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© Groupe Eyrolles, 2015

ISBN : 978-2-212-55863-0
Table des matières

Préface...................................................................................1

Avant-propos........................................................................7

1. La voie de la pratique zen :


une porte ouverte sur la sagesse.......................................15
Une pratique centrée sur la personne.................................................. 16

Une invitation au détachement............................................................. 17

2. Les quatre grands vœux.................................................27


Les êtres conscients sont innombrables ;
nous faisons vœu de les sauver tous................................................... 28

Les illusions sont sans fin ;


nous faisons vœu de les détruire toutes............................................... 34

Les enseignements sont infinis ;


nous faisons vœu de les apprendre tous.............................................. 39

La voie du Bouddha est inconcevable ;


nous faisons vœu de l’atteindre............................................................ 42
© Groupe Eyrolles

Conclusion............................................................................................ 45

V
Vivre le bouddhisme zen

3. Découvrons les préceptes...............................................47


Les pièges de l’ego............................................................................... 48

La délicate mise en œuvre des préceptes............................................ 48

4. Premier précepte : Je fais le vœu de m’abstenir


de prendre la vie.................................................................53
Tout est lié............................................................................................. 54

L’important, c’est la manière................................................................ 56

5. Deuxième précepte : Je fais le vœu de m’abstenir


de prendre ce qui ne m’est pas donné..............................57
Découvrir ce qui nous est donné.......................................................... 58

Cultiver un esprit rassasié..................................................................... 59

6. Troisième précepte : Je fais le vœu de m’abstenir


d’inconduite née du désir...................................................61
Le désir, générateur de souffrances..................................................... 62

7. Quatrième précepte : Je fais le vœu de m’abstenir


de parole mensongère........................................................65
L’honnêteté n’est pas à la mode........................................................... 66

Faire preuve de compassion................................................................. 68

8. Cinquième précepte : Je fais le vœu de m’abstenir


de prendre des substances toxiques induisant
l’insouciance........................................................................71
User d’antidouleurs............................................................................... 72
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VI
Table des matières

9. Sixième précepte : Je fais le vœu de m’abstenir


de parler des fautes des autres..........................................75
Savoir parler et se taire......................................................................... 76

Agir ou laisser agir................................................................................ 77

10. Septième précepte : Je fais le vœu de m’abstenir


de me vanter et de rabaisser les autres............................79
Le juste équilibre : fierté et humilité...................................................... 80

11. Huitième précepte : Je fais le vœu de ne pas être


avide et d’être généreux....................................................83
Une fausse générosité.......................................................................... 84

Commencer par soi-même................................................................... 85

Ne pas sous-estimer son influence...................................................... 87

12. Neuvième précepte : Je fais le vœu de ne pas


succomber à la colère et d’être harmonieux.....................89
Ne pas suivre la voie de la colère......................................................... 90

Garder les yeux ouverts, et prendre du recul....................................... 92

Se préserver des contagions................................................................ 93

13. Dixième précepte : Je fais le vœu de ne pas calomnier


les trois joyaux ...................................................................95
Les trois joyaux..................................................................................... 95

La dévotion, une fausse voie................................................................ 96

14. Les quatre types de pratiques formelles.....................99


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« Digérer » les enseignements.............................................................. 99

VII
Préface

Un moine demanda au maître zen Nanquan :


« Il est encore des enseignements qui n’ont pas été transmis
aux hommes ? »
« Il y en a », répondit Nanquan.
Le moine répliqua : « Quelle est cette vérité qui n’a jamais été
enseignée aux hommes ? »
Nanquan ajouta : « Il ne s’agit ni de l’esprit, ni de Bouddha,
ni d’aucune chose. »

J ’ai rencontré le maître zen Bon Yo au début des années 2000


alors que j’étais pratiquant du bouddhisme zen de lignée japo-
naise Soto depuis déjà quelques années.
Depuis que cette voie du bouddhisme zen existe, les moines n’ont
eu de cesse de visiter temples et monastères au cours de leurs péré-
grinations et de rencontrer les maîtres zen. On parcourait parfois
des routes improbables des mois durant pour découvrir l’ensei-
gnement d’un maître et entendre sa parole. Il fut une époque où
la notoriété d’un maître volait à travers les contrées comme le vent
traverse les forêts de bambous.
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Ce fut la lecture de l’enseignement sur les kong-an (kōan en japo-


nais) du maître zen coréen Seung Sahn qui, bouleversant mon

1
Vivre le bouddhisme zen

esprit en recherche, mena mes pas vers le temple Kwan Um de


Paris un jour de janvier.
Ce ne fut pas Seung Sahn que j’y trouvai, premier parmi les
grands missionnaires bouddhistes d’Asie à avoir apporté le Zen
en occident, mais l’un de ses successeurs, Grazyna Perl, le maître
zen Bon Yo Soen Sa Nim.
Je me souviens d’elle lors de cette causerie du dharma à laquelle
je participai.
Je fus touché au plus profond par ce visage maternel, ce regard
perçant, et pas cette présence simple, aimante, joyeuse, éloignée
de l’image que tant de maîtres zen s’amusent à donner, en singeant
des icônes, des sages, en s’aventurant à se donner des airs de sain-
teté, ou en parodiant l’ascète mythique qu’ils ne sont pas.
Je rencontrai ce jour-là une femme libre, moderne, proche, débor-
dante de joie et d’attention pour les autres. Assise au même niveau
que ses disciples, portant ses yeux dans leurs yeux, je le compris
plus tard, elle portait son cœur dans leurs cœurs.

« Voyez-vous ceci ? » dit-elle en levant son bâton….


« Bam ! entendez-vous ceci ? » ajouta-t-elle en frappant le sol avec
le bâton….
« Pas de commencement, pas de fin, ainsi la nature de Bouddha ;
mais vous avez déjà compris… »
Et avec un immense sourire elle quitta le dojo, clôturant ainsi
cette causerie à laquelle j’avais assisté pour la première fois. Tout
ce qui avait précédé ce moment a quitté ma mémoire spontanée,
mais je sais que ce jour-là je fus touché en plein cœur, bouleversé
par sa simplicité.
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« Voyez-vous ceci ? » dit-elle l’air de rien comme si elle nous prenait


pour des imbéciles – bien sûr que je le vois je ne suis pas aveugle,
hein – et pourtant, s’il vous plaît, regardez le monde autour de

2
Préface

vous à cet instant même, là, ici, tout de suite : le voyez-vous vrai-
ment ? En percevez-vous les couleurs, les formes, les liens qui
vous pétrissent instant après instant? En décelez-vous sa perte
et à la fois toute sa beauté ? Ce ciel au-dessus de vous, le voyez-
vous vraiment ? Mais vraiment ? Et cette terre, qui soutient vos
pas la voyez-vous profondément pour ce qu’elle est ? En ressen-
tez-vous toute la puissance, la complexité, l’incroyable énergie qui
la façonne et vous régit ?
Oui, voyez-vous ceci ? Vos regards dans ce monde sont-ils présents
face au miracle merveilleux de la vie, la puissante vie qui vous
traverse bien au-delà du bonheur et du malheur qui dansent dans
nos jours ?

« Entendez-vous ceci ? » Oui, les sons de ce monde, les enten-


dez-vous ? La souffrance des êtres, et leurs joies, les enten-
dez-vous ? Entendez-vous le malheur du monde au point de
souffrir avec et pour lui ? Entendez-vous sa liesse et ses émois au
point de vous réjouir de son bien aller ? Entendez-vous vraiment
ce que l’ami vous dit, ce que vos proches vous transmettent, ce
qu’un enfant vous dit en riant d’un rien, ou ce qu’un vieillard
vous raconte dans ses larmes de nostalgie ? Et le chant du vent,
l’allégresse de la nature, le bruissement délicat du soleil couchant,
l’entendez-vous ?
Oui, entendez-vous ceci ? Là, ici, maintenant, le monde, l’enten-
dez-vous ? Et mes mots, les entendez-vous ? Et votre esprit, votre
histoire, les entendez-vous ?

Si le bouddhisme zen devait être résumé, je choisirais des mots


qui nous aident à comprendre qu’il n’est aucune vérité au monde
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autre que le réel qui se manifeste sous nos yeux. Pèlerins de l’exis-
tence, nous nous épuisons à chercher un grand je-ne-sais-pas-quoi
dans tous les ailleurs possibles, alors même que notre éveil, notre

3
Vivre le bouddhisme zen

réalisation, notre grande Vérité sont ici sous nos yeux, près de
nos sens, sous chacun de nos pas. Ce fut le premier enseignement
que je reçus en plein cœur de maître Bon Yo. Avec une simplicité
désarmante et une compassion dont je ne voyais à l’époque que le
début de quelques éclats.
Entendre et voir. Cela paraît tellement simple, tellement évident,
et pourtant, ce jour-là, je pris conscience que j’étais sourd et
aveugle, aveuglé par mes illusions et assourdi par mon petit ego.
Je repartais de cette causerie avec une joie qui se déploya tous les
jours davantage ; ce bâton qui avait frappé le sol du dojo, c’est mon
esprit têtu qu’il avait frappé, telle cette roche jadis frappée dans
le désert qui soudain se mit à jaillir généreusement d’une abon-
dante eau de source. Et je commençais à pratiquer « l’entendre et
le voir », pour me surprendre enfin à cultiver l’intimité avec ma
vie, mon histoire, et mon présent, et ainsi enfin comprendre que
la Voie était là, dans cette intimité de ma présence au monde.
Je demandais par la suite à maître Bon Yo de m’enseigner, de me
donner la main.
Et c’est son cœur immense et généreux qu’elle me donna.
Pendant plusieurs années je fus son disciple. Ce furent sans
doutes les années parmi les plus éprouvantes de ma vie, car je me
trouvais face aux démons qui surgissaient de mon passé, venaient
éprouver mon existence, du nid de conflits insolubles que nous
portons tous dans nos bagages.
Je me souviens d’un jour de désespoir où l’épreuve de la maladie
et ma foi ébranlée me plongèrent dans une grande solitude. Bon
Yo m’enlaça alors que je me tenais sur la natte face à elle pour
l’entretien de kong-an, prit mon visage entre ses mains et me dit
droit dans les yeux : Si un démon se présente devant toi, s’il te
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plaît, demande lui “comment puis-je t’aider ?” ».


Je traversais avec elle mon devenir homme. L’arrivée de mon
enfant fut sans doute le plus bel enseignement de l’existence, et là

4
Préface

encore Bon Yo Son Sa Nim m’aida à comprendre les merveilles de


la transmission de la vie.
Après avoir éprouvé ma foi, elle me transmit l’ordination de
moine séculier. Sous son autorité aimante je devins enseignant de
dharma, puis abbé du temple de Paris. À ses côtés j’ai approfondi
ma foi, ma pratique spirituelle et ma vie d’homme au-delà de ce
qu’un homme peut imaginer.
Les entretiens hebdomadaires de kong-an furent sans doute les
moments privilégiés où dans l’intimité entre maître et disciple
mon petit moi s’abandonnait et le grand moi se révélait harmo-
nieusement. Elle me donna la chance inouïe, le don précieux
de pouvoir enseigner aux autres cette Voie merveilleuse que le
Bouddha nous transmit il y a presque trois mille ans, et c’est sans
doute là le plus précieux don que mes mains pauvres et vides ont
reçu ici-bas.
Nos chemins se séparèrent il y a quelques années, comme le
demande souvent la vie, mais maître Bon Yo restera toujours
ce maître zen qui marqua mon existence à jamais, m’aidant à
devenir avant toute chose un homme, puis un moine au cœur
libre et aimant. Elle fut le Bouddha qui m’offrit une fleur merveil-
leuse tout en tranchant mon esprit.
Aujourd’hui mes pas m’ont amené à recevoir la transmission de
maître zen à mon tour, dans la lignée japonaise Soto, j’enseigne
au sein de ma sangha avec toute la générosité que Bon Yo m’a
transmise au long de ces années passées ensemble. Et je sais
que, lorsque j’enseigne, à chaque fois que je transmets la Voie du
Bouddha dans mon dojo, non seulement mon bien-aimé maître
Bon Yo, mais ces maîtres qui ont accompagné mon chemin,
enseignent avec moi, à travers mes mots, dans mes élans d’amour
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et de compassion pour chacun de mes disciples.

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Vivre le bouddhisme zen

Dans ces quelques pages vous découvrirez un maître zen d’au-


jourd’hui, au cœur simple et tranchant, accessible, au discours
net, sans détours ni faux-semblants. Prenez ces pages comme des
pépites, comme des graines de sagesse, des éclats de réflexion
pour votre vie, que vous soyez bouddhistes ou pas. Elles vous
transmettront avec franchise et profondeur le goût d’écouter et
de voir la vie, de la savourer pleinement pour ce qu’elle est car,
au fond, le Zen, la Voie transmise par le Bouddha, n’est autre que
ceci : nous réveiller d’un songe et faire enfin l’expérience de la vie.
En nous comprenant nous-mêmes, et en vivant harmonieusement
pour le bien de tous les êtres. Peut-être dans ces quelques pages
ressentirez-vous ce qu’en ce jour lointain de janvier je ressentis
moi-même.
Il n’y a pas d’enseignement figé, tout autour de nous n’a de cesse
de nous enseigner.
Ouvrez vos yeux, tendez l’oreille,
Et je suis sûr que vous avez déjà compris.

Federico Dainin Jōkō, maître zen,


ancien disciple de maître Bon Yo

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1L a voie de l a pratique
Zen : une porte ouverte
sur l a sagesse

M on grand enseignant, le maître Seung Sahn, disait :


« Zen signifie comprendre votre nature véritable et aider
les autres. » Dans cette phrase simple et explicite, il décrit très
clairement la pratique, son but, sa direction et, avec elle, celle
que devrait suivre la vie d’un pratiquant du bouddhisme zen.
Comprendre notre nature véritable est une manifestation de
notre sagesse, et aider les autres, l’expression de la compassion :
ce sont deux ingrédients essentiels à l’auto-guérison des individus
et du monde.
Malheureusement, de nos jours, nous autres humains avons aban-
donné cette notion en même temps que nous avons délaissé la
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spiritualité. La religion la plus puissante aujourd’hui semble être


le matérialisme, qui rend le sens de la vie très superficiel.

15
Vivre le bouddhisme zen

Tout est voué à s’éteindre ; tout est impermanent. Mais au lieu


d’étendre ou d’approfondir nos recherches pour trouver une
réponse à cette grande question, certains d’entre nous unique-
ment préoccupés par les situations extérieures, se replient sur
eux-mêmes et cultivent un esprit étroit. Nous agissons comme
si nous étions ivres d’argent, de possessions, de réputation et de
position sociale, en écho à des images déformées du réel. Cette
fausse réalité est pleine de désir, de colère et d’ignorance. Les
conséquences de notre grande erreur sont visibles tout autour de
nous : la planète souffre, les nations sont en guerre, personne n’a
plus confiance en personne. Parallèlement, sur la scène mondiale,
le chauvinisme, le racisme, les discriminations et la peur semblent
contrôler chaque action.
Les enseignements du Zen associés à une pratique sincère de ce
dernier peuvent changer la vie d’un être. Ils élargissent nos hori-
zons et nous aident à comprendre, à être plus compatissants et à
vivre un quotidien plus profond et riche de sens.

Une pratique centrée sur la personne


Le Zen est une philosophie en mouvement, ainsi qu’un mode de
vie.
Il se peut que nous percevions le Zen comme une pratique spiri-
tuelle éloignée de nos considérations quotidiennes. Pourtant, en y
regardant d’un peu plus près, nous voyons que la moelle et le sens
profond du Zen portent sur les questions qui concernent chacun
de nous : comment mener une existence humainement riche, dans
laquelle nous pensons, ressentons et aimons à cent pour cent.
Le Zen ne dépend pas de la culture, du pays dans lequel nous
nous trouvons, ni même de notre statut social. Il est centré sur
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la personne, sur l’esprit de l’homme et, par extension, sur l’en-


semble du monde dans lequel nous vivons. Car l’image que nous
nous faisons de ce monde est le fruit de notre esprit.

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La voie de la pratique Zen : une porte ouverte sur la sagesse

S’ouvrir à soi et aux autres


Lorsque nous nous interrogeons sur nos problèmes, sur nous-
mêmes ou sur le monde nous trouvons presque toujours un
coupable sur qui faire porter nos fautes. Seuls quelques-uns
chercheront profondément en eux pour déceler la cause de leur
problème et en trouver la solution. Et peu d’entre nous se deman-
deront, en retour, « Que puis-je faire pour toi ? ». La pratique
du Zen crée l’accès, l’outil, qui permet de s’aider soi-même et de
venir en aide aux autres. Elle dessine une porte qui ouvre sur la
compréhension du monde et de l’esprit humain. Elle offre les clés
pour comprendre le rôle que nous jouons ici-bas.
« Ce monde est un océan de souffrance » : cet enseignement,
souvent répété, amène à se demander « Que pouvons-nous
faire ? ». Et à accepter la réponse qui en découle : « Rien. » Alors,
pour échapper à cette réalité, nous allons trouver refuge dans
les plaisirs, les drogues, l’argent ou encore, nous adhérons à une
pseudo-spiritualité.

Une invitation au détachement


Existe-t-il un remède pour guérir de cette maladie, pour nous
rétablir et nous faire grandir ?
Le sutra1 du Diamant nous dit : « Voyez ce monde éphémère
comme une étoile à l’aube, une bulle dans un ruisseau, un éclair
dans un nuage d’été, une lampe vacillante ; un fantôme, et un
rêve. » Et il poursuit : « Comment cet enseignement peut-il être
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1. Un sutra est un enseignement oral, un ensemble de discours parabo-


liques et imagés, transmis et mis par écrit. Le sutra du Diamant est un
des sutras plus importants pour le bouddhisme zen avec les sutras du
Cœur, du Lotus, et de la Grande Estrade.

17
Vivre le bouddhisme zen

expliqué aux autres ? En étant détaché des apparences et en étant


respectueux de la vérité ultime. »
Il ne suffit pas de saisir intellectuellement ces lignes, et de voir en
elles une belle ou une juste pensée. Cette réalité doit grandir en
nous à chaque instant et devenir une source positive, influençant
chacune de nos actions, transformant ainsi quelques mots inertes
en une réalité vivante.

L’esprit, un outil puissant


« Tout est créé par l’esprit », enseignait le Bouddha. Lorsque nous
suivons méticuleusement les racines de chaque problème, nous
découvrons que toute souffrance prend sa source dans l’esprit de
l’homme. Afin de pouvoir trouver une solution à nos maux, il est
crucial de commencer par dompter notre esprit ou, en d’autres
termes, de comprendre notre nature véritable.
L’esprit est l’outil le plus immense, le plus puissant dont les
hommes disposent. Mais combien de fois ce dernier est-il utilisé de
manière incorrecte et néfaste, diffusant de mauvaises interpréta-
tions, des représentations erronées ou illusoires? L’incompréhen-
sion de notre propre esprit est un épineux problème à résoudre :
comment pourrait-on saisir notre esprit par l’esprit ? Cela revien-
drait à chercher à voir nos yeux… par nos yeux. C’est absolument
impossible. De la même manière, chercher à comprendre l’esprit
en usant de notre esprit ne peut aboutir qu’à une image réfléchis-
sant les yeux, à une sorte d’idée conceptuelle limitée de ce qu’est
l’esprit tout entier. Ce concept ne peut être qu’une toute petite
partie de l’esprit véritable dans sa totalité. Pourtant, certains
d’entre nous veulent faire confiance à leur intelligence et s’ima-
ginent que leur conception limitée est le véritable reflet de leur
esprit.
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La voie de la pratique Zen : une porte ouverte sur la sagesse

Les pièges de la rationalisation


Notre intelligence est une faculté extraordinaire, cependant elle
n’est qu’un simple outil qui ne convient que pour certaines utili-
sations. Par exemple, notre intelligence est tout à fait inutile dans
des domaines très importants de la vie tels que tomber amoureux,
décider de se marier, élever des enfants, etc. En fait, nous pouvons
utiliser notre capacité à penser et rationaliser d’une manière
limitée pour la majeure partie de nos activités ordinaires : boire
un café, faire du vélo ou profiter du soleil.
En revanche, si nous essayons de comprendre notre véritable
esprit, il devient davantage un obstacle qu’un moyen de nous
aider. Plus nous pensons à notre esprit de manière philosophique,
et moins il nous semble possible de pouvoir le saisir. Utiliser notre
intellect, à ce stade, revient à se servir d’une fourchette pour
manger de la soupe, ou d’une cuillère pour trancher un steak.

Mettre l’esprit au repos


La pratique du Zen offre une approche radicalement différente de
la pensée purement philosophique. Elle invite à mettre l’esprit au
repos, à s’asseoir dans le calme et le silence. Elle propose de s’en
tenir à la grande question « Que suis-je ? » ainsi qu’à la grande
réponse « Ne sais pas ». Le Zen nous engage à percevoir. À être.
Le maître Zen Wu Bong1 disait : « La méditation, c’est comme être
assis dans une gare ; bien que de nombreux trains vont et viennent
en permanence, vous ne montez dans aucun d’entre eux. » Telle
est la pratique de la méditation assise, Zazen 2 , et de la Voie du
Zen : la présence physique complète, la discipline de l’esprit, les
deux se soutenant mutuellement.
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1. Voir le glossaire des noms.


2. Voir le glossaire des noms.

19
Vivre le bouddhisme zen

La pratique formelle de la méditation est très importante, mais


si le Zen se restreint au moment de l’assise méditative, il reste
mort. De même, se limiter à l’étude du Zen, de l’enseignement de
Bouddha et des maîtres à travers des ouvrages ou par la lecture
des sutras sans pratique formelle ne peut mener qu’à une seule
compréhension intellectuelle. Or, celle-ci ne pourra pas se refléter
concrètement, et de manière vivante, dans notre vie de tous les
jours. Lire des enseignements ou des sutras bouddhiques revient
à parcourir un menu dans un restaurant.
La phase suivante consiste à goûter la nourriture, la manger, la
digérer, puis à éliminer les résidus non nécessaires. Alors, seule-
ment, nous pouvons nous intégrer dans un processus global,
menant à la santé et à la croissance.

Question d’un disciple


Parfois, je suis un peu confus en ce qui concerne la voie
lorsque les autres me demandent si je suis bouddhiste.
À vrai dire, je me considère davantage comme disciple zen
que comme une personne religieuse.
Y a-t-il une différence entre les deux ?
Réponse de maître Bon Yo
Le bouddhisme et le Zen sont-ils les mêmes, ou bien diffèrent-ils ?
Le disciple frappe le sol.
– C’est tout ?
– Je ne sais pas.
– Bien, garde cet esprit, « Ne sais pas », et ta confusion disparaîtra.

Dans le sutra du Diamant, il est écrit : « Le Bouddha peut-il être


reconnu par des caractéristiques matérielles ? Non, le Bouddha
enseigna que les caractéristiques matérielles ne sont pas des
caractéristiques matérielles. Les caractéristiques matérielles
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ne sont qu’illusions, lorsque vous percevez ces caractéristiques


comme non caractéristiques alors vous percevez Bouddha. »

20
La voie de la pratique Zen : une porte ouverte sur la sagesse

Nous devrions éviter d’intellectualiser les choses et de nous repré-


senter notre environnement de façon uniquement mentale.
Nous aimons les noms ainsi que les formes, que nous considé-
rons comme des pare-chocs de sécurité. Quand quelque chose
peut être nommé et que nous pouvons dire « Je suis ceci » ou « Je
suis cela », nous pouvons éprouver un sentiment d’appartenance
qui nous sécurise. C’est comme si nous nous appuyions sur une
canne, pour nous reposer ; et en soi ce n’est ni bon ni mauvais.
Les obstacles apparaissent lorsque nous nous attachons à ce genre
de support : surgit alors notre petit « moi », dépendant de concepts
limités, de noms et de formes, hermétique à toute possibilité plus
large. Telle est l’origine de notre problème.

Un être humain complet


La meilleure voie consiste à n’être ni « bouddhiste », ni « disciple
zen », ni quoi que ce soit d’autre… Mais tout simplement un être
humain complet.
Le disciple dit « Je ne sais pas ». Je devrais lui conseiller d’abandonner
le « je » et de garder uniquement le « Ne sais pas ». Cet esprit est très
vaste. Avec lui, tout devient possible : nous pouvons être bouddhiste,
disciple du zen ou quoi que ce soit d’autre ; et cela sans problème.

Avez-vous besoin de Dieu, ou Dieu a-t-il besoin de vous ?

Un jour aux États-Unis, alors que nous étions en voiture avec mon
mari, nous sommes passés devant un grand panneau sur lequel
était écrit : « Vous avez besoin de Dieu ». À la lecture de ces mots,
j’ai ressenti une étrange confusion de sentiments, comme si quelque
chose n’allait pas dans cette phrase. Plus tard, j’en ai reparlé avec mon
© Groupe Eyrolles

mari et nous sommes arrivés à la conclusion que ce panneau aurait


dû indiquer : « Dieu a besoin de vous ». C’est cette assertion qui ferait
la différence entre un religieux suivant une voie, et un pratiquant
sincère, plein de compassion.

21
Vivre le bouddhisme zen

Bon nombre d’entre nous demandent tout un tas de choses à leurs


dieux et se mettent en colère, ou souffrent, quand ils n’obtiennent
pas ce qu’ils désirent.

Un homme n’attachait pas son chameau, et quand on lui demandait


pourquoi, ce dernier répondait : « Dieu prendra soin de ce chameau. »
En entendant cette réponse, son maître lui dit : « Pourquoi souhaites-tu
que Dieu prenne soin d’une si petite chose que tu pourrais facilement
faire toi-même ? »

Dieu est la seule entité qui peut prendre soin des problèmes, petits
ou grands, de ce monde. Ne serait-il pas mieux de devenir plus
fort, compatissant et indépendant afin de l’aider dans sa tâche ?
En regardant le monde et la manière dont de nombreux boud­dhistes
agissent, nous pouvons être enclins à penser que le bouddhisme
est une religion comme les autres. De nombreuses personnes,
qui se revendiquent bouddhistes, vénèrent le Bouddha tout en ne
suivant son enseignement que d’une manière très limitée. En les
regardant, nous pourrions croire que cela est le bouddhisme.

S’interroger sur ce que l’on cherche


Bouddha lui-même n’a jamais demandé à être vénéré, ni à être
considéré comme un dieu. Cette attitude s’est développée a poste-
riori, à l’initiative d’autres personnes. La plupart des Bodhisat­
tvas1 étaient ses disciples, par leur pratique ils sont devenus de
grands êtres et sont aujourd’hui quasiment perçus comme des
dieux. En fait, le bouddhisme en tant que religion est apparu
longtemps après la vie de Bouddha, et cette vision a été générée
par la dévotion de gens envers cet homme spécial, ce grand sage.
Les différents personnages qui composent les traditions boud­
© Groupe Eyrolles

dhistes, et le Bouddha lui-même, devraient être perçus comme

1. Voir glossaire.

22
La voie de la pratique Zen : une porte ouverte sur la sagesse

des exemples, comme le symbole de ce que nous pourrions


devenir. L’ensemble des peintures et des sculptures existant dans
nos temples et dojos n’est que le rappel de ce que nous pourrions
et devrions manifester en nous.
Le Zen est le cœur de l’enseignement du Bouddha.
Il est coloré d’une certaine dévotion, marque de respect pour
ce premier grand maître, Bouddha, qui pratiqua intensivement,
interrogeant les grandes notions de Vie et de Mort ; qui atteignit
une compréhension profonde et qui l’enseigna aux autres.
Il partagea sa propre expérience et sa sagesse tout en encoura-
geant les autres à pratiquer assidûment pour atteindre le même
éveil. Bouddha lui-même n’était pas bouddhiste
Dans le cas où la confusion persiste à propos de notre Voie, nous
devons nous interroger sur ce que nous voulons réellement.

Qu’est-ce que je veux réellement ?

– Est-ce que je cherche une religion à laquelle appartenir ?


– Un Dieu à vénérer ?
– Une protection ou une force extérieure ?
– Ou bien, voyant toute la souffrance présente dans ce monde,
est-ce que je choisis de suivre l’enseignement du Bouddha ?
– Suis-je prêt à me poser sans fin la grande question, à travailler sur moi,
à devenir fort, indépendant et à aider tous les êtres ?

Nous devons décider, et ensuite nous devons garder notre esprit


ouvert et plein de compassion. Si nous procédons ainsi, quelle
que soit la voie que nous aurons choisie, ce sera la bonne.
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Question d’un disciple


Je pratique le zen tout en étant d’une autre religion, je ne suis pas
bouddhiste. Ma famille et mes amis critiquent souvent mon choix.

23
Vivre le bouddhisme zen

Ils disent que la pratique du Zen est contraire à Dieu.


De ce fait j’ai des doutes : pourriez-vous me dire ce que vous pensez
d’un tel mélange ?
Réponse de maître Bon Yo
Si tu crois en Dieu et que tu crois que Dieu est amour et compassion,
alors comment peux-tu douter de l’aide que Dieu t’apporte dans ton
développement personnel pour devenir une personne meilleure et
plus forte, cherchant à aider les autres ?

Si nous nous figurons que Dieu peut devenir furieux à cause


d’une telle pratique, alors nous pensons peut-être que Dieu est
idiot, égocentrique et assez étroit d’esprit. Si nous raisonnons
ainsi, cela signifie que nous sommes nous-mêmes étroits d’esprit,
égocentriques et peut-être même plutôt idiots.

Bouddha voit Bouddha

Un homme pratiquait et étudiait assidûment, il aimait rencontrer des


maîtres afin de se confronter à eux dans des combats de dharma1.
Au cours de l’une de ces rencontres, l’homme demanda à un maître :
« De quoi ai-je l’air ? » Ce à quoi le maître répondit immédiatement :
« Tu as l’air d’un bouddha. » Puis le maître demanda à cet homme :
« De quoi ai-je l’air ? » À cela l’homme répondit : « Tu as l’air d’un
excrément. » L’homme rentra ainsi chez lui satisfait de cet échange.
La sœur de cet homme étant une personne éclairée, il s’empressa à
son retour de lui rapporter sa conversation, ajoutant qu’il la perce-
vait de son point de vue comme victorieuse. Sa sœur rit alors à
gorge déployée et dit : « Idiot, ne comprends-tu pas ? Bouddha voit
Bouddha. L’excrément voit l’excrément. »
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1. Voir glossaire.

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La voie de la pratique Zen : une porte ouverte sur la sagesse

Si le Dieu auquel nous croyons est un personnage sage, aimant et


compatissant, alors nous n’avons aucun doute à avoir sur l’éthique
de notre pratique. Dieu n’a créé ni les religions ni les dogmes
qu’elles comportent ; seul l’homme l’a fait. Jésus n’était pas un
chrétien, ce sont les hommes qui ont créé une religion à partir de
son image.
Il en est de même pour Bouddha et le bouddhisme.
C’est pourquoi il n’est pas nécessaire d’être bouddhiste, ou même
d’être un disciple du Zen pour suivre cette pratique, ces ensei-
gnements et ce mode de vie. Le Zen est aussi large que profond et
ne dépend d’aucune croyance. Il convient de veiller à garder un
esprit ouvert, et à pratiquer de façon juste des enseignements, à
faire sien ce mode de vie.
Si nous croyons au bleu du ciel, au chant des oiseaux, au soleil
qui se lève à l’est et, avant tout autre chose, en nous-mêmes, nous
deviendrons alors des êtres humains accomplis. Et cela, c’est une
voie qui vaut la peine d’être suivie à cent pour cent.
Le célèbre écrivain polonais, Kornel Makuszynski, a écrit : « Tout
peut devenir un dogme ; un arbre et un rocher ; l’amour et Dieu ;
parce que ce qui compte n’est pas ce en quoi vous croyez, mais
comment. »1
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1. La traduction est de l’auteure.

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