Vous êtes sur la page 1sur 99

GENRE ET EDUCATION

A MADAGASCAR
RAPPORT
Remerciements
Table des matières

PAGE
ACRONYMES 1
CHAPITRE 1 : INTRODUCTION 1
1.1. Introduction et justification 2
1.2. Cadre théorique de l’étude 4
1.3. Objectifs de l’étude et résultats attendus 5
1.4. Structure du rapport 6
CHAPITRE 2 : METHODOLOGIE 6
2.1. Introduction 6
2.2. Principes de base pour la sélection des sites d'enquête 6
2.3. Caractéristiques des sites 7
2.4. Population d'enquête et méthodes utilisées 8
2.5. Déroulement des travaux 8
2.5.1. Elaboration des outils de collecte des données 9
2.5.2 Formation des équipes d'enquête 9
2.5.3 Enquêtes sur le terrain 11
2.5.4 Traitement, analyse des données et élaboration des rapports 12
2.6. Questions liées à l'éthique 13
2.7. Limites de l'étude 15
CHAPITRE 3 : CONTEXTE GLOBAL 15
3 .1 . Profil du pays 15
3.1.1. Vue d’ensemble 16
3.1.2. Le système éducatif malgache, dans un prisme « genre » 17
3.1.3. Performances du système éducatif et équité de genres : un aperçu du niveau national 19
3 .2 . Profil des districts 19
3.2.1. District d'Antananarivo Renivohitra 20
3.2.2. District de Toamasina I 21
3.2.3. District de Fandriana 21
3.2.4. District de Toliara II 22
3.2.5. District de Mampikony 23
3.2.6. District de Vangaindrano 23
3 .3 . Profil des écoles 24
3.3.1. Aperçu général des écoles 24
3.3.2. Les infrastructures 25
3.3.3. La performance 26
3.3.4. L’encadrement 28
CHAPITRE 4. GENRE ET QUALITE DE L'EDUCATION A L’ECOLE 28

4.1. Analyse des manuels scolaires dans une perspective de genre 28


4.1.1. Les stéréotypes liés aux rôles féminins et masculins 32
4.1.2. Implications des résultats de l’analyse de contenu 33
4.2. Genre et perceptions de la communauté scolaire 34
4.2.1. Perceptions et attentes de la communauté scolaire 37
4.2.2. Attitudes et pratiques sexuées à l'école 39
4.2.3. Pratiques positives qui promeuvent l'égalité entre les sexes 42
CHAPITRE 5. GENRE ET EDUCATION AU SEIN DE LA FAMILLE/COMMUNAUTE 42
5.1. Perceptions et attentes relatives à la scolarisation des filles et des garçons 42
5.1.1. Représentations associées à l’école 42
5.1.2. Perceptions et attentes sexuées 44
5.2. Pratiques relatives à l’égalité entre les sexes 47
5.2.1. Pratiques négatives au sein de la famille 47
5.2.2. Pratiques positives au sein de la famille et de la communauté 49
CHAPITRE 6 : PERCEPTIONS DES ELEVES RELATIVES A LEUR VIE SCOLAIRE 53
6 .1 . Les représentations associées à l'école 53
6.1.1. Les principales raisons pour étudier 53
6.1.2. A propos des ambitions des écolier(e)s et adolescent(e)s 54
6.1.3. A propos de l'abandon scolaire 55
6.2. L'expérience de l'école par les élèves et les adolescent(e)s 57
6.2.1. La violence à l'école, une préoccupation majeure des élèves 57
6.2.2. Eléments perçus comme inappropriés à leur apprentissage et à l'égalité entre les sexes 60
6.2.3. Eléments perçus appropriés à leur apprentissage et à l'égalité entre les sexes 63
6.2.4. Les préférences particulières des élèves 65
6.3. Appréciations des pratiques au sein de la communauté 69
6.3.1. A propos de l'engagement des parents 69
6.3.2. A propos du suivi 70
CHAPITRE 7 : SYNTHESE ET DISCUSSIONS 74
7.1. L’inégalité de genre à Madagascar. 74
7.2 Situation en matière d’éducation dans les districts sélectionnés. 75
7.3. Les facteurs d’offre et l’inégalité de genre. 76
7.4. Les facteurs exogènes au milieu scolaire. 77
7.5. Les facteurs endogènes au milieu scolaire 82
7.5.1. Pédagogie 82
7.5.2. Gestion pédagogique et genre 84
7.5.3. Intériorisation des stéréotypes de genre par les élèves 84
CHAPITRE 8 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS 87
8.1. Principales conclusions 87
8.2. Recommandations 90
8.2.1 Action sur l’offre et la demande d’éducation scolaire 91
8.2.2 Gestion pédagogique 91
8.2.3. Pédagogie, méthodes et contenus d’enseignement. 93
Acronymes
AGEMAD : Amélioration de la Gestion de l’Education à Madagascar
APC : Approche Par les Compétences
BEPC : Brevet Elémentaire du Premier Cycle
BIT : Bureau International du Travail
C.E : Cours Elémentaire
C.M : Cours Moyen
CEDEF : Convention sur l’Elimination de toutes formes de Discrimination à
l’Egard des Femmes
CEG : Collège d’enseignement Général
CEPE : Certificat d’Etudes Primaire Elémentaire
CFP : Centre de Formation Professionnelle
CISCO : Circonscription Scolaire
CONSPED : Conseiller Pédagogique
CP : Cours ¨Préparatoire
CPRS : Contrat Programme de Réussite Scolaire
DREN : Direction Régionale de l’éducation nationale
EDS : Enquête Démographique et de Santé
EF1 : Enseignement Fondamental niveau 1
EF2 : Enseignement Fondamental niveau 2
EMC : Education de Masse et de Civisme
EMP : Education en Matière de Population
EPP : Ecole Primaire Publique
EPT : Education Pour Tous
ESC : Enquête de Surveillance Comportementale
FIVE : Fikambanana Ivelaran’ny Vehivavy
FRAM : Fikambanan’ny Ray Aman-drenin’ny Mpianatra (Associations des parents
d’élèves)
GDD : Groupe de Discussion Dirigée
GN : Groupe Nominal
HARDI : Harmonisation des Actions pour la Réalisation du Développement Intégré.
IA : Interview Approfondie
IDH : Indice du Développement Humain
INSTAT : Institut National de la Statistique
IPEC: Ilo’s International Program on Elimination of Child labor
IPF : Indice de Participation de le Femme
IRD : Institut de Recherche pour le Développement
MAP : Madagascar Action Plan (Madagasikara Amperin’asa)
MENRS : Ministère de l’Education Nationale et de la Recherche Scientifique
OIT : Organisation Internationale du Travail
OMD : Objectif du Millénaire pour le Développement
ONG : Organisation Non Gouvernementale
PTA : Plan de Travail Annuel
RGPH : Recensement Général de la Population et de l’Habitat.
RN : Route Nationale
TBS : Tableau de Bord Social.
TBS : Taux Brut de Scolarisation
TNS : Taux Net de Scolarisation
UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l’Enfance
ZAP : Zone d’Appui Pédagogique
Chapitre 1 : Introduction

1.1. Introduction et justification


Madagascar a placé le secteur de l’éducation au coeur des priorités de sa politique de
développement. Conformément aux objectifs de l’Éducation Pour Tous (EPT), le Ministère de
l’Éducation Nationale (et de la Recherche Scientifique (MENRS)) s’est assigné comme objectif
principal l’accès de tous les enfants malgaches à une éducation fondamentale de qualité pour
laquelle il a engagé une réforme majeure. Les chiffres montrent que le pays a réalisé des avancées
considérables en matière d’éducation avec des taux élevés de scolarisation à l’école primaire,
particulièrement dans le courant des dix dernières années, témoignant des efforts investis.
Classée au 143ème rang sur 177 à l’indice de développement humain, Madagascar compte au
nombre des pays pauvres et très endettés (PPTE). Des politiques de développement à long terme
ont été initiées et portent des fruits, notamment dans le secteur de l’éducation. La stratégie de
développement du secteur éducatif malgache a été endossée par les partenaires techniques et
financiers locaux à l’initiative de mise en œuvre accélérée de l’éducation pour tous (IMOA, ou
initiative Fast-Track). Des progrès considérables ont été accomplis en éducation. Aujourd’hui,
l’accès à l’école est près d’être généralisé pour tous les enfants. La rétention est encore en deçà
des espérances, mais le taux de survie en 5ème année, en forte progression depuis le début de la
décennie, est désormais proche de la moyenne africaine (67 % contre 70 % en moyenne
africaine). Les salaires enseignants sont modestes au regard de leur niveau dans des pays
comparables. Le ratio élèves / maître, encore élevé (54), est en diminution. Le taux moyen de
redoublement à l’école primaire, en revanche, reste sensiblement élevé (18 %).
Par rapport à la thématique qui nous intéresse, le genre, les indicateurs quantitatifs montrent
qu’au niveau national, le pays ne connaît pas de disparité significative entre les filles et les
garçons. En termes d’effectifs, le pays compte 96 filles scolarisées pour 100 garçons scolarisés
avec un taux de rétention en 5ème année du primaire quasi-égal pour les deux sexes (près de
40%). De plus, les classes étant mixtes, les filles sont soumises aux mêmes programmes scolaires
que les garçons. Enfin, le personnel enseignant des écoles primaires comprend une majorité de
femmes, ce qui est inhabituel en Afrique.
Pourtant, l’examen local de données désagrégées montre,dans certaines zones, la persistance
d’une forte inégalité de genre dans les scolarités. Des données par province témoignent d’une
situation disparate :
Disparités entre garçons et filles au niveau des Provinces, de l’accès au primaire à
l’achèvement du premier cycle secondaire 1

Provinces Accès primaire Rétention primaire Achèvement primaire Transition PS1 Accès Sec1 Rétention Sec1 Achèvement Sec1
Antananarivo 0,988 1,045 1,033 0,861 0,886 0,964 0,851
Antsiranana 1,012 0,857 0,866 1,282 1,102 0,707 0,780
Fianarantsoa 0,935 1,154 1,072 0,809 0,805 0,707 0,560
Mahajanga 1,194 0,735 0,869 1,696 1,418 0,635 0,810
Toamasina 1,094 1,117 1,221 0,671 0,796 1,544 1,149
Toliara 1,024 1,194 1,207 0,810 0,977 1,093 1,038
Rappel national 1,01 1,08 1,10 0,92 1,01 0,88 0,89

1 Les disparités filles / garçons au sein du système éducatif malgache, Alain Mingat et Francis Ndem, Septembre 2008

1
La réalité des différentes CISCO du pays offre des contrastes marqués. L’objet de cette étude est
précisément d’interroger ces disparités de genre au niveau local, afin d’en déterminer les
principaux facteurs et d’imaginer les réponses politiques qui pourraient leur être apportées.
Sur le plan de la qualité de l’éducation, plusieurs questions se posent également, en ce qui
concerne la prise en compte de la dimension genre : l’enseignement dispensé et l’environnement
scolaire répondent-ils aux besoins des filles et des garçons ? Respectent-t-ils et encouragent-t-ils
le principe d’égalité ? Qu’en est-il des stéréotypes de genre dans l’éducation ? Dans quelle mesure
influent-t-ils sur la construction de la personnalité et le tour que prendront la vie des filles et des
garçons ?
De ce fait, et pour pouvoir prendre les mesures correctives qui s’imposent, il nous faut : (i)
identifier avec plus de précision les disparités de genres en matière d’éducation qui persistent au
niveau des régions et les facteurs qui y contribuent ; (ii) appréhender les éléments liés à
l’environnement scolaire qui incluent des stéréotypes de genre et, ce faisant, altèrent la qualité de
l’éducation et réduisent les opportunités offertes aux filles et aux garçons. C’est à ces conditions
que tous les enfants, filles et garçons, pourront avoir un accès égalitaire à l’école, effectuer la
totalité de leur cycle d’éducation primaire, s’épanouir et se développer sans discrimination de sexe
pour la pleine réalisation de leur potentialité.
En effet, à ce jour, nous ne disposons pas d’analyse des disparités de genres, au niveau des
régions, dans le domaine de l’éducation. Les rares études de cas qui existent sur la dimension
« genre » du programme et de l’environnement scolaires ont quant à elle une couverture
thématique et/ou géographique trop faible pour permettre de prendre les décisions qui
s’imposent pour favoriser une meilleure intégration de l’égalité et de l’équité entre les sexes dans
l’éducation.
Pour remédier à cette situation, l’UNICEF, en concertation avec le MENRS, a décidé de mener
une étude « Genre et éducation dans les écoles primaires » dans les sites d’Antananarivo, Fandriana,
Mampikony, Toliara II et Vangaindrano, qui présentent des disparités en défaveur des filles ou
des garçons par rapport à un site témoin où il n’y a pas d’écart, Toamasina. Elle a pour objectif de
formuler des recommandations spécifiques pour les régions qu’ils représentent et, au besoin,
pour l’enseignement en général, pour une amélioration de la qualité de l’éducation conçue
comme devant davantage répondre aux besoins respectifs des filles et des garçons.
1.2. Cadre théorique de l’étude
Cette section définit la terminologie utilisée dans le rapport et résume les principaux points
retenus de la revue de la littérature relative à la thématique « genre et éducation ».
Terminologie
Traduit de l’anglais « gender », le « genre » est un raccourci de l’expression « rapports sociaux de
genre » et se réfère « […] aux différences sociales et aux relations sociales entre les hommes et les
femmes »2. Le terme « sexe » renvoie classiquement à trois acceptions différenciées,
chromosomique, physiologique et sociale. Le terme « genre » ne renvoie qu’à la troisième
acception, désignant une construction sociale d’attitude différenciées. La littérature
francophone utilise parfois l’expression « rapports sociaux de sexe » et insiste sur « la
construction sociale du (ou des) sexe(s) » pour parler du concept de genre (AIF, 2000). Pour notre
part, lorsque le terme « sexe » est utilisé, il l’est dans son acception renvoyant à la construction
sociale des comportements.
Lié à cette construction sociale, le « stéréotype de genre/de sexe » est ce portrait des rôles
sociaux traditionnellement dévolus aux femmes et aux hommes, transmis de manière consciente

2 ABC of Women Worker’s Rights and Gender Equality, OIT, p. 47.

2
et inconsciente par les différents acteurs de socialisation et qui sont reçus et appris de la même
façon. La littérature abonde pour montrer comment les stéréotypes de genre sont à l’œuvre
dans la façon de traiter les filles ou les garçons à la maison, à l’école ou dans les groupes de
pairs. C’est donc à juste titre qu’on parle d’éducation épicène pour désigner « une éducation qui
s’adresse aussi bien aux filles qu’aux garçons et encouragerait le développement du potentiel de chacun-e sans
se référer à des qualités dites féminines ou masculines » (AIF, 2000). L’objectif est ainsi de parvenir à
l’ « égalité entre les genres/sexes », expression qui recouvre « la notion selon laquelle tous les êtres
humains, hommes et femmes, sont libres de développer leurs aptitudes personnelles et de faire leurs propres
choix, sans qu’ils ne soient bridés par les stéréotypes, la division rigide des rôles et les préjugés » (OIT, 2000).
Revue de la littérature
La littérature sur l’éducation analysée dans une perspective de genre est relativement récente
mais offre des pistes de recherche intéressantes. Les hypothèses de travail de la présente étude
seront définies sur la base des conclusions de ces recherches.
Une revue de la littérature sur la « sous-scolarisation » des filles en Afrique francophone permet
de dégager quelques hypothèses sur les facteurs favorisant les disparités de genre en matière
d’éducation, premier thème de notre recherche. La pertinence des causes de discrimination
identifiées pour le cas de Madagascar peut être analysée à travers: (i) la concurrence entre école et
activités domestiques, agricoles et informelles (Marcoux, 1998 ; Gastineau, 2003) ; (ii) les
structures familiales, dans la mesure où les ménages de grande taille peuvent compter sur des
individus autres que les petites filles pour exécuter des tâches qui leur sont habituellement
dévolues dans les petits ménages3 ; (iii) l’absence de retour de l’investissement des parents dans la
scolarisation des filles, la division du travail et la structure de l’emploi, qui réservent souvent aux
femmes des activités moins valorisantes, moins qualifiées et moins rémunérées ou bien qui
assignent exclusivement aux garçons un rôle d’assurance vieillesse et d’assurance risque vis-à-vis
des parents.
S’agissant de notre deuxième thème d’investigation, des études empiriques sur la qualité de
l’éducation dans une perspective de genre nous montrent que dans ses exigences pédagogiques et
dans l’évaluation des comportements, l’école continue de produire des différences sexuées et ce,
en dépit de la progression spectaculaire de la scolarisation des filles (Desplats, 1989 ; Duru-Bellat,
M. 1990 et 1995; Baudelot et Establet, 1992 et 2000; Dafflon Novelle, A., 2006). A l’échelle
mondiale, y compris dans les pays développés, « L’égalisation d’accès n’engendre pas l’égalisation des
chances. Un progrès absolu s’accompagne souvent d’un accroissement des écarts relatifs » (Baudelot et Establet,
2000).
Les conclusions des investigations récentes menées dans une école primaire publique de la
capitale de Madagascar rejoignent celles de Dafflon (2002) : (i) les enfants des deux sexes
continuent à être élevés différemment ; (ii) l’école intègre les représentations des rôles sociaux de
genre de notre temps et les divisions et exclusions qu’elles entraînent ; (iii) les instituteurs(trices)
pensent que l'égalité des chances entre filles et garçons est un fait acquis sur la plan de l’éducation
mais continuent d’obéir à des stéréotypes de genre et les reproduisent dans leur façon de traiter
les élèves des deux sexes ; (iv) par réaction, les élèves s’orientent vers des comportements et
préférences « appropriés » à leur sexe. C’est dire à quel point le caractère épicène de l’éducation,
dimension souvent occultée dans les études menées au niveau du pays, est loin d’être acquis
(Ravaozanany, N. 2007).
Enfin, l’analyse faite à partir des données brutes de l’Enquête Démographique et de Santé (EDS)
de 2003 montre l’influence de la scolarisation sur les comportements démographiques.
L’éducation permet généralement de reculer l’âge au mariage et à la première naissance, ce qui

3On parle également de la « substituabilité » des femmes et des enfants dans l’accomplissement des tâches
domestiques avec des impacts positifs sur la scolarisation des filles et des garçons (Wakam, 2003)

3
influe positivement sur le statut de la femme et donc sur la réduction des inégalités de genre. Mais
les effets de la scolarisation sur l’entrée en vie sexuelle, féconde et maritale des jeunes femmes
sont plus ou moins marqués selon les provinces, en raison du poids des normes en matière de
sexualité et de fécondité qui constituent un obstacle à la scolarisation des filles (mariages et
fécondité précoces).
Implications sur le cadre conceptuel de la recherche
Nous considérons que les conditions d’apprentissage sont discriminatoires lorsque les parents, les
éducateurs et la communauté manifestent des points de vue, attentes, attentions et réactions
différenciés selon le sexe à l’égard des enfants. Au contraire, elles sont en faveur de l’égalité entre
les sexes lorsque : (i) elles sont exemptes de pressions reposant sur le genre et encouragent le
développement des potentialités de chacun(e) sans être influencé par des stéréotypes de sexe ; (ii)
elles incitent des rapports conviviaux et respectueux entre filles et garçons, excluant toute forme
de domination et de violence. De ce fait, le cadre conceptuel de l’étude se focalisera sur les
perceptions de chacun des acteurs et sur le vécu de leurs relations au sein de la famille, de l’école
et de la communauté.
Les données recueillies relatives aux perceptions de la famille/communauté, des membres de la
communauté scolaire et des enfants dans et en dehors du système scolaire seront confrontées /
corroborées avec les statistiques sur l’éducation et les données communautaires. Les observations
directes dans les écoles et les enquêtes ménages permettront de vérifier si les opinions exprimées
par les enseignants et les parents s’inscrivent dans les faits et de compléter les « non dits ». Les
résultats seront interprétés à partir des théories validées dans le domaine traité qui auront été
identifiées au moyen de la revue de la littérature existante.
Les investigations seront menées dans des sites qui présentent des disparités en défaveur des filles
ou des garçons (Antananarivo, Fandriana, Mampikony, Toliara II et Vangaindrano) et dans un
site témoin où il n’y a pas d’écart (Toamasina), à travers des enquêtes quantitatives et qualitatives
principalement. Elles porteront sur la prise en compte du genre dans l’éducation primaire (en vue
de recommandations), mais tiendront compte de la transition du primaire au collège et du collège
au lycée.
1.3. Objectifs de l’étude et résultats attendus
L’étude a pour objectif de mettre en lumière l’aspect « genre et éducation » à partir de données
recueillies dans des sites sélectionnées parce que présentant encore de fortes disparités et
formuler des recommandations spécifiques pour les régions qu’ils représentent et, au besoin,
pour l’enseignement en général, pour une amélioration de la qualité de l’éducation conçue
comme devant davantage répondre aux besoins respectifs des filles et des garçons.
De façon plus spécifique, elle vise à :
 Vérifier et analyser les spécificités régionales en matière de scolarisation des filles et des
garçons dans des CISCO choisies (par exemple, accès, redoublement, survie au primaire et
transition au collège : Existe-t-il des disparités garçons / filles? Des pratiques comme le
mariage précoce ont-elles un effet sur la scolarité ?) ;
 Mettre en lumière les pratiques positives au sein de l’école et la communauté qui promeuvent
l’égalité entre les sexes et les pratiques négatives qui ne favorisent pas l’égalité ;
 Formuler des propositions/recommandations concrètes qui tiennent compte de la situation
actuelle dans l’éducation et de la réforme en cours (des recommandations réalistes).
Des indicateurs seront proposés pour : (i) dresser un état des lieux de l’éducation des filles et de la
prise en compte de la dimension genre ; (ii) constituer une base d’indicateurs permettant de
mesurer la sensibilité au genre du système éducatif. Ces indicateurs devront être simples à

4
comprendre et à mesurer, pour que les autorités éducatives et les enseignants puissent les adopter
facilement. Ils pourront porter sur des questions par rapport aux ménages, aux enfants, et aux
enseignants.
1.4. Structure du rapport
Le présent rapport comportera huit chapitres. La présente introduction en constitue le premier.
Le second chapitre exposera la méthodologie utilisée en précisant les principes de base adoptée
pour la sélection des sites, les modalités opérationnelles de mise en œuvre de l’étude ainsi que ses
limites et faiblesses. Le troisième chapitre situera le contexte national et ceux des districts
sélectionnés par rapport à la thématique traitée. Les deux chapitres suivants analyseront, dans une
perspective de genre : (i) les manuels scolaires ; (ii) les perceptions et pratiques des enseignant(e) s
des responsables des CISCO, de la famille et de la communauté relatives à l’égalité de genres dans
l’éducation. Le sixième chapitre présentera et analysera les perceptions des élèves et
adolescent(e)s scolarisé(e)s et déscolarisé(e) s par rapport à ces pratiques de la communauté des
adultes. La synthèse des résultats ainsi que les conclusions/ recommandations de l’étude
clôtureront le rapport. Ils feront l’objet de deux chapitres distincts.

5
Chapitre 2 : Méthodologie

2.1. Introduction
La méthodologie retenue pour la présente étude a été arrêtée selon un processus itératif ayant
impliqué les mandants de l'étude et l'équipe chargée de sa mise en œuvre, en explorant ensemble
les besoins en informations et les techniques de collecte et d'analyse des données à appliquer pour
garantir la pertinence des conclusions dégagées. Conformément aux termes de référence, la
méthodologie retenue pour la présente étude devait combiner des méthodes quantitatives et
qualitatives, les données quantitatives émanant de la revue de la littérature existante et d'une
enquête ménage et les données qualitatives, des investigations sur le terrain.
Le chapitre qui suit décrit : (i) les principes à la base de la sélection des sites d'enquête ; (ii) les
caractéristiques des districts et écoles sélectionnés ainsi que de la population d'enquête et les
méthodes utilisées pour chaque sous-groupe de population ; (iii) le déroulement des travaux ;
(iv) les questions liées à l'éthique ; (v) les limites de l'étude.
2.2. Principes de base pour la sélection des sites d'enquête
Les sites d'enquête concernent les 6 CISCO ou districts d'Antananarivo Renivohitra, Toamasina I,
Fandriana, Toliara II, Mampikony et Vangaindrano identifiées à partir des données des annuaires
du MENRS de 2001 à 2006 ainsi que des projections 2007 à partir du RGPH 93 (pour le rapport de
masculinité). Chacun de ces CISCO représente une combinaison spécifique des critères définis par
les mandants de l'étude pour le choix des sites d'enquête : (i) disparités en matière de scolarisation
des filles et des garçons (taux d'accès, d'achèvement et de déperdition) ; (ii) localisation
géographique ; (iii) aires socioculturelles de découpage du pays en liaison avec des indicateurs «
genre » pouvant influer sur la scolarisation des enfants et l'application ou non de la stratégie «
filles pour filles »4.
Toutes ces CISCO présentent des disparités en défaveur des filles ou des garçons par rapport à
celui de Toamasina qui représente un site témoin où il n'y a pas d'écart en termes d’accès et de
déperdition.
2.3. Caractéristiques des sites
Six CISCOs ont été retenues pour le déroulement de la présente étude :
- Antananarivo Renivohitra
- Fandriana
- Vangaindrano
- Toamasina 1
- Mampikony
- Toliara 2

4
La stratégie « filles pour filles » consiste à désigner une fille du CM « grande sœur » pour encadrer une fille du CP
« petite sœur ». La grande sœur cherche la petite sœur pour faire le chemin de l’école ensemble, l’aide pour réviser les
leçons, et l’aide à apprendre les règles d’hygiène. L’activité aide les petites filles à surmonter les difficultés scolaires,
familiales et sociales et à être assidue à l’école.

6
Au niveau de chaque CISCO, deux écoles primaires publiques ont été ciblées pour les études de
cas: un site rural/excentré et un site « urbain » dans le chef lieu. A Antananarivo Renivohitra, qui
constitue le seul district urbain uniquement, les études de cas ont porté sur une école primaire du
secteur public et une autre du secteur privé en raison du nombre élevé d'écoles privées localisées
dans ce district.
2.4. Population d'enquête et méthodes utilisées
La population d'enquête était constituée de 3 groupes d'acteurs :
 La communauté scolaire qui était composée :
 Des enseignant(e)s et directeur/trice(s) des établissements scolaires sélectionnés qui ont
fait l'objet d'interviews approfondies.
 Des responsables des circonscriptions scolaires comprenant des chefs CISCO5 ou leurs
adjoints, chefs ZAP et conseillers pédagogiques qui ont participé aux 6 discussions de
groupe nominal (1 GN par site).
 Le groupe « enfants » comprenant :
 Des élèves de CM1 et CM2 dans les écoles sélectionnées, qui ont participé aux 13 groupes
de discussion dirigée (GDD) organisés dans les 6 CISCO (1 groupe « filles » et 1 groupe «
garçons » dans chaque CISCO ainsi qu'un groupe « mixte » à Mampikony). Chaque GDD
était constitué de 8 élèves en conformité avec les normes standard pour ce type de
méthode.
 Des adolescent(e)s de 13 à 18 ans organisés en groupes homogènes (pour les GDD) selon
le sexe et leur « statut scolaire », c'est-à-dire, soit ils/elles sont encore dans le système
scolaire, soit ils/elles sont déscolarisé(e) s depuis au maximum cinq ans (dans chaque
CISCO). Dans la conception de l'étude, ces « adolescent(e)s » constituaient un groupe
témoin dont le point de vue était recueilli en vue de le confronter à celui des élèves pour
mieux comprendre les impacts des questions de genre dans le primaire.
 La famille et la communauté constituée :
 De parents ayant des enfants des deux sexes mais dont au moins l'un étudie encore dans
une école primaire publique, le plus souvent dans l'école sélectionnée pour l'étude de cas.
Les parents ont constitué des groupes homogènes « pères » ou « mères » ;
 D'un échantillon de 180 ménages ayant des enfants de 6 à 20 ans et résidant dans le
Fokontany de l'école sélectionnée, soit 30 ménages par site, pour l'enquête quantitative
par questionnaire. Les personnes enquêtées ont été le chef de ménage, son épouse/époux
et les personnes âgées de 6 à 20 ans dans le ménage.
 Des représentant(e)s des autorités administratives locales comprenant des membres du
bureau exécutif de la Mairie (Maire, 1er adjoint, ..) et des chefs de Fokontany ciblé(e)s
comme participant(e) des 6 discussions de groupe nominal (GN), soit 1 groupe par site.
 Le tableau suivant récapitule la population d'enquête, ventilée suivant les méthodes
utilisées et les sites.

5 Au niveau déconcentré, les 22 DREN (niveau région) supervise les 111 CISCOs (niveau district). Dans une CISCO
il y a des ZAP regroupant une dizaine d’écoles. Les chefs de ZAP donnent un appui administratif et pédagogique aux
écoles de leur zone.

7
Tableau 2. 1 : Récapitulation population d'enquête et méthodes utilisées selon les sites
Sites Antananarivo Toamasina I Fandriana Toliara II Mampikony Vangaindrano
Méthodes Total
Utilisées F H F H F H F H F H
1. Groupe de
discussion dirigée
1 rural
- Parents 1 2 1 1 1 1 1 10
1 urbain
1 privé 1 1
- Elèves 1 privé 1 1 1 1 1 1 1 1 14
1public 1 mixte rural
1sco 1sco
- Adolescent(e)s 1desco 1desco 1desco 7
1desco 1desco
Total des groupes 3 2 3 3 2 1 2 3 4 1 3 4 31
2. Groupe
nominal (mixte)
- Groupe
Communauté 1 1 1 1 1 1 6
scolaire
- Groupe Autorités
1 1 1 1 1 1 6
locales
Total des groupes 2 2 2 2 2 2 12
3. Interviews
approfondies
- Directeurs/trices 1 1 2 1 1 1 1 1 1 2 12
- Enseignant(e)s 11 10 1 8 1 9 1 8 2 9 1 61
- Autorités 2 1 3
Total individus
12 3 10 3 9 2 10 2 9 4 11 1 76
interviewés
4. Enquêtes
30 ménages 30 ménages 30 ménages 30 ménages 30 ménages 30 ménages 180
ménages
-Total individus
93 60 72 60 65 82 77 70 96 83 85 59 902
enquêtés
- Individus 6 à 20
57 32 36 38 26 49 41 34 55 40 38 26 472
ans
5 classes (CP1 à 5 classes (CP1 à 5 classes (CP1 5 classes (CP1 5 classes (CP1 à 5 classes (CP1 à
5. Observations 3O
CM2) CM2) à CM2) à CM2) CM2) CM2)

Source : Enquête ménage UNICEF-2007

2.5. Déroulement des travaux


La mise en œuvre de l'étude a connu quatre étapes : (i) l'élaboration des outils de collecte de
données ; (ii) la formation de l'équipe d'enquête ; (iii) la collecte des données sur le terrain ; (iv) le
traitement et l'analyse des données ainsi que l'élaboration des rapports. La présente section
décrira ces différentes étapes.
2.5.1. Elaboration des outils de collecte des données
Les outils de collecte des données ont été développés par deux équipes distinctes respectivement
chargées de l'enquête qualitative et de l'enquête quantitative. Les outils ainsi élaborés ont été
discutés par l'ensemble de l'équipe de recherche et validés auprès des mandants de l'étude tout au
long du processus de leur conception. Ces outils6 sont présentés dans les paragraphes qui
suivent, pour les trois grands groupes d'acteurs auprès desquels les données ont été collectées.
 Pour le recueil des données auprès de la communauté scolaire, des écoles et des CISCO, les
outils développés comprennent : (i) un guide d'interview des enseignant(e)s ; (ii) un guide

6 Cf Annexe 3. Objectifs spécifiques et guides utilisés

8
d'interview des directeurs/trices d'école ; (iii) un guide d'animation des groupes nominaux «
responsables des CISCO » ; (iv) un guide d'observation des écoles; (v) une fiche spécifiant la
liste des données sur les indicateurs à rechercher dans les CISCO.
 Pour les groupes « enfants », les outils incluent : (i) un guide de discussion pour les élèves en
classe de CM1 et CM2, avec des variantes spécifiques pour les filles et pour les garçons ; - (ii) un
guide de discussion pour les adolescent(e)s qui sont dans le système scolaire ; (iii) un guide de
discussion pour les adolescent(e)s déscolarisé(e)s.
 Pour la famille et la communauté, les outils incluent : (i) un guide de discussion pour les
mères; (ii) un guide de discussion pour les pères; (iii) un guide d'animation des groupes
nominaux « autorités locales » ; (iv) un questionnaire pour l'enquête ménage (données
quantitatives) ; (v) une fiche de collecte de données communautaires (données secondaires) ;
(vi) une fiche de collecte de données communautaires ;
Les guides de discussion et d'interview ont été conçus en malgache pour répondre aux besoins en
information. Ils ont été traduits en français uniquement pour les besoins des mandants de l'étude
et pour le rapport. Par contre, le questionnaire pour l'enquête ménage a été développé en français
mais traduit en malgache lors de la formation des enquêteurs. La fiche de collecte de données
communautaires et la fiche des indicateurs pour les CISCO ont été élaborées et utilisées en
français.
Les outils élaborés ont été pré-testés sur des groupes réels dans des zones populaires du site
d'Antananarivo Renivohitra. Ils ont ensuite été ajustés sur la base des résultats du pré-test et les
recommandations des experts de l'UNICEF. Ces outils sont fournis en annexe du rapport.
2.5.2. Formation des équipes d'enquête
L'équipe de recherche était composée de spécialistes en éducation, sociologues, démographe,
statisticiens et analystes en recherches qualitatives. Elle a été appuyée par deux équipes de
recherche distinctes sur le terrain, respectivement assignées à la collecte des données qualitatives
et quantitatives. La première a été composée de 8 modérateurs/trices de GDD, 8
rapporteurs/trices animateurs/trices et 6 interviewers et la seconde de 12 enquêteurs et 6
superviseurs. Un(e) coordonnateur/trice des travaux sur le terrain a été affecté(e) à chaque site.
Les membres de l'équipe assignée à la collecte des données qualitatives ont été briefés sur les
objectifs et besoins d'information de l'étude par l'équipe de recherche et ont participé à
l'élaboration et le pré-test des outils de collecte de données, ce qui leur a permis de s'approprier la
méthodologie et les outils conçus pour l'étude.
Les enquêteurs chargés de la collecte des données qualitatives ont reçu une formation de 2 jours
pour assurer une même compréhension de l'objectif global de l'étude, du questionnaire et des
modalités pratiques de l'enquête et pour un rappel des questions liées à l'éthique de recherche.
Cette formation a également inclus des séances de simulation de l'enquête pour familiariser les
enquêteurs/trices avec le questionnaire. Ils ont également participé au pré-test et à l'ajustement
du questionnaire.
2.5.3. Enquêtes sur le terrain
La collecte des données sur le terrain a été effectuée par six équipes parallèles comprenant
chacune un groupe pour les enquêtes quantitatives par questionnaire et un autre pour le recueil
des données qualitatives. Sur le terrain, l'enquête ménages et la collecte des données qualitatives
ont été menées simultanément. Les paragraphes qui suivent décrivent les travaux réalisés, de
façon séquentielle et/ou suivant les cibles de l'enquête.
Le choix des écoles a été opéré avec les responsables des CISCO, préalablement briefés sur les
objectifs de l'étude. Les écoles présentaient globalement les mêmes caractéristiques de sélection
que leur CISCO de rattachement. Elles étaient fréquentées par des enfants issus de familles

9
économiquement faibles. Les descriptions des écoles concernées par l'étude sont fournies dans le
chapitre suivant.
Les écoles des sites d'enquête étaient localisées l'une en centre ville et l'autre, dans la périphérie.
Elles étaient chacune implantées dans des quartiers relativement populaires (non résidentiels)
mais comportaient des ménages de toutes les catégories socio-économiques. On note en effet peu
de différence entre la composition des quartiers « urbains » et « périurbains », la « paupérisation »
de certains quartiers « urbains » étant compensée par l' « urbanisation » de certains quartiers
populaires. Les quartiers d'implantation des écoles ont été choisis pour recruter les parents et y
mener l'enquête ménage.
2.5.3.1. Enquêtes dans les écoles et auprès des CISCO
Au niveau des écoles, tous/toutes directeurs/trices et au moins 5 enseignant(e)s représentant les
cinq classes du primaire (CP1 à CM2) ont été interviewé(e)s. Dans les cas où l'école comportait des
classes parallèles, les enseignant(e)s interviewé(e)s ont été désigné(e)s par les directeurs/trices.
Autrement, l'enquête du corps enseignant était exhaustive.
Comme mentionné dans le tableau 2.1, 12 directeurs/trices (4 femmes et 8 hommes) et 61
enseignant(e)s (55 femmes et 6 hommes) ont été interviewé(e)s individuellement. La
prédominance des femmes parmi les enseignant(e)s interviewé(e)s tient au fait qu'elles sont plus
nombreuses que les hommes, tant dans les écoles choisies qu'au niveau national.
Au total, 30 classes ont fait l'objet d'observations, soit 05 par site, couvrant les 5 classes du
primaire. Toutes ces classes étaient tenues par les enseignant(e)s interviewé(e)s. Les observations
ont également porté sur les infrastructures des écoles en général, y compris les aires de jeux et les
installations sanitaires. En outre, les IA auprès des directeurs/trices ont été utilisées pour recueillir
des données complémentaires sur les écoles, dont celles sur les taux de fréquentation pour
l'exercice en cours.
Les élèves ayant participé aux GDD proviennent de toutes les classes de CM1 et CM2 de l'école en
question. Leur sélection relevait des enseignant(e)s qui, généralement, ont choisi ceux/celles ayant
le plus de capacité à discuter parmi ceux/celles qui s'étaient porté(e)s volontaires. Les GDD avec
les élèves se sont tenues dans les écoles cibles de l'étude, dans une salle isolée. Au total, l'étude a
conduit 7 GDD « filles », 6 GDD « garçons » et 1 GDD « mixte ».
Au niveau des CISCO, la liste des données complémentaires à recueillir a été soumise aux
responsables dès le premier contact établi. Il s'agit notamment des effectifs et des taux de
redoublement des élèves ventilés par sexe, par niveau et par classe, du nombre d'enseignants
désagrégés par sexe par niveau et du nombre de salles de classe et de sections durant les 6
dernières années (2001-2002 jusqu'à 2006-2007). La collecte de ces données s'est faite soit
directement à partir de la consultation/compilation des registres par l'équipe de recherche sur le
terrain, soit par la production des états demandés par les responsables des CISCO.
Une fois ces données recueillies, des premiers résultats en ont été tirés, qui ont constitué les
matériaux pour les discussions avec les chefs CISCO ou leurs adjoints, les chefs ZAP et conseillers
pédagogiques réunis dans les 6 GN CISCo, soit 1 par site. Ceci a permis d'amener les
participant(e)s des GN à réfléchir ensemble notamment sur les facteurs explicatifs des disparités
relevées entre filles et garçons et sur des pistes de solution. L'ensemble des discussions a été
enregistré et transcrit pour être analysé par la suite.
2.5.3.2. Enquêtes dans les Fokontany
Les enquêtes auprès des adolescent(e)s, de la famille et de la communauté, réalisées
majoritairement dans les Fokontany, étaient de type qualitatif et/ou quantitatif : (i) des GDD
auprès des adolescent(e)s et des parents; (ii) une enquête ménage ; (iii) des GN et/ou des IA auprès
des autorités locales, outre la collecte de données communautaires.

10
Groupe de discussion (GDD)
Les participant(e)s aux GDD « adolescent(e)s » ont été « recruté(e)s » exclusivement dans les
Fokontany d'implantation des écoles avec l'aide des responsables locaux. Ces derniers ont été
approchés lors de la première descente de l'équipe dans les Fokontany. Sélectionné(e) sur la base
des critères décrits plus haut (cf. section 2.2. et Section 2.4. ), les adolescent(e)s ayant participé aux
GDD étaient soit des collégien(ne)s de classe de 3ème (année de préparation de leur BEPC) au
plus, soit des élèves qui ont arrêté leurs études après deux années du post-primaire au plus. En
d'autres termes, il s'agissait d'adolescent(e)s qui n'avaient pas leur BEPC au moment de l'enquête.
En plus des 4 GDD prévus à Vangaindrano, 3 autres ont été organisés dans 3 CISCO en ciblant
exclusivement les adolescent(e)s déscolarisé(e)s (1 groupe « adolescentes » et 2 groupes «
adolescents »). Les premières données recueillies ont en effet montré un besoin additionnel en
information notamment sur les motifs d'abandon.
Généralement, les parents (mères et pères) ont été identifiés dans les Fokontany, avec l'aide des
autorités locales, conformément aux critères pré-établis. Dans le cas des grandes villes, ils ont
parfois été recrutés au moyen de « convocation » du/de la directeur/trice de l'école. Les 6 GDD
prévus (3 groupes « mères » et 3 groupes « pères ») ont été réalisés avec 4 groupes « mères »
supplémentaires, dont un groupe « rural », pour vérifier les données incertaines et les compléter
au besoin. Au total, l'étude a donc inclus 10 groupes GDD pour l'ensemble des sites.
Enquête ménage
L'enquête auprès des ménages s'est déroulée dans le Fokontany où se situe l'EPP sélectionnée.
Les enquêteurs ont procédé à la délimitation du Fokontany avec le Président du Fokontany et ont
recensé les ménages ayant des enfants de 6 à 20 ans. Dans les Fokontany choisis, le nombre de
ménages ayant des enfants de 6 à 20 ans était inférieur à 120. Un tirage aléatoire a alors été opéré.
Le pas adopté était de 1 maison sur 2 et le balayage allait de l'extérieur vers l'intérieur de chaque
secteur. L'échantillon pour l'enquête a porté sur trente (30) ménages par site, soit un total de 180
ménages composés de 866 individus (cf. tableau 2.1. pour les détails).
Groupe nominal (GN) et Interviews approfondies (IA)
Les 6 GN « autorités locales » (1 groupe par site) prévus ont chacun été réalisés avec des membres
du bureau exécutif de la Mairie (Maire, 1er adjoint, ..) et des chefs de Fokontany. Des IA ont été
également effectuées auprès des chefs de Fokontany, principalement dans la Capitale. A l'instar
des GN avec les responsables des CISCO, les GN « autorités locales » ont utilisé les premiers
résultats obtenus comme bases de discussions, en plus des questions spécifiques pré-établies.
La collecte de données communautaires a été faite dans les Fokontany et/ou leur commune de
rattachement ainsi que dans les services déconcentrés des départements ministériels et/ou ONG
locales.
2.5.4. Traitement, analyse des données et élaboration des rapports
Les paragraphes qui suivent présentent les traitements des données suivant les méthodes utilisées
et la mise en commun des résultats lors de leur analyse et l'élaboration des rapports.
Traitements et analyses spécifiques des données
Le traitement des données de type quantitatif issues de l'enquête ménage s'est fait en cinq étapes :
(i) contrôle des données ; (ii) saisie ; (iii) apurement des données ; (iv) tabulation ; (v) analyse. Les
données ont été saisies avec le logiciel CSPRO 3.0 et traitées avec le logiciel SPSS WIN 10.1. Le
contrôle a été fait avant la saisie des données pour vérifier la cohérence de réponses et après,
pour vérifier l'exhaustivité de l'échantillon par rapport aux quotas prédéfinis et tester la cohérence
des données.

11
Les GDD, les interviews approfondies et les observations ont fait l'objet de transcriptions
intégrales à partir des prises de note et des enregistrements audio (pour le cas de GDD et IA). Ils
ont ensuite été saisis avec WORD et traitées avec Ethnographe.5. Les données ont ensuite été
codifiées, ce qui a permis d'organiser les données pour chaque thème et chaque sous-thème traité
avec les commentaires des analystes.
L'équipe d'analystes/rédacteurs a ensuite procédé à : (i) une analyse par groupe basée sur une
analyse de contenu des réponses exprimées par les cibles ou observées (cibles = participants aux
GDD, aux interviews, dans les groupes nominaux, .) pour faire ressortir les tendances du groupe
par rapport aux thèmes traités ; (ii) une analyse intergroupes pour identifier les convergences,
analogies et singularités entre les différents types de groupes et les points communs, divergences
et spécificités des groupes de même type ; (iii) une synthèse globale des résultats, qui a fait
ressortir les grandes tendances relatives aux thèmes de l'étude.
Les citations ont fait l'objet de traduction cursive (et non interprétative) pour garder leur
authenticité et les empreintes culturelles véhiculées par les expressions utilisées.
Mise en commun des résultats d'analyse et élaboration des rapports
Cette étude a fait l'objet de plusieurs rapports partiels intermédiaires (non prévus par les termes
de référence) mais requis par les mandants de l'étude. Leur feedback a été pris en compte dans
chacune des versions successives. Le présent rapport constitue la version finale de la version
complète consolidée.
Conformément aux termes de référence, le présent rapport présente les disparités relevées dans
les CISCO sélectionnées et les facteurs qui les ont favorisées ou atténuées. A ce niveau, l'étude
tient compte, en fonction de la disponibilité des données, des indicateurs quantitatifs d'accès, de
survie, de redoublement et d'abandon, etc. Il intègre dans les facteurs explicatifs, les différentes
variables socio-économiques, culturelles ou autres caractérisant les CISCO concernés et, lorsque les
données le permettent, les différentes perceptions des trois groupes d'acteurs approchés au cours
de l'étude (élèves, communauté scolaire et famille/communauté). Il s’agit en effet de mettre en
lumière des explications locales aux disparités de genre, qui ne sont pas apparentes à l’échelle du
système au travers de données agrégées.
Un autre volet de ce rapport concerne la qualité de l'éducation dans une perspective « genre ».
Les questions fondamentales qui se posent dans l'analyse des données sont les suivantes : si les
filles et les garçons sont présent(e)s en même nombre à l'école, sont-ils (elles) soumis (es) aux
mêmes traitements ? Les enseignant(e)s ont-ils/elles les mêmes attentes vis-à-vis des filles et des
garçons en termes de performances, attitudes et comportements au sein de l'école en général et
sur des questions spécifiques telles le leadership ou l'autorité, par exemple ? En quoi, ces
perceptions et attentes des enseignant(e)s influent-elles sur les opportunités auxquelles les filles et
les garçons peuvent avoir accès ? Quels sont les autres facteurs environnementaux tels les
infrastructures ou la mixité des classes qui ont une influence sur la vie scolaire ou même
l'orientation socioprofessionnelle des élèves des deux sexes ? De la même manière, quels sont
les facteurs relevant de la famille qui peuvent influencer les parcours scolaires des filles et des
garçons ?
L'ensemble des résultats dégagés font l'objet d'un chapitre « synthèse/discussions ». C'est à l'issue
de ce processus que les conclusions et recommandations sont formulées, clôturant le rapport.
2.6. Questions liées à l'éthique
Outre les aspects liés aux pratiques enseignantes, l'inclusion des enfants parmi les cibles a requis
de porter une attention particulière à l'éthique de recherche. Un rappel sur la question figurait
dans le curriculum de formation des équipes d'enquête et les règles relatives en la matière ont été

12
observées tout au long de l'étude. Il s'agit notamment du consentement éclairé des participant(e)s
aux enquêtes et du respect de la confidentialité.
De manière générale, tant au niveau des CISCO, des écoles, des classes, des ménages que des
Fokontany, les personnes approchées ont été informées du cadre et des objectifs de la recherche.
Avant toute investigation, leur adhésion volontaire à y participer a été obtenue. Les possibilités de
refuser ou d'interrompre l'interview ou les discussions envisagées/engagées ont été clairement
spécifiées. Les élèves ont été assurés que leur refus éventuel de participer aux GDD ne serait pas
signalé aux enseignant(e)s ou à la direction de l'école. Les enregistrements audio des interviews et
discussions ont été faits avec l'approbation des participant(e)s concerné(e)s.
Le caractère confidentiel des entretiens et échanges ont été assurés : choix d'un lieu discret pour
leur conduite, engagement de respecter l'anonymat des participant(e)s, des écoles et des quartiers
par l'équipe de recherche et utilisation de codes d'identification dans les GDD, GN et IA.
Particulièrement pour les enseignant(e)s et les directeurs (trices), l’équipe a tenu compte du
caractère anonyme des interviews (sans considération du nom de l’établissement ni de
l’enquêté(e). Par contre, le sexe du personnel interviewé a été relevé pour les besoins de l’analyse
selon le genre.
Quelle que soit la méthode d'investigation utilisée, les règles de courtoisie et de respect des
participant(e)s ont été observées tout au long du processus d'enquête. Les équipes de terrain ont
parfois improvisé des activités ludiques avant les discussions, ce qui a souvent favorisé leur mise
en train.
Enfin, la sensibilité de l'équipe de recherche à la thématique de l'étude a rendu possible
l'exploration - sur le terrain et lors des analyses - des disparités de genres, souvent subtiles et
parfois déroutantes, dans un contexte où la réalité des questions de genre est encore à démontrer,
parce que non ressentie comme problématique par un nombre important d'acteurs/actrices. La
quantité et la qualité des données recueillies sont à la mesure des efforts fournis : les acteurs ciblés
ont participé de manière volontariste aux investigations et ont fourni des informations qui vont
aider à éclairer les questions liées à la qualité de l'éducation des enfants malgaches, filles et
garçons.
2.7. Limites de l'étude
En dépit des ambitions affichées, l'étude connaît des limites induites des ses propres délimitations
d'une part, et des aspects échappant à son contrôle d'autre part. Il s'agit principalement:
 Des aspects liés à la méthodologie appliquée :
 L'enquête ménage (quantitative) n'était pas censée être représentative et ses résultats n'ont
donc pas de valeur générale. De plus, les profils socio-économiques des ménages tirés
pour l'enquête ménage dans le Fokontany d'implantation de l'école étaient souvent
différents de ceux des familles des élèves fréquentant les Ecoles Primaires Publiques (EPP).
Cette situation a souvent provoqué des incohérences entre les données quantitatives et
qualitatives recueillies. Ainsi, dans certains sites, un bon nombre de parents des élèves des
EPP enquêtés habitaient à plus de 50 km de l'école7 alors que les ménages enquêtés
n'envoyaient pas toujours leurs enfants dans des EPP.
 Les GDD avec les parents ont rencontré le même problème, particulièrement dans les
grandes villes. Le fait d'avoir « recruté » des parents dans le quartier d'implantation de
l'école a reproduit la même situation. Ceci a amené l'équipe de terrain à organiser les GDD
suivants - ou des GDD supplémentaires - dans les écoles, en invitant cette fois-ci les

7 Ce qui est rendu possible lorsque les familles confient l’enfant à des parents ou connaissances

13
parents d'élèves de L'EPP en question. Autrement, les données recueillies auprès des
parents qui n'envoient pas leurs enfants dans des EPP auraient introduit un biais dans
l'interprétation des données relatives aux parents d'élèves des EPP en influençant
notamment la prévalence des tendances ressorties.
 Des aspects liés à la non disponibilité des données :
 Le choix des sites de l'étude a été effectué sur la base des données du MENRS du niveau
central, qu'il fallait vérifier et compléter avec celles des CISCO . Or, sur le terrain, les
données étaient soit incomplètes pour certains sites, soit très différentes de celles du
niveau central. Finalement, l'étude a opté pour l'utilisation des données du niveau central,
confirmant de fait les hypothèses de départ pour le choix des sites ; de plus, la non
disponibilité de données fiables sur la population scolarisable tant au niveau national qu'à
celui des CISCO sélectionnées a rendu pratiquement impossible le calcul précis des taux de
scolarisation.
 Les types de données produites et rendues disponibles au niveau des écoles ne sont pas
standardisés rendant difficile l'établissement de profils comparables. La désagrégation des
données par sexe n'est pas non plus systématique. Cette situation a quelque peu réduit la
possibilité de comparer les écoles pour isoler des facteurs explicatifs aux situations
relevées.
 La situation était similaire au niveau des sites, les données disponibles ne fournissant pas
systématiquement les mêmes informations. Ceci a, de facto, réduit la possibilité de faire
des comparaisons inter sites.
L'analyse des données a tenu compte de l'ensemble de ces limites pour fournir une base
commune d'appréciation du contexte sociodémographique, économique et culturel de chacun
des sites et rechercher dans l'échantillon constitué, les variables pouvant davantage préciser
les résultats nécessitant des clarifications. Le présent rapport doit être lu dans cette même
optique.

14
Chapitre 3 : Contexte global

3.1. Profil du pays


3.1.1. Vue d’ensemble
Madagascar est une île d'une superficie de 587 041 km2, située dans l'Océan Indien. Sa situation
géographique, l'histoire de son peuplement et les cultures de sa population ont souvent amené les
observateurs à la qualifier de « Far East de l'Afrique et Far West de l'Asie ». Ses habitants seraient
d'origine arabe, africaine et malayo-polynésienne mais ont un substrat culturel commun. Le
malgache est parlé sur l'ensemble du territoire. En 2007, sa population était estimée à 18,8
millions d'habitants8, avec un taux d'accroissement démographique annuel de 2,5% et une taille
de 5,2 personnes par ménage. Cette population est jeune : elle compte 44, 6% de moins de 15
ans ; les enfants et jeunes de 5 à 15 ans constituent 26, 3% de l'ensemble avec 50,5 % de filles
contre 49,5 % de garçons . Par rapport à la population totale, les femmes représentent 50,3 %.
Une proportion importante (78 %) de la population réside en milieu rural. L'épidémie du
VIH/SIDA est classée comme peu active mais est déjà présente dans les 6 provinces de
Madagascar, en zone urbaine et en zone rurale et montre une tendance alarmante à la
généralisation. Les taux d'IST, co-facteur de transmission majeur du VIH, sont parmi les plus
élevés au monde et reflètent la magnitude des comportements à risque, notamment parmi les
jeunes.
En outre, la pauvreté sévit dans le pays (PIB par habitant d’environ 294 USD en 2003), avec des
disparités selon les régions. Selon l'Indice du Développement Humain (IDH), Madagascar occupe
la 146ème place sur 197, bien qu'il ait rejoint le rang des pays à développement humain moyen9,
depuis 2003. Les avancées enregistrées sont induites en grande partie, des améliorations
constatées durant les 5 dernières années10 dans le système éducatif. Les analyses actuelles tendent
d'ailleurs à soutenir que la réalisation, d'ici 2015, de l'objectif 2 des OMD, visant à « Assurer une
éducation primaire pour tous », est fort probable. A l'inverse, l'Objectif 3 « Promouvoir l'égalité
des sexes et l'autonomisation des femmes » semble difficilement atteignable.
A Madagascar, les disparités de genres restent en effet une réalité. Les femmes sont la catégorie la
plus touchée par : (i) l'analphabétisme dont 40,7% de femmes de plus de 15 ans sont concernées,
contre 33,2% chez les hommes de la même catégorie11 ; (ii) la pauvreté avec l'écart du ratio de
pauvreté des chefs de ménages [femmes/hommes] de +7,2 points en 200512 ; (iii) la
discrimination dans le domaine du travail13, le revenu des hommes étant en outre estimé être 1,36
fois plus élevé que celui des femmes14 ; (iv) une faible participation dans la vie politique, avec un
Indice de Participation de la Femme (IPF) dérisoire qui a continué de régresser ces dernières
années15, contrairement aux autres pays dans la même situation. Les femmes sont également plus
vulnérables au VIH pour des raisons physiologiques mais aussi économiques et socioculturelles.
Plusieurs facteurs contribuent à maintenir la femme dans une situation d'inégalité par rapport aux

8 INSTAT/DDSS
9 IDH supérieur ou égal à 0,5 mais inférieur à 0,8, l’IDH étant calculé à partir de l’espérance de vie à la naissance, le
taux d’alphabétisation des adultes, le taux de scolarisation, le produit intérieur brut.
10 PNUD, Deuxième rapport de suivi des OMD, 2007
11 INSTAT, Enquêtes Périodiques auprès des Ménages (EPM), 2005
12 Idem.
13 “The export processing zones in Madagascar: Project for the improvement of productivity through the promotion of decent work”.

UNDP, ILO, CRS. February 2005


14 Rapport National sur le Développement Humain 2006
15 Taux maximum de 0,396 de 1998 à 2001 et a continuellement régressé pour atteindre 0,368 en 2005

15
hommes, dont le caractère patriarcal de la société malgache et les stéréotypes de genre qui
l'accompagnent, exacerbé par la survivance de pratiques coutumières discriminatoires,
généralement en défaveur des femmes. A ceci s'ajoute, le retard de la mise en application effective
du droit, nonobstant les progrès accomplis sur le plan des textes. Tous les domaines de la vie
sociale, économique et politique en subissent les contrecoups, y compris l'éducation. Cette
dernière subit ainsi les effets d'une culture « androcentrée » tout en étant à la fois sa courroie de
transmission. Elle figure donc parmi les sources de perpétuation ou de rupture des inégalités de
genres, d'où son importance cruciale.
3.1.2. Le système éducatif malgache, dans un prisme « genre »
Si en 2007, le Document de Stratégie de la Réduction de la Pauvreté « Plan d'Action Madagascar
2007-2012 » (MAP) retient parmi ses objectifs en matière d'éducation celui de réduire « les écarts
entres les genres », c'est que le pays veut effacer les traces d'une vision sexuée de l'enseignement,
héritée de son histoire. Au cours de la période coloniale, l'enseignement a été introduit à
Madagascar dans l'optique d'une « spécialisation des sexes »16. A partir de l'indépendance, la
scolarisation est devenue gratuite et obligatoire17 et les quotas qui limitaient l'accès des femmes à
l'enseignement supérieur, supprimés. La ratification de la Convention sur l'Elimination de toutes
formes de Discrimination à l'égard des Femmes (CEDEF) en 1989 a constitué une étape clé pour
éliminer les disparités de genres dans l'éducation. Au niveau international, les objectifs de
l'Education Pour Tous (Jomtien, 1990 ; Dakar, 2000) et des Objectifs du Millénaire pour le
Développement (New York, 2000 et 2005) ont été adoptés, ce qui s'est traduit, au niveau
national, par l'exécution de plans d'actions18 et la promulgation de textes de lois19, renforçant les
principes d'équité et d'égalité des chances dans l'orientation scolaire et universitaire des élèves et
dans leur traitement par le personnel de l'éducation. Par ailleurs, dans les années 1990, le
Ministère de l’Education20 a procédé à l’intégration du genre dans les modules de formation et le
guide didactique pour les enseignants, dans le cadre du programme d'Education en Matière de
Population (EMP), avec l'appui de l'UNFPA. Dix ans plus tard, en partenariat avec l'UNICEF, des
conseillers pédagogiques ont été sensibilisés sur la nécessité de rendre l'éducation plus sensible au
genre, dans le cadre de la formation sur l'Approche Par les Compétences (APC). Par la suite, un
livret incorporant des directives pour l'intégration du genre, intitulé « C'est quoi le genre ? », fut
développé et distribué aux enseignants.
En cohérence avec sa politique d'amélioration du système éducatif, le MEN a accordé une priorité
grandissante à l'éducation primaire. En termes de dépenses réalisées, la part de ce sous-secteur est
passée de 38,3% en 2002 à près de 59% en 200621. A partir de 2004, la réforme étant en cours
d’application, l'éducation formelle a été organisée en quatre niveaux22 : (i) l'éducation
fondamentale comprenant à son tour deux niveaux, à savoir, l'éducation fondamentale niveau 1
(EF1) correspondant à un enseignement primaire de 5 ans sanctionné par le CEPE, et l'éducation
16 L’enseignement préparait les filles à leur rôle d’épouse et de mère chrétienne et les garçons à leurs rôles

économiques et productifs (Ravelomanana, J. 1995 ; Rabenoro, M., 2000) : mise en place des « ouvroirs » pour les
premières et des filières plus diversifiées pour les seconds ; le programme officiel des écoles primaires publiques
prévoyait les travaux de couture pour les filles et les travaux manuels ou l’agriculture pour les garçons et (Deleigne,
Kail, 2004).
17 Ordonnance 60-044 du 15 juin 1960
18 Plan d’action National pour l’Education des Filles ( PANEF ) ; Programme National pour l’Amélioration de

l’Enseignement (PNAE I et II) ; Programme conjoint de Promotion de l’Education de Base pour tous les
Enfants malgaches (2000).
19 Loi n°94-033 ; loi n°2004-004 du 26 Juillet 2004
20 MINESEB – Ministère de l’Enseignement Secondaire et de l’Education de Base
21 Source : MENRS, Mise en œuvre du plan Education Pour Tous, Rapport de suivi, version

provisoire, Septembre 2007


22 Loi n° 2004-004 du 26 juillet 2004 portant orientation générale du Système d’Education, d’Enseignement et de

Formation à Madagascar

16
fondamentale niveau 2 (EF2), correspondant à un enseignement collégial de 4 ans, sanctionné par
le Brevet d'Etudes du Premier Cycle de l'enseignement secondaire (BEPC) ; (ii) l'enseignement
secondaire, d'une durée de trois ans, dont l'achèvement est sanctionné par l'obtention du
baccalauréat ; (iii) l'enseignement supérieur et la formation universitaire ; (iv) la formation
technique et professionnelle, sanctionnée soit par un Certificat d'Études de Formation
Professionnelle, soit par le baccalauréat technique, respectivement après deux et trois ans de
formation. Les services d'enseignement offerts sont quant à eux constitués en cours [Cours
Préparatoire (CP : 2 années), Cours Élémentaire (CE : 1 année) et Cours Moyen (CM : 2 années)], et
présentent une typologie diversifiée d'écoles/classes : écoles à cycle incomplet (27,8%), rattachées
à celles à cycle complet, écoles à maître unique et à une salle de classe, classes mono grade
(22,8%) ou multigrades.
Les efforts pour augmenter l'effectif du corps enseignant ont fait évoluer le ratio
élève/enseignant de 60 à 52 entre 2004 et 2006. Pour cette même période, l'effectif des
enseignants a atteint plus de 76 800, dont plus de 57 000 ont été affectés dans les écoles primaires
publiques. Cependant, plus de la moitié des enseignants du primaire sont des enseignants FRAM23,
présentant un faible niveau de qualification (BEPC) et n'ayant souvent pas reçu de formation
spécifique. En réponse à ces faiblesses, le MENRS a engagé des actions importantes de
renforcement des compétences des enseignants et des conseillers pédagogiques, y compris la
dotation de kits pédagogiques pour les premiers. Parallèlement, les droits d'inscription ont été
supprimés et les élèves ont été dotés de blouses, de kits et de manuels scolaires pour les
disciplines de base. Depuis 2003, le MENRS a instauré des caisses-écoles destinées à alléger la
charge parentale au début de l'année scolaire, des caisses compétitives octroyées aux CISCO
éligibles et des dotations en fournitures scolaires accordées aux élèves des zones défavorisées. Ces
différentes mesures ont eu comme effets conjugués et immédiats, une (ré) inscription massive des
filles et des garçons.
3.1.3. Performances du système éducatif et équité de genres : un aperçu du
niveau national
A partir de la mise en oeuvre du plan EPT en 2003, le taux d'accroissement moyen des nouveaux
entrants en première année a été de 13,2%. En 2006-2007, le taux net de scolarisation a atteint
84% (MENRS, Rapport provisoire Education Pour Tous 2007). Il est évident que de telles
performances ne peuvent qu'inclure les filles. Les documents officiels parlent : (i) d'une nette
amélioration de leur accès à l'éducation avec une proportion de 49% parmi les enfants scolarisés
pour la période 2001-2006 (MENRS, Rapport de suivi du plan Education pour tous : Mise en
œuvre du plan Education pour tous, Bilan annuel 2006) ; (ii) de la présence des filles dans
l'enseignement fondamental qui se stabilise, celle-ci ayant évolué entre 50% et 49% durant les
dernières années ; (iii) de la faible variation de leur proportion dans les différentes années d'études
qui se situe entre 48,5% et 49,9% (MENRS, 2007). Ceci amène les analystes à conclure sur «
certaine constance de l'impact des mesures prises pour la promotion de la scolarisation des filles »
(MENRS, 2007). Ces moyennes nationales font cependant écran aux disparités entre les sexes à un
niveau plus bas. Croisées avec les inégalités entre les régions, ces dernières peuvent amener vers
des situations critiques, au détriment de l'un ou de l'autre sexe.
Avec des proportions qui tournent autour de 49% pour la scolarisation et la présence des filles
(contre 51% pour les garçons), les écarts peuvent paraître légers. Cependant, ils s'accentuent en
considérant que dans la population de la même tranche d'âge et pour la même période (2001-
2007), les filles présentent une proportion plus importante (50, 4%)24. Les deux sexes restent

23 Ils sont recrutés localement et payés par l’association des parents d’élèves, avec une subvention octroyée par le
budget de l’Etat et par des ressources extérieures
24 INSTAT/DDS.

17
concernés par les problèmes de redoublement et d'abandon, avec quasiment les mêmes taux à
tous les niveaux de l'enseignement. En 2005-2006, pour l'EF1, les filles ont un taux de
redoublement de 19,0% contre 19,7% chez les garçons, tandis que leurs taux d'abandon respectifs
sont quasiment les mêmes : 19,5% contre 19,6%. Les données officielles indiquent également la
disparition progressive de l'écart entre les deux sexes concernant le taux de survie à la 5ème année
du primaire (38% pour les deux sexes). Mais malgré l'absence des textes réglementaires régissant
l'expulsion des filles enceintes, la discrimination à l'endroit de ces dernières, demeure une pratique
courante, comme le montreront les cas relevés dans les écoles sélectionnées pour la présente
étude.
En 2005-2006, la proportion de filles était estimée à 48,9% pour l'ensemble des niveaux et
secteurs d'enseignement, les taux relativement moins performants étant ceux de la formation
professionnelle et technique (40,7%), suivis par l'enseignement supérieur (46,5%). Dans les l'EF2
et dans l'enseignement secondaire, ces taux étaient respectivement de 49,3% et de 40,7%, avec un
taux d'accès au collège inférieur à 30%.
Enfin, en trois ans (2001 à 2004), les progrès accomplis par le système éducatif ont fait
augmenter de 10 points de pourcentage la proportion de la population ayant le niveau primaire,
passant de 42% à 51,6%. Concernant le niveau d'instruction, des disparités régionales sont
relevées : 22,7% de « sans instruction » en milieu urbain contre 38,9% en milieu rural. L'EPM 2004
indique également de légers écarts en défaveur des femmes, avec une proportion des femmes «
sans instruction » plus importante de 4 points par rapport à celle des hommes (37,3% contre
33,2%). Dans la même logique que précédemment, ces écarts s'accentuent si on considère le taux
de féminité de la population dans la même période. Ceci appelle à la vigilance dans l'optique
d'une politique de l'éducation, véritablement soucieuse de l'égalité et de l'équité de genres.
Ecarts géographiques.
Si on examine en premier lieu, et de façon transversale, d’une part l’accès au cycle primaire, on
peut observer des situations provinciales assez diversifiées : les provinces d’Antananarivo,
d’Antsiranana de Toliara sont caractérisées globalement par une quasi parité des garçons et des
filles, alors que dans la province de Mahajanga, et dans une moindre mesure celle de Toamasina,
les filles apparaissent avantagées, et que dans la province de Fianarantsoa, c’est l’inverse qui est
identifié, les filles accusant un retard par rapport aux garçons.
Si on se place maintenant à l’autre extrémité du cycle fondamental (fin du premier cycle
secondaire), la situation est globalement beaucoup plus défavorable pour les filles, comme cela a
été noté plus haut dans ce texte au niveau national; mais les différences entre provinces sont
extrêmement marquées : alors que la situation de Toamasina est en fait favorable aux filles (il y a
15 % plus de filles que de garçons), celle de Fianarantsoa caractérise un handicap très significatif
des filles, celles-ci ne représentant guère plus de la moitié du nombre des garçons. Dans la
province de Toliara, les filles sont légèrement plus nombreuse que les garçons (+ 3,5 %) alors que
dans les trois autres provinces on compte, à ce point dans le système éducatif environ 4 filles
pour 5 garçons.
Une analyse géographique plus fine montre que le comportement des régions et, au sein de celles-
ci, des CISCO, est assez différencié.
Si les filles sont rarement pénalisées pour l’accès au cycle primaire, elles le sont cependant dans la
province de Fianarantsoa (tandis qu’elles ont un avantage comparatif dans les provinces de
Mahajanga et Toamasina). Pour la rétention au cycle primaire, les trois provinces de Fianarantsoa,
Toamasina et Toliara pénalisent nettement les filles.
La transition vers le premier cycle secondaire est généralement défavorable aux filles (sauf à
Mahajanga et Antsiranana La province de Toamasina est particulièrement pénalisante pour cet

18
indicateur. La rétention dans le secondaire est quant à elle très défavorable aux filles, surtout à
Antsiranana, Fianarantsoa et Mahajanga.
Généralement, les traits caractéristiques de chaque province se retrouvent au sein de la plupart
des CISCOs qui les composent. Cependant, ils peuvent être éventuellement plus marqués,
certaines CISCOs se caractérisant par un cumul de handicaps à l’encontre des filles. Treize
CISCOs ont ainsi un profil particulièrement défavorable à l’équité genre25. C’est par exemple le
cas de la CISCO de Vangaindrano, retenue dans le cadre de la présente étude.
Les voies par lesquelles les carrières scolaires des filles sont pénalisées par rapport à celles des
garçons sont donc très diversifiées. L’hypothèse la plus probable est que plusieurs mécanismes
sont à l’œuvre, certains tenant à la structure de la population (pauvreté, dispersion, taille des
fratries), d’autres à ses habitudes sociales (prégnance des mariages précoces, ou d’une forte
différenciation des rôles masculins et féminins dans les familles ou dans les successions), d’autres
enfin à la structure de l’offre scolaire ( importance de la proportion des maîtres FRAM, écoles
incomplètes) et aux habitudes qui y ont cours (importance des redoublements).
Il est dans tous les cas troublant de constater que, de façon générale, un désavantage de genre
pour l’accès au cycle primaire lorsqu’il existe localement, tend à être compensé par un
désavantage en sens inverse pour la rétention en cours de cycle. En moyenne, plus les disparités
sont fortes en faveur de l’un des deux sexes dans l’accès à l’école, plus elles ont tendance à être
favorables à l’autre sexe dans la rétention en cours de cycle primaire, comme dans un mécanisme
implicite de compensation (ou de sélection inverse). La relation est certes bien significative, mais
elle laisse toutefois d’assez nombreux «contre-exemples».
Dans le même ordre d’idées, une relation de nature comparable (négative) est enregistrée entre les
disparités dans l’achèvement du cycle primaire et la transition entre les cycles primaire et
secondaire (entre les deux cycles de l’enseignement fondamental dans la nouvelle terminologie,
où les différenciations inter-CISCOs dans les chances respectives des filles et des garçons sont
fortes). En moyenne, les CISCOs caractérisées par un accès au premier cycle secondaire en
défaveur des filles tendent à être aussi celles où la rétention des filles en cours de cycle est
meilleure, comme s’il s’agissait d’un phénomène de compensation (de sélection); cela suggère que
lorsque les filles ont été davantage «sélectionnées» à l’entrée dans le cycle, elles sont en moyenne
plus fortes pour rester scolarisées en cours de cycle.
3.2. Profil des districts
Les districts sélectionnés pour l'étude présentent chacun des particularités sur le plan socio-
économique, démographique, géographique et culturel qui peuvent rendre compte du degré de
scolarisation des enfants et des inégalités de genre plus ou moins fortes rencontrées. Il faut noter
que Madagascar dispose de 22 Directions Régionales de l’Education Nationale (DREN) et de 111
CISCO, équivalant à un district.

3.2.1. District d'Antananarivo Renivohitra


Le district d'Antananarivo Renivohitra constitue la Capitale de Madagascar et s'étend sur une
superficie de 78,70 km2. Ce district urbain fait partie de la région d'Analamanga et est subdivisé
en six arrondissements. Il compte 1 073 125 habitants, avec un peu moins de femmes (48,7%)
que d'hommes (51,3%).Sa population est jeune (51.32% ont moins de 19 ans).

25Ivohibe , Vondrozo, Vangaindrano, Modongy-Sud, Befotaka ,Antalaha, Sambava Vohimarina,Ikalamavony ,


Iakora , Ihosy, Ikongo , et Ambatomainty

19
Dans ce district, les filles ne sont pas statistiquement pénalisées ni pour l’accès ni pour la
rétention au cycle primaire. En revanche, le premier cycle secondaire prend un tour un peu plus
sélectif à leur encontre, tant pour la transition à l’entrée dans le cycle que pour la rétention.
Premier marché de consommation de l'île, place financière et commerciale et du réseau de
communication, Antananarivo et ses environs attirent les industriels26. On a ainsi enregistré 271
entreprises franches agréées en 2000 dont la majorité oeuvre dans le domaine du textile. Elles
attirent beaucoup de jeunes filles et de jeunes hommes issus des couches défavorisées, vu la
facilité des conditions d'embauche, ce qui peut contribuer à expliquer l'abandon scolaire. En
même temps, on assiste à une prolifération des activités informelles à faible productivité,
également exercées par la population défavorisée et qui peut également rendre compte de
l'abandon scolaire. La vision de ces activités à faibles revenus renforce encore plus le contraste
entre riches et pauvres de la ville et peut jouer comme facteur de démotivation des couches
défavorisées pour poursuivre leurs études, étant donné notamment le peu d'opportunités
d'emplois bien rémunérés offertes aux diplômés. Enfin, comme toutes les grandes villes,
Antananarivo constitue pour les jeunes des bas quartiers un environnement propice à la
prostitution et à la délinquance, y compris la drogue.
La perception des rôles attribués à l'homme et à la femme influe certainement sur la scolarisation
des filles (PNUD 2002). On admet en effet que les tâches productives et domestiques sont à
partager équitablement entre les 2 sexes. La femme qui doit contribuer aux revenus du ménage
doit donc avoir un certain niveau d'instruction. Dans la population des plus de 15 ans, la province
d'Antananarivo détient d'ailleurs le taux de femmes alphabétisées le plus élevé du pays soit 88%
contre 89% des hommes. [USAID, 2004].
Ceci dit, bien qu'elle se trouve en première position par rapport aux autres provinces en matière
de revenu estimé du travail des femmes, il reste nettement moindre que celui des hommes
(496,4$ PPA pour les femmes et 736,3$ PPA pour les hommes) [USAID, 2004]. Par ailleurs, les
chômeurs de sexe féminin sont plus nombreux (61%) que ceux de sexe opposé (39%)27.
3.2.2. District de Toamasina I
Le district de Toamasina I, situé presque au Centre Est de l'île, est distant de 370 km environ de
la Capitale. Il est composé de 5 communes. La commune urbaine de Toamasina I a une superficie
de 28 Km² et compte 216.518 habitants. Cette CISCO a été choisie comme groupe témoin pour
la présente étude. En termes d’accès au cycle primaire et de rétention sur les deux cycles, les filles
apparaissent comme avantagées par rapport aux garçons dans ce district. Toutefois, elles
connaissent une nette pénalisation pour l’accès au premier cycle secondaire, plus sélectif pour
elles. En fin de premier cycle secondaire, elles conservent toutefois un avantage relatif.
Toamasina abrite l'un des plus grands ports commerciaux de l'île. Sa proximité avec la Capitale, le
bon état de la route nationale, la pluralité de ses liaisons aériennes, sa bonne capacité d'accueil et
la multiplicité de ses sites touristiques en font également l'une des destinations principales du
pays. Les transactions sexuelles sont dès lors courantes. Les jeunes filles scolarisées peuvent être
tentées de délaisser l'école pour gagner de l'argent de cette manière. La culture locale a en plus
tendance à encourager la recherche d'intérêts ou contrepartie matérielle dans les relations de la
fille avec l'autre sexe. Les jeunes hommes affirment en effet qu'il n'est possible de gagner les
faveurs d'une adolescente et de les garder qu'en fonction des possibilités matérielles et financières
du jeune homme. Les filles confirment sans complexe, justifiant le fait par les impératifs sociaux
d'égalité avec leurs pairs auxquels elles seraient soumises (PMPS, 2002). La vie sexuelle avant le
mariage est également tolérée et constitue ainsi un autre facteur favorisant les grossesses non
désirées et pénalisant la scolarisation des filles.

26 Ministère de l'Agriculture, de l'Elevage et de la Pêche, « Monographie de la région d’Antananarivo», Juin 2003


27 Enquête Prioritaire auprès des Ménages, 2001

20
3.2.3. District de Fandriana
Le district de Fandriana se trouve dans la région d'Amoron'i Mania, située dans la partie centrale
des hautes terres sud (province de Fianarantsoa). Composé de 14 communes, Fandriana a une
superficie de 2 910 Km² et compte 231 946 habitants. Les jeunes de moins de 19 ans représentent
58 % de la population totale. Dans cette CISCO, c’est au niveau de l’accès dans les deux cycles
que les filles sont pénalisées. Cette pénalisation, modérée au cycle primaire, est en revanche
sévère pour l’entrée au premier cycle secondaire. Au cycle primaire, elles sont moins touchées par
les abandons que les garçons, de sorte qu’elles sont en valeur relative plus nombreuses à terminer
ce cycle que les garçons ; cet avantage se renverse au premier cycle secondaire. Enfin, elle est un
site pilote de la stratégie filles pour filles.
Région agricole et d'élevage, le district de Fandriana demande beaucoup de main-d'oeuvre et ce
sont souvent les enfants qui sont les plus sollicités, leur main d'œuvre étant gratuite pour les
parents. Cette situation ne peut que déboucher sur un absentéisme périodique à l'école. La
production rizicole est en outre loin de satisfaire les besoins de la population locale, entraînant
une période de soudure de 4 à 5 mois qui affecte surtout les enfants scolarisés. L'étude de l'IRD28
montre en effet que parmi les populations les plus pauvres, particulièrement en milieu rural, les
enfants scolarisés quittent l'école en cas d'événement causant un manque dans les ressources du
ménage (perte de récolte, etc.) et ne reprennent pas forcément leur scolarisation l'année suivante.
Fandriana est également un foyer d'émigration en raison du morcellement des terres, de l'exiguïté
des parcelles et de l'insuffisance des rizières. Les jeunes filles doivent parfois quitter leur famille
pour aller travailler ailleurs comme domestiques, même quand elles ont moins de 15 ans, ce qui
signifie abandonner l'école.
L'approvisionnement en eau, qui pénalise surtout les filles, constitue un autre problème pour la
population, qui pénalise surtout les filles. En effet, ce sont elles qui sont généralement chargées
d'aller chercher de l'eau pour la maisonnée, généralement à de longues distances, ce qui leur
prend un temps précieux sur celui consacré à l'étude.
3.2.4. District de Toliara II
Le district de Toliara II est situé dans la région d'Atsimo Andrefana. Il comporte 7 communes et
s'étend sur une superficie de 6420 Km². Il compte 146 496 habitants dont 52,4% de femmes et
47,6% d'hommes. Toliara II a également une population jeune : 55,73% des hommes et 54,52%
des femmes ont moins de 20 ans.
Le profil de cette circonscription est assez proche de celui de Fandriana. Au cycle primaire, les
filles sont pénalisées en termes d’accès mais connaissent une meilleure rétention que les garçons.
Pourtant, leur transition vers le secondaire est médiocre. Au premier cycle secondaire, elles
cumulent les écarts de genre, étant désavantagées par rapport aux garçons pour l’accès et encore
plus pour la rétention.
Près de 80 % de la population active sont des agriculteurs ou des ouvriers qualifiés de l'agriculture
mais Toliara II connaît souvent des périodes de sècheresse car la saison des pluies est très mal
répartie, tardive et de courte durée. Le district figure d'ailleurs parmi les régions à fort taux de
pauvreté (plus de 80%). Cette dernière attire d’ailleurs de nombreux spéculateurs étrangers qui
exercent un certain attrait sur les filles et les garçons à cause de l’argent frais qui y circule. Le
tourisme y est cependant fort développé, ce qui peut pousser les jeunes filles à se prostituer et à
abandonner l'école. (BIT/IPEC, 2002).
Dans la région du Sud, dont Toliara II, avoir un époux est essentiel pour la femme,
indépendamment des capacités financières de celui-ci. Cependant, les femmes préfèrent les

28 Institut de Recherche pour le Développement, Étude 2006 PI

21
hommes à plusieurs partenaires (lehilahy maromaso) aux hommes qui n'ont qu'une seule
partenaire.
De plus, les femmes de Toliara II ont leurs premiers rapports sexuels à un âge précoce, parfois
même « avant les premières règles » (PMPS, 2002). Autrefois, les jeunes filles/femmes ayant déjà
prouvé leur fertilité par une ou des naissances avaient plus de chance de se trouver un mari, les
enfants nés avant le mariage étant pris et élevés par les parents de la jeune mère. Aujourd'hui,
l'enfant d'une fille-mère est de plus en plus perçu par l'homme postulant au mariage comme une
charge que comme la preuve de la fertilité de la femme (FISA/IPPF, 2007).
Dans le couple, les moyens de production appartiennent aux hommes et la décision du partage de
bien en cas de séparation revient à l'homme. (PMPS, 2002).
Les coutumes locales qui restent encore vivaces, privilégient généralement les hommes dans
l'héritage et le partage des biens, y compris la propriété foncière (PMPS, 2002). La notion de
« velon-tena » ou indépendance matérielle progressive vis-à-vis des parents dès la puberté, est
également appliquée aux jeunes femmes et jeunes hommes comme norme de vie. Les enfants
sont alors amenés à travailler tôt aux fins de gagner leur vie, et ce au détriment de leurs études. A
ce propos, les garçons sont appelés à travailler précocement, ce qui favorise l’abandon dans la
mesure où les garçons se déplacent pendant plusieurs jours ou plusieurs mois pour nourrir le
bétail ou pour travailler dans les mines. Parallèlement, la culture locale de la région du Sud, dont
Toliara II, semble favoriser une certaine permissivité sexuelle. Cette situation favorise l'abandon
scolaire précoce des filles et des garçons : les premières souvent victimes de grossesses
intempestives, les seconds, comptant sur le patrimoine familial, se détachent facilement des
études.
3.2.5. District de Mampikony
Le district de Mampikony est situé dans la région de la Sofia qui se trouve au Nord Ouest de l'île.
Ce district est composé de 6 communes et s'étend sur 5 248 km² pour 100 816 habitants. Sa
population est jeune car 57,4% ont moins de 19 ans.
L’accès des filles au cycle primaire est meilleur à Mampikony que celui des garçons, mais cet
avantage est largement compensé par une rétention nettement plus faible. Au premier cycle
secondaire, l’avantage comparatif des filles au moment de l’accès est plus marqué qu’au cycle
primaire. Sur le premier cycle secondaire, les filles ont une rétention légèrement meilleure que
celle des garçons.
L'économie locale est basée principalement sur l'agriculture soutenue par l'élevage bovin. En
effet, la localité possède une forte potentialité agricole par l'existence de vastes plaines
alluvionnaires fertiles environnantes. Cela mobilise la majorité de la population, y compris les
enfants, même pendant les jours de classe. En outre, cette zone connaît également des problèmes
de communication pendant les saisons de pluie. En effet, les routes peuvent être coupées en cas
de crue, provoquant des isolements ayant des impacts sur la fréquentation de l'école. Le
district attire également chaque année des milliers de migrants saisonniers tels que les collecteurs
d'oignons et de riz. Les travaux de réhabilitation de la RN6 reliant Antananarivo et Antsiranana,
ainsi que les travaux de construction de bâtiments publics mobilisent également une grosse main
d'œuvre provenant de l'extérieur. Ces migrations constituent des occasions de transactions
sexuelles pour les filles dès lors exposées à une grossesse précoce et/ou tentées de quitter l'école
pour gagner de l’argent facile.
Chez les Tsimihety, habitants majoritaires de Mampikony, le mariage arrangé ou incité par les
parents est une pratique courante y compris pour les jeunes filles mineures en cours de

22
scolarisation (le plus souvent en primaire, vers l'âge de 13 à 15 ans). Le 'moletry'29 constitue un
élément déterminant du mariage et serait plus conséquent si la jeune fille demandée en mariage
est en cours de scolarité30. La survivance de ces pratiques traditionnelles constitue un facteur
favorisant le mariage précoce des filles et de ce fait, leur retrait de l'école - pour autant qu'on les y
ait inscrites. Les hommes sont quant à eux appelés à préserver, valoriser et développer le
'tanindrazana' (terre des aïeux) et le patrimoine familial. Ils sont préparés/initiés dès leur plus
jeune âge à tenir ces rôles et responsabilités et, poussés à constituer le plus tôt possible leur
capital personnel, s'occupent du gardiennage des zébus ou des travaux de champs.
3.2.6. District de Vangaindrano
Situé dans la partie Sud-Est de Madagascar, le district de Vangaindrano est composé de 29
communes et s'étend sur une superficie de 5377 km². Le district abrite 274 502 habitants avec
une prépondérance non négligeable de femmes (59% de femmes et 41% d'hommes) par rapport
à la moyenne nationale et aux cinq autres CISCO31. La population est jeune, 58,5% ont moins de
20 ans. Les jeunes filles de 6 à 20 ans semblent plus nombreuses que les garçons. Cette situation
démographique ne rend que plus visible le déséquilibre enregistré au niveau de la scolarisation des
filles.
Pénalisées lors de l’accès au cycle primaire, comme au premier cycle secondaire, les filles le sont
encore bien plus, dans les deux cycles, en ce qui concerne leur rétention, de sorte que la CISCO
de Vangaindrano présente des résultats très médiocres (dans l’absolu comme en équité-genre) au
sein des CISCO retenues par l’enquête. Cette circonscription fait partie du groupe des treize
CISCO qui présentent, au regard de l’équité-genre, des résultats très aggravés par rapport aux
résultats moyens de leur province.
La grande majorité de la population de Vangaindrano travaille dans le secteur agricole. Le riz
prend la quasi-totalité de la surface occupée par les cultures vivrières (90,2%). Vangaindrano est
très exposé aux cyclones et traverse des périodes de soudure qui affectent les moyens de
subsistance des parents et donc l'assiduité des enfants à l'école. La pêche représente une
alternative attrayante pour les jeunes garçons qui sont dès lors amenés à abandonner leurs études.
Ce district est également marqué par un fort attachement de la population aux valeurs
traditionnelles pénalisant très souvent les filles. Sur le plan culturel, la région du Sud-Est est en
effet marquée par une organisation sociale traditionnelle qui est caractérisée par la suprématie de
l'homme au sein de la communauté. Les rapports de domination et pratiques discriminatoires qui
en découlent, au détriment des femmes, touchent toutes les sphères de la vie sociale, économique
et politique de la région. Les femmes n'ont pas le droit d'hériter de la terre, même celle de leurs
parents. Ces derniers auraient tendance à marier tôt leurs filles et négligeraient alors leur
scolarisation, jugée non indispensable au rôle social attribué à la femme. Ceci explique en grande
partie les disparités en matière de scolarisation relevées dans le district.
3.3. Profil des écoles
Pour mémoire, les écoles sélectionnées ont été l’objet de réformes pédagogiques et
institutionnelles. Elles ont notamment bénéficié d’appuis matériels, pédagogiques et financiers,
tels que kits et manuels scolaires, outils APC, formations en pédagogie, notamment sur l’APC.
Certaines d’entre elles ont été réhabilitées ou dotées de nouvelles infrastructures. Pour faciliter la

29 Moletry désigne la donation (zébus et somme d'argent) octroyée par les parents du prétendant, aux parents de la
fille demandée en mariage.
30 Ministère de la Justice, Focus Development Association, Les pratiques discriminatoires à l'égard des femmes dans

le Nord Ouest de Madagascar, Août 2007


31 Données 2001, inventaire du Fivondronana - Source : Ministère de l'Agriculture, de l'Elevage et de la Pêche, «

Monographie de la région de Manakara », Juin 2003.

23
compréhension du rapport, nous rappelons également que les « petites classes » désignent les
classes des CP et CE et les « grandes classes », les CM1 et CM2.
3.3.1. Aperçu général des écoles
Dans l’ensemble, ces écoles sont localisées à moins de cinq kilomètres du centre de leur CISCO
respective à l’exception d’une école à Fandriana. Dans tous les cas, le problème de l’éloignement
se pose pour les élèves des deux sexes et particulièrement pour les filles. En effet, dans les sites
autres que les deux grandes villes (Antananarivo et Toamasina), près de 40 à 70% des élèves
viennent de villages ou de zones distants de 2 à 10 km de l’école, parfois même 20 ou 50 km (ils
sont dans ce cas confiés à des parents ou des proches). Les filles sont les plus touchées par ces
conditions : elles doivent faire face aux problèmes d’insécurité et à la fatigue occasionnée par un
long trajet à pieds entre l’école et le domicile ou sont placées chez des proches de la famille, les
privant ainsi du suivi parental. Les garçons sont également exposés aux risques d’une vie sans
encadrement ni suivi en louant, individuellement ou en groupe, une petite maison en ville. Cette
situation est parfois cause de l’entrée tardive des élèves à l’école, voire d’abandons.
D’une manière générale, les élèves des écoles publiques sont issus des ménages de couches socio-
économiques défavorisées. Ce sont des enfants de journaliers ou de fonctionnaires subalternes,
de petits commerçants, de petits agriculteurs/ éleveurs, de pêcheurs. Les élèves de l’école privée
concernée par l’étude ont en majorité des parents fonctionnaires ou salariés d’entreprises, ou
exerçant des métiers indépendants.
Par ailleurs, les problèmes liés à la santé de la reproduction, tels que la grossesse et/ou le mariage
précoce, l’avortement et l’exploitation sexuelle touchent également la majorité de ces écoles. A
titre illustratif, pour l’ensemble des établissements visités, quatorze cas de grossesse ont été
recensés en CM1 et CM2, durant l’année scolaire 2006 – 2007, les plus nombreux à Toamasina et
Mampikony. L’enquête a montré que cette situation est favorisée par l’environnement, plus
particulièrement pour les filles qui sont poussées à des transactions sexuelles ou à se marier
tôt pour diverses raisons : train de vie des classes sociales supérieures envié par les filles, désir de
paraître ‘in’ poussant filles et garçons à rechercher les moyens de s’offrir certains biens de
consommation comme les téléphones portables, ...
3.3.2. Les infrastructures
Les écoles ayant fait l’objet de l’étude sont des constructions en dur, dont 2/3 sont des bâtiments
32
FID et 1/3 des bâtiments plus ou moins vétustes. Ces établissements sont, dans leur ensemble,
confrontés au problème de la sécurité des élèves en raison du défaut total ou partiel de clôture.
En effet, du fait du libre accès du public dans le périmètre de l’école et de la concentration des
élèves pendant les cours, ces derniers sont exposés à des risques d’agression extérieure sous
différentes formes telle que menaces des bergers à Toliara II, confrontation avec des ivrognes à
Toamasina, …. La situation est encore plus dangereuse pour les filles lorsque l’école est traversée
ou entourée par des chemins publics. Elles sont draguées par les passants et/ou font l’objet de
remarques déplaisantes pendant les séances de sport.
Les salles de classes mesurent entre 16 et 64 m2 avec une moyenne de 35m2 et ne répondent
donc pas aux exigences pédagogiques par rapport au nombre des élèves (plus de 60 par classe).
Dans plus de la moitié des salles, un élève occupe moins de 1,3 m2 de surface. Ainsi, sauf dans de
rares exceptions, les observations ont montré les difficultés pour l’application de la disposition
en U des élèves, disposition recommandée dans le cadre de l’APC. Par ailleurs, il est fréquent que
les élèves de même sexe soient placés côte à côte. Toutefois, dans certaines classes, les filles sont
parfois placées au fond de la salle et les garçons aux premiers rangs ou inversement. Cette forme
d’emplacement n’offre pas une égalité de suivi dans la mesure où ceux qui sont placés devant

32 Ecoles construites sous financement FID (Fonds d’intervention pour le développement)

24
reçoivent davantage d’attention de la part de l’enseignant(e). Dans certaines classes, les garçons
‘indisciplinés’ sont placés entre deux filles pour les ‘ neutraliser.’ Dans tous les cas, cette mesure
est source de perturbation et de violence entre filles et garçons.
Les équipements matériels, qui sont réduits au strict minimum (tables bancs, tableau noir, pupitre,
estrade,…) et sont plus ou moins en bon état suivant les établissements présentent quelques
inconvénients pour les élèves. A titre d’exemples, il est constaté que : (i) pour la majorité des
écoles, les tableaux sont placés à une hauteur inadéquate par rapport à la taille des
élèves, amenant les filles à hésiter à aller au tableau noir, notamment celles qui sont pudiques et
qui veulent éviter d’être la risée des autres si leurs dessous intimes apparaissent à l’issue d’un faux
mouvement.; (ii) cette situation contraignante se fait également plus ressentir chez les filles
lorsque les bancs, dont les dimensions ne sont pas toujours adaptées à la taille des élèves, sont
disposés en U.
D’autres infrastructures comme les WC et les terrains de sport présentent également des
problèmes. Toutes les écoles sont dotées d’installations sanitaires mais plus de la moitié des WC
sont fermés car ils sont, soit ‘ réservés’ au personnel, soit hors service et condamnés. Seules les
écoles d’Antananarivo et de Toamasina sont dotées d’urinoirs mais les filles doivent passer
devant pour accéder aux WC. Dans certains cas, les toilettes sont relativement éloignées des salles
de classe. Il arrive également qu’écolières et écoliers utilisent les mêmes toilettes qui sont mal
fermées ou dépourvues de porte. Dans tous les cas, ces installations handicapent les filles qui ont
à subir le spectacle des garçons se soulageant et/ ou la violation de leur propre intimité. Ceci ne
peut favoriser le développement ou l’épanouissement des filles à l’école et peut éventuellement
constituer un facteur de démotivation pour elles.
Les écoles de Fandriana et un établissement scolaire de Mampikony sont les seules à disposer
d’infrastructures sportives (terrains de foot, de basket ball, et de hand ball) mais qui ne
répondent d’ailleurs pas aux normes (dimensions plus grandes que les normes, inexistence de
filet, …). Ailleurs, les élèves peuvent faire du sport dans la cour de l’école aménagée en terrain,
souvent en terrain de football pour les garçons. Les observations ont en fait montré que, dans la
majorité des écoles, les garçons dominent sur les aires de jeux. Ils se livrent à des jeux
relativement violents ou qui accaparent beaucoup de place, contrairement aux filles qui restent
entre elles dans leur coin. Cette situation ne permet pas l’épanouissement des élèves. Il ne faut
pas oublier que les activités ludiques importent aussi bien que l’apprentissage étant donné qu’il
s’agit encore d’enfants et d’adolescents.
Enfin, moins de la moitié des écoles a accès à l’eau potable : seules 4 écoles (à Antananarivo,
Toamasina, Fandriana) sur 12 disposent d’eau courante et une autre possède un puits couvert.
Cette situation a des impacts sur l’éducation en hygiène des élèves et sur leur hygiène elle-même.
Garçons et filles n’ont pas la possibilité d’étancher leur soif à l’école et/ou se laver les mains à la
sortie des toilettes ainsi qu’après les séances d’éducation sportive.
3.3.3. La performance
Le système éducatif malgache a connu récemment une très forte expansion. Globalement, au
niveau des effectifs, des disparités entre les sexes, en défaveur des filles, se sont dégagées, avec
une moyenne de 96 filles pour 100 garçons. Ces disparités sont encore plus accentuées à
Antananarivo avec 129 garçons pour 100 filles dans l’école privée ciblée par l’enquête. Il en est de
même à Mampikony et à Fandriana (Rapport G/F supérieur à 1,10). Deux écoles de Toamasina
font exception avec 99 garçons pour 100 filles. De manière générale, ces disparités en terme
d’accès rejoignent les tendances au niveau des CISCO, à l’exception de Toliara II. Par contre, il est
à noter que, plus le niveau monte, plus le rapport F/G augmente. En effet, en CP1, les garçons
prédominent dans la majorité des écoles alors qu’en CM2, dans plus de la moitié des écoles, les
filles sont beaucoup plus nombreuses. A ce titre, en CM2, la moitié des écoles ont un rapport F/G
de plus de 1,11, alors qu’en CP1, seule une école sur douze enregistre ce taux. A titre illustratif, le

25
rapport F/G dans les deux écoles de Toliara II est passé respectivement de 0,87 et 0,72 en CP1 à
1,66 et 1,41 en CM2. Ce déséquilibre pourrait s’expliquer par l’entrée tardive des filles en CP1 qui
est due, entre autres, à l’éloignement de l’école par rapport au domicile, évoqué précédemment.
Comme les enseignant(e)s notent généralement la présence des élèves, par sexe, à chaque début
des cours, il ressort que les filles sont plus assidues que les garçons. En effet, une moyenne de
94% des filles fréquentent l’école par mois contre 92,7% des garçons. Quelque soit le sexe, sauf
pour les écoles concernées à Antananarivo, le taux de fréquentation des CP1 est plutôt bas (88,7%
en moyenne des deux sexes), par rapport à celui des CM2 (96,9%). Le taux de fréquentation
augmente en effet avec le niveau de classe.
L’absentéisme relativement élevé des écolières et écoliers révélé par l’étude s’explique notamment
par : (i) la sous alimentation, notamment pendant la période de soudure de novembre à février,
qui démotive plus les garçons ; (ii) leur mobilisation pour les travaux des champs, de septembre à
décembre, les garçons y passant plus de temps que les filles (Vangaindrano, Toliara II,
Mampikony et Fandriana) ou tout simplement l’obligation d’aider les parents à cause des
difficultés économiques; (iii) la situation géographique de l’école qui la rend inaccessible en
saison de pluie ; (iv) les us et coutumes qui font participer les enfants à tous les évènements
villageois, qui peuvent durer deux mois, tels que les cérémonies funéraires (Toliara II) ; (v) la
surcharge de tâches domestiques, notamment pour les filles ; (vi) la permissivité des parents,
particulièrement à l’endroit des garçons.
3.3.4. L’encadrement.
Les écoles sélectionnées sont mono grades et à cycle complet. Pour 2/3 d’entre elles, le ratio
maître / élèves fixé par le Ministère (50 élèves par maître) est respecté. A Mampikony,
Toamasina et Vangaindrano, le nombre d’élèves par classe dépasse largement ce ratio. A
Mampikony, par exemple, un maître est chargé de 72 élèves. D’autre part, seules 2 écoles sur 12
ont moins de 50 élèves par classe et 3 écoles sur 12, dont une école privée, ont 1 salle de classe
par enseignant, ce qui limite les heures d’apprentissage des élèves.
Les enseignantes prédominent numériquement au sein de ces écoles, avec 189 institutrices contre
12 instituteurs. Ces derniers sont, dans l’ensemble, affectés aux classes de CM1 et/ou CM2. Cette
situation conforte la tendance retrouvée ailleurs, telle que documentée dans la littérature : tenir les
petites classes convient bien aux femmes qui sont appelées à être remplacées par des hommes au
fur et à mesure que le niveau scolaire monte. Ceci renvoie à l’idée largement répandue selon
laquelle les femmes sont faites pour tenir un rôle maternel, ce qui justifie qu’on leur confie la
charge des petits enfants. Par conséquent, on reconnaît aux hommes les capacités et compétence
intellectuelles requises pour donner des cours supérieurs. Par contre, au niveau de la direction, on
constate une égalité entre les sexes dans l’attribution des postes.
Par rapport à leur statut, les enseignant(e)s sont en majorité des fonctionnaires (83%), les autres
étant des maîtres FRAM ou suppléants (17%). Dans les écoles de Toliara II, trois quarts des
enseignants sont maîtres FRAM, ce qui soulève des questions. En effet, les rapports officiels
montrent que les écoles des CISCO à grande proportion d’enseignants FRAM ont des taux de survie
relativement faibles par rapport aux autres. Ceci pourrait également expliquer le taux d’abandon
très élevé à Toliara II. Enfin, la majorité des écoles publiques utilise la vacation double ou
échelonnée, ce qui réduit considérablement les heures de cours des élèves et ne leur permet pas
d’avoir les mêmes chances que dans les écoles privées.
En conclusion, l’étude du profil des écoles révèle des incohérences sur le plan de la planification
des réformes scolaires, par exemple, formation et dotation d’outils APC dans des établissements
scolaires dont l’infrastructure n’en permet pas l’application.
Elle révèle également une insuffisance en termes de couverture des projets de construction ou
réhabilitation des infrastructures. Le nombre d’écoles et de salles continue à être insuffisant,

26
rendant compte d’une part, de l’inadéquation du nombre des élèves par rapport aux exigences
pédagogiques et d’autre part, de l’éloignement par rapport au domicile des parents entraînant
l’entrée tardive des élèves à l’école, le déséquilibre constaté au niveau des effectifs G/F et les
abandons. L’infrastructure de l’école (manque de clôtures) et l’absence de préoccupation relative
à la santé de la reproduction dans la réforme scolaire (reflétée par le taux élevé de grossesses
précoces dans les écoles étudiées) sont deux autres facteurs qui rendent compte de la vulnérabilité
des filles aux problèmes de santé de la reproduction.
La réhabilitation, entretien ou usage des infrastructures et la dotation en équipement ne tiennent
pas davantage compte des besoins spécifiques des filles. On insistera particulièrement sur la
question des sanitaires et de l’eau courante, dont on sait pourtant qu’ils constituent un facteur de
motivation clé pour garder les filles à l’école, particulièrement après la puberté. Il est en effet
difficile pour une fille de devoir se soulager devant des garçons et plus encore quand elle a ses
menstruations. Autrement, l’absentéisme des élèves, particulièrement des garçons, s’explique
essentiellement par le faible niveau socio-économique des parents qui les oblige à faire participer
leurs enfants aux travaux des champs et du ménage ou leur permissivité par rapport à ces
derniers.
Les conditions de travail des enseignant(e)s peuvent, tout comme l’ignorance de la convention
sur les droits de l’enfant dans la discipline scolaire et le manque de sanction à leur égard,
expliquer les violences physiques et psychologiques observées au cours de l’étude.

27
Chapitre 4. Genre et qualité de l'éducation à l’école

4.1. Analyse des manuels scolaires dans une perspective de genre


C’est un fait établi partout dans le monde que les manuels scolaires et les programmes
comportent souvent une orientation de genre, car reflétant les stéréotypes masculins et féminins
de la culture à laquelle appartiennent ceux et celles qui les ont développés. A travers les rôles
qu’ils assignent aux femmes et aux hommes, ils véhiculent auprès des filles et des garçons des
messages sur la féminité et la masculinité. Ces messages influencent les idées prédominantes sur
les rôles de genre et modèlent les rôles et stéréotypes de genre de la société future. Parallèlement,
il est internationalement reconnu que pour un meilleur apprentissage des élèves et pour parvenir
à une société plus favorable à l’égalité de genres, les programmes scolaires et les supports
d’enseignement et d’apprentissage doivent éviter de perpétuer les stéréotypes de genre. Ils
doivent au contraire transmettre des modèles égalitaires tant pour les filles que pour les garçons.
Les manuels choisis pour une analyse de contenu du point de vue du genre sont
ceux actuellement utilisés dans les classes du CM2 (c’est-à-dire la 5ème et dernière
année de l’EF1 ou cycle primaire). Ils sont relativement récents, puisqu’ils ont été
publiés en 2002. Ce sont des manuels de calcul, de français, de géographie et de
connaissances usuelles. Dans le cadre des réformes engagées par le MENRS pour
améliorer la qualité de l’éducation, chaque élève est en effet doté d’un livre dans
chacune de ces disciplines.
Dans le cadre de cette étude, ils ont fait l’objet d’une analyse des représentations des deux
sexes en termes à la fois quantitatif (c’est-à-dire la proportion de personnages féminins et
masculins présentés) et de contenu (à savoir dans quels rôles femmes et hommes sont présentés).
Les résultats de cette analyse seront particulièrement utiles à la composante « Manuels Scolaires
et Auxiliaires Didactiques » qui a été instaurée au sein de la Direction du Développement des
Curricula (DDC) du MENRS en charge des manuels et de leur évaluation (MENRS, 2007).
4.1.1. Les stéréotypes liés aux rôles féminins et masculins
Dans l’ensemble, sur le plan quantitatif, les personnages masculins sont bien plus nombreux que
les personnages féminins. La proportion dans la présence des personnages féminins et masculins
varie entre 1 à 4 et 1 à 15, tant du point de vue des textes et exercices que de celui des illustrations
(dessins ou photos), toujours au détriment des personnages féminins. Le déséquilibre est
particulièrement flagrant pour tout ce qui touche au monde du travail et des activités
économiques.
Les cas flagrants des manuels de calcul, de géographie et de français
Dans le manuel de calcul, sur un total de 27 illustrations d’exercices, 21
montrent exclusivement des personnages masculins engagés dans des
activités économiques (soit 78%), contre 5 où on voit des femmes dans
l’exercice de leur métier. Dans 3 autres manuels, les scènes sont mixtes.
Dans ce dernier cas, dans la légende de 2 des illustrations, la femme est
sans identité propre, mais est désignée sous le nom de « la femme de
Bekoto » et « la femme du maçon ». Dans le manuel de géographie, la
grande majorité des textes et des illustrations sont neutres (Ex. : « Pour
résoudre les problèmes de l’agriculture, il faut améliorer les techniques agricoles » ; photo de rizières sur les
Hautes Terres). Il n’en reste pas moins que sur les rares photos montrant des humains, on trouve
au total 21 hommes, dont 13 en plein exercice d’une activité économique, contre 1 seul
personnage féminin – une petite fille dans un groupe de 4 enfants illustrant l’extrême pauvreté.

28
Les femmes sont ainsi totalement absentes des photos liées à l’activité économique. Elles sont
même absentes de la photo illustrant l’exode rural, où l’on voit un groupe de migrants hommes
quitter leur village avec des enfants et ce bien qu’il soit impensable pour les Malgaches que les
enfants, surtout en bas âge, partent avec leurs aînés masculins, sans leur mère, leur grand-mère ou
leur grande sœur. De plus, traditionnellement, la femme n’accompagne pas son mari qui migre
parce qu’elle doit s’occuper des enfants, quitte à les rejoindre plus tard avec la famille, si et
lorsque les nouvelles conditions de travail du mari le permettront. D’ailleurs, le texte qui illustre
également la leçon précise : « L’homme espère vendre ses chèvres et sait où il va travailler : chez Sondarjee,
grand commerçant indien. Sa femme s’emploiera comme trieuse de pistaches puis, en novembre, comme trieuse de
pois du Cap » (extrait de R. Battistini, Géographie humaine de la plaine côtière Mahafaly).
La même disparité quantitative en termes d’illustration d’hommes et de femmes et de garçons et
de filles se retrouvent dans le manuel de français pour le monde du travail : dans la partie
consacrée au thème des « Métiers », en dépit d’un équilibre relatif au niveau de l’introduction du
thème (« A chacun son métier » : 2 femmes contre 3 hommes présentés dans l’exercice de leur
métier), l’ensemble du chapitre est caractérisé par la prédominance des personnages masculins.
Prédominance numérique des personnages masculins dans tous les secteurs d’activités
La prédominance des personnages masculins en termes de récurrence implique un déséquilibre au
niveau de la variété des métiers exercés, donc des opportunités à saisir pour les filles et les
garçons. En fait, les opportunités offertes aux garçons s’élargissent tandis que celles offertes aux
filles se réduisent. En effet, les personnages masculins occupent tous les secteurs : ils sont
nombreux dans le secteur primaire, en tant que cultivateurs dans leurs rizières, pêcheurs sur leur
pirogue, alors que les illustrations où on voit des femmes engagées dans les tâches qui leur sont
généralement attribuées selon la division traditionnelle du travail sont rares : 3 illustrations
seulement (dans les 4 manuels étudiés) représentent des femmes en train de repiquer les jeunes
plants de riz (« manetsa »). Ce sont également des hommes qui vendent le poisson au marché,
alors que la commercialisation des produits de la pêche artisanale est généralement confiée aux
femmes.
Dans le secteur secondaire, on voit des personnages masculins occuper toutes sortes de
fonctions : ouvriers dans une usine de traitement du sisal à Amboasary, du cuir de crocodile à
Ivato, creusant sur un site de saphir à Ilakaka. Les rares femmes, par contre, sont occupées dans
l’artisanat : elles sont couturières (métier le plus fréquemment cité), tisserande, potière. De plus,
dans un exercice qui consiste à classer les métiers par secteur, on trouve 1 métier donné au
féminin (couturière) contre 11 métiers donnés au masculin. Ainsi, lorsque la femme est présente
dans les activités économiques, elle est confinée à des activités présentées comme typiquement
féminines.
Dans le secteur tertiaire, les personnages masculins sont garagistes, mécaniciens, peintres,
chauffeurs, directeur d’usine. Les métiers de la santé et de l’enseignement sont également
majoritairement représentés par des hommes même si dans la réalité, de nombreuses femmes
sont médecins ou enseignantes. Ainsi, bien que les statistiques donnent une majorité de femmes
enseignantes dans les écoles primaires, aucun des manuels étudiés ne montre une maîtresse
d’école, tandis qu’on y trouve plusieurs maîtres d’école. Les personnages féminins sont
secrétaires, employées des postes, infirmières et une seule fois, médecin.
En dehors du monde du travail, les personnages féminins sont également effacés au profit de
leurs homologues masculins. Ainsi, à l’école, les femmes et les filles sont peu présentes dans les
illustrations : sur 9 illustrations, il y en a 7 qui montrent des élèves masculins soit entre eux, soit
avec le maître. Les autres ne montrent que 2 élèves filles pour 7 élèves garçons, toujours avec un
enseignant. Dans la sphère de la vie familiale et sociale, le personnage de la mère est totalement
absent, à l’exception d’une petite phrase dans un exercice du manuel de français. Dans un texte et
ses illustrations sur le thème du mariage, seul le père du jeune homme demande la main de la

29
jeune fille au père de celle-ci ; seul le père de la jeune fille accepte, puis seul le père de chacun des
époux va inviter ses amis et voisins à venir à la cérémonie du mariage. Dans la culture malgache,
la femme est toujours subordonnée à un homme : à son père lorsqu’elle est petite, à son mari
lorsqu’elle est adulte, à ses frères et/ou ses fils lorsque l’époux fait défaut33.
Le cas d’exception : le manuel de connaissances usuelles
Le manuel de connaissances usuelles constitue une exception car plusieurs
illustrations montrent un souci d’équilibre de genre. Dans la leçon sur les muscles,
par exemple, on voit 2 filles qui font travailler leurs biceps et 2 garçons qui font
travailler leurs triceps. La leçon sur les modes de transmission du VIH/SIDA est
illustrée par : (i) un dessin sur les « relations sexuelles sans préservatif avec un
partenaire atteint du virus » et représentant un couple dont il n’est pas indiqué
lequel est atteint du virus ; (ii) un dessin sur le vagabondage sexuel et représentant
un couple dont chacun des partenaires est en train de penser à d’autres
partenaires ; (iii) un dessin sur « La circoncision avec des instruments non stérilisés », qui
montre naturellement 1 garçon, et un autre sur « La mère séropositive au cours de
la grossesse » qui montre 1 femme enceinte, tandis que le dessin illustrant le mode de
transmission du VIH par seringue non stérilisée et celui relatif à la transfusion sanguine non
contrôlée montrent respectivement 1 homme et 1 femme.
En outre, un dessin de ce manuel de connaissances usuelles, illustrant la leçon sur « les états
physiques de la matière », présente une image relativement équilibrée des rôles sociaux des femmes et
des hommes. Le dessin représente un village dont les habitants, enfants et adultes, s’adonnent à
diverses activités : 3 femmes dans des activités domestiques (la cuisine, la lessive, le bain de
l’enfant), 2 hommes dans des activités économiques (1 pêcheur sur sa pirogue, 1 cultivateur avec
sa bêche sur l’épaule), 1 fille soufflant dans un ballon et 1 garçon gonflant le pneu de sa
bicyclette. Malgré les stéréotypes relatifs aux femmes engagées dans les activités domestiques et
aux hommes dans les activités économiques, le dessin de ce manuel présente au moins l’avantage
de l’équilibre quantitatif entre les sexes.
Mais force est de constater que le souci d’équilibre dans la représentation des genres n’est pas
systématique dans ce manuel. Par exemple, pour illustrer la leçon sur la manière d’éviter l’érosion,
2 hommes comparent leurs champs dans un dialogue illustré de 4 dessins. Ceci implique qu’ils
sont seuls responsables de l’utilisation de la terre, dont ils sont peut-être propriétaires. Les
femmes sont implicitement exclues non seulement des représentations de l’activité économique,
mais également de la propriété foncière et de la responsabilité par rapport à l’environnement
naturel. Dans tous les cas, ceci reflète le manque de sensibilité des manuels sur les questions
d’égalité et d’équité de genres.
« Hommes et garçons actifs, femmes et filles passives »
Ces stéréotypes apparaissent dans tous les manuels étudiés. Même dans le manuel de
connaissances usuelles cité plus haut comme une exception en matière de souci d’équilibre, on
peut relever par exemple les caractéristiques suivantes : dans la leçon sur la prévention du
paludisme, les dessins d’illustration comportent au total 11 personnages dont 2 femmes, mais
celles-ci sont passives (1 porte des vêtements qui la couvrent, 1 est assise près d’un feu fumigène
qui fait fuir les moustiques), tandis que 5 des 9 personnages masculins sont engagés dans une
action de prévention (1 place un grillage devant la fenêtre, 1 pulvérise de l’insecticide, 1
débroussaille les alentours de la maison, etc.). Outre le déséquilibre quantitatif, apparaît ainsi un
autre niveau de déséquilibre, celui des attitudes liées à des représentations sociales biaisées des
rôles masculins (actifs, et qui contribuent au bien-être des autres) et des rôles féminins (passives,

33L’expression « anadahy fara-vady », traduite littéralement par « le frère est le dernier ‘mari’ (idée de ‘support’ de la
femme, en cas de défaillance du mari, telle décès ou autre)

30
et qui n’accomplissent aucun acte susceptible d’étendre le bien-être au-delà de celui de leur
propre personne).

Cette représentation des rôles féminins est en contradiction avec ce qui est constaté
empiriquement dans la réalité, et qui apparaît d’ailleurs dans d’autres parties du même manuel de
connaissances usuelles. En effet, on y voit plusieurs personnages féminins s’occuper activement
d’autrui : laver un enfant dans la rivière, pousser la chaise roulante d’un handicapé, soigner un
malade atteint de la peste.
Négation des rôles de la femme dans la société et image valorisante des hommes
Les stéréotypes habituels relatifs à la contribution positive des femmes à la vie sociale sont
curieusement absents des manuels étudiés. Comme il a été relevé plus haut, le personnage de la
mère n’apparaît dans aucun de ces manuels, sauf brièvement dans deux phrases d’exercices.
L’absence de la mère est même telle que, dans le manuel de calcul, un dessin montre un villageois
adulte porter un bébé dans son dos. Dans le manuel de français, dans un texte intitulé « Les trois
métiers de Rabe », le petit garçon va chercher sa mère au marché où elle aurait dû se trouver depuis
le début de la matinée, mais c’est parce qu’elle n’est pas là qu’une opportunité se présente pour le
petit garçon de vendre les articles qu’il a fabriqués.
Ce texte est un concentré de stéréotypes masculins : Rabe a fabriqué des vélos miniatures en fil
de fer. Un passant lui demande le prix d’un vélo, il s’improvise marchand. Mais il doit se
dépêcher d’aller à l’école car il est aussi un écolier assidu parce qu’il veut devenir médecin ou
infirmier comme son frère aîné, que tout le village attend avec impatience. Le jeune garçon
possède toutes les qualités qui lui permettront de mener une vie réussie : la créativité, l’esprit
d’entreprise, la présence d’esprit qui permet de saisir une opportunité, même inattendue, le
sérieux, l’ambition. Les mêmes qualités se retrouvent chez « Mamy, chasseur de mouches », qui a su
tirer des divers petits métiers qu’il a exercés les leçons et l’expérience qui lui ont permis d’avancer
constamment dans la vie. Avec Rabe, il donne du jeune garçon une image valorisante,
contrairement aux deux jeunes filles présentes dans le même manuel de français.
Dans la section intitulée « Comment convaincre ? », le contexte suivant est donné : « Fanja voudrait
travailler en ville. Rabe pense que c’est une mauvaise idée ». Dans la brève discussion qui s’ensuit, Fanja
donne des jeunes femmes une image peu valorisante: elles seraient irréfléchies, impulsives et peu
informées (Fanja est attirée par la ville sans penser aux inconvénients comme le chômage, la
difficulté de se trouver un logement, le coût élevé de la vie), et faciles à convaincre (elle se rend
très vite aux arguments et aux conseils éclairés de Rabe) parce qu’elles manquent d’arguments. A
l’opposé, Rabe donne des jeunes hommes une image extrêmement valorisante: ils sont réalistes et
bien informés (« Dans les villes, il y a beaucoup de chômage »), expérimentés, donc en mesure de
donner des conseils (« Fais comme mon frère Jao »), responsable (« Il faut que les jeunes restent au
village ».)
Le même scénario est repris dans l’un des exercices d’évaluation à la fin de l’unité sur les métiers :
« Fara veut arrêter ses études après le CEPE. Jao lui conseille de continuer ». L’exercice renvoie aux mêmes
stéréotypes dévalorisants pour les jeunes filles (plus le manque d’ambition) et valorisants pour les
jeunes hommes. Il faut noter que le dessin d’illustration montre une jeune fille et un jeune
homme à peu près du même âge et de même condition sociale. Seul le biais « genre » peut donc

31
expliquer ces différences de niveau d’information, de capacité de raisonnement, de pouvoir de
persuasion et de sens de la responsabilité.
Pouvoir, autorité et influence : attributs associés aux personnages masculins
Quand les femmes, déjà quantitativement mal représentées, apparaissent, c’est le
plus souvent dans des rôles de dépendance ou de subordination. Ainsi, on voit
dans le manuel de calcul une jeune fille planter des légumes dans le coin du jardin
que lui a alloué son père, dans le manuel de français une secrétaire recevoir les
instructions de son directeur. A l’inverse, les personnages masculins, dès lors qu’il y
a interaction sociale, sont présentés dans des positions d’autorité ou d’influence : (i)
dans deux exercices et deux illustrations différentes du manuel de calcul, un oncle
distribue des cadeaux à ses neveux et nièces ; (ii) dans le manuel de français, un
père accorde la main de sa fille à un jeune homme, lui-même représenté par son
père ; (iii) dans les manuels de calcul et de français, on trouve de nombreux
personnages masculins qui sont médecins, contre un seul personnage féminin, les
autres étant infirmières.
4.1.2. Implications des résultats de l’analyse de contenu
L’étude de contenu des manuels scolaires illustre parfaitement la manière dont l’école reproduit
les représentations sexistes, notamment sur le plan du travail, et les communique aux élèves par
les « canaux officiels » que représentent les livres et manuels scolaires. La recherche récente sur la
question souligne en effet la propension qu’ont les enfants à intégrer les représentations
stéréotypées des rôles des sexes, véhiculées par les manuels et livres pour enfants.
Les principaux points ci-après peuvent en effet être tirés de l’examen des manuels scolaires :
 Du point de vue quantitatif, les garçons/hommes sont surreprésentés par rapport aux filles/
femmes ; ce déséquilibre est particulièrement flagrant pour tout ce qui touche le monde du
travail et des activités économiques ;
 Du point de vue qualitatif, les représentations des rôles masculins et féminins dans les manuels
scolaires étudiés véhiculent les stéréotypes les plus défavorables aux femmes ; les descriptions
des filles/femmes et des garçons/hommes utilisent et renvoient à des dimensions stéréotypées
de la différence des sexes, à savoir, passives - actifs, invisibles - visibles, dépendance –
pouvoir etc.;
 De plus, les représentations des rôles masculins et féminins dépassent la réalité dans le sens de
la négation du rôle des femmes dans la société, illustrée par l’occultation quasiment
systématique de leur activité économique dans la société traditionnelle sinon leur rôle
maternel, pourtant bien affirmé dans toutes les couches sociales.
En d’autres termes, non seulement ils maintiennent les stéréotypes en présentant les diverses
professions comme étant dévolues ou bien aux hommes ou bien aux femmes, par exemple, la
couture, mais minimisent les acquis dans l’ouverture des opportunités pour les femmes et, ce
faisant, renforcent ces stéréotypes. Ainsi, les femmes, majoritaires dans l’enseignement primaire,
ne sont pas représentées. Ou bien, dans les métiers de la santé, elles sont représentées comme
infirmières plutôt que médecins. En plus, ils assignent les professions traditionnellement dévolues
aux femmes aux hommes, réduisant ainsi les opportunités offertes aux femmes en introduisant
ainsi un nouveau stéréotype défavorable aux femmes puisque les femmes ne sont pas présentées
en parallèle comme ayant des activités traditionnellement dévolues aux hommes. De ce fait, au
lieu de mettre en question les stéréotypes de genre déjà projetés par la famille et la communauté,
l’école les renforce et en crée de nouveaux. En abordant avec les élèves les contenus des
manuels, en raison de leur statut et parce qu’ils partagent ces stéréotypes de genre et les
transmettent de bonne foi, les enseignants les valident de facto.

32
En fait, la surreprésentation des garçons et des hommes par rapport aux filles dans les livres pour
enfants est un fait relevé, même dans les pays développés (Dafflon Novelle, 2002 ; Ferrez &
Dafflon Novelle, 2003 ; Kortenhauss & Demarest, 1993). Il s’ensuit des impacts négatifs, qui
affectent davantage les filles: (i) elles auraient un moindre choix en matière de lecture, les enfants
préférant lire un livre dont le personnage central est du même sexe qu’eux-mêmes ; (ii) cet
éventail restreint de modèles d’identification et de référence peut provoquer une baisse de
l’estime de soi ; celle-ci est plus élevée chez les enfants de 7 à 9 ans, après qu’ils aient lu des
histoires comprenant des personnages de leur propre sexe, plutôt que des personnages de sexe
opposé (Ochman,1996). De façon plus pragmatique, ces stéréotypes de genre orienteront les filles
vers des filières d’études supérieures et des métiers dits « féminins », et auxquels la société assigne
une valeur moindre sur le plan du statut social ou de l’utilité et donc, de la rémunération.
Le manuel de connaissances usuelles constitue un bon exemple pour orienter d’éventuelles
révisions des manuels. On peut utiliser le dessin, cité plus haut, illustrant la leçon sur « les états
physiques de la matière », comme base d’une révision des textes et illustrations des manuels dans
le sens (i) du respect de l’équilibre quantitatif entre personnages féminins et personnages
masculins, et (ii) de la révision des images stéréotypées aux dépens des femmes.
4.2. Genre et perceptions de la communauté scolaire
La recherche menée dans les pays occidentaux montre de nombreuses similitudes entre les
différentes institutions en charge des enfants, y compris l'école : (i) dans les représentations
stéréotypées que les adultes se font du comportement des filles et des garçons ; (ii) dans leurs
manières d'agir avec les enfants des deux sexes, fortement sexuées (Novelle, 2006). Ces
représentations différenciées selon le sexe génèrent des attentes différentes vis-à-vis des filles et
des garçons et ont des impacts sur la scolarisation de ces derniers. Ces attentes fonctionnent
comme « des prophéties auto réalisatrices »34 : l'élève fait preuve d'une moindre confiance en soi
pour les disciplines qui ne correspondent pas à son sexe (Catherine Marry, 2003 ; Chaponnière,
2006). Pourtant, les enseignant(e)s sont convaincus d'avoir un comportement égalitaire envers les
enfants des deux sexes. Qu'en est-il à Madagascar dans les écoles des CISCO retenues pour
l'étude ?
La présente étude apporte des éléments de réponse à des questions spécifiques sur : (i) les
perceptions des membres de la communauté scolaire quant aux caractéristiques des filles et des
garçons ; (ii) les attentes des membres de la communauté scolaire vis-à-vis des filles et des
garçons en ce qui concerne leur scolarisation et leur avenir et, le cas échéant, les variations dans
les perceptions et attentes en fonction de l'âge des enfants (avant / après la puberté) ; (iii) le
traitement des filles et des garçons à l'école en termes d'assiduité ou de performance : accepte-t-
on plus facilement que les filles manquent les cours ou que leurs performances soient moins
bonnes que celles des garçons? S'agissant de la dynamique entre adultes et enfants : y a-t-il une
différence dans les attentes pour les deux sexes pour ce qui est de l'acceptation de l'autorité ? (iv)
les variables socio-économiques ont-elles une influence sur ce qui précède?
Les résultats des discussions avec les membres de la communauté scolaire sur ces questions sont
rapportés et analysés dans deux sous-sections. La première porte sur les perceptions et attentes de
la communauté scolaire vis-à-vis des filles et des garçons. La seconde traite des pratiques
enseignantes, y compris les pratiques favorables à l'égalité de genre.

34 On parle aussi de « prophéties auto actualisantes » qui sont des prédictions qu'une personne élabore à l'égard d'une
autre personne et qui correspondent aux attentes que cette personne manifeste envers l'autre. Ces prédictions ont
tendance à se réaliser parce que les personnes qui les font mettent en place, plus ou moins consciemment, les
conditions favorables à leur réalisation.

33
4.2.1. Perceptions et attentes de la communauté scolaire
Le sexe constitue un élément déterminant dans l'appréciation des caractéristiques des élèves par la
communauté scolaire. En effet, les filles et les garçons sont décrits de manière distincte sinon
opposée et donc, complémentaire.
Les filles formatées pour la réussite scolaire avant la puberté.
Caractéristiques des filles
Interrogées sur les capacités scolaires des filles, les enseignant(e)s « On ‘dresse’ plus facilement les filles. En plus, elles
ont le réflexe de toujours les comparer aux garçons et leurs avis sont très obéissantes. Ce qui fait qu’elles sont plus
sont quasi unanimes : initialement, les filles seraient plus avantagées douées que les garçons car elles écoutent bien les
que les garçons pour réussir. Elles auraient un comportement explications en classe. » [IA Enseignant,
exemplaire, qui expliquerait leurs performances scolaires Vangaindrano]
supérieures. “Vous savez à la maison, dès qu’il y a quelque chose à
faire, on appelle toujours la fille. On lui dit d’aller
Les filles seraient plus sages, dociles, obéissantes, sérieuses, chercher de l’eau, du bois, … C’est comme ça, c’est la
assidues, réceptives, curieuses, polies, dynamiques, conciliantes et fille qui aide les parents ! Ce qui fait qu’elle est mûre
ces qualités expliqueraient leurs performances meilleures. Certains précocement. » [IA Enseignant, Mampikony]
les considèrent également comme timides et manquant d'assurance,
ce qui les handicaperait sur le plan des études, mais il s'agit d'une
minorité. A Mampikony, Toamasina et Vangaindrano certain(e)s Manoa 8 ans
enseignant(e)s les décrivent comme bavardes, coquettes et
rapporteuses mais il s'agit également d'une minorité. Partout
ailleurs, leur sens de la discipline les avantagerait tout
particulièrement dans les études par rapport aux garçons. Dans tous
les sites, sauf à Antananarivo, la plupart des enseignant(e)s pensent
également qu'elles sont plus intelligentes que les garçons, ce qui expliquerait aussi leurs résultats
meilleurs.
Les études menées en Occident montrent cette tendance à qualifier les filles de plus dociles et
plus disciplinées que les garçons. Comme à Madagascar, ces qualités les rendraient plus
conformes aux exigences de la vie scolaire que leurs homologues de sexe opposé et justifieraient
leurs performances meilleures. Un auteur souligne d'ailleurs que les encouragements des
enseignants portent généralement sur les performances pour les garçons et sur la conduite pour
les filles (Novelle, 2006).
Tout se passe comme si les enseignant(e)s considéraient ces qualités comme des traits
intrinsèques à la nature de la fille, innés, et non le produit d'une socialisation différenciée selon les
sexes qui a pour effet de favoriser un comportement à l'école qui aboutit à de meilleures
performances scolaires. Ces qualités sont, en effet, également celles que la culture reconnaît à une
bonne épouse qui doit être docile, attentive aux besoins de son mari et de ses enfants et apte à
tenir un foyer. Ainsi, dans tous les sites, on reconnaît également aux filles une plus grande
maturité, qui rendrait compte des plus grandes responsabilités qu'on leur confie dans leur famille
(tâches domestiques, garde de la fratrie, ...). A Fandriana, Antananarivo et Toamasina, on insiste
d'ailleurs également sur les responsabilités qu'elles prennent à l'école (parrainage des pairs, prise
en charge des tâches ménagères à l'école,...). Les qualités que les enseignant(e)s reconnaissent à la
fille servent ainsi à légitimer qu'on leur attribue des tâches domestiques qui la préparent en fait à
tenir son rôle de maîtresse de maison.
Mais ces qualités que l'on reconnaît aux filles et qui expliqueraient leurs résultats meilleurs à
l'école sont vite relativisées et ce, pour rendre compte d'une division sexuelle du travail que l'on
veut perpétuer. Ainsi, dans presque tous les sites, l’intelligence plus grande que l'on reconnaît aux
filles se limiterait en fait aux matières littéraires. Seuls quelques enseignant(e)s, à Vangaindrano,
Mampikony et Fandriana reconnaissent aux filles des capacités dans les matières scientifiques,
notamment le calcul. Les qualités de la fille la dirigent ainsi vers des carrières dites féminines dont

34
on sait qu'elles sont souvent considérées comme moins difficiles
et/ou moins utiles et donc moins valorisées socialement et/ou Scolarisation des filles limitée par leur
financièrement que celles vers lesquelles on pousse les garçons. vulnérabilité
Ainsi, dans presque tous les sites, les domaines réservés aux « Depuis que la SOGEA est là, nombreuses sont
femmes sont, pour la majorité, les emplois d'exécutant (secrétaire, .) nos filles, qui sont débauchées. Il y en avait en 7è, et
nous en avons avisé le chef CISCO. Et voilà notre
et les emplois où la « sensibilité féminine » est requise (sage-femme, véritable problème, ces employés du FID et de la
enseignante,...) par rapport aux emplois réservés aux hommes SOGEA, par exemple, s’en prennent à celles de 16
(médecins, professeurs d'université, ...). Seul le site de Fandriana ans, celles qui portent du vert (les blouses offertes par
s'est distingué des autres avec des métiers d'exception comme l’Etat malgache), mais qui sont déjà très grandes en
polytechnicienne, ingénieur de BTP ou chef de service – peut-être 7è. » [IA Enseignant Mampikony]
parce qu’il y a plus de modèles féminins dans ces secteurs que sur « Les enfants aiment l’école, mais voilà il y en a qui
les autres sites – que les enseignants qualifient de métiers probables viennent de la campagne, assez loin, et ils sont obligés
pour les filles. d’habiter seuls quand ils viennent étudier en ville. Les
parents ont alors peur pour leurs enfants, surtout pour
Le plus souvent, et particulièrement à Toliara II, Vangaindrano et les filles.» [IA Enseignant, Fandriana]
Mampikony, les stéréotypes sur le caractère féminin servent à
légitimer leur futur rôle de femme au foyer. En effet, dans la
majorité des sites, si les qualités des filles les rendent plus
performantes à l'école, ce n'est jamais que pour un temps, comme
s'il s'agissait d'un effet secondaire appelé à s'amenuiser, sinon à
disparaître, au fur et à mesure que la fille se développe et donc, que
la vraie nature de ces qualités s'affirme. La majorité des membres de
la communauté scolaire considèrent en effet que ces qualités des
filles les rendent également plus vulnérables. Cette vulnérabilité se
traduirait par une plus grande fragilité justifiant un plus grand
besoin de tendresse et de protection et par une instabilité qui se Michaya, 9ans
déclencherait à la puberté et limiterait alors leurs capacités sur le
plan des études.
Tout se passe comme si, pour les enseignant(e)s, il y avait deux périodes distinctes dans la
scolarité des filles, l'une avant la puberté, caractérisée par la réussite scolaire et ce, en raison même
de qualités qui, après la puberté, lorsqu'elles sont en quelque sorte venues à maturité, expliquent
leur baisse de performances. Comme la puberté signifie la capacité d'avoir des enfants, dire qu'elle
limite également les capacités de la fille sur le plan des études, c'est dire que la finalité des qualités
que l'on reconnaît alors à la fille n'est autre que de devenir mère au foyer.
En d'autres termes, bien que conscients des facteurs externes qui peuvent rendre compte du
parcours scolaire des filles, les enseignant(e)s entérinent dans le biologique le traitement
différencié des sexes pour ce qui concerne la scolarisation pour légitimer le maintien des filles
dans le rôle social qui leur est dévolu. Les différents facteurs cités comme pouvant faire obstacle
à une scolarisation plus poussée des filles se retrouvent en effet dans tous les sites : - l'incapacité
matérielle des parents et l'environnement socio-économique et culturel qui aurait des effets
pervers sur la scolarité des filles et des garçons, mais davantage sur celle des filles ; - une
grossesse précoce ; - l'éducation scolaire des filles jugée non primordiale, mais surtout axée sur la
tenue du ménage pour les préparer à leur futur rôle de femme au foyer mais surtout - le mariage
perçu comme norme sociale dans certaines régions de l'île (Toliara II, Vangaindrano et
Mampikony) ; - la faible capacité de négociation des filles qui fait qu'elles peuvent être facilement
séduites par les hommes, résidents ou de passage (Mampikony et Toliara II) ; - l'absence de
structures d'accueil qui ferait que l'éloignement des écoles, tout en soustrayant les filles au suivi
des parents, occasionne des frais supplémentaires en loyer, qui dépassent les capacités du budget
des parents (Fandriana, Mampikony) ; - et la recherche d'un mieux-être matériel suscitée par
l'exemple des autres filles, et notamment celui des travailleuses de sexe (Fandriana, Toliara II).

35
Des chances de réussite des garçons, en dépit de leur mauvaise conduite
Les caractéristiques des garçons sont décrites comme étant l'inverse de
Caractéristiques des garçons
celles des filles. Tous les membres de la communauté scolaire
approchés évoquent en effet leur mauvaise conduite. Ils s'accordent à « Les garçons sont beaucoup plus difficiles à
‘dresser’. Tu ne dois pas sourire et être plus
dire que les garçons sont turbulents, naturellement violents et distraits stricte avec eux. De plus, ils sont plus têtus et
dans les études car attirés par les jeux, facilement influençables par leur n’écoute pas les explications en classe. » [IA
entourage, désinvoltes, têtus et paresseux. De plus, ils accepteraient Enseignant, Vangaindrano]
difficilement de se soumettre à l'autorité et de respecter la discipline « Les garçons n’ont pas peur des institutrices
(perturbations répétées des cours, choix délibéré de rentrer en cas de alors que s’il s’agit d’enseignants hommes, ils se
taisent tout de suite et ne disent plus rien. Ils
punition, etc.). Selon certain(e)s enseignant(e)s de Toliara II et de croient que nous n’oserions pas les frapper.» [IA
Mampikony, cette indiscipline se manifesterait davantage en face d'une Enseignante, Toliara II]
autorité scolaire de sexe féminin. Seule une partie des membres de la « Dès qu’il y a quelqu’un qui influence les
communauté scolaire de Toliara II, Mampikony, Vangaindrano et autres, ces derniers suivent. Généralement, ce
Antananarivo affirment que les garçons sont plus doués que les filles sont les garçons qui commencent et les filles ne
font que suivre. » [IA Enseignant,
en général. La majorité de la communauté scolaire soutient que les Antananarivo]
garçons ne sont plus doués que les filles que pour les matières
scientifiques.
Madagascar n'est pas un cas isolé. La recherche montre en effet que
dans les pays développés, le vocabulaire pédagogique qualifie les filles
de « plus appliquées, sages et studieuses » en les comparant aux garçons
qui sont étiquetés comme « plus turbulents » (Martine Chaponnière,
2006). Une recherche souligne également que « la croyance des maîtres
dans la supériorité des garçons en mathématiques et celle des filles en
Fanasina, 8 ans
littérature est décelée, dès l'école primaire, alors même que les
différences de performance sont inexistantes ». (Marry, 2003).
La communauté scolaire reconnaît également aux garçons des traits de caractère tels que
créativité, esprit de compétition, rapidité d'assimilation, dont les filles
seraient dépourvues et qui rendraient compte de leur potentiel pour Etudes : horizons différents pour filles
mieux réussir. Ces qualités sont le plus souvent, comme pour les filles, et garçons
stéréotypées. Elles servent à légitimer le rôle social dévolu à l'homme, « Nous n'avons rien à craindre pour les garçons.
celui de chef de famille responsable et faisant autorité au sein de la C'est sûr qu’ils ne vont pas abandonner en cours
de route car il n'y a pas d'obstacles qui les gênent
communauté. En effet, pour une frange non négligeable mais ce sont les filles qu'il faut craindre. » [IA
d'enseignant(e)s et de directeurs (trices) des sites autres que Toamasina, Enseignant, Toliara II]
les garçons ont la capacité naturelle de diriger. Ils aspirent à être à la « Dès que les filles sont pubères, entre les études et
tête de quelque chose et aiment se démarquer et dominer. Ce sont ces le zébu, il n’y a pas à discuter, il est plus
qualités qui peuvent les rendre plus difficiles à l'école mais qui, plus intéressant d’avoir un zébu. Surtout lors de la
période de soudure, il n’y a rien à manger, donc
tard, en feront de bons chefs de familles modèles au sein de la dès que leur fille commence à avoir des seins, les
communauté et détenteurs du patrimoine familial. Cette vision des parents préfèrent plutôt la marier. Vous savez,
garçons est particulièrement marquée dans les sites où les hommes sont moi je pense qu'elles vont seulement à l'école en
attendant qu'un garçon les demande en mariage!
appelés à valoriser, développer et préserver le « tanindrazana » (la Et même si les filles n'ont pas terminé leurs
patrie) et le patrimoine familial et à détenir le rôle de 'chef' au sein de la études, les parents pensent que leur mari sont là
société (Toliara II, Vangaindrano, Mampikony). Un cas isolé à pour pourvoir à leurs besoins.» [IA Enseignant,
Mampikony].
Fandriana affirme même que les chances de voir les garçons réussir en
politique sont grandes.
La communauté scolaire fait en effet des prédictions positives pour les
garçons. La majorité des interviewés affirment que les garçons iront
loin dans leurs études et dans tous les cas, plus loin que les filles. La
définition d' « aller loin dans les études » varie alors selon les districts : -
jusqu' à l'université pour Toamasina ; - le plus loin possible mais sans
précision pour Antananarivo et Fandriana, - jusqu'au baccalauréat ou
Crispin, 8 ans

36
en 3è pour Mampikony ; - maximum en 3è pour Toliara II et Vangaindrano. Ces attentes se
voient vérifiées puisque les données quantitatives montrent que plus de garçons arrivent en
première année du collège que de filles dans l'ensemble, avec un écart prononcé à Toliara II, ( où
le taux d’accès des filles au collège est égal à 0,709 fois celui des garçons) et à Vangaindrano (où le
même rapport vaut 0,72) Ces attentes sont également justifiées par les risques encourus par la fille
à partir de la puberté et/ou les limites perçues dans ce que l'éducation représente pour elle par
rapport aux garçons.
Il semble ainsi que la communauté scolaire perçoive les garçons et les filles comme ayant des
traits de caractère différents qui rendent compte de leurs comportements et capacités différentes.
Cette perception rend compte de leurs attentes différentes vis-à-vis de l'un ou de l'autre sexe. Ces
différences sont conçues comme des caractéristiques naturelles, c'est-à-dire immuables, et donc
sur lesquelles l'école ne peut agir. Dans cette perspective, les filles et les garçons ne peuvent être
considérés que comme deux groupes distincts à traiter différemment. La section suivante traitera
des implications de ces perceptions dans le traitement des filles et des garçons à l'école.
4.2.2. Attitudes et pratiques sexuées à l'école
De façon générale, les entretiens auprès de la communauté scolaire ainsi que les observations
laissent transparaître des pratiques enseignantes perpétuant les inégalités de genres. Elles se
manifestent à travers le traitement sexué des élèves dans les méthodes pédagogiques du personnel
enseignant ainsi que dans les activités qu'ils feraient mener aux filles et aux garçons.
Traitement inégal des filles et des garçons à l'école
L'attention du personnel enseignant serait focalisée sur les garçons Sanctions pour les garçons
lorsqu'il s'agit de sanctionner les élèves. Les sanctions infligées « Ces deux garçons là, souvent ils ne vont pas
à l'école, et c'est pour cela que je les mets à
comprennent l'élévation de ton, les colles, l'isolement, la mise à pied, la l'écart là-bas sinon ils vont perturber les autres.
convocation des parents, les paroles ou sanctions humiliantes, les Et ils ne font pas partie des groupes. » [IA
sévices physiques, ... L'exigence d'une obéissance à tout prix aboutit enseignante, Toliara II]
« Et ce sont les parents eux-mêmes qui disent
parfois à des violences psychologiques et physiques à l'endroit des ‘vaut mieux le frapper maîtresse car il ne fait
élèves, nettement plus marquée chez les garçons, principalement à pas d'effort.’ Vous voyez, les enfants ont besoin
Mampikony, Vangaindrano et Toliara II. Les parents approuvent sinon d'être 'dressés' (sic) » [IA Enseignante,
Antananarivo]
encouragent parfois cette violence, pour « dresser » les enfants, mais il
s'agit de cas minoritaires rencontré à Antananarivo, Fandriana et
Mampikony.
Une grande partie du personnel éducatif se trouve partagé quant aux
sanctions à prendre face aux comportements des élèves. Certains,
surtout à Toliara II et Antananarivo, dénoncent la « manière forte »
mais trouvent que la « manière douce » a peu d'effet et ne savent dès
Fifaliana, 8 ans
lors plus quoi faire. D'autres sont convaincus que « dresser » (sic) les
élèves fait partie de leur éducation.
Dans le mode de désignation des élèves, c'est le sexe et la matière qui semblent primer. Partout,
sauf dans les sites d'Antananarivo et de Vangaindrano35, et les garçons sont plus souvent désignés
que les filles. Les enseignant(e)s tendent également à désigner des filles quand il s'agit des
matières littéraires et des garçons pour les matières scientifiques, ce qui ne peut que pousser à les
orienter dans les matières jugées plus appropriées à leur sexe.
De manière générale, les bancs sont disposés en U et les élèves de même sexe placés côte à côte.
Toutefois, dans certaines classes, les filles occupent les bancs qui sont au fond de la salle et les
garçons ceux des premiers rangs. A Mampikony, Toliara II et Fandriana, les garçons sont placés
entre deux filles. Parce que perturbant l'ordre dans la classe, ils sont placés de façon à recevoir

35 Ceci reflète l’existence de pratiques positives même dans les sites caractérisés par des disparités de genres marquées

37
plus d'attention des enseignant(e)s, parfois même aux dépens des filles qui souhaiteraient
certainement être assises à côté de quelqu'un de plus attentif .
Reproduction des rôles stéréotypés dans le partage des tâches et des activités à l'école
Dans tous les sites, l'ensemble du personnel éducatif attribue des activités Désignation du délégué
et tâches spécifiques à chaque sexe. Cela se reflète notamment dans la « Au début, ce sont les plus doués qui ont
répartition des tâches quotidiennes à l'école : balayage et nettoyage pour présidé le groupe, et il y avait 4 garçons et 1
les filles, manutention pour les garçons. Ces pratiques sont perçues fille. Par la suite, les filles étaient plus douées
comme « normales », « naturelles » par les enseignants (es) qui, en même mais on n'a plus changé les chefs de groupe ».
temps, sont persuadés de traiter les garçons et les filles de façon égalitaire, [IA enseignante, Vangaindrano]
« Moi, je désigne ceux qui sont timides pour les
sans discrimination de sexe. Ils sont tout à fait inconscients d'appliquer habituer à prendre la parole et à communiquer
un traitement différencié enraciné dans un stéréotype de genre et rendent avec les autres. » [IA Enseignant,
compte de leur pratique en termes d'adéquation des activités à la « Mampikony]
nature » intrinsèque de la fille ou du garçon, comme s'ils étaient « faits »
pour ces activités spécifiques. On se rend compte du danger que représente cette « naturalisation
» d'une pratique discriminatoire : la naturaliser, c'est lui ôter son caractère social pour la rendre «
immuable ».
Au niveau du leadership, le principe consistant à accorder aux élèves un rôle de leader sans
distinction de sexe semble connu par la majorité des enseignant(e)s de Fandriana et
d'Antananarivo et par une minorité à Mampikony et Toliara II. Ces différences entre les sites
semblent relever de l'intégration plus ou moins réussie des directives reçues lors des formations
qui leur ont été données, notamment en pédagogie de groupe. En effet, la Discriminations en faveur des
détermination des chefs de classe et/ou de groupe est fonction de garçons
plusieurs critères, dont la compétence de l'élève, la capacité à diriger mais « Notre équipe a été sélectionné équipe
nationale de foot à 7. Nous avons fait des
aussi la condition physique et le sexe. Ces critères avantagent les garçons rencontres à Toamasina, maintenant nous irons
plus forts physiquement et considérés comme ayant une capacité à Antsohihy. En fait c'est une collaboration
'naturelle' à diriger, rendant compte de leur futur rôle social de chef de avec les parents, lors de telle rencontre, après le
26 juin et le CEPE, les membres de l'équipe
famille et autorité dans la communauté, également enracinés dans un sont 'mis au vert' (sic) à l'école. » [IA
biologique qui lui confère un caractère inaliénable. directrice, Mampikony]
Les enseignant(e)s privilégient dès lors le développement de ces capacités
de leadership chez les garçons. A titre illustratif, à Mampikony, les
garçons timides sont encouragés à prendre des responsabilités et à
s'exprimer en groupe de façon à pleinement participer à la classe. Par
exemple, un certain nombre d'enseignants enquêtés désigneraient des
élèves timides comme chef de classe ou de groupe, pour les inciter à Miranto, 7 ans
participer et pour leur donner de l’assurance.
Rien n'est fait pour encourager les filles timides dont il semble s'agir d'un
trait de caractère naturel, associé à cette docilité qui rend compte de leurs performances scolaires
avant la puberté et, nul doute à cet égard, les rend particulièrement aptes à se soumettre aux
décisions d'un chef de famille après la puberté, lorsque leur nature arrive à pleine maturité et
qu'elles sont dès lors prêtes à se marier pour avoir des enfants et tenir leur rôle social de femmes
au foyer.
En ce qui concerne les activités sportives, l'école semble également privilégier les garçons. Cette
tendance reflète à nouveau les perceptions stéréotypées du personnel éducatif quant aux besoins
spécifiques des filles et des garçons pour développer les potentialités inhérentes à leur nature
féminine ou masculine, les dirigeants vers leurs rôles sociaux respectifs. En effet, une grande
partie des enseignant(e)s et directeurs(trices) ne planifient que des activités sportives considérées
comme « masculines ». Ainsi, les écoles organisent des tournois locaux et régionaux de football
pour les garçons, avec une allocation de budget spécifique par l'école et une prise en charge des
équipes par l'établissement et les parents d'élèves. Par contre, le basket, sport considéré comme

38
féminin, est censé occasionner un investissement matériel trop élevé. Dans certains sites, tel
Mampikony, les filles ne sont pas encadrées, car la majorité des enseignantes n'auraient pas la «
culture du sport » et le seul enseignant disponible est déjà affecté au foot. Lorsque le foot est
exercé par les élèves des deux sexes (cas relevés à Toamasina et à Mampikony), il est considéré
comme un « jeu » pour les filles et non comme un sport.
4.2.3. Pratiques positives qui promeuvent l'égalité entre les sexes
Bien que minoritaires, on peut relever des pratiques positives neutres ou prenant en compte la
dimension genre. Ces pratiques émergentes peuvent être mises sur le compte des initiatives par le
36
MENRS depuis les années 1990 . Elles portent sur un traitement indifférencié des filles et des
garçons d'une part et des actions affirmatives à l'endroit des filles d'autre part.
Des traitements indifférenciés des élèves
Le traitement indifférencié se manifeste par l'application rigoureuse de
la pédagogie de groupe, cas relativement rare dans les écoles "Ce sont les élèves eux-mêmes qui désignent le
chef de classe. Il en est de même pour la
approchées par l'étude. Dans de tel cas, comme à Mampikony, à la fois répartition des tâches, c'est le chef de groupe qui
filles et garçons assument le rôle de chef de classe ou de groupe. La s'en charge ou bien les élèves s'arrangent entre
responsabilité dans la désignation de l'élève est laissée à la classe. eux pour les devoirs à faire. Et au cas où il y a
des faibles avec eux ce sont leurs pairs eux-
Une autre pratique non discriminatoire observée consiste à encourager mêmes qui les poussent à aller au tableau.»
les élèves des deux sexes à répondre volontairement aux questions dans [IA Enseignant, Fandriana]
toutes les matières, à ne pas prendre le sexe en considération dans la
réponse aux questions posées en mathématiques ou en français et à maintenir un équilibre dans le
nombre de filles et de garçons envoyés au tableau (Toamasina, Toliara II,
Vangaindrano). Pour le maintien des filles à l'école
Enfin, certain(e)s enseignant(e)s ont lancé un système de récompense « Je me suis particulièrement investi pour
pour les méritants, sans distinction de sexe, comme à Antananarivo et qu'une de nos élèves qui risquait la limite d'âge
Fandriana (distribution de craie, de petites images ou de bonbons et peut puisse continuer la 6è car elle a déjà envisagé de
ne passer que le CEPE et d'arrêter après. J'ai
même être une somme de 100 Ar). Leurs pairs sont encouragés à les tout fait pour qu'elle puisse entrer au CEG
féliciter par des applaudissements ou des encouragements. On signalera avant qu'elle ne soit refusée pour une question
également l'effort déployé par les enseignant(e)s pour développer les de quelques mois. » [IA Directeur,
compétences ou talents détectés (en sport ou en dessin par exemple) en Fandriana]
encourageant les parents à diriger leurs enfants vers des centres adéquats
et l'aide apportée par les directeurs aux filles et aux garçons sans distinction de sexe, telle la
facilitation du processus d'inscription et l'appui en fournitures scolaires pour les premiers inscrits
(Fandriana). Ces pratiques encouragent les parents à inscrire leurs enfants dans les délais.
Des actions émergentes promouvant l'égalité des sexes
Le mode de désignation et de placement des élèves ainsi que le soutien aux filles constituent des
pratiques émergentes. Ainsi, dans certaines classes, à Mampikony, Toamasina, Toliara II,
Vangaindrano et Antananarivo, des enseignant(e)s ont opté pour un emplacement séparé des
élèves selon le sexe. Il préserve les filles des gestes violents des garçons, comme les
attouchements ou le fait de cacher ou de prendre leur matériel scolaire.
D'autres actions affirmatives en faveur des filles ont été également relevées : (i) l' attention
particulière accordée par certain(e)s enseignant(e)s aux filles âgées ou ayant des difficultés
scolaires et économiques pour les maintenir dans le système; (ii) la défense des filles contre la
violence des garçons et leur sensibilisation quant à leur droit au leadership ; (iii) un effort pour les
désinhiber ou pour les intéresser aux mathématiques lorsqu'elles sont faibles dans cette matière ;
(iv) des séances de sensibilisation à la non discrimination entre les sexes pour les élèves et les

36 Cf. Chapitre 3, Section 3.1.2.

39
parents ; (v) l'effort pour appliquer la stratégie filles pour filles bien qu'elle n'ait pu être effective
qu'en dehors de l'école, à cause de la non concordance des emplois du temps en raison des
classes à temps partiel, cas particulièrement relevé à Fandriana ; (vi) un effort pour encourager
les filles à persévérer dans les études, présentées comme porte de sortie pour elles ; (vii) des
conseils en matière d'hygiène, notamment en matière d'éducation sexuelle pour les plus âgées.
Des actions encourageantes au niveau des CISCO
Sensibilisation des parents
Un certain nombre de mesures ont été prises au niveau des CISCO, de leur
« La CISCO de Toliara II, à travers
propre initiative ou en application des directives de la hiérarchie. Elles l’AGEMAD, organise des séances de
auraient eu comme effet conjugué l'amélioration de la scolarisation des sensibilisation à l’endroit des parents
élèves des deux sexes et leur maintien à l'école. habitant dans les localités où le taux de
scolarisation demeure faible. Elle adopte à
Les actions visant à augmenter le nombre des inscrits sont surtout menées cet effet la stratégie de ‘rôle modèle’ qui
dans les sites ruraux, où le problème de scolarisation des enfants est le plus consiste en un témoignage de personnes ayant
élevé (Toliara II, Mampikony, Vangaindrano). Ces actions portent sur la un statut socio-économique similaire aux
sensibilisation des parents, la facilitation des conditions d'admission et la parents au départ (pêcheurs, agriculteurs,
éleveurs, …) mais qui, par la suite, ont été
dotation en matériel scolaire. Selon la communauté scolaire, elles auraient gratifié par la scolarisation. » [GN CISCO
sensiblement contribué à améliorer les taux de scolarisation, notamment Toliara II]
ceux des filles.
Avant la rentrée scolaire, les chefs ZAP sensibiliseraient la communauté à la nécessité d'envoyer
les enfants à l'école en leur présentant les bénéfices qu'ils peuvent en tirer. Les actions de
sensibilisation par les media de masse sont parfois renforcées au moyen de la communication
interpersonnelle lors de leurs passages dans les zones d'intervention.
Certains CISCO facilitent également l'accès à l'école par des mesures d'accompagnement, telles le
fait de ne pas exiger un acte de naissance à la rentrée ou l'assistance aux parents pour l'obtenir. Le
Ministère de l’Intérieur– et depuis 2007 le Ministère de la Justice – est invité à participer à cette
initiative à travers le programme « Ezaka kopia37 ho an’ny Ankizy (EKA)». La dotation de kits
scolaires et de tabliers pour les élèves, la fourniture de matériel pédagogique pour les enseignants
et l'augmentation du personnel éducatif par le recrutement des « maîtres FRAM »38 constituent
également des mesures d'encouragement à la scolarisation appréciées par la communauté.
Les actions visant à maintenir les élèves dans le système scolaire portent essentiellement sur la
sensibilisation des parents à la valeur de l'éducation et les effets néfastes de certaines pratiques des
parents sur la scolarisation. Il s'agit entre autres du retrait scolaire précoce des élèves à l'école, de
la surcharge de travail, des absences fréquentes influant négativement leurs performances
scolaires. Ces « rappels à l'ordre » auraient lieu lors des réunions des parents d'élèves et lors des
réunions communautaires, ou bien au moyen d'actions individualisées (visites à domicile,
convocations de parents).
En conclusion, les qualités des filles et des garçons rendant compte de leurs performances
scolaires et des attentes des enseignants à leur endroit sont décrites par ces derniers de manière
distincte sinon opposée et donc, complémentaires. Il nous semble en effet qu'il s'agit-là d'une
façon de légitimer une division sexuelle du travail traditionnelle ou se reflétant dans la nature des
activités économiques modernes spécifiques vers lesquelles sont poussés chacun des deux sexes.
Cette légitimation passe par l'ancrage de ces qualités, résultat d'une socialisation différenciée, dans
un caractère « inné », qui varie selon le sexe. Or, dire que ces qualités « naturelles » prédestinent
le garçon ou la fille à remplir des rôles sociaux distincts, c'est inscrire ceux-ci dans le biologique et
ce faisant, le rendre immuables. Ainsi, le personnel scolaire ne fait rien d'autre que refléter un
processus de socialisation qu'il renforce et contribue à perpétuer. Ce renforcement du processus

37
Opération acte de naissance : il s’agit de faciliter l’enregistrement rétroactif de naissance.
38
Il s'agit des maîtres d'école pris en charge partiellement par l'association des parents d'élève

40
de socialisation différenciée selon le sexe s'exprime à travers le traitement différencié des
enseignant(e)s au niveau des pratiques scolaires, qui tendent à favoriser la réussite scolaire des
garçons aux dépens de celle des filles, les légitimant à nouveau en termes de développement de
qualités innées des garçons devant les amener à remplir un rôle social prédéterminé et dont il
n'est plus à démontrer qu'il est à l'avantage des hommes par rapport aux femmes.
Bien que minoritaires, on peut relever des pratiques positives neutres ou prenant en compte la
dimension genre. Ces pratiques émergentes portent sur un traitement indifférencié des filles et
des garçons d'une part et des actions affirmatives à l'endroit des filles d'autre part. Elles montrent
qu’il n’existe pas de fatalité, à Madagascar, sur la perpétuation des différenciations de genre au
travers des pratiques et des attitudes des enseignants.

Ce chapitre traite des perceptions de genre dans l’institution scolaire à travers les manuels
scolaires et les instituteurs.
 L’analyse des manuels scolaires montre que le matériel pédagogique présente aux enfants une
société particulièrement « sexuée ». Les activités économiques, domestiques sont partagées
entre « activités féminines » et « activités masculines ». Les manuels font peu mention du
partage d’activités entre les sexes. Dans l’ensemble, les femmes sont sous représentées et on
leur attribue les activités les moins valorisantes.
 Les enseignants ont une perception clairement distincte des capacités des filles et des garçons.
Leurs attitudes envers les élèves dépendent donc consciemment ou non de cette perception.
Les filles seraient naturellement dociles, sages et portées sur les matières littéraires, les garçons
naturellement turbulents et doués pour assurer des responsabilités et les mathématiques. Cette
vision sexuée a de nombreuses conséquences sur les attitudes des enseignants envers les
enfants et elle contribue ainsi à perpétuer les inégalités de genre. Il faut noter que les
discriminations au sein des écoles sont en défaveur des filles mais aussi des garçons.

41
Chapitre 5. Genre et éducation au sein de la famille/Communauté

5.1. Perceptions et attentes relatives à la scolarisation des filles et des


garçons
Un nombre important de recherches ont montré que, partout dans le monde, dès leur naissance,
filles et garçons sont décrits de façon stéréotypée. Notre étude a donc cherché à identifier les
perceptions de la communauté, y compris la famille, quant aux caractéristiques des filles et des
garçons, ainsi que ses représentations de l’école et ses attentes par rapport à leur avenir scolaire et
professionnel. Les pratiques qui en découlent, positives et/ou négatives par rapport à l’égalité
entre les sexes, sont ensuite mises en exergue.
5.1.1. Représentations associées à l’école
De façon générale, l’école représente pour les membres de la Avantages de la scolarisation
communauté interviewés, pères, mères et autorités locales, un « On les envoie à l’école pour plus d’ouverture
moyen pour assurer correctement l’avenir des filles et des garçons. d’esprit, ressembler aux autres et être au même
Elle est, pour eux, l’institution où les enfants acquièrent les niveau intellectuel que les autres enfants, comme ça
ils ne seront pas rejetés » [GDD Mères, Fandriana]
connaissances et compétences requises pour atteindre des objectifs
« Les études permettront aux enfants d’avoir de
socio-économiques précis. Par ordre d’importance, il s’agit de bonnes conditions de vie et un meilleur statut social.
disposer d’un travail « convenable » qui puisse satisfaire les besoins Si maintenant nous sommes des paysans, plus tard
de leur futur foyer, de jouir d’une indépendance financière et les enfants pourront aller en ville, et ils seront ainsi
plus aisés et à l’abri des mauvaises langues. » [GDD
d’avoir un « bon » statut social. L’école est ainsi associée à une Mères, Toamasina]
stratégie pour faire sortir les enfants de leurs conditions actuelles de Aurélie, 6 ans
précarité et pour faciliter leur intégration au sein de la société.
Ensuite, les parents et les autorités locales considèrent l’école
comme un moyen pour prévenir la délinquance chez les jeunes,
filles et garçons car elle les occupe et leur apprend la discipline. Elle
est pour eux, un facteur clé de socialisation et la condition sine qua
non de la réussite sociale.
Dans toutes les CISCO, l’ensemble de la communauté approchée
perçoit la scolarisation des enfants comme une obligation des Sacrifices pour scolariser les enfants
parents. Le fait de non scolariser les enfants est perçu comme « la « Je tiens tellement à ce que les enfants aillent à
preuve d’un manquement grave aux devoirs de parents », une l’école, j’avoue que parfois il m’arrive de puiser sur le
budget du loyer pour assurer les frais scolaires »
honte, voire une plaie sociale. La majorité des groupes « pères » et [GDD Pères, Toamasina]
« mères » sont donc disposés à scolariser leurs enfants et ce, sans « Les études des enfants sont très importantes pour
discrimination de sexe, ni de rang dans la fratrie, toujours dans le nous, ici même si les parents sont en difficulté, ils
même objectif : leur faire acquérir les connaissances et vont jusqu’à vendre leurs biens pour pouvoir payer
compétences dont ils ont besoin pour réussir leur vie. les frais scolaires. » [GDD, Mères, Fandriana]

Ceci dit, dans tous les districts, ce sont les groupes « mères » qui se
montrent les plus concernés par la scolarisation des filles. Elles Scolarisation des filles
veulent que leurs filles aient accès à ce qu’elles considèrent comme « Autant que possible, je voudrais que ma fille
la condition clé pour une vie meilleure que celles qu’elles mènent, poursuive ses études pour qu’elle puisse affronter la
faute d’avoir pu elles-mêmes bénéficier d’une bonne éducation. vie et éviter de se faire maltraiter par les hommes, en
L’école, à travers l’éducation qu’elle donne, constituerait également cas de problèmes conjugaux, comme l’a été ma
sœur. » [GDD Mères, Toamasina]
pour les mères un moyen de prévenir les difficultés que leurs filles
pourraient rencontrer dans leur vie conjugale. Pour certaines
participantes aux GDD des groupes « mères », elle permettrait un allègement des charges, dans le
sens où les filles éduquées assumeront leur indépendance financière et matérielle. Enfin, plus les
filles seraient cultivées, plus elles seraient valorisées dans la société, point sur lequel le groupe

42
« mères » de Fandriana a particulièrement insisté. Pour le groupe, l’école permettrait aux filles de
s’ériger en modèles positifs dans la société. Pour les groupes « mères » de Toamasina, Toliara II et
Mampikony, l’école est davantage perçue comme un moyen d’autonomisation des filles, qui, dans
le pire des cas, n’auront pas besoin de recourir à la prostitution : « Je n’ai jamais vu de garçons se
prostituer mais les filles y sont obligées, pour s’en sortir » [GDD Mères, Toliara II]. En fait, cette image
terrible du parcours social des filles déscolarisées prend l’aspect d’un véritable stéréotype dans ces
trois sites.
Cette vision désespérée de l’avenir des filles déscolarisées peut s’expliquer par : (i) l’existence de
l’exploitation sexuelle des enfants, notamment dans certains districts étudiés, qui touche
actuellement des enfants de moins de 14 ans et majoritairement des filles ; l’âge moyen de ces
dernières au premier rapport serait de 12,7 ans tandis que leur âge moyen à leur première
« expérience » dans cette pire forme de travail des enfants qu’est la prostitution, est de 13,2 ans
(BIT/IPEC, 2002) ; ces réalités créent des angoisses justifiées, chez les mères qui ont des filles non
scolarisées/déscolarisées ; (ii) les difficultés qu’ont les jeunes filles « non scolarisées ou
déscolarisées » à trouver un travail rémunéré ; à titre illustratif, les autorités locales interviewées à
Toamasina dans le cadre de cette étude, soutiennent qu’avec la nouvelle législation sur le travail
des enfants, les employeurs n’oseraient plus les recruter, même en tant que domestiques ; la
pauvreté ambiante aidant, la prostitution, phénomène qui n’arrêterait pas de prendre de l’ampleur,
serait l’issue fatale pour les filles non scolarisées/ déscolarisées.
Les études secondaires comme « un
Par contre, les représentations positives associées à l’école, plus »
retrouvées dans tous les districts sélectionnés pour l’étude, rendent «Certains parents disent à leurs enfants que dès
certainement compte, en grande partie, de la progression constante qu’ils savent écrire et compter, ils peuvent arrêter les
études et venir les aider à trouver des ressources au
du nombre d’inscrits, filles et garçons, entre 2001 et 2005 lieu d’être des charges supplémentaires » [GN
(graphique 5.1). Ces résultats confirment également la pertinence Autorités, Fandriana]
des mesures prises par le MENRS, pour améliorer l’accès des enfants « Les jeunes chez nous ont du mal à s’imaginer
malgaches à la scolarisation (dotations kits scolaires, suppression faire des études universitaires … ; les parent ne sont
frais d’inscription etc.) : la demande des parents pour scolariser pas disposés à investir longtemps dans les études, ils
leurs enfants est réelle ; ce sont les questions matérielles et préfèrent les faire travailler dans les champs dès
qu’ils ont acquis le minimum. » [GN Autorités,
financières qui y font le plus souvent obstacle. Toliara II]
A Toamasina, Antananarivo et Fandriana, des participantes des
groupes « mères » misent sur le niveau supérieur mais partout Déceptions associées à l’école
ailleurs, les études secondaires et supérieures sont plutôt « On doit vendre des terrains pour pouvoir envoyer
considérées comme « un plus », un objectif a priori difficilement les enfants en ville afin d’étudier à l’université.
réalisable, tant pour les groupes « pères » que « mères ». Pour la Lorsqu’ils rentrent avec leurs diplômes, ils n’ont
même pas de travail et augmentent nos charges ; on
majorité des parents, les niveaux escomptés se limitent à la capacité se sent vraiment lésé, en plus sans occupation ils
de lire, écrire et compter, « pour ne pas se faire arnaquer » [GDD pères, finissent par sombrer dans la drogue. » [GDD
mères ; GN autorités, tous les sites]. Mères, Fandriana]
« Beaucoup de gars titulaires de licence ou de
Les groupes « pères » et les hommes des autorités locales maîtrise ici, ne trouvent pas de travail et sont réduits
soulignent également les déceptions associées à l’éducation, à conduire des ‘cyclopousses’ (sic). » [GN Autorités,
Toamasina]
notamment le chômage des diplômés qui poussent ces derniers
vers des activités qui ne correspondent pas à leurs qualifications.
Aussi, les parents concernés préfèrent voir leurs enfants s’activer
dans des activités génératrices de revenus plutôt que de continuer à
débourser des frais scolaires qui risquent de ne pas être rentables.
Le manque d’opportunités de travail offertes aux jeunes qui ont
réussi à poursuivre des études supérieures rendrait également
compte des réticences des parents à investir davantage dans
l’éducation de leurs enfants. Enfin, dans certaines localités, les Olivia, 8 ans
autorités pensent que les jeunes, filles et garçons, manquent de

43
modèles positifs de référence . Les rares cas de réussite seraient considérés par ceux-ci comme
des « élus » auxquels ils auraient des difficultés à s’identifier. Toujours selon les autorités, plutôt
que de persévérer dans les études, ils préfèreraient mener une vie oisive et/ou se cantonner dans
les activités traditionnelles de leur région d’origine.
Ceci pourrait en partie expliquer le grand nombre d’abandon scolaire pour la période 2001-2005,
en dépit de l’augmentation des effectifs des inscrits dans les 6 CISCO étudiés, pour la même
période (Graphique 5.1.).
Graphique 5.1 : Evolution du nombre d’inscrits en CP1 et des taux d’abandons scolaires
en CP1, selon le sexe dans les 6 districts (2001-2005)

Nombre d’inscrits en CP1 Taux d’abandon en CP1

N(x1000)
%
60 29

24
50
19

14
40
9

30 4
2001-2002 2002-2003 2003-2004 2004-2005 2001-2002 2002-2003 2003-2004 2004-2005

Taux d'abandon Filles Tauxd'abandon garçons


Nombre d'inscrits Filles Nombre d'inscrits garçons

Source : MENRS ; nos propres calculs Source : MENRS ; nos propres calculs

Les graphiques représentés ci-dessus nous montrent en effet que, dans les districts sélectionnés,
le nombre des filles et des garçons inscrits en CP1 a constamment augmenté entre 2001 et 2004.
Cette augmentation s’est faite quasiment dans la même proportion pour les garçons et les filles, se
traduisant ainsi par un déséquilibre constant pour les filles. En même temps, les taux d’abandon
des filles et des garçons ont connu une hausse constante, quasi égale pour les garçons et les filles
mais avec un léger moins pour les filles. Ainsi, si l’accès des filles et des garçons à l’école montre
une nette progression, le défi relatif à leur maintien dans le système scolaire reste de taille.
L’entrée tardive des enfants à l’école représenterait un facteur aggravant, surtout pour les filles.
L’enquête ménage a en effet montré que 35,8% de filles contre 43,4% de garçons entrent à l’école
après 7 ans. Or, une étude faite à partir de l’EPM conclut qu’ « au-delà de 11 ans, les filles sont
sensiblement plus sujettes à interrompre leurs études » (Coury, 1998). Ceci est d’ailleurs confirmé par
les taux de survie et de transition vers le collège calculés à partir des données du MEN, et
cités à plusieurs endroits de ce rapport.
Mais qu’en est-il des perceptions sur les caractéristiques respectives des filles et des garçons et des
attentes des parents et autorités vis-à-vis de ceux-ci ? Et quelles sont leurs implications sur leur
scolarisation ? Influent-elles de façon différentielle sur leurs attentes vis-à-vis des filles et des
garçons et leur attitude face à leur scolarisation?
5.1.2. Perceptions et attentes sexuées
S’ils déclarent accorder le même degré d’importance à la scolarisation des filles et des garçons, les
attentes des parents et autorités sont différenciés. Leurs perceptions des caractéristiques des

44
écolier(e)s sont stéréotypées et influent considérablement sur leurs attitudes vis-à-vis de leur
scolarisation. La plupart des groupes « pères » et « mères » aspirent à ce que leurs filles deviennent
sage femmes ou enseignantes mais, en approfondissant leurs réponses, on constate qu’ils excluent
l’éventualité pour leurs filles d’occuper un poste important ou d’évoluer dans un domaine
quelconque en dehors du foyer.
Scolarité et avenir limités pour les filles
S’agissant du comportement scolaire des filles, les groupes « parents » des deux sexes et
« autorités » perçoivent généralement les filles comme étant intelligentes, sérieuses, studieuses,
réceptives, performantes et motivées pour les études. Elles sont également dociles, calmes,
disciplinées et faciles à éduquer. Cependant, une minorité des groupes « pères » et « mères » les
voient comme étant attentistes, lentes et limitées dans leur capacité d’assimilation.
En dépit de ce bilan positif sur leurs capacités scolaires, la vision des groupes « pères » et
« mères » reste négative en ce qui concerne la continuité de la scolarisation des filles. Quelques
exceptions sont relevées dans les groupes « mères » d’Antananarivo, Toamasina et Fandriana où
des participantes prévoient des études universitaires pour leurs filles. Comme indiqué plus haut,
une scolarisation soutenue des filles est alors envisagée pour leur permettre de parvenir à des
niveaux élevés dans la hiérarchie sociale et leur assurer une indépendance financière les mettant à
l’abri d’une quelconque difficulté sur le plan conjugal. Elles restent néanmoins orientées vers des
domaines stéréotypés féminins tels l’enseignement, les langues etc.
L’immense majorité des parents écartent de leurs perspectives le fait que les filles puissent
continuer et réussir dans le domaine scolaire. Les plus optimistes les voient bachelières mais la
grande majorité les voient à peine finir leur cycle primaire. Dans tous les cas, c’est la crainte d’une
grossesse précoce qui prévaut et qui est conçue comme la principale cause d’abandon scolaire.
Cette appréhension est fondée. A Madagascar, l’âge moyen à la première naissance varie entre
17,8 ans et 21,4 ans mais les grossesses précoces à partir de 12-13 ans
sont relativement fréquentes. D’ailleurs, de nombreux cas de grossesses Les filles, futures femmes au foyer
précoces ont été signalés dans les écoles sélectionnées pour la présente « Ce n’est qu’une fillette et pourtant elle est
capable de remplacer l’épouse, elle se charge
recherche. La dernière Enquête de Surveillance Comportementale (ESC) d’un tas de choses à la maison. Lorsque sa
indique en effet que parmi les jeunes de 15-24 ans enquêtés, 39,3% des mère s’absente, elle connaît tout ce dont j’ai
filles et 32,8% des garçons ont eu leur premier rapport sexuel avant 15 besoin et c’est elle qui s’occupe de moi. »
[GDD pères, Toamasina]
ans (ESC, 2006). Parallèlement, le poids des normes sociales et « Ma fille a 13 ans, mais elle fait tout à la
culturelles en matière de sexualité constitue encore un obstacle à l’accès maison. Quand son frère fait des bêtises, je lui
des jeunes aux services de santé de la reproduction. dis de lui parler et c’est elle qui lui fait la
morale. » [GDD Mères, Antananarivo]
Mais le mariage reste cependant la raison fondamentale sous-tendant « Comme les filles vont quitter le domicile
les attentes limitées des parents sur le plan de la scolarisation de la fille, parental, tu dois les orienter dès le départ pour
celle-ci étant destinée « par nature », à être une maîtresse de maison. trouver un bon parti, un mari qui permettra
d’assurer ses arrières. Puis de toute façon, il y
Les filles sont en effet perçues par les groupes « pères », « mères » et aura sûrement entraide avec le mari» [GDD
« autorités » comme étant naturellement matures, responsables et Pères, Toamasina].
disponibles pour les tâches domestiques. Plus émotives, sensibles et
compréhensives, c’est à elles que les mères feraient généralement appel
pour se confier. De façon générale, elles apporteraient soutien moral et
réconfort en cas de problèmes familiaux. D’après les répondants, ces
caractéristiques les prédestineraient à assurer le rôle de maîtresse de
Karyn, 7 ans
maison et à gérer les problèmes rencontrés au sein du foyer.

45
Scolarité et avenir des garçons, à large horizon
Les risques encourus par les garçons
De manière générale, les garçons sont perçus par les parents
« Les garçons sont des gaffeurs, parfois ils vont jusqu’à
comme « naturellement intelligents », mais dissipés, distraits, voler des gens et tu es tenu pour responsable, on n’est
insouciants et plus attirés par les jeux, ce qui rendrait compte de jamais tranquille avec eux. » [GDD Pères,
leurs moindres performances en classe. Irresponsables, facilement Vangaindrano]
influençables par leurs amis, ils seraient plus enclins à enfreindre les « Les garçons n’assument pas leurs actes, de nos jours
règles sociales (violence, désobéissance, recours à l’alcool etc..). Si ils mettent souvent les filles enceintes et fuient leurs
les groupes pères pensent que ces caractéristiques des garçons sont responsabilités. Ils forment des groupes de délinquants,
et ces mauvaises fréquentations les incitent à fumer de la
surtout valables avant leur puberté, la majorité des répondantes des drogue et à boire de l’alcool. Plus tard, ils risquent de
groupes « mères », pensent qu’il s’agit là de traits de caractères devenir des cambrioleurs ou des ‘dahalo’ (bandits).»
« intrinsèques ». [GDD Mères, Fandriana]

En dépit de cette image peu flatteuse, les groupes « pères » et


« mères » ont plutôt tendance à miser sur les capacités des garçons
à réussir et à prendre en main leur propre vie. Ils s’accordent à
reconnaître que les garçons resteront plus longtemps dans le
système éducatif, notamment en raison de la vulnérabilité des filles
aux grossesses précoces. Le garçon qui mettrait une fille enceinte
resterait en effet à l’école car c’est, de fait, la fille enceinte qui, le cas
échéant, se fait expulser. De plus, les groupes « pères » pensent que
les garçons développent naturellement des capacités de leader et un
esprit d’indépendance et de compétition qui leur permettent d’aller Tommy, 9 ans
jusqu’au bout de leurs potentialités. Certains estiment également Violence des garçons envers les parents
qu’ils ont des capacités d’adaptation à de nouvelles situations qui « Pour éviter que tu te fasses tabasser par eux, tu
expliquent leur plus grande chance de réussite. dois les traiter spécialement, leur accorder plus
d’attention, exécuter tout ce qu’ils demandent par
Pour la quasi-totalité des groupes de parents des deux sexes, la exemple leur donner plus à manger.» [GDD Mères,
principale attente relative aux garçons renvoie à la capacité de ces Mampikony]
derniers de trouver les moyens nécessaires pour subvenir aux « Si tu ne peux pas satisfaire leurs caprices ils
besoins de leur foyer en tant que futurs chefs de famille. Il faut frappent ! Les garçons frappent leur mère, frappent
noter que bien que la femme subvienne de plus en plus souvent leur père !» [GN Autorités, Vangaindrano]
aux besoins matériels et financiers de la famille au même titre que Attentes ambitieuses pour les garçons
l’homme39, leur image à chacun continue de refléter les stéréotypes « En tant que futur père de famille, le garçon est à
relatifs à la division traditionnelle du travail : l’homme, chef de même de comprendre une éventuelle défaillance du père
et sera prompt à l’aider financièrement. En plus c’est
famille, est le « pourvoyeur » de ressources pour le ménage et la ton héritier, c’est très important chez nous, tu es perdu
femme la « gestionnaire de la maison ». Dans certains sites, les si tu n’as pas d’héritier. Je suis très confiant sur les
groupes misent également sur les futurs rôles des garçons comme garçons, ils ne perdent pas de temps, les explications en
gardiens du patrimoine familial et culturel et responsables en charge classe suffisent pour qu’ils comprennent, et ils assimilent
vite. Ils sont plus perspicaces, c’est pour ça qu’ils ont
des obligations sociales et familiales. Certains s’attendent même à plus de chances de réussir. » [GDD Pères,
ce que les garçons fournissent un appui matériel et financier à la Vangaindrano]
grande famille. « Les garçons seront des opérateurs économiques, et
parviendront peut-être un jour au statut de ‘Président
Lorsque les attentes sont modestes, cas le plus fréquent selon la de la République comme Ravalomanana’ (sic) » [GDD
prévalence des réponses, les parents pensent que les garçons Pères, Toliara II]
auront, au moins, fini le premier cycle du secondaire mais
continueront dans la formation professionnalisante. Lorsque les
attentes sont ambitieuses, les parents s’attendent à ce que leurs
garçons poursuivent jusqu’au niveau supérieur et/ou dans un

Sebastien, 9ans Henintsoa, 9 ans

39
Selon. l’EDS 2003 (tableau 3.7), environ la moitié des femmes entre 30 et 50 ans disent que 100% des dépenses
familiales sont couvertes par leur propre revenu

46
domaine de pointe et porteur (bâtiments, informatique, mécanique, etc.).
En conclusion, on note des écarts et contradictions entre les « aspirations » (ambitions) des
groupes « mères » et « pères » et leurs « attentes » (ce qu’il s’attendent à voir se réaliser). Leurs
aspirations sont très élevées, pour les filles comme pour les garçons mais idéalisées. Elles font en
quelque sorte partie du rêve. Les attentes sont relativement modestes, plus réalistes, compte tenu
du contexte qui prévaut. Ainsi, si les parents sont fortement attachés à l’éducation dont ils
perçoivent tout l’enjeu, les réalités de la vie se chargent de faire taire leurs ambitions.
5.2. Pratiques relatives à l’égalité entre les sexes
En relation étroite avec leurs perceptions et attentes et/ou aspirations vis-à-vis des filles et des
garçons, les parents observent un traitement différencié en défaveur des filles.
5.2.1. Pratiques négatives au sein de la famille
Les pratiques négatives relevées sont présentées par rapport à leurs implications sur la
scolarisation des filles et celle des garçons.
Traitement des filles et implications sur leur scolarisation
L’ensemble des groupes des parents des deux sexes reconnaît que les Les qualités des filles les pénalisent
filles assument quotidiennement de multiples tâches en les combinant « Les filles sont affectueuses, restent toujours proches
avec leurs études. Les qualités qu’elles possèderaient semblent les de ton cœur et te vouent obéissance, mais les garçons
défavoriser. Plus sensibles, disponibles et serviables, elles jouent un lorsqu’ils se marient, ils t’ignorent si tu n’as pas
rôle clé au sein du foyer en assurant la cuisson des repas, la lessive, contribué à sa réussite. Ce sont des ingrats, ils ne
sont reconnaissants que s’ils réussissent grâce à toi. »
les soins aux cadets ou le ménage. Bien que l’ensemble des groupes [GDD Mères, Toamasina]
« parents » des deux sexes éprouve de l’empathie pour elles, cette « Elle est tellement surchargée par les tâches
répartition des tâches reflète une norme à laquelle les filles doivent se domestiques qu’elle a même parfois du mal à trouver
soumettre. Les groupes pensent d’ailleurs qu’étant « naturellement » le temps de faire ses besoins…» [GDD Mères,
proches des parents, les filles les soutiennent « naturellement ». Le Fandriana]
groupe « mères » de Mampikony est le seul à reconnaître qu’il s’agit là
de pratiques discriminatoires à l’encontre des filles au sein du foyer. Vulnérabilité des filles
Les mères laisseraient le statut quo par habitude et pour préserver la « Les filles ont beaucoup d’ennemis : les garçons, dès
« paix sociale » (éviter de perturber « l’ordre établi » des choses). qu’elles arrivent à un certain âge … » [GDD Mères,
Mampikony]
De manière générale, les groupes « pères » et « mères » pensent que « C’est quand elle a des flirts que c’est très ‘grave.
l’éducation des filles ne requiert aucun effort particulier avant la Car si elle tombe enceinte, ce serait un grand
puberté, compte tenu de leur sérieux dans les études et leur docilité. ‘problème’ (sic) et elle devrait arrêter ses études.»
A partir de la puberté, les filles seraient « surveillées de près à la [GDD Mères, Antananarivo].
maison ». Les groupes « mères », particulièrement ceux de Les facteurs d’abandon scolaire des
Mampikony, de Vangaindrano, de Toliara II et de Toamasina, filles
appréhendent de voir tomber les filles enceintes. Une grossesse les « Les filles s’arrêtent toujours d’étudier plus tôt
que les garçons car on vient demander leur main et
obligerait automatiquement à renoncer aux études pour se marier et les parents s’empressent toujours d’accepter » [GN
se consacrer à leur foyer et dans le pire des cas, assumer leur rôle de Autorités, Toliara II]
mères célibataires. « Lorsque les filles sont trop rebelles, on préfère
les marier. » [GDD Pères, Vangaindrano]
Elles seraient éduquées sur le plan moral, et notamment contre les
risques de grossesse, et pour faire des concessions dans tous les
domaines. Ceci les conduit inévitablement à des rapports de
soumission, relevés dans le domaine du privé et du public. Si elles se
montrent indisciplinées, les groupes « parents » des deux sexes les
poussent vers le mariage ou accepteraient leur propre décision (ex :
arrêt des études, mariage). Dans tous les cas, l’ensemble des groupes
souligne que le mariage est un motif fréquent d’abandon scolaire des
filles. Prisca, 8 ans

47
Dans certains sites, les demandes en mariage sont considérées comme une bénédiction et il serait
inapproprié de les refuser. De plus, la situation de pauvreté prévalant dans les sites de l’étude est
telle que pour les parents, le mariage représente une alternative à ce qu’ils craignent le plus : la
prostitution ou statut de fille mère sans revenus. Enfin, il permet d’alléger les charges du foyer
(moins de bouches à nourrir) et certaines coutumes locales permettent d’en retirer un certain
profit (moletry)40. Par ailleurs, dans les groupes « pères », une partie des participants pense que les
filles douées à l’école peuvent prétendre à un bon parti, ce qui les
récompensera des efforts investis dans leur éducation. Dans ces Favoritisme pour les garçons
conditions, il serait parfaitement inutile qu’elles fassent des études « S’il faut vraiment priver quelqu’un d’éducation,
je préfère plutôt que ce soit la fille car le garçon,
poussées. La majorité des répondants des groupes pères n’estiment quand il sera grand, aura beaucoup d’obligations
d’ailleurs pas nécessaire d’investir dans la scolarisation des filles car qui nécessitent un bon bagage scolaire. » [GDD
celles-ci seraient : « vouées à partir, pour s’appuyer ensuite sur les potentialités Mères, Antananarivo]
« Ils requièrent un minimum d’éducation pour se
de leur futurs maris » [GDD Pères Toamasina] et l’éducation n’exercerait trouver de l’argent tandis que les filles arriveraient
aucune influence tangible sur leur avenir sur le plan économique. toujours à se débrouiller » [GDD, mères
Toamasina].
Traitement des garçons et implications sur leur scolarisation « Le garçon a besoin d’être rappelé à l’ordre, on le
conseille d’aller au temple, d’apprendre la religion.
De façon générale, les groupes « parents » des deux sexes Quand je lui répète tout le temps que son cadet est
privilégieraient les garçons dans la poursuite des études. Comme ils plus brillant que lui, il fait des efforts… » [GDD
sont plus « distraits » mais sont de futurs chefs de famille, ils Mères, Antananarivo]
« Les garçons sont chouchoutés, on doit leur
nécessitent plus de soutien dans leurs études. En outre, facilement donner des goûters… parfois on doit s’endetter
influençables, ils doivent être tenus dans le droit chemin. De ce fait, pour leurs caprices, ils sont gâtés. » [GDD Mères,
ils feraient l’objet d’encouragements, de suivi, voire de pression et/ou Mampikony]
de « dressage », afin de les inciter à étudier. Les parents s’investissent
donc davantage dans leur éducation pour qu’ils deviennent plus
tenaces, actifs, débrouillards, audacieux et novateurs. Diverses
stratégies sont appliquées : fermeté et violence pour les dompter, ou
douceur pour les encourager et activités récréatives pour les motiver.
Enfin, les garçons seraient aussi privilégiés en matière d’alimentation :
dans certains sites comme Mampikony, ils exigeraient des repas La question desMichael,
tâches 9domestiques
ans
« réguliers » amenant les mères à les favoriser, quitte à s’endetter, de « Quand j’arrive à la maison et que je vois les
peur qu’ils ne veuillent pas aller à l’école. enfants étudier, je ne les dérange pas. Aucune
course, ni tâche domestique ne leur est affectée.»
A la différence des filles, ils auraient également besoin de sentir le [GDD Pères, Toamasina]
soutien qui leur est donné pour pouvoir éprouver, plus tard, de la « Le matin, la fille allume le feu et le garçon va
reconnaissance vis-à-vis des parents. Les groupes « mères » qui chercher de l’eau ; à midi c’est moi qui fais cuire le
considèrent les garçons, comme « insensibles » les laissent donc plus repas ensuite tous les deux vont chercher de l’eau et
libres (par rapport aux filles) dans la participation aux tâches après ils partent. » [GDD Mères, Fandriana]
domestiques (cas de Mampikony, Antananarivo). En conséquence, « Chez nous, on n’attribue pas les tâches en
même s’ils se montrent récalcitrants pour s’adonner aux tâches fonction du sexe mais en fonction de l’âge, filles et
garçons peuvent faire tout ce qu’il y a à faire, mais
ménagères ou à certaines tâches spécifiques (ex : coupe du bois de on ne peut pas par exemple demander aux plus
chauffe, cas de Fandriana), ils sont « excusés ». Cette attitude petits d’aller au marché ou de transporter quelque
permissive des parents aurait cependant des effets pervers sur les chose de lourd. C’est aux plus grands de le faire !»
garçons. Soulagés des tâches domestiques, ils consacreraient souvent [GDD Pères, Toliara II]
leur temps libre à des jeux de toutes sortes les exposant à des
tentations (drogue, alcool, argent facile) et les détournant des études
(cas de Fandriana, Vangaindrano, Toliara II notamment). C’est parmi Discrimination en défaveur des
eux qu’on compterait le plus de redoublants ou d’élèves dépassés par garçons
les filles en classe. « Je préfère arrêter le garçon parce qu’il peut
toujours travailler la terre, mais la fille si elle est
Par contre, dans le cas particulier du site de Toliara II, les garçons célibataire, elle n’aura rien pour vivre.» [GDD
seraient discriminés en matière de scolarisation. Dans ce site, les Pères, Toliara II.]

40 Cf. Chapitre 3.2. Profil des districts

48
parents sont généralement indifférents aux études des garçons. Ainsi, en cas de difficultés
financières, ils n’hésitent pas à les retirer de l’école. La principale raison invoquée est le
patrimoine familial dont ils sont les seuls héritiers (transmission de la terre en ligne agnatique
exclusivement). Ainsi, la scolarisation des filles compense l’inégalité de genres dans l’accès à
l’héritage familial – dont la terre – mais pénalise le garçon sur le plan de la scolarisation. C’est dire
que dans cette région, les mesures pour favoriser l’éducation des filles et des garçons doivent être
accompagnées de mesures pour un accès égal à l’héritage familial. Ce désavantage des garçons est
néanmoins contrebalancé par l’abandon scolaire plus important des filles après qu’elles aient
obtenu leur CEPE, comme dans les autres districts. Elles auront appris à lire et à écrire et
quitteront l’école. La tendance en termes de probabilité de promotion du CM2 à la 6ème, est la
même pour tous les sites de notre échantillon : le taux de transition des garçons est
systématiquement supérieur à celui des filles. Le district d’exception est celui de Mampikony, où
le taux de transition en 6ème est favorable aux filles. Si à Antananarivo et Toamasina, l’écart en
faveur des garçons n’est pas trop évident, il est beaucoup plus prononcé à Toliara II et
Vangaindrano. Les pratiques négatives au sein de la famille ne sont pas étrangères à cet état de
fait.
5.2.2. Pratiques positives au sein de la famille et de la communauté
L’absence de discrimination envers l’un ou l’autre sexe a été retrouvée dans les sites mais de façon
éparpillée et par une minorité, au sein des groupes « parents » des deux sexes et « autorités ». La
présente sous-section traitera successivement des pratiques positives relevées au sein de la famille
et de la communauté.
Préférence des écoles privées par les
Pratiques positives au sein de la famille parents
Dans tous les sites, il existe mais de façon minoritaire, des mères qui « La plupart du temps, il n’y a qu’une minorité
des enfants de notre quartier qui fréquente l’EPP,
épargneraient certaines tâches domestiques à leurs enfants, filles et la majorité va chez les sœurs à Ambozontany, ou
garçons. Les raisons évoquées sont la lourdeur de tâches domestiques chez ‘Papillon’… » [GDD Mères, Fandriana]
inappropriées à leur jeune âge et le temps à consacrer aux études. Un « Les enseignants dans les écoles publiques ne
partage équitable des tâches domestiques entre filles et garçons est sont pas assidus car ce sont des ‘suppléants’ (sic),
ce qui incite les parents à envoyer leurs enfants
également relevé à Fandriana. L’attribution des tâches se ferait dans les écoles privées alors qu’ils ne sont pas en
indépendamment du sexe des enfants, en fonction du temps libre de mesure de payer l’ ‘écolage’ (sic)» [GDD Pères,
ceux-ci. Ceci peut être un des facteurs explicatifs du maintien quasi Toliara II]
égal des filles et des garçons, tel que mentionné dans le chapitre
précédent (graphique 4.1.).
Dans les groupes parents des deux sexes, l’ensemble des
participant(e)s de statut socio-économique moyen déclare faire les
mêmes investissements pour les enfants, indépendamment de leur
sexe et de leurs compétences. Certains enverraient leurs enfants dans
une école privée, convaincus que l’enseignement y est de meilleure
qualité. Misaela, 9 ans
Les enfants à retirer de l’école en cas de force majeure sont, pour tous les groupes, les plus âgés
et/ou les moins motivés et performants. Ceci permettrait aux plus jeunes de continuer afin
d’avoir au moins le niveau acquis par leurs aînés qui, de leur côté, peuvent aider les parents. Le
sexe de l’enfant n’entrerait donc pas systématiquement en jeu. C’est surtout dans les groupes
« pères » où compte tenu de circonstances particulières que les préférences vont vers l’un ou
l’autre sexe. Ainsi, dans le site de Toliara II, parce qu’exclues de l’héritage familial, les filles
seraient davantage encouragées à étudier, jusqu’à un certain niveau – généralement vers la fin du
41
primaire. De plus, en raison du «velon-tena » , même sans terre, elles sont appelées à subvenir à

41Le principe du « velon-tena », appliqué aux enfants des deux sexes à partir de la puberté, consiste à leur laisser le
soin se prendre en charge, même pour les fournitures scolaires.

49
leurs besoins. Les parents, y compris les pères, préfèreraient qu’elles poursuivent leurs études, au
détriment des garçons, jusqu’à une demande en mariage ou une grossesse non désirée. Toliara II-
rural reconnaît l’âge le plus bas (15,6 ans) pour l’entrée en union (EDS, 2003).
Par ailleurs, bien que rares, des actions positives en faveur des filles sont menées. Ainsi, des
participantes du groupe « mères » d’Antananarivo déclarent investir davantage dans l’éducation
des filles, en les envoyant dans une école privée, compte tenu de leurs qualités intellectuelles et de
leur degré élevé d’intérêt pour les études. D’ailleurs, il peut sembler que le secteur éducatif privé
est globalement moins marqué par les inégalités de genre que le secteur public, avec un ration
filles / garçons de 0,99 contre 0,96. D’autres participantes des groupes « mères » de Fandriana, et
Toamasina s’investiraient également dans le suivi des études de leurs filles pour les faire
persévérer et envisageraient de les pousser le plus loin possible dans leurs études. Leurs
motivations sont sous-tendues par les valeurs liées à l’éducation des filles42.
Dans le cadre familial, ce sont les enfants des deux sexes qui
Eléments dissuasifs à l’école, selon les
bénéficieraient du soutien moral des parents, surtout dans les cours parents
préparatoires (CP). Dans la limite de leurs moyens, les mères se «Les enseignants s’absentent jusqu’à 3 semaines
chargeraient de leur donner des fournitures scolaires. Dans le site d’interruption pour trouver du boulot ailleurs. Cette
de Fandriana, lorsque les enfants sont performants, ils situation doit être corrigée car ce sont les élèves qui en
bénéficieraient parfois de récompenses de la part des parents, pour pâtissent. » [GN Autorités, Toliara II]
les encourager à continuer dans leur effort. Dans le site de « Ma fille commence à traîner des pieds pour aller à
l’école. On dirait qu’elle y va juste pour la forme.
Toamasina, une pratique qui aurait fait ses preuves consiste à Elle n’en fait qu’à sa tête, dès fois, elle va à l’école,
encourager la fratrie à étudier ensemble pour s’entraider et se dès fois, elle n’y va pas. On dirait que les enfants ont
motiver l’un et l’autre. toute latitude pour agir librement, ils passent leur
temps à bavarder et deviennent faibles en classe. »
Les groupes «pères », plus que les groupes « mères », laisseraient [GDD Mères, Antananarivo]
plus tard à leurs enfants la liberté de choisir leur orientation future. Avis des parents sur la violence
Certains participants ont même déclaré qu’ils pousseraient leurs « L’enseignant a défait sa grosse ceinture et en a
filles vers la carrière militaire si elles désirent s’y lancer. Pour eux, frappé mon fils. Je l’ai soutenu, je ne l’ai pas arrêté
l’essentiel serait que les enfants puissent ne plus dépendre des car j’avais trop honte de lui. » [GDD Mères,
parents. Mais les attentes sexuées décrites plus haut ressurgissent Antananarivo]
très vite alors, limitant quelque peu la portée de leurs affirmations. « Ca ne me dérange pas que les enseignants battent
les enfants, au contraire je trouve qu’il faut revenir
Enfin, dans le cadre du suivi des études de leurs enfants, les aux anciennes méthodes où on nous frappait les
groupes parents des deux sexes relèvent plusieurs problèmes liés à doigts avec une règle, on instaure mieux la discipline
l’école : absences fréquentes et parfois impromptues de ainsi » [GDD Pères, Toamasina]
enseignants, insuffisance du suivi et de l’encadrement des élèves,
non respect du programme établi, insuffisance de la discipline Les réalités locales, selon les autorités
appliquée en classe, violence des enseignants... D’après les parents, « Les cahiers et les stylos sont épuisés, les enfants n’ont
ils constitueraient autant de facteurs dissuasifs pour la plus de quoi écrire, alors que les parents n’ont plus
fréquentation scolaire par les élèves. Se sentant délaissés, ces d’argent pour en acheter. C’est pour ça que les enfants
n’ont plus envie d’aller à l’école, ils pensent que les
derniers finiraient par être démotivés, voire par abandonner parents ne se soucient plus d’eux alors ils arrêtent
l’école. Par contre, la violence à l’école semble être un sujet l’école. » [GN Autorités, Toliara II]
controversé chez les parents. Certains s‘y opposent farouchement « En brousse surtout, les parents sont concentrés sur la
tandis que d’autres déclarent avoir demandé aux enseignants de subsistance de la famille et en oublient la scolarité de
leurs enfants et ne les envoient à l’école que le jour où ils
l’appliquer. se rendent compte de l’âge avancé de ces derniers. »
[GN Autorités, Vangaindrano]
Pratiques au sein de la communauté
Les autorités locales – notamment les chefs des Fokontany –
semblent être au courant de certaines réalités relatives à
l’éducation des enfants des quartiers dont ils ont la responsabilité.
Mention est notamment faite : (i) de l’entrée tardive des enfants à

42Cf. § 5.1.1. : Représentations associées à l’école Lanja, 8 ans

50
l’école, notamment ruraux, dont les parents sont de faible niveau d’instruction ; (ii) de l’incapacité
des parents à nourrir leur enfants, incitant ces derniers à délaisser leurs études au profit de petits
métiers ; (iii) du manque de suivi des parents, occupés à rechercher des moyens de survie ; (iv) de
l’acceptation hâtive des demandes en mariage pour alléger leurs charges ; (v) des abandons de
foyer par les pères laissant leurs femmes sans ressource avec des enfants, provoquant leur
déscolarisation ; (vi) des activités néfastes auxquelles s’adonneraient les filles et les garçons qui
sont déscolarisés, telles la prostitution, l’alcool et la délinquance (Toamasina). Les difficultés
économiques des parents seraient telles que, selon les groupes « autorités », les parents recourent
parfois à des pratiques punitives de privation de nourriture de leurs enfants rien que pour éviter
de leur donner à manger. Il arriverait souvent que des enfants doivent travailler pour trouver leur
plat de riz quotidien. Selon les autorités, ce sont tous ces facteurs qui concourraient ainsi à la
déscolarisation des filles et des garçons.
Face à cette situation, des initiatives locales sont prises, mais rares et de façon isolée, dans le site
de Toamasina. Il s’agit notamment de l’octroi de crédit aux femmes chefs de ménage scolarisant
leurs enfants par une association de femmes. Les délais de remboursement sont établis sur la base
des capacités financières des femmes concernées. De telles initiatives permettent de scolariser des
enfants qui n’auraient pas connu l’école sans ce petit « coup de pouce ». D’autre part, les chefs de
Fokontany affirment suivre les femmes du quartier qui accouchent pour s’assurer que les
nouveau-nés soient déclarés officiellement. Lors des rentrées scolaires, ils faciliteraient la
délivrance des autorisations pour que les parents disposent d’une copie de l’état civil de leurs
enfants. Enfin, les responsables des districts fourniraient des aides ponctuelles aux écoles,
notamment dans les sites d’Antananarivo et de Vangaindrano : « Notre contribution consiste à assurer
la petite maintenance des EPP et à en assurer le gardiennage.» [GN Autorités Antananarivo].
Autrement, les autorités locales ne semblent pas suffisamment
impliquées dans les questions qui touchent l’éducation des Solution pour les jeunes déscolarisés
enfants. Déplorant cette situation, elles ont formulé leurs souhaits « Il faut exploiter les spécialités des jeunes et éviter de
de pouvoir coopérer avec les autorités scolaires, à l’instar de leur leur laisser des opportunités de traîner dans la rue à
boire et jouer aux cartes, allant jusqu’à voler ou se
collaboration avec les autres départements ministériels tels la prostituer. Il faudra des formations professionnelles
santé. Ils pensent pouvoir se positionner en acteurs relais entre la continues par exemple en ouvrage métallique, soudure,
communauté scolaire et la population, notamment pour les coiffure, coupe et couture …» [GN autorités, Toliara
II]
questions de sensibilisation ou de mobilisation de celle-ci.
Les autorités locales – notamment les chefs des Fokontany –
semblent être au courant des réalités relatives à l’éducation des
enfants mais les initiatives pour remédier à ces problèmes restent
limitées, faute notamment d’une coopération renforcée avec les
autorités scolaires. La co-éducation des filles et des garçons par
l’école, la communauté et la famille est en effet faisable. Elle Princi,, 10 ans Ange, 8 ans
puise d’ailleurs sa source dans les traditions malgaches, où, les
différents membres de la communauté, s’engageaient à éduquer ensemble les enfants du village/
du groupe de villages. Un enseignement technique davantage orienté vers l’apprentissage d’un
métier pourrait également concourir à maintenir plus longtemps les filles et les garçons à l’école,
en offrant aux familles des perspectives plus immédiates.

51
Ce chapitre traite des perceptions et attitudes en matière de genre des parents et de la
communauté.
 Il faut préciser tout d’abord que la demande en scolarisation est forte, tant pour les filles que
pour les garçons. Les parents, pères et mères, sont conscients que l’école peut permettre à
leurs enfants quel que soit le sexe, d’assurer leur avenir.
 Toutefois, les parents n’attendent pas la même chose de l’école pour leur fille ou leur fils.
Malgré le fait que les parents, hommes et femmes, reconnaissent à leurs filles des qualités et
capacités scolaires, ils ont des ambitions limitées pour elles. Le mariage reste souvent l’unique
objectif des parents pour leur fille.
 En général, les attentes des parents en matière de scolarisation des garçons sont plus
ambitieuses que pour leur fille. Les garçons, considérés comme futur chef de famille, sont
encouragés à faire des études plus longues, à la mesure des moyens des parents et/ou de la
prédisposition des concernés.

52
Chapitre 6 : Perceptions des élèves relatives à leur vie scolaire

6.1. Les représentations associées à l'école


Les réponses des élèves et des adolescent(e)s ayant participé aux GDD sur les représentations
associées à l'école rendent en partie compte du faible taux de survie en primaire dans les districts
étudiés. Ces représentations coïncident avec celles des groupes « parents » des deux sexes.
Tous les groupes reconnaissent l'utilité d'aller à l'école qui représente à leurs yeux l'unique moyen
pour atteindre leurs objectifs car « Lorsqu'on a un objectif, on continue à étudier et si on n'a pas d'objectif,
à quoi ça sert d'étudier ? » [GDD Garçons, Toamasina]. Ces objectifs sont définis par rapports aux
difficultés socio-économiques vécues au sein de la famille. Pour l'ensemble des groupes « filles »
et « garçons », aller à l'école a pour but de les équiper des compétences nécessaires pour
améliorer leurs conditions de vie actuelle, vécues douloureusement. Cette volonté de dépasser le
niveau de pauvreté connu par leurs parents s'exprime implicitement ou explicitement à travers
des objectifs tels qu'avoir un travail bien rémunéré et/ou reconnu sur le plan social, réussir sa vie,
éviter de subir les conséquences de l'analphabétisme ou de sombrer dans la délinquance.
6.1.1. Les principales raisons pour étudier
Dans l'ensemble, les réponses des groupes reflètent l'objectif de Pourquoi étudier ?
pouvoir obtenir un travail qui puisse leur procurer l'argent « Il faut étudier car comme ça, tu auras un bon travail
plus tard. Tu pourras t’offrir ce que tu voudras et ne
nécessaire pour survivre soi-même et s'acquitter de ses dépendra plus de personne. » [GDD Garçons,
obligations familiales. Avoir étudié permettrait également de ne Antananarivo]
plus être condamné à prendre un emploi « subalterne » tel que « On va à l’école pour pouvoir aider les parents qui
celui de domestique pour les filles et de journalier agricole ou endurent des difficultés financières (…). Je pourrai leur
donner de l’argent, comme ça ils auront de ‘fonds’ (sic)
bouvier pour les garçons. Pour les groupes « adolescentes » de commerce » [GDD Filles, Toliara II]
scolarisées et déscolarisées, il leur permettrait d'être « Si tu a fais des études, personne ne pourra t’arnaquer
indépendante économiquement et se retrouver dans une position car tu sais lire, tu sais compter. Tu sauras rendre de
égalitaire dans la relation avec leur futur mari. l’argent par exemple. » [GDD Filles, Mampikony]
« Si quelqu’un tombe malade et qu’il ne sait pas lire, il
Les perceptions des groupes « adolescent(e)s déscolarisé(e)s » et « ne comprendra rien de ce que prescrit le médecin, alors il
scolarisé(e)s » diffèrent cependant. En effet, les premier(e)s fera n’importe quoi. » [GDD Garçons, Fandriana]
semblent avoir une vision idéalisée de l'école, considérée comme « Si tu vas à l’école, tu sauras ce qui est bien et ce qui
est mal. Tu ne feras pas n’importe quoi, comme voler
inaccessible pour eux mais comme l'unique moyen d'obtenir un ou se saouler… » [GDD Adolescents scolarisés,
emploi bien rémunéré. Les adolescent(e)s encore scolarisé(e)s se Vangaindrano]
sont montré(e)s davantage conscient(e)s de l'étroitesse du marché
du travail et, sans en nier la nécessité, relativisent l'utilité des
diplômes pour décrocher un emploi. Les préoccupations des
groupes « pères » et des « autorités locales » quant au chômage
des diplômés se retrouvent ainsi chez les enfants scolarisés qui,
comme les enfants déscolarisés voient la nécessité d'avoir des
diplômes comme une condition sine qua non pour obtenir un Tantely, 8 ans
travail bien rémunéré ou socialement bien considéré. Cependant,
les enfants scolarisés sont conscients qu'il s'agit là d'une condition nécessaire mais non suffisante.
Les groupes soutiennent également que l'école apprend à vivre en société, qu'elle constitue un
processus de socialisation. Les groupes « adolescent(e)s » semblent accorder beaucoup
d'importance à cet aspect. L'école permettrait ainsi de rester dans le droit chemin. Les risques
auxquels sont sujets les garçons sont, pour les deux sexes, le vagabondage et le banditisme. Pour
les filles, il s'agit de la prostitution mais seuls les garçons expriment ce point de vue, identique à
celui des parents et des autorités locales. Lorsqu'elles entendent cela, les filles ne disent rien,

53
conformément à la culture malgache qui veut que lorsqu'on n’est pas d'accord, on le signifie par
le silence et l'expression de visage qui l'accompagne, particulièrement lorsqu'il s'agit de quelque
chose dont on ne parle habituellement pas parce que le sujet est considéré comme honteux et
donc, gênant.
Le contexte de pauvreté et les risques de commerce sexuel qui y sont, de fait, associés peuvent
rendre compte de ce point de vue des garçons, mais en partie seulement. Plus fondamentalement,
des stéréotypes de genre sont à l'oeuvre. En effet, pour la société, la fille doit se marier. La
scolarisation a pour objectif fondamental de préparer la fille à remplir son rôle social de mère de
famille. Ainsi, des participants au groupe « adolescents scolarisés » de Vangaindrano ont fait
référence au rôle primordial des mères de famille dans la scolarisation des enfants et voient
comme finalité dans la scolarisation des filles « la possibilité pour elles d'encadrer leur
progéniture dans les études ». La scolarisation est ainsi présentée comme permettant aux filles
d'éviter l'unique autre option qui s'offre à elle en dehors du mariage, la prostitution. C'est dire que
l'on ne reconnaît pas vraiment d'autres ressources aux filles que celle de faire des enfants, si
possible dans le cadre du mariage, ou de vendre son corps pour gagner de l'argent.
L'objectif d'éviter de devenir analphabète pour ne pas se faire Les études, un moyen d’autonomisation
arnaquer revient également très fréquemment, surtout dans les selon les filles
groupes « filles ». Celles-ci sont convaincues que le fait d'être « Il faut étudier pour que les hommes ne te rabaissent
instruites leur permettra d'éviter de se faire exploiter par les pas…car lorsque tu es est ignorante, les hommes te
hommes. Selon elles, l'école permettrait d'éviter les grossesses rabaissent…. » [GDD Filles, Toamasina]
précoces et/ou hors union, les filles scolarisées étant moins « «Les études permettent à la femme célibataire
disponibles » et mieux équipées pour faire face à la pression des d'assurer sa subsistance, de s'armer pour affronter la
garçons. Elles réfèrent sans doute à des capacités de négociation vie en cas de séparation » [GDD Adolescentes
dont les filles scolarisées seraient mieux dotées (Toliara II, déscolarisées, Vangaindrano]
Toamasina et Vangaindrano). L'alphabétisation permettrait « Il faut être assez instruite pour se faire respecter de
également de ne pas être dominées et maltraitées au sein du foyer son mari » [GDD Adolescentes déscolarisées,
(Vangaindrano, Antananarivo). Enfin, l'école représenterait un Antananarivo]
moyen efficace de retarder le mariage pour celles qui n'y se sentent
pas prêtes, l'abandon scolaire les contraignant à entrer en union, sous la pression de l'entourage
(Mampikony). C'est dire que les filles sont conscientes des effets de la dominance du masculin
sur le féminin en dehors et dans le mariage. En dehors du mariage, elle se traduit par les capacités
de négociations face aux pressions des hommes ou des garçons pour avoir des relations sexuelles
et dans le mariage, par une soumission qui peut être accompagnée de maltraitance. L'école
apparaît comme un moyen de se préserver contre ces effets.
6.1.2. A propos des ambitions des écolier(e)s et adolescent(e)s
L'examen de leurs « ambitions » permet de mieux comprendre les représentations que les groupes
« élèves » et « adolescent(e)s » associent à l'école. Cette dernière est conçue par les groupes
comme un moyen pour réaliser leurs « ambitions ».
La magistrature suprême, la médecine ou l'ingénierie ont très souvent été cités dans les groupes «
élèves » comme les métiers qu'ils aspirent à exercer dans le futur - souvent avec amusement,
comme s'il s'agissait plutôt d'un rêve inaccessible. De façon générale en effet, les aspirations des
enfants sont modestes. Elles sont aussi très stéréotypées aussi bien pour les groupes « élèves »
qu'« adolescents » des deux sexes. L'idéal pour les filles serait de devenir institutrices, ouvrières
dans les zones franches ou épicières. Pour les garçons, chauffeurs et soldats. La seule même
occupation que pourrait avoir les deux sexes est celle de bureaucrate. En zone rurale, pour le
groupe de Vangaindrano par exemple, les travaux agricoles sont considérés comme l'issue
commune pour les adolescent(e)s.
Cependant, une bonne proportion au sein du groupe « adolescentes » a évoqué la gamme
relativement large des petits métiers exercés par les garçons (porteur, aide chauffeur, rabatteur de

54
voyageurs), en contraste avec la rareté des opportunités pour les Des alternatives sexuées en cas d’abandon
filles (essentiellement, le petit commerce et le mariage). scolaire
Conformément à ces attentes, les enfants attendent « Les garçons on un large choix. Ils peuvent faire aide
essentiellement de l'école qu'elle leur apprenne à lire, écrire et à chauffeur ou porteur … Nous les filles, on devra se contenter
de nous marier ou de vendre de petites choses. » [GDD
compter. C'est seulement dans les grandes villes et adolescentes déscolarisées, Vangaindrano]
particulièrement dans les groupes « filles » et « adolescentes « Si une fille arrête ses études, un homme viendra la prendre
scolarisées » que la majorité des enfants envisagent le pour épouse. Puisque c’est lui qui travaille, il lui donnera
baccalauréat et au-delà. Dans les grandes villes (Toamasina et juste un peu d’argent ou pas du tout». [GDD Garçons,
Toamasina]
Antananarivo), les groupes « garçons » semblent convaincus
« Je chercherai un travail de mécanicien », « Je vendrai du
qu'avec un niveau élémentaire d'instruction, en raison de leurs pain », « Je rentrerai à la campagne pour travailler la
capacités physiques, ils s'en sortiraient mieux que les filles, terre ». [GDD Garçons, Antananarivo]
perçues comme plus vulnérables et qui ont de toute façon la
ressource de se marier. Ainsi à la question « et si maintenant
vous êtes appelés à arrêter les études, comment réagiriez-vous ?
», les garçons avancent sans hésitation : « faire une demande pour
trouver du travail », « apprendre un métier », « se lancer dans le travail Karyn, 7 ans Princi, 10 ans
manuel ».
C'est dire combien le maintien des filles et des garçons à l'école constitue un enjeu. Terminer le
primaire est considéré suffisant par la majorité d'entre eux, pour assurer leur survie et un avenir
meilleur. En comparant les ambitions exprimées avec les objectifs précédemment exposés, on
peut en effet constater que la majorité des participants aux GDD « élèves » et « adolescent(e)s », se
contentent de la capacité à lire, écrire et compter.
Par ailleurs, même s'il s'agit d'une minorité, les garçons semblent être Ambitions pour leur progéniture
plus sensibles aux diplômes (Fandriana, Vangaindrano) et les filles,
aux modèles positifs de réussite (Toamasina et Antananarivo). Pour
les filles, il semblerait que les exemples positifs de filles qui ont réussi
cités par les parents fassent germer des ambitions. D'ailleurs, dans «J’enverrai mes enfants à
l’école, quoi qu’il m’en
trois sites sur les six retenus, pour les groupes « filles » l'école coûtera pour qu’ils
représente un droit acquis des enfants et qu'ils peuvent réclamer puissent devenir président
auprès des parents. Les garçons semblent quant à eux être davantage de la République ou
Maire ou Instituteur… »
poussés par le désir d'obtenir un diplôme, conçu comme moyen [GDD Adolescents non
indispensable pour réussir. scolarisés, Toamasina]
Enfin, pour leurs enfants, les adolescentes et les adolescents,
scolarisés et déscolarisés, ont des projets bien plus ambitieux que
pour eux-mêmes. Et il semble aller de soi que pour les réaliser, il Elisha, 8 ans
faudra scolariser les enfants le plus longtemps possible, l'école étant
considérée comme un passage obligé vers un avenir meilleur. Mais
quid de l'abandon scolaire ?
Graphique 6.1. : Taux d'abandon dans les 6 districts
6.1.3. A propos de l'abandon
scolaire Taux d'abandon moyen
Pour mémoire, la déscolarisation plus Des alternatives sexuées en cas d’abandon
scolaire
ou moins précoce touche une 25%
« Les garçons on un large choix. Ils peuvent faire aide
proportion alarmante de jeunes, chauffeur ou porteur … Nous les filles, on devra se contenter
20%
notamment dans la majorité des de nous marier ou de vendre de petites choses. » [GDD
districts sélectionnés. Le graphique 6.1 15% adolescentes déscolarisées, Vangaindrano]
ci-contre illustre le phénomène. « Si une fille arrête ses études, un homme viendra la prendre
10% pour épouse. Puisque c’est lui qui travaille, il lui donnera
La grande majorité des adolescents juste un peu d’argent ou pas du tout». [GDD Garçons,
déscolarisés déclarent avoir abandonné 5% Toamasina]
leurs études parce qu'ils y étaient « Je chercherai un travail de mécanicien », « Je vendrai du
0% pain », « Je rentrerai à la campagne pour travailler la
Antananarivo Toamasina terre ».
Toliara
[GDDII Fandriana Antananarivo]
Garçons, Mampikony Vangaindrano

55
Fille Garçon
contraints. La contrainte la plus fréquemment citée est le manque de ressources des familles. Les
difficultés financières peuvent prendre de multiples formes : en raison du manque de places dans
les collèges publics, beaucoup d'adolescents seraient obligés de fréquenter des collèges privés,
dont les parents - et en particulier les mères chefs de ménage - Préoccupations des adolescents
ne peuvent pas payer les droits de scolarité (Antananarivo, « Ce qui nous préoccupe c’est la recherche d’argent frais
Toamasina). Les mêmes catégories de famille sont également pour l’achat de la nourriture et pour aider les parents. »
confrontées au manque de ressources financières, surtout en [GDD Adolescentes déscolarisées, Antananarivo]
milieu rural (Vangaindrano et Toliara II), lorsqu'il s'agit « Nos parents n’ont pas les moyens d’acheter les
fournitures scolaires nous obligeant à arrêter l’école. »
d'acheter les fournitures scolaires exigées. L'élève cesse d'aller à [GDD Adolescents déscolarisés, Toliara II]
l'école jusqu'à ce qu'il/elle ait acquis tout le matériel scolaire. « J’ai dû quitter l’école car ma mère ne pouvait plus
Mais quand l'absence a été prolongée, l'élève a souvent honte subvenir toute seule à nos besoins. » [GDD Adolescents
de retourner en classe car ses pairs devineront la cause de cette déscolarisés, Toamasina]
absence. L'abandon temporaire devient définitif. « Moi je voulais encore poursuivre mes études mais j'ai
trop d'obligations à la maison, je dois aider ma mère, de
L'autre raison de déscolarisation, évoquée dans les groupes plus elle n'arrivait plus à payer les écolages. » [GDD
« adolescents » et « adolescentes » déscolarisées, est également Adolescents déscolarisés Vangaindrano]
liée aux difficultés économiques des familles. En effet, lorsque « Je devais chercher de l’argent pendant les vacances pour
les aînés, filles ou garçons, sont allés à l'école suffisamment m’acheter une bicyclette qui m’aurait servi à faire le trajet
longtemps pour savoir lire, écrire et calculer, les parents les pour l’école. Mais jusqu’ici je n’ai pas pu réunir assez
d’argent et je suis resté ici, je ne suis plus allé à l’école. »
retirent de l'école. Ils dégagent ainsi des ressources qui seront [GDD Adolescents déscolarisés, Toamasina]
consacrées à l'éducation des frères et sœurs plus jeunes et
emploient les plus âgés afin de les aider à faire vivre la famille Mirana,9 ans

(généralement, travaux des champs et/ou petit commerce)


(Toliara II et Antananarivo). Les filles doivent participer à la
fois aux tâches ménagères et aux activités économiques de la
mère et les garçons, prendre la place du père lorsqu'il est absent
(Vangaindrano). Dans les groupes « adolescents », la violence
des enseignant(e)s à leur égard a été citée comme une raison
d'abandonner l'école, comme on le verra ensuite.
Quelle qu'en soit la raison, la déscolarisation est perçue comme un malheur, le plus souvent, dans
un contexte de détresse familiale. Aucun des participants aux groupes d'adolescents n'a déclaré
avoir quitté l'école de son plein gré, et la grande majorité d'entre eux a déclaré qu'ils reprendraient
les études s'ils le pouvaient.(ce qui laisse d’ailleurs supposer que lorsque la violence des
enseignants est en cause, l’adolescent s’est cependant attribué à lui-même l’origine de l’abandon)
La petite minorité qui n'envisage plus de reprendre des études est constituée des garçons qui ont
déclaré ne plus pouvoir se passer des maigres revenus qu'ils gagnent en faisant des petits boulots
à la sauvette.
Les adolescent(e)s déscolarisé(e)s pensent qu'ils ne sont plus « comme tout le monde ». Le
sentiment d'infériorité par rapport aux pairs qui ont pu continuer leurs études est
douloureusement ressenti et leur regard, pénible à supporter, même quand il exprime de la
compassion. Les pairs encore scolarisés ont en effet unanimement ressenti de la tristesse pour
leurs anciens camarades qui ont quitté l'école. Tous trouvent désolant que des enfants de leur âge
ne soient plus à l'école.
En résumé, si la scolarisation est vécue comme une nécessité, sinon un droit, la grande majorité
des filles et des garçons n'envisagent pas de faire des études poussées. L'abandon scolaire est
perçu négativement aussi bien par les élèves et adolescent(e)s qui sont encore dans le système
scolaire que ceux/celles qui sont déjà déscolarisé(e)s, montrant que l'éducation de base est entrée
dans les normes : il est « normal » de terminer ses classes primaires. Les raisons invoquées pour
rester ou avoir dû abandonner l'école peuvent aider à élaborer des stratégies pour maintenir les
élèves à l'école.

56
6.2. L'expérience de l'école par les élèves et les adolescent(e)s
En examinant l'expérience de l'école par les élèves et par les adolescent(e)s, cette section
contribuera à identifier les éléments/aspects que les filles et les garçons estiment appropriés ou
non et en leur faveur ou défaveur au sein de l'école, par rapport à leurs besoins respectifs. Il est
supposé que la prise en compte des besoins communs et spécifiques des filles et garçons,
contribue à favoriser leur accès égal aux mêmes opportunités offertes par une éducation épicène.
Ces éléments/aspects ont été appréhendés au niveau : (i) de l'interaction maître - élèves et leurs
préférences par rapport au sexe de l'enseignant ; (ii) des rapports entre les élèves et leurs
préférences relatives à la composition de leur classe (mixte ou unisexe) ; (iii) des conditions et /ou
pratiques de l'école qui auraient favorisé/facilité leur fréquentation de l'école et leur
apprentissage, ou leur abandon scolaire, le cas échéant.
6.2.1. La violence à l'école, une préoccupation majeure des élèves
La violence à l'école n'est pas documentée à Madagascar. Pourtant, elle semble être au centre des
préoccupations des groupes en général et des filles en particulier. Elle constitue un facteur
dissuasif de la fréquentation scolaire et favorise le développement des relations de domination
des garçons sur les filles. Ses manifestations, telles que rapportées par
les élèves, renvoient en effet aux « normes qui régissent les relations Les formes de violence à l’école
et les inégalités entre les sexes» (UNFPA, 2000). D'ailleurs, les rares « Par exemple lorsque tu inscris les noms de ceux
études disponibles sur la violence faite aux femmes à Madagascar qui bavardent, ces derniers vont jusqu’à te
‘menacer’ (sic) ‘nous t’aurons à la sortie de l’école’.
reconnaissent également que les rapports de pouvoir (économique, Et quand tu informes madame sur ça, ils te disent
politique et social) entre les deux sexes sont marqués par la que, quand ça sera leur tour, ils inscriront ton
dominance de l'homme et que cette conception de la primauté du nom... » [GDD Filles, Toamasina]
masculin sur le féminin est ancrée dans les mentalités, aussi bien chez « Parmi les élèves de ma classe, il y a beaucoup
les femmes que chez les hommes (USAID/WLR, 2004). de garçons terribles et je n’aime pas ce qu’ils font.
Ils n’arrêtent pas d’interpeller les filles et de les
Les rapports entre élèves marqués par la violence. siffler. Dès qu’il y a une fille qui passe dans leurs
parages, ils ne ratent pas de les interpeller et
Globalement, la violence semble caractériser les rapports entre élèves pendant la ‘récréation’ (sic), ils les tapent
à l’école primaire. La forme dominante est psychologique et verbale dessus… » [GDD Filles, Antananarivo]
(menaces de vengeance et de violence physique, insultes, pressions, « Lorsqu’ils enlèvent les mauvaises herbes
moqueries, humiliations) suivie de près par la violence physique pendant le jardinage et que ‘madame’ (sic) n’est
(coups de pied/poing, claques, guet-apens, sabotages, etc.). Les pas là, ils te donnent des coups de pique dans les
pieds avec la bêche » [GDD Filles,
principales causes de ces cas de violence seraient : - la « délation » le Vangaindrano]
plus souvent par les filles, - la rivalité, - la concurrence et - la jalousie, « Ce sont les grands qui violentent les petits et
- la susceptibilité mais aussi - le désir des garçons de vouloir dominer profèrent des gros mots. Ils savent que les petits
la classe. ont peur d’eux et en profitent pour les tyranniser.
Quand ils voient que les plus jeunes sont
Dans tous les sites, les groupes « filles » subiraient plus fréquemment performants en classe alors ils les injurient et leur
ces formes de violence, perpétrées généralement par les garçons - disent avec un ton menaçant ‘c’est quoi ces petits
sans toutefois exclure la violence entre filles. Ces cas de violence à qui essaient de nous battre?’ ... » [GDD
l'encontre des filles s'amplifieraient lorsque ces dernières sont Garçons, Fandriana]
chargées de rapporter les cas d'indiscipline en classe. Pour ces raisons, « Les grands savent que tu es petit et ne peux
donc leur tenir tête. C’est pour ça qu’ils te
le rôle « policier » de rapporteur est peu apprécié dans les groupes
terrorisent et tu n’oses pas en parler au maître. »
« filles ». Pourtant, cette tâche incombe à tour de rôle aux élèves des [GDD Garçons, Mampikony]
deux sexes. La question est de savoir jusqu'où peut-on déléguer aux
élèves des tâches, sans les mettre en porte-à-faux vis à vis de leurs
camarades. Dans quelle mesure en effet ne contribuent-elles pas à
accentuer les rivalités entre élèves ?
Dans quelques sites, certains cas de violences rapportés par les
groupes « filles » revêtent la forme de harcèlement sexuel de la part
des garçons. Ces situations créent chez les filles un sentiment Kevin, 9 ans

57
d'insécurité et les perturbent dans leurs études. Il s'agit notamment du fait d'embrasser les filles de
façon impromptue, de les héler sans arrêt ou de les déranger directement en classe par des gestes
inconvenants. Certaines des filles se sont plaintes de la passivité des autorités scolaires lorsqu'elles
les ont informées du mauvais traitement que leur font subir les garçons de l'école. Cette impunité
encouragerait les auteurs de violence à récidiver. Il convient de signaler que les règlements
intérieurs des écoles sont muets sur le sujet mais en cas de plainte, ce sont les dispositions du
code pénal sur l'attentat à la pudeur qui s'appliquent. Bien que considéré comme totalement
inapproprié, le harcèlement sexuel n'a pas été cité comme raison d'abandon par les adolescentes
déscolarisées.
Ce sont les garçons qui restent les auteurs de la violence envers les garçons où règne la loi du plus
fort. La violence physique représente l'élément qu'ils supportent le à moins l'école. Pour certains,
elle constitue un élément de démotivation pour aller en classe et ce, d'autant plus que le fait
d'informer les responsables sur ces cas de violence ne fait qu'aggraver la situation.
Dans les sites de Toliara II et d'Antananarivo, des participants des
groupes « garçons » affirment faire des efforts pour ne pas Effort pour ne pas violenter les filles
commettre envers les filles des actes de violence. Il semble que ce
« Si on les dénonce, ils battent davantage les
soit la crainte d'un châtiment qui rende compte de ces égards pour garçons mais pas les filles qu'ils n'osent pas
les filles, reflétant sans doute les efforts de la direction de l'école et toucher. Eux, ils ne battent que les garçons »
des enseignants pour créer un environnement scolaire plus «girl [GDD Garçons, Antananarivo] ;
friendly». En effet, ces mêmes garçons n'hésitent pas à exercer cette « Même si les filles font quelque chose que tu
violence sur leurs pairs de même sexe où elle est, sinon découragée, n'aimes pas, tu n'oses pas les frapper. » [GDD
Garçons, Toliara II].
considérée comme « normale » par l'encadrement scolaire, puisque
traduisant le caractère indiscipliné des garçons.
Dans plusieurs sites, quoique avec une prévalence moindre, les groupes mentionnent la violence
verbale dont les redoublant(e)s, les élèves âgé(e)s et les faibles en classe, filles et garçons, feraient
l'objet de la part de leurs pairs des deux sexes. Les railleries, Violences verbales
moqueries, méchancetés feraient partie de leur lot quotidien. Cette « Les autres se moquent de toi dans la rue : ‘Elle est
situation les déstabiliserait et parfois les démotiverait pour toujours la dernière dans notre classe !’ Tu as alors
fréquenter l'école. Les redoublements sont particulièrement honte d’être la risée de tout le monde. » [GDD
redoutés, surtout par les filles, et certaines participantes aux GDD Filles, Fandriana]
disent leur préférer l'abandon scolaire.
Dans ces conditions, la violence faite par les « grands » garçons sur les élèves physiquement
moins forts peut aussi être interprétée comme une réaction d'autodéfense, les grands étant
généralement des redoublants. Parce qu'ils ne sont pas toujours les plus performants en classe, ils
veulent démontrer leur force autrement et se rabattent sur la violence physique, contrairement
aux filles qui, de prime abord, semblent opter pour une stratégie de fuite. Il a en effet aussi été
relevé que les groupes « filles » identifient comme un facteur favorisant l'égalité entre les sexes à
l'école le fait d'avoir la capacité de répliquer à la violence qui leur est faite par leurs pairs de sexe
opposé, à travers la violence verbale.
On peut considérer que cet apprentissage par les filles et par les adolescentes de la violence
verbale pour répondre à la violence physique des garçons favorise la montée en spirale de la
violence à l'école, situation critique en défaveur d'une éducation de qualité. Les élèves risquent en
effet de se mesurer en termes de capacités à se faire violences et non intellectuelles ! Cependant, il
convient de se poser la question suivante : dans un contexte scolaire où les autorités et
enseignants ne contrôlent pas la violence exercée à l'endroit des filles/adolescentes, que signifie
cette violence des filles/adolescentes, émergente dans la culture malgache ? Cette violence de la
fille/adolescente qui se défend maintenant avec les moyens qui sont les siens (violence verbale)
ne constitue-t-elle pas le signe d'un début de révolte contre la dominance des garçons (violence

58
verbale et physique) ? Dans tous les cas, cette question de la violence influence la préférence des
filles et des garçons pour ou contre les classes mixtes, comme nous allons le voir plus tard.
Violence des enseignant(e)s, une pratique persistante ?
Dans la quasi-totalité des sites, les groupes « filles » et « garçons Violences des enseignants
» dénoncent la violence psychologique et/ou physique des « Quand on t’interroge et que tu ne sais pas, les
enseignant(e). Au cours des observations, des cas de violence enseignants te frappent. Ils te tapent les mains, te tires les
verbale et physique ont par ailleurs été relevés dans certaines oreilles ou frappent tes pieds avec du ‘fil’. Ca fait très
mal ! » [GDD Garçons, Fandriana]
classes. Les avis exprimés par les enfants semblent renvoyer à « Dans notre classe, les enseignants frappent la tête des
leur propre vécu, leurs propos prenant l'allure d'un véritable garçons avec du bâton ou bien ils les font s’agenouiller au
plaidoyer pour que cette violence ne se reproduise plus. Ils bas du mât en plein soleil. » [GDD Filles, Toamasina]
déplorent le caractère vindicatif de certain(e)s enseignant(e)s « Ce que je déteste avec les enseignants hommes c'est
quand ils t'obligent à t'asseoir dans le vide. Il y en a qui te
qui prendraient le moindre prétexte (insuffisance de fourniture force à mettre la tête entre les genoux tandis que tu
scolaire, faute « insignifiante », défaillance passagère) pour sévir attrapes les chevilles avec les mains » [GDD Filles,
et traiter les enfants de façon humiliante et dégradante (nettoyer Mampikony]
« Par exemple quand la maîtresse explique une leçon, elle
les toilettes, se mettre à genoux en public et en plein soleil.). le fait sur un ton très sévère alors rien de ce qu'elle dit ne
Les participant(e)s élèves dans les groupes qui déclarent avoir rentre dans la tête car tu as peur. » [GDD Filles
Toamasina]
été victimes de cette violence rapportent qu'elle crée en eux « Même si tu as bien appris ta leçon, elle te gronde et tu
crainte, peur, angoisse les bloquant dans leurs études. Les oublies tout ce que tu sais et alors tu n'as plus le cœur à
groupes des deux sexes indiquent que certains élèves auraient travailler. » [GDD Filles, Fandriana]
« On te gronde en classe, ça fait que tu ne comprends rien
récidivé exprès pour susciter leur renvoi définitif. Ces à rien et automatiquement tu deviens turbulent (maditra).
traitements violents qui prendraient parfois l'allure d'un » [GDD Garçons, Fandriana]
véritable harcèlement pousseraient en effet les garçons à se « Cette 'madame'(sic) de grande taille, quand tu n'as pas
révolter en faisant à leur tour preuve de violence ou à fuir d'ardoise, elle te fait sortir. Dès qu'elle te voit, elle
t'appelle et t'interroge sur les 'connaissances usuelles' (sic)
l'école. Certains participants du groupe « adolescents et si tu fais ne serait-ce qu'une petite erreur, elle te crie
déscolarisés » du site de Toamasina confirment d'ailleurs qu'ils dessus alors tu ne te souviens plus de rien. » [GDD
auraient quitté l'école en raison des violences perpétrées à leur Garçons, Antananarivo]
encontre par les enseignants. Dans tous les cas, ils en
garderaient suffisamment rancune à l’enseignant(e) pour les
désintéresser de l'école.
Les punitions violentes sont parfois ressenties par les garçons
comme une pratique discriminatoire à leur égard. Comme elles
sont plus fréquentes à leur endroit, ils pensent qu'il s'agit d'une
Fanantenana, 9 ans
tentative des enseignants pour les « dompter » car ils sont de
toute façon classés comme « indisciplinés ». C'est dire que les
garçons intègrent également la dimension genre dans leur conception d'un traitement égalitaire
selon les sexes. Ce qui semble dangereux ici, c'est la confusion qui peut être opérée entre une
punition méritée à cause d'un comportement perturbant la classe et, en raison de la socialisation
différenciée entre les sexes, plus fréquent chez les garçons, et la violence dont les enseignant(e)s
font preuve en infligeant cette punition, qui est jugée inadéquate car excessive par rapport à la
faute commise.
En effet, les punitions violentes sont souvent jugées « non méritées » et/ou « inadéquates » par
les groupes « garçons » et, dans une mesure moindre, par les groupes « filles » mais elles sont
acceptées quand elles sont perçues comme méritées. Les punitions, même violentes, sont
considérées comme méritées quand elles s’appliquent notamment Des coups mérités ?
aux auteurs de mauvais traitements infligés aux pairs plus faibles « Ce n’est pas la faute de ‘madame’ si les élèves sont
et qui ne peuvent donc se défendre, d'irrévérence envers les punis car dans notre école tous les élèves doivent
enseignantes, ce qui perturbe la classe entière, et à certains respecter la discipline. Par exemple, si tu arrives en
garçons incapables de se concentrer sur leurs études sans cette retard, tu dois marcher sur les genoux de la porte
jusqu’à ta place. » [GDD Garçons, Toamasina]
forme particulière de « stimulation ».

59
C'est dire qu'en dépit de leur vécu, qui leur fait reconnaître la violence comme un traitement
inadéquat car inhibant, générant la violence chez ceux qui en sont victimes ou bien favorisant
l'abandon scolaire, certains enfants continuent de la justifier, ne fut-ce que dans certains cas. Ils
reprennent alors à leur compte les arguments mêmes auxquels ils se sont opposés pour la
légitimer : humiliation nécessaire pour faire respecter la discipline, obligation de mater les garçons
en raison de leur caractère. Il s'agit peut-être de ceux qui n'en ont pas fait l'objet. Ce faisant, ils ne
font que replacer la violence dans le contexte normatif qui prévaut ou, plus exactement à la
charnière des différents systèmes de référence auxquels ils sont confrontés.
En effet, au-delà de l'inadéquation de la violence en termes d'effet par rapport à la cause, en tout
cas, pour ceux qui en ont fait l'objet - c'est l'« injustice » qui est jugée par les groupes comme son
caractère le plus « inapproprié ». Ce sentiment d'injustice traduit en fait leur manque de ressources
face à la violence des enseignant(e)s. Dans la quasi-totalité des groupes en effet, les participant(e)s
sont informé(e)s de leurs droits : « La loi est déjà sortie que les enfants ne doivent pas être frappés. Et
pourtant des enseignants frappent encore à l'école. » [GDD Filles, Antananarivo]. Bien que la violence soit
reconnue comme illégale, la relation de subordination maître à élève est telle que le silence prime,
quitte à opter, dans les cas extrêmes, pour l'abandon scolaire. Quelle est alors la part de l'école
dans la réduction de la violence ambiante au sein de la communauté, telle que décrite plus haut ?
En conclusion, la violence exercée par les enseignant(e)s à l'endroit des élèves reflètent à la fois :
(i) des pratiques pédagogiques dépassées, réprimées par ailleurs par les dispositions légales43 ; (ii)
le silence complice » des autorités scolaires, la récurrence des cas de violence, telle qu'évoquée
dans les groupes, ne pouvant pas passer inaperçue ; (iii) des attentions (surtout négatives)
davantage orientées vers les garçons. Elle a pour conséquence de voir l'école s'ériger en un lieu
d'apprentissage et de perpétuation de la violence. Lorsque les enseignant(e)s eux-mêmes
montrent aux élèves leur pouvoir par la violence, il est logique que les élèves s'y réfèrent pour
servir et/ou protéger leurs intérêts.
Les autres éléments ressentis par les élèves comme inappropriés à leur apprentissage et en
défaveur de l'égalité des sexes renvoient à leur vécu à l'école. Par contre, ceux ressentis comme
appropriés et/ou en faveur de l'égalité entre les sexes renvoient soit à leur vécu en classe, soit à
leurs aspirations en contrepoint de leur vécu. C'est ce que nous allons voir dans la sous-section
suivante. Les perceptions des groupes « filles »/ « adolescentes » et « garçons »/ « adolescents »
sur ce qu'ils perçoivent comme leur étant respectivement approprié ou inapproprié à l'école ont
été croisées avec celles de leurs pairs de sexe opposé (i.e. ce que les filles pensent comme
approprié ou non par rapport aux garçons et vice versa).
6.2.2. Eléments perçus comme inappropriés à leur apprentissage et à l'égalité entre les
sexes
Trois principaux éléments sont ressentis par tous les groupes de tous les sites comme
inappropriés à leur apprentissage et/ou à l'égalité entre les sexes. Par ordre d'importance, il s'agit :
(i) du traitement discriminatoire des enseignant(e)s selon le sexe, le statut socio-économique, ou
la performance des élèves ; (ii) des situations qui leur feraient perdre la face ; (iii) de la qualité
actuelle de l'enseignement.

43 Convention Relative aux Droits des enfants, Article 19.1 Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives,

administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte
ou de brutalités physiques ou mentales, et Art. 28 : Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour
veiller à ce que la discipline scolaire soit appliquée d'une manière compatible avec la dignité de l'enfant en tant
qu'être humain et conformément à la présente
Convention. Lois n°2007-023 sur les droits et la protection des enfants, art 67 : …Sont assimilées à la maltraitance
toutes sanctions prises à l’encontre des enfants au sein de la famille, des écoles, de la communauté lorsqu’elles
portent atteinte à son intégrité physique ou morale.

60
Traitement discriminatoire
Les groupes « garçons » se sentent particulièrement lésés par
rapport aux filles de leur classe, notamment pour ce qui
concerne le « harcèlement » dont ils feraient l'objet en termes
de remontrances et/ou interrogations orales. L'attention des
enseignants qui est davantage portée sur les garçons n'est donc
pas pour autant appréciée par ces derniers qui la ressentent
comme une persécution à leur endroit, en raison de son
caractère violent. Si l'on met entre parenthèses ce phénomène
de violence qui n'est pas acceptable, ni pour les garçons, ni
pour les filles, cette attention davantage portée sur les garçons
est discriminatoire par rapport aux filles, laissées à elles-mêmes.
Dans les groupes « filles », cette discrimination à leur égard est
interprétée comme une sous-estimation de leurs capacités par
les enseignant(e)s et tous les groupes « garçons » trouvent
désolant que les filles ne soient pas interrogées, sauf à
Vangaindrano et à Mampikony. L'indifférence des garçons
quant au sort des filles peut refléter le peu d'importance qu'on
accorde généralement aux filles/femmes dans ces deux
localités44. Les groupes « adolescent(e)s » déclarent également
souffrir du fait que les enseignants ne semblent s'intéresser
qu'aux enfants aisés de la classe, définis comme ceux dont le
matériel scolaire est toujours complet.
Enfin, certaines pratiques consisteraient à désigner
systématiquement les moins doués et/ou faire pression sur les Quelques situations décriées par les
élèves
meilleur(e)s élèves qui n'auraient pas droit à l'erreur, ce qui, « Je n’aime pas redoubler car tu es rattrapée par
dans tous les groupes, consisterait également un élément ceux qui sont moins âgés. C’est vraiment énervant !
inapproprié pour leur apprentissage. Dans tous les cas de En plus, c’est honteux car les élèves rient de toi. Ils
te traitent de ‘grand-mère’ ou de ‘grand père ! »
figures, les enseignant(e)s ne semblent pas être conscient(e)s de [GDD Filles, Antananarivo]
ce traitement différencié perçu par les élèves, filles et garçons. « Quand l’enseignant s’absente alors qu’on a plein
de leçons à faire. Alors là, c’est agaçant ! » [GDD
Situations qui leur feraient perdre la face et qualité de l'enseignement Filles, Vangaindrano]
« Seul quelques élèves ont fini de copier et monsieur
Ces deux éléments semblent être liés. Les situations d'échec efface déjà le tableau. C’est vraiment déplaisant ! »
sont redoutées par une bonne majorité des groupes, avec des [GDD Garçons, Toamasina]
tendances selon le sexe : (i) pour les groupes « filles », à « Quand il y a quelques élèves qui finissent le
devoir, madame nous dit de fermer le cahier alors
l'exception de ceux de Toamasina et Toliara II qui ne se sont qu’on a pas encore terminé. » [GDD Garçons,
pas prononcés sur ce point, c'est le statut de redoublante, les Fandriana]
obligeant à être dans la même classe que des enfants moins « Il y a beaucoup de mots malgaches dont nous
âgés, qu'elles auraient du mal à supporter ; (ii) sauf à Toliara II, ignorons la traduction en français. En plus, on a
trop de vocabulaire à apprendre et on les confond. »
pour les groupes « garçons », c'est le fait d'être dépassés par [GDD Filles, Fandriana]
leurs pairs de sexe opposé, d'être interrogés alors qu'ils n'ont
pas la bonne réponse et l'échec aux examens officiels qui
porteraient atteinte à leur estime de soi et les démotiveraient
pour poursuivre leur scolarité.
D'autre part, les mêmes groupes, sauf ceux de Mampikony,
jugent la qualité actuelle de l'enseignement comme inappropriée
pour leur apprentissage. Mention est faite: (i) de l'insuffisance
du temps d'apprentissage du fait de l'enseignement à double

44 Cf . Section 3.2. Profil des districts

61
vacation qui limite le temps de pleine concentration (sortie tardive aussi bien le matin que l'après
midi), d'une part et/ou de l'absentéisme de certains enseignant(e)s, d'autre part ; (ii) de la non
prise en compte des différences des capacités, rythmes et préoccupations de chaque élève par les
enseignant(e)s, point sur lequel les groupes « garçons » ont particulièrement insisté. La littérature
sur le sujet indique que les filles et les garçons ont des styles cognitifs et rythmes de
développements différents.
Ceci appelle à la prudence pour ce qui est de la concordance des attentes en la matière pour les
enfants du même âge. La prise en compte de ces différences entre les sexes pourrait plutôt se
traduire par la mise en œuvre d'activités d'apprentissage mieux adaptées aux besoins des élèves,
filles et garçons. En effet, tous les groupes de filles et de garçons rapportent des difficultés
d'assimilation des matières enseignées, comme conséquence des
pratiques enseignantes. A ceci s'ajoute l'usage du français comme Pour les filles
langue d'enseignement. Elle est dénoncée par les groupes comme “Quand nos fournitures scolaires sont insuffisantes
une entrave à leur réussite scolaire, les matières enseignées en alors que les autres en ont beaucoup et de bonne
qualité, alors tu n’as plus envie d’aller en classe.”
langue malgache seraient mieux maîtrisées. Ce blocage serait [GDD Filles, Fandriana]
d'autant plus fort que certain(e)s enseignant(e)s appliqueraient «Par exemple, on rentre à midi, on mange juste un
comme punition l'utilisation de cette langue. peu de riz. Après on a faim et on arrive plus à se
concentrer sur le cours. » [GDD Filles, Toliara
Enfin, un point commun aux groupes des deux sexes de II]
Fandriana et au groupe « filles » d' Antananarivo renvoie au « Les filles ne peuvent pas être déléguées de classe
car elles ne font pas peur aux garçons avec leur petite
calendrier scolaire. Pour les premiers, la tenue des cours en hiver voix. » [GDD Garçons, Mampikony]
«engourdit les mains et les méninges » ; pour les seconds, « la canicule fait
dormir et en période de pluie, on n'a pas envie de sortir de la maison ». La
prise en compte des conditions climatiques, pourrait, dans ces
deux sites, influer sur l'assiduité des élèves. Les groupes imputent
les résultats catastrophiques des plus faibles à l'ensemble de ces
éléments, qui pousseraient parfois à l'abandon scolaire. Des
tendances spécifiques selon le sexe et/ou le site ressortent Lanja, 8 ans
cependant.
Tendances spécifiques selon le sexe
Pour les filles, il s'agit tout d'abord du manque de fournitures matérielles qui ferait honte vis-à-vis
des autres et est perçu comme une source de discrimination. Vient ensuite la faim, qui ne leur
permettrait pas de se concentrer sur les cours. Bien qu'évoquée dans tous les sites, ce point a été
soulevé de façon plus marquée à Toliara II où le groupe « garçons » va jusqu'à reconnaître qu'il
s'agit d'un facteur explicatif des mauvais résultats scolaires des filles, comme si eux-mêmes
n'étaient pas concernés par cette situation. Il y a en effet
traitement discriminatoire des parents dans l'alimentation des Le rôle des cantines scolaires
enfants, qui favorisent les garçons pour les motiver45 et/ou parce « Ce qui nous motive à étudier ? C'est quand il y a
qu’ils sont plus « revendicateurs » que leurs pairs de sexe opposé le PAM. Comme ça, les parents n'auront plus à
nous donner de quoi manger et n'auront aucun
sur cette question. Pourtant, ce sont les garçons (et non les filles) problème à nous acheter des fournitures scolaires. »
qui proposent les cantines scolaires comme élément-clé les [GDD Garçons, Toliara II]
motivant pour aller à l'école et y rester. Il est également à noter
que ce – mais aussi celui de Vangaindrano – connaît des
problèmes manifestes d'insécurité alimentaire et de malnutrition
des élèves.
Les groupes « adolescentes » de Vangaindrano et de Mampikony
ont une opinion plus marquée que celles des autres groupes sur la
question du leadership. Dans ces sites, la fonction de Fy Ravaka, 8 ans

45 Chapitre 4

62
chef/déléguée de classe est la plus redoutée, en raison des représailles des garçons. Les groupes
«garçons» de Toliara II et de Mampikony soutiennent quant à eux que les filles n'ont pas l'étoffe
pour exercer un quelconque pouvoir ou contrôle en raison de leur manque de sérieux (bavardes,
partialité envers les garçons) et parce que ce sont des filles (que l'on ne craint donc pas car elles
sont de petite taille et ont une voix qui ne porte pas). Les valeurs culturelles sur les rapports de
genre prévalant dans ces trois localités sont la toile de fond sur laquelle se dessinent ces opinions
stéréotypées. C'est dire le degré d'intériorisation des visions stéréotypées des rôles de genres par
les élèves et l'importance de l'école pour introduire un changement, qui dépendra notamment de
l'attention que les enseignant(e)s accorderont au développement des capacités des filles à dépasser
leurs préjugés et appréhensions en matière de leadership.
Enfin, d'autres éléments jugés non appropriés mais uniquement signalés à Fandriana sont : (i)
l'éloignement de l'école, avis partagé par les parents qui y voient un risque pour leurs filles ;
l'éloignement par rapport à l'école constituerait d'ailleurs un des facteurs explicatifs des disparités
de genres, au détriment des filles dans certaines localités, notamment en termes d'inscription à
l'école ; (ii) aux activités parascolaires non hygiéniques : « Ce que je n'aime pas, c'est de chercher les
fumures parce que les garçons pissent dessus alors que tu dois les prendre dans tes mains pour les mettre dans les
trous. » [GDD Filles, Fandriana]
Une majorité dans les groupes « garçons » de Fandriana et d'Antananarivo dénoncent un
environnement perturbateur du fait des trublions en classe et des pairs qui les encouragent à se
détourner de leurs études et les entraînent vers la délinquance Les autres éléments cités dans les
différents sites mais de façon isolée, sont : (i) l'obligation faite aux parents de participer
financièrement aux salaires des enseignants amenant les élèves à Pour les garçons
manquer l'école en cas de défaillance (Vangaindrano) ; (ii) la « Ils volent de l’argent quelque part et après ils
pédagogie de groupe engendrant des situations conflictuelles partagent aux autres garçons. Après quand ils se font
entre élèves ; certains feraient simplement preuve d'attentisme et attraper par leurs parents, ils nous accusent d’avoir
profiteraient indûment des bons résultats obtenus par l'entité sans aussi pris l’argent. Alors, on nous considère comme des
voleurs alors que nous ne savons même pas que c’était
avoir fourni le moindre effort (Antananarivo) ; (iii) l'inégale de l’argent volé. » [GDD Garçons, Fandriana]
participation aux tâches à l'école (Fandriana) ; (iv) la moindre « On m’a renvoyé temporairement de l’école car mes
importance accordée au sport, par les enseignant(e)s, matière où parents n’ont pas pu payer l’argent pour les salaires des
les répondants excelleraient, considéré alors comme une suppléants, du gardien et pour acheter du balai … »
[GDD Garçons, Vangaindrano]
indifférence à leur égard (Mampikony).
6.2.3. Eléments perçus appropriés à leur apprentissage et à l'égalité entre les sexes
Globalement, les éléments jugés appropriés à leur apprentissage
et à l'égalité entre les sexes sont l'opposé des aspects inadéquats. Les types de récompenses
« Par exemple lors du ‘CEPE blanc’ (sic), nous avons
Equité et reconnaissance des efforts fournis vaincu les élèves de Alasora et notre enseignante était
contente. Elle nous a dit : c’est 5/5 les enfants. »
L'équité et la reconnaissance des efforts fournis et de la [GDD Filles, Fandriana]
compétence de chacun(e) sont les deux premiers éléments «Seul le ‘ lauréat’ au CEPE gagne 15 000 Ariary.
ressentis, de façon égale, par tous les groupes de tous les sites, Mais en classe, si tu es premier, tu es ‘primé’
comme les plus appropriés pour leur apprentissage. L'équité est (sic),’madame’ te donne un cahier ou un stylo ! » [GDD
Garçons, Fandriana]
associée à un système égalitaire pour le contrôle de connaissances.
La désignation des élèves à tour de rôle est la méthode la plus
appréciée. Les avantages qui y sont associés sont : (i) le bénéfice
mutuel tiré par les élèves plus et moins doué(e)s ; (ii) la
participation des élèves sans discrimination sexuelle ni socio-
économique ; (iii) l'égale attention des enseignants à leur égard. La
répartition équitable des tâches à l'école représente également un Tsiory, 11 ans
facteur d'équité pour les groupes « filles ».

63
La reconnaissance des efforts fournis est associée aux récompense (bons points, primes,
compliments ou encore attitude bienveillante de l'enseignant, activités récréatives, etc.) Lorsque
la récompense est individuelle, elle motiverait les élèves. Elle inciterait les plus doué(e)s à
persévérer, car cela flatte leur amour propre et/ou les fait aspirer à continuer à être dans les
bonnes grâces des enseignant(e)s. Elle stimulerait également l'émulation parmi les moins
doué(e)s. A l'échelle de la classe et de l'école, elle favoriserait la cohésion de groupe, l'ensemble
des élèves tirant fierté de la compétence et des bons résultats obtenus face aux autres
établissements.
Qualité de l'enseignement Recherche d’un enseignement de qualité
La qualité de l'enseignement est le troisième facteur que les « Même si madame est malade et qu’elle n’arrive pas à
groupes de tous les sites associent à un apprentissage adapté à parler, elle enseigne encore. Elle écrit tout simplement ce
qu’elle veut dire au tableau. » [GDD Filles,
leurs besoins. Dans les groupes « filles » de Fandriana et « garçons Fandriana]
» de tous les sites sauf Vangaindrano et Toliara II, la qualité de « Monsieur explique bien car si on est très attentif aux
l'enseignement renverrait principalement à : (i) la conscience explications, on arrive à tout comprendre et on n’a plus
professionnelle de l'enseignant(e) ; (ii) l'interaction avec besoin d’étudier à la maison. » [GDD Garçons,
l'enseignant(e) et l'empathie que celui-ci/celle-ci manifesterait Mampikony]
pour tous les élèves, sans distinction ; (iii) l'utilisation de « Par exemple, avec les connaissances usuelles, s’il y a
méthodes cognitives « bienveillantes » qui les encourageraient à quelqu’un qui est malade, tu sauras reconnaître les
symptômes de la maladie et éventuellement indiquer des
développer leurs compétences. remèdes appropriés. » [GDD Garçons, Toamasina]
Le groupe « filles » de Fandriana se distingue des autres en «Les garçons aiment plus particulièrement les devoirs
apportant davantage de précisions. Elles apprécient : (i) les courts et faciles à faire puisqu’ils sont pressés de jouer.
Par exemple, si ‘madame’ donne un exercice qu’on a
devoirs plus longs pour bien apprendre et éventuellement pour déjà fait auparavant, elle nous défend de regarder le
éclaircir les points obscurs ; (ii) la participation active aux cours, cahier mais les garçons n’en font qu’à leur propre tête,
en privilégiant la pédagogie de groupe, jugée plus efficace. Les ils regardent quand même et finissent bien avant les
groupes « garçons » aiment plus particulièrement : (i) l'utilité autres. » [GDD Filles, Fandriana]
pratique des contenus et l'enseignement utilisant des exemples en
rapport avec la réalité de la vie quotidienne ; (ii) les activités récréatives (jeux, animations, sorties
récréatives). Les groupes « filles » pensent quant à eux que l'intérêt des garçons pour les jeux et
autres activités ludiques leur fait préférer des devoirs plus courts et les détourne des études.
Dotations matérielles à l'école
La dotation en uniforme et fournitures scolaires constitue un élément très apprécié par les
groupes « filles » et « garçons » de Vangaindrano mais seuls les groupes « filles » de Toliara II et
les groupes « garçons » de Fandriana et Toamasina sont particulièrement sensibles à cet aspect.
Cette dotation vestimentaire par l'Etat revêt en effet une grande importance dans les districts où
les difficultés économiques sont plus manifestes, telles que Vangaindrano ou Toliara II, surtout
pour les filles. Dans d'autres districts, comme Toamasina, il semble que les groupes « filles »
préfèrent à l'uniforme des tenues de leur choix, plus « coquettes » : « Il y a des filles de notre classe qui
sont tout le temps grondées par 'madame' (sic) car elles arrivent toujours avec leur 'je m'en fous' ou leur 'short' (sic)
... Il faut vraiment les forcer pour qu'elles mettent leur tablier » [GDD Filles, Toamasina]. Le port de
l'uniforme, même fourni par l'Etat peut sembler un luxe dans le contexte malgache. Mais il
représente également un moyen de niveler le statut socio-économique des élèves dans la classe.
Appréciations selon le sexe
Les autres points de vue exprimés tendent à refléter des Sérénité pour les filles
« Moi, j’aime bien une classe où les élèves
perceptions différenciées, sinon opposées, selon le sexe. Ainsi, les s’entraident entre eux et ont des relations amicales. Il
groupes « filles » et « garçons » conçoivent différemment leur faudrait également que l’enseignant ne soit pas trop
environnement scolaire idéal. Si dans les groupes « filles », la sévère. » [GDD Filles, Toamasina]
tendance majoritaire renvoie à un milieu serein, exempt de « Les filles aiment bien étudier si personne ne les
violences avec notamment des enseignant(e)s bienveillant(e)s, bat, ni les embête. » [GDD Garçons, Fandriana]

64
souples et « doux/ces », la majorité des groupes « garçons »
recherche une certaine rudesse de la part de ceux-ci/celles-ci, Rigidité nécessaire pour les garçons
cette rudesse n'étant cependant pas confondue avec la violence. « J’aime bien les enseignants assez strictes puisque
avec eux, on arrive à avoir de bons résultats. Mais
Questionné(e)s sur ce qu'ils/elles estiment appropriés à l'autre avec ceux qui sont trop compréhensifs, les élèves
sexe, leurs points de vue respectifs confirment cette deviennent incontrôlables. » [GDD Garçons,
différenciation sexuée. Toamasina]
« Les garçons sont trop brutaux et blessent les
C'est uniquement à Fandriana que la concurrence entre les pairs autres alors, madame est plus stricte envers eux. »
est particulièrement appréciée par les groupes « filles » et les [GDD Filles, Antananarivo]
groupes «garçons ». Ils soutiennent qu'elle produit une émulation
qui les rend plus productifs. De telles concurrences doivent être Concurrence entre pairs, jugée bénéfique
encouragées pour développer des relations fraternelles entre pairs « J’aime bien être la première en classe et être
mais également pour améliorer les résultats de la classe. applaudie par les autres élèves donc je fais tout pour
ne plus régresser.» [GDD Filles, Fandriana]
Sinon, ce sont uniquement les groupes « garçons », sauf celui de « Les autres arrivent à être premiers en classe donc je
Toliara II, qui déclare aimer la concurrence et le fait de se fais beaucoup d’efforts pour être comme eux. »
distinguer dans leur classe. Ceci expliquerait leur volonté : (i) [GDD Garçons, Fandriana]
d'être chefs de classe, d'autant plus qu'ils pensent que les garçons
sont mieux respectés que les filles par les élèves ; (ii) de pouvoir
Tendance à se démarquer
répondre aux questions difficiles pour les autres ; (iii) de participer
« J’aime bien être chef de classe pour surveiller les
le plus en classe ; (iv) d'obtenir les meilleurs résultats en classe. A bavards car les garçons sont beaucoup plus
Fandriana, la moquerie de pairs constituerait même parfois, un respectés. Les autres n’ont pas peur des filles. »
élément d'encouragement, contrairement aux filles que cela GDD Garçons, Mampikony]
démotiverait: « Si tu es dernier en classe, les autres te huent pendant la
récréation ou lorsqu'ils te rencontrent dans la rue : ‘ C'est celui qui a eu zéro !' Tu en as assez donc tu fais
beaucoup d'effort pour ne plus être dernier. » [GDD Garçons, Fandriana].
Les groupes « garçons » pensent que les filles doivent être assistées dans les activités requérant
force physique et taille, par exemple, essuyer le tableau (parfois trop haut pour elles). Ils pensent
que les enseignant(e)s sont souvent obligés de les traiter différemment en raison de cette «
vulnérabilité » physique. De même, certaines participantes des groupes « filles » d'Antananarivo,
Toamasina et Fandriana reconnaissent l'existence d'un favoritisme des enseignant(e)s à leur égard,
vu leur bonne conduite par rapport à celle des garçons : ils seraient plus tolérant(e)s pour de
petites maladresses en classe, retards et/ou absences.
En conclusion, l'ensemble des éléments jugés appropriés par les élèves à leur apprentissage offre
un « menu » dans lequel puiser pour répondre aux besoins spécifiques des filles et des garçons et
disposer d'un enseignement de qualité. En même temps, les comportements des filles et des
garçons reflètent des normes sur ce qui est considéré comme appropriées pour chaque sexe.
Ainsi, tandis que les garçons qui s'estiment faits pour « diriger et contrôler » se portent plus
facilement volontaires pour être chef de classe, la plupart des filles et adolescentes appréhendent
de tenir ce rôle fait de responsabilités qu'elles ne s'estiment pas en mesure de porter. En effet, ces
perceptions qui reflètent celles des adultes, décrites dans les chapitres précédents, représentent
une intériorisation des stéréotypes de genre par les élèves, qui se retrouve également chez les
enseignants. Le défi consiste donc à faire de l'école un outil permettant d'impulser des
changements dans ces stéréotypes de genre véhiculés par la famille et la communauté et non, les
renforcer.
6.2.4. Les préférences particulières des élèves
Les discussions avec les élèves et adolescents sur leurs préférences en classe ont porté sur trois
points : (i) la composition des classes ; (ii) le sexe de l'enseignant ; (iii) les matières enseignées.

65
Composition des classes
Dans tous les groupes, les préférences relatives à la composition des
classes, mixte ou unisexe, sont fondée sur une même exigence : un Classe unisexe pour les filles
environnement harmonieux soit, calme, sans frustration, où règnent « Je préfère être avec des filles uniquement car
quand tu te trouves au milieu des garçons, tu te
l'entraide et la solidarité des pairs. La préférence des groupes « filles » fais gronder également par la maîtresse alors que
pour la composition des classes est plus tranchée que dans les c’est eux qui bavardent. » [GDD Filles,
groupes « garçons ». Fandriana]
« J’aimerais bien être dans une classe de filles.
La majorité des participantes des groupes « filles » pensent que la Les garçons ont d’autres idées dans la tête…Ils
classe unisexe est plus favorable à leur apprentissage. Le « groupe » pensent toujours à se bagarrer. » [GDD Filles,
Vangaindrano]
garçons d'Antananarivo pense aussi que les classes unisexes sont plus
appropriées pour les filles, vu l'incompatibilité d'humeur qui règne
entre les filles et les garçons. Selon les filles, les principaux avantages
qu'elles tireraient d'une classe unisexe sont une ambiance de respect
mutuel et la solidarité qui existe entre les filles. Les classes mixtes les
soumettraient à des rapports de domination.
Outre les faits de violence déjà évoqués, elles mentionnent différentes
situations qui les mettent dans une position de faiblesse telles : (i) leur
incapacité à réagir face aux garçons qui, dans l'accomplissement des Kanto, 9 ans
tâches à l'école, se déchargeraient sur elles de leur part ; (ii) le fait
qu'elles soient souvent placées entre deux garçons en classe, ce qui Ceux qui optent pour une classe
leur ferait davantage encore ressentir la pression de la domination unisexe
« Je n’aime pas être dans la même classe que les
exercée par ces derniers. Ceci constitue un exemple du manque
filles car si elles te prennent ton stylo, tu n’oses pas
d'attention/sensibilité des enseignant(e)s quant aux relations de leur faire mal. Quand tu leur empreintes leur
genres et aux besoins spécifiques des filles et des garçons. En effet, stylo, elles ne te le donnent pas alors que si c’est
ce type de mesure est souvent de nature punitive, les filles jouant le elles, tu es obligé de le leur donner. » [GDD
rôle de «tampon » pour « neutraliser » les garçons «turbulents». Loin Garçons, Toliara II]
de susciter des relations de fraternité et de respect mutuel, ce type de Ceux qui optent pour une classe mixte
« Il n’y aura rien de bon dans une classe de
mesure renforce les relations de rivalité entre filles et garçons. garçons car ils ne penseront qu’à se bagarrer.
Les groupes « filles » qui font exception sont ceux de Toliara II et de Alors que les filles, elles ne sont pas brutales et en
Mampikony, qui déclarent préférer la mixité de la classe mais plus, elles t’aident à faire tes devoirs. » [GDD
Garçons, Mampikony]
surtout, en raison d'avantages dont l'enseignant(e) et les garçons
bénéficieraient. La brutalité et la turbulence des garçons seraient en effet temporisées dans une
classe mixte, ce qui profiterait également à l'enseignant(e). Le seul avantage qu'elles tireraient de
cette situation serait la complémentarité dans le partage et l'exécution des tâches confiées aux
élèves, en raison de la différence de taille et de force.
Dans la plupart des sites, les avis des participants des groupes « garçons » sur la question sont
partagés, même au sein de chaque groupe. Les tendances « pro » et « anti mixité » qui se dégagent
sont pour ainsi dire équilibrées. C'est à Toliara II que la préférence pour la classe unisexe est
majoritaire. Le choix des « anti mixité » est principalement motivé par les rapports conflictuels
entre filles et garçons qui prévaudraient dans les écoles. Mention est aussi faite du faible niveau
des filles, selon les garçons, qui ne permettrait pas l'enrichissement mutuel des deux sexes en
matière de connaissances et de la frustration ressentie par les garçons à devoir se contrôler pour
ne pas « brutaliser » les filles, les enseignant(e)s de ce site favorisant la fraternité entre les élèves.
C'est dans le groupe de Mampikony que la préférence pour la mixité est la plus marquée. Les
arguments avancés, tous partagés par les « pro mixité », renvoient à la complémentarité entre filles
et garçons dans les travaux de groupes. Contrairement à leurs pairs du site de Toliara II, les
garçons tireraient avantage des connaissances des filles. Les autres arguments rejoignent ceux des
groupes « filles » partisans de la mixité : la présence du sexe opposé permet de tempérer la

66
manifestation négative de la complicité entre élèves de même sexe (bavardage, chamailleries,
turbulence etc.).
En définitive, ce sont les garçons qui sont les plus en faveur de la mixité des classes et semblent
en tirer le plus d'avantages. Les filles s'en accommodent plus qu’elles ne l'approuvent. Dans les
conditions actuelles, la mixité à l'école est loin d'avoir réussi à « humaniser et pacifier les relations
entre les sexes » comme l'ont pensé les partisans de la coéducation (Anne Dafflon Novelle,
2006). Pour y parvenir, la lutte contre la violence à l'école doit être placée sur l'agenda des
responsables du système éducatif comme une priorité.
Institutrice ou instituteur ? Préférence d’une institutrice par les filles et
les garçons
La majorité écrasante des participantes des groupes « filles » « Je préfère une maîtresse car elle n’est pas méchante, un
et une bonne partie des participants des groupes « garçons » maître te tire les oreilles. La maîtresse se contente de te
rappeler à l’ordre. » [GDD Filles, Toliara II]
préfèrent les institutrices au lieu des instituteurs. Celles-ci
“‘Madame est très souple alors que Monsieur, il nous
auraient des attitudes beaucoup plus bienveillantes, gronde tout le temps. Alors, tu as tellement peur de lui que
impartiales et non violentes alors que les instituteurs qui tu n’as plus rien dans la tête. “[GDD Garçons,
seraient rudes et n'hésiteraient pas à recourir à la violence Fandriana]
(coups de poing, gifles, ...) durant les cours. A ceci s'ajoutent
les méthodes pédagogiques de l'institutrice que les groupes «
filles » de Fandriana et de Toamasina jugent efficaces,
facilitant la compréhension, et stimulantes car cherchant à
maintenir l'attention des élèves. De plus, le groupe « filles » de
Toamasina évoque la capacité de l'institutrice à répondre à Andrivola, 8 ans
leurs besoins, telle la manière dont elle aborderait des thèmes
« gênants » comme la santé de la reproduction, ou encore
l'appui qu'elle leur fournirait pour faire face aux violences des Choix pour un enseignant
garçons. « Madame est trop compréhensive, elle nous cajole tout le
temps alors nous ne faisons plus d’effort. » [GDD
Les éléments jugés appropriés à leur apprentissage à l'école et Garçons, Fandriana]
à l'égalité entre les sexes sont alors repris presque dans leur «Je préfère un instituteur car quand tu fais des bêtises, il
est très stricte, il te frappe dessus. Comme ca, tu fais des
intégralité, et la protection contre la violence apparaît comme efforts. » [GDD Filles, Vangaindrano]
un élément des plus importants. L'assimilation de ces Neutralité
éléments au sexe de l'enseignant(e) renvoie souvent à des «J’aime bien avoir un enseignant qui n’est pas tout le
réalités vécues mais parfois encore à des stéréotypes de genre. temps en retard ou absent et qui explique bien les leçons. »
En effet, dans certains sites, les élèves n'auraient pas eu [GDD Garçons, Mampikony]
l'expérience d'un enseignant.
Les avis des minorités restantes sont partagés entre la préférence pour un instituteur et
l'indifférence quant au sexe de l'enseignant. Dans le premier cas, le choix est dicté par un besoin
d'autorité ou de pression à exercer sur certains élèves pour les faire réussir dans les études,
amenant parfois à légitimer le recours à la violence. Ce sont les garçons de Toliara II et une
minorité de filles de Vangaindrano et de Fandriana qui sont de cet avis. Des participants du
groupe « garçons » de Fandriana évoquent également une meilleure adéquation de la méthode
d'enseignement par l'instituteur à leur rythme (explication à rythme modéré des leçons, temps de
copie adapté, …). Dans le choix neutre par rapport au sexe de l'enseignant(e), option soutenue
par des participants de Toamasina et Mampikony ainsi qu'une minorité des filles de Fandriana, les
éléments recherchés dans un enseignement de qualité sont également repris. Ainsi, l'enseignant(e)
idéal(e) doit être équitable, assidu (selon les garçons), non acariâtre et dévoué(e) (selon les filles).
Mais ici, aucun préjugé selon le sexe n'est associé aux qualités de l'enseignant.
En définitive, les élèves font un portrait caricaturé d'une institutrice et d'un instituteur. La
première revêt les caractéristiques d'une mère bienveillante, protectrice, communicative et
compréhensive. Le second incarne l'image d'un père autoritaire, sévère, voire violent mais
méthodique. Deux facteurs peuvent expliquer cette situation : (i) l'influence des stéréotypes qui

67
ont cours au sein de la société qu'ils intériorisent et transposent sur les enseignant(e)s ; (ii) les
pratiques qui tendent généralement à affecter les institutrices dans les « petites classes » (CP et CE)
et les enseignants dans les « grandes classes » (CM).
Dans l'optique du corps enseignant approché, les « petites classes » nécessiteraient une affection
maternelle, l'institutrice étant alors appelée à « materner » les élèves ; par contre, les « grandes
classes » requerraient discipline et autorité, l'instituteur étant dans ce cas indiqué. Dans ces
conditions, l'école contribue à produire elle-même ces images stéréotypées de l'enseignant(e). Or,
le rôle de l'enseignant(e) dans la promotion, le redoublement et l'abandon scolaire est tout aussi
déterminant que celui des élèves. Ceci ouvre alors le débat sur la pertinence ou non de maintenir
une telle pratique (considération du sexe de l'enseignant(e) dans leur affectation.
Matières d'enseignement
Dans la plupart des districts, les groupes des deux sexes ont,
par ordre d'importance, comme matières préférées : l'histoire, Utilité pratique des matières
« Par exemple, pour le français, on ne le maîtrise pas
les connaissances usuelles et la science de la vie et de la terre mais quand il y a des étrangers, on arrive à comprendre ce
(SVT). S'agissant des connaissances usuelles, les filles renvoient qu’ils disent. [GDD Adolescentes non scolarisées,
à l'intérêt que revêt pour elles la connaissance de la vie en Antananarivo]
général ; les garçons et « adolescents » renvoient à leur utilité « Dans mon cas, le calcul m’aide beaucoup dans mon
travail actuel car je dois rendre la monnaie. » [GDD
pratique, telle la possibilité de reconnaître les symptômes d'une Adolescents non scolarisés, Toamasina]
maladie et indiquer des remèdes appropriés. Peu de Herimitia, 7 ans
participantes des groupes « filles » se sont prononcées sur les « Avec les sciences, on
mathématiques, sauf à Mampikony où elles se sont sait ce que c’est les règles,
catégoriquement déclarées contre et à Toliara II où, au on apprend à compter les
contraire, elles disent les aimer et les maîtriser. Bien que de jours… » [GDD
Adolescentes non
façon marginale, le recours à des activités ludiques est évoqué scolarisées,
dans les groupes « filles » comme pratique pédagogique les Vangaindrano]
ayant aidées à assimiler les matières littéraires qu'elles déclarent
aimer. A l'inverse, les groupes «garçons» ont unanimement
déclaré aimer les mathématiques et, sauf à Mampikony et Vangaindrano, y ont ajouté la
géographie.
Il est difficile de se prononcer sur la pertinence de l'enseignement par rapport aux besoins des
groupes « adolescentes » et « adolescents ». En effet, peut-être pour rester polis, personne ne s'est
montré critique sur le contenu de l'enseignement dispensé. Il est cependant apparu que la
majorité des groupes « adolescent(e)s » apprécient les mathématiques, qui leur permettent de ne
pas se faire léser dans les transactions commerciales. De la même façon, les groupes
« adolescentes » estiment important le contenu des cours de sciences naturelles portant sur la
reproduction humaine, qui leur permet d'éviter les grossesses non désirées. C'est donc, le
caractère utilitaire des matières enseignées qui semble être, pour les adolescents, le critère qui leur
permet d'apprécier la pertinence de l'enseignement qu'ils reçoivent.
Sur la base de ces résultats, il est difficile d'avancer que les filles sont moins attirées par les autres
matières, dont les mathématiques. Cependant, le fait que certaines matières de base en classe
comme le calcul ne sont pas citées par les filles lorsque l'on aborde leurs matières préférées en
classe pose des questions. En confrontant ces résultats aux attentes des enseignant(e)s qui
soulignent l'idée selon laquelle « la plus grande intelligence que l'ont reconnaît aux filles se
limiterait en fait aux matières littéraires et que les garçons ne sont plus doués que les filles que
pour les matières scientifiques »46, il peut être déduit que filles et garçons y ont été poussé(e)s.
Les mêmes tendances sont retrouvées dans une étude similaire menée à Antananarivo, où les
choix des filles et des garçons respectivement pour les matières littéraires et scientifiques sont

46 Cf.Chapitre 4, section, 4.2.1

68
clairement apparus comme déterminés par les attitudes des enseignants. Pourtant, les différences
dans leurs performances dans les deux matières étaient quasi-inexistantes (Ravaozanany, 2007).
L'intériorisation des perceptions stéréotypées des enseignant(e)s par les filles se révèle ici,
appelant à revoir la manière dont les matières doivent être traitées par les enseignant(e)s pour
enlever toute connotation sexuée.
6.3. Appréciations des pratiques au sein de la communauté
Les participants des groupes « filles » et « garçons » sont tous conscients des efforts consentis par
leurs parents pour leur faire faire de bonnes études. Dans le contexte de pauvreté des districts
sélectionnés, les efforts fournis par les parents pour assurer de « bonnes » conditions
d'apprentissage aux enfants s'apparentent en fait à de véritables sacrifices. Les participant(e)s aux
GDD identifient cependant des facteurs qui contribueraient à leurs faibles performances, voire à
l'abandon scolaire.
6.3.1. A propos de l'engagement des parents
De manière générale, l' « engagement » des parents dans la scolarisation des enfants se traduirait
par plus de travail et moins de dépenses courantes afin de pouvoir les envoyer à l'école. Partout,
sauf à Toamasina et à Fandriana, les groupes rapportent les « acrobaties » faites par les parents
pour leur assurer une alimentation « régulière » minimum et les doter de matériels et fournitures
scolaires basiques. Ce dévouement des parents représente un des principaux facteurs de
motivation ou de démoralisation pour les enfants, notamment pour les filles (cf. Sous section
6.1.2.1. Supra). Ceci dit, les groupes « filles » et « garçons » tiennent deux discours distincts, sinon
opposés.
A Antananarivo, Fandriana et Vangaindrano, les groupes « garçons » décrivent les mesures prises
par les parents pour éviter de les perturber dans leurs études et maximiser leurs conditions
d'apprentissage : maison propre et bien rangée, horaire de délassement et de révision programmé,
temps de sommeil bien défini, alimentation soignée. Les répondants seraient également peu
impliqués dans les tâches domestiques. Le cas échéant, ils feraient leur part de travail avant l'heure
des devoirs de maison. Le partage équitable des tâches entre les membres de la fratrie n'a été
mentionné qu'à Fandriana où il s'agirait néanmoins d'une pratique peu courante, même chez les
garçons.
Les groupes « garçons » de Toamasina et Toliara II parlent surtout de la surcharge de travail des
filles à la maison. Dans des cas extrêmes relevés à Fandriana, les parents obligeraient les filles à
s'absenter de l'école afin de les aider. Les groupes « garçons » de ces trois derniers sites sont restés
silencieux quant à leurs propres responsabilités au sein de la famille et, bien qu'ils ne se soient pas
prononcés sur la pertinence de cette division sexuelle du travail à la maison, ils reconnaissent que
les filles sont pénalisées. Ils attribuent d'ailleurs les mauvaises performances des filles à l'école à
ces pratiques. La majorité des participantes des groupes « filles » identifient la pauvreté comme
étant l'obstacle majeur à leur apprentissage. Cette pauvreté des Etudes et autres activités connexes
parents les amènerait à devoir s'occuper d'abord de la survie de la «Les filles font encore du commerce après les cours.
famille et à négliger les études de leurs enfants. Elle mettrait souvent Elles vendent des cacahuètes, du manioc, ou de la
les parents dans des situations d'incapacité à leur assurer une canne à sucre. Alors, elles ne s’intéressent plus à
alimentation régulière et à subvenir aux dépenses relatives à la rien en classe, elles ne pensent qu’à leur
scolarité. Les répondantes seraient fortement sollicitées par les commerce ! » [GDD Garçons, Toliara II]
parents pour les aider à résoudre ces problèmes.
La majorité des participantes des groupes « filles » de Toliara II, Toamasina et Mampikony
rapportent devoir assumer les tâches ménagères, garder la fratrie et assister les parents dans leurs
activités, ce dernier cas étant le plus courant. Elles déplorent le peu de temps à consacrer à leurs
études hors de l'école, temps qu'elles devraient « voler ». Leurs pairs des autres sites restent
discrets sur ce point. Les mères monoparentales feraient presque exclusivement endosser ces

69
responsabilités aux filles. En outre, les cadettes subiraient la «
dictature » des aîné(e)s qui n'hésiteraient pas à les déranger pendant Situations critiques
leur temps d'étude : musique forte, courses à faire, interruption de “Par exemple mon cahier de classe est épuisé, je
dis à ma mère de m’en acheter un nouveau et elle
leurs devoirs parce que l'éclairage les dérange. Enfin, les filles, me répond : ‘Est-ce que tu crois que je l’ai
particulièrement à Toamasina, ont également indiqué les oublié ? Et ben non, mais tu sais bien qu’on a
problèmes conjugaux de leurs parents comme un élément des problèmes d’argent.’ Je lui dis alors que je ne
inapproprié pour leurs études. Leur empathie envers leur mère les vais pas retourner en classe jusqu’à ce qu’elle m’en
empêcherait de se concentrer sur leurs études en période de crise. achète. » [GDD Filles, Toamasina]
« Tu n’as pas le temps de te concentrer car ils
En résumé, d'après les enfants, l'engagement des parents dans la t’envoient faire des courses ou bien ils te tentent
scolarisation des enfants serait réel. Les parents auraient bien avec du ‘mokary’ et 500 Fmg pour les
compris qu'il s'agit là d'une obligation vis-à-vis de leurs enfants accompagner au marché. » [GDD Filles, Toliara
mais le contexte de pauvreté ferait que cette volonté de scolariser II]
les enfants s'effriterait au cours du temps. Indiscutablement, les « Tu es en train d’apprendre tes leçons et ils te
disent de tout laisser car ils ont envie de dormir.
filles porteraient le poids des difficultés économiques vécues au Tu ne peux plus continuer, tu vas dormir aussi. »
sein de la famille contrairement aux garçons dont les tâches seraient [GDD Garçons, Fandriana]
allégées pour leur permettre de se consacrer à leurs études. Les « Quand mes parents se disputent, je me soucie
enfants le reconnaissent comme les parents qui n'auraient toujours de ma mère car je ne sais pas si mon père
cependant pas conscience du tort causé aux filles à travers l'impact va encore la battre ou s’ils vont se séparer. Et le
lendemain, je n’ai pas du tout envie d’aller en
de la déscolarisation sur leur avenir. Les enfants le reconnaissent
classe. » [GDD Filles, Toamasina]
comme les parents qui ne semblent pas toujours avoir conscience
du tort causé aux filles à travers l'impact de la déscolarisation sur
leur avenir. Dans ces conditions, qu'en est-il du suivi ?
6.3.2. A propos du suivi
Le suivi dont les élèves feraient l'objet se présente sous trois
principales formes soit, par ordre d'importance : (i) les pressions
des parents exercées sur eux/elles ; (ii) les encouragements
soutenus des élèves ; (iii) l'appui dans le suivi des devoirs et leçons à
la maison. Selon les enfants, les filles feraient l'objet de plus de ce « Elian, 7 ans
suivi » par la famille que les garçons. Les résultats de l'enquête ménage semblent aller dans ce sens
: dans 4 des 6 sites, les parents suivraient davantage les filles que les garçons, même si la
différence n'est pas très marquée. Dans ces 4 sites, la proportion des parents qui « suivent » les
études des filles varient entre 81,0% (Toliara II) à 100% (Toamasina) contre 74,2%
(Antananarivo) à 100% (Vangaindrano)47. C'est à Vangaindrano (93,8 % chez les filles contre 100
% chez les garçons) et surtout à Fandriana (35,8 % chez les filles contre 52,8 % chez les garçons),
que les garçons bénéficieraient d'un meilleur « suivi ».
En fait, ces disparités entre filles et garçons dans le suivi des études sont plus perçues que réelles,
les garçons bénéficiant, comme on l'a vu plus haut, de meilleures conditions d'apprentissage et
de suivi que les filles, qui, en raison du temps moindre qu'elles consacrent à leurs devoirs et des
conséquences possibles sur leurs résultats, sont davantage houspillées par leurs parents. De plus,
la nature de ce suivi varie selon les sexes, à nouveau semble-t-il, aux dépens des filles.
Pressions des parents sur les élèves
Les pressions sous forme de menace, violence et remontrance sont les plus souvent citées et, de
manière prépondérante, par les groupes « filles ». Fandriana semble en être le moins touché. C'est
surtout à Mampikony, Toliara II, Vangaindrano et dans une moindre mesure à Toamasina que
les groupes « filles » subiraient des pressions déplaisantes pour les inciter à étudier. Les
participantes évoquent les coups - également donnés aux garçons de Toliara II -, la privation de

47 Cf. Tableau A.2.2. Proportion des parents qui suivent l'étude de leurs enfants en annexe

70
repas et/ou de sommeil et dans des cas extrêmes, le renvoi du toit parental. Les parents
infligeraient ces traitements en cas de mauvais résultats, de négligence, de manque
d'empressement à étudier ou de redoublement. Ce sont les pères qui agiraient plus fréquemment
de la sorte envers les élèves concerné(e)s.
Les différentes formes de pression
Les « filles » parlent également de « pressions psychologiques » « Lorsque mon père me fait étudier, il met mon pieds dans
exercées par les parents, comme le chantage sentimental et la de l’eau froide pour que je ne m’endormes pas. » [GDD
Filles, Vangaindrano]
morale. Les parents feraient alors allusion aux risques de
« Dès que tu n’étudies pas tes leçons, ils te grondent
prostitution pour les filles (Mampikony, Toamasina) et de toujours. A la fin, j’en ai assez et je leur dis que je préfère
misère pour les garçons (Toliara II) en utilisant des mots qui, ne plus étudier pour ne pas essuyer leurs remontrances
selon les répondantes, offenseraient leur dignité. Se sentant quasi quotidiennes. » {GDD Filles, Toliara II]
«persécuté(e)s» par les pressions ainsi exercées ainsi sur « Ce qui nous pousse à étudier c’est quand notre mère
eux/elles, ils/elles en finiraient par considérer les études nous oblige à aller à l’école. Si nous n’y allons pas, elle
comme une corvée, voire un supplice. A aucun moment, nous bat. C’est ce qui nous motive à étudier ! » [GDD
Filles, Mampikony]
cependant, les filles n'ont évoqué les mises en garde des parents
« ‘Ne sortez pas le soir, étudiez vos leçons et écoutez bien
contre les risques de grossesses, bien qu'ils constituent une tout ce que dit votre maîtresse !’ C’est ce que notre père
constante dans le discours des parents. Il semble que pour elles, nous dit tout le temps.» [GDD Filles, Mampikony]
la grossesse non désirée soit considérée comme d'autant plus « Ne suivez pas les exemples de vos aînés ! Faites
honteuse qu'elle serait associée à la conséquence visible de la beaucoup d’efforts pour aller plus loin qu’eux ! » [GDD
prostitution. Les garçons ont donc été moins éloquents sur ces Garçons, Toamasina]
questions. « Ce qui motive les garçons à étudier, c’est quand leur
mère leur dit d’aller à l’école pour ne pas être comme ces
Les dires des enfants sur les pressions exercées par les parents autres qui ne font que porter des sacs de riz sur le dos. »
concordent en partie avec ceux des parents qui fourniraient en [GDD Filles, Toliara II]
effet un encadrement différencié selon qu'il s'agit d'une fille ou « Est-ce que vous ne voulez pas arriver jusqu’à
d'un garçon. Ils semblent, de fait, davantage faire la morale à l’université ? C’est ce que nos parents nous disent
toujours. » [GDD Garçons, Antananarivo]
leurs filles et laisser les garçons plus libres dans leurs
« Etudiez bien vos leçons, ne bavardez pas en classe et
agissements, en utilisant des méthodes punitives, non écoutez bien les explications pour ne pas redoublez ! »
incitatives, qui risquent de produire des effets contraires à ceux [GDD Garçons, Mampikony]
escomptés. La fratrie prendrait la relève dans les cas où les
parents seraient absorbés par leur travail.
Enfin, il n'est pas surprenant que la violence à l'école soit un
sujet controversé pour les parents. Aux dires des enfants, ils en
feraient eux-mêmes usage, et certaines de leurs méthodes
décrites dans les GDD, friseraient la « torture». Le site de Matio, 9 ans
Fandriana et, dans une moindre mesure, celui d'Antananarivo,
se constitueraient en contre-exemples de telles pratiques. Les meilleures performances
enregistrées dans ces districts plaideraient-elles pour la pratique de la non violence au sein de la
famille ?
Encouragements soutenus des élèves
Les études, une affaire de famille
Les encouragements se présentent principalement sous deux « Si tu réussis aux examens, ils sont très contents
aspects. Par ordre d'importance, il s'agit : (i) des encouragements alors, ils t’achètent un cadeau : des vêtements ; ou
matériels pour susciter et/ou récompenser l'effort ; (ii) des bien ils te donnent de l’argent ou un gâteau et on
encouragements verbaux, sous forme de conseils et appuis fait une petite fête à la maison. » [GDD Filles,
psychologiques pour amener les élèves à persévérer dans les études Fandriana]
Les études, un moyen de pression
L'encouragement matériel semble être la pratique que les groupes « Vous savez les garçons, s’ils veulent avoir
des deux sexes apprécient le plus, particulièrement à Toliara II et à quelque chose et que leur mère ne le leur achète
Antananarivo et de façon moindre, par les groupes « filles » à pas ; alors là, ils boudent et ne veulent plus
étudier. Leur mère est ainsi obligée de leur acheter
Fandriana et par les groupes « garçons » à Mampikony. Il s'agit de ce qu’ils veulent. » [GDD Filles, Toliara II]
goûters ainsi que de récompenses sous forme d'argent et de petits « Je suis motivé à étudier lorsque mes parents me
cadeaux tels des effets vestimentaires, jouets et cas isolés à promettent de m’acheter un téléphone si j’ai de
bons résultats. » [GDD Garçons, Mampikony]

71
Mampikony et Toliara II, un téléphone portable. Vu le contexte de pauvreté ambiante, ces
récompenses montrent les efforts des parents pour motiver les enfants à étudier. Parfois
cependant, cette pratique se retournerait contre les parents : à Toliara II, les participantes
rapportent que les garçons en feraient un objet de chantage. Les groupes mentionnent aussi que
les parents s'efforcent de leur préparer leurs plats préférés le jour de leurs examens, ce qui les
encouragerait également (Antananarivo).
Une minorité dans les groupes « filles » de Toliara II et de Bienfaits des études
Vangaindrano et une majorité dans les groupes des deux sexes de « Mes parents me recommandent de bien
Fandriana ont évoqué les encouragements verbaux. Les répondantes étudier. Comme ça, quand je serai grande, je
parlent du discours incitatif des parents, axé sur les gains à long terme travaillerai comme employée de bureau,
des études, contrairement au discours « négatif » utilisé lors des institutrice ou médecin. » [GDD Filles,
Vangaindrano]
pressions exercées. Les parents feraient référence à des modèles « Nos parents nous disent de bien étudier
positifs, ce qui constituerait une forte motivation pour persévérer. pour ne pas se faire arnaquer par les autres
plus tard lorsqu'on fera du commerce. »
A Fandriana, filles et garçons ayant participé aux GDD mentionnent [GDD Garçons, Fandriana]
également le goût pour les études développé au sein de la famille.
L'obtention de bons résultats par les répondant(e)s serait ainsi source
de réjouissance pour toute la maisonnée. De toutes les formes
d'encouragements, c'est celle-ci qui constituerait celle que les groupes
concernés apprécient le plus. C'est dire que la motivation des enfants
pour les études peut être maintenue lorsqu'elles sont au centre des
préoccupations de la famille. Dans ce cas, les membres de la famille en
font un objectif familial, les élèves étant parfois appuyés par les parents Kacia, 9 ans
et/ou la fratrie dans leurs devoirs et leçons. Le plaisir de la joie
partagée lors des bons résultats amène les enfants à fournir des efforts
supplémentaires pour améliorer leurs performances à l'école.
Des pratiques appréciées
Appui pour les devoirs et leçons « Papa et maman nous ont appris à faire des
résumés et lorsque que nous avons du temps
L'appui dans les devoirs et leçons est la forme de suivi la moins libre, il nous suffit de lire les résumés pour
évoquée. Cependant, lorsque le cas se présente, filles et garçons connaître les leçons. » [GDD Filles,
semblent en bénéficier. En effet, les groupes « garçons » de Toliara II Fandriana]
et « filles » d'Antananarivo ont mentionné l'existence de ce suivi, ainsi
qu'une minorité dans les groupes filles de Fandriana et de
Vangaindrano. Les autres groupes ou participants indiquent que pris
par les activités de survie, les parents n'auraient ni le temps ni la
disponibilité d'esprit pour l'assurer. Tantely, 8 ans

Le plus souvent, les parents et/ou la fratrie prendraient l'initiative de cet appui. Il y a en effet des
cas où ce serait les enfants eux-mêmes qui le sollicitent. Il consiste à aider à comprendre et faire
les devoirs ainsi que répéter les leçons. Si le niveau d'instruction des parents et de la fratrie le
permet, il consisterait également en conseils pour améliorer les performances scolaires : comment
faire un résumé, rédiger des fiches techniques ou se référer à des devoirs corrigés pour s'en
inspirer. L'appui psychologique des parents consisterait à s'enquérir des matières enseignées dans
la journée et/ou de s'entretenir avec les enseignants des performances de leurs enfants. Cet appui
de type psychologique semble cependant marginal, car seule une minorité au sein du groupe «
garçons » du site de Toliara II en a fait mention.
Enfin, dans le site de Toamasina, les groupes signalent le rôle actif de la communauté (voisins,
connaissances) dans le suivi des écolier(e)s du quartier. Certains parents mettraient à la
disposition des enfants une pièce de la maison pour qu'ils puissent étudier ensemble. Les plus
grands aideraient alors les plus petits.

72
En conclusion, les pratiques négatives pour l'apprentissage des filles et des garçons et relatives à
l'égalité entre les sexes au niveau du suivi sont plus nombreuses que les pratiques positives. Le
suivi des études des élèves est en général faible mais, contrairement aux apparences, les filles sont
les plus défavorisées. Les actions affirmatives à leur égard représentent des cas exceptionnels
(Chapitre 5) et c'est souvent accidentellement que les filles bénéficient du soutien des parents
dans la scolarité, par exemple, quand les pratiques de suivi sont « neutres », égalitaires de fait. Ces
actions affirmatives favorisant les filles (Fandriana, Toamasina et à Antananarivo) ou « neutres »
peuvent servir de modèles pour rétablir l'équilibre dans le maintien à l'école des filles et des
garçons.

Ce chapitre propose une analyse en terme de genre des perceptions des élèves de leur vie scolaire.
 Les filles et les garçons sont d’accord sur le fait qu’il est important d’aller à l’école et de terminer
l’école primaire. Toutefois, ils ne voient pas toujours la nécessité d’aller au-delà de l’école primaire.
 Une thématique fréquemment évoquée par les élèves comme source de difficultés dans leur vie
scolaire est la violence : violence psychologique et physique. Les filles sont plus souvent victimes
que les garçons qui sont souvent auteurs de la violence. Les enseignants sont aussi désignés
comme violents envers les enfants des deux sexes.
 Les garçons se plaignent du fait que les enseignants leur portent plus d’attention qu’aux filles (ils
sont plus souvent réprimandés, plus souvent interrogés) tandis que ces dernières se plaignent de
l’inverse. Elles ont l’impression d’être sous-estimées.
 La majorité des filles pensent que des classes unisexes seraient plus favorables à leur apprentissage
scolaire, les garçons sont plus partagés sur le choix entre classe mixte ou classe unisexe.
Les élèves ont une image très sexuée des enseignants : les institutrices seraient plus compréhensives,
protectrices que les instituteurs jugés plus stricts et plus sévères. Les premières seraient donc
préférées par les élèves.

73
Chapitre 7 : Synthèse et discussions

Les principaux constats de l’étude sont présentés dans ce chapitre. La recherche différenciée des
mécanismes qui produisent de l’inéquité aux dépens des filles a été menée au niveau des CISCO
sélectionnées, par l’étude de données désagrégées et l’observation de variables sociales locales.
7.1. L’inégalité de genre à Madagascar
La situation scolaire respective des garçons et des filles diffère sensiblement selon qu’il s’agit du
cycle primaire ou du premier cycle secondaire. La situation globale est favorable aux filles dans le
cycle primaire, mais cet avantage s’inverse nettement au cours du premier cycle secondaire.
Dans le cycle primaire, l’accès est très équilibré entre filles et garçons avec un très léger
avantage aux jeunes filles (rapport F/G = 1,01); mais c’est en termes de rétention en cours de
cycle que l’avantage des filles est plus manifeste (taux de rétention respectif de 55,4 et de 51,3 %
pour les filles et les garçons, caractérisant un rapport F/G spécifique de 1,08). En dernière année
de cycle primaire, on trouve au niveau national environ 10 % de filles de plus que de garçons.
Dans le premier cycle secondaire, les choses changent et un désavantage significatif des jeunes
filles se fait jour. C’est d’abord au niveau de la transition entre le cycle primaire et premier cycle
secondaire que les chances des filles sont inférieures à celles des garçons. Les valeurs respectives
du taux de transition sont de 64,9 et de 70,4 %; un écart de près de 6 points, manifestant un
rapport G/F de 0,92. De par cet effet défavorable aux filles, leur avance relative de scolarisation
en fin de primaire se trouve pratiquement réduite à zéro, le taux d’accès des filles et des garçons
en première année secondaire étant très proche (respectivement 31,5 et 31,2 % de la classe d’âge).
Et c’est ensuite au plan de la rétention en cours de premier cycle secondaire que se manifeste, au
niveau national, un handicap significatif des jeunes filles. En effet, alors que 74,7 % des garçons
qui ont accès en première année du secondaire 1 atteignent la dernière classe du cycle, ce n’est le
cas que pour 65,7 % des filles; à cet écart de 9 points est associé un rapport F/G de 0,88.
Finalement, au niveau national, la proportion de la classe qui achève le premier cycle secondaire
est de 20,7 % pour les filles et de 23,3 % pour les garçons.
Par contre, lorsque les chiffres sont désagrégés au niveau des régions, des disparités apparaissent,
qui semblent liées à des spécificités économiques, géographiques et culturelles. Ainsi, dans
certaines régions, la pauvreté, l’enclavement et les us et coutumes pèsent-ils lourdement sur
l’éducation des enfants, le plus souvent, celle des filles.
La situation nationale est donc caractérisée globalement i) par des disparités filles/garçons
finalement assez faibles (par rapport à ce qui est observé en moyenne dans les pays d’Afrique
subsaharienne), mais ii) avec ce basculement relatif entre d’une part le cycle primaire (plutôt
favorable aux filles), et d’autre part le premier cycle secondaire (clairement favorable aux
garçons).

74
7.2. Situation en matière d’éducation dans les districts sélectionnés.
La situation de ces six CISCOs au regard des variables qui nous intéressent peut être résumée par
le tableau suivants, où sont reportés les écarts de genre (valeur de la variable pour les filles / pour
les garçons).

% REM Redoublement Activités Activités Soutien


Accès Rétention Achèvement Transition Accès Rétention Achèvement maîtres au primaire domestiques économiques parental
CISCO
primaire primaire primaire P-S1 Sec1 Sec1 Sec1 FRAM (G-F)
17 49 15 - 14 1,04 - 1,18
Antananarivo Renivohitra 0,994 1,019 1,013 0,920 0,932 0,905 0,843

0,585 30 34 30 – 28 2,00 0,26 0,67


Fandriana 0,930 1,371 1,275 0,746 0,806 0,601

0,709 66 29 31-31 2,49 0,71 0,93


Vangaindrano 0,906 0,869 0,787 0,925 0,728 0,516

8 53 18-16 1,57 - 1,03


Toamasina I 1,114 1,185 1,320 0,570 0,752 1,81 1,367

0,636 56 62 29-30 1,48 1,08 1,12


Mampikony 1,117 0,710 1,770 1,257 0,822 1,033
31 51 24-24 1,24 - 1,05
Toliara II 0,995 1,332 1,325 0,709 0,94 0,841 0,791

(tableau de synthèse à partir des données extraites de : Les disparités filles / garçons au sein du système éducatif malgache
,Alain Mingat et Francis Ndem, Septembre 2008,IREDU-CNRS et Université de Bourgogne;Pôle d’analyse
sectorielle de l’éducation de Dakar, Unesco-Breda )

En premier lieu, on peut constater que les CISCOs dans lesquelles les filles sont très pénalisées
sont aussi celles où les scolarités des garçons comme des filles sont les plus difficiles. A
Vangaindrano et à Mampikony, l’écart de genre est très important pour l’achèvement du cycle
primaire. Ces deux CISCOs présentent également des taux de redoublement et d’abandon bien
plus élevés que dans la moyenne de l’échantillon, ainsi qu’une proportion nettement plus fortes
de maîtres FRAM. La CISCO de Toliara II, dont les résultats en matière d’équité-genre sont
également médiocres, se caractérise également par des résultats d’ensemble décevants, par une
forte propension au redoublement, ainsi que par une proportion assez élevée de maîtres FRAM.
La pénalisation des filles pour leur scolarité ne serait donc pas un phénomène isolé d’un contexte
plus général. La difficulté du contexte des scolarisations (éloignement de l’école, sélectivité des
pratiques, occurrence des redoublements, prix à payer pour le financement communautaire des
maîtres FRAM) pèse en revanche plus sur les filles que sur les garçons.
La scolarisation des enfants est entrée dans la norme, ce qui rend compte de la progression
constante du nombre d'inscrits, filles et garçons, entre 2001 et 2005. Elle est conçue comme le
moyen pour que les enfants aient accès à une vie meilleure que celle des parents. Les enfants la
considèrent comme un droit qu'ils peuvent revendiquer auprès de leurs parents qui, de leur côté,
en perçoivent tout l'enjeu et transmettent à leurs enfants leurs attentes. Ce sont la distance et les
questions matérielles et financières qui font le plus souvent obstacle à la scolarisation, nécessitant
notamment le renforcement de l'accessibilité aux écoles ainsi que de l'aide apportée par le MEN
(dotation de kits scolaires, suppression des frais d'inscription etc.).
Les principaux indicateurs considérés montrent cependant qu'à l'exception d'Antananarivo et
Toamasina, les performances des districts restent faibles, puisque caractérisées par des taux élevés
de redoublement et d'abandon ainsi que de faibles taux de promotion et de survie en CM2.
La disparité de genre est particulièrement marquée dans les districts à faible performance,
marqués par de forts taux d’abandon et de redoublement pour les garçons et pour les filles, les
filles souffrant plus que les garçons de cette faiblesse générale de performance. Ces districts sont

75
également caractérisés par une proportion de maîtres FRAM supérieure à la moyenne nationale,
comme Vangaindrano et Mampikony.
Dans les autres districts, les disparités de genres sont légèrement au détriment de l’un ou l’autre
sexe. L'analyse de l'évolution de la cohorte des élèves inscrits en 2001-2002 sur cinq ans et dans
un parcours sans faute fait ressortir que plus de filles que de garçons arrivent en CM2, sauf à
Mampikony et Vangaindrano où ces derniers se démarquent légèrement. Par contre, la tendance
s'inverse au collège sauf à Antananarivo où les filles dépassent légèrement les garçons. Les
différences sont frappantes à Toliara II et à Vangaindrano, où l’effectif des filles ne constitue que
la moitié de celui des garçons.
L'étude a identifié différents facteurs rendant compte des situations sus décrites. Ils sont présents
dans tous les districts mais de façon plus ou moins prégnante selon le district. Ces facteurs
tiennent à la fois à l’offre et à la demande scolaires.
Les facteurs d’offre renvoient principalement à la densité du réseau d’école et au nombre
d’écoles incomplètes, ainsi qu’à la qualification des maîtres qui y exercent. Ils renvoient
également aux habitudes locales de gestion des carrières scolaires (redoublements), aux
relations maîtres élèves, aux relations entre les pairs et aux infrastructures.
Les facteurs liés à la demande renvoient aux conditions sociales, économiques et culturelles
rendant compte des attitudes et pratiques des parents, enseignants, autorités locales et qui vont à
l'encontre de la scolarisation des enfants, notamment des filles.
Les facteurs sociaux sont productifs d’un désavantage au détriment des filles surtout
dans les zones où l’offre scolaire est dispersée, incomplète et moins qualifiée. Ils se font
également moins sentir dans les zones urbaines, où la scolarisation des filles tend à s’imposer
dans les mentalités Ces facteurs seront discutés plus loin, afin d'identifier des stratégies ciblées
pouvant améliorer la situation de l'éducation dans le pays.
7.3. Les facteurs d’offre et l’inégalité de genre.
La proportion de maîtres FRAM dans la CISCO est la variable la plus liée à la pénalisation des
filles quant à l’achèvement du cycle primaire, comme il apparaît dans le tableau ci-dessous :

CISCO % maîtres FRAM Achèvement primaire, F/G


Antananarivo Renivohitra 17 1,13
Toamasina 8 1,17
Fandriana 30 1,14
Toliara 2 31 1,03
Mampikony 56 0,71
Vangaindrano 66 0,68

La corrélation entre la proportion de maîtres FRAM et la valeur relative du taux d’achèvement


féminin par rapport au taux d’achèvement masculin s’établit à – 0,954 : il s’agit d’une corrélation
très forte. L’explication la plus directe réside dans le coût à charge des familles, la dépense étant
plus difficilement consentie pour les filles.
En second lieu, les facteurs d’offre semblent peser lourd dans l’inéquité-genre.
Les CISCOs de l’échantillon qui enregistrent des taux d’achèvement globaux faibles sont celles
dans lesquelles la densité de population est faible.

76
Les variables « densité de population » et « achèvement primaire » sont fortement corrélées à
0,945.
La faiblesse globale de l’achèvement a par ailleurs, comme on l’a vu, une très forte incidence sur
la pénalisation relative des filles : ces dernières subissent plus que les garçons les difficultés de
l’offre et la faiblesse générale des résultats des écoles.

Densité de population Achèvement primaire


CISCO Achèvement primaire, F/G
( h/km2) F+G
Antananarivo Renivohitra 13636 89 1,13
Toamasina 7733 81,1 1,17
Fandriana 80 35,35 1,14
Toliara 2 23 20,55 1,03
Mampikony 19 19,95 0,71
Vangaindrano 51 13 0,68
La faible densité de population est associée à une offre scolaire présentant des caractéristiques
fortes et pénalisantes : caractère lacunaire du réseau d’écoles (et donc distance élevée entre la
résidence de l’enfant et l’école), forte proportion d’écoles à cycle incomplet. Ces facteurs d’offre
sont clairement reliés à notre problématique.
La faible densité du réseau d’écoles, la forte présence de maîtres FRAM et la pratique de taux de
redoublements élevés sont les trois facteurs relevant de la gestion scolaire qui ont une influence
statistique nette sur le désavantage subi par les filles.
Par ailleurs, l'étude du profil des écoles révèle des incohérences sur le plan de la planification des
réformes scolaires, par exemple, une insuffisance en termes de couverture des projets de
construction ou réhabilitation des infrastructures. Le nombre et la proximité des écoles
continuent à être insuffisants aux dépens des filles, rendant compte d'une part, de l'inadéquation
du nombre des élèves par rapport aux exigences pédagogiques et d'autre part, de l'entrée tardive
des élèves à l'école, le déséquilibre constaté au niveau des effectifs G/F et les abandons.
La réhabilitation, entretien ou usage des infrastructures et la dotation en équipement ne tiennent
pas davantage compte des besoins spécifiques des filles. On insistera particulièrement sur : (i) la
question des sanitaires et de l'eau courante, dont on sait pourtant qu'ils constituent un facteur de
motivation clé pour garder les filles à l'école ; (ii) l'emplacement du tableau noir placé trop haut
pour les petit(es) ou les dimensions réduites des bancs, non conformes à la taille des élèves
indisposent tout autant les garçons que les filles ; cependant, ceci affecte plus ces dernières.
Enfin, la prédominance de ces facteurs d’offre n’exclut pas un rôle effectif de facteurs de
demande dans les désavantages subis par les filles. En apparence, aucun des facteurs sociaux
chiffrés dans l’enquête (participation aux travaux domestiques ou économiques, soutien parental)
n’est dans une relation de corrélation significative avec le désavantage féminin. Dans la réalité, ces
facteurs interagissent avec les caractéristiques de l’offre scolaire, et c’est cette interaction qui
produit un résultat pénalisant.
7.4. Les facteurs exogènes au milieu scolaire.
Les facteurs (dé) favorables au maintien des filles en même temps que des garçons
Les obstacles à la première inscription des enfants à l'école, filles et garçons, sont essentiellement
d'ordre économique - le coût de la scolarisation est trop élevé pour les ressources de la famille. Si
cet obstacle a pu être surmonté à ce stade de la scolarisation, il refait bien souvent surface au
cours des études et s'ajoute alors à d'autres facteurs pour rendre compte des taux de
redoublement et d'abandon scolaire. En effet, la pauvreté des parents est telle dans ces districts
ruraux qu'elle les met souvent dans l'incapacité d'assurer aux enfants une alimentation régulière et

77
les dépenses relatives à leur scolarité. Celles-ci représentent un sacrifice de la part des parents
surtout les femmes chefs de ménage, qui réalisent de véritables tours de forces pour scolariser
leurs enfants. Ces problèmes sont particulièrement aigus dans les quatre districts caractérisés par
de faibles performances scolaires. Les familles y sont confrontées à des périodes de soudure de 4
à 5 mois, qui affectent grandement le budget familial. Dans ces conditions en effet, la volonté des
parents à scolariser les enfants tient difficilement plus de deux à quatre ans après leur entrée dans
le primaire.
Ainsi, les écarts constatés entre les ambitions des parents pour leurs enfants et ce qu'ils
s'attendent à voir se réaliser s'expliquent en premier lieu par le contexte de pauvreté. Les parents,
en particulier les femmes chefs de ménage, ayant déjà énormément de mal à permettre à leurs
enfants de poursuivre leurs études primaires peuvent difficilement imaginer de les faire passer
dans le secondaire, qu'il s'agisse des filles ou des garçons. Généralement, leur objectif est d'assurer
que leurs enfants puissent lire, écrire et compter « pour qu'ils ne se fassent pas arnaquer dans la
vie ».
Les enfants eux-mêmes sont conscients des efforts consentis par leurs parents pour leur assurer
une alimentation « régulière » minimum et les doter de matériels et fournitures scolaires de base.
Ce dévouement des parents représente un des principaux facteurs de motivation pour les enfants.
Ils considèrent en effet comme un devoir de rendre aux parents le sacrifice qu'ils font en les
envoyant à l'école en faisant de leur mieux pour avoir de bons résultats. D'autres pratiques au sein
de la communauté aident également les enfants à persévérer dans leurs études : l'encouragement
matériel et psychologique (récompenses) des parents, le partage équitable des tâches entre les
membres de la fratrie, l'intérêt pour les études au sein de toute la famille, l'appui dans les devoirs
et leçons parfois avec le concours de la communauté (voisins, connaissances).
C'est dire que la motivation des enfants pour les études peut être maintenue lorsqu'elles sont au
centre des préoccupations de la famille, voire de la communauté. Et bien que rares, le discours
incitatif des parents axé sur les gains à long terme des études ainsi que la référence à des modèles
positifs constituent pour les enfants une forte motivation pour persévérer.
La triste réalité qui affecte cependant la majorité des enfants est celle d'un suivi peu éclairé des
parents, si pressant qu'il en devient violent et décourage les enfants de poursuivre des
études qu'ils perçoivent alors comme une corvée ou un supplice. C'est aussi celle d'une absence
de suivi des parents, du fait de leur faible niveau d'instruction ou bien des contraintes socio-
économiques et culturelles prévalant dans les districts : obligation pour les enfants de devoir
travailler pour aider leurs parents ou consacrer tout ou une partie de leur temps d'étude à des
tâches domestiques, manque d'opportunités de travail offertes aux jeunes qui ont réussi à
poursuivre des études supérieures et qui rend également compte des réticences des parents à
investir davantage dans l'éducation de leurs enfants.
Les opportunités d'argent facile constituent également une tentation difficilement résistible pour
les filles et les garçons, particulièrement à Toliara II, en raison du «velon-tena»48, et à Mampikony,
parce que la demande en main d'œuvre pour l'agriculture (culture d'oignons et de riz) est élevée.
Dans les districts autres que les deux grandes villes (Antananarivo et Toamasina), le
problème de l'éloignement des écoles reste entier, freinant la scolarité d'un grand
nombre d'élèves. Il est clair que les CISCOs de l’échantillon présentant les plus mauvais
profils pour les filles sont ceux dans lesquels la population est peu dense et où les
distances à l’école restent un obstacle. A Mampikony, les problèmes de communication
pendant les saisons de pluie ne font que réduire les possibilités de fréquentation de l'école par les

48Le principe du « velon-tena », appliqué aux enfants des deux sexes à partir de la puberté, consiste à leur laisser le
soin se prendre en charge, même pour les fournitures scolaires.

78
élèves. A Toliara II, la mobilité des parents (migration) est aussi cause d'un grand nombre
d'abandons scolaires des filles et des garçons.
La plupart de ces facteurs sont déjà connus. Ce qui doit inquiéter, c'est leur persistance. Elles
doivent amener à redéfinir les priorités dans les actions déjà engagées sinon leurs modalités de
mise en œuvre, question cruciale dans un contexte de ressources humaines et financières limitées.
Les arbitrages faits au sein des familles pour assumer des coûts de scolarité élevés se font
régulièrement en défaveur des filles.
Les facteurs (dé) favorables spécifiques au maintien des filles et à celui des garçons
Les risques de prostitution ou d'une grossesse non désirée sont un facteur de motivation clé des
parents pour scolariser la fille, comme la délinquance, pour le garçon. Ces craintes des parents
sont malheureusement fondées, en raison du contexte de pauvreté et de la déscolarisation qui
s'ensuit..
Le mariage précoce des filles reste la norme en milieu rural49, norme qui limite la portée des
progrès enregistrés dans la promotion de leur éducation. Ce mariage, parfois voulu pour des
raisons économiques, est en effet d'abord et avant tout conçu comme réalisant la nature première
de la fille celle d'une maîtresse de maison qui dépendra de son mari appelé à travailler pour faire
vivre la maisonnée
De ce fait, et contrairement aux mères qui voient dans l'éducation des filles un moyen de leur
permettre de faire face aux problèmes conjugaux qu'elles pourraient rencontrer, les pères ne
voient pas ce qu'une éducation plus poussée pourrait leur apporter. On peut penser qu'ils
projettent sur elles des stéréotypes de genre dont ils ne font pas les frais et dont ils ne prévoient
pas les conséquences pour leurs propres filles.
Pourtant, les parents et autorités reconnaissent généralement à la fille des dispositions pour les
études que n'ont pas les garçons. Paradoxalement, ces dispositions sont le résultat des mêmes
traits de caractère (docilité, soumission à la discipline et à l'autorité, sérieux etc.) qui la
prédisposent à aider ses parents et être une bonne maîtresse de maison. De ce fait, et pour la
préparer à tenir ce rôle, on la charge de nombreuses tâches domestiques, contrairement aux
garçons dont les tâches seraient allégées pour leur permettre de se consacrer à leurs études. Les
filles sont conscientes que cette situation les pénalise par rapport aux garçons sur le plan du
temps dévolu aux études et ceux-ci imputent les cas de mauvaises performances des filles à ces
pratiques.
Si la famille prétend « mieux la suivre » dans ses études, c'est moins pour l'appuyer dans ses
devoirs que pour lui faire la morale sur les risques de grossesses (plaidoyer par la peur), avec des
méthodes punitives engendrant le plus souvent des effets contraires à ceux escomptés. Les
garçons sont quant à eux laissés libres de leurs agissements. De plus, contrairement aux filles,
les garçons bénéficient bien souvent de mesures spéciales prises par les parents pour leur
assurer de bonnes conditions d'apprentissage : environnement, alimentation, horaires et
programmation des activités à la maison.
Si les parents jugent le garçon moins doué que la fille pour les études, ils n'en estiment pas moins
que ce sont les mêmes caractéristiques faisant de lui un élève difficile qui lui permettront de
développer ses pleines potentialités et de réussir sa vie. Dès lors, et parce que plus difficile, le

49 Même les anciennes dispositions légales autorisaient le mariage des filles à 14 ans, dans des cas de force majeure,

avec une autorisation des parents; par contre, la Loi n° 2007-022 du 20 Août 2007 relative au mariage et aux régimes
matrimoniaux fixe à 18 ans l’âge minimum au mariage des filles et des garçons. Cependant, seuls 1/3 des mariages se
font civilement, les 2/3 étant des mariages traditionnels non soumis à cette loi.

79
garçon reçoit donc de ses parents un soutien plus grand (dont matériel) dans les études, amenant
parfois celui-ci à en faire un objet de chantage.
De plus, il ne risque pas d'être déscolarisé en raison d'une grossesse non désirée, ce qui, pour les
parents, représente un facteur additionnel de motivation pour lui faire poursuivre des études.
Paradoxalement, comme mentionné plus haut, l' « insensibilité » relative des parents aux risques
de « dérapage » des garçons (par rapport à leur « sensibilité » excessive à l'égard des filles) peut
jouer comme facteur d'abandon scolaire de ceux-ci et, par ricochet, des filles (qu'ils mettent
enceintes, par exemple). Les données indiquent d'ailleurs qu'à Madagascar, l'écart d'âge entre
époux est relativement faible, tout comme celui entre les niveaux scolaires des époux. Il est ainsi
permis d'avancer que le camarade de classe est sans doute impliqué dans les cas de grossesses non
désirées des filles, tant appréhendées par les parents.
Les études des garçons sont par ailleurs conçues comme nécessaires pour leur permettre de
subvenir aux besoins de leur foyer en tant que futurs chefs de famille. Le stéréotype faisant de
l'homme, chef de famille, le « pourvoyeur » de ressources pour le ménage par rapport à la femme
la « gestionnaire de la maison » rejaillit ici, et ce, en dépit du nombre de plus en plus élevés de
femmes qui, dans tous les milieux socio-économiques, participent autant que leur mari à faire
vivre la maisonnée.
En effet, la tradition en matière de rôles sociaux des hommes et des femmes qui est
particulièrement marquée dans ces districts se conjugue avec d'autres traditions, par exemple
l'héritage des biens familiaux en ligne agnatique, pour favoriser la scolarisation des garçons aux
dépens des filles. Les trois districts qui connaissent des disparités flagrantes en défaveur des filles
(Vangaindrano, Mampikony, Toliara II) sont spécialement concernés. Le poids des traditions et
particulièrement celles héritées d'une organisation sociale traditionnelle caractérisée par la
suprématie de l'homme au sein de la communauté rend compte de la situation en défaveur de
l'éducation des filles. Les rapports de domination de l'homme par rapport à la femme et les
pratiques discriminatoires qui y sont associées touchent d'autres sphères de la vie socio-
économique qui ont un effet synergétique sur l'éducation. Dans ces districts, les parents auraient
tendance à marier leurs filles particulièrement tôt car le mariage représenterait pour elle une
sécurité.
A Mampikony les jeunes filles de 13 à 15 ans qui sont en cours de scolarisation, le plus
souvent encore dans le primaire en raison d’un accès tardif et de nombreux
redoublements, sont poussées au mariage afin de les préserver des grossesses hors
mariage. Celles-ci les dévaloriseraient socialement et «économiquement», avec pour
conséquence, plus de difficultés pour se marier et/ou la réduction de la valeur du «moletry»50,
censé plus conséquent si la jeune fille demandée en mariage est en cours de scolarité51. Les
garçons sont quant à eux appelés à devenir gardiens du patrimoine familial et, en tant que futur
époux, doivent fournir des zébus à la famille de la future mariée. Ils sont dès lors encouragés à
poursuivre des études qui leur permettront de trouver un travail pour gagner de l'argent.
La survivance des traditions n'est cependant pas sans effets négatifs sur la scolarisation des
garçons, même si ces derniers quittent généralement l'école plus tard que les filles. A
Vangaindrano, ils sont parfois retirés de l'école pour s'adonner à des activités d'apprentissage de
leur futur rôle économique de pourvoyeur de revenus pour le ménage. A Toliara II, avec le
phénomène du « velon-tena » évoqué plus haut, les garçons sont, comme les filles, supposés
prendre leur indépendance matérielle vis-à-vis des parents à la puberté, quitte à devoir
abandonner leurs études. Les parents ont tendance à maintenir plus longtemps les filles à l'école -
mais jusqu'au mariage seulement, lequel arrive souvent très tôt, vers la fin du primaire. Les

50 Moletry désigne la donation (zébus et somme d'argent) octroyée par les parents du prétendant, aux parents de la fille demandée en mariage
51 Ministère de la Justice, Focus Development Association, Les pratiques discriminatoires à l'égard des femmes dans le Nord Ouest de Madagascar, Août 2007

80
études des filles sont en effet considérées comme une compensation car elles n'ont pas accès à la
terre. Les motivations des parents pour les garder à l'école sont plus que pertinentes. Toutefois,
la hantise d'une grossesse hors mariage52 réapparaît ici encore pour légitimer le fait que l'on retire
les filles de l'école. Elle fait ainsi écran aux bénéfices à long terme qui peuvent être retirés de
l'éducation.
La puberté marque pour la fille le moment où elle voit « se réaliser sa nature » et, pour ce faire, se
marier. Les facteurs d'abandon scolaire de la fille vont s'accroissant au fur et à mesure qu'elle se
rapproche de cette période butoir, le fait de ne plus aller à l'école les rendant pleinement
disponibles pour le mariage mais diminuant la valeur du moletry. Dans ces conditions, l'âge
constitue un facteur déterminant pour la scolarisation des filles : plus les filles sont
inscrites tardivement à l'école, plus vite elles sortiront du système scolaire ; plus tôt elles y
entrent, plus de chance elles auront d'y rester plus longtemps.
La pertinence et l’importance de mettre les enfants en préscolaire dès leur jeune âge y
trouvent leur justification, d’autant plus que d’autres études antérieures confirment l’existence
de relations positives entre la performance dans les études et le fait d’avoir été en préscolaire. La
diminution des redoublements irait également dans le sens de l’amélioration de la rétention des
filles.
Le milieu social reste, par les différents modèles négatifs qu'il offre, une source d'abandon
scolaire. Le phénomène de transactions sexuelles semble prendre de l'ampleur car les occasions
qui s'y prêtent sont nombreuses (affluence de migrants saisonniers, par exemple). Dans ce
contexte, les filles sont exposées à une grossesse précoce et/ou tentées de quitter l'école pour
gagner de l'argent facile. Dans quatre districts sur six , on a d'ailleurs enregistré de nombreux cas
de renvoi de filles enceintes en cours moyen (CM1 et CM2). Le faible accès des jeunes aux services
de santé de la reproduction se conjugue ici avec l'entrée tardive des filles à l'école pour constituer
un facteur de déscolarisation supplémentaire.
L'environnement expose également les garçons à des tentations de toutes sortes (drogue, alcool,
argent facile) et augmente les risques d'abandon scolaire. Tous les districts sont concernés par ce
phénomène, y compris Antananarivo et Toamasina où les taux d'abandon, moins élevés que dans
les autres sites, touchent plus les garçons que les filles. Dans ces deux districts, les parents
semblent suivre de plus près les filles dans leurs études que dans les autres districts. Antananarivo
illustre en effet fortement le déséquilibre qui existe entre riches et pauvres et, pour ces derniers,
dans les opportunités de travail offertes aux femmes et aux hommes. Ce contraste joue fortement
comme facteur de motivation des mères pour pousser leurs filles à réussir dans leurs études. En
outre, à Antananarivo, la norme veut aujourd'hui que les hommes et les femmes participent à part
égale aux frais du ménage. A Toamasina où, plus qu'ailleurs, l'environnement favorise les
rencontres et transactions sexuelles, les parents ont tendance à surveiller de très près leurs filles,
tant la hantise de les voir se prostituer ou se retrouver mère célibataire est présente.
Ceci dit, ces quelques points à l'avantage des filles ne doivent pas masquer la réalité qui prévaut
partout dans les districts : les filles portent indiscutablement, de façon disproportionnée par
rapport aux garçons, le poids des difficultés économiques vécues au sein de la famille, et
sont les victimes des arbitrages liés au manque de ressources, lorsque les frais sont trop
importants. Les enfants, filles et garçons, en sont conscients, tout comme les parents qui ne
réalisent cependant pas le tort causé aux filles à travers l'impact de la déscolarisation sur leur
avenir. Les pratiques discriminatoires des parents restent en effet fortement imprégnées des
stéréotypes de genres qui ont cours au sein de la société et qui veulent que la fille se marie au
moment de la puberté pour remplir son rôle social, celui mère de famille. Il semble cependant
que ces stéréotypes de genre soient moins présents chez les parents de statut socio-économique

52 La grossesse hors mariage est ressentie actuellement comme une charge sociale, si dans le passé elle était une bénédiction car indiquant la fertilité de la femme (FISA, 2006).

81
moyen vivant en milieu urbain (Antananarivo et Toamasina), qui déclarent faire les mêmes
investissements pour les enfants, indépendamment de leur sexe et de leurs compétences,
renvoyant à la problématique de base du développement de Madagascar, le contexte de pauvreté
extrême du pays.
7.5. Les facteurs endogènes au milieu scolaire
7.5.1. Pédagogie
L'intégration de l'égalité des genres dans l'enseignement est également peu visible, le concept
n'ayant pas été correctement assimilé par les membres de la communauté scolaire en général et le
personnel éducatif en particulier. Pour la plupart d'entre eux, la compréhension du principe se
limite à l'attribution non sexuée des tâches aux écolier(e)s. Les enseignants sont également
convaincus de mettre en oeuvre le principe de l'égalité des sexes par le biais de la pédagogie de
groupe initiée dans le cadre de l'APC. Cependant, l’'insuffisance de formation sur le sujet et le
manque de directives précises pour sa mise en oeuvre par les enseignants limitent la portée de
cette stratégie.
C'est le biologique qui rend compte, selon les enseignants, des qualités et défauts des élèves. Tout
se passe comme si les enseignant(e)s, comme d'ailleurs les parents et la communauté, les
considéraient comme des traits innés, intrinsèques à la nature de la fille et du garçon, et non le
produit d'une socialisation différenciée selon les sexes qui les prépare à tenir des rôles sociaux
distincts. Les qualités des filles (dociles, obéissantes, sérieuses, polies, conciliantes, etc.) les
prédisposeraient à devenir de bonnes mères de famille, tandis que les défauts actuels des garçons
(turbulents, violents, distraits, têtus, paresseux etc.) leur seraient utiles pour en faire des chefs de
famille responsables.
Dans la perception des adultes, les qualités que l'on reconnaît aux filles rendraient en effet
compte de leurs meilleurs résultats à l'école mais pour un temps seulement. De plus, elles sont
relativisées. Dans presque tous les sites en effet, la plus grande intelligence qu'on leur reconnaît se
limite en fait aux matières littéraires. Il existe aussi deux périodes distinctes dans la scolarité des
filles, l'une avant la puberté, caractérisée par la réussite scolaire et l'autre, après la puberté,
caractérisée par de moindres performances sans que ces perceptions soient confirmées par des
chiffres. Tout est en effet question de maturation. A la puberté, alors qu’elles approchent l'âge du
mariage, les qualités des filles se retournent contre elles pour ce qui concerne les études alors que
les défauts des garçons contiennent en germe les qualités nécessaires pour mieux réussir. La
communauté scolaire reconnaît en effet aux garçons des traits de caractère tels que créativité,
esprit de compétition, rapidité d'assimilation, dont les filles seraient dépourvues. Ces qualités
rendraient compte de leurs capacités plus grandes pour les matières scientifiques et la majorité
des enseignant(e) s interviewé(e) s pensent que les garçons sont capables d'aller loin dans leurs
études et dans tous les cas, plus loin que les filles.
Le milieu scolaire véhicule et renforce les rôles sociaux stéréotypés de l'homme et de la femme.
Les qualités que la communauté scolaire attribue aux filles sont en effet celles que la culture
reconnaît à une bonne épouse, qui doit être docile, attentive aux besoins de son mari et de ses
enfants et apte à tenir un foyer. D'ailleurs, parce que la fille est une future maitresse de maison,
on lui confie des tâches domestiques la préparant à tenir ce rôle. De plus, dire que la puberté
limite les capacités de la fille sur le plan des études, c'est dire que la finalité des qualités que l'on
reconnaît alors à la fille n'est autre que celle de mère au foyer. Par contre, le garçon est un futur
chef de famille responsable, qui fera autorité au sein de la communauté. Ces mêmes qualités qui
les rendent plus difficiles à vivre à l'école en feront plus tard de bons leaders au sein de la famille
et de la communauté. Selon les membres de la communauté scolaire, les garçons ont une capacité
naturelle à diriger, aspirent à être à la tête de quelque chose et aiment se démarquer et dominer.

82
Les manuels scolaires actuellement utilisés dans les écoles donnent une même vision orientée des
relations de genre. Les personnages masculins prédominent dans les illustrations et les textes. Ces
manuels véhiculent une image valorisante des hommes qui occupent toutes les positions
octroyant et requérant un pouvoir de décision. Les rares fois où les femmes sont représentées,
c'est dans des relations de dépendance ou de subordination : elles tiennent des emplois
subalternes ou illustrent des situations de pauvreté. Or, les manuels scolaires constituent une
référence pour les élèves notamment dans leur construction sociale. Ils contribuent à forger la
perception des filles et des garçons sur les attentes sociales et professionnelles, qui orientera leurs
choix dans la scolarisation et leur vie socioprofessionnelle.
D'ailleurs, pour les enseignant(e)s, les qualités des filles les dirigeraient vers des carrières dites
féminines dont on sait qu'elles sont souvent considérées comme moins difficiles et/ou moins
utiles et sont donc moins valorisées socialement et/ou financièrement que celles vers lesquelles
on pousse les garçons. Pour la majorité des interviewé(e)s, les domaines réservés aux filles qui
vont poursuivre leurs études sont les emplois d'exécutant (secrétaire,.) et les emplois où la «
sensibilité féminine » est requise (sage-femme, enseignante, .) par rapport aux emplois réservés
aux garçons (médecins, professeurs d'université). Apparemment, le nombre important de femmes
médecins qui exercent dans la profession semble peu influer sur les perceptions des adultes.
Ces perceptions et attentes sexuées donnent lieu à des traitements discriminatoires par les
enseignant(e)s à l'endroit des filles et des garçons. Ces derniers identifient cette discrimination
comme faisant partie des éléments allant à l'encontre d'un bon apprentissage :
(i) une attention du personnel enseignant focalisée sur les garçons lorsqu'il s'agit
d'interroger ou de sanctionner les élèves, y compris le recours à la violence ; les
garçons se sentent « harcelés » et lésés par rapport aux filles tandis que ces
dernières interprètent le manque d'intérêt dont elles font l'objet comme une sous-
estimation de leurs capacités en classe ;
(ii) la tendance à désigner davantage les garçons pour les matières « à chiffres », et les
filles pour les matières « littéraires », les poussant à s'orienter dans les matières
jugées appropriées à leur sexe ;
(iii) la tendance à reproduire des rôles stéréotypés dans le partage des tâches et des
activités à l'école : balayage et nettoyage pour les filles et manutention pour les
garçons, fonctions de leadership et activités sportives pour les garçons aux dépens
des filles.
(iv) parce que perturbant l'ordre dans la classe, les garçons sont placés sur les bancs
des premiers rangs de façon à recevoir plus d'attention des enseignant(e)s, tandis
que les filles sont placées au fond de la salle ; ou bien entre deux garçons difficiles
pour les «neutraliser ».
Ces pratiques stéréotypées sont perçues comme « normales » et « naturelles » par les
enseignant(e)s qui sont persuadé(e)s de traiter les garçons et les filles de façon égalitaire. En «
naturalisant » ces pratiques discriminatoires, les enseignant(e)s leur ôtent leur caractère social
pour les rendre « immuables ». Ce faisant, ils /elles contribuent à perpétuer les inégalités de genre.
En effet, ces pratiques discriminatoires sont intériorisées par les élèves comme « normatives ». La
littérature nous indique en effet que c'est à l'école primaire que les enfants vivent une des
périodes les plus intenses de leur socialisation. Certains auteurs pensent même que l'école joue un
rôle plus important que la famille dans ce processus, notamment sur le plan de l'inculcation des
valeurs dominantes au sein de la société. En renforçant les stéréotypes de genres ayant cours au
sein de la famille et de la communauté, les pratiques enseignantes ne peuvent qu'orienter
négativement les comportements des élèves, notamment la manière dont les élèves de sexe
opposé vivent les rapports entre eux..

83
7.5.2. Gestion pédagogique et genre
Les faits de violence à l'école relevés par l'étude illustrent la façon dont les enfants reproduisent
les rapports de domination des hommes sur les femmes et des plus forts sur les faibles, tels qu' «
entérinés » par l'école. Or, la violence est au centre des préoccupations des élèves. La
violence des enseignant(e)s, surtout à l'endroit des garçons, ou des pairs, surtout à
l'endroit des filles, les bloque psychologiquement dans leurs études et concourt à les
démotiver et leur faire abandonner l'école. Les cas de violence à l'encontre des filles seraient
plus nombreux encore lorsque ces dernières sont chargées de rapporter les cas d'indiscipline en
classe (ce que les garçons considèrent comme de la délation).
La tendance des filles à préférer la classe unisexe est à mettre en relation avec ce climat de
violence. Les classes unisexes sont, selon elles, plus favorables à leur apprentissage, en raison de
leur ambiance, caractérisée par davantage de respect mutuel et de solidarité que dans les classes
mixtes, où règne une « incompatibilité d'humeur » entre filles et garçons, ces derniers profitant
également de leur supériorité sur le plan de la taille et de la force physique pour se décharger sur
elles des tâches qui leur sont assignées.
Cependant, l'étude relève des pratiques positives promouvant l'égalité entre les sexes et qui
méritent d'être documentées, dont : les efforts de la direction des écoles et enseignants pour créer
un environnement scolaire plus «girl friendly» en protégeant les filles de la violence des garçons ;
bien que non généralisée, une répartition équitable des tâches et un système égalitaire pour le
contrôle de connaissances, en application de la pédagogie de groupe et les enseignants/directeurs
qui sont plus justes et non violents.
Bien qu'isolées, des actions affirmatives en faveur des filles ont été repérées, notamment,
l'attention particulière accordée aux filles âgées ou ayant des difficultés scolaires et économiques,
leur sensibilisation au leadership, les efforts déployés pour les désinhiber ou pour les intéresser
aux mathématiques lorsqu'elles sont faibles dans cette matière, les séances de sensibilisation à la
non discrimination entre les sexes pour les élèves et les parents, les efforts déployés pour
appliquer la stratégie filles pour filles bien qu'elle n'ait pu être effective qu'en dehors de l'école, à
cause de la non concordance des emplois du temps en raison des classes à temps partiel etc..
7.5.3. Intériorisation des stéréotypes de genre par les élèves
La similitude qui existe entre les perceptions des différents sous-groupes de société étudiés dans
le cadre de cette étude, également reflétées dans les illustrations des manuels scolaires, est
frappante. Qu'il s'agisse des représentations associées à l'école, des caractéristiques des filles et des
garçons, des rôles respectifs de ceux-ci au sein de l'école et de la société, la constante qui se
dégage est la suivante : les filles et les garçons sont décrits comme deux groupes «naturellement»
distincts, ce qui justifie des traitements différenciés ! Comme souligné plus haut, la société inscrit
dans le biologique des règles et comportements sociaux, résultantes d'un processus de
socialisation sexuée et, ce faisant, les rend « immuables ». La propension des élèves à faire leurs
ces normes sociales « androcentrées » et leurs implications négatives sur leur scolarisation feront
l'objet des discussions dans les points suivants. Les tentatives de rupture des élèves avec ces
stéréotypes de genres seront également mises en exergue.
En disant que terminer le primaire est suffisant pour assurer leur survie et un avenir meilleur, les
enfants ne font que réitérer le point de vue de leurs parents. La limitation par les parents et les
enfants de leur niveau de scolarisation escompté soit, la capacité à lire, écrire et compter, renvoie
au défi majeur de les maintenir à l'école. La question qui se pose alors est celle de rendre le
système scolaire plus attractif à des élèves « prédisposés » à le quitter après seulement un passage
programmé « court et temporaire » sur les bancs de l'école. Le système éducatif, en cela appuyé
par les autres institutions (famille et communauté), doit développer chez les enfants suffisamment

84
de goût et de plaisir pour les études pour les motiver à les continuer jusqu'à un niveau plus
poussé et, ce faisant, leur faire tirer réellement bénéfice de l'école.
En fait, c'est toute la conception d'une vie « meilleure » qui est mise en cause, renvoyant aux
conceptions des filles et des garçons sur leurs objectifs de vie future et projets d'avenir,
différenciées selon le sexe parce que reflétant une intériorisation des stéréotypes de genre. Si l'on
analyse les objectifs de vie des filles et des garçons, on s'aperçoit qu'ils/elles insistent davantage
sur les écueils à éviter que sur les résultats à atteindre. Ceci peut être interprété comme le résultat
direct de l'approche négative des parents dans l'éducation des enfants et/ou l'expression de leur
peur et angoisse face à un avenir qui paraît sombre. Ensuite, les risques appréhendés sont
stéréotypés, la non scolarisation les amenant à devenir, dans le meilleurs des cas, domestiques
pour les filles et travailleurs agricoles ou bouviers pour les garçons et, dans les pires des cas,
prostituées ou filles mères pour les premières et vagabonds ou bandits pour les seconds.
De plus, les objectifs de vie des filles restent focalisés sur rôle d'épouse, de partenaire sexuelle, de
mère et d'éducatrice. La scolarisation leur permet, par contraste, d'être indépendantes
économiquement et de se retrouver dans une position égalitaire dans la relation avec leur futur
mari, d'éviter de se faire exploiter par les hommes, d'éviter les grossesses précoces et/ou hors
union (étant mieux équipées pour ne pas succomber à la pression des garçons), de ne pas être
dominées et maltraitées au sein du foyer, d'assumer leur rôle primordial de mères de famille dans
la scolarisation des enfants avec « la possibilité pour elles d'encadrer leur progéniture dans les
études ».
La scolarisation apparaît, pour les filles, comme l’unique alternative en dehors du mariage ou de
la prostitution. C'est dire que l'on ne reconnaît pas vraiment d'autres ressources aux filles que
celle de faire des enfants, si possible dans le cadre du mariage, ou de vendre son corps pour
gagner de l'argent. Le côté dramatique de cette situation inclut l'internalisation par les enfants
eux-mêmes de ces stéréotypes négatifs sur les filles. Comme nous l'avons vu, les garçons en
parlent ouvertement mais les filles n'y font qu'allusion, parce qu’elles sont gênées par une telle
image négative et particulièrement à leur âge. C'est dire l'importance du rôle que pourrait jouer
l'école en contrecarrant cette tendance, notamment par la diffusion de modèles positifs sur les
femmes.
Les ambitions des élèves sont modestes : si la magistrature suprême, la médecine ou l'ingénierie
ont été identifiés, c'est plus en rêve que réalité : ces options ont tout de suite été repoussées par
les élèves car inaccessibles. Ceci montre l'ampleur du travail qui reste à faire pour créer chez les
élèves des deux sexes une culture du défi, du combat, de la persévérance pour réaliser leur rêve.
En second lieu, les métiers identifiés comme « accessibles » sont non seulement stéréotypés mais
plus restrictifs pour les filles que pour les garçons. Ces derniers voient s'ouvrir à eux toute une
gamme de petits métiers. Les filles ont pour ambition, au mieux, de devenir institutrices, sinon
ouvrières dans les zones franches ou épicières et, à défaut, se marier.
Or, on le sait déjà : l'éventail restreint de modèles d'identification et de référence peut provoquer
une baisse de l'estime de soi. D'ailleurs, les garçons se sentent également plus confiants en
l'avenir. Ils sont convaincus qu'en raison de leurs capacités physiques, ils s'en sortiront mieux que
les filles, même avec un niveau élémentaire d'instruction, car elles sont plus vulnérables et vont de
toute façon se marier. C'est dire qu'il y a sûrement des espaces libres à travailler dans le
développement de l'imaginaire des enfants des deux sexes et plus particulièrement celui des filles
et nous ne pouvons qu'insister sur l'importance de revoir les illustrations des manuels scolaires
décrivant les filles/femmes et les garçons/hommes avec des caractéristiques stéréotypées
(passives - actifs, invisibles - visibles, dépendance - pouvoir, etc.) qui ne font que suggérer sinon
renforcer les représentations qu'ont les enfants des rôles de genre.
Les points de vue et attitudes des élèves relatifs au leadership reflètent le rôle de l'école comme
courroie de transmissions des stéréotypes de genre et illustre leur intériorisation par les enfants.

85
Les filles/adolescentes évitent la fonction de chef/déléguée de classe par peur des représailles
des garçons. A l'inverse, ces derniers pensent que les garçons sont faits pour être chefs et que les
filles n'en ont ni l'étoffe, ni la capacité, en raison de leurs caractéristiques physiques (de petite
taille, avec une voix qui ne porte pas et qu'on ne craint donc pas). Une fois de plus, ils inscrivent
dans le biologique (donc immuables à leurs yeux) des rôles sociaux de genres, construits à partir
des habitudes et de simples préjugés et qu'on peut changer. Ces points de vue sont confortés par
les tendances des enseignant(e) s à confier aux garçons des fonctions de pouvoir/contrôle et,
comme on l'a déjà souligné, par les manuels scolaires qui véhiculent des images stéréotypées de
la femme dépendante et de l'homme détenteur du pouvoir.
Nous ne saurions trop insister sur l'importance du rôle de l’école pour impulser des
changements dans les stéréotypes de genre véhiculés par la famille et la communauté
plutôt que les renforcer. Ce changement dépendra notamment de l'attention que les
enseignant(e)s accorderont à l’idée d’égalité de genre et à son partage par les garçons et les filles
de leurs classes, au développement des capacités des filles à dépasser leurs préjugés et
appréhensions en matière de leadership. Cependant, de telles mesures ne peuvent être prises sans
aborder en même temps la question des rapports entre filles et garçons à l'école, y compris et
surtout, celle de la violence.
Enfin, le fait que certaines matières de base en classe comme le calcul ne soient pas citées par les
filles comme faisant partie de leurs matières préférées doit être mis en relation avec les
conceptions des enseignant(e)s selon lesquel(le)s les filles seraient plus douées pour les matières
littéraires et les garçons pour les matières scientifiques. Cette intériorisation des perceptions
stéréotypées des enseignant(e)s par les filles exige une révision de la manière dont les matières
doivent être traitées par les enseignant(e)s pour enlever toute connotation sexuée.
Les tentatives de rupture des élèves avec les stéréotypes de genres se révèlent surtout chez les
filles et adolescentes. Il s’agit notamment : (i) de la prise de conscience des effets de la dominance
du masculin sur le féminin en dehors et dans le mariage ; (ii) de la considération de l’école comme
un moyen de se préserver contre ces effets ; (iii) de la formulation d’objectifs visant leur
« empowerment » (avoir un travail permettant de survivre soi-même, être indépendante
économiquement, se retrouver dans une position égalitaire dans la relation avec leur futur mari,
éviter de subir les pressions de l’entourage à entrer en union etc.) ; (iv) le fait d’envisager des
études poussées ; (v) des projets de scolarisation de leurs enfants, filles et garçons le plus
longtemps possible.

86
Chapitre 8 Conclusions et recommandations

Ce chapitre présente les conclusions tirées de l’analyse des données qualitatives et quantitatives
sur les facteurs sous-tendant la qualité de l’éducation dans une perspective « genre » à Madagascar
ainsi que des recommandations pour mieux orienter les actions entreprises tant au niveau du
Gouvernement que des communautés en ayant comme objectif principal l’atteinte des Objectifs
du Millénaire pour le Développement relatifs à l’égalité des genres et à l’éducation.
8.1. Principales conclusions
1. Le milieu scolaire tend à refléter la société malgache elle-même dans ses mutations
émergentes et son attachement aux traditions qui définissent culturellement les relations
de genres prévalant dans le pays. Derrière des apparences « pro-genre » dans l’accès à
l’école et la politique de l’Etat en matière d’éducation, des attitudes et pratiques
discriminatoires persistent au sein de la famille, de la communauté et de l’école.
2. Une amélioration s’est dessinée dans l’accès des filles et des garçons à l’école mais des
disparités en défaveur des filles y subsistent, notamment pour l’abandon. Donc, au-delà
de l’accès des enfants à l’école, il existe également des défis à relever pour les y maintenir.
Et dans tous les cas, les filles devraient faire l’objet d’actions plus ciblées afin que leurs
chances de bénéficier d’une éducation de qualité soient améliorées. L’accès au cycle
moyen est également marqué d’une discrimination quantitative à l’encontre des filles,
signe des ambitions des familles à leur égard, moindre que celles qu’elles entretiennent
pour les garçons.
3. Les filles à Madagascar peuvent paraître mieux intégrées dans le système scolaire,
comparées à celles dans d’autres pays du continent africain. Mais en fait, elles subissent
des situations dans lesquelles les discriminations à leur égard sont vécues avec subtilité car
véhiculées à travers des acceptions socialement ancrées. En dépit des efforts entrepris à
tous les niveaux pour les réduire, ces discriminations se retrouvent dans divers domaines
dont les normes relatives aux rôles sociaux des femmes et des hommes ainsi que
l’environnement scolaire.
Normes sur les rôles sociaux des femmes et des hommes
4. La scolarisation est entrée dans la norme autant pour les filles et les garçons que pour les
parents et les communautés. Ceci explique les faibles écarts entre les nombres de filles et
de garçons inscrits en première année du primaire. L’adoption d’une telle norme est
favorisée par les leçons apprises de la vie où les moins instruits ressentent le plus de
difficultés à survivre. Mais elle résulte surtout des politiques et stratégies mises en œuvre
par le Gouvernement et différents partenaires qui se sont investis dans des actions
incitatives telles que la sensibilisation pour la scolarisation et l’allègement des charges
supportées par les parents dans la scolarisation de leurs enfants.
Les mesures ainsi prises trouvent leur pertinence dans l’adhésion des principales parties
concernées (enfants, parents) et méritent d’être renforcées en ayant pour objectif
l’amélioration de l’équilibre, encore précaire, entre filles et garçons. Cependant, elles se
sont avérées limitées dans la mesure où elles n’ont pas eu, par la suite, d’impacts probants
sur la rétention scolaire des élèves des deux sexes, qui demeure un objectif tout aussi
important.

87
5. Les pratiques négatives sont plus nombreuses que les pratiques positives en ce qui
concerne l'apprentissage des filles et des garçons en rapport avec l'égalité entre les sexes.
La nouvelle norme en matière de scolarisation des enfants continue de coexister avec les
traditions culturelles définissant les relations de genres, rendant à la fois compte des
limites rencontrées au niveau de la scolarisation et des taux élevés d’abandon.
6. Les frais pesant sur les familles contraignent ces dernières à des choix, qui
généralement pénalisent les filles. C’est ainsi que peut s’expliquer le fort handicap
pesant sur les filles dans des zones pauvres où la proportion de maîtres FRAM est
importante. Les filles sont plus pénalisées que les garçons par les difficultés
économiques de leur milieu, ainsi que par les effets d’offre qui entravent
l’ensemble des scolarités.
7. Bien que l’âge minimum au mariage des filles et des garçons soit de 18 ans (Loi n° 2007-
022 du 20 Août 2007 relative au mariage et aux régimes matrimoniaux), le mariage
précoce des filles reste la norme dans plusieurs districts, avec pour corollaire,
l’abandon scolaire. Les modalités d’application de la loi (récente) se heurtent ici aux
habitudes culturelles, les unions étant majoritairement traditionnelles. Ceci plaide pour
une recherche de solutions avec les communautés à la base, les communes et les régions,
outre la coordination des actions avec les différents départements ministériels.
8. Les garçons bénéficient, par contre, généralement d’une éducation plus poussée que les
filles. Cependant, il arrive également que cette conception des rôles sociaux de genre se
retourne contre eux. Bien que l’âge minimum légal d'accès à l'emploi soit de quinze (15)
ans et ne puisse être inférieur à l'âge auquel cesse la scolarité obligatoire, les garçons sont
parfois retirés de l’école pour apprendre leur futur rôle économique de pourvoyeur de
revenus du ménage.
9. Outre les limites imposées par les rôles sociaux, le désintérêt pour l’école s’explique
également par le manque d’opportunités offertes aux diplômés, le manque de modèles
positifs au sein des communautés et le contexte économique. Les aspirations que parents
et enfants pourraient avoir sont en effet vite rattrapées par la triste réalité de la pauvreté.
Par ailleurs, si les conditions sociales et économiques sont parmi les facteurs d’abandon
scolaire, elles constituent davantage des conditions aggravantes des disparités entre filles
et garçons.
10. En fait, en raison des risques posés par l’environnement social, la scolarisation finit par
être conçue par les parents comme un moyen pour éviter prostitution et grossesse non
désirée pour les filles, jusqu’à ce qu’elles se marient, et délinquance pour les garçons,
jusqu’à ce qu’ils commencent à gagner leur vie.
L’environnement scolaire
11. La structure de l’offre scolaire est pénalisante pour les filles lorsqu’elle reste
lacunaire, avec des distances importantes entre la résidence des familles et les
écoles.
12. Les pratiques de gestion des carrières scolaires qui s’accompagnent de taux de
redoublement élevés pénalisent davantage les filles que les garçons, dans la mesure
où les familles déduisent dans leur cas de l’échec une absence d’intérêt à persévérer à
l’école.
13. La considération et le traitement – entre eux, par le personnel enseignant et dans les
manuels scolaires - des filles et des garçons en milieu scolaire demeurent empreints des
normes sociales sexuées prévalant au sein des communautés. Ces dernières entretiennent

88
les stéréotypes de genres se rapportant aux futurs rôles sociaux, qui restent traditionnels,
des filles et des garçons. Les attitudes et pratiques discriminatoires sont ainsi reproduites à
travers l’école qui tend à les formaliser en les véhiculant avec le savoir. Elles demeurent
vivaces en dépit des initiatives déjà traduites dans des lois et directives adoptées pour
favoriser l’équité et l’égalité entre les sexes dans l’éducation.
14. Une distorsion entre les dispositions légales et leur application sur le terrain est en effet
constatée. Il existe des dispositions légales traduisant l’engagement de l’Etat sur l’équité et
l’égalité des chances à l’école. Ainsi, d’après la loi n° 2004-04 du 26 Juillet 2004 portant
Orientation générale du Système d'Education, d'Enseignement et de Formation à
Madagascar, le personnel de l'éducation et de la formation doit, en s'acquittant de ses
devoirs professionnels, se conformer aux principes d'équité et d'égalité des chances et
établir avec les élèves des rapports fondés sur l'honnêteté, l'objectivité et le respect de la
personne de l'enfant et du jeune, et de leurs droits.
La communauté scolaire tend à nier l’existence de pratiques d’enseignement
discriminatoires dans les écoles et se montre quelque peu réticente envers les mesures
correctives envisagées. Or, les membres de la communauté scolaire en général, et les
enseignants en particulier, sont les acteurs principaux des réformes éventuelles pour une
éducation de qualité tenant compte du genre. Ils constituent, de ce fait, les cibles à
privilégier dans les sensibilisations et les formations devant accompagner la mise en place,
dans le milieu scolaire, des conditions favorisant l’épanouissement et la performance des
filles et des garçons, d’une part, et la rupture de la perpétuation de la hiérarchisation entre
les sexes déjà établie par la société, d’autre part.
15. La violence à l’égard des élèves à l’école semble bien plus importante qu’on aurait
pu le penser. En affectant indistinctement les filles et les garçons, elle est plus
gravement ressentie par les premières et constitue, pour les concerné(e)s, un
facteur majeur de démotivation aux études, pouvant entraîner l’abandon scolaire.
Infligée par les garçons envers leurs pairs mais surtout envers les filles, ou par les
enseignant(e)s envers leurs élèves mais surtout envers les garçons, la violence à l’école fait
face à l’absence de mesures particulières prises pour la prévenir ou la sanctionner, celle
des enseignant(e)s rencontrant même souvent l’adhésion des parents.
Dans ce sens, il y a lieu de signaler le non respect des dispositions conventionnelles ou
légales dont la Convention Relative aux Droits des Enfants qui prévoit dans ses articles
19.1 et 28 que « Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et
éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités
physiques ou mentales » et que « Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour veiller à
ce que la discipline scolaire soit appliquée d'une manière compatible avec la dignité de l'enfant en tant
qu'être humain et conformément à la présente Convention ». Par ailleurs, l’article 67 de la Loi
malgache n°2007-023 sur les droits et la protection des enfants assimile « …à la
maltraitance toutes sanctions prises à l’encontre des enfants au sein de la famille, des écoles, de la
communauté lorsqu’elles portent atteinte à leur intégrité physique ou morale. ».
16. Il ressort également que le milieu scolaire se montre encore imperméable à la
rétention des filles enceintes. Ceci, en dépit de l’adoption par l’Etat de la Charte
Africaine des Droits et du Bien être de l’enfant qui prévoit que « Les Etats parties à la
présente Charte prennent toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que les filles qui deviennent
enceintes avant d'avoir achevé leur éducation aient la possibilité de la poursuivre compte tenu de leurs
aptitudes individuelles ». La santé de la reproduction continue par ailleurs de constituer un
thème gênant, en dépit de l’immense besoin d’information exprimé par les élèves,
principalement les filles.

89
17. Les infrastructures scolaires manquent indiscutablement de sensibilité aux
besoins spécifiques des filles. Les écoles dépourvues de latrines séparées pour les filles
et en nombre suffisant, ainsi que d’accès à l’eau, restent trop nombreuses. Dans la
majorité des cas, la conception et le design des locaux et équipements ont omis de tenir
compte que les filles ont, dans leur corps, de l’intimité à préserver mais qui se laisse
découvrir à cause de la hauteur un peu trop élevée des tableaux noirs ou de la forme et
dimensions trop étroites et sans cache des tables bancs ou des infrastructures sanitaires
trop indiscrètes… L’état de ces infrastructures est source de gêne et de stress chez les
filles qui se sentent soumises à des efforts de retenue, plus que les garçons, pour éviter
justement d’être l’objet de moquerie ou d’amusement de ces derniers. La situation ainsi
créée, lorsqu’elle est à répétition et s’ajoute à d’autres paramètres, finit par lasser les filles
sensibles et motive leur abandon de l’école. De ce fait, il y a lieu d’intégrer dans les
normes de construction des écoles des dispositions sensibles au genre concernant les
infrastructures scolaires.
18. Il ressort que l’accès et le maintien des filles et des garçons à l’école sont importants
lorsque l’école, les parents et la communauté s’impliquent de manière conjointe et
cohérente dans leur promotion. A cet égard, le rôle de leader de l’école est primordial
pour susciter la participation des deux autres entités dont particulièrement les autorités
communautaires. Ces dernières sont « assoiffées » d’actions sociales et n’attendraient que
d’être associées par l’école à l’éducation des enfants. Il est alors prévisible que leurs
implications dans les réformes engagées se feront sans difficulté majeure. L’étude
préconise à cet effet des actions spécifiques qui seront orientées à leur endroit mais qui
seront recherchées avec leur contribution pour éviter l’approche « top down » souvent
critiquée par les intervenants du terrain.
19. L’accessibilité des écoles demeure limitée par différents facteurs dont certains sont hors
du contrôle direct du secteur de l’éducation alors que ce dernier en subit les conséquences
telles qu’inscription tardive à l’école, absentéisme et abandon scolaire. Néanmoins, il
devrait exister des marges de manœuvre que le MENRS pourrait explorer afin de minimiser
leurs impacts sur la scolarité des enfants : par exemple, déplacer la période des grandes
vacances vers les saisons de pluies comme les universités les vivent.
8.2. Recommandations
Les mesures suggérées ici ne sont pas toutes spécifiquement destinées à améliorer seulement la
situation particulière des filles à l’école. Certaines sont de portée générale, mais on peut en
attendre un effet positif sur l’équité – genre. Par exemple, la diminution des charges financières
que représentent les scolarités pour les familles bénéficiera aux enfants des deux sexes, mais,
comme les filles sont dans les faits plus pénalisées que les garçons par ces charges, elles
bénéficieront davantage de leur réduction. Il en va de même pour les questions liées à la violence
scolaire.
Elles sont énoncées en termes de politique générale. Dans leur détail, certaines d’entre elles
peuvent avoir vocation à être déclinées avec plus d’insistance dans des régions ou districts
particulièrement touchés par l’inégalité de genre. Leur adoption ne supposera généralement pas
une simple décision prise depuis l’administration centrale, mais également une mobilisation de
l’ensemble des échelons administratifs et la participation active des communautés.

90
8.2.1. Action sur l’offre et la demande d’éducation scolaire
Améliorer l’offre scolaire dans les zones à population dispersée / scolarités difficiles
Développer la densité du réseau d’écoles dans les circonscriptions à faible densité de population,
en veillant (i) à éviter le création d’écoles à cycle incomplet, (ii) à diminuer le nombre d’écoles à
cycle incomplet existantes et (iii) à ne pas augmenter la proportion de maîtres FRAM dans ces
zones, ou compenser ces affectations par des subventions spécifiques au bénéfice des familles et
des formations à destination des maîtres. Etablir un plan de résorption des maîtres FRAM dans
les circonscriptions présentant de faibles résultats en termes d’achèvement et d’équité-genre.
Atteindre la gratuité effective des scolarités par la compensation des charges des maîtres
FRAM
Développer les subventions aux communautés en compensation de la charge des maîtres FRAM
et des autres charges pesant sur les familles dans les circonscriptions aux résultats les plus
modestes en termes d’achèvement et d’équité-genre.
Intégrer une dimension genre dans le développement des infrastructures
Intégrer dans les normes de construction des écoles la prise en compte des besoins spécifiques
des élèves, notamment des filles, en matière d’infrastructures sanitaires (toilettes séparées et
fermées pour les filles et les garçons), de mobiliers (taille et cache), de tableaux noirs (hauteur),
cour (clôturée), etc..
Adapter le calendrier scolaire
Réaménager le calendrier scolaire de manière à ce que les grandes vacances courent de décembre
à février. C’est au cours de cette période que le taux d’absentéisme est le plus élevé. Cette période
correspond : - à la saison des pluies où beaucoup de routes sont impraticables et de
ruisseaux/rivières infranchissables par les élèves ; - à la période de soudure où les élèves
manquent de nourriture ; - et à la saison chaude où les températures fatiguent l’organisme. C’est
également la période où les Universités malgaches sont en grandes vacances
8.2.2. Gestion pédagogique.
Monitoring
Etablir comme directive nationale la désagrégation par sexe de toutes les données statistiques
pour un meilleur traitement des données et pour l'effectivité de la prise en compte de la
dimension genre, d’une part, et pour vérifier et expliquer les incohérences existantes entre
données nationales (MENRS) et données régionales (CISCO), d’autre part 53;
Mettre en place un système de suivi et évaluation pour veiller à ce que les établissements scolaires
respectent l’application des mesures prises
Assurer la transmission à chaque CISCO de ses résultats périodiques en termes de rétention,
d’achèvement et d’équité-genre ; amener les CISCO les plus faibles sur ces indicateurs à définir
des plans d’action spécifiques.

53 L’analyse des données quantitatives a tenu compte de leurs limites. Certaines données quantitatives ne sont en
effet pas exploitables pour la décision ou planification dans une perspective genre car non désagrégées par sexe
/non disponibles systématiquement/non uniformes ou même contradictoires au niveau des établissements,
CISCO, ministère.

91
Gestion des âges
Encourager et supporter le développement du système préscolaire pour favoriser la scolarisation
des enfants à 6 ans, ce qui favorise l’attachement des élèves, en particulier les filles, aux études, et
par ricochet l’amélioration de leurs performances scolaires ainsi que des taux de rétention.
Intensifier la politique de réduction des redoublements, de façon à permettre à la grande majorité
des enfants d’avoir achevé le cycle primaire avant l’âge critique pour la poursuite de leur scolarité.
Maintien des filles enceintes
Le gouvernement malgache a pris des engagements dans la charte africaine, en faveur du maintien
des filles enceintes dans leur scolarité. Ces engagements peinent à recevoir application dans les
faits, et c’est pourquoi il serait opportun :
d’en renforcer la lisibilité dans le droit interne malgache par l’adoption d’un texte
réglementaire spécifique contraignant les directeurs d’établissement ;
de diffuser largement le contenu de cet engagement auprès des familles et des personnels
scolaires, en veillant à son application effective
d’expurger les règlements intérieurs d’établissements de toutes les dispositions contraires
qui y figureraient encore aujourd’hui
Cet ensemble de mesures réglementaires gagnera à être complété par des indications fermes à la
destination des enseignants, afin qu'ils puissent adopter des attitudes non discriminatoires par
rapport aux filles enceintes et transmettre cela aux élèves.
Enfin, les parents et les communautés sont à sensibiliser sur la nécessité et la possibilité pour les
filles d'étudier, même en cas de grossesse.
Comportement des enseignants
Les comportements non souhaitables ou violents d’une parte des enseignants sont encore mal
documentés et mesurés à Madagascar. La réalisation d’études spécifiques sur ce thème, et la mise
en place d’un système de recension des incidents et des plaintes doit précéder l’édiction de
mesures générales.
Mais dans l’immédiat, et quelque soient l’ampleur et les formes exactes du phénomène, il
convient de :
Encourager les établissements scolaires à formuler des règlements intérieurs qui
interdisent toute forme de violence
interdire en toutes circonstances les punitions corporelles, humiliantes ou
dégradantes envers les élèves
Discipline et violences
Intégrer dans les lois et règlements sur l'éducation des dispositions explicites et claires réprimant
les violences scolaires sous toutes leurs formes, y compris celles mettant en cause les
comportements des enseignants.
Instaurer une réglementation plus stricte dans les établissements à l’encontre des comportements
violents, tout en diffusant en direction des enfants des ensembles de règles simples illustrés des
exemples concrets.
Encourager l'éducation sportive qui pourrait être un moyen pour prévenir la violence.

92
8.2.3. Pédagogie, méthodes et contenus d’enseignement.
Stéréotypes dans les manuels
Renforcer la formation les membres de la Direction du Développement des Curricula (DDC)
afin qu’ils puissent prendre en charge le développement de manuels scolaires sensibles au genre ;
Poursuivre la révision des manuels scolaires de façon à ce qu'ils traitent les femmes et les
hommes avec équilibre, et soient débarrassés des images stéréotypées véhiculées dans les
illustrations et les textes. A cet effet, le manuel de connaissances usuelles pourrait servir de
modèle
Modèles positifs de référence
Encourager les auteurs de manuels et les enseignants à faire usage de modèles positifs de
référence, réalistes, permettant l’identification des jeunes filles à des idéaux aussi ambitieux que
ceux des garçons.
Pratiques enseignantes et formations
Assurer la disponibilité d'outils opérationnels, y compris des manuels pour les éducateurs et
élèves, suffisamment sensibles au genre pour impulser les changements souhaités, à commencer
par la distribution du livret « c'est quoi le genre? » existant dans toutes les écoles et dont
l'application doit faire l'objet d'un plus grand suivi et évaluation avec, le cas échéant, un
renforcement des compétences des responsables d'école.
Introduire la dimension genre dans la formation initiale des enseignants, outre la formation en
cours d’emploi, qui doit être revue pour mieux faire ressortir les implications pédagogiques et le
rôle de suivi des responsables.
Inclure/renforcer dans les curricula des enseignant(e)s les notions de psychologie des enfants et
des adolescents, Traiter davantage les modalités pratiques que les concepts y afférents, et
produire des supports médiatiques
Développer un programme de sensibilisation du corps enseignant sur les effets des traitements
sexués sur les parcours scolaires respectifs des filles et des garçons
Education à la santé reproductive
Former les enseignants sur la manière d'aborder l'éducation sexuelle et la santé de la reproduction
et sur le contenu, en séparant éventuellement les filles (avec une enseignante) et les garçons (avec
un enseignant) dans les localités très réservées sur la question.
L’ensemble de ces recommandations, adressés à tous les partenaires de l’école malgache,
ne doit pas être compris comme un plan spécifique à élaborer ou à mettre en œuvre
parallèlement aux autres plans d’actions de la politique éducative nationale, mais comme
une série de mesures qu’il est nécessaire d’ intégrer, de façon systématique, dans l’action
quotidienne de chacun.
Les inégalités dont souffrent aujourd’hui les filles à l’école justifient l’intégration d’une approche
genre dans les actions entreprises à tous les niveaux en faveur du développement des scolarités.

93

Vous aimerez peut-être aussi