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Enquête

Qui sont les jeunes Juifs de Bruxelles ?


Réalisée par le mensuel du CCLJ, Regards,
avec la collaboration de l’Institut d’Etudes du Judaïsme (ULB)
et le soutien de la Fondation du Judaïsme de Belgique

Novembre 2019
Table des matières

1. Présentation ......................................................................................................................... 3

2. Questionnaire : Quel jeune Juif êtes-vous ? ........................................................................ 5

3. Les résultats de l’enquête .................................................................................................... 7

4. Essai de synthèse, par le sociologue Claude Javeau, professeur émérite de l’ULB ......... 30

5. Le point de vue du professeur Thomas Gergely, directeur de l’Institut d’études du


Judaïsme (ULB) ....................................................................................................................... 34
1. Présentation

La revue Regards (CCLJ), en collaboration avec l’Institut d’étude du judaïsme de l’ULB,


et sous la supervision du sociologue Claude Javeau, professeur émérite de l’ULB, publie
les résultats de son enquête sur la jeunesse juive bruxelloise. Jusqu’à présent, aucune
enquête de ce type n’a été menée en Belgique. Elle vient donc combler une lacune en
saisissant mieux la réalité des jeunes de cette communauté.

Notre enquête s’est déroulée entre septembre et décembre 2018 et a été menée selon la
technique du questionnaire standardisé. Le questionnaire a été soumis à 150 jeunes Juifs âgés
de 14 à 18 ans, membres des mouvements de jeunesse juifs ou inscrits au cours de religion
israélite dans une école non juive.
Nos répondants, légèrement plus féminins que masculins, habitent des communes situées dans
la couronne méridionale de Bruxelles-Capitale, en y incluant Rhode-St-Genèse. On les trouve
tous dans les écoles secondaires, d’obédience juive ou non. La majorité des répondants ne
fréquentent pas une école juive. Un dixième annonce même être inscrit dans une école du
réseau catholique (« enseignement libre »).
A travers un questionnaire portant sur les grandes thématiques de l’identité juive
contemporaine (pratique religieuse, rapport à Israël, mémoire de la Shoah, antisémitisme,
relations avec le monde non juif, etc.), nous avons essayé de répondre à une question à la fois
simple et très complexe : qui sont les jeunes Juifs de Bruxelles en ce début du 21e siècle ?
Cette enquête s’efforce de sortir des préjugés et des fantasmes qui entourent les Juifs en
général en dressant le portrait de ceux qui constitueront les adultes de demain.

Du judaïsme à la judéité
Les résultats de cette enquête ne font que confirmer la poursuite du processus de
sécularisation des Juifs entamée depuis leur entrée dans la modernité dans le courant du 19e
siècle, processus qui ne se traduit pas par une rupture avec leur judéité.
A travers les réponses données, notre enquête montre bien que la majorité de ces jeunes Juifs
définissent leur identité en des termes moins religieux ou non religieux. Dans leur grande
majorité, ils ne respectent pas les pratiques spécifiques des règles de la casherout
(prescriptions alimentaires du judaïsme) ni celles du Shabbat (jour de repos dans le judaïsme).
Leur conscience juive s’exprime plutôt de manière culturelle et passe par leur fréquentation de
l’école juive, du mouvement de jeunesse juif et de leur relation avec Israël.
Leur attachement à la judéité ne va pas à l’encontre d’une intégration à la société majoritaire.
Une minorité significative de ces jeunes sont issus de couples mixtes et une majorité d’entre
eux cultivent des relations avec des non-Juifs. Pour une majorité aussi, la mixité ne pose
aucun problème : l’identité juive de leur futur conjoint ou partenaire ne constitue nullement
un critère dans leur choix.
Lorsqu’on observe leur rapport à la religion et à la pratique religieuse, on constate que le
processus de sécularisation et de laïcisation de leur identité juive ne s’est pas interrompu. Ce
qui ne place pas ces jeunes Juifs en décalage avec les jeunes Belges non juifs. Cette
réinterprétation du judaïsme évacuant le respect des prescriptions religieuses se vérifie
pleinement dans les réponses données. Même pour les rites de passage, cette tendance se
confirme lorsqu’ils se dirigent vers un centre communautaire, et non pas une synagogue, pour
le célébrer. Et s’ils sont amenés à se rendre dans une synagogue, ce n’est pas pour se
conformer aux prescrits de la tradition religieuse. Dans cette configuration, l’école juive (qui
n’est pas religieuse) et le mouvement de jeunesse juif leur permettent d’exprimer leur judéité
et de lui donner du sens.

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Majoritairement ashkénaze, la mémoire de la Shoah se décline à la fois en famille et en
collectivité. Non seulement il s’agit d’une mémoire qui leur a été transmise, mais qui les
influence dans leur éducation.
Contrairement à ce qui peut exister en France, le lien avec Israël n’est pas corrélé avec leur
pratique religieuse. Cet attachement est fort, tout en étant lucide et marqué par l’esprit
critique. C’est ce qui explique que les jeunes interrogés considèrent Israël comme important
(85%), qu’ils soutiennent unanimement son existence (95%), et qu’ils se sentent sionistes
(65%). Toutefois, cet amour d’Israël ne les aveugle pas puisqu’une majorité (74%) ne soutient
pas inconditionnellement la politique du gouvernement israélien et ne souhaite pas faire son
alya, c’est-à-dire s’installer en Israël.
A la question « à quoi ressemble un jeune Juif bruxellois ? », on peut répondre qu’il n’accorde
que très peu d’importance aux prescriptions religieuses, qu’il ne croit pas en Dieu, et ce même
s’il est encore attaché à certaines traditions et célébrations juives. Il est tolérant en ce qu’il est
ouvert sur l’Autre et qu’il est pleinement intégré à la société, même s’il fréquente une école
juive et/ou un mouvement de jeunesse juif.

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2. Questionnaire : Quel jeune Juif êtes-vous ?

1. Quel est votre âge ?


2. Quel est votre sexe ?
3. Dans quelle commune habitez-vous ?
4. Vous considérez-vous comme juif(ve) ? Oui / Non
5. Vous sentez-vous juif(ve) ? Oui / Non
Si oui : constamment / dans certaines circonstances seulement
6. Vos parents sont-ils juifs ?
Les deux / Mère seulement / Père seulement / Aucun des deux
7. Sont-ils affiliés à une synagogue ? Laquelle : / A un centre communautaire ? Lequel : /
Ni à l’une ni à l’autre ?
8. Etes-vous inscrit(e) dans une école juive ? Oui / Non
Si oui, laquelle :
Sinon, suivez-vous un cours de religion juive ? / Un cours de morale non confessionnelle ? /
Un autre cours ? Lequel :
Si non, laquelle :
9. Etes-vous inscrit dans un mouvement de jeunesse juif ? Oui / Non
Si oui, lequel ? Bne Akiva / Habonim Dror / Hanoar Hatzioni / Hashomer Hatzaïr /
JJL (Jeunesse Juive Laïque) / UPJB Jeunes (Union des Progressistes Juifs de Belgique)
Un mouvement non juif ? Oui / Non
Si oui, lequel :
10. Comment vous êtes-vous retrouvé(e) dans ce mouvement ? (plusieurs réponses possibles)
Mes parents l’ont choisi / J’y ai des amis / Par conviction personnelle / Par tradition familiale
Autre raison, laquelle :
11. Avez-vous dans le passé fréquenté d’autres mouvements de jeunesse juifs ? Oui / Non
(plusieurs réponses possibles)
Bne Akiva / Habonim Dror / Hanoar Hatzioni / Hashomer Hatzaïr / JJL (Jeunesse Juive
Laïque) / UPJB Jeunes (Union des Progressistes Juifs de Belgique)
Un mouvement non juif ? Oui / Non
Si oui, lequel :
12. Quelles sont vos activités de loisirs préférées ? (plusieurs réponses possibles)
Sports, lesquels : / Musique : comme auditeur(trice), comme exécutant(e) / Jeux électroniques
/ Surf sur le Net
Cette(ces) activité(s) se déroule(nt)-elle(s) dans une organisation juive ?
Oui, lesquelles : / Non, lesquelles :
13. Fréquentez-vous des non-Juifs ?
Souvent / Parfois / Jamais, sauf par hasard
14. Pensez-vous plus tard « faire votre vie » avec… ?
Un(e) Juif(ve) / Un(e) non-Juif(ve) / Ce critère n’a pas d’importance à mes yeux
15. Pour les garçons, avez-vous été circoncis ? Oui / Non
16. Avez-vous fait votre bar/bat-mitzva ? Oui / Non
Si oui, dans une synagogue / Lors d’une cérémonie laïque / A l’école / En Israël
(plusieurs réponses possibles)
17. Croyez-vous en Dieu ? Oui / Non
18. Quel(le) Juif(ve) estimez-vous être ?
Religieux / Traditionaliste / Laïque
19. Mangez-vous casher ?
Oui, toujours / A la maison seulement / J’exclus certains aliments (porc, crustacés, etc.) / Non

5
20. Respectez-vous le Shabbat ?
Oui / Pas toujours / Non
21. Vous rendez-vous à la synagogue ?
Oui, chaque semaine / Oui, pour les grandes fêtes / Uniquement à Yom Kippour / Jamais, sauf
si j’y suis contraint(e)
22. Si vous êtes un garçon, portez-vous une kippa ?
23. Portez-vous un autre signe distinctif ?
24. Avez-vous déjà été victime de comportements antisémites ?
Oui, sous la forme d’insultes / Oui, sous la forme d’agression physique / Les deux / Non
25. Avez-vous (ou vos parents) déposé plainte ? Oui / Non
26. L(es)’auteur(s) a(ont)-t-il(s) été sanctionné(s) ? Oui / Non
27. Avez-vous déjà été témoin d’un acte antisémite ? Oui / Non
28. Etes-vous déjà allé en Israël ? Oui / Non / Non, mais prévu prochainement
29. Israël est-il important à vos yeux ? Oui / Non
30. Compteriez-vous vous y installer (alya) ? Oui / Non
31. Vous considérez-vous comme sioniste ? Oui / Non
32. Soutenez-vous l’existence de l’Etat d’Israël ? Oui / Non
33. Soutenez-vous le gouvernement israélien ?
Oui, en toutes circonstances / Non, en toutes circonstances / Cela dépend de sa politique
34. Pour vous, les relations entre Juifs et non-Juifs sont généralement :
Bonnes / Normales / Compliquées / Mauvaises
35. Pour vous, les relations entre Juifs et musulmans sont généralement :
Bonnes / Normales / Compliquées / Mauvaises
36. Y a-t-il eu dans votre famille des victimes de la Shoah ? Oui / Non
Si oui, cela a-t-il influencé l’éducation que vous avez reçue ? Oui / Non
37. Parle-t-on dans votre entourage le yiddish ? Oui / Non
Si oui, le comprenez-vous ? Oui / Non
38. Vous êtes-vous déjà rendu(e) à Auschwitz (ou dans un autre camp d’extermination) ?
Oui / Non
Si non, souhaiteriez-vous vous y rendre ? Oui / Non

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3. Les résultats de l’enquête

1. Quel est votre âge ?


150 réponses
19 20 12 13
18 1% 2% 1% 3%
12%
14
19%

17
22%
15
13%

16
27%

2. Quel est votre sexe ?


150 réponses

Masculin
45%
Féminin
55%

7
3. Dans quelle commune habitez-vous ?
149 réponses Anderlecht

Woluwe-St-Lambert Alsemberg 2% Auderghem


1% 2%
Watermael-Boisfort 1% Beersel Bierges
1% 1% 1% Braine-l’Alleud
Waterloo 1%
2% Bruxelles
Dilbeek
2%
2%
Drogenbos
1%

Forest
11%

Uccle
38% Hoeilaart
1%
Itterbeek
1%
Ixelles
6%
Koekelberg
1%
Kraainem
Laeken 2%
1%
Linkebeek
Sint-Pieters-Leeuw 4%
1%
Schaerbeek
Rhode-St-Genèse
1% Saint Gilles Rixensart 11%
7% 1%

4. Vous considérez-vous comme juif(ve) ?


150 réponses
Non
5%

Oui
95%

8
5. Vous sentez-vous juif(ve) ?
150 réponses
Non
6%

oui
94%

Si oui
140 réponses
Dans
certaines
circonstanc
es
seulement
14%

Constamme
nt
86%

6. Vos parents sont-ils juifs ?


150 réponses
Aucun
Mère 2%
22%

Père
12%
Les deux
64%

9
7. Sont-il affiliés à une synagogue ?
150 réponses

Oui
44%
Non
56%

Font-ils partie d'un centre communautaire ?


150 réponses

Oui
23%

Non
77%

10
Si oui, lequel ?
29 réponses [NOM DE
CATÉGORIE]
UPJB [REFCELL]
14%
Ne sait pas
3%
École,
mouvement de
jeunesse
3%
Communauté
sépharade de
Bruxelles
4%

CCLJ
72%

8. Etes-vous inscrit(e) dans une école juive ?


150 réponses

Oui
41%

Non
59%

Si oui, laquelle ?
150 réponses
Autre
5%

Ganenou
95%

11
12
Si vous êtes dans une école non juive, quel cours suivez-vous ?
68 réponses

Etude des religions


et de la laïcité
1% Rien
EPC et morale 3%
1% Cours de morale
laïque
Cours d'éducation à 25%
la citoyenneté et
philosophie (EPC)
24%

Cours de philosophie
2%

Cours de religion
catholique
12%
Cours de religion
juive
32%

9. Etes-vous inscrit(e) dans un mouvement de jeunesse juif ?


150 réponses
Non
13%

Oui
87%

13
Si oui, lequel ?
130 réponses

UPJB
9%
Dror
25%

JJL
22%

Hanoar
12%

Hashomer
32%

Etes-vous inscrit(e) dans un mouvement non juif ?


150 réponses
Oui
4%

Non
96%

14
10. Comment vous êtes-vous retrouvé(e) dans ce mouvement ?
150 réponses
Autre
Par tradition 3%
Mes parents l'ont
familiale
choisi
13%
22%

Par convition
personnelle
16%

J'y ai des amis


46%

11. Avez-vous dans le passé fréquenté d'autres mouvements


de jeunesse juifs ?
150 réponses

Oui
48% Non
52%

15
Si oui, le(s)quel(s)
99 réponses Bne Akiva UPJB
2% 2%
JJL Dror
11% 24%

Hashomer
30%

Hanoar
31%

Avez-vous dans le passé fréquenté un mouvement non juif ?


150 réponses
Oui
5%

Non
95%

Si oui, lequel ?
5 réponses
La 44ème
20%

Scout de
Waterloo
40%

Groupe
Honneur
40%

16
12. Quelles sont vos activités de loisirs préférées ?
315 réponses (plusieurs réponses possibles)
Autre (lecture,
art, photo,
animation)
Ne pratique
6%
aucune activité
1%
Surf sur le net Sport
19% 35%

Jeux
électroniques
12%

Musique
27%

Si vous faites de la musique, est-ce :


96 réponses

Comme Comme
exécutant(e) auditeur(trice)
50% 50%

Cette(ces) activité(s) se déroule(nt)-t-elle(s)


dans une organisation juive ?
150 réponses
8%

92%

17
13. Fréquentez-vous des non-Juifs ?
150 réponses
Jamais, sauf
par hasard
1%

Parfois
31%

Souvent
68%

14. Pensez-vous plus tard "faire votre vie" avec :


150 réponses

un(e) juif(ve)
39%
Ce critère n'a
pas
d'importance à
mes yeux
61%

18
15. Pour les garçons, avez-vous été circoncis ?
71 réponses
Non
13%

Oui
87%

16. Avez-vous fait votre bar(t)-mizva ?


150 réponses
Non
17%

Oui
83%

Si oui (plusieurs réponses possibles)


128 réponses
En Israël
A l'école 6%
8%

Dans une
synagogue
Dans un centre 52%
communautair
e
34%

19
17. Croyez-vous en Dieu ?
150 réponses

Oui
39%

Non
61%

18. Quel(le) Juif(ve) estimez-vous être ?


150 réponses
Religieux
1%

Laïque
47% Traditionalist
e
52%

19. Mangez-vous casher ?


150 réponses
Oui, toujours A la maison
5% seulement
5%
J'exclus
certains
aliments
(porc,
crustacés,
etc.)
17%
Non
73%

20
20. Respectez-vous le Shabbat ?
150 réponses
Oui
9%

Pas toujours
31%
Non
60%

21. Vous rendez-vous à la synagogue ?


150 réponses Oui, chaque
semaine
Jamais, sauf si 3%
j'y suis
contraint(e)
32%
Oui, pour les
grandes fêtes
40%

Uniquement à
Kippour
25%

22. Si vous êtes un garçon, portez-vous une kippa ?


68 réponses Oui
12%

Non
88%

21
23. Portez-vous un autre signe distinctif ?
150 réponses Autre
(Hamsa, bijou
avec prénom
ou écriture
en hébreu) Un Magen
3% David
28%

Rien de
Un hai
particulier
11%
58%

24. Avez-vous déjà été victime de comportements antisémites ?


150 réponses

Oui, insultes
30%

Insultes et agression
Non physique
69% 1%

22
25. Si oui, avez-vous (ou vos parents) déposé plainte ?
61 réponses
Oui
13%

Non
87%

26. Si oui, l'(es) auteur(s) a(ont)-il(s) été sanctionné(s) ?


33 réponses

Oui
21%

Non
79%

27. Avez-vous été témoin d'un acte antisémite ?


150 réponses

Oui
39%

Non
61%

23
28. Etes-vous déjà allé en Israël ?
150 réponses
Non, mais prévu
Non prochainement
6% 5%

Oui
89%

29. Israël est-il important à vos yeux ?


150 réponses
Non
15%

Oui
85%

30. Compteriez-vous vous y installer (alya) ?


150 réponses

Je ne sais pas
encore
33%

Non
Oui 65%
2%

24
31. Vous considérez-vous comme sioniste ?
150 réponses

Non
35%

Oui
65%

32. Soutenez-vous l'existence de l'Etat d'Israël ?


150 réponses
Non
9%

Oui
91%

25
33. Soutenez-vous le gouverment israélien ?
150 réponses

Oui, en toutes
circonstances
15%

Non, en
toutes
circonstances
11%
Cela dépend
de sa
politique
74%

34. Pour vous, les relations entre Juifs et non-Juifs sont


généralement :
150 réponses
Compliquées
9%

Bonnes
36%

Normales
55%

26
35. Pour vous, les relations entre Juifs et musulmans sont
généralement :
150 réponses

Mauvaises
Bonnes
3%
13%

Compliquées
50% Normales
34%

36. Y a-t-il eu dans votre famille des victimes de la Shoah ?


150 réponses
Non
11%

Oui
89%

Si oui, cela a-t-il influencé l'éducation que vous avez reçue ?


138 réponses

Non
Oui 47%
53%

27
37. Parle-t-on le yiddish dans votre entourage ?
150 réponses

Oui
42%

Non
58%

Si oui, le comprenez-vous ?
115 réponses Oui
4%

Non
96%

28
38. Vous êtes-vous déjà rendu(e) à Auschwitz
ou dans un autre camp d'extermination ?
150 réponses

Oui
45%
Non
55%

Si non, souhaiteriez-vous vous y rendre ?


92 réponses
Non
11%

Oui
89%

29
4. Essai de synthèse, par le sociologue Claude Javeau, professeur émérite de
l’ULB

D’une manière générale, on pourra dire que les réponses à notre enquête relèvent de la
tradition sociologique des « attentes normatives » : les deux partenaires sont ici les répondants
à l’enquête et les enquêteurs eux-mêmes, en l’occurrence le CCLJ, commanditaire de
l’enquête. Attente normative, évidemment, que l’appartenance des répondants au monde juif,
et à une fraction privilégiée de la société juive, sans doute à l’une ou l’autre communauté au
sein de celle-ci ; la distinction « ashkénaze – séfarade » n’est guère présente, sauf à postuler
que la majorité des répondants appartiennent à la branche ashkénaze, ce dont témoigneraient
les réponses sur l’usage du yiddish. Mais, en l’occurrence, cette appartenance ne semble pas
déterminante. En majorité, les répondants habitent des communes situées dans la couronne
méridionale de Bruxelles-Capitale, en y incluant Rhode-St-Genèse.
Nos répondants, légèrement plus féminins que masculins, ont en majorité entre 14 et 18 ans,
et sont soumis, comme les autres jeunes habitants de la Belgique, à l’obligation scolaire
jusqu’à 18 ans. On les trouve tous dans les écoles secondaires, d’obédience juive ou non. Pour
ce qui est de celles-là, la majorité des répondants ne les fréquente pas. Un dixième annonce
même être inscrit dans une école du réseau catholique (dit, en Belgique, « libre »). Ils ou elles
n’ont pas le choix, dans cette éventualité, de suivre un autre cours philosophique que celui de
la religion catholique. Leur choix dans les écoles gérées ou subsidiées par la Fédération
Wallonie-Bruxelles, porte en majorité relative sur la religion israélite, suivi par celui de
morale non confessionnelle, le cours récemment créé de citoyenneté et philosophie. On peut
donc écrire que les jeunes que nous avons interrogés ne baignent pas dans un bain religieux.
En revanche, leur affiliation à un mouvement de jeunesse juive implique un contact
permanent avec le monde juif, au moins de manière sociétale, sinon de façon communautaire
pour les plus militants d’entre eux et elles. On notera que 6% de ces jeunes ont déclaré ne pas
se sentir juif ou juive, alors que 5% déclarent qu’ils ne se considèrent pas comme juifs et ne se
sentent pas juifs. Ces fractions constituent-elles une seule et même réponse ? Mais s’agit-il
plutôt d’un rejet circonstanciel ou d’une prise de position relevant de la dérision ? Quoi qu’il
en soit, la très grande majorité des répondants déclarent se sentir juif(ve) en toutes
circonstances, alors qu’une faible majorité ne le seraient que dans certaines circonstances,
celles-ci n’étant pas autrement précisées.
Pour ce qui est des parents (en compagnie de qui, vu leur âge, on peut supposer que tous ou
presque vivent leur vie quotidienne), une très faible minorité a déclaré que ceux-ci n’étaient
pas juifs tous les deux, tandis que le père en tant que seul juif dans la famille ne l’est annoncé
que par un dixième des répondants, contre près d’un quart pour ce qui est des mères. En tout,
presque neuf répondants sur dix vivent en compagnie d’une mère juive.
La majorité des parents concernés ne sont pas affiliés à une synagogue. Ceux et celles qui sont
affiliés se répartissent selon trois dénominations, à savoir Maalé (Uccle), la Régence
(communauté israélite de Bruxelles) ou le Foyer sépharade. Beth Hillel (communauté israélite
libérale de Bruxelles), de son côté, regroupe 10% des réponses. Pour ce qui est des contacts
avec le monde juif, on pourra ajouter que trois quarts des répondants ne sont pas affiliés à un
centre communautaire juif. La minorité qui se déclare affiliés se prononce en l’occurrence
pour le CCLJ, suivi par l’UPJB.
Près de 9 répondants sur 10 ont déclaré être inscrits dans un mouvement de jeunesse juif.
Pour une moitié d’entre eux, c’est la présence d’amis dans le mouvement qui a déterminé ce
choix. Un peu moins d’un quart concerne un choix parental ou assez proche de la tradition

30
familiale. La conviction personnelle est très minoritaire (16%). Un peu plus de la moitié des
répondants ont déclaré avoir dans le passé fréquenté d’autres mouvements de jeunesse juifs,
plusieurs choix étant possibles. Une très petite minorité déclare avoir fréquenté des
mouvements non juifs, essentiellement des groupes scouts.
Les activités de loisirs favorites auprès des répondants concernent en premier lieu les sports,
suivis, comme on pouvait s’y attendre, par les jeux électroniques et l’activité de surfer sur le
Net, et ensuite la musique, tant en qualité d’exécutant(e)s que d’auditeur(trice). Ces activités
s’inscrivent très majoritairement dans le cadre de l’une ou l’autre organisation juive. Sans
doute cela vaut-il moins pour les activités liées à l’électronique, généralement pratiquées dans
un cadre domestique.
Deux tiers des répondants déclarent fréquenter « souvent » des non-Juifs, le tiers restant
déclarant en fréquenter « parfois ». Plus de la moitié estiment que le critère d’appartenance
au monde juif ne jouerait aucun rôle dans le choix d’un futur conjoint. Toutefois, ce critère
serait retenu chez 4 répondants ou répondantes sur 10, ce qui n’est pas une fréquence
négligeable.
Chez les répondants masculins, une forte majorité déclare avoir été circoncis, mais une petite
minorité quand même (un sur dix environ) déclare ne pas l’avoir été. Une très large majorité
déclare avoir fait leur Bar(t)-Mitzva, alors qu’une minorité de quelque 17% déclare ne l’avoir
pas faite. Pour ceux et celles qui l’ont faite, une légère majorité indique comme cadre une
synagogue, tandis qu’un tiers indiquent un centre communautaire, près d’1 sur 10, l’école, et
6 sur 100 en Israël.
Il semble évident qu’au regard des résultats de notre enquête, les répondants sont bien intégrés
dans la culture du monde juif dans ce qu’elle vise les plus jeunes, et peut-être aussi dans la
culture environnante. Peut-on de même parler d’assimilation à la société ambiante quand on
considère les dispositions à l’égard du mariage. Il importe à présent de regarder de plus près
l’univers social et religieux de ces jeunes, dont notre enquête nous apprend qu’ils sont une
forte majorité à déclarer ne pas croire en Dieu, ce qui peut paraître assez surprenant, compte
tenu notamment de leur âge assez tendre. Dans un même ordre d’idées, la moitié des mêmes
répondants se déclare « traditionalistes », alors que l’autre moitié se déclare « laïques ». Une
très infime fraction se disent « religieux ».
Il n’est pas certain que les qualifications retenues sont toutes comprises de la même manière.
Toutefois, il est important de ne pas confondre les Juifs traditionalistes avec les catholiques
traditionalistes marqués par une défiance à l’égard du monde moderne. Les Juifs dits
« traditionnalistes », contrairement aux Juifs orthodoxes, ne prétendent pas se soumettre à
l’ensemble des prescriptions de la loi juive. Ayant une pratique religieuse faible, ils s’en
tiennent aux traditions importantes du judaïsme, notamment les grandes fêtes rythmant le
calendrier juif.
Ainsi, le fait de se considérer comme « traditionaliste » n’implique pas de manger casher, ce
que réfutent près des trois quarts des répondants. Seule une petite minorité (5%) affirme
manger casher en toutes occasions. La répulsion à l’égard de certains aliments, comme le
porc, les crustacés, etc., est assumée par moins d’un cinquième des répondants. La
fréquentation d’une synagogue est affirmée par 4 répondants sur 10, et encore ne s’agit-il que
des grandes fêtes seulement. Un quart ne s’y rendent qu’à Yom Kippour, et plus d’1 sur 10
déclarent ne s’y rendre jamais, sauf sous une contrainte. Une très petite minorité déclare s’y
rendre une fois par semaine au moins. Ces deux marqueurs, manger casher et fréquenter une
synagogue, ne sont pas de bons indicateurs de l’engagement religieux de jeunes Juifs qui, au
demeurant, ont annoncé selon une majorité confortable ne pas croire en Dieu (6 sur 10). Pas

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plus que le port d’un signe distinctif. Près de 6 sur 10 disent ne rien porter de particulier, ou
alors il s’agit de bijoux assez courants. La moitié de la population interrogée, rappelons-le, est
constituée de filles. Notons que la kippa n’est jamais citée. Il va de soi que de tels indicateurs
n’apprennent rien sur l’éventuelle piété des répondants. A leur âge, et à l’époque dite
individualiste que nous traversons, la foi est souvent entendue comme un mouvement
psychique personnel.
D’autre part, près de 7 répondants sur 10 déclarent n’avoir jamais été en butte à des
comportements antisémites, alors que le tiers restant annonce des insultes, voire, très
rarement, des agressions à caractère antisémite. La qualification « antisémite » retenue n’est
pas autrement explicitée. Sur les 67 réponses obtenues à ce sujet, la très grande majorité (près
de 9 sur 10) déclare que ni eux-mêmes ni leurs parents n’ont porté plainte, alors que plus d’un
dixième l’auraient fait. Seule une minorité des auteurs de ces actes auraient été sanctionnés.
Ces « oui » correspondent aux « oui » en réponse à la question précédente : 21% sur 33
réponses dans ce cas contre 13% sur 61 réponses (soit 7 individus contre 19). On ne sait du
reste pas par quelle voie les sanctions ont été portées à la connaissance de leurs victimes.
Dans le même ordre d’idées, plus de 6 répondants sur 10 estiment n’avoir jamais été témoins
d’actes antisémites. Une fois encore, la nature de ces actes n’est pas précisée.
On en arrive au sujet d’Israël, que 9 sur 10 répondants ont déjà visité. Une très grande
majorité (85%) estiment qu’Israël est important à leurs yeux. Le reste n’est pas de cet avis.
Pour ce qui est de l’alya, une forte majorité déclare ne pas l’envisager. Un tiers des
répondants n’ont pas encore pris de décision à cet égard. Une toute petite minorité (3
répondants sur 150) se prononce en faveur de cette émigration. Une majorité des deux tiers
déclare se considérer comme sionistes, alors que le tiers restant ne le considère pas. La quasi-
totalité des réponses se déclare en faveur de l’existence d’Israël. On comparera cette forte
fréquence (9 sur 10) avec le tiers des répondants qui ne se considéraient pas comme sionistes.
Par ailleurs, seuls 15% des répondants déclarent soutenir le gouvernement israélien en toutes
circonstances, contre 11% qui lui refusent ce genre de soutien. Les trois quarts restants
accordent leur soutien en fonction de la politique suivie.
Pour nos répondants, plus d’un quart estiment que les relations entre « Juifs » et « non-Juifs »
sont « bonnes ». Un tiers estime qu’elles sont « normales ». Une moitié les estime
« compliquées ». Une toute petite minorité les trouve « mauvaises ». Il s’agit évidemment là
d’estimations subjectives. A cet âge, le jugement prend pour références des personnes réelles,
condisciples ou amis.
Une large majorité de répondants déclarent qu’il a existé dans la famille des victimes de la
Shoah (près de 9 sur 10). Une bonne moitié estime que la Shoah a joué une influence réelle
dans leur éducation. Reste à savoir ce que signifie « influence ».
S’agissant de l’usage du yiddish dans l’entourage, près de 6 répondants sur 10 se déclarent par
la négative, les autres par la positive. La quasi-totalité affirme ne pas connaître cette langue, à
comparer avec la quasi-moitié qui y serait accoutumée. Seule une très petite minorité a choisi
d’affirmer qu’ils la pratiquaient.
Plus de la moitié des répondants affirment n’avoir jamais mis les pieds à Auschwitz et autres
camps de la même nature, tandis que le restant répond par l’affirmative. Sur un nombre de
réponses supérieur à celles qui concernent l’effective visite à des camps, une très large
majorité (9 sur 10) souhaite s’y rendre, le restant (1 sur 10) se refusant à cette idée.

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Une tentative de portrait-robot
Le but de notre enquête était de répondre à la question : quel jeune Juif(ve) êtes-vous ? Les
répondants ont pour caractéristique dans leur majorité d’être affilié(e)s à un mouvement de
jeunesse juif. Ce lieu singulier, qui correspond à une identité particulière –et, en l’occurrence,
particulièrement revendiquée– contribue-t-il à renforcer les liens avec le monde juif ou, au
contraire, à permettre aux jeunes qui lui sont confiés d’accroître leur ouverture sur le monde
extérieur ? On serait tenté de répondre par les deux à la fois. Beaucoup de nos répondants,
plus d’1 sur 2, se déclarent « traditionalistes » au point de vue religieux. Ce qui n’empêche
pas que 6 sur 10 des mêmes répondants déclarent ne pas croire en Dieu. La sécularisation du
monde occidental les a atteints au même titre que d’autres groupes. S’ils fréquentent une
synagogue, c’est très rarement de manière régulière, l’occasion privilégiée étant celle d’une
grande fête, voire celle de Yom Kippour seulement. L’ancrage politique est plus patent, à
preuve le soutien quasi inconditionnel à l’Etat Israël, même si celui qui est apporté au
gouvernement de ce pays est conditionné à la nature de la politique que celui-ci met en œuvre.
Concernant l’échelonnement des âges de la population de notre enquête, soit entre 14 et 18
ans, il est nécessaire de rappeler qu’il se passe beaucoup de choses entre ces deux âges, entre
la fin de l’enfance et le seuil de l’état adulte. Les répondants sont en réalité des adolescents,
dont le rapport au monde est appelé au cours des ans à se modifier considérablement, et il
apparaît assez évident que de nombreux concepts évoqués sont amenés à subir pendant cette
tranche de presque un lustre pas mal de modifications.

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5. Le point de vue du professeur Thomas Gergely, directeur de l’Institut
d’études du Judaïsme (ULB)

L’enquête menée par le CCLJ sous le titre : « Quel jeune Juif êtes-vous ? » ne manque pas
d’intérêt, tant par son intention que par les éclairages qu’elle apporte à la question identitaire
juive, limitée ici aux adolescents.
En d’autres termes, elle relève de l’autodéfinition de jeunes gens. Ce qui, on le verra, soulève
d’autres questions relevant tant de l’image qu’on peut avoir de soi à cet âge que d’autres
interrogations auxquelles conduisent nécessairement certaines des réponses obtenues.
Pour les responsables communautaires, ces réponses pourraient s’avérer précieuses parce
qu’elles permettraient, à un certain degré, de savoir à qui ils s’adressent et, partant, de
comment s’adresser à eux. C’est la classique question de qui parle à qui, et donc comment.
Ou, si l’on veut, le problème de l’adaptation de l’offre à une demande bien identifiée. Ce qui
est capital quand il s’agit, comme généralement le cas, de s’adresser pour intéresser, former,
informer, motiver…
La première constatation qui résulte de cette réflexion, c’est que l’enquête devrait être refaite
auprès d’adultes, d’autant plus que beaucoup des réponses des adolescents interrogés
renvoient clairement aux propositions de leurs parents. Sans parler du fait que « l’être au
monde » d’adolescents est encore en devenir et que beaucoup des questions posées relevaient
précisément de leur relation au monde qui n’a pas encore eu le temps de cristalliser.
L’enquête réalisée réserve à la fois des confirmations de réalités connues, intuitivement ou par
expérience, et quelques surprises.
On découvre ainsi une présence juive, même minimale (1%), dans des régions
géographiquement, donc culturellement, éloignées de toute référence juive. Ce sont des
régions comme Alsemberg, Beersel, Bierges, Braine-l’Alleud, Dilbeek, Drogenbos, Hoeilaart,
Etterbeek, Kraainem, Laeken, Rixensart et Leeuw-Saint-Pierre.
On relève aussi des endroits de peuplement juif désormais désertés, tels Anderlecht et
Schaarbeek. On devine le pourquoi du phénomène, mais on pourrait en sonder les raisons.
Il apparaît aussi que Uccle-Forest et Rhodes constituent de véritables ghettos (ouverts !). Là
encore, on pourrait y voir l’amélioration de la situation économique des Juifs, mais d’autres
facteurs peuvent avoir joué, comme l’attraction exercée sur les familles juives par la
localisation des synagogues, des écoles, des familles déjà installées, par le souci des enfants,
désormais mariés, de ne pas s’éloigner de leurs parents devenus âgés ou qui souhaitent garder
leurs petits-enfants.
On s’aperçoit aussi, à la lecture des réponses, que le souci de l’identité juive, décliné de
diverses façons, reste dominant chez les jeunes interrogés. Comme s’il s’agissait d’une
évidence allant de soi. Cette évidence de l’identité qui s’impose apparaît régulièrement dans
les réponses. Mais que signifie une réponse voulant que l’on ne soit juif qu’en certaines
circonstances ? (14%) Serait-ce comme réponse à l’agression antisémite ou antisioniste ? Que
signifie de ne se sentir juif qu’aux fêtes ? Peut-être aussi leur identité juive est-elle dissoute
dans toutes leurs autres identités. Du coup, ils se sentent juifs dans des situations en rapport
avec cet aspect de leur culture, mais pas en d’autres circonstances. A creuser.
La question de l’affiliation à une synagogue concerne plutôt les parents. Néanmoins, à travers
eux, on retrouve dans les réponses une répartition prévisible, à égalité entre Ashkénazes

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orthodoxes et conservateurs (Maalé et Régence, 20% + 20%) et Sépharades (23%), eux aussi
conservateurs. Les 10% indiqués pour les libéraux correspondent à l’histoire de la pénétration
du libéralisme juif. Mais rien ne dit que les libéraux ne deviendront pas conservateurs et
l’inverse. Ces catégories sont poreuses en raison de la difficulté d’être juif très observant en
diaspora, même si l’on est affilié à une synagogue « orthodoxe ».
La maigre affiliation des jeunes aux centres communautaires (77% de non) s’explique par le
fait qu’il s’agit là d’une décision d’adultes (celle de leurs parents).
La fréquentation des écoles ne dépend pas, loin s’en faut, uniquement des enfants, et la
scolarisation, à 59%, dans des écoles non juives était prévisible, dépendant de multiples
facteurs parentaux comme la volonté de ne pas « ghettoïser » ses enfants par un enseignement
orienté. Des facteurs de proximité géographique peuvent avoir également joué. Mais la très
large fréquentation de l’Athénée Ganenou, par exemple, renvoie d’abord à la volonté
parentale de faire assurer par un établissement scolaire un minimum de judéité, surtout quand
eux-mêmes ne se sentent pas tout à fait capables de transmettre une base identitaire qu’ils
ressentent néanmoins comme nécessaire.
On observe toutefois avec surprise la fréquentation d’écoles catholiques, choisies sans doute
pour leur proximité et/ou la qualité espérée de l’enseignement qui y est dispensé, voire un
certain type de niveau social. Et l’on découvre la population juive dans des écoles comme St-
Pierre, St-Michel, St-Augustin, Notre-Dame des Champs, St-André, St-John’s. Conséquence :
12% des enfants juifs suivent des cours de religion catholique.
La fréquentation à 87% des mouvements de jeunesse pourrait correspondre, à titre de substitut
à la pratique religieuse, à la volonté, consciente ou non, de matérialiser son identité juive. Ce
qui traduit un véritable besoin incontestable de rattachement au groupe, mais aussi, peut-être,
une volonté d’agrégation à des milieux rassurants, exempts d’antisémitisme, et sécurisés à
souhait compte tenu des risques actuels. En filigrane pourrait apparaître l’inquiétude de ces
jeunes face aux agressions racistes.
La fréquentation, à 99%, de non-Juifs est normale dans une société ouverte comme la
Belgique. Mais que signifie le 1% de réponses annonçant un refus de fréquenter le monde non
juif ? A chercher la réponse.
Surprenant : l’affirmation que la judéité du ou de la partenaire de vie ne comptera pas. Sera-ce
vrai au moment de s’établir ? S’agit-il seulement d’une vision idéalisée des choses ? En phase
avec « l’idéologiquement correct » ?
Les 13% de garçons non circoncis surprend, compte tenu du poids symbolique de l’acte.
S’agit-il d’enfants de parents gagnés aux idées de l’intégrité corporelle ou d’enfants de
couples mixtes ? A éclaircir.
83% de Bar-Mitzvot ou de Bat-Mitzvot est normal, mais plus étonnant est le chiffre de 52%
seulement de Bar-Mitzvot traditionnelles. Pourquoi ? Est-ce à rapprocher du chiffre de 61%
de non-croyants ? D’où les 34% des Bar-Mitzvot laïques, qui traduisent, malgré tout, la
volonté de rattachement au groupe.
Surgit également la question de savoir ce que croient les 9% qui se situent entre les 61% qui
déclarent ne pas croire et les 52% qui se disent laïques. Qui sont ces 9% ? Des agnostiques ?
En d’autres termes, que signifie pour les Juifs la notion de laïcité ?

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Les réponses au faible respect de la casherout et du Shabbat traduisent essentiellement la
difficulté d’être juif observant en diaspora et le respect de la casherout dépend beaucoup des
parents aussi.
Quant à la fréquentation des synagogues : beaucoup de « Juifs de Kippour » ou de gens
motivés par les fêtes (au total 65%). Mais il faut surtout y voir, encore une fois, l’influence
des parents. Ce qui traduit sèchement la réponse des 25% parlant de « contrainte » (parentale).
Le port très limité de la kippa est constatable de visu et correspond aux 65% de non-croyants.
Mais il faudra ajouter, actuellement, les craintes d’agressions antisémites. Idem pour les
signes identitaires (Magen David, etc.).
Il est normal que 69% des jeunes n’aient pas été confrontés à l’antisémitisme puisque la
Belgique ne connaît pas d’antisémitisme d’Etat. Même si des courants antisémites existent. Et
les Juifs en sont conscients.
L’importance d’Israël (89%) est attendue. Elle raconte des facteurs de rattachement familial
et/ou culturel et historique. Par contre, ce rattachement à Israël reste théorique puisque 2%
seulement pensent à l’alya. Mais 65% se disent sionistes. Alors de quel sionisme parle-t-on ?
Et les jeunes connaissent-ils la définition exacte de sionisme ? Sans doute d’un sionisme
affectif. Mais la question du sionisme renvoie surtout aux parents et à leur vision par rapport à
Israël.
Ce qui soulève l’autre question : pourquoi 9% des jeunes répondants annoncent-ils ne jamais
soutenir Israël ? Là encore, il faut chercher la réponse chez les parents. Ou peut-être les jeunes
sont-ils critiques face à la politique israélienne.
Plus complexe : que signifient les 9% de difficultés relationnelles avec les non-Juifs ? En quoi
consistent ces difficultés ? Et pourquoi ? De même, à quelles difficultés exactes renvoient les
50% de difficultés relationnelles avec les musulmans ?
Que 89% des interrogés recensent dans leur famille des victimes de la Shoah est une évidence
historique. Mais que signifie le peu d’influence de la Tragédie sur leur éducation ? Peut-être
une manifestation de temps qui passe, induisant la résilience.
La distance prise avec le yiddish renvoie aussi au temps qui passe et au changement radical de
culture de ce 21e siècle.
Les visites à Auschwitz, souhaitées majoritairement, dépendent des parents et des écoles ou
des mouvements de jeunesse – on ne voit pas un adolescent s’y rendre seul.
En conclusion, nous dirons que l’intérêt majeur de cette enquête réside dans les interrogations
qu’elle soulève, les précisions qu’elle appelle sur les motivations et sur le rôle des éducateurs
(parents, professeurs, moniteurs). Bref, une enquête à approfondir auprès des jeunes, mais
aussi auprès de leurs parents.

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Pour toute information complémentaire

Nicolas Zomersztajn, rédacteur en chef de Regards


Géraldine Kamps, rédactrice en chef adjointe
Tél. 02/543.02.81 / E-mail regards@cclj.be

Centre communautaire laïc juif David Susskind (CCLJ), 52 rue de l’Hôtel des Monnaies,
1060 Bruxelles. Site : www.cclj.be

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