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à Lost
Nathalie Schon
S’il y a une culture qui aujourd’hui cultive le mythe du héros, c’est bien la culture
américaine. ll ne se passe pas un jour sans que John et Beth ne soient fêtés en héros car
l’un a rapporté un portefeuille, et l’autre a éteint un départ de feu chez son voisin. Mais
ce héros peut-il être clairement défini ? Est-il immuable ? Définit-il la nation
américaine ? Où apparaît-il ?
La dernière question est la plus simple. Aux Etats-Unis d’Amérique le héros est véhiculé
avant tout à travers des oeuvres de la culture populaire.
Qu’est-ce que la culture populaire ? En France ce terme fleure bon le folklore et revêt un
cô té ringard, voire négatif. On l’oppose systématiquement à la « vraie culture », à l’art, la
civilisation pour la reléguer dans le bourbier de la télé-réalité, de Voici magazine, des
contes pour enfants, des recettes de cuisine de notre enfance, bref le terme décrit en
France les amusements de la France d’en bas qui ne nécessitent que peu de cerveau
humain disponible pour détourner la phrase de Patrick Le Lay, PDG de TF1.
Or aux Etats-Unis l’expression « culture populaire » n'est pas liée à un aspect péjoratif
mais à une thématisation de phénomènes culturels de masse à diffusion importante.
Pour que l'oeuvre soit populaire et pas seulement un traitement du populaire, il faut
qu'elle soit intelligible et accessible à une majorité: par son style, son support, son mode
de diffusion.
Puisque le héros américain trouve ses heures de gloire dans la culture populaire., quoi
de plus normal donc d’en rechercher une définition sur le médium roi du genre
populaire : internet ?
Ainsi les auteurs du site nanarland, attachés à l’« exploration de la face obscure du
cinéma » dans une encyclopédie des pires films héroïques, devenus populaires grâ ce à
leur comique involontaire, donc particulièrement intéressant de par l’aspect caricatural
du propos héroïque, assument pleinement la sulfureuse réputation de culture trash,
culture du plus petit dénominateur commun attachée au terme populaire au yeux de
certains. Ils passent en revue, non sans ironie, les limites et l’égocentrisme impérialiste
des héros de la TV et du cinéma US, les exemples cités étant majoritairement issus des
années 80 :
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de 2000 carats (« White Fire ») ou exterminer des criminels de
guerre impunis (« Strike Commando »). Si le héros est un
délinquant, mercenaire ou contrebandier interstellaire
(« Starcrash »), il aura tô t fait de rentrer dans le droit chemin
pour défendre le Bon Droit et les Braves Gens. »
(http://www.nanarland.com/glossaire.php?lettre=H&def=104)
Le super-héros
En effet cette approche du héros des années 80 aux Etats-Unis, qui marque toujours les
esprits et les films de mauvaise qualité, les nanars, rappelle furieusement celle des
années 50 avec l’avènement des super-héros de Marvel et de DC. Qu’est-ce qu’un super-
héros ? Un être sans aucune particularité culturelle, si ce n’est d’être courageux, noble,
de défendre son pays. C’est un être qui se déguise et qui vit aux marges de la société qui
ingrate ne reconnaît pas toujours son héroïsme.
Cette analyse est confirmée par l’origine de Captain America, un super héros
emblématique du genre et dont le nom est un tout un programme patriotique. Né de
pauvres parents immigrés d’Irlande, il grandit sous la Grande Dépression aux Etats-Unis.
Horrifié par les images des nazis mettant à sac l’Europe et des atrocités japonaises en
Asie, il veut rejoindre l’armée. Trop chétif, il n’est pas accepté. Face à tant de ferveur
patriotique, le Général Chester Phillips, de l’US Army, fait participer notre super héros en
herbe à une expérimentation top secrète intitulée « Operation Rebirth ». C’est ainsi que
grâ ce à un Super-Soldier Serum, il deviendra « Captain America ».
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Source : Encyclopédie Marvel :
http://marvel.wikia.com/Captain_America_(Steven_Rogers)
Cette image est une soumise au droit d'auteur. En France, sa mise à disposition est autorisée
dans la limite des droits accordés par l'article L513-6 du Code de la propriété intellectuelle et
est reproduite ici en vertu de ces droits.)
Toutefois le héros tant des années 50 que 80 est garant d’une cohésion nationale, car il
est défini de façon suffisamment vague pour que tout citoyen voie en lui une version
améliorée de lui-même. Le super-héros a des valeurs américaines : patriotisme, â me
charitable particulièrement importante dans une société qui voit d’un mauvais oeil
l’intervention de l’Etat dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, un travail
reconnu au service de la communauté (journaliste, scientifique, photographe de presse,
lieutenant dans l’armée US etc..), une vision manichéenne du monde. Pourtant ces
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qualités humanistes semblent plus destinées à souder le pays et à l’ancrer du cô té des
bons, de la lumière, de la civilisation qu’à définir une nation.
Ce qui change dans les années 80, c’est l’absence de double vie de nos héros. Ils
incarnent toujours les valeurs précitées, ils ont une force et endurance quasi sur-
humaine mais à présent ce sont de simples individus avec des métiers plus ou moins
banals qui se dépassent (John Rambo, ancien béret vert et héros de la Guerre du Viêt
Nam dans Rambo, le policier John McClane dans Die hard, l’archéologue Indiana Jones
dans la trilogie Indiana Jones, la serveuse Sarah Connor dans Terminator etc...).
Bref, l’Amérique est toujours aussi friande d’exploits héroïques. Bien qu’individualistes
(la plupart de ces héros sont sans attaches, célibataires ou divorcés), ils confortent,
après l’anti-héroïsme des années 70 et ses dystopies en réaction notamment à la guerre
du Vietnam, le pays dans ses valeurs républicaines sous Ronald Reagan et George Bush
senior. Après la menace de la 2 ème guerre mondiale et de la guerre froide, de la guerre de
Corée et du Vietnam, puis de la 1 ère guerre en Irak, le pays veut se rassurer avec des sur-
Hommes à la morale simpliste, spirituels mais pas trop (il ne faudrait pas passer pour un
Européen, forcément intellectuel et froussard), toujours prêt à se précipiter avec poings
et armes à la rescousse de la veuve et de l’orphelin.
Une autre source d’inspiration de ces héros américains est sans nul doute l’esprit
pionner : l’Homme seul, courageux qui fait preuve de forces quasi surhumaines pour
conquérir la « Frontière » et surmonter les obstacles que la nature et les populations
hostiles lui tendent :
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How the West was won, MGM, 1963
(Source : MGM. Cette image est une soumise au droit d'auteur. En France, sa mise à disposition
est autorisée dans la limite des droits accordés par l'article L513-6 du Code de la propriété
intellectuelle et est reproduite ici en vertu de ces droits.)
T.C. Boyle, auteur qu’on peut qualifier de populaire tant par les thèmes familiers aux USA
qu’il aborde (la bêtise charmante des hippies californiens, la folie furieuse et l’hypocrisie
des yuppies, on dirait bobos en France, la paranoïa des cowboys modernes enfermés
dans leurs bunkers commandés sur catalogue...), la diffusion de ses nouvelles dans des
magazines à publics divers (New Yorker, Playboy...), sa présence sur le web (site internet
officiel auquel il contribue régulièrement : http://www.tcboyle.com) et son style acerbe,
élaboré mais parfaitement compréhensible par le plus grand nombre.
T.C. Boyle est sans doute l’un des meilleurs auteurs américains contemporains à avoir
raillé ce penchant pour l’héroïsme (celui des autres) chez ses compatriotes, lorsque
celui-ci tombait dans le ridicule et la démesure (et c’est souvent le cas d’après lui), dans
le mercantilisme pur ou la folie destructrice.
L’auteur californien déconstruit ainsi le héros moderne à travers une description de
héros de pacotille dans un décors de carton pâ te, dont les seules motivations sont le
confort et l’argent. Sa critique est délivrée dans le recueil Without a hero entre autre par
un propriétaire de ranch safari en Californie :
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the real thing - the Great Riff Valley, the Ngorongoro Crater,
the Serengeti - but the real estate people saw every crack in
the plaster. And all they wanted to know was how much
he'd paid for the place and was the land subdividable.
(...)
And now the great white hunter was leaning across the table
to reassure her, his gut drawn tight against the khaki safari
shirt, his accent so phony it was like something out of a
Monty Python routine.
« Mrs Bender, Nicole, » he began, mopping his blood blister
of a face with a big checked handkerchief, « we’ll go out for
zebra in the morning, when it’s cool, and if it’s three you
want, we’ll get them, there’s no problem with that. Four, if
you like. Five. If you’ve got the bullets, we’ve got the game. »
(Boyle, T. Coraghessan Without a Hero : And Other Stories,
Viking Press, 1994, p.131).
De toute évidence ces héros du week-end ne s’intéressent pas à l’Afrique et leur seul
rapport avec ce continent est celui du prédateur impérialiste virtuel.
Dans Tortilla Curtain, T.C. Boyle définit le héros américain à travers le personnage d’un
immigré mexicain nommé Candido et non pas de Delaney Mossbacher, humaniste libéral
écologiste dont les valeurs ne feront pas long feu face aux réalités californiennes. Avec
ironie TC Boyle passe en revue les symboles de l’Amérique qui ont perdu toute leur
signification. Ainsi après avoir vécu une vie misérable en Californie, Candido, le héros
naïf et son adversaire yuppy bien pensant et lâ che sont sauvés par le toit de la Poste US.
America, l’épouse de Candido, au nom si évocateur pleure avec la mort de leur enfant
Socorro, la fin de leur rêve américain. Pourtant bien que Delaney, en s’acharnant sur ce
couple de Mexicains, qu’il rend responsable de tous les malheurs de sa famille, cause la
mort de Socorro, Candido le sauve. Le véritable héros n’est plus celui qui punit le
criminel dans un monde manichéen, mais celui qui pardonne et refuse d’abandonner
tout espoir en l’être humain. Il n’est plus le parangon d’une nation, mais un héros
véritablement humaniste qui transcende les frontières :
She was sobbing. Her body and his were one and the
sobs shook him till he was sobbing himself, or almost
sobbing. But men didn't sob, men endured; they worked for
three dollars a day tanning hides till their fingernails fell
out; they swallowed kerosene and spat out fire for tourists
on streetcorners; they worked till there was no more work
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left in them. "The baby," he gasped, and he wasn't sobbing,
he wasn't. "Where's the baby?"
She didn't answer, and he felt the cold seep into his veins, a
coldness and a weariness like nothing he'd ever known. The
dark water was all around him, water as far as he could see,
and he wondered if he would ever get warm again. He was
beyond cursing, beyond grieving, numbed right through to
the core of him. All that, yes. But when he saw the white face
surge up out of the black swirl of the current and the white
hand grasping at the tiles, he reached down and took hold of
it. (Boyle, T. Coraghessan The Tortilla Curtain, Viking Press,
1995.)
Indiana Jones
Le héros archéologue
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is a comic-book superhero with cinematic ingredients of the
Western cowboy, the film-noir mobster, the epic adventurer
and the patriotic combat soldier. This blend turns him into a
truly invincible American action hero. »
(Maria Puente, « Indiana Jones: He's Everyman, with wit and a
whip », 23 Mai 2008, USA TODAY)
« Indiana Jones and the Golden Fleece » est une BD en 2 numéro de Pat McGreal et Dave
Rawson, publiée chez Dark Horse Comics en Juin et Juillet 1994.
Indiana Jones s’inscrit de façon humoristique également dans une lignée de récits
colonisateurs et impérialistes que l’Europe ne glorifie plus guère (Tintin a certes des
relents impérialistes mais ces aspects n’ont jamais semblés intrinsèques au personnage
qui est une sorte de boyscout, très respectueux au moins de certaines cultures non
européennes (Chine, Amérique du Sud, Indiens d’Amérique...) et qui ne saccage, ni ne
vole des oeuvres d’autres contrées.
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Indiana Jones semble ainsi plus proche des récits aventuriers du 19 ème siècle
(Haggard) avec sa supériorité occidentale, son utilisation du monde non judéo-chrétien
comme cour de récréation, son pillage du monde colonisé et sa vision en noir et blanc
du monde :
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(http://herocomplex.latimes.com/2011/08/24/indiana-jones-
pictures-raiders-lost-ark-museum-exhibition-archaeology-
montreal-props-harrison-ford-steven-spielberg/#/0)
Source : TM & © Lucasfilm Ltd. Cette image est une soumise au droit d'auteur. En France, sa mise
à disposition est autorisée dans la limite des droits accordés par l'article L513-6 du Code de la
propriété intellectuelle et est reproduite ici en vertu de ces droits.)
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étonnant que des archéologues se soient penchés sur la crédibilité des recherches du
Docteur Jones.
A y regarder d’un peu plus près, le fondement historique de ces films est néanmoins
plutô t fantaisiste et n’approfondit aucun sujet. Le 4 ème volet, paru après ce qui était à
l’origine une trilogie est particulièrement indigent d’un point de vue historique et
Indiana Jones y apparaît plus comme un touriste égaré à Cancun dans un camp
d’aventures dirigé par une dominatrice vaguement russe, un lendemain de virée
alcoolisée dans un bar à thèmes science-fiction période ET, que comme un archéologue
héroïque sauvant le monde de la chienlit nazie :
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The film, conceived by George Lucas, is a familiar recipe of
thrilling chases, spectacular stunts, mystical symbols, ancient
civilizations and jokes about Jones's fear of snakes.
Ainsi d’après le film, un archéologue survit sans problème majeur à une explosion
atomique en s’enfermant dans un réfrigérateur en plomb. Time Magazine a élu
l’expression inspirée par cette scène absurde : « to nuke the fridge » une des 10
expressions en vogue en 2008 (« ‘to nuke the fridge’ means to exhaust a Hollywood
franchise with disappointing sequels. It was coined after a ludicrous scene in the latest
Indiana Jones installment in which the hero climbs into a refrigerator and somehow
survives a nuclear explosion »: Cloud, John « The Top 10 Everything of 2008. A
yearbook of all the top events you've been talking about », Time Magazine, 3 Novembre
2008,
http://www.time.com/time/specials/packages/article/
0,28804,1855948_1864100_1864105,00.html)
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Indiana Jones survit à une explosion nucléaire
(Source : Paramount et Lucasfilm. Cette image est une soumise au droit d'auteur.En France, sa
mise à disposition est autorisée dans la limite des droits accordés par l'article L513-6 du Code
de la propriété intellectuelle et est reproduite ici en vertu de ces droits.)
Notre « héros » ne part pas plus en guerre contre les armes nucléaires qu’il ne défend de
valeurs nobles. Le monde, celui d’Indiana Jones jusqu’au lieu de tournage est un vaste
parc d’attractions où tout est perçu comme source de distraction. Ce héros est un donc
devenu un personnage formidablement aculturel.
Seule exception notable et comique: la discussion théorique dans la librairie après une
entrée fracassante sur une moto, car ne distrait un chercheur de sa matière. Autre
enseignement : il faut allier recherches en bibliothèque et sur le terrain. On retrouve ici
le héros cultivé des premiers films :
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Vidéo de l’épisode nucléaire et de l’épisode de la bibliothèque :
« - I just had a question on Hargrove's normative culture model. -Forget Hargrove.Read Vere
Gordon Childe on diffusionism. He spent most of his life in the field. If you want to be a good
archeologist,you got to get out of the library! »
http://www.officemagenta.net/wp-content/uploads/2012/01/indi2.mp4
Star Trek
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« 'Star Trek' has the virtue in this world of being illiterate »,
acknowledges writer/director Meyer, now directing the current
feature, Star Trek VI: The Undiscovered Country, which is slated
for a Christmas release. « America is now an illiterate society,
with no particular oral tradition », he observes. « Myths have to
be served up in a new way. » (Sheldon Teitelbaum « How Gene
Roddenberry and his Brain Trust Have Boldly Taken 'Star Trek'
Where No TV Series Has Gone Before : Trekking to the Top »,
Los Angeles Times, 5 Mai 1991)
Quelle est la définition d’un héros dans Star Trek ? Tout d’abord il faut savoir qu’il y a
plusieurs séries dans l’univers Star Trek : la 1ère date des années 70, suivie de Star Trek
The Next Generation dans les années 80-90, puis Star Trek DS9 dans les années 90 et
quelques autres beaucoup moins populaires.
Dans Star Trek Creator. The Authorized Biography of Gene Roddenberry, David Alexander
explique que le créateur de la série Gene Roddenberry s’est inspiré de « Gulliver's
Travels » de Jonathan Swift, en donnant 2 dimensions aux épisodes: celle d’une aventure
et celle d’un conte moral.
Le héros apparaît dans toutes ces séries sous les traits du capitaine/commandant. Il
semble donc intéressant de voir l’évolution de ce personnage et de ses valeurs au fil de
la saga.
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Capitaine Kirk.
(Source : Paramount : Cette image est une soumise au droit d'auteur. En France, sa mise à
disposition est autorisée dans la limite des droits accordés par l'article L513-6 du Code de la
propriété intellectuelle et est reproduite ici en vertu de ces droits.)
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Capitaine Jean-Luc Picard
(Source : Paramount : Cette image est une soumise au droit d'auteur. En France, sa mise à
disposition est autorisée dans la limite des droits accordés par l'article L513-6 du Code de la
propriété intellectuelle et est reproduite ici en vertu de ces droits.)
But the new show, which is set some 85 years after the old
series transpired, generally eschews violence and bluster for
diplomacy and intellectual guile, explains Roddenberry in the
slim « bible » he created to guide the show's writers. « Show a
somewhat better kind of human than today's average », he
writes on Page 3 of the Writers'/Directors' Guide for the 1989
season. "Our continuing characters are the kind of people that
the 'Star Trek' audience would like to be themselves. They are
not perfect, but their flaws do not include falsehood, petty
jealousies and the banal hypocrisies common in the 20th
Century. » (Sheldon Teitelbaum « How Gene Roddenberry and
his Brain Trust Have Boldly Taken 'Star Trek' Where No TV
Series Has Gone Before : Trekking to the Top », Los Angeles
Times, 5 Mai 1991)
PICARD
We have to go back to a planet called Veridian III and stop a
man from destroying a star. There are millions of lives at stake.
(...)
KIRK
I take it the odds are against us, and the situation is grim?
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PICARD
You could say that.
KIRK
(musing)
Of course, if Spock were here, he'd say I was being irrational,
illogical human for wanting to go on a mission like that...
KIRK
Sounds like fun.
Le capitaine idéal dans les années 90 pense au collectif à chaque décision qu’il prend
mais il refuse de s’y soumettre aveuglément et conserve son libre arbitre. Il prend
rarement, comme Kirk, une décision sans avoir consulté son équipage. Le héros
américain est devenu un démocrate éclairé. Avec DS9, une dimension politique s’ajoute
au héros qui devient négociateur et promoteur de la « Fédération des Planètes », une
sorte de Nations Unies à l’échelle cosmique.
Le héros dans Star Trek est toutefois dans les 2 séries et celles qui ont suivi un
aventurier célibataire tout comme l’était Indiana Jones et la majorité des héros des
années 80 (Kirk, le séducteur, premier de la lignée des capitaines de l’Enterprise, Jean-
Luc Picard, le philosophe solitaire, Capitaine Janneway, toute aussi solitaire, dans « Star
Trek Voyager », sorte d’Odyssée inversée avec une Pénélope perdue dans le quadrant
delta à la recherche du chemin vers la Terre, le Commandant Sisko dans « Star Trek
DS9 », veuf, qui élève seul son fils et qui devient l’émissaire des prophètes bien malgré
lui). En effet, ce n’est que dans le film Star Trek: Generations, qu’apparaît la question de
la filiation dans le mythe Star Trek dans le dialogue entre Kirk et Picard.
Kirk apparaît comme un père fondateur, sans lequel l’histoire n’aurait pas eue lieu. De
même dans le long métrage de 2009 : Star Trek de J.J. Abrams, créateur de la série Lost,
l’histoire prend son cours, et permet au père de Kirk un acte de sauvetage héroïque qui
lui coû tera la vie. de même Spok, l’ancien, après avoir voyagé dans le temps, vient en
aide à sa version plus jeune. Ainsi, même si le l’histoire devient, grâ ce à Albert Einstein,
compromise dans sa linéarité, des personnages de mentors prennent une dimension
fondatrice non plus d’une nation, mais d’une fédération des planètes, qui rappellent une
ONU qui fonctionnerait.
Au respect des principes de la Charte de l’ONU (« Développer entre les nations des
relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et
de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à
consolider la paix du monde »), s’ajoute toutefois un principe d’action militaire
purement défensive. Ceci étant dit, la mission de ces capitaines est toujours présentée
comme scientifique et interculturelle. Il s’agit de défendre les faibles si besoin est et
d’explorer l’univers pour découvrir les différences et en tirer des leçons. Le héros
fondateur et défenseur est donc le plus souvent présenté comme un être aussi sage
qu’intrépide.
Dans DS9 le commandant Sisko est même présenté comme un émissaire choisi par les
prophètes, une entité extra-terrestre qui vit dans un trou de ver (tunnel spatio-
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temporel) dans une existence non linéaire. Leurs caractéristiques se rapprochent de
nombreuses définitions judéo-chrétienne de la divinité : intemporalité, toute puissance,
défense du peuple élu (les Bajorans pendant du peuple juif), puis des peuples élus (les
membres de la Fédération), punition des forces du mal.
La mère de Sisko est une de ces entités, venue sur Terre sous forme humaine. Ainsi le
capitaine devient une sorte d’émissaire qui doit mener à bien le combat suprême entre
la Fédération et les forces du mal du Dominion, sorte de fédération concurrente et
bancale dans ses alliances aux relents nazis. Une certaine ambiguïté est toutefois
conservée jusqu’au bout, la divinité des créatures du tunnel temporel restant ainsi
incertaine.
Il faut savoir que le créateur de Star Trek : Gene Roddenberry voyait Star Trek comme
une histoire humaniste : « It was never hostile to the godly – religion is simply null, and
irrelevant. » (Fern, Yvonne Gene Roddenberry: the last conversation: a dialogue with
creator of Star Trek, Rev Upd Su edition, 1996)
Le héros spatial des années 90 plus que jamais se doit de créer un monde meilleur et de
progresser grâ ce à la découverte de l’autre :
Toutefois on est loin des idéaux hippies. Le guerrier est un diplomate mais il reste un
guerrier. Un guerrier responsable :
Malgré la fascination pour la technologie, le héros est avant tout humain, ce qui le rend
enviable aux yeux de Data, l’androïde à bord du vaisseau Enterprise. Et qui plus est le
capitaine est malgré son universalisme affiché un héros aux valeurs occidentales : c’est
un individualiste qui considère l’assimilation dans un collectif, comme la pratique la
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race mi humanoïde, mi-machine des Borgs, comme la fin de sa civilisation. Le combat du
héros dans Star Trek est aussi un combat pour amener les peuples rencontrés à
reconnaître leur individualité, mais pas de manière caricaturale cette fois.
Il ne s’agit plus du même type d’individualisme que prô nait le capitaine Kirk. Si Jean-Luc
désobéit parfois à sa hiérarchie lorsqu’il pense que des ordres sont immoraux, Kirk
désobéissait par bravade et égocentrisme :
KIRK
(hard)
I don't need to be lectured by you. I was out saving the galaxy
when your grandfather was still in diapers. And frankly, I think
the galaxy owes me one.
(beat)
I was like you once... so worried about duty and obligations that I
couldn't see anything past this uniform. And in the end, what did
it get me? Nothing. Not this time.
Les modes de société trop différents sont certes rejetés mais une tentative est
entreprise pour les comprendre.
Ainsi les Cardassians, un peuple guerrier fortement hiérarchisé qui a hérité des traits de
l’axe germano-japonais pendant la 2ème guerre mondiale, a des valeurs inacceptables
pour tout peuple démocratique :
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"Tribunal", "The Die is Cast") (“Cardassian” In Memory Alpha
http://en.memory-alpha.org/wiki/Cardassian )
Extrait de l’épisode « Duet » de Star Trek DS9: « What you call genocide, I call a day’s work » :
vidéo : http://www.officemagenta.net/wp-content/uploads/2012/01/A-Superb-of-Case-Villainy.mp4
Cardassia
(Source : Paramount : Cette image est une soumise au droit d'auteur.En France, sa mise à
disposition est autorisée dans la limite des droits accordés par l'article L513-6 du Code de la
propriété intellectuelle et est reproduite ici en vertu de ces droits.)
Ce faisant les qualités des Cardassians aux yeux des humains sont reconnues : « most
Cardassians look after both their children and parents with equal devotion »
Extrait de l’épisode « Defiant » de Star Trek DS9: « When my son looks back on this day, the only
thing he'll remember is that a Federation officer on a Federation ship invaded his home... and
kept his father away from him on his eleventh birthday. And he won't look back with
forgiveness... he'll look back with hatred. And that’s sad” (on notera que la dernière phrase citée
à été ajoutée, cela souligne évidemment l’humanité de Gul Dukat, militaire cardassian de haut
rang).
Vidéo: http://www.officemagenta.net/wp-content/uploads/2012/01/Gul-Dukat-misses-his-sons-
birthday.mp4
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(Moore, Ronald D. Script de l’épisode :
http://www.st-minutiae.com/academy/literature329/455.txt)
Le héros est ancré dans une société multi-raciale, multi-culturelle et il affirme ses
valeurs et celles de son peuple sans condamner en bloc celles des autres. Il sait s’inspirer
de préceptes étrangers, s’ils lui paraissent valides.
Des sociétés perçues de prime abord comme paradisiaques révèlent ainsi des traits qui
amènent régulièrement le capitaine à enfreindre le principe de non ingérence (1ère
directive).
En effet, dans l’épisode « Justice » l’absence de crime sur une planète habitée par un
peuple qui rappelle furieusement une colonie de hippies, les drogues en moins, apparaît
de prime abord comme un progrès enviable. Toutefois l’équipage de l’Enterprise
comprend très vite que le prix à payer est l’utilisation de la peine de mort pour de
simples incivilités (un membre de l’équipage a écrasé par inadvertance un parterre de
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fleurs). Jean-Luc Picard est donc contraint d’enfreindre la 1 ère directive et refuse de livrer
à la justice locale le jeune coupable. En cela il admet implicitement que le mode de
société choisi par les habitants de cette planète est inacceptable pour tout membre de la
Fédération et que toutes les sociétés ne peuvent pas être respectées. Un héros doit donc
faire des choix difficiles qui ne seront jamais satisfaisants puisqu’ils l’amènent à faire ce
qu’il voulait éviter : créer une hiérarchie des cultures.
Toutefois les auteurs de The Next Generation garde encore l’insouciance et la
superficialité des années 80 lorsqu’il s’agit de décrire un projet de société idéale.
En effet, on peut dire que les planètes citées comme idéales sont presque toujours des
sociétés pastorales, où régnent l’abondance, la bonté, les arts et distractions sans qu’on
rentre dans les détails. La planète Risa est un bon exemple de l’idéal à achever :
l’encyclopédie de Star Trek nous indique que Risa est une planète de villégiature de
classe M, à l'origine plutô t hostile. En effet, géologiquement très instable, elle était
secouée par de violents séismes et balayée par des orages et des pluies constants. Mais
les Risans ont développé un système extrêmement sophistiqué de régulation sismique et
de contrô le du temps transformant leur planète en un lieu paradisiaque, qui attire les
touristes des 4 coins de l’univers. L'absence d'inhibition à l'égard du Jamaharon
(relations sexuelles) est sans aucun doute le 2 ème pot de miel de cette étape dont
l’évocation du seul nom provoque des clins d’oeil entendus chez tous les peuples
utilisant ce mode de communication.
La planète Risa
(Source : Paramount. Cette image est une soumise au droit d'auteur.En France, sa mise à
disposition est autorisée dans la limite des droits accordés par l'article L513-6 du Code de la
propriété intellectuelle et est reproduite ici en vertu de ces droits.)
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served on Risa. Malcolm Reed and Trip Tucker ordered Risan mai-tais when they spent
two days on the planet in early 2152. Tucker later wondered whether his headache was
caused by the mai-tais or by getting shot. (ENT: "Two Days and Two Nights") »
(http://en.memory-alpha.org/wiki/Risan_mai-tai)
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(Crédit : Paramount. Cette image est une soumise au droit d'auteur.En France, sa mise à
disposition est autorisée dans la limite des droits accordés par l'article L513-6 du Code de la
propriété intellectuelle et est reproduite ici en vertu de ces droits.)
Risa est donc l’oasis dans le désert, le repos du guerrier avant les grandes batailles, mais
aussi un projet de société naïf.
Devons-nous être surpris si Risa, ce Hawai ‘i de pacotille, est le point de départ d’une
aventure archéologique héroïque du capitaine Jean-Luc Picard ? En effet, le cô té Indiana
Jones de l’expédition est parfaitement adapté aux décors de parc d’attraction de
l’épisode. Tout y est. On démarre avec un beau plan sur une statuette d’inspiration
terrienne et plus précisément polynésienne (cette région aux moeurs libertines aux yeux
des colons et missionnaires), la caméra se porte ensuite sur une statuette inspirée de
l’antiquité grecque (pendant débauché respectable car raffiné du monde africain).
Cependant il ne serait pas juste d’accuser Star Trek d’une vision colonialiste : il semble
évident dans cet épisode que ces symboles ont été repris naïvement, c’est-à -dire pour
leur connotation sexuelle, sans référence directe à ces cultures, ni sentiment de
supériorité. La statuette grecque et la statuette polynésienne, qui, de concert avec les
vêtements kitsch portés par les vacanciers, rappelle la mode tiki des années 50-60 aux
Etats-Unis et sont à considérer ici comme un élément du décors exotique, décoratif et
passe-partout. On assiste à un patchwork de cultures terriennes, dont les cô tés les plus
« attirants » ont été retenus. La phrase d’accueil de l’ordinateur : « All what is ours is
yours » rappelle ainsi l’expression latino « Mi casa es su casa ». Cet échantillonnage
superficiel des cô tés pittoresques de diverses cultures définit Risa comme un lieu dont le
seul but est le plaisir et le confort et qui plaît ainsi à tous. Le problème est que cela ne
fait que renforcer la similitude avec Hawai’i, puisque l’archipel est largement perçu par
Hollywood comme un endroit où coule le lait et le miel, sans culture complexe qui
viendrait compromettre l’expérience balnéaire.
Toutefois dans Star Trek DS9, le monde réel s’invite et entame les fantasmes de ses
visiteurs : en 2373, lors d'un séjour des membres de la station spatiale DS9 (Jadzia Dax,
Worf, Julian Bashir, Leeta et Quark) sur Risa, un groupuscule essaie de détruire les
systèmes de régulation de la planète, afin de démontrer que cette énergie, gaspillée pour
le seul plaisir de touristes, devrait être consacrée à la lutte contre le Dominion (Star Trek
: Deep Space Nine : « Let He Who Is Without Sin.. »). Cette critique rappelle celle que l’on
entend de plus en plus à Hawai’i qui consacre des ressources énormes au plaisir du
touriste.
Dans la décennie qui va suivre, cette prise de conscience du héros va remplacer le
paradis fictif par une recherche spirituelle.
Lost
Lost est un excellent exemple de ce type de séries. A la base cette histoire de Robinson
Crusoé se transforme en combat biblique entre les forces du bien et du mal.
Le vol 815 d’Oceanic s’écrase sur une île (déserte ?) du Pacifique. Une quarantaine de
passagers survivent miraculeusement et attendent les secours. Comme ils avaient dévié
du plan de vol, personne ne vient à leur secours sur cette île qui semble éloignée de
tout. La survie s’organise, malgré des menaces constantes (un mystérieux monstre de
fumée noire, des ours polaires, les Autres, habitants peu commodes de l’île). En
explorant l’île les survivants vont découvrir les vestiges de la Fondation Dharma, une
25
ancienne communauté de scientifiques vaguement hippie installée sur l’île dans les
années 70, avant de faire plus ample connaissance avec les Autres. Ceux-ci ont un
leader, passablement sadique qui prétend obéir à Jacob (on ne sait pas trop quel statut
lui donner. Celui-ci n’apparaît que dans la dernière saison. Il apprend aux survivants
encore présents sur l’île, qu’ils sont des candidats sélectionnés de longue date pour
sauver l’île et l’humanité avec elle.
Spiritualité du héros
Lost est une série qui emprunte énormément au Christianisme. Jacob est le
gardien/leader de l’île qu’on ne voit pas mais auquel les Autres obéissent aveuglément.
On peut voir dans cette obéissance une manifestation de la foi en un Dieu, un Créateur.
Locke, le chasseur philosophe et Jack, le chirurgien, si cartésiens, vont finir par obéir à
Jacob également. Locke, qui était en fauteuil avant l’accident s’est levé et a marché sur la
scène du crash. Il n’est donc pas surprenant qu’il soit le premier à croire en une
destinée, jusqu’à agacer les autres survivants avec ses convictions.
Plus tard le spectateur apprend que Jacob a le pouvoir d’accorder la vie éternelle (mais
il ne peut ramener les morts à la vie). L’ambiguïté demeure donc quant à sa nature. Il a
un frère : Celui sans nom (sa naissance n’ayant pas été prévue). Jacob croit que l’être
humain est bon, même s’il commet parfois des actes mauvais, Celui sans nom croit que
l’être humain est fondamentalement corrompu. On a donc ici l’opposition biblique entre
les forces du bien et du mal : Dieu et le Diable, Abel et Caïn, la Lumière et l’Obscurité.
Jacob ayant soigneusement sélectionné les survivants bien avant leur arrivée sur l’île,
on pense ici aux apô tres comme le confirme d’ailleurs la campagne de publicité d’ABC :
26
Source ABC. Cette image est une soumise au droit d'auteur.En France, sa mise à disposition est
autorisée dans la limite des droits accordés par l'article L513-6 du Code de la propriété
intellectuelle et est reproduite ici en vertu de ces droits.)
Jacob ne désigne pas son successeur. Le libre arbitre est un élément clef tant de la
religion chrétienne que de la notion d’héroïsme. et Jack se porte volontaire.
D’ailleurs Jack Shephard (shepherd = le berger) est le premier personnage héroïque, et
c’est à lui que sont consacrées la 1 ère et la dernière image de la série. On le voit courir
d’une victime à l’autre pour les secourir et il devient, bien malgré lui, le leader logique
des survivants (dans un des derniers épisodes, Celui sans nom se moque en ces termes
lorsqu’il découvre qu’il est un des « élus » et qu’il se porte volontaire pour sauver
l’humanité à la place de Jacob : « Jack, how disappointing, you were the obvious
choice ») :
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Jack (à gauche), héros de la 1ère heure.
Source : ABC. Cette image est une soumise au droit d'auteur.En France, sa mise à disposition est
autorisée dans la limite des droits accordés par l'article L513-6 du Code de la propriété
intellectuelle et est reproduite ici en vertu de ces droits.)
Pour ce qui est du cheminement du/des héros de cette série, on retrouve la notion de
héros malgré lui :
1) Le héros dans son monde ordinaire : il s'agit d'une introduction qui fera mieux
ressortir le caractère extraordinaire des aventures qui suivront
2) L'appel à l'aventure, qui se présente comme un problème ou un défi à relever
3) Le héros est d'abord réticent, il a peur de l'inconnu
28
4) Le héros est encouragé par un mentor, vieil homme sage ou autre. Il n'accompagnera
pas le héros qui doit affronter seul les épreuves.
5) Le héros passe le « seuil » de l'aventure, il entre dans un monde extraordinaire, il ne
peut plus faire demi-tour
6) Le héros subit des épreuves, rencontre des alliés et des ennemis
7) Le héros atteint l'endroit le plus dangereux, souvent en profondeur, où l'objet de sa
quête est caché
8) Le héros subit l'épreuve suprême, il affronte la mort
9) Le héros s'empare de l'objet de sa quête.
10) Le chemin du retour, où parfois il s'agit encore d'échapper à la vengeance de ceux à
qui l'objet a été volé
11) Le héros revient du monde extraordinaire où il s'était aventuré, transformé par
l'expérience
12) Le retour dans le monde ordinaire et l'utilisation de l'objet de la quête pour
améliorer le monde (donnant ainsi un sens à l'aventure)
La dernière étape est toutefois laissée au spectateur à qui la tâ che incombe de tirer les
leçons de l’épopée.
Mais le héros n’est plus un individualiste : l’île et avec elle le monde sont sauvés par 3
personnes (Desmond, le clairvoyant qui prépare le chemin, Jack, figure messianique qui
se sacrifie pour racheter l’humanité (il est blessé au flanc droit comme le Christ d’après
la Bible) et Hurley, le gardien, qui reprend le flambeau de Jack et garde l’île). Et avant
eux, il y a John Locke, nommé d’après le philosophe anglais de la « tabula rasa », sorte
de mentor/prophète qui parvient à convaincre les autres qu’ils ont une destinée à
accomplir : « You know that you’re here for a reason. You know it. And if you leave this
place, that knowledge is gonna eat you alive from the inside out...until you decide to
come back » (Lost Encyclopedia, p.175)
Le second héros est Desmond Hume, un personnage arrivé sur l’île antérieurement aux
survivants du crash qui, après maintes réticences, voit lui-aussi sa destinée dans ce
combat entre le bien et le mal. Son nom est une allusion au philosophe David Hume,
historien et philosophe empiriste, défenseur de la tolérance et de la liberté de pensée
qui n’écarte pas complètement l’idée de déisme mais semble rejeter les religions
monothéistes. Après avoir survécu à des ondes électromagnétiques extrêmement
puissantes auquel aucun être humain ordinaire n’aurait survécu (sans doute grâ ce à son
exposition préalable dans la station Dharma et on retrouve là l’accident de laboratoire
qui donne naissance aux super-héros), Desmond a une révélation. Il connaît à présent
sa destinée, il ne doute plus :
Ce sera également lui qui rassemblera les « brebis égarées » (n’oublions pas le titre de
la série « Lost ») dans leur vie après l’île et les aidera à se souvenir de leur passé
commun.
29
Enfin Hurley, celui qui voit les morts, don dont il se passerait bien, sera le 3 ème
personnage à sauver l’île car il accepte d’en être le gardien après la mort de Jack et le
départ de Desmond.
Eko, un prêtre survivant qui apparaît plus tard dans la série (l’avion s’est écrasé sur 2
sites), construit une église sur la plage car il y voit son devoir et sa destinée. L’église ne
sera pourtant jamais terminée et Eko l’abandonne pour affronter le monstre
(manifestation de Celui sans nom). Dans une vision de Charlie, un autre héros qui s’est
sacrifié pour la survie de son amie Claire et de son bébé, né sur l’île, celle-ci apparaît
sous les traits d’un ange lui enjoignant de sauver son enfant.
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Source : ABC. Cette image est une soumise au droit d'auteur.En France, sa mise à disposition est
autorisée dans la limite des droits accordés par l'article L513-6 du Code de la propriété
intellectuelle et est reproduite ici en vertu de ces droits.)
Desmond a lui aussi des visions mais de la mort de Charlie. Il parvient à empêcher
plusieurs visions de se réaliser mais il rappelle à Charlie ce que Eloise Hawking, une
mystérieuse femme lui avait dit : « The universe has a way of course-correcting itself ».
Charlie comprend que sa destinée est de se sacrifier.
Enfin la série se termine dans une église : Jack y apprend que la vie tranquille qu’il
croyait mener est fictive. Au contact du cercueil de son père, il se souvient de sa vie
réelle et sa mort sur l’île. Il n’est donc que de passage dans un entre-deux, une anti-
chambre vers l’au-delà , qu’il ne pouvait pas quitter tant qu’il ne s’était pas souvenu de
sa vie passée. Cette existence fait penser au purgatoire et l’au-delà , suggéré par une
lumière aveuglante renvoie à l’idée du paradis chrétien, mais rien n’est certain. Dans le
dernier épisode Jack demande à son père : « Where are we going? ». Celui-ci lui répond :
« Let’s go find out »
Si l’on observe le vitrail derrière Christian Shephard, le père de Jack au nom si
significatif, on s’aperçoit qu’il comporte les symboles de différentes religions : le
christianisme, le judaïsme, l’islam, le taoïsme, le bouddhisme, l’hindouisme. En effet, les
héros nombreux de cette série appartiennent à différentes religions et leur sacrifice ne
peut donc pas être expliqué par une religion particulière.
D’ailleurs lorsque Kate, une des survivantes et â me soeur de Jack, apprend le nom de
son père, elle réagit avec une incrédulité ironique : « A man named Christian Shephard,
seriously? »
La notion de destin n’est pas limitée à la sphère du spirituel ou de la religion. Elle est
aussi liée à la science. Lost introduit ce rapport dans la série à travers le physicien Daniel
Faraday, spécialisé dans les voyages temporels. Sans son aide, nos héros n’auraient pas
pu accomplir leur destinée. Son nom renvoie bien sû r au physicien Michael Faraday,
spécialiste en électromagnétisme. Sa mère, Eloise Hawking renvoie quant à elle au
physicien Stephen Hawking et sa théorie des trous noirs et des trous de vers. En effet, les
propriétés électromagnétiques de l’île seraient théoriquement en mesure de créer un
trou de ver (abondamment utilisé dans Star Trek, série que Stephen Hawking apprécie et
dans laquelle il a joué son propre personnage), or un trou de ver permettrait le voyage
dans le temps d’après Stephen Hawking. Le déplacement temporel de l’île s’explique
donc, cependant sa mise en oeuvre reste un mystère et inscrit Lost dans le genre des
récits spéculatifs « What if ? » :
Les survivants passent ainsi leur temps a tenté de comprendre les énigmes scientifiques
qui se présentent à eux. Il est clair que cela fait partie de leur cheminement. Sans la
science ils n’auraient pas retrouvé le chemin de l’île. Sans elle l’île ne se déplacerait pas
dans le temps et aurait été découverte.
32
A similar effort unfolded in collaboration with ABC’s Jimmy Kimmel
show on the night of May 24, a few hours after the Lost season finale,
when Kimmel conducted a brief interview with an actor portraying
McIntyre. In the interview, McIntyre attempted to present the
Foundation as an actual, legitimate organization, which Lost’s
producers had incorporated (and misrepresented) in the fictional
narrative of the show...
(...)
during the Lost discussion panel at the San Diego ComicCon, an
actress portraying Rachel Blake grabbed a microphone and accused
Lost’s producers of collusion with the Hanso Foundation. Before
being escorted out by event security, Blake implored the crowd to
discover the truth for themselves by visiting hansoexposed.com
(Askwith, Ivan/Jenkins, Henry/Green, Joshua et Crosby, Tim
Deconstructing The Lost Experience In-Depth Analysis of an ARG,
Comparative Media Studies at MIT,
http://www.ivanaskwith.com/writing/
IvanAskwith_TheLostExperience.pdf)
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Source ABC. Cette image est une soumise au droit d'auteur.En France, sa mise à disposition est
autorisée dans la limite des droits accordés par l'article L513-6 du Code de la propriété
intellectuelle et est reproduite ici en vertu de ces droits.)
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Source ABC. Cette image est une soumise au droit d'auteur.En France, sa mise à disposition est
autorisée dans la limite des droits accordés par l'article L513-6 du Code de la propriété
intellectuelle et est reproduite ici en vertu de ces droits.)
3) Des vidéos ont été distribuées sur le net en fragments (et reprises dans les bonus de
l’édition DVD/Blu-ray). De fait, seules les vidéos de Alvar Hanso permettent de mieux
comprendre les raisons d’être de la Fondation Dharma (empêcher la fin du monde). La
vidéo complète inclut un reportage clandestin qui révèle que la fondation Dharma ou du
moins certains membres ont décidé d’éliminer 30% de la population grâ ce à un nouveau
virus afin de modifier un des paramètres (la population) de l’équation qui doit mener à
35
la fin du monde. Nos héros ici ont donc du sang sur les mains : leur but est honorable
mais les moyens utilisés sont destructeurs et moralement condamnables. Dans la série il
apparaît toutefois que peu de membres de la fondation sont au courant du projet viral.
La fondation dharma qui s’appuie sur la science pour sauver le monde et accomplir sa
destinée tempère donc le rô le de la religion :
Source ABC. Cette image est une soumise au droit d'auteur.En France, sa mise à disposition est
autorisée dans la limite des droits accordés par l'article L513-6 du Code de la propriété
intellectuelle et est reproduite ici en vertu de ces droits.)
Les références à l’ONU qui serait au courant des prédictions de fin du monde
contribuent donc à ancrer la notion de destinée à accomplir à travers la science et un
credo humaniste (les mots « compassion » reviennent régulièrement) du moins dans
ses intentions de départ dans le monde réel.
36
dilemma familiar to fans of other iconic series », Tampa Bay Times
21 Mai 2010)
So let’s just say it’s about destiny. And metaphysics. And quantum
physics. And leadership, torture, time travel, synchronicity,
Skinner boxes, geodesic domes, polar bears, doomsday equations,
comic books, the Casimir effect, and the no-less-potent Cass Elliot
effect. It was weird. Even weirder: It was a hit. A towering,
mainstream megahit. You’d think a show like this could happen
only in some alternate television universe. Maybe so. Maybe for
the past six years we’ve been living in that universe. (Scott Brown
« As Lost Ends, Creators Explain How They Did It, What’s Going
On », Wired Magazine, April 19, 2010,
www.wired.com/magazine/2010/04/ff_lost/all/1)
4) Des personnages fictifs sont apparus comme invités dans des émissions TV ou lors
d’événements publics pour renforcer le doute sur la réalité de la Fondation Hanso.
5) Pour compléter l’expérience des produits ont inventés pour la série (la barre
chocolatée Apollo) ont été distribués au public, un faux roman d’investigation a été
publié.
Source ABC. Cette image est une soumise au droit d'auteur. En France, sa mise à disposition est
autorisée dans la limite des droits accordés par l'article L513-6 du Code de la propriété
intellectuelle et est reproduite ici en vertu de ces droits.)
Ces éléments extérieurs à la série brouillent la frontière entre fiction et réel et forcent le
spectateur à s’interroger sur son environnement: et s’il y avait bel et bien conspiration ?
Et si la série Lost n’était qu’un outil promotionnel pour une fondation aux vues
mystérieuses ?
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La société idéale ?
Fait marquant : cette production, comme de nombreuses avant elle, a un lien avec
Hawai’i : tout d’abord limité au rô le de décors à fantasmes (Indiana Jones, Fantasy
Island, Star Trek), l’archipel est devenu le théâ tre de l’action, même s’il reste désincarné.
On peut faire un parallèle avec le frère de Jacob : « Celui sans nom ». Les leçons à tirer
de « Lost » auraient-elles donc un lien avec l’archipel ou avec la façon dont ce lieu a été
utilisé ? Les producteurs avaient envisagé de tourner la série en Californie ou en
Nouvelle Zélande mais ils ont finalement choisi Hawai’i car une série sur une île du
Pacifique devait selon eux être tournée sur une île du Pacifique (dixit Damon Lindelof
dans les bonus de l’édition complète). C’est un choix inhabituel pour Hollywood, qui l’a
montré puisque Indiana Jones ne s’embarrassait par exemple pas beaucoup jusqu’ici
d’exactitude ou d’authenticité.
D’ailleurs pour la 1ère fois, le héros messianique télévisuel ne semble pas extérieur. Sa
venue est inscrite dans la fabrique de l’île, mais contrairement aux conquistadors, dont
la venue était également perçue par les populations indigènes d’Amérique du Sud
comme inscrite dans la destinée de leur monde, le messie de Lost ne sait pas
fonctionner dans son monde d’origine. Il y vit comme un poisson hors de l’eau et la
destruction l’y accompagne sans relâ che (mort du père, d’une patiente dont il était
proche...).
Lorsque Jack quitte l’île, il comprend qu’il appartient à l’île, que sa destinée est d’être le
héros qui sauvera le monde sur cette île, qu’il en fait partie intégrante. Il essaie de
convaincre ses compagnons de voyage d’y retourner afin d’accomplir leur destinée.
Le héros n’est donc plus un explorateur ou un politicien mais dans une Amérique qui se
cherche après le 11 septembre et le mal de crâ ne causé par la vision simpliste du monde
de G.W Bush et ses conséquences, il est devenu un héros tragique, parti dans une quête
spirituelle. Il est à présent véritablement ouvert au monde, à l’inconnu, même menaçant
et rien n’est simple. Le manichéisme est complètement évacué de cette série et le
génocidaire d’hier ou les tortionnaires américain et irakien peuvent se repentir et finir
en héros se sacrifiant pour l’humanité.
Multitude de héros
Hawai’i est bel et bien au centre de cette épopée. On peut dire que l’archipel est l’Etat le
moins individualiste des USA. Toutefois le mythe moderne hawaïen comme lostien ne
s’appuient pas sur le passé : Hawai’i ne compte plus que 20% de population
polynésienne et la mise sous perfusion des anciens mythes fondateurs auteur de reines
et de rois héroïques semblent condamner à s’estomper au profit de nouveaux mythes
fondateurs s’appuyant sur la société moderne faite d’immigration asiatique,
d’interculturalité, de guerre mondiale, de lendemains économiques qui chantent à la
porte de l’Asie, de séries TV aventurières, de mode tiki, si prisée des touristes
continentaux, nostalgie du temps serein, où Walt Disney a ouvert son premier parc
d’attraction et où on s’extasiait devant des robots culinaires, car la technologie avait un
visage souriant, de consumérisme effréné, d’une agriculture largement tournée vers
l’exportation.
On notera que cet intérêt pour Hawai’i comme laboratoire de l’humanité n’est pas vu
d’un bon oeil par certains traditionnalistes polynésiens qui ne se voient pas de destinée
commune avec le continent américain :
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Hawai’i is the image of escape from the rawness and violence of
daily American life.
Alors Hawai’i est-il l’avenir culturel des USA ? Ou faut-il le chercher à Hollywood ?
Il semblerait que les valeurs du héros américain restent ancrées dans une vision
mystique que le continent partage avec son 50 ème Etat et qui le distingue des valeurs de
sociétés européennes notamment, où la religion et le mythe n’ont plus vraiment leur
place et où les « récits héroïques » sont abandonnés pour être adaptés par Hollywood.
Ce qui est certain, c’est que l’homme idéal et la société idéale restent une fiction, mais
une fiction qui en dit long sur l’identité américaine contemporaine.
L’Amérique d’aujourd’hui ne se reconnaît donc plus dans un héros-loup solitaire, mais
dans une communauté. Aujourd’hui le héros américain est hawaïen.
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Super héros
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Hawai’i:
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