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La notion de « Kafir » (infidèle/négateur -négation de Dieu) serait suffisante pour définir une

personne non musulmane, à l’exception des juifs et des chrétiens qui seront mis dans une matrice
« des gens du livre ». En tant qu’humain dans le contexte coranique qui part du principe que tout
être porte en lui le souffle de Dieu et donc mon voisin non musulman est déjà chargé de ce souffle.
Mais le fait qu’il ne le reconnaît pas comment faut-il le « cataloguer » ? Là on arrive sur la notion de
malentendu de l’appropriation des thermes.

En arabe « kafir » est étymologiquement lié « l’agriculteur » càd celui qui ouvre la terre, plante une
graine et referme la terre. Donc, le « Kafir » c’est quelqu’un qui couvre quelque chose en sachant
pertinemment que la réalité des choses renferme une graine.

Le « Kafir » va être exploité pour dire qu’il existait, à l’époque du prophète, une catégorie de
personnes qui étaient convaincues de la pertinence du message du prophète mais qui pour des
intérêts symboliques, économiques, politiques vont renier/cacher l’évidence de leurs convictions
pour combattre le prophète de l’Islam pour d’autres intérêts. Cette catégorie élitiste de personnes va
être considérée comme des «Kafir ». C’est donc une négation consciente du massage du prophète
de l’Islam. Mais ceci ne peut pas s’appliquer de manière générique à l’ensemble des non musulmans.

Catégorisation de l’espace :

 Bagdad et ses environs sont appelés « dar al Islâm » : l’espace de l’Islam – ce n’est pas là où il
y a une majorité de musulmans ou là où se pratique la religion. C’est une notion
éminemment politique, c’est là où s’applique l’autorité du calife. Autrement dit, les limites
de « dar al Islâm » c’est jusqu’où le calife peut aller pour lever l’impôts.
 L’espace au-delà de « dar al Islâm » et appelé « dar al kafir » : l’espace de la négation de Dieu
et on suppose que dans cet espace il y a des infidèles/des négateurs.

Ce sont donc des grilles de lecture pragmatiques/politiques et pas théologiques. Dans les tensions
contemporaines on est dans des logiques de binarités radicales, il y a le « eux », il y a le « nous ».

Si les Gens du Livre sont bien sûr des croyants en Dieu, en un ou plusieurs messagers de Dieu et en le
Jour dernier, la foi que Dieu agrée et au sens où le Coran l'entend ("îmân") demande qu'il y ait aussi
croyance en le message de Muhammad. C'est bien pourquoi le Coran, qui désigne l'absence de cette
foi voulue par le terme de "kufr", a employé ce terme pour désigner non seulement le fait de ne pas
être monothéiste, mais également pour le fait de ne pas croire à la fois en Dieu et en le message
envoyé par Son dernier messager (Coran 48/13) et de ne pas croire en chaque messager de Dieu
(Coran 4/150-151). Il a donc employé ce terme à propos des Polythéistes aussi bien que des Gens du
Livre : Coran 2/105 ; 98/6. De même, Dieu dit : "Si Dieu l’avait voulu, Il aurait fait de vous une seule
communauté, mais (Il ne l’a pas fait) afin de vous éprouver dans ce qu’Il vous a donné. Aussi, pressez-
vous vers les bonnes œuvres. Vers Dieu se fera votre retour à tous, et alors Il vous informera de ce en
quoi vous divergiez" (5/48). La diversité des messages venant de Dieu constitue une épreuve pour les
hommes, dans la mesure où il n'est pas toujours facile d'abandonner les traditions de ses pères pour
un plus récent message divin.

Cependant, on ne peut forcer personne à embrasser l'islam : "Pas de contrainte en religion" (Coran
2/256). De plus, le Coran demande aux musulmans d'agir en bien avec tous les non musulmans
(Coran 60/8), qu'ils soient Gens du Livre ou Polythéistes, ou autres.

"Les croyants, les juifs, les sabéens, les chrétiens, les zoroastriens et les polythéistes : Dieu tranchera
entre eux tous le Jour du Jugement. Dieu est certes Témoin de chaque chose" ( 22/ 17). "La vérité
émane de votre Seigneur ; celui qui veut, qu'il croie, et celui qui veut, qu'il ne croie pas." [Mais] Nous
avons préparé pour les injustes un feu..." (Coran 18/29)

En résumé : le musulman tolère, par rapport à ce monde, la pluralité de religions, mais sans renoncer
à être convaincu d'être sur la vérité, et sans renoncer à penser que dans l'au-delà cette vérité se
manifestera … Le Coran enseigne donc la liberté religieuse et le respect de l'autre sur le plan social,
aussi bien que, sur le plan théologique, le rappel de sa responsabilité et des conséquences – dans
l'autre vie – du choix qu'on aura fait dans cette vie-ci.

Lorsqu'ils étaient encore à la Mecque et que la guerre faisait rage en Asie Mineure entre les
Byzantins de Héraclius et les Perses de Khosrô II Parwîz, le Prophète et ses Compagnons souhaitaient
la victoire des Byzantins chrétiens sur les Perses adorateurs de feu, alors que les idolâtres mecquois
souhaitaient exactement l'inverse ; Ibn Abbâs précise que cela était dû au fait que les Perses étaient,
comme les Mecquois, polythéistes). Ibn Taymiyya développe comme suit: "Celui qui adhère à une
religion du Livre est plus proche de la vérité que celui qui est polythéiste. Et celui qui est polythéiste
est plus proche de la vérité que celui qui est athée . Nous avons déjà souligné le fait que lorsque les
Perses et les Byzantins se faisaient la guerre et que les Perses vainquirent les Byzantins, cela déplut
aux Compagnons du Prophète. Ceci car les chrétiens sont plus proches des croyances que Dieu agrée,
que les zoroastriens. Or les prophètes sont envoyés avec comme principe de donner préférence au
meilleur des deux biens possibles et au moins mauvais des deux maux inévitables".

En Occident, le public musulman, pris dans son ensemble, a à faire face à d'autres problèmes :
attaques intellectuelles de l'athéisme militant, mises en doute de l'existence même de Dieu et de
tout ce qui n'est pas visible, laïcisme militant, permissivité ambiante, manque de repères, sentiment
de vide dans sa vie, etc. Ici, c'est principalement par rapport à ces idées là que les responsables
musulmans doivent diriger leur attention. Nous musulmans sommes persuadés être sur la vérité.
Cependant nous n'avons pas le droit de contraindre quelqu'un à accepter l'islam : le choix de l'islam
ne peut être que personnel. Dès lors, n'avons-nous pas à faire comme les Compagnons du Prophète à
la Mecque, qui trouvaient les croyances des Byzantins plus proches des leurs que celles des Perses ?
Lequel des deux a des croyances plus proches de l'islam : le christianisme, même post-nicéen, ou
l'athéisme matérialiste ? Il est donc attendu que nous disions qu'en tant que musulmans, le fait
qu'une partie conséquente des populations d'Europe occidentale soit en train d'abandonner
graduellement le christianisme pour adopter l'agnosticisme ou l'athéisme, cela nous attriste.

Face au militantisme qui confond neutralité vis-à-vis des religions et volonté de faire disparaître
toute trace de religion, les musulmans doivent ne pas oublier les croyances communes qu'ils ont avec
les chrétiens. D'un autre côté, si les athées n'ont pas de croyances communes avec les musulmans,
s'ils sont humanistes, ils partagent des principes et des valeurs avec les musulmans. Face à une
dégradation des valeurs de la société et à un manque de repères éthiques, face à la problématique
de savoir élaborer un développement durable (alliant économie, social et écologie), les musulmans
peuvent et doivent apporter leur contribution pour le bien de la société.

Si, au niveau des croyances, le christianisme est plus proche de la foi musulmane que l'athéisme, il
arrive que certains polythéistes, voire même certains athées, soient plus proches, mais cette fois au
niveau des relations avec les musulmans, que certains chrétiens. Le fait est que certains d'entre ces
derniers sont malheureusement animés d'un véritable esprit de croisade – mot qu'ils ne se privent
d'ailleurs pas d'employer devant le monde entier, comme l'a fait un certain G. W. Bush –, tandis qu'il
existe des polythéistes qui n'ont aucun sentiment de haine particulier vis-à-vis de l'islam. Il est aussi
des athées qui n'ont rien contre l'islam.
Dans certains pays, il vaut d'ailleurs mieux, pour des musulmans, être voisins d'athées de ce genre –
qui considèrent l'islam comme un fait purement sociologique et anthropologique mais ont des
rapports humains amicaux avec les musulmans – que de gens affiliés à des groupuscules
fondamentalistes chrétiens, qui clament haut et fort que Muhammad était un Antéchrist et que
l'éradication de l'islam est la priorité absolue pour la réussite de leur religion, et dont le
comportement s'en fait ressentir.

Conclusion :

En tant que musulman vivant au sein d'une population majoritairement chrétienne, il est nécessaire
de ne pas se tromper dans la désignation des idées auxquelles on a à faire face. A l'instar des
Compagnons du Prophète à la Mecque, ils doivent raisonner en termes, d'une part, de proximité de
croyances et de valeurs, et, d'autre part, de plus grande amitié des uns et des autres à leur égard.

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