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Résumé—Dans cet article, nous proposons une méthodolo- Un des leviers pour atteindre ces objectifs est
gie reposant sur l’application de la démarche MBSA dans le l’augmentation du niveau d’automatisation des lignes.
domaine ferroviaire. Notre démarche consiste à formaliser le La norme [28] définit quatre niveaux d’automatisation,
comportement dynamique et aléatoire des systèmes techniques
et environnementaux impliqués dans l’étude du Système Global appelés GOA (Grade Of Automation), allant de GOA1 pour
d’Exploitation (SGE) d’une ligne de métro. L’objectif est de une ligne en conduite manuelle avec contrôle des survitesses
construire des modèles possédant plusieurs niveaux d’abstraction, à GOA4 pour une ligne totalement automatisée sans personnel
proches de l’architecture et du comportement des systèmes tech- à bord (e.g. ligne 1 ou 14 du métro parisien).
niques étudiés, de manière à favoriser leur interprétabilité et leur
maintenabilité. La méthodologie proposée répond aux nouveaux
L’automatisation d’une ligne a pour vocation d’apporter
besoins d’analyses FMD engendrés par la complexification des une amélioration générale du service offert aux voyageurs
systèmes ferroviaires. L’utilisation du langage Altarica 3.0, de en augmentant la fréquence et la régularité des navettes
par son caractère hiérarchique et modulaire, permet de faciliter (notamment aux heures de pointe), et ce, en limitant les risques
l’évolutivité des modèles développés de manière à suivre le cycle organisationnels et humains.
de vie des systèmes physiques étudiés et maintenir l’adéquation
avec les enjeux métiers associés. Cette modernisation des systèmes ferroviaires
Index Terms—MBSA, FMD, Modélisation dynamique à évé- s’accompagne d’une augmentation de la complexité du
nements discrets, Simulation, Système de transport ferroviaire contrôle-commande gérant l’exploitation des lignes et le
pilotage du matériel roulant [1]. Ces évolutions techniques
Abstract—This article describes the application of a specific majeures font émerger de nouveaux risques et poussent,
MBSA approach dedicated to rail transportation systems. Our équipementiers et exploitants, a progressé dans leurs approches
methodology consists in modelling the probabilistic dynamic
d’analyses des risques. En conséquence, certaines entreprises
behavior of technical and environmental systems involved in
the Global Operating System of a metro line. The objective mettent en place une démarche de maîtrise des risques
is to build high-level models close to both architecture and reposant sur une analyse FMDS (fiabilité, maintenabilité,
behavior of the target systems, so as to ease their interpretabil- disponibilité et sécurité) basée sur des modèles (MBSA, Model
ity and maintainability. Our approach meets the new RAMS Based Safety Assessment) afin d’obtenir une représentation
requirements generated by the increasing complexity of railway
du système issue d’une compréhension commune entre les
systems. From a technical point of view, our solution relies on the
Altarica framework to write and simulate systems models. The ingénieurs FMDS et les ingénieurs systèmes.
hierarchical and modular properties of the Altarica 3.0 language Les approches MBSA modernes mettent l’accent sur les
ensure model scalability and synchronization with the physical principes de modélisation suivants :
system life cycle.
Index Terms—MBSA, RAMS, Dynamic discret-event mod- • Représenter les comportements fonctionnels et dysfonc-
elling, Simulation, Railway transportation system tionnels des différents composants participants aux mis-
sions du système étudié.
I. I NTRODUCTION • Représenter explicitement l’architecture organique du
Les systèmes de transport ferroviaires jouent un rôle impor- système réel à partir des composants modélisés, à
tant face aux défis socio-économiques et environnementaux l’inverse des formalismes abstraits classiques tels que les
liés à la croissance de l’urbanisation des populations et au arbres de défaillances ou encore les réseaux de Petri.
changement climatique. Dans le même temps, les exploitants • Exploiter le modèle système obtenu grâce à des outils
se doivent de proposer des offres de transport toujours plus de quantification permettant de réaliser diverses analyses
innovantes afin de garantir un service de haute qualité, fiable et (FMD ou autres).
résilient, tout en intégrant des contraintes de rigueur budgétaire Cette démarche est conçue pour apporter de nombreux
et un contexte concurrentiel fort. avantages, tels que :
• une capitalisation transversale de l’expertise métier au
sein d’un même modèle tout au long du cycle de vie
du système ;
• une gestion maîtrisée de la complexité (contrairement aux
approches FMD classiques) permettant de modéliser et
d’analyser des systèmes de taille industrielle ;
• un gain de maintenabilité des modèles et des études de
par la modularité de l’approche.
Figure 2. Méthodologie de déploiement de la démarche MBSA proposée. IV. I DENTIFICATION ET SPÉCIFICATION DES COMPOSANTS
SGE ÉLÉMENTAIRES
un système intrinsèquement dynamique ayant une architecture Afin d’effectuer le développement de la librairie SGE et
complexe articulée sur deux composantes en interaction : des modèles associés, il est essentiel de réaliser une phase de
spécifications des composants à intégrer à la librairie.
1) une structure en réseau constituée de stations et
Pour élaborer les spécifications des composants SGE élé-
d’interstations, abritant elles-mêmes différents com-
mentaires, nous appliquons la méthodologie CESAM [29]
posants techniques (e.g. échanges voyageurs, matériel
couramment utilisée en ingénierie système. Cette méthode
roulant, signalisation, voie, etc).
permet de décrire les architectures et les comportements de
2) un ensemble de systèmes centraux agissant sur le réseau
systèmes complexes afin de les retranscrire dans un formalisme
précédent (e.g. énergie, automatismes, supervision, etc).
d’analyse donné.
III. D ÉPLOIEMENT DE LA DÉMARCHE MBSA La méthode consiste principalement à concevoir des mod-
L’objectif principal des travaux présentés est l’élaboration èles d’architecture système selon trois points de vue archi-
d’un outil de modélisation capable de représenter le comporte- tecturaux différents et complémentaires : opérationnel, fonc-
ment fonctionnel et dysfonctionnel de l’ensemble des systèmes tionnel et constructif. Nous proposons de compléter cette
du SGE afin de vérifier et de valider des exigences FMD à méthodologie en y ajoutant une vision dysfonctionnelle (cf.
partir d’une description unique du système. Figure 3). Chaque perspective regroupe différents types de
Pour ce faire, nous choisissons d’appliquer une démarche modèles systémiques :
MBSA dite de haut niveau (appelée également approche 1) Vision opérationnelle. Cette vision se focalise sur la
“composants intelligents” [18]). Cette démarche consiste à description de l’environnement du système - et non du
formaliser le comportement probabiliste dynamique des sys- système lui-même. Ces modèles opérationnels décrivent
tèmes techniques et environnementaux du SGE. Contrairement ainsi les interactions du système avec son environ-
à l’utilisation d’un formalisme de modélisation dynamique nement.
abstrait (e.g. chaînes de Markov, réseaux de Petri, BDMP [21], 2) Vision fonctionnelle. Cette vision décrit essentiellement
etc), la démarche haut niveau permet de construire des modèles les fonctions et leurs interactions. Elle décrit la dy-
proches de l’architecture des systèmes techniques réels en namique entrée / sortie du système, sans faire référence
favorisant la lisibilité et la maintenabilité des modèles. à ses composants concrets. Ces modèles fonctionnels
Le déploiement de la démarche s’articule autour des étapes représentent donc de manière abstraite les comporte-
suivantes (cf. Figure 2) : ments du système.
• Identification et spécifications fonctionnelles et dysfonc- 3) Vision constructive/physique. Cette vision présente les
tionnelles des composants élémentaires du SGE. composants matériels, logiciels, humains ainsi que leurs
• Modélisation des logiques comportementales des com- interactions permettant la réalisation des fonctions du
posants élémentaires du SGE sous la forme d’une librairie système.
modulaire et réutilisable désignée dans la suite par “li- 4) Vision dysfonctionnelle. Cette vision reprend les mod-
brairie SGE”. èles issus des visions précédentes. Ces modèles sont
• Développement de modèles de ligne à partir de la librairie construits par annotation, ils permettent d’associer les
SGE. concepts dysfonctionnels aux architectures précédem-
• Réalisation d’études FMD sur différentes lignes à partir ment construites. Cette vision n’existe pas initialement
de leur modèle respectif. dans la méthode CESAM.
Les sections suivantes détaillent chacune des étapes de Ces visions architecturales sont construites itérativement
l’approche proposée. dans cet ordre. Pour chaque vision d’architecture, les modèles
et leurs représentations graphiques sont dans un premier temps
élaborés à partir des modèles et spécifications fournis par
les ingénieurs systèmes du SGE étudié. Puis, des ateliers
collaboratifs entre ingénieurs systèmes et ingénieurs FMD
sont réalisés pour partager une compréhension commune du
système et converger in fine à la spécification des composants
élémentaires du SGE.
Figure 7. Exemple de modélisation détaillée des systèmes liés aux automa- d’identifier les systèmes et composants critiques pénal-
tismes du SGE. isant l’atteinte des objectifs FMD fixés.
Afin de faciliter la mise en œuvre d’étude FMD, la dé-
marche précédente est implémentée sous la forme d’une
1) Définir les indicateurs clés (KPI, key performance in- solution logicielle sur-mesure représentée dans la Figure 8.
dicator) à évaluer afin de répondre aux probléma- Cette solution apporte les fonctionnalités suivantes :
tiques considérées. Un indicateur permet de mesurer
• Saisie des paramètres de fiabilité de chaque mode défail-
une caractéristique associée à certains points d’intérêts
lance.
du système. Par exemple, il est possible de définir
• Configuration des indicateurs.
un indicateur afin d’estimer le retard cumulé sur une
• Paramétrage des paramètres d’étude et de simulation.
journée d’exploitation ou bien d’estimer la contribution
• Génération automatique du modèle SGE dans le langage
de chacun des composants du SGE à l’indisponibilité
Altarica 3.0.
d’une ligne. Il est à noter qu’un indicateur peut être
• Lancement du simulateur stochastique de la plateforme
évalué à différents instants afin d’apprécier l’évolution
Open Altarica.
temporelle de ce dernier.
• Post-traitement des résultats de simulation.
2) Définir les paramètres généraux de l’étude, e.g. planning
• Visualisation des indicateurs sous la forme de tableaux
d’exploitation ; temps de mission ; nombre de stations ;
de bord interactifs.
longueur des voies, etc.
3) Renseigner les paramètres de fiabilité des modes de Notons enfin que la solution logicielle élaborée prend la
défaillance considérés pour chacun des composants in- forme d’un applicatif de type tableur possédant l’avantage de
tégrés au modèle SGE utilisé. Dans la plupart des cas, s’intégrer aux outils usuels des ingénieurs dans l’industrie.
cela revient à fournir un taux de défaillance et un
VIII. A PPLICATION
taux de réparation pour chaque mode de défaillance.
L’estimation de ces paramètres est traditionnellement La démarche présentée dans cet article couvre de nom-
obtenue à partir d’une analyse statistique des données breuses applications FMD. En effet, un même modèle SGE
de retour d’expérience, e.g. données GMAO (gestion peut par exemple servir à la fois à estimer le taux de
de la maintenance assistée par ordinateur) lorsque ces disponibilité d’une ligne, le retard cumulé moyen sur une
dernières sont disponibles, ou à défaut par expertise. journée d’exploitation type ou encore une cartographie des
4) Simuler le modèle afin d’estimer des statistiques systèmes en fonction de leur criticité selon divers indicateurs
(moyenne, écart-type, médiane, quantiles, etc.) sur les de performance.
indicateurs considérés dans l’étude. Il est important de Cet article décrit une méthodologie générale et n’a par
noter que les hypothèses de modélisation présentées conséquent pas vocation de présenter les résultats d’une étude
dans la Section VI sortent du cadre de l’analyse par sur un réseau de transport réel. Toutefois, plusieurs expéri-
arbres de défaillances ou bien de l’analyse markovi- mentations ont été réalisées sur différents modèles de ligne
enne. Les analyses quantitatives effectuées reposent générique. En termes de complexité, l’approche a été évaluée
donc nécessairement sur la simulation de Monte Carlo, sur un modèle comportant au plus 30 stations, autrement dit
permettant ainsi de limiter l’introduction d’hypothèses du même ordre de grandeur que la ligne 4 du métro parisien.
simplificatrices dans les modèles SGE développés. Du point de vue fonctionnel, chaque modèle possède une
5) Les résultats de simulation permettent in fine de véri- structure générale analogue à celle présentée en Figure 6.
fier les critères d’acceptabilité sur la ligne étudiée et Chaque système de niveau 1 (e.g. Énergie, Automatismes
Figure 10. Indisponibilité opérationnelle de chacun des systèmes du SGE de
Figure 9. Cartographie sous forme de nuage de points du nombre de niveau 1 modélisé.
défaillances en fonction du retard engendré pour chaque système modélisé.