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Extraits de I'ofi.ce dujour

Vêpres du jeudi, apostiche ton 2 notre chair et les fruits abondants


La Croix dtr Seigneur pour ceux de nos âmes.
qui la vénèrent sans fléchir est le
frein à tout plaisir et une loi de Id., Théotokion
tempérance, çar contemplant Nous apprêtant à franchir Ie
sans cesse Celui qui y fut cloué, portail du Carême, nous te
ils crucifient leur chair aYec ses prions, toi la Porte de Dieu, ô
passions et ses convoitises; et Souveraine, de faire entrer avec
nous aussi, empressons-nous par toi tes serviteurs, d'élargir nos
un jeûne pur de nous unir le plus pensées et nos intelligences, afin
:S étroitement à Celui qui, par la que nous accomplissions Tês
:1 Passion, s'unit à nous dans Son préceptes divins.
a amour pour les hommes, nous
communiquant la nature de Sa Matines du vendredi, apostiche,
propre impassibilité, Lui qui a la ton 6
grande miséricorde. Avant la Croix salvatrice, alors que
le péché régnait et que I'impiété
1I Matines du vendredi, canon ton dominait, les hommes béatifiaient
1t 8, 1"" ode, 2" tropaire la nourriture du corps, et peu
Voici que la beauté du repentir méprisaient les appétits charnels,
transforme les âmes, à l'approche mais lorsque le mystère de Ia
a du Carême, allons à lui Croix fut accompli, la tyrannie
sobrement, fidèles, pour recevoir des démons s'est éteinte par ia
la rémission des péchés. connaissance de Dieu, et la vertu
céleste séjourne sur terre; aussi le
Id., 5" ode, l"'tropaire jeûne est honoré, la tempérance
Faisons de ce jour les prémices brille, la prière s'élève; en est
d'une vie de sobriété; témoin le temps présent qui nous
fidèles, préparons-nous avec est donné par ie Christ Dieu
empressement aux combats, en cruciûé pour le salut de nos âmes.
offrant au Maître les peines de

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LE GRAND CARÊME

Homélie
lilÉ

T
Hiéromoine Petronios fànase

La prière de saint Éphrem le Syrien (V)

La troisième partie de la prière de saint Éphrem : « Oui, Seigneur Roi, donne-


moi de voir mes péchés et de ne pas jugei mon frère... , esi la récapitulation
de ce que nous avons demandé dans la seconde partie de la prière, sous une
forme plus concise.
En fait, voir ses propres péchés est la marque de i'humilité, car l'humble
s'occupe p_rincipalement de ses propres péchés, et celui qui se préoccupe de son
salut a suffisamment à faire sur le champ de son âme. Ainsi, rrè pas .oÀd"-rr.t
son prochain est une marque d'amour, lequel « est patient, plein de bonté, ne
s'irrite point, ne soupçonne point le mal , (l Cor. XIII, 4).
Les deux grandes verrus qui se complètent et se parachèvenr mutuellemenr,
que saint Jean Climaque appelle u les saintes moitiés », sont Ia « charité
et l'humilité: la première élève, et la seconde, sourenanr ceux qui ont été
élevés, ne permer jamais qu'ils tombent , (LÉchelle,25,37). Avec ces verrus,
l'homme atteint la ressemblance avec le Christ, qui nous a aimés d'un amour
ineffable et s'est humiiié pour nous jusqu'à la mort.
Après la récitation de la prière, on fait douze grandes métanies, en disant
secrètement et en répétant trois fois les quatre versets suivantsl :

u Ô Dieu, sois apaisé envers moi, pécheur (Lc. XVIItr , 1.4). o ,,


u O f)ieu, purifie-moi, pécheur (cf. Psaume L, 4). u
u O f)ieu, qui m'as créé, sauve-rnoi. »
u J'ai péché sans nombre, Seigneur, pardonne-moi ! ,

. Le premier verser n'esr rien d'aurre que _la prière du Publicain gli, après
s'être tenu un peu en retrait, s'est frappé ia poitrine en disant: u-ô Di.tr,
sois apaisé envers moi qui suis un pécheur!» (Lc. XVIII, 13). C'est une
supplication_ pleine de repentir, qui a élevé l'humble Publicain à un degré
incomparablement plus élevé que l'orgueilleux Pharisien. Elle l'a élevé, paice
qu'il reconnaissait ses péchés, s'humiliait er n'osair demander à Dieu quoi que
ce fût, si ce n'esr la miséricorde. Ainsi, selon ia parole du Seigneuq cèlui qul
s'abaissa fut élevé (Lc. XMII, 14).
Dans le deuxième verser, nous discernons clairement la prière du lépreux
qui, voyant Jésus, tomba à Ses pieds sur le sol et le supplia, Lui disant:
1. cet usagc,esr propre à lapratique roumaine. Dans l'Église grecque ou russe, on dir: .. ô Di"u,
PUflne-mol, Pecneur I »

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VENDREDI DE LA SEMAINE DES iAITAGES

« Seigneur, siTir yeux, Tir pegx me purifier, (Lc. V ï2). Le péché n'est pas
seulement une. transgression du commandement, mais une impureté, raiion r<-'
pour laquelle le Diable est_ appelé impur. Donc, le péché .rt Lrr. lèpre qui
s'empare complètement de l'homme. Auprès de qui .êl,ri-.i peut-il aciourii si
ce n'est auprès du Médecin et Guérisseui de touie maladie i o seigneur, si Tu
l.: u.g,JLp.r" me rendre purl», etJésus répondit: nJe le veu{ sois pur,
(LucV 13).
Le troisième yerset nous rappelle la prière du psalmiste: u Tes mains m'ont
fait et façonné. . . Je T'appartiens, sauvè-moi , (Ps. cxyIII, yersers 73 et 94).
C'est. la vérité, je reconnais que je suis pécheur, pénétré, couverr, de la lèpre
du péché, mais je n'ai pas tendu les mains vers dei dieux étrangers, je n'ouËlie
pas que je suis la création du Dieu véritable er j'accours veis Toi qui m'as
créé et qui peux_me sauver: uTir es notre Dieu et nous sommesTon peuple
et sommes tous l'ouyrage de Tês mains ,; n En dehors de Toi, je n en cànnais
pas d'autre »; « Je suis à Toi, sauve-moi, Toi qui m'as créé, mon Dieu, sauve-
moi!»
ya encore plus loin: non seulement, j'ai
.T,e.quatrième et dernier verset
péché, mais mes péchés sont sans nombre: u Aucun des vivants n'est juste
deyant Toi, (Ps. CXLII), dit le psalmiste, tandis que les Pères affirÂent
que si l'homme ne_ vit ne serait-cè qu'une heure sui terre, il pèche. Toute
notre vie est une chaîne ininterrompue de péchés et de transgressions des
commandements divins. Pour cette raison, lè Sauveur, parmi lés demandes
spirituelles absolument nécessaires, nous enseigne à demander le pardon de
nos. péchés. u Et pardonne-nous nos péchés. , Demandons le pàrdon des
péchés comme nous demandons le pain de chaque jour, car nous en ayons
besoin, comme nous a..ons besoin de pain. c'est pouiquoi les Pères du désert
nous enseignent que le seul mor que nous avons à dirJest: n Pardon ! , Nous
demandons.pardon, mais après avôir pardonné le prochain et avec la pénitence
du Fils Prodigue.
nJ'ai péché conrre le ciel er conrreToi; j'ai péché d'innombrables fois et
je regrette, Seigneur, de T'avoir mis en colère; ie me repens et ie Tê demande
de me pardonner; j'ai péché d'innombrables fois, Seigneur, paidonne-moi ! ,
__
Nous observons que ces quatre versets sont pénétiés de âeu* sentiments:
d'une part l'oppression de la conscience poui les péchés commis: je suis
pécherrr, souillé, je suis tombé d'innombrables fois; d'"ut.e part, la .oÉfir.r..
dans la miséricorde et l'amour de Dieu pour les hommes: àie pitié de moi,
purifie-moi, pardonne-moi I Ce sont lei deux états de l'âme, ^la crainte et
l'espoir, qui selon les saints Pères doivent touiours accompagner l'homme â'
sur la voie du salut, sans se laisser saisir par l'inquiétude, ni ierdr. l:espoir,
mais en joignant toujours la crainte à l'espoir (saint Pierre Damascènel). ces
l. Le starets athonite Païssios disait que l'homme est.en bonne surté spirituellement lorsqu'il est
conscient de ses péchés, mais espère néarimoins en la miséricorde de Dieu.'

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LE GRAND CARÊME

sentiments élevèrent spirituellement le Publicain, ramenèrenr le Fils Prodigue


à la maison paterneile et ouvrirenr au larron le Paradis.
Nous répétons trois fois chacun de ces versets, car nous les adressons au
Dieu Tlinité. Au Père, qui nous a créés, au Fils, qui nous a accordé le pardon
par Sa mort volontaire sur la Croix, et au Saint-Esprit, qui nous p.riifi. d.
toute souillure. Elles sont dites trois fois aussi pour exprimer la sta6ilité et la
détermination des trois puissances de l'âme, c'est-à-dire la raison, Ie désir et la
-'colère, sur ia route de la pénitence.
Chacun dit ces versets pour iui-même, car la pénitence et le redressemenr
sont cles cruvres personnelles, individuelles, qui se produisent en secrer
dans le ccrur de chacun. Après ces douze métaÀies, le-prêtre, comrne pour
les sceller, ânnonce encore une fois la troisième pariie de la prière èt la
conclut par une métanie jusqu'à terre.
Si nous jetons mainrenanr un regard sur l'ordo de la prière de saint Éphrem,
que remarquons-nous ? En premier lieu, nous avons deyant nos yeux le type
de l'homme corrompu par les quatre passions er nous prions Dieu de nous è.,
libérer. Ensuite, nous voyons l'image de l'homme régénéré par les quarre vertus
et nous demandons à Dieu de nous les accorder, afin d'avancer sur cette voie.
Après cela, nous persistons dans la prière silencieuse, nous humilianr pour nos
faiblesses et nos péchés, dans une grande espérance dans la puissance et l'aide
de Dieu. Tous ces sentiments, nous ies accompagnons avec la pénitence et les
métanies. Que veut donc manifester rout cet ordre de prière ?
La pénitence corporelle, l'inclinaison de la tête jusqu'au sol, est le signe
visible de la pénitence; par la participation du corps, nous confesso.rt .rôr.
chute dans le péché, l'état dans lequel nous nous trouvons. En nous relevanr,
nous montrons notre aspir:ation à être libérés du péché, er au renouyellement
de notre âme. Mais le mot metanoia signifie, dans son acceprion originale, la
transformation, ie changement de l'intellect, le labeur de la transformation
de l'homme pécheur en l'homme nouyeau et spirituel qui s'accomplit par Ia
pénitence.
En conséquelce, quelle chose merveiileuse contienr cette pratique de la
prière de saint Ephrem accompagnée de métanies: ce que nous disons avec
Ia bouche dans la prière, nous le faisons simultanémenr avec le corps. Nous
reconnaissons notre état de pécheurs et nous nous penchons humblement
vers le sol, mais nous nous redressons immédiatement, montrant notre ferme
souhait de nous corriger rapidement.
Il y a ici quelque chose de plus qu'une prière, c'esr le labeur même de la
pénitence qui transforme et régénère l'homme. C'est une transformarion réelle,
qui nous transporte âvec notre intellect à la transformation eucharistique des
Saints Dons sur le saint Autel, c'esr i'eucharisde de la pénitence de l'hômme.
Car, de même que dans la liturgie, par l'invocation de l'Esprit-Saint par le
prêtre, le pain et le vin sont transformés en corps et sang du Seigneur, de

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VENDREDI DE LA SEMAINE DES LAITAGES
i

même façon exacremenr ici, par la prière du prêtre qui demande les dons du
saint-Esprit - les quatre esprits men-tionnés dàns Ia piiè.. l'homme pécheur
-
se transforme en un hommè spirituel, la prière de saint Éphrem étant ltpiclèse
de cette liturgie de la pénitence. Et de'même que l'épiclèse de l'EucËaristie
est la prière que Dieu accomplit immédiatemerrt, ti"nsformanr les Dons
offerts, la prière de la pénitenct, adressée à Dieu avec humilité, repentir er
foi, est enrendue er accomplie immédiarement. c'est ce que l'Éurrgil. ,,o,rs
confirme. Le Publicain qui ioupirait du fond de son âme ô Dieu I puîifie-moi
"
pécheur ! , fut justifié immédiâtement. Le larron sur la Croix cria: « Souviens-
Toi denoi Seigneur ! » er il entendit immédiatemenr: u Aujourd'hui ru seras
avec Moi dans le Paradis , (Luc )COII, 43).

- Voici donc que les combats du saint et Grand Carême consriruent la litursie- *"
de la pénitence durant laquelle.nous offrons en sacrifice norre être
-e-.,-qi.*
Dieu^reçoit, guérit et spiritualise. Toutefois, la renaissance de l'homrne,'sa
üansformation, ne p.."":"1 se produire en une fois, mais graduellement, peu à
peu, et la liturgie de la pénitenèe se répète de nombreur.Jfoi, dans la jo-r-rlnée,
et chaque fois constitué un pas vers la plénitude de la grâce divine, uné marche
encore vers la perfection.
. si la liturgie eucharistique esr l'expression de I'amour de Dieu envers les
hommes, la liturgie de la pêniten.. .ri l, réponse de l'homme à l'amour d,ivin,
en remettant toute sa personne entre les mains de Dieu, avec pleine confiance
et humilité. Ce n'est pas ici une simple similitude. Lexistence et la réalité de
la litrJrg.ie de 1a pénir-ence sonr témo1gnées par Ia Tiadition lirurgique même
de l'F8lise. c'est un fait connu q,r., rilon Itordo de l'Église orthidt*e, d..r*
liturgies ne peuvent être céIébréeile même iour sur le m§*. autel. Aussi. îous j-- -
.r9y?ns que,to.us les. jours_du saint carêmé, lorsqu'on accomplit l'office
de la
pénitencg liturgie eucharistique n'est pas célébrée. La liiurgie des Dons
.la
présanctifié,s, comme on le sair, n-est pas une liturgie dans sa pl.üe acceprion,
mais un office destiné à recevoir la Càmmunion. -
La conclusion de la prière. de.saint Éphrem, avec ses demandes les plus élevées
pour la.perfectio.n spirituelle, l'humiiité et l'amou! a encore quelque chose à
nous dire:_ que l'homme, même s'il s'esr purifié du péché .i ,'.i, régénéré
par la pénitence' ne resre pas sur place, mais croît dà plus en plus,
;ïrqJn
atteindre la mesure de I'homme parFrit dans le ChristJésus. La pénitenc. r,àu,
ouvre la voie infinie de la déifica1ion.

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