encore accrocher de nouvelles
performances à son tableau de chasse.
Par GILLES DHERS Cette saison, Rafael Nadal, ne battra pas
le record de victoires dans les quatre

C
omme anecdotique mise en grands tournois de son «vieux»
LUIS GRAÑENA

bouche pour 2011, Rafael Nadal
a battu samedi Roger Federer
en finale du tournoi exhibition
d’Abou Dhabi. Prélude d’une année au
cours de laquelle l’Espagnol de 24 ans
pourrait réaliser ce que même l’esthète
helvète n’a jamais réussi. Si, dans un
mois, Nadal remporte les Internatio-
naux d’Australie, après avoir décroché
en 2010 la timbale à Roland-Garros,
Wimbledon et l’US Open, il se retrou-
vera détenteur des quatre titres majeurs
du tennis en même temps. De l’inédit
depuis 1969 et le Grand Chelem (sur la
même année) de l’Australien Rod Laver.
(29 ans) rival suisse (qui, pour l’instant,
mène 16-9 leur duel en la matière). Mais
outre cette quête du «faux» (car sur
deux saisons) Grand Chelem, Nadal
aura une autre occasion de s’incruster
dans l’histoire du tennis. Un premier
succès aux Masters et l’Espagnol rejoin-
drait Agassi au rayon des joueurs qui ont
gagné tout ce qui compte en tennis: les
quatre majeurs, la Coupe Davis, l’or
olympique et le tournoi des maîtres.
Et dire qu’il y a un an, quand il quittait
Melbourne les genoux en compote,
c’est de la suite de sa carrière dont on
doutait… •

RICHIE MCCAW En octobre, le meilleur joueur de la planète ovale TESSA WORLEY L’or mondial, qui échappe
devrait mener les All Blacks à la victoire en Coupe de monde. à la France depuis 2001, lui tend les bras.

Le Néozélandais zélé Slalom géante

Tonguiens, voisins des antipodes
jetés en pâture en ouverture aux
hôtes de la 7e Coupe du monde
de rugby. La deuxième en Nou-
velle-Zélande.
La première, co-organisée avec
l’Australie en 1987, avait vu les
All Blacks remporter leur pre-
mier et unique titre suprême à ce
jour. Une anomalie, s’agissant
de l’équipe la plus mythique,
REITERS
par rencontre). Donc, Richie
McCaw, 30 ans, 1,87 m, 106 kg,
galopera sur la pelouse de l’Eden
Park d’Auckland le 9 septembre,
ainsi que le 23 octobre pour, six
semaines plus tard, soulever le
trophée, en qualité de fabuleux
capitaine. La planète ovale fera
alors allégeance au troisième li-
gne surdoué des Crusaders, déjà
sacré meilleur joueur du monde
lle résume son enfance
E ballottée entre l’Aus-
tralie de son père et la
Savoie de sa mère en disant
que petite, elle n’a «pas
connu l’été». Avec des pa-
rents moniteurs de ski, ça se
comprend. Tessa Worley,
21 ans, a pris une autre di-
mension cet hiver : elle qui
n’avait jamais réussi à com-
piler deux victoires la même
saison vient d’enchaîner
trois succès de rang en sla-
lom géant. Une performance
du genre historique pour le
ski français : jamais depuis
Régine Cavagnoud, en 2000-
2001, une tricolore n’avait
réussi un combo de trois
succès en Coupe du monde
- pour trouver telle perfor-

donnée favorite à chaque fois en 2006, 2009 et 2010. mance en géant, il fallait re-
mais qui (complexe de supério- Belle gueule virile (des faux airs monter à Carole Merle en
rité ?) s’est régulièrement fait de l’acteur Stephen Dorff), Mc- 1991-1992. Et c’est encore à
ue fera-t-on vendredi piéger –comme en 2007 face à la Caw est aussi patriote : il a dé- Régine Cavagnoud, dernière

Q 9 septembre à 10 h 30 ?
Les enfants seront à
l’école, la plupart des
adultes sur leur lieu de travail et,
sauf blessure ou tremblement de
terre (le pays a été violemment
secoué il y a un an à la même pé-
riode) le Néo-Zélandais Richie
McCaw commencera, avec ses
France en quart de finale.
Là, on imagine mal la Nouzelle-
Zélande subir un tel camouflet,
tant sa supériorité actuelle ne
souffre de contestation (lors du
dernier Tri Nations, elle a balayé
l’Australie et l’Afrique du Sud, et
remporté tous les test-matches
de novembre en Europe en frô-
claré il y a quelques jours que,
contrairement à la plupart des
stars de l’hémisphère sud, il ne
Français(e) médaillé(e) d’or
aux championnats du monde
en 2001, quelques mois avant
comptait pas ensuite monnayer sa mort, que l’on fera réfé-
son talent vers le nord, préférant rence en février, quand Tessa
rester au pays «afin d’accompa- Worley partira grande favo-
gner la prochaine génération». rite pour remporter un titre
Autant dire un sans-faute an- mondial que le ski français
noncé. A moins que… attend depuis dix ans.
AFP

partenaires, à martyriser les lant une moyenne de 40 points GILLES RENAULT G.Dh.
 ECONOMIE
LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011 • 13

Le 1er janvier, le Smic

a augmenté de 1,6%.
PHOTO ULRICH BAUMGARTEN
VARIOPRESS.PHOTONONSTOP

UnehausseSmicroscopique
Revalorisé le 1er janvier, le salaire minimum n’a bénéficié d’aucun coup de pouce gouvernemental.
Par LUC PEILLON retournent contre ceux que le salaire fait néanmoins partie du groupe LE SMIC, BOUCLIER
minimum doit protéger». Salaire d’experts favorable à la limitation CONTRE LA PAUVRETÉ ? REPÈRES

C
inquième année de suite versus emploi : l’argument n’est du salaire minimum au dispositif Un seuil minimal de rémunération
sans coup de pouce pour pas nouveau, et s’accompagne gé- légal. contribue, de fait, à limiter le déve-
les smicards. En 2011, néralement d’une comparaison
les 2,3 millions de Français avec l’Allemagne, notre principal
payés au salaire minimum (10% des partenaire commercial, où les coûts
salariés) devront encore se conten- du travail sont vantés pour leur
ter du minimum légal. Soit une modestie. Or, selon une étude
hausse limitée à l’in- du cabinet Rexe-
LE SMIC EN FAVEUR
DU POUVOIR D’ACHAT ?
loppement du salariat pauvre. Pour
autant, la situation des smicards en
France reste fortement contrastée.
En dehors de la période de mise en Entre un jeune célibataire à temps
place des 35 heures, qui avait con- plein et une famille monoparentale
duit à une progression de plus dont la mère travaille à temps par-
1073
C’est, en euros et en net,
le niveau du Smic depuis
flation, augmentée de DÉCRYPTAGE code (1), à paraître en de 10% du Smic horaire en quel- tiel, le Smic ne se traduit pas de la le 1er janvier (1365 euros brut),
la moitié du gain de janvier, si le coût ho- ques années, les coups de pouce au même façon sur le niveau de vie. contre 1056 euros en 2010.
pouvoir d’achat du salaire horaire raire de la main-d’œuvre pour salaire minimum ne représentent C’est même le plus souvent le cu-
ouvrier. Résultat: 1,6% d’augmen- l’ensemble de l’économie est, pas un gain considérable de pouvoir mul du Smic et d’un temps partiel

2,3
tation, qui portera le taux horaire fin 2009, de 33,2 euros en France d’achat. Il n’empêche, si une qui contribue au phénomène des
du Smic à 9 euros brut, et son mon- contre 30,6 euros outre-Rhin, il est hausse de 0,5% ou 1% en plus du «travailleurs pauvres». Or les
tant mensuel à 1 365 euros plus faible dans l’Hexagone qu’en temps partiels sont
(1 073 euros en net). Décryptage Allemagne dans l’industrie manu- Si le Smic à temps complet remplit justement ceux qui
d’un dispositif qui, à chaque reva- facturière, secteur le plus exposé à sont le plus concernés
lorisation, relance le débat sur ses la concurrence internationale plutôt bien sa fonction de bouclier par le Smic, puisqu’ils
bienfaits et ses inconvénients. (33,8 euros en France contre contre la pauvreté, il ne permet sont 22% à être payés millions, c’est le nombre
35 euros en Allemagne). clairement pas aux temps partiels au salaire minimum, de salariés rémunérés au
LE SMIC CONTRE L’EMPLOI ? Par ailleurs, vouloir à tout prix col- de s’en sortir. contre 7% des tra- salaire minimum en France
Augmenter le Smic au-delà du mi- ler au modèle allemand de modéra- vailleurs à temps au 1er janvier 2010, soit 9,8%
nimum légal «risque de compromet- tion salariale –comme la France le minimum légal «ne bouleverse pas complet. Si le Smic (à temps com- de la population active, con­
tre la compétitivité de notre économie fait depuis cinq ans sur le Smic – le niveau de vie des personnes con- plet) remplit donc plutôt bien sa tre un pic de 16,3% en 2005.
et donc la reprise de l’emploi», avan- n’est pas sans soulever quelques cernées, selon Louis Maurin, de fonction de bouclier contre la pau-
çait, le 14 décembre, le ministre du questions. «Si tous les pays de la l’Observatoire des inégalités, elle a vreté, le salaire minimum ne per-
Travail, Xavier Bertrand, pour jus- zone euro adoptaient cette stratégie, une valeur symbolique importante met clairement pas aux temps par- Depuis 2010, la revalorisa­
tifier son refus d’octroyer tout coup la croissance économique y serait pour des gens qui sont souvent ceux tiels de s’en sortir. tion du Smic se fait le 1er jan­
de pouce au salaire minimum. L’ar- nettement abaissée», soutient l’éco- qui travaillent le plus dur». Et même Mais pour le groupe d’experts, vier et plus le 1er juillet. La loi
gument reprend, en réalité, l’avis nomiste Gilbert Cette, dans la revue «s’il ne faut pas faire n’importe quoi mieux vaut jouer sur les transferts du 3 décembre 2008 a aussi
très tranché du «groupe des ex- Futuribles. Pour l’Allemagne elle- avec le coût du travail», une aug- sociaux (RSA, prime pour l’emploi) institué un «groupe d’experts»
perts» chargé depuis 2008 d’éclai- même, cette option, qui revient à mentation du pouvoir d’achat pour que d’augmenter le Smic. Avec chargé de fournir un avis au
rer le gouvernement sur le sujet, et brider sa consommation intérieure, les smicards «se retrouve directe- comme conséquence, cependant, gouvernement sur l’évolution
qui considère, dans son rapport de tout en misant sur le niveau de vie ment dans le circuit économique, de reporter la charge sur le budget du salaire minimum. Comme
décembre 2010, que «les évolutions des pays voisins pour exporter, contrairement à des baisses d’impôts de l’Etat plutôt que sur les finances les fois passées, celui­ci a pré­
trop rapides du Smic, en faisant peser «n’est pas soutenable à très long pour les plus aisés», estime Louis des entreprises… • conisé une hausse limitée au
un risque important sur l’emploi, se terme», rappelle l’économiste, qui Maurin. (1) Evoquée par les Echos. minimum légal.
14 • ECONOMIEXPRESSO LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011

LE LIVRE
«JE VOUS EMMÈNE
AU BOUT DE
LA LIGNE» :
MÉTRO, BOULOT…
Allez, en ce début d’année,
soyons légers, gais, insou­
ciants. Essayons d’envisager
le métro parisien autrement.
Non, ce n’est pas seulement
un endroit où l’on se bous­
cule, où l’on se fait agresser,
où l’on se retrouve en rade
pour cause de grève, d’incident technique, ou de colis sus­
pect. C’est aussi un véritable monde souterrain avec ses
rites, ses habitués, ses métiers. Fêtards, contrôleurs, suici­
daires, érotomanes, SDF, musiciens… Rodolphe Macia en
a rencontré des phénomènes en vingt ans de carrière aux
manettes de son métro. Conducteur sur la ligne 2 (Nation­
Porte Dauphine par Barbès­Rochechouart), il raconte les
dessous de cette vie sous terre et aussi le quotidien de
son métier (technique, procédures, règles de sécurité…).
Un peu angélique mais, pour qui aime le métro (il y en a,
si,si…) rafraîchissant et instructif. A.S.
Je vous emmène au bout de la ligne, Rodolphe Macia,
avec Sophie Adriansen, Editions Max Milo, 16 euros.

Ce projet devait relancer l’emploi après la fermeture par Total de la raffinerie des Flandres, ici en photo. PHOTO AIMÉE THIRION

81%
des Français considèrent le chômage comme la pre­
ÉNERGIE Jean Sename, de France Nature Environnement, revient
sur le report de l’installation d’un terminal méthanier à Dunkerque:

«Ceprojetdeterminal
mière de leurs priorités, devant le système social (73%)
et le pouvoir d’achat (68%) et surtout loin devant l’insécu­
rité (49%), selon un sondage Harris Interactive réalisé du
27 au 29 décembre auprès de 1226 personnes pour RTL.

LES GENS
reposaitsurducourtterme»
e projet de terminal rope». Il avait que s’il ne vendait peu d’industries de transfor-

L méthanier d’EDF, at-

tendu pour 2014 à
Dunkerque (Nord) est encore
même promis que
le projet serait en-
tériné «avant la
pas son gaz aux
Occidentaux,
c’était mauvais
mation, on est un géant aux
pieds d’argile. Quand une
boîte comme Total stoppe sa
reporté, comme l’a concédé fin de l’année». pour Gazprom. La raffinerie, ça prend des allu-
la semaine dernière le groupe L’année est pas- demande de gaz a res de catastrophe. Et Total le
DR

d’électricité. Annoncé de-
puis 2006, il avait fait l’objet
d’un débat public avant
d’être mis en sommeil. L’an
dernier, à la surprise géné-
rale, il avait refait surface
après l’annonce de la ferme-
ture de la raffinerie des Flan-
dres de Total.
LE BARON SEILLIÈRE ET 13 PATRONS DE En pleine polémique sur
WENDEL S’OFFRENT UN REDRESSEMENT cette affaire, Christian Es-
trosi, alors ministre de l’In-
Cadeau de Noël amer pour l’ancien patron du Medef, dustrie, avait annoncé que le
Ernest­Antoine Seillière. Le 24 décembre, le président pétrolier pourrait «installer
du conseil de surveillance du groupe Wendel aurait reçu un terminal méthanier» à
une notification fiscale lui réclamant 50 millions d’euros, Dunkerque, projet qui devait
selon le Journal du dimanche d’hier. Un redressement avoir «un impact fort sur
parvenu aussi à 13 autres dirigeants ou ex­dirigeants du l’emploi». Il s’agissait du fa-
groupe, pour une somme totale de 240 millions d’euros, meux terminal EDF, dans le-
dont 100 millions pour l’ex­président du directoire, Jean­ quel Total devait prendre
Bernard Lafonta. En cause: un montage financier datant 10% avec 50 emplois directs
de 2007 ayant permis à ces responsables de percevoir assurés et 150 indirects, loin
pour 324 millions d’euros d’actions. Un dispositif com­ de compenser les 600 em-
plexe –mais légal– pour échapper au fisc et qualifié plois de sous-traitants me-
d’«abus de droit» par les autorités, qui réclament 75% nacés avec l’arrêt de la raffi-
des sommes perçues. Seraient entre autres visés Chris­ nerie. Le préfet avait autorisé
tine Dutreil, ex­directrice de communication du groupe le chantier en avril 2010. Le
et épouse de l’ancien ministre Renaud Dutreil (pour ministre avait insisté sur
6 millions d’euros), et Jean­Yves Hémery, directeur fiscal l’importance de ce projet qui
de Wendel (7,5 millions). Hier, un porte­parole de la devait, selon lui, «renforcer la
société précisait que ces faits ne concernaient que «la sécurité d’approvisionnement
situation personnelle des personnes physiques». PHOTO AFP en gaz de la France et en Eu-
sée, et toujours
rien. Entre-
temps, le projet de terminal
du Verdon (Gironde) a été
abandonné, et celui de
Poweo, au Havre, repoussé.
A Dunkerque, Jean Sename,
membre du directoire du ré-
seau risques et impacts in-
dustriels à France Nature En-
vironnement, et président de
l’Assemblée pour la défense
de l’environnement du litto-
ral Flandre-Artois, n’est pas
étonné.
Pourquoi ce nouveau report?
Il faut se souvenir qu’on avait
un vrai problème d’approvi-
sionnement en gaz quand
l’idée de ces terminaux a été
lancée. En 2006, la Russie,
en conflit avec l’Ukraine,
avait fermé les robinets qui
alimentaient l’Europe occi-
dentale. Il fallait contourner
l’obstacle Poutine, ne plus
dépendre du gaz russe à
40%. La France, les Pays-
Bas, la Belgique, se sont dits:
«Faisons venir le gaz par voie
maritime.» Entre-temps,
Vladimir Poutine a compris
baissé avec la
crise. Enfin, et
surtout, le gaz dit «non con-
ventionnel», le gaz de
schiste, arrive sur le marché,
et le révolutionne [Libération
du 28 décembre, ndlr]. Le ter-
minal méthanier de Dunker-
que serait un investissement
cher –1,3 milliard d’euros–,
et on comprend qu’EDF hé-
site à faire ce pari.
Le projet reposait donc sur du
court terme…
On est, c’est vrai, dans une
politique industrielle de
court terme. Dunkerque se
dit «premier pôle énergéti-
que d’Europe», avec les hy-
drocarbures et le charbon qui
transitent par le port, la cen-
trale nucléaire de Gravelines,
le terminal gazier du pipeline
de Norvège. Tout ça est très
impressionnant, mais basé
sur des énergies fossiles. Sur
le site, il y a cinq éoliennes,
dont trois en panne ! Pour
l’emploi, c’est du court
terme aussi. Le Dunkerquois,
c’est 13% de chômage ! En
misant sur l’énergie, et avec
fait d’autant plus facilement
qu’il n’y a pas ici d’industrie
d’aval sur place comme dans
le bassin de la Seine.
Au fond, ça arrange les dé-
fenseurs de la nature que ce
terminal ne se fasse pas?
C’est vrai qu’on n’en voulait
pas sur la dune du Clipon, là
où il est prévu. C’est la der-
nière zone naturelle à l’ouest
de Dunkerque, tout le reste
est envahi par les usines.
Mais on n’était pas contre.
On plaidait pour un système
offshore, comme à Rovigo,
près de Venise. Il y avait l’es-
poir de créer des emplois.
Pas tant que ça, compte tenu
du coût du projet. On nous
annonçait 50 emplois di-
rects, 150 indirects – ce qui
me semble surévalué – et
1200 pendant les deux à trois
ans de la construction, ce qui
ne veut pas dire 1 200 em-
plois sur toute la durée. Bref,
pas le Pérou… Les grands
chantiers, si c’était la solu-
tion, ça se saurait.
Recueilli par
HAYDÉE SABÉRAN (à Lille)
LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011 ECONOMIEXPRESSO • 15

«Elle»,bientôt L’HISTOIRE
LES TUPOLEV­154B
BONS POUR
AUTOMOBILE Martin
Winterkorn va conserver les
commandes de Volkswagen
jusqu’en 2016, son contrat

àmoitiéaméricaine?
LA CASSE
L’Agence russe des trans­
ports a «proposé» hier
d’interdire de vol les avions
MÉDIAS Lagardère en négociations exclusives avec Tupolev­154B, suite à un
accident, samedi, au cours
Hearst pour la vente de ses magazines à l’étranger. duquel un appareil de ce
type a explosé sur l’aéro­
est finalement l’amé- dans 45 pays mais, en ces en 1945 par Hélène Lazareff port de Sourgout (Oural),
ayant été prolongé de cinq
ans à la tête du numéro 1 de
l’automobile allemand (Libé-
ration du 30 décembre).
AUTOMOBILE L’italien Fiat
prend un nouveau départ
après sa division en deux
entités qui le déleste de ses
activités non-automobiles

C’ ricain Hearst qu’Ar-

naud Lagardère a
choisi pour reprendre son
pôle magazine à l’internatio-
nal. Le français a annoncé
vendredi être en négocia-
tions exclusives avec l’édi-
teur de Cosmopolitan et de
Harper’s Bazaar pour la ces-
sion des 200 titres qu’il gère
en dehors de l’Hexagone,
dont les éditions étrangères
temps de crise, il a confessé
il y a peu qu’«être leader
mondial comporte trop de ris-
ques». Entre restructurations
et chute de la diffusion et de
la publicité, les revenus des
activités presse et audiovi-
suel du groupe sont passés de
2,6 milliards d’euros en 2006
à 1,72 milliard en 2009. Et,
pour Lagardère comme pour
bon nombre d’éditeurs, ce
et Marcelle Auclair, le maga-
zine est devenu un monu-
ment, décliné dans 43 pays,
jusqu’au Vietnam (Phai Dep-
Elle). Lagardère assure que
«quelle que soit l’issue des
discussions, le groupe tient à
garder le contrôle éditorial sur
Elle».
A.S.
Grenob3 Mar 2011 -:Grenoble Mar 2011 16/12/10 18:00 Page1
tuant trois passagers. Le
Tu­154B est l’une des ver­
sions du Tu­154, dont plu­
sieurs variantes ont connu
nombre d’accidents. Parmi
eux, le crash, le 10 avril, de
l’avion transportant le chef
de l’Etat polonais,
Lech Kaczynski, qui a
fait 96 morts.
(bus, engins agricoles…). Un
virage stratégique destiné à
faciliter les alliances, notam-
ment avec son partenaire
Chrysler.
RETRAITES Le recul de l’âge
légal de départ de 60 à 62 ans
a été publiée vendredi au
Journal officiel.
TRANSPORTS Une table
ronde sur la récente désorga-
nisation des transports suite
aux intempéries se tiendra
le 13 janvier, a annoncé hier
la ministre de l’Ecologie,
Nathalie Kosciusko-Morizet.
PHOTO AFP

E
du magazine Elle. déclin, lié à l’essor d’Inter-
Ces discussions, dont le net, est bel et bien «structu-

R
terme est fixé au 30 janvier, rel». D’où son nouvel objec-
portent sur une acquisition tif : «se recentrer sur la
en cash. Selon une source France», où le groupe dis-

proche du dossier citée par
Reuters, la transaction pour-
rait atteindre près de
700 millions d’euros. Hearst,
GO
pose d’une «taille critique».
Un objectif qui s’impose
d’autant plus que le groupe
commence à être l’objet

fondé par le magnat William
Randolph Hearst, est un des
plus grands groupes de mé-
dias américains, propriétaire
notamment du San Francisco
Chronicle. Lagardère, lui, est
le premier éditeur mondial
de presse magazine grand
uneublique
d’attaques de fonds activis-
tes mécontents de son cours
de bourse. On se souvient de
rép ur
l’assaut du raider franco-
po us
américain Guy Wyser-Pratte
qui avait fait trembler l’em- to
pire en avril.
Que vont devenir les éditions

NLE
public, avec 212 titres édités étrangères de Elle ? Fondé

LaPostesans
vraichallenger

B
LIBÉRALISATION L’ouverture du
marché n’attire pas les concurrents.
entrée historique pour certains quartiers d’affaires,

R la Poste. Depuis
le 1er janvier, cette
aucun opérateur d’envergure
nationale n’est redouté.
Gé né
s
les Etraatux du -Luc
Jean Morin
Méle
ncho
n

ranne
institution quatre fois cente-
naire est officiellement ex-
Il faut dire que les deux der-
nières tentatives du privé sur
o uve a u ist A p p aru Je
é
Herv ack Quey
an-J ocard

ren Beno auer el R

posée à la concurrence. Jus- le marché du courrier ont B Mich ne Royal
Alain aïetto lè
que-là limitée aux plis de tourné court. Adrexo, après B h m ias Ségo l Serres
rc na e
Ma
-Luc
Ben on Mich in Stora
plus de 50 grammes, la libé- deux ans d’essai, a reflué sur Jean ique Card e e n m
B ja hibaud em

3
ralisation du courrier, impo- le secteur du colis. Le se- in
Dom is Chérè dit
q u T elkac
s Paul ud-B
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jourébats, n ço e n
sée par l’Union européenne, cond, Alternative Post, qui F ra
l C oh n -B Na t l Vauzelle
ja
Danie l Destot ne e
Mich l Valls
touche désormais la totalité avait contourné la législation de d n et e
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de l’activité de l’opérateur pour se lancer sur le moins
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Patric is Dubet r
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d’exp anges. les
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historique. Mais pour l’usa- de 50 grammes avant ç o in
Fran t Fabius Dom Viveret
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d’éc ez-vous re n k a…
ger (ou plutôt le client), l’heure, a fini par mettre la L au
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mo n
de Pat l Wievio k
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Beno is Hollan u e
aucun bouleversement ma- clé sous la porte fin 2009, rend et 30 Fra n ço
rou t u ro Mich
jeur n’est à attendre, tant le
contexte dans lequel s’inscrit
laissant plus de 300 salariés
sur le carreau. Pas de quoi
28, 29 ier 2011 e Lar
Pierr ipietz
L
cette libéralisation rend dif- susciter de nouvelles voca- janv c2: Alain
m
ficile l’émergence de nou- tions… à la oble
veaux intervenants. En dé- L’absence de vraie concur- gren
clin depuis la montée en rence ne rassure pas pour
puissance d’Internet, le autant la CGT, qui estime, de
marché du courrier n’attise son côté, que «cette libérali-
pas vraiment les vocations. sation totale des services pos-
Et du côté de la Poste, en de- taux dynamite un pan supplé-
hors d’éventuels concurrents mentaire du service public».
sur quelques niches, comme L.P.
16 • TERRE LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011

VU DE ROME
Par ERIC JOZSEF

Les Italiens enterrent

le sac plastique
pour moins polluer
ans une ville toujours Fin 2009, le gouvernement

D envahie par les tas

d’ordures et de dé-
chets ménagers, la nouvelle
est pour l’heure passée au
second plan à Naples. Et
pourtant, toute l’Italie, y
compris la cité parthéno-
péenne, a débuté la nouvelle
année avec une mesure qui
devrait radicalement chan-
ger ses modes de consom-
mation. Après plusieurs ren-
vois, le gouvernement de
Silvio Berlusconi a en effet
banni l’utilisation des sacs
plastiques dans les magasins
et supermarchés italiens à
partir du 1er janvier. «C’est
un pas en avant fondamental
dans la lutte contre la pollu-
de droite de Silvio Berlusconi
avait, lui, renoncé à bannir
comme prévu les sacs plasti-
ques. Sous la pression de
l’Union européenne, des as-
sociations de défense de
l’environnement, comme
Legambiente dont une péti-
tion allant dans ce sens a re-
cueilli 100000 signatures, la
ministre italienne de l’Envi-
ronnement est finalement
parvenue à faire passer in
extremis la mesure à la veille
du réveillon de la Saint-Syl-
vestre.
Reste toutefois à la mettre en Des machines agricoles prises au piège par les inondations, hier près de la ville d’Emerald (Queensland). DANIEL MUNOZ.REUTERS
œuvre. Concrètement, les
magasins ont été autorisés à

tion», s’est félicitée la minis-
tre de l’Environnement, Ste-
fania Prestigiacomo.
D’autant que la péninsule
italienne est dans ce do-
maine l’un des plus mauvais
élèves de l’Union euro-
péenne. Avec plus de
25 milliards de sacs plasti-
ques consommés chaque an-
née (soit environ 400 unités
par an et par habitant), la
Botte absorbe près du quart
du volume européen.
Dès 2006, le gouvernement
de centre gauche de Romano
Prodi avait décidé de remé-
dier à cette menace pour
l’environnement en préconi-
sant un remplacement pro-
gressif des sacs plastiques
par des équivalents en ma-
tière biodégradable ou en pa-
pier. Avec, comme objectif,
une interdiction définitive
en 2010. Mais, hormis quel-
ques initiatives d’une cen-
taine de mairies, dont Turin,
et de plusieurs groupes de
distribution dont Auchan et
Esselunga, l’invitation était
pratiquement restée lettre
morte.
écouler leurs stocks de sacs
plastiques. Les supermarchés
auront jusqu’au 30 avril pour
se mettre en conformité avec
la législation et les petites
boutiques auront un sursis
jusqu’à la fin de l’année.
Faute de quoi, les carabiniers
seront autorisés à saisir les
sacs en plastiques.
«Que devront faire les con-
sommateurs qui ne trouvent
pas de sacs biodégradables ?
Renoncer à faire leur course?»
s’est interrogée, polémique,
la Federdistribuzione, une
association qui réunit
46000 magasins. «La norme
est confuse, les décrets d’ap-
plication n’ont pas été publiés,
aucune sanction n’est pré-
vue», relève de son côté la
presse italienne. Il n’y a
qu’au niveau local que des
amendes allant de 25 à
250 euros, menacent parfois
les contrevenants.
Exaspérés par les promesses
des autorités non tenues, les
Napolitains continuent, eux,
de brûler épisodiquement les
sacs plastiques débordant
d’ordures dans les rues. •
L’Australieenpleindéluge
INTEMPÉRIES L’Etat du Queensland est ravagé depuis une semaine
par des crues extraordinaires, conséquence du cyclone Tasha.
e chaos le plus total
L prévaut toujours dans
le nord-est de l’Austra-
lie en proie, depuis mardi, à
des inondations qui dévas-
tent l’Etat du Queensland.
«Sous bien des aspects, juge
Andrew Frasern, trésorier de
la province australienne,
c’est un désastre aux propor-
tions bibliques que nous subis-
sons.» Et pour cause. Alors
que le gouvernement estime
qu’environ 200000 person-
nes dispersées dans 22 mu-
nicipalités sont touchées par
la catastrophe, les crues ont
fait hier leur première vic-
time. Le corps sans vie d’une
femme a été retrouvé par la
police. Elle s’est noyée après
que sa voiture a été emportée
par les flots de la Leichhardt
River.
Provoquée par les pluies qui
ont accompagné le récent
passage du cyclone Tasha, la
montée des eaux isole le
Queensland du reste du pays
depuis une semaine. Des
routes sont coupées, des
liaisons ferroviaires endom-
magées et des infrastructures
aéroportuaires et aériennes
contraintes à la fermeture.
Les flots envahissent désor-
mais des centaines de kilo-
mètres carrés de terres,
recouvrant une surface équi-
valente à celle de la France et
de l’Allemagne.
Exportations. «Nous avons
trois systèmes fluviaux en crue,
17 centres d’évacuation en
place où plus d’un millier de
personnes ont trouvé refuge, et
des milliers d’autres qui sont
accueillies chez des amis ou
dans de la famille», a détaillé
Anna Bligh, Premier ministre
du Queensland. L’armée a
aussi été réquisitionnée pour
déplacer des familles et ravi-
tailler les zones inaccessibles
par les voies terrestres. La
Premier ministre, Julia
Gillard, a annoncé vendredi
que le gouvernement déblo-
quait une enveloppe d’un
million de dollars australiens
(764 000 euros) pour finan-
cer les secours. Il n’empêche.
En dépit de l’action publique,
la note de ces inondations
s’élèvera à plusieurs milliards
de dollars australiens selon
les autorités. Outre la répara-
tion des dégâts et l’aide fi-
nancière versée aux sinistrés,
l’impact de la paralysie de
l’activité économique de la
région devrait considérable-
ment peser dans le coût de la
catastrophe naturelle. Pro-
duisant une majorité du
charbon australien et for-
mant le cœur de la richesse
de la région, le secteur mi-
nier reste très perturbé par la
montée des eaux. Les com-
pagnies Rio Tinto et BHP
Billiton ont ainsi annoncé des
problèmes de production sur
des mines qui fournissent
environ un quart des expor-
tations australiennes de coke
de charbon. Autres secteurs
touchés, l’agriculture, les
petites entreprises et le tou-
risme devraient également
subir les conséquences des
inondations.
Tempête. Et le bilan devrait
encore s’alourdir dans les
prochains jours. Selon les
météorologues, une nouvelle
tempête devait s’abattre hier
soir sur la région. Le gros des
crues est, lui, attendu pour
mercredi. «Cette catastrophe
est loin d’être terminée», a
annoncé Anna Bligh.
BERTRAND COURRÈGE
(avec AFP, Reuters)

L’HISTOIRE
BALEINES : SÉOUL EN A ASSEZ
DU COMMERCE DE CÉTACÉS
Haro sur les chasseurs de baleine! La Corée du Sud a
décidé de durcir à partir d’aujourd’hui la pêche illégale
du cétacé. Désormais, la découverte de baleines
échouées ou prises dans les filets devra être immédiate­
ment signalée. La vente des baleines prises mortes sera
quant à elle confiée à des organismes agréés. Séoul avait
pourtant interdit la chasse à la baleine à des fins commer­
ciales en 1986. Seul le commerce des baleines capturées
accidentellement restait autorisé. Le hic, c’est que les pri­
ses accidentelles de l’animal ont sérieusement augmenté
ces dernières années… PHOTO AFP
250
milliards de microfragments de plastique contamine­
raient la Méditerranée selon les premières données
de l’expédition Méditerranée en danger.
«[Identifier le nom des plantes] est crucial
pour les programmes de conservation dans
le monde entier.»
Le botaniste anglais Stephen Hopper qui vient de publier
sur Internet une liste de plus d’un million de noms de plantes
 SPORTS
LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011
BarcelonaRace:doublesetlangage
Franco-espagnol, germano-américain, voire franco-français… Partis vendredi de Catalogne
pour un tour du monde, 14 duos devront cohabiter et communiquer durant trois mois.
Par JEAN­LOUIS LE TOUZET
«E
n mer, à deux durant au
moins quatre-vingt-
dix jours, c’est le silence
qui pose problème. Com-
ment l’interpréter? Comment traduire
celui qui ne parle pas ? Ou qui ne
parle plus?» avançait Loïck Peyron
(Virbac-Paprec 3) peu de temps
avant le départ de la Barcelona
World Race, le tour du monde en
duo parti vendredi de Barcelone.
«Heureusement que la terre nous ap-
pellera chaque jour. On pourra parler
notre langue maternelle», prédisait
Armand Coursodon qui, finale-
ment, n’a pu prendre le départ avec
le Polonais Owczarek, le comité de
course jugeant deux jours avant le
départ que leur bateau n’était pas
conforme à la jauge. «On s’engueu-
lera dans nos langues maternelles, le
français et le polonais, et on fera mar-
cher le bateau en anglais, poursui-
vait Coursodon. On verra bien si on
a progressé un peu dans la langue de
l’autre au bout de trois mois…»
Comment communiquer et cohabi-
ter dans 6 m2 pendant au moins
trois mois avec un(e) marin(e) ?
C’est la question qui se pose pour
les 14 couples engagés dans cette
course.
«SABIR». Kito de Pavant parle de
Sébastien Audigane, son coéquipier
sur Groupe Bel, «comme d’un double
parfait» : «Le fait que nous parlions
la même langue permet de mieux
répartir les rôles, de se comprendre,
au fond, sans parler, juste en échan-
geant un regard.» Qu’en dit Sébas-
tien Audigane? «Avec quelqu’un qui
ne parle pas ta langue, quinze jours,
ça va, mais au-delà, ça devient com-
pliqué…» Kito de Pavant poursuit :
«On vit sur des bateaux qui sont ru-
des. Ça tape, ça cogne, il fait chaud,
il fait froid. Le bonheur, il faut aller le
chercher ailleurs que sur la route. Il
passe par le dialogue entre deux
hommes. Comment exprimer aussi la
souffrance, nos doutes, qui seront for-
cément présents, quand on ne pos-
sède pas la langue de l’autre ? C’est
une question que l’on se pose au mo-
ment où l’on sollicite un coéquipier.»
«Il faut être capable de dire à un mec
qui est épuisé: “C’est bon, va te pieu-
ter !” dit Audigane. Il faut pouvoir
balancer : “Non mais, t’as pas vu ta
gueule ?” sans que l’autre te pour-
risse pour les quarante jours qui res-
tent. L’autre doit être un miroir, et pas
seulement pour se raser.» Pour Kito
de Pavant, «naviguer quatre-vingt-
dix jours ensemble, c’est aussi se
mettre à nu. Impossible de ne parler
que technique et marche du bateau.
J’ai traversé l’Atlantique avec Pietro
• 17
coup de chien qui s’annonce: «Il ne
fait pas beau à être dehors avec le
temps qu’il fait.» Comprendre :
«Gast [putain], on va se prendre un
méchant coup de vent.» Et dans
quatre-vingt-dix jours, devant la
bouilloire qui fume, Bruno Garcia,
le marin cardiologue, dira : «Jean,
du café tu auras d’abord?» C’est ce
qu’on appelle «bretonniser» son
coéquipier par les trois caps.
A bord de Neutrogena, Boris
Herrmann, l’Allemand, et Ryan
Breymaier, l’Américain, ont choisi
de se parler en… français : «Ce que
chacun d’entre nous maîtrise le mieux
en dehors de sa langue maternelle»,
disent-ils. On parlera donc avec les
mots de Beaumarchais. Mais qui
sera le Saint-Simon du bord pour
raconter les passions rentrées et
disséquer les sentiments ?
Sur Forum Marítim Catalá, on
trouve aussi un équipage franco-
espagnol, avec le Français Ludovic
Aglaor – 44 ans, marin de métier,
19 transats au compteur, lauréat du
Jules Verne en 2005 avec Bruno
Peyron et préparateur recherché –
associé à Gerard Marín, 28 ans, ré-
gatier et ex de la Mini Transat.
«Gerard comprend parfaitement le
français, assure Ludovic, qui s’est
mis à l’espagnol et au catalan il y a
cinq mois. Mais on parle anglais
pour faire marcher le bateau. Ça per-
met d’éviter les quiproquos. On parle
un anglais terrifiant avec des putains
d’accents. Mon problème sera de
La Britannique Dee Caffari (à g.) et l’Espagnole Anna Corbella, seul duo féminin en course. PHOTO J.­M. LIOT. DPPI comprendre le catalan “énervé”. Le
catalan “calme”, ça, je pige un peu.
d’Ali [victoire sur la Transat AG2R Cam, le Français, et Bruno Garcia, Président (1). «Hopala Bruno !» si- Mais le catalan “énervé”, je m’en
en 2006, ndlr]. On parlait un sabir le Catalan, embarqués sur Prési- gnifie : «sincère admiration» méfie un peu… J’ai surtout peur qu’on
franco-italo-anglais. C’est un super- dent ? «Le bateau parle anglais [il quand la manœuvre est réussie. ne puisse pas tenir une conversation
marin mais, au bout du compte, je ne s’agit du voilier de Mike Golding, «Da Kousket Bruno !» veut dire : d’homme à homme, de potes sur l’eau
sais toujours rien de lui. Moralité, on ndlr]. Bruno parle catalan, espagnol «Bruno va te coucher.» Ou encore pendant plus de trois mois.»
peut gagner une course et être frus- et français. Pour mieux se compren- «Hopopop !» : «Arrête Bruno, t’es
tré, car on n’a rien partagé, car la dre, je l’ai bretonnisé», annonce Le en train de faire une connerie avec «MÉLANGER». Les filles de Gaes
langue nous a séparés.» Cam. Bretonnisé ? Voici quelques l’enrouleur.» Dans les quarantiè- Centros Auditivos, elles, vont tout
Que pensent de cet obstacle Jean Le expressions qui ont cours à bord de mes, Jean dira à Bruno, devant le «mélanger». Anna Corbella, l’Es-
pagnole, parle un peu français. Tout
comme Dee Caffari, la Britannique,
qui a fait de jolis progrès. Mais l’an-
REPÈRES glais sera la langue officielle du seul
Jean­Pierre Dick et Loïck Peyron étaient équipage féminin. A bord de Foncia
Détroit de Gibraltar Barcelone en tête, hier, de la Barcelona World Race sur (Desjoyeaux-Gabart), le vocabu-
N
Virbac­Paprec 3. Ils devançaient d’un mille laire, à n’en pas douter, sera celui
ÉA E le Foncia de Desjoyeaux et Gabart, et de
O C TIQU AFRIQ
UE de Poincaré, le mathématicien.
N 2 milles le Groupe Bel (De Pavant­Audigane).
LA Jean-Pierre Dick, vainqueur de la
AT Les deux tiers des bateaux naviguaient à vue première édition, se souvient qu’il
UE Cap des le long des côtes espagnoles, dans une y a trois ans, avec Damian Foxall,
IQ Aiguilles
ÉR SUD
U situation météo extrêmement confuse. son coéquipier irlandais, «l’anglais,
AM
O
D
C É IEN
IN
c’était pour le bateau. Le français
D
AN
pour les sentiments partagés, pour
Cap Horn
«Quatre-vingt-dix jours à deux, parler de nous, de nos vies». On
OCÉAN
ANTARCTIQUE Cap verra bien dans quatre-vingt-dix
Leeuwin ça signifie qu’il faut tout partager, jours quel équipage aura possédé la
le pipi-caca, la mauvaise humeur
IE
grammaire du large. •
AL
TR
C
PA
IF et parfois son propre abattement.»
US
IQ A
(1) Expressions tirées de l’hilarant et
UE
Détroit de Cook savant petit livre d’Hervé Lossec:
Kito de Pavant skipper de Groupe Bel les Bretonnismes (éd. Skol Vreizh).
18 • SPORTS LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011

Top14,leRacinghausseleton
RUGBY Victorieux de Montpellier, les Parisiens pointent à la 3e place.
ela se resserre en tête temporaire, celle du Mont- quatrième place. Toulon, finalement ramené le nul
7
C’est le nombre de points pris par Chelsea lors de ses
huit derniers matchs de Premier League. Hier,
les champions d’Angleterre en titre ont encore lâché

C du Top 14. Si Toulouse,

qui recevait hier soir
Castres (résultat non par-
venu), avait l’occasion de
conforter son avance, le
Racing a rejoint Montpellier
en haut du classement. Re-
joint, mais pas dépassé, faute
d’avoir réussi à obtenir le
point du bonus offensif lors
de sa victoire contre les
Héraultais (28-16), qui res-
tent devant à la différence
particulière.
Comme souvent dans le
rugby actuel, une exclusion
pelliérain Mamuka Gorgo-
dze, a débridé un match qui,
pendant une demi-heure, a
rappelé aux spectateurs de
Colombes l’insipide 6-6 con-
cédé par les Racingmen mer-
credi contre Brive. A 15 con-
tre 14, le Racing déroulait et
inscrivait deux essais, pour
mener 20-3 à la pause.
Clermont a confirmé sa
récente victoire contre
Perpignan en obtenant le
point de bonus offensif face
à Bourgoin (34-9). Les
Auvergnats pointent à la
battu mercredi à Bayonne,
s’est bien repris à domicile
en battant (38-26) l’autre
club basque, le Biarritz
olympique. Le Racing-Tou-
lon de dimanche prochain
promet d’être chaud.
Perpignan poursuit sa lente
remontée vers la première
moitié du tableau grâce à sa
difficile victoire (23-16) à
domicile contre Brive. Les
Catalans sont toujours
devancés d’un point par le
Stade français, qui a frôlé la
défaite à La Rochelle, mais a
(26-26) grâce à un drop de
Lionel Beauxis. Les Rochelais
restent relégables alors
qu’Agen a marqué des points
précieux dans la lutte pour le
maintien en disposant, à
domicile (21-3), de l’Aviron
bayonnais. Les Agenais sont
onzièmes avec deux lon-
gueurs d’avance sur Brive,
qui a ramené un point de bo-
nus défensif de Perpignan, et
trois sur La Rochelle, premier
relégable. Bourgoin, dernier,
est largement décroché.
(avec AFP)
du terrain en concédant le nul (3­3) sur leur terrain contre
Aston Villa. Cinquièmes, à 6 points de Manchester United
et de Manchester City, et à 4 d’Arsenal, les Blues
pointent pour la première fois de la saison hors de la
zone de qualification pour la Ligue des champions.
LA PERF
JORGE MENDES,
QUAND L’AGENT
FAIT LE BONHEUR
Ainsi va le foot. A l’heure des récompenses de fin
d’année, on distingue le meilleur joueur, la meilleure
équipe, le meilleur entraîneur et, désormais, le meilleur…
agent. Pour 2010, le «titre», décerné la semaine dernière
lors des Football Globe Awards, à Dubaï, est revenu à
Jorge Mendes. Pour mémoire, l’agent se rémunère en
prenant des commissions sur les transferts –dont on sait
qu’ils peuvent donner lieu à des malversations– de ses
poulains. Parmi ceux du Portugais, on trouve deux de ses
compatriotes, dont il a orchestré l’arrivée au Real Madrid:
Cristiano Ronaldo sur la pelouse (pour 94 millions
d’euros) et José Mourinho sur le banc. PHOTO DR

LE BIDE

DOPAGE :
DES FONDEURS
EN SANG INTERDIT
Censé proposer une vitrine populaire et spectaculaire
d’un sport, le ski de fond, qui se résume souvent pour
le profane à des noms imprononçables, qu’ils soient ceux
des champions ou des stations qui les accueillent,
le Tour de ski vient de rappeler que certains fondeurs ne
carburent pas qu’à la neige fondue. Quatre d’entre eux
ont été interdits de prendre le départ du prologue
du Tour, vendredi à Oberhof (Allemagne), pour soupçon
de dopage en raison d’un taux d’hémoglobine
anormalement élevé, pouvant laisser soupçonner la prise
de produits interdits. Il s’agit du Russe Maxim Vylegzhanin
(photo), vice­champion du monde du 50km, du Slovaque
Martin Bajcicak et des Estoniens Kein Einaste
et Algo Karp. PHOTO AP

«J’ai énormément travaillé mon service

et je vais encore me concentrer dessus
ces prochaines semaines. Je pense
que bien servir et bien retourner,
c’est la clé si je veux battre Roger [Federer]
et Rafa [Nadal].»
Andy Murray toujours à la recherche d’un premier titre
dans un tournoi du Grand Chelem

FOOT Sessegnon droit au le club, actuellement 19e du

clash avec le PSG. Le milieu
de terrain béninois, en
conflit avec Kombouaré,
l’entraîneur, et désireux de
quitter le club, a séché la
reprise de l’entraînement,
hier. Le PSG «a pris note».
FOOT Bölöni remplace
Wallemme comme entraî-
neur de Lens. La mission de
l’ex-coach de Nancy, Rennes
et Monaco : maintenir en L1
championnat.
OLYMPISME Jean-Louis
Borloo ne présidera pas le
groupement d’intérêt public
qui porte la candidature
d’Annecy à l’organisation
des JO d’hiver 2018. Dans un
entretien au JDD, l’ex-futur
Premier ministre a refusé le
poste que Chantal Jouano,
ministre des Sports, aurait
souhaité le voir occuper.

LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011
LE POPULISME EN QUESTION (1/3)
Le mot «populisme» a beaucoup servi
ces derniers mois. Il a été prononcé à
propos des attaques contre l’islam de
Marine Le Pen, de la dénonciation des
élites de Jean-Luc Mélenchon, de la
Non, le peuple n’est pas
une masse brutale et ignorante
I
Par JACQUES l ne se passe pas de jour où l’on n’en-
RANCIÈRE tende dénoncer les risques du popu-
Philosophe lisme. Il n’est pas pour autant facile de
saisir ce que le mot désigne. Qu’est-ce
Dessin qu’un populiste ? A travers tous les
KILLOFFER flottements du mot, le discours domi-
nant semble le caractériser par trois
traits essentiels : un style d’interlocu-
tion qui s’adresse directement au peu-
ple par-delà ses représentants et ses
notables ; l’affirmation que gouver-
nements et élites dirigeantes se soucient
de leurs propres intérêts plus que de la
chose publique; une rhétorique identi-
taire qui exprime la crainte et le rejet
des étrangers.
Il est clair pourtant qu’aucune nécessité
ne lie ces trois traits. Qu’il existe une
entité appelée peuple qui est la source
du pouvoir et l’interlocuteur prioritaire
du discours politique, c’est la convic-
tion qui animait les orateurs républi-
cains et socialistes d’antan. Il ne s’y lie
aucune forme de sentiment raciste ou
xénophobe. Que nos politiciens pensent
à leur carrière plus qu’à l’avenir de
leurs concitoyens et que nos gou-
vernants vivent en symbiose avec les
représentants des grands intérêts finan-
ciers, il n’est besoin d’aucun démago-
gue pour le proclamer. La même presse
qui dénonce les dérives «populistes»
nous en fournit jour après jour les té-
moignages les plus détaillés. De leur
côté, les chefs d’Etat et de gouver-
nement dits «po-
Il s’agit de montrer à des pulistes», comme
Silvio Berlusconi
démocrates suspects ou Ni c o l a s
d’«angélisme», ce qu’est en Sarkozy, se gar-
vérité le peuple profond: dent bien de pro-
une meute habitée par une pager l’idée «po-
puliste» que les
pulsion primaire de rejet. élites sont cor-
rompues. Le terme «populisme» ne sert
pas à caractériser une force politique
définie. Il ne désigne pas une idéologie
ni même un style politique cohérent. Il
sert simplement à dessiner l’image d’un
certain peuple.
Car «le peuple» n’existe pas. Ce qui
existe ce sont des figures diverses, voire
antagoniques du peuple, des figures
construites en privilégiant certains
modes de rassemblement, certains
traits distinctifs, certaines capacités ou
incapacités. La notion de populisme
construit un peuple caractérisé par l’al-
liage redoutable d’une capacité – la
transformation des Roms en boucs
émissaires par Nicolas Sarkozy, des bla-
gues salaces de Silvio Berlusconi, des
lois liberticides du Hongrois Viktor Or-
bán, des croisades anti-impôt des Tea
puissance brute du grand nombre– et
d’une incapacité –l’ignorance attribuée
à ce même grand nombre. Pour cela, le
troisième trait, le racisme, est essentiel.
Il s’agit de montrer à des démocrates
toujours suspects d’«angélisme»,
ce qu’est en vérité le peuple profond :
une meute habitée par une pulsion pri-
maire de rejet qui vise en même temps
les gouvernants qu’elle déclare traîtres,
faute de comprendre la complexité des
mécanismes politiques, et les étrangers
qu’elle redoute par attachement ata-
vique à un cadre de vie menacé par
l’évolution démographique, écono-
mique et sociale. La notion de popu-
lisme remet en scène une image du
peuple élaborée à la fin du XIXe siècle
par des penseurs comme Hippolyte
Taine et Gustave Le Bon, effrayés par la
Commune de Paris et la montée du
mouvement ouvrier : celle des foules
ignorantes impressionnées par les mots
sonores des «meneurs» et menées aux
violences extrêmes par la circulation de
rumeurs incontrôlées et de frayeurs
contagieuses.
Ces déchaînements épidémiques de
REBONDS
Parties.… De quoi est donc fait ce popu-
lisme qui frappe les démocraties occi-
dentales? Libération a sollicité trois phi-
losophes, dont nous publions les textes
à partir d’aujourd’hui. Auteur de
la Haine de la démocratie et théoricien de
l’égalité politique, Jacques Rancière
ouvre la série en récusant la notion
foules aveugles entraînées par des lea-
ders charismatiques sont-ils vraiment
à l’ordre du jour chez nous? Quels que
soient les griefs exprimés tous les jours
à l’égard des immigrés et notamment
des «jeunes des banlieues», ils ne se
traduisent pas en manifestations popu-
laires de masse. Ce qu’on appelle
racisme aujourd’hui dans notre pays est
essentiellement la conjonction de deux
choses. Ce sont d’abord des formes de
discrimination à l’embauche ou au
logement qui s’exercent parfaitement
dans des bureaux aseptisés. Ce sont en-
suite des mesures d’Etat dont aucune
n’a été la conséquence de mouvements
de masse: restrictions à l’entrée du ter-
ritoire, refus de donner des papiers à
des gens qui travaillent, cotisent et
paient des impôts en France depuis des
années, restriction du droit du sol, dou-
ble peine, lois contre le foulard et la
burqa, taux imposés de reconduites à la
frontière ou de démantèlements de
campements de nomades. Ces mesures
ont pour but essentiel de précariser une
partie de la population quant à ses
droits de travailleurs ou de citoyens, de
• 19
même de populisme, en ce qu’elle véhi-
cule l’idée que le peuple est forcément
ignare et dangereux. Demain, Enzo Tra-
verso s’inquiétera de la montée de l’is-
lamophobie dans les droites europé-
ennes. Mercredi, Bernard Stiegler
analysera le «populisme industriel»
né des sociétés de l’image analogique.
constituer une population de tra-
vailleurs qui peuvent toujours être ren-
voyés chez eux et de Français qui ne
sont pas assurés de le rester.
Ces mesures sont appuyées par une
campagne idéologique, justifiant cette
diminution de droits par l’évidence
d’une non-appartenance aux traits
caractérisant l’identité nationale. Mais
ce ne sont pas les «populistes» du Front
national qui ont déclenché cette cam-
pagne. Ce sont des intellectuels, de
gauche dit-on, qui ont trouvé l’argu-
ment imparable : ces gens-là ne sont
pas vraiment français puisqu’ils ne sont
pas laïques.
Le récent «dérapage» de Marine Le Pen
est à cet égard instructif. Il ne fait en
effet que condenser en une image con-
crète une séquence discursive (musul-
man=islamiste=nazi) qui traîne un peu
partout dans la prose dite républicaine.
L’extrême droite «populiste» n’exprime
pas une passion xénophobe spécifique
émanant des profondeurs du corps po-
pulaire ; elle est un satellite qui mon-
naye à son profit les stratégies d’Etat et
les campagnes intellectuelles distin-
guées. L’Etat entretient le sentiment
permanent d’une insécurité qui mêle
les risques de la crise et du chômage à
ceux du verglas ou du formamide pour
faire culminer le tout dans la menace
suprême de l’islamiste terroriste. L’ex-
trême droite met les couleurs de la chair
et du sang sur le portrait standard des-
siné par les mesures ministérielles et la
prose des idéologues.
Ainsi ni les «populistes» ni le peuple
mis en scène par les dénonciations
rituelles du populisme ne répondent-ils
vraiment à leur définition. Mais peu
importe à ceux qui en agitent le fan-
tôme. L’essentiel, pour eux, est d’amal-
gamer l’idée même du peuple démo-
cratique à l’image de la foule
dangereuse. Et d’en tirer la conclusion
que nous devons nous en remettre à
ceux qui nous gouvernent et que toute
contestation de leur légitimité et de
leur intégrité est la porte ouverte aux
totalitarismes. «Mieux vaut une répu-
blique bananière qu’une France fas-
ciste», disait un des plus sinistres slo-
gans antilepénistes d’avril 2002.
Le battage actuel sur les dangers mor-
tels du populisme vise à fonder en
théorie l’idée que nous n’avons pas
d’autre choix.
20 • REBONDS LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011

Le vrai défi L'ŒIL DE WILLEM

du «Monde»
de demain
Par DANIEL
SCHNEIDERMANN

Eléments du discours (imaginaire) d’un plumes» dans les communautés. Inter-

candidat au poste de directeur du net ne marque pas la mort des «grandes
Monde à MM. Bergé, Niel, Pigasse, et à plumes». Au contraire, Internet les
la rédaction du journal. multiplie et les dissémine, hors des ré-
dactions instituées. C’est même un cer-
Chers actionnaires, chère rédaction, cle vertueux : plus l’animateur de la
Vous recherchez un directeur. Sa tâche communauté est rigoureux, pointu,
principale sera d’accompagner la mu- original, plus ces qualités se retrouvent
tation du Monde vers la culture internet. parmi les membres de sa communauté).
Dans vingt ans, dix ans, demain, la ma- Cette mutation va évidemment se
jorité des citoyens s’informera sur des heurter à de nombreux obstacles.
écrans. Pour que la mort prévisible de Le plus redoutable pourrait bien être
l’information papier n’entraîne pas la celui-ci: Internet est le média de prédi-
mort du Monde, ce monument de l’épo- lection des inexprimés et des minori-
que du papier, il faut s’y préparer dès taires, de ceux qui, face aux haut-
aujourd’hui. parleurs, n’ont que leur propre voix
Entre autres atouts, le Monde regorge de (exclus économiques, militants poli-
talents de journalistes «traditionnels» tiques des extrêmes, adeptes de pra-
et aligne aussi quelques talents de jour- tiques culturelles jugées marginales, ou
nalistes «mutants». Mais la mutation de théories rejetées par les grands mé-
en elle-même reste à accomplir. dias, etc.). Le Monde est le journal des
La mutation, ce n’est pas seulement le élites du pouvoir et (dans une moindre
basculement de support. Celui-là est en mesure) de l’argent. Les deux sont-ils
cours. Le site du Monde
est un bon site, très fré-
quenté. Certes, il faudra
MÉDIATIQUES
compatibles ? Au prix
de quelles révisions, de
quelles concessions, le
L’Europe ne doit plus
apprendre aux journalistes «papier» à journal des élites peut-il s’implanter
confectionner des contenus incluant de dans le vaste espace des réprouvés ?
la vidéo, des diaporamas, des montages Jusqu’où devra-t-il, pourra-t-il, vou-
soutenir Ben Ali
son, et des cartes qui clignotent. Mais dra-t-il, épouser son nouveau terrain, Par MONCEF MARZOUKI ont lieu en Tunisie depuis deux semaines,
là n’est pas l’essentiel. tout en restant ce qu’il est ? Médecin, écrivain, opposant tunisien c’est ce dernier mensonge qui s’effondre.
Changer de support imposera surtout A priori, le succès de la greffe n’est pas Il est cependant important de souligner que

D
de changer de culture. garanti d’avance. Mais son échec n’est ans les révélations de WikiLeaks sur ces manifestations sont spontanées, que les
Le Monde était jadis un «journal de pas certain. Les minoritaires et les la Tunisie, on lit sous la plume des islamistes n’y jouent strictement aucun rôle
référence». Lorsque survenait un grand inexprimés souhaitent avoir des infor- diplomates américains en poste et que les mots d’ordre de ces manifestations
événement, on se demandait : «Qu’en mations fiables et sans complaisance à Tunis que le régime est «quasi ma- restent des plus laïcs : revendication de
dit le Monde» ? Ce n’est plus le cas sur les élites (et y ont droit). Les élites fieux», la femme du Président détestée et dignité, de fin de la corruption, de justice
aujourd’hui. Plus aucun média tra- auraient tout à gagner à être bien infor- corrompue, que le régime est policier, qu’il sociale et de plus de libertés.
ditionnel ne bénéficie d’ailleurs de ce mées des conditions de vie, et des men- n’écoute aucun conseil venu de l’intérieur ou Qu’est-ce qui explique que des démocraties
réflexe. Une question juridique com- talités, de ceux qui, socialement ou de l’extérieur et que l’appui des gouver- occidentales, surtout européennes, appuient
plexe ? On se tourne vers le blogueur culturellement, passent sous le radar nements français, italien et espagnol à ce ré- un tel régime ? Cinq raisons peuvent être
avocat Eolas. Un rebondissement de la des médias traditionnels. Ces deux gime est étonnant. avancées: 1) le régime s’est présenté comme
crise financière ? On sollicite les quel- intérêts symétriques peuvent donc Depuis vingt ans, le régime tunisien a essayé un rempart contre l’islamisme; 2) il a joué le
ques prophètes qui, sur la Toile, avaient converger. Cette voie est à la fois évi- de faire croire à deux mensonges. Le premier rôle de supplétif fidèle dans ce que l’Occident
prédit les subprimes. Le politique ? dente et étroite. A vous, chers action- est celui d’un régime prédémocratique qui appelle «la lutte contre le terrorisme» ;
Puisqu’on peut lire Mélenchon dans le naires, chère rédaction, de décider engage le pays dans un processus démocra- 3) il s’est soumis à toutes les règles et à tous
texte sur son propre blog, pourquoi (ou non) de l’emprunter. Quant aux tique, certes lent, mais allant de l’avant pour les dogmes de la sainte Eglise néolibérale ;
irait-on chercher ses recensions média- autres contraintes du poste (produire faire de la Tunisie un partenaire digne et res- 4) il entretient avec l’Etat d’Israël les
tiques, le plus souvent biaisées? Se for- une meilleure information avec moins pectable de l’Union européenne. Or, Ben Ali meilleures relations; 5) il joue un rôle impor-
ger une opinion sur un film? On navi- d’argent, faire un journal indépendant a engagé, au vu et au su de tous, un processus tant dans la protection des frontières sud de
gue sur Allociné, entre les avis de mais porté par des convictions fortes, dictatorial qui a vu disparaître inexorable- l’Europe en barrant la route à l’exode de la
spectateurs et ceux des critiques pro- audacieux et prudent, agréable sans ment le peu de libertés et de droits que les misère des Africains subsahariens.
fessionnels, traités à égalité. être frivole, etc.) à côté de ce défi-là, Tunisiens avaient acquis sous Bourguiba. Le problème est que ces Etats, en faisant un
Le Monde aura réussi sa mutation quand elles apparaissent comme faciles à sur- Le deuxième mensonge, à savoir le miracle tel choix, ne bafouent pas seulement leurs
cet ancien réflexe se sera recréé, à son monter. En attendant, très bonne année économique, n’est pas moins grossier. Des valeurs mais aussi leurs intérêts à moyen et
profit, sur la Toile. Sans doute prendra- à tous. statistiques trafiquées, une corruption endé- à long terme. Ce sont les dictateurs du genre
t-il des formes différentes: on ne se de- mique sévissant au plus haut sommet de de Ben Ali qui, par leur corruption et leur

•
mandera plus «qu’en pense le journa- l’Etat et impliquant la famille de Ben Ali, une brutalité, ont toujours fait le terreau de l’isla-
liste Untel ?» mais «comment le jour- répartition extrêmement inégalitaire de la ri- misme le plus radical et sont responsables de
naliste Untel en débat-il avec sa SUR LIBÉRATION.FR chesse nationale, l’effondrement de la classe l’accroissement du flot migratoire venu du
communauté? Que lui disent les «gran- moyenne, le chômage massif parmi les jeu- sud de la Méditerranée, dû à la misère écono-
des plumes» de cette communauté ? Retrouvez nos chroniques sur: nes diplômés, la plongée dans la misère de mique et à la répression politique.
Comment leur répond-il ? Comment http://www.liberation.fr/ toutes les régions de l’intérieur du pays : tel Auteur avec Vincent Geisser de «Dictateurs en
défend-il ses positions, la solidité de ses chroniques est le vrai tableau du soi-disant miracle éco- sursis. Une voie démocratique pour le monde
informations?» (car il y a des «grandes nomique tunisien. Avec les événements qui arabe», éditions de l’Atelier, 2009.
LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011 REBONDS • 21

Changer ou disparaître:
quel avenir pour le football?
L
Par LA FONDATION e football, et le sport en général, est un an- D’abord, un système de «salary cap» plafonnant ont été efficaces en Europe. La politique anglaise
TERRA NOVA gle mort des politiques publiques. Beaucoup la masse salariale des clubs. Il a fait ses preuves aux a écarté les hooligans des stades par une répression
s’en félicitent, les gouvernements n’ont pas Etats-Unis. On rétorque parfois qu’un tel système stricte mais aussi par une augmentation impor-
à se mêler des affaires du ballon rond. Le est indissociable d’une ligue fermée. C’est inexact: tante du prix des places de stade. La politique alle-
football comme entreprise de spectacle relève du ce que la NBA a pu imposer contractuellement à mande, que nous prônons, repose sur une déses-
marché et des acteurs économiques. Pour le reste, ses franchisés, l’Union peut l’imposer par la légis- calade responsabilisant à la fois les clubs et les
la promotion des «valeurs sportives», c’est le lation communautaire. Ensuite, l’interdiction des associations de supporteurs.
mouvement associatif qui le prend en charge. Dès plus-values financières sur les joueurs: les dépen- La troisième dimension politique du football est
lors, les incursions du politique dans le football ne ses des clubs doivent être financées par les recettes la réforme de sa gouvernance, à laquelle l’Etat doit
sauraient relever que de la récupération. Nous af- commerciales pérennes, pas par de la cavalerie sur aider. Le secteur se singularise par l’autonomie du
Terra Nova est un think firmons au contraire que le sport doit faire l’objet les contrats de joueurs – on a déjà atteint la barre mouvement sportif. L’Etat fixe ainsi les objectifs
tank progressiste d’une politique publique. des 100 millions d’euros pour le rachat de Cris- du service public, mais sa gestion est confiée à la
indépendant ayant pour En effet, si le football est un business (plus de tiano Ronaldo par le Real Madrid! Autre proposi- FFF et aux clubs. Or les dysfonctionnements de la
but de produire et 4 milliards d’euros en France), il nécessite une ré- tion, une «DNCG européenne» : un contrôle FFF ont été mis en pleine lumière cet été par la dé-
de diffuser des solutions gulation publique urgente. Le mo- comptable et financier rigoureux des bâcle de Knysna. Pour certains, la solution est

2012
politiques innovantes, dèle économique des clubs profes- LES ENJEUX DE clubs, sur le modèle pratiqué en simple : la FFF est gouvernée par le monde ama-
en France et en Europe. sionnels, à l’échelle européenne, est France avec la Direction nationale de teur, qui y importe le mode de gestion associatif
Né en 2008, Terra Nova se au bord du gouffre. Avec la dérégula- contrôle de gestion. Enfin, l’inter- des clubs amateurs, anachronique ; elle doit être
fixe trois objectifs tion imposée par l’arrêt Bos- diction de la concurrence fiscale dé- confiée au football professionnel, seul compétent
prioritaires: contribuer à man (1995), qui a notamment mis loyale en Europe : elle existe déjà pour gérer une «entreprise» de 200 mil-
la rénovation intellectuelle fin aux quotas de joueurs étrangers Chaque semaine, pour la fiscalité des entreprises, il lions d’euros. Ce serait une erreur. Les risques de
et à la modernisation par club, les transferts ont explosé, Libération publie faut l’étendre aux footballeurs. conflit d’intérêts seraient majeurs : captation de
des idées progressistes, et avec eux le niveau des salaires: le les réflexions Le football professionnel français a la rente financière de l’équipe de France (40 mil-
produire de l’expertise sur salaire moyen en Ligue 1 française des fondations également des handicaps spéci- lions d’euros cette année) pour combler le trou de
les politiques publiques dépasse les 50000 euros mensuelset progressistes, à l’horizon fiques, qui nécessitent une interven- gestion des clubs professionnels ; sélection des
et contribuer à l’animation les stars européennes gagnent des de la présidentielle. tion publique. Notamment, les clubs joueurs en équipe de France en fonction de critères
du débat démocratique, centaines de milliers d’euros par se- ne possèdent pas leur stade, qui ap- de valorisation financière au profit des clubs et non
à la vie des idées, maine. Les recettes commerciales, malgré un bond partient le plus souvent aux collectivités locales. de critères sportifs; captation du financement pu-
à la recherche vertigineux (droits télévisuels notamment), ne Or le modèle allemand montre que la gestion du blic des stades pour l’Euro 2016 (160 millions en
et à l’amélioration des suffisent plus. stade est un facteur clé pour le développement du jeu). Les états généraux du football ont accouché
politiques publiques. Pour boucler les budgets, les clubs recourent à trois club (agrandissement, loges VIP, commerces inté- d’une souris mais ils s’orientent malgré tout dans
Sa production est publique expédients. Un : la spéculation sur le prix des grés, spectacles). Les clubs, impécunieux, militent cette direction : la ligue pro (LFP) grignote pro-
et disponible sur son site: joueurs. Tant que le marché est à la hausse, les pour un don. Ce serait une spoliation inacceptable gressivement du pouvoir face aux amateurs.
www.tnova.fr clubs engrangent des plus-values. La hausse est des collectivités. Terra Nova propose un cadre légal Nous proposons une autre réforme, visant à don-
entretenue artificiellement: par les clubs, qui y ont facilitant le transfert de propriété par apport partiel ner une légitimité démocratique incontestable à
tous intérêts; par les agents de joueurs, rémunérés d’actif, la collectivité entrant ainsi à concurrence la FFF : l’élection de ses dirigeants, sur le mode
sur ce prix de vente; par le système comptable qui au capital du club. «un homme, une équipe, un projet», au suffrage
autorise – exception sans équivalent dans aucun Une autre raison milite pour l’intervention universel. Le corps électoral pourrait être les li-
autre secteur économique – à considérer les publique : bien que jouant un rôle majeur dans la cenciés adultes. Mieux, il pourrait englober tous
joueurs comme des actifs financiers, gonflant ainsi société – éducatif, sanitaire, social – le football les supporteurs, qui se déclareraient comme tels
le bilan des clubs. Le marché des joueurs est dé- reste un service public en friche. Trois exemples: pour participer à l’élection : le football national
sormais un marché spécu- 1) Le renforcement des clubs amateurs, où les va- n’appartient en effet ni aux amateurs, ni aux pros
latif proche de celui des leurs humanistes du football y sont portées par les – il appartient aux Français.
Si le football est un business, subprimes immobilières éducateurs sportifs: dépassement de soi, désinté- Régulation économique, gestion du service public
il nécessite une régulation publique américaines : dès qu’il se ressement, respect des règles, fraternité. Or la pra- du sport, gouvernance : il est grand temps que
retourne, c’est le krach tique de masse encadrée est en perte de vitesse : l’Etat se dote d’une politique du football. Entre ses
urgente. Le modèle économique généralisé. moins de deux millions de licenciés contre trois cinq millions de pratiquants et ses quinze millions
des clubs professionnels, à l’échelle Deux : l’endettement. Le millions de pratiques de rue. de supporteurs, toute la France est concernée.
européenne, est au bord du gouffre. football professionnel es- 2) L’exemplarité des «stars», canal majeur d’in-
pagnol atteint presque fluence pour notre jeunesse. Nous ne sommes pas
5 milliards de dettes, le club anglais Manchester loin du contre-modèle absolu : ultra-individua- LES PROPOSITIONS
United à lui seul 900 millions. Cette fuite en avant lisme, argent roi, victoire à tout prix, culte de la
aura également une fin. Le risque est connu : les jouissance (affaire Zahia). L’éducation et la forma-
DE TERRA NOVA
pouvoirs publics ne laisseront pas plus tomber les tion civique des futurs joueurs pros, aujourd’hui
clubs de foot que les banques et on assistera à nou- «abandonnées» dès le plus jeune âge aux clubs Régulation économique: «salary cap»,
veau à la socialisation des pertes après la privatisa- professionnels, sont un enjeu collectif. Des obliga- interdiction du système de plus­values
tion des profits. Trois: l’arrivée de mécènes provi- tions symboliques pourraient aussi être assignées financières sur le prix des joueurs, DNCG
dentiels, aux motivations parfois équivoques. aux joueurs de l’équipe de France : par exemple, européenne, extension au football de
Pour attirer les meilleurs dans leur championnat, le don systématique des primes au profit de causes l’interdiction européenne de concurrence
les Etats se sont quant à eux lancés dans une caritatives, la participation à des missions sociales. fiscale déloyale.
course délétère au moins-disant fiscal (exemption 3) La violence dans les stades. La politique anti- Gestion du service public: soutien accru aux
d’impôts et de charges sociales pour les footbal- hooligans menée en France est caractérisée par le clubs amateurs, éducation et formation civique
Auteurs: leurs contre toute éthique de justice) et moins-di- «tout répressif»: dispositifs policiers massifs dé- des joueurs pros, obligations contractuelles
OLIVIER FERRAND sant comptable (absence de contrôle sur l’endette- ployés autour des stades, interdictions d’accès ad- symboliques pour tout joueur de l’équipe de
Président de Terra Nova ment des clubs). L’UEFA a fait un premier pas avec ministratives et judiciaires, dissolutions d’associa- France (don systématique des primes à des
PATRICK MIGNON les règles de «fair-play financier», qui visent à li- tions de supporteurs. Cette approche sécuritaire causes caritatives), politique de désescalade
Sociologue miter l’endettement des clubs et à restreindre l’ap- coûte cher, confond supporteurs ultras et hooli- collective face au hooliganisme.
ARNAUD FLANQUART port de capitaux de mécènes extérieurs. La fonda- gans et entraîne une surenchère entre des suppor- Gouvernance: élection de la direction de la
Coordonateur «sport» tion Terra Nova propose des mesures plus teurs toujours plus revendicatifs et des forces de FFF au suffrage universel des parties prenantes
à Terra Nova volontaristes. l’ordre toujours plus nombreuses. Deux politiques du football, licenciés et supporteurs.
 VOUS
22 • LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011

Recueilli par EMMANUÈLE PEYRET

L
e voilà le blues de janvier post-
réveillons, cadeaux, sapin, ex-
cès en tous genres. Les voilà,
plutôt, les bouboules qui vont
avec le mois de janvier. Crevard, sans
entrain, avec forte tendance à se jeter
sur tout truc sucré, et un but dans la
vie : pioncer. En terme générique, on
parle de «blues de l’hiver», qui touche-
rait 20% de la population. En terme
médical, des professionnels préfèrent
celui de «dépression saisonnière», «une
pathologie mal connue, mal identifiée par
les médecins, parce que la médecine du
sommeil ne fait pas partie du cursus», se-
lon le docteur Claude Gronfier, chargé
de recherches du
INTERVIEW d é p a r t e m e n t
chronobiologie de
l’Inserm, et coauteur, avec Laurent
Chneiweiss, de En finir avec le blues de
l’hiver et les troubles du rythme veille-
sommeil (1). Un premier opus en ce qui
concerne la France, alors que la ques-
tion agite les Etats-Unis et le Canada
depuis les années 80. Preuve que cette
dépression dite saisonnière, qui touche
chaque année les mêmes gens au même
moment, doit être prise en compte
comme une vraie pathologie et non un BLUES Retour avec Claude
accès de mollasserie suprême. Preuve
aussi qu’on peut mettre un nom sur ce Gronfier, chronobiologiste, sur
mal-être hivernal, qui commence début
novembre et s’achève en mars, avec un ce trouble le plus souvent hivernal,
pic en janvier. Mettre un nom et le trai-
ter. Rencontre avec Claude Gronfier, un davantage physique que psychologique.
jour sombre de fin décembre.
Qu’appelle-t-on «dépression saison-
nière»?
On appelle «dépression saisonnière» qu’aux beaux jours, en mars ou avril. pas encore beaucoup d’éléments sur l’organisme : la veille et le sommeil, la La majorité des
un trouble affectif, ou on dit aussi de Leur durée est plus ou moins longue se- cette pathologie. Le dépressif «stan- production de mélatonine, la tempéra- dépressions
l’humeur, qui est saisonnier. C’est-à- lon les individus. Il y a des gens qui ont dard» a peu d’entrain et donc ne fait ture corporelle, etc. L’horloge est syn- saisonnières
dire que ce trouble est récurrent, qu’il une dépression au début de l’été, c’est pas grand-chose, le saisonnier, c’est sa chronisée avec les vingt-quatre heures commencent fin
revient au même moment chaque année curieux et rare, mais ça arrive. faiblesse physique qui l’empêche de d’une journée par la lumière. Si une octobre­début
et avec les mêmes symptômes : un ra- En quoi diffère-t-elle de la dépression faire quoi que ce soit. Quasiment l’in- mauvaise remise à l’heure se fait, vous novembre,
lentissement physique, comme si les «classique»? verse, en somme. n’êtes pas en phase, et peuvent alors se souvent à
gens hibernaient où se mettaient au ra- D’abord, comme je vous l’ai dit, parce A quoi est-elle due? développer des troubles de la veille, du proximité du
lenti. Une forte consommation de su- qu’elle est récurrente, qu’elle s’installe L’origine clinique de cette pathologie sommeil, des systèmes cardiovasculai- changement
cres et une hypersomnie en sont aussi tous les ans à une saison donnée pour est encore mal connue. Il existe des pré- res et digestifs, etc. Si la rétine de votre d’heure, et
des symptômes. finir à un moment donné, avec baisse dispositions génétiques à la dépression œil possède une altération des photoré- connaissent un
A quel moment de l’année arrive la dé- de moral, grande fatigue physique, saisonnière. En 2010, on a découvert cepteurs responsables de la remise à pic en janvier.
pression saisonnière? consommation accrue d’aliments su- par une étude américaine qu’on obser- l’heure de votre horloge biologique, PHOTO JANIS PIPARS.
La grande majorité des dépressions sai- crés, et une envie de dormir plutôt vait une altération d’un photorécepteur vous pouvez faire partie des 25% de dé- ANZENBERGER
sonnières sont observées l’hiver, et qu’une insomnie. La dépression classi- de la rétine, la cellule transmettant la pressifs saisonniers qui ont un récep-
commencent fin octobre-début novem- que est souvent due à un événement de lumière jusqu’à l’horloge biologique, au teur différent. Il existe aussi des élé-
bre, souvent à proximité du change- la vie, pas la dépression saisonnière où cœur du cerveau. L’horloge biologique ments qui font penser à une origine
ment d’heure qui annonce la plongée il est difficile d’invoquer une origine est une petite structure cérébrale res- génétique de la dépression saisonnière.
dans l’hiver. Elles durent en gros jus- psychologique. Encore une fois, on n’a ponsable des fonctions rythmiques de On parle également souvent de manque

«Dépression de saison,
comme une hibernation»
LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011 VOUS • 23

comme pour la dépression liée à un ar-

INITIATIVE LES FUMEURS ANGLAIS INCITÉS À ARRÊTER

rêt de l’activité telle la retraite. On note
seulement que les femmes sont beau-
coup plus touchées par la dépression
saisonnière, de l’ordre de 4 femmes
pour 1 homme (contre 2 pour 1 pour la
dépression classique), et on ne sait pas
bien pourquoi. Une sensibilité diffé-
rente, sans doute. On n’a pas d’études
sur l’habitat ou sur les professions : au
grand air ou pas, en bureau ou pas, etc.
Juste des éléments géographiques [tels
que les fuseaux horaires, ndlr].
Comment se soigne-t-elle?
Parce qu’elle était amalgamée à une dé-
pression classique, on l’a longtemps
soignée avec des médicaments antidé-
presseurs. Aujourd’hui, la photothéra-
pie, aussi appelée luminothérapie, est
le traitement de choix et doit être le
traitement de première intention des
cliniciens: peu coûteux, efficace en une
semaine, et virtuellement sans effets
secondaires. Elle évite, comme tous les
bons traitements, l’apparition des
symptômes pendant toute la durée du
traitement. La photothérapie est réali-
sée à l’aide de lampes spéciales, sans
UV, donc sans danger pour l’œil et la
peau, qui émettent en général environ
10000 lux. A titre de comparaison, une
belle journée d’été, c’est 10 fois plus.
D
Une semaine de patchs gratuits
Hips. Après le digne arrosage du 31, le tiers des fumeurs veulent arrêter de fumer,
gouvernement britannique lance un grand et le nouvel an est la période la plus populaire
mollo sur la clope. Afin d’inciter ses con- pour arrêter […]. Pour donner aux fumeurs
citoyens à tenir leurs bonnes résolutions une aide supplémentaire, nous avons lancé
(un grand classique, le «j’arrête de fumer un nouveau kit avec une semaine de patchs.»
le 1er janvier»), il a décidé de rendre gra- Reste à savoir si la gratuité des patchs (dis-
tuits les patchs antitabac durant la pre- ponibles dans des établissements parte-
mière semaine cette nouvelle année 2011. naires) pendant une période de temps
Le ministre de la Santé, Andrew Lansley, aussi courte suffira à aider pour de bon à
explique ainsi son initiative : «Les deux arrêter de pétuner. C. Ma.
L’OBJET AU BOULOT !
Par DIDIER ARNAUD
Sauve-qui-peut
au restaurant
est un bistrot très à la tiel ? Curieusement, per-
LA BROYEUSE
C’ mode, à Paris, carre-
four de l’Odéon. On
y sert une cuisine canaille,
sonne ne s’énerve dans la
clientèle.

de lumière…
En hiver, l’intensité de la lumière est
évidemment plus faible, mais ce qu’on
a surtout observé c’est une sensibilité
à la durée de la journée. Selon une autre
étude américaine, plus on va au nord,
plus on a de dépressifs saisonniers.
Cette étude montre aussi que plus on vit
à l’ouest d’un fuseau horaire –où le so-
leil se lève plus tard qu’à l’est du même
fuseau -, plus on risque de souffrir de
Le traitement est très précis, les recom-
mandations sont de trente minutes par
jour, à heures fixes qui dépendent des
habitudes de sommeil du patient, tôt le
matin, et pendant 3 à 5 semaines, voire
plus. L’efficacité est la même que celle
des meilleurs antidépresseurs : de 50 à
85% selon les études. Le généraliste
peut envoyer le patient consulter un
spécialiste ou un centre du sommeil qui
pourra le rediriger vers un centre habi-
tué à mettre en œuvre les photothéra-
pies. A propos de la dépression saison-
nière, on trouve de bonnes infos sur le
site www.cet.org [un organisme indé-
pendant à but non lucratif, ndlr].
Peut-on pratiquer la photothérapie chez
soi, avec une lampe spéciale, ou bien
est-ce dangereux?
On peut le faire chez soi, avec une
lampe de photothérapie répondant, en-
tre autres, à la norme européenne
93/42/CEE CE. On recommande que la
lampe ait une grande surface d’exposi-
tion, et qu’elle diffuse une lumière
blanche. On peut en acheter – les prix
vont de 120 à 250 euros, et, à l’inverse
de la Suisse, elle n’est pas rembour-
sée–, ou en louer dans certaines phar-
À IDÉES NOIRES
Bon débarras! Installée
juste avant la nouvelle
année, une déchiqueteuse
géante sise au cœur de
New York permet aux cita­
dins et aux touristes de
broyer leurs mauvais sou­
venirs de l’année passée
afin d’aborder la nouvelle
plus sereinement. Il suffit
de noter ledit mauvais sou­
venir sur un bout de papier
avant de le passer dans la
déchiqueteuse. A noter:
deux acteurs de la comé­
die American Idiot ont
détruit un bout de papier
(photo) sur lequel était
écrit «Don’t ask, don’t tell»,
en référence à une loi
abrogée cette année par
Barack Obama concernant
le tabou homosexuel dans
l’armée américaine. C.Ma.
PHOTO AFP
des produits au meilleur de
leur forme, pour un prix,
somme toute, assez doux. Ce
jour-là, les serveurs sont à la
peine. On a croisé l’un d’eux
au café, appelons-le Pierrick
(son prénom a été modifié),
le matin, pas rasé. Il racon-
tait à la patronne qu’il était
seul depuis dix jours, son
collègue étant parti en va-
cances. C’est l’heure du coup
de feu, des Japonais ont ré-
servé une table mais ils ne
viennent pas. «Ils se prennent
pour qui, fais chier», mar-
monne la chef de rang.
On est devant le bar, depuis
cinq minutes. On nous a dit:
«Une personne ?» et puis on
nous a laissé là, au milieu de
tout le monde, en attendant
que quelqu’un daigne s’oc-
cuper de nous. Il y a là deux
arpètes, qui font ce qu’ils
peuvent. Le boudin refroidit,
le jambon attend, ce n’est
pas ce qu’avait demandé la
D’un coup, le chauffage
d’extérieur se met en route à
l’intérieur. Aux tables des fe-
nêtres, c’est l’étuve. On le
signale à un garçon. Il dit
qu’il va faire quelque chose,
mais il ne fait rien. La chef de
rang passe, nous enlève le
pain, elle pense sans doute
qu’on va décamper vite, on
redemande du pain. Finale-
ment il revient. On demande
à l’arpète si le chauffage,
rouge, permet de bronzer. Il
répond qu’il va se rensei-
gner.
La chef de rang resserre les…
rangs. Maintenant, elle s’en
prend au type derrière le bar,
elle lui demande s’il n’est pas
content. «Je marmonne dans
ma barbe, je m’adresse à per-
sonne», répond-il en regar-
dant ses chaussures. On se
lève pour payer, on ne veut
pas rester à notre table, c’est
maintenant le sauna, tant pis
pour le café. On le dit à la

dépression saisonnière. Actuellement,
on considère que la diminution de l’in-
tensité lumineuse, de la longueur du
jour et le lever du soleil plus tardif en
hiver jouent un rôle majeur dans l’ins-
tallation de la dépression saisonnière à
cette époque de l’année.
Le passage à l’heure d’hiver a-t-il des
conséquences?
Le pic de cette dépression est en effet
observé au moment du changement
d’heure. Mais au moment du passage de
l’heure d’hiver à l’heure d’été, on ob-
serve une augmentation des accidents
cardiovasculaires, des AVC, des infarc-
tus du myocarde. Il y a une dette de
sommeil à ce moment-là et une désyn-
chronisation qui entraîne des troubles
physiques graves. Le changement
d’heure fait donc des dégâts dans les
deux sens.
Y a-t-il des gens davantage sujets à cette
dépression que d’autres?
Il n’y a pas de profil ou d’âge type,
macies ou des centres du sommeil. Le
traitement doit être suivi précisément,
il doit se faire tôt le matin (entre 6 heu-
res et 8 heures chez la plupart des indi-
vidus) et à heures fixes. L’intensité lu-
mineuse doit s’approcher de 10000 lux
au niveau des yeux. Il existe des contre-
indications, comme la prise de médica-
ments photosensibilisants, et certaines
pathologies oculaires qui peuvent ren-
dre le traitement désagréable (DMLA,
glaucome…). C’est pour cela qu’une
consultation chez son médecin est tou-
jours recommandée avant de débuter
une photothérapie. Les centres de lumi-
nothérapie, s’ils ne font pas de mal a
priori, n’ont eux pas d’intérêt démontré
dans le traitement des dépressions sai-
sonnières. Comme dans toutes les pa-
thologies, le mieux, est de détecter vite
cette dépression récurrente, pour pou-
voir la traiter rapidement. •
(1) Marabout, 2008, 15 euros
2
Les hommes sont nette­
ment plus enclins à utili­
ser les applications de
leur Smartphone que les
femmes: quasiment deux
fois, selon une étude réali­
sée par MobileSquared.
Mais, gaffe, chère gent
masculine: 90% des appli­
cations sont bonnes pour
la poubelle moins de six
mois après leur télécharge­
ment, et n’ont été utilisées
qu’une seule fois par le
client séduit… La France
est le pays ayant la plus
forte croissance d’abonnés
utilisant un Smartphone:
plus de 48% en un an.
treize. Ils voulaient du blanc,
pas du pays. Du blanc, il n’y
en a pas en cuisine. C’est pas
grave, on va trancher dans
de la dinde, cela fera l’af-
faire.
La chef de rang s’en prend
aux deux filles qui doivent
enlever les plats : «Qu’est ce
que vous attendez, vous êtes là
à rien faire, à vous croiser
les pouces, je rêve.» «Elle est
réactive, c’est pas habituel,
c’est à cause des fêtes», per-
sifle un serveur, à l’attention
de la chef de rang. Nos
voisins se marrent. On leur a
apporté l’addition de la table
d’à côté et depuis dix minu-
tes ils attendent la leur.
Ils ont l’air amoureux,
ce qu’ils ont mangé était
bon, n’est-ce pas là l’essen-
chef de rang, qui nous prend
par le bras, en vraie profes-
sionnelle, et s’excuse plate-
ment. La table des Japonais
est vide, il y a quatre places.
Pour moi tout seul. Elle lance
au serveur: «Vous lui faites un
café, de suite.» On lui dit :
«C’est pas grave.»
En sortant, on se demande
juste si le personnel n’a pas à
faire face à une tâche impos-
sible demandée par le patron
du bistro : faire valser
le maximum de clients pour
que son chiffre d’affaires vi-
revolte. D’ailleurs, un des
serveurs l’exprime à sa
manière sous le regard tueur
de la chef de rang, en propo-
sant à une cliente, d’âge
mûr : «Madame, vous voulez
danser ?» •
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JEUX_DU lundi_03:LIBE09 02/01/11 17:47 Page1

LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011 JEUX­METEO • 25

 SUDOKUMOYEN  MOTCARRÉ LUNDI

2 1 Y N I MATIN Temps gris et brouillards APRÈS-MIDI Les nuages dominent.
A O R givrants fréquents du nord-est au sud- Éclaircies près de la Méditerranée. Du
7 4 8 LIBÉRATION
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Laurent Joffrin, Nathalie Collin Caen
6 8 2 4 9 Y O N Associée unique Paris
SA Investissements Presse
Brest Strasbourg
4 9 3 I M au capital de 18098355 €.
Coprésidents du directoire
Laurent Joffrin, Nathalie Collin Orléans
SUDOKU MOTCARRÉ Directeur de la publication
4 6 3 8 5 9 1 2 7 C H T A U et de la rédaction
9 5 7 2 1 3 8 6 4 B O A E R
B
C
O
H
R
T
E
U Laurent Joffrin Nantes Dijon
1 2 8 7 6 4 9 3 5 Directeur délégué
E U R O T H C B A 0,6 m/11º
8 3 9 4 2 7 6 5 1 H R B C A T U E O de la rédaction
6 7 5 9 3 1 2 4 8 T C O U H E R A B  Homonymie Vincent Giret
2 4 1 5 8 6 7 9 3 A E U B O R T H C
Directeurs adjoints
3 8 2 6 7 5 4 1 9 R A C T E O B U H
de la rédaction
Paul Quinio Limoges
5
7
9
1
6
4
1
3
4
9
8
2
3
5
7
8
2
6
U
O
B
T
H
E
R
H
C A E O T
François Sergent Lyon
B U A C R
Directrice adjointe de la 0,6 m/11º
rédaction, chargée du
magazine
Voyage de Noël au pays des cases renaissantes : w LES MOTS D’OISEAU Béatrice Vallaeys Bordeaux
à vous de replacer les 2 noires manquantes... Rédacteurs en chef
H. I. Toujours ravi de placoter un peu à Montréal. Stéphanie Aubert (édition)
- II. Fit sérieusement trembler. - III. Dédits. - IV. Se LudovicBlecher(éd.électronique)
promènent sans faire grand-chose. - V. Ne saurait Christophe Boulard (technique) Montpellier Nice
I Gérard Lefort 0,3 m/12º Toulouse Marseille
servir à une mesure de l’information qu’après remise Fabrice Rousselot
II en ordre. Equitablement divisée entre père, fils et Olivier Wicker (Next)
III Saint-Esprit. - VI. Louer sans réserves. - VII. Le bon Directeur artistique
élément pour désigner certains groupements de Alain Blaise Ajaccio
IV laboratoire. Cache une vraie petite fortune chez Rédacteurs en chef adjoints
Michel Becquembois (édition) 0,6 m/13º
V Stevenson. - VIII. Fait un sacré repas avec le second
du IX. Proche ancêtre du Medef. - X. Finit par Grégoire Biseau (éco-terre) 0,6 m/14º
VI échouer. Cf. l’antépénultième. - X. Telle une tige Jacky Durand (Société)
Olivier Costemalle et Richard
VII devenue réserve nutritive de la plante. - XI. Valent Poirot (éd. électronique)
toujours plus qu’un carré d’as. Mina Rouabah (photo) FRANCE MIN/MAX FRANCE MIN/MAX SELECTION MIN/MAX
VIII V. 1. Peuvent faire de bonnes références. - 2. Si loin Marc Semo (monde) Lille -2/3 Dijon -5/-1 Alger 11/13
IX que porte le regard. - 3. Très sensible. Confrère de Sibylle Vincendon (spéciaux)
Pascal Virot (politique) Caen -3/5 Lyon -4/-1 Bruxelles -2/1
a b c d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z
X la presse magazine en raccourci et renouvellement
perpétuel. - 4. Gouvernement de Benoît au grand Directeur des Editions
Electroniques Brest 2/6 Bordeaux -3/4 Jérusalem 5/15
XI complet s’il n’y manquait la dernière, coincée entre Ludovic Blecher
a b H: I.c
SOLUTION d
Rembarrés. eIII. Puni-f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z
II. Aléatoire.
tives. IV. Avalisait. V. Ti... Lésina. VI. Rasade. ts. VII.
les deux noires du VII. Borde la combe jurassienne.
- 5. Toujours au coeur du match. - 6. L’un de ceux
Directeur administratif
et financier
Nantes
Paris
-3/4
-2/2
Ajaccio
Toulouse
4/12
-3/4
Londres
Berlin
-1/3
-4/-1
Ilotières. VIII. AED. Enoua. IX. Ai. Nürg. X. Larguée. qui, en 2006, reçurent le prix d’interprétation à Chloé Nicolas
XI. Encaissée. V: 1. Rapatriable. 2. Eluviale. ...an. 3. Mena. Cannes pour Indigènes. De même rang. - 7. N’a rien Directeur commercial Nice 0/8 Montpellier -1/5 Madrid 0/8
Sodarc. 4. Baillât. Iga. 5. A iédie. UI. 6. Roisséennes. 7. de discursif. Symbole. - 8. N’a rien de fugitif. Entrée Philippe Vergnaud
en scène. - 9. Ne se rongent plus les sangs. diffusion@liberation.fr Strasbourg -3/-1 Marseille 4/9 New York -3/2
Rivai. Roués. 8. Ereinteur. 9. S’est assagie.
Directeur du
développement
A B C D E F G H
w ECHECS 0,./ NIVEAU -
4293
Max Armanet
ABONNEMENTS MARDI MERCREDI
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Cht d’Europe de Blitz 2010 & 03 22 19 25 54
sceabo@liberation.fr Ciel variable. Plus ou moins d'éclair- Dégradation sur la moitié nord avec
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fmzpzqzq Les Blancs jouent et gagnent
B. Tkatchiev N. Fridman
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Directrice générale
cies. Cela dépendra de la dissipation
des nuages bas matinaux.
des nuages et quelques précipitations
sous forme de neige dans le nord-est.
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financière,
arts et spectacles. Publicité
locale et parisienne.
Brest
Caen
Paris
Strasbourg Brest
Caen
Paris
Strasbourg
2
ykyzykwk 2e Short (Eng, 2680); 3-6e Ivantchouk (Ukr, 2764),
Caruana (Ita, 2709), Onitschouk (USA, 2683) et
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Midi-print (Gallargues)
qzqzyzyb Topalov (Bul, 2775); 7e Gristchouk (Rus, 2773); 8e Nancy Print (Nancy)
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zwzszyky Etienne Bacrot est 22e mondial et 1er français avec Tirage du 31/12/10:
172 404 exemplaires. 0,3 m/13º 1,5 m/12º
wzyztzyk 2723, Maxime Vachier-Lagrave est 31e avec 2715 Membre de OJD-Diffusion
zylyzxzu et Laurent Fressinet est 35e avec 2707. Contrôle. CPPP : C 80064.
Pression sur la colonne «h», tour «c» dans la ligne Carlsen et Vachier-Lagrave sortent de la catégo- ISSN 0335-1793. Soleil Éclaircies Nuageux Couvert Faible Calme
de mire de la dame h6; il n’en faut pas plus pour rie junior. Le meilleur jeune planétaire est donc Modéré Peu agitée
qu’un grand maître de la trempe d’Edouard ne sans surprise Fabiano Caruana (Ita, 2721). La relè- Averses Pluie Orage Neige fort Agitée
dégaine le coup 1... Ff2!, qui remporte la qualité, un ve est assurée par Sébastien Feller, 5e avec 2657.
pion et... la partie. 1...Ff2! 2.Txf2 Dxç1+ 3.Tf1 Txf1+ 4.Dxf1 Au classement des Nations, la France accroche Nous informons nos lecteurs que
la responsabilité du journal ne
Fxf1 dxe4 et les blancs abandonnèrent 12 coups une 3e place mondiale, derrière la Russie et l’U- saurait être engagée en cas de
plus tard, 0-1. Bonne année 2011! JP Mercier kraine mais devant la Chine, l’Arménie, l’Inde etc. non-restitution de documents. -10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°

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 CULTURE
26 • LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011

LIEU José Manuel Gonçalves, nouveau directeur

du site artistique parisien hors normes.

«Faire du
CentQuatre une
caisse à outils»
Recueilli par GILLES RENAULT Comment gérez-vous la question du gigantisme?
Photo FRÉDÉRIC STUCIN. MYOP Ces 29 000 m2 ne sont pas pour moi une source
d’inquiétude mais d’interrogation permanente.

P
aquebot de l’architecture industrielle édi- Le CentQuatre est un endroit qui semble en déca-
fié en 1874 dans le XIX arrondissement de lage, à la fois en avance et en retard, comme un
e

Paris (1), le CentQuatre a mis longtemps laboratoire d’expérimentations dont la pertinence

à se muer en ruche culturelle. Anciennes s’inscrirait en mouvement sur des axes temporels.
pompes funèbres d’où sortaient quotidiennement Ici, rien n’a été prédéterminé, reste à trouver
150 convois mortuaires, le site réhabilité a été l’adéquation entre le choix des œuvres et des espa-
inauguré en octobre 2008, devenant illico un em- ces, qui peuvent parfois ne concerner qu’un public
blème de l’ère Delanoë, avec 110 millions d’euros de quinze personnes. Avec Pistoletto, on réinter-
investis par la Ville (le financement an- roge l’idée de galerie des glaces en ins-
nuel étant estimé à 12 millions INTERVIEW tallant une série de miroirs brisés. Per-
d’euros). Mais, un an et demi plus tard, çons le béton, offrons la surface aux
c’est la déconvenue: mal identifié, peu fréquenté, artistes. Le lieu a peut-être trop été considéré
plombé par un déficit évalué en avril dernier à plus comme un monument, envisageons-le plutôt
de 3 millions d’euros, l’exploitation du lieu, tel que comme une caisse à outils. Et souvenons-nous de
pensé par Frédéric Fisbach et Robert Cantarella, Beaubourg: au début, tout le monde riait de ce truc
est un échec. raté, avec tous ces tuyaux…
Arrivé au terme de son mandat, le tandem cède la Le but est de s’autoriser des choses. Nous avons
place à José Manuel Gonçalves, 48 ans. Porté par par exemple créé un salon intemporel, au milieu
un excellent bilan à la Ferme du buisson, structure de la nef, qui servira aussi de scène pour le cabaret
qu’il a dynamisée pendant onze ans à Noisiel (Sei- New Burlesque, avec des vieux trucs récupérés.
ne-et-Marne), le nouveau directeur expose sa vi- J’ai été marqué par le livre de François Weyergans,
sion de cette cité d’artistes hors normes, mêlant le Radeau de la méduse, où son personnage, installé
lieu de résidence, de représentation (théâtre, mu- sur la grande banquette au Louvre, découvrait à
sique, vidéo, cinéma, danse…), d’exposition, li- chaque fois de nouveaux détails du tableau. J’ai
brairie, restaurant… ensuite expérimenté moi-même cette sensation,
Quels sont les handicaps du CentQuatre? également éprouvée avec Giacometti. Je souhaite
Difficile de répondre à cette question car, quand montrer sans démontrer. N’oublions jamais que
je m’investis dans un projet, j’ai surtout tendance le premier rapport à l’œuvre d’art est émotionnel,
à n’en voir que ses potentiels, que je vais m’effor- cela a été scientifiquement démontré !
cer d’amplifier. On pourrait le juger trop vaste, Quels enseignements avez-vous importé de la
mais il m’arrive de le trouver presque petit par Ferme du buisson?
rapport à ce que j’ai envie d’y faire. Trop froid? J’y L’envie d’être ambitieux intellectuellement tout
perçois plutôt une forme de neutralité où la moin- en gardant une posture modeste. Conserver le
dre personne ou un simple objet peut conférer tout souci du détail. Se mettre à la place des gens qu’on
de suite du caractère. Le CentQuatre a la chance reçoit… La différence entre la Ferme et le Cent- en permanence, réfléchir avec les techniciens, les José Manuel Gonçalves,
de ne pas être immédiatement identifiable, ni ga- Quatre, c’est que là-bas, on pouvait tenter ce agents de sécurité, les artistes. C’est une prise de le 28 décembre à Paris.
lerie d’art, ni salle de concert, ni théâtre… Je suis qu’on voulait, tout le monde s’en foutait. tête quotidienne, épuisante, mais indispensable.
passionné par les rapports thermodynamiques : Je suis issu d’une culture lusophone, qui a long- Vous relancez le CentQuatre au moment où s’ap-
observer comment des espaces inertes sont à la temps privilégié ce qui brille. Mais, il y a trois ans, prête à ouvrir la Gaîté lyrique, autre défi culturel
fois nourris et travaillés par la présence sensible à un moment particulier de ma vie où j’ai remis majeur pour la Ville de Paris…
du public. On est dans la mécanique des fluides. beaucoup de choses en question, je suis allé au Ja- J’espère que cela générera une forme de concur-
Vous restez néanmoins excentré… pon. Ce fut un choc esthétique extraordinaire avec rence complice dans la façon d’aborder les rap-
Excentré, décentré, à la lisière… J’aime ces termes des gens radicaux dans leur vie professionnelle et, ports entre art et publics. Pour la première fois, un
que je souhaite essayer d’appliquer au contenu. La une fois sortis de ce contexte, très sensibles, so- établissement va naître à partir d’une approche
convocation à date et heure fixes pour un spectacle phistiqués, observateurs. technologique, dont on suivra la traduction artisti-
doit cohabiter avec l’idée de pouvoir se promener Pourquoi vos prédécesseurs ont-ils échoué? que. Il me semble avoir un peu plus de latitude au
sans but précis dans un «square chauffé» –comme J’ai l’impression que leur réflexion était très pous- CentQuatre. Je situe les enjeux de la Gaîté lyrique
il existait des serres tropicales au XIXe siècle – où sée, sophistiquée, mais en décalage complet avec entre grande industrie, technologie et arts, et ceux
l’on croisera éventuellement des œuvres, ici si- la façon dont elle était appliquée. Il manquait des du CentQuatre, entre arts et sociologie. •
gnées Pistoletto ou Kabakov, plutôt que Rodin ou connexions. Il ne suffit pas de participer aux réu- (1) 104, rue d’Aubervilliers/11 bis, rue Curial, 75019.
Camille Claudel. nions, encore doit-on recontextualiser les choses Rens.: 01 53 35 50 00 ou www.104.fr
LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011 CULTURE • 27

ARTS A Paris, une exposition raffinée sur les peintres du XIXe siècle.

Le romantisme russe,
une affaire de classe
LA RUSSIE
ROMANTIQUE
À L’ÉPOQUE DE GOGOL
ET POUCHKINE
Musée de la Vie romantique,
16, rue Chaptal, 75009.
De 10 heures à 18 heures,
sauf lundi. Jusqu’au 16 janvier.
Catalogue 30 euros.
Rens.: 01 55 31 95 67.

a Russie de la première

L moitié du XIXe siècle

succomba elle aussi à la
mélancolie des ruines, à
l’exaltation du moi, de
l’amour, à la fascination
des tombeaux. Une exposi-
tion au musée de la Vie ro-
mantique, à Paris, éclaire
pendant encore quinze jours
cette période, dont Pouch-
kine est la figure la plus em-
blématique. Prêtés par la
prestigieuse galerie Tre-
tiakov, à Moscou –un musée corps qui voient la mort Chtchédrovski. Tenues de La Tempête. Le Chêne
consacré à l’art national venir, les femmes qui implo- moudjik et visages farou- foudroyé, de Maxime
russe – tableaux, dessins, rent le ciel. Même fascina- ches, il annonce le réalisme. N. Vorobiev. PHOTO GALERIE
sculptures viennent nourrir tion devant la force diabo- FRÉDÉRIQUE FANCHETTE TRETIAKOV, MOSCOU
l’imagination du lecteur de lique de la nature, dans la
romans russes. Tempête (1842) de Maxime
Silhouettes. Ainsi les Ames Nikiforovitch Vorobiev. Jour2fête présente
mortes (1842) de Gogol, que L’écrivain Dominique Fer-
prix de la prix du festival nominé
Fedor Antonovitch Moller a nandez, dans le catalogue, semaine de la critique international du film meilleur documentaire
locarno de san francisco prix du film européen
peint en dandy à moustache souligne le caractère parti-

PIANOMANIA
claire, coiffé à la garçonne. culier de ce romantisme
L’histoire de son Pavel Ivano- russe. Celui-ci est apparu
vitch Tchitchikov, petit es- dans un pays, qui «ne s’était
croc des années 1820, fit éveillé à la peinture, à la mu- UN FILM SUR L’AMOUR, LA PERFECTION ET UNE NOTE DE FOLIE...
sensation dans des salons à sique, à la poésie qu’au début
PIERRE-LAURENT
l’ameublement identique à du XVIIIe siècle». Contraire- ALFRED BRENDEL
AIMARD
TILL FELLNER
celui présenté sur certains ment à la France, le roman- ET
LANG LANG STEFAN KNÜPFER
tisme n’est pas
Tableaux, sculptures et une réaction con-
tre le classicisme.
dessins sont prêtés par «Nous devons
la prestigieuse galerie comprendre, écrit
Tretiakov, à Moscou. Dominique Fer-
nandez, qu’en
tableaux. On peut aussi Russie les deux courants se
mieux se représenter l’arriè- superposent, que les artistes
re-plan de Guerre et Paix et des années 1830 avaient la
notamment le tsar Alexan- double obligation d’écouter
dre Ier saisi par Jean Zippel, leur cœur et de fixer des rè-
défilant à Paris au pied de la gles, d’être à la fois Voltaire et
porte Saint-Denis, avec ses Hugo, Ingres et Delacroix.»
alliés autrichiens et prus- Canapé. Une princesse en
© PHOTOS : STEFAN OLAH

siens, en mars 1814. voyage à Naples, des enfila-

Comme les romantiques des de salons, un beau jeune
CABARET, VIDÉO, DANSE, ETC. français, les écrivains et les homme alangui sur un ca-
artistes russes voyagent. napé sous l’œil d’un Apollon
ADAPTATION :

Porté par un nouveau slogan volontariste –«On Certains vont en Orient, en marbre, des fleurs ou des
sait quand ça commence, mais on ne sait pas où c’est «le Grand Tour» ou en fruits qui frisent l’acadé- un film de robert cibis & lilian franck
ça s’arrête»–, le CentQuatre entend multiplier les Italie «le Petit Tour». D’où misme… la Russie présentée UNE PRODUCTION WILDART FILM ET OVAL FILMEMACHER GBR AVEC STEFAN KNÜPFER PIERRE-LAURENT AIMARD LANG LANG ALFRED BRE NDEL TILL FELL NER JULIUS DRAKE IAN BOSTRIDG IGUDESMAN & JOO PHOTOGRAPHIE ROBERT CIBIS JERZY PALACZ MONTAGE MICHELLE BARBIN
SON SABINE PANOSSIAN BENEDIKT DAVID INA NIKOLOW DESIGN SONORE NIKLAS KAMMERTÖNS MIXAGE ANSGAR FRERICH PRODUCTEURS EBBA SINZINGER VINCENT LUCASSEN ROBERT CIBIS LILIAN FRANCK SCÉNARIO ET RÉALISATION LILIAN FRANCK & ROBERT CIBIS

initiatives. Parmi celles­ci, on peut fréquenter toute une série de toiles dans cette exposition est
jusqu’à fin février le superbe Manège Carré peintes dans la péninsule. Ici avant tout celle de l’aristo- AU CINÉMA LE 5 JANVIER 2011
Sénart, imaginé par François Delarozière. Ou Clair de lune à Naples (1828) cratie. La victoire d’Alexan-
prendre date avec le Cabaret New Burlesque de Silvestr Féodossiévitch dre Ier sur Napoléon, grâce à WWW.JOUR2FETE.COM

(du 21 au 23 janvier), 22h13 (ce titre…) du
performer vidéaste Pierrick Sorin (les 19, 20, 26,
27 et 28 janvier), ou Salves, de la chorégraphe
Maguy Marin (du 9 au 11 février) entre autres
spectacles à succès jouant les prolongations,
en accord avec divers établissements parisiens
où ils ont précédemment cartonné.
Chtchédrine, où les tons ses soldats d’humble condi-
chauds d’un feu, entouré de tion, va éveiller l’intérêt des PREMIÈRE PARISIENNE DU FILM
silhouettes, s’opposent à artistes pour le peuple. LE 5 JANVIER À 20H30 AU PUBLICIS
l’argenté du ciel. Là, le Der- Un seul tableau évoque le
CHAMPS ELYSÉES, EN PRÉSENCE DE
nier Jour de Pompéi, esquisse monde du travail, Atelier de
(1827-1828): Karl Pavlovitch menuisier, peint vers 1839 PIERRE LAURENT AIMARD ET ROBERT CIBIS
Brioullov peint la furie des par Ignati Stépanovitch
28 • CULTURE LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011

3,13
L’HISTOIRE

BON JOVI,
STAR 2010
DES TOURNÉES
QUI PAYENT C’est, en millions, le nombre de visiteurs accueillis en
2010 par le centre Pompidou, à Paris. Dépassant les
Selon le magazine spécia­ 1,2 million, la fréquentation des collections permanentes
lisé Pollstar, les recettes progresse de 2%. Parmi les expositions temporaires,
générées par les concerts celle consacrée à Pierre Soulages a attiré 502000 per­
en 2010 sont en baisse. sonnes –quatrième meilleur score depuis l’ouverture
Etrangement, celui qui tire du musée, en 1977.
le mieux son épingle du jeu
cette année est le groupe
rock FM américain Bon
Jovi, emmené par le chan­
Mort de l’historien Claude Nicolet
teur guitariste Jon Bon L’historien Claude Nicolet, spécialiste de la Rome antique et
Jovi. Ses 80 dates jouées membre de l’Institut, est décédé le 24 décembre à l’âge de
devant un total de 1,9 mil­ 80 ans. Né à Marseille, cet ancien élève de l’Ecole normale
lion de personnes à travers supérieure et agrégé d’histoire fut professeur d’histoire an-
le monde ont engrangé cienne aux universités de Tunis, Caen, puis à la Sorbonne,
201 millions de dollars avant d’être élu membre de l’Académie des inscriptions et
(150 millions d’euros), ce belles-lettres en 1986. Il avait également fait une courte car-
qui situe le revenu moyen rière politique au cabinet de Pierre Mendès France en 1956
à 2,5 millions de dollars et, entre 1984 et 1985, été chargé de mission sur l’éducation
(1,86 millions d’euros). civique au sein du cabinet de Jean-Pierre Chevènement, alors
Autres vétérans bien lotis, Les Derniers Jours de Pompéi, film muet de 1913. PHOTO COLL. MUSEO NATIONAL DEL CINEMA ministre de l’Education nationale. Il avait signé plus d’une
les champions du hard vingtaine d’ouvrages, dont la Fabrique d’une nation. La France
rock anglo­australiens entre Rome et les Germains (Perrin) en 2003.
AC/DC ont assuré CINÉMA En écho à l’exposition sur Jean-Léon
40 concerts qui ont généré
177 millions de dollars de
Gérôme, le musée propose un cycle «Péplum». Ted Turner sur la paille (ou presque)
recettes, devant les Le philanthropique géant des médias Ted Turner a annoncé
32 shows de U2 (161 mil­
lions de dollars). Lady
Gaga, Metallica, Michael
Orsay piqué d’antique lors d’une interview sur la chaîne américaine MSNBC début
décembre qu’il était «au seuil de la misère». L’ancien milliar-
daire a avoué avoir «tellement donné», pratiquement à tous
Buble et Paul McCartney les gens qu’il recevait dans son bureau, qu’il n’a finalement
ont également fait de très vec un sens de l’à- réjouissante perspective de trone (1914), sans oublier plus un rond. En 1997, le fondateur de l’empire CNN avait fait
bonnes affaires en 2010.
Pollstar signale que les
50 tournées compilées l’an
A propos auquel il faut
rendre hommage, le
musée d’Orsay a lancé un
revoir sur grand écran les
épaules d’acier de Charlton
Heston dans Ben Hur, de
Quo Vadis ? d’Enrico
Guazzoni (1912). Du côté
américain, le péplum a
don d’un milliard de dollars à l’ONU (746 millions d’euros)
puis, en 2005, de 53 millions (39,6 millions d’euros) à diver-
ses associations humanitaires. Turner a tout de même ajouté
passé ont généré des reve­ cycle «Péplum» en regard de William Wyler, la sélection a connu son heure de gloire qu’il lui restait en réserve «quelques millions», «juste assez
nus globaux de 2,93 mil­ l’exposition Jean-Léon Gé- privilégié des films rares, ap- bien avant la vague des pour couvrir [ses] frais obsèques».
liards de dollars rôme. partenant pour la plupart à Dix Commandements, ainsi
(2,19 milliards d’euros), un Films rares. C’est l’occasion une époque pionnière du ci- que le montre le cycle d’Or-
chiffre spectaculaire, mais de comparer les corps mus- néma. say qui présente Judith de Bé- «Joyeux Noël à Pyongyang... Tout le plaisir
en baisse de 12% par rap­ clés des combattants de Au chapitre italien, nous thulie de David W. Griffith
port à 2009 –une relative l’arène saisis par le peintre, aurons droit le week-end (1913), le Roi des rois, de Cecil
est pour moi! Excellente histoire et heureux
désaffection compensée avec ceux en noir et blanc ou prochain aux Derniers Jours B. DeMille (1927) suivant de voir les efforts de l’ambassade
(et peut­être aussi expli­ en Technicolor des épopées de Pompéi d’Eleuterio Rodolfi déjà l’affaire de près, le Ben britannique couronnés de succès.»
quée) par la légère hausse italiennes, britanniques ou et Mario Caserini (1913), ou Hur premier du nom de Fred
moyenne du prix du billet. hollywoodiennes. Outre la à Cabiria, de Giovanni Pas- Niblo (1925), l’un des plus
Message d’autosatisfaction de Martin Uden, ambassadeur
Bas Fond:Mise en page 1 30/12/10 14:51 Page1 gros budgets de l’histoire du en Corée du Nord, ravi et fier qu’à son inititiative Joue­la
muet, avec l’onctueux Ra- comme Beckham, la comédie anglaise signée Gurinder
mon Novarro dans le rôle-ti- Chadha en 2002, soit devenue le 26 décembre le premier
tre, ou encore cette autre film occidental diffusé à la télévision nord­coréenne.
version des Derniers Jours de

INVITATION Pompéi d’Ernst B. Schoed-

sack et Meriam C. Cooper
(1935), les deux auteurs de
LES GENS
Libération vous invite à découvrir le dernier film réalisé par Isild King Kong ou des Chasses du LE BERCEAU DE RINGO STARR
comte Zaroff.
Le Besco: Bas-fonds, une expérience secouante. Valeurs sûres. Enfin, dans
MENACÉ À LIVERPOOL
un registre quasi parodique, La maison natale de Ringo
le cycle s’intéresse égale- Starr, batteur des Beatles, est
50 places au total à gagner dans la ville ment au renouveau du genre, menacée de démolition dans le
et à la séance de votre choix notamment à travers le ci- cadre d’un projet de rénovation
néma populaire italien, en qui prévoit de raser à Liverpool
UN FILM D ISILD LE BESCO
projetant deux valeurs sûres 445 maisons datant
Pour recevoir une invitation LOCARNO
FILM FESTIVAL
COMPETITION
OLDENBURG
FILM FESTIVAL
COMPETITION
MOSCOW 2inI
FILM FESTIVAL
COMPETITION
VIENNE
VIENNALE
COMPETITION
MEXICO
FIC
COMPETITION

des années 50, Théodora, im- d’avant 1919. Mais le secrétaire

pour deux personnes pératrice de Byzance, de
adressez votre demande à : Ricardo Fred (1954), et les
Légions de Cléopâtre, de Vit-
liberationinvitation@liberation.fr torio Cottafavi (1959), deux
occasions de se souvenir que
l’acteur français Georges
Précisez impérativement votre adresse Marchal était une star des
postale complète. films en jupette.
B.I.
Cycle «Péplum», auditorium
INTERDIT AUX MOINS DE 12 ANS.*
(niveau ­2) du musée d’Orsay,
1, rue de la Légion­d’Honneur,
75007. Jusqu’au 23 janvier.
Vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et de suppression de ces informations (art.27 de la loi informatique et libertés). Les informations recueillies sont
destinées exclusivement à Libération et à ses partenaires commerciaux sauf opposition de votre part en cochant cette case Rens.: 01 40 49 48 14 ou
www.musee­orsay.fr
d’Etat britannique au Logement
a demandé à la municipalité de
reconsidérer sa décision, avec
l’assentiment des fans des
Beatles et de l’association Save
Britain’s Heritage. Richard Star­
key –le vrai nom de Ringo Starr– est né au 9 Madryn
Street avant de déménager peu après. La maison du
10 Admiral Grove, située non loin, où le batteur de 70 ans
a vécu vingt ans doit pour sa part être préservée. Les
maisons natales de John Lennon et de Paul McCartney
sont aujourd’hui gérées par le National Trust, organisme
de protection du patrimoine. La maison d’enfance de
George Harrison est habitée par des particuliers. PHOTO AP
LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011 ECRANS&MEDIAS • 29

A LA TELE CE SOIR OFFRE SPÉCIALE FÊTES

TF1 FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL + Offrez ou offrez-vous un abonnement
20h45. Bienvenue 20h35. Cold case : 20h35. Nelly et 20h50. Spécial
aux Edelweiss. affaires classées. Mr Arnaud. investigation.
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Kappes. Flash info, de Claude Sautet, le nouveau grand
Avec Claire Keim, Le Mal triomphe, 106 mn, 1995. banditisme.
Marie-Anne Chazel.
22h30. New York Unité
Spéciale.
Série américaine :
Cœurs patients.
Avec Kathryn Morris.
22h50. Un œil sur la
planète.
Avec Emmanuelle
Béart, Michel Serrault,
Jean-Hugues Anglade.
22h25. Soir 3.
Documentaire.
22h20. 3h10 pour
Yuma.
Western américain
Plus de
La balade sanglante, Corée : la puissance 22h55. Adieu poulet. de James Mangold,
Tragédies en série, cachée. Drame français de 122 mn, 2007.
La dame de cœur. Magazine. Pierre Granier-Deferre, Avec Russell Crowe,
Avec Mariska Hargitay. 0h40. Journal de la 91 mn, 1975. Christian Bale.
1h00. Au Field de la nuit. Avec Lino Ventura. 0h20. Mensomadaire.
nuit. 0h55. Dakar 2011. 0h20. Tout le sport. Magazine.

ARTE
20h40. Anne des mille
jours.
M6
20h45. Léon.
Policier français de Luc
FRANCE 4
20h35. Bandits.
Comédie américaine
FRANCE 5
20h35. Louis XV,
le soleil noir.
de réduction
Drame de Charles Besson, 103 mn, 1993. de Barry Levinson, Documentaire.
Jarrott, 145 mn, 1969. Avec Jean Reno, 122 mn, 2001. 22h25. C dans l’air.
Avec Richard Burton, Gary Oldman, Avec Bruce Willis, Magazine.
Geneviève Bujold. Natalie Portman. Billy Bob Thornton, 23h30. Avis de sorties.
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Berlin, une histoire de
22h40. Instincts
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dorée.
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Charlesvilleneuvien Anneboleynien Edelweissien 1 abo

Photos : 123RF - DR
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Canal+, 20h50 Arte, 20h40 TF1, 20h45 1 arbre
Un arb

vous

On ne sait pas ce que vaut En fait, Arte est à fond Pour la comédie familialo­ Offre sans engagement, valable uniquement pour un abonnement.
r

ce docu au titre très char­ dans un cycle «Rois et rei­ alpine Bienvenue aux se r
ou

a planté p
re

Validité limitée au 10 janvier 2011.

lesvilleneuvien, Caïds des nes». Ce soir, Genevieve Edelweiss, TF1 nous pro­
cités, le nouveau grand ban­ Bujold est Anne Boleyn met un «moniteur de ski
ditisme. Vérifions. dans Anne des mille jours. facétieux». Chouette alors.

PARIS 1ERE TMC W9 GULLI

C’est noël, je m’abonne
À découper et renvoyer sous enveloppe affranchie à Libération,
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■ Oui, je profite de l’offre spéciale Fêtes. Je m’abonne à Libération
Épisodes 4 et 5. Reynolds, 136 mn, 1995. 106 mn, 1999. Magazine. pendant 6 mois (156 n°) pour 95 € au lieu de 207 € (prix de vente au
Avec Alexandre Astier, Avec Kevin Costner, Avec Sabine Azéma, 22h10. Passeur numéro). Offert avec mon quotidien, je bénéficie de l’accès à tous les services
Anne Girouard. Jeanne Tripplehorn. Emmanuelle Béart. d’enfants. numériques payants de Libération.
23h15. Emmanuelle 4. 22h55. K19 : le piège 22h20. Enquêtes Téléfilm français :
Film érotique de des profondeurs. criminelles : À Pondichéry. ■ Je préfère la souplesse du prélèvement sur carte bleue Je serai prélevé de
Francis Leroi. Thriller de Kathryn Le magazine des faits Avec Pierre Arditi, 19 € tous les mois. Je ne m’engage sur aucune durée et je pourrai
Avec Sylvia Kristel, Bigelow, 138 mn, 2001. divers. Hervé Arthur Ratto.
Patrick Bauchau, 23h50. Les zinzins
interrompre mon abonnement à tout moment sur simple demande.
Avec Harrison Ford, Magazine présenté
Christian Marquand. Liam Neeson. par Sidonie Bonnec et de l’espace.
Nom
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Documentaire. Téléfilm. 0h20. Jail : destination de la Terre. Prénom
1h40. Paris Dernière. 2h50. TMC Météo. prison. Jeunesse.
Adresse
Code postal Ville
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Téléphone
20h35. xXx 2 : The next 20h40. Judge Dredd. 20h35. Scary movie 3. 20h35. Star story. E-mail @
level. Film de science-fiction Comédie américaine Sea, sex and song.
Film d’action américain américain de Danny de David Zucker, 85 mn, Documentaire. Ci-joint mon règlement : ■ Chèque à l’ordre de Libération
de Lee Tamahori, Cannon, 95 mn, 1995. 2003. 21h40. Star story. ■ Carte bancaire N°
101 mn, 2004. Avec Sylvester Stallone, Avec Charlie Sheen. Robbie Williams :
Avec Ice Cube. Diane Lane, Armand 22h05. Man vs Wild. Nobody someday. Expire le Cryptogramme Signature obligatoire :
mois année les 3 derniers chiffres au dos de votre carte bancaire
22h25. Starship Assante. Survie en milieu urbain. Documentaire.
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* La livraison est assurée par porteur avant 7 h dans plus de 300 villes, les autres communes sont livrées par voie postale.
Avec Casper Van Dien. Avec Sylvester Stallone. 23h50. Man vs Wild. 23h40. Concert Les informations recueillies sont destinées au service de votre abonnement et, le cas échéant, à certaines publications
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sabre. Magazine. Documentaire. Spectacle.
 GRAND ANGLE
30 • LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011

En 2008, à Port-de-Paix, des policiers et des magistrats

tombent sur le magot d’un gros bonnet de la drogue et

Haïti se servent, très largement. Le scandale court toujours.

sariat. Les flics, bretelles sur les reins,

Ripailles de
repoussent la paperasse sur les tables en
écartant les avant-bras et y posent les
sacs de pognon. Ce n’est plus le com-
missariat déglingué: c’est le sous-sol en
acier poli de la Chase Manhattan Bank.
Le partage peut commencer. Aux se-
crétaires maîtresses 1500 dollars. Aux
greffiers félons ? La même somme. Au

ripoux
un policier sonde les murs. Rien. Puis
c’est au tour de la dalle en béton. Le po-
licier lâche le marteau, se saisit d’une
masse et frappe le carrelage qui s’étoile.
A travers les fers à béton, les policiers
distinguent le magot d’Alain Désir,
blanchisseur «des mafias, surtout mexi-
caines», selon les flics dominicains qui
le recherchent aussi. Les mains plon-
gent frénétiquement dans ce qui est
aujourd’hui une fosse d’aisance, au ris-
que de s’ouvrir les bras par les fers à vif.
chalutiers échoués, au lieu-dit Lavaud, Et là c’est «le paradis sur terre», a confié
Par JEAN­LOUIS LE TOUZET sur une colline entourée de bananeraies un des flics corrompus qui a croisé, il y
Envoyé spécial à Port­de­Paix qui surplombe l’île de la Tortue distante a deux semaines, un de ses collègues en
Dessin MEZZO de 7 milles, s’est déroulé un tour de ma- poste au commissariat de Port-de-Paix.
gie blanche mais qui n’a rien à voir avec On hisse dans les cris de joie, mais avec
planton ? Allez, 1000. Et l’enveloppe
pour le sénateur du coin qui nous cou-
vre? 25000 dollars ça devrait faire l’af-
faire, non ? Le substitut du procureur
Moïse téléphone à son supérieur le pro-
cureur Balthazar, celui qui a signé la
fausse perquisition, mais curieusement
absent pour affaires… à Miami ce
jour-là. Les deux hommes s’entendent
pour remettre aux autorités la somme
de 510 000 dollars, résultat de la des-
cente chez Désir. Puis il faut accorder
les violons. Une version unique doit être
donnée car la rumeur du partage du bu-
tin va, demain, faire le tour de la ville.
D’abord, personne n’a rien touché. En-
suite, on n’a trouvé que 510000 dollars.
Pour finir, le premier qui parle est mort.

P
ort-de-Paix, ville
d’Haïti d’environ
120000 habitants, et
ses plages blanches
comme du sucre, est
le lieu de tous les tru-
cages, de tous les es-
camotages, de tous
les trafics et de toutes les misères. Il y a
un maire fantôme qui est plus souvent
à Miami qu’en mairie, deux bordels,
cinq dancings et trois hôtels gardés par
des hommes armés d’un Remington
calibre 12. Au port, la douane ferme à
16 heures et rouvre à 10 heures le lende-
main. En face, sur l’île de la Tortue,
«trois flics sur un hamac»,
précise, vachard, un obser-
vateur de la mission des Na-
tions unies pour la stabilisa-
tion en Haïti.
La Tortue est sous la coupe
d’un type du nom d’Alceres
Jean. Un promoteur immo-
bilier. Ça, c’est pour la fa-
çade. Le bonhomme, recher-
ché pour trafic de drogue, va
et vient en toute impunité. Entre Port-
de-Paix et l’île un bras de mer avec,
posé au milieu, un bateau des gardes-
côtes américains. Autant dire que Port-
de-Paix est une ville où l’Etat haïtien
est depuis longtemps tombé en poudre
sèche. Aujourd’hui, le taux de mortalité
dû au choléra est de deux pour mille ha-
bitants dans la région. Le mois dernier,
un bateau de pêche a coulé en pleine
nuit avec vingt-deux clandestins.
«Comptez 45 dollars sur ces bateaux pour
un voyage vers une mort certaine», as-
sure le pasteur évangéliste Tony Vernio.
Le mercredi 12 novembre 2008, sur les
coups de 16 heures, à quatre kilomètres
à la sortie de Port-de-Paix, quand on
prend plein est en longeant la mer et les
les philtres vaudou. peine, un coffre-fort de 40 kilos. Puis Moïse doublé par Brutus
Sur dénonciation du trafiquant de co- deux valises. Enfin plutôt deux malles, Mais quand Moïse rentre chez lui, il pi-
caïne Mackendy contre promesse de li- selon un témoin. Des boîtes à chaussu- que une colère terrible. D’abord son
bération, dix-huit policiers et huit ma- res bourrées de coupures de 100 dollars. chauffeur Edmond Brutus a disparu. Où
gistrats, dont le substitut du procureur Des dizaines de liasses de 15000 dollars est encore passé ce con? se dit-il. Moïse
René Moïse, pénètrent dans une mai- serrées par des élastiques. Des sacs de lui avait pourtant confié deux valisettes
sonnette en parpaings attenante à une sport. Les flics sont comme dingues. Et sorties en douce de la perquisition chez
sorte de petit «Trianon» en béton armé. se servent en se bourrant les poches, le Alain Désir. Charge à Brutus de les re-
Elle appartient à Marc Frédéric, l’oncle pantalon et la chemise au point de faire mettre en mains propres à son épouse,
d’un des plus grands bonnets de la dro- sauter les boutons. Ils en mettent aussi «madame René». Brutus s’est exécuté
dans les chaussettes. mais n’a remis… qu’une valise. Moïse
Le partage débute. Aux secrétaires Le pillage dure, selon les té- s’est fait doubler comme un bleu.
maîtresses 1500 dollars. Idem aux moins, «vingt-cinq minutes». Le Brutus en question a, le lendemain
greffiers félons. Au planton? Tout le quartier accourt et du pillage, acheté un pick-up Toyota à
regarde interdit la force pu- 25000 dollars et contacté un entrepre-
Allez, 1000. Et pour le sénateur blique se goinfrer du pognon neur. Il compte faire construire un pa-
qui nous couvre? 25000 dollars, de «monsieur Alain», un lais dans la commune de Jean-Rabel à
ça devrait faire l’affaire! homme «de bien», comme 30 km de Port-de-Paix. En effet, si
l’indique un agriculteur dont Port-de-Paix peut ressembler à un petit
gue d’Haïti : Alain Désir. Le Trianon, l’épouse «sortie de couches» fut sauvée Palerme tropical, Jean-Rabel c’est un
lui, a été érigé par Désir. Ce dernier, par «le médecin payé par Alain». Les po- peu Corleone. Un fois sorti de terre,
«qui a fait toute sa carrière de trafiquant liciers et magistrats remontent ensuite Brutus l’a revendu et s’est envolé. Faut
au Bahamas», selon le nouveau prési- dans les voitures, la démarche entravée dire que le palais du chauffeur était de-
dent du tribunal de Port-de-Paix, est par les liasses qui débordent des panta- venu l’objet de visites et des sarcasmes
revenu au pays pour se mettre à l’om- lons, les poitrines gonflées de billets. de la population. Le chauffeur du pro-
bre. Les autorités bahamiennes ont dé- Pour le sénateur Youri Latortue, qui a cureur Balthazar, qui avait lui aussi
livré un mandat d’arrêt. présidé la Commission justice et sécu- doublé son patron en volant le pognon
rité au Sénat, «il s’agit du scandale le volé, s’est également fait édifier un pa-
Poitrines gonflées de billets plus honteux de ces dernières années qui lais. Ces maisons sont aujourd’hui à
Désir a 32 ans, petit, maigrichon. Il ne a terni l’image du pays». l’abandon. Les propriétaires évidem-
parle qu’anglais et créole. Il a été exfil- La nuit va tomber d’une minute à ment en fuite.
tré à Miami deux jours plus tôt, de nuit, l’autre. Le cortège de pillards saute sur Seule la piétaille sera jugée. Trois ma-
par la Drug Enforcement Administra- la piste, sirènes hurlantes, au milieu des gistrats et quatre policiers sont dans la
tion, sous l’autorité de la brigade des chiens errants et de fillettes en unifor- nature. Ces derniers «avec leur arme de
stupéfiants. Des coups de feu sont mes qui rentrent de l’école, frôle les uri- service», comme l’indique l’inspecteur
échangés entre les hommes de la police noirs en éclaboussant d’eau croupie les Robert (nom modifié à la demande de
nationale (PNH) et ceux de Désir qui vendeuses de goyaves. Deux ans plus ce dernier, ndlr), entouré de deux filles,
prennent la fuite devant le nombre. tard, sur le lieu du crime, il y a des affi- une main sur l’épaule de chacune. La
C’est ici que commence l’histoire du ches électorales défraîchies, des peintu- balance Mackendy qui a vendu Désir
«trésor des boucaniers», selon l’expres- res murales invitant à une soirée dan- n’a pas beaucoup profité de sa liberté
sion de Vinx Etienne, le juge chargé de sante et des urinoirs débordants. Et puisque la PNH, qui a été en partie pur-
l’instruction de cette affaire qui agite toujours les vendeuses de goyaves. gée de ses brebis galeuses, l’a ramassé
toujours Port-de-Paix deux ans après Il est un peu plus de 18 heures ce 12 no- dernièrement ivre mort dans un bordel
les faits. La maisonnette est passée au vembre 2008 quand les policiers et ma- de la ville jetant des billets de 100 dol-
peigne fin. A petits coups de marteau, gistrats en nage regagnent le commis- lars sur la piste de danse.
LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011 • 31

Désir, lui, a été condamné à quinze ans

à Miami. Sa tante Lisa Joseph prie tous
les jours «la Vierge» en montrant son
chapelet : «On savait qu’il était dans les
affaires mais on ne savait pas lesquelles»,
dit-elle en créole. Elle occupe le petit
Trianon de son neveu dont les scellés ont
été brisés. Pour la police dominicaine,
dont Libération s’est procuré le rapport,
Désir était un as du blanchiment d’ar-
gent. Deux ans après les faits, «le procès
est en appel, alors que beaucoup des pro-
tagonistes de l’affaire, magistrats et poli-
ciers, sont en fuite», explique le juge
Etienne. Et pour cause : ceux qui sont
tombés sont vite ressortis, puisque le
pénitencier de Port-au-Prince où ils
étaient en préventive a été foutu par
terre par le séisme. De sorte que tout ce
beau monde est en fuite.
Le scandale de Lavaud, tel que l’a ap-
pelé la presse haïtienne, «a terni l’image
de la magistrature de notre ville». C’est
peu de le dire. Déjà que Port-de-Paix
était une «zone de stockage de la cocaïne
en partance vers les Etats-Unis», selon
la commission parlementaire qui a
rendu un rapport accablant sur le fonc-
tionnement de la justice.

«Révolvérisé, suicidé…»
Le doyen des juges du tribunal Ronel
Gélin qui, le premier, a dénoncé l’af-
faire à la presse a été suspendu par le
ministère de la Justice. Il a refusé les
10000 dollars du procureur Moïse pour
acheter son silence. Ronel Gélin est
aujourd’hui directeur d’un lycée catho-
lique de Port-de-Paix. Pour l’ancien
magistrat, «tous les plus grands bénéfi-
ciaires de ce scandale sont à Port-au-
Prince». Un rapport de la police domi-
nicaine évoque un montant de
«510000 dollars remis aux autorités suite
à ce pillage. Ce n’est pas le centième de la
somme trouvée». Alors combien au juste
dans la cachette ? Dix ? Quinze ?
Vingt millions ? Plus ?
L’oncle de Désir a été révolvérisé. Sorti
miraculeusement d’affaire quelques
jours plus tard, il est mort la veille de
quitter l’hôpital. Un inspecteur intègre,
qui s’apprêtait à dénoncer la corruption
généralisée au commissariat de Port-
de-Paix, a été «suicidé». «Il voulait par-
ler. On l’a forcé à boire l’acide de batte-
rie», raconte l’inspecteur Robert. Un
des chauffeurs d’un magistrat a été re-
trouvé battu à mort.
Alain Désir est vraiment regretté en
ville. Surtout le vendredi. Ce jour-là, il
recevait dans son petit Trianon magis-
trats, flics, notables et journalistes. Cha-
cun repartait avec son enveloppe.
Le juge Etienne lève les yeux au ciel :
«Comment lutter contre la corruption
quand circulent ici les plus grandes quan-
tités de drogue en direction des Etats-
Unis?» L’an passé, la police de Port-de-
Paix a saisi 33 kilos de cocaïne. C’est
même pas le poids d’un sac de ciment.
Mais 33, c’est aussi le chiffre en millions
de dollars du trésor des Caraïbes d’Alain
Désir. Enfin, c’est ce qui se dit à Port-
de-Paix. Désir, lui, n’est pas tellement
pressé de sortir. On peut le compren-
dre: les Mexicains n’aiment pas se faire
rouler dans la farine. •
LIBÉRATION LUNDI 3 JANVIER 2011
PORTRAIT BAPTISTE GIABICONI
Devenu l’égérie de Karl Lagerfeld, ce mannequin
marseillais se risque à la musique, en toute naïveté.
Beau et simple à la fois
Par CHLOÉ AEBERHARDT
Photo JÉRÔME BONNET
«G
entil» s’applique aux niais tellement niaiseux
qu’on n’a pas le courage de les dénoncer vrai-
ment. Plus indulgent, «simple» désigne un être
candide et inoffensif qui chaque matin regarde
le monde avec des yeux neufs, parce qu’il ne sait plus très
bien de quoi il était composé la veille. Baptiste Giabiconi,
mannequin masculin n°1, est de ceux-là. Simple et bizarre-
ment attachant.
«Baptiste n’a pas changé, Baptiste est resté le même», a-t-il
coutume de dire, pour les mettre à l’aise, à ses amis d’enfance
comme aux filles qu’il entreprend de séduire. Oui, le garçon
parle de lui-même à la troisième personne, comme ces Excel-
lences Jules César, Jean-Claude Van Damme et Alain Delon.
Non, il n’est pas homo, même s’il aime cultiver une certaine
ambiguïté. Chemise à moitié déboutonnée, bagouses et che-
veux longs remontés sur l’avant, il ne se fait jamais prier pour
exhiber ses abdos, en couverture de Têtu, sur le plateau de
Ruquier ou dans l’émission de Mademoiselle Agnès. Il joue
aussi de sa relation avec son mentor, Karl Lagerfeld, qu’il ne
lâche pas d’un soulier. Minishort à Saint-Tropez, queue-de-
cheval et décolleté plongeant à Buenos Aires, le mannequin
de 21 ans alimente la rumeur, qui ne désenfle pas : il serait
à Lagerfeld ce que Jesus Luz a longtemps été à Madonna, un
vulgaire toy boy. Interrogé pudiquement sur une éventuelle
attirance sexuelle, il dément : «Des choses comme ça, ça se
sent. Avec Karl je ne l’ai jamais senti. Il a un trop grand respect
des gens.» Il a l’air si ahuri par la question qu’on décide de
le croire. Le mensonge est une entreprise complexe.
Les deux hommes se sont rencontrés en juin 2008. Le coutu-
rier cherchait un visage pour sa dernière collection de lunet-
tes, Baptiste du boulot. Fils d’un ouvrier et d’une salariée d’un
organisme HLM, le jeune homme grandit près de Marseille,
dont il hérite l’accent et la désinvolture cagole. Son père
quitte sa mère quand il a 12 ans, ce qui le pousse à devenir
«responsable»: «Je me suis retrouvé seul avec maman. Il fallait
que je sois fort pour elle et, surtout, que je ne lui cause pas plus
de soucis.» Aujourd’hui encore, il l’appelle «trois secondes tous
les matins» pour se rassurer. Après un BEP restauration qu’il
passe dans l’espoir de lancer un jour sa propre affaire, il se
fait embaucher comme monteur ajusteur chez Eurocopter
pour mettre de l’argent de côté. A l’époque, il a les cheveux
coupés ras et commence enfin à être beau gosse. «Ado, j’étais
pas top, reconnaît-il. Maigre avec des boutons, je prenais du
Roaccutane, ce traitement qui vous fait des creux dans la peau.»
Il s’inscrit dans une salle de sport, où il se fait repérer par une
cliente qui lui conseille le mannequinat. Sitôt suggéré, sitôt
fait: il monte à Paris, où il rame au point de devoir redescen-
dre à Marseille renflouer les caisses. Il trime quelques semai-
nes dans une usine de surgelés puis reprend le train. C’est
alors que le miracle se produit: son agence l’appelle, Karl La-
gerfeld veut le rencontrer. «Je savais que Karl était le euh…
[Aujourd’hui, Baptiste sait évidemment que Lagerfeld est le
directeur artistique de Chanel, c’est juste que, présentement,
ça ne lui revient pas] Par contre j’ignorais qu’il faisait travailler
des hommes.» Lors du shooting, le couturier a une révélation.
Muse et créateur ne se quitteront plus. «Karl fait partie de la
famille, confie Baptiste. C’est quelqu’un de proche que j’ai l’im-
pression d’avoir toujours connu. Entre nous il y a un bon feeling,
on se tape des barres, c’est difficile à expliquer. Souvent, je me
pose la question : pourquoi moi et pas un autre ?»
C’est vrai ça, pourquoi lui? Baptiste nous propose d’appeler
Lagerfeld sur son portable et de lui poser la question directe-
ment. Voilà qui est sympa,
franchement. Le grand Karl EN 5 DATES
décroche, et répond: «Bap-
tiste, c’est un mélange assez 9 novembre 1989
rare, un physique exceptionnel Naissance à Marignane.
–on n’a pas vu beaucoup de Septembre 2007 Monte à
Français comme lui depuis Paris. Juin 2008 Rencontre
Alain Delon –, un don pour le Karl Lagerfeld.
chant, mais aussi pour la co-
Octobre 2008 Premier
défilé Chanel. 9 décembre
médie : devant l’appareil, il 2010 Sortie de son single
peut se transformer en n’im- Showtime (Be First Media).
porte quoi. Je ne le considère
pas comme un mannequin, mais comme une personnalité. Sou-
vent, les gens beaux sont lisses. Lui est très cocasse et attachant.
Si j’avais un fils, j’aimerais qu’il soit comme lui. La seule chose
que je lui reproche, c’est de ne pas faire beaucoup d’efforts sur
l’anglais.»
Il n’y a qu’à regarder le clip de son premier single, Showtime,
une série B de quatre minutes tournée dans l’Ouest améri-
cain, pour en avoir le cœur net : au moment où le gros mé-
chant sort de la station-service et arrache la bomba latina
que notre héros dévore des yeux, la musique s’arrête, et Bap-
tiste sort un «ouate srong ouise you, man ?» désopilant. Par
égard pour le garçon, pourtant fan de Bowie et Depeche
Mode, on ne s’étendra pas sur la musique ni sur la chorégra-
phie à la Worlds Apart, mais sur la voix: il se trouve que Bap-
tiste Giabiconi chante juste et a un timbre plutôt agréable.
Ce n’est évidemment pas en écoutant Showtime qu’on l’a
remarqué, mais au cours de l’interview, lorsqu’il a accepté
d’entonner pour nous un air a cappella. Il a choisi la Corrida,
de Cabrel, qu’il a interprété doucement, comme une ber-
ceuse, et c’était joli. Comment sait-il que la méchante jour-
naliste ne lui a pas demandé de chanter juste pour se moquer
de lui? «J’arrive à savoir quand on me prend pour un con. Une
petite lumière s’allume dans ma tête, et me dit : “Arrête, ou tu
vas être ridicule”.» Encore un qui devrait faire gaffe à ses fac-
tures d’électricité.
Baptiste Giabiconi a l’air d’un garçon sain. Il fait du tennis
et de la musculation, ne fume pas et ne boit quasiment pas
d’alcool. Surtout, il est spontané et très généreux. Son pro-
ducteur, Side Hajjaji, n’en revient pas: «Il est tellement humain
que même moi qui ai dépensé beaucoup d’argent pour son album,
je n’aurai aucun regret si ça devait être un flop.» Trop bon, trop
con? Le jeune homme fait tout ce qu’on lui demande, pourvu
que cela fasse plaisir à quelqu’un. Tomber la chemise à
tout-va, déranger Karl Lagerfeld pour une journaliste hypo-
crite, répondre aux questions qui l’embarrassent: le montant
de ses cachets (il touche au total entre 10000 et 15000 euros
par mois), son genre de filles («hypersimples, nature»), l’exis-
tence ou non d’une petite amie. «Une relation demande qu’on
y consacre du temps. Pour le moment, je suis trop centré sur mon
travail pour m’investir. Ça ne m’empêche pas de faire des ren-
contres qui, parfois, dérapent. Heureusement !»
Dix minutes après notre entrevue, alors qu’on marche sur
les Champs-Elysées en direction du métro, il nous hèle de-
puis son taxi et nous fait coucou. Il nous a reconnue, on s’est
retournée, il est content. La neige n’est pas loin. Sur sa veste
Dior, Baptiste a enroulé une grosse écharpe tricotée rouge
et blanche qui achève de nous convaincre de ce qu’il est vrai-
ment : un gosse. •