Vous êtes sur la page 1sur 3

Le Corbeau » d’Edgar Allan Poe :

Sur le frais minuit, lugubre et sombre,


Quand quelque pèlerin, rêveur,
Par maints pénibles sentiers sombre,
Cheminait, lassé de son labeur,
Pendant que de fatigues, de peine,
Le triste esprit, sans avoir de frein,
Cheminait le long des routes sans haleine,
Comme quelqu’un qui erre sans fin,

Soudain, avec un bruit fait d’un bruissement


D’ailes, en tapant avec force à la porte
De ma chambre, où, dans mes rêves, plein de tourment,
Tout à coup, j’entendis comme une voix m’apostrophe
« Quelqu’un, lui dis-je, frappe à ma porte,
Quelqu’un me cherche, on veut mon sort. –
C’est le vent, lui dis-je, qui dort
En train de battre contre ma porte,
Rien d’autre que le vent, et rien de plus. »

Puis, avec force, j’ai ouvert la porte ; -


Dans l’obscurité, rien ne me répondit,
Mais, dans les ténèbres, tout debout sur la porte,
Un grand corbeau, juste au-dessus de ma tête, surgit.
En cet oiseau de jais, il y avait toute la majesté
D’un seigneur, ou d’une dame, il y avait la dureté ;
Il n’y avait pas de politesse de cette bête familière,
Pas un moment, ni un instant elle ne resta en arrière.
Mais, avec l’air de seigneur ou de dame, il s’installa
Juste au-dessus de la porte de ma chambre, -
Sur la plaque de ce saint visage ;
Avec la grace d’un seigneur ou d’une dame, -
Posé sur le haut de la porte, là, là,
Rien ne bougeait, il ne fit aucun signe.

Puis, ce corbeau ébène commencé à danser,


Son ombre était projetée sur le plancher ;
Je tremblais en regardant l’oiseau se pavaner,
On aurait dit que dans ce geste, il voulait se réjouir.
Rien d’autre que le corbeau dansant là,
À la lueur de la lampe, sur ce plancher.

Alors je criai, impitoyablement :


« Corbeau ou Diable, peu importe !
Si le Ciel te renvoie, ou si l’Enfer t’envoie,
M’arrache à cette peine et donne-moi un signe !
Arrache-moi, je te dis, cette peine,
Laisse-moi seul dans ma peine,
Laisse mon cœur avec la douleur ;
Arrache-moi de la main cette douleur ! »

Puis, le corbeau, sans bouger,


Même pas un instant, il resta là ;
Il ne bougeait pas, il ne bougeait pas,
Mais avec son œil, il me dévorait ;
Et alors, le corbeau dansant là, dansant sur le sol,
Mon âme, de la douleur, n’aurait pas un repos.

Vous aimerez peut-être aussi