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UFR de Médecine
TOURS
LES DOULAS
Gaëlle PANIER
Promotion 2002-2007
2
INTRODUCTION
Pour ce travail de fin d’études, j’ai choisi de m’intéresser aux accompagnantes à
la naissance ou doulas. Il s’agit de femmes proposant aux futurs parents un
accompagnement non médical à la naissance. Elles proposent cet
accompagnement en complément du suivi médical classique de la grossesse.
Ces dernières années, leur pratique rencontre un relatif succès auprès des
couples français.
J’ai alors débuté un travail de recherche sur l’activité des doulas en France pour
savoir qui sont ces femmes et en quoi consiste leur accompagnement auprès
des couples.
Ne voulant pas que mon mémoire soit le lieu de ce conflit naissant entre les
doulas et les sages-femmes, j’ai choisi d’aller demander l’avis des principaux
concernés par cet accompagnement : les parents.
Enfin, dans ma troisième partie je replace l’exercice des doulas ainsi que la
demande des parents, dans le contexte actuel de l’évolution de notre société et
des nouvelles attentes des parents qui peuvent en découler. Je replace
également cette problématique dans le contexte des soins actuellement
proposés en périnatalité.
6
1.1. Définition
Une doula est avant tout une femme qui a déjà une expérience dans le domaine de la
périnatalité, que ce soit par ses propres accouchements, par les autres accompagnements
qu’elle a faits, ou par des formations autour de la naissance qu’elle aurait éventuellement
suivies.
Par ce terme de doula, on désigne une femme expérimentée qui propose ses services
pour accompagner, dans la continuité, la femme ainsi que son conjoint durant la
grossesse, l’accouchement et le post partum.
Elle est disponible 24 heures sur 24 durant toute la grossesse pour répondre aux
angoisses maternelles.
Elle apporte aussi son soutien au père en l’aidant à trouver sa place et à renforcer son
rôle auprès de sa femme.
Elle répond aux questions de la femme et l’oriente vers les bons interlocuteurs
lorsqu’elle ne peut répondre.
Elle peut également être une aide à l’allaitement et une aide à la vie quotidienne
durant le post partum par exemple.
Les priorités de la doula dans l’accompagnement ainsi proposé sont donc axées autour
des besoins psychosociaux de la mère et de son conjoint durant la grossesse,
l’accouchement et le post partum.
Pour ce faire, elle rencontre les parents plusieurs fois pendant la grossesse, au cours de
visites à domicile ou pour certaines en cabinet ; elle est joignable à n’importe quelle
heure du jour et de la nuit durant toute la durée de l’accompagnement ; elle est
disponible pour les parents durant toute la durée du travail et de l’accouchement s’ils le
désirent et leur rend plusieurs visites en post partum.
1.2. Origines
En grec ancien, le mot «doula» (η δούλα) est le féminin de «doulos» (o δούλος), l’esclave.
Ce mot désigne une servante, le plus souvent une femme, au service d’une autre femme.
Il a aujourd’hui, en grec moderne, la même signification, mais garde une connotation
soit désuète soit négative.
Dans de nombreuses cultures à travers l’Histoire, les femmes ont été entourées et
soignées par d’autres femmes, pendant l’accouchement notamment.
8
La femme en travail n’est jamais laissée seule, dans la Rome antique, par exemple,
quatre femmes au moins l’assistent : trois la soutiennent -derrière et de chaque côté- et la
quatrième, la sage-femme, s’accroupit par terre, en face (1).
L’une d’entre elles est responsable de la sécurité de la mère et de l’enfant : c’est la figure
de la sage-femme ; l’autre ou les autres, apportent soutien et réconfort à la femme en
travail (2).
A l’heure actuelle encore, on retrouve ces figures féminines aux côtés de la femme qui
accouche.
Des femmes aidant d’autres femmes à donner la vie est une ancienne pratique
qui est toujours largement répandue aujourd’hui. Par exemple selon des données
anthropologiques que nous avons reprises, sur 128 sociétés non industrialisées
9
Les doulas modernes se disent être l’image de cette femme aux côtés de la mère et de la
sage-femme.
2.1. Historique
Dans les années 70, un pédiatre, le Docteur Marshall KLAUS, alors chef de l’unité
néonatale de soins intensifs de l’Université de STANFORD (USA), s’intéressa aux
problèmes rencontrés par les parents des nouveaux nés de son service.
Leur cheminement les amena, un peu par accident, à découvrir l’importance d’un
soutien physique et émotionnel continu d’une femme à une autre durant le travail de
l’accouchement, que ce soit pour la femme ou pour son enfant (4).
1
1KLAUS M.H, KENNELL J., KLAUS P., The Doula Book, 2e édition, USA, Da Capo Press, 2002, 243,
3. Selon ma traduction.
10
Ils se sont fondés sur la tradition indigène du soutien durant l’accouchement et sur
l’accompagnement par des femmes locales expérimentées qu’ils ont désignées sous le
terme de «doula».
L’étude a été menée dans un hôpital guatémaltèque ayant une forte activité et les femmes
en bonne santé admises en travail et non accompagnées ont été réparties selon deux
groupes de façon aléatoire.
Dans le groupe étudié qui recevait le soutien d’une doula, on notait une diminution
significative de la durée du travail, de l’administration d’ocytociques, du taux de
césariennes, des admissions en unité néonatale ainsi que des complications périnatales.
L’étude fut reproduite aux Etats Unis (7) dans une unité d’obstétrique à forte activité,
accueillant une forte proportion de femmes non anglophones et originaires de milieux
défavorisés. Les accompagnatrices étaient des femmes locales et bilingues, sans autre
expérience que leur propre accouchement et qui reçurent une formation de 3 semaines.
Les résultats furent similaires.
KLAUS et KENNELL, alors rejoints par Phyllis KLAUS, Penny SIMKIN et Annie
KENNEDY (toutes trois spécialistes de la naissance et des nouveaux nés) décidèrent
d’utiliser le mot «doula» pour décrire une personne apportant un soutien continu, aussi
bien du point de vue émotionnel que du point de vue physique à une femme en travail et
dans le post partum immédiat.
Ils ont choisi ce mot «doula» pour lui éviter toute connotation médicale, reprenant
ainsi le terme initialement utilisé par l’anthropologue Dana RAPHAEL pour
désigner les femmes déjà mères qui apportent leur aide aux nouvelles
accouchées rencontrées aux Philippines.
C’est en 1992 qu’ils fondent l’association Doulas Of North America, «DONA» pour
promouvoir les doulas, et les former ; pour que chaque femme qui le désire puisse être
accompagnée par une doula. A partir de là, de nombreuses associations relayant les
principes de DONA se sont crées aux Etats-Unis, au Canada et dans d'autres pays à
travers le monde.
11
Des études ont été menées à bien, dans des contextes différents, afin de vérifier
l’hypothèse selon laquelle le soutien durant le travail est bénéfique aux femmes. Ces
études consistaient à observer l’impact d’un soutien continu dispensé par des personnes
formées ou non formées.
En 2000, une synthèse a été proposée par HODNETT à partir de 15 études (soit plus de
5000 femmes) comparant l’impact d’un accompagnement continu durant le travail et les
soins habituels dispensés pendant le travail. (8)
Cette synthèse indiquait que le soutien continu pendant le travail (par des
accompagnants professionnels ou non professionnels) conduisait à une diminution des
certains évènements2 :
A l’échelle individuelle, ces études ont permis de mettre en évidence une meilleure
satisfaction vis-à-vis de l’accouchement ainsi qu’une meilleure image de soi.
2
Chiffres tirés de The Doula Book, KLAUS M.H, KENNELL J., KLAUS P., 2e édition, USA, Da Capo
Press, 2002, 98
12
Ces résultats amènent l’auteur à conclure que compte tenu des bienfaits démontrés et de
l’absence de risques connus en cas de soutien pendant le travail, toutes les femmes
devraient bénéficier de ce type de soutien. Il est intéressant de noter que les bénéfices de
ce soutien continu sont effectifs qu’il s’agisse d’un accompagnant professionnel de santé
ou non.
Bien que leur nombre reste encore limité dans la plupart des pays, on les retrouve un peu
partout dans le monde.
C'est aux Etats-Unis que l'activité des doulas est la plus développée.
Le mode d'exercice de ces doulas est un peu différent de celui retrouvé en France. Leurs
prérogatives sont les mêmes mais on distingue les "Birth doulas" qui accompagnent le
couple avant et pendant la naissance et les "Post Partum doulas"qui apportent leur aide
après l'accouchement et dans le post partum.
Aux Etats-Unis, on trouve d'autres associations qui soutiennent les doulas et leur
proposent des formations similaires à celles de DONA International telles la Childbirth
and Post Partum Professionnal Association (CAPPA) (9), PALS(10)...etc. Ces
formations sont d'ailleurs validées par DONA International pour pouvoir être reconnues.
En 2002 a été réalisée une étude portant sur 1000 doulas à travers les Etats-Unis. (11)
On y apprend que les doulas accompagnent en moyenne 9 naissances par an et
travaillent en grande majorité seules. Certaines font partie des équipes de soins et sont
employées par les structures hospitalières. Les frais de l'accompagnement, selon les
assurances, peuvent même être remboursés. Le coût d'un accompagnement varie de 250
à 800 dollars, selon une échelle mobile. L’accompagnement peut même être bénévole si
13
l'on en croit le principe de DONA International "une doula pour chaque femme qui le
demande". Le revenu annuel brut moyen d'une doula certifiée en 2002 était de 3 645
dollars. Le travail de doula est décrit comme une "para-profession" : trois quarts des
doulas ont une activité rémunératrice autre que leur pratique de doula.
Selon une autre étude, environ 5% des femmes ayant accouchées aux Etats-Unis en 2002
auraient eu recours aux services d'une doula. (12)
Il est intéressant de constater que le concept de doula a d'abord été développé dans un
pays où l'organisation des soins périnataux est différente de la nôtre. La profession de
sage-femme n'existe pas aux Etats-Unis et ce sont les médecins qui suivent les
grossesses et pratiquent les accouchements.
Au Canada, on retrouve également des doulas assez bien organisées. Plus de 500
membres de DONA International résident au Canada.
Ensuite on retrouve des doulas de façon sporadique et sans réelle structuration au Chili,
aux Bermudes, à Puerto Rico, sur les Iles Caïman, les Iles Vierges, en Australie, en
14
On retrouve des associations de doulas plus ou moins structurées dans la quasi totalité
des pays d'Europe mais c'est en Grande-Bretagne que leur activité est la plus développée
et où elles sont les plus reconnues.
L'une des associations les plus importantes a été créée dans les années 70 par des
femmes, en réponse à l'hypermédicalisation des naissances. (19) Il s'agit du "National
Childbirth Trust" ou NCT, qui fonctionne comme une association de charité : des parents
donnent de leur temps pour organiser des groupes parents-bébés, des réunions autours de
l'allaitement, de discussions autours de la parentalité, allant jusqu'à organiser des cours
de préparation à la naissance. Dans les années 80 par exemple, aucune sage-femme
anglaise ne proposait de préparation dite "naturelle" à l'accouchement comme le
proposait le NCT ; les membres de cette association ont même formé les sages-femmes à
ce type de préparation. Via de telles, les usagers et surtout usagères, ont commencé à
prendre une place dans les services de soins, à l'hôpital (non sans quelques ″frictions″
avec le monde hospitalier). Les plus actives pouvaient suivre des formations pour
développer certaines de leurs compétences mises au service de l'association ; que ce soit
pour développer leurs connaissances sur l'allaitement ou sur la préparation à la naissance
15
par exemple. Une des formations possibles retrouvée est celle de "Childbirth Educator"
qui se déroule sur plusieurs années un peu comme une formation continue. Ces
"Childbirth Educator" sont les ancêtres des doulas.
Le fait que des doulas fassent déjà partie intégrante des services de maternité et qu'elles
y soient respectées expliquent probablement leur meilleure acceptation dans les salles de
naissances par les sages-femmes anglaises. Le NCT est aujourd'hui une association
reconnue d'utilité publique en Angleterre, qui a un avis consultatif sur la politique de
santé menée par les ministères.
Autriche 76.925 NR 53 50 10 à 15 € / h
16
PP = 250 €
20 à 40 € /
visite
15 à 30 € /visite
post partum
Un peu partout en Europe, l'activité des doulas commence à se mettre en place. Les
différentes associations de doulas d'Europe sont en passe de créer une association
européenne de doulas : "Doulas d'Europe". Mais même en Angleterre où l'intégration
des doulas au paysage obstétrical semble s'amorcer, l'activité des doulas y reste encore
très limitée, comme partout en Europe, et comme en France.
D’après le recensement fait par DdF en France, il y avait 42 doulas en exercice et 150
apprenties doulas en 2007.
Pour ALNA, une accompagnante à la naissance doit impérativement être une femme
ayant accouché et allaité son enfant.
Ce texte définit également les relations accompagnante/accompagnés qui sont basées sur
le respect, la discrétion, l’humilité et la liberté. Il définit également les relations
accompagnante/équipe médicale en réaffirmant qu’elle ne peut pratiquer aucun acte
médical, qu’elle ne peut s’opposer à aucune décision médicale et que son entrée en salle
de naissance ne peut se faire qu’en accord avec la sage-femme. Ce code définit enfin les
relations entre accompagnantes et leur obligation de secret professionnel.
L’association «Doulas de France» a été créée en février 2006, initialement sous le nom
«Doula, Accompagner la naissance», afin de réunir les femmes souhaitant proposer aux
couples un accompagnement non médical à la naissance. En octobre 2006, cette
association comptait 136 membres.
Sur le site de cette association, un annuaire des doulas a été mis en ligne. A l’heure
actuelle, c’est le principal annuaire de doulas françaises disponible. Début 2007,
l’association comptait en son sein 21 doulas en service et 66 doulas en apprentissage.
Une charte a été écrite par des femmes impliquées dans l’accompagnement non médical
à la naissance afin d’énoncer les principes de base de cet accompagnement tel qu’il est
conçu par l’association Doulas de France.
Par cette charte, les doulas s’engagent à être aux côtés des parents qui en ont fait le
choix, et ce dans la continuité. Elle insiste sur cette continuité de l’accompagnement en
post partum, parfois même jusqu’à plusieurs mois après l’accouchement. Elle affirme
que chaque doula exerce selon sa sensibilité, ses limites autour de l’idée que la
grossesse, la naissance, les suites de l’accouchement sont des moments forts dans la vie
d’une famille et qui leurs appartient. Les doulas s’engagent au secret professionnel et ne
proposent pas d’accompagnement religieux à la naissance.
Elles ne sont pas thérapeutes et ne pratiquent aucun acte médical. Leur accompagnement
ne peut se faire qu’en complément d’un suivi médical. Elles ne peuvent assister à un
accouchement sans la présence d’un médecin ou d’une sage-femme. Elles soutiennent le
travail des sages-femmes et travaillent à créer du lien.
Elles appellent à une solidarité entre les doulas et insistent sur la nécessité de formation
continue. Cette charte affirme la neutralité de la doula : elle n’influence pas le choix des
parents selon ses convictions personnelles. En ce sens, la doula ne doit pas précéder la
demande des parents, ni orienter les décisions ou projets des parents dans quelque sens
que ce soit.
Bien qu’il existe une différence de formation entre les accompagnantes à la naissance et
les doulas, leurs modes d’exercices sont similaires.
Pour plus de simplicité, dans le reste de mon travail, j’utiliserai donc le terme plus
général de «doula» qui inclut également les accompagnantes à la naissance.
Après avoir contacté une doula, les parents et la doula organisent un premier
rendez-vous afin de se rencontrer. La majorité des doulas ne font pas payer ce premier
entretien à la suite duquel les parents choisissent de continuer ou non avec cette doula.
Une fois qu’ils se sont choisis, parents et doula se rencontrent au rythme souhaité par les
parents, généralement une fois par mois.
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Ces rencontres peuvent se faire au domicile des parents ou dans un autre lieu proposé
par la doula et peuvent durer une à trois heures, voire plus. Elles permettent aux parents
d’exprimer leurs attentes, leurs peurs, leurs interrogations concernant cet enfant à naître.
Ces visites à domicile sont souvent l’occasion pour la doula de rencontrer les autres
membres de la famille, et tout particulièrement les aînés. Ces rencontres permettent aux
parents et à la doula d’apprendre à se connaître.
La doula est présente à l’accouchement (si c’est le souhait des parents et avec l’accord
du personnel médical le plus souvent). Elle apporte un soutien à la mère par ses paroles,
ses massages, sa présence. Elle peut l’aider par des exercices de relaxation ou au moyen
de positions.
Elle peut également aider le père à trouver et prendre sa place. Elle réconforte, informe
le couple, soutient les parents dans leurs choix. Elle reste le temps nécessaire.
Durant le post partum, la doula est là pour écouter et répondre aux besoins de la mère et
cela parfois plusieurs mois après la naissance. Elle vient lui rendre visite à domicile,
selon ses besoins, après sa sortie de la maternité.
Selon l’Association Doulas de France, 138 naissances ont été accompagnées par une
doula en France (recensement fait en 2006), parmi lesquelles 34% ont eu lieu à domicile,
66% à l’hôpital.
4.2.2. Le coût
Les doulas sont payées par les parents, directement ou via leur association. Elles
exercent soit en profession libérale et à ce titre sont inscrites à l’URSSAF, soit en qualité
de salariée et peuvent être rémunérée via le chèque emploi service universel (CESU) au
titre d’emploi familial.
A l’heure actuelle, aucune reconnaissance de leur activité comme profession n’a eu lieu.
Elles proposent un forfait de 400 à 600 euros en moyenne comprenant les visites
prénatales, leur présence à l’accouchement, les visites postnatales ainsi que leur
disponibilité téléphonique 24 heures sur 24. Beaucoup d’entre elles déclarent prendre en
compte les revenus des parents. (réf. Cahier des doulas)
Dans l’ensemble, les doulas qui débutent proposent généralement leurs premiers
accompagnements gratuitement. C’est en tout cas la position de l’association des Doulas
de France et celle de l’association ALNA pour laquelle durant sa formation,
l’accompagnante à la naissance doit accompagner 3 naissances gratuitement.
La formation théorique dure environ un an. Elle est répartie en 6 modules de trois jours
(soit 18 jours au total), complétée par un travail personnel (rédaction d’un mémoire) et
sanctionnée par une certification nécessairement validée avant toute formation pratique.
La théorie comprend des notions sur l’anatomie, la physiologie de la grossesse et de
l’accouchement, l’allaitement, l’alimentation de la femme enceinte, la diversification
alimentaire du nourrisson, le deuil et le handicap, la place du père et les relations
humaines (notamment l’écoute active). Ces enseignements sont dispensés par divers
intervenants, dont des professionnels de santé.
La formation pratique, d’une durée variable, comporte idéalement un stage auprès d’une
sage-femme libérale pratiquant l’accompagnement global et 3 accompagnements en solo
sans perception d’honoraires. L’accompagnante doit avoir pu observer au moins deux
accouchements et chaque accompagnement fait l’objet d’une évaluation par les parents
mais aussi par les professionnels en charge de l’accouchement.
Il s’agit d’une formation proposée par le Docteur Michel ODENT (obstétricien connu
pour son travail à la maternité de PITHIVIERS selon les préceptes de Frédéric
LEBOYER et tout particulièrement sa pratique des accouchements dans l’eau) et
Lilliana LAMMERS qui travaille à LONDRES en tant que doula.
Cette formation s’adresse aux «Mamans et Femmes qui désirent aider d’autres femmes à
vivre la plénitude de la maternité».
Selon eux, une doula n’a pas besoin de formation spécifique, le fait d’être mère et
d’avoir accouché naturellement suffit, c’est cette expérience qui permet d’accompagner.
23
Elle doit juste pouvoir discuter de certains points avec les parents, afin de les sécuriser
au maximum.
Cette formation Paramanadoula se déroule sur 3 jours et doit permettre à ces femmes de
pouvoir communiquer les informations de base sur la grossesse, l’accouchement et
l’allaitement, leur permettre d’être formées aux premiers secours en obstétrique et de
réfléchir sur leur vécu de la maternité (détail de la formation en Annexe I)
La formation s’adresse à toutes les femmes, qu’elles soient mères ou non, qui ont le
désir d’aider d’autres femmes. Il suffit d’être âgée d’au moins 18 ans et d’avoir obtenu
l’équivalent du brevet des collèges. La partie théorique aborde différents sujets très
divers, depuis la philosophie et la relation d’aide jusqu’à la physiologie obstétricale
(Annexe II).
Ces cours sont dispensés par des accompagnantes expérimentées et incluent des ateliers
pratiques, des discussions et des mises en situations. Au terme de la formation pratique,
24
Cette formation ouverte aux doulas est dispensée par l’Institut en Altérité Maternelle
Appliquée (AMA). Créé en 2004, cet institut dispense 3 cycles de formation :
L’équipe de formation réunie autour du docteur Martine SAVARES comprend des sages
femmes et des thérapeutes AMA expérimentés.
Pour obtenir leur certification AMA, les stagiaires doivent réussir un examen (théorique
et pratique), suivre une des formatrices lors d’un accompagnement de grossesse et d’une
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Les stagiaires ainsi formés sont appelées « AMA », qui signifie « mère » en langue
basque et n’ont aucune fonction médicale, au même titre que les doulas.
Le coût de la formation est de 2.530 euros pour les particuliers, et certains organismes de
formation professionnelle continue peuvent prendre en charge ces frais.
Peuvent également s’ajouter à ces formations, d’autres « outils » autour du yoga, chant
prénatal, portage, haptonomie, psychologie, hypnonatal, secourisme, massage… ainsi
que d’autres formations dispensées par diverses associations.
L’association DDF propose l’étude d’une formation de base commune à toutes les
doulas à travers la France. Elle souhaite offrir aux parents une garantie de sérieux et de
qualité, mais également uniformiser les connaissances des doulas françaises et donner un
cadre à cette activité.
Les cours seraient assurés par des doulas expérimentées. Cette formation de base
compterait 144 heures de programme théorique au total (Annexe IV)
L’apparition des doulas en France est venue ébranler une partie des professionnels de la
naissance, tout particulièrement les sages-femmes.
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Le CNOSF dans le contact SF n°10 de novembre 2005, dénonce la pratique des doulas,
estimant qu’elles «revendiquent en partie notre métier de sage-femme». Il dénonce le
risque que les parturientes accordent une confiance excessive aux doulas, sans apprécier
les limites de leurs compétences ; sachant qu’elles n’ont aucune formation reconnue et
validée en médecine ou en obstétrique.
Les sages-femmes qui cautionneraient l’exercice des doulas s’exposent à des sanctions.
(ref contact SF n°10, nov 2005, p 11, n°12, nov 2006, p 8, n°13 ?)
La position de Chantal BIRMAN est la suivante : «les doulas sont une mauvaise réponse
à un vrai problème de santé», et «la profession de doula est dangereuse aussi bien pour
les femmes, les sages-femmes que pour les doulas elles-mêmes».
Le débat s’était orienté sur les formations des doulas, les raisons de leur apparition, les
écueils juridiques de leur pratique et la possibilité pour chaque femme d’avoir une
sage-femme à ses côtés tout au long de l’accouchement.
Cette confrontation n’avait pas donné lieu à d’autres échanges entre doulas et
sages-femmes.
27
La pratique des doulas, à l’heure actuelle, n’a aucun statut juridique en France. Hormis
la charte de l’association des Doulas de France et le « code de déontologie » de
l’association ALNA qui exposent les principes fondateurs de cette nouvelle activité,
aucun écrit ne pose le cadre de cette pratique.
Peut être accusée d’exercice illégal de la profession de sage-femme, «toute personne qui
pratique habituellement les actes mentionnés à l’article L.4151-1 sans remplir les
conditions exigées…»
Une doula ne peut donc pas, au cours de son accompagnement, proposer de préparation
à la naissance.
Cependant, la doula qui, répondant à la demande des parents, se rendrait à leur domicile
en début de travail sans qu’un professionnel ne soit présent, se place en situation
d’illégalité.
Elle n’est pas en mesure d’évaluer le moment de partir, ni le moment pour appeler un
professionnel (puisque ne disposant d’aucun moyen de diagnostic), et les parents
risquent de s’en référer à la doula. Celle-ci se place alors en situation de surveillance du
travail, rôle dévolu aux sages-femmes.
De la même façon, elle ne devra pas donner de conseil au téléphone ou via Internet avant
le départ des parents pour la maternité.
La doula ne peut donc être présente à un accouchement sans l’accord de celui qui en a
médicalement et juridiquement la responsabilité.
Ce rapport du MIVILUDES de 2006, paru en mars 2007, aborde le thème des doulas
dans sa première partie, concernant l’évaluation des risques et des dérives au sujet des
formations professionnelles et des risques sectaires (réf.).
Ce rapport accueille les doulas avec méfiance en écrivant qu’ «en l’absence de tout
encadrement, ce nouveau métier d’accompagnement à la naissance sur le registre de
l’aide à la relation, pose un certain nombre de questions. …Il peut concerner des
publics vulnérables, qu’il s’agisse des doulas (…) ou des futurs parents (…)».
Ce rapport insiste sur les formations coûteuses et décrit tout particulièrement une
formation assurée par une praticienne en «rebirth».
Le rapport conclut «leur fonction peut les conduire à empiéter sur des compétences de
professions de santé, en particulier sur celles des sages-femmes, et les exposer à des
29
Qu’est ce qui pourrait inscrire cette pratique comme profession ? (cf « statut juridique
des AN » / Vanina EGN 2006)
La création d’un statut spécifique, d’aide à la personne, hors cadre médical ou para
médical, hors bénévolat, avec une formation et une pratique référencées par le ministère
du Travail.
C’est en tout cas le souhait des doulas à l’heure actuelle, qui ont entrepris des démarches
en ce sens auprès des ministères concernés, en tentant d’établir un cursus de formation
de base.
30
Maintenant que nous cernons ce qu’est une doula et en quoi consiste son activité auprès
des couples, nous allons dans cette deuxième partie répondre à la problématique de ce
mémoire qui se définit comme telle : pourquoi les parents font-ils appel à une doula pour
les accompagner durant la grossesse, l’accouchement et le post-partum ? Mes
hypothèses de départ sont, premièrement que ces couples sont socialement isolés, et
deuxièmement, qu’ils recherchent principalement une continuité dans leur
accompagnement.
1. Matériel et Méthode
Pour répondre à cette problématique et vérifier mes hypothèses de départ, j’ai choisi
d’interroger les couples ayant fait ce choix d’accompagnement au travers d’entretiens
semi-dirigés.
Il me fallait entrer en contact avec ces couples susceptibles de répondre à mes questions.
C’est lors des 4èmes journées des Doulas à Paris (*) ainsi qu’aux Etats Généraux de la
naissance à Châteauroux (*) que j’ai pu rencontrer des doulas et des parents ayant eu
recours aux services d’une doula.
J’ai donc réalisé dix sept entretiens sur la période de janvier à juillet 2007. Trois de ces
couples avaient fait appel aux services d’une doula pour deux grossesses. J’ai donc
interrogé ces couples sur un total de vingt accompagnements.
Sachant que selon le recensement de l’association DDF de 2006, cent trente huit
naissances ont été accompagnées par une doula. J’ai donc recueilli les témoignages de
14,5 % des accompagnements réalisés en France. Ces entretiens ont duré de trente
minutes à plus de deux heures, soit une durée moyenne d’entretien d’une heure. Pour
l’un de ces entretiens, j’ai rencontré la femme du couple. Les autres entretiens ont eu
lieu par téléphone, la répartition géographie de ces couples en régions Lyonnaise et
Parisienne ne me permettant pas de les rencontrer directement.
Ce sont les femmes qui ont répondu à mes questions, également celles concernant l’avis
de leur conjoint quant à cet accompagnement, sauf pour trois couples où j’ai pu
m’entretenir avec le conjoint. Chaque entretien s’est déroulé selon le même schéma :
après avoir indiqué qui j’étais, la raison de mon appel ainsi que l’objet de mon travail,
j’ai recueilli le consentement des femmes (et des hommes quand il y a eu lieu) pour ces
entretiens.
Après m’être assurée de leur disponibilité, j’ai expliqué que l’entretien avait deux grands
objectifs : premièrement savoir qui sont les parents qui font appel aux doulas, et
deuxièmement savoir pourquoi ils avaient fait ce choix.
En suivant la même trame pour chaque entretien, j’ai posé des questions, pour la plupart
ouvertes (amenant plusieurs réponses) sur les points suivants (Annexe V) :
● la situation du couple (âge, profession),
● le lien social (lieu de vie et entourage, relations familiales, isolement),
● l’expérience de la maternité (vécu) et le suivi médical,
● L’accompagnement de la doula vu par la femme (quand, comment, pourquoi) et
l’avis du conjoint.
32
2. Résultats
2.1.1 Situation
Les femmes interrogées avaient de 20 à 41 ans au moment où elles ont fait appel aux
services d’une doula. Leur moyenne d’âge sur ces 20 accompagnements est de 33 ans.
Toutes ces femmes vivaient alors en couple avec le père de leur(s) enfant(s).
16 femmes sur 17 ont suivi des études supérieures et elles travaillaient toutes au moment
de la grossesse.
Selon la classification des catégories socioprofessionnelles de l’INSEE (Ref), 11 d’entre
elles exercent une activité de cadre ou profession intellectuelle supérieure, 5 exercent
une profession intermédiaire et 1 est employée. Il en est de même pour leurs conjoints,
ils travaillent tous, et toujours selon l’INSEE, ils rentrent dans la même catégorie que
leurs compagnes respectives sauf le conjoint de la femme employée qui lui est cadre
donc dans la catégorie « profession intellectuelle supérieure ».
On peut noter que 3 de ces femmes travaillent dans l’enseignement et 3 dans le domaine
de la santé.
En ce qui concerne le lieu d’habitation des couples interrogés, une majorité vit en ville
(le plus souvent en appartement), et n’entretiennent que très peu voir aucun rapport avec
leurs voisins ou les commerçants alentours. Ils sont 10 sur 17 dans ce cas. Les 7 autres
couples habitent en campagne ou dans un village. Pour ce qui est de leur intégration à
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leur lieu de vie, 6 couples sur 17 ont emménagé depuis moins de 3 ans dans leur
habitation et s’y sentent plus ou moins bien implantés. 4 couples ont emménagés depuis
plus de 10 ans là où il vivent et se sentent « chez eux ».
Lorsqu’on les interroge sur leur famille, 10 couples sur 17 déclarent résider loin des
différents membres de la famille ou alors que ceux-ci n’étaient pas disponibles durant la
grossesse. Ils n’ont donc pas été proches de leur famille au moment de la grossesse.
Les 7 autres couples déclarent habiter près de leur famille et entretiennent de bons
rapports avec elle. Cependant, pour ceux qui se sentent proches de leur famille, la
plupart déclarent spontanément que malgré d’excellentes relations, ils ne veulent pas
parler de tout avec leur entourage car ils sont « trop impliqués affectivement », qu’il
« n’y a pas assez de distance » et qu’ils sont « trop dans le jugement ».
D’après les témoignages, c’est donc un peu plus de la moitié des couples interrogés qui
se sont sentis isolés de leur entourage amical et familial durant la grossesse. Ces données
viennent donc confirmer ma première hypothèse de départ qui était que les parents font
appel aux doulas car ils reçoivent peu de soutien social. Cependant, pour un peu moins
de la moitié de ces couples d’autres facteurs doivent rentrer en jeu dans leur choix
d’accompagnement.
Les autres femmes interrogées n’ont pas mené de grossesse à terme depuis leur
accompagnement sauf une qui n’a pas choisi de refaire appel aux services d’une doula.
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Parmi les 6 multipares ayant fait appel à une doula, 4 ont un vécu difficile de leurs
grossesses, accouchement ou suites de couches précédents qui n’ont pas été
accompagnés par une doula. Elles ont de lourds antécédents pathologiques
obstétrico-pédiatriques tels que mort fœtale in utero à terme, IMG tardive, malformation
à la naissance ou hospitalisation de leur enfant en réanimation néonatale suite à un
accouchement difficile.
Ces antécédents ont entraîné des angoisses pendant la grossesse et l’accouchement qui
ont suivi, et pour lesquels elles ont fait appel à une doula. Pour ces 4 femmes c’est
d’ailleurs l’une des raisons principales qui les ont faites choisir l’accompagnement de la
doula.
On peut noter que 2 femmes étaient initialement suivies par un gynécologue et suite à
leur rencontre avec la doula, ont fait suivre leur grossesse par une sage-femme car cela
correspondait plus à leurs attentes quant à la conception de la grossesse comme
« quelque chose de naturel et pas comme une maladie » et aussi pour le « meilleur
relationnel » avec la sage-femme.
La majorité de ces femmes avaient rédigé un projet de naissance afin de préciser leurs
souhaits pour la naissance de leur enfant. 14 grossesses ont fait l’objet d’un projet de
naissance dont 2 suite à la rencontre avec la doula.
On s’aperçoit donc que ces femmes ont toutes fait suivre leur grossesse par un
professionnel de santé et ont bien compris que la doula n’avait aucune compétence pour
suivre une grossesse.
On constate également que même si elles discutent de la grossesse, l’accouchement et
l’après bébé avec la doula, cela ne remplace pas les séances de préparation à la naissance
d’une sage femme. Pour la majorité de ces femmes, la grossesse et l’accouchement
avaient été pensés avant qu’elles ne fassent appel à une doula, et elles avaient en
majorité rédigé un projet de naissance mais pas forcément sous l’impulsion de la doula.
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Après avoir recueilli les informations sur ces couples synthétisées plus haut, je leur ai
demandé à quel moment de leur grossesse et pour quelle(s) raison(s) ils avaient fait
appel à une doula.
Pour 8 femmes, la doula leur a été recommandée par une amie ou via une association
(association soutenant l’allaitement maternel ou association autour de la parentalité).
6 femmes ont contacté une doula sur les conseils d’une sage-femme ou d’un médecin et
4 ont trouvé une doula via Internet, grâce à un article de magazine ou un prospectus. Les
2 restantes ont recontacté la doula qui les avait accompagnées pour une première
grossesse.
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Toutes sauf 4 avaient déjà entendu parler des doulas avant d’en contacter une. Parmi les
4 qui n’en avaient jamais entendu parler, 3 avaient demandé les services d’une doula sur
la demande de la sage-femme.
On peut donc voir que les femmes ont contacté la doula assez tôt dans la grossesse, que
la plupart en avaient déjà entendu parler avant et y étaient favorables.
5 de ces femmes déclarent avoir fait appel à une doula car elles n’avaient pas
trouvé de sage-femme pratiquant l’accompagnement global (ref) pour suivre leur
grossesse, 3 autres car elles ont été déçues par leur première rencontre avec le
praticien qui suivait leur grossesse, qu’elles ont eu « une première rencontre
déconcertante » : elles cherchaient quelqu’un de « plus disponible », plus « à
l’écoute ». Elles avaient besoin de sentir qu’une personne était disponible pour
elles, une « présence » pendant la grossesse et surtout l’accouchement. Elles
voulaient être sûres que quelqu’un pourrait rester avec elle pendant toute la
durée du travail, sans interruption, notamment pour « les aider à face à la
douleur ».
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2 de ces femmes sont d’origine étrangère et arrivées depuis peu en France au moment de
leur grossesse : elles ne maîtrisaient pas bien le français et étaient par conséquent assez
isolées.
Une autre de ces femmes est arrivée dans une région où elle ne connaissait personne à 4
mois de grossesse. Une autre a du rester alitée dès le début de sa grossesse et ne trouvant
ni sage-femme libérale ni sage-femme de PMI pour rompre son isolement, s’est
finalement tournée vers les services d’une doula.
D’autres femmes, malgré leur entourage, avaient besoin d’être accompagnées par
« quelqu’un d’extérieur », qui ne pouvait être ni leur mari, ni une personne de leur
famille. La trop grande implication émotionnelle, affective de leurs proches rendaient
leur soutien contre-productif. Cette proximité avec leur entourage créait des « tensions »
notamment pour celles qui avaient vécu la perte d’un enfant (mort fœtale, IMG…). Leur
entourage se trouvait alors dans l’incapacité de les soutenir.
J’ai donc demandé à chacune de ces femmes si une autre personne de leur entourage
aurait pu jouer le rôle de la doula.
Elles sont 15 à me répondre que non, la doula ne pouvait être que quelqu’un d’extérieur
car « la doula n’absorbe pas les souffrances comme quelqu’un de la famille », elle doit
être « déconnectée émotionnellement ». Les proches (familles et amis) ont des liens
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affectifs avec le couple et « projettent leur histoire sur la leur ». « La doula n’est pas
investie dans le couple ou la famille ».
Pour elles, la doula est forcément extérieure à la famille, au réseau d’amis, care elle doit
être « neutre », « sans jugement ». De plus, « on ne dit pas les mêmes chose à sa famille
qu’à la doula », « on ne lui pose pas les mêmes questions ».
Ces femmes soulignaient aussi le fait que personne dans leur entourage n’avait autant
d’expérience ou de formation que la doula. « Pour être doula, il faut avoir des
connaissances, de l’expérience » que n’a pas l’entourage.
Les deux autres femmes qui considèrent qu’un autre membre de leur entourage aurait pu
jouer le rôle de la doula m’ont précisé qu’au moment où elles avaient fait appel à la
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doula, cette autre personne était dans l’incapacité de les accompagner : « c’est le rôle de
l’entourage mais là, ce n’était pas possible ».
« Etre accompagnée par une doula, c’est rentrer dans un réseau, savoir comment les
autres femmes ont fait ».
La doula représente une sorte de « substitut maternel » ; ce rôle ne pouvant être joué par
la propre mère de la femme en raison du « décalage générationnel ».
Pour ces 4 femmes d’ailleurs, les 3 raisons principales qui ont fait choisir une doula aux
autres femmes rentrent en compte :
Elles recherchent une continuité par rapport à leur histoire, un soutien émotionnel et
elles cherchent à rompre un certain isolement aussi car, malgré la présence de leur
entourage, les moments douloureux qu’elles ont vécu pour leurs grossesses et
accouchements précédents ont également affectés cet entourage. Leurs conjoints ou leurs
propres mères, évitant de transmettre à la future maman leurs angoisses et leur chagrin,
s’en éloignent un peu, « chacun est isolé dans sa peine ».
Dans ces cas particuliers, la continuité de l’accompagnement était une nécessité pour ces
femmes. Il fallait que quelqu’un connaisse leur histoire le jour de l’accouchement car
« elles ne se voyaient pas expliquer qu’elles avaient perdu un enfant lors de
l’accouchement, et qu’elles redoutaient particulièrement les moment qui allaient suivre,
entre deux contractions en arrivant à la maternité ». De plus leurs antécédents les
avaient fait choisir une maternité de niveau III pour accoucher, car elles ne voulaient pas
« être séparées de leur enfant si jamais il devait avoir besoin de soins spécifiques ». Par
conséquent, la taille de l’équipe et l’organisation ne permettait pas l’accès au plateau
technique à une sage-femme libérale pratiquant l’accompagnement global. Elles avaient
donc choisi d’être accompagnées par une doula.
L’une souhaitait éviter une anesthésie péridurale par la présence continue qu’offrirait la
doula. Une autre ne souhaitait pas « être écrasée par le médical » pour la grossesse et
l’accouchement de ses jumeaux, et pensait que la présence d’une doula lui permettrait
d’être soutenue dans ses choix. Pour elle, le simple fait d’avoir choisi une doula pour
être accompagnée durant l’accouchement, signifiait à l’équipe médical qu’elle ne
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Une autre femme a même indiqué qu’elle souhaitait la présence d’une doula lors de
l’accouchement pour des raisons de « sécurité ». La doula pourrait jouer un rôle de
« veille et d’alerte auprès de la sage-femme » durant l’accouchement, expliquant que
pour la naissance de son 1er enfant, les sages-femmes étaient « débordées » et qu’elles
n’avaient « aucun temps à lui consacrer » car il y avait trop de naissances simultanées.
A noter que 4 des femmes que j’ai interrogé ont eu recours aux services d’une doula à la
demande de la sage-femme, et qu’elles n’en ressentaient pas le besoin à ce moment là.
Après avoir recueilli les motivations des femmes, je leurs demandais quel avait été l’avis
de leurs conjoints sur les services de la doula et comment ils avaient vécu cet
accompagnement. Pour 3 de ces hommes, j’ai pu leurs poser ces questions directement.
Pour ces 20 grossesses, c’est toujours sur l’initiative de la femme que ces couples ont
faite appel à une doula, sauf pour un couple où c’est l’homme qui sur les conseils d’un
médecin, l’a proposé à sa compagne. Les hommes ont dans l’ensemble accueilli cette
proposition assez favorablement, sans pour autant en ressentir personnellement le
besoin.
3 ont d’abord été « septiques » vis-à-vis de la doula, ne comprenant pas bien son rôle. Ils
trouvaient « l’idée farfelue ». Ils avaient « l’impression que la doula faisait le travail de
la sage-femme » et trouvaient ses services trop chers. Cette impression est partagée par
les couples qui ont fait appel à une doula sur la demande de la sage-femme, lors d’une
démarche d’accouchement à domicile et de suivi global. Comme leurs compagnes, ce
n’est que dans un deuxième temps, une fois qu’ils ont pu rencontrer la doula, qu’ils ont
apprécié ses services. Parmi ces hommes septiques, il y en a même un qui a témoigné
pour soutenir l’activité des doulas.
Pour la quasi-totalité de ces hommes (15 sur 17), la présence de la doula les a rassurés.
Certains étaient « perdus » face à la grossesse, l’accouchement surtout. La présence
d’une doula a été « réconfortante », « déculpabilisante ». Par sa disponibilité et la
relation de confiance qu’elle avait établie avec le couple, elle permettait à l’homme de
« parler et de se confier librement ». La plupart des couples ont rencontré la doula à 3
-la femme, le père et la doula- plusieurs fois durant la grossesse. Quelques-uns ont
même rencontrés la doula seuls. Pendant la grossesse, elle a permis à ces hommes de
« se décharger de leurs angoisses et de certains souvenirs », notamment pour ceux qui
avaient vécu des situations difficiles (IMG, MFIU,…). Certains ne voulant pas
« rajouter leurs angoisses à celles de leurs femmes », étaient restés « un peu en retrait »
jusqu’à l’intervention de la doula.
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Pour un des couples, l’accompagnement de la doula a même été motivé par la situation
du papa, même si c’était aussi sur l’initiative de la femme qu’ils avaient fait appel à la
doula. Pour le père, il s’agissait d’un premier enfant alors que c’était le troisième pour sa
compagne. Selon elle, « il a pu poser toutes les questions qu’il a voulu à propos de la
grossesse, de l’accouchement ». Il a également pu « reparler de l’accouchement et de
l’arrivée du bébé après ».
Pour bon nombre d’entre eux, la doula a été une aide lors de l’accouchement. Ils disent
avoir été plus « sereins », plus « à l’aise », « plus cool car ils n’avaient aucune
obligation ».
5 de ces hommes estiment que l’accompagnement de la doula était nécessaire car leur
compagne avait besoin d’une femme à ses côtés pendant la grossesse et à
l’accouchement ; que c’était un « boulot de femme », qu’elles se racontaient des
« histoires de femmes ». Sans se sentir exclu, ils estimaient qu’ils n’apportaient pas les
mêmes choses à leurs compagnes.
Ces hommes étaient impliqués dans la grossesse et présents à l’accouchement. Seul un
des pères n’a pas souhaité assister à l’accouchement, sur décision conjointe du couple.
Certains hommes déclaraient que la doula les avait aidés à « comprendre leurs femmes
au moment de l’accouchement », que leurs compagnes étaient « dans un autre monde ».
2 d’entre eux m’ont déclarée qu’ils « auraient presque pu ne pas être là à
l’accouchement ». Ils n’ont pas eu le sentiment de pouvoir entièrement les soutenir.
Leurs compagnes étaient « déconnectées » à ce moment là, et seule la présence d’une
autre femme leurs est apparue comme nécessaire.
Un des pères a eu « l’impression qu’on lui prenait sa place » selon sa femme. Pour elle,
elle avait tout aussi besoin de son soutien au moment de la naissance de leur enfant que
du soutien de la doula.
Hormis les sentiments mitigés de ces 3 pères, l’accompagnement de la doula a été vécu
très positivement. Elle leurs a apporté le soutien nécessaire pour « jouer leur vrai rôle de
père » et en leur permettant de soutenir leurs compagnes. Pour les couples que j’ai
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interrogé, la doula a accompagné la future mère mais aussi le futur père. C’est un réel
accompagnement du couple.
2.2.4. Conclusion
Après analyse de ces entretiens et étant donné le faible échantillon de couples interrogés,
je ne peux extrapoler ces résultats à l’ensemble des parents faisant appel à une doula.
Cependant, j’ai pu établir quelques points communs à tous ces couples. En effet, tous
appartenaient à la classe moyenne ou supérieure de la société et travaillaient tous. La
majorité de ces couples s’est sentie isolée durant la grossesse et les autres, malgré un
entourage présent, ne pouvaient être soutenus par leurs proches.
Les femmes interrogées pouvaient se caractériser soit par une faible expérience pour les
primipares, soit par un mauvais vécu de leurs grossesses et accouchements précédents
pour les multipares. Il s’agissait bien souvent de ces femmes étant assez informées dans
le domaine de la périnatalité ou membres de réseau d’usagers ; la plupart connaissaient
l’existence des doulas avant leur grossesse.
Un tiers de ces femmes ont accouché à domicile ; c’est une forte proportion en
comparaison avec la population générale (environ 1‰ d’accouchements à domicile).
Pour autant, toutes les femmes qui ont fait appel à une doula n’étaient pas à la recherche
d’un accouchement dit « naturel ».
Les raisons évoquées pour avoir fait appel à une doula étaient de 3 ordres : la continuité
des soins (globalité de l’accompagnement), l’isolement et le soutien émotionnel. Bien
souvent, la doula a joué un rôle que personne d’autre dans leur entourage n’aurait pu
jouer et elle a également fait office de figure maternelle. Quelques parents ont également
fait appel à la doula comme source d’informations ou comme médiateur avec le monde
médical. La doula a aussi été d’un grand soutien pour la majorité des pères.
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Mes hypothèses de départ, à savoir que les couples faisaient appel aux doulas car
premièrement, ils étaient socialement isolés et deuxièmement ils recherchaient une
continuité dans l’accompagnement, ont donc été confirmées. Cependant, les raisons qui
ont amené ces couples à s’offrir les services d’une doula sont plus variées. Pourtant, les
doulas interviennent dans l’histoire de chaque couple, le plus souvent pour répondre à un
besoin.
Nous allons maintenant dans une troisième partie confronter ces résultats au contexte
actuel de notre société et tenter de situer l’apparition des doulas auprès des couples.
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2. L’évolution de la société
2.1. L’individu
- physiologie de la naissance
- les échographies
- la vie fœtale
- l’allaitement
- la doula en Angleterre…
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- la relation d’aide
- le bébé en siège
- le rôle de l’accompagnante
- projet de naissance
- massage périnéal
53
- cas spéciaux
En France
Il s’agit d’une formation destinée aux doulas avec des informations sur la
pré-conception et la conception, la grossesse, l’accouchement, l’après naissance
et l’activité de la doula.
Cette formation est organisée sur la base d’une prise de contact suivie de neuf
séances correspondant symboliquement aux neuf mois de gestation. Le concept
de «rebirth» développe l’idée que nos limitations et nos peurs sont liées aux
circonstances de notre gestation et notre naissance.
A l’Etranger
- DONA International
Contexte juridique
Le contexte émotionnel
Questionnement sur sa pratique, travail sur ses propres accouchements et son vécu de
mère (recul sur sa propre expérience)
La prématurité, le deuil
La physiologie de la lactation
Douleurs et difficultés (positions pour allaiter, les crevasses, faire face aux baisses de
lait…)
L’alimentation au biberon
Limites juridiques
Comment s’organiser et prévoir sa disponibilité, impact sur la vie de famille, sur sa vie
de Femme
La dépression du post-partum