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Avant-propos
1. On l’appellera Joe
Naissance d’une dynastie
L’obsession de l’intégration
Des débuts en fanfare
2. L’outsider
Le parfum du big business
Wall Street, terre promise
La Prohibition, plus qu’une aubaine
L’architecte de la vie des siens
3. L’avant-dernier nabab
Une mine d’or
Un goy à Hollywood
Gloria
Le fabuleux vivier des studios
5. L’ambassadeur
Un Irlandais à la cour de St. James
L’anti-Churchill
Une guerre étrangère à l’Amérique ?
Le temps des règlements de comptes
6. Le mastermind
Un héritier par défaut
La fabrication d’un champion
Comme un paquet de lessive
L’offre que la Mafia ne pouvait refuser
7. Le patriarche désarmé
Le père du Président
Le destin bascule
Pas même à son pire ennemi
Bibliographie sélective
Notes
Index
Avant-propos
« L’important n’est pas ce que vous êtes, mais ce qu’on croit que vous
êtes. » Telle avait été la devise de cet homme aussi détesté que craint. Un
homme complexe et controversé qui avait vécu plusieurs existences en une :
banquier, trafiquant d’alcool, producteur de cinéma, ambassadeur et homme
d’affaires.
Il avait tout vu, ou presque. Hollywood et Wall Street, les cercles
confidentiels du pouvoir et les milieux feutrés des ambassades. Il avait
connu les officines boursières avec leurs spéculateurs retors, tout autant que
les plateaux de tournage avec leurs cohortes de starlettes. Ses quartiers, il
les avait établis à Boston puis à Londres, New York, Palm Beach en
Floride, Hyannis Port en Nouvelle-Angleterre. Ses résidences secondaires
avaient pour cadre les endroits les plus sélects de la Côte d’Azur, de l’Eden
Roc et ses « cabanes » mythiques au cap d’Antibes jusqu’aux contreforts
majestueux d’Èze-sur-Mer.
Entre ombres et lumière, il avait goûté aux honneurs de la vie publique
tout en étant familier des coups fourrés propres à l’underground. Il
approcha Roosevelt et la Maison Blanche, mais fraya volontiers avec Meyer
Lansky, Sam Giancana et bien d’autres padroni de la Mafia. Il fréquenta
Winston Churchill, tout en ayant également quelques solides accointances
avec Frank Sinatra et Jack Warner. Multimillionnaire en dollars et devenu
une des plus grandes fortunes d’Amérique, ce séducteur impénitent
multiplia les conquêtes féminines, au nombre desquelles figurait Gloria
Swanson, une des femmes les plus désirées de son temps. Couronnement
suprême d’une carrière flamboyante, il serait l’artisan de l’élection de son
fils à la présidence des États-Unis.
On pourrait ainsi épiloguer sans fin sur Joseph Patrick Kennedy sans
savoir qui était vraiment cet homme dont le cynisme le disputait
à l’intelligence et dont l’apparente humanité envers quelques-uns masquait
mal sa parfaite indifférence aux autres. Quel était le ressort intime de sa
personnalité comme de sa réussite fulgurante ? Un demi-siècle après sa
disparition, l’énigme demeure.
Bien sûr, presque par réflexe, il convient d’en appeler aux racines de son
histoire personnelle, à sa filiation, voire à sa généalogie pour espérer percer
le mystère. Au commencement était un jeune homme dont l’ambition,
démesurée, ne pouvait se réduire à une revanche classique sur la pauvreté
originelle. Très différent des héros des romans d’Horatio Alger qu’il avait
pris cependant pour modèle, Joe Kennedy provenait d’un milieu familial
plutôt aisé. Un milieu dont l’enrichissement progressif, sans cesse plus
visible au fil des années, s’accompagnait d’une quête de respectabilité.
Quoique le jeune Kennedy en détestât viscéralement l’idée, la glaise
irlandaise lui collait à la peau. Et peu importait qu’il ne fût pas né et n’eût
même jamais mis les pieds sur le sol de la verte Erin. Plombé par un
déterminisme imprescriptible, il semblait englué dans cette communauté
irlandaise perçue comme le rebut d’une société que régentaient les WASP,
ces protestants anglo-saxons et blancs et si fiers que leurs ancêtres eussent
fondé les États-Unis. Non seulement Joe était un Irlandais dans un milieu
dominé par les descendants d’Anglais, mais il restait aussi, circonstance
aggravante, un catholique parmi les protestants.
La richesse, se plaît-on parfois à imaginer, possède la vertu lénifiante
d’absoudre les vices ou les handicaps des origines. Telle ne fut pas
exactement l’histoire de Joe Kennedy, qui ne se ferait jamais vraiment
pardonner son extraction. On le lui ferait sentir dès ses études universitaires
à Harvard et tout au long de ses années de jeunesse, séquences cruciales de
la vie où se cristallisent durablement rancunes et ressentiments. Bien plus
tard, à son fils Jack qui était déjà en route vers les honneurs de la Maison
Blanche, on demanderait encore perfidement s’il n’irait pas prendre ses
ordres au Vatican.
Joe se comporterait donc impitoyablement, et de façon délibérée, en
marginal revanchard et en outsider, quitte à se muer parfois en véritable
aventurier. Il devint aussi égoïste, sectaire, raciste et même ouvertement
antisémite. Le profit personnel, au même titre que la ligne rouge des bilans
comptables, devint le credo indépassable de cet opportuniste qui
n’entendrait respecter aucune autre règle que celles qu’il s’était lui-même
fixées.
Ces règles ? La réussite au premier chef, vertu cardinale qui incarnait à ses
yeux la perfection. Bien plus qu’une vertu, d’ailleurs, il s’agissait d’une
authentique obsession qui ne s’encombrait pas de morale sur les moyens de
l’atteindre. La réussite d’abord pour cet éternel insatisfait, à la recherche
obstinée de son Graal ou, comme Gatsby, de la « lumière verte au bout de la
jetée ». La réussite aussi pour sa famille qu’il entreprit de façonner et de
formater à son idée.
Rose, sa femme, reconnaîtrait non sans raison qu’il fut l’architecte de son
existence et de celle de ses enfants. Joe ne se borna pas à être un pater
familias jupitérien, craint de tous les Kennedy grands et petits. Il fit surtout
de sa famille un clan avant de la donner en pâture à une Amérique en
attente de nouveaux héros, sous les traits d’une saga dynastique. Un clan
refermé sur lui-même, avec son langage et ses codes, et ne s’ouvrant sur
l’extérieur que pour mieux le domestiquer. Un clan élevé aux impératifs
catégoriques de la performance et de l’excellence.
Joe ne transigerait jamais sur une telle aspiration à la perfection, quitte
à controuver l’histoire au passage. Dans son esprit, un Kennedy était fait
pour gagner et être admiré, non pas pour se plaindre ou pleurer. En un sens,
il s’emploierait beaucoup moins à sauver les apparences qu’à s’en
approprier de nouvelles, à la manière dont on s’achète un CV ou une vertu :
par le biais d’une vie publique toujours bonne fille avec ses propres acteurs,
ou par le truchement d’une presse spontanément complaisante, quand elle
n’était pas stipendiée pour l’être.
Par sa façon de s’imposer à la hussarde, Joe fit cependant de gros dégâts
autour de lui, parfois irréparables. Il abîma la psychologie de ses enfants en
les habituant à refouler systématiquement leurs sentiments et émotions. Ce
dressage quotidien finit par pervertir leurs relations avec autrui –
notamment le rapport aux femmes des fils Kennedy – en faisant d’eux des
privilégiés asociaux. Lui-même se mua en véritable monstre quand l’un de
ses enfants, richement dotés par ses soins, n’avait pas l’heur d’entrer dans le
moule des Kennedy et de se plier à ses oukases. Kathleen, la fille cadette,
en fit l’amère expérience, par son double défi à la famille : en épousant
d’abord un non-catholique, puis en s’éprenant d’un autre garçon de religion
protestante, divorcé de surcroît. Mais c’est surtout l’infortunée Rosemarie,
fille aînée de la fratrie, qui fit les frais d’une façon particulièrement atroce
de cette obsession paternelle de l’excellence, laquelle n’était pas sans
rappeler les tentations à l’eugénisme propres à cette époque.
Joe ne se contenta pas d’être un arriviste cynique, plus entreprenant, mais
aussi plus affligé de défauts que bien d’autres. Il vira démiurge, jouant avec
le destin jusqu’à rêver de le forcer, tout comme tenteraient de le faire plus
tard, pour leur malheur, ses trois fils aînés. Il provoqua plus qu’il n’eût fallu
ce pendule capricieux de l’existence qui oscille entre l’échec d’une vie et sa
réussite. De fait il gagna beaucoup, mais trop insolemment sans doute pour
que le sort ne se vengeât pas à la mesure de ses triomphes. Aussi débridée
avait été sa réussite, aussi cruelle fut la vengeance du destin. Une fille
arriérée mentale, la pire des punitions pour ce père qui avait sous les yeux le
spectacle aussi insupportable qu’irrémédiable de l’échec d’un Kennedy ;
une autre fille et son fils aîné morts accidentellement ; deux autres fils
assassinés.
Comment s’empêcher de déceler dans cette hécatombe familiale les
ressorts implacables d’une tragédie antique ? Comment ne pas voir en Joe
celui par qui le malheur des Kennedy advint ? Expia-t-il sa réussite inouïe
par un retour de fortune tout aussi cinglant ? Y eut-il une justice immanente
à ses turpitudes ? Il les paya très chèrement en tout cas, voyant disparaître
un à un ses enfants, qui étaient la fierté de sa vie. Il le paya également dans
sa propre chair, végétant les dernières années de sa vie dans un fauteuil
roulant d’invalide, incapable de s’exprimer et incarnant cette misère
humaine qui l’avait toujours révulsé chez autrui.
Conscient de fonder une dynastie, Joe Kennedy avait été l’organisateur et
le maître d’œuvre de sa propre réussite comme de celle des siens. Après
avoir amassé une fortune colossale, il s’était piqué de tutoyer le pouvoir
suprême – là dove si puote ciò che si vuole1, selon le mot de Dante –, ce qui
était pour le descendant d’immigrants irlandais une gageure inaccessible.
Telle présomption lui fut fatale. Loin d’être béni des dieux, il en fut au
contraire maudit, jusqu’à personnifier cette malédiction incroyable qui
frapperait obstinément sa famille. Une malédiction que cet homme dénué de
compassion eut à subir jusqu’au terme de son existence si peu ordinaire et
dont les effets dévastateurs continueraient à frapper les siens bien au-delà
de sa mort.
On l’appellera Joe
L’obsession de l’intégration
S’il n’avait tenu qu’à lui, P. J. eût prénommé son fils, né en 1888, Patrick
Joseph III. Mais Mary Augusta avait eu son mot à dire et avait imposé
Joseph Patrick, présumant que l’inversion des deux prénoms ferait « moins
irlandais ». La troisième génération d’immigrants, la deuxième à être née
sur le sol américain, entrait à présent en lice. Il n’était que temps de tourner
la page en s’intégrant définitivement à la société.
Tout comme P. J. l’avait été en son temps, Joseph Patrick devint le roi de
la maison, même lorsque deux filles, Mary Loretta et Margaret Louise12,
vinrent élargir le cercle familial. Les préoccupations éducatives de la
famille concernaient essentiellement le garçon, couvé tel un héritier royal.
Par la suite, sa sœur Margaret l’admettrait volontiers : « J’avais fini par
croire qu’il était un dieu. J’étais éperdue de bonheur s’il me demandait de
lui donner quelque chose, n’importe quoi pourvu qu’il s’adresse à moi5. »
Pour Mary Augusta, « Mame », comme se plaisait à l’appeler son époux,
le jeune garçon était simplement « mon Joe », deux mots reflétant moins un
amour maternel plutôt parcimonieux qu’un fort sentiment de possessivité.
Plus tard, elle lui prodiguerait un conseil qu’il n’oublierait pas : « Si l’on te
demande ton nom, contente-toi de répondre : “Joseph.” » Cela revenait
à éviter un « Patrick » par trop irlandais. Obnubilée par l’idée de faire de
son fils une sorte de gentleman catholique, elle lui inculqua d’emblée les
bonnes manières et les grands principes de civilité.
Beaucoup pensaient que le jeune Joe était né sous une bonne étoile, avec
un père aussi riche que respecté et les Hickey, du côté de sa mère,
s’ébrouant dans la prospérité. Quoi de mieux pour Joe qui n’était pas,
comme l’avaient été ses grands-parents, une pièce rapportée d’Irlande sur
un vieux rafiot, dans un nouveau monde qui les tolérait à peine ? Il était un
Américain, né sur le sol américain et parlant avec un accent bostonien de
bon aloi. Les immigrants de la dernière génération, les pestiférés, n’étaient
plus les Irlandais, mais les Italiens ou les Ashkénazes.
Absorbé par son business, P. J. était cependant un père aimant et
attentionné – « l’homme le plus adorable que j’aie jamais connu »,
reconnaîtrait plus tard son fils –, sachant allier subtilement tendresse et
fermeté. Une simple remontrance, brève et sèche, lui suffisait pour asseoir
son autorité sur une progéniture qui adorait ses plaisirs simples et son
existence sans histoire. Mais c’était bien Mary Augusta qui exerçait la plus
forte influence sur Joe, devenu le dépositaire exclusif de ses ambitions
d’ascension sociale.
Mame ne perdait jamais l’occasion de pousser son fils en avant. Quand
elle n’était pas satisfaite de lui, elle se contentait de lui adresser un regard
vertement réprobateur – son fameux « air Hickey », comme on en
plaisantait dans la famille – qui valait toutes les réprimandes. Il est vrai
qu’elle voyait loin et grand pour Joe. Son époux avait déjà assuré à la
famille prospérité et honorabilité. À sa mort, il laisserait un patrimoine de
plusieurs centaines de milliers de dollars13. Mais la politique s’était
dramatiquement démonétisée depuis que les Irlandais s’en étaient mêlés. Le
prestige de l’action publique s’était évaporé au gré des petites combines
sans gloire et du clientélisme, quand ce n’étaient pas des scandales de
conflits d’intérêts et de corruption.
D’ailleurs, malgré les succès électoraux des Irlandais, la réalité du pouvoir
restait toujours aussi inaccessible aux immigrants et à leur descendance.
Quoique défaits dans les urnes, les brahmanes s’étaient tranquillement
repliés dans le silence feutré de leurs conseils d’administration et de leurs
demeures austères en pierre brune de Back Bay.
Les Irlandais pouvaient à la rigueur devenir policiers, fonctionnaires, voire
maires. Ils ne seraient, en revanche, jamais admis dans l’univers distingué
du grand business, là où se nouent les arrangements subtils et où se
consentent les adoubements qui décident du vrai pouvoir. Telle était la ligne
rouge, invisible, mais quasiment infranchissable, qu’avaient tracée les
Bostoniens de souche, férus de tradition et de valeurs puritaines. Elle
signifiait aux nouveaux venus qu’ils ne seraient jamais des WASP et
resteraient d’éternels outsiders.
Au-delà de l’aisance et de la notoriété qu’avait apportées son époux,
Mame souhaitait autre chose pour son Joe dont elle espérait fort qu’il
deviendrait un jour « quelqu’un ». Pourtant, la politique continuait
d’imposer son tempo chez les Kennedy, avec le jeune Joe aux premières
loges.
Ce dernier se souviendrait longtemps de ces solliciteurs venant à toute
heure frapper à la porte de la maison familiale. Même le dîner était parfois
perturbé par les doléances pressantes de tel ou tel quémandeur. Mary
Augusta en vint plus d’une fois à s’en agacer :
— Dites-leur donc que nous sommes à table !
Mais déjà P. J., sourcils froncés, repliait sa serviette :
— Non, je vais les recevoir…
Il n’était pas rare de le voir réapparaître au bout d’un moment, manteau et
chapeau en main, lançant à sa maisonnée :
— Désolé, mais il faudra que vous terminiez sans moi6.
Joe se souviendrait également des voisins de Webster Street qui
représentaient le gratin de Boston. L’enfant chéri en était Patrick Andrew
Collins, dont le prestige demeurait inégalé à la suite de sa nomination, par
le président Cleveland en personne, au poste de consul général à Londres14.
Quelle revanche magnifique pour cet héritier dont l’ascendance irlandaise
renvoyait à une bourgade perdue du comté de Cork !
Dès 1892, P. J. avait décidé de mettre de l’argent dans la Columbia Trust,
une petite banque qui venait de voir le jour à East Boston, dont il devint
partenaire fondateur avant d’en être président de fait. L’initiative n’était en
rien anodine, car le secteur bancaire était la chasse gardée des brahmanes.
Mais la Columbia, sorte de crédit mutuel, répondait aux besoins des
immigrés irlandais dont les banques classiques se souciaient comme d’une
guigne. Souvent en quête de prêts, ces nouveaux venus n’en obtenaient
qu’au compte-gouttes par les voies habituelles, tant ils étaient tenus pour
des parias. À la Columbia, ils pouvaient emprunter facilement de petits
montants à des taux réduits.
La Columbia Trust devint bien vite la banque attitrée des Irlandais de
Boston. Le jeune Joe en entendrait souvent parler, même s’il n’avait pas
encore l’âge de mesurer tout à fait la revanche qu’elle représentait pour les
Irlandais. Peu auparavant, le maire de Boston, John F. Fitzgerald, s’était
frictionné avec ces vieux banquiers au rictus carnassier qui écrasaient leurs
contemporains de leur superbe protestante anglo-saxonne :
— Des tas d’Irlandais ont leur argent chez vous. Pourquoi ne leur faites-
vous pas une petite place dans vos équipes ?
Pour une fois, les brahmanes avaient paru un peu gênés :
— Euh, en fait… ce n’est pas tout à fait exact. Nous comptons tout de
même dans nos effectifs des caissiers irlandais.
— Ah ! oui ? Et des femmes de ménage aussi, je suppose7…
Si le jeune Joe avait bien sûr entendu parler du maire de Boston,
l’éloquence et l’entregent de Fitzie le laissaient aussi indifférent que la
politique elle-même. Aux tournées électorales de son père, Joe préférait les
parades et les grands défilés militaires où l’on acclamait les derniers
vétérans de la guerre de Sécession. En revanche, il admirait sans réserve le
sens des affaires de P. J., notamment son habileté à gérer son portefeuille
d’actions.
Mais le jeune Kennedy n’avait pas le tempérament à se laisser enfermer
dans le cocon familial. Les valeurs de civilité enseignées par sa mère,
l’insistance de celle-ci à faire de lui un petit lord Fauntleroy15 étaient
plaisantes. Elles le cantonnaient cependant dans l’univers féminin où il
avait été élevé. Or Joe n’avait nulle envie de passer à côté de la réalité des
choses. La vraie vie et ses règles, il lui faudrait bien les affronter un jour.
La vraie vie, c’était cette jungle des quais de Boston, là où les immigrants
se défiaient entre eux, parfois à coups de couteau : les Irlandais contre les
juifs, les juifs contre les Italiens, les Italiens contre les Grecs. Il en émanait
une conception de virilité masculine qu’exaltait alors, sur un mode différent
il est vrai, le président Theodore Roosevelt, avec son modèle de l’« homme
droit », détaché de toute influence féminine émolliente et castratrice8.
À 12 ans, Joe s’engagea comme garçon de courses chez un modiste.
Beaucoup de dames élégantes de la haute société bostonienne, à cette
époque, se firent livrer leurs énormes cartons à chapeaux par un jeune
garçon à la frimousse sympathique, parsemée de taches de rousseur. Ce
petit Joseph avait de bonnes manières, même s’il refusait obstinément de
dévoiler son patronyme.
Par la suite, il vendit des friandises et des cacahuètes aux nombreux
touristes qui faisaient le tour de la baie de Boston en bateau. Plus tard
encore, il dénicha un emploi insolite de shabbath goy consistant à aider le
samedi des juifs orthodoxes – l’emploi était forcément réservé à un non-
juif16 – qui respectaient l’interdiction religieuse de ne pas allumer le feu
chez eux ou de se livrer à la moindre activité ce jour-là. On verrait encore le
jeune garçon en train de vendre des pigeonneaux, en compagnie d’un
camarade de son âge, près de Boston Common. On l’apercevrait même sur
ce quai hideux de Noodle Island, là où ses grands-parents avaient débarqué
un demi-siècle plus tôt, en train de vendre des journaux à la cwriée.
Making money ! Cette volonté de gagner de l’argent et de réussir dans la
vie n’était-elle pas constitutive de l’idéal américain ? Legs familial, elle
correspondait surtout à la façon d’être de cet adolescent qui dévorait les
œuvres d’Horatio Alger : ce romancier en vogue exaltait la réussite
individuelle et l’initiative entrepreneuriale. Joe connaissait par cœur les
héros de Fame and Fortune (La Gloire et la Fortune) ou de Only an Irish
Boy (Un simple petit Irlandais), tout autant qu’il admirait ces self-made
men qui cultivaient à la lettre les principes vertueux du monde des affaires :
travailler dur, ne pas fumer ni boire, ou encore se lever tôt et se coucher
tard.
Selon Joe, gagner de l’argent n’était rien de moins que la légitimation d’un
talent qui n’était pas donné à tout le monde. Faussement contrits, les WASP
pouvaient bien affecter de s’en excuser sous couvert d’institutions
charitables. Le jeune garçon n’en concevrait, quant à lui, ni complexe ni
scrupule. Gagner de l’argent était une activité parfaitement honorable,
à condition de ne pas la rendre vulgaire en exhibant ses dollars ou en les
jetant par les fenêtres.
Joe étudia successivement à l’École des Frères chrétiens, à l’École de
l’Assomption, puis à l’École Saint-Xavier. Toutefois, Mary Augusta lui fit
quitter bien vite l’enseignement catholique qui, malgré son niveau
irréprochable, avait l’inconvénient de marginaliser encore davantage ses
ouailles dans un environnement dominé et hiérarchisé par les protestants.
Dès 1901, Mary Augusta réussit à faire inscrire Joe à la Boston Latin
School, cette antichambre de Harvard.
La faute en revenait d’une certaine façon à la démocratie. L’entrée
progressive, quoique timide, de jeunes gens issus de milieux sociaux
défavorisés dans les écoles publiques dissuadait les grandes familles d’y
inscrire leurs rejetons. À leur intention s’étaient multipliés en Nouvelle-
Angleterre des établissements privés, luxueux et surtout très fermés. La
Boston Latin offrait toutes les garanties de ce point de vue, justifiant sa
réputation d’école la plus sélective du pays. On y apprenait Cicéron et
Ovide, mais aussi le grec, le français et l’histoire. Les lauréats recevaient un
diplôme de fin d’études calligraphié avec art sur du parchemin précieux.
Chaque matin, Joe déboursait 1 penny pour prendre le premier ferry en
direction de Battery Wharf avant de se ruer vers le centre-ville puis, au coin
de Warren Avenue et de Dartmouth Street, entrer dans le vieux bâtiment qui
abritait la Boston Latin. Il n’y brillait guère par ses résultats scolaires,
récoltant le plus souvent des « D », des « E », voire des « F », ce qui lui
vaudrait de redoubler son avant-dernière année. Les mathématiques étaient
la seule matière où il parvenait à tirer à peu près son épingle du jeu.
Du moins Joe parvint-il à se rendre populaire auprès de ses camarades.
Était-ce sa façon à lui de s’intégrer ? Il reçut le titre honorifique de
« colonel du régiment de cadets », traditionnellement dévolu au président
de classe. Joe fut également un assez bon joueur de base-ball, pas peu fier
de récolter la meilleure moyenne de striker (frappeur) au championnat de
base-ball scolaire. Capitaine de l’équipe fanion de l’école, il passait pour un
compétiteur teigneux ; pour un mauvais perdant aussi, qui n’hésitait pas
à s’en prendre à l’arbitre dès que les choses tournaient mal pour son camp.
Son jour de gloire sportive, Joe le vécut en 1907, lorsqu’il reçut des mains
de John F. Fitzgerald la « coupe du maire ».
La vocation naturelle des diplômés de la Boston Latin était d’intégrer la
prestigieuse Harvard University. Harvard : ce qui se faisait de mieux dans le
pays. S’il n’était plus aussi hermétique que par le passé17, l’établissement
restait le sanctuaire des WASP. On y retrouvait les jeunes gens diplômés de
St. Mark qui résidaient à Randolph Hall, la crème des happy few, les
Lowell, Cabot et autres Adams ou Lodge, dont l’ascendance patronymique
intimait le respect. Le pedigree de ces gens-là remontait à l’époque du
Mayflower18. Ils avaient fondé Boston, ils avaient fait l’Amérique.
À Harvard étaient désormais admis, au compte-gouttes il est vrai,
quelques juifs et quelques Irlandais9. La sélection « ethnique » n’en était
que plus insidieuse. On prétendait que le président de l’université classait
les jeunes gens en fonction du standing social de leurs parents, de leurs
revenus et de leur appartenance religieuse. Officieux, ce classement
enfermait chaque étudiant dans un cadre dont il n’avait quasiment aucune
chance de s’affranchir, quelles que fussent ses qualités ou l’excellence de
ses notations.
Harvard exerçait une fascination toute particulière sur les étudiants
n’appartenant pas à la caste des brahmanes et qui étaient tout juste tolérés.
Catholique et fils de bistrotier, le jeune Kennedy faisait partie de ces
« intouchables » que l’on daubait sous le manteau. Il en fallait cependant
bien davantage pour le détourner de son objectif : s’intégrer et se faire
accepter. Au fond, Harvard était-il si éloigné de ces quartiers irlandais de
Boston où l’on se bagarrait pour conserver son bout de territoire ?
Les Kennedy père et fils avaient ignoré poliment les exhortations du
cardinal William Henry O’Connell, nouvel archevêque de Boston19 et ami
de la famille Kennedy, à ce que Joe étudiât à Sainte-Croix chez les jésuites.
Les intéressés n’avaient pas voulu en démordre. Ce serait Harvard et rien
d’autre, quitte à ce que Joe s’inflige quelques allers-retours en tramway
entre le quartier familial de Winthrop et celui de Cambridge où était situé le
campus universitaire.
Pour beaucoup, Joe Kennedy était un privilégié. Il demeurait pourtant
à des années-lumière de ces dandys, anciens des prep schools20 qui
débarquaient à l’université en grand équipage, avec voiture de maître et
domesticité. Tout le problème de Joe était de s’en faire accepter. Sa seule
chance de briser le plafond de verre était de se faire des relations et de
compter sur ses qualités propres. Soucieux de gommer ses origines, Joe
entreprit de s’éloigner des stéréotypes irlandais auxquels renvoyait
immanquablement son patronyme. Ainsi, il ne buvait jamais d’alcool,
s’employait à corriger son élocution en éliminant toute trace d’accent et ne
sortait en ville que tiré à quatre épingles. Au passage, il prit la décision de
résider dans le campus de l’université. Ne rentrant chez lui que le week-
end, il y invitait parfois des camarades. En leur compagnie, il arpentait la
plage en blazer et pantalon bleu, riant à des histoires de jeunes gens et
chantant à tue-tête Molly Malone ou Peg o’My Heart.
Malgré ses efforts, il ne fut pas épargné par les affronts et se fit plus d’une
fois éconduire sans ménagement. Évincé des cercles de Beacon Hill – la
haute société bostonienne –, il ne connaîtrait ni les soirées somptueuses, ni
les bals des débutantes, ni ces week-ends qui n’étaient prétextes qu’à
« rallyes » entre jeunes gens de la bonne société. De même, son lobbying
effréné pour se faire admettre dans des clubs élitistes d’étudiants finirait-il
par échouer.
Joe n’avait pourtant pas lésiné pour s’attirer les bonnes grâces de ceux qui
comptaient dans ce domaine. Certes, il avait été présélectionné par le club
fermé du Delta Kappa Epsilon, surnommé le Dickey, en vue d’une
admission à l’Institut de 1770 : c’était le vivier dans lequel les clubs ultra-
convoités comme le Porcellian, le Somerset, l’Union, l’AD, le Fly ou
encore le Spree puisaient pour recruter de nouveaux membres. Joe ne serait
pourtant choisi par aucun de ces grands clubs huppés, ni par d’autres clubs
comme le Phoenix ou l’Iroquois, et devrait se contenter de son adhésion au
Dickey. On lui ferait comprendre que ce n’était déjà pas si mal pour
quelqu’un de sa condition. À Harvard, la hiérarchie sociale demeurait
implacablement calibrée. Comme le prétendait Edmund Quincy, héritier
d’une de ces vieilles familles qui avaient fondé Boston : « Un homme de
Harvard sait qui il est… »
Joe, lui, avait compris qu’il resterait un outsider. Pourtant aucune
rebuffade, fût-elle la plus cuisante, ne pourrait jamais avoir raison de sa
volonté ou de sa confiance en soi. Son objectif n’avait pas changé :
s’imposer en dépit de l’adversité, en faisant comme si de rien n’était, mais
en n’oubliant jamais rien.
À Harvard, il noua tout de même des amitiés solides qui portaient des
noms tout ce qu’il y a de plus yankee : Bob Fisher, une star du football qui
avait passé une année à l’université d’Andover, ou Tom Campbell, un
catholique de Worcester qui était lui aussi un as du football. Il y avait
encore Robert Sturgis Potter, héritier d’une vieille famille opulente de
Philadelphie. Des amitiés aussi utilitaires qu’atypiques.
Plus d’une fois, Joe entraîna ses condisciples dans les théâtres de Boston
où l’on jouait des comédies musicales new-yorkaises. C’était aussi
l’occasion d’y faire des rencontres avenantes et, notamment, d’y croiser les
chorus girls (danseuses de revue) qui se produisaient dans ces spectacles.
Un de ses compagnons de nouba, Arthur Goldsmith, se souviendrait d’une
jeune danseuse ravissante de la troupe de The Pink Lady avec qui Joe
repartit bras dessus bras dessous du Colonial Theatre après avoir adressé un
clin d’œil complice à ses compères. Joe avait déjà une réputation d’homme
à femmes et éprouvait visiblement un plaisir singulier à s’afficher en
compagnie de créatures séduisantes.
Il est vrai que Joe ne s’intéressait pas qu’à la musique frivole des revues
ou des cafés-concerts. Durant cette période, il découvrit aussi la musique
classique, Beethoven, Vivaldi. C’était toutefois son jardin secret et il évita
que cela ne s’ébruite.
À l’université, Joe obtint des résultats tout aussi médiocres qu’à la Boston
Latin, accumulant les mentions « passable » ou « assez bien ». Même le
cours « Banque et finances », auquel il reconnaîtrait avoir renoncé en cours
d’année tant ses notes étaient mauvaises – il le confierait beaucoup plus
tard, non sans malice, au magazine Fortune qui évaluait alors son
patrimoine à… 250 millions de dollars10 –, ne put capter son intérêt. Et
encore n’échappait-il à certaines notes catastrophiques que parce qu’il
faisait livrer à ses professeurs quelques-unes de ces bonnes bouteilles de
scotch Haig & Haig de quinze ans d’âge dont son père était l’importateur
exclusif.
Joe en apprit cependant beaucoup sur une hypocrisie sociale qui
perpétuait, en toute bonne conscience, des privilèges qui ne se justifiaient ni
par le talent ni par la réussite personnelle. À Harvard, il avait compris
quelque chose d’essentiel : les bonnes notes y étaient moins utiles que le
respect des règles en vigueur qui magnifiaient les vertus d’endurance, de
loyauté et de camaraderie distinguée. Le sport y était également crucial, car
il développait un esprit de lutte et de compétition propre à forger des élites.
Les disciplines athlétiques étaient le nec plus ultra de l’éducation, au même
titre que les disciplines intellectuelles.
Mens sana in corpore sano ! Pour Joe, il ne s’agissait pas seulement d’un
équilibre de vie. L’excellence sportive était surtout un moyen de se faire
remarquer, sinon accepter, de ces Gold Coast men21 qui s’installaient dans la
vie universitaire avec la même aisance désinvolte que dans la suite royale
d’un palace.
Le football22 était le sport de prédilection à Harvard comme dans les
grandes universités du nord-est du pays qui formeraient bien plus tard la
fameuse Ivy League23. Incarnant la rudesse virile et la suprématie physique
des élites, le football était vénéré à Harvard, où l’équipe universitaire était
une véritable légende.
Joe avait cependant un faible pour le base-ball qu’il préférait au football,
un peu trop brutal à ses yeux. Ce n’était pas qu’il détestât les affrontements
un peu musclés. Dépassant le mètre quatre-vingts, il était bien bâti. Mais le
base-ball était sa véritable passion. Peu lui importait que ce sport fût
méprisé par les gentlemen au motif qu’ils n’avaient pas l’exclusivité de ce
sport également pratiqué par les manants des écoles publiques.
C’était au base-ball que Joe rêvait d’exceller… sauf qu’il ne réussit pas
à intégrer l’équipe de Harvard. La raison en incombait à Frank Sexton,
ancien joueur professionnel de renom et désormais entraîneur. À tort ou
à raison, Sexton ne le trouvait pas assez bon pour faire partie de l’équipe
universitaire de première année. Voyait-il en lui un joueur peu précis et,
surtout, lent « comme un camion de glace11 » ? Les choix de Sexton ne
souffraient aucune discussion.
Humilié, Joe se retrouva sur le banc de touche ou dans l’équipe de réserve.
Or, seuls les joueurs qualifiés en équipe première pouvaient figurer dans
l’Annuaire des athlètes de Harvard. Pire encore, seuls ces heureux élus
avaient le droit de porter le sweater tant convoité, frappé de la lettre « H ».
Sorte de titre de noblesse pour les étudiants, ce « H » symbolisait surtout
pour Joe la reconnaissance sociale.
Pourtant, à la veille du dernier match contre Yale, le capitaine de l’équipe,
Charles McLaughlin, insista personnellement auprès de l’entraîneur – dont
personne ne s’était encore permis de discuter les choix – afin que Kennedy
pût être de la partie. À la stupéfaction générale, Joe finit donc par entrer en
jeu alors que Harvard menait largement au score et marquerait d’ailleurs le
point décisif. Il aurait même le culot de conserver la balle du match alors
que ce privilège revenait au capitaine de l’équipe, McLaughlin.
Sur le moment, on ne comprit pas pourquoi McLaughlin s’était entremis
en faveur de Joe. On ignorait qu’il avait formé le projet d’ouvrir une salle
de cinéma, une fois ses études achevées. Pour cela, il lui fallait une licence
que les autorités municipales n’accordaient que parcimonieusement. En
connaissance de cause, Joe avait joué discrètement de l’influence de P. J. au
City Hall et mis « Chick » McLaughlin en relation avec les fonctionnaires
qui délivraient les licences professionnelles. Marché conclu.
On dirait de Joe : « Il était le genre de type qui, s’il voulait quelque chose,
l’obtenait à tout prix sans se soucier de la façon dont il l’obtenait. Il aurait
marché sur le corps de n’importe qui12. » Mais il est vrai que les brahmanes,
avec leurs relations haut placées et leurs grands airs, n’agissaient pas
différemment.
Cette participation sur le fil permit à Joe d’être coopté dans la société
universitaire de la Delta Kappa Epsilon Fraternity. De même quitta-t-il
Harvard muni d’un viatique grâce auquel il put mener à bien le voyage
entamé par son aïeul un demi-siècle auparavant sur un bout de quai
anonyme : dans cette société-là, tout était permis à condition d’être plus
malin et d’en vouloir plus que les autres.
L’outsider
30. En janvier 1917, le ministre des Affaires étrangères de l’Empire allemand, Arthur Zimmerman,
avait adressé un télégramme à son ambassadeur au Mexique, lui donnant instruction de proposer au
gouvernement mexicain une alliance contre les États-Unis. Intercepté par le Royaume-Uni, ce
télégramme avait accéléré l’entrée en guerre de Washington.
31. La Première Guerre mondiale opposait à l’origine les puissances de la Triple Entente – France,
Grande-Bretagne et Russie – à celles de la Triple Alliance – Allemagne, Autriche-Hongrie et Italie.
32. Surnom donné en Amérique aux soldats qui partirent se battre sur les champs de bataille
français. En France, les doughboys étaient appelés plus volontiers les sammies.
33. L’origine de ce mot célèbre, « La Fayette, we are here ! », fut controversée et souvent attribuée
à un adjoint de Pershing, le colonel Stanton, en conclusion d’une déclaration prononcée lors de
l’Independence Day, en 1917. Du reste, le général Pershing lui-même reconnaîtrait honnêtement qu’il
n’avait pas souvenance d’« avoir dit quelque chose d’aussi beau… ».
34. Le chief justice est le chef de la Cour suprême.
35. Cette expression est du sociologue canadien Marshall McLuhan (1911-1980) ; il l’a utilisée
dans ses célèbres essais La Galaxie Gutenberg (1962) et Pour comprendre les médias (1968).
36. Cette loi portait le nom d’Andrew J. Volstead, représentant du Minnesota au Congrès.
37. Lors du « massacre de la Saint-Valentin », la Mafia du South Side, à prédominance sicilienne et
dirigée par Al Capone, décima celle du North Side, à prédominance irlandaise, avec à sa tête Bugs
Moran.
38. Près de cinquante mille caisses d’alcool, selon certaines estimations, transitèrent par Saint-
Pierre-et-Miquelon durant la Prohibition.
39. La pègre se chargeait notamment des diversions de rigueur et des transits de fortune sur l’île
Mackinac, à la jonction entre les deux grands lacs Michigan et Huron.
40. Il comprendrait plus tard que les véritables responsables de l’incident étaient Lansky et son
principal lieutenant, Joseph « Doc » Stacher.
41. Significatif fut, à cet égard, le témoignage de Joseph Charles « Joey » Fusco, un des hommes de
main préférés d’Al Capone, qui prétendit se souvenir très bien de Joe Kennedy lorsqu’il venait rendre
visite à son patron.
42. Joe n’y avait investi initialement que 100 000 dollars.
43. L’adresse deviendrait par la suite 131, Naples Road.
44. Le montant de ce chèque, 3 740 dollars, représentait la moitié de ses avoirs en espèces.
45. Les nouveaux fonds de placement en fidéicommis furent décidés respectivement en 1936, 1949
et 1959.
46. Du nom de ses fondateurs, Eberhard Anheuser et Adolphus Busch, la brasserie, apparue vers le
milieu du XIXe siècle, deviendrait leader aux États-Unis dans les années 1950 à travers ses marques
de bière mondialement réputées de Budweiser et de Busch.
47. À l’époque professeur de droit à Harvard, Felix Frankfurter (1882-1965) deviendrait juge à la
Cour suprême à partir de 1939.
48. C’était au point que les filles Kennedy seraient très étonnées d’apprendre que, parmi les amis
de la famille, d’autres couples dormaient dans le même lit.
49. Plus tard, Jack ferait même cette confidence effarante à un de ses amis : « Ma mère n’existe pas
pour moi. »
3
L’avant-dernier nabab
Un goy à Hollywood
La réussite aidant, Joe Kennedy força l’allure. Les événements lui
donnèrent raison. En octobre 1927 se produisit un véritable coup de
tonnerre avec la sortie du Chanteur de jazz (The Jazz Singer), premier
talkie, ou film parlant, qui devait révolutionner le cinéma. Ce fut le moment
où Kennedy croisa le chemin de David Sarnoff, le patron de la Radio
Corporation of America (RCA).
Juif originaire de Biélorussie et pionnier de la radio commerciale, Sarnoff
était un homme dynamique et dévoré d’ambition55. Il avait cependant un
problème avec la Western Electric Company, qui était la grande concurrente
de General Electric, filiale de la RCA. La Western avait pris un avantage
considérable sur sa rivale en mettant au point le système Vitaphone,
procédé de synchronisation entre le son et l’image qu’avaient utilisé les
frères Warner pour Le Chanteur de jazz. General Electric avait son propre
procédé de sonorisation, le Photophone, mais pas encore de clients sérieux
pour en faire usage. Cette concurrence portait sur un des grands enjeux du
nouveau cinéma.
La discussion entre Kennedy et Sarnoff se prolongea trois heures durant
dans le bar d’un écailler de la Septième Avenue à New York. Elle s’avéra
fructueuse. Sarnoff s’engagea à racheter un gros paquet d’actions du FBO
qui, en contrepartie, utiliserait dans ses films le procédé de General Electric.
Dans la foulée, Joe fit l’acquisition de la Keith-Albee-Orpheum Theaters
Corporation (KAO), un vaste circuit de distribution qui comprenait sept
cents salles de cinéma aux États-Unis et au Canada. La négociation avec le
patron de la KAO, Edward Albee, fut plus délicate que celle avec Sarnoff.
Fort des deux millions de spectateurs fréquentant quotidiennement ses
salles, Albee clamait qu’il n’était pas vendeur. Il céda toutefois devant
l’offre alléchante de 4,2 millions de dollars que lui adressa Elisha Walker,
un des hommes de confiance de Joe. Il n’y mit qu’une condition : demeurer
à la tête de son entreprise, ce que Joe accepta sans barguigner… avant de
flanquer l’intéressé à la porte deux semaines plus tard.
D’une certaine façon, Edward Albee pouvait s’estimer heureux, car les
méthodes expéditives de Joe pouvaient prendre une tout autre tournure.
Alexander Pantages l’apprit à ses dépens. Cet ancien cireur de chaussures,
d’origine grecque, avait connu une réussite fulgurante qui lui avait permis
d’acquérir une bonne soixantaine de salles de cinéma. Le joyau de ce réseau
de distribution – le second de Californie – était sans conteste le Hollywood
Pantages, qu’il avait fait décorer à grands frais56. La fortune de Pantages
était alors évaluée à une trentaine de millions de dollars.
Joe se mit en tête de racheter les théâtres de Pantages et, face à son refus,
n’hésita pas à le menacer. Peu après, les grands studios hollywoodiens lui
refusèrent l’exclusivité de leurs longs métrages. Pour la société de Pantages,
il s’agissait déjà d’un coup dur. Le pire était pourtant à venir.
En août 1929, une jeune fille de 17 ans, Eunice Pringle, l’accusa de viol.
La machine infernale était en route. Elle broya littéralement Pantages, qui
n’avait aucune chance face à la rouerie de la gamine et à ses faux airs de
Mary Pickford. La presse locale, du Los Angeles Times au Herald
Examiner, accabla Pantages à longueur de colonnes, au mépris de la
présomption d’innocence et malgré le caractère vaseux des accusations
portées contre lui. Le jury ayant déclaré Pantages coupable, celui-ci fut
condamné à cinquante ans de prison, avant que la Cour suprême de
Californie, relevant les anomalies ayant émaillé le procès, ne décide que
l’affaire serait rejugée. Le procès d’appel mit en lumière les contradictions
du chef d’inculpation ainsi que les invraisemblances du dossier
d’accusation. En novembre 1931, Pantages fut acquitté, mais le mal était
déjà fait. Il était devenu définitivement persona non grata à Hollywood, où
on le fuyait désormais comme la peste.
Joe Kennedy avait tout lieu de se frotter les mains de l’infortune de
Pantages. Au printemps de 1929, il avait formulé une offre de rachat de
8 millions de dollars et voilà que le bien convoité tombait dans son
escarcelle, deux ans plus tard, pour beaucoup moins que la moitié de cette
somme !
La mariée était trop belle, ainsi que la suite devait le confirmer. Quelque
temps plus tard, taraudée par sa conscience, Eunice Pringle fit savoir qu’elle
allait révéler toute la vérité sur son viol. Elle n’en eut guère le temps, car
elle mourut peu après dans des conditions mystérieuses. On parla aussitôt
d’un empoisonnement au cyanure, mais aucune autopsie ne fut ordonnée
pour le vérifier. La presse, de son côté, s’abstint d’évoquer la confession
d’Eunice, à l’article de la mort, suivant laquelle Joe Kennedy aurait été
l’auteur de la machination contre Pantages. Aurait-il stipendié la jeune
femme pour faire un faux témoignage moyennant une somme de
10 000 dollars ? En l’absence de toute enquête, le mystère demeure entier.
À la tête désormais du FBO et de la Keith-Albee-Orpheum – pour un
salaire de 6 000 dollars par semaine –, Joe décida de ne pas s’en tenir là,
même si son agressivité commençait à être diversement appréciée. En
octobre 1928 naissait RKO (Radio Keith Orpheum) de la fusion du FBO et
de la KAO. Au capital de 80 millions de dollars figurait la RCA, qui avait
converti ses titres du FBO en actions de la nouvelle société. En rétribution
de son travail de fusion des sociétés, Joe s’octroya des honoraires de
150 000 dollars. Et il en devint le président, bien sûr.
À la direction générale de RKO, Joe fit nommer son ami John J. Ford. Il
régla aussi le compte de Pathé Exchange Inc., la branche américaine du
groupe fondé en 1896 par les Français Charles et Émile Pathé, dont il avait
pris le contrôle au printemps 1928. Pathé produisait alors un journal
hebdomadaire d’actualités filmées. Sous la férule de Joe, Pathé Exchange
fut soumis à une cure d’amaigrissement draconienne : réduction drastique
des postes de dépense, salaires divisés par trois ou quatre. Comme
d’habitude, Joe tailla à la hache dans le budget de l’entreprise, sans omettre
de s’accorder une gratification substantielle : en l’occurrence, un demi-
million de dollars en honoraires.
L’absorption de Pathé vira au dépeçage quand RKO racheta aux
actionnaires du groupe leurs titres pour la valeur unitaire d’1,5 dollar alors
qu’ils valaient au bas mot 30 dollars. Du reste, pour ceux qui avaient la
chance de faire partie du groupe Pathé, Joe avait fixé le rachat des actions
au prix unitaire de… 80 dollars. Certains hurlèrent à la magouille et
à l’escroquerie. Les rumeurs se répandirent jusqu’au Congrès de
Washington où fut évoqué ce « délit d’initiés » avant la lettre. Il est vrai que
l’action achetée pour 1,5 dollar aux actionnaires avait miraculeusement
grimpé, trois mois plus tard, à une cinquantaine de dollars. Mais la courte
enquête déclenchée à ce sujet tourna court, William H. Hays en personne se
chargeant d’étouffer l’affaire. Nul n’avait intérêt à un nouveau scandale.
Peu auparavant, Hays avait tenu des propos élogieux sur Joe : « Un homme
qui, par ses idées et par ses idéaux en affaires, comme par son
comportement exemplaire en famille, apporte à la profession
cinématographique une bonne part de ce qui lui a manqué jusque-là9. »
Joe Kennedy continuait pourtant d’inspirer des sentiments mitigés aux
magnats de la profession. La première fois que Marcus Loew, un des
fondateurs de la MGM, avait entendu parler de lui, il n’avait pu se
contenir : « Un banquier ! Un banquier ! Voyez-vous ça. Je pensais que ce
métier était tout juste bon pour les fourreurs10 ! » Loew était un vieux de la
vieille qui avait débuté dans le show-business en créant une chaîne de
nickelodeons baptisée Loew’s Theaters (les « Cinémas Loew »). Et les
banquiers n’étaient pas les bienvenus dans les studios : on savait que, tôt ou
tard, leurs suggestions se transformeraient en restrictions imposées pour
finir en ordres comminatoires.
Quoique partisan de la rentabilité immédiate, Kennedy n’était pas un de
ces banquiers qui révulsaient tant les producteurs. Homme de finance, il
dirigeait aussi un studio, fût-il de taille assez modeste, et y détenait même
des responsabilités opérationnelles. Sans être vraiment des leurs, il parvint
cependant à gagner leur respect grâce à son idée lumineuse de suggérer
à Wallace B. Donham, le doyen de Harvard Business School, l’organisation
d’un grand symposium sur le cinéma.
Le cinéma à Harvard ! Le parfum sulfureux de la rue et du scandale
s’insinuant dans le milieu aristocratiquement feutré d’une institution
académique presque tricentenaire ! L’hérésie était totale. Peu auparavant, le
président de Harvard, A. Lawrence Lowell, s’était ouvertement prononcé en
faveur d’un quota limitatif visant les étudiants juifs. Et c’étaient des juifs
immigrés – l’écrasante majorité des producteurs hollywoodiens – qui
professaient à présent leur savoir et leur expérience à la crème des WASP,
l’élite de l’élite américaine !
On était au début de 1927 et Lowell, initialement hostile, avait fini par
accorder son feu vert au projet de symposium de Joe. Pour plus de sécurité,
ce dernier avait fait miroiter la promesse d’une contribution personnelle de
30 000 dollars pour l’installation au Fogg Museum d’une bibliothèque
dédiée au cinéma. Le projet n’en était pas moins provocateur, car il
valorisait un milieu miné par les scandales et honni des honnêtes gens. Il
était d’ailleurs curieux qu’un tel projet émanât d’un homme bien sous tous
rapports ; un homme ayant bâti sa réputation dans le secteur le plus
honorable qui fût, la banque. Paradoxe suprême, cet homme n’avait jamais
fait mystère de son mépris pour les gens de Hollywood.
Mais comment Harvard aurait-il pu rester sourd à cet appel de la
modernité que symbolisait le cinéma ? Comment aussi les invités à ce
séminaire insolite – une grande douzaine de manitous des grands studios –
ne se seraient-ils pas sentis flattés par une telle initiative ? Pour ces self-
made men qui n’avaient pas le moindre diplôme universitaire en poche et
qui, bien souvent, n’avaient jamais été à l’école, Harvard était la planète
Mars.
Tous ces nababs de la production avaient déjà apprécié à leur juste valeur
les efforts récents de Joe Kennedy visant à juguler la production
« sauvage ». Ils l’avaient soutenu quand il avait plaidé en faveur de la
centralisation des studios en même temps qu’il prônait l’« intégration
verticale » de la production, de la réalisation, de la distribution et de la
projection. Or le séminaire de Harvard57 était tout autre chose qu’une simple
question d’intérêts bien compris. Auprès de cette brochette de producteurs,
déjà millionnaires en dollars, il sonnait comme une sorte de cadeau de Noël.
Leurs regards émerveillés, dans la grande bibliothèque de l’université, la
Baker Memorial Library, se passaient de commentaire.
Au moment de prendre la parole, un Marcus Loew balbutia, la voix brisée
par l’émotion : « Je ne saurais commencer sans vous avouer à quel point je
suis impressionné de pénétrer dans cette si prestigieuse institution, moi qui
auparavant n’avais jamais mis les pieds dans une université. » Il n’aurait
osé avouer qu’il était né dans un taudis du Lower East Side, à New York. Se
souvenant, pour sa part, qu’il avait débarqué de sa Hongrie natale avec
seulement 40 dollars cousus dans la doublure de sa veste, un Adolph Zukor
n’était pas moins intimidé. Et Carl Laemmle, le patron d’Universal Studios
qui avait débuté comme petit aide-comptable. Et Louis B. Mayer, le maître
emblématique de la MGM, qui avait été dans sa jeunesse trafiquant de
ferraille dans les rues. Et Harry Warner, émigré de sa bourgade polonaise,
qui avait ouvert une boutique de bicyclettes à Youngstown, Ohio.
Dans ce show un peu particulier, Joe Kennedy se tailla la part du lion en
jouant avec brio les « Monsieur Loyal ». Lui-même expliqua, dans une
synthèse talentueuse, pourquoi l’industrie du cinéma, apparue de très
fraîche date, occupait désormais la première place à l’échelle nationale. Il
ne se trouva personne pour lui marchander son moment de gloire
académique, car tout le mérite de ce symposium lui revenait.
Joe avait tout lieu de se frotter les mains. Il venait de s’assurer en un
tournemain la gratitude de ses pairs hollywoodiens qui, jusque-là, étaient
très soupçonneux envers lui. Afin de parfaire son avantage, Joe n’hésita pas
à faire imprimer les diverses interventions au séminaire et à les faire relier
luxueusement sous un intitulé un peu prétentieux : The Story of the Films
(L’Histoire des films). Il ne manqua évidemment pas de faire remettre
gracieusement un exemplaire de l’ouvrage à chacun des quatorze
richissimes intervenants.
Gloria
Joe avait débarqué dans La Mecque du cinéma dans le dessein de
s’enrichir. Trente-deux mois plus tard, il avait réussi au-delà de toute
espérance. Au seuil de la quarantaine désormais, il avait tout lieu d’être
satisfait, même si le stress du business et des quatorze heures de travail
quotidien qu’il s’infligeait lui avait fait perdre une bonne quinzaine de kilos
et gagner de nouveaux ulcères à l’estomac.
Le résultat était là, incontestable : entre les bonus liés aux fusions et
acquisitions qu’il avait organisées, les bénéfices résultant de l’achat puis de
la revente d’actions en masse et ses multiples salaires de patron de
compagnies cinématographiques, outre d’autres gratifications plus occultes,
Joe accrut son patrimoine de plus de 5 millions de dollars11.
Satisfait, de toute évidence. Mais comblé ? Joe était bien trop jeune et bien
trop ambitieux pour être à l’heure du bilan. Riche, il l’était, mais il était
encore loin d’avoir atteint tous ses objectifs. Ce n’était d’ailleurs pas
à Hollywood, ce lieu en perpétuel mouvement, qu’il pourrait s’adonner aux
délices de l’autosatisfaction. La fortune et le pouvoir qui innervaient en
permanence cet endroit mythique représentaient le plus puissant des
aphrodisiaques. Sans compter qu’à Hollywood, le plaisir faisait bon ménage
avec les affaires. Plus qu’en tout autre lieu, la fortune y attirait
inexorablement les bonnes fortunes.
Le sexe indissociable du business… Cela convenait bien à Joe, qui avait
fait depuis longtemps de ce couple une philosophie de vie. Hollywood
devint pour lui l’occasion rêvée de triompher sur les deux tableaux et
d’asseoir une double réputation d’homme d’argent et d’homme à femmes.
Tout comme dans le business, Joe avait pris l’habitude de mener ses
affaires rondement et avec méticulosité, quand ce n’était pas à la hussarde.
Ses manières ressemblaient-elles parfois à celles d’un palefrenier ?
Qu’importait ! Là aussi, il agissait en vrai professionnel, écumant le plus
consciencieusement possible le milieu des starlettes. On chuchotait qu’il
n’hésitait pas à entreprendre les petites amies de ses associés, et jusqu’à
leurs épouses.
Il lui manquait cependant cette référence suprême qui le classerait
définitivement dans la catégorie des séducteurs d’exception. De ce manque,
il prit vraiment conscience le jour où un des patrons de la First National,
Bob Kane, évoqua en sa présence le nom de Gloria Swanson. Comment
aurait-il pu éviter d’en entendre parler ?
Avec Charlie Chaplin, Mary Pickford et Douglas Fairbanks, Gloria était de
ces stars qui faisaient la légende de Hollywood. Depuis ses débuts sur les
plateaux à l’âge de 16 ans dans des rôles d’ingénue, elle avait accumulé les
succès. Elle avait également comblé ses réalisateurs et producteurs, de Cecil
B. DeMille à Sam Wood et Joseph Schenck, au gré des contrats mirifiques
qu’elle avait passés avec Essanay, United Artists ou encore Famous Players.
Égérie du cinéma muet, Gloria Swanson était tout autant une célébrité en
dehors des plateaux où ses admirateurs se comptaient par centaines de
milliers58. Qui pouvait se targuer de ne pas être tombé, un jour ou l’autre,
sous le charme de cette sirène qui incarnait si parfaitement le rêve
américain de beauté, de fortune et de sophistication ?
Raffinée jusqu’au bout des ongles, le sourire éclatant et la coiffure
impeccable, elle était la reine incontestée de Hollywood. Ses yeux bleu
délavé qui lui mangeaient le visage, sa bouche sensuelle et son corps de
déesse la rendaient proprement irrésistible. Mettant les hommes à ses pieds,
Gloria Swanson séduisait jusqu’aux femmes par son esprit d’indépendance
aux lisières du féminisme. On se gaussait du fait qu’elle n’invoquait jamais
« mon Dieu », mais « madame Dieu ». On chuchotait aussi qu’elle était
aussi libérée sexuellement qu’un homme pouvait l’être.
Plus d’une femme, en ce temps-là, cherchait à ressembler à Gloria
Swanson. Une de ses photographies, prise en 1924 par Edward Steichen, où
son visage apparaissait à demi dissimulé sous une mantille, avait fait le tour
du monde. Se parfumait-elle à l’écran en laissant bien en évidence face à la
caméra la marque du flacon ? Aussitôt, les ventes de ce parfum grimpaient
en flèche. Un magazine de cinéma donnait-il des précisions sur la pointure
de ses chaussures ? Les femmes exigeaient de leurs chausseurs la même
pointure, quand bien même celle-ci était trop étroite pour leurs pieds…
Pour Joe Kennedy comme pour la plupart de ses contemporains, Gloria
Swanson symbolisait le Graal féminin. Une femme fascinante dont l’allure
folle n’avait d’égal que le train de vie fastueux. De sa salle de bains en
marbre noir, avec baignoire et lavabo en or, à ses quatre secrétaires et
assistantes à son service nuit et jour, la belle ne manquait jamais une
occasion de s’exhiber dans le luxe et l’opulence12.
Joe se mit en tête de conquérir ce trophée inaccessible. Il sentit que son
heure était arrivée quand il sut qu’elle envisageait de fonder sa propre
société de production. La Paramount d’Adolph Zukor avait beau la payer
à prix d’or et faire ses quatre volontés, la star s’était laissé convaincre
qu’elle se faisait exploiter. Peut-être Gloria croyait-elle aussi qu’elle avait la
trempe d’une businesswoman et pourrait passer aisément de l’autre côté de
l’écran, dans la production. On était en novembre 1927.
Joe fut approché par Bob Kane, un des patrons de la First National, qui lui
apprit que les affaires de Gloria périclitaient et qu’elle traversait même de
sérieuses difficultés financières. Selon Kane, l’actrice avait besoin de
remettre de l’ordre dans ses affaires et d’être reprise en main.
Avec tact et discrétion, Kane loua la sagacité et l’expertise de Joe
Kennedy auprès de Gloria. Au début, celle-ci se montra méfiante. Elle avait
très peu entendu parler de ce M. Kennedy dans les studios. En revanche,
elle se souvenait très bien que son nom figurait parmi ceux d’une quinzaine
d’autres pontes hollywoodiens en bas d’un télégramme qui condamnait le
caractère « scandaleux » de son dernier film, Sadie Thompson.
Adapté d’une histoire de Somerset Maugham, le film racontait l’histoire
d’une prostituée exilée à Pago Pago, dans le Pacifique, qu’un missionnaire
puritain cherchait à sauver avant d’en tomber lui-même amoureux puis de
se suicider. Provocateur, Sadie Thompson affranchissait Gloria des rôles
convenus qu’on lui faisait habituellement jouer, qui n’étaient que prétexte
à aventures sexuelles sous couvert de fables moralisatrices.
Mais le métier de producteur ne s’improvisait pas. Gloria n’avait plus
guère le choix lorsqu’elle accepta une invitation à déjeuner de Joe Kennedy,
le 11 novembre de cette année-là. Cela se passa au Savoy Plaza, le palace
réputé de la Cinquième Avenue où était descendue l’actrice. Veillant à ne
pas paraître l’obligée de Joe, elle avait fait ordonner au maître d’hôtel de lui
adresser la facture de restaurant en laissant croire à son convive que le repas
était offert par la direction.
Cette première rencontre entre Joe et Gloria, dans la Renaissance Room
du grand hôtel, prit un tour involontairement comique. Si sûr de lui
d’habitude, le banquier Kennedy paraissait peu à son aise. On eût dit qu’il
se trouvait à son premier rendez-vous amoureux et que son cynisme
coutumier l’avait cédé à une gaucherie de collégien transi. Non sans
amusement, Gloria observa qu’il portait un costume trop large tandis que
son nœud de cravate était exagérément desserré. Il ne lui échappa pas non
plus qu’il n’avait pas eu le réflexe de se munir de feu pour allumer la
cigarette qu’elle tenait ostensiblement entre ses doigts graciles.
Habituée aux hommes galants, Gloria en conclut que les bonnes manières
de Joe laissaient plutôt à désirer. Même ses postures de grand seigneur ne
semblaient pas naturelles et renvoyaient plus volontiers à une sorte
d’ostentation autosatisfaite. Joe semblait surtout en faire un peu trop
lorsqu’il s’esclaffait bruyamment ou se tapait sur les cuisses au moindre
trait d’humour de sa convive. Somme toute, il n’avait pas trop l’air d’un
banquier.
Ayant déjà à son actif un nombre impressionnant de soupirants ou de
prétendants, Gloria connaissait la chanson. Ce Joe Kennedy si excessif et
émotif cherchait manifestement à la séduire. Et il ne manquait pas d’air :
— Dites-moi, comment avez-vous pu réussir l’exploit de vous entendre
avec Will Hays sur la diffusion de Sadie Thompson13 ?
— Je l’ai invité à déjeuner et je le lui ai demandé. C’est tout.
Joe adressa un sourire entendu à Gloria qui resta de marbre.
— En tout cas, ce n’est pas grâce à vous ni à vos chers collègues
signataires de ce télégramme assez puéril que tout a pu s’arranger. Cette
espièglerie m’a coûté au passage quelques milliers de dollars en honoraires
d’avocat.
— Je n’ai cosigné ce télégramme que pour retourner la politesse à ces
gens.
— La politesse ?
— Il y a huit mois de cela, ils ont accepté de figurer dans un symposium
que j’avais organisé à Harvard sur l’industrie du cinéma.
Gloria se fit sarcastique :
— Ah ! je vois : le fameux Pinochle Club59. C’est ainsi que je désigne ces
nababs de l’establishment hollywoodien qui se prennent pour Dieu le
père…
Elle se rengorgea :
— Ainsi vous êtes banquier, distributeur de films et vous organisez en plus
des symposiums. Je me trompe ?
— Non. Je produis aussi des films.
— Vraiment ? Quoi au juste ?
Joe se risqua à citer quelques-uns de ses westerns et ne put s’empêcher de
vanter La Chasse au gorille.
— … Mon plus grand succès.
— Jamais entendu parler.
— OK, ce n’est pas un chef-d’œuvre. Mais il m’a rapporté beaucoup
d’argent.
Les présentations étaient terminées. Gloria évoqua son dilemme du
moment entre deux projets de financement qui venaient de lui être soumis :
celui d’United Artists et celui proposé par la Bank of America. Joe lui parla
sur un ton très professionnel de bilan et de comptabilité. Il s’enquit au
passage des recettes des films de Gloria. Elle n’avait pas de décompte
précis, ce qui ne sembla guère l’étonner, les chiffres étant souvent faussés
par les entrées gratuites ou de complaisance.
— Je ne peux pourtant pas me poster devant chaque cinéma pour compter
les entrées, comme le fait la mère de Mary Pickford…
— Ah ! bon, elle fait ça ?
— On le prétend, mais je n’en jurerais pas car elle ne m’a jamais
emmenée avec elle14.
Bien sûr, Gloria était impressionnée par la technicité des propos de Joe. En
prenant congé, celui-ci l’exhorta à changer de fond en comble sa gestion.
La banqueroute était dans l’air.
Gloria ne savait que penser de cet homme insaisissable. Il était
certainement compétent et qualifié, mais il avait aussi tendance à confondre
séduction et business. Ce déjeuner ne lui avait rien apporté et pourtant, elle
n’en était pas ressortie contrariée. Son instinct lui disait qu’elle reverrait Joe
d’ici peu.
Elle ne se trompait guère. Trois heures plus tard seulement, le téléphone
sonnait dans la suite de Gloria. Joe au bout du fil. Il avait réussi à soudoyer
la petite standardiste de l’hôtel pour qu’elle brave l’ordre de la star de ne
pas la déranger. Il avait découvert qu’elle avait réglé l’addition à sa place et
l’invitait à dîner le soir même à Long Beach.
À sa grande stupéfaction, Gloria se vit déplacer un engagement qu’elle
avait déjà pris. Quel genre d’homme était donc ce Joe Kennedy pour qu’elle
bouscule ainsi sans broncher son agenda de star ? La réponse, elle l’avait
déjà sur le bout des lèvres : un homme dont l’intelligence se doublait d’un
aplomb hors normes.
S’estimant déjà assez familier avec Gloria, Joe se permit de lui arracher
une faveur au bénéfice de son ami Sidney Kent. En pleine procédure de
divorce, ce dernier sollicitait du tribunal un renvoi de son affaire. Et il se
trouvait que l’avocat de sa femme, Milton Cohen, était également celui de
Gloria. Elle accepta d’autant plus facilement d’intervenir auprès de
l’homme de loi que Kent était un grossium de la Paramount et que Joe
comptait sur lui pour obtenir le relevé des recettes des films de l’actrice.
Peu à peu, sans qu’il y eût le moindre coup de foudre, Gloria s’accoutuma
à Joe. Celui-ci savait y faire, même si ses ficelles étaient plutôt grossières et
s’il persistait étrangement à lui offrir des orchidées qui n’étaient pas, de
loin, ses fleurs préférées. Il avait de la suite dans les idées et son côté
directif, rebutant de prime abord, tranchait avec celui de tous ces hommes
indécis et un peu veules que Gloria rencontrait habituellement. Joe était
surtout un grand séducteur qui savait la faire rire. La jeune femme se prit au
jeu. Elle imitait volontiers l’accent bostonien de Joe, cela provoquait chez
lui des éclats de rire un peu surjoués. De toute autre femme, Joe ne l’eût
certes pas toléré, de même qu’il n’eût jamais accepté qu’au restaurant sa
compagne choisît invariablement des mets végétariens. Mlle Swanson,
comme on l’appelait sur les plateaux, était si différente des autres femmes.
Elle l’avait déjà laissé pantois lorsqu’elle lui avait lancé comme par
bravade qu’elle était la première star à avoir repoussé un contrat
d’un million de dollars. Mais elle le bluffa littéralement lorsqu’il entra pour
la première fois dans sa somptueuse demeure de Beverly Hills, sur Crescent
Drive. Celle-ci avait appartenu autrefois à King Camp Gillette, le
millionnaire des rasoirs de sûreté. Pas moins de vingt-deux pièces et cinq
salles de bains sur deux étages, desservis par un ascenseur privé. Une
décoration d’un style élégamment classique aux tonalités gris perle et grège.
Quatre majordomes, une domesticité pléthorique. Qui pouvait dire mieux ?
Dire que cette femme convoitée par tous les hommes venait de lui confier
la gestion de toutes ses affaires ! Mieux encore, elle le sollicitait à présent
pour qu’ils fassent un film ensemble ! Joe ne put s’empêcher de battre des
mains tel un gamin émerveillé devant le sapin de Noël. Ils se mirent tout de
go à réfléchir à un sujet de film et à un nom de réalisateur qui pourrait
donner vie à ce projet.
De ce moment, Joe et Gloria ne se quittèrent quasiment plus. Le business,
bien sûr. La société de production de Gloria fut promptement dissoute au
profit d’une structure commune baptisée Gloria Swanson Pictures Inc. Les
avocats de Gloria en furent consternés, mais Joe leur signifia sèchement
qu’ils n’avaient plus leur mot à dire.
Le plaisir n’était jamais très éloigné avec Joe. Il invita Gloria chez lui pour
un souper fin et lui fit promettre de venir, elle et son époux, chez lui à Palm
Beach après les fêtes de Noël. À 29 ans, Gloria en était à son troisième
mari, épousé en janvier 1925, James Henri Le Bailly de La Falaise, marquis
de La Coudraye, dit Henry de La Falaise. Cet homme assez terne, issu
d’une vieille noblesse normande, fils d’un champion olympique d’escrime,
était un authentique héros de guerre. Gloria l’avait rencontré à Paris lors
d’un tournage où il lui servait d’interprète. D’un physique avantageux,
portant beau, sociable – dans les réceptions, on le surnommait « Hank » –,
Henry n’était pas doté d’une personnalité telle qu’il eût discuté les décisions
de son épouse60.
Le mari n’était guère un obstacle sérieux. Joe en eut la confirmation
lorsque le couple vint lui rendre visite en Floride, en janvier 1928. Le train
venait à peine de s’immobiliser, le brave Henry s’occupant des bagages en
compagnie d’Eddie Moore, que Joe se rua comme un perdu vers le
compartiment de Gloria. La repoussant vivement vers l’intérieur, il
l’embrassa à pleine bouche. Il était dans un tel état d’excitation qu’il se
heurta le front contre le casier à bagages et en perdit ses lunettes. Plus
stupéfaite qu’effarouchée, Gloria s’amusa du spectacle de Joe à quatre
pattes, des traces de rouge à lèvres sur le visage, cherchant désespérément
ses lunettes15.
Ce prélude à l’emporte-pièce devait donner le ton de ce qui allait
s’ensuivre. Pendant que l’équipe rapprochée de Joe – de Charlie Sullivan
à Ted O’Leary – prenait en charge le marquis de mari et l’entraînait dans
une partie de pêche appelée à durer, lui-même s’en allait rejoindre Gloria
dans sa suite somptueuse de l’hôtel Royal Poinciana.
— Il fallait me dire que vous préfériez les œillets aux orchidées.
Tenue casual, pantalon de flanelle, chandail souple et chaussures
bicolores, Joe était planté devant la chambre de Gloria. Celle-ci n’eut même
pas le temps de lui répondre. La suite, elle la raconterait elle-même dans ses
Mémoires16 : « Il déboula si vite que sa bouche fut sur la mienne avant que
nous ayons pu échanger le moindre mot. Il me tenait par la nuque et, de
l’autre main, me palpait en arrachant mon kimono. Il était de plus en plus
pressant et grognait : “Je n’en peux plus. Viens.” On eût dit un cheval pris
au lasso – brutal, ardent, se débattant pour se libérer. Après un bref
orgasme, il resta étendu auprès de moi, me caressant les cheveux. En dehors
de ses gémissements passionnés et confus, il n’avait encore rien dit. »
Ce fut le début d’une liaison enflammée. Commencée à Palm Beach, elle
se prolongea crescendo à Beverly Hills. Aveuglé par son engouement pour
la star, Joe en perdait le sens du discernement et de la mesure. Gloria
laissait faire, amusée par ces « murmures passionnés », selon sa propre
expression, et sans doute aussi un peu flattée. Elle prit l’habitude d’aller
dormir chez Joe, avant d’être ramenée chez elle au petit matin, histoire de
préserver les apparences. Rares étaient ceux qui savaient qu’elle couchait
plus souvent avec son nouvel amant qu’avec son mari. Joe ne devait
d’ailleurs pas tarder à régler le problème de Henry à sa façon : il lui trouva
un poste de direction bien rémunéré dans une filiale de Pathé… à Paris, où
il devait résider dix mois sur douze61.
Joe avait le champ libre. Gloria se fût sûrement satisfaite d’une
collaboration professionnelle, pimentée éventuellement de quelques ébats
sexuels. N’étant pas en manque de propositions masculines, elle estimait
qu’elle ne pouvait s’engager plus avant. En tout cas, elle refusa fermement
à Joe de lui faire un enfant. Mais c’était mal connaître cet homme qui
détestait les demi-mesures, surtout avec Gloria qui était sa plus belle
conquête.
Le sentiment de possessivité de Joe franchit de nouvelles limites. Peu
à peu, il régit la vie de Gloria. De la surveillance de ses comptes et de ses
finances, il passa au contrôle de sa vie sociale. Et puisque cette femme qui
trompait allègrement son mari était aussi capable de le tromper lui, Joe, il fit
placer subrepticement des micros dans la demeure de Gloria17.
Joe insista pour que le petit orphelin de guerre français que Gloria venait
d’adopter fût baptisé Joseph et portât même Patrick en second prénom. Bien
sûr, il en devint aussi le parrain. Ne reculant devant rien, Joe se piqua de
présenter sa famille à sa maîtresse ! Méprisant les rumeurs qui
commençaient à circuler sur leur compte, il invita Gloria et ses enfants
à passer la fête de Halloween chez lui à Riverdale. Un peu choquée par ce
manque de tact, la star en repoussa d’abord l’éventualité. Mais Joe insista :
— S’il te plaît, j’ai promis à ma femme et à mes enfants que vous
viendriez18.
Gloria n’était pas de taille à contrecarrer les plans de Joe : « Je ne pouvais
même pas discuter avec lui, ça aurait mal tourné19. » Ils convinrent d’un
compromis : ses deux enfants se rendraient chez les Kennedy, mais pas elle.
Certes, Gloria éprouvait moins de gêne à fréquenter Hyannis Port chaque
fois que Rose tournait les talons pour un de ses interminables périples en
Europe. Les enfants Kennedy ne lui étaient pas hostiles. Kathleen Kennedy
demanderait même à son père de lui faire parvenir une photo dédicacée de
« miss Swanson ». Jack, 12 ans, fut moins enthousiaste le jour où, sur un
petit voilier, il surprit malencontreusement Joe et Gloria dans une de leurs
étreintes passionnées. Bouleversé, le jeune garçon se jeta à l’eau pour fuir
ce spectacle et Joe dut plonger à son tour pour le rattraper.
Ce ne fut d’ailleurs pas la seule fois que Jack serait le témoin des élans
amoureux de son père. Un autre jour, à Westchester, une scène du même
genre se produisit entre Joe et Gloria. S’apercevant de la présence de Jack,
celle-ci s’écarta instinctivement, mais Joe la rattrapa et, indifférent au
regard de son fils, la serra encore plus fort.
Les riverains du cap Cod, eux, s’habitueraient à la Rolls rouge rutilante de
la star et à ses deux énormes chiens débarquant sur Marchant Avenue où
était la résidence secondaire des Kennedy. Ils se souviendraient également
de ce jour mémorable de l’été 1929 où Gloria avait débarqué d’un
hydravion à Hyannis Port. Joe en personne était venu la chercher à bord de
son canot pour la ramener sur la terre ferme. Une vraie scène de cinéma.
Amants, Joe et Gloria n’oubliaient pas pour autant qu’ils restaient
partenaires dans le business. Leurs intérêts étaient convergents. Il détenait
une position confortable à Hollywood tandis qu’elle avait une carrière
brillante à y poursuivre. Gloria flattait sa fierté masculine tout en ajoutant
à son prestige et à sa puissance. Joe, lui, pouvait aider Gloria – qui avait
déjà eu sa première nomination aux Oscars pour Sadie Thompson –
à franchir un nouveau cap.
Leur projet de film les poussa à engager Erich von Stroheim. Viennois
d’origine, celui-ci était un des metteurs en scène les plus talentueux de sa
génération. Il venait de triompher avec La Veuve joyeuse, dont les décors
fastueux avaient fait pâlir de jalousie le grand Cecil B. DeMille. Talentueux
sans doute, mais d’un commerce fort désagréable. Austère, revêche et
même arrogant, il cherchait, eût-on dit, à ressembler à l’image qu’on lui
avait accolée : « L’homme que vous aimerez haïr. » À la fois réalisateur et
acteur – particularité qu’il partageait avec Chaplin –, il était cantonné dans
les castings aux rôles antipathiques d’officiers prussiens. Derrière la
caméra, Stroheim – il avait usurpé sa particule – était d’un perfectionnisme
quasi pathologique, homme-orchestre omniprésent jouant aussi au
scénariste, au décorateur, voire au costumier.
Avec Stroheim, dont le côté dépensier était légendaire, c’étaient les ennuis
et même le scandale assurés. Opérette viennoise légère, La Veuve joyeuse de
Franz Lehár était devenue sous sa direction un florilège d’orgies et de
débauche dans l’atmosphère perverse d’une cour royale d’Europe centrale.
Le pire était toujours à redouter avec cet homme aussi fantasque
qu’exigeant. Bien sûr, Gloria était au fait de la réputation sulfureuse de
Stroheim. Mais Joe ?
— Oui, je suis déjà au courant, mais il est l’homme qu’il nous faut. Je
saurai bien le gérer20.
Dans ses cartons, Stroheim avait un projet sur lequel il avait déjà
beaucoup travaillé et auquel il avait même déniché un titre : The Swamp
(« Le marécage »). C’était l’histoire d’une jeune catholique irlandaise
recluse dans un couvent et nommée Kitty Kelly. Novice ravissante, elle était
tombée amoureuse d’un prince charmant rencontré par hasard qui finirait
par l’affranchir de sa condition. Le scénario foisonnait de scènes
équivoques. Une fois de plus, Stroheim bravait les bonnes mœurs de
l’Amérique puritaine et jouait avec le feu vis-à-vis de la censure.
Pourtant, le projet plut aussitôt à Gloria. De son côté, Joe n’y opposa
aucune objection. Il fit aménager pour sa maîtresse et associée un bungalow
luxueux décoré et équipé à grands frais. Dès le début du tournage de Queen
Kelly (La Reine Kelly) en novembre 1928, les ennuis commencèrent par une
cascade d’incidents, d’avanies et de retards : ce que les initiés appellent
habituellement un « film maudit ». Ce n’était encore rien, comparé aux
manies de Stroheim et à son caractère maladivement tatillon qui
compromirent bien vite l’harmonie du film. Sous sa direction, les prises se
démultipliaient et des kilomètres de pellicule étaient voués à finir à la
poubelle. Un gâchis gigantesque était dans l’air, annonciateur d’une
explosion dramatique du budget. Gloria était ressortie épouvantée du
visionnage des premiers rushes. Le film était tout autre chose que ce qui
était envisagé et certaines scènes initialement anodines étaient devenues
scabreuses. Dans une scène, la jeune Kitty Kelly jetait même sa petite
culotte à froufrous au visage du prince Wolfram.
Un jour, Gloria en eut assez et claqua la porte du plateau :
— C’est une catastrophe ! Tu dois faire quelque chose, Joe21.
Ayant lui-même revu les scènes incriminées, Joe s’effondra en larmes,
maudissant le fautif :
— Ce Stroheim ne devrait plus jamais être autorisé à faire un film !
Gloria et lui avaient dépensé 800 000 dollars sur ce film62. Autant d’argent
gaspillé en pure perte :
— Je n’ai jamais connu d’échec de toute ma vie22.
Plusieurs jours durant, Joe resterait prostré telle « une baleine échouée »,
à en croire Gloria. Elle-même ne valait guère mieux. À bout de nerfs, elle
semblait harassée, les traits tirés et ne pesant plus que 50 kilos. Elle hurla
qu’elle ne voulait plus entendre parler de cinéma23. Dès le renvoi de
Stroheim, elle se mit cependant en quête d’un autre réalisateur afin de
sauver le film. Plusieurs personnalités furent pressenties, jusqu’à ce que le
grand Irving Thalberg, le deus ex machina de la MGM63, persuadât Gloria
d’abandonner définitivement le projet. De toute façon, à l’exception de
Chaplin, qui restait un inconditionnel du cinéma muet, le talkie était sur le
point de tout balayer.
Peu après, Gloria s’intéressa à un nouveau scénario de film. Intitulé The
Trespasser (L’Intruse), il s’agissait d’un mélodrame classique dont
l’héroïne, une jeune dactylo, s’était amourachée d’un jeune homme riche.
Convaincue d’avoir affaire à une intrigante, la famille du jeune homme
avait fait annuler leur mariage, prélude à des péripéties en cascade. L’idée
plut à Gloria. Joe laissa faire car il n’avait plus le choix. Commentaire acide
de l’actrice : « L’exemple, classique dans le monde des arts, d’un homme
qui a de l’intelligence et du dynamisme à revendre, mais très peu de goût et
de talent24. »
Éloigné de Hollywood, Joe continuait d’appeler Gloria à tout propos.
Ironique, le Boston Evening American relèverait plus tard qu’il avait été
en 1929 l’Américain à s’être acquitté de la note téléphonique la plus élevée
du pays25. Bouclé en six mois, The Trespasser promettait d’éponger une
partie au moins des pertes de Queen Kelly. Ce ne fut guère le cas car le film
fut tourné en deux versions – muette et parlante – pour un budget global de
725 000 dollars. Il eut toutefois un succès d’estime, ce qui valut à Gloria sa
seconde nomination aux Oscars. United Artists ne lésina pas sur la
promotion du film. En septembre, toute l’équipe se retrouva à Londres pour
la première mondiale. Joe proposa à Gloria qu’ils rentrent ensemble aux
États-Unis par le même bateau.
— Tu sais bien que c’est impossible, Joe. On ne peut voyager seuls.
— Mais nous ne serons pas seuls. Rose sera là26.
Gloria n’en revenait décidément pas d’une telle amoralité. Joe alla jusqu’à
lui glisser, entre deux mensonges, que Rose ne s’était encore jamais rendue
en Europe et brûlait d’envie de la rencontrer ! Il était évident que Rose était
l’alibi de Joe face au qu’en-dira-t-on. Et lui-même ne semblait pas en
éprouver la moindre gêne :
— De toute façon, il faudra bien que vous vous rencontriez un jour. Il ne
pourrait y avoir meilleure occasion27…
Une fois encore, Gloria s’inclina devant les exigences de Joe. Absolument
rien dans le comportement de Rose ne laissait présumer qu’elle pouvait être
au courant de la liaison de son époux avec la star. Elle faisait comme si
toute cette histoire et toutes les rumeurs colportées glissaient sur elle.
À aucun moment elle ne se départit de sa bienveillance et de son affabilité
envers Gloria. Condescendante, elle la traita certes parfois en « débutante »
peu familière des cours royales et qu’il convenait de cornaquer. Mais Rose
n’omettait pas non plus de la complimenter sur ses tenues et sur sa
sveltesse, tout en affectant de s’inquiéter de son régime draconien.
Le voyage de retour à New York, sur le paquebot Île-de-France, fut un
peu moins serein, mais Rose n’y était pour rien. À Londres, un courrier
adressé à son nom, alors qu’il ne lui était pas destiné, avait appris à Gloria
que le marquis de La Falaise la trompait. Tout en trouvant naturel d’avoir
une liaison avec Joe, elle détestait l’idée que son époux s’en allât folâtrer de
son côté. Question de fierté féminine, mais surtout de standing. Gloria
n’était pas le genre de femme que l’on pouvait tromper de façon éhontée.
Il est vrai que le désir du si sympathique Henry s’était
malencontreusement porté sur une actrice de cinéma, concurrente de Gloria.
Elle s’appelait Constance Bennett et l’évocation même de son nom plongea
Gloria dans un abîme de colère. Joe lui ayant demandé : « Qui est cette
femme ? », elle s’était contentée de répondre, boudeuse : « Une blonde28. »
La situation devenait vaudevillesque. D’un côté, la femme volage mais
cocufiée hurlait à la trahison et menaçait de divorcer sur-le-champ. D’un
autre côté, Rose, l’épouse trompée par la femme volage, n’en finissait plus
de plaindre la « pauvre petite Gloria ». Ce qui acheva de déconcerter
l’intéressée : « Était-elle une idiote… ou une sainte ? Ou simplement une
meilleure comédienne que moi29 ? »
La dernière des trois hypothèses était la plus plausible. Rose n’était ni une
idiote ni une sainte. Sachant déjà l’infidélité chronique de son mari, elle
avait compris qu’il mettrait tôt ou tard dans son lit cette créature de rêve qui
en faisait fantasmer plus d’un. Il n’y avait là cependant aucun danger et,
avec une froide sagacité, elle avait rangé cette liaison dans la catégorie des
flirts ou des amourettes sans lendemain. Gloria n’était qu’une passade pour
Joe. Quoique trompée, Rose connaissait son mari par cœur. Il craignait
avant tout le scandale et c’est pourquoi, en sa qualité d’épouse légitime et
indéboulonnable, elle restait maîtresse du jeu. Elle ne voyait même pas
l’intérêt d’infliger à son mari une scène de jalousie ou de changer quoi que
ce fût à leur relation conjugale.
De fait, madame Kennedy avait vu juste. Entre Joe et Gloria, le torchon
finit par brûler. La sortie triomphale de The Trespasser à New York, en
novembre 1929, accrut paradoxalement le ressentiment de Joe. C’était le
triomphe exclusif de Gloria et dans leur couple, elle était la seule star. Pour
la première fois de sa vie, Joe se perçut comme un comparse.
La situation n’était pas drôle non plus pour Gloria. Un jour, Ted O’Leary,
un des proches de Joe, passa la chercher à son hôtel pour la convier à une
rencontre mystérieuse avec un certain « M. O’Connell ». Qui était-il ?
O’Leary n’était pas homme à se répandre en explications.
Sur place, on présenta effectivement à Gloria un homme s’appelant
Richard O’Connell. Il était revêtu de la soutane pourpre réservée aux
cardinaux dans la hiérarchie catholique. Le cardinal O’Connell était
l’archevêque de Boston. Il était aussi incidemment un ami proche des
Kennedy. Il avait même marié Joe et Rose une quinzaine d’années
auparavant.
Le cardinal ne finassa pas bien longtemps et finit par se déclarer inquiet de
la relation personnelle de Joe avec Gloria. Celle-ci réagit sèchement,
reprenant illico ses gants et son chapeau. De quoi se mêlait-il ? O’Connell
insista :
— Vous ne paraissez pas saisir la gravité de la situation de Joseph
Kennedy au regard de sa foi.
— Mais pourquoi ne le lui dites-vous donc pas directement ? Il est
catholique, que je sache. Pas moi.
— Je suis là pour vous demander de cesser de voir M. Kennedy.
Visiblement ennuyé, le cardinal finit par reconnaître que Joe avait
demandé aux plus hautes autorités de l’Église l’autorisation de se séparer de
sa femme et de convoler avec une autre. Bien sûr, sa demande avait été
rejetée. Le ton du cardinal finit par se transformer en supplique :
— Je vous en prie, M. Kennedy ne peut être en paix avec sa religion tout
en poursuivant sa relation avec vous. Réfléchissez bien à cela.
— Je le ferai.
L’entretien était terminé30 ; il n’avait pas duré plus d’un quart d’heure.
Gloria se demanderait qui avait bien pu alerter le prélat. Joe lui-même31 ?
Rose ? Un proche de la famille ? L’actrice ne pouvait deviner que le père de
Rose avait sensibilisé l’Église sur ce sujet délicat. Honey Fitz s’était
d’ailleurs lui-même heurté violemment à Joe :
— Si vous ne cessez pas immédiatement votre petit manège, je dirai tout
à Rose.
— Vous n’êtes pas en situation de me donner des leçons de morale. Si
vous parlez à Rose, eh bien moi j’épouserai Gloria32…
Joe n’y pensait même plus lorsqu’il se lança à corps perdu dans un
nouveau projet. Cette fois, tout le mérite lui en reviendrait personnellement
et il n’aurait plus à subir les sarcasmes adressés à « M. Swanson ». Il
s’agissait d’une idée de Sidney Howard, dramaturge et scénariste de renom
qui avait été couronné en 1925 du prix Pulitzer64. Son titre : What
a Widow !.
Joe fut littéralement emballé et remercia Howard en lui offrant une
Cadillac. Certains firent des gorges chaudes de la prodigalité de Joe
Kennedy. Gloria, elle, apprendrait par son comptable Irving Waykoff – un
des rares qui ne faisait pas partie de la maison Kennedy – que le véhicule
luxueux avait été facturé sur son compte personnel à elle.
La confrontation entre les deux amants eut lieu lors d’un dîner chez Joe,
sur Rodeo Drive, un soir de novembre 1930. Acide, Gloria fit observer
à Joe qu’il eût été normal qu’il payât de ses propres deniers la Cadillac de
Sid Howard. Confondu, Joe devint blême, puis réagit comme à son
habitude, haussant le ton et s’emportant. Il quitta le dîner à l’improviste,
sans la moindre explication, et ce fut Eddie Moore qui dut ramener Gloria
chez elle. Peu après, l’actrice apprit que Joe avait filé sur la côte Est. Au
même moment, Ed Derr l’avisa que Joe n’était plus mandaté pour la
représenter.
La faillite de la liaison entre Joe et Gloria fut consommée jusqu’à la lie.
Comme Gloria l’avait pressenti, What a Widow ! fut un fiasco intégral,
confirmant, s’il était besoin, les très médiocres intuitions artistiques de Joe.
La star éconduite découvrit par la même occasion le pot aux roses. Durant
tous ces mois passés ensemble, Joe s’était joué d’elle financièrement. La
Cadillac de Howard n’était pas son coup d’essai. Gloria s’aperçut qu’il lui
avait aussi offert des cadeaux, dont un manteau de fourrure et un bungalow,
dont le montant avait bel et bien été débité de son compte bancaire à elle. Il
y avait même pire. Bien qu’il eût crié sur tous les toits qu’il avait supporté
la plus grosse partie des pertes financières du désastre de Queen Kelly,
Gloria comprit qu’elle avait été le dindon de la farce. On lui montra alors la
clause du contrat qu’elle avait signé avec Joe – et qui avait provoqué la
colère de ses hommes de loi – selon laquelle les bénéfices étaient répartis
entre eux, mais les pertes restaient à sa charge exclusive. Elle avait perdu
près d’un million de dollars dans l’aventure !
Par ailleurs, Joe s’était bien gardé de dire à Gloria qu’étant donné la façon
dont il montait ses opérations, elle se retrouverait tôt ou tard avec des
millions d’impôts impayés. Non seulement elle avait dû assumer
intégralement les pertes financières de Queen Kelly, mais c’était Joe qui
avait seul profité des déductions fiscales relatives à ces pertes…
Ayant disparu de la circulation, Joe laissa son ex-partenaire et maîtresse se
débrouiller toute seule. Chez lui, la mesquinerie se doublait souvent de
rancune. Il fanfaronnerait à la ronde que Gloria était insatiable au lit et
exigeait de ses partenaires qu’ils lui procurent « cinq orgasmes par nuit33 ».
Il confierait également à un de ses proches collaborateurs, Harvey
Klemmer, que Gloria avait ruiné sa santé et que, décidément, « la
quarantaine est un âge dangereux34 ».
Par la suite, les relations devaient rester chaotiques, quoique plus apaisées.
Un jour, Gloria fit le siège des bureaux new-yorkais de Joe, sur Park
Avenue, pour résoudre quelque litige financier. Mais d’autres fois, les
anciens amants furent aperçus en train de déjeuner, ici, à New York ou là,
en France à Èze-sur-Mer. La carrière de Gloria avait alors décliné et elle
n’était plus la star adulée du public. Personne n’imaginait qu’elle pût
rebondir. Suivant le dicton en vigueur, quand on est mort à Hollywood,
c’est irréversible, et même la résurrection du Christ ne serait pas
possible65…
50. Plus tard, Joe le nomma vice-président du Film Booking Office of America (FBO).
51. William Harrison Hays (1879-1954) avait été postmaster general (maître général des postes)
des États-Unis sous la présidence Harding, avant de devenir le premier président de la Motion Picture
Association of America (MPAA) qui était chargée de rétablir la moralité sur les plateaux de cinéma
à la suite du retentissant scandale Roscoe « Fatty » Arbuckle.
52. Beaucoup plus tard, il confierait à un de ses amis, Edward M. Gallagher : « Six ou sept fois
dans ma vie, le pendule a oscillé en ma faveur. S’il s’était détourné, l’existence aurait pu être bien
différente. »
53. Plus tard, en 1934, William H. Hays donnerait son nom à un code normatif, ou « code Hays »,
qui institutionnaliserait la censure. Il restera en vigueur jusqu’en 1966.
54. Ces deux films datent respectivement de 1925 et 1923.
55. David Sarnoff fonda notamment, en novembre 1926, la National Broadcasting Company, fruit
de la réunion de RCA, actionnaire majoritaire, avec General Electric et Westinghouse.
56. Ayant abrité plusieurs cérémonies des Academy Awards (Oscars), The Pantages Theater se
dresse encore aujourd’hui sur Hollywood Boulevard.
57. Le séminaire se déroula en mars 1927.
58. On prétendait que Gloria Swanson recevait chaque semaine plus de dix mille lettres
d’admirateurs.
59. Expression propre à Gloria, le Pinochle Club se référait à une sorte de belote se jouant avec
deux jeux de vingt-quatre cartes, du neuf à l’as.
60. Leur mariage durerait jusqu’en novembre 1931. Auparavant, Gloria avait été notamment mariée
à l’acteur Wallace Beery (1916-1919). Son sixième et dernier mari serait l’écrivain William Dufty,
de 1976 jusqu’à la mort de Gloria en 1983.
61. Chroniquement désargenté, le marquis ne réfléchit pas bien longtemps à cette proposition de
son ami Joe Kennedy.
62. Resté inachevé, Queen Kelly serait tout de même diffusé en Europe, mais pas aux États-Unis.
Le film bénéficierait d’un ultime moment de vie lorsqu’une très brève séquence figurerait dans
Sunset Boulevard (Boulevard du Crépuscule), le chef-d’œuvre de Billy Wilder, avec en vedette
Gloria Swanson et dans un second rôle… Erich von Stroheim.
63. Son personnage servirait de modèle au Monroe Stahr du célèbre roman de Francis Scott
Fitzgerald, The Last Tycoon (Le Dernier Nabab).
64. Quelques années plus tard, Sid Howard serait l’adaptateur du célébrissime Gone With The Wind
(Autant en emporte le vent).
65. Le dicton était attribué à Irving Paul « Swifty » Lazar (1907-1993), le plus célèbre agent
artistique des États-Unis.
66. Loose women est une expression populaire désignant les prostituées dans l’Amérique des
années 1930.
67. Irving Thalberg mourut en septembre 1936, à l’âge de 37 ans, alors qu’il régnait sans partage
sur les studios de la MGM.
68. De notoriété publique, Clark Gable, qui était affligé d’une dentition horrible, avait été sommé
par Louis B. Mayer de se faire poser de fausses dents.
69. Hearst avait, en effet, abandonné son épouse pour s’en aller vivre avec sa maîtresse, Marion
Davies.
70. Plus tard, il revendrait la RKO, qui finirait, en 1948, entre les mains de William R. Hearst.
4
Profession : capitaliste
Pourquoi Joe Kennedy aurait-il arrêté alors que tout semblait lui sourire ?
Les fortunes se bâtissent parfois dans les grandes catastrophes. Elles se
consolident tout aussi sûrement dans la reconstruction qui s’ensuit. Dès le
début de 1930, dans un marché à l’agonie, Joe reprit ses opérations de plus
belle. Malgré une fortune qui serait par la suite évaluée à une centaine de
millions de dollars, il restait un outsider. Peu auparavant, il s’était fait
éconduire sans ménagement par le grand banquier J. P. Morgan lorsqu’il
avait sollicité un entretien9.
Établi dans les locaux new-yorkais de Halle & Stieglitz, sur Madison
Avenue, Joe recommença à passer ses ordres de transaction. Il agit via des
cabinets qui lui étaient familiers, Bache & Company, ou encore
J. H. Oliphant. Mais il opéra encore plus volontiers, avec Edward E. Moore
pour prête-nom, en tandem avec Bernard E. « Ben » Smith, un autre
spécialiste ès manipulations qui traînait une réputation exécrable.
Le talent des deux compères tenait à l’exploitation d’informations
confidentielles. Joe n’avait pas hésité à fouiller lui-même dans les dossiers
ultrasecrets de Guy Currier en l’absence de celui-ci. Leur combine était liée
à la maîtrise de la technique sophistiquée des stock pools : le principe était
de pousser un opérateur en difficulté financière à revendre son portefeuille
d’actions à vil prix, en organisant artificiellement une baisse massive de ses
titres. Joe accumulerait ainsi des bénéfices considérables en vendant
à découvert des actions comme celles de l’Anaconda ou de la Paramount.
À cette époque, il n’était pas rare que Jean, sa petite fille de 3 ans,
l’accueille à la maison sur l’air d’une comptine : « Papa joue à la baisse,
papa joue à la baisse10 ! »
En ces temps d’anarchie financière, qui détenait l’argent pouvait
manipuler le marché à sa guise en forçant les cours à la hausse ou à la
baisse. Face aux abus les plus criants, la commission du Sénat sur les
activités bancaires et monétaires lança des audits sur les sociétés de
courtage qui s’étaient regroupées en syndicats d’intérêt afin de manipuler
les cours boursiers à leur profit.
Associé à un de ces syndicats, la firme Redmond & Company, Joe fut dans
le viseur de la commission, en 1933, en raison d’achats suspects d’actions
de la Libbey-Owens-Ford Glass Company, qui produisait des vitrages et du
verre laminé. Malgré la modestie du titre de cette firme, le syndicat en avait
acquis tellement que le volume des transactions avait atteint le million
d’actions ! Il en ressortit que les membres du syndicat s’échangeaient entre
eux artificiellement ces actions afin de provoquer une hausse spectaculaire
du cours et susciter l’intérêt d’autres investisseurs. À cela s’ajouta une
confusion savamment entretenue entre cette société et la Owens Illinois
Glass Company qui, elle, fabriquait des bouteilles. Des rumeurs opportunes
sur l’abolition prochaine de la Prohibition et sur un éventuel contrat avec
plusieurs distillateurs firent le reste. En peu de temps, l’action de la Libbey-
Owens grimpa de 20 à 37 dollars. À la revente des actions acquises à bas
prix, ces manœuvres laissèrent aux opérateurs un bénéfice coquet de près de
400 000 dollars et à Joe un peu plus de 60 000 dollars… tout en
occasionnant de lourdes pertes aux autres investisseurs lorsque le syndicat
décida brusquement de se retirer avec, pour conséquence, une nouvelle
chute du cours de l’action.
Certes, le jeu n’était pas gagnant à tout coup. Dans l’affaire de Brooklyn
Manhattan Transit Corporation (BMT), la société gestionnaire des métros
new-yorkais entre Manhattan, Bronx, Queens et Brooklyn, malgré les
informations de première main dont il bénéficiait, Joe laissa des plumes11.
Malgré le caractère douteux de ses agissements – dont le moindre,
quelques années plus tard, l’eût à coup sûr envoyé en prison –, Joe ne serait
jamais inquiété. Contrairement à d’autres, il ne serait même pas cité
à comparaître, alors même que ses manœuvres commençaient à être
dévoilées. Il aurait même le front d’épiloguer en ces termes : « Mois après
mois, le pays fut livré à une série d’incroyables révélations qui impliquaient
presque tous les grands noms de la finance dans des pratiques dont le moins
qu’on puisse dire est qu’elles étaient largement incompatibles avec
l’éthique professionnelle12… »
À cette époque, sur la plaquette commémorative du vingtième
anniversaire de la promotion 1912 de Harvard, Joe aurait soin de faire
mentionner à côté de son nom, en guise de profession : « Capitaliste ». Il
n’aurait pu mieux se définir. Audacieux jusqu’à l’impudence, rusé jusqu’à
la duplicité, doté d’un sens de l’anticipation très au-dessus de la moyenne, il
avait aussi un aplomb sans bornes qui sidérait même ses proches. Arthur
Goldsmith était de ceux-là.
Cet ancien condisciple de Joe à Harvard avait bourlingué plus d’une fois
avec lui, l’accompagnant aux concerts de l’orchestre symphonique de
Boston et se transformant à l’occasion en compagnon de bordée. Au début
des années 1930, Goldsmith était le responsable du bureau d’où Joe menait
ses opérations en Bourse. Observateur de ses pratiques, et bien qu’il ne fût
pas lui-même un enfant de chœur, il restait pourtant bluffé par le self-
control de son ami, par son sens de la décision et par une intelligence
parfois aux lisières de l’irrationnel. Goldsmith était surtout impressionné
par la froideur extrême et l’absence d’émotions de son ami dans ses
rapports avec autrui.
Joe avait une conception toute personnelle de la fidélité le conduisant,
parfois brutalement, à se délester de ceux qui l’avaient servi, non sans les
trahir au passage – Goldsmith n’échappant guère à cette règle. Sa vision de
l’amitié était tout aussi singulière. Rares furent ceux qui restèrent longtemps
ses amis, car Joe prenait volontiers la mouche et se fâchait, même avec ses
plus vieux camarades, pour des motifs apparemment véniels. De toute
façon, que comptait l’amitié en comparaison de la quête de puissance, son
idée fixe ? Cette quête passait inévitablement par la politique.
La politique ! Des opportunités s’étaient déjà offertes à lui sans qu’il fût
tenté de les saisir. Il n’en avait guère le goût et les pratiques du temps de
son père ou de son beau-père l’en auraient même dissuadé. La politique à la
mode irlandaise, avec poignées de main, bourrades viriles dans le dos et
palabres incessantes dans des arrière-salles enfumées où le whisky coulait
à flots n’était pas faite pour lui. Et l’altruisme ou la fidélité, valeurs prisées
par P. J., pas davantage.
Si Joe méprisait la politique politicienne avec ses pesanteurs, ses
combinaisons et ses petits arrangements, il éprouvait une fascination
authentique pour le pouvoir, finalité de toute politique. Le conquérir était un
impératif qui justifiait des méthodes à côté desquelles les pratiques de Wall
Street ou de Hollywood pouvaient être reléguées au rang d’aménités
innocentes. En pragmatique accompli, Joe avait déjà compris ce que peu de
gens dans l’élite considéraient comme concevable : le pouvoir était en train
de glisser du monde du business vers celui de la politique et des affaires
publiques13.
En dehors des proches et des familiers de Joe, Gloria Swanson – dont il
s’était séparé avec fracas – eut la primeur de la confirmation de
l’engagement de son ex-amant dans la grande politique. Cela se passa sous
la forme d’un coup de téléphone intempestif. Il était 4 heures du matin, le
3 juillet 1932, lorsque la sonnerie retentit dans la suite du Dorchester, le
palace où la star résidait habituellement lorsqu’elle séjournait à Londres.
À l’autre bout du fil, une voix familière, un peu trop même au goût de
Gloria qui avait fini par la prendre en horreur : celle de Joe Kennedy, qui
appelait de Chicago, où il n’était que 22 heures, et se souciait comme d’une
guigne de tirer son interlocutrice de son sommeil. Très modérément
matinale, Gloria se réveilla de fort méchante humeur :
— Que cherchez-vous à cette heure ? Je déteste être importunée de la sorte
et vous êtes en train de réveiller aussi mon bébé76.
— J’ai appris justement la naissance de votre petite fille et je tenais à vous
en féliciter. De mon côté, vous devez le savoir certainement, j’ai eu un fils.
Je l’ai prénommé Edward Moore…
— Et c’est pour cela que vous osez me déranger ?
— Non, pas exactement. Je me trouve à la convention du parti démocrate.
Vous ne devinerez jamais qui se trouve à côté de moi : le prochain président
des États-Unis, Franklin Delano Roosevelt. Je vous le passe, il tient à vous
saluer.
— Il n’en est pas question ! Je ne veux pas plus lui parler qu’à vous.
Fichez-moi donc la paix une fois pour toutes14 !
L’alacrité pétulante de Joe Kennedy paraissait incongrue dans une
Amérique meurtrie qui, trois ans après la faillite de Wall Street, se trouvait
au fond du gouffre : douze millions de chômeurs, une production
industrielle amputée de moitié et une production agricole exsangue. Son
optimisme congénital était décalé par rapport à une situation où le
dénuement menaçait des milliers de foyers réduits à la mendicité et à la
soupe populaire.
La Grande Dépression avait ruiné la popularité du président Herbert
C. Hoover, qui était pourtant réputé compétent et capable. Les recettes
traditionnelles pour surmonter les cycles de récession étaient frappées
d’inefficacité. Hoover devint peu à peu inaudible en persistant à soutenir,
contre toute évidence, que « la prospérité se trouvait au coin de la rue ». Il
était dépassé et les Américains – y compris dans son propre parti des
Républicains – le rejetèrent massivement, faisant de lui le bouc émissaire
du chaos. La route était grande ouverte pour une candidature démocrate.
Aux élections présidentielles de novembre 1928, le candidat démocrate Al
Smith, premier candidat de confession catholique de l’histoire du pays,
avait été battu à plate couture77. Quatre ans plus tard, le scénario n’était plus
le même et Joe Kennedy le comprit très vite. Républicain ou démocrate, du
reste, l’étiquette lui importait peu. Son père P. J., tout autant que son beau-
père Honey Fitz, avait des convictions démocrates affirmées. Mais lui-
même n’avait pas la fibre partisane et restait étranger au « patriotisme de
parti ».
Joe considérait que le parti démocrate avait cette fois des chances
sérieuses de l’emporter et qu’il lui faudrait, dès lors, choisir le bon cheval.
Ce choix, il le fit dès l’été 1930, lorsqu’il fut invité à déjeuner par Henry
Morgenthau Jr, un ami proche du gouverneur de New York, Franklin
D. Roosevelt. Ayant conservé un souvenir cuisant de sa dernière entrevue
avec celui-ci, une douzaine d’années plus tôt, Joe s’était un peu fait tirer
l’oreille avant d’accepter.
Kennedy et Roosevelt ne se ressemblaient guère. L’un était un pur produit
de la troisième génération d’immigrés irlandais ; l’autre descendait d’une
vieille famille aristocratique d’origine hollandaise. L’un était fils de
bistrotier et petit-fils de tonnelier ; l’autre pouvait se prévaloir d’un
pedigree prestigieux où figurait un cousin (au cinquième degré) ayant été
président des États-Unis une trentaine d’années auparavant : Theodore
Roosevelt. L’un traînait son héritage bostonien telle une tare indélébile ;
l’autre avait la séduction patricienne que seul pouvait se permettre un New-
Yorkais de haute engeance. L’un cherchait obsessionnellement à gagner de
l’argent ; l’autre, né dans l’opulence, jetait sur la richesse un regard distrait,
voire dédaigneux. L’un avait choisi la voie souvent tortueuse de Wall Street
et de Hollywood ; l’autre avait opté pour la voie royale, celle du service
public.
Il était a priori très improbable que ces deux hommes eussent l’occasion
de faire un bout de chemin ensemble. Et pourtant, Roosevelt et Kennedy
avaient beaucoup plus en commun que le simple fait d’être tous deux des
hommes à femmes ou des anciens de Harvard : ils étaient, chacun avec son
style, des ambitieux-nés. Il ne fallut pas très longtemps à Morgenthau pour
convaincre son convive de l’intérêt d’une candidature Roosevelt aux
élections présidentielles de novembre 1932.
FDR – on l’appelait déjà par ses initiales – avait à son actif une carrière
déjà bien remplie, qui l’avait notamment conduit au poste stratégique de
secrétaire adjoint à la Marine en temps de guerre78, sous la présidence de
Woodrow Wilson, puis à celui de gouverneur de l’État de New York79.
Roosevelt était expérimenté en politique. Élégant et cultivé, il avait aussi
une intelligence raffinée, de l’entregent et même une sorte de courage
stoïque qui forçait l’admiration.
Une dizaine d’années auparavant, il avait subi une attaque de
poliomyélite80 qui l’avait laissé paralysé des membres inférieurs. Un aussi
lourd handicap – il ne se déplaçait plus qu’en chaise roulante ou à l’aide de
béquilles81 – n’avait pourtant pas altéré ses ambitions politiques au plus
haut niveau.
Joe ne regretterait pas son déjeuner avec Henry Morgenthau Jr. Dans la
foulée, celui-ci l’avait entraîné à Albany, capitale et siège du gouverneur de
l’État de New York. Roosevelt venait d’y être réélu triomphalement, mais
les rumeurs le donnaient favori dans la course à la Maison Blanche.
L’entrevue entre Joe et Roosevelt se prolongea toute l’après-midi. FDR eut
tout loisir de jauger son visiteur, qui lui parut tout aussi antipathique que par
le passé. Pourtant ce Joe Kennedy avait changé. Il avait beaucoup plus
d’assurance qu’auparavant et, surtout, pesait incomparablement plus lourd
sur le plan financier. Il n’était pas à sous-estimer et Roosevelt, fin
connaisseur, le perçut instinctivement.
Charmeur, FDR gratifia Joe de son numéro habituel. Entre deux
anecdotes, il lui parla d’alliance politique, lui assura qu’il lui réserverait une
place de choix dans son cercle intime de conseillers. Il lui fit même miroiter
un poste de premier plan au sein de son futur cabinet présidentiel. N’ayant
jamais su résister à la flatterie, surtout venant d’un tel homme, Joe était aux
anges, convaincu et déjà conquis15.
De son côté, Roosevelt savait fort bien ce qu’il faisait. Joe Kennedy était
la porte ouverte sur Wall Street comme sur l’aile conservatrice du parti
démocrate. Il était aussi la caution catholique auprès d’une communauté
irlandaise qui plébiscitait d’instinct Al Smith. Il était enfin l’homme qui lui
ramènerait ces fonds dont il aurait grandement besoin au moment où
s’engagerait la campagne électorale.
Joe le financier n’eût jamais accepté un tel marché qui ne reposait, au
fond, que sur de vagues promesses. Mais là, il s’agissait de politique et il
était question de présidence des États-Unis, que diable ! Il repartit d’Albany
gonflé à bloc, plus que jamais confiant en son destin. Le temps n’était pas
encore venu pour lui de magnifier un choix qui n’était que de pur
opportunisme : « Je voulais le voir arriver à la Maison Blanche pour ma
propre sécurité et pour celle de mes enfants16. »
Bien sûr, fidèle à son tempérament, Joe ne put s’empêcher de plastronner
et même d’adresser quelques piques fielleuses à ceux de ses amis qui
soutenaient le président Hoover. Il téléphona ainsi par bravade à Jeremiah
Milbank, qui était le principal collecteur de fonds du candidat républicain :
— Tu as un bloc-notes en main ? Alors, inscris s’il te plaît le nom du
prochain président.
— De quoi parles-tu ?
— Note soigneusement, je te prie, le nom de Franklin Delano Roosevelt.
Et n’oublie surtout pas celui qui te l’a annoncé17…
71. Il fallut des examens approfondis à l’hôpital Lahey de Boston pour le convaincre qu’il n’en
était rien.
72. À sa mort, Mary Augusta Kennedy était âgée de 66 ans.
73. Il fut aussi prétendu que P. J. s’était confié à ses filles plutôt qu’à Joe, car il savait que son fils
n’approuvait pas la générosité dont il faisait preuve.
74. Ce patrimoine était estimé entre 200 000 et 300 000 dollars, dont 55 000 dollars en actions.
75. 24 %, à en croire certains sondages d’opinion.
76. En avril 1932, Gloria Swanson avait donné naissance à la petite Michele Bridget Farmer qu’elle
avait eue de celui qui allait devenir son nouvel époux, Michael Farmer.
77. Herbert Hoover l’emporta alors par 58,2 % des voix contre 28,8 % à Alfred E. Smith.
78. De 1913 à 1920.
79. Roosevelt avait été élu en 1929 gouverneur de l’État de New York.
80. Cela se passa en août 1921, alors qu’il n’était âgé que de 39 ans.
81. Cet aspect de sa maladie fut soigneusement dissimulé plusieurs années durant et bien rares
furent les photographies montrant le handicap physique de Roosevelt.
82. William Randolph Hearst (1863-1951).
83. Après Roosevelt, « Happy Days are Here Again » resterait l’hymne du parti démocrate.
84. Roosevelt remporta 57,4 % des voix contre 39,7 % à Hoover.
85. Entre son élection et son inauguration – entrée officielle en fonction consécutive à sa prestation
de serment –, le président des États-Unis n’a que le titre de « président élu ».
86. À partir de Roosevelt, très précisément, furent tirées les conséquences de ce qu’une trop longue
période de transition pouvait avoir de préjudiciable en période de crise. Dès 1936, l’inauguration
présidentielle aurait lieu le 20 janvier au lieu du 4 mars.
87. Thomas Gardiner Corcoran (1900-1981) fut un des piliers de l’équipe de Roosevelt,
représentant éminent de son brain trust. Il devint même un de ses plus proches collaborateurs à la
suite de la mort de Louis McHenry Howe, en juin 1936. Après FDR, Corcoran servirait sous la
présidence Truman puis, surtout, aux côtés du président Lyndon B. Johnson.
88. James Paul Warburg (1896-1969) était un banquier américain et le fils de Paul Moritz Warburg,
banquier germano-américain réputé pour son rôle dans la création en 1913 de la Réserve fédérale
américaine.
89. Commentaire de Roosevelt à l’intention d’un de ses proches, Marvin McIntyre.
90. Outre J. Landis, les autres membres de la SEC étaient Ferdinand Pecora, George C. Matthews
et Robert E. Healy.
91. William Orville Douglas (1898-1980) succéderait à Joe Kennedy en 1937 à la tête de la SEC,
avant d’être nommé, deux ans plus tard, juge à la Cour suprême. Il y siégerait jusqu’à sa retraite,
en 1975, battant le record de longévité au sein de la haute institution.
92. Frank Kent travaillait pour le Baltimore Sun, Frank Waldrop œuvrait pour le Washington Times-
Herald et Marquis Childs pour le Saint Louis Dispatch.
93. Elle s’appelait en réalité Rose Marie, mais les deux prénoms furent contractés afin d’éviter une
confusion avec sa mère Rose.
5
L’ambassadeur
Joe Kennedy n’était pas homme à rester longtemps inactif. Dès son départ
de la SEC, Roosevelt s’était chargé de lui confier une mission délicate :
évaluer la situation économique et politique dans une Europe ébranlée par
le fascisme et le nazisme. Parti pour le Vieux Continent en famille94, Joe
rencontra de grands dirigeants européens, dont Winston Churchill.
Parlementaire à la Chambre des communes, l’ancien Premier lord de
l’Amirauté95 l’avait invité à dîner dans sa résidence de Chartwell, près de
Londres. Il avait cru pouvoir jouer de séduction auprès de son hôte :
— L’Amérique et l’Empire britannique devraient mettre leurs forces
navales en commun et imposer un blocus contre le nazisme.
Impavide, Kennedy l’avait aussitôt refroidi :
— Votre plan n’est pas applicable, car vous oubliez qu’en Amérique trop
d’Irlandais haïssent l’Angleterre1…
Joe omit de préciser, ce soir-là, qu’il faisait partie de ces Irlandais haïssant
l’Angleterre. Les deux hommes se détestèrent d’instinct. De retour de
mission en novembre 1935, Joe fit à la Maison Blanche un rapport fort peu
diplomatique qui soulignait surtout son émotivité envers une Europe jugée
« instable et confuse ». FDR s’y attendait et ne fut guère étonné lorsque son
visiteur se prit à dénoncer la torpeur du Vieux Continent.
Joe retrouva le business sans déplaisir, comme une vieille et douceâtre
habitude. Making money ! Agir pour son compte personnel et être son
propre maître. C’était ce qu’il aimait et faisait le mieux. Dès mai 1936, Joe
retrouva un contrat juteux de consultant à Paramount Pictures96. Il n’avait
pas pour autant l’intention de rempiler à Hollywood.
Joe eut également un œil sur l’empire de presse de Hearst, celui-là même
que Roosevelt traitait d’« homme dangereux », voire carrément de
« salaud ». Hearst traversait alors des difficultés financières, que Joe résolut
à sa façon en rachetant pour 8 millions de dollars l’ensemble des magazines
publiés par le groupe. À l’époque, les spécialistes estimèrent que le prix de
rachat était tout à fait dérisoire compte tenu de la valeur réelle des actifs
inclus dans la transaction.
Ainsi Joe retrouva-t-il le business et ses attraits, mais aussi, fatalement, un
rythme de vie routinier, surtout lorsqu’il séjournait à Hyannis Port.
L’activité physique scandait alors ses journées, de la gymnastique ou
l’équitation du matin à la natation et au golf l’après-midi. La nostalgie du
pouvoir n’en restait pas moins présente : le pouvoir, un aiguillon, mais aussi
une sorte de drogue. Après bien d’autres, il vérifiait ce vieux précepte : qui
a goûté une fois au pouvoir n’a de cesse que d’y goûter de nouveau.
Fin 1935, personne n’imaginait à Washington que Franklin D. Roosevelt
puisse ne pas se porter candidat à sa propre succession. Certes, son New
Deal avait eu des résultats mitigés. Il n’avait pas changé la face de
l’Amérique, bien qu’il eût sérieusement chahuté les dogmes libéraux en
vigueur. Il se trouvait même dans l’impasse lorsque le fameux brain trust
présidentiel conçut à la hâte un second New Deal, plus incisif et plus
directif. Les oppositions conservatrices s’étaient entre-temps durcies, la
moindre n’étant pas l’hostilité déclarée de la Cour suprême envers
l’exécutif.
Pourtant, le New Deal avait sauvé le pays de la faillite. On pouvait bien
jeter l’anathème sur Roosevelt en le déclarant « traître à sa classe », quitte
à exagérer en le tenant pour un fourrier du socialisme2. La politique de FDR
n’en avait pas moins préservé l’essentiel en un temps où certains
craignaient sérieusement la fin prochaine du capitalisme. Si les difficultés
perduraient, du moins les périls avaient-ils été conjurés. D’ailleurs, au-delà
du marasme et des « raisins de la colère97 », le pays renouait peu à peu avec
l’optimisme entrepreneurial qui avait toujours fait partie de son ADN.
Ayant partie liée avec ce business qui avait fait sa fortune, Joe Kennedy
restait cependant pragmatique. La politique de déficit budgétaire était sans
doute critiquable, mais le chaos résultant du laisser-faire concurrentiel était,
lui, proprement mortel. Pour Joe, Roosevelt restait la seule solution
possible, même si le New Deal n’était pas populaire dans les milieux
d’affaires et si les perspectives présidentielles en inquiétaient plus d’un.
Joe avait déjà pris sa décision : s’il voulait enfin décrocher le poste de
secrétaire au Trésor, il lui faudrait soutenir Roosevelt aux prochaines
élections présidentielles de novembre 1936. Et même encore plus
résolument qu’il ne l’avait fait jusque-là. C’est alors qu’il se rapprocha d’un
homme qui s’appelait Arthur Krock.
À la tête du bureau de Washington du New York Times, Krock était un
journaliste de haute volée qui venait d’être honoré du prix Pulitzer pour sa
couverture du New Deal98. Juif du Kentucky à l’élégance austère et
formaliste, il avait déjà une carrière journalistique bien remplie.
Éditorialiste au New York Times, Krock tenait depuis plusieurs années la
chronique « In the Nation », très appréciée par le microcosme
washingtonien.
Kennedy l’avait croisé pour la première fois durant la campagne électorale
de 1932. Lors de la nomination de Kennedy à la tête de la SEC, à la
demande indirecte de Roosevelt, Krock avait dressé un portrait flagorneur
de Joe dans le Times. Il est vrai qu’il avait toujours été fasciné par le
pouvoir et l’argent. Sous le titre « J. P. Kennedy a excellé dans tout ce qu’il
a entrepris », l’article était un panégyrique fleuri de Joe sur le thème du
jeune homme pauvre s’élevant par ses vertus et son talent. À l’en croire, Joe
aurait été un fameux joueur de football à Harvard. Il aurait été aussi le
sauveur valeureux de Hollywood face aux conflits d’intérêts menaçant
l’industrie du cinéma. Auprès de Roosevelt, il aurait été un trésorier de
campagne proprement génial. Jusqu’à ses opérations à Wall Street qui
n’étaient en rien répréhensibles, puisque Joe avait engagé son propre argent,
et ce, à seule fin de défendre ses intérêts légitimes.
L’article du Times marqua le début d’une amitié fructueuse entre Krock et
Kennedy. Malgré ses airs de patricien hautain et sa courtoisie glaciale,
Krock avait en commun avec Joe le goût du luxe, une vision conservatrice
de l’économie ainsi qu’une dilection évidente pour le badinage. Derrière
l’amitié se profilait une complémentarité bien comprise. Outre les
25 000 dollars dont il le gratifiait chaque année, Joe offrait à Krock des
vacances de rêve à Palm Beach. Ce dernier était en outre son commensal
à Marwood et à Hyannis Port. Il le régalait aussi en caisses de whisky et en
tuyaux politiques de premier ordre. En contrepartie de cette munificence,
Krock enjolivait l’image de Joe en s’appuyant sur la crédibilité du New York
Times. Par la suite, Joe apporterait son soutien à Krock lorsque celui-ci
briguerait – en vain – le poste de rédacteur en chef de l’illustre quotidien
new-yorkais. De son côté, Krock ferait de son mieux pour présenter Joe en
futur présidentiable.
Ces deux-là avaient tout pour s’entendre. L’amitié entre eux durerait une
bonne trentaine d’années. Certes, Krock était juif, mais Joe, comme
beaucoup d’antisémites, avait résolu le problème en assurant que sa
détestation viscérale des juifs sur un plan collectif ne l’empêchait nullement
de frayer avec eux sur un plan individuel. Lui aussi avait son « bon juif ».
Joe se souvint d’Arthur Krock lorsqu’il décida de signer un livre à la
gloire de Roosevelt. L’ouvrage en question avait vocation à s’adresser aux
déçus du New Deal et aux hommes d’affaires tout particulièrement. Pour
l’écrire, il fit appel au fidèle Arthur, qui était déjà un de ses intimes.
Intitulé I’m for Roosevelt et publié à la fin de l’été 1936, le livre avait une
tonalité hagiographique, même s’il développait l’idée, assez pertinente, que
non seulement le Président ne trahissait pas le capitalisme et la libre
entreprise, mais que, au contraire, il en était le sauveur.
Bien sûr, Roosevelt lui-même était parfaitement informé de ce projet
éditorial, le premier opus de Krock en qualité de ghostwriter (écrivain
fantôme)99. Il en jubilait par avance et Joe s’en fit l’écho auprès de Krock :
« Je vous fais parvenir une lettre que le Président m’a envoyée la semaine
dernière. On peut en déduire qu’il a hâte de voir le livre terminé. Pour ma
part, je voudrais qu’il sonne comme un coup de clairon3 ! »
Coup de clairon, peut-être, mais aussi bouée de sauvetage, à en croire des
gens aussi bien avertis que Jim Farley, pour qui Joe Kennedy était menacé
d’une enquête administrative pour des soupçons d’évasion fiscale. Ceux-ci
se référaient à des dons importants et répétés que Joe effectuait au bénéfice
de l’État du Vatican. Déductibles fiscalement en tant que « contributions
à une œuvre charitable », ces dons étaient partiellement fictifs, car le
Vatican rétrocédait en sous-main à Joe la moitié de ces sommes en espèces.
Kennedy eut-il l’idée de son livre « parce qu’il avait la corde au cou » et
pour s’attirer la mansuétude de l’exécutif ? Farley n’était pas loin de le
croire4.
Jugé convaincant par la critique, l’ouvrage accrut le poids politique de Joe.
Le Président était littéralement ravi de l’ouvrage et, sur les insistances de
Missy LeHand il est vrai, consentit à adresser à Joe un message élogieux :
« Dear Joe, I’m for Kennedy. The book is grand. » (« Cher Joe, je soutiens
Kennedy. Le livre est superbe. »)
Joe s’investit beaucoup plus qu’il ne l’avait fait durant la campagne
électorale de 1932, convaincu que le gros lot ne pouvait cette fois lui
échapper. De nouveau, il enfila les habits du fund raiser. De nouveau
encore, il se démultiplia en déjeuners ou dîners afin d’attirer des hommes
d’affaires dans le camp de Roosevelt. Il eut surtout grand soin de jouer les
pères Noël en faveur de Jimmy Roosevelt, qu’il reçut princièrement durant
tout un hiver en Floride, avec sa femme Betsey et toute sa famille. Ses
cadeaux furent plus somptueux que jamais. Comme cela ne suffisait pas au
pauvre garçon constamment désargenté, Joe lui fit prêter des fonds par la
Columbia Trust Company.
FDR chargea aussi Kennedy de resserrer les liens de l’administration
américaine avec les milieux catholiques. À l’époque, il n’existait pas de
relations diplomatiques entre les États-Unis et le Vatican. L’objectif indirect
était de clouer le bec au révérend Coughlin, de plus en plus haineux envers
Roosevelt. Chaque dimanche vers 14 heures, suivis par quarante millions
d’auditeurs sur CBS, les sermons radiophoniques de Coughlin accusaient
FDR de favoriser la montée en puissance des juifs, des communistes et des
« capitalistes impies ». Pour la Maison Blanche, le prédicateur était aussi
dangereux qu’un William R. Hearst, voire qu’un Huey Pierce Long, le
populiste de Louisiane dont l’étoile ne cessait de croître100.
Admiratif de l’éloquence démagogique de Coughlin, Joe ne put en
modérer la hargne. Il eut recours à un évêque auxiliaire de Boston, Francis
Joseph Spellman, un homme d’avenir101. En poste à la curie romaine dans
les années 1920, Spellman était proche du tout-puissant secrétaire d’État,
Eugenio Pacelli, qu’on tenait pour le successeur probable de Pie XI.
L’opportunité se présenta lors d’une visite du cardinal Pacelli aux États-
Unis. En novembre 1936, accompagné du comte Galeazzi, celui-ci
rencontra d’abord Roosevelt dans sa résidence privée de Hyde Park. Puis un
accord fut conclu chez Joe, dans le cadre plus détendu de Bronxville.
Peu après, Roosevelt nomma un représentant personnel au Saint-Siège,
premier pas vers une reconnaissance diplomatique. Cet émissaire, un
financier de haute volée à la tête d’US Steel, était Myron C. Taylor. Son
nom avait été discrètement soufflé par le comte Galeazzi à Joe Kennedy102.
Comme par miracle, les philippiques enflammées de Coughlin cessèrent
peu après, le prêtre ayant mis fin à ses émissions pour « raisons
personnelles ».
Malgré tout, Roosevelt pesta plus d’une fois contre Kennedy qui jouait
selon lui à la diva et qu’il fallait sans cesse rassurer. Pas plus que par le
passé il n’était disposé à récompenser son « ami » en lui offrant le
secrétariat au Trésor, qui restait dévolu à Henry Morgenthau Jr : Joe n’était
pas seulement dangereux, il était aussi désormais un rival potentiel. Et il ne
manquerait pas de se servir d’un poste aussi prestigieux comme tremplin
vers de plus hautes ambitions.
Du reste, puisque Joe Kennedy avait fait merveille à la tête de la SEC,
pourquoi ne prendrait-il pas celle d’une autre grande structure de
régulation ? Le Président lui mit le marché en main : la direction de la
nouvelle commission des Affaires maritimes qui venait d’être mise sur pied
pour remplacer l’ancien US Shipping Board.
FDR savait fort bien que Joe n’allait pas hurler d’enthousiasme. Il
commença d’ailleurs par décliner la proposition :
— Qu’un autre patriote s’en charge ! Il y a beaucoup d’argent à gagner sur
le marché et j’aimerais bien prendre ma part du gâteau5 !
Au-delà de son cynisme habituel, Joe savait qu’il ne pouvait rester
indéfiniment hors du coup. Il lui fallait absolument conserver le contact
avec l’administration Roosevelt afin de préserver son avenir politique. Le
charme enjôleur de FDR fit le reste et la nomination de Kennedy fut actée
en avril 1937. Le hasard, sans doute : Joe ordonna que fût réduite d’un tiers
la dette de 54 000 dollars du Comité national démocrate à son égard.
En apparence, les affaires maritimes étaient pour Joe un retour à son
activité du temps de la Première Guerre mondiale, lorsqu’il se frottait au
jeune Franklin D. Roosevelt. À ceci près qu’il n’était plus question de
marine de guerre, mais de marine marchande et que Roosevelt, jusqu’à
preuve du contraire, n’était plus un adversaire. Sinistrée, victime de grèves
à répétition, la flotte marchande était d’une vétusté à laquelle ne pouvaient
remédier des constructions navales en déclin. Elle n’avait longtemps
survécu qu’à coups de gros contrats de transport de courrier avec
l’administration fédérale, ce qui entraînait des conflits endémiques entre la
puissance publique et les compagnies maritimes. La loi sur la marine
marchande de 1936 avait changé le système et supprimé le régime des
contrats : en contrepartie de subventions aux chantiers navals et aux
affréteurs, l’État s’arrogeait un contrôle étroit à la fois sur les itinéraires, les
salaires et les profits.
La nouvelle commission des Affaires maritimes avait pour mission
d’imposer le nouveau système en soldant les contrats antérieurs. Tout était
affaire de négociations, ce qui n’était pas pour déplaire à Joe. Avec les
femmes, les courses de chevaux et la spéculation boursière, les négociations
étaient ce qu’il affectionnait le plus : surtout lorsqu’elles étaient tendues,
voire conflictuelles.
Les armateurs réclamaient-ils une somme gigantesque de 73 millions de
dollars pour solder le passé ? Joe ne leur concéda chichement que le
centième de ce montant. L’équipage d’un navire américain, l’Algic,
déclencha-t-il une grève inopinée sur les quais du port de Montevideo, en
Uruguay ? Joe préconisa aussitôt que l’on « mît aux fers » les leaders
syndicaux responsables de la grève.
L’incident ferait l’objet d’un échange mi-figue, mi-raisin dans le Bureau
ovale :
— Ne pourrait-on tout de même imaginer une solution de rechange ?
À cette tentative de compromis présidentiel, Joe opposa d’abord une fin de
non-recevoir sarcastique :
— Ah oui ? Eh bien c’est le meilleur moyen de nous enfoncer dans le
merdier6 !
Puis il finit par céder, comprenant qu’il était contre-productif de s’opposer
ainsi à la volonté de la Maison Blanche.
Aux critiques dénonçant sa rudesse comme son ignorance des affaires
maritimes, Joe avait une réponse toute trouvée : « On a suffisamment
reproché à Roosevelt de m’avoir nommé à la tête de la SEC, au prétexte que
j’en savais trop sur les marchés boursiers pour qu’on puisse me faire
confiance pour les réformer. Voici à présent que les mêmes protestent au
motif que je connais trop peu le secteur maritime pour être chargé de sa
réorganisation7. »
Joe se lassa cependant encore plus vite des affaires maritimes qu’il ne
s’était lassé de la surveillance des opérations de Bourse. Tout comme à la
SEC, son bilan était pourtant honorable, avec la mise en œuvre d’un
programme ambitieux de construction navale : plus d’1, 2 milliard de
dollars pour faire sortir des chantiers navals une cinquantaine d’unités
par an. Joe avait aussi bataillé pour réduire le coût de ces constructions et
pour imposer une médiation fédérale obligatoire dans les conflits du
travail103.
En quittant ses fonctions, Joe confesserait qu’il s’agissait du travail le plus
dur et le plus ingrat qu’il ait jamais dû faire de toute sa vie. Il attendait d’en
être récompensé.
L’anti-Churchill
Il existait un point sur lequel Kennedy et Roosevelt pouvaient à la rigueur
s’accorder : leur méfiance instinctive pour la diplomatie de carrière. FDR
était surtout soupçonneux envers les fonctionnaires du Département d’État.
Il éludait leurs recommandations, aussi fumeuses que brillamment
formulées, et leur préférait volontiers les télégrammes et dépêches des
diplomates de terrain.
Kennedy, lui, mettait tout le monde dans le même sac. À ses yeux, les
diplomates n’étaient qu’une « bande de confiseurs » ou, dans le meilleur
des cas, de « simples garçons de courses » dénués de sens politique. Pour sa
part, il ne pouvait se satisfaire d’un rôle de potiche et ambitionnait même
d’apporter sa pierre à la définition comme à la formulation de la politique
étrangère de son pays.
À l’été 1938, l’ambassadeur Kennedy prononça un discours retentissant
dont un passage, en particulier, mit le Département d’État en ébullition :
« Je voudrais vous demander si vous connaissez un litige ou un conflit dans
le monde qui vaille la vie de votre fils ou du fils d’autrui22. » Aucun autre
diplomate au monde n’aurait osé se permettre une telle liberté de ton.
De rage vaine, le patron de la diplomatie américaine, Cordell Hull,
caviarda le passage de ce discours déjà prononcé. Ce n’était pas la première
fois que l’ambassadeur Kennedy se montrait provocateur et, pire encore,
indifférent à la hiérarchie. Au lendemain de l’annexion de l’Autriche par
l’Allemagne nazie118, il avait soumis le texte d’une intervention que le
Département d’État avait jugé inquiétant. Trop isolationniste, sans doute, au
vu d’une simple phrase qui avait valeur de programme : « Le peuple
américain, dans sa majorité, est loin d’être convaincu qu’il existe des
intérêts communs entre lui et les autres pays du monde23. »
L’affaire était remontée jusqu’au Président, qui avait eu une vive réaction :
« Ce jeune homme mérite de se faire taper très fort sur les doigts24. » En
vérité, FDR n’avait nulle intention de monter l’affaire en épingle. Non
seulement aucune remontrance ne serait adressée à l’ambassadeur, mais
Roosevelt irait jusqu’à lui écrire : « Je sais la période difficile que vous
traversez et je peux vous assurer que ce n’est guère plus facile de ce côté-
ci. »
On était alors à l’avant-veille d’une campagne présidentielle très serrée et
FDR avait encore besoin de Joe. Il savait que sa candidature à un troisième
mandat présidentiel serait très controversée, même chez les Démocrates, car
elle dérogeait à la tradition instaurée par George Washington lui-même,
suivant laquelle les présidents américains se limitaient à deux mandats119.
Briguer un troisième mandat risquait de donner raison à ceux qui
dénonçaient, jusque-là timidement, le « pouvoir personnel » de Roosevelt,
voire la « dictature » de sa présidence.
Pire encore, le président sortant se méfiait des ambitions de son vice-
président, John Nance Garner, qui était devenu un rival politique. Si Garner
devait se présenter contre lui, avec pour colistier le catholique irlandais
James Farley comme on le supposait, alors peut-être Joe Kennedy lui serait-
il utile en lui apportant le vote catholique, outre le soutien du grand
business.
Malgré la montée des périls, Roosevelt n’avait pas encore véritablement
fixé le cap en politique internationale. Certes, l’isolationnisme américain,
sous sa forme classique, n’était plus concevable en plein XXe siècle120. Pour
autant, les Américains n’étaient pas prêts à s’engager dans une nouvelle
guerre. Ils retourneraient contre Roosevelt les critiques adressées naguère
à Woodrow Wilson lorsqu’il avait fait entrer le pays dans la Première
Guerre mondiale. Aussi le Président restait-il encore dubitatif sur les
avantages et inconvénients respectifs de l’interventionnisme et de
l’isolationnisme.
Sûr de lui, Kennedy continua ainsi d’agir à sa guise, comme si de rien
n’était. Contre tous les usages, il ignorait Cordell Hull en s’adressant
directement au président. Il multiplia aussi les cadeaux aux Roosevelt,
offrant un cheval à Jimmy ou faisant livrer des langoustes vivantes à Warms
Springs, la résidence d’été de FDR en Géorgie.
Dans ses télégrammes diplomatiques, Kennedy n’oubliait jamais de faire
l’éloge de Chamberlain, qualifiant même un de ses discours d’« authentique
chef-d’œuvre ». Roosevelt, pour sa part, avait une piètre opinion du Premier
Ministre britannique, qu’il jugeait « fuyant » et peu combatif. Mais Joe
semblait se satisfaire des quelques remarques de Chamberlain dénonçant le
côté « mal élevé » du Führer.
D’une manière générale, l’ambassadeur était convaincu que personne en
Europe n’était en mesure de s’opposer aux coups de bluff de Hitler ou de
Mussolini. L’Amérique n’avait nul intérêt à s’en mêler et, d’ailleurs, les
revendications de l’Allemagne étaient-elles injustifiées ? Après tout, le
traité de Versailles n’était rien d’autre qu’un « acte de vengeance »121. Quant
à Hitler lui-même, Kennedy faisait sienne la conviction de Chamberlain que
le chef nazi était « un homme à qui l’on pouvait faire confiance, une fois
qu’il avait donné sa parole25 »… Il n’avait pas la même mansuétude pour
Winston Churchill, que FDR admirait mais en qui il ne voyait qu’un
« ivrogne » doublé d’un « impérialiste impénitent26. »
Méprisant la prudence diplomatique, Kennedy se rapprocha d’éléments
jugés sulfureux par l’establishment britannique. Ainsi de la « coterie de
Cliveden », un groupe animé par lady Astor, qui en était la véritable
inspiratrice en même temps que l’hôtesse appréciée. Prodigue, elle
hébergeait ses invités de marque dans son luxueux manoir de Cliveden aux
quarante-six chambres, mettant à leur disposition son parc luxuriant et son
haras, un des plus réputés d’Angleterre.
Américaine d’origine122, Nancy Astor était un vrai personnage de roman.
On racontait qu’elle se trouvait sur un paquebot faisant route vers
l’Angleterre lorsqu’elle rencontra un certain Waldorf Astor,
deuxième vicomte Astor et fils du bâtisseur du célèbre palace new-yorkais,
le Waldorf Astoria123. Elle épousa sur-le-champ cet aristocrate, à la fois
homme d’affaires et député à la Chambre des communes, ayant déjà fait
sienne une de ces maximes qui firent sa réputation : « La seule chose que
j’aime chez les gens riches, c’est leur argent. »
Outre son immense fortune, son mari lui transmit aussi son empire de
presse124 ainsi que le virus de la politique. En 1919, Nancy reprit le siège
qu’il détenait dans la circonscription de Plymouth Sutton125 et fut la
première femme à siéger au Parlement britannique. Elle n’hésiterait pas
à mettre son opulence et sa notoriété au service de son influence politique.
Le Cliveden Set répondait pleinement à cette exigence. Tenant plus du salon
mondain que du nid de conspirateurs, il réunissait des notables proches des
cercles du pouvoir : ministres, patrons de presse ou encore businessmen de
haut vol. On pouvait y croiser Geoffrey Dawson, rédacteur en chef de
Times, Henry Deterding, président de la Royal Dutch Shell, lord Halifax,
secrétaire au Foreign Office, ou encore Montaigu Norman, gouverneur de la
Banque d’Angleterre.
Certains avaient beau ironiser sur un tel aréopage – comme Robert
Vansittard, sous-secrétaire permanent au Foreign Office, qui n’y voyait
qu’une bande d’« amateurs ambulants » –, l’influence de ces personnalités,
qui prônaient une politique d’apaisement et d’accommodement avec Hitler,
était bien réelle.
Lady Astor en était le plus bel exemple. Avait-elle décidé de « prendre en
main » l’ambassadeur Kennedy, comme le prétendait Tommy Corcoran ?
Cette femme séduisante, dont les bêtes noires étaient les juifs et Churchill,
avait tout pour lui plaire, excepté peut-être un anticatholicisme de fort
mauvais aloi. Convaincue d’être victime de la propagande juive, elle
multiplia les attaques antisémites abjectes, au point de rétorquer un jour,
à la Chambre des communes, au député conservateur Alan Graham qui lui
reprochait ses manières inconvenantes : « Seul un juif comme vous peut
oser me parler aussi grossièrement. » Témoin de l’incident, un
parlementaire cria au scandale : « Jusqu’ici je n’avais jamais entendu
quelqu’un insulter un membre du Parlement comme cette salope vient de le
faire27. » Il s’agissait de Winston Churchill.
Entre lady Astor et Churchill, c’était une haine inextinguible qui avait
débuté en 1919 à la Chambre. La jeune femme l’ayant vertement
apostrophé, Churchill lui avait répliqué sur un ton doucereux, sans lui faire
l’aumône d’un regard : « Quand vous avez pris votre siège, j’ai eu
l’impression qu’une femme entrait dans ma salle de bains et que je n’avais
qu’une éponge pour me défendre126… »
Ce fut grâce à l’entremise de Nancy Astor que Joe rencontra Charles
A. Lindbergh. Le célèbre aviateur, qui avait fui l’Amérique après
l’assassinat tragique de son fils127, était un habitué de Cliveden.
Isolationniste, il ne cachait pas son admiration pour la puissance de la
Luftwaffe, pour l’efficacité du régime nazi et même pour Hitler, qu’il
qualifiait de « grand homme ». Il avait d’ailleurs été décoré en 1936 de la
croix de chevalier de l’Aigle allemand avec étoile des mains d’Hermann
Goering. D’emblée, Kennedy fut séduit par « Lindy », qu’il n’avait jamais
eu l’occasion de croiser28 et qui, lui aussi, détestait viscéralement les juifs.
Tous deux se lièrent d’amitié et l’aviateur devint même un des conseillers
les plus écoutés de l’ambassadeur.
Joe Kennedy n’avait nul besoin d’être encouragé pour se faire l’apôtre de
l’apaisement. En juin 1938, il avait rencontré durant une heure
l’ambassadeur d’Allemagne à Londres, Herbert von Dirksen, qui avait eu
du mal à en croire ses oreilles lorsque son homologue lui avait vanté
l’entente américano-allemande. À l’en croire, les Américains n’étaient
nullement hostiles aux Allemands, hormis les « trois millions et demi de
juifs aux États-Unis vivant pour la plupart sur la côte Est ». Et encore,
Dirksen ne pouvait savoir que Joe pestait à longueur de temps, quelles que
fussent les personnes présentes, contre les yids (youpins) ; ou que
l’antisémitisme de Joe avait déteint sur son fils aîné, qui ne cachait pas son
enthousiasme pour les Allemands : « C’est vraiment un peuple merveilleux
et il sera horriblement difficile de l’empêcher d’obtenir ce qu’il veut29. »
Conquis par cet Américain si atypique, Dirksen avait invité l’ambassadeur
Kennedy à visiter l’Allemagne128. Au demeurant, si elles ne reflétaient pas
la ligne diplomatique officielle, les vues de Joe trouvaient un certain écho
aux États-Unis. Les isolationnistes comme les pacifistes faisaient feu de
tout bois. Joe Kennedy n’ignorait pas qu’il pouvait bien être leur champion
pour les élections présidentielles de 1940. Avec autant d’assiduité qu’à
Londres, il cultiva en Amérique les milieux de l’apaisement et de la paix
à tout prix. Il se rapprocha aussi de gens influents tels que le sénateur
Burton K. Wheeler, autrefois démocrate rooseveltien mais pacifiste
convaincu, ou Cissy Patterson, la grande prêtresse de l’isolationnisme
américain.
Déjà furieux que Joe utilise sa position à des fins personnelles, Roosevelt
l’était encore davantage à la perspective d’une candidature Kennedy aux
présidentielles. Certains journaux s’en firent l’écho, parfois avec
gourmandise comme le Chicago Tribune, ouvertement hostile au New Deal.
Joe dut même s’employer à désamorcer la situation, confiant au journaliste
Cyrus L. Sulzberger que la Maison Blanche n’avait jamais fait partie de ses
projets. Mais qui pouvait le croire à Washington ? En tout cas, pas
Sulzberger lui-même, qui conclut son interview dans le Ladies Home
Journal sur la probabilité d’une candidature Kennedy129.
Tout en protestant publiquement de sa fidélité à FDR, Joe le traitait en
privé de « fils de p… », non sans charger Krock, son affidé en chef, de se
tenir prêt dans l’éventualité d’une campagne Kennedy for President. Mais
ses adversaires, souvent téléguidés par la Maison Blanche, ne baissaient pas
les bras. Le Saturday Evening Post dénonça ainsi l’affairisme qui liait
Jimmy Roosevelt et Joe Kennedy. Par chance, le quotidien ignorait les
petites affaires fructueuses que Joe poursuivait, bien à l’abri de son
ambassade. À la tête de la Somerset Distillers qu’il contrôlait aux États-
Unis, il avait placé un de ses fidèles, Ted O’Leary. À Londres, c’était le
secrétaire d’ambassade Harvey Klemmer qui s’occupait des expéditions
d’alcool de Joe vers l’Amérique. La situation n’était pas favorable, avec la
recrudescence des tensions, et le gouvernement anglais avait réquisitionné
sa flotte marchande pour les transports militaires. Joe utilisa cependant sa
position d’ambassadeur pour obtenir de la place de fret sur les navires de
transport vers les États-Unis. Près de deux cent mille caisses d’alcool furent
ainsi acheminées sous couvert diplomatique au profit personnel de
Kennedy.
Par ailleurs, à distance désormais, Joe continuait à investir et à spéculer
à Wall Street130. Presque quotidiennement, Joe faisait passer ses ordres par
téléphone à John Burns, un ancien juge à la Cour suprême du Massachusetts
devenu le responsable de son bureau de New York. Plus généralement, il se
servait d’informations confidentielles pour intervenir sur le marché des
valeurs. Le secrétaire américain à l’Intérieur, Harold Ickes, se plaignit de ce
que Joe Kennedy se livrait à de grosses opérations de spéculation boursière
par l’intermédiaire d’agents londoniens131.
Un jour, sans que personne ne le lui demande, Joe prit l’initiative de
préparer un accord sur le règlement de la dette britannique envers les États-
Unis. Il laissa filtrer la rumeur d’un accord prochain de dévaluation
monétaire de la livre sterling dont la conséquence à court terme serait une
envolée des prix de l’or. Personne n’avait entendu parler d’un tel accord et
Joe nia toute implication de sa part : entre-temps, jouant sur les cours de
l’or, il avait réalisé une opération juteuse sur le marché des valeurs.
Bien qu’éloigné, Joe ne se privait pas non plus d’intervenir en faveur de
ses amis. Il tenta ainsi de sauver Joseph Schenck, un des pionniers de
l’industrie du cinéma qui avait présidé la Twentieth Century Fox, des griffes
du fisc américain auquel il avait dissimulé un profit de 7 millions de dollars.
Il eut recours aux services de Jimmy Roosevelt, mais ses interventions
répétées auprès du Trésor finirent par provoquer la colère de FDR, qui
blâma l’ingérence inacceptable de son fils132.
Il y eut même pire lorsque Joe fit pression d’une manière indécente sur le
gouvernement britannique afin qu’il renonce à réduire le montant des
importations de films américains de 35 à 5 millions de dollars. Londres
avait besoin d’une telle réduction pour pouvoir financer ses achats
d’armement. Auprès du Département d’État, Joe fit valoir que cette
réduction signerait l’arrêt de mort de l’industrie cinématographique
américaine. Les Anglais durent renoncer à l’essentiel de leur projet133.
Quelques mois seulement après son installation à Londres, le cynisme et la
désinvolture de Joe lui avaient mis à dos une grande partie de
l’establishment. Pendant ce temps, Hitler menaçait la Tchécoslovaquie en
revendiquant le territoire des Sudètes. Venu rencontrer le Führer
à Berchtesgaden, en septembre 1938, Chamberlain le trouva toujours aussi
mal élevé, mais désormais aussi « totalement impitoyable, cruel et
arrogant134 ».
Mais il était trop tard pour éviter l’humiliation des accords de Munich, qui
furent signés quelques jours après135. Peut-être Chamberlain crut-il alors
sincèrement qu’il avait sauvé durablement une paix honorable. Il ne
tarderait pas à déchanter136 et à méditer l’alternative énoncée par Churchill :
« Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le
déshonneur et vous aurez la guerre. »
Joe, lui, se montra une nouvelle fois indécent en lançant à l’ambassadeur
de Tchécoslovaquie à Londres, Jan Masaryk : « N’est-ce pas merveilleux ?
Rien ne s’oppose à présent à ce que je rentre à Palm Beach30 ! » Ce même
Masaryk accuserait Kennedy d’avoir vendu des actions tchèques
à découvert et réalisé un bénéfice de 20 000 livres. Harry Hopkins, quant
à lui, évoquerait un montant d’un demi-million de dollars31.
Le mastermind
171. En 1950, cette fortune fut même estimée à près de 400 millions de dollars par le magazine
Fortune.
172. En janvier 1946, il vendrait encore la moitié de sa participation dans Somerset Importers à la
société d’importation Reinfeld et à deux autres compagnies, réalisant au passage un bénéfice de
l’ordre de 8 millions de dollars.
173. La formule était de Tommy Corcoran.
174. Joe refusa ainsi des opportunités d’investissement à Caracas et même à Porto Rico.
175. Selon une estimation de John J. Reynolds.
176. Inauguré en 1930, le Mart s’étendait sur une superficie de 1 350 000 mètres carrés.
177. Robert Sargent Shriver (1915-2011) épouserait Eunice Kennedy en mai 1953.
178. James M. Curley (1874-1958) avait déjà été à deux reprises maire de Boston. En 1914, il avait
délogé John F. Fitzgerald de l’hôtel de ville à l’issue d’une campagne électorale au couteau.
179. Joe n’envisageait que de transférer une partie de ses avoirs d’une banque, la Columbia Trust,
à une autre banque, la Shawmut Bank, toutes deux étant implantées dans le Massachusetts.
180. Pour ne pas perdre la face vis-à-vis de la presse, Rose avait prétexté une opération chirurgicale
mineure pour se faire hospitaliser au New England Baptist Hospital.
181. Joseph McCarthy était par ailleurs le parrain de Kathleen, la première fille de Bobby, née
en 1951.
182. Il s’avéra également que la jeune femme était déjà mariée…
183. L’épisode serait révélé plus tard par le cardinal Cushing en personne.
184. En 1957, un obscur archiviste s’aviserait d’exhumer cette affaire, mais sans succès.
185. Bien sûr, Joe avait eu tout loisir de faire enquêter sur le passé de la jeune femme.
186. En 1947.
187. Institution réputée de Farmington, Connecticut, qui était réservée aux héritières et aux jeunes
filles des grandes familles aristocratiques de la côte Est.
188. Pom-pom girls.
189. De 1948 à 1958.
190. Kirk LeMoyne « Lem » Billings (1916-1981) était le plus proche ami de Jack Kennedy, qu’il
connaissait depuis l’adolescence.
191. Le ticket désigne l’« attelage » président-vice-président choisi par chacun des deux grands
partis pour l’élection présidentielle.
192. Le président sortant l’emporta encore plus largement qu’en 1952, par près de 57,5 % des
suffrages populaires et 457 grands électeurs contre 73.
193. Elle accoucherait d’un enfant mort-né.
194. Au fil des années, Richard Nixon était devenu la bête noire et le souffre-douleur des
journalistes et des caricaturistes libéraux.
195. Les élections de midterm, qui concernent le renouvellement de la Chambre des représentants
et partiellement du Sénat, se situent à mi-mandat présidentiel.
196. Le Grand Old Party (GOP) est le nom donné couramment au parti républicain.
197. Il épouserait plus tard la fille de Giancana, Antoinette, avant d’être radié du barreau dans les
années 1980.
198. Jadis associé de Meyer Lansky en Floride, Grober avait surtout été impliqué dans la
contrebande d’alcool aux côtés d’un certain… Joe Kennedy.
199. Frank Sinatra posséderait jusqu’à 25 % des parts du Cal-Neva.
200. Une première rencontre entre Sam Giancana et Jack Kennedy avait eu lieu, le 12 avril 1960,
à l’hôtel Fontainebleau de Miami. D’autres rencontres s’ensuivirent.
201. La série culte était intitulée Father Knows Best.
202. Il y eut en fait trois débats télévisés et radiodiffusés entre Kennedy et Nixon, le premier s’étant
déroulé le 26 septembre 1960.
203. Champion du monde de boxe poids moyen à la fin des années 1940, Rocky Graziano était
connu pour sa rugosité.
7
Le patriarche désarmé
Le père du Président
Devenu le père de « l’homme le plus puissant du monde », selon
l’appellation convenue, Joe Kennedy resterait-il le pater familias, ce titre
dont il était peut-être le plus fier ? La réponse en fut donnée dès
l’avènement de Jack.
Durant la campagne, le candidat avait multiplié les ruses pour se distancier
de son père et l’inciter à demeurer dans l’ombre. Le lendemain de
l’élection, Jack insista pour que Joe se joignît au reste de la famille, au
Hyannis Armory, pour la première présentation à la presse du président élu.
Joe y consentit de bonne grâce : « En politique, il n’y a pas de hasard.
Maintenant, je peux me montrer avec lui quand je veux3. » Ce jour-là, Joe
consentit de nouveau à se laisser photographier. Le cliché du photographe
Frank Fallaci le représentait à l’aéroport Barnstable de Hyannis. Ce n’était
qu’un début.
La première tâche de tout nouveau président est la formation de son
équipe gouvernementale. L’exercice requiert de l’autorité, de la finesse et
du savoir-faire. Dans le cas de Jack, il était hypothéqué par les
interrogations liées à une éventuelle nomination de son frère Bobby. Qu’il
lui accorde un poste trop en vue et on le taxerait aussitôt de népotisme. Que
ce poste soit trop modeste et on lui ferait grief d’ingratitude envers son
cadet.
Il était évidemment impensable que Bobby se retrouvât bredouille, car il
avait été de toutes les batailles. Dévoué, stoïque, prêt à se damner pour son
aîné s’il le fallait, il avait été son directeur de campagne, son manager, son
protecteur et son rempart. Leur père le savait mieux que quiconque, qui
retrouva pour la circonstance son rôle impérieux de chef de famille. Son
objectif : faire nommer Bobby au poste d’attorney general, ministre de la
Justice. Ultime revanche ou nouvelle provocation ? Eunice en avait jubilé
à l’avance : « Génial ! On pourra envoyer en prison tous les gens que papa
n’aime pas4… »
Les professionnels de la justice en furent moins amusés et les réactions
négatives à cette éventuelle nomination remontèrent jusqu’à Jack : Bobby
était trop jeune et trop abrupt, outre le fait qu’il n’avait jamais pratiqué le
droit de sa vie.
Bobby lui-même, malgré sa grande ambition, ne paraissait pas très
enthousiaste et l’avait même fait savoir à son frère. Or Joe tenait mordicus
à son idée et n’avait cure des critiques : « Au diable les torpilles, mettez
pleins gaz ! » Jack tenta de faire diversion en appelant à la rescousse son
ami George Smathers ainsi que l’habile Clark Clifford. Jamais la réputation
d’« homme des missions délicates » qu’on accolait à Clifford n’avait
semblé aussi justifiée.
— Vous savez, monsieur l’Ambassadeur, il ferait un remarquable
secrétaire adjoint à la Défense…
La scène se passait au bord de la piscine familiale, à Palm Beach, et Jack
se prélassait non loin de là, faisant de son mieux pour ne pas entendre. Joe
avait déjà compris et fit venir sur-le-champ son président de fils :
— Bon Dieu, Jack ! Je te le redis une fois pour toutes. Bobby s’est crevé
le c… pour toi. Il veut être attorney general et je veux aussi qu’il le soit.
C’est compris5 ?
S’il ne s’était pas mis au garde-à-vous ce jour-là, Jack avait dû s’incliner
assez piteusement. Peu après, Ben Bradlee, rédacteur en chef de Newsweek
et familier du nouveau président205, l’avait plaisanté à ce sujet :
— Comment allez-vous annoncer officiellement la nomination de Bobby ?
Jack était resté songeur, un petit rictus au coin des lèvres :
— Eh bien, je présume que j’ouvrirai la porte de ma maison sur le coup de
2 heures du matin et, après avoir vérifié qu’il n’y ait personne dans la rue, je
chuchoterai : « C’est Bobby6. »
Le jour où il l’annonça officiellement, son cadet à ses côtés, Jack prit le
parti de l’humour : « Ne souris pas trop. Ils vont penser que nous sommes
contents de cette nomination7… »
S’il ne souriait pas, quant à lui, Joe était tout de même satisfait de la
nomination de Bobby. À ceux qui en auraient douté, il prouvait qu’il n’avait
pas tout à fait quitté le devant de la scène et qu’il avait encore son mot
à dire. Il se payait aussi le luxe d’envoyer balader au passage les chefs de la
pègre qui n’avaient pas pire ennemi que le cadet des Kennedy.
Celui-ci ne devait d’ailleurs pas les décevoir. Dès son entrée en fonction, il
annonça qu’il mènerait une guerre sans merci contre ce qu’il désignait plus
que jamais comme l’« ennemi intérieur » : « Je veux qu’on se souvienne de
moi comme du gars qui a brisé la Mafia8. »
C’était l’ultime pied de nez du vieux Joe à tous ces caïds qu’il méprisait
au fond de lui et qu’il venait de gruger, une fois de plus, comme des
débutants. Après l’élection de Jack qu’ils avaient grandement favorisée, les
chefs mafieux escomptaient un retour de bonnes manières ou, a minima,
une espèce de neutralité bienveillante. Ils en seraient pour leurs frais.
Oublié, du jour au lendemain, le soutien appuyé des boys à Chicago et
ailleurs. Oubliés, les enveloppes de billets, les services rendus, les
rencontres secrètes.
Peu après, Bobby lança le FBI et la justice aux trousses des chefs des
principales familles. Sam Giancana figurait bien sûr en tête de la liste noire
de Bobby. Il était le plus remonté contre la trahison des Kennedy, dont il
tenait Joe pour responsable. Une fois encore, ce dernier s’était assis sur la
parole donnée.
— Toute cette histoire n’a été qu’une vaste fumisterie. Au fond de moi,
j’ai toujours été convaincu que les Kennedy, c’était de la m… Mais le vieux
ne l’emportera pas au paradis9 !
Frank Sinatra n’était guère mieux loti, lui qui avait aidé les Kennedy père
et fils à approcher les plus grands pontes de la pègre. Un an plus tôt, il
accueillait son « grand ami » Jack en grande pompe dans sa somptueuse
propriété de Palm Springs206. Aujourd’hui, ce « bon vieux Frankie » était en
train de devenir lui aussi un pestiféré. Certes, on lui avait concédé
l’organisation, la veille de l’investiture, du gala inaugural de la présidence
Kennedy. Lui seul pouvait en faire un événement planétaire et rameuter en
un temps record un aréopage de stars réunissant Ella Fitzgerald, Harry
Belafonte ou encore Jack Benny. La récompense visible de Sinatra avait été
de gravir l’escalier d’honneur au bras de la nouvelle First lady.
On « oublia » cependant d’inviter la plus grande star américaine du show-
business à la grande parade du lendemain. Peu après, Joe le snoba tout aussi
ouvertement en le rayant de la liste des célébrités qu’il avait invitées
personnellement à Palm Beach. Il ordonnerait même que l’enregistrement
du gala d’investiture présidentielle, diffusé sur NBC, occulte
systématiquement la présence de Sinatra, alors qu’il en était le maître de
cérémonie207 !
Sinatra n’était pas le seul avec qui Joe avait coupé les ponts. Après une
trentaine d’années de relations asymétriques avec Joe, dont il restait
l’obligé, Arthur Krock passa lui aussi à la trappe en octobre 1960. Raison
invoquée : un article que le journaliste avait consacré à Jack et que Joe
jugea trop tiède. Biffant plusieurs décennies de services rendus, Joe le
congédia tel un laquais en quelques mots : « Cessez donc d’écrire ces
éditoriaux ineptes et efforcez-vous de voir chez Jack les bons côtés que
vous reconnaissez habituellement à vos bons amis10. »
Pour des raisons à peu près similaires, Joe mit également un terme à ses
relations avec le cardinal Francis Spellman, avec qui il entretenait pourtant
des liens étroits. Spellman, dont le cheval de bataille était la lutte contre
l’immoralité, savait beaucoup de choses sur Joe et sur ses maîtresses qu’il
appelait pudiquement ses « nièces ». Toutefois, au cours de la campagne
présidentielle, Joe suspecta fortement le saint homme d’inciter à voter
Nixon. Là encore, la rupture prit la forme d’un coup de téléphone
laconique. En raccrochant, Spellman se serait exclamé : « Cet homme est
un véritable démon11 ! »
Bien sûr, ni Krock ni Spellman ne seraient conviés à l’inauguration de
Jack.
Si Joe s’y connaissait comme personne pour claquer la porte au nez des
gens ou distribuer des affronts, il ne se privait pas non plus de prodiguer des
conseils à la cantonade. Entendant ses deux fils parler de réformer le
Département d’État en y remplaçant les vieux bureaucrates par de jeunes
cerveaux, il les interrompit : « Dans le passé, j’ai entendu Roosevelt
s’exalter comme vous sur ce sujet. Il parlait lui aussi de tout chambouler et
de repartir de zéro. Bien entendu, il n’en a rien fait et ce sera la même chose
pour vous12… »
Le vieux Kennedy eut moins de chance lorsqu’il tenta de faire nommer un
de ses amis, Francis Morrissey, juge fédéral. Ce dernier avait travaillé dans
les équipes de Jack et il était l’œil et l’oreille de Joe dans la campagne
électorale de son fils. Le barreau du Massachusetts s’était opposé à cette
nomination, considérant que Morrissey n’avait pas les compétences
requises. La nomination fut finalement annulée et Bobby, perturbé, s’en
ouvrit à son frère :
— Que devrai-je dire à papa ?
— Dis-lui simplement qu’il n’est pas le Président13…
Joe n’entendait pourtant pas mélanger les genres et le fit savoir : « Je
voudrais bien aider, mais je ne veux pas être une gêne14. » Père du
Président ? Cette situation ne lui remuait pas spécialement les tripes, même
s’il avait essuyé une larme en entrant dans le Bureau ovale pour la première
fois en compagnie de son fils. « Ce n’est rien, dirait-il. Si Kathleen et son
mari avaient vécu, je serais le père de la duchesse de Devonshire. Vous
savez, quand Jack vient me voir, il lui arrive encore de m’emprunter des
chaussettes propres. »
Ce n’était pas l’état d’esprit de Rose, qui jouait volontiers les reines
mères. Les proches de la famille plaisantaient discrètement des airs de
grandeur qu’elle affectait. Lorsqu’elle visitait les boutiques de haute couture
parisiennes, elle avait toujours soin de se faire livrer au nom de « comtesse
Rose Kennedy208 ». Rose tenait toujours à figurer sur la liste des « dix
femmes les mieux habillées du monde ». Et ce d’autant plus qu’elle devait
affronter à présent la rude concurrence de sa belle-fille Jackie.
Joe, lui, demeurait en retrait. Les titres nobiliaires ne l’intéressaient guère.
On l’apercevrait très rarement à la Maison Blanche au cours de la première
année de mandat de son fils. D’ailleurs, sur ordre du Bureau ovale, la presse
présidentielle s’abstenait scrupuleusement de signaler les rencontres de Joe
avec ses deux fils aînés. Cela ne l’empêcha pas de les aider et de les
soutenir comme par le passé. Jack, surtout, qui continuait à jouer à l’homme
désargenté et n’avait jamais un cent en poche.
Négligence ou mépris envers l’argent ? Avarice congénitale ? Jack tapait
ses amis en permanence, pour prendre un taxi, payer sa place de cinéma ou
même s’offrir un cornet de pop-corn. Devenu président, Jack ne perdit pas
ses bonnes habitudes. Un jour, ayant admiré une maquette du célèbre navire
Constitution dont il jugeait le prix de 500 dollars trop élevé pour sa bourse,
il se la fit offrir par son père. Une autre fois, sortant de chez lui pour
prendre l’hélicoptère présidentiel en direction de l’aéroport d’Idlewild209,
Jack fouilla dans ses poches vides : « Papa, c’est terrible, je n’ai pas un sou
de monnaie sur moi. » Joe envoya aussitôt quelqu’un chercher une liasse de
gros billets. « Bien sûr, je te les rendrai. » Incrédule, le père marmonnerait
en voyant son fils s’éloigner : « Ce serait bien la première fois15… »
Peu après l’inauguration, Joe s’embarqua pour un long voyage en Europe.
Sans Rose, bien sûr. Avec la satisfaction du devoir accompli, il s’accorda du
bon temps sur la Riviera française, dans tous les endroits qu’il avait écumés
quelques années auparavant en compagnie de Janet DesRosiers : Cannes,
l’Eden Roc au cap d’Antibes, Cagnes-sur-Mer, Èze-sur-Mer.
Joe fut ravi d’apprendre que l’image de Jack ne s’était pas détériorée à la
suite de son entrée en fonction. Il fut en outre charmé d’apprendre que sa
belle-fille faisait l’unanimité dans son nouveau rôle de First lady. Elle était
même devenue la coqueluche du tout-Washington. La nouvelle « petite
fiancée de l’Amérique », c’était tout de même lui qui l’avait un peu
inventée !
Joe s’amusa de lire dans la presse que le couturier attitré de la Maison
Blanche s’appelait Oleg Cassini. Le monde était décidément petit ! Il
connaissait bien les deux frères Cassini : Igor, le journaliste mondain qui
signait ses chroniques sous le pseudonyme pittoresque de « Cholly
Knickerbocker », et Oleg, le styliste qui avait été à l’occasion le pourvoyeur
de Joe en mannequins et en femmes du monde.
À 73 ans, Joe avait les cheveux blancs, mais la poignée de main toujours
ferme. Il lui arrivait encore de batifoler, même s’il n’était plus tout à fait
à son zénith. Son lieu de prédilection était le Colonial Inn de Palm Beach,
où il était connu de toutes les jeunesses locales.
La Côte d’Azur n’était pas non plus dépourvue de charmes. Joe y connut
sa dernière frasque amoureuse en la personne de son caddy, une blonde
ravissante de 21 ans qui le suivait sur tous les greens de la région, celui de
Biot notamment. En 1961, il fréquentait cette jeune Française, Françoise
Pellegrino, depuis sept ans déjà. La liaison était jusqu’alors restée
inaperçue. Cela ne pouvait plus être le cas désormais : il s’agissait du « père
du Président ». En août, le New York Daily Mirror titra hardiment à la une :
Pa Joe’s Nifty Caddy (« Le caddy affriolant de papa Joe »). L’intéressé, qui
logeait avec son caddy attitré dans la superbe villa Bella Vista ouvrant sur la
Méditerranée, n’en fut pas gêné le moins du monde. Rien ne pouvait plus
lui arriver, du moins en avait-il la conviction. Il se contenta d’alléguer,
contre toute vraisemblance, qu’il logeait en compagnie de la jeune femme
à seule fin de lui « apprendre l’anglais ». Un peu plus tard, il l’emmènerait
en Amérique, sans que l’on sache si c’était pour qu’elle perfectionne ses
connaissances linguistiques.
Pour autant, tout ne fut pas rose aux premiers temps de la présidence
Kennedy. La situation internationale, avec l’Union soviétique tout
particulièrement, restait très tendue alors que Jack apprenait son métier de
président. En avril, il essuya un fiasco cuisant lors de l’équipée tragique de
la baie des Cochons, qui visait au renversement de Fidel Castro à Cuba210.
Quand bien même l’opération aventureuse avait été planifiée avant lui, JFK
fut rendu responsable du lâchage des combattants anticastristes, privés au
dernier moment d’un soutien aérien et naval américain qui leur avait
pourtant été promis211.
Quelques semaines plus tard, début juin, JFK avait également éprouvé les
pires difficultés à tenir tête au leader soviétique Nikita S. Khrouchtchev,
lors du sommet bilatéral qu’ils tinrent à Vienne16.
Si Joe ne pouvait rien pour son fils dans les crises internationales, il
s’efforçait de lui rendre la vie plus agréable. Au printemps 1961, il lui offrit
sur ses propres deniers la rénovation et le réaménagement de la piscine
présidentielle. Son existence remontait au temps de Franklin D. Roosevelt,
qui l’utilisait pour ses séances de balnéothérapie. Les médecins de Jack lui
prescrivirent également l’exercice quotidien de la natation afin de soulager
ses problèmes de dos récurrents.
Le chéquier de Joe fit de la piscine de la Maison Blanche un endroit
confortable et sophistiqué : caillebotis de luxe, ameublement de prix et
décoration recherchée. On avait même commandé à l’artiste Bernard
Lamotte une peinture murale de plus de 17 mètres de large. Un accès privé
avait été prévu, permettant au Président et à ses hôtes d’accéder
discrètement de la piscine aux appartements via un petit ascenseur. Jack eut
bien vite d’autres idées concernant la piscine, qui devint un haut lieu de la
luxure présidentielle, surtout lorsque Jackie était absente de la Maison
Blanche… au grand désespoir des agents de sécurité, catastrophés de voir
des naïades à l’identité incertaine venir y barboter.
Peut-être Joe commençait-il à en prendre son parti. Il se faisait vieux
désormais, malgré son énergie et son allant. Ses névralgies chroniques
continuaient de le faire souffrir, tandis qu’il se montrait moins vigoureux
avec ses maîtresses. Il lui restait les attributs formels du pouvoir que
détenaient ses garçons et qui rejaillissaient, d’une certaine façon, sur lui.
Joe pouvait désormais alerter le FBI pour faire vérifier que sa suite d’hôtel
n’était pas truffée de micros. Quant à sa propriété de Hyannis Port, elle était
protégée en permanence par le Secret Service. L’héliport en avait été
modernisé, tandis que flottait sur le toit de la résidence un drapeau étoilé
indiquant la présence du Président dans les lieux.
Jack ainsi que Bobby venaient fréquemment voir leur père. Mais tous
deux ne l’entretenaient plus que rarement de politique et se passaient
désormais de ses conseils. Déçu, Joe finit par déclarer « superflues » ces
visites filiales. Il lui restait ses connexions avec la presse comme exutoire
à sa rancœur et quelques accointances à Hollywood pour monter des projets
qui n’étaient que de pâles dérivatifs : négocier une adaptation
cinématographique d’un ouvrage de Bob Donovan sur l’épisode du PT-109
ou encore préparer l’adaptation du livre de Bobby, The Enemy Within17.
Il restait aussi et surtout à Joe l’amour de son dernier garçon, Teddy, en
qui il voyait son « rayon de soleil ». Âgé de 29 ans, ce dernier s’était battu
comme un lion pour faire campagne dans l’Ouest américain au profit de
Jack. Inexpérimenté, sans qualification ni vrai diplôme, il était rentré au
bercail.
Comme il l’avait fait pour ses aînés, Joe avait conseillé Teddy. Il l’avait
persuadé de conquérir lui aussi sa légitimité en se présentant à une élection.
Il l’avait encouragé à prendre le relais de ses frères en briguant un poste de
sénateur dans le Massachusetts, celui-là même qu’occupait Jack avant de
devenir président. Cet État était le berceau des Kennedy, et Joe prit la
décision pour Teddy sans même en parler à Jack et Bobby.
Jack, le premier, avait renâclé. Il ne comprenait pas pourquoi son frère
dédaignait un siège de représentant en ambitionnant directement le Sénat.
Sachant la réputation de noceur et de corner guy212 de son cadet, il en avait
parlé à son père sur le ton de la plaisanterie : « Nous devons avoir un play-
boy dans la famille et c’est Ted. S’il te plaît, papa, ne le force pas à faire de
la politique. » Il est vrai que Ted n’avait aucune expérience en politique et
avait à peine atteint l’âge requis – 30 ans – pour se présenter à l’élection
sénatoriale de novembre 1962. Mais Joe était demeuré inflexible, tançant au
passage ses deux aînés : « Vous autres avez tout ce que vous voulez et tout
le monde vous a aidés à l’avoir. C’est le tour de Ted à présent. Je vais
veiller à ce qu’il obtienne tout ce qu’il veut. » Jack finirait par se plier à la
volonté paternelle213. Une fois de plus. Nul ne pouvait alors imaginer que ce
serait la dernière.
Le destin bascule
Parfois les grands drames surviennent en des moments et en des lieux où
on ne les attend guère. Ce matin du 19 décembre 1961, Joe Kennedy venait
de raccompagner son président de fils à l’aéroport de Palm Beach. Au terme
d’un voyage épuisant d’une semaine en Amérique latine, Jack était venu
faire une courte halte en famille.
En compagnie d’Ann Gargan, sa nièce préférée214, Joe se rendait
tranquillement à une partie de golf. Noël approchait à grands pas et la vie
paraissait s’écouler paisiblement. Il abordait le sixième trou du parcours
lorsque, sur le green, il se sentit défaillir. Inquiète, Ann le reconduisit
aussitôt à la maison et il tituba pour regagner sa chambre. Quelques heures
plus tard, on le découvrit allongé sur son lit, portant encore son costume et
ses chaussures de golf. Il gisait là, immobile et inconscient.
Tout le monde s’alarma, sauf Rose, qui conclut que tout rentrerait dans
l’ordre après « une bonne sieste ». Ayant fait savoir aux domestiques
qu’elle ne pouvait « que prier pour lui », elle s’en alla faire sa partie de golf
quotidienne… avant de s’attarder à l’église sur le chemin du retour.
Pourtant, les médecins appelés au chevet de Joe présumèrent aussitôt une
attaque cérébrale. Le diagnostic de l’hôpital St. Mary, où le patient avait été
admis en urgence dès l’après-midi, confirma leurs pires craintes. Il était
sans appel : thrombose intracrânienne par formation d’un caillot dans une
artère irriguant le cerveau. Joe n’avait évité le pire que d’extrême justesse.
Dès l’admission de son père à l’hôpital, Jack fut alerté. En pleine nuit,
accompagné de son épouse et de son frère Bobby, revenu d’urgence d’une
réunion à Detroit, il se rendit à son chevet. Les autres membres de la famille
leur emboîtèrent le pas. Sur les photos de presse, les visages du Président et
de la First lady apparaissaient défaits. Ce furent les seules indications
concédées au public, car le secret concernant les Kennedy restait un dogme.
Bobby était le plus affecté de tous. Dans les jours qui suivirent, il revint
à deux reprises à West Palm Beach, puis parcourut fiévreusement le pays
à la recherche de docteurs miracles. Il n’en existait pas, et le cadet des
Kennedy, inconsolable, mettrait du temps à l’admettre. Ce fut le moment où
la presse nationale commença à le présenter comme « le second homme
plus important à Washington ». À ses yeux, Bobby était destiné à jouer
auprès de Jack le rôle que Joe avait longtemps tenu.
Jackie n’était pas moins dévastée par l’attaque cérébrale de Joe. Son beau-
père avait été de tout temps son plus solide allié dans la famille : le seul à la
sécuriser financièrement et à tenter de contenir les frasques extraconjugales
de Jack. Il ne serait plus là de la même manière, désormais. Un cycle était
en train de se refermer dans sa vie.
La famille fit bloc autour de son patriarche. Jack ferait chaque week-end le
trajet jusqu’à Hyannis Port, où Joe avait été rapatrié. Bobby et Teddy étaient
généralement présents aux côtés de leur frère. La photo du vieil homme
paralysé regardant l’hélicoptère présidentiel atterrir ou décoller devint
familière. Un jour, comme Joe tentait désespérément de s’extirper de sa
chaise roulante, Bobby accourut pour lui venir en aide, mais reçut des coups
de canne de son père : « Mais papa, je suis seulement en train de te donner
la main et t’aider. Tu as fait cela pour moi toute ta vie. Pourquoi ne le
ferais-je pas moi aussi pour toi18 ? »
On martela d’emblée une version officielle lénifiante qui serait reprise en
chœur par la presse. Deux jours après l’attaque cérébrale, le Boston
American : « Kennedy quitte le bloc des urgences : pas de séquelles. »
Surpassé cependant en optimisme par le Boston Globe : « Joseph Kennedy
se rétablit et retrouve ses facultés de jour en jour. » D’autres articles de
presse trop obséquieux avaient en revanche des allures de notice
nécrologique, tel celui de la journaliste Ruth Montgomery où l’on pouvait
lire : « Dans n’importe quel pays libre, Joe Kennedy serait considéré
comme un trésor national. Ici, en Amérique […], Joe Kennedy a gagné les
félicitations de ses concitoyens19. »
Cette désinformation de grande ampleur fut accréditée par le cardinal
Cushing, qui déclara aux journalistes qu’il avait vu Joe et que tous deux
avaient conversé. Bien plus tard, ce même Cushing confesserait s’être rendu
au chevet de Joe et avoir prié pour lui, mais qu’il n’était pas certain que Joe
comprenait ce qu’on lui disait20.
La réalité sur l’état de Joe Kennedy était très différente que ce qu’on en
disait. Le soir même de son hospitalisation, conscient de l’état irréversible
de leur patient, les médecins avaient proposé à la famille d’éviter les soins
et de débrancher l’appareil respiratoire qui le maintenait en vie. Bobby s’y
était catégoriquement opposé, à la fois pour des raisons religieuses et parce
que, selon lui, il « fallait le laisser se battre contre la mort21 ».
Joe était entièrement paralysé du côté droit et ne pouvait plus se mouvoir
ni se servir de ses bras. Condamné à rester alité ou à se déplacer en fauteuil
roulant, il était également devenu aphasique, et même incapable de retenir
sa salive. En dehors de quelques jurons à peu près intelligibles, les seuls
sons qu’il pouvait émettre, déformés par la crispation du désespoir, étaient
une sorte d’ululement aussi sinistre qu’incessant, tenant à la fois de la
plainte et de la frustration : « Noooon, noooon ! »
Au début, Joe reçut quelques visites, comme celle d’Oleg Cassini, qui
repartit de la maison des Kennedy complètement bouleversé : « Il m’a
reconnu. Je regardais ses yeux. Par moments, il semblait vouloir
désespérément communiquer, mais il ne pouvait pas22. »
Désormais mariée et mère de famille, Janet DesRosiers vint également
voir son ancien patron. Elle raconterait par la suite : « Il était sous la
véranda et ne pouvait que râler et pleurer. C’était navrant23. » Sans doute se
remémorait-elle ces longs moments passés auprès de Joe quand il lui
confiait sa hantise de devenir un jour impotent et dépendant des autres. S’il
avait toujours accordé une foi aveugle à la puissance de la volonté, que
valait celle-ci à présent ?
Avec ses visiteurs, de plus en plus gênés, il ne pouvait s’agir que de
conversations à sens unique. Même Teddy, en pleine campagne électorale
pour la conquête de son siège sénatorial, cessa de consulter son père.
Pressentant sans doute également une situation pénible, Gloria Swanson
s’était abstenue de faire le déplacement de Hyannis Port. Elle s’était
contentée d’adresser un télégramme de sympathie signé « Kelly ».
À Hyannis Port comme à Palm Beach, la vie s’organisa autour du
handicap de Joe Kennedy, qui refusa d’emblée un traitement de rééducation
à l’Institut Rusk. Personne dans la famille n’osa alors le contrarier. Joe resta
donc confiné chez lui, peu de gens le côtoyant au quotidien, en dehors de
l’infirmière en chef Rita Dallas et de son équipe.
La seule personne à être admise en permanence auprès de Joe était sa
nièce Ann Gargan. Depuis des années, elle accompagnait, dans ses
résidences ou ses voyages, son oncle par alliance dont elle se sentait plus
proche que de sa tante. À présent qu’il était handicapé, elle consacrait
chaque instant à son bien-être, donnant même le sentiment d’accomplir une
vocation par la constance de son dévouement24.
À l’évidence, et surtout à présent qu’il était devenu complètement
dépendant, Joe rendait toute son affection à sa nièce. Peut-être gardait-il en
mémoire la prédiction funeste de Janet DesRosiers au moment où elle
l’avait quitté : « Ann et toi finirez seuls, pitoyablement. »
Ann Gargan et Rita Dallas avaient des désaccords sur la gravité de l’état
de santé de Joe. Dallas jugeait que cet état pouvait s’améliorer par la
rééducation, en faisant en sorte que le patient sorte de sa torpeur et « se
remue25 ». Ann, au contraire, par la douceur même de l’attention qu’elle lui
portait, confortait son oncle dans son refus de faire des efforts pour
améliorer son état. Elle l’entourait de son affection, l’embrassait sur la joue
et, souriante, lui murmurait à l’oreille des paroles qu’il paraissait apprécier.
Pour l’extérieur, Ann était un cerbère et chacun devait en prendre son parti.
Les autres membres de la famille ne savaient pas trop comment gérer la
situation, tant ils avaient l’habitude d’être eux-mêmes pris en charge par le
patriarche. De fait, Joe glissa dans un état d’invalidité permanente.
Rose, elle, cachait à peine son désintérêt pour la situation de son époux.
Comme si de rien n’était, elle continuait à jouer au golf, à se baigner
quotidiennement dans sa piscine et à prendre des leçons pour améliorer son
français. Consciente de l’état de son mari, elle avait acheté des vêtements
de deuil en prévision des obsèques et les emportait systématiquement dans
sa valise lors de ses déplacements entre Hyannis Port et Palm Beach.
À ceux qui lui reprochaient sa sécheresse, elle se bornait à répliquer :
« Pourquoi aurais-je à mettre en scène mes émotions ? Je n’ai guère besoin
de publicité. »
Plus bigote que jamais, elle n’entendait pas déroger à son mode de vie
antérieur. Son déjeuner se composait ainsi invariablement de blanc de
poulet bouilli, sans assaisonnement, de pain blanc et d’une tranche de
gâteau de Savoie. Simplement Rose devint encore plus tatillonne que par le
passé, tandis que sa pingrerie envers le petit personnel prenait des
proportions quasi psychotiques.
Rose était devenue proprement insupportable à Joe. Le seul fait de la voir
entrer dans sa chambre pouvait le rendre extrêmement nerveux. Il lui
suffisait d’apparaître pour qu’il pousse des cris épouvantables, la menaçant
du poing de son bras valide. Rose ne se faisait alors pas prier pour battre en
retraite. Elle pouvait s’adonner en toute quiétude à l’autre grande passion de
sa vie, en dehors de la religion, qui était de faire les magasins et les
boutiques. Elle n’avait d’ailleurs pas renoncé à ses virées pluriannuelles
à Paris et se faisait un plaisir, à son retour, d’essayer toutes ses nouvelles
parures devant son mari.
Loin de s’améliorer, l’état de santé de Joe restait très préoccupant. Ses
accès de colère et ses hurlements, reflet d’une frustration irrépressible que
rien ne pouvait apaiser, se firent de plus en plus fréquents. Au paroxysme de
sa fureur, il pouvait lancer dans la pièce le premier objet à portée de main.
Plus d’une infirmière en fit les frais, la plupart d’entre elles refusant de
l’approcher, de crainte de recevoir des coups.
Plus rares étaient ses moments de calme, où il se plongeait dans la lecture
du New York Times ou regardait des séries télévisées. Encore plus rares
étaient les moments où on lui passait au téléphone des gens de son bureau
de New York. Ceux-ci faisaient mine d’écouter patiemment, ainsi que le
leur avait ordonné Steve Smith, les borborygmes incompréhensibles de leur
patron. On s’arrangeait également pour que Joe passe de temps en temps
à New York ou à Chicago, en « tournée d’inspection » au Mart.
À présent, Joe appréciait les visites de ses fils Jack et Bobby, qui se
relayaient. Ted venait aussi très souvent et se lançait parfois, pour distraire
son père, dans des imitations de Honey Fitz. Le Président tint aussi à ce que
son père vienne à son tour lui rendre visite à la Maison Blanche. Il savait
que Joe ne supporterait pas de le voir délaisser ses tâches présidentielles,
fût-ce quelques heures, pour s’occuper de lui. Sous le regard complice de
Bobby, il lui glissait à l’oreille : « Papa, nous ne pouvons malheureusement
pas passer la journée à te tenir compagnie. Je crois qu’il est temps que
j’aille au bureau m’occuper des affaires de ce pays. »
Très au-delà de sa désinvolture habituelle, Jack était littéralement
bouleversé. Il fit de son mieux pour s’occuper de son père et pour lui
montrer qu’il gardait toujours une grande importance à ses yeux. Quand les
Kennedy conversaient entre eux, il tenait à ce que Joe participe et lui
demandait sans cesse : « Qu’en penses-tu, papa ? C’est bien comme ça,
n’est-ce pas26 ? »
Un jour, quittant Hyannis Port à bord de Marine One, l’hélicoptère
présidentiel, et apercevant son père dans son fauteuil lui adressant un salut,
il lança à son vieil ami Chuck Spalding : « Tout ça, c’est grâce à lui. Rien
ne serait arrivé s’il n’avait pas été là. Nous le lui devons tous27. »
Trop petits pour comprendre, les enfants de Jack, ainsi que ceux de Bobby,
étaient effrayés par l’état de leur grand-père. Dès qu’il levait le bras gauche
pour les accueillir auprès de lui en signe d’affection, ils s’enfuyaient en
pleurant, ce qui le rendait profondément malheureux. En revanche, il trouva
un réconfort immense auprès de sa belle-fille, Jackie. Celle-ci eut pour lui
les gestes qu’elle n’avait pu avoir pour son propre père quand il s’était
éteint d’un cancer du foie quelques années plus tôt215.
À Hyannis Port, Jackie passait de longues heures auprès de Joe, à lui
caresser la main et à prendre soin de lui : « Grand-père, je prie tous les jours
pour vous. » Malgré sa paralysie, Jackie tint à inviter son beau-père
à certains dîners qu’elle organisait pour le tout-Washington. Aidée par Ann
Gargan, elle lui faisait parcourir les quelques mètres le séparant de la table.
Assise tout à côté de lui, elle lui caressait affectueusement la nuque et
l’aidait à découper sa viande. Ignorant les larmes de reconnaissance que ne
pouvait retenir le patriarche, elle continuait à le plaisanter lestement comme
elle l’avait toujours fait : « Après tout, c’est de votre faute ! Si vous n’aviez
pas convaincu Jack de m’épouser, je ne serais pas là en train de jouer à la
First lady 28… »
Jackie avait fait part à son mari de son souhait que Joe vînt vivre avec eux,
mais cela s’était avéré impossible. La jeune femme fit néanmoins tout son
possible pour que le patriarche des Kennedy soit invité le plus souvent
possible.
Un jour d’avril 1963, à la Maison Blanche, JFK fit sir Winston Churchill
citoyen d’honneur des États-Unis. Le soir, lors du dîner familial auquel Joe
avait été convié, le Président commença par louer la qualité des crabes que
son père avait fait venir de Floride : « Je dois dire une chose à propos de
papa. Quand vous partez avec lui, vous prenez la première classe. » Puis,
commentant la cérémonie du matin à l’intention de Joe : « Tes bons amis
étaient là pour saluer Churchill et porter un toast à ta santé, de Bernard
Baruch à Dean Acheson… » Tous avaient été des adversaires de Joe ou des
gens à qui il s’était peu ou prou opposé dans le passé. Témoin de la scène,
Ben Bradlee resterait bouleversé par les enfants du vieil homme malade qui
s’efforçaient de le mêler à la conversation à laquelle il ne pouvait participer
que par un battement de paupières ou un rictus mal maîtrisé.
Une autre fois, Jack avait accueilli son père dans le Bureau ovale. Le vieil
homme était dans son fauteuil roulant face à son fils assis dans le rocking-
chair auquel il recourait de plus en plus pour soulager son dos : « Eh bien,
tu vois, papa, je crois que nous avons besoin tous les deux de chaises
spéciales29… »
Pourtant, la vie continuait sans Joe, qui avait dû renoncer définitivement
à toute relation de sociabilité. Il ferait sa dernière apparition publique à New
York début novembre 1963, à l’invitation de l’ancien président Herbert
C. Hoover aux Waldorf Towers.
À la Maison Blanche, Jack avait résolument revêtu les habits de président.
S’il était désormais JFK pour tout le pays, il avait cessé d’être, pour les
familiers, le fils obéissant d’un Joe tirant les ficelles en coulisses. Il volait
à présent de ses propres ailes et c’est en chef de l’exécutif qu’il affrontait
les grandes crises internationales.
En octobre 1962, au cours de la gravissime crise des missiles de Cuba216,
le président Kennedy annonça à la télévision le blocus de l’île, déclenchant
ainsi un bras de fer du bord du gouffre avec Moscou. À Hyannis Port,
devant son poste, Rose n’en finissait plus de se lamenter : « Mon fils, mon
pauvre fils. Un si lourd fardeau à porter. Et il n’y a plus son père pour
l’aider30. » Toute à son désarroi, elle ne pouvait comprendre que Bobby
avait magistralement pris la relève auprès de son frère, dont il était devenu
le rempart ultime.
Au même moment, Joe poursuivait le traitement qu’il avait entrepris en
avril 1962 au New York Institute of Physical Medicine and Rehabilitation,
un établissement de rééducation spécialisé. Il demeurait incapable de parler
et ne s’exprimait qu’à l’aide de ses yeux, par des mimiques plus ou moins
compréhensibles, ou en agitant sa main gauche comme un sémaphore. Au
mieux pouvait-on constater une « évolution minime » de son état.
Ses crises de larmes s’étaient intensifiées, tandis que ses colères
récurrentes n’étaient que le reflet d’un refus viscéral de sa condition. Quant
à sa paralysie du côté droit, elle ne s’était pas améliorée le moins du monde,
et pas davantage à la suite du traitement qu’il avait subi à l’institut new-
yorkais. On l’avait encouragé à marcher à l’aide d’une armature
orthopédique, mais Joe s’y était, bien sûr, refusé de toutes ses forces.
Assez rapidement, le corps médical en vint à conclure que son état était
rédhibitoire et qu’il n’y avait plus grand-chose à faire. Joe Kennedy ne
recouvrerait plus jamais ses facultés antérieures et resterait diminué à vie.
S’il était éventuellement possible de le maintenir dans son état semi-
végétatif, il ne guérirait plus.
Il fut recommandé à ses infirmières d’écourter ses rencontres avec le
monde extérieur, y compris la famille : pas plus d’une demi-heure par jour.
Il fut également conseillé, afin de stabiliser son état émotionnel, de cesser
de le tenir informé d’événements extérieurs qui ne le concernaient pas
directement.
Le Président insista néanmoins pour que son père passe les fêtes de
Pâques avec toute la famille à Palm Beach, son endroit préféré. L’irritabilité
de Joe ne s’était pas dissipée, et le repas familial fut perturbé en raison du
champagne qui était éventé. S’en étant aperçu comme tout le monde, il
avait piqué une crise de colère épouvantable. Ce jour-là, seul Jack parvint
à le calmer :
— Papa, tu as raison comme toujours. Je suis prêt à parier avec n’importe
qui que nous sommes les seuls à Palm Beach à boire du dom-pérignon sans
bulles31…
Pour son président de fils, Joe était prêt à toutes les indulgences. Lui et
Bobby personnifiaient la réussite des Kennedy, sa propre réussite. Tant
qu’ils continueraient à triompher, il conserverait sa raison d’être. Malgré
son infirmité et ses malheurs.
204. W. Loeb ajouterait que, s’étant tourné vers une photographie de Jack, Joe aurait eu cette
réflexion : « Et celui-là aurait été un professeur de lycée… »
205. Les Bradlee étaient voisins des Kennedy à Georgetown. Au moment de son élection, Jack
entretenait déjà une liaison avec la belle-sœur de Ben, Mary Pinchot Meyer.
206. Sinatra avait été jusqu’à faire apposer une plaque commémorative sur la porte de la chambre
où avait dormi Jack Kennedy…
207. La rupture entre Sinatra et Jack Kennedy fut définitivement consommée un an et demi plus
tard, lorsque le Président, en tournée dans les États de l’Ouest, annula au dernier moment sa visite au
domicile de Sinatra à Palm Springs pour passer la nuit non loin de là, chez Bing Crosby, grand rival
de Frankie à la scène et républicain de surcroît.
208. Ce titre de comtesse pontificale ad personam lui avait été octroyé en 1951 par le pape Pie XII,
en hommage à « son exemplarité familiale et ses nombreuses actions philanthropiques ».
209. Aujourd’hui aéroport John-Fitzgerald-Kennedy.
210. L’opération consistait dans le débarquement Playa Girón et Playa Larga, sur le site de la baie
des Cochons, au sud-est de La Havane, de plus d’un millier de militants hostiles au régime castriste
dont l’objectif était l’organisation du renversement de Fidel Castro.
211. L’opération se solda par plus d’une centaine de tués et quelque mille deux cents prisonniers
parmi les anticastristes.
212. Un corner guy désigne un homme qui adore rester dans un coin pour parler aux autres.
213. Ted Kennedy serait effectivement élu sénateur du Massachusetts en novembre 1962 et
conserverait son siège jusqu’à sa mort, en août 2009.
214. Ann était la fille d’Agnes Fitzgerald Gargan (1892-1936), la sœur de Rose.
215. Surnommé « Black Jack », John Vernou Bouvier III était mort en août 1957, à l’âge de 66 ans.
216. Résultant de la découverte par la CIA, en octobre 1962, de l’installation de missiles nucléaires
soviétiques à Cuba, la crise se solda par une tension militaire extrême de treize jours entre
Washington et Moscou, avant de se résoudre pacifiquement par un compromis.
217. Joe aurait même été soumis à des fibrillations depuis le début des années 1950.
218. Île située dans l’État du Massachusetts, Martha’s Vineyard (littéralement le « vignoble de
Marthe ») est réputée pour être la résidence d’été de la jet-set américaine et de plusieurs présidents
des États-Unis.
219. Après avoir reconnu sa culpabilité de non-assistance en danger, Ted Kennedy fut condamné
à deux mois de prison avec sursis et un an de mise à l’épreuve.
Bibliographie sélective
Ne sont cités ci-dessous que les livres consultés dans le cadre de cette biographie.
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Notes
1. On l’appellera Joe
1. Voir Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, Washington
D.C., Regnery Gateway, 1964, p. 5-9. Voir aussi Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An
American Drama, New York, Simon & Schuster, 1984, p. 19.
2. Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 19.
3. Voir John Henry Cutler, « Honey Fitz »: Three Steps to the White House, Indianapolis, 1962,
p. 64. À l’issue de la polémique avec Lodge, le Congrès ayant finalement voté en faveur des thèses
hostiles à l’immigration, Fitzie avait demandé au président Cleveland d’user de son droit de veto.
4. Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 28. Voir aussi
Doris K. Goodwin, The Fitzgeralds and the Kennedys: An American Saga, New York,
Simon & Schuster, 1987, p. 107-109 ; et Rose Fitzgerald Kennedy, Times to Remember, Garden City,
New York, Doubleday, 1974, p. 34-35.
5. William J. Duncliffe, The Life and Times of Joseph P. Kennedy, New York, Macfadden-Bartell,
1965, p. 3.
6. Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 30.
7. Rappelé par Rose Kennedy, Times to Remember, op. cit., p. 56. Voir aussi Richard J. Whalen,
The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 34.
8. Theodore Roosevelt prononça à cet égard, en 1899, un célèbre discours intitulé The Strenuous
Life. Voir Theodore Roosevelt, The Strenuous Life : Essays and Addresses, New York, The Century
Company, 1900, p. 7.
9. Sur les 498 lauréats que comptait la promotion de 1912 – celle de Joe Kennedy –, on comptait
27 catholiques et 30 juifs. Voir Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the
Dynasty He Founded, New York, Warner Books, 1996, p. 25.
10. Fortune, septembre 1937. Cité par Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An
American Drama, op. cit., p. 34.
11. David Nasaw, The Patriarch: The Remarkable Life and Turbulent Times of Joseph P. Kennedy,
New York, The Penguin Press, 2012, p. 24.
12. Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 27.
13. Ted Schwarz, Joseph P. Kennedy: The Mogul, The Mob, The Statesman and The Making of an
American Myth, Hoboken (New Jersey), John Wiley & Sons, 2003, p. 57. Voir aussi Richard
J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 39.
14. Richard J. Whalen, ibid., p. 29.
15. Laurence Leamer, The Kennedy Men: The Laws of the Father, 1901-1963, New York,
HarperCollins, 2001, p. 28.
16. Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 39.
17. Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 35.
18. David Nasaw, The Patriarch: The Remarkable Life and Turbulent Times of Joseph P. Kennedy,
op. cit., p. 20.
19. Rose Kennedy, Times to Remember, op. cit., p. 31.
20. Ibid., p. 37.
21. Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 40 ; et
John H. Cutler, John Henry Cutler, « Honey Fitz »: Three Steps to the White House, op. cit., p. 162.
22. Ibid. Voir aussi Rose Kennedy, Times to Remember, op. cit., p. 76.
23. Rose Kennedy, ibid., p. 54.
24. Ibid., p. 480-481. Rose Kennedy se référait volontiers à des passages de l’Ecclésiaste, un de ses
livres préférés de l’Ancien Testament.
25. Témoignage d’Arthur Goldsmith. Voir Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph
P. Kennedy and the Dynasty He Founded, op. cit., p. 25.
26. Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 37.
27. Francis Russell, The Great Interlude, New York, McGraw-Hill, 1964, p. 176.
28. Doris K. Goodwin, The Fitzgeralds and the Kennedys: An American Saga, op. cit., p. 252.
29. Rose Kennedy, Times to Remember, op. cit., p. 75. Voir aussi John Henry Cutler, « Honey
Fitz »: Three Steps to the White House, op. cit., p. 170 sq.
2. L’outsider
1. Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 44.
2. Voir Richard J. Whalen, ibid., p. 49. Voir aussi Michael R. Beschloss, Kennedy and Roosevelt:
An Uneasy Alliance, New York, W.W Norton, 1980, p. 45-46.
3. Ibid.
4. Jean Edward Smith, FDR, New York, Random House, 2007, p. 144-145 ; et Michael
R. Beschloss, Kennedy and Roosevelt: An Uneasy Alliance, op. cit., p. 46.
5. Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 52.
6. Ibid., p. 53. Voir aussi Arthur Pound & Samuel Taylor Moore (éd.), They Told Barron: The Notes
of the Late Clarence W. Barron, New York & Londres, Harper & Brithers, 1930, p. 36.
7. Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 54.
8. John Henry Cutler, « Honey Fitz »: Three Steps to the White House, op. cit., p. 201.
9. John Lloyd Parker, Unmasking Wall Street, Boston, The Stratford Company, 1932, p. 114.
10. Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 65.
11. Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 42 ; et
Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 65.
12. Richard J. Whalen, ibid., p. 66.
13. Ibid., p. 66.
14. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 34 ; et Michael R. Beschloss, Kennedy and Roosevelt: An Uneasy Alliance, op. cit., p. 60.
15. Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 68.
16. Ayant eu directement accès aux archives de la famille, l’historienne Doris K. Goodwin fut de
ceux qui en conclurent que Joe Kennedy était exempt de toute activité répréhensible. Voir à cet égard
son ouvrage, The Fitzgeralds and the Kennedys: An American Saga, op. cit., p. 441-444. Il est vrai
que Joe était suffisamment prudent pour faire disparaître tout élément suspect.
17. Peu avant sa mort, en février 1973, Costello révélerait au journaliste new-yorkais Peter Maas
que, un demi-siècle plus tôt, il avait été partenaire de Joe Kennedy dans le trafic d’alcool. Voir Peter
Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 43.
18. Voir notamment Dennis Eisenberg, Uri Dan & Eli Landau, Meyer Lansky: Mogul of the Mob,
New York, Paddington Press, 1979 ; Leonard Katz, Uncle Frank: The Biography of Frank Costello,
New York, Drake Publishers, 1973 ; ou encore Joseph Bonanno (avec Sergio Lalli), A Man of Honor:
The Autobiography of Joseph Bonanno, New York, Simon & Schuster, 1983.
19. Seymour Hersh, The Dark Side of Camelot, New York, Little, Brown and Company, 1997,
p. 60.
20. Ibid., p. 62-63.
21. Ibid., p. 61.
22. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 118.
23. Leonard Katz, Uncle Frank: The Biography of Frank Costello, op. cit., p. 68.
24. Voir David Nasaw, The Patriarch: The Remarkable Life and Turbulent Times of Joseph
P. Kennedy, op. cit., p. 81 ; et Daniel Okrent, Last Call : The Rise and Fall of Prohibition, New York,
Scribner, 2010
25. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 38 ; et Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit.,
p. 50.
26. Peter Collier & David Horowitz, ibid., p. 50.
27. Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 90.
28. William J. Duncliffe, The Life and Times of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 52.
29. Rose Kennedy, Times to Remember, op. cit., p. 91 sq.
30. Joseph Dinneen, The Kennedy Family, Boston, Little, Brown and Company, 1949, p. 35 ; et
Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 39.
31. Rapporté par Lynne McTaggart, Kathleen Kennedy : Her Life and Times, New York, Dial Press,
1983, p. 37.
32. James MacGregor Burns, John Kennedy: A Political Profile, New York, Harcourt, Brace &
World, 1960, p. 26 ; et Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy,
op. cit., p. 95.
33. Ralph G. Martin, A Hero for Our Time: An Intimate Story of the Kennedy Years, New York,
Macmillan, 1983, p. 22. Eunice ajoutait que gagner, pour les Kennedy, n’était pas seulement la chose
qui comptait le plus, mais la seule chose qui comptait.
34. Tom Mix était alors le plus populaire des cow-boys de cinéma. Voir Peter Collier & David
Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 57.
35. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 48.
36. William J. Duncliffe, The Life and Times of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 49.
37. Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 74.
38. Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 44-45.
39. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 40.
40. David Nasaw, The Patriarch: The Remarkable Life and Turbulent Times of Joseph P. Kennedy,
op. cit., p. 81-82.
41. Herbert S. Parmet, Jack: The Struggles of John F. Kennedy, New York, Dial Press, 1980, p. 44.
42. Thomas C. Reeves, A Question of Character: A Life of John F. Kennedy, Rocklin, Californie,
Prima Publishing, 1992, p. 43.
43. Doris K. Goodwin, The Fitzgeralds and the Kennedys: An American Saga, op. cit., p. 306-307.
44. Rose Kennedy, Times to Remember, op. cit., p. 92-93.
45. Doris K. Goodwin, The Fitzgeralds and the Kennedys: An American Saga, op. cit., p. 307.
46. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 63.
47. Cari Beauchamp, Joseph P. Kennedy Presents: His Hollywood Years, New York, First Vintage
Books, 2009, p. 30.
48. Doris K. Goodwin, The Fitzgeralds and the Kennedys: An American Saga, op. cit., p. 357.
49. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 73.
50. Doris K. Goodwin, The Fitzgeralds and the Kennedys: An American Saga, op. cit., p. 353.
51. Nigel Hamilton, JFK: Reckless Youth, New York, Random House, 1992, 5e partie : Boarding
School, p. 79-136.
3. L’avant-dernier nabab
1. Voir, à cet égard, Neale Gabler, An Empire of their Own: How the Jews invented Hollywood,
Crown Publishers, New York, 1988.
2. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 66.
3. Rapporté par Gloria Swanson. Swanson on Swanson, New York, Random House, 1980, p. 339.
4. Doris K. Goodwin, The Fitzgeralds and the Kennedys: An American Saga, op. cit., p. 343. Voir
aussi Cari Beauchamp, Joseph P. Kennedy Presents: His Hollywood Years, op. cit., p. 66-68.
5. Ibid. Voir aussi Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy,
op. cit., p. 73.
6. Doris K. Goodwin, The Fitzgeralds and the Kennedys: An American Saga, op. cit., p. 346-347 ;
et Cari Beauchamp, Joseph P. Kennedy Presents: His Hollywood Years, op. cit., p. 70-71.
7. Cari Beauchamp, ibid., p. 72.
8. New York Times, 3 juin 1928 ; cité par Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of
Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 77.
9. Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 48.
10. Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 79.
11. Fortune, septembre 1937. Voir Doris K. Goodwin, The Fitzgeralds and the Kennedys: An
American Saga, op. cit., chapitre 22 : « The Young Mogul », p. 369-380. Voir aussi Richard
J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 99.
12. Gloria Swanson observerait rétrospectivement : « À cette époque, le public attendait de nous
que nous vivions comme des rois et des reines. C’est ce que nous faisions. Et pourquoi pas ? Nous
étions amoureux de la vie. Nous gagnions plus d’argent que nous n’en avions jamais rêvé et il n’y
avait aucune raison de penser que cela s’arrêterait un jour. » Voir Gloria Swanson, Swanson on
Swanson, op. cit., p. 293-312. Rapporté par Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph
P. Kennedy and the Dynasty He Founded, op. cit., p. 69. Voir aussi Doris K. Goodwin, The
Fitzgeralds and the Kennedys: An American Saga, op. cit., p. 384.
13. Toute la scène est narrée par Gloria Swanson elle-même in Swanson on Swanson, op. cit.,
p. 330-331.
14. Gloria Swanson, ibid., p. 329.
15. Ibid., p. 351.
16. Gloria Swanson, op. cit., p. 356.
17. Ces micros seraient retrouvés quelque temps plus tard dans le plafond du dressing. Voir
Laurence Leamer, The Kennedy Men: The Laws of the Father, 1901-1963, op. cit., p. 58 ; et Betty
Lasky, RKO The Biggest Little Major of Them All, Englewood Cliffs, New Jersey, Prentice Hall,
1984, p. 55-57.
18. Gloria Swanson, Swanson on Swanson, op. cit., p. 367.
19. Ibid., p. 380-385.
20. Ibid., p. 347.
21. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 74.
22. Ibid., p. 74.
23. Doris K. Goodwin, The Fitzgeralds and the Kennedys: An American Saga, op. cit., p. 413.
24. Gloria Swanson, Swanson on Swanson, op. cit., p. 193.
25. Boston Evening American, 16 décembre 1937. Voir Peter Collier & David Horowitz, The
Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 53.
26. Gloria Swanson, Swanson on Swanson, op. cit., p. 385-386.
27. Ibid.
28. Ibid., p. 390.
29. Ibid., p. 387 ; et Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit.,
p. 53.
30. L’entrevue entre Gloria et le cardinal O’Connell serait rapportée plus tard par Gloria elle-même
dans son autobiographie, Swanson on Swanson, p. 393-395. Plusieurs commentateurs, dont Laurence
Leamer, doutent cependant de la véracité de la teneur des propos échangés, voire du fait que la
rencontre entre le cardinal et Gloria ait même eu lieu. Voir Laurence Leamer, The Kennedy Men: The
Laws of the Father, 1901-1963, op. cit., p. 59.
31. Ted O’Leary eut tôt fait de détromper Gloria à ce sujet.
32. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 85.
33. Voir Nigel Hamilton, JFK: Reckless Youth, op. cit., p. 68. Des années plus tard, Joe Kennedy se
vanterait de ses exploits sexuels auprès de sa belle-fille Jackie en accordant une place toute
particulière à Gloria Swanson.
34. Laurence Leamer, The Kennedy Men: The Laws of the Father, 1901-1963, op. cit., p. 60.
35. Lawrence J. Quirk, The Kennedys in Hollywood, Dallas, Texas, Taylor Publishing, 1996, p. 38.
36. Ibid., p. 298.
37. Cari Beauchamp, Joseph P. Kennedy Presents: His Hollywood Years, op. cit., p. 84 ; et
Lawrence J. Quirk, The Kennedys in Hollywood, op. cit., p. 37.
38. Ibid.
39. Lawrence J. Quirk, The Kennedys in Hollywood, op. cit., p. 66 ; et Cari Beauchamp, Joseph
P. Kennedy Presents: His Hollywood Years, op. cit., p. 323.
40. Lawrence J. Quirk, The Kennedys in Hollywood, op. cit., p. 71.
41. Ibid.
42. Ibid., p. 72.
43. Ibid., p. 72.
44. Ibid., p. 121-132.
5. L’ambassadeur
1. Arthur M. Schlesinger Jr, Robert Kennedy and His Times, Boston, Houghton Mifflin, 1978,
p. 10 ; et Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 81.
2. Voir H. W. Brands, Traitor to His Class: The Privileged Life and Radical Presidency of Franklin
Delano Roosevelt, New York, Doubleday, 2008, p. 356 sq.
3. Lettre de Joe Kennedy à Arthur Krock du 25 juin 1936.
4. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 135.
5. Michael R. Beschloss, Kennedy and Roosevelt: An Uneasy Alliance, op. cit., p. 129.
6. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 140.
7. Ibid.
8. Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 196.
9. Récit fait par Arthur Krock, témoin indirect de la scène, in Memoirs: Sixty Years on the Firing
Line, New York, Funk & Wagnalls, 1968, p. 332.
10. La scène a été abondamment narrée par tous les biographes de Joe Kennedy. Voir notamment
Michael R. Beschloss, Kennedy and Roosevelt: An Uneasy Alliance, op. cit., p. 154-155 ; et Peter
Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 83-84.
11. Rapporté par Henry Morgenthau Jr. Voir Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph
P. Kennedy and the Dynasty He Founded, op. cit., p. 149 ; et Michael R. Beschloss, Kennedy and
Roosevelt: An Uneasy Alliance, op. cit., p. 157.
12. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 151.
13. Michael R. Beschloss, Kennedy and Roosevelt: An Uneasy Alliance, op. cit., p. 157.
14. Réflexion faite par Joe Kennedy à Harvey Klemmer. Voir Peter Collier & David Horowitz, The
Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 85.
15. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 153-154.
16. Ibid.
17. Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 85.
18. Ibid., p. 88.
19. The New York Times, 23 juin 1938.
20. Rapporté par Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit.,
p. 91. Voir aussi Harold Ickes, The Secret Diaries of Harold L. Ickes, II, New York, 1954, p. 415-416.
21. Henry Morgenthau Jr, Diaries, cité par Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of
Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 236.
22. David E. Koskoff, Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 158.
23. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 157-158.
24. Henry Morgenthau Jr, Diaries, cité par Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of
Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 236.
25. Voir Thomas Maier, When the Lions Roar: The Churchills and the Kennedys, New York, Crown
Publishers, 2014, p. 219-226. Voir aussi Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An
American Drama, op. cit., p. 89.
26. Michael R. Beschloss, Kennedy and Roosevelt: An Uneasy Alliance, op. cit., p. 193-195. Voir
aussi Thomas Maier, When the Lions Roar: The Churchills and the Kennedys, op. cit., p. 83-85.
27. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 159-160.
28. Leur première rencontre date du 5 mai 1938. Voir Charles A. Lindbergh, The Wartime Journals
of Charles Lindbergh, New York, 1970, p. 26.
29. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 176. Voir aussi Hank Searl, The Lost Prince: Young Joe, the Forgotten Kennedy, New
York, World, 1969, p. 110.
30. Michael R. Beschloss, Kennedy and Roosevelt: An Uneasy Alliance, op. cit., p. 177.
31. Ce montant ressort notamment d’un rapport du FBI du 2 mai 1941. Voir Michael R. Beschloss,
Kennedy and Roosevelt: An Uneasy Alliance, op. cit., p. 241.
32. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 176.
33. New York Times, 17 décembre 1938.
34. The Independent, 31 juillet 1992, dans un article fondé sur des entretiens entre le journaliste
Philip Whitehead et Harvey Klemmer.
35. Quand il évoqua cette idée auprès de Cordell Hull, celui-ci lui répondit ironiquement : « Et
surtout, ne manquez pas à l’avenir de nous faire part de toutes vos idées… » Voir Michael
R. Beschloss, Kennedy and Roosevelt: An Uneasy Alliance, op. cit., p. 222-230 ; et Ronald Kessler,
The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded, op. cit., p. 176.
36. Michael R. Beschloss, Kennedy and Roosevelt: An Uneasy Alliance, op. cit., p. 210-214.
37. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 192.
38. Ce rapport ne serait déclassifié qu’après la guerre. Voir Seymour Hersh, The Dark Side of
Camelot, op. cit., p. 76.
39. Michael R. Beschloss, Kennedy and Roosevelt: An Uneasy Alliance, op. cit., p. 190.
40. Will Swift, The Kennedys: Amidst the Gathering Storm. A Thousand Days in London, 1938-
1940, Londres, JR Books, 2008, p. 188 sq.
41. Michael R. Beschloss, Kennedy and Roosevelt: An Uneasy Alliance, op. cit., p. 214.
42. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 206.
43. Par la suite, Klemmer observerait : « Les phrases étaient grammaticalement incorrectes et
même l’orthographe était médiocre. J’ai dû tout réécrire, y compris la conclusion. » Voir Ralph
G. Martin, A Hero for Our Time: An Intimate Story of the Kennedy Years, op. cit., p. 40.
44. Il est vrai que tout le monde ne fut pas élogieux. L’économiste anglais Harold Laski écrirait
ainsi à Joe : « En toute honnêteté, je pense qu’aucun éditeur n’aurait publié le livre de Jack s’il
n’avait pas été votre fils et si vous n’aviez pas été ambassadeur… » Voir Thomas C. Reeves,
A Question of Character: A Life of John F. Kennedy, op. cit., p. 50.
45. Voir George Bilainkin, Diary of a Diplomatic Correspondent, London, Allen & Unwin, 1942,
p. 61.
46. Rose Kennedy, Times to Remember, op. cit. p. 157.
47. Michael R. Beschloss, Kennedy and Roosevelt: An Uneasy Alliance, op. cit., p. 208-215.
48. Rapport du 11 septembre 1940.
49. Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 107.
50. Clare Boothe Luce, Journal personnel, 2 avril 1940.
51. Clare Boothe Luce, Europe in the Spring, New York, Alfred A. Knopf, 1940.
52. Télégramme du 8 juillet 1940.
53. Clare Boothe Luce, Europe in the Spring, op. cit., p. 200.
54. Arthur Krock, Memoirs: Sixty Years on the Firing Line, op. cit., p. 334-336.
55. Dépêche de Joe à Clare Luce. Voir Ralph G. Martin, Henry and Clare: An Intimate Portrait of
the Luces, New York, G. P. Putnam’s Sons, 1991, p. 204.
56. Michael R. Beschloss, Kennedy and Roosevelt: An Uneasy Alliance, op. cit., p. 15 et 215.
57. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 224-225.
58. L’épisode est relaté notamment par Michael R. Beschloss, Kennedy and Roosevelt: An Uneasy
Alliance, op. cit., p. 229.
59. La lettre de démission de son poste d’ambassadeur date du 2 décembre 1940.
60. Article d’A. J. Cummings dans le New Chronicle.
61. L’expression est de Maria, la fille de Marlene Dietrich, qui fréquenta Rosemary à l’époque. Voir
Maria Riva, Marlene Dietrich, New York, Alfred A. Knopf, 1992 ; traduction française : Marlene
Dietrich par sa fille, Paris, Flammarion, 1997.
62. En 1974, elle dédierait significativement ses Mémoires, Times to Remember, « à ma fille
Rosemary et à ceux qui, comme elle, sont mentalement attardés mais bienheureux en esprit ».
63. Gloria Swanson, Swanson on Swanson, op. cit., p. 380.
64. S’il subsiste quelques interrogations à ce sujet, il est fort probable que Joe, compte tenu de la
façon autoritaire dont il dirigeait les affaires familiales, ait pris la décision tout seul. Voir à cet égard
Doris K. Goodwin, The Fitzgeralds and the Kennedys: An American Saga, op. cit., p. 640-644 ; et
Kate Clifford Larson, Rosemary, l’enfant que l’on cachait, op. cit., p. 191-207.
65. Kate Clifford Larson, ibid., p. 200.
66. Ibid., p. 207-209.
67. Lettre du 4 mars 1942.
68. Sur l’aventure de Jack Kennedy et d’Inga Arvad, on renverra essentiellement à Nigel Hamilton,
JFK: Reckless Youth, op. cit., p. 417-494. Voir aussi Scott Farris, Inga, Guilford (Connecticut), Lyons
Press, 2016 ; traduction française : L’Amour secret de Kennedy, Paris, L’Archipel, 2017.
69. Nigel Hamilton, JFK: Reckless Youth, op. cit., p. 438.
70. Inga confierait beaucoup plus tard à son fils Ron que Joe Kennedy pouvait être « très charmant
quand ils étaient tous ensemble mais, si elle quittait la pièce, il la dénigrait auprès de Jack, et lorsque
c’était Jack qui s’éloignait, il essayait de la sauter… » Voir Christopher Andersen, Jack and Jackie:
Portrait of an American Marriage, New York, William Morrow & Company, 1996, p. 50-51 ; et
Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded, op. cit.,
p. 264-265.
71. Confidence ultérieure d’Inga à son fils Ron McCoy.
72. Nigel Hamilton, JFK: Reckless Youth, op. cit., p. 528.
73. Ibid., p. 533.
74. Doris K. Goodwin, The Fitzgeralds and the Kennedys: An American Saga, op. cit., p. 688-694 ;
et Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 143.
75. Jack Olsen, Aphrodite: Desperate Mission, New York, G. P. Putnam’s Sons, 1970, p. 261-262.
76. Doris K. Goodwin, The Fitzgeralds and the Kennedys: An American Saga, op. cit., p. 688.
6. Le mastermind
1. Doris K. Goodwin, The Fitzgeralds and the Kennedys: An American Saga, op. cit., p. 693.
2. Voir Merle Miller, Plain Speaking: An Oral Biography of Harry S. Truman, New York, 1973,
p. 186. Voir aussi Arthur Krock, Memoirs: Sixty Years on the Firing Line, op. cit., p. 324.
3. David McCullough, Truman, New York, Simon & Schuster, 1992, p. 328.
4. Amanda Smith, Hostage to Fortune : The Letters of Joseph P. Kennedy, New York, Viking,
2001, p. 143.
5. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 276.
6. Jack Kennedy au reporter Bob Considine. Voir Thomas C. Reeves, A Question of Character:
A Life of John F. Kennedy, op. cit., p. 73.
7. Son ami Charles « Chuck » Spalding ne croyait pas une seconde à la vocation journalistique de
Jack : « Il ne pensait qu’en termes d’immédiateté, d’événements. Il n’avait pas de profondeur ni de
vision d’ensemble. » Cité par Thomas C. Reeves, A Question of Character: A Life of John
F. Kennedy, op. cit., p. 73.
8. Joan & Clay Blair, The Search for JFK, New York, G. P. Putnam’s Sons, 1976, p. 368-372.
9. Cité par James Reed, un ami des Kennedy. Voir Thomas C. Reeves, A Question of Character:
A Life of John F. Kennedy, op. cit., p. 76.
10. Leo Damore, The Cape Cod Years of John Fitzgerald Kennedy, Englewood Cliffs, New Jersey,
Prentice Hall, 1967, p. 87.
11. Thomas C. Reeves, A Question of Character: A Life of John F. Kennedy, op. cit., p. 80.
12. Joan & Clay Blair, The Search for JFK, op. cit., p. 485-487.
13. Christopher Andersen, Jack and Jackie: Portrait of an American Marriage, op. cit., p. 94.
14. Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 141. À Max
Beaverbrook, Joe écrirait également : « Je me résigne à admettre maintenant que l’Angleterre m’a
pris une de mes filles. Elle était la prunelle de mes yeux et j’en ressens durement la perte en pensant
que je ne l’aurai plus pour toujours à mes côtés. Mais je suis sûr qu’elle sera merveilleusement
heureuse et je peux vous assurer que l’Angleterre a conquis une fille de prix. » Lettre du
24 mai 1944.
15. Kick ne devait jamais l’oublier. Dans As We Remember Joe, elle écrirait : « Quand il comprit
que j’avais pris ma décision, il m’apporta son soutien. Il se conduisit en tout comme un frère parfait,
faisant pour sa sœur tout ce qu’il croyait pouvoir faire, selon son propre jugement, avec l’espoir
qu’en fin de compte cela tournerait au mieux pour la famille. » Assez curieusement, dans ses
Mémoires publiés en 1974, Times to Remember, Rose reproduirait ces lignes écrites par sa fille,
p. 269.
16. Plus tard, Kick commenterait encore : « Je pense que Dieu a réglé l’affaire à sa façon, n’est-ce
pas ? » Voir Hank Searls, The Lost Prince, New York, Ballantine Books, 1969, p. 258.
17. Doris K. Goodwin, The Fitzgeralds and the Kennedys: An American Saga, op. cit., p. 729-741 ;
Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 173.
18. James MacGregor Burns, John Kennedy: A Political Profile, New York, Harcourt, Brace &
World, 1960, p. 65.
19. Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 223.
20. Ralph G. Martin, A Hero for Our Time: An Intimate Story of the Kennedy Years, op. cit., p. 125.
21. Ralph G. Martin, A Hero for Our Time, op. cit., p. 48.
22. Doris K. Goodwin, The Fitzgeralds and the Kennedys: An American Saga, op. cit., p. 726.
23. Herbert S. Parmet, Jack: The Struggles of John F. Kennedy, op. cit., p. 233.
24. Ralph G. Martin & Ed Plaut, Front Runner Dark Horse: A Political Study of Senators Kennedy
and Symington, Garden City (New York), Doubleday, 1960., p. 168 ; et Thomas C. Reeves,
A Question of Character: A Life of John F. Kennedy, op. cit., p. 98.
25. Voir Richard M. Nixon, RN: The Memoirs of Richard Nixon, New York, Grosset & Dunlap,
1978, p. 60-70 ; et Christopher J. Matthews, Kennedy & Nixon: The Rivalry that Shaped Postwar
America, New York, Simon & Schuster, 1996, p. 70 et 350. Selon Tip O’Neil, proche des Kennedy,
la contribution de Joe à la campagne de Nixon était beaucoup plus substantielle et aurait plutôt
avoisiné les 150 000 dollars. Voir Thomas C. Reeves, A Question of Character: A Life of John
F. Kennedy, op. cit., p. 92.
26. Relaté par Theodore Sorensen, Kennedy, New York, Harper & Row, 1965, p. 31.
27. Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 197. Il est vrai
que Jack reconnaissait que McCarthy avait « quelque chose » et qu’« il pourrait bien y avoir du vrai
dans ses allégations ».
28. Robert Dallek, John F. Kennedy: An Unfinished Life, 1917-1963, New York, Little, Brown and
Company, 2003, p. 201.
29. Doris K. Goodwin, The Fitzgeralds and the Kennedys: An American Saga, op. cit., p. 761.
30. Thomas C. Reeves, A Question of Character: A Life of John F. Kennedy, op. cit., p. 102.
31. Propos tenus par Jack Kennedy au journaliste Fletcher Knabel. Voir Richard J. Whalen, The
Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 412-413 ; et Herbert S. Parmet, Jack:
The Struggles of John F. Kennedy, op. cit., p. 242-243.
32. Robert Dallek, John F. Kennedy: An Unfinished Life, 1917-1963, op. cit., p. 171.
33. Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 292-297.
34. Rapporté par Frank Morrissey, qui dirigeait le bureau de Jack Kennedy à Boston. Voir Edward
M. Kennedy (éd.), The Fruitful Bough: A Tribute to Joseph P. Kennedy, impression privée par
Halliday Lithograph Corp., 1965, p. 127.
35. Ibid.
36. Saturday Evening Post, 13 juin 1953 : « The Senate’s Gay Young Bachelor. »
37. Lawrence J. Quirk, The Kennedys in Hollywood, op. cit., p. 155.
38. Ralph G. Martin, A Hero for Our Time: An Intimate Story of the Kennedy Years, op. cit., p. 73-
74. Plus tard, Evelyn Lincoln, la secrétaire particulière de Jack, ajouterait que Joe poussait au
mariage de son fils en prétendant que, sans cela, « les gens pourraient penser qu’il était gay ».
39. Christopher Andersen, Jack and Jackie: Portrait of an American Marriage, op. cit., p. 114.
40. Ibid., p. 115.
41. Ibid.
42. L’ami Smathers était tout aussi peu enthousiaste. Ayant été présenté à Jackie, il lança à Jack, qui
lui demandait son opinion sur sa future épouse : « Je pensais que tu aurais pu faire mieux… » Voir
Ralph G. Martin, A Hero for Our Time: An Intimate Story of the Kennedy Years, op. cit., p. 20.
43. Voir Janet DesRosiers Fontaine, A Good Life: A Memoir, Kindle Edition, 2015. Après avoir mis
fin à sa relation avec Joe en 1958, Janet travaillerait un temps pour Jack, durant la campagne
présidentielle. Elle s’occuperait notamment de l’organisation du Caroline, l’avion privé des Kennedy.
Par la suite, sur recommandation expresse de la Maison Blanche, elle deviendrait la secrétaire de
l’ambassadeur des États-Unis à Paris.
44. Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 228. Voir
aussi Christopher Andersen, Jack and Jackie: Portrait of an American Marriage, op. cit., p. 189.
45. Longtemps controversé, et contesté notamment avec virulence par Jackie Kennedy dans ses
Mémoires posthumes, le rôle de Sorensen serait avéré par l’intéressé dans son autobiographie
intitulée Counselor: A Life at the Edge of History, New York, Harper-Collins Publishers, 2008,
p. 144-156.
46. Christopher Matthews, Jack Kennedy: Elusive Hero, New York, Simon & Schuster, 2011,
p. 115.
47. Herbert S. Parmet, Jack: The Struggles of John F. Kennedy, op. cit., p. 334-335.
48. Thomas C. Reeves, A Question of Character: A Life of John F. Kennedy, op. cit., p. 133.
49. Ralph G. Martin, A Hero for Our Time: An Intimate Story of the Kennedy Years, op. cit., p. 109.
50. Kenneth O’Donnell & Dave Powers, “Johnny, We Hardly Knew Ye”, Boston, Little, Brown and
Company, 1970, p. 122 ; et Robert Dallek, John F. Kennedy: An Unfinished Life, 1917-1963, op. cit.,
p. 206-207. Voir aussi Christopher Andersen, Jack and Jackie: Portrait of an American Marriage,
op. cit., p. 164.
51. Ralph G. Martin, A Hero for Our Time: An Intimate Story of the Kennedy Years, op. cit., p. 121.
52. Boston Herald,18 août 1956. Voir aussi Robert Dallek, John F. Kennedy: An Unfinished Life,
1917-1963, op. cit., p. 208.
53. Lettre de Jack Kennedy à sa mère Rose. Voir Rose Kennedy, Times to Remember, op. cit.,
p. 329. Voir aussi Robert Dallek, John F. Kennedy: An Unfinished Life, 1917-1963, op. cit., p. 209-
210.
54. New York Times, 9 janvier 1961.
55. Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 433-434 ;
et Herbert S. Parmet, Jack: The Struggles of John F. Kennedy, op. cit., p. 435-437.
56. Time Magazine, 2 décembre 1957. La précision serait apportée par le cardinal Richard Cushing.
Joe Kennedy avait lui-même fait la une du célèbre hebdomadaire le 18 septembre 1939.
57. Harris Wofford, Of Kings and Kennedys, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 2006,
p. 37-39.
58. Norman Mailer, Superman comes to the Supermarket, in Presidential Papers, New York, 1963.
Voir aussi Norman Mailer, JFK. Superman comes to the Supermarket, Taschen Books, 2017.
59. Herbert S. Parmet, Jack: The Struggles of John F. Kennedy, op. cit., p. 152.
60. Ralph G. Martin, A Hero for Our Time: An Intimate Story of the Kennedy Years, op. cit., p. 131.
61. Ibid., p. 136.
62. Kenneth O’Donnell & Dave Powers, “Johnny, We Hardly Knew Ye”, op. cit., p. 177.
63. Richard D. Mahoney, Sons & Brothers: The Days of Jack and Bobby Kennedy, New York,
Arcade, 1999, p. 45 et 385.
64. Rapporté par Pat Hillings. Voir Christopher J. Matthews, Kennedy & Nixon: The Rivalry that
Shaped Postwar America, op. cit., p. 133.
65. Ted Sorensen, Counselor: A Life at the Edge of History, New York, Harper-Collins Publishers,
2008, p. 258-262.
66. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 369.
67. Laurence Leamer, The Kennedy Men : The Laws of the Father, 1901-1963, op. cit., p. 404. Voir
aussi Ted Sorensen, Counselor: A Life at the Edge of History, op. cit., p. 180.
68. New York Times, 10 octobre 1958.
69. Par la suite, Joe menacerait son fils de le faire surveiller par… Ted Sorensen. Voir Ted
Sorensen, Counselor: A Life at the Edge of History, op. cit., p. 120.
70. Anthony Summers & Robbyn Swan, Sinatra: The Life, New York, Alfred A. Knopf, 2005,
p. 195.
71. Article de James Reston. Voir Robert Dallek, John F. Kennedy: An Unfinished Life, 1917-1963,
op. cit., p. 233.
72. Herbert S. Parmet, Jack: The Struggles of John F. Kennedy, op. cit., p. 299-300.
73. Ralph G. Martin, A Hero for Our Time: An Intimate Story of the Kennedy Years, op. cit., p. 103.
74. Christopher Andersen, Jack and Jackie: Portrait of an American Marriage, op. cit., p. 171.
75. Ibid.
76. Pour la campagne présidentielle de 1960, voir David Pietrusza, 1960. LBJ vs. JFK vs. Nixon.
The Epic Campaign that forged Three Presidencies, New York, Union Square Press, 2008.
77. Leonard Katz, Uncle Frank: The Biography of Frank Costello, New York, Drake Publishers,
1973, p. 68-69.
78. Richard J. Whalen, The Founding Father: The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 438. Voir
aussi Victor Lasky, JFK: The Man and the Myth, New York, Macmillan, 1963, p. 143-144 ; et
Herbert S. Parmet, Jack: The Struggles of John F. Kennedy, op. cit., p. 510.
79. Robert Dallek, John F. Kennedy: An Unfinished Life, 1917-1963, op. cit., p. 218.
80. Seymour Hersh, The Dark Side of Camelot, op. cit., p. 147.
81. Voir Anthony Summers, Official and Confidential: The Secret Life of J. Edgar Hoover, New
York, G. P. Putnam’s Sons, 1993, p. 310.
82. J. Edgar Hoover en ferait état dans un mémo daté du 16 août 1962 et adressé à l’attorney
general de l’époque, Bobby Kennedy. Voir Richard D. Mahoney, Sons & Brothers: The Days of Jack
and Bobby Kennedy, op. cit., p. 165. Voir également Anthony Summers, Anthony Summers, Official
and Confidential: The Secret Life of J. Edgar Hoover, op. cit., p. 327 sq.
83. Ted Sorensen, Counselor: A Life at the Edge of History, op. cit., p. 135. Voir aussi Victor Lasky,
JFK: The Man and the Myth, op. cit., p. 146 ; et Arthur M. Schlesinger, A Thousand Days: John
F. Kennedy in the White House, Boston, Houghton Mifflin, 1965, p. 195.
84. Benjamin C. Bradlee, Conversations with Kennedy, New York, W.W. Norton, 1975, p. 26.
85. Benjamin C. Bradlee, A Good Life: Newspapering and other Adventures, New York, Simon &
Schuster, 1995, p. 208.
86. Robert Dallek, John F. Kennedy: An Unfinished Life, 1917-1963, op. cit., p. 257.
87. David McCullough, Truman, op. cit., p. 970.
88. Ralph G. Martin, A Hero for Our Time: An Intimate Story of the Kennedy Years, op. cit., p. 156-
157.
89. Cité par D. Pietrusza, 1960…, op. cit., p. 266.
90. A.M. Schlesinger Jr, A Thousand Days…, op. cit., p. 57-58.
91. David Pietrusza, 1960. LBJ vs. JFK vs. Nixon. The Epic Campaign that forged Three
Presidencies, op. cit., p. 260.
92. Ralph G. Martin, A Hero for Our Time: An Intimate Story of the Kennedy Years, op. cit., p. 182.
93. Ibid., p. 216.
94. Ibid.
95. Janet DesRosiers aurait une réflexion significative : « Il n’a jamais été se confesser. Mon Dieu !
Si un prêtre avait entendu sa confession… » Rapporté par Laurence Leamer, The Kennedy Men: The
Laws of the Father, 1901-1963, op. cit., p. 336-339.
96. La réflexion est de Betty Spalding. Rocky Graziano, qui avait été champion du monde de boxe
poids moyen vers la fin des années 1940, était connu pour sa rugosité. Voir Herbert S. Parmet, Jack:
The Struggles of John F. Kennedy, op. cit., p. 298.
97. Voir Christopher Andersen, Jack and Jackie: Portrait of an American Marriage, op. cit., p. 115.
98. David Pietrusza, 1960. LBJ vs. JFK vs. Nixon. The Epic Campaign that forged Three
Presidencies, op. cit., p. 406. Voir aussi William Manchester, Portrait of a President: John
F. Kennedy in Profile, Boston, Little, Brown and Company, 1962, p. 121.
99. Benjamin C. Bradlee, Conversations with Kennedy, op. cit., p. 201.
100. Réflexion de Harry S. Truman à sa fille Margaret. Voir David McCullough, Truman, op. cit.,
p. 970.
101. Judith Exner & Ovid Demaris, My Story, New York, Grove Press, 1977, p. 194.
102. Anthony Summers, Official and Confidential: The Secret Life of J. Edgar Hoover, op. cit.,
p. 344-345.
7. Le patriarche désarmé
1. Voir Kitty Kelley, His Way: The Unauthorized Biography of Frank Sinatra, New York, Bantam
Press, 1986, p. 278.
2. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 390.
3. Ibid., p. 388.
4. Ralph G. Martin, A Hero for Our Time: An Intimate Story of the Kennedy Years, op. cit., p. 253.
5. Ibid., p. 253-255.
6. Ralph G. Martin, A Hero for Our Time, op. cit., p. 255.
7. Ibid.
8. Gus Russo, The Outfit: The Role of Chicago’s Underworld in the Shaping of Modern America,
New York, Bloomsbury, 2001, p. 407-411.
9. Sam & Chuck Giancana, Double Cross, New York, Warner Books, 1992, p. 372 sq.
10. Arthur Krock, Memoirs: Sixty Years on the Firing Line, op. cit., p. 366.
11. Le propos serait rapporté par Mgr Eugene Clark. Voir Ronald Kessler, The Sins of the Father:
Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded, op. cit., p. 387.
12. Ralph G. Martin, A Hero for Our Time: An Intimate Story of the Kennedy Years, op. cit., p. 244.
13. Ibid., p. 371.
14. Réflexion à son gendre, Steve Smith. Voir Arthur M. Schlesinger Jr, Robert Kennedy and His
Times, op. cit., p. 587.
15. Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 297.
16. Le 4 juin 1961. Peu après sa rencontre avec Khrouchtchev, Kennedy déclara à James Reston, du
New York Times : « Je n’ai jamais rien fait d’aussi dur… Il m’a proprement massacré. »
17. L’ouvrage en question de Robert J. Donovan, PT-109: John F. Kennedy in World War II, New
York, McGraw-Hill, 1961, serait effectivement adapté à l’écran en 1963, sous le titre PT-109, avec
Cliff Robertson dans le rôle de JFK. Quant à l’ouvrage de Bobby, les syndicats réussiraient à bloquer
son adaptation cinématographique.
18. Ralph G. Martin, Seeds of Destruction: Joe Kennedy and His Sons, New York, Putnam Adult,
1995, p. 363.
19. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 399.
20. Voir Edward M. Kennedy (éd.), The Fruitful Bough: A Tribute to Joseph P. Kennedy, op. cit.,
p. 275.
21. Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 309.
22. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 400.
23. Ibid.
24. L’ayant observée lors d’une réception où se trouvait Joe, Ben Bradlee en avait conclu qu’elle
accomplissait « l’œuvre de toute son existence ». Voir Benjamin C. Bradlee, A Good Life:
Newspapering and other Adventures, op. cit., p. 245.
25. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 406 ; et Rita Dallas & Jeanira Ratcliffe, The Kennedy Case, New York, G. P. Putnam’s
Sons, 1973, p. 47.
26. Christopher Andersen, Jack and Jackie: Portrait of an American Marriage, op. cit., p. 326.
27. Ibid.
28. Ibid.
29. Peter Collier & David Horowitz, The Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 332.
30. Ralph G. Martin, A Hero for Our Time: An Intimate Story of the Kennedy Years, op. cit., p. 467.
31. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 411.
32. Beaucoup plus tard, dans ses Mémoires, Rose Kennedy s’en expliquerait en faisant valoir que
son mari et elle-même étaient convenus qu’en cas de mauvaises nouvelles, il valait mieux les
annoncer le matin, « sinon on était bon pour une nuit blanche et on se retrouvait affaibli d’autant ».
Voir Times to Remember, op. cit., p. 442.
33. Rita Dallas, The Kennedy Case, op. cit., p. 19 ; et Peter Collier & David Horowitz, The
Kennedys: An American Drama, op. cit., p. 339.
34. Rita Dallas, The Kennedy Case, op. cit., p. 22 sq. ; et Richard J. Whalen, The Founding Father:
The Story of Joseph P. Kennedy, op. cit., p. 485-486.
35. Rita Dallas, The Kennedy Case, op. cit., p. 253.
36. Boston Globe, décembre 1962.
37. Juin 1964. Voir Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He
Founded, op. cit., p. 407.
38. Thomas C. Reeves, A Question of Character: A Life of John F. Kennedy, op. cit., p. 314.
39. Ronald Kessler, The Sins of the Father: Joseph P. Kennedy and the Dynasty He Founded,
op. cit., p. 419-420.
40. Boston Herald, 19 novembre 1969.
41. Texte de Robert F. Kennedy, in Edward M. Kennedy (éd.), The Fruitful Bough: A Tribute to
Joseph P. Kennedy, op. cit.
Index
A
B
C
Cabot Lodge Henry Jr, sénateur, puis ambassadeur : 285-286, 288, 290
Campbell, Judith (Exner) : 314, 320, 326
Cannon, Frances Ann : 261
Capone, Alfonso (« Al ») : 81, 85, 87, 318
Carnegie, Andrew : 42
Carroll, Nancy : 144-145
Cassara, Thomas J. : 88
Cassini, Oleg : 315, 337, 344
Cavendish, William John Robert (« Billy »), major, marquis de Hartington : 216, 240, 279
Chamberlain, sir Neville, Premier Ministre : 211, 219-220, 226-227, 230, 232, 234-235, 239-241
Chaplin, Charles : 124, 134, 136
Childs, Marquis : 182, 305, 311
Churchill, Pamela : 281
Churchill, Randolph : 209
Churchill, sir Winston, Premier Ministre : 7, 191, 220, 222, 227, 233, 235, 238, 240-241, 244-245,
248, 271, 281, 348
Clifford, Clark, secrétaire à la Défense : 292, 299, 331
Coghlan, Ralph : 288
Cohen, Milton : 129
Collins, Patrick Andrew : 27
Compson, Betty : 143
Conley, John : 39
Conway, Joseph : 105
Corbett, Joseph J. : 21
Corcoran, Tommy : 170, 182, 222, 269
Costello, Frank : 80, 83, 85, 316-317, 320
Coughlin, Charles E., révérend : 169, 197-198
Cox, Channing : 74
Crawford, Joan : 147
Cukor, George : 147
Curley, James Michael : 53-54, 61, 106, 275
Currier, Guy : 60-62, 66, 111-112, 156-157
Cushing, Richard James, cardinal : 253, 292, 322, 343, 353, 360-361
D
E
F
G
H
Hartwell, sir Broderick : 81
Haver, Phyllis : 143
Hayden, Charles : 67
Hays, William Harrison : 107, 110, 119-120, 127, 230
Hearst, William Randolph : 148, 166-168, 171, 181, 192, 197, 313
Hepburn, Katharine : 147
Hersey, John : 261-262, 278
Hertz, John Daniel : 74-78
Hinton, Harold B. : 208
Hitler, Adolf, chancelier : 211, 220-221, 223, 226, 232, 235, 237, 241, 248, 257
Hoffa, James : 318
Hoover, Herbert Clark, président : 161, 165, 286, 329, 349
Hoover, John Edgar : 83, 253, 258-259, 271, 299, 326
Hopper, Heda : 145
Hopkins, Harry : 205, 227
Houghton, Arthur : 107, 208
Hourigan, Mollie : 188
Howard, Sidney : 140-141
Howe, Louis McHenry : 172, 203
Howey, Walter : 74, 76
Hull, Cordell, secrétaire d’Etat : 208, 217, 219, 227
Humphrey, Hubert Horatio, vice-président : 301, 315, 321-322
Humphreys, Murray (« Curly ») : 85-86, 318
Hutton, Barbara : 228
I
J
K
L
M
Madden, Owney : 87
MacDonald, Torbert : 310
Mailer, Norman : 306
Malcolm, Durie : 291
Marcello, Carlos : 318
Masaryk, Jan, ambassadeur, puis ministre : 227
Mayer, Louis Burt : 122, 146, 154
McCarthy, Joseph, sénateur : 287
McCormack, John : 255
McCormick, Robert R. : 181
McCulloch, Charles : 76
McIntyre, Marvin : 183
McLaughlin, Charles : 37
Meyer, Eugene : 181
Mix, Tom : 93, 114-115, 149
Moley, Raymond : 172, 177
Moore, Edward E. : 74, 106-107, 131, 141, 144, 149, 157, 180, 187, 208, 278
Morgan, John Pierpont : 42-43, 57, 64, 208, 213
Morgenthau, Henry Jr, secrétaire au Trésor : 162-164, 182, 198, 205, 239
Murrow, Ed : 233, 305
Mussolini, Benito, président du Conseil : 220, 226
N
Nitti, Frank : 85
Nixon, Richard Milhouse, sénateur, puis président : 286, 296, 306, 309, 318, 323-326, 328-329, 335
Norman, Montaigu : 221
O
P
R
S
Sahl, Mortimer : 328
Saltonstall, Richard : 60
Sargent Shriver, Robert, ambassadeur : 272, 288, 310, 357
Sarnoff, David : 116-117, 154, 156
Schenck, Joseph : 124, 225
Schiff, Jacob : 43
Schwab, Charles M. : 64-65, 68
Scollard, Patrick : 105
Sennett, Mack : 143
Sexton, Frank : 36
Seymour, James : 208
Shearer, Norma : 145, 147, 236
Sinatra, Frank : 8, 317, 319, 321, 333-334
Smith, Alfred Emanuel (« Al »), gouverneur : 162, 164, 167
Smith, Bernard E. (« Ben ») : 157, 239-240
Smith, Stephen Edward : 310, 346, 357
Smathers, George, sénateur : 313, 331
Sorensen, Theodor C. : 287, 299, 311, 324
Spalding, Charles F. (« Chuck ») : 347
Spellman, Francis Joseph, cardinal : 197-198, 232, 270, 324, 334-335
Stacher, Joseph (« Doc ») : 86
Stevenson, Adlai Ewing III, gouverneur, puis ambassadeur : 300-304
Stone, Galen : 66-69, 71, 73
Storrow, James Jackson : 48
Stroheim, Erich von : 134-136
Sullivan, Charles : 105, 131
Sullivan, John H. : 43
Sulzberger, Cyrus L. : 224, 313
Symington, William Stuart, sénateur : 315
Swanson, Gloria : 8, 124-142, 144-146, 149, 153, 160-161, 181, 251, 344
Swope, Herbert Bayard : 154
T
Vanderbilt, Cornelius : 42
Vansittard, Robert : 221, 234
Volstead Andrew J. : 79
W
Z
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