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François Villon, Prince de France, figure majestueuse, intouchable mais avant

tout tellement méconnu, tant de vos personnages que de vous-même très certainement. La
curiosité nous pousse en jeu comme hors jeu à en apprendre plus sur lui. Cependant, rien
de bien fructueux si l’on prend la peine d’étudier ce que nous connaissons du vivant de ce
poète, tant reste énigmatique la vie de François de Montcorbier, des Loges ou tout autre
pseudonyme qu’il a choisi d’adopter, comme si l’on avait cherché à brouiller les pistes…
Voici en quelques lignes ce que nous savons du Sieur Villon, et surtout ce que nous ne
savons pas… A travers tant de détails incomplets, de textes curieusement interprétables,
vous comprendrez alors à quel point il nous fut aisé de nous emparer de ce mystérieux
personnage afin d’en créer un être de la nuit.

En 1431 naît à Paris François de Montcorbier, autrement dit des Loges. De bonne heure orphelin de père, il
bénéficie de la protection de Maître Guillaume de Villon, dont il prendra le nom, chanoine de Saint-Benoît,
église vassale de Notre Dame dans le quartier de la Sorbonne. A chacun de ses séjours ultérieurs à paris, Villon
logera au cloître Saint-Benoît. En 1443, François de Montcorbier est inscrit sur les registres de la nation de
France à la faculté des arts de l’université de Paris. Il est reçu bachelier en 1449, puis est reçu successivement
Licencié et Maître ès Arts, s’inscrit peut être à la faculté de décret où son protecteur enseigne. Ainsi, il pourra se
donner longtemps encore comme “écolier ”. Surviennent alors des troubles graves de l’université, dont Villon se
serait fait le poète héroï-comique.
Avant 1455, sous le pseudonyme de Vaillant, Villon aurait écrit un Pamphlet, “l’embûche Vaillant ”, où il révèle
les amours de Catherine de Vausselles, vraisemblablement sa maîtresse, avec Philippe Sermoise, prêtre, dont il se
serait ainsi attiré la rancune. Provoqué, Villon blesse d’un coup de dague Philippe Sermoise qui en meurt
quelques jours plus tard. Le poète quitte précipitamment Paris et se dirige vers l’Anjou, où la famille de sa mère
compte encore quelques parents. Il commet deux cambriolages en octobre, puis, sous les noms respectifs de
Montcorbier et de des Loges, obtient deux lettres de grâce, qui l’amnistient du meurtre de Sermoise, mort,
disent-elles, en pardonnant. Le poète rentre à Paris. La nuit de Noël, Villon s’introduit au collège de Navarre,
avec cinq compagnons, qui dérobent 500 écus d’or pendant qu’il fait le guet. Il compose le Lais et s’éclipse de
nouveau en direction d’Angers. En 1457, les auteurs du vol sont connus. Villon ne peut rentrer à Paris. Il
séjourne alors à la cour de Blois auprès de Charles d’Orléans.
En 1461,Villon passe l’été dans la tour Manassé à Meung-sur-Loire, qui sert de prison à l’évêque d’Orléans,
Thibaut d’Aussigny. Villon multiplie en vain les lettre d’appel à l’officialité de paris. L’entrée du nouveau roi,
Louis XI, le délivre début octobre. En automne, il rentre à Paris et se cache on ne sait en quel coin de la capitale
ou de la banlieue : c’est ainsi qu’il rédige certains passages du Testament, qui sera terminé en 1462. Entre
temps, incarcéré pour vol au Châtelet, il doit aussi répondre du vol de Navarre : il s’engage à rembourser sa part
de 120 écus d’or. Huit jours plus tard il est libre. Mais Villon est de nouveau incarcéré l’année suivante pour
avoir assisté à une rixe nocturne rue Saint-Jacques entre trois de ses compagnons et les clercs d’un notaire
pontifical. Il subit au châtelet la question de l’eau : il sera pendu et étranglé. Il écrit alors la Ballade des pendus
puis fait appel. Le parlement le gracie le 5 janvier 1463. La peine est commuée en dix ans de bannissement de la
ville, prévôté et vicomté de Paris. Après cette date, on perd la trace du poète.

De nombreux points restent fort obscurs à cette lecture : Sa filiation, son adoption, sa puissante immunité qui le
sauva toujours des situations les plus fâcheuses et plus simplement encore : de quoi vivait ce poète ?
Ce n’est pas dans ses écrits que nous trouverons les réponses à ces questions. Il ne faut pas non plus espérer y
trouver des noms, des faits et des circonstances historiques : Villon aurait voulu dépister les chercheurs
historiens, qu’il n’eut pas écrit autrement. On finit par ne plus savoir où l’on en est : Villon, Vaillant,
Montcorbier, des Loges, et Mouton même selon le nom qu’il se donna pour égarer les poursuites. C’est un esprit
fort, emprunt de révolte, mais aussi un clerc, et des plus lettrés, un penseur et un moraliste. Sa biographie semble
des plus fictives et rien de plus étrange que ce poète qui finirait par être le seul témoin de lui-même.
Pour finir, sa disparition : impromptue, parfaite, sans aucune traces. Bien étrange pour un historien, mais
tellement simple pour nous qui jouons à transposer le monde au travers du voile des ténèbres... Rien de plus
naturel pour nous d’envisager ce que fut réellement la vie de Villon, protégé d’une certaine Hélène, qui décida
par la suite de le dérober aux yeux de tous pour la postérité.

Quoi de plus déroutant en effet que cette vie, et que dire de ces textes du poète, qui laissent à réfléchir si l’on se
prend à les considérer d’un point de vue vampirique ?
Mort, j’appelle* de ta rigueur**, *je fais appel
Qui m’as ma maistresse ravie, **cruauté
Et n’es pas encore assouvie
Se tu ne me tiens en langueur :
Onc, puis* n’eus force ne vigueur ; *depuis
Mais que te nuiysoit elle en vie,
Mort ?

Deux estions et n’avions qu’un cuer ;


S’il est mort, force est que dévie*, *meure
Voire, ou que je vive sans vie
Comme les images* par cuer, *statues
Mort !

(le Testament – Rondeau)

Ou temps qu’Alixandre regna,


Un homs* nommé Diomèdes *homme
Devant luy on luy amena,
Engrilloné* poulces et des** *emmenotté **doigts
Comme un larron, car il fut des
Escumeurs que voions courir ;
Si fut mis devant ce cadès*, *capitaine
Pour estre jugié à mourir

(Le Testament - Ou temps qu’Alixandre...)

Et meure Pâris ou Hélène,


Quiconque meurt, meurt à douleur

(Le Testament – XL)

Ou soit* de Vienne et Grenobles *Que ce soit


Ly Dauphin, le preux, ly senez* *Le sage
[…]
Prince a mort sont tous destinez…

(Le Testament – Ballade en vieil langage francois)

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