LUNDI 25 MARS 2024
LES ECHOS START Numérique Bousculés par l’IA, les experts-
LE DÉFI DE SE FORMER TOUTE LA VIE
Les coups
de poker
de Patrick
Drahi
l Le propriétaire de SFR tord
le bras des créanciers d’Altice.
l Enquête : les coulisses de la
vente de BFM à Rodolphe Saadé.
// PAGES 15 ET 23
Lionel Préau / Riva Press
Malgré le
soutien de l’Etat,
l’inquiétude
SUR
monte chez
les industriels
INDUSTRIE Le salon Global Indus-
DOMINIQUE SEUX tries s’ouvre ce lundi à Villepinte.
DANS ’ÉDITO ÉCO Les industriels s’inquiètent d’un
À 7H45 éventuel affaiblissement du sou-
DU LUNDI AU VENDREDI tien de l’Etat à l’heure de la lutte
contre le déficit public. Eux doivent
lancer de coûteux investissements
pour décarboner leurs activités.
M 00104 -325 - F:3,60 Face aux incertitudes des prix de
l’électricité, aux difficultés pour
trouver des terrains et aux lour-
deurs administratives, ils hésitent.
Le ministre délégué à l’Industrie et
à l’Energie, Roland Lescure, dans
ISSN0153.4831
NUMÉRO 24177
116e ANNÉE
40 PAGES une interview aux « Echos », réaf-
Antilles-Réunion 4,70 €. Belgique 4,20 €. firme la promesse présidentielle
Espagne 5,10 €. Luxembourg 4,40 €. du doublement de l’enveloppe
Maroc 44 DH. Suisse 6,60 FS. Tunisie 9,8 TND. accordée à la décarbonation de
l’industrie. Mais, prévient-il, « c’est
du donnant-donnant ». // PAGE 18
comptables misent sur la formation
Bourse :
l’incroyable
envolée de Wall
Street affole
les investisseurs
MARCHÉS Wall Street vole de
record en record depuis le début de
l’année, porté par les promesses
d’assouplissement monétaire de la
Réserve fédérale. Mais cette ascen-
sion est-elle bien justifiée ? La flam-
bée des valeurs de l’intelligence
artificielle, en particulier, suscite
de vives inquiétudes. Outre les ris-
ques de déception sur la croissance
du secteur, la surprenante résis-
tance de la première économie
mondiale risque de faire repartir
l’inflation et compromettre les
baisses de taux. En attendant, les
marchés européens profitent de
ces questionnements et font aussi
bien, voire mieux, que Wall Street
depuis le début du mois. // PAGE
28 ET « CRIBLE » PAGE 40
// P. 26
Attentat de Moscou :
Poutine veut
mobiliser les Russes
EUROPE Depuis l’attentat de ven-
dredi soir, le plus meurtrier en
Russie depuis vingt ans, le
Kremlin déroule un narratif des-
tiné à mobiliser l’opinion publi-
que. L’Etat islamique, qui a pour-
tant revendiqué l’attaque, n’est pas
mentionné par Vladimir Poutine
ni par les réseaux d’information
au service du pouvoir. Et l’Ukraine
est accusée à demi-mot. L’attentat
risque de justifier un nouveau dur-
cissement du régime : les autorités
pourraient en profiter pour ren-
forcer les lois contre le terrorisme
et sur les libertés civiles. Plusieurs
figures du pouvoir ont déjà multi-
Maxim Shemetov/Reuters
plié les appels au retour de la peine
de mort pour les « terroristes ».
// PAGES 8-9 ET L’ÉDITORIAL
DE LUCIE ROBEQUAIN PAGE 16
Hommage aux victimes
près de Moscou, dimanche.
analyses
Les nouveaux seigneurs
de Wall Street
Par François Vidal Israël, entre solitude
En Bourse, Blackstone vaut à et auto-isolement
présent plus que Goldman Sachs par Dominique Moïsi
ou Morgan Stanley, les deux icô-
nes de Wall Street. Les grandes Travailler avec l’IA
banques de la place, à l’exception
de Citigroup, pèsent toujours générative
plus lourd sur les marchés, mais par Jean-Emmanuel Ray
les nouveaux seigneurs de Wall
Street sont bien les 250 « part-
ners » de cette entreprise sym- La Lune, sanctuaire
bole de l’irrésistible ascension de l’humanité
d’une nouvelle catégorie d’ac- par Yann Verdo
teurs sur la planète finance : les
plateformes de gestion alterna-
tive. Cette finance de l’ombre, Le pouvoir de la
relativement récente, a réussi en stratégie des alliées
quelques années à perturber des
institutions prestigieuses vieilles par Marie Eloy
de plus d’un siècle. // PAGE 11 // PAGES 11 À 14
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FRANCE
Depuis le congrès du Modem, Bayrou
appelle à ne « pas casser la croissance »
l Réélu ce week-end président du Mouvement démocrate, le maire de Pau a admis dimanche une évolution
de sa part sur le sujet de la dette et des finances publiques.
l Au-delà du projet européen, il a remis sur le devant de la scène certaines de ses priorités.
POLITIQUE
Isabelle Ficek
— Envoyée spéciale à Blois
D u r a n t t o u t c e we e k - e n d a u
congrès du Modem à Blois, où Fran-
çois Bayrou, seul candidat, a été
réélu pour trois ans président du
Mouvement démocrate, toutes les
personnalités de la majorité qui se
sont succédé à la tribune ont affiché
leur unité s’agissant de l’Europe et
de la campagne des élections euro-
péennes qui s’ouvre.
Du président du Modem lui-
même en passant par le Premier
ministre Gabriel Attal samedi, la
tête de liste de la majorité présiden-
tielle, Valérie Hayer, le président de
l’UDI, Hervé Marseille – dont le
parti a voté ce week-end l’alliance
avec la majorité pour le scrutin du
9 juin –, ou encore le secrétaire
général de Renaissance et ministre
des Affaires étrangères, Stéphane
Séjourné, tous ont vanté « les pas de
géants de l’Europe depuis le discours
d e l a S o rb o n n e d ’ E m m a n u e l
Macron ». Ils ont aussi réaffirmé le
soutien à l’Ukraine et fustigé les
positions de LFI et du RN sur le
sujet. « Un combat vital, du droit
contre la force », a prévenu François
Bayrou dimanche.
Alerte sur les remèdes
Voilà pour l’image d’unité sur
l’Europe qui, en dépit des tensions
inévitables autour de la liste ou de la
stratégie de campagne, reste un
ciment pour la majorité. Mais à
l’ouverture de ce congrès, François
Bayrou avait aussi prévenu que le
« but » est de « porter un projet
d’espoir » pour les Français. Diman-
che, celui qui n’a renoncé à aucune
ambition, a donc tenu à réaffirmer
quelques-unes de ses priorités.
« Ce que je vais défendre à cette tri-
bune n’est pas exactement ce que j’ai
défendu pendant des décennies », a
lancé celui qui avait « mis la dette au
cœur du débat du pays ». Et François
Bayrou d’assurer que la situation
Pour les européennes, LR fait le pari du bilan
Le premier grand rassem-
blement de la droite pour
le scrutin de juin avait lieu
aux Docks de Paris, samedi.
Jacques Paugam
Les Républicains, combien de divi-
sions ? Le premier grand rassem-
blement de campagne du parti
avait lieu samedi aux Docks de
Paris, à Aubervilliers. L’occasion
de se compter pour les quelque
3.500 militants venus soutenir leur
tête de liste aux élections européen-
nes, l’eurodéputé François-Xavier
Bellamy. La marche est haute pour
une droite qui se rêve en surprise du
scrutin de juin, marchepied de ses
ambitions présidentielles.
Au premier rang, Laurent Wau-
quiez et Xavier Bertrand, déjà plus
ou moins candidats, ont pris soin
d’applaudir le discours de « FXB »,
comme l’appellent ses soutiens.
Sans pour autant prendre la parole.
Dans l’incertitude, les caciques du
parti affichent un enthousiasme
prudent pour celui qui était déjà
tête de liste en 2019 et dont les posi-
tions conservatrices ne font pas
l’unanimité à droite.
« Il gagne à être connu. Il suffit
qu’il soit comme il est dans son tra-
actuelle des finances publiques
s’explique entre autres par les
« deux secousses » qu’ont été le
Covid et la guerre en Ukraine avec
ses conséquences notamment sur
les prix de l’énergie. Il a aussi souli-
gné la politique d’investissements
massifs menée aux Etats-Unis avec
l’Inflation Reduction Act (IRA).
« Il est vital que nous ne cassions
pas la croissance brutalement
aujourd’hui », a donc mis en garde
le Haut-commissaire au Plan.
« Il faut réfléchir à une nouvelle
étape de politique économique, le
moment n’est pas de casser la crois-
sance, de se trouver dans des déséqui-
libres nouveaux. On a besoin de
reconstruire, ça se fait par la crois-
sance, et la croissance doit être le pre-
mier but des finances publiques
aujourd’hui et donc priorité à l’inves-
tissement, à l’activité, à l’allègement
des normes, à la simplification »,
a-t-il continué. « Il est très interroga-
tif du passage brutal du “quoi qu’il en
coûte” à la rigueur », décrypte un
proche. Voilà qui promet de nom-
breux débats, après le premier plan
d’économies de 10 milliards, sur les
nouveaux efforts à venir.
Revenus du capital
Et si le président du Modem n’a pas,
dimanche, soulevé le débat fiscal
qui n’a de cesse de monter dans la
majorité – pas la peine d’ajouter de
la tension dans un moment qui
« On a besoin
de reconstruire,
ça se fait par
la croissance,
et la croissance
doit être le premier
but des finances
publiques
aujourd’hui. »
FRANÇOIS BAYROU
Président du Modem
vail d’eurodéputé », espère un cadre
de la campagne LR, où l’on mise sur
les débats télévisés.
S’il ne décroche pas dans les
intentions de vote – il est crédité de 7
à 8 % des voix – François-Xavier Bel-
lamy doit encore se frayer un
passage dans le duel qui
oppose la majorité prési-
ÉL
dentielle à son adver-
saire désigné : le RN. En
EU
cas de défaite, si LR R O2024
devait passer sous la
barre des 5 % ou échouer à
égaler son score de 2019
(8,4 %), la possibilité de présenter
un candidat à la prochaine prési-
dentielle serait compromise.
Pour éviter l’effet d’un vote utile
qui forcerait leur électorat à choisir
entre Renaissance et l’extrême
droite, Les Républicains parient
avant tout sur leur bilan. Dans un
entretien au « Parisien », vendredi,
François-Xavier Bellamy a pris soin
de vanter son travail à la tête de la
délégation LR : « Nous siégeons dans
le premier groupe politique, ce qui
nous donne accès à des leviers essen-
tiels pour obtenir que l’Europe
change de cap et prenne enfin la
bonne direction », a-t-il défendu,
oubliant au passage que LR ne
compte que 8 eurodéputés.
A Blois ce week-end, François Bayrou a proposé un référendum sur la proportionnelle pour les législatives. Photo AFP
s’annonce très difficile – certains de
ses lieutenants travaillent à la ques-
tion des recettes. C’est le cas du pré-
sident du groupe Modem à l’Assem-
blée, Jean-Paul Mattei. « On
demande beaucoup aux revenus du
travail, et on n’a rien demandé aux
revenus du capital depuis 2017 »,
expliquait-il ce week-end dans les
allées du congrès, proposant de
relever la « flat tax » (le prélèvement
forfaitaire unique sur les revenus du
capital), par exemple de 3 %. « Il faut
être ouvert sur tout. Oui, il faut dépen-
ser moins mais il faut aussi regarder
si toutes nos recettes sont bien cali-
brées », poursuit celui qui espère
lancer « les dialogues de l’Assemblée
nationale » pour faire travailler tou-
tes les forces politiques du Palais-
Candidats pour la première fois,
l’agricultrice Céline Imart et le géné-
ral Christophe Gomart – respective-
ment deuxième et troisième de
liste – se sont succédé à la tribune
pour dresser le portrait d’une droite
attachée à la défense des in-
térêts français face à la
ECTION technocratie euro-
péenne. Sans épargner
S
au passage Emmanuel
S
Macron, dépeint en
NE
PÉEN fédéraliste. « Il ne suffit
pas d’envoyer son Premier
ministre derrière une botte de
foin pour apaiser les agriculteurs », a
tancé la première, sous des applau-
dissements. De son côté, Christophe
Gomart s’en est pris « aux communi-
cants qui ne savent faire la guerre
qu’avec des mots et des photos » alors
que les positions diplomatiques pri-
ses par l’Elysée ont été vivement cri-
tiquées à droite.
« Où était le RN ? »
Car la droite ambitionne toujours
de succéder à Emmanuel Macron.
Pour capter cet électorat déçu, elle
ne recule pas devant la nationalisa-
tion du scrutin et va jusqu’à évoquer
les finances publiques. « M. Macron
sera bientôt l’homme qui vaudra
mille milliards de dette », s’est
Bourbon autour des solutions à
apporter pour réduire le déficit.
Signe que François Bayrou,
après son mauvais début d’année
autour des tensions sur le remanie-
ment, est remonté sur son cheval, il
a repris son combat, ancien, sur la
proportionnelle pour les législati-
ves et même proposé que les Fran-
çais se prononcent sur le sujet. Via
un référendum donc. Présente
dimanche, la présidente de l’Assem-
blée nationale, Yaël Braun-Pivet,
pousse elle aussi une dose de pro-
portionnelle, mais un peu différente
de ce qu’avance le Modem. « Une
fenêtre s’est ouverte, nous allons trou-
ver une résolution à ce sujet vital pour
la démocratie française », a estimé le
président du Modem. n
exclamé Eric Ciotti sur scène en se
présentant comme le seul parti de
gouvernement, bien qu’éloigné du
pouvoir depuis plus de dix ans. Le
patron de LR est conscient de faire
face à deux adversaires : « N’égarez
pas non plus votre vote vers le RN, ils
accentueraient le chaos budgétaire »
a-t-il prévenu.
Les Républicains ciblent davan-
tage les électeurs macronistes, mais
ils n’en sont pas moins conscients
de l’attrait qu’exerce la jeune tête de
liste RN, Jordan Bardella, sur leur
socle électoral. « Où était le RN
quand nous défendions l’agence
Frontex », a interrogé François-Xa-
vier Bellamy devant les militants,
après que Fabrice Leggeri, l’ancien
patron de l’agence, a rejoint la liste
du RN. « En réalité, la victoire du RN
ne sert que le statut quo », avance-
t-il, alors que les votes au Parlement
européen révèlent une disparité
entre le travail en commission de
Jordan Bardella et sa présence, plus
fréquente, en séance plénière.
« Entre Bardella et Bellamy, il y en
a un qui réfléchit et l’autre qui fait des
selfies », cingle Othman Nassrou, le
directeur de campagne, qui résume
ce qui tient lieu de stratégie à la
droite : « La défense du bilan pour
devenir le vrai vote utile. » n
Lundi 25 mars 2024 Les Echos
Comment retrouver
le sourire politique ?
Avec les JO notamment, Macron espérait renouer
avec l’optimisme qui faisait sa marque. La situation
catastrophique des comptes publics l’en empêche.
LE FAIT
DU JOUR
POLITIQUE
de Cécile
Cornudet
a magie du porte-à-
L porte ! » s’amuse Gabriel
Attal. Ce week-end n’est
pas perdu, il a une vidéo qui fait
sourire à poster sur les réseaux
sociaux. Lors d’une opération
porte-à-porte pour les élections
européennes à Issy-les-
Moulineaux, un papa lui a
ouvert déguisé en père Fouras
pour l’anniversaire de son
enfant. Des caméras étaient là :
la scène a pu commencer son
aventure virale. On met comme
on peut un peu de soleil dans
la vie politique.
Il n’est pas toujours recherché
bien sûr. Lorsqu’Emmanuel
Macron choisit d’appeler
la population au « sursaut » sur
les intentions russes et d’en faire
un argument de campagne
contre le Rassemblement
national, il sait qu’il inquiète et
qu’il clive, et c’est fait pour cela.
Mais le sujet posé, il pouvait
passer à d’autres, plus positifs,
espérait-il, a fortiori sur
l’Europe qui a contribué à faire
du macronisme le synonyme
d’un certain optimisme.
Las, les siens s’inquiètent de voir
combien le sourire menace
de changer de camp. Jordan
Bardella en a fait un objet
duplicable sur selfies, sans
grand-chose derrière,
mécanique aussi, mais
parfaitement délibéré.
Gommer son discours
des aspects les plus anxiogènes,
02
montrer le visage confiant
de celui qui s’approche
du pouvoir, il tente de récupérer
le mistigri de l’espoir.
En face, le camp du président
se désespère de renouer avec un
message positif. Début janvier
avait démarré sur les notes
joyeuses de la « régénération
politique », dixit l’Elysée
(nomination de Gabriel Attal
à Matignon) et de la surprise
(de Rachida Dati à la Culture).
Mais depuis, les difficultés
s’enchaînent. Les mouvements
sont lestés, nulle légèreté.
Le coup de bambou budgétaire
que l’Insee va confirmer mardi
y contribue plus que nul autre.
L’argent, ce moyen (trop) utilisé
pour mettre de la vie dans
un moment politique, a fortiori
en campagne électorale,
n’existe plus. Au contraire,
il faut couper, serrer, anticiper
une dégradation de la note et se
préparer à d’inévitables
affrontements politiques
sur les hausses impôts.
Il faut repenser une équation
économique qui faisait la fierté
macronienne : attractivité,
croissance, réindustrialisation,
baisse du chômage. Comment
faire désormais pour couper
dans les dépenses sans
« casser la croissance » ?
François Bayrou pose le débat.
Il y a le projet européen, direz-
Dessins Kim Roselier pour « Les Echos »
vous, pour renouer avec
le sourire. Mais il n’est pas
encore prêt. Il y a les JO, surtout.
Sauf quand un attentat
terroriste à Moscou réveille
le spectre du terrorisme dit
« projeté » auquel la France
ne croyait plus. Comment
le sourire influe sur un vote ?
C’est l’un des sujets du 9 juin.
ccornudet@lesechos.fr
03 Les Echos Lundi 25 mars 2024
Plan eau : un premier bilan
en demi-teinte pour l’exécutif
l Des travaux ont été engagés sur des fuites dans les réseaux d’eau potable.
l Mais les promesses sur la qualité ou sur les nouveaux moyens financiers
pour les agences de l’eau tardent à se matérialiser.
ENVIRONNEMENT
Anne Feitz
La gestion de l’eau s’est-elle amélio-
rée depuis l’annonce en grande
pompe par Emmanuel Macron
d’un vaste plan antisécheresse, fin
mars 2023 ? Même si le gouverne-
ment se targue d’avoir engagé
« 100 % des 53 mesures annoncées »
(dont 14 effectivement mises en
œuvre), le bilan global, un an plus
tard, reste mitigé. Annoncé dans la
foulée de la sécheresse de l’été 2022,
qui avait brutalement rappelé que
l’eau est une ressource précieuse, ce
plan visait à inciter aux économies
(–10 % de consommation d’ici
à 2030), à optimiser son utilisation
en réduisant les fuites, par exemple,
mais aussi à améliorer la qualité de
l’eau en s’attaquant aux pollutions.
En déplacement en Meurthe-et-
Moselle pour présenter la liste pro-
mise des 50 sites industriels enga-
gés dans des plans d’économies, le
ministre de la Transition écologi-
que, Christophe Béchu, s’est félicité
de plusieurs avancées notables.
Concernant les fuites, 93 des
171 « points noirs » (identifiés l’an
dernier pour leur taux de perte
supérieur à 50 %) ont fait l’objet de
travaux, pour 125 millions d’euros
Réutilisation des eaux
usées : la France rattrape
une partie de son retard
Un an après le lancement
du plan eau, les program-
mes de réutilisation des
eaux usées se multiplient.
L’objectif des 1.000 projets
développés sur le territoire
à horizon à 2027 paraît déjà
à portée de main.
Christophe Palierse
Longtemps à la traîne, avec moins
de 1 % de sa consommation d’eau
couverte par la réutilisation des
eaux usées contre 15 % en Espagne
voire 90 % en Israël, la France a
accéléré le pas. A tel point que
l’objectif des 1.000 projets dévelop-
pés sur le territoire à horizon 2027,
fixé l’an dernier dans le cadre du
plan eau, paraît à portée de main.
Faisant le point « un an après » le
lancement dudit plan, le ministre
de la Transition écologique et de la
Cohésion des territoires de France,
Christophe Béchu, a en effet indi-
qué vendredi que 700 projets sont
désormais « effectifs ou en cours »,
alors que, a-t-il rappelé, seulement
33 stations d’épuration étaient, un
an auparavant, équipées de ma-
nière à pouvoir retraiter suffisam-
ment les eaux usées pour les réutili-
ser à des fins diverses au lieu de les
rejeter dans la nature. Un chiffre à
mesurer à l’aune des quelque
23.000 stations françaises.
Mobilisation
des opérateurs
Ces 700 projets à date témoignent
tout à la fois de la mobilisation des
collectivités locales, pour lesquelles
la réutilisation des eaux usées trai-
tées (REUT) est devenue précieuse
pour les usages du quotidien – net-
toyage des voiries, des espaces verts
ou le curage des canalisations –, que
des entreprises pour lesquelles les
applications sont potentiellement
encore plus nombreuses.
L’organisation professionnelle
FP2E dénombre ainsi 300projets de
FRANCE
dont 59 millions d’aides accordées tement eau à la Fédération natio- « Par ailleurs plusieurs autres pro-
par les agences de l’eau. Le plan nale des collectivités concédantes grammes financiers ont été amputés,
avait prévu de débloquer pour cela et régies (FNCCR). au détriment des agences de l’eau »,
180 millions d’euros. Les projets de dénonce Régis Taisne. La colère
réutilisation des eaux usées se sont Agriculteurs exemptés des agriculteurs et le creusement
aussi multipliés : le ministre a évo- Surtout, les moyens supplémentai- du déficit public ont eu raison
qué « plus de 700 projets en service res promis pour les agences de l’eau des ambitions sur l’eau, en tout cas
ou à l’étude », pour un objectif semblent également se dégonfler. pour l’instant.
de 1.000 en 2027, grâce à la parution Emmanuel Macron avait évoqué Enfin le débat sur les bassines n’a
de plusieurs décrets en ce sens. une enveloppe de 475 millions pas été réellement tranché. Il faut
d’euros, qui devaient notamment regarder « projet par projet » pour
La réduction des pollutions provenir d’une meilleure réparti- identifier « ceux sur lesquels il y a
mise sur pause tion des redevances entre usagers. matière à accélérer et ceux sur les-
Mais d’autres mesures annoncées, Alors que le projet de loi de finances quels il peut y avoir des débats », a
comme la généralisation de la tarifi- pour 2024 avait prévu de ponc- estimé Christophe Béchu vendredi,
cation progressive, ont fait flop. tionner davantage les industriels alors que les Soulèvements de la
Publié fin novembre, le rapport (pour 120 millions) et les agricul- Terre appelaient à de nouvelles
promis du Conseil économique teurs (pour 47 millions), le gou- manifestations à Sainte-Soline Annoncé dans la foulée de la sécheresse de l’été 2022, le plan eau
social et environnemental sur le vernement a finalement accepté (Deux-Sèvres), théâtre de violents vise notamment à inciter aux économies, avec pour objectif –10 %
sujet a conclu que les conditions d’exempter les agriculteurs. affrontements il y a un an. n de consommation d’ici à 2030. Photo Shutterstock
d’une telle généralisation n’étaient
pas réunies. Les grandes promesses
sur la réduction des pollutions ont
aussi été mises sur pause. « Ce sera le
sujet de l’année qui vient, nous avons
des marges d’amélioration dans ce
domaine », a reconnu Christophe
Béchu.
Le plan prévoyait notamment
une protection accrue des aires de
captage, en y réduisant par exemple
l’utilisation des pesticides. « Nous
craignons que les mesures corres-
pondantes prévues dans le plan Eco-
phyto n’y soient pas maintenues »,
avance Régis Taisne, chef du dépar-
REUT pour les seules collectivités
locales, contre une centaine à
l’été 2023. « Il y a eu une accélération
avec la conjugaison de l’impact de la
sécheresse inédite de 2022 et du plan
eau », constate sa déléguée géné-
rale, Aurélie Colas. Et de saluer, à
l’instar de l’ensemble des acteurs de
l’eau, « une évolution du cadre régle-
mentaire qui va dans le bon sens ».
Conformément aux promesses du
plan eau, un décret cadre d’août
2023 a notamment permis de sup-
primer la limitation à cinq ans de la
durée des autorisations, ce qui était,
rappelle Aurélie Colas, « un vrai
frein aux demandes ». Ce décret a été
complété, à la fin de l’année der-
nière, par deux arrêtés, l’un sur
l’irrigation, l’autre sur les espaces
verts, un troisième étant attendu à
propos des voiries et du curage. Par
ailleurs, un décret visant à dévelop-
per la réutilisation des eaux usées
dans le secteur alimentaire a été
publié en janvier.
La mise en place du nouveau
cadre réglementaire s’accompagne
d’une mobilisation des opérateurs
qui estiment que l’on pourrait aller
encore plus vite dans la mise en
œuvre des projets. Le géant Veolia,
qui compte désormais une cin-
quantaine d’opérations de REUT
avec les collectivités locales, contre
trois avant le plan eau, confirme son
objectif de 200 stations d’épuration
équipées de son dispositif de traite-
ment additionnel à horizon 2025.
De son côté, Saur, qui a bâti une
offre pour couvrir tant les usages
agricoles qu’urbains, compte déjà
29 dossiers avec étude dont 17 avec
une offre technique. n
700
PROJETS DE RÉUTILISATION
des eaux usées traitées sont
dénombrés en France.
FRANCE
Budget : le gouvernement met
la pression sur les collectivités locales
FINANCES
PUBLIQUES
Alors que le déficit
dérape, l’exécutif
veut obliger les collec-
tivités à participer
à l’effort d’économies
budgétaires.
Isabelle Ficek,
Renaud Honoré
et Laurent Thévenin
Suivez son regard ! Vendredi, à
l’issue du Conseil européen, Emma-
nuel Macron a assuré qu’il comptait
bien « compléter » l’effort budgé-
taire face à la « dégradation des
finances publiques ». Faisant
ensuite une précision qui avait des
allures d’avertissement : « La
dépense publique n’est pas faite seu-
lement des dépenses de l’Etat. »
De fait, après un premier plan
d’économies de 10 milliards d’euros
qui portait sur la sphère étatique, le
gouvernement est désormais bien
décidé à mettre la pression sur les
collectivités locales. Il n’a guère le
choix, alors qu’il craint un dérapage
du déficit public autour de -5,6 % du
PIB fin 2023, quand il était initiale-
ment attendu à -4,9 % – le chiffre
officiel doit être dévoilé mardi.
Cette offensive s’est déjà traduite
par plusieurs banderilles. Mi-mars,
Matignon avait confié à la Cour des
comptes une revue des dépen-
ses centrée sur « la participation des
collectivités locales au redressement
des comptes ». Le sujet est revenu
sur la table mercredi, lors de la réu-
nion tenue par les ténors de la majo-
rité. Selon un participant, le minis-
tre de l’Economie, Bruno Le Maire,
a usé d’une litote pour remarquer
que les collectivités « ne sont pas
superbement sérieuses ».
Une année « plutôt bonne »
Il n’y eut guère ce soir-là que Lau-
rent Marcangeli – le président du
groupe Horizons d’Edouard Phi-
lippe à l’Assemblée – pour prendre
leur défense. L’ancien maire d’Ajac-
cio a estimé qu’il est trop facile de les
mettre sur le gril, alors qu’elles n’ont
pas les capacités pleines et entières
pour maîtriser les dépenses. Bref,
que certaines hausses, comme le
point d’indice par exemple – qui a
Les Ehpad publics vont pouvoir faire payer plus
les résidents les moins démunis
SANTÉ
Les parlementaires
ont voté une disposi-
tion en ce sens dans
la proposition de loi
sur le « bien vieillir ».
Solenn Poullennec
Les Français vont sans doute voir
augmenter les tarifs des Ehpad
publics ou associatifs. Pour soula-
ger les difficultés financières de ces
établissements, les parlementaires
proposent de faire payer plus les
personnes les plus aisées. Ils ont
voté une disposition en ce sens dans
la proposition de loi sur le « bien
vieillir » – en passe d’être adoptée
définitivement dans quelques jours.
Cette disposition va permettre de
dégager « de nouvelles marges de
manœuvre », a réagi la Fédération
hospitalière de France (FHF) repré-
sentant les Ehpad publics. « Cela
desserre un peu l’étau pour que les
Ehpad non lucratifs aient quelques
ressources supérieures », déclare
Daniel Goldberg, de l’Uniopss, une
été revalorisé deux fois, en
juillet 2022 puis en juillet 2023 – ou
d’autres dépenses de fonctionne-
ment, ne dépendent pas de leur
décision seule.
Mais le gouvernement compte
bien rentrer plus directement dans
le sujet le 9 avril, à l’occasion d’une
réunion du Haut Conseil des finan-
ces publiques locales. L’instance
avait été créée en septembre par
Bercy pour échanger avec les gran-
des associations d’élus locaux sur la
stratégie de maîtrise des finances
publiques, sans grands résultats
pour le moment. « Regardons avec
toutes les parties prenantes ce qui
peut être fait », a expliqué Bruno
Le Maire dimanche dans une inter-
view à « Sud Ouest ». « Il y aura un
peu de gravité lors de cette réunion. Il
faut embarquer les collectivités loca-
les, alors qu’elles représentent 20 %
de la dépense publique, contre 30 %
pour l’Etat », estime Jean-René
Cazeneuve, le rapporteur général
du budget à l’Assemblée nationale.
Le député Renaissance du Gers a
rédigé un premier bilan, il y a quel-
ques jours, de la situation des finan-
organisation représentant des
acteurs non lucratifs.
Les tarifs des Ehpad publics et
associatifs (pesant autour 70 % des
places) sont aujourd’hui très enca-
drés. Les départements, qui payent
l’aide sociale à l’hébergement (ASH)
pour permettre l’accueil des plus
démunis, plafonnent les prix factu-
rés aux résidents pour l’héberge-
ment. Résultat : ces Ehpad n’ont
guère de marges de manœuvre
aujourd’hui face à la hausse de leurs
coûts sur fond d’inflation. La crise
du Covid et le scandale Orpea ayant
aussi pesé sur le taux d’occupation,
un très grand nombre d’établisse-
ments ont vu leurs comptes bascu-
ler dans le rouge. Au point que l’Etat
a dû débloquer en urgence des
fonds pour combler les déficits à
l’été dernier.
Plus de flexibilité
Pour aider les Ehpad à garder la tête
hors de l’eau, la loi prévoit qu’ils
puissent donner un coup de pouce à
leurs recettes à partir de l’an pro-
chain en prévoyant plusieurs
niveaux de prix pour les résidents.
Les plus nécessiteux, allocataires de
l’ASH, continueront de bénéficier
ces publiques locales en 2023. Une
année « plutôt bonne » pour les col-
lectivités, qui sont « ressorties des
crises que nous venons de traverser
dans une meilleure situation finan-
cière qu’à leur entrée, à l’exception
peut-être des départements », expli-
que-t-il. Façon de dire que le compte
n’y est pas : alors que la loi de pro-
grammation des finances publi-
ques prévoyait un effort de 0,3 point
de PIB sur l’évolution de leur
dépense, « la tendance serait plutôt
un point de PIB au-dessus », estime
le rapporteur général.
Bras de fer en vue
Il reste à voir comment l’exécutif
peut faire contribuer les collectivi-
tés. Au sein de la majorité, certains
plaident pour le retour à la méthode
utilisée durant le premier quin-
quennat Macron, celui des contrats
financiers passés avec objectif de
contrôle de la dépense. « Nous pou-
vons essayer de renouer avec ce type
de dialogue, quitte à renforcer les
bonus pour les collectivités les plus
vertueuses », estime Mathieu Lefè-
vre, coordinateur des députés
des prix les plus bas, tandis que les
autres pourraient être amenés à
payer plus cher.
En France, des établissements
proposent déjà des tarifs différen-
ciés selon les revenus. Les Ehpad du
groupe SOS sont régulièrement
cités en exemple. Le département
de la Mayenne ou encore la Collecti-
vité européenne d’Alsace ont ouvert
la voie à cette différenciation.
Un grand nombre
d’établissements
ont vu leurs comptes
basculer
dans le rouge.
La loi sur le bien vieillir devrait
cependant la rendre plus facile à
adopter. « Les opérateurs n’auront
plus à attendre l’aval du département
pour différencier les tarifs. La mise
e n œ u v re s e ra b e a u c o u p p l u s
rapide », assure Marc Bourquin à la
FHF. « Quand vous êtes une entre-
prise, vous ne pouvez pas dépendre
de 100 négociations dans 100 dépar-
tements. Là, la loi va s’imposer à tous
les départements », salue Hubert
Renaissance en commission des
finances de l’Assemblée.
« On va avoir un dialogue franc et
massif sur le déficit. Il ne faut pas que
ce soit uniquement les services de
Bercy qui proposent la copie, mais
cela nécessite un vrai travail de co-
construction avec les collectivités.
Elles peuvent comprendre qu’il faut
faire un effort mais elles doivent
retrouver leur autonomie finan-
cière », estime le député Modem
Philippe Vigier.
La partie risque, en tout cas, de
tourner à nouveau au bras de fer
avec les collectivités. « Nous n’avons
aucune raison de servir une fois de
plus de variable d’ajustement des dif-
ficultés de l’Etat », prévient André
Laignel, premier vice-président
délégué de l’Association des maires
de France et maire PS d’Issoudun.
« Nous ne pesons pas sur le déficit
public et nous contribuons même à le
réduire », insiste-t-il, rappelant que
les collectivités ont dégagé un excé-
dent de 4,8 milliards d’euros
en 2022. « Pour 2023, il devrait être
autour de 3 milliards », indique
celui qui préside aussi le Comité des
Valade, président de l’association
France Horizon qui gère des Ehpad.
« On va pouvoir faire progresser les
prix [des plus aisés] en fonction de
l’inflation comme le font les Ehpad
privés », se félicite-t-il encore, rap-
pelant que les retraites ont été aug-
mentées cette année.
Effet d’éviction
Ces changements, adoptés à l’initia-
tive des sénateurs LR, ne sont pas
allés de soi. Le gouvernement s’y est
d’ailleurs opposé lors des débats en
séance, redoutant un effet d’évic-
tion des plus modestes. « Si un sur-
loyer systématique s’applique dans
les Ehpad selon les ressources, cela
revient à favoriser l’accueil des per-
sonnes solvables au détriment des
autres », a ainsi mis en garde la
ministre Catherine Vautrin char-
gée des Solidarités.
Pour lever les réticences, les par-
lementaires ont encadré les possi-
bilités de hausse des tarifs. « Cela
doit permettre d’éviter les dérives »,
souligne la députée Renaissance
Laurence Cristol. Afin que la fac-
ture des plus aisés n’explose pas, un
décret fixera un écart maximum
entre les prix qui leur sont facturés
Lundi 25 mars 2024 Les Echos
finances locales. Quant à la dette
des collectivités locales, « c’est 9 %
du total de la dette publique et c’est
nous qui la payons. L’Etat ne parti-
cipe pas à son paiement », fait-il éga-
lement valoir.
Les élus locaux agitent aussi le
chiffon rouge sur les conséquences
d’un coup de rabot sur leurs finan-
ces. « Ce serait un contresens d’affai-
blir notre capacité d’investissement et
notre capacité à être des amortisseurs
sociaux », met en garde André Lai-
gnel, affirmant que les collectivités
« ne sont pas assises sur un tas d’or ».
« Il est impératif de refuser à la fois
la baisse des investissements et la
dégradation du service public. C’est
tout l’inverse qu’il faut faire », avertit
également Carole Delga, la prési-
dente socialiste de l’association
Régions de France et de la région
Occitanie. Selon elle, il faut au
contraire « saisir cette période pour
réformer en profondeur, remettre en
cause les enchevêtrements de compé-
tences partout où l’Etat doublonne
avec les collectivités et imaginer
d’autres formes d’action publique et
d’ingénierie financière. » n
et ceux qui s’appliquent aux bénéfi-
ciaires de l’aide sociale. Les établis-
sements devront aussi continuer à
accueillir un nombre minimum de
bénéficiaires de l’aide sociale.
« On ne va pas avoir des tarifs du
simple au double, mais cela permet
de dégager quelques marges de
manœuvre pour l’Ehpad pour les tra-
vaux ou les recrutements », résume
le député socialiste Jérôme Guedj,
très favorable à ces dispositions de
la loi sur le bien vieillir, par ailleurs
unanimement jugée insuffisante
pour répondre aux enjeux du
vieillissement de la population. n
04
en bref
Raphaël
Glucksmann
se lance
officiellement
en campagne
POLITIQUE Après un début
de campagne à bas bruit, Ra-
phaël Glucksmann, tête de
liste pour le PS et Place publi-
que, s’est lancé dimanche
dans la bataille des européen-
nes avec un grand meeting
près de Toulouse, en présence
du patron du PS, Olivier Fau-
re, et la présidente socialiste
de la région, Carole Delga. Ob-
jectif : s’immiscer dans le
match entre Renaissance et le
RN. Crédité cinq ans plus tard
de 9 à 13 % selon les sondages,
l’essayiste de 44 ans est pour
l’instant en tête de la gauche,
en troisième position derrière
la tête de liste du Rassemble-
ment national, Jordan Bar-
della, et celle de la majorité
Valérie Hayer. Le fondateur
du parti Place publique avait
convaincu un peu plus de 6 %
des électeurs en 2019.
Malika Sorel-
Sutter rejoint
le RN
POLITIQUE L’essayiste Mali-
ka Sorel-Sutter a annoncé di-
manche rejoindre le Rassem-
blement national et figurer en
deuxième position sur la liste
de Jordan Bardella aux euro-
péennes, pour faire face au
« chaos migratoire ».
« Aujourd’hui, en soutenant
Marine Le Pen, en étant numé-
ro 2 de la liste conduite par Jor-
dan Bardella, je souhaite parti-
ciper à la recomposition
française », a déclaré Malika
Sorel-Sutter dans « Le Fi-
garo », à deux mois et demi du
scrutin du 9 juin. Née en Fran-
ce, cette fille d’Algériens était
membre du Haut Conseil à
l’intégration durant le quin-
quennat de Nicolas Sarkozy.
Elle a écrit plusieurs essais
sur l’immigration. Diman-
che, elle a dit sa « crainte d’une
libanisation de la France »
avec un « chaos migratoire ».
Aurore Bergé
souhaite des
« assises contre
l’antisémitisme »
SOCIÉTÉ La ministre chargée
de l’Egalité et de la lutte
contre les discriminations,
Aurore Bergé, a dit souhaiter
organiser « des assises de lutte
contre l’antisémitisme », dans
un entretien au « Journal du
dimanche ». « J’ai entendu
cette semaine l’appel du collec-
tif Nous vivrons et de plus de
70 signataires de tous bords
politiques : je souhaite organi-
ser des assises de lutte contre
l’antisémitisme », souligne la
ministre déléguée. Aurore
Bergé répond ainsi à une tri-
bune publiée la semaine der-
nière dans « Le Monde »,
dans laquelle un collectif de
personnalités politiques, cul-
turelles et associatives appe-
lait les candidats aux euro-
péennes à s’engager contre
l’antisémitisme.
MONDE
Présidentielle américaine : Trump
desserre in extremis l’étau financier
l Un accord pour coter son réseau
Truth Social pourrait rapporter
plusieurs milliards de dollars
à l’ex-président.
l Une aubaine alors qu’il doit appor-
ter ce lundi un demi-milliard de dol-
lars de caution pour l’un de ses procès.
ÉTATS-UNIS
Véronique Le Billon
— Bureau de New York
La pression financière se relâche.
Vendredi, Donald Trump a obtenu
le feu vert pour fusionner sa petite
entreprise de média TMTG, lancée
après son départ de la Maison-Blan-
che et qui héberge son réseau
Truth Social, avec un SPAC,
ICA
une coquille vide déjà ER 2
AM
cotée en Bourse. A la clé
pour l’ex-président, qui
détient 58 % de sa
société, une valorisation
potentielle de plusieurs
milliards de dollars.
De quoi soulager le candidat
républicain à la présidentielle de
novembre, sommé d’apporter en
garantie quelque 545 millions de
dollars à la justice new-yorkaise
d’ici ce lundi. Dans le cadre du pro-
cès civil sur son empire immobilier,
Donald Trump a été condamné à
payer une amende de 454 millions
de dollars, pour avoir surévalué ses
actifs dans le but d’obtenir de
meilleures conditions de finance-
ment.
L’ex-promoteur a fait appel du
jugement, mais il doit en atten-
dant mettre en garantie 120 % de
l’amende prévue. Vendredi, il a
assuré avoir à disposition près de
500 millions de dollars, dans un
message sur son réseau Truth
Social. Ces derniers jours, il assurait
avoir essuyé des refus de la part des
multiples garants, souvent des
compagnies d’assurances.
La menace des saisies
d’actifs
A défaut de rassembler la somme
nécessaire, la procureure générale
de New York Letitia James, qui avait
lancé les poursuites contre la
Trump Organization et ses diri-
geants, pourrait saisir des actifs et
imposer une vente. Depuis des
jours, les spéculations vont bon
train sur les immeubles qui pour-
raient ainsi échapper à Donald
Trump, du 40 Wall Street à la
Macron joue la carte de la transition écologique au Brésil
BILATÉRAL
Le président français
est en Guyane, avant
une visite d’Etat de
trois jours au Brésil
placée sous le sceau
de la bioéconomie.
Thierry Ogier
— Correspondant à São Paulo
Emmanuel Macron entre en Amé-
rique latine par la porte amazo-
nienne. Il a choisi la Guyane pour
son premier déplacement prési-
dentiel dans la région, ce lundi.
Après une rencontre avec les élus
locaux, il va encourager les produc-
tions agricoles locales afin de
réduire la dépendance envers les
Trump Tower en passant par un
golf ou un site au nord de New York.
Donald Trump a dénoncé tout au
long de son procès et depuis le ver-
dict une « chasse aux sorcières ». Il en
a profité pendant des mois pour
lever des fonds auprès de ses sup-
porters galvanisés. Mais les factu-
res de ses avocats s’empilent. Il a
aussi écopé d’une amende de
plus de 80 millions de dollars pour
avoir diffamé une ancienne
journaliste, après avoir été
reconnu coupable de
024
l’avoir sexuellement
agressée. Et les levées
de fonds, aussi com-
mentées aux Etats-Unis
que les sondages, tour-
nent désormais à l’avan-
tage de Joe Biden.
L’horizon financier n’est pas
encore totalement dégagé. Ven-
dredi, le cours de Digital World
Acquisition, le SPAC qui doit
accueillir la société de médias de
Donald Trump, a plongé en Bourse.
Le projet est en cours depuis deux
ans, et le cours du titre reste très
volatil, aux mains de boursicoteurs
avides de sensations fortes plutôt
que d’investisseurs institutionnels.
Activité peu solide
Donald Trump sera en outre sou-
mis à des clauses de blocage, qui
l’empêcheront de monétiser sa par-
ticipation pendant plusieurs mois.
Une vente massive de titres pour-
rait de fait à elle seule déstabiliser le
cours. L’activité du groupe de
médias de Donald Trump est en
outre peu solide : il a perdu 49 mil-
lions de dollars sur neuf mois, pour
un chiffre d’affaires de… 3,4 mil-
lions de dollars, selon Bloomberg.
Truth Social a peiné à rivaliser
avec Twitter (rebaptisé X), dont
Donald Trump avait été écarté à la
suite de l’assaut contre le Capitole le
6 janvier 2021. Après avoir racheté
le réseau social, Elon Musk a
redonné accès à son compte à
Donald Trump, mais ce dernier n’a
posté qu’un message : celui de sa
photo d’identité judiciaire, prise en
Géorgie dans le cadre de l’une de ses
quatre inculpations pénales. n
importations, tout en fixant des
« objectifs ambitieux de production
sur les différentes filières agricoles »
en Guyane à l’horizon 2030, souli-
gne-t-on à l’Elysée. La base spatiale
de Kourou est aussi un passage
obligé, avant le lancement prévu
d’Ariane 6, prévu cet été. La lutte
contre l’orpaillage illégal, qui est
aussi un enjeu crucial dans le Brésil
voisin, figure également au menu.
Le président français est attendu
le lendemain de l’autre côté de la
frontière. Son homologue Lula
viendra l’accueillir à Belém, une
grande ville de l’Amazonie, qui sera
le siège du sommet des Nations
unies sur les changements climati-
ques, la COP30, l’année prochaine.
Ils doivent notamment se rendre
sur l’île de Combu, à la rencontre
d’une petite productrice locale de
cacao, choisie pour illustrer la bioé-
Plusieurs immeubles pourraient échapper à Donald Trump, comme la Trump Tower à New York. Photo Angela Weiss/AFP
Le Congrès a enfin adopté le budget fédéral
Le budget fédéral a été
voté en retard de six mois.
Les Etats-Unis ont évité
de justesse une interrup-
tion des dépenses.
Mais le leader des élus
républicains a braqué
ses soutiens radicaux.
Solveig Godeluck
— Bureau de New York
Mike Johnson a fini par se rendre à
la réalité et par assumer une tâche
essentielle pour le chef des dépu-
tés : faire voter le budget fédéral.
Enfin, le Speaker républicain de la
Chambre des représentants s’est
entendu avec les démocrates pour
financer l’exercice qui a com-
mencé il y a six mois.
Le texte autorisant 1.200 mil-
liards de dollars de dépenses, soit
un budget de 1.660 milliards en
comptant le volet déjà voté en
février, a été adopté samedi au petit
matin par le Sénat, et immédiate-
ment promulgué par Joe Biden.
Techniquement, le gouvernement
s’est retrouvé en situation de blo-
cage des crédits (« shutdown »)
pendant quelques heures,
car l’échéance officielle était
conomie locale. « Je ne sais pas com-
bien de temps ils vont rester, j’espère
qu’ils auront au moins le temps de
prendre un chocolat chaud », a
affirmé, impatiente, Izete dos San-
tos Costa à une radio locale.
Une feuille de route
stratégique sur l’énergie
La biodiversité et les grands enjeux
de la transition écologique seront
au cœur de cette visite, assure l’Ely-
sée, qui signale outre la présence de
l’Agence française de développe-
ment (AFD), celle du Cirad (Centre
de coopération internationale en
recherche agronomique pour le
développement). Plusieurs start-up
innovantes sont du voyage.
La lutte contre la déforestation a
enregistré de grands progrès
depuis l’arrivée de Lula au pouvoir
l’an dernier. Mais l’ambition va au-
vendredi à minuit – un dérapage
sans conséquences.
Avec ce compromis, les Etats-
Unis échappent à la paralysie et
aux sévères mesures d’économie
voulues par la droite. « Aucun
camp n’a obtenu tout ce qu’il vou-
lait. Mais [ce budget] rejette les cou-
pes extrêmes des républicains de la
Chambre et il étend l’accès à la garde
d’enfant », a entre autres vanté le
président des Etats-Unis.
Procédure de destitution
De son côté, Mike Johnson a fait
profil bas. Dans un communiqué, il
explique que les républicains « ont
rejeté les propositions extrêmes des
démocrates », « le meilleur résultat
qu’on puisse attendre dans un gou-
vernement divisé ». Mais Marjorie
Taylor Greene, « l’amazone » de
Donald Trump à la Chambre, s’est
estimée trahie. Elle a annoncé le
lancement prochain d’une procé-
dure pour destituer Mike Johnson.
L’aile droite des républicains
avait bataillé pendant six mois
pour imposer d’importantes éco-
nomies, la fin des budgets « ramas-
se-tout » (« omnibus »), et une plus
grande transparence du processus
politique. Mike Johnson, qui leur
delà et concerne l’ensemble des
énergies décarbonées. La France
souhaite tracer « une vraie feuille de
route stratégique sur l’énergie allant
des matériaux rares jusqu’au nu-
cléaire en passant par l’hydrogène
renouvelable », affirme-t-on dans
l’entourage du président.
Puis cap sur la défense, avec le
chantier naval d’Itaguai, proche de
Rio de Janeiro. C’est là que la France
aide le Brésil à construire quatre
sous-marins (deux ont déjà été
livrés). Les diplomates brésiliens
souhaitent désormais que la France
lui permette de construire un cin-
quième, à propulsion nucléaire.
A Sao Paulo, la capitale économi-
que et financière, on parlera ensuite
affaires avec de grands patrons
comme celui de Carrefour, avant de
terminer la visite d’Etat jeudi à la
capitale Brasilia.
Lundi 25 mars 2024 Les Echos
doit son élection, ne les a contentés
sur aucun de ces trois points. Ce
volumineux paquet législatif cou-
vre la sécurité à la frontière avec le
Mexique, l’armée, l’éducation, le
travail, entre autres. Il a fallu le
voter en bloc.
Economies symboliques
Les ultras de droite peuvent se
demander pourquoi ils ont desti-
tué le prédécesseur de Mike John-
son, Kevin McCarthy, en octobre.
Ils avaient détesté l’accord passé
par ce dernier avec les démocrates
afin d’éviter un défaut de paie-
ment. Il était assorti d’un compro-
mis sur une croissance modérée
des dépenses du prochain budget.
Bien qu’ayant dénoncé ledit
compromis, Mike Johnson n’y a
pas dérogé, parce qu’il avait besoin
des voix démocrates. Les nouvel-
les mesures d’économie sont res-
tées symboliques, comme la baisse
de 20 % des crédits aux associa-
tions d’aide aux migrants.
Les républicains ont eu de quoi
financer 8.000 places supplémen-
taires dans les centres de rétention
pour migrants et des milliers de
nouveaux postes de gardes-fron-
tières. Mais Joe Biden, qui a vu sa
La visite d’Emmanuel Macron a
une valeur à la fois symbolique et
stratégique. Elle intervient après
une « éclipse de quatre ans et un qua-
si-gel des relations politiques » sous
Le président français
va appuyer le plan de
transition écologique
du gouvernement
brésilien, sans cacher
les divergences sur
l’Ukraine et Gaza avec
son homologue Lula.
la présidence de Jair Bolsonaro,
dit-on à l’Elysée. Il s’agit aussi de la
première visite d’un chef de l’Etat
français depuis celle de François
Hollande en 2016.
06
loi immigration sabotée par les
trumpistes, a revendiqué lui aussi
ces avancées budgétaires.
Encore plus énervant pour l’aile
droite : comme Kevin McCarthy,
Mike Johnson a géré son affaire en
petit comité, sans faire appel à eux.
Le compromis a été négocié
en direct avec la Maison-Blanche
et les trois autres leaders du
Congrès, Hakeem Jeffries à la
Chambre, Mitch McConnell et
Carl Schumer au Sénat. De plus, le
Speaker n’a pas tenu sa promesse
d’accorder systématiquement
72 heures de réflexion aux députés
avant de voter.
Le succès à l’arraché de Mike
Johnson compromet donc sa sur-
vie au perchoir. Il lui reste cepen-
dant une carte à jouer pour apaiser
les populistes : continuer à refuser
de financer la guerre en Ukraine.
Depuis octobre, la Chambre blo-
que la soixantaine de milliards
réclamés par Joe Biden pour soute-
nir Kiev. Le projet de loi en souf-
france prévoyait aussi 14 milliards
pour Israël, et 7 milliards pour
Taïwan et sa région. Tous ces pays
alliés attendent leur chèque. Mais
la diplomatie américaine est l’otage
de la politique intérieure. n
En perte de vitesse dans les son-
dages et après plusieurs dérapages
en matière de politique internatio-
nale, Lula compte de son côté sur les
excellentes relations avec son
homologue français, pour redorer
son blason. Mais l’on n’évitera pas
les sujets qui fâchent : Emmanuel
Macron va ainsi de nouveau expli-
quer sa position sur l’Ukraine en
essayant de convaincre Lula qui
penche parfois vers Moscou, et sur
Gaza, alors que son homologue bré-
silien a récemment accusé Israël
d’utiliser les méthodes employées
« par Hitler envers les Juifs ».
L’Elysée assure par ailleurs que le
brûlant dossier de l’accord com-
mercial UE – Mercosur ne sera pas
abordé. Ce qui épargnera sans
doute au président français d’être
taxé de « protectionniste », comme
Lula l’a fait fin 2023. n
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MONDE
Poutine utilise l’attentat de Moscou
pour mobiliser la population contre Kiev
l Les réseaux d’information au service du Kremlin ne parlent pas de la revendication par l’Etat islamiste de l’attaque
de vendredi dans la plus grande salle de concert de Moscou.
l L’attentat de Crocus risque de justifier un nouveau durcissement du régime.
RUSSIE
Benjamin Quénelle
— Correspondant à Moscou
Sur les télévisions et réseaux
sociaux russes, le Kremlin déroule
son narratif, au lendemain de
l’attentat de Moscou. Les auteurs
présumés de l’attaque de vendredi
soir qui a tué plus de 130 personnes
à Crocus, la plus grande salle de
concert de la capitale, ont été trans-
férés dimanche au siège du comité
d’enquête. Ce dernier, après avoir
annoncé et montré leur rapide
arrestation dans l’oblast de Briansk,
frontalier de l’Ukraine et de la Biélo-
russie, a cette fois publié les images
de leur arrivée dans ses locaux à
Moscou.
D’autres informations et images
arrivent aux Russes : dans les
décombres de la salle de concert,
2 kalachnikovs, plus de 500 cartou-
ches et 28 chargeurs ont été décou-
verts. Ces reportages s’inscrivent
dans la stratégie du Kremlin pour
rassurer le public sur l’efficacité du
travail des forces de sécurité, alors
que le spectre du terrorisme isla-
miste est revenu en force en Russie.
Mais la majorité des Russes n’en
savent rien.
Echec sécuritaire
Vladimir Poutine et les réseaux
d’information au service du
Kremlin ne parlent pas publique-
ment de la revendication de l’atten-
tat par l’Etat islamiste. Ils compen-
sent l’échec sécuritaire en accusant,
à demi-mot, l’ennemi ukrainien.
Deux ans après le début de son
« opération militaire spéciale », le
porte-parole du Kremlin venait
enfin de la nommer officiellement
« guerre ». C’était vendredi, quelques
heures avant l’entrée des terroristes
dans le hall de Crocus. A la veille
d’une possible deuxième mobilisa-
tion militaire pour le front du
Donbass, le Kremlin s’efforce désor-
mais d’utiliser l’attentat islamiste
pour mobiliser l’opinion publique
contre Kiev.
« Du côté ukrainien, un passage
avait été préparé pour que les terro-
ristes franchissent la frontière »,
a expliqué Vladimir Poutine dans
son intervention télévisée samedi.
De surcroît, il a replacé la tragédie
dans sa lutte contre le fascisme,
au cœur du narratif du Kremlin
p o u r j u s t i f i e r l ’o f f e n s i ve e n
Le pays en deuil après l’attentat
le plus meurtrier depuis vingt ans
Le bilan de l’attaque
de vendredi dans la salle
de concert Crocus City Hall
à Moscou ne cesse de
s’alourdir. Par centaines,
des anonymes se rendent
sur place devant un
mémorial improvisé.
Partout, la capitale s’est
couverte de petites bougies.
Deux jours après l’attentat de Cro-
cus, Moscou était en deuil ce
dimanche. Le bilan de l’attaque de
vendredi soir dans la plus grande
salle de concert de la capitale ne
cesse de s’alourdir : au moins
137 morts dont trois enfants et
152 blessés dont cinq enfants, selon
un bilan encore provisoire.
Plus de 90 mètres cubes de
d é c o m b r e s av a i e n t d é j à é t é
déblayés dimanche. Le travail se
poursuivra encore plusieurs jours
sous la carcasse noircie. Après l’éva-
De nombreux Moscovites sont venus depuis samedi se recueillir devant la salle de concert,
à Crocus. L’attaque terroriste de vendredi soir a fait au moins 137 morts et 152 blessés.
Ukraine : « Comme les nazis l’ont fait
autrefois, les criminels à Crocus
avaient prévu d’organiser une exécu-
tion spectaculaire. »
Le message est clair : Kiev n’est
pas directement accusé mais
est pointé du doigt. Alors que le
gouvernement américain a affirmé
dimanche qu’il n’y a « aucune impli-
cation ukrainienne » dans l’attentat,
de nombreux doutes pèsent pour-
tant sur les informations et les
vidéos hâtivement publiées par
les autorités pour prouver que les
quatre suspects arrêtés officielle-
ment près de la frontière ukrai-
nienne sont les terroristes de
Crocus.
« Cet attentat islamiste de l’EI est
non seulement un échec des services
de sécurité pour garantir la sécurité
en Russie, mais aussi la conséquence
directe de la politique d’immigration
depuis vingt ans », rappelle Rouslan
Poukhov, le directeur du Centre
pour les analyses de stratégies et de
technologies (Cast), laboratoire
cuation des corps, vient leur dou-
loureuse identification. Les pro-
ches des victimes ont commencé à
se rendre au bureau d’examen
médico-légal de Moscou.
Les compagnies aériennes et fer-
roviaires russes ont promis de leur
donner des billets gratuits. L’incen-
die puis l’effondrement du toit ont
rendu de nombreux corps mécon-
naissables et, dans certains cas, un
examen génétique moléculaire
prendra au moins deux semaines.
Journée de deuil national
Parmi les portés disparus désor-
mais déclarés morts : la directrice
adjointe de Piknik, ce groupe vété-
ran du rock russe qui devait se pro-
duire vendredi dans la salle de
6.200 spectateurs, dont tous les
billets avaient été vendus. « Il est
clair qu’aucun mot ne peut ressusci-
ter ou consoler les gens. Nous présen-
tons nos condoléances à tous les pro-
d’idées à Moscou, spécialisé dans
les questions militaires.
« La Russie est le deuxième pays au
monde pour l’immigration, avec
énormément de vagues venant d’Asie
centrale. Les ressources ont manqué
pour contrôler les groupes de musul-
mans ne s’intégrant pas et étant de
bonnes cibles pour les recruteurs des
terroristes islamistes », ajoute
l’expert.
Déclarations outrancières
de Medvedev
Ces questions ne sont pas débattues
en public. Au contraire, l’attentat de
Crocus risque de justifier un nou-
veau durcissement du régime : les
autorités vont sans doute en profi-
ter pour durcir les lois contre le ter-
rorisme et sur les libertés civiles.
Depuis l’attentat, plusieurs figures
du pouvoir ont notamment multi-
plié les appels au retour de la peine
de mort pour les « terroristes ». Dès
vendredi soir, Dmitri Medvedev,
l’ex-président habitué aux déclara-
ches », a déclaré dans une vidéo
Edmund Shklyarsky, le musicien
leader de Piknik.
A Crocus, au milieu des œillets
rouges et des petites bougies, des
longues minutes de silence et des
regards embués, des Moscovites
anonymes par centaines sont venus
depuis samedi se recueillir devant
la salle de concert. Un mémorial
improvisé fait de fleurs et de flam-
mes, ballons et peluches, poèmes et
prières. Dimanche après-midi, une
longue queue s’est formée. D’abord
spontanée et statique, restant long-
temps muette et immobile devant
l’immense tas de fleurs déposées en
deux jours, la foule s’est ainsi peu à
peu organisée.
Le président Vladimir Poutine a
déclaré ce dimanche journée de
deuil national. Partout en ville,
Moscou s’est couvert de petites
flammes du souvenir, réelles ou vir-
tuelles. Certains cafés et restau-
Lundi 25 mars 2024 Les Echos
Pourquoi Daech vise
la Russie aujourd’hui
Le groupe djihadiste,
qui a revendiqué l’attentat
au Crocus City Hall, a
un compte à régler depuis
un quart de siècle avec
Moscou et frappe partout
dans le monde dès
qu’il en a l’opportunité.
Yves Bourdillon avec B. Q.
Les Russes avaient peut-être
oublié l’Etat islamique (EI), mais
l’inverse n’était pas vrai. Certes, ce
réseau djihadiste, connu aussi
sous l’acronyme Daech, n’avait
pu, depuis onze ans, mener, du
fait de la surveillance ou du
démantèlement de ses cellules en
Russie, qu’un seul attentat nota-
ble dans le pays, dans le métro de
Saint-Pétersbourg (15 morts
en 2017).
Olga Matseva/AFP Celui commis vendredi soir,
avec un bilan d’ores et déjà de plus
de 130 morts, est le plus sanglant
depuis la prise d’otages dans un
théâtre de Moscou en 2002, où la
police avait mené un assaut avec
un gaz militaire.
« Dès les premières vidéos, j’ai
tions outrancières, avait menacé : reconnu la marque de l’Etat islami-
« S’il est établi qu’il s’agit de terroris- que, souligne Grigorij Serscikov,
tes du régime de Kiev, ils devront tous expert indépendant spécialiste
être annihilés sans pitié. Y compris du terrorisme et du renseigne-
les fonctionnaires de l’Etat. Mort ment. Attaque en groupe dans
pour mort. » des centres commerciaux ou cultu-
Depuis, parmi les Russes, la ver- rels de grande affluence : c’est du
sion du Kremlin est largement copié-collé de leurs précédentes
reprise : les Ukrainiens sont respon- attaques dans le monde. C’est sans
sables de l’attentat de Crocus. Bien doute organisé par la branche
sûr, une minorité n’y croit pas. Mais afghane de l’Etat islamique, la plus
la majorité est réduite à être passive forte aujourd’hui. Les assaillants
et conformiste. « Il est possible de semblent être des Tadjiks. Mais,
convaincre la plus grande partie de la contrairement à de précédents
société. Cela dépendra de la cohé- attentats d’EI, ils étaient peu pro-
rence et de l’unité de toutes les agen- fessionnels. Par exemple, on les voit
ces russes pour pointer le doigt vers agir regroupés alors que, pour
l’Ukraine », prévient Denis Volkov. abattre un maximum de victimes,
Ce sociologue, à la tête du centre ils se dispersent d’habitude. Et ils
indépendant de sondages Levada, essaient de pousser les spectateurs
évalue à quelque 60-70 % la propor- au centre en les faisant se déplacer.
tion de Russes les plus à même de Sans quoi le bilan aurait été encore
croire et répéter la version officielle. plus lourd. »
Lire l’éditorial Une haine éternelle
( de Lucie Robequain
Page 16
L’Etat islamique nourrit une
haine inextinguible envers la
Russie depuis la guerre de Tchét-
chénie, en 1999, où les indépen-
dantistes islamistes avaient été
écrasés par un Vladimir Poutine
se disant prêt à les débusquer
« jusque dans les chiottes ». Un sen-
timent renforcé par l’implication
russe dans la guerre civile
syrienne depuis 2012. Les prisons
rants ont installé des bougies sur russes sont d’ailleurs pleines de
leurs comptoirs. Sur les affiches membres de l’Etat islamique ou
dans les rues et sur les panneaux du de sympathisants arrêtés par pré-
métro, une même photo de bougie caution.
accompagne les Moscovites en ce En fait, aucun régime au
jour plongé sous une pluie fine. monde ne trouve grâce aux yeux
Avec pour simple légende : des réseaux djihadistes hormis,
« Nous pleurons », et « 22.03.2024 », pour Daech, le califat islamique
date de l’attentat, l’attaque terro- qu’il avait instauré à cheval sur
riste au plus lourd bilan en Russie l’Irak et la Syrie entre 2014 et 2019,
depuis la prise d’otages de l’école de ou l’Afghanistan des talibans
Beslan en septembre 2004 (334 pour Al Qaida. Selon leur doc-
morts). Les chaînes de télévision trine, détaillée notamment dans
fédérales ont modifié leur pro- le manuel de 1.600 pages publié
gramme de diffusion et supprimé la en arabe sur Internet en 2004
publicité. « Appel à une résistance islami-
Les événements publics et de que mondiale », tout le reste, donc
divertissement ont été annulés. le monde entier, est mécréant et
Dans tout le pays, les drapeaux des cible légitime de leurs cellules ter-
bâtiments gouvernementaux sont roristes, tout le temps.
en berne. A Moscou, plusieurs Si Daech ne frappe pas un pays
ambassades, dont celle de la France c’est donc moins par soudaine
et de l’Union européenne, ont mansuétude que faute d’opportu-
pareillement descendu à mi-mât nités, estiment les spécialistes. Il a
leur drapeau. — B. Q. d’ailleurs commis des attentats
08
DÉCRYPTAGE
dans une cinquantaine de pays au
monde : au Proche-Orient (Tur-
quie, Syrie, Irak, et même au
royaume des Lieux saints, l’Ara-
bie saoudite, ou en Iran, pourtant
régime religieux, en janvier der-
nier), en Afrique (Maghreb,
Egypte, Nigeria, Kenya, Mozam-
bique…), en Europe (en France,
avec le Bataclan en 2015,
mais aussi en Espagne, au Royau-
me-Uni, en Allemagne, en
Suède, etc.), en Asie centrale, dont
sont sans doute originaires les
assaillants du Crocus Hall, au
Pakistan, en Indonésie, en Inde, et
même en Amérique du Nord.
Seules l’Amérique latine et
l’Océanie sont épargnés. Son
action, opportuniste et tous azi-
muts, est donc indépendante des
bouleversements géopolitiques
éventuels.
Des services de sécurité
accaparés par Kiev
« Il est en outre facile, pour Daech,
de recruter en Russie, ajoute Grigo-
rij Serscikov, parmi les Tadjiks et
Ouzbeks, nombreux, russophones
et venant de pays musulmans voi-
sins de l’Afghanistan, où ils peuvent
être sensibles aux idéologies isla-
mistes, formatés puis formés. »
Daech peut aussi recruter parmi
des citoyens russes, puisqu’un hui-
tième de la population est musul-
mane, même si seule une petite
minorité, localisée dans le Cau-
case, adhère à un islam politique.
L’Etat islamique
nourrit une haine
inextinguible
envers la Russie
depuis la guerre
de Tchétchénie,
en 1999.
Pourquoi Daech, après sept ans
de pause, frappe-t-il précisément
maintenant, quelques jours après
la réélection de Vladimir Poutine
et en pleine guerre en Ukraine ?
Les théories du complot vont aller
bon train, évoquant une opéra-
tion sous « faux drapeau » du
Kremlin pour justifier une nou-
velle répression interne, ou poin-
ter encore davantage l’Ukraine.
Aucun élément probant ne
va t o u t e f o i s d a n s c e s e n s à
ce stade, même si le délai d’inter-
vention des forces de l’ordre, qui
n’ont même pas réussi à tirer
sur les assaillants, arrêtés seule-
ment douze heures après l’assaut,
interroge, d’autant plus qu’un
quartier général de forces spé-
ciales se trouverait en face du Cro-
cus Hall.
Daech aurait en tout cas pu
profiter du fait que les services
de renseignement et de sécurité
russes étaient accaparés par les
relais éventuels de Kiev dans le
pays. L’organisation islamiste
aurait pu réactiver des cellules,
d’autant plus que l’attentat du
Crocus Hall n’a pas nécessité une
préparation sophistiquée, fondé
sur l’intrusion soudaine d’une
demi-douzaine d’assaillants équi-
pés simplement de mitraillettes,
gilets pare-balles et d’un bidon de
liquide inflammable. n
09 Les Echos Lundi 25 mars 2024
Après l’attaque terroriste, accusations
et représailles de la Russie contre l’Ukraine
Kiev tente de contrer
les accusations de la Russie
sur l’implication
de l’Ukraine dans l’attentat
de Moscou. Les attaques
russes contre l’Ukraine
se sont intensifiées
ces derniers jours.
Guillaume Ptak
— Correspondant à Kiev
« Peu importe qui est responsable,
c’est nous qu’ils [les Russes] vont
blâmer », estimait Maksym, ser-
veur du pub Na Podoli à Kiev, dans
les minutes ayant suivi l’attaque
terroriste de vendredi à Moscou.
Une crainte manifestement parta-
gée par les dirigeants ukrainiens : le
soir même, le conseiller du prési-
d e n t Vo l o d y m y r Z e l e n s k y ,
Mykhailo Podoliak, avait nié toute
implication de l’Ukraine dans un
message publié sur son compte X
(ex-Twitter).
« L’Ukraine n’a jamais eu recours
à des méthodes terroristes », a-t-il
dit, ajoutant que l’issue de la guerre
ne se résoudrait que « sur le champ
de bataille ». « Il ne fait aucun doute
que les événements […] contribue-
ront à une forte augmentation de la
propagande militaire, à une milita-
risation accélérée, à une mobilisa-
tion élargie et […] à l’intensification
de la guerre », avertissait cependant
le conseiller du président.
Narratif russe
Les prédictions de Mykhailo Podo-
liak se sont avérées justes : le narra-
tif russe visant à attribuer ses atta-
ques à l’Ukraine a commencé à
prendre forme quelques heures
seulement après la fin de la
fusillade. Dès vendredi soir, Dmitri
Medvedev, le vice-président du
Conseil de sécurité, a évoqué un
lien possible entre « ces terroristes »
et « le régime de Kiev ».
Le lendemain, les services de
sécurité russes indiquaient que les
assaillants avaient prévu de passer
la frontière avec l’Ukraine après
l’attaque pour y retrouver leurs
« contacts », sans pour autant pro-
duire la moindre preuve. Une ver-
sion reprise par Vladimir Poutine
dans son allocution samedi : il a
affirmé qu’une « fenêtre » aurait été
préparée à la frontière par des
contacts au sein du gouvernement
ukrainien pour permettre aux ter-
Actifs russes gelés, barrières douanières :
l’Europe accentue son soutien à Kiev
Les pays de l’UE vont
utiliser les bénéfices
des actifs russes gelés pour
financer les achats d’armes
pour Kiev. Ils veulent aussi
cesser d’importer
des céréales de Russie
en imposant des barrières
douanières prohibitives.
Karl de Meyer
— A Bruxelles
et Vincent Collen
Le sommet des dirigeants de
l’Union européenne s’est terminé en
début d’après-midi vendredi. Les
Vingt-Sept n’ont donc pas abordé,
lors de ce conseil à Bruxelles, l’atten-
tat de Moscou qui s’est déroulé quel-
ques heures plus tard. Mais les déci-
sions et orientations prises lors de
ces deux jours de réunion concer-
nent directement la Russie et
l’Ukraine.
Les chefs d’Etat et de gouverne-
ment des Etats membres se sont
entendus sur l’utilisation des pro-
duits issus des avoirs russes immo-
bilisés sur le Vieux Continent, soit
environ 200 milliards d’euros, pour
aider l’Ukraine. Les Vingt-Sept
attendent des revenus de quelque
3 milliards cette année et « des mon-
tants similaires au cours des années
Explosion d’un missile au-dessus de Kiev, dimanche. Selon les autorités ukrainiennes, les systèmes de défense antiaérienne auraient
abattu « une douzaine » de missiles au-dessus de la capitale, sans que ceux-ci ne fassent de victimes ou de dégâts. Photo Gleb Garanich/Reuters
roristes de s’enfuir. Une étrange
porosité attribuée par Poutine à la
frontière entre les deux pays, alors
que celle-ci, une zone de guerre
active, est renforcée par des fortifi-
cations, des champs de mines et
des barbelés sur plusieurs kilomè-
tres de profondeur.
Zelensky fustige Poutine
Cette version a immédiatement été
contredite par le président ukrai-
nien dans une allocution vidéo :
« Poutine et d’autres salauds essaient
de rejeter la responsabilité sur quel-
qu’un d’autre. Leurs méthodes sont
toujours les mêmes, s’est insurgé
Volodymyr Zelensky. Au lieu de
s’occuper de ses citoyens russes et de
s’adresser à eux, cet abruti de Pou-
tine est resté silencieux pendant une
suivantes », a précisé la présidente
de la Commission, Ursula
von der Leyen. Le « premier mil-
liard » pourrait être versé à Kiev « dès
le 1er juillet », a-t-elle déclaré. Ces
fonds pourront servir « à 90 % pour
l’achat de munitions », a précisé ven-
dredi Alexander De Croo, le Pre-
mier ministre belge.
Les Européens ont pris cette déci-
sion en dépit des menaces de Mos-
cou, qui a promis d’intenter des
poursuites judiciaires « sur des
décennies » en cas d’utilisation des
avoirs gelés de la Russie.
Emprunt européen
Au-delà, les Vingt-Sept ont appelé à
renforcer leur effort de défense. Les
pays de l’Union européenne ont déjà
augmenté leurs dépenses dans ce
domaine « de 100 milliards d’euros »
depuis le début de la guerre, selon
Ursula von der Leyen. Pour aller
plus loin, le conseil a validé la nou-
velle stratégie présentée par la Com-
mission le 5 mars pour renforcer les
capacités industrielles de défense de
l’Union.
Les leaders demandent à la Ban-
que européenne d’investissement
« d’adapter sa politique de prêt pour
le secteur de la défense et sa définition
actuelle de biens à usage dual ». Les
Vingt-Sept espèrent ainsi pouvoir
« L’Ukraine n’a
jamais eu recours
à des méthodes
terroristes. »
MYKHAILO PODOLIAK
Conseiller du président
Volodymyr Zelensky
mobiliser plus d’argent privé pour
des industries souvent regardées
avec circonspection par les investis-
seurs institutionnels.
Les Européens réclament plus
généralement à la Commission
d’explorer toutes les options de
mobilisation de nouveaux finance-
ments d’ici juin. Mais la mention de
« sources innovantes » de finance-
ment qui figuraient dans un projet
de conclusions initial a disparu.
Solution structurelle
Elle semblait ouvrir la porte à une
réflexion sur l’émission d’obliga-
tions européennes, ce dont ne veu-
lent pas entendre parler plusieurs
Etats membres traditionnellement
identifiés comme « frugaux », au
premier rang desquels l’Allemagne
et les Pays-Bas.
Mark Rutte, le Premier ministre
néerlandais gérant les affaires cou-
rantes, estime que les insuffisances
de l’industrie de défense euro-
péenne ne sont pas assimilables à
une crise comme l’a été la pandémie
– contre laquelle les Vingt-Sept
avaient mis en place un plan de
relance avec endettement commun.
Le Premier ministre belge s’est
montré, de son côté, ouvert à des
« eurobonds » pour certaines
dépenses, par exemple la recher-
journée, réfléchissant à la manière
de lier tout cela à l’Ukraine. »
Dans la nuit de samedi à diman-
che, Moscou a lancé une nouvelle
vague de bombardements de
grande ampleur contre son voisin,
bien qu’il soit impossible de savoir
s’il s’agit là de représailles, alors que
de telles attaques s’étaient déjà
multipliées au cours des derniers
jours. Selon les autorités ukrai-
niennes, les systèmes de défense
antiaérienne auraient abattu « une
douzaine » de missiles au-dessus de
la capitale, sans que ceux-ci ne fas-
sent de victimes ou de dégâts.
Nouveaux bombardements
Dans l’ouest du pays, la région de
Lviv a également été la cible d’une
vingtaine de missiles et de sept dro-
che-développement, car « elles
débouchent un jour sur des revenus
qui permettent de rembourser ». Sur
ce projet d’obligations européennes
pour la défense, « nous sommes au
début du débat, pas à la fin », a estimé
Ursula von der Leyen.
Emmanuel Macron, pour sa part,
a réclamé des « instruments inno-
vants qui permettent de lever de
l’argent sur les marchés ». « Il y a une
volonté commune, la prise de
conscience est là », a-t-il assuré.
Les Vingt-Sept vont par ailleurs
arrêter les importations de céréales
en provenance de la Russie et de son
alliée, la Biélorussie. Les volumes
concernés sont faibles : environ 1 %
de la consommation de l’Union
européenne. Mais le sujet est politi-
quement sensible. La Commission a
proposé de taxer ces importations,
répondant à une demande insis-
tante de Volodymyr Zelensky, le pré-
sident ukrainien.
« Une hausse considérable »
Les futures barrières douanières
devront être « assez élevées pour
supprimer, en pratique, ces importa-
tions dans l’Union européenne »,
mais sans « affecter les exportations
vers les pays tiers », en particulier les
pays en développement, afin de ne
pas perturber l’approvisionne-
nes iraniens Shahed, qui visaient,
selon le maire Andriy Sadovy, des
« infrastructures essentielles ».
L’ampleur de l’attaque a poussé
la Pologne, pays limitrophe, à acti-
ver son armée de l’air. Selon les
autorités polonaises, un missile
russe aurait brièvement violé
l’espace aérien du pays dimanche
matin. « La Pologne exigera des
explications de la part de la Fédéra-
tion de Russie pour une nouvelle vio-
lation de l’espace aérien du pays », a
déclaré le ministère des Affaires
étrangères à Varsovie.
Un autre incident de ce type avait
eu lieu en décembre, lorsqu’un mis-
sile russe avait pénétré dans
l’espace aérien polonais avant de le
quitter quelques minutes après, en
direction de l’Ukraine. n
ment des marchés mondiaux, a
expliqué la Commission.
Les céréales russes et biélorus-
ses « ont jusqu’à présent pu entrer
sur le marché européen avec des
tarifs douaniers faibles ou nuls, et
nous avons constaté une hausse
considérable de ces importations
en 2023 », a déclaré Valdis Dombro-
vskis, le commissaire européen au
Commerce.
Opération déminage
Ce problème a été mis en lumière
par les syndicats d’agriculteurs
européens. « Globalement, le sujet
n’est pas énorme. Mais pour certai-
nes catégories de blé, à certains
moments de l’année, les importa-
tions russes peuvent faire bouger les
marchés, pénalisant des agricul-
teurs », décrypte Pascal Lamy, vice-
président du think tank Europe Jac-
ques Delors.
Ces mesures s’inscrivent dans un
contexte politique plus large où la
colère du monde paysan met la
pression sur Bruxelles à l’approche
des élections européennes. La Com-
mission et les Vingt-Sept sont aussi
prêts à limiter les importations de
produits agricoles d’Ukraine. « La
Commission européenne est en opé-
ration déminage à l’approche du
scrutin », explique l’expert. n
MONDE
LE GRAND
RENDEZ-VOUS //
EUROPE 1 -
CNEWS -
« LES ÉCHOS »
Eric Ciotti :
« La menace
islamiste est
durable »
Invité du Grand Rendez-
Vous Europe 1 – CNews –
« Les Echos », le prési-
dent des Républicains,
Eric Ciotti, juge que cette
menace islamiste « est la
plus lourde qui pèse sur
notre avenir ».
Eric Ciotti a pointé dimanche
« le danger d’une instrumentali-
sation » par la Russie de l’atten-
tat qui a fait au moins 137 morts
vendredi au Crocus City Hall de
Moscou. « Nous devons expri-
mer ce soutien [ au peuple russe,
NDLR] face à un attentat terro-
riste […]. Après, il y a la question
de l’interprétation, voire de l’ins-
trumentalisation. Poutine a
voulu relier cet attentat au con-
texte de l’Ukraine. J’ai noté que
les services de renseignement
américains avaient prévenu la
Russie d’une attaque islamiste
imminente. »
« La menace islamiste, et mal-
heureusement beaucoup ont ten-
dance à l’atténuer, elle est là, et
elle est présente, elle est durable et
c’est certainement la menace la
plus lourde qui pèse sur notre
avenir » a martelé le patron des
LR évoquant des « similitudes »
avec les attentats du Bataclan.
« Il faut être extraordinairement
vigilant » à l’approche des JO, a
assuré l’élu, qui se dit toutefois
confiant dans les services de
renseignement français.
« Jeu cynique »
Eric Ciotti a taclé Emmanuel
Macron qu’il accuse de s’être
montré « irresponsable » d’avoir
envisagé l’envoi possible de
troupes occidentales en
Ukraine. Emmanuel Macron « a
voulu replacer le conflit entre la
Russie et l’Ukraine au cœur des
élections européennes comme il
l’avait fait pour la présidentielle »,
a estimé le député LR, fustigeant
le « jeu cynique du chef de l’Etat »
consistant à installer « un duel
Macron-Le Pen ».
Créditée de 7 à 8 % dans les
sondages, la liste LR de Fran-
çois-Xavier Bellamy est à la
peine. Eric Ciotti y voit les effets
d’un « piège de communication ».
« Je voudrais qu’on en
revienne au fond, qu’on arrête
avec ce court-termisme politique
[…] C’est dérisoire, alors qu’il y a
des Français qui souffrent et que
nos comptes publics sont dans
une situation désastreuse.
Quand un pays est asphyxié par
3.200 milliards d’euros de dette,
lorsque nous avons le record
d’Europe des dépenses publiques
et surtout le record du monde des
impôts et des charges, on voit bien
que tous ceux qui travaillent n’en
peuvent plus », a-t-il jugé.
Eric Ciotti dit « ne pas croire en
l’Europe de Macron et de von der
Leyen », une Europe de la tech-
nocratie, des normes.
« L’Europe ça ne peut pas être un
projet technocratique, ça doit être
la paix, la croissance, la sécurité. »
— Les Echos
Marie Etchegoyen/Capa Pictures pour Europe 1
« Il faut être vigilant »
à l’approche des JO,
a assuré Eric Ciotti.
MONDE
Guerre à Gaza : Washington durcit
le ton face à l’allié israélien
l A Tel-Aviv, le chef de la diplomatie américaine n’a pas réussi à convaincre Benyamin Netanyahou d’épargner Rafah.
l Les Etats-Unis ont soutenu à l’ONU une résolution appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, qui a été rejetée.
PROCHE-ORIENT
Solveig Godeluck
— Bureau de New York
Epuisant, et frustrant. Le secrétaire
d’Etat américain Antony Blinken a
conclu sa sixième tournée au Mo-
yen-Orient depuis le 7 octobre sans
obtenir gain de cause à Tel-Aviv. Il
était venu pour convaincre le Pre-
mier ministre israélien, Benyamin
Netanyahou, de ne pas attaquer la
ville de Rafah, où plus d’un million
de Palestiniens se sont réfugiés.
Le président des Etats-Unis, Joe
Biden, a lui-même prévenu que
l’assaut de la ville encerclée était une
« ligne rouge » à ne pas franchir. Mais
l’intransigeant chef de guerre a
rétorqué que prendre Rafah était le
seul moyen de vaincre les terroris-
tes du Hamas. Il a ajouté espérer le
soutien des Etats-Unis, « mais s’il le
faut – nous le ferons seuls ».
Washington se retrouve donc
face à ses contradictions, à soutenir
un allié qui n’en fait qu’à sa tête,
quitte à se mettre à dos la commu-
nauté internationale. La guerre à
Gaza aurait fait plus de 32.000 victi-
mes civiles selon le Hamas, la moitié
des bâtiments ont été détruits par
les bombardements, et comme
Israël refuse de laisser passer l’aide
humanitaire, une famine se déve-
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Fondatrice de
la Fondation de
Recherches pour
les Sciences
loppe. « Rien ne justifie les attaques
horribles du Hamas le 7 octobre et
rien ne justifie la punition collective
du peuple palestinien », s’est indigné
le secrétaire général de l’ONU Anto-
nio Guterres, samedi en Egypte, à la
lisière de Rafah.
Veto russo-chinois
L’impuissance américaine s’est
exprimée avec force vendredi. Le
conseil de sécurité des Nations
unies a rejeté une résolution d’appel
à un « cessez-le-feu immédiat et
durable » à Gaza. Pour la première
fois, elle était soutenue par les Etats-
Unis, mais la Russie et la Chine s’y
sont opposées. En six mois de
guerre, Washington a mis son veto à
trois résolutions de cessez-le-feu,
soutenant fidèlement son allié
israélien et son droit à se défendre
après les attentats terroristes du
7 octobre qui ont fait 1.200 morts.
Mais la frustration grandit. Les
Etats-Unis ne veulent pas paraître
insensibles au sort des victimes
palestiniennes. Ils voudraient aussi
pouvoir envisager l’après-guerre
avec leur allié, mais Benyamin Neta-
nyahou ne veut pas entendre parler
d’une solution à deux Etats. La
diplomatie américaine a donc haus-
sé le ton à l’ONU, tout en renvoyant
la responsabilité de l’échec à la Rus-
sie et à la Chine, qui n’allaient pas
signer une résolution condamnant
MARS 2024
DA
DURABLE
ET
PLUS HUMAIN
150+
conférences
ANTOINE
PELLION
ANNE-LUCIE
WERQUIN
Secrétaire Géneral Directrice
à la Planification Innovation, CITEO
Écologique
WWW.CHANGENOW.WORLD
Le Conseil de sécurité de l’ONU est très divisé sur le dossier israélo-palestinien depuis des années.
le Hamas. En parallèle, elle continue
à tenter d’amener les parties à un
cessez-le-feu de six semaines, en
échange de la libération des otages
retenus par le Hamas. C’est le patron
de la CIA, William Burns, qui dirige
les opérations.
Joe Biden a des raisons d’être
furieux contre Benyamin Netanya-
10 000
entreprises
KILIAN JORNET
Athèle,
Ultra Traileur
hou, un dirigeant qu’il n’a jamais
apprécié, mais qu’il a soutenu sans
réserve après le 7 octobre, enga-
geant tout son crédit politique.
Le choc Schumer
S’il veut être réélu en novembre, Joe
Biden va devoir apaiser son aile gau-
che, qui réclame un cessez-le-feu. Si
le soutien à la contre-attaque contre
le Hamas est fort, 58 % selon Pew
Research, 34 % des Américains
jugent inacceptable la façon dont
Israël conduit cette guerre, et 26 %
sont hésitants.
Comment l’aide parvient à entrer
dans l’enclave palestinienne
Les camions d’aide humani-
taire entrent difficilement
à Gaza depuis le début
de la guerre. Plusieurs pays
ont pris l’initiative
de la faire parvenir
aux habitants par avion
ou par bateau.
Sophie Amsili
Les 2,4 millions d’habitants de
l’enclave de Gaza, dont la moitié
connaît une situation alimentaire
catastrophique selon l’ONU, voire
un risque de famine imminent,
dépendent plus que jamais de l’aide
humanitaire. Quels sont les besoins
aujourd’hui ? Quelle est la quantité
d’aide qui leur parvient ? Par quels
moyens ? Est-elle détournée ?
Pillée ? Qui la distribue ? De nom-
breuses questions restent en sus-
pens. Si la situation sur place est
difficile à évaluer, voici ce que l’on
sait des entrées d’aide en quelques-
chiffres clés.
• PAR LA ROUTE
La majorité de l’aide parvient aux
habitants de Gaza par la route, prin-
cipalement via le point d’entrée de
Kerem Shalom (à la frontière israé-
lienne) et dans une moindre mesure
celui de Rafah (à la frontière égyp-
tienne) . D’après les données de
l’ONU, 164 camions chargés d’aide
humanitaire sont ainsi entrés en
moyenne chaque jour dans l’en-
clave pendant la première quin-
zaine de mars. Pommes, biscuits,
farine, viande, huile, couverture,
charbon ou encore couches font
partie des cargaisons récentes,
acheminées en majorité par le
Croissant-Rouge palestinien et
l’agence onusienne d’aide aux Pales-
tiniens, l’UNRWA, selon les données
compilées par cette dernière.
Lundi 25 mars 2024 Les Echos 10
Macron
condamne
les annonces
israéliennes
Le président français
Emmanuel Macron a
haussé le ton envers le
Premier ministre israé-
lien, Benyamin Netanya-
hou, marquant à nouveau
« sa ferme opposition » à
une offensive israélienne
sur Rafah et avertissant
que « le transfert forcé de
population constituait un
crime de guerre ».
Lors d’un entretien télé-
phonique avec le chef du
Mike Segar/Reuters
gouvernement israélien,
dimanche, le dirigeant
français a condamné « fer-
mement les récentes annon-
ces israéliennes en matière
de colonisation ». Ven-
dredi, Israël a annoncé la
Le chef d’Etat n’a donc pas contre- saisie de 800 hectares de
dit le leader démocrate du Sénat terres en Cisjordanie
lorsque ce dernier a demandé la tête occupée. Le chef de l’Etat a
de Benyamin Netanyahou. Chuck fait part à Benyamin Neta-
Schumer, juif lui-même et ami nyahou de son intention
d’Israël, a solennellement déclaré le de porter au Conseil de
14 mars que le Premier ministre sécurité de l’ONU un pro-
israélien était un obstacle à la paix. jet de résolution pour
L’ingérence du patron du Sénat appeler à « un cessez-le-feu
dans les affaires israéliennes a pro- immédiat et durable ».
voqué des remous aux Etats-Unis. Moscou et Pékin se sont
L’opposition républicaine a bondi opposés à une proposition
sur l’occasion de faire un coup poli- de résolution similaire de
tique, et envisage d’inviter Benya- Washington, dénonçant
min Netanyahou n Congrès. un texte « hypocrite ».
Chaque cargaison est inspectée taires et de kits d’hygiène. Les Amé-
en amont par les forces israéliennes ricains ont pour leur part procédé à
qui traquent le matériel qui pourrait quelque 11 largages depuis le début
être utile aux combattants du du mois de mars.
Hamas. Résultat, le nombre de Ces largages, s’ils ont l’avantage
camions est bien inférieur à celui de parvenir à des habitants dans des
qui entrait avant la guerre : 500. A zones difficiles d’accès par la route,
noter cependant qu’il s’agissait alors
en grande majorité de biens com-
sont cependant « coûteux, leur capa-
cité est limitée et ils peuvent blesser les
merciaux (matériaux de construc- habitants », déplore l’ONU. Cinq per-
tion, denrées alimentaires, etc.) et
non d’aide humanitaire.
sonnes avaient ainsi été tuées et dix
autres blessées début mars lors d’un
S euls quelques dizaines de largage près de la ville de Gaza.
camions pénétraient quotidienne-
ment dans l’enclave dans le mois qui
a suivi le début de la guerre. Leur
• PAR LA MER
Dernière option, des livraisons via le
nombre a brusquement augmenté littoral. Problème, les infrastructu-
pendant la brève trêve de fin novem- res portuaires de Gaza sont insuffi-
bre avant d’osciller entre 100 et santes pour accueillir de gros
150 camions par jour. Les flux de bateaux. Les Etats-Unis, les Emirats,
camions restent toutefois large- l’Union européenne et des ONG ont
ment en deçà des besoins : selon le annoncé il y a deux semaines leur
Programme alimentaire mondial intention d’établir des pontons,
(PAM), il faudrait faire entrer à Gaza mais qui ne devraient pas être opé-
« au moins 300 camions par jour », rationnels avant avril ou mai. En
particulièrement dans le nord. Six attendant, l’UE a créé un corridor
camions du PAM ont d’ailleurs pu maritime depuis le port chypriote
pénétrer directement dans la partie de Larnaca, situé à 370 km. Un pre-
nord de l’enclave il y a quelques
jours dans le cadre d’un programme
mier bateau, le navire de l’ONG
espagnole Open Arms, a ainsi livré,
pilote de l’armée israélienne. le 15 mars, 200 tonnes de nourriture
fournie par l’ONG américaine
• PAR LES AIRS
Pour parer à l’urgence, plusieurs
World Central Kitchen. La cargai-
son a été débarquée sur une jetée
pays occidentaux et du Golfe ont temporaire construite par l’ONG au
pris l’initiative d’envoyer de l’aide sud-ouest de la ville de Gaza puis
humanitaire par voie aérienne : les distribuée par camion.
Emirats arabes unis, Bahreïn, le Un deuxième navire, le « Jenni-
Qatar, l’Egypte, la Jordanie, la fer », attend une météo favorable
France, la Belgique, le Royaume- pour pouvoir appareiller de Lar-
Uni, les Pays-Bas, les Etats-Unis… La naca, a indiqué jeudi le ministre des
Jordanie a ainsi livré de l’aide médi- Affaires étrangères chypriote,
cale en novembre puis a procédé à Constantinos Kombos. L’objectif est
plusieurs largages avec la France d’envoyer « autant de bateaux que
– début janvier et fin février –, ainsi possible » vers Gaza, a-t-il ajouté, à
qu’avec les Etats-Unis et l’Egypte. l’issue d’une réunion rassemblant
Le dernier largage conjoint avec des représentants de 36 pays, dont
les forces françaises avait permis de Israël, d’agences de l’ONU et d’orga-
livrer 2,2 tonnes de colis alimen- nisations humanitaires. n
11 Les Echos Lundi 25 mars 2024
Les nouveaux seigneurs de Wall Street
François Vidal
Lorsqu’à l’automne 1988, Henry
Kravis et George Roberts, deux
jeunes financiers new-yorkais
osent se lancer à l’assaut du conglo-
mérat RJR Nabisco, qui vend à la
fois des cigarettes et des biscuits, la
Blackstone gère plus stupeur est générale dans les
de 1.000 milliards milieux d’affaires.
de dollars et vaut De cette OPA, considérée comme
l’acte de naissance du LBO moder-
plus en Bourse ne, ces rachats d’entreprise finan-
que Goldman Sachs cés par une lourde dette rembour-
sée par la cible, reste le souvenir
et Morgan Stanley. d’une bataille acharnée et un livre
Le symbole mythique à Wall Street, dont le titre
de la prise de pouvoir résume à lui seul le climat de l’épo-
que, « Barbarians at the Gate ».
en cours Trente-cinq ans plus tard, les
des industriels « barbares » sont non seulement
de la gestion entrés dans la ville, mais l’un d’entre
alternative
eux est désormais assis sur le trône.
Pas KKR, la société d’investisse-
sur la planète finance. ment créée par les deux cousins à
l’origine du raid sur Nabisco, mais
l’une de ses rivales, Blackstone, fon-
dée à la même période par deux an-
ciens de Lehman Brothers, Peter
Peterson et Steve Schwarzman.
Cette firme vaut à présent, en
Bourse, plus que Goldman Sachs
ou Morgan Stanley, les deux icônes
de Wall Street. Sa capitalisation, qui
LA
CHRONIQUE
de Jean-Emmanuel Ray
Travailler avec l’IA générative
a peur est mauvaise
L zconseillère. Or l’IA généra-
tive (IAGen) – et interactive,
d’où son succès – fait peur à nombre
d’actifs. Rien de nouveau depuis les
métiers à tisser, personne ne sa-
chant par ailleurs ce que nous en fe-
rons dans trois ans.
Alors, à l’instar des partenaires
sociaux de la métallurgie alleman-
de lorsque les automates allaient
envahir leurs entreprises, parions
sur l’intelligence collective pour
éviter blocages individuels et col-
lectifs. Partant d’un résolu « n’ayons
pas peur ! », ils avaient choisi de
s’adapter au plus près du terrain en
remettant à plat des postes reconfi-
gurés ou supprimés et en négociant
des mesures d’accompagnement.
Face à une « nouvelle technolo-
gie », le droit du travail français vise
d’abord la prévention des licencie-
ments : consultation préalable du
CSE permettant un débat interne,
avec éventuel recours à un expert
surtout pédagogue (L. 2312-8) et
dépasse les 150 milliards, est supé-
rieure aussi à celle du géant Blac-
kRock aux quelque 10.000 milliards
de dollars sous gestion, et lui a
ouvert les portes du S&P 500. Les
grandes banques de la place, à l’ex-
ception de Citigroup, pèsent tou-
jours plus lourd sur les marchés,
mais les nouveaux seigneurs de
Wall Street sont bien les 250 « par-
tners » de cette entreprise symbole
de l’irrésistible ascension d’une
nouvelle catégorie d’acteurs sur la
planète finance : les plateformes de
gestion alternative.
Le modèle de Blackstone et de ses
homologues venus d’horizons dif-
férents – KKR, Apollo, Carlyle aux
Etats-Unis, EQT, CVC notamment
en Europe – repose sur leur capaci-
té à offrir à des investisseurs aux po-
ches profondes l’accès à toute une
panoplie d’actifs dits « alternatifs »,
qui ont pour point commun de ne
pas être cotés. Un maquis long-
temps considéré comme inextrica-
ble et dans lequel ils sont capables
de distinguer le bon grain de
l’ivraie. Pilotant aujourd’hui plus de
1.000 milliards de dollars dans ses
différents véhicules d’investisse-
ment, Blackstone est à la fois un im-
mense fonds LBO, un acteur impor-
tant du monde du crédit et l’une des
obligation de négocier une gestion
des emplois et des parcours profes-
sionnels (L. 2242-20).
Il n’est donc nul besoin de nouvel-
les normes rendant le droit « tech-
nocaptif ». Il vaut mieux espérer
une dynamique sociale sortant de
notre clivage très français gagnant/
perdant, en évitant de raisonner en
termes de concurrence, mais de
complémentarité. Car l’IAGen va
remplacer d’abord des tâches : la fa-
meuse « restructuration » touchera
le travail lui-même. Excellente nou-
velle que cette montée en compé-
tences, avec le développement de
qualités proprement humaines : re-
lations avec clients et collègues,
créativité, innovation. De quoi atti-
rer les jeunes.
Mais du côté de l’entreprise, qua-
tre points sont à surveiller.
1 La prévention qui recouvre
le devoir patronal d’adaptation
« L’employeur […] veille au maintien
de la capacité des salariés à occuper
premières foncières de la planète…
entre autres. Un supermarché, ou
plutôt une épicerie de luxe étant
donné ses performances financiè-
res – 5 milliards de dollars de profits
l’an dernier pour Blackstone –, dans
laquelle les grands gestionnaires
d’épargne font leurs courses.
Il semble bien que
l’ascension de ces
« barbares » n’en soit
qu’à ses débuts.
A moins que les
autorités ne décident
d’encadrer
plus strictement
les grands acteurs
du secteur.
Comment des acteurs aussi ré-
cents ont-il pu « disrupter » des ins-
titutions prestigieuses vieilles de
plus d’un siècle ? La finance n’est
pas la tech et les réputations y sont
longues à construire. La réponse est
double. D’abord, en profitant du big
bang réglementaire post-crise fi-
nancière de 2008. Mieux enca-
un emploi, au regard notamment de
l’évolution des emplois et des techno-
logies » (L. 6321-1). Ce devoir perma-
nent vise à maintenir l’employabili-
té interne, mais aussi externe de
chaque collaborateur : s’il est loca-
taire de son poste, il restera proprié-
taire des compétences acquises.
Ajoutons que si faire l’entreprise
de demain avec les travailleurs
d’aujourd’hui est socialement sou-
haitable, il s’agit aussi d’un impéra-
tif démographique. Et le marqueur
d’une réelle RSE : l’arrivée de l’IA-
Gen va-t-elle conduire au départ de
nombreux seniors ? La branche est
ici le bon niveau pour mutualiser
recherches et moyens.
2 L’évolution des tâches
et la modification du contrat
de travail
Si les tâches répétitives disparais-
sent, la qualité de vie au travail
s’améliore… sauf si le travailleur
doit tout vérifier, ou faire face à des
travaux toujours plus complexes.
drées, les banques, Goldman Sachs
et Morgan Stanley compris, ont dû
revoir leur business model pour se
conformer à tout à un tas d’obliga-
tions prudentielles, gage de sécurité
pour leurs clients, mais frein à leur
croissance. Un « bridage » auquel a
échappé la finance de l’ombre, celle
de la gestion d’actifs pour l’essentiel,
à laquelle appartiennent Blacksto-
ne et ses avatars.
Le second moteur de cette mon-
tée en puissance est alimenté par la
longue période de taux d’intérêt ex-
ceptionnellement bas qui s’est ter-
minée en 2022. Dans un environne-
ment où l’argent était à la fois
abondant et pas cher, l’attractivité
des actifs non cotés a explosé. La
conséquence logique d’une rentabi-
lité dopée par le niveau des taux,
propice aux opérations de rachat de
ce type d’actifs dans lesquelles la
dette tient souvent une place cen-
trale. L’effet aussi de l’attitude des
investisseurs prêts pendant cette
période à prendre plus de risques,
notamment de liquidité, pour des
placements susceptibles de leur of-
frir un rendement élevé.
Cet alignement des planètes aura
favorisé l’expansion accélérée de
tout l’écosystème de la gestion alter-
native. Et si Blackstone fait la cour-
Mais cette évolution peut aussi
toucher des éléments essentiels du
contrat : qualification, prime con-
tractuelle. L’employeur ne pouvant
imposer une telle modification, il la
propose par lettre recommandée
avec accusé de réception au colla-
borateur concerné, qui l’accepte
dans la majorité des cas. Mais des
talents déjà sur le départ pourraient
aussi refuser, attendant un géné-
reux plan de départs volontaires…
3 Le licenciement économique
est l’ultima ratio quand « tous
les efforts de formation et
d’adaptation ont été réalisés »
Le contrôle judiciaire intervient
lors de l’examen de sa cause réelle et
sérieuse. Parmi les quatre hypothè-
ses légales, « les mutations technolo-
giques » constituent un motif auto-
nome, applicable en l’absence de
difficultés économiques….
Mais le salarié a beau jeu de plai-
der que quelques jours de forma-
tion in extremis lui auraient permis
IDÉES
Dominique Boll pour « Les Echos »
se en tête, c’est que la firme a su pas-
ser plus vite du statut de boutique à
celui d’industriel de la finance. Elle
s’est ainsi développée sans retenue
à l’international pour multiplier les
opportunités d’investissement et
de levées de fonds. Elle a aussi inno-
vé dans ses rapports avec les inves-
tisseurs en se tournant vers les
épargnants les plus fortunés et en
créant des fonds dits « perpétuels »
qui permettent d’accumuler les ca-
pitaux gérés.
La question est de savoir si ce mo-
dèle est durable, alors que l’ère des
taux écrasés est révolue et que le ra-
lentissement économique provoque
l’explosion de bulles financières.
Blackstone en a subi les consé -
quences fin 2022, lorsque des inves-
tisseurs ont demandé à sortir en
nombre de l’un de ses « flagships »
pour cause de craintes sur la valeur
de l’immobilier commercial. Mais
au-delà des effets de cycle, il semble
bien que l’ascension de ces « barba-
res » n’en soit qu’à ses débuts. A
moins bien sûr que les autorités ne
décident d’encadrer plus stricte-
ment les grands acteurs du secteur
pour des raisons prudentielles ou
pour prévenir d’éventuels risques de
conflit d’intérêts au sein de ces con-
glomérats d’un nouveau type. n
de s’adapter à l’IAGen. Nombre
d’entreprises abandonnent donc ce
motif au profit de « la sauvegarde de
la compétitivité ». Qu’en penseront
nos juges ?
4 Le règlement commu-
nautaire de 2024 sur l’IAGen
catégorise ses utilisations
en fonction du risque
Utilisées pour « l’emploi et la gestion
des travailleurs », elles sont classées
« à haut risque », donc soumises à
des obligations strictes. Il vaut
mieux voir venir. Tsunami du télé-
travail, irruption de l’IAGen… Nobel
1987, Robert Solow notait qu’une in-
novation technique n’accroît la pro-
ductivité qu’accompagnée d’inno-
vations organisationnelles.
Taylor et ta verticalité, sortez de
ce corps !
Jean-Emmanuel Ray est
professeur émérite de droit
du travail à Paris-I
Panthéon-Sorbonne.
IDÉES
analyses
Egalité : la stratégie des
alliées pour se propulser
L’union est un levier puissant que nous devons
démultiplier avec énergie pour réduire les disparités
économiques entre femmes et hommes.
LA
CHRONIQUE
de Marie Eloy
’adage « l’union fait la force » résonne
L parfaitement dans nos vies personnel-
les, où en tant que femmes, nous nous
soutenons sans compter et nous partageons
avec une efficacité redoutable médecins,
baby-sitters ou bons plans… Dans la vie pro-
fessionnelle, cette solidarité s’effrite dès que
les notions d’argent, de visibilité ou de pouvoir
entrent en jeu. Historiquement tenues à l’écart
de ces sphères, nous ne sommes pas encore
habituées à nous faire la courte échelle dans le
milieu professionnel. Que ce soit en tant que
salariées ou entrepreneuses, nous progres-
sons souvent seules, sans solliciter d’aide et
sans bâtir de réseau sur lequel nous appuyer.
Les hommes, en revanche, savent créer des
occasions formelles ou informelles pour tis-
ser leurs réseaux, les exploiter habilement et
s’élever mutuellement. Les rencontres post-
travail, les dîners d’affaires et les activités spor-
tives deviennent des opportunités pour négo-
cier, se recommander et décrocher contrats et
promotions. Cette différence découle autant
d’un manque d’acculturation au réseautage,
d’une méconnaissance de ses bienfaits et de
son fonctionnement que d’un manque de
temps, d’occasions et d’espaces propices. Cette
réalité est exacerbée par les multiples biais
culturels, stéréotypes, plafonds de verres et
charges mentales domestiques et parenta-
les… Tant d’obstacles qui, ironiquement,
pourraient être atténués si nous savions
mieux nous appuyer sur des alliées dans le
milieu professionnel. Ce cercle vicieux
deviendrait alors vertueux. Un exemple frap-
pant ? La moitié des entrepreneuses ne se
rémunèrent pas quand elles sont isolées. Au
bout d’un an dans un réseau business féminin
tel que Bouge ta Boîte, ce chiffre chute à 13 %
parce qu’elles sont entourées de pairs, qui vont
les aider à développer leur chiffre d’affaires et
leurs compétences. La stratégie des alliées est
donc un levier puissant que nous devons
démultiplier avec énergie pour réduire les dis-
parités économiques entre femmes et hom-
mes. Il est temps de dépasser les réticences à
s’entraider, à investir sur soi, sur les autres et
LE LIVRE
DU JOUR
L’IA ou la vectorisation
du monde
LE PROPOS Voici un petit livre à
mettre entre toutes les mains, y
compris entre celles de nos lycéens,
souvent fascinés par les capacités de
dialogue de ChatGPT. Vivien García,
philosophe, spécialiste des enjeux liés
aux nouvelles technologies, retrace
l’histoire de l’IA, depuis les premières
pistes de réflexion, dans les
années 1950, pour qu’un ordinateur
puisse parvenir à jouer aux échecs,
jusqu’aux LLM, ces grands modèles de
langage dont « la fonction de base est de
prédire de manière répétée le mot qui va
venir ensuite ». Etape importante : la
vision par ordinateur, qui consiste en
une mise en tableaux mathématiques
de la réalité. L’idée a été appliquée aux
mots, qui ne sont pas traités par l’IA
comme des concepts, mais comme des
probabilités d’être les uns à côté des
autres…
L’INTÉRÊT A chaque étape, Vivien
García révèle les secrets de fabrication
de l’IA moderne, mais aussi les
postulats « philosophiques » sur
lesquels elle repose. Le plus grave
étant sans doute que ces machines ne
de construire, enfin, un avenir où les femmes
en affaires ne sont pas seulement présentes,
mais aussi puissantes, soutenues, et impac-
tantes ! Pour aller plus loin encore, Rebecca
Amsellem, fondatrice de la newsletter les Glo-
rieuses et initiatrice du #6 novembre sur les
inégalités salariales, propose de promouvoir
l’économie de la sororité. L’idée ? Utiliser de
manière consciente notre pouvoir de décision
dans nos consommations personnelles et
professionnelles pour favoriser l’égalité et
réduire l’écart de richesse.
Il est temps de dépasser
les réticences à s’entraider,
à investir sur soi, sur
les autres et de construire,
enfin, un avenir où les
femmes en affaires ne sont
pas seulement présentes,
mais aussi puissantes,
soutenues, et impactantes !
Les femmes contrôlent presque intégrale-
ment les budgets des ménages ce qui repré-
sente, selon le « Havard Business Review », un
pouvoir économique deux fois plus impor-
tant que la Chine et l’Inde réunies.
Imaginez l’impact si ces ressources étaient
orientées vers les entreprises exemplaires en
matière d’égalité, œuvrant pour plus de
mixité, ou portées par des femmes, avec un
label spécifique comme c’est le cas en Améri-
que du Nord. Notre société en serait transfor-
mée avec plus de prise en compte du vivant, de
l’humain et de l’environnement, comme c’est
le cas lorsque la mixité prévaut. En alliant
l’entraide dans la sphère professionnelle à
l’économie de la sororité, nous pouvons dépla-
cer des montagnes. Cette stratégie des alliées
n’est pas seulement une vision. C’est un pou-
voir immense, une méthode concrète pour
démanteler les barrières économiques et
sociétales, propulsant les femmes vers l’éga-
lité réelle dans le monde professionnel. C’est
une invitation, pour chacune et chacun, à
investir dans le potentiel inexploité des fem-
mes, pour un futur économique plus juste et
durable.
Marie Eloy est fondatrice
de Bouge ta Boîte.
« voient » pas le monde comme nous,
mais comme un simple modèle
mathématique. Ce qui peut conduire
les utilisateurs de ces algorithmes
à un lent glissement technocratique
vers une pensée déconnectée de
l’événement. Et donc les éloignant
de l’agir ensemble. Et donc de la
politique, pourtant si mal en point…
Déjà en 1972, dans « Du mensonge
à la violence ». Essais de politique
contemporaine, Hannah Arendt
s’élevait contre l’idée « que les
ordinateurs peuvent penser »… « Les
données ne sont jamais le monde »,
insiste Vivien García.
—Jacques Henno
Que faire de l’intelligence
artificielle ?
de Vivien García. Bibliothèque
Rivages, 158 pages, 17 euros.
Israël, entre solitude
et auto-isolement
Loin de démontrer l’irréalisme de la solution à deux Etats, la guerre
de Gaza pourrait constituer la preuve ultime qu’il n’existe pas d’alternative.
LE REGARD
SUR LE MONDE
de Dominique
Moïsi
’Amérique de Biden prend tou-
L jours davantage ses distances
avec l’Israël de Netanyahou. Elle
est prête, à l’ONU, à voter une résolution
en faveur d’un arrêt immédiat des hosti-
lités contre la libération des otages. Avec
la subtilité, qui le caractérise, Donald
Trump s’est saisi de ce qu’il considère
comme une opportunité politique,
déclarant : « Tout juif qui vote démocrate
est non seulement un ennemi d’Israël,
mais un mauvais juif. »
Les enjeux de politique étrangère,
comptent rarement lors des échéances
électorales. La guerre de Gaza pèsera-t-
elle sur l’issue du scrutin aux Etats-Unis,
tout comme la guerre en Ukraine, peut
influer sur les élections européennes en
juin ? Quelques voies juives démocrates
feront-elles défaut à Joe Biden en
novembre ? Ou bien risque-t-il de per-
dre à l’inverse parce que l’aile gauche de
son parti ne le trouve pas assez critique
d’Israël ? Au fil du temps, le fossé s’est
approfondi entre Washington et Jérusa-
lem. Mais la guerre de Gaza n’est pas
seulement le révélateur d’une crise qui
couvait depuis des années. Elle traduit et
approfondit l’isolement d’Israël dans le
monde. Et réveille un antisémitisme qui
79 ans après la fin de la Seconde Guerre
mondiale, n’attendait peut-être qu’une
occasion pour resurgir.
Comment et pourquoi l’Etat des juifs
est-il devenu le juif des Etats ? Il convient
de poser cette question sans naïveté et
sans indulgence au moment où, dans
l’indifférence la plus totale de la com-
munauté internationale, une guerre
civile fait des dizaines de milliers de
morts au Soudan. Le viol y est devenu
une arme de guerre, utilisée de manière
systématique. Il y a vingt ans la guerre
du Darfour avait fait dix fois plus de vic-
times que (jusqu’à présent) la guerre de
Gaza. Mais dénoncer cette autre forme
de « deux poids, deux mesures » ne sert
à rien, ne mène à rien. Le célèbre mono-
logue de Shylock dans « Le Marchand de
Venise » ne pourrait-il pas s’appliquer
également aux enfants palestiniens ?
Lundi 25 mars 2024 Les Echos
Dans un monde d’émotions où les ima-
ges l’emportent sur les faits, il était inévi-
table que les photos des enfants palesti-
niens, désespérément en quête de
nourriture dans les ruines de leur ville
détruite, évoquent celles de l’insurrec-
tion du ghetto de Varsovie. L’utilisation
du mot de génocide est certes tout à la
fois fausse et choquante. Mais un pro-
cessus de déshumanisation est bien à
l’œuvre à Gaza. Dans des pays comme le
Brésil et l’Inde, les riches ne voient pas les
pauvres. Ils sont devenus comme trans-
parents. En serait-il de même des
enfants palestiniens dans les ruines de
Gaza, pour les jeunes soldats israéliens ?
Le massacre du 7 octobre explique
mais n’excuse pas tout. La volonté légi-
time de défense, celle de rétablir à tout
prix la crédibilité stratégique de l’Etat
hébreu a pu progressivement se trans-
former en volonté de revanche, sinon de
vengeance. Ce glissement peut avoir des
conséquences majeures et tragiques
pour les communautés juives dans le
monde. L’Etat d’Israël se serait-il trans-
formé en pompier incendiaire ? Le bou-
clier, percé le 7 octobre, serait-il en passe
– via les destructions à Gaza – de revenir
tel un boomerang sur ceux qu’il était
censé protéger, à savoir le monde juif ?
Comment et pourquoi
l’Etat des juifs est-il
devenu le juif des Etats ?
Ces questions dérangeantes doivent
être posées avec mesure et dans un souci
de justice et d’équilibre. On ne saurait pas
plus réduire les Palestiniens au Hamas,
que les Israéliens à Netanyahou. Et il y a
dans le monde juif en diaspora, des divi-
sions profondes entre les « légitimistes »,
soutenant sans états d’âme Netanyahou,
et les « critiques » d’une politique qui
leur paraît suicidaire à long terme, tant
pour l’Etat d’Israël que pour le peuple
juif. Tous ceux qui s’élèvent pour criti-
quer la destruction de Gaza ne sont pas
des antisémites, loin de là. Dénoncer la
solitude d’Israël est une chose, refuser de
considérer qu’elle est – pour partie au
moins – le résultat d’un processus d’auto-
isolement est se voiler la face. C’est se dra-
per dans un mélange explosif de dou-
leur, de ressentiment et d’orgueil.
On ne peut pas plus faire l’impasse
sur la barbarie absolue du 7 octobre que
12
Susana Vera /Reuters
considérer que l’histoire commence en
ce jour. Le 7 octobre est tout à la fois un
point de départ et un point d’arrivée.
Paradoxalement, loin de démontrer
l’irréalisme de la solution à deux Etats, la
guerre de Gaza pourrait constituer la
preuve ultime qu’il n’existe pas d’alterna-
tive. La guerre en Ukraine a sorti l’Otan
de son « état de mort cérébrale ». La
guerre de Gaza poussera-t-elle les prota-
gonistes au seul compromis possible ?
Pourrait-on aller jusqu’à dire que toute
personne qui aujourd’hui considère
cette solution comme utopique, ou
comme un compromis trop grand,
s’oppose en réalité à l’existence de deux
peuples sur cette terre dotée de trop
d’histoire et de pas assez de géographie ?
La Jordanie n’a pas vocation à devenir
la terre d’accueil des Palestiniens
comme semblent l’espérer, certains
idéologues et stratèges israéliens. Et les
Israéliens ne sont pas les équivalents de
ce qu’étaient pour le FLN les Français
d’Algérie. Ils n’ont pas de terre vers
laquelle retourner. Ils ont créé (recréé ?)
une identité nationale moderne à partir
d’une langue et d’une culture ancienne.
L’origine du drame tiendrait-elle à un
conflit de calendriers ? C’est en 1948
qu’Israël est porté sur les fonds baptis-
maux de la légitimité internationale. Il
s’agit d’un Etat, que les Israéliens perçoi-
vent soit comme la réincarnation d’un
rêve plurimillénaire, soit (ils sont plus
nombreux à l’époque) comme le prolon-
gement de l’idéal national de l’Europe
du XIXe siècle.
Tout comme les Allemands ou les Ita-
liens avaient eu droit à leur Etat, les juifs
sous l’impulsion de Theodor Herzl et le
choc traumatique de la Shoah avaient
droit au leur. Le problème est que cette
renaissance voyait le jour au moment
où le mouvement de décolonisation
s’accélérait dans le monde. Et pouvait
faire paraître ce miracle anachronique
et injuste. Les victimes allaient devenir
(les images de Gaza aidant) les bour-
reaux dans l’imaginaire d’une partie
grandissante du monde. Imposer une
solution à deux Etats – qui ne satisfera
personne – suppose de l’autorité, du
courage et un esprit visionnaire. Elle ne
peut purement être imposée de l’exté-
rieur. Elle implique l’existence de relais
locaux qui pour le moment font cruelle-
ment défaut, hélas.
Dominique Moïsi est géopolitologue.
 13 Les Echos Lundi 25 mars 2024 IDÉES

opinions art&culture
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LE POINT
DE VUE Sommes-nous prêts Bulles de gens extraordinaires
de Dominique Villemot
à mourir pour Tallinn ? David Barroux SÉLECTION
BANDE DESSINÉE
l’un des plus proches colla-
borateurs de François Mit-
Qui sait qu’en plein milieu Lebensborn t e r r a n d e t l ’u n d e n o s
de la Seconde Guerre d’Isabelle Maroger. grands ministres de la Cul-
mondiale, au nom du déve- Editions Bayard ture ? Moqué pour ses
loppement de la race Graphics. 224 pages, excès et ses envolées, Jack
aryenne, l’Allemagne nazie 22 euros. Lang n’est peut-être pas
a déclaration d’Emmanuel qu’actuellement l’armée russe est en la guerre en Ukraine et attaqué le Ras- poussait ses soldats oc - Vingt-Décembre André Malraux, mais

L Macron du 26 février selon

laquelle « il n’y a pas de consen-
sus aujourd’hui pour envoyer de
manière officielle, assumée et endossée
des troupes au sol. Mais, en dynamique,
rien ne doit être exclu », a fait l’effet d’une
bombe. Des Etats-Unis à l’Allemagne,
en passant par le Royaume-Uni, plu-
sieurs pays occidentaux se sont suc-
cédé pour assurer qu’il n’était pas ques-
tion d’envoyer des soldats sur le sol
ukrainien.
Emmanuel Macron a réitéré ses
dires le 5 mars, à Prague en appelant les
pays occidentaux à « ne pas être lâches »
face à une Russie « devenue inarrêta-
ble ». « Si chaque jour nous expliquons
quelles sont nos limites » face au prési-
dent russe Vladimir Poutine qui, lui
« n’en a aucune et a lancé cette guerre, je
peux déjà vous dire que l’esprit de défaite
est là qui rôde », a prévenu le président
français. « On ne veut jamais voir les dra-
mes qui viennent », mais « il nous faudra
être à la hauteur de l’histoire et du cou-
rage qu’elle implique. » Il a alors reçu le
soutien des Etats baltes et de la Pologne,
les principaux pays européens concer-
nés par la menace russe.
Pourquoi Emmanuel Macron s’est-il
ainsi engagé si loin ? Tout d’abord parce
LE POINT
DE VUE
d’Henri Paul
train de reprendre le dessus en Ukraine.
La seconde raison est la faiblesse
américaine. Joe Biden est bloqué par la
majorité républicaine au Congrès. Et la
possible victoire de Donald Trump,
proche de Poutine, à la prochaine
élection présidentielle américaine est
dans toutes les têtes. L’Europe doit donc
prendre le relais.
La Russie est en guerre
contre nous, qu’on
le veuille ou non.
Emmanuel Macron a aussi été mar-
qué par la chute d’un missile russe le
6 mars à moins de 500 mètres d’Odessa
où se trouvaient le président ukrainien
et le Premier ministre grec et par les
cyberattaques constantes de la Russie
contre notre pays. La Russie est en
guerre contre nous, qu’on le veuille ou
non.
Récupérer les Etats baltes
Le 9 mars s’est tenu le premier rassem-
blement électoral de la liste de la majo-
rité macroniste menée par Valérie
Hayer. Celle-ci a centré son discours sur
Gestionnaires publics :
mieux sanctionner
semblement national dénonçant ses
accointances avec la Russie : « Hier
Daladier et Chamberlain, aujourd’hui Le
Pen et Orban. Les mêmes mots, les mêmes
cupant la Scandinavie à
faire des enfants avec de
jeunes blondes locales ?
Née en France d’une mère
arguments, les mêmes débats. Nous som- norvégienne adoptée après
mes à Munich en 1938. Hier les somnam- la guerre, Isabelle Maroger,
bules, ceux qui ne veulent pas voir par dans « Lebensborn », une
confort ou par calcul, aujourd’hui Le Pen autobiographie en forme
et Orban. Il est minuit moins une. » d’enquête, raconte com-
La prise d’Odessa, ou pire de Kiev, ment sa mère fut l’une des
constituerait une victoire de Vladimir 15.000 en fants nés ainsi
Poutine qui se sentirait encouragé à ne dans des maternités consa-
pas s’arrêter là en effet. Il s’attaquerait crées à ce délire racial. Un
alors à la Moldavie. Son ambition est de album à la fois touchant et
reconquérir les anciennes républiques délirant, accompagné d’un
soviétiques perdues par la Russie : la dessin très personnel, naïf
Géorgie, l’Ukraine, la Moldavie et et fort. Une page d’histoire
ensuite les Etats baltes. Or, ces derniers méconnue qui méritait de
sont membres de l’Organisation du l’être.
traité de l’Atlantique Nord et de l’Union La plupart de ceux qui
européenne ; nous devrons alors entrer parfument leurs desserts à
en guerre. la vanille ne s’en doutent
Sommes-nous prêts à mourir pour pas. Ils ignorent que cet
Tallinn ? Mieux ne vaut pas avoir à se arôme venu de la Réunion,
poser cette question et, pour ce faire, découle d’un procédé
arrêter dès maintenant Vladimir Pou- de fécondation de la
tine en Ukraine. vanille qui n’a rien d’évi-
dent. Et que c’est un
Dominique Villemot est avocat jeune esclave réunion-
et président du think tank nais qui, presque par
Démocratie Vivante. hasard, en a découvert le
procédé. Il s’appelait
Edmond et il décida de se
rebaptiser Vingt-Décem-
bre quand en 1848 l’île
Bour bon se résigna à
ab olir l’esclavage.
Récit à la fois drôle et
instructif, ce « Vingt-
Décembre » nous fait
tourner une vraie page
d’Appollo et Tehem.
Editions Dargaud,
160 pages, 21,50 euros.
Suzanne
même ses adversaires doi-
vent reconnaître qu’il aura
eu à la fois des idées et de
l’énergie. C’est ce parcours
de Tom Humbersone. atypique de Monsieur Prix
Editions Ankama, du livre unique et de la fête
216 pages, 21,90 euros. de la musique que nous
Formidable font revivre les auteurs de
de Franck Bourgeron, « Formidable ».
Hervé Bourhis A l’image d’un Mathieu
et Dorothée Sapin croquant Emmanuel
de Monfreid. Macron ou François Hol-
Editions Castermann, lande, Frank Bourgeron,
88 pages, 21 euros. Hervé Bourrhis (scénario)
Les Idolâtres et Dorothée de Monfreid
de Joann Sfar. (dessin) nous plongent
Editions Dargaud, dans le quotidien d’un
208 pages, 27 euros. ambitieux hyperactif qui a
Le Fauve marqué à sa manière
de Corleone l’ascension du Parti Socia-
de Morvan et Percio, liste. Même ceux que Jack
Teyo, Merino. Editions Lang énerve ne pourront
Delcourt, 128 pages, s’empêcher de sourire en
19,99 euros. tournant les pages de cette
biographie dessinée en
forme d’enquête.
Un récit en forme
de miroir
Sachant qu’on n’est jamais
aussi bien servi que par
soi-même, Joann Sfar a
lui décidé de remonter le
temps et d’écrire sa pro-
pre histoire. Autobio-
graphie sincère et
pleine de recul, « Les
idolâtres » nous
plonge dans la jeu-
nesse d’un fils du sud qui
a perdu sa mère quand il

les fautes de gestion ? d’histoire. Le texte et le

lors que les comptables publics
dessin sont sobres et
directs, mais l’histoire est
n’avait pas quatre ans et
qui a dû s’appuyer sur un
père génial, mais pas
riche. toujours présent. Sfar
dessine sans arrêt, par-
Surnom : fois trop, mais il livre là
« la divine » un récit en forme de
Suzanne Lenglen elle miroir qui permet de
application de la jurisprudence mettaient des espoirs dans le nouveau n’est pas une inconnue. mieux comprendre le

A étaient couramment sanction-

nés par la Cour des comptes
lors du jugement de leurs comptabili-
tés, la sanction des ordonnateurs, les
gestionnaires, est beaucoup plus rare
(huit arrêts par an en moyenne de la
Cour de discipline budgétaire). Une
réforme, faite par ordonnances
en 2022, s’applique à partir du 1er janvier
2023. La Cour de discipline budgétaire
et financière, datant de 1948, est suppri-
mée. La « responsabilité personnelle et
pécuniaire des comptables », qui datait
de l’Empire, est abolie, même si
demeure le jugement des comptes.
La Cour des comptes est dotée de
nouvelles formations de jugement :
en 2023, la chambre du contentieux, qui
exerce désormais les attributions
juridictionnelles de la Cour des comp-
tes, a rendu ses premières décisions, et
la Cour d’appel financière, qui juge en
appel, un premier arrêt. Ces décisions
permettent de tirer un bilan, plutôt
mitigé. Le nouveau régime, entière-
ment répressif et disciplinaire, et
infrapénal, reste complexe. Il crée dix
infractions, qui reprennent en gros
celles de l’ancien régime, et précise une
infraction qui, à côté de l’avantage injus-
tifié accordé à autrui, sanctionne l’avan-
tage injustifié accordé à soi-même.
L’innovation est dans le nouveau
champ de la faute des gestionnaires,
Dessin Mailys Glaize pour « Les Echos »
ancienne, mais aussi d’apporter la
démonstration d’une « faute grave » et
du caractère « significatif » du préjudice
entraîné par cette « faute grave »,
rapporté au budget de l’organisme, ce
qui est nouveau, et enfin d’imputer la
responsabilité personnelle du préju-
dice à un ou des gestionnaires publics.
Une première jurisprudence, « Régie
régionale des transports des Landes », a
permis de rappeler les principes consti-
tutionnels de l’application de la nou-
velle loi dans le temps. Ainsi, « s’agissant
des infractions, le justiciable est suscepti-
ble de se prévaloir de l’application immé-
diate, au présent contentieux, des dispo-
sitions plus douces édictées par
l’ordonnance ». Or, les nouvelles disposi-
tions sont pour certaines plus douces et
pour d’autres plus restrictives.
Le nouveau régime,
entièrement répressif,
disciplinaire,
et infrapénal,
reste complexe.
L’arrêt précise les règles de prescrip-
tion, puisque les faits postérieurs à cinq
ans avant le déféré du Parquet à la pre-
mière juridiction se trouvent prescrits.
La chambre s’est opposée aux réquisi-
régime, en pensant qu’il permettrait
d’apurer le passé. Deux arrêts ont pré-
cisé le « préjudice financier significatif »
et ont tâché d’apprécier son montant au
Tous les amateurs du
tournoi de Roland
Garros savent qu’elle fut
la plus grande joueuse
côté en permanence
sous tension du père du «
Chat du rabbin ». Dans
« La Synagogue » il avait
regard du « budget », ce qui est difficile. française de tennis de tous raconté son rapport au
Un arrêt de la chambre du conten- les temps. Mais qui connaît judaïsme, là il nous
tieux « Caisse du crédit municipal de son histoire ? A la lecture raconte comment il est
Bordeaux » a condamné deux anciens de « Suzanne », vous saurez devenu Joann Sfar le
responsables de cet établissement tout ou presque. De ses dessinateur.
public communal sur la base du nouvel relations compliquées Il se dit qu’on ne naît
article L 131-9 en raison de faute grave ave c s o n p è r e à s e s pas criminel, mais
dans la gestion des crédits octroyés. Il amitiés avec les qu’on le devient… A
était complexe de mesurer le caractère célébrités des Années lire « Le Fauve de Cor-
significatif du préjudice, s’agissant d’un folles, en passant par son leone » on peut tout de
établissement financier dont le « bud- caractère bien trempé. Ce même se demander si le
get » ne signifie rien. fut une enfant star, une destin de celui qui allait
Un second arrêt, de la Cour d’appel femme entière à une devenir le plus sangui-
financière, « Société Alpexpo », a écarté époque où on ne naire de tous les par-
le raisonnement du Parquet en ce qu’il demandait peu leurs avis rains de la Cosa Nostra
n’apportait pas la preuve de la faute de aux représentantes du n’é t a i t p a s é c r i t
gestion, et qu’il n’établissait pas sexe prétendu faible. d’avance. Son enfance
l’existence d’un préjudice financier Celle qui fut surnom- fut malheureuse et
significatif, le préjudice ne paraissant mée « la divine » a tra- pauvre, certes. Mais
pas dépasser 15.000 euros et la juridic- versé une page de notre si tous les malheu-
tion le rapportant au chiffre d’affaires histoire marquée par la reux devaient vivre et finir
annuel de la société (6 millions d’euros) prohibition, le développe- comme Toto Riina, notre
et à un montant de charges d’exploita- ment du « sport busi- monde serait invivable.
tion annuelles encore plus important. ness », les tensions géopo- BD à la Coppola ou à la
Il paraît donc prématuré de juger de litiques, raciales et sociales. Sergio Leone, l’album se
l’efficacité du nouveau régime. Il lance Elle fut une femme de con- lit comme on regarde
aux juridictions financières un défi : victions qui plus d’une un bon film. Une musi-
définir et préciser l’imputabilité des fois n’a pas craint de que d’Ennio Morri-
graves fautes de gestion, approfondir provoquer le scandale cone dans les oreilles
leurs contrôles et en extraire les faits, pour défendre ses opi- et vous serez instan-

plus restreint et concentré sur les plus
graves infractions. C’est désormais au
nouvel ordre de justice financière, la
chambre juridictionnelle de la Cour des
comptes, la Cour d’appel financière, et
en cassation, au Conseil d’Etat, d’appré-
cier, d’une part « l’infraction aux règles
relatives à l’exécution des recettes et des
dépenses ou à la gestion des biens de
l’organisme », ce qui permettra de faire
tions du Parquet en jugeant que l’infrac- clairs, avérés et juridiquement bien nions. Un personnage tanément replongés
tion autonome d’octroi d’un avantage définis, qui permettront d’aboutir à des hors normes mis en en Sicile.
injustifié à soi-même nouvellement jugements exemplaires. scène par un dessin sobre En noir et blanc ou en
créée par la loi n’était pas rétroactive et dans lequel les décors et sépia, on se fait peur en
qu’elle ne peut pas être retenue pour des les seconds plans dispa- découvrant le sang-froid
faits antérieurs au 1 er janvier 2023, Henri Paul est avocat raissent pour bien mettre e t l a c r u a u t é d ’u n
même s’ils ne sont pas prescrits. à la Cour au cabinet Tactics en avant les personnages. homme qui finit par ne
Pour conforme aux règles de la juris- et président de chambre Lui est bien vivant et même plus savoir
prudence administrative qu’elle soit, honoraire à la Cour connu de tous : Jack Lang. pourquoi il tue ou fait
cette jurisprudence a déçu ceux qui des comptes. Mais comment est-il devenu tuer. n
 IDÉES Lundi 25 mars 2024 Les Echos 14

sciences

Salutaires bras ESPACE // C’est le projet fou d’un ingénieur français : déposer à la surface de notre satellite
vingt-quatre disques de saphir témoignant des connaissances et des réalisations artistiques
de Morphée de l’humanité. Et la Nasa a dit banco !

LA
La Lune, sanctuaire de l’humanité
CHRONIQUE
de Pierre-Marie Lledo Yann Verdo Les 3,4 milliards de pixels
de chaque disque de saphir
e prospère village de Nuits-Saint- (ici, le disque Espace)

a poésie romantique explore le sommeil

L Georges, dans la Côte-d’Or, entre-
tient une relation particulière avec la
Lune. Au XIXe siècle, il a vu naître l’astro-
permettent un
énorme niveau
de zoom. Image

L comme un motif riche en symbolisme

et en métaphores. Elle érige le sommeil
en un vecteur d’exploration des profondeurs
de l’âme humaine, qui permet de transcender
nome Félix Tisserand, qui fut directeur de
l’Observatoire de Paris et a laissé son nom à
l’un des cratères criblant la surface de notre
satellite naturel. Dans le roman de Jules
Grapevine Prod/
Sanctuary on
the Moon

la réalité quotidienne pour entrer
en communion avec les mystères de l’existence.
Cependant, la science nous révèle désormais
ce que la littérature n’avait pas anticipé.
Le sommeil se décline en différentes phases
constituant un cycle, incluant le sommeil
paradoxal et le sommeil lent, et se répétant
plusieurs fois au cours d’une nuit. Il est notoire
depuis longtemps que le sommeil revêt
une importance vitale pour la plupart
des espèces, sa privation entraînant
des conséquences physiopathologiques graves,
voire fatales.
Tempête de cytokines
Jusqu’à une période récente, les approches
expérimentales visant à étudier l’effet
du sommeil étaient incapables de supprimer
le sommeil de manière persistante. Une étude
récente montre qu’il est possible, dorénavant,
de réaliser cette privation presque totale,
avec des souris demeurant éveillées
96 % de leur période habituelle de sommeil.
En exposant les souris à ce protocole
de privation durant seulement quatre jours,
elles développent une inflammation sévère
qui conduit à la mort d’environ 80 %
d’entre elles.
En enquêtant sur les causes de ces morts,
les chercheurs ont observé une augmentation
des niveaux de prostaglandines dans le cerveau.
Or ces composés lipidiques dérivés des acides
gras agissent comme des médiateurs locaux
de l’inflammation. Les chercheurs ont constaté
qu’une augmentation importante du flux
de prostaglandines à travers la barrière
hémato-encéphalique pouvait entraîner
à la fois une accumulation de cellules
immunitaires circulantes, les neutrophiles,
et le déclenchement d’un syndrome similaire
à une tempête de cytokines, ces médiateurs
de l’inflammation devenus célèbres depuis
l’épidémie de Covid-19. La privation de sommeil
ressemblerait donc à une attaque virale,
au moins pour notre cerveau.
Une approche thérapeutique visant à prévenir
cette élévation des niveaux de prostaglandines
permet de réduire significativement
l’inflammation provoquée par le manque
de sommeil. En résumé, le lien entre la privation
de sommeil et l’inflammation est désormais
établi. Bien que les mécanismes précis puissent
varier d’un individu à l’autre, en fonction
de divers facteurs tels que la durée de privation
de sommeil, la qualité du sommeil
et la susceptibilité individuelle
à l’inflammation, cette découverte souligne
le rôle potentiel des troubles du sommeil
dans diverses maladies, qu’elles soient
cardiovasculaires, métaboliques (comme
le diabète), neurologiques ou psychiatriques.
En conclusion, puisque Morphée est souvent
représenté comme un messager transmettant
les rêves aux mortels, peut-être pourrait-il
s’aviser de nous offrir la recette
d’un bon sommeil pour ne pas s’enflammer.
Pierre-Marie Lledo est chercheur
en neurosciences à l’Institut Pasteur et au CNRS.
Dessin Mailys Glaize pour « Les Echos »
Verne « De la Terre à la Lune », c’est avec une
bouteille de nuits-saint-georges que Michel
Ardan et ses comparses fêtent leur inser-
tion en orbite lunaire. Au siècle suivant,
David Scott, commandant de la mission
Apollo 15, a voulu faire de même mais les
contraintes de sécurité l’ont forcé à se
rabattre sur un acte plus symbolique :
nommer un autre cratère lunaire « Saint-
Georges », quitte à enfreindre la réglemen-
tation voulant que les noms constituant la
topographie sélène soient exempts de toute
référence religieuse…
C’est aussi à Nuits-Saint-Georges qu’est
né, en 1978, l’ingénieur Benoît Faiveley, qui
porte depuis de nombreuses années son
projet « Sanctuary on the Moon » comme
une mère son bébé à naître. Après une
première tentative avec un opérateur privé,
avortée pour cause de coupes budgétaires,
ce disciple français de Carl Sagan ne s’est
pas démonté et a été trouver… la Nasa.
Enthousiaste, le physicien James Green,
ancien scientifique en chef de l’agence
spatiale américaine, lui a réser vé le
meilleur accueil. Résultat de l’accord
formellement signé en septembre dernier
entre la Nasa et la petite équipe de Sanc-
tuary on the Moon : il y aura une place pour
le projet de Benoît Faiveley sur l’une des
prochaines missions CLPS du programme-
cadre Artemis. 1,4 kg de charge utile lui
sera dédié. « A dream come true », comme
on dit là-bas.
Si les hommes ne sont plus
là pour s’agiter à la surface
de la Planète bleue dans
20.000 ou 100.000 ans,
les disques de Sanctuary
seront à même
de révéler leur contenu
à d’hypothétiques futurs
visiteurs extraterrestres.
Après les célèbres Plaques Pioneer
(accrochées aux flancs des sondes Pioneer
10 et 11, lancées en 1972-1973) et le non moins
célèbre Voyager Golden Record (embarqué
à bord des sondes Voyager 1 et 2, lancées
en 1977), tous artefacts destinés à porter
témoignage, au-delà du système solaire, de
ce qu’est ou a été l’humanité sur Terre, c’est
un ensemble de 24 disques de saphir de
10 cm de diamètre chacun qui sera déposé
sur la Lune par un futur « lander », à l’hori-
zon 2027. Si les hommes ne sont plus là
pour s’agiter à la surface de la Planète bleue
dans 20.000 ou 100.000 ans, au moins les
disques de Sanctuary y seront-ils toujours
intacts, et à même de révéler à d’hypo-
thétiques futurs visiteurs extraterrestres
qu’il y eut un monde où se succédèrent les
peintures de Lascaux, les cantates de Bach,
la Révolution de 1789 et les équations de
Maxwell. Entre autres innombrables
grandes et belles choses.
Triptyque
Parlant des Plaques Pioneer, Carl Sagan
écrivait qu’« il n’existe qu’une chance infini-
que-monde de 10 cm
de diamètre, où la moin-
dre parcelle de surface
regorge d’informations artiste-
philosophie généreuse ayant présidé ment imbriquées.
a u choix du contenu des disques. Ce C’est très visible dans les cinq disques
contenu, d’une richesse inouïe, s’organise A savoir… consacrés aux connaissances, déclinées en
en un triptyque : « What We Are » (les cinq cinq thèmes : l’Espace, la Matière, l’Eau, la
premiers disques) ; « What We Know » (les Vie (déjà réalisés) et le Temps (qui reste à
cinq suivants) ; « What We Make » (tous les l Les 24 disques de
faire). De même que les disques consacrés
autres). Les cinq premiers disques font la saphir devant être livrés à notre patrimoine génétique portent,
d’ici à fin 2026, la mission
part belle à une science encore embryon-
CLPS (Commercial Lunar
inscrite sur leur pourtour, la Déclaration
naire à l’époque de Carl Sagan et des universelle sur le génome humain de
Plaques Pioneer : la génomique. Deux Payload Services, littéra- l’Unesco, les cinq suivants s’ornent de la
portent le génome d’un homme, deux celui lement « Services de Déclaration universelle des droits de
charges utiles lunaires »)
d’une femme – l’un et l’autre anonymes – et
de la Nasa qui les empor-
l’homme, écrite en cinq fois quatre langues,
le cinquième présente des arbres phylo- dont le latin, idiome qui, d’après un
génétiques. tera ne décollera pas linguiste consulté par l’équipe de Sanc-
Comme le choix a été fait d’encoder avant 2027. tuary, a paradoxalement le plus de chances
toutes les informations sous forme analo-
l Direction le pôle Sud
de demeurer intelligible dans un lointain
gique plutôt que numérique (de sorte futur.
qu’aucun appareil de lecture n’est requis), lunaire ou un site proche
il a fallu trouver des astuces pour y inscrire de l’équateur, ce point est « Qualité photographique »
les 3,2 milliards de paires de nucléotides encore débattu. S’il n’a pas de vocation encyclopédique,
d’un génome humain. Les paires A-T (adé- Sanctuary n’en offre pas moins un con-
l L’idéal serait, pour
nine-thymine) sont symbolisées par un densé du génie humain. Collaborateur de
pixel noir, les paires G-C (guanine-cytosine) Benoît Faiveley et son l’équipe, l’artiste multifacettes américain
par un pixel transparent. Une notice expli- équipe, que la mission Michael Benson y fera graver une sélection
que comment lire l’ensemble. retenue comporte un des 20 plus belles cartes célestes dessinées
Cela fait beaucoup de pixels, direz-vous. rover, afin de pouvoir depuis l’aube de l’humanité ; les disques
Mais la microgravure permet d’en encoder, photographier le coffret encore vierges devraient venir accueillir le
sur un seul disque, 3,4 milliards, et l’on peut Sanctuary resté accroché fruit d’une vaste entreprise de « curation
pousser jusqu’à 7 milliards. Libre à qui l’a aux flancs du lander. artistique », comme on dit dans le monde de
sous les yeux d’y zoomer où il veut, il n’en l’art (un travail de sélection d’œuvres
finira pas de voyager au sein de ce petit dis- éparses et de toute nature). Même l’audio y
sera encodé – toujours sur le mode analo-
gique – via des spectrogrammes fournis, là
Des matériaux choisis encore, avec la recette permettant de les
retransformer en sons.
pour défier l’éternité Tout ce matériau, où se résume le
meilleur de l’homme, ne sera-t-il destiné
Deuxième matériau le plus dur après le diamant, le qu’à la froide et stérile Lune ? Non, bien sûr !
saphir a été choisi par le chef d’équipe de Sanctuary on « La densité en pixels est telle que, même
the Moon après qu’il eut pris connaissance des travaux agrandis jusqu’à 10 mètres de diamètre, nos
de l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets disques présentent une surface d’une qualité
radioactifs) sur la conservation de la mémoire nucléaire, photographique », indique Benoît Faiveley
en l’espèce la possibilité d’avertir nos lointains descen- qui réfléchit encore à la meilleure manière
dants des lieux d’enfouissement des déchets. Ce saphir de valoriser, ici sur Terre, ce sanctuaire

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tésimale pour qu’elles soient vues par un
seul extraterrestre, mais qu’à coup sûr
elles auront été vues par des milliards
d’humains », et que c’est cela qui compte.
Benoît Faiveley ne pense pas autre chose.
« Se projeter dans un lointain avenir, c’est une
très belle façon de mettre la lumière sur ce qui
nous unit plutôt que sur ce qui nous divise »,
dit-il avec ce regard un peu illuminé de
celui que consume un rêve. Telle est la
est recouvert d’une mince pellicule de nitrure de titane,
qui ne s’altère pas sous les coups de boutoir des rayons
cosmiques, contrairement à toutes les teintures existantes.
Si l’empreinte de botte de Neil Armstrong est encore
visible, intacte, sur le site d’alunissage d’Apollo 11, il ne
reste plus rien des couleurs du Stars & Stripes, juste un
bout de tissu blanc ! « Avec ces deux matériaux, le saphir
et le nitrure de titane, nous offrons au contenu des disques
une durabilité se comptant en dizaines, voire en centaines
de millions d’années », assure Benoît Faiveley.
immatériel. Et l’on ne peut s’empêcher de
songer, en le voyant manipuler les petits
disques de saphir au contenu si longtemps
mûri, à ces vers, les derniers du célèbre
poème « Les Phares », de Baudelaire : « Car
c’est vraiment, Seigneur, le meilleur témoi-
gnage/Que nous puissions donner de notre
dignité/Que cet ardent sanglot qui roule d’âge
en âge/Et vient mourir au bord de votre
éternité ! » n
15 Les Echos Lundi 25 mars 2024
enquête
Les deux hommes n’ont pas grand-chose en commun, mais des origines les rapprochent : le patron de CMA CGM est issu d’une famille chrétienne de Syrie, tout comme l’épouse de Patrick Drahi (à gauche).
Marina Alcaraz et Gwénaëlle Barzic
Avec Nicolas Madelaine
P rintemps 2018. Patrick Drahi, le fon-
dateur du géant européen des télé-
coms Altice, fait le tour des régions
pour visiter ses grands clients. A Marseille,
il prend un café avec l’armateur Rodolphe
Saadé et empoche au passage une palan-
quée de contrats pour son opérateur télé-
coms SFR. La treizième et la cinquième for-
tune française se rencontrent pour la
première fois. A l’époque, Rodolphe Saadé
vient de succéder à son père à la tête de CMA
CGM, tandis que le tycoon des télécoms a
investi à tout va dans les médias : BFMTV,
« L’Express », « Libération », etc. Le pre-
mier est quasi inconnu du grand public, le
second fait régulièrement la « Une » des
médias. De la même génération, les deux
hommes n’ont pas grand-chose en com-
mun, mais des origines les rapprochent : le
patron de l’armateur marseillais est issu
d’une famille chrétienne de Syrie, tout
comme l’épouse de Patrick Drahi. « Lors de
cette rencontre, ils n’ont pas beaucoup parlé
télécoms mais plutôt de la Syrie et du Liban »,
raconte un proche. Sans être intimes, les
deux dirigeants demeurent en contact les
années qui suivent et deviennent même
alliés sur une opération : l’armateur entre
au capital d’Eutelsat lorsque Patrick Drahi
tente une offre pour l’opérateur de satelli-
tes, en 2021.
Alors, quand Patrick Drahi commence à
envisager de vendre des bouts de son
empire face à sa montagne de dettes et au
scandale de corruption qui éclabousse son
principal bras droit, Rodolphe Saadé est sur
les rangs. Détenir BFMTV ainsi que la radio
RMC, qui appartient à la même entité, le
ferait entrer dans la cour des grands des
médias.
« Patrick Drahi a pris conscience
que le monde avait changé »
Les deux hommes partagent le goût du
secret, de la discrétion. Et aiment entretenir
le flou sur leurs ambitions. Le rachat de
BFM a été, ces dernières semaines, l’un des
secrets les mieux gardés du PAF. Les
rumeurs étaient certes vives depuis l’été
dernier, mais elles ont toutes été démenties
mordicus par le patron d’Altice Média,
Arthur Dreyfuss, un fidèle parmi les fidèles
de Patrick Drahi. En externe comme en
interne. « C’est difficile de se dire qu’on nous a
menti pendant six mois. La confiance est mise
à mal, témoigne un salarié. On a l’impres-
sion d’avoir été menés en bateau. »
A l’époque, le dossier tourne bel et bien,
sous le manteau. Des émissaires du milliar-
daire franco-israélien approchent des ache-
teurs potentiels en expliquant : « BFM n’est
pas à vendre, mais si on reçoit des offres inté-
ressantes, on les étudiera », raconte un des
acteurs du dossier. Le groupe LVMH (pro-
priétaire des « Echos ») et Iliad font partie
des repreneurs putatifs. Mais les exigences
de l’entrepreneur sont jugées dispropor-
tionnées. « Drahi en voulait deux milliards,
beaucoup trop ! », souligne un connaisseur.
De Drahi à Saadé, dans les
coulisses de la vente de BFMTV
MÉDIAS // La première chaîne française d’information en continu va passer des mains de Patrick Drahi
à la galaxie Saadé. Récit d’une transaction, qui bouleverse le PAF à trois ans de l’élection présidentielle,
percutée par les tensions au sein de la rédaction de « La Provence », journal détenu par CMA CGM.
Avec le temps qui passe, Patrick Drahi
doit se rendre à l’évidence : c’est maintenant
ou jamais… L’Arcom, le régulateur du sec-
teur, doit entamer le processus de remise en
jeu de 15 fréquences de la TNT dont BFMTV.
Mais à partir du moment où une fréquence
est renouvelée, impossible en l’état de la loi
actuelle de la vendre pendant cinq ans… soit
en 2030. Et même 2032, en comptant le pro-
cessus de renouvellement de RMC Décou-
verte, également dans la galaxie Altice
Média. « Or, Patrick a eu 60 ans cet été. Il a
essayé maintes fois de racheter des actifs du
groupe NRJ détenu par Jean-Paul Baude-
croux, septuagénaire et il en est arrivé à la
conclusion que si on ne vend pas avant 70 ans,
on ne vend plus… », raconte un proche.
L’homme d’affaires, dont une partie de la
famille vit en Israël, a aussi été profondé-
ment marqué par les événements du 7 octo-
bre. « Il a brutalement pris conscience que le
monde avait changé. »
Les discussions reprennent en février
avec Rodolphe Saadé. Les deux hommes
« topent » par téléphone une quinzaine de
jours avant l’annonce du deal. « Ça a été un
miracle que ça ne fuite pas », raconte un bon
connaisseur du dossier. Dans la dernière
ligne droite des discussions, un call orga-
nisé sur Teams a réuni jusqu’à une cinquan-
taine de personnes. Mais personne n’a
vendu la mèche. Une exception dans un sec-
teur des médias réputé bavard. Les cadres
dirigeants ne sont prévenus que très peu de
temps avant l’annonce officielle et l’infor-
mation est gardée secrète jusqu’au vendredi
matin où l’état-major de BFM convie suc-
cessivement le management, les organisa-
tions syndicales et les personnalités de
l’antenne.
« [Rodolphe Saadé]
a les moyens que
Patrick Drahi n’a pas
pour développer
l’actif, le renforcer
et donc mieux lutter
contre CNews. »
XAVIER NIEL
Fondateur d’iliad
S’il y a eu des hauts et des bas dans les dis-
cussions, Rodolphe Saadé, décrit comme un
homme déterminé, n’a jamais renoncé à
s’offrir la galaxie médias de SFR. Les coffres
de l’armateur se sont remplis avec l’envolée
des tarifs du fret maritime. Affichant même
en 2022 23,5 milliards d’euros de profits,
tout simplement le plus gros bénéfice
annuel jamais réalisé par une société dans
l’Hexagone. Même s’il a été largement réduit
en 2023. Quand Rodolphe Saadé veut quel-
que chose, il est prêt à mettre les moyens : il a
mis plus de 80 millions sur la table pour
s’offrir le ticket de Bernard Tapie dans « La
Provence », en 2022, au terme d’une bataille
épique contre Xavier Niel, alors que le quoti-
dien régional perdait de l’argent.
« Il y a sans doute une question d’ego.
Quand il achète des choses énormes comme
des ports ou Bolloré Logistics [presque 5 mil-
liards d’euros, NDLR], personne – ou pres-
que – n’en parle. Acquérir un média, c’est une
façon de faire parler de vous, de la marque »,
souligne un connaisseur. Ajoutant : « Il n’a
jamais été dans l’entre-soi des médias pari-
siens. Là, il entre dans le cercle. »
Si ses intentions dans les médias sem-
blaient floues au moment du rachat de « La
Provence », justifié par un attachement au
titre, l’armateur de 54 ans a depuis montré
qu’il voulait jouer dans la cour des grands :
rachat de « La Tribune », déclinée en édition
dominicale, tentative de mettre la main sur
M6 (il possède toujours environ 10 %), parti-
cipation dans Brut et maintenant la galaxie
Altice Media. Ces derniers jours, il est des-
cendu de la plus haute tour d’entreprise de
Marseille, dominant le port et tutoyant la
Bonne Mère, pour « monter » à Paris, à la
rencontre des salariés et de la direction. Il a
cherché à rassurer des employés ballottés
depuis des mois au gré d’informations
contradictoires, en insistant notamment
sur les valeurs familiales de son groupe et sa
volonté de continuité.
Il a aussi assuré qu’il n’était pas là pour
imposer une ligne éditoriale, sans pour
autant nier que si les journalistes traitaient
un scandale portant atteinte à CMA CGM, il
« ne réagirait pas bien » et le « ferait savoir »,
a-t-il dit, suscitant alors un certain émoi
dans les rédactions du groupe. Quelques
jours plus tard, une semaine pile après
l’annonce du projet de rachat d’Altice
médias, c’est une « Une » de « La Provence »
et, surtout, un correctif qui ont mis le feu aux
poudres. La manchette portait sur la visite
d’Emmanuel Macron à Marseille, citant les
propos d’un habitant de La Castellane, après
le départ du chef de l’Etat : « Il est parti et
nous, on est toujours là… » Selon des sources
syndicales, des élus locaux se sont plaints.
Dans un message aux lecteurs, le directeur
de la publication, Gabriel d’Harcourt, a pré-
senté ses excuses. Surtout, le directeur de la
rédaction, Aurélien Viers, a été suspendu
pendant une semaine et convoqué à un
entretien préalable pouvant aller jusqu’au
licenciement. Au terme d’un week-end de
fortes tensions, il a finalement été réintégré
et « sera bien à son poste ce lundi » a indiqué
dimanche la direction de « La Provence ».
Une bonne nouvelle
sur le plan financier
Convoquée en assemblée générale, la rédac-
tion avait décidé d’une grève illimitée et
d’une motion de défiance. Contacté, Gabriel
d’Harcourt assure que le correctif n’a pas été
demandé par Rodolphe Saadé. La rédaction
de « La Provence » n’avait pourtant pas cons-
taté d’interférences jusque-là. « Jusqu’à cette
semaine, on n’a pas vu d’ingérence de la part
de M. Saadé. En tout cas, ce n’est pas redes-
cendu jusqu’à nous », témoigne Audrey
Letellier, déléguée SNJ. Dans la foulée, les
journalistes de « La Tribune » et « La Tri-
bune dimanche » ont fait part de « leur cons-
ternation » et se sont prononcés à leur tour
pour une grève mardi. Des sociétés de jour-
nalistes d’Altice médias ont quant à elles
dénoncé des « décisions scandaleuses » et
prévoient un rassemblement ce lundi.
Sur le strict plan financier, le rachat de
BFMTV est perçu comme une bonne nou-
velle, CMA CGM étant un groupe solide. « Il
a les moyens que Patrick n’a pas pour déve-
lopper l’actif, le renforcer et donc mieux lutter
contre CNews », commente Xavier Niel, fon-
dateur d’Iliad. Les audiences de la chaîne du
groupe Canal+, contrôlé par Vincent Bol-
loré, sont récemment venues concurrencer
celles de BFM. Mais le milliardaire mar-
seillais va vouloir rentabiliser son investis-
sement. Le fait qu’il ait payé relativement
cher BFM – presque 15 fois l’Ebitda – met
une certaine pression sur le groupe. Car,
comme le rappellent ses proches, ce n’est
pas parce que Rodolphe Saadé est richis-
sime qu’il est prêt à perdre de l’argent. Il va
RÉA – Montage « Les Echos »
sans doute essayer de multiplier les syner-
gies entre presse, radio et télévision, alors
qu’à « La Provence » par exemple, des pages
de la rubrique Economie sont déjà réalisées
par « La Tribune ».
Les salariés d’Altice Média ne seront tou-
tefois pas complètement chamboulés : ils
gardent le même patron. Tout comme l’état-
major d’Altice Média, Arthur Dreyfuss doit
suivre le nouvel actionnaire et continuer de
diriger l’entité audiovisuelle. Une surprise,
alors qu’Arthur Dreyfuss accompagne
Patrick Drahi depuis une dizaine d’années,
avec un rôle multiforme : PDG d’Altice
France, PDG d’Altice Media et porte-parole
d’Altice. Le groupe garde aussi les mêmes
locaux, qui appartiennent à Patrick Drahi.
« J’ai compris sa vision industrielle à long
terme, son ambition, l’opportunité stratégi-
que pour développer son pôle média, la liberté
éditoriale qu’il veut garder », explique
Arthur Dreyfuss.
Vers une nouvelle étape avec M6
Rodolphe Saadé va-t-il s’arrêter en si bon
chemin ? La plupart des observateurs des
médias s’attendent à ce qu’il poursuive ses
emplettes. « Mais il ne se dévoilera pas avant
que le deal avec BFM ne soit terminé, à l’été »,
assure un bon connaisseur. Rodolphe
Saadé a un pied dans M6 où il possède 10 %
mais, surtout, un siège au conseil de sur-
veillance, occupé par son épouse Véronique
Albertini-Saadé. « Si la loi change et qu’il
arrive à s’entendre sur un bon prix avec Ber-
telsmann, peut-être voudra-t-il monter et se
constituer un groupe à la TF1 », avance un
professionnel. Une rumeur court qui dit
que Nicolas de Tavernost pourrait con-
seiller CMA CGM, après sa retraite de M6.
Mais rien ne semble décidé.
Ce changement de propriétaire, pour la
chaîne dont les plateaux voient défiler toute
la classe politique française, survient à trois
ans du prochain scrutin présidentiel.
D’après plusieurs acteurs de l’opération, les
pouvoirs publics sont plutôt restés à l’écart
des tractations. « Il n’y a eu ni encouragement
ni sollicitation particulière, explique l’un
d’eux. Vu de l’Elysée, BFMTV n’est pas la
chaîne qui pose problème. Ce ne sera sans
doute pas différent avec Rodolphe Saadé. »
Lire nos informations
( Page 23
 « La régate » par Baptiste Stéphan pour « Les Echos »

DERNIÈRE HEURE

Succès de la Manifestation contre Présidentielle en Un nouveau Premier

distribution gratuite l’EPR de Flamanville Slovaquie : vers un ministre pour
L’ÉDITORIAL de préservatifs second tour serré l’Irlande
NUCLÉAIRE – Plusieurs
DES « ÉCHOS »
' SANTÉ – Plus de 16 millions ' centaines de personnes ont
' UNION EUROPÉENNE – Ivan
'
UNION EUROPÉENNE –

Attentat de Moscou : les

(16,7) de préservatifs ont été manifesté, samedi à Caen, Korcok, ancien ministre des Simon Harris a été nommé
distribués gratuitement en contre la prochaine mise en ser- Affaires étrangères, et Peter dimanche à la tête du Fine

causes et la conséquence
pharmacie pour les moins de vice de l’EPR de Flamanville (Man- Pellegrini, président du Parlement Gael, le parti de centre droit au
26 ans depuis le 1er janvier 2023, che) et la relance du nucléaire en slovaque, s’affronteront lors du pouvoir en République d’Irlande.
s’est félicité dimanche Emmanuel France, a constaté une photogra- second tour de la présidentielle, Cela lui permettra de succéder au
Il a fallu moins de quelques heures pour que Macron. Fin 2022, le président phe de l’AFP. Alors qu’une bande- après être arrivés en tête du pre- poste de Premier ministre à Leo
les théories complotistes les plus folles fleurissent de la République avait annoncé role rappelait les catastrophes de mier tour samedi. Korcok a Varadkar, qui a annoncé sa démis-
autour de la tuerie sanglante qui a endeuillé la Russie l’entrée en vigueur, à partir du Tchernobyl ou de Fukushima, obtenu 42,4 %, contre 37,1 % pour sion surprise la semaine dernière.
vendredi soir. L’attentat aurait été commandité 1er janvier 2023, de la prise en d’autres pancartes et calicots Pellegrini. Le second tour a lieu le Simon Harris va devenir, à 37 ans,
par les Ukrainiens, voire par Poutine lui-même charge à 100 % par l’Assurance brandis par les manifestants 6 avril. Le résultat pourrait être le plus jeune chef du gouverne-
pour justifier une nouvelle escalade dans la guerre. Maladie, sans prescription médi- affichaient : « EPR stop aux men- serré, dans un vote marqué par de ment de l’histoire de l’Irlande. Il
Tout cela montre notre difficulté à voir le monde cale, des préservatifs masculins. songes », « Déchets nucléaires, profondes divisions sur la guerre devrait prendre ses fonctions le
tel qu’il est, dans toute sa complexité. Trois points La 30e édition de l’évènement 3615 qui n’en veut ? », « Arrêtons en Ukraine. Pellegrini fait partie 9 avril après un vote au Parlement,
méritent d’être soulignés. Le premier est que Daech caritatif Sidaction s’est tenue les frais » ou encore « Faites du camp pro-Moscou, dirigé par où le Fine Gael et ses partenaires
voue une haine sans borne à la Russie depuis la guerre entre vendredi et dimanche. l’amour, pas le nucléaire ». le Premier ministre Robert Fico. de coalition sont majoritaires.
en Tchétchénie et le soutien que Poutine a apporté à
Bachar Al Assad dans sa lutte contre l’Etat islamique.
C’est un fait que les Européens peinent à concevoir LA PHOTO DU JOUR
dans la mesure où les islamistes et le Kremlin vouent
une haine commune à l’Occident. Et la preuve qu’en
géopolitique, les ennemis de nos ennemis ne sont pas
forcément nos amis. Dans un réflexe égocentrique,
nous pensions que Daech menait une guerre contre
les pays libéraux. Elle lutte
en fait contre les « infidèles »
et les « hérétiques », un champ
beaucoup plus large et éclaté
qui a poussé ses terroristes au
Kenya, en Inde, en Europe
et aujourd’hui en Russie.
Comme Israël, la Russie
Par Lucie a négligé le risque terroriste
Robequain parce qu’elle était engagée
sur un autre front. Ses services
La tuerie de renseignement étaient
absorbés par l’Ukraine comme
sanglante ceux des Israéliens l’étaient
de Moscou par la Cisjordanie au moment
nous oblige où le Hamas attaquait Gaza.
Les Américains avaient
à voir pourtant alerté leurs
le monde ressortissants il y a deux
dans semaines que des extrémistes
envisageaient de cibler
toute sa de grands rassemblements
complexité. à Moscou, y compris des
concerts. Vladimir Poutine
avait alors dénoncé une tentative des Occidentaux de
le déstabiliser à la veille de sa réélection. Une paranoïa
classique des régimes autoritaires : pour mémoire,
Joseph Staline avait balayé d’un revers de main
les alertes de Churchill sur une possible invasion
allemande en 1941, en dénonçant la volonté
britannique de briser le pacte germano-soviétique.
En Russie, la tentation est forte de blâmer
les Ukrainiens dans cette tuerie de masse. C’est ce qu’a
fait Vladimir Poutine samedi, en déclarant que
des Ukrainiens avaient tenté d’aider les attaquants à
franchir la frontière. Bien plus qu’une cause, l’Ukraine
risque d’être la conséquence, ou plutôt la victime DOUBLÉ DE FERRARI AU GRAND PRIX DE MELBOURNE Pas de dixième victoire d’affilée pour Max Verstappen au Grand Prix d’Australie. L’Espagnol Carlos Sainz (au
de ce drame. Il est probable que le chef du Kremlin, centre) s’est imposé à Melbourne devant son équipier chez Ferrari, le Monégasque Charles Leclerc, à l’occasion de la 3e manche de la saison de Formule 1, lors de
dans un opportunisme machiavélique dont il est laquelle Max Verstappen a dû abandonner. « Mad Max » s’est fait doubler par Sainz dès le deuxième tour, avant de signaler à son équipe quelques instants plus tard
coutumier, utilise l’attentat pour rassembler le peuple que « de la fumée bleue » se dégageait de sa monoplace Red Bull. Il conserve malgré tout sa première place au championnat. De son côté, le duo Sainz-Leclerc offre
russe et justifier une nouvelle escalade dans la guerre. à Ferrari son premier doublé depuis le Grand Prix de Bahreïn en 2022. Photo Mark Peterson/Reuters
Mélanger les causes et les conséquences : voilà
un autre classique de la géopolitique mondiale.

Lire nos informations

( Pages 8-9 12
4/12
MARDI
4/14
MERCREDI
7/10
JEUDI
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VENDREDI
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12 11 6/11 5/11 2/14 6/16 7/14 8/16
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10 12 6/10 6/15
11 MARDI 26/33 23/25 20/25 20/27 20/26
12 13 8/9
12 2/11 2/14 7/10 4/13 7/14
12 23/27 22/29 21/26 22/26 22/27
13 11 9/14 9/13 9/16 11/20 11/16
13 13 6/13 12/13
13 6/10 7/11 6/9 6/10 7/12
15 11/14 5/9 3/10 9/12 8/10

Détectez les opportunités

5/9 4/16 9/10 8/12 6/14 11/17
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6/9 5/10
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DEVISES EUR/GBP 0,8587 EUR/JPY 163,58 EUR/CHF 0,9716 GBP/USD 1,2589 USD/JPY 151,379 USD/CHF 0,899 TAUX €STER 3,907 EURIBOR 3 MOIS 3,926 OAT 10 ANS 2,8775 T-BONDS 10 ANS 4,282
85,47 $
-0,1285 %
Lundi 25 mars 2024
www.lesechos.fr

Distribution musicale : l’AMF s’invite Armes : le

groupe franco-
allemand KNDS
dans le dossier Believe va s’installer
en Ukraine
MUSIQUE
DÉFENSE
Stéphane Loignon
Emmanuel Grasland
Mauvaise nouvelle pour le trio d’investis- — Correspondant à Berlin
seurs qui veut reprendre Believe. Dans un
avis rendu public vendredi, l’Autorité des Alors que Moscou accentue sa pression
marchés financiers (AMF) vient compliquer sur l’Ukraine, c’est une des actions
encore le plan imaginé par le consortium entreprises par les Européens pour
composé du fondateur de Believe, Denis augmenter d’urgence l’aide militaire à
Ladegaillerie, et des fonds TCV et EQT. Kiev. Le groupe franco-allemand
Le 12 février, ce trio annonçait son inten- KNDS, qui fabrique des chars de combat,
tion d’acquérir 72 % du capital du spécialiste des systèmes d’artillerie et les canons
de la distribution musicale, par des rachats Caesar, va s’implanter en Ukraine afin
de blocs de titres avant de lancer une OPA de fournir des pièces détachées aux
sur l’intégralité du capital pour 15 euros par forces armées de Kiev. Réunissant le
action. Deux conditions étaient fixées : français Nexter et l’allemand Krauss-
l’obtention des autorisations réglemen- Maffei Wegmann, l’entreprise va créer
taires, mais aussi une recommandation par une filiale dont l’objectif sera, dans un
le conseil d’administration, dans un avis premier temps, de « former » les Ukrai-
motivé, aux actionnaires d’apporter leurs niens et de permettre de « produire
actions à l’offre, si celle-ci était jugée dans rapidement des pièces de rechange,
l’intérêt de la société, des salariés et des notamment pour les systèmes déjà
actionnaires. livrés », a expliqué vendredi le ministre

Laurent Le Crabe / Hans Lucas / AFP

Bataille boursière ?
Deux semaines et demie plus tard, premier
coup de théâtre. Le consortium accélère ses
démarches et renonce à la condition liée à la
recommandation du conseil. La raison
apparaît le lendemain, quand le comité ad
hoc, composé d’administrateurs indépen-
dants et nommé pour superviser cette
démarche de rachat, annonce la réception
d’une « manifestation d’intérêt exploratoire,
préliminaire et non engageante » d’un acteur
qui valoriserait les actions à un minimum
de 17 euros. Le nom du courtisan n’est
dévoilé que quelques jours plus tard, Warner
Music Group (WMG).
Un second coup de théâtre survient. Sol-
licitée par le comité ad hoc sur la conformité
réglementaire – contestée par Warner – de la
décision du consortium de renoncer à la
recommandation du conseil, l’AMF vient de
trancher. « L’AMF a considéré que la renon-
Le 12 février, un consortium annonçait son intention d’acquérir 72 % du capital du spécialiste de la distribution musicale.
ciation par le consortium à la condition sus-
pensive, stipulée à son seul bénéfice – ce dont
le marché n’avait pas connaissance – de l’avis
favorable du conseil d’administration, au
regard de la manifestation d’intérêt, non publi-
que à ce stade, d’une tierce partie, à un prix
indicatif supérieur, porte atteinte aux princi-
pes directeurs du droit des offres publiques »,
écrit la présidente de l’AMF, Marie-Anne
Barbat-Layani. L’AMF voit l’avis motivé
favorable du conseil d’administration
comme « une étape réglementaire essentielle ».
Aux yeux de l’Autorité, « en exerçant […] sa
faculté de renonciation unilatérale à ladite
condition suspensive, stipulée à son seul
bénéfice, alors que WMG avait fait connaitre
une manifestation d’intérêt (...), le consor-
tium, qui avait connaissance de cette infor-
mation non publique, s’est octroyé un avan-
tage déterminant dans le succès de son offre,
français de la Défense, Sébastien
Lecornu, lors d’une conférence avec
son homologue allemand B oris
Pistorius.
Aujourd’hui, les troupes
russes tirent en
moyenne trois à cinq
fois plus d’obus que
les forces ukrainiennes.
en violation des principes de loyauté, de trans-
parence et de libre jeu des offres et de leurs
surenchères », ajoute la présidente de l’AMF. Cette initiative fait suite à la promesse
La balle est dans le camp du comité ad hoc, de la semaine dernière du chancelier
qui a obtenu une réponse claire. Believe, le Olaf Scholz et du président Emmanuel
comité ad hoc, le consortium et Warner ne Macron de développer en Ukraine une
font pas de commentaire. Mais la bataille production locale de pièces détachées,
boursière annoncée par certains analystes de munitions et, à terme, d’équipements
pourrait bien avoir lieu, si tant est que WMG militaires complets. Aujourd’hui, les
dépose finalement une offre. n troupes russes tirent en moyenne trois
à cinq fois plus d’obus que les forces
ukrainiennes. L’implantation de KNDS
a « énormément de valeur parce que les

Stoppé dans son
élan, Maserati revoit
ses perspectives
à la baisse
AUTOMOBILE Touchée par le ralentisse-
ment de la demande en Chine et les débuts
un peu décevants du SUV Grecale, la mar-
que de luxe du groupe automobile Stellantis
n’atteindra pas en 2025 une marge opéra-
tionnelle de 15%, comme elle le pensait, a
indiqué aux « Echos » son patron Davide
Grasso. Elle repousse de deux ans le lance-
ment de son futur grand SUV et du rempla-
çant de son modèle emblématique Quattro-
porte. Mais Maserati poursuit l’électri-
fication complète de sa gamme, stratégie
inédite dans son segment. // PAGE 19
Ces jeunes pousses
contraintes
de mener bataille
devant les juges
START-UP Les espoirs de l’économie fran-
çaise apprennent aussi les rouages des
affaires à la barre des tribunaux. Condam-
née en première instance pour pratiques
commerciales déloyales, la start-up Matera
a eu gain de cause en appel. En contentieux
avec des concurrents, la legaltech Doctrine
a vécu l’épisode désormais terminé comme
un frein à son développement. L’entreprise
de cybersécurité Vade a dû se contenter
d’une levée de fonds plus modeste que
prévu alors qu’un rival bloquait son expan-
sion aux Etats-Unis. // PAGE 25
Espace : la France mise
sur les mini-lanceurs
ESPACE
Anne Bauer
A l’occasion de son voyage en Guyane,
Emmanuel Macron va découvrir la fusée
Ariane 6 dont l’étage principal et l’étage
supérieur sont désormais en cours
d’assemblage au port spatial de Kourou,
en vue de son premier vol inaugural cet
été. Si tout se passe bien, l’Europe récupé-
rera l’accès à l’espace qu’elle avait perdu
depuis le dernier lancement d’Ariane 5, et
les quatre années de retard d’Ariane 6
seront oubliées. Au-delà du vol décisif
d’Ariane 6, Kourou a l’ambition de deve-
nir un port spatial multi-fusées, notam-
ment pour accueillir les futurs micro-lan-
capacités de production se rapprochent
de la ligne de front, c’est autant de logis-
tique en moins et de fiabilité en plus pour
approvisionner », a souligné Sébastien
Lecornu.
HyPrSpace. Latitude, une start-up instal-
Le lieu d’implantation pas
communiqué
lée à Reims, et HyPrSpace, une entreprise L’initiative de Paris et Berlin pourrait se
bordelaise, cherchent à développer des concrétiser au travers d’une structure
fusées capables de placer de petites char- en propre ou d’une JV avec des indus-
ges en orbite basse à bon marché. La triels locaux. Paris et Berlin ne commu-
société francilienne Sirius et la filiale niquent pas sur un lieu d’implantation,
d’ArianeGroup MaiaSpace ont des pro- sachant que le site fera office de cible
jets plus ambitieux pour lancer jusqu’en évidente pour l’armée russe. Mais l’idée
orbite moyenne (600 à 800 km d’altitude) est d’avoir quelque chose qui fonc-
des charges jusqu’à 1,5 tonne. Ces lauréats tionne d’ici la fin de l’année. Notam-
devraient disposer d’un montant global ment pour remplacer les pièces qui
de subventions de 400 millions d’euros, s’usent le plus vite.
issus du plan France 2030, s’ils parvien- KNDS n’est pas le seul à entreprendre
nent à réaliser leurs lanceurs en temps et une démarche en la matière. En février,
en heure, soit selon les projets entre 2026 le numéro un allemand de l’armement,
et 2028. L’essentiel de la subvention est Rheinmetall, a dévoilé un accord avec
l’achat du premier vol, donc s’ils n’y par- une entreprise ukrainienne pour
viennent pas, ils ne toucheront pas la fabriquer des obus d’artillerie de calibre

= LES ENTREPRISES CITÉES ceurs en développement en Europe.

Lors de son dernier sommet à Séville,
l’Agence spatiale européenne a annoncé
somme promise.
Quelle que soit l’issue de la compétition,
le CNES a déjà signé des accords avec des
155 mm dans le pays. Mi-mars, l’entre-
prise a ensuite fait part de son intention
d’installer au moins quatre usines en
Adidas 20 Egis 22 Matera 25 Valdunes 18
Altice 23 Emargence 26 McDonald’s 20 VIT 27 qu’elle allait organiser cette année une start-up pour leur ouvrir son port spatial Ukraine pour produire des obus, de
Amundi 20 FloodFrame 31 Netflix 24 Warner Bros 24 compétition pour sélectionner les de Kourou. Après un appel à intérêt lancé véhicules militaires, de la poudre et des
Aston Martin 19 Glencore 29 Nexter 17 Warner Music Group 17 meilleurs projets, en dotant les gagnants fin 2021, le CNES avait sélectionné sept opé- armes de défense antiaérienne.
Axylis 26 Hemgenix 22 Nike 20 Weber Transports et Logis- d’une aide de 150 millions d’euros. La rateurs qui travaillent sur de nouveaux Rheinmetall, qui met les bouchées
Believe 17 Jacques Vabre 20 Novartis 22 tique 27 course est donc lancée et le président de la lanceurs : Avio en Italie, Hympulse Tech- doubles un peu partout dans le monde,
Bouygues Telecom 23 KNDS 17 Orchard Therapeutics 22 X 30
République annoncera que la France nologies, Isar Aerospace et Rocket Factory espère atteindre un chiffre d’affaires de
Cowboy 25 Krauss-Maffei Wegmann 17 Reddit 24
Crédit Agricole 31 Loxam 21 Rheflex 26 AVIS FINANCIERS soutiendra les start-up engagées dans en Allemagne, MaiaSpace et Latitude en 13 à 14 milliards d’ici à 2026. Un mon-
Crédit Mutuel 31 Manuloc 27 Skyted 27 BURELLE 19 cette compétition en France. Il s’agit de France et PLD Space en Espagne. Quatorze tant multiplié par deux en comparaison
Deepki 25 Maserati 19 Stellantis 19, 28 BIOMERIEUX 21 MaiaSpace, Sirius Space, Latitude et entreprises se sont manifestées. n de l’an dernier. n
ENTREPRISES Lundi 25 mars 2024 Les Echos 18

Ces incertitudes qui s’accumulent

dans la tête des industriels
l Lourdeurs administratives, manque de terrains à bâtir, absence de visibilité sur les prix de l’énergie…
La réindustrialisation verte voulue par l’exécutif a tout d’un gymkhana pour les industriels français.
l Ils exigent un soutien public plus fort.

celle de la vitesse de ces investisse-

INDUSTRIE
Ninon Renaud
C’est le moment d’afficher sa déter-
mination. La sixième édition du
salon Global Industrie, qui s’ouvre
ce lundi à Villepinte et durera jus-
qu’à jeudi, est l’occasion pour
Roland Lescure, le ministre de l’In-
dustrie et de l’Energie, de démon-
trer aux industriels que le gouver-
nement n’abandonne pas la réindus-
trialisation aux premiers vents
contraires. Avec 2.300 exposants et
3.000 machines présentées, cette
vitrine du secteur se veut le modèle
réduit français de la Foire de Ha-
novre outre-Rhin. Dans les allées, la
situation budgétaire du gouverne-
ment – rouge vive – sera forcément
commentée, avec la crainte de voir
le soutien financier de l’Etat se
resserrer au pire moment, quand
les sommes réclamées par la décar-
bonation se confrontent à l’urgence
d’investissements plus classiques.
Le ministre ne vient pas les mains
vides : il annonce le lancement
d’une nouvelle vague de projets
importants d’intérêt européen
commun (PIIEC) dans le domaine
de la santé. Après « Med4Cure »
consacré à la relocalisation de
médicaments dont les projets sont
en cours d’instruction à Bruxelles, il
s’agit de cibler les dispositifs médi-
caux pour lesquels plusieurs start-
up ou industriels français ont une
carte à jouer. Un appel à manifes-
tation d’intérêt va ainsi être ouvert
aux acteurs du secteur jusqu’à fin
avril. Il couvrira trois thématiques
d’innovation : allongement de la du-
rée de vie des batteries des implants
médicaux ; développement de solu-
tions d’imagerie médicale compacte
ou connectée afin de pouvoir traiter
de visu ou à distance des clients peu
mobiles ou habitant dans des
déserts médicaux ; et solutions de
décarbonation de ces dispositifs.
Trop de bureaucratie
Business France, le bras armé de
l’Etat en matière d’exportation,
annoncera par ailleurs ce lundi la
création d’une « Team France In-
dustrie ». Sur le modèle de celles qui
ont déjà été présentées en février
pour l’aéronautique, l’aérospatiale
et l’agroalimentaire, « cette nouvelle
filière doit permettre de chasser en
meute », se félicite le directeur géné-
ral de Business France, Laurent
Saint-Martin.
Ces annonces suffiront-elles à
alléger l’ambiance du salon affectée
par le ralentissement économique ?
« La France a beaucoup amélioré son
image à l’étranger grâce à sa politique
probusiness à l’écoute des entreprises
et son mix énergétique peu carboné. Il
reste cependant à résoudre les
problèmes de disponibilité du foncier
et la lourdeur de la bureaucratie »,
observe Doris Birkhofer, prési -
dente de Siemens France. « Je ne
suis pas serein, renchérit Alexandre
Saubot, président de France Indus-
trie. Entre la taxonomie, le mécanis-
me d’ajustement carbone aux fron-
tières (MACF) ou encore la directive
CSRD très consommatrice de moyens
financiers pour faire du reporting
alors que nous avons besoin de cet
argent afin d’investir massivement
pour produire de manière décar-
bonée, rien de cela n’est favorable à la
ments. Les industriels sont pragma-
tiques, ils ont besoin de visibilité pour
prendre des risques », souligne
Laurent Bataille, président de
Schneider Electric France. Pour
l’heure, ceux-ci jugent les incerti-
tudes trop nombreuses pour
avancer tête baissée. Une dimi-
nution des taux et de l’inflation sus-
ceptible de leur redonner des mar-
ges de manœuvre est certes en vue,
mais son ampleur reste trop floue
pour garantir une rentabilité aux
projets de réindustrialisation verte.
La question de l’électricité
S’ajoute une question plus fonda-
mentale sur le prix futur de l’électri-
cité produite à partir de nucléaire.
Un industriel échaudé par la crise
énergétique et l’envolée des prix
confirme qu’il n’est plus question de
faire le pari du marché. Le secteur
dans son entier souhaite un accord
de long terme avec EDF. Mais s’enga-
ger pour les dix à quinze prochaines
années sur un tarif n’est pas aisé, en
particulier quand les carnets de
commandes du secteur souffrent
déjà. Une baisse de régime qui ren-
force la crainte de ne pouvoir vendre
une production future plus verte,
mais moins compétitive du fait d’un
prix trop élevé de l’électricité par
rapport à des concurrents améri-
cains et chinois. Et le report sine die
de la loi de souveraineté énergé-
tique ne fait que renforcer l’incerti-
tude sur les prix futurs de l’énergie.
« Sans énergie compétitive, il n’y
aura pas d’industrie. Tout le monde
doit faire des efforts. Si EDF se donne
des marges de manœuvre, cela
pourra marcher », espère un indus- « Investir dans la décarbonation est le sens de l’histoire mais la question est celle de la vitesse de ces investissements. Nous avons besoin
triel électro-intensif. n de visibilité pour prendre des risques », souligne un industriel français. Photo Lou Benoist/AFP
« Le gouvernement ne fait pas de chèque en blanc »
Propos recueillis par si nous n’avions pas confiance facture d’électricité. Face le mécanisme d’ajustement
Marie Bellan et N. Re. dans la viabilité du projet de son ROLAND LESCURE à la baisse sensible des prix carbone aux frontières
repreneur. En parallèle, quand Ministre délégué de marché, ne faut-il pas déjà (MACF) ou la nouvelle CSRD…
Vous entamez un nouveau nous nous mobilisons aux côtés chargé de l’Industrie modifier le mécanisme Que leur répondez-vous ?
mandat à la tête du ministère d’Arcelor à Dunkerque ou derniè- et de l’Energie sur le nucléaire régulé Le MACF rajoute plutôt de la jus-
de l’Industrie dans une rement pour soutenir la construc- négocié avec EDF fin 2023 ? tice dans la compétition interna-
période moins euphorique tion d’un électrolyseur au Havre Au contraire, je veux dire aux tionale mais il faut en effet le
pour le secteur qu’il y a deux afin de décarboner le producteur c’est du donnant-donnant avec les industriels : saisissez-vous de ce compléter en élargissant son
ans. La réindustrialisation d’engrais Yara à l’origine de 1 % des entreprises. mécanisme qui va vous permettre champ d’application. Je suis aussi
est-elle menacée ? émissions de gaz à effet de serre de d’avoir une visibilité à long terme conscient de la lourdeur des tâches
Le ralentissement est indéniable la France, nous accélérons le mou- Que voulez-vous dire ? sur les prix ! Ne pas le faire, c’est administratives, nous allons les
mais nous ne sommes pas à l’arrêt, vement d’une réindustrialisation On ne réussira pas la réindustriali- avoir la mémoire courte. La crise alléger. Nous travaillons sur la loi
il y a toujours plus d’ouvertures décarbonée. Il y a une industrie à sation sans les industriels, nous énergétique a montré combien les « industrie verte » II afin de simpli-
que de fermetures d’usines. Il y a eu deux vitesses en France, avec des n’abandonnerons personne mais prix peuvent s’envoler. Un tiens fier les accès aux aides, raccourcir
200 créations nettes d’usines en secteurs comme la chimie qui souf- nous ne faisons pas de chèque en vaut mieux que deux tu l’auras et les délais et accompagner davan-
2021 et 2022. Paris est devenu un frent et d’autres comme l’aéronau- blanc non plus. Il n’y a pas d’effet j’engage aussi EDF à accélérer la tage les acteurs dans leurs déci-
point de passage obligé pour les tique qui sont en plein boom. Nous d’aubaine avec France 2030, tout est cadence pour signer ces contrats. sions d’investissement quelle que
dirigeants d’entreprises étrangères sommes attentifs à ces deux ensem- négocié rigoureusement et validé Etre chef d’entreprise, c’est prendre soit leur taille. Rome ne s’est pas fait
en quête de nouvelles implanta- bles, nous n’oublions personne. par la Commission européenne. du risque et l’Etat ne peut l’évacuer en un jour et la révolution indus-
tions. Aujourd’hui, 37 % des projets Conditionner les aides à la réalisa- mais nous avons posé le cadre trielle en cours non plus, mais je
de construction d’usine sont des Les entreprises demandent tion des investissements et des pour garantir qu’il y aura de l’élec- suis confiant. n
projets d’industrie verte. Autre- plus de moyens pour tenir objectifs de décarbonation est tricité à des prix acceptables.
ment dit, la transition écologique le tempo de la décarbonation. d’autant plus logique que nous maî-
est aussi synonyme de réindustria- La chasse aux dépenses bud- trisons les technologies nécessaires. Les industriels manquent
lisation. En revanche, le ralentisse- gétaires va-t-elle au contraire également de visibilité sur
ment est indéniable et la conjonc- réduire les soutiens publics ? Ces technologies sont souvent la tarification de la tonne
ture ne nous facilite pas les choses. La baisse de la fiscalité des entre- onéreuses et les taux élevés… de carbone pour investir…
J’entends les inquiétudes des prises est la garantie de leur com- Décarboner l’industrie n’est J’en suis conscient et nous allons
industriels, mais cette inquiétude pétitivité et les 54 milliards d’euros pas cher, cela correspond à 30 à publier notre stratégie sur l’hydro-
doit être source de détermination de France 2030 sont de l’investis- 40 euros par tonne de carbone gène et la capture de carbone avant
et non de défaitisme. La révolution sement. Ce qu’il va falloir réduire, évitée, contre 350 à 400 euros par l’été. L’impatience des entreprises
verte et industrielle est en marche. ce sont les dépenses. Le président tonne dans le logement. Le modèle est un bon signal, elle montre
de la République s’est en outre de contractualisation que nous qu’elles vont plus vite que nous. Air
Le sauvetage récent du groupe engagé en novembre 2022 à dou- avons déployé sur les 50 sites les Liquide est en train notamment de
ferroviaire Valdunes est bler l’enveloppe consacrée à la plus émetteurs, nous le répliquons devenir un champion mondial de « L’inquiétude
symbolique de votre action décarbonation des 50 sites les plus à d’autres domaines. C’est le cas l’hydrogène et de la capture de CO2,
ces dernières semaines. émetteurs de gaz à effet de serre si pour l’eau, le plastique mais aussi c’est exceptionnel. La lame de fond des industriels
Vous agissez davantage ces derniers parvenaient à réduire le foncier avec les sites clés en main est à l’œuvre et elle va payer. doit être source
Bertrand Guay/AFP

réindustrialisation », s’inquiète-t-il.
Les industriels ne remettent pas
en cause l’objectif de l’exécutif.
« Investir dans la décarbonation est le
sens de l’histoire mais la question est
en pompier qu’en architecte
de la réindustrialisation…
Nous avons trouvé un repreneur
pour Valdunes et nous n’aurions
pas mis 14 millions dans la balance
de 50 % leurs émissions. On est ici
dans le domaine de l’existentiel,
pas du conjoncturel : ces sites
représentent 60 % des gaz à effet de
serre en France, il faut le faire mais
dont nous publierons une liste
dans les prochaines semaines.
Les entreprises sont devenues
très sensibles à propos de leur
Les entreprises se plaignent
de détermination
aussi de la surcharge adminis- et non
trative que font peser certaines de défaitisme. »
réglementations, comme
19 Les Echos Lundi 25 mars 2024
Aston Martin
débauche
le patron
de Bentley
AUTOMOBILE
En recrutant
Adrian Hallmark,
l’homme qui diri-
geait Bentley de-
puis 2018, la marque
de luxe britannique
espère trouver la
bonne formule pour
repartir de l’avant.
Aston Martin change de capi-
taine pour tenter de trouver un
cap. Vendredi, le constructeur
de luxe britannique a annoncé le
prochain recrutement d’Adrian
Hallmark, le PDG de Bentley. Il
doit prendre la tête de la marque
préférée de James Bond au plus
tard le 1er octobre prochain.
Agé de 61 ans, Adrian Hall-
mark avait pris la direction de
Bentley en 2018, après avoir
passé sept ans chez Jaguar Land
Rover, où il a occupé les fonc-
tions de directeur mondial de la
marque et directeur de la straté-
gie. Il a également fait ses armes
chez Porsche et chez Volkswa-
gen, qui contrôle Bentley. « Avec
Adrian Hallmark, nous attirons
l’un des dirigeants les plus réputés
non seulement dans notre seg-
ment, mais dans l’industrie auto-
mobile tout entière, a commenté
dans un communiqué le milliar-
daire canadien Lawrence Stroll,
président exécutif d’Aston
Martin. Il va apporter une expé-
rience inégalée dans les secteurs
de l’ultra-luxe et de la fabrication
britannique, afin de faire progres-
ser notre stratégie. »
Quatrième patron
depuis 2020
Il remplacera l’Italien Amedeo
Felisa, 78 ans, qui avait pris la
direction de la marque britanni-
que au printemps 2022, après
avoir fait l’essentiel de sa car-
rière chez Ferrari. « La transfor-
mation d’Aston Martin est l’un
des projets les plus excitants de
l’industrie automobile », a com-
menté Adrian Hallmark, qui dit
avoir « hâte de poursuivre le for-
midable élan de l’entreprise ».
La marque vient
d’annoncer
le report d’un an,
à 2026, de son
premier modèle
100 % électrique.
Reste que cet « élan formida-
ble » peine encore à se concréti-
ser. Adrian Hallmark va devenir
le quatrième patron d’Aston
Martin depuis 2020, symptôme
d’un constructeur qui n’a tou-
jours pas trouvé la bonne for-
mule pour reprendre sa marche
en avant.
Sauvée par Lawrence Stroll
début 2020, la marque a fait du
très haut de gamme et de l’élec-
trique les piliers de son redresse-
ment, ambitionnant un chiffre
d’affaires de 2,5 milliards de
livres sterling d’ici à 2027-2028.
Las, elle a annoncé le mois
dernier le report d’un an, à 2026,
de son premier modèle 100 %
électrique. Si elle a fait état dans
le même temps d’une réduction
de ses pertes opérationnelles de
22 % en 2023, et d’une hausse de
18 % de son chiffre d’affaires, à
1,6 milliard de livres, elle a vu en
parallèle son endettement net
s’accroître de 6 % pour atteindre
814 millions de livres. C’est dire
l’ampleur de la tâche qui attend
Adrian Hallmark. Bentley a
déclaré de son côté que le départ
de son PDG s’est fait « à sa
demande et par consentement
mutuel », et que le nom de son
successeur serait annoncé « en
temps utile ». — F. M.
Maserati, le retour compliqué
d’une légende de l’automobile italienne
AUTOMOBILE
La marque au trident,
pépite de luxe
de Stellantis, traverse
une mauvaise passe.
Maserati repousse
de plusieurs années
son objectif de marge
à 15 %, indique son
patron aux « Echos ».
Guillaume Guichard
— A Modène (Italie)
Dans le grand bâtiment
années 1930 d’un blanc immaculé,
on entend un ouvrier siffloter. Les
250 employés de la manufacture
historique Maserati à Modène
(Emilie-Romagne) s’affairent dans
une quiétude inhabituelle pour
usine automobile. Ils assemblent le
« supercar » MC 20. Il ne sort que
6 unités par jour de ce bolide vendu
250.000 euros minimum, propulsé
jusqu’à 325 km/h par un V6 maison
de 630 chevaux (émettant
260 grammes de CO2 au kilomètre).
Le calme qui règne dans la manu-
facture de la marque ne dit rien de la
crise que traverse Maserati. La mar-
que au trident, luxueuse pépite du
groupe Stellantis, menace de caler.
Signe de ces tensions, deux des trois
top managers de la business unit
ont quitté la maison ces derniers
mois (l’ingénieur en chef et le res-
ponsable des ventes). De l’équipe
initiale, seul demeure le directeur
général, Davide Grasso.
Raison de la crise : la marque de
luxe n’est pas au rendez-vous de ses
prévisions financières. En juin 2023
encore, Maserati communiquait
sur un objectif de marge opération-
nelle de 15 % en 2025. L’entité consa-
crée au luxe laissait entendre aux
investisseurs que cet objectif pour-
rait même être atteint dès 2024.
Chute de 3 points
de la marge
L’objectif est désormais enterré.
« Nous sommes en train d’ajuster
notre nouvelle trajectoire financière,
reconnaît auprès des « Echos »
Davide Grasso. Mais à long terme,
nous suivons notre plan de crois-
sance centré sur une évolution de
notre marque et de nos produits,
garantissant des volumes et une
marge financière en ligne avec notre
positionnement unique sur le mar-
ché du luxe. » Depuis quelques
semaines, Maserati, qui dispose de
sa propre business unit au sein de
Stellantis, avait discrètement
allumé ses warnings à l’intention
des investisseurs.
Depuis la présentation des résul-
tats 2023 de la maison mère Stellan-
tis, mi-février, les objectifs parais-
saient inatteignable. La marge
opérationnelle du trident a chuté de
presque 3 points sur un an en 2023,
à un petit 6 %. Près de deux fois
moins que celle du groupe automo-
bile auquel il appartient. Bien loin
des standards de l’auto de luxe éta-
blis par Lamborghini et Ferrari, ses
voisins de la vallée du Pô. Ces der-
niers flirtent avec les 25 % de marge
opérationnelle.
Les marques automobiles de
luxe sont des mécaniques financiè-
res et industrielles fragiles. Tout
comme Maserati, Aston Martin ou
Jaguar cherchent toujours la for-
mule magique. Par définition, elles
ne peuvent compter que sur de fai-
bles volumes pour amortir leurs
lourds investissements. La moin-
dre embardée, comme un produit
moins bien accueilli ou une perte de
vitesse sur un marché clé, peut les
mener dans le fossé. Maserati a subi
ces deux aléas ces derniers mois.
Une première pointe du trident
s’est d’abord brisée en Chine. L’ex-
empire du Milieu pesait 30 % de ses
ventes en 2021. Mais Maserati y a vu
ses ventes dévisser de 41 % en deux
ENTREPRISES
En 2020, Maserati a lancé un ambitieux programme de lancements de nouveaux modèles, dont le SUV Grecale. Photo Davd Paul Morris/ Bloomberg
consommateurs veulent des véhicu- après des années de disette. Le cation en cours de toute sa gamme,
« Nos les plus flexibles. Nous cherchons à groupe des Agnelli n’avait pour une sous le label « Folgore » (foudre, en
consommateurs redéfinir en profondeur ce que sont fois pas lésiné sur les moyens : réno- italien). Grâce à cette stratégie,
l’espace et le luxe. » vation complète de l’usine de qu’aucun de ses concurrents ne suit
veulent des Le patron de la maison mère Stel- Modène, nouveau moteur V6 « Net- à ce jour, Maserati espère rebondir
véhicules lantis, Carlos Tavares, grand ama- tuno », lancements de trois modèles en Chine, royaume des « wattures ».
plus flexibles. teur de belles cylindrées et pilote de en deux ans. « La marque n’avait pas En ligne de mire également,
rallye le week-end, teste de son côté présenté de nouveauté depuis onze l’Europe du Nord et ses lourds
Nous cherchons les futurs modèles la marque dans ans, nous subissions une hémorragie malus environnementaux qui dis-
à redéfinir son fief portugais. Il ne se prive pas de cash… il fallait tout réparer, se rap- suadent les acheteurs. « Grâce aux
en profondeur de donner ses retours aux ingé- pelle Davide Grasso, nommé à la versions électriques, nous visons une
ce que sont l’espace nieurs de Maserati. Pour l’instant, le tête de la marque par FCA en 2019, hausse de 70 % de la part de la France
niveau des futurs modèles ne cor- après avoir redressé de façon spec- dans nos ventes », précise en guise
et le luxe. » respondrait pas au prix auquel il taculaire les chaussures Converse. d’exemple Luca Delfino, nouveau
DAVIDE GRASSO aimerait les vendre, glissent cer- Le nom de Maserati était encore responsable des ventes du groupe.
Directeur général de Maserati tains bons connaisseurs du groupe. révéré, mais le niveau de qualité était Côté investisseurs, plus question
« Maserati est de retour », procla- loin du niveau requis pour une mar- d’imaginer un spin off boursier de
mait pourtant Stellantis il y a à que de luxe. » l’entité à court ou moyen terme
peine plus d’un an, à l’occasion de la comme c’était le cas l’année der-
présentation de ses résultats 2022. Electrification totale nière. « Les marges plus faibles du
ans. Ce n’est pas propre à la marque. La marque italienne était en pleine Si la relance de Maserati est plus deuxième semestre 2023 et la déci-
Porsche y a perdu 30 % de ses volu- renaissance. Elle venait de réaliser laborieuse que prévu, l’objectif de sion de décaler les lancements pro-
mes l’année dernière. « L’économie une marge opérationnelle histori- long terme, fixé en 2020, demeure. duits devraient repousser de plu-
chinoise tangue et la dynamique que de plus de 10 % sur le dernier A savoir reprendre pied dans le seg- sieurs années la perspective d’une
actuelle sur le marché automobile est semestre 2022. « Maserati a passé ment de l’ultra-luxe, occupé par mise en Bourse partielle de Mase-
un défi pour toutes les marques, rap- un cap », félicitaient alors logique- Bentley, Aston Martin, Ferrari et rati », estime dans une note Thomas
pelle Davide Grasso. La défiance ment les analystes de BofA. Lamborghini. Maserati compte sur Besson, chargé du secteur chez
envers les plus riches y est grandis- Les résultats financiers de 2022 de nouvelles versions de ses trois Kepler Cheuvreux. Comme le
sante, ce qui n’incite pas ces derniers venaient couronner le plan de récents modèles (Grecale, GranTu- résume Davide Grasso, « revenir au
à réaliser des achats de prestige. » relance et d’investissement mis en rismo et MC 20) pour relancer ses luxe, cela ne se fait pas en une
Deuxième embardée, le Grecale. place par Fiat-Chrysler en 2020, ventes. A commencer par l’électrifi- nuit ». n
Conçu à partir d’une plateforme
Alfa Romeo et vendu à partir de
86.000 euros, le luxueux et agile
SUV était appelé à faire davantage
de volume que les très exclusifs cou-
pés de la marque, et donc à amortir
une bonne partie des investisse-
ments réalisés dans le cadre du plan RÉSULTATS ANNUELS 2023
de relance.
BURELLE SA
Concurrence féroce
Mais, au lieu de prendre de la
vitesse après son lancement com-
mercial fin 2022, les ventes se sont
essoufflées au bout de quelques
mois, faiblissant de 6 % sur ses prin-
cipaux marchés entre le premier et
le second semestre 2023, d’après les
chiffres de Jato Dynamics. Sur ce
créneau, la concurrence est féroce,
avec la Mercedes GLC AMG ou la
Porsche Macan.
Pour ne rien arranger, la marque
italienne a annoncé en février
qu’elle retardait de deux ans le lan-
cement de ses deux futurs modèles.
Le gros SUV promis l’année pro-
chaine n’arrivera qu’en 2027. La
remplaçante de l’iconique Quattro-
porte ne verra le jour qu’en 2028.
« Nous voulons résister à la tenta-
tion de remplacer nos modèles exis-
tants par une banale nouvelle ver-
sion, explique Davide Grasso. Nos
ENTREPRISES
« McDo », Amundi,
Jacques Vabre :
pourquoi les marques
aiment le sport
SPORT
Fini la Ligue 1 Uber
Eats, place à la Ligue 1
McDonald’s.
De plus en plus de
marques s’adonnent
au naming, dont les
retombées restent
néanmoins délicates
à calculer.
Neïla Beyler
McDonald’s reprend le flambeau.
Après Uber Eats, le géant de la res-
tauration rapide devient le nou-
veau partenaire titre de la Ligue 1. A
compter du 1er juillet 2024, et pour
les trois prochaines saisons, c’est
donc cette marque qui sera scan-
dée au cours d’un millier de matchs
ayant lieu à l’heure du dîner – de
quoi créer un réflexe pavlovien
chez le consommateur.
Ce contrat devrait rapporter
30 millions d’euros par an à la
Ligue, soit le double de l’accord
actuel, selon une source proche du
dossier citée par l’AFP. L’entreprise
américaine a refusé de confirmer le
montant du chèque signé.
Le « naming » de stades ou de
compétitions s’est largement accé-
léré au cours des dernières années.
The Amundi Evian Championship,
Transat Jacques Vabre, TCS New
York City Marathon… Un mariage
d’argent, autant que de raison. 83 %
des Français jugent le sponsoring
utile au sport et ils sont 84 % à consi-
dérer que le sport rend les marques
qui en sont partenaires plus sym-
pathiques, affirmait Sporsora en
avril dernier.
Pour les entreprises, quels que
soient les résultats sportifs, le pari
est déjà gagné. Les événements
sportifs bénéficient d’une large
Football : la Mannschaft choisit Nike,
Adidas et l’Allemagne sous le choc
SPORT
La Fédération
allemande de football
met fin à un contrat de
77 ans avec la marque
à trois bandes.
Nike va équiper
la Mannschaft à partir
de 2027.
Emmanuel Grasland
— Correspondant à Berlin
L’équipe allemande de football
sans Adidas comme sponsor ? En
Allemagne, l’annonce d’un nou-
veau contrat signé avec Nike a des
allures de tremblement de terre.
« J’ai du mal à imaginer le maillot
allemand sans les trois bandes. Pour
moi, Adidas et le noir, le rouge et l’or
ont toujours été indissociables. C’est
une partie de l’identité allemande.
J’aurais souhaité un peu plus de
patriotisme », a déclaré le ministre
allemand de l’Economie, Robert
Habeck.
Même réaction sur les réseaux
sociaux, où de nombreux fans ont
critiqué ce basculement au profit
d’un équipementier étranger.
couverture médiatique, notam-
ment par le biais de la télévision, de
la diffusion en ligne et des réseaux
sociaux. Ils attirent souvent un
public nombreux et diversifié. Les
motivations d’une telle union peu-
vent varier en fonction des objectifs
de la marque et de la nature du
parrainage.
« Premier restaurateur hexagonal
implanté dans plus de 1.150 commu-
nes, avec 2 millions de repas servis
quotidiennement, McDonald’s
s’associe au spectacle numéro un en
France », rappellent les nouveaux
fiancés dans un communiqué. Si
l’association avec McDonald’s,
symbole pour certains de la mal-
bouffe, peut susciter des critiques,
la relation avec Uber Eats n’était pas
plus évidente.
Manque de transparence
Il y a quatre ans, la start-up améri-
caine avait débarqué sur un terrain
pas franchement conquis. Les taxis
grondent, les livreurs aussi. Mais
Uber Eats profite de la compétition
préférée des Français, et de sa pré-
« L’enjeu pour
une marque n’est
pas seulement
d’être présente,
de coller son logo
sur du support
marketing,
mais d’activer
ces événements
pour véhiculer des
valeurs communes
positives... »
LUCAS VARONE
Directeur de la business unit
sport United de l’agence
Rosbeef!
Ce choix radical a été annoncé
jeudi par la Fédération allemande
de football, trois mois avant le
début du championnat d’Europe
de football en Allemagne. La DFB a
révélé avoir signé un contrat de
partenariat avec le concurrent
américain pour la période 2027
à 2034, mettant fin à 77 ans de fidé-
lité à Adidas.
Nike équipera « toutes les équipes
nationales de la DFB et promouvra le
football allemand dans son intégra-
lité », a annoncé sobrement la
DFB. La marque américaine a pré-
senté « de loin la meilleure offre éco-
nomique », s’est justifié le président
du conseil d’administration de la
fédération, Holger Blask.
« Nous comprenons toute émo-
tion. Pour nous aussi, il s’agit d’un
moment important lorsqu’un parte-
nariat, marqué par de nombreux
moments particuliers, prend fin
après plus de 70 ans. Cela ne nous
laisse pas indifférent », a tweeté
jeudi soir la fédération, en tentant
de déminer le terrain.
Le montant du contrat est resté
confidentiel mais il serait à trois
chiffres, soit au moins 100 millions
d’euros par an, selon le « Handels-
blatt ». Nike avait essayé à de nom-
breuses reprises de décrocher le
contrat, faisant à chaque fois mon-
sence locale avec une vingtaine de
villes en lice, pour s’ancrer durable-
ment dans la tête, le porte-monnaie
et l’estomac des Français.
En termes d’argent sonnant et
trébuchant, il est difficile d’établir le
retour sur investissement. « C’est la
partie la plus compliquée à détermi-
ner, et la moins transparente », con-
firme Lucas Varone, directeur de la
business unit sport United de
l’agence Rosbeef!.
« L’enjeu pour une marque n’est
pas seulement d’être présente, de col-
ler son logo sur du support marke-
ting, mais d’activer ces événements
pour véhiculer des valeurs commu-
nes positives. Chaque entreprise va
venir s’adresser directement à sa
cible avec du storytelling, explique-
t-il. Sans oublier l’enjeu de marque
employeur qui permet de fédérer ses
salariés autour d’un projet com-
mun. »
A l’opposé des polémiques sur la
pertinence d’un « namer » réputé
pour ses plats caloriques, Michelle
Taylor, responsable mondiale des
partenariats sportifs chez TCS (la
SSII de Tata qui parraine notam-
ment le marathon de New York)
affirme : « Les marathons nous don-
nent l’occasion d’inspirer, de former,
de participer à la course et de discu-
ter de la course avec nos clients et
prospects. Nous pensons également
que la course à pied améliore la santé
de nos employés. Avec plus de
600.000 employés passant la plu-
part de leur temps devant des ordi-
nateurs, les partenariats dans la
course à pied peuvent les inspirer à
bouger. Créer des habitudes saines
qui changent la vie est une victoire
commerciale pour toute entre-
prise ».
Embarquer les équipes
En 2019, Amundi, numéro un euro-
péen de la gestion d’actifs, cherche
à développer sa notoriété, et ses
activités, à l’international. C’est
ainsi qu’est né le nom The Amundi
ter un peu plus la pression. En 2016,
A d i d a s av a i t a n n o n c é avo i r
déboursé plus de 50 millions
d’euros par an pendant quatre ans
pour le conserver. Une offre deux
fois plus élevée que le montant pré-
cédent.
Nike équipe l’équipe du Brésil
depuis 1989 et a raflé le contrat avec
la France en 2011, détrônant déjà
Adidas. Nike va habiller les Bleus
jusqu’en 2026 pour 50 millions
d’euros par an. Soit un montant
nettement inférieur à celui
déboursé en Allemagne.
« Le miracle de Berne »
Outre-Rhin, le choc est énorme. La
marque aux trois bandes est pro-
fondément liée à l’épopée de la
Mannschaft, dont elle est l’équipe-
mentier historique. Adi Dassler, le
fondateur d’Adidas, avait person-
nellement vissé les crampons du
buteur allemand, Fritz Walter,
avant la finale pluvieuse de la
Coupe du monde en 1954. Il s’agis-
sait des premières chaussures à
crampons dévissables, ce qui a
énormément aidé l’équipe alle-
mande.
Remporté contre la redoutable
équipe de Hongrie, ce match est
entré dans la légende comme le
« miracle de Berne ». Le contrat
McDonald’s est déjà partenaire de nombreux clubs professionnels pluridisciplinaires et soutient
financièrement également beaucoup de compétitions amateurs en France. Photo Arnaud Finistre/AFP
Evian Championship, en partena-
riat avec le géant de l’eau minérale.
« Cette discipline s’est imposée à
nous : non seulement le golf est large-
ment pratiqué en Europe par les
cadres supérieurs de plus de 45 ans
avec une forte capacité d’épargne,
mais sa pratique requiert aussi des
compétences similaires à celles
incarnées par le métier de gérant
d’actifs : précision, performance et
constance », relate Natacha Ander-
mahr, directrice de la communica-
tion d’Amundi.
d’Adidas avec la DFB court jusqu’à
fin 2026. Lors de l’Euro 2024, qui se
déroulera du 14 juin au 14 juillet en
Allemagne, la Mannschaft instal-
lera son camp de base dans le com-
plexe d’Adidas, à Herzogenaurach
dans le sud du pays, et jouera avec
les maillots de l’équipementier qui
ont été présentés il y a une semaine.
Le maillot rose et violet avait sus-
cité beaucoup de commentaires,
mais les ventes avaient bien
démarré jusqu’à présent.
Le pire moment
La perte du contrat avec l’Allema-
gne tombe au pire moment pour
Adidas. L’équipementier vient de
dévoiler une perte annuelle de
58 millions d’euros. Sa première
perte depuis 1992. Les ventes ont
reculé de près de 5 %, à 21,4 mil-
liards. Adidas a souffert de la rup-
ture de son partenariat avec le rap-
peur Kanye West, épinglé pour des
propos à caractère antisémite, et de
l’arrêt des ventes du modèle Yeezy.
Une situation qui l’a contraint à
écouler des milliers de chaussures
à prix bradé. Dans le football
comme ailleurs, un malheur
n’arrive jamais seul.
Lire « Crible »
( Page 40
Lundi 25 mars 2024 Les Echos 20
D’autant plus que la retransmis- « Exploration, aventure, entrepre-
sion de ce tournoi dans 87 pays per- neuriat : nous sommes autour d’un
met de toucher 500 millions de imaginaire porteur de valeurs – c’est
foyers – autant d’opportunités une fierté pour les équipes d’être à
d’apparaître dans la petite lucarne – l’origine d’un tel événement », estime
ou le smartphone – d’un client Vincent Prolongeau, président de
potentiel. JDE France, qui exploite notam-
Pour la Transat Jacques Vabre, ment la marque Jacques Vabre.
qui porte le nom de la marque de « Cette compétition suscite de fortes
café depuis la création de la course, émotions : les équipages partiront-ils
l’affinité est toute trouvée. Les voi- dans les temps ? Iront-ils jusqu’au
liers suivent la route du café, à tra- bout ? Dans les temps qu’ils se seront
vers un itinéraire qui peut fluctuer fixés ? Cela nous anime en interne
certes – mais pas le sponsor. avant, pendant et après la course. » n
à suivre
Danone reçoit l’autorisation de
Moscou de vendre sa filiale russe
AGROALIMENTAIRE Danone a annoncé vendredi soir avoir
obtenu « les autorisations réglementaires russes requises » pour la
vente de sa filiale en Russie, dont elle avait déjà perdu le contrôle.
Le repreneur est un homme d’affaires lié au dirigeant tchétchène
Ramzan Kadyrov, via sa société Vamin Tatarstan, une société lai-
tière russe. La cession « est prévue dans les prochaines semaines »,
a précisé Danone dans un communiqué. Danone avait déconso-
lidé ses activités russes en juillet 2023. La perte totale reconnue
par Danone dans ses comptes s’élève à 1,2 milliard d’euros.
Alternatives végétales : cinq
industriels saisissent le Conseil d’Etat
ALIMENTATION Cinq entreprises produisant des produits de
substitution à la viande ont introduit le 22 mars un référé devant
le Conseil d’Etat pour contester le décret leur interdisant d’utili-
ser en France des mots comme rumsteck, jambon ou travers. Le
texte était paru en plein Salon de l’Agriculture. Les acteurs du
marché estiment qu’il « compromet la création d’une filière fran-
çaise » car la réglementation ne concerne pas les marques
étrangères de protéines végétales.
Logement : 800 communes pourraient
être reclassées en « zone tendue »
IMMOBILIER Le gouvernement a proposé le 22 mars le reclasse-
ment de plus de 800 communes en « zone tendue » pour répon-
dre à la crise du logement. Ce changement facilite l’accès aux
prêts à taux zéro dans l’immobilier neuf. Il doit aussi aider les
communes à recourir à des dispositifs permettant de produire
plus de logements abordables, en location comme en accession
à la propriété. La liste des lieux visés doit être publiée en juin.
21 Les Echos Lundi 25 mars 2024 ENTREPRISES

« Char du futur » : Paris et Loxam fait fi

Berlin se partagent le travail
DÉFENSE
La France
et l’Allemagne
se sont entendus
sur le programme.
Les tâches seront
réparties
à 50/50 entre
les industries
des deux pays.
Emmanuel Grasland
— Correspondant à Berlin
La coopération franco-allemande
sur le « char du futur » franchit une
nouvelle étape. Six mois après la
visite du ministre allemand de la
Défense, Boris Pistorius, à Evreux,
en Normandie, visite qui avait per-
mis « d’exprimer les besoins » des
deux parties, Paris et Berlin se sont
entendus sur la charge de travail
dont vont bénéficier les industriels
des deux pays. « Nous nous sommes
mis d’accord sur la répartition de
toutes les tâches pour ce grand pro-
jet », a déclaré Boris Pistorius, lors
d’une conférence de presse aux
côtés de son homologue français
Sébastien Lecornu. L’accord « éta-
blit très clairement qu’en matière de
production, il y aura une répartition
à 50/50 entre les industries des diffé-
rentes nations », a assuré le ministre
allemand.
Les négociations ont été à la fois
« compliquées et difficiles » parce
que chaque partie tenait à conser-
ver ses compétences sur les techno-
logies jugées clés. Financé à parts
égales mais dirigé par l’Allemagne,
le « char du futur » est un pro-
gramme qui vise à remplacer le
Leopard 2 et le char français Leclerc
à l’horizon 2040. Il ne s’agit pas seu-
lement d’un blindé mais plutôt d’un
système global de combat terrestre,
avec un char, des drones, des missi-
les, des batteries de tir, un cloud…
Le char utilisera par exemple des
armes laser anti-drones, pourra
être piloté à distance et aura large-
ment recours à l’intelligence artifi-
cielle. Les informations issues des
capteurs seront traitées en amont
par des algorithmes et fourniront
directement des propositions
d’actions aux opérateurs. Ce pro-
gramme constitue le second volet
Le ministre français de la Défense, Sébastien Lecornu (à gauche), et son homologue allemand,
Boris Pistorius, à Berlin, vendredi dernier. Photo Kay Nietfeld/AP/Sipa
de la coopération franco-alle-
mande dans l’armement avec
l’avion de combat du futur (SCAF).
Mais il est vaste et protéiforme et
implique, côté français, une série de
sociétés comme Nexter, Safran,
Thales, MBDA ainsi que des PME de
la défense.
Pour répartir la charge de travail
entre les industriels, Paris et Berlin
ont défini huit piliers, allant de la
partie feu (tourelle, canon) aux cap-
teurs, en passant par la simulation,
le char lui-même, les systèmes de
communication et le cloud de com-
bat, la partie « feu innovant » (laser,
missiles), la protection de la plate-
forme et l’infrastructure d’accueil
du char, notamment pour la main-
tenance.
Un niveau d’innovation
particulièrement innovant
Les deux pays ont défini qui aurait
le leadership de quoi mais certains
piliers ont quand même été placés
en « co-leadership ». Un choix com-
préhensible d’un point de vue politi-
que mais qui peut poser question
sur le plan industriel. La répartition
exacte et le nom des industriels sera
donnée fin avril. Ce char du futur
« va avoir un niveau d’innovation qui
va être particulièrement impression-
nant, dans sa connectivité dans la
guerre électronique », s’est réjoui
Sébastien Lecornu. Depuis qu’ils
sont en fonction, les deux ministres
s’emploient à faire avancer ce pro-
gramme lancé en 2017 et initiale-
ment prévu pour être opérationnel
en 2035. Baptisé « système principal
de combat terrestre (MGCS ou
« Main Ground Combat System »),
le projet a patiné pendant plusieurs
années à la suite de querelles entre
industriels.
A l’origine, le programme était
uniquement conduit par KNDS,
une entité réunissant le français
Nexter et l’allemand Krauss-Maffei
Wegmann (KMW), le fabricant du
Leopard 2. Mais l’arrivée de son
rival allemand Rheinmetall dans le
projet, en 2019, a changé la donne et
créé des tensions. Les détecteur et
les munitions associées à la tou-
relle, le canon, la navigation ont par
exemple été des points de frictions
entre Nexter et Rheinmetall.
Voilà quelques mois, la décision
de l’industrie allemande de déposer
un dossier à Bruxelles, en consor-
tium avec Leonardo et Saab, pour
obtenir des financements de
recherche sur le char du futur a éga-
lement jeté le trouble et forcé Paris
et Berlin à réaffirmer leur volonté
de faire aboutir le projet.
Après avoir fixé « l’expression des
besoins », fin septembre, à l’issue
d’une phase d’étude d’une trentaine
de millions d’euros, les deux minis-
tres de la Défense ont négocié les
différents piliers du programme
avec les industriels.
La prochaine étape consistera à
formaliser les choses sur le plan
juridique. « Le 26 avril prochain,
nous signons l’engagement juridique
pour la phase dite 1A de ce MGCS », a
indiqué le ministre de la Défense,
Sébastien Lecornu. L’Allemagne
notifiera ensuite les contrats aux
industriels d’ici à la fin d’année. De
source gouvernementale, le mon-
tant total sera de plus d’une cen-
taine de millions d’euros, financé
par Paris et Berlin. La phase sui-
vante (1B) consistera à mettre au
point un démonstrateur, une sorte
de pré-prototype du « char du
futur ». Dans sa loi de programma-
tion militaire 2024-2030, la France
a planifié 500 millions d’euros de
dépense pour le « char du futur ». n
de la crise de la
construction neuve
BIENS
D’ÉQUIPEMENT
Le premier loueur
européen
de matériel
et d’outils pour
le BTP et l’industrie
a réalisé une activité
record l’an dernier.
Christophe Palierse
Loxam fait fi de la crise de la
construction de logements en
Europe, et en France en particu-
lier. Le premier loueur euro-
péen de matériel et d’outils
pour le BTP et l’industrie
contrôlé par son président
Gérard Déprez et sa famille, a
en effet réalisé une activité
record l’an dernier, et prévoit
d’être encore en croissance
en 2024, en dépit d’un environ-
nement « incertain ». Loxam,
qui a divulgué jeudi dernier
quelques chiffres clés au titre de
son dernier exercice (le groupe
n’est pas contraint à la commu-
nication financière des entre-
prises cotées), fait ainsi état d’un
chiffre d’affaires dépassant
pour la première fois 2,5 mil-
liards d’euros, en hausse de plus
de 6 %, le total de revenus réali-
sés en France atteignant, pour
la première fois également, le
milliard (1.042 millions précisé-
ment, +6,6 %). « C’est une crois-
sance essentiellement organique,
moitié prix, moitié volume »,
indique le directeur général,
Stéphane Hénon.
Loxam tire profit de
son internationalisation
Alors que le marché du loge-
ment neuf est en berne, le
loueur en a peu souffert, celui-ci
représentant 10 % de son acti-
vité. A contrario, le secteur des
travaux publics, en France
comme à l’étranger, a alimenté
son développement. Il pèse
pour plus d’un quart du chiffre
d’affaires. Simultanément,
Loxam a tiré parti de la diversifi-
cation de ses services et de son
internationalisation, notam-
ment au Brésil. Selon son direc-
teur général, le groupe y fait
« sans doute » office de
numéro 3 aujourd’hui, avec un
chiffre d’affaires proforma
avoisinant 100 millions, avec
ses deux acquisitions de l’an
dernier.
L’élargissement du périmètre
géographique de l’entreprise,
aujourd’hui présente dans
25 pays, est d’autant plus signifi-
catif que son activité réalisée
hors de la France et de l’Europe
du Nord, autre grande zone de
Loxam, représente désormais
près d’un tiers de son chiffre
d’affaires avec 804 millions
d’euros de revenus (+14,4 %).
« Ce que nous appelons le “reste
du monde” constitue la deuxième
division du groupe. », constate
Stéphane Hénon.
Une demande soutenue
dans le génie civil
Ce dernier est d’autant plus
satisfait que Loxam a encore
amélioré sa rentabilité opéra-
tionnelle l’an dernier : du fait
d’un excédent brut d’exploita-
tion en hausse de 9 %, sa marge
s’est accrue de 1 point, à 36,3 %.
Pour 2024, la direction pré-
voit « une croissance modérée,
inférieure » à celle de l’an der-
nier, avec un « effet prix supé-
rieur à l’effet volume ». Et si « le
résidentiel neuf s’effondre par-
tout », la demande reste soute-
nue dans le génie civil : « On voit
l’impact de la réindustrialisa-
tion de la France, de la transition
énergétique », déclare Stéphane
Hénon.
En outre, Loxam profitera
des JO. L’entreprise, qui est par-
tenaire de Paris 2024, assurera,
en groupement avec GL Events,
la fourniture de l’ensemble des
produits et services liés à la pro-
duction et la distribution
d’énergie, d’alimentation élec-
trique et de contrôle de tempé-
rature sur l’ensemble des sites.
Le duo a également obtenu le
marché du centre internatio-
nal de radios et de télévisions.
Alors que Loxam est en lice
pour un troisième marché, son
directeur général évalue de 50 à
100 millions le chiffre d’affaires
que les JO pourraient apporter.
Pour autant, l’heure est plus
que jamais à une gestion rigou-
reuse et à l’amélioration de la
productivité. Le strict renouvel-
lement du parc est privilégié. n

Thales fait revivre son usine de missiles au Royaume-Uni

DÉFENSE
Le groupe a relancé
l’activité de son site
de Belfast afin de
fabriquer des armes
pour contrer
les blindés russes.
Anne Bauer
Comme nombre d’usines d’arme-
ment en Europe, l’usine de missiles
de Belfast a longtemps vécu dans
l’ombre. Mais la poussière s’est envo-
lée : aujourd’hui, ce site, qui appar-
tient depuis 1993 au groupe Thales,
emploie 900 personnes aux portes
de la capitale de l’Irlande du nord.
Dans cet ancien site de l’ex-fabricant
d’hydravions Short Brothers, la
filiale britannique de Thales produit
des missiles antiaérien de haute pré-
cision. Sur place, les ouvriers usi-
nent ainsi deux missiles de courte
portée : le missile STARStreak capa-
ble de détruire un hélicoptère
depuis le sol et le missile multirôle
léger (Lightweight Mulitrole Mis-
sile/LMM), mis sur le marché
en 2019 et dont les caractéristiques
se révèlent très porteuses au regard
des conflits actuels. Ces missiles
peuvent être tirés à l’épaule ou
monté sur des blindés .
L’usine est en outre le site de fabri-
cation principal du missile antichar
NLAW mis au point par le groupe
suédois Saab, qui a connu la gloire
lors de la bataille de Kiev, le Royau-
me-Uni ayant eu l’intelligence d’en
envoyer plus de 3.000 exemplaires
dans les semaines précédant l’inva-
sion russe. Tout a radicalement
changé pour l’usine nord-irlandaise
avec l’entrée en guerre de la Russie
en Ukraine. L’usine produisait à
petite vitesse en mode survie, au gré
des contrats décrochés à l’exporta-
tion. La dernière fois que l’une des
armes de l’établissement avait servi,
c’était il y a près de quarante ans, à la
guerre des Malouines en 1982…
Aujourd’hui, la gamme entière a fait
ses preuves sur le terrain.
Le missile STARStreak a lui bien
failli disparaître. Développé à la fin
des années 1990, le dernier lot avait
été livré à l’armée britannique
en 2012. Ce missile hypervéloce, qui
vole à plus de Mach 3 et peut abattre
en quelques secondes un hélicop-
tère dans un rayon de 7 kilomètres,
n’avait survécu depuis que grâce à
quelques commandes export.
Quant au missile LLM, mis sur le
marché en 2021, il est promis à un
grand avenir, en raison de son effica-
cité contre la nouvelle menace des
drones. Quant au NLAW, l’arme
antichar qui a permis à Kiev de résis-
ter à l’invasion russe, elle assiste à
une envolée de ses commandes.
L’usine de Belfast
planifie
une multiplication
par quatre de
sa production
entre 2022 et 2026.
L’usine de Belfast planifie une
multiplication par quatre de sa pro-
duction entre 2022 et 2026. « En
février 2022, tout le monde s’est bruta-
lement rendu compte que les achats
de munitions et missiles dans les
armées occidentales, en Europe
comme aux Etats-Unis, avaient dimi-
nué au point d’atteindre des stocks
ridiculement bas », constate Alexis
Cresswell, PDG de Thales UK.
Comme tous les fabricants de muni-
tions et de missiles, Thales évoque
deux difficultés majeures au sein de
la chaîne d’approvisionnement :
« Tous les composants, qui relèvent de
l’énergie cinétique, que ce soit pour les
moteurs-fusées des missiles ou pour conçu comme un missile de défense groupe Saab a lui-même été surpris
la charge explosive, sont un point de aérienne à embarquer dans la par son efficacité. Cette arme anti-
passage délicat », déclare Alexis marine pour éliminer des navires char aurait permis de détruire entre
Cresswell. Entre 2022 et 2024, ennemis. A présent, le LLM a une 30 % et 40 % des blindés russes pen-
l’usine aura doublé sa production et chance de venir à l’avant-scène de la dant la première année du conflit. Si
elle prévoit de redoubler d’ici 2026. lutte antidrone et de remplacer des bien que dès 2022, le Royaume-Uni
missiles sol-air plus coûteux. et la Suède ont passé des comman-
Une efficacité inattendue Le NLAW est lui aussi un cas des à concurrence de 255 millions et
Alexis Cresswell rappelle que dans d’école : développée dans les de 80 millions pour regarnir leurs
les années 1990 ou 2000, lorsque années 2000 pour le Royaume-Uni stocks. L’usine s’équipe d’une nou-
Thales UK développaient ses vec- et la Suède, cette arme dont les pre- velle ligne robotisée pour assembler
teurs de frappes (STARStreak ou mières livraisons remontent à 2010, les NLAW.
LLM), personne n’imaginait que la n’avait jamais servi avant l’invasion Plus que jamais, l’Ukraine est
menace d’aujourd’hui viendrait de l’Ukraine et était en quelque sorte prescripteur et fait le tri entre « ce qui
essentiellement d’attaques aérien- sur une voie de garage,. Livrée à-pro- marche et ce qui ne marche pas ». A ce
nes par drones, voire par essaim de pos aux forces ukrainiennes par le jeu, l’usine de Belfast estime avoir de
drones. Au départ, le LLM avait été Royaume-Uni, son designer le beaux jours devant elle. n
Les actionnaires de bioMérieux sont invités à participer à l’Assemblée générale mixte qui se tiendra le 23 mai 2024,
à 9 heures, au siège social sis 376, Chemin de l’Orme, 69280 Marcy l’Etoile.
L’avis de réunion, comportant l’ordre du jour et le texte des projets de résolutions, a été publié au Bulletin des
Annonces Légales Obligatoires du 25 mars 2024 (bulletin n°37) et sur le site de la Société www.biomerieux.com
(Rubrique Investisseurs > Espace Actionnaires > Assemblée Générale). Les modalités de participation et de vote à
cette Assemblée générale mixte figurent dans cet avis.
Les actionnaires pourront obtenir les documents devant leur être communiqués dans les délais et conditions prévus
Société anonyme aux articles R. 225-81 et R. 225-83 du Code de commerce en adressant leur demande, soit à UPTEVIA – Service
au capital de
des Assemblées Générales – 90-110 Esplanade du Général de Gaulle – 92931 Paris La Défense Cedex, soit à
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l’adresse électronique suivante investor.relations@biomerieux.com.
siège social :
L’ensemble des informations et documents mentionnés à l’article R. 22-10-23 du Code de commerce pourront également
69280 Marcy l’Etoile
être consultés, au plus tard à compter du 21ème jour précédant l’Assemblée générale, soit le 2 mai 2024, sur le site
673 620 399 RCS Lyon internet de la Société www.biomerieux.com (Rubrique Investisseurs > Espace actionnaires > Assemblée générale).
Données financières et communications officielles sur www.biomerieux.com/corp/fr/investisseurs
ENTREPRISES
Le Lenmeldy décroche la palme
du médicament le plus cher du monde
PHARMACIE
Le prix de la dose
du nouveau
médicament s’élève
à 4,25 millions
de dollars.
Celui-ci bat
le précédent record
de prix établi
par Hemgenix.
Myriam Chauvot
En santé comme ailleurs, l’innova-
tion se paye et elle coûte cher. Elle
coûte même de plus en plus cher. Le
record du médicament le plus cher
au monde vient d’être battu, quand
les autorités de santé américaines
ont approuvé la commercialisation
du Lenmeldy, un nouveau médica-
ment pour une maladie ultra-rare,
au prix officiel de 4,25 millions de
dollars l’injection.
Le Lenmeldy, développé par la
biotech Orchard Therapeutics, bat
le précédent record établi par
Hemgenix, un traitement de
l’hémophilie B du laboratoire CSL
Behring, coté à New York. Hemge-
nix, qui coûte en « prix catalogue »
aux Etats-Unis 3,5 millions de dol-
lars l’injection. C’est toujours un
prix à l’injection car ces deux médi-
caments ont un trait commun : il
s’agit de thérapies géniques.
Un prix qui a doublé
en cinq ans
Ces thérapies ont toutes le même
principe : guérir définitivement une
maladie en une seule injection.
Elles se substituent à un traitement
dans la durée et signifient un chan-
gement de paradigme (et de prix)
auquel il va falloir s’habituer. On en
avait eu un avant-goût quand a été
autorisé en 2019 le Zolgensma du
laboratoire suisse Novartis. Il était à
l’époque le médicament le plus cher
au monde, à plus de 2 millions de
dollars l’injection. Cinq ans plus
tard, celui que viennent d’approu-
ver les Etats-Unis coûte le double…
Le chemin parcouru par le pion-
nier qu’est le Zolgensma montre
pourquoi les Etats-Unis disent
banco sur les thérapies géniques. Le
Zolgensma soigne l’amyotrophie
Le moratoire Biden sur le GNL fait enrager
les géants du gaz américain
ÉNERGIE
Les appels se sont
multipliés, lors de
la CeraWeek, pour que
l’administration Biden
revienne sur
sa décision de geler
tout nouveau projet
d’infrastructure
de gaz naturel liquéfié.
Nicolas Rauline
— Envoyé spécial à Houston
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légales
Comme le Hemgenix, un traitement de l’hémophilie B, le Lenmeldy est une thérapie génique,
dont le principe est de guérir définitivement une maladie en une seule injection.
spinale ou « SMA », provoquant la
perte de la fonction musculaire
chez les enfants. En France, la SMA
concerne une centaine de naissan-
ces par an.
Le Zolgensma ne peut pas répa-
rer les dégâts déjà causés aux mus-
cles mais il les stoppe net et définiti-
v e m e n t . D ’o ù l ’ i m p o r t a n c e
d’injecter les bébés le plus tôt possi-
ble post-naissance, donc d’inclure
la SMA dans les diagnostics néona-
taux systématiques. Sinon, même
injectés, ils garderont un handicap
musculaire irréversible. Malgré les
demandes de l’AFM-Téléthon et
contrairement à d’autres pays euro-
péens, jusqu’à présent la France
s’est refusée à un dépistage des nou-
veau-nés. Mais malgré ce refus, les
Français ont accès au Zolgensma.
Début 2023, une soixantaine de
bébés français en avaient bénéficié
Dans les couloirs de l’hôtel Hilton
Americas de Houston, théâtre de la
CeraWeek, le « Davos de l’énergie »,
l’Européen est recherché et choyé.
Les lobbyistes du gaz naturel liqué-
fié américain ont dé crété l’état
d’urgence depuis que l’administra-
tion Biden a décidé d’imposer un
moratoire sur la construction de
nouvelles infrastructures de GNL
aux Etats-Unis, remettant en cause
selon eux la montée en puissance
du pays dans ce domaine. Et ils
comptent bien faire vibrer la corde
de l’amitié transatlantique pour
faire plier la Maison-Blanche.
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01 87 39 70 08
(3.000 au niveau mondial) et on en
est aujourd’hui à une centaine.
Ils ont reçu la précieuse injection à
un prix inconnu, car en France, les
négociations sur le prix ne sont tou-
jours pas terminées entre Novartis
Les thérapies
géniques ont toutes
le même principe :
guérir définitivement
une maladie en
une seule injection.
et l’Etat (le comité économique des
produits de santé). Les bébés ont été
injectés grâce au régime de « l’accès
précoce », mis en place pour accélé-
rer l’accès aux médicaments inno-
vants. Novartis prend son risque
« Nos alliés ne comprennent pas.
L’Europe a pu traverser la crise de ces
deux dernières années sans trop
d’encombres grâce au GNL améri-
cain et soudain, on leur dit que l’ave-
nir de ce gaz est incertain. C’est un
message catastrophique », s’insurge
le sénateur républicain de l’Alaska
Dan Sullivan, chouchou de l’indus-
trie pétrogazière, qui promet que la
fin du moratoire sera l’une des pre-
mières mesures de Donald Trump,
s’il est élu en novembre…
Une bataille contre le Qatar
Le moratoire, qui concerne les
futurs projets qui n’avaient pas
encore reçu leurs autorisations – et
qui laisse donc ainsi se développer
une grande majorité –, ne fait pas
que des heureux chez les démocra-
tes, non plus.
« L’administration Biden a donné
des gages aux activistes environne-
mentaux, au détriment de nos alliés,
affirme l’un d’eux. Nous laissons la
porte grande ouverte au Qatar, à la
Russie, à l’Iran, nous poussons nos
alliés vers des pays qui ne partagent
pas nos valeurs. »
Le discours tranche avec la tran-
quillité affichée, depuis l’annonce,
par les Européens. La baisse de la
Getty Images
sur le prix qui sera peut-être, au
final, inférieur à celui demandé
pour l’accès précoce.
De toute façon, l’addition sera
lourde pour l’Etat, vu le prix de
l’injection. Il va falloir s’y habituer
car les thérapies géniques arrivent.
Selon le Leem, qui est le syndicat
professionnel des entreprises du
médicament, il y avait déjà 9 théra-
pies géniques in vivo autorisées aux
Etats-Unis et/ou en Europe fin 2023
(le Lenmeldy s’y ajoute), auxquelles
s’ajoutent 12 thérapies ex vivo modi-
fiant les gènes (des thérapies cellu-
laires telles les « CAR-T Cell » pour
les leucémies) et bien d’autres
thérapies innovantes sont en cours
de développement.
L’addition s’annonce salée. Avec
quelques bémols. D’abord, post-re-
mises (confidentielles) des labora-
toires, le prix réel dans les pays
demande se confirme sur le Vieux
Continent et, dès le lendemain de
l’annonce du moratoire Biden, le
Qatar a enclenché la construction
de nouveaux trains de liquéfaction,
visant une hausse de sa production
de 85 % d’ici à la fin de la décennie.
« Le GNL a de beaux jours devant lui,
on n’en manquera pas. Le Qatar va
juste prendre les parts de marché
abandonnées par les Américains »,
opine un observateur français.
Les gaziers américains dégainent
toutefois un autre argument : le pas-
sage de centrales à charbon au gaz
est responsable des deux tiers de la
réduction des émissions de CO2 aux
Etats-Unis. « Ce que nous avons
fait ici, nous pouvons le faire
ailleurs », insiste Chris Treanor,
directeur exécutif de PAGE (Par-
tnership to Address Global Emis-
sions), une organisation qui
regroupe les grandes compagnies
gazières américaines.
Les émissions de méthane
dans le viseur
« L’Allemagne continue de brûler du
charbon et a annoncé un plan de
développement de nouvelles centrales
à gaz, la demande en gaz va continuer
à être forte, même en Europe »,
Lundi 25 mars 2024 Les Echos
européens est toujours inférieur au
prix officiel américain. Surtout en
France, réputée être le pays le plus
dur en négociations.
Deuxième bémol, les thérapies
géniques concernent (au moins
pour l’instant) des maladies rares,
voire ultra-rares dans le cas du Len-
meldy qui concerne, selon Orchard
Therapeutics, moins d’une quaran-
taine de naissances par an aux
Etats-Unis (en l’occurrence des
bébés nés avec la « leucodystrophie
métachromatique », un déficit
d’enzymes entraînant paralysie,
démence et troubles nerveux).
Troisième bémol, si un dépistage
néonatal est adopté en France pour
éviter que les bébés conservent à vie
des dommages irréversibles, les
thérapies géniques feront disparaî-
tre le coût de prise en charge à vie
des handicaps liés aux maladies
génétiques. Les économies réali-
sées, assurent les laboratoires
comme Novartis, sont bien plus
importantes que le prix facial de
l’injection, qui n’a lieu qu’une fois.
Le paiement fractionné
à la performance
C’est vrai si la guérison est défini-
tive. Or on manque de recul pour le
moment sur les thérapies géniques.
Pour ne pas payer un prix stratos-
phérique et s’apercevoir qu’il y
a rechute cinq ans ou dix ans après
l’injection, en 2022, la France a fait
passer une mesure permettant un
paiement fractionné à la perfor-
mance. Cette dernière sera jugée
dans la durée.
Reste que l’adaptation des systè-
mes de santé à ces prix inédits a une
limite : le jour où les thérapies
géniques concerneront une
large partie de la population, pour
des problèmes plus fréquents que
les maladies rares, l’addition risque
de devenir insoutenable hors assu-
rances médicales privées (pour les
plus aisés).
Ce n’est pas un scenario impossi-
ble : un article qui vient de paraître
dans la revue « Molecular The-
rapy » donne les résultats d’un essai
chez le rat, selon lequel la thérapie
génique réduit les troubles sensori-
moteurs (douleurs, raideurs…)
post-traumatisme de la moelle épi-
nière dans le cas d’accidents de
la route ou de chutes. Un cas qui
concerne du monde. n
estime un autre lobbyiste améri-
cain, qui balaie les accusations por-
tées contre le GNL américain qui
serait plus polluant que ses concur-
rents car issu de gaz de schiste.
« Toute l’industrie a fait d’énormes
progrès, il n’y a plus vraiment de
débat ici sur le schiste », poursuit-il,
accusant même certaines ONG de
relayer la propagande russe.
« Le plus gros sujet, ce sont les émis-
sions de méthane, ajoute Chris Trea-
nor. On manque encore d’incitations
pour bouger dans la bonne direction,
mais l’industrie a pris conscience
qu’elle devait le faire. » Surtout que,
dans ce domaine, l’Europe va bien-
tôt imposer des limites d’émissions
de méthane à ses importations. Il
faudra donc être compétitif dans ce
domaine pour continuer à alimen-
ter le marché européen.
L’Amérique se dit prête. « Nous
avons les moyens de quadrupler nos
exportations de GNL, et ainsi de
réduire les émissions à travers le
monde de millions de tonnes. Il n’y a
pas de raison de ne pas le faire »,
assure Toby Rice, PDG d’EQT, un
producteur de gaz qui exporte
aujourd’hui le quart de sa produc-
tion et qui affiche une baisse de ses
émissions de méthane de 70 %. n
22
Egis prend
de l’avance
sur son plan
de marche
INFRASTRUCTURES
Le groupe
d’ingénierie
français, présent
déjà dans 100 pays,
veut faire
des JO une vitrine
internationale.
Martine Robert
Egis est en avance de près de
trois ans sur les objectifs de son
plan lancé en 2021, qui a pour
ambition de propulser le
groupe d’ingénierie du 20e rang
au 10 e rang mondial de son
métier à l’horizon 2026.
Alors que le monde entier
réclame des ingénieurs, Egis
affiche des résultats 2023
record : le chiffre d’affaires
consolidé atteint 1,9 milliard
d’euros, en hausse de 28 % par
rapport à 2022. Le groupe
d’ingénierie a quasiment
doublé de taille depuis 2020,
renforcé par une frénésie
d’acquisitions. Quelque 12 opé-
rations l’an dernier, pour 32
entre 2021 et 2023.
Il maintient son haut niveau
de profitabilité, avec un Ebitda
qui progresse de 45 millions à
221 millions, soit une marge
opérationnelle de 11,6 %. Le
résultat net part du groupe à
44 millions d’euros, est, lui,
en léger recul, minoré par la
hausse du coût de financement
des acquisitions. La suite se pré-
sente aussi bien. Du haut d’un
carnet de commandes repré-
sentant 17 mois de chiffre
d’affaires, Laurent Germain, le
directeur général, table sur
2,3 milliards de chiffre d’affai-
res en cette année de Jeux
Olympiques – dont Egis est
« supporter officiel ».
Effectifs en hausse
« Nos équipes accompagnent le
Comité d’organisation dans
la conception, le suivi de réalisa-
tion, et la mise en service des
différents sites, tels le centre
de médias, le village des athlètes,
les tribunes, les lieux d’épreuves
comme celui dédié à l’escrime… »,
énumère Laurent Germain.
L’entreprise est aussi sponsor de
quatre athlètes. De quoi stimu-
ler ses effectifs qui ont crû de
22 % en un an pour atteindre
19.500 collaborateurs dont
4.900 en France, même si le diri-
geant assure ne pas avoir de mal
à recruter. « Nous sommes en
mesure de proposer de vraies évo-
lutions, étant sur de petits chan-
tiers comme sur des grands pro-
jets à plus de 10 millions d’euros,
dans 100 pays », rappelle-t-il.
L’entreprise, détenue à 40 %
par Tikehau Capital, 34 % par la
Caisse des Dépôts et 26 % par
les cadres et salariés, s’est
notamment beaucoup renfor-
cée en architecture. « Il y a huit
ans nous n’avions aucun archi-
tecte, maintenant nous en comp-
tons 1.200 », précise le dirigeant.
Il en est de même en matière de
digitalisation, avec la création
d’une « digital factory » regrou-
pant une cinquantaine d’ingé-
nieurs, de data scientistes, et de
spécialistes de l’intelligence
artificielle.
Egis a aussi la particularité
d’afficher un chiffre d’affaires
bien réparti à la fois géographi-
quement et par secteurs. n
2,3
MILLIARDS D’EUROS
Le chiffre d’affaires 2024 sur
lequel table Laurent Germain,
le directeur général d’Egis.

23 Les Echos Lundi 25 mars 2024
Patrick Drahi tente le coup de force
avec ses créanciers
l Le milliardaire demande aux porteurs d’obligations d’Altice d’accepter de renoncer à une partie de leurs créances.
l Sinon, il menace de ne pas utiliser le produit de ses cessions comme BFM TV pour désendetter l’entreprise.
TÉLÉCOMS
Florian Dèbes, Anne Drif,
Gwénaëlle Barzic
et Nicolas Madelaine
Patrick Drahi choisit la manière
forte avec les créanciers de son
groupe Altice France. Un change-
ment de ton si radical qu’il suscite
une colère rare chez ces profession-
nels et fait plonger les cours des obli-
gations de la maison-mère de SFR.
Une bombe que certains estiment
même avoir valeur de test pour tout
le marché obligataire européen, pas
habitué à ces méthodes, certes léga-
les mais abruptes.
Jusqu’ici rassurant sur le désen-
dettement du groupe dont il faisait
cet été sa « seule priorité » via princi-
palement la vente d’actifs, Patrick
Drahi fait maintenant ouvertement
comprendre à ses investisseurs
qu’ils devront prendre d’abord leur
part à la réduction de la dette. En
substance, il leur demande d’accep-
ter qu’il rachète leur dette à prix
cassé ou échange leurs obligations
contre d’autres plus avantageuses
pour lui. Et ce n’est que s’ils sont prêts
à faire cette concession qu’il utilisera
le produit des cessions récentes,
comme celle de BFM TV et RMC
pour 1,55 milliard, afin de réduire la
dette d’Altice France, évaluée à
24 milliards d’euros. Le « cash » levé
qui pourrait être utilisé pour réduire
la dette « actuelle » serait en fait réin-
jecté dans un second temps pour
réduire une dette qui se serait déjà en
partie dégonflée.
Si Patrick Drahi peut exercer un
tel chantage c’est que pour l’instant
ces produits de cessions ont été pré-
sentés comme « unrestricted ».
« Cela signifie que l’argent est logé
quelque part dans les holdings, sans
qu’on sache où mais à un endroit où
cet argent ne doit pas forcément servir
à rembourser la dette », explique
Mark Chapman, analyste crédit
chez CreditSights.
« Panique » sur la dette
« Pour atteindre (un) niveau de
désendettement inférieur à quatre
fois l’Ebitda [c’est-à-dire 3,9 mil-
liards d’euros en 2023, NDLR], nous
pensons qu’il faut que les créanciers
participent à des transactions à prix
réduit », a reconnu Gerrit Jan Bak-
ker, le trésorier du groupe, lors de la
présentation des résultats finan-
ciers de SFR mercredi. « Le recours
aux [ventes des] actifs du groupe
sans restriction pourrait accélérer ce
désendettement. Mais nous ne vou-
lons poursuivre dans cette voie que si
nous atteignons notre nouvel objectif
avec un effet de levier inférieur à qua-
tre fois », était-il précisé.
Ces propos s’étaient déjà immé-
diatement traduits par une chute
du cours des obligations Altice sur
le marché de la dette. Jeudi, le phé-
nomène continuait, avec une nou-
velle chute comprise entre 2 % et
jusqu’à 27 % selon les tranches et la
maturité.
« Altice a dit qu’il voulait que les
détenteurs d’obligations participent.
Cela a semé la panique, le marché
interprète ça comme l’anticipation
d’un abaissement de leur note par les
« Drahi prend
les détenteurs
d’obligations
en otage. »
LE GÉRANT D’UN FONDS
D’INVESTISSEMENT
Les déclarations des dirigeants d’Altice France lors de la présentation des résultats de la société mercredi dernier ont semé la panique sur le marché obligataire.
agences de notation », explique le
gérant d’un fonds d’investissement.
Un tel événement serait catastro-
phique pour certains détenteurs de
dette, notamment les fonds de pen-
sion ou les assureurs soumis à des
contraintes prudentielles, qui doi-
vent alors revendre, mais à perte,
leurs titres à d’autres investisseurs
au profil plus risqué. « Beaucoup des
investisseurs dans la dette d’Altice
s’attendaient à être totalement rem-
boursés à l’échéance, poursuit Mark
Chapman, c’est un choc pour eux. »
De fait, en tout cas, une telle restruc-
turation permettrait d’éviter une
baisse de « rating ».
« Drahi prend les détenteurs
d’obligations en otage », reprend le
gérant cité plus haut. « C’est un scan-
dale. Jamais une telle nouvelle a été
annoncée de façon aussi cavalière sur
un call de résultats alors qu’on parle
de plusieurs milliards qui vont être
effacés », assure, de son côté, un prê-
teur. Si la vente de BFM TV montre
bien que les banques poussent pour
que Patrick Drahi procède à des ces-
sions pour se désendetter, ce « hair-
cut » demandé aux « obligataires »
pour engager la négociation est un
geste radical. « Il n’a pas besoin de le
faire, mais il tente », estime Mark
Chapman.
Les détenteurs
d’obligations s’organisent
Dans ce bras de fer, les créanciers
sont en train de se concerter pour
peser davantage. Attestor Capital et
Arini ont commencé à travailler
avec le conseil Houlihan Lokey et
les avocats de Milbank LLP, dit
Bloomberg. « L’avantage de Patrick
Drahi est qu’il négocie d’une seule
voix alors que les détenteurs obliga-
taires sont éparpillés, avec des inté-
rêts potentiellement divergents, »
explique Mark Chapman.
Les 24 milliards de la dette
d’Altice sont composés d’obliga-
tions à hauteur de 12,4 milliards de
dettes senior sécurisées (secured) et
de 4 milliards de dettes senior (non
sécurisées) ainsi que de 8 milliards
de créances bancaires syndiquées,
HIGH-TECH&MEDIAS
précise cet analyste. « Ce sont les
porteurs de dettes obligataires les
plus vulnérables », ajoute-t-il.
Réunis, les détenteurs d’obliga-
tions vont essayer d’obtenir de
Patrick Drahi qu’il fasse lui aussi des
concessions. Que peuvent-ils obte-
nir ? Peut-être des actions Altice
France, c’est-à-dire que Patrick
Drahi ferait à nouveau face à des
actionnaires minoritaires, un chan-
gement majeur car l’homme d’affai-
res a sorti Altice de la Bourse
début 2021 en rachetant tous les
minoritaires.
En attendant, Patrick Drahi peut
continuer de jouer de la plasticité du
marché. « S’il rallie suffisamment de
détenteurs d’obligations d’une tran-
che de sa dette, il peut en modifier les
termes avant son échéance et imposer
ses vues », explique Mark Chapman.
Dans ce bras de fer, c’est la force
des deux camps qui va faire pen-
cher la balance dans un sens ou
dans l’autre. « Ce qu’il fait est légal »,
dit Mark Chapman. En investissant
dans les sociétés de Patrick Drahi
malgré leur endettement légen-
daire, ses prêteurs prenaient un ris-
que et ne pouvaient pas l’ignorer.
En revanche, ce coup de force est
vu comme une rupture dans les
usages. C’est la raison pour laquelle
il a valeur de test sur le marché de la
dette. « D’autres entreprises très
endettées vont emboîter le pas à
Altice si ça marche, explique Mark
Chapman. Cela devrait motiver les
porteurs d’obligations à s’allier. »
L’ironie de l’histoire est que
Patrick Drahi semble appliquer
une recette qu’il a utilisée ailleurs
dans ses télécoms et ses médias :
importer des usages américains.
Car sur le marché de la dette obliga-
taire américaine, ce genre de coup
de force s’est déjà vu alors qu’il est
inédit en Europe pour un émetteur
de la taille d’Altice, explique l’ana-
lyste. Les investisseurs américains
dans Altice France, n’auront pas
d’excuses, eux.
Lire « Crible »
( Page 40
XpFibre, Meo… Altice reste vendeur
pour convaincre ses prêteurs
Les créanciers de
la maison mère de SFR
attendent de nouvelles
cessions d’actifs après
BFM TV et les centres
de données.
Comprimer la dette pour repren-
dre un peu d’air. La tentative de
Patrick Drahi de racheter à prix
cassé auprès de ses créanciers sa
dette entrera, si elle fonctionne,
dans la légende des coups finan-
ciers du magnat des télécoms.
Mais cela ne se fera pas à
n’importe quel prix. Pour tenter de
les convaincre, le propriétaire de
SFR fait miroiter à ses prêteurs
qu’il pourrait engager un effort de
désendettement plus important
que celui envisagé jusqu’ici. A le
croire, l’endettement descendrait
à 4 fois l’Ebitda contre 4,5 fois
envisagé précédemment, soit
16 milliards d’euros de dette
compte tenu de l’Ebitda 2023 et
non 24 milliards comme
aujourd’hui. Mais, afin de limiter
leurs pertes, ses interlocuteurs
attendent également de nouvelles
cessions d’actifs. Tour d’horizon
des possibles dans la galaxie Altice
pour un Patrick Drahi réputé « ne
pas aimer vendre ».
• XPFIBRE
Après une partie des centres de
données de SFR vendus pour
500 millions d’euros à Morgan
Stanley et récemment Altice
média (BFM, RMC, etc.) tombée
pour 1,55 milliard d’euros dans
l’escarcelle de l’armateur Rodol-
phe Saadé, la filiale XpFibre appa-
rait comme l’actif le plus mûr pou-
vant être cédé. Par le passé déjà,
Patrick Drahi s’était résolu à ven-
dre 49,99 % de cette filiale déte-
nant des kilomètres de lignes de
fibre optique. La poursuite de ce
mouvement est à l’étude. « Drahi
est arrivé au bout de ce qu’il peut
céder sans perdre le contrôle de ses
actifs télécoms », souligne un fin
connaisseur du secteur. Concrète-
ment, un deuxième tour d’enchère
est imminent alors que plusieurs
fonds ont déjà formulé des offres.
D’après une présentation finan-
cière en septembre dernier, XpFi-
bre génère environ 300 millions
d’euros d’Ebitda par an mais
pourrait doubler ce chiffre à
moyen terme alors que se profile
la fin du déploiement et des inves-
tissements qui y sont liés. D’après
plusieurs sources, Patrick Drahi
peut espérer valoriser la filiale
quelque 8 milliards d’euros et
donc transformer sa participation
en 4 milliards d’euros d’argent
frais. Mais il se priverait pour l’ave-
nir d’une « machine à cash ».
• LA POSTE MOBILE
C’est la question qui agitera les
télécoms français dans les pro-
chaines semaines. Propriétaire à
49 % de l’opérateur La Poste
Mobile, SFR doit se positionner au
sujet de la vente par La Poste des
51 % restant à Bouygues Telecom.
Outre un droit d’agrément qui lui
permettrait de refuser l’acqué-
reur, SFR peut user d’un droit de
préemption (qui lui permettrait de
racheter en priorité les parts de La
Poste) ou d’un droit de cession
conjointe (qui lui permettrait de
céder ses parts). Bouygues Tele-
com met 963 millions d’euros sur
la table pour 100 % du capital de sa
cible, valorisant donc la part de
SFR plus de 480 millions d’euros.
« C’est une décision à un milliard
car soit SFR gagne 480 millions, soit
il doit dépenser cette même somme
pour racheter la part de La Poste »,
explique un acteur intéressé dans
le cas d’une vente.
Hamilton-pool/Sipa
• SFR
L’été dernier, les cadres d’Altice
n’excluaient pas d’ouvrir le capital
du navire amiral du groupe en
Europe. Mais les discussions
démarrées les mois précédents
avec les autres opérateurs télé-
coms français étaient rapidement
tombées dans l’impasse. L’hypo-
thèse de voir un fonds d’investisse-
ment entrer au capital de SFR
avait alors inquiété les représen-
tants du personnel. A date, rien
toutefois n’indique qu’un fonds
s’intéresserait à une position de
minoritaire, donc sans contrôle de
la stratégie. De surcroît, dans une
société surendettée dont il devien-
drait solidaire des créances.
• L’OPÉRATEUR MEO
Dans l’empire de Patrick Drahi,
les activités portugaises se por-
tent très bien. Avec un chiffre
d’affaires en hausse de 10 % sur un
an en 2023 (2,9 milliards d’euros)
et des profits Ebitda en progres-
sion de 14 % (1 milliard d’euros),
l’opérateur Meo suscite des
convoitises. Selon Bloomberg,
l’opérateur saoudien STC aurait
formulé l’offre engageante la plus
élevée. Le groupe de Xavier Niel
(Iliad) et un consortium mené par
Warburg Pincus sont aussi sur les
rangs. Mais aucun ne propose les
10 milliards d’euros escomptés
par son propriétaire. Logé dans
Altice International et non dans
Altice France, Meo vendu ne par-
ticiperait pas directement au
désendettement de SFR. Une
vente de Teads, spécialisée dans la
publicité numérique, est aussi
envisagée pour une valorisation à
environ deux milliards d’euros.
— Fl. D.
Lire l’enquête
( Page 15
HIGH-TECH & MEDIAS Lundi 25 mars 2024 Les Echos 24

La plateforme de streaming
Max arrive enfin en France
STREAMING
Lancée il y a un an
aux Etats-Unis
par Warner Bros.
Discovery,
la plateforme payante
Max va se déployer
dans plus de 20 pays
européens, dont
la France.
Fabio Benedetti Valentini
C’était le dernier géant de l’audiovi-
suel américain qui n’avait pas de
plateforme de streaming en France.
Mais ce sera bientôt chose faite.
Après Netflix il y a près de dix ans,
suivi par Amazon Prime, Disney+ et
plus récemment Paramount +, c’est
désormais au tour de Warner Bros.
Discovery de lancer dans l’Hexa-
La série « And Just Like That… » compte parmi les exclusivités gone sa plateforme : Max. Né de la
HBO, qui seront disponibles sur Max. Photo HBO Max fusion des empires Warner (HBO,
CNN, Warner Bros. etc.) et Disco-
very il y a deux ans, le groupe dirigé
par David Zaslav poursuit donc sa
stratégie visant à regrouper ses dif-
férentes offres de streaming – et ses
contenus mondialement connus
dans le cinéma, la fiction, l’informa-
tion et le sport – dans un seul service
de vidéo à la demande par abonne-
ment (SVoD). Lancé aux Etats-Unis
en mai dernier, Max est disponible
depuis quelques semaines aussi en
Amérique latine alors que dans une
vingtaine de marchés européens
(pays scandinaves, Europe de l’Est,
Espagne, etc.) le nom HBO Max
subsiste encore.
Deux vagues de lancements
Le déploiement en Europe se fait en
deux vagues. Dès le 21 mai, dans
20 pays en Europe, la plateforme de
streaming basculera sous le nom
Max avec à la clé un doublement des
contenus proposés. Dans les semai-
nes suivantes – en tout cas avant
les Jeux Olympiques de Paris – Max
arrivera aussi dans une poignée
d’autres pays dont la France et la
Belgique, deux marchés où Warner
Bros. Discover y est déjà bien
implanté avec ses chaînes payantes
et activités de production, mais
jusque-là sans offre phare de
streaming.
« Ce sont les premiers lancements
depuis deux ans dans des marchés où
on n’avait pas de présence directe » en
vidéo à la demande, rappelle dans
un entretien aux « Echos » Jean-
Briac Perrette, le patron monde du
streaming et des jeux vidéo chez
Warner Bros. Discovery, présent au
festival Séries Mania. Max n’en est
qu’au « début » de son expansion
internationale, mais dans chaque
pays où le lancement se fait, l’ambi-
tion est de figurer dans le Top 3 des
services de streaming dans les 3 à
5 ans, poursuit-il.
Les activités de streaming de War-
ner Bros. Discovery ont 98 millions
d’abonnés dans le monde. La plate-
forme est présente dans deux fois
moins de marchés que Netflix ou
Prime Video. Selon JB Perrette, Max
peut mettre en avant la réputation
des contenus HBO ( « Friends »,
« Game of Thrones », etc.), qui y
seront en exclusivité, et ses principa-
les chaînes (CNN, Discovery Chan-
nel, etc.). Ainsi que du sport live, via
Eurosport. Côté distribution,
comme l’explique JB Perrette, « nous
travaillons avec beaucoup de parte-
naires pour accélérer la disponibilité
du produit ». En Espagne par exem-
ple, Max sera disponible chez tous
les grands opérateurs de télécom-
munications et services de télévi-
sion payante.
Des négociations
en cours avec Canal+
En France, les fictions HBO étaient
historiquement présentes sur OCS
(désormais dans l’orbite Canal+),
mais cet accord s’était terminé
fin 2022 et depuis 2023 les séries
HBO et les chaînes Warner sont
disponibles via le Pass Warner, une
option payante sur Amazon Prime.
Selon nos informations, des négo-
ciations sont en cours avec Canal+ ;
la possibilité que Max y soit entière-
ment disponible (comme Netflix ou
Disney+) ne serait pas à écarter. Le
Pass Warner devrait quant à lui
logiquement se transformer chez
Amazon, même si rien n’est arrêté.
Dès son lancement, Max propo-
sera trois offres (avec publicité,
standard sans publicité et pre-
mium) avec en plus une option
(« add - o n ») p ou r l es g r a nds
événements sportifs d’Eurosport
( R o l a n d - G a r r o s , To u r d e
France, etc.). Dans tous les pays
européens où il se lance, Max mise
aussi sur les Jeux Olympiques.
Alors qu’Eurosport continuera en
parallèle sa diffusion, Max propo-
sera aussi sans surcoût l’intégralité
des compétitions (3.800 heures de
direct, jusqu’à 62 flux simultanés). n

Reddit réussit son entrée

m a r q u es , à la Bourse de Wall Street

À v o s PLATEFORME
utilisateurs les plus fidèles de la pla-
teforme qui ont pu acheter 8 % des

,
actions. En une journée, ils ont

ts
L’action du réseau

ê
enregistré un rendement total

pr
social a fini en hausse d’environ 29 millions de dollars.
de près de 50 % pour Mais le plus grand gagnant de la
sa première séance journée a été la famille Newhouse,

!
à New York. dont le groupe de médias Condé

z
Nast – éditeur des magazines

e n e
« Vogue », « The New Yorker » et

entre p r
Pour sa première journée de cota-
tion, Reddit a fait une arrivée en fan-
fare. Jeudi dernier, le titre coté au
New York Stock Exchange (NYSE)
sous le symbole RDDT a fini à
50,44 dollars, soit 48,35 % de mieux
que le prix fixé par la société avant
l’introduction, valorisant le réseau
social environ 8 milliards (7,36 mil-
liards d’euros).
Reddit avait réservé 1,76 million
d’actions pour les « Redditors »,
c’est-à-dire les utilisateurs et les
modérateurs les plus actifs sur le
site. L’opération, la première d’un
réseau social à Wall Street depuis
celle de Pinterest en 2019, a permis
de lever plus de 500 millions.
La cotation de la plateforme était
un test important pour les intro-
ductions en Bourse, qui tourne au
ralenti depuis le sursaut de septem-
bre 2023. Pour Reddit, qui revendi-
que 73 millions d’utilisateurs quoti-
diens en moyenne et plus de
267 millions d’utilisateurs hebdo-
madaires, cette IPO est un tournant
car la plateforme n’a jamais réussi à
dégager de bénéfice annuel.
Le groupe de médias
48h de rencontres pour créer et développer votre entreprise Condé Nast, grand gagnant
« La rentabilité est une étape impor-
tante pour nous et nous en sommes de
plus en plus proches », a déclaré, sur
CNBC, le directeur général Steve
Huffman, cofondateur revenu aux
manettes en 2015. En 2023, Reddit a
dégagé 804 millions de dollars de
Inscription gratuite sur go-entrepreneurs.com #GoEntrepreneurs chiffre d’affaires mais essuyé une
perte de 90,8 millions. La plate-
« Vanity Fair » et désormais filiale
du groupe d’édition Advance Maga-
zine Publishers –, continuera de
détenir environ un quart de Reddit.
L’investissement initial de 10 mil-
lions de dollars de la famille dans la
société naissante en 2006 vaut
désormais plus de 2,1 milliards,
selon l’agence Bloomberg. De quoi
aider à parer les difficultés du sec-
teur des magazines !
Sam Altman, le patron d’OpenAI
qui a dirigé brièvement le réseau,
fait aussi partie des investisseurs les
plus importants de Reddit. Sa parti-
cipation a grimpé jeudi de 200 mil-
lions de dollars pour atteindre plus
de 613 millions, selon la chaîne de
télévision américaine CNBC.
L’entrée en Bourse a suscité une
vague de mécontentement sur
Reddit, en particulier au sein du
forum de boursicoteurs WallStreet-
Bets. Des dizaines de personnes ont
prédit la chute du titre et affirmé
vouloir y contribuer en pariant à
la baisse, rappelant que Reddit
n’avait jamais dégagé de bénéfices
et accusant son patron de cupidité.
« Reddit, c’est ça », a déclaré Steve
Huffman en réponse à une ques-
tion sur WallStreetBets. « Reddit,
ce sont des gens. C’est parfois un
endroit divertissant et exceptionnel,
mais aussi, de temps en temps, un
lieu dingue. » Poursuivant : « Reddit
n’est rien sans ses utilisateurs et ses
communautés. »
— Les Echos

PARTENAIRES OFFICIELS
PARTENAIRES ASSOCIÉS
8
MÉDIAS OFFICIELS AVEC ORGANISÉ PAR forme entend également faire croî-
tre ses revenus grâce à des contrats
donnant accès aux données publi-
ques de son site, très prisées des
sociétés d’intelligence artificielle MILLIARDS DE DOLLARS
(IA), qui s’en servent pour dévelop- La valorisation de Reddit
per leurs interfaces. Le bond de Red- à la suite de son introduction
dit a bénéficié aux portefeuilles des en Bourse, jeudi dernier.
 START-UP
25 Les Echos Lundi 25 mars 2024

Ces jeunes pousses contraintes

de mener bataille en justice
ÉCOSYSTÈME
Alors qu’elles
bousculent l’ordre
établi, il n’est pas rare
que des start-up
se retrouvent devant
les tribunaux.
Le néosyndic Matera
vient de remporter
une manche contre
des syndics qui
l’avaient attaqué
en justice.
Adrien Lelièvre
La vie des entrepreneurs de la
French Tech ne se passe pas tou-
jours dans les bureaux et hôtels
branchés du quartier du Sentier à
Paris. Elle se déroule aussi, parfois,
dans des tribunaux à l’ambiance
plus austère.
Raphaël Di Meglio le sait bien.
Depuis la création de Matera, un
assistant aux syndics coopératifs de
copropriété devenu lui-même un
syndic, le patron est pris dans un
tourbillon judiciaire dont il se serait
Le motif de dénigrement a, en
revanche, bien été retenu. « C’est a
priori terminé, sauf s’il y a un pour-
voi en cassation », glisse Raphaël
Di Meglio.
Par définition, les start-up inno-
vent et bousculent l’ordre établi, ce
qui peut faire grincer des dents. Dès
sa création, Doctrine, sorte de
moteur de recherche du droit, s’est
mis à dos les éditeurs juridiques
(Dalloz, Lexbase, Lextenso, etc.) qui
l’ont accusé de « concurrence
déloyale ». « C’était une agression
non justifiée d’un cartel qui voulait
défendre son pré carré », rembobine
Pierre Entremont, qui a lui-même
investi dans la legaltech avec Otium
Capital. Les éditeurs juridiques ont
finalement été condamnés pour
procédure abusive. Dans son juge-
ment, le tribunal a estimé qu’ils
avaient fait peser « une pression
judiciaire hors de proportion afin
d’intimider le nouvel entrant et de
tenter de l’éliminer du marché ».
La querelle autour
de la viande végétale
Un scénario qui n’est pas sans rap-
peler ce qui est arrivé à Nutrition &
Santé, propriétaire des marques
Cereal Bio et Soy. La société a été
accusée par Interbev, le lobby de la

bien passé. Tout a démarré quand
sa start-up a été attaquée en justice
par des syndics en colère. En cause :
une campagne publicitaire dans
laquelle sa société tournait en déri-
sion leur supposée inefficacité
(« Merci syndic pour votre musique
d’attente, maintenant je connais
Vivaldi par cœur », etc.).
Procédure abusive
pour concurrence déloyale
En 2022, Matera a été condamnée
par le tribunal de commerce pour
pratiques commerciales déloyales
et trompeuses et dénigrement.
Résultat : elle a dû payer des dom-
mages et intérêts d’un montant de
70.000 euros à plusieurs entités
(ANGC, FNAIM du Grand Paris,
SNPI, Foncia).
Dans la foulée, la start-up a fait
appel auprès de la cour d’appel
de Paris. Or, cette dernière vient
d’infirmer toute pratique commer-
ciale déloyale et trompeuse. Les
syndics vont, par conséquent,
devoir reverser 40.000 euros à
Matera. « Cela m’a soulagé. Cela
montre que nous ne sommes pas
des escrocs », souligne le dirigeant.
viande bovine, de vouloir tromper
le consommateur avec ses « steaks
végétaux ». Après six ans de bataille,
la cour de cassation a donné raison
à Nutrition & Santé à la fin 2023.
Mais les start-up du secteur ne
sont pas au bout de leurs peines. En
février, le gouvernement a publié
un décret interdisant l’utilisation de
termes liés à la viande pour des pro-
duits végétaux. Vent debout, elles
préparent une riposte judiciaire.
HappyVore a même mené une cam-
pagne de publicité indiquant qu’elle
cherchait un « Head of Bagarre »
pour livrer ce combat.
Pour une start-up, une affaire en
justice est comme un boulet au
pied. « Ce contentieux nous a coûté
plusieurs centaines de milliers
d’euros sur cinq ans », rappelle
Guillaume Carrère, le patron de
Doctrine. Outre son coût, elle mobi-
lise de l’énergie et détourne en par-
tie de sa raison d’être : développer
un produit et fidéliser des clients.
Un procès en cours peut aussi
refroidir des investisseurs. Attaqué
par l’américain Proofpoint dans
une affaire en détournement de
secrets des affaires et contrefaçon
Par définition, une start-up innove, ce qui peut faire grincer des dents des acteurs du secteur dans lequel elle a choisi de se développer.
de droit d’auteur, Vade a vu sa levée
de fonds de 70 millions d’euros
auprès de General Catalyst capoter.
Elle a dû payer une amende et régler
de coûteux frais d’avocat pour se
défendre – la procédure est tou-
jours en cours. « Sans cet épisode, on
parlerait de Vade comme du plus
grand champion français de la cyber-
sécurité », déplore un bon connais-
seur de secteur. Au final, Vade a fait
une levée de fonds plus modeste et
vient d’être rachetée par Hornetse-
curity, un groupe allemand.
A l’inverse, la victoire juridique
de Doctrine a validé, en creux, la
pertinence de sa technologie.
En 2023, la jeune pousse a été rache-
tée pour environ 120 millions
d’euros par Summit Partners, selon
« Les Echos ». Une belle perfor-
mance pour une start-up de la
Pour une start-up, French Tech. « Nous n’avons jamais
douté de la légitimité de notre activité,
une affaire en justice qui n’est pas que confirmée par les
est comme résultats de cette action en justice
un boulet au pied. entre concurrents mais également
par le fait que nous avons 13.000
Un procès en cours clients et une croissance saine et ren-
table », insiste Guillaume Carrère.
peut notamment
refroidir Des procès opposant
des investisseurs. des start-up entre elles
Les procès peuvent aussi opposer
des start-up entre elles. Selon nos
informations, Pony, spécialiste
français de la micromobilité parta-
gée, a entamé une procédure judi-
ciaire contre Zoov (devenu Fifteen),
son ancien fournisseur de vélos. Le
premier estime avoir reçu du maté-
riel défectueux du second, mettant
Aurélien Laforêt/Shutterstock
en danger ses utilisateurs. Contac-
tés, Fifteen et Pony n’ont pas
répondu à nos sollicitations. Il y a
un an, eBikeLabs, une jeune pousse
développant un logiciel pour
les vélos électriques, a, elle, accusé
Cowboy de contrefaçon de brevet,
vol de savoir-faire et concurrence
déloyale, et a fait saisir du matériel
de la start-up belge dans une bouti-
que à Paris. Une méthode qui n’est
pas passée chez Cowboy, qui a
obtenu 10.000 euros en réparation
de son préjudice.
Sur le fond de l’affaire, les start-up
viennent de trouver un accord à
l’amiable pour éviter un procès,
selon nos informations. En vertu de
cet accord, la marque belge devra
préciser que ses vélos fonctionnent
sous licence de eBikeLabs. n

Deepki poursuit sa belle trajectoire avec plus de 60 %

de croissance en 2023
beaucoup d’incertitudes sur le mar-
ÉCOSYSTÈME ché, mais une étoile du nord est res-
tée : la nécessité de lutter contre le
La start-up, qui acc- changement climatique et d’amélio-
compagne des acteurs rer l’ESG », indique Vincent Bryant,
de l’immobilier le cofondateur de la société. L’entre-
dans leur transititon preneur conclut une belle an-
environnementale, a née 2023, avec des revenus annuels
réalisé près de 45 mil- récurrents (ou ARR, métrique de
lions d’euros de reve- référence dans le logiciel) de près de
nus annuels récurrents 45 millions d’euros, selon nos infor-
cette année, selon mations. C’est plus de 60 % de crois-
sance par rapport à 2022, année de
nos informations.
sa levée de fonds de 150 millions
d’euros. Spécialiste de l’efficacité
Elle accélère énergétique grâce à la collecte de
son déploiement données ESG dans l’immobilier, la
en Europe. croissance est tirée par quatre mo-
teurs.
D’une part, la réglementation (rè-
Camille Wong glement SFDR, décret tertiaire…), la
nécessité de rendre l’immobilier de
Tout roule chez Deepki. Inflation, bureaux plus attractif, l’accès aux
hausse des taux d’intérêt, crise im- capitaux pour les investisseurs im-
mobilière… La société paraît her- mobiliers dont les banques cher-
métique aux troubles. « Il y a certes chent de plus en plus des produits
« Une société
se crée par
semaine, nous
avons identifié plus
de 230 sociétés
concurrentes
dans le monde. »
VINCENT BRYANT
Cofondateur de Deepki
« verts » et, enfin, la nécessité
d’améliorer les actifs immobiliers,
fortement sanctionnés s’ils sont
peu efficaces énergétiquement.
La start-up va mettre en priorité
l’accent sur l’Europe, en creusant
son sillon au Royaume-Uni, en Alle-
magne, dans les pays nordiques,
puis le sud de l’Europe. « Le marché
est très profond, tout en étant difficile
d’accès. Il y a certes la taxonomie
européenne, mais chacun l’applique
parfois différemment », indique l’en-
trepreneur, qui devrait aussi pro-
chainement ouvrir un bureau aux
Etats-Unis pour accélérer sur cette
géographie.
Un retour à l’équilibre
attendu cette année
Elle peut compter sur ses 400 sala-
riés, dont la moitié recrutée rien
que l’année dernière. Parmi les pri-
ses notables, celle de Sigrid Duha-
mel. La professionnelle, nommée
présidente du comité stratégique, a
un profil expérimenté dans l’inves-
tissement immobilier, et a occupé
divers postes de direction dans ce
s e c t e u r ( B N P Pa r i b a s R E I M ,
CBRE…)
Au total, Deepki compte
500 clients dans le monde, contre
350 l’année précédente à la même
période. Si la société peut être consi- Vinci Energies. Une acquisition
dérée comme un leader sur son jeu- technologique, quand, en 2022 la
ne secteur, elle n’en est pas moins at- société avait intégré, là, un concur-
taquée de toutes parts par la rent britannique (Fabriq). La straté-
concurrence. « Une société se crée gie M&A devrait se poursuivre du-
par semaine, nous avons identifié rant les prochaines années,
plus de 230 sociétés concurrentes toujours sous ces mêmes deux
dans le monde », poursuit le chef axes : technologie et portefeuille. n
d’entreprise. Des acteurs encore pe-
tits, à l’exception de son principal
opposant, Measurabl aux Etats-
Unis, qui a levé 93 millions de dol-
lars en 2023.
Au sujet des pertes, la start-up af-
fiche un déficit entre 10 et 15 mil-
lions d’euros en 2023, selon nos in-
formations. Les déficits sont
courants chez les entreprises tech
NEWSLETTER
qui privilégient des phases d’inves-
tissements. « C’était une année de START-UP
pertes pour Deepki, mais nous allons Levée de fonds, décryptages,
revenir à l’équilibre en 2024 comme il chiffres clés… Pour ne rien rater
est d’usage chez nous, deux ans après de l’actualité de la French Tech
une levée de fonds », commente le et des start-up, abonnez-vous
patron. Deepki a mis la main à notre newsletter
en 2023 sur Nooco, une filiale de (du lundi au vendredi).
PME&REGIONS
IA, RSE, data : les experts-comptables
confrontés à des défis inédits
l Transition numérique et évolutions réglementaires affectent la profession « dans ses missions traditionnelles ».
l Pour répondre au défi, un plan de formation sans précédent depuis des décennies est engagé à l’horizon 2030.
SERVICES
Hubert Vialatte
— Correspondant à Montpellier
L’expert-comptable discret qui re-
cevait son client une fois par an
pour faire le bilan de l’exercice
écoulé, c’est du passé. Entre transi-
tion numérique des cabinets et celle
de leurs clients, évaluation de la per-
formance extra-financière des PME
ou anticipation de la facture élec-
tronique – prévue pour le 1er juillet,
puis reportée au 1er septembre 2026
par le gouvernement –, c’est l’heure
des grands travaux pour les plus de
21.000 professionnels et 19.000 so-
ciétés (dont 6.000 pour la seule ré-
gion Ile-de-France, selon la base
Istya, constituée à partir des décla-
rations de cotisation).
« Notre métier est impacté dans
ses missions traditionnelles. Toute la
partie comptabilité va être automati-
sée, via des logiciels qui vont intégrer
l’intelligence artificielle », illustre Cé-
cile de Saint Michel, la présidente
du Conseil national de l’ordre des
experts-comptables (CNOEC) :
« Ces outils ne sont pas encore totale-
ment satisfaisants, mais les choses
vont très vite, notamment avec l’arri-
vée de la facturation électronique
dans les entreprises. »
Spécialisation
Cette évolution va accélérer l’auto-
matisation de la comptabilité dans
les entreprises. Et libérer du temps
pour d’autres tâches, à plus forte va-
leur ajoutée. Par exemple, les tradi-
tionnels bilans annuels, où l’atten-
tion est portée sur le seul exercice
passé, « laisseront la place à un copi-
lotage proactif de l’entreprise », anti-
cipe Cécile de Saint Michel. De plus
en plus, les entreprises veulent des
éléments actualisés. Par la factura-
tion électronique, les données vont
devenir une mine d’or, utilisables
immédiatement, mais ces opportu-
nités posent des défis. « L’indépen-
dance de la profession passera par la
détention de la data, bien plus que
par la détention de l’outil de compta-
bilité », prévient-elle.
Le Conseil de l’ordre développe sa
propre plateforme de développe-
ment partenaires (jefacture.com),
en attente du feu vert de la Direction
générale des finances publiques.
Pour embarquer ses collaborateurs
– ce qui est loin d’être simple, la
montée de l’IA pouvant faire crain-
Axylis investit dans des entreprises de services
Le cabinet d’expertise-
comptable mise sur la
diversification, par le biais
de prises de participation
dans des PME, pour monter
en gamme dans le conseil.
Pour améliorer ses conseils aux en-
trepreneurs, le réseau d’expertise-
comptable Axylis, à Béziers, a pris
ces derniers mois plusieurs partici-
pations minoritaires dans des PME
actives dans des domaines conne-
xes. Exemples récents : Rheflex,
spécialisé dans le conseil et la for-
mation en ressources humaines, et
Cibleweb, expert en stratégie numé-
rique et webmarketing – référence-
ment, médias sociaux, e-mailing,
intégration aux marketplaces…
« L’activité d’expert-comptable est
bouleversée par la montée de l’intel-
ligence artificielle, qui va automati-
ser beaucoup de tâches. Nous con-
seillons davantage les chefs
dre des suppressions d’emplois –, il
a lancé un plan de formation d’ici
à 2030. Pas moins de 50 parcours,
pilotés par le Centre de formation
de la profession comptable, sont dé-
ployés par les instituts régionaux de
formation. Quelque 4,7 millions
d’euros sont investis, soit 3 millions
pour la formation des collabora-
teurs et 1,7 million pour celle des ex-
perts-comptables. « C’est un plan
comme l’ordre n’en a pas connu de-
puis 1945 », souligne Cécile de Saint
Michel. Autre geste fort : pour la
première fois, le CNOEC ouvrira
aux collaborateurs son prochain
congrès annuel, en septembre à
Marseille. Aujourd’hui, les experts-
comptables pratiquent tous le
même métier. Mais on tend vers
une spécialisation : service aux
PME (relance clients, paiements
fournisseurs, établissement de de-
vis, secrétariat partagé, etc.), cyber-
sécurité, gestion de patrimoine, di-
gitalisation… Des cabinets plus
structurés, comme Emargence à
Paris ou Axylis en régions, ont déjà
engagé cette structuration.
En régions, les conseils régionaux
de l’ordre (Croec) évangélisent
auprès de leurs membres et des
PME. En Occitanie, le Croec sensibi-
lise les entreprises sur l’urgence de
lancer une démarche RSE (respon-
sabilité sociétale des entreprises) et
établir les premiers bilans extra-fi-
nanciers. « Cette démarche ne doit
pas être perçue par les entreprises
comme une contrainte venant de l’Eu-
rope, mais comme un atout vis-à-vis
des fournisseurs et des donneurs d’or-
dres, », explique Pascal Castanet, son
président.
Autre tendance, selon lui, que la
profession va devoir pousser auprès
des PME : la nouvelle notion de res-
ponsabilité territoriale des entrepri-
« L’indépendance
de la profession
passera
par la détention
de la data, bien
plus que par la
détention de l’outil
de comptabilité. »
CÉCILE DE SAINT MICHEL
Présidente du Conseil national
de l’ordre des experts-
comptables
d’entreprise. Et le meilleur conseil,
c’est celui qui viendra de partenaires
spécialisés », explique Marc Aufort,
l’un des neuf associés d’Axylis.
Le cabinet entend, grâce à Ci-
bleweb, mieux accompagner les
hôteliers ou professionnels du tou-
risme, nombreux dans cette région
touristique, dans leur transition nu-
mérique. « Le référencement inter-
net est-il bien réalisé ? Les avis Google
sont-ils travaillés ? Ont-ils un res-
ponsable des réseaux sociaux en in-
terne ? Nous ne savons pas aborder
ces points. Mais nous pouvons ren-
voyer notre interlocuteur vers un as-
socié, qui sera forcément plus impli-
qué qu’un prestataire », poursuit-il.
En contrepartie, les PME en par-
tie acquises bénéficient d’un flux
d’affaires supplémentaire, apporté
par les clients d’Axylis. Cibleweb es-
père ainsi faire progresser son chif-
fre d’affaires de 1,1 million d’euros
en 2023 à 3,5 millions en 2027.
Avec la mise en œuvre généralisée de la facturation électronique, les data vont devenir une mine d’or et faire évoluer le métier.
ses, c’est-à-dire l’impact des PME sur
leur écosystème local. Un argument
pour recruter des jeunes compéten-
ces, sensibles à ces enjeux.
« Détecter des maladies »
Alors que les trésoreries des entre-
prises se dégradent, les experts-
comptables sont de plus en plus
amenés à jouer un rôle de vigie. En
Occitanie, une formation sur la pré-
vention des entreprises en difficulté
vient d’être créée, avec des audien-
ces au tribunal de commerce et
chez un administrateur judiciaire.
« Parvenir à sauver une entreprise
en difficulté, en l’alertant notam-
ment sur l’utilité de la procédure de
sauvegarde, c’est, pour un expert-
comptable, une réussite, car cela re-
quiert un savoir-faire juridique. C’est
plus intéressant que d’accompagner
le succès de son client », affirme
Marc Aufort, dirigeant associé du
cabinet Axylis, qui emploie 180 sa-
lariés à Béziers et Toulouse pour
15 millions d’euros de chiffre d’affai-
res. A moyen terme, des comptabi-
« Avec cette opération, réalisée grâce
à une augmentation de capital, nous
asseyons notre ancrage territorial et
élargissons notre spectre de clientè-
le », commente Guilhem Gleizes,
fondateur dirigeant et actionnaire
majoritaire de Cibleweb.
Immobilier professionnel
et domaines viticoles
Quatre métiers de spécialité sont
par ailleurs développés en interne :
immobilier professionnel, viti -
culture (avec une centaine de do-
maines viticoles en portefeuille),
innovation grâce à des partena-
riats avec plusieurs pépinières
d’entreprises (Gigamed, Innovo-
sud, Novel.id), audit en tant que
commissaire aux comptes et ac-
compagnement des entreprises en
difficulté.
« Notre double démarche de di-
versification et de spécialisation est
devenue une tendance chez les cabi-
lités prédictives, avec analyses des
indicateurs de marché par secteurs
géographiques et segments de mar-
chés, vont émerger. Un outil pré-
cieux en matière de prévention,
« comme l’IA aide les radiologues à
détecter des maladies », illustre Céci-
le de Saint Michel.
Moins positif, la profession re-
doute un nouveau relèvement des
seuils – le troisième depuis 2019 – à
partir desquels les entreprises sont
obligées de faire certifier leurs
comptes par un commissaire aux
comptes. Beaucoup de cabinets
d’experts-comptables sont en effet
aussi commissaires aux comptes et
craignent de perdre des mandats.
La profession est en constante
augmentation : depuis 2015, le nom-
bre de sociétés a bondi de 27 % ; et ce-
lui des experts-comptables, de plus
de 10 %. En incluant les salariés qui
ne sont pas experts-comptables, le
secteur est passé en dix ans de
140.000 à 170.000 collaborateurs.
Elle est encore peu féminisée mais
les lignes bougent. n
nets indépendants de taille significa-
tive, comptant plusieurs dizaines de
salariés mais restant plus agiles que
les majors du secteur », complète
Marc Aufort, par ailleurs vice-pré-
sident du tribunal de commerce de
Béziers.
Axylis, qui investit environ
500.000 euros par an dans l’infor-
matique – logiciels, hébergement,
documentation en ligne –, finalise
pour les prochains mois une nou-
velle acquisition… Cette fois, il ne
s’agira pas d’une diversification,
mais du rachat d’un confrère, ins-
tallé sur le littoral héraultais et em-
ployant 15 collaborateurs.
Le réseau Axylis, qui regroupe
les entités Axylis Méditerranée, à
Béziers, et Axylis Sud-Ouest, à Tou-
louse, emploie 180 collaborateurs
dans 20 agences situées dans le sud
de la France, pour un chiffre d’affai-
res total de 14,5 millions d’euros.
— H. V.
Lundi 25 mars 2024 Les Echos
Le cabinet Emargence
se renforce
L’entreprise parisienne
d’expertise-comptable
s’est structurée en
pôles métiers, intégrant
de nouveaux types
d’accompagnement
aux entreprises.
Solide cabinet d’expertise-comp-
table parisien de 100 salariés,
10 associés et 12,5 millions d’euros
de chiffre d’affaires, Emargence
ajoute de nouvelles cordes à son
arc en se lançant notamment
dans l’analyse des indicateurs ex-
tra-financiers et les bilans carbo-
ne. « Il n’y a pas encore d’obligation
pour les TPE-PME, mais le contex-
te y pousse, explique Julien To-
karz, l’un des quatre associés fon-
dateurs. Ces indicateurs seront de
plus en plus regardés dans les ban-
ques et intégrés dans les appels
d’offres. »
Autre tendance : l’analyse
data. Les demandes affluent,
« avec la numérisation de l’écono-
mie et l’arrivée imminente de la
facturation électronique ». Emar-
gence a développé son propre
outil en ligne de facturation élec-
tronique pour les plus petites en-
treprises, en misant sur la simpli-
cité d’utilisation. Le cabinet
entend aussi se diversifier dans le
développement informatique.
Enjeu du recrutement
Si l’intelligence artificielle (IA) est
encore en démarrage, en aidant à
la rédaction de certains rapports,
elle devrait être « intégrée à nos
outils de production dans trois
ans », projette Julien Tokarz. Sans
suppression d’emplois, assure-
t-il. « Nous restons un métier de
contacts humains, ce que l’IA ne
pourra pas remplacer. L’IA per-
mettra d’aller plus vite en automa-
tisant des tâches, mais la restitu-
tion et l’analyse resteront, au final,
humaines », défend-il. Emargen-
ce s’est au passage spécialisé en
26
Shutterstock
différents pôles de métiers : ex-
pertise-comptable, commissa-
riat aux comptes, conseil en res-
sources humaines, juridique,
systèmes d’information et analy-
se des data, courtage en assuran-
ce, gestion de patrimoine, secré-
tariat partagé, etc.
Julien Tokarz est par ailleurs
président de Sup’Expertise, école
qui compte 700 étudiants, la plu-
part en apprentissage, à Courbe-
voie (Hauts-de-Seine). Cet établis-
sement, dirigé par la Compagnie
régionale des commissaires aux
comptes de Versailles et de Paris
et par l’ordre des experts-compta-
bles d’Ile-de-France, vient d’ajou-
ter aux métiers traditionnels de
l’expertise-comptable des modu-
les formant à la data et aux indica-
teurs extra-financiers.
Si l’intelligence
artificielle
est encore en phase
de démarrage,
elle devrait être
intégrée aux outils
de production
de l’entreprise
dans trois ans.
« L’attractivité du métier d’ex-
pert-comptable passe par la for-
mation initiale. Le recrutement est
un sujet majeur dans nos cabi-
nets », insiste-t-il. Le campus de
5.000 m2, qui compte une centai-
ne de formateurs, souhaite attein-
dre 1.200 étudiants d’ici à 2030.
Sup’Expertise est issu de la fusion,
il y a trois ans, de l’Asforef, orga-
nisme de formation continue du
conseil national de l’ordre des ex-
perts-comptables, et d’ACE, un
centre de formation d’appren-
tis dont l’ordre a repris la gouver-
nance. — H. V.
 27 Les Echos Lundi 25 mars 2024
Le masque de Skyted
étouffe le bruit des
appels téléphoniques
/ INNOVATEURS
Laurent Marcaillou
— Correspondant à Toulouse
La jeune entreprise toulousai-
ne Skyted s’apprête à industria-
liser son masque silencieux, qui
permet de téléphoner dans un
avion ou un train sans déranger
les autres. Elle en a prévendu
800 exemplaires en janvier sur
la plateforme Kickstarter lors
du CES 2024 à Las Vegas, récol-
tant plus de 170.000 dollars. Elle
les fera fabriquer d’ici à la fin de
l’année par un constructeur
européen, après avoir optimisé
le design et le choix des compo-
sants. Le 11 mars, Skyted a lancé
une campagne sur Ulule pour
vendre ce masque à partir de
249 euros ainsi qu’un casque si-
lencieux à 229 euros.
La société a été cofondée
en 2022 par Stéphane Hersen,
ancien vice-président de la divi-
sion cabine d’Airbus à Singa-
pour, qui cherchait une solu-
tion pour téléphoner en avion,
et Frank Simon, docteur en
acoustique à l’Office national
d’études et de recherches aéros-
patiales (Onera). Elle a mis au
point un dispositif d’absorption
du son de la voix, basé sur la
technologie des silencieux de
réacteurs d’avion de l’Onera. Le
principe ? Des plaques en plas-
tique sont percées de trous en
forme de petits tubes de sec-
tions et longueurs différentes.
Cette architecture diminue les
frottements de l’air sur les pa-
rois des résonateurs et absorbe
80 % des fréquences vocales. Le
Il a dit
DR
« C’est comme
si l’on s’éloignait
à 20 mètres
de la personne. »
STÉPHANE HERSEN
Président de Skyted
Vitrage technique : VIT investit pour
réduire son impact environnemental
BOURGOGNE-
FRANCHE-COMTÉ
Pour poursuivre
sa croissance,
le petit groupe
de Saône-et-Loire ouvre
à nouveau son capital.
La stratégie vise
aussi la transforma-
tion en « entreprise
régénérative ».
Monique Clémens
— Correspondante à Besançon
L’opération d’acquisition via un
LBO réalisée par Mickaël Labrosse
en 2017 pour racheter VIT étant arri-
vée à son terme, le dirigeant du petit
groupe bourguignon de produits de
vitrages techniques vient d’ouvrir à
nouveau son capital. Entre-temps,
le chiffre d’affaires de l’entreprise de
Paray-le-Monial, en Saône-et-Loire,
est passé de 20 à 33 millions d’euros,
et le nouveau projet nourrit deux
ambitions : d’une part poursuivre la
croissance, avec un programme
d’investissement de plus de 8 mil-
lions d’euros d’ici à deux ans et un
dispositif est moins épais et
lourd qu’une mousse isolante et
ne se dégrade pas.
Gamers et commandos
« Le masque diminue le son de la
voix de 25 à 35 décibels selon les
fréquences, explique Stéphane
Hersen, président de Skyted.
C’est comme si l’on s’éloignait à
20 mètres de la personne. » La
deeptech a acquis une licence
exclusive de la technologie
« Leonar » brevetée par l’Onera,
puis a développé le masque pen-
dant deux ans en travaillant sur
le son, l’aspiration, l’humidité, la
légèreté… Le masque est relié au
téléphone par fil ou Bluetooth.
Outre la mobilité, l’entreprise
vise une utilisation par les ga-
mers et les commandos militai-
res. Ensuite, Skyted a conçu le
casque « Skyted 320 » composé
d’un micro spécial et d’oreillettes
pour téléphoner silencieuse-
ment sans utiliser un masque.
La personne parle en chucho-
tant et le micro redresse le son en
enlevant le bruit de fond, pour
que la voix soit bien audible au
téléphone. Le casque permet de
parler doucement dans un envi-
ronnement bruyant de plus de
65 décibels.
L’entreprise travaille sur l’in-
tégration de sa technologie au
casque de réalité mixte Vision
Pro d’Apple, pour le rendre utili-
sable en avion. « Nous étudions
une application qui sera disponi-
ble dans l’Apple Store pour pas-
ser des appels silencieux », préci-
se Stéphane Hersen. Des
éditeurs de logiciels de visiocon-
férence sont aussi intéressés.
Avec 20 salariés et 10 recrute-
ments prévus en 2024, Skyted
travaille sur des applications ci-
viles et militaires avec Airbus, la
SNCF, Orange, Japan Rail -
ways, etc. Après avoir levé
1,3 million en 2023 auprès de
Bpifrance et de 25 business an-
gels, la société prépare en 2024
une deuxième levée de fonds de
3 millions auprès d’institution-
nels et de business angels. Elle
ouvre aussi son capital aux par-
ticuliers en attribuant des bons
de souscription d’actions rem-
boursables qui lui permettront
d’industrialiser ses dispositifs
pour rester le leader des appels
silencieux. n
objectif de 40 millions de chiffre
d’affaires en 2028 ; d’autre part réus-
sir la transformation de VIT en une
entreprise régénérative, c’est-à-dire
« qui prend soin du vivant », selon le
dirigeant.
Convaincus par le projet, UI In-
vestissement, Carvest et Bpifrance,
déjà présents au capital, ont renou-
velé leur participation dans cette
nouvelle opération, à laquelle pren-
nent également part, cette fois, neuf
cadres de l’entreprise. Ensemble, ils
ne détiennent toutefois que 2 % du
capital. « Dans le cadre d’un LBO, le
plus simple était de faire entrer les
membres du comité de pilotage, mais
j’espère pouvoir ensuite impliquer
davantage de salariés », explique le
président du groupe, qui a mis en
place un comité de pilotage « mi-
roir » pour les salariés et « qui a la
RSE chevillée au corps », note Pierre
Rabier, chez UI Investissement. Ac-
tionnaire majoritaire, Mickaël La-
brosse monte à 57 % du capital.
« Révélation »
Revendiquant un statut « d’artisan
industrialisé », qui fabrique à la de-
mande, VIT est spécialisée dans la
transformation des produits ver-
riers pour les professionnels du bâ-
timent auxquels elle propose des vi-
Le groupe Manuloc compte à ce jour 1.100 salariés pour 430 millions d’euros de chiffre d’affaires. Photo Manuloc
Le loueur Manuloc se lance sur
le marché de la décarbonation
GRAND EST
Spécialisé dans
la location de chariots
de manutention,
le groupe lorrain
va mettre à disposition
de ses clients
des équipements
de production et
de stockage d’énergies
renouvelables.
Pascale Braun
— Correspondante à Metz
La direction de Manuloc brûle d’en-
vie d’annoncer le nom de sa nouvelle
acquisition, mais elle devra tenir sa
langue jusqu’à la validation, par
l’Autorité de la concurrence, d’une
reprise présentée comme certaine.
En six décennies d’existence, le
trages isolants, produits coupe-feu
et de miroiterie. Avec les commer-
ciaux, l’entreprise emploie près de
130 personnes dans trois filiales :
VIT (96 salariés à Paray-le-Monial),
Varnet (15 salariés dans le Jura) et
ATV (13 salariés dans la Loire).
Le virage vers la RSE a été boosté
par la participation à la Convention
régionale des entreprises pour le cli-
mat, dont la société était l’une des 49
pionnières de la première édition,
clôturée mi-février. « Une confir-
mation et une révélation » pour son
dirigeant : « Dès la première session,
on a revu nos plans pour supprimer
les énergies fossiles. » C’est ainsi que
VIT a fait le choix d’abandonner les
produits bas de gamme et de com-
bler les 15 % de chiffre d’affaires
qu’ils apportaient par des produits à
plus forte valeur ajoutée.
Pour ses projets d’agrandisse-
ments sur ses trois sites, VIT prévoit
de compenser 100 % de l’emprise au
sol par un programme de reforesta-
tion. Et pour limiter les camions sur
les routes et la production de CO, la
société – qui promeut aussi des vi-
trages limitant les risques de colli-
sion d’oiseaux – envisage une crois-
sance externe en Ile-de-France, où
l’entreprise compte de nombreux
clients. n
groupe de Metz fondé par Catherine
Barthélemy est devenu le leader na-
tional de la location de chariots élé-
vateurs, nacelles et autres engins de
manutention. L’intégration, ce prin-
temps, d’une ETI spécialisée dans les
services financiers lui permettra de
se positionner sur la location finan-
cière de panneaux solaires, d’ondu-
leurs et de batteries de stockage.
En s’installant il y a soixante ans
dans la niche de la location de cha-
riot, Manuloc a prospéré sur un
marché en croissance perpétuelle.
L’entreprise familiale espère suivre
une trajectoire identique grâce à
l’essor des énergies renouvelables.
« Dans notre ancien métier, nous ne
pouvions guère sortir de France. En
nous élargissant aux équipements
nécessaires à la décarbonation, nous
n’aurons plus de frontière », annon-
ce Catherine Barthélemy, dont le
groupe compte 1.100 salariés pour
430 millions d’euros de chiffre d’af-
Weber Transports et Logistique
s’étend dans le Haut-Rhin
GRAND EST
Le transporteur
installé près
de Mulhouse vient
de lancer l’extension
de son site logistique
pour accompagner
la croissance
de cette activité.
Bénédicte Weiss
— Correspondante à Strasbourg
Tripler la mise. C’est ce qu’est en
train de faire Weber Transports et
Logistique, à Cernay (Haut-Rhin),
en investissant 7 millions d’euros
dans l’agrandissement de son site
l o g i s t i q u e . S o i t l ’a j o u t d e
6.200 mètres carrés aux
3.700 mètres carrés qu’il occupe
depuis début 2020 et qui avaient
représenté un premier montant
de 3,5 millions d’euros. L’exten-
sion, dont la livraison est attendue
en 2025, devra servir le dévelop-
pement sur le segment de la logis-
tique. S’il représente aujourd’hui
environ 5 % du chiffre d’affaires
de 9,6 millions d’euros, la prési-
dente de l’entreprise familiale, So-
faires – chiffre qui augmentera d’un
quart avec l’intégration de la nou-
velle société.
Parc électrifié
Propriétaire de 23.000 engins, le
groupe n’est pas un néophyte en
matière de décarbonation. Initiale-
ment composé d’équipements car-
burant au diesel, son parc s’est mas-
sivement converti à l’électrique au
cours des cinq dernières années. La
quasi-totalité du matériel, dont la
valeur globale se monte à 645 mil-
lions d’euros, fonctionne aujour-
d’hui grâce à des batteries inté-
grées. Travaillant avec la quasi-
totalité des constructeurs d’engins,
le loueur a acquis une culture du
multimarque qu’il compte décliner
dans le domaine de l’énergie.
« Nous savons conseiller nos
clients dans le choix d’un engin de
manutention et l’accompagner au
quotidien. Nous utiliserons cette ex-
phie Weber, souhaiterait en « tri-
pler ou quadrupler la part ».
La logistique est jugée plus sta-
ble que le transport stricto sensu,
davantage soumis aux enjeux en-
vironnementaux et à la concur-
rence d’entreprises commission-
n a i r e s . L’e n t r e p ô t é l a rg i s e
doublera d’une cellule complète
de bureaux, sanitaires et accueil
conducteur pour proposer à des
clients d’y installer leur structure
logistique et éviter des liaisons
pendulaires avec leur siège. Pour
l’heure, l’entrepôt est souvent
plein. Avec pour corollaire la né-
cessité de devoir dire non aux de-
mandes de certains clients.
Soutenabilité
En lançant la construction du site
de Cernay il y a quelques années,
Sophie Weber s’attendait à devoir
rapidement l’élargir. Elle avait
prévu de procéder par phases
pour des questions de soutenabi-
lité financière. « Rien que pour le
premier investissement, certains
partenaires bancaires historiques
ne nous ont pas suivis. Je ne suis
pas certaine qu’avec des charges
d’emblée plus importantes, nous
serions parvenus à rentabiliser
l’activité logistique. »
PME & REGIONS
périence pour offrir une nouvelle for-
me de location dans le secteur des
équipements photovoltaïques, qui
demande beaucoup moins d’entre-
tien », indique Johann Peyroulet, di-
recteur général délégué de Manu-
loc. L’entreprise sélectionnera dans
le monde entier des fabricants de
panneaux solaires, onduleurs, bat-
teries, bornes de recharge, voire
pompes à chaleur.
Elle proposera des solutions sur
mesure à ses propres clients en
France, au Luxembourg et grâce à
sa filiale roumaine, mais aussi
auprès d’entreprises tertiaires euro-
péennes n’ayant jamais eu l’usage de
chariots élévateurs. « De nombreux
locaux devront se conformer au dé-
cret tertiaire qui leur impose de rédui-
re leur consommation d’énergie,
mais leurs dirigeants ne souhaitent
pas investir lourdement dans l’acqui-
sition d’équipements photovoltaï-
ques », affirme Johann Peyroulet. n
Avant d’emménager en 2020
dans ses locaux de Cernay, à proxi-
mité d’importants axes routiers,
l’entreprise de 55 salariés était éta-
blie à Oderen, au fond de la vallée
industrielle et textile de la Thur,
voisine mais très engorgée.
C’est la deuxième
phase d’un
déménagement
effectué en 2020.
Une situation géographique hé-
ritée de son histoire mais qui ne la
servait plus au vu du développe-
ment actuel de son activité, davan-
tage tournée vers l’axe Mulhouse-
Lyon. Cela sur trois pans princi-
paux, qui disposent tous d’un volet
logistique : le transport de déchets
dangereux, celui de produits
agroalimentaires – essentielle-
ment pour la grande distribution –
et, enfin, le fret industriel varié.
En dépit de la pandémie de Co-
vid-19, l’entreprise a connu une lé-
gère croissance de 2 % la première
année de son emménagement à
Cernay, avant de connaître des
bonds de 19 % puis 13 %, tout en ga-
gnant en visibilité commerciale. n
FINANCE&MARCHÉS
L’envolée de Wall Street donne
le vertige aux investisseurs
l Les indices boursiers américains ont atteint de nouveaux sommets après la dernière réunion de la Fed.
l Mais la hausse spectaculaire des cours depuis le début de l’année suscite de plus en plus d’inquiétudes.
BOURSE
Bastien Bouchaud
La folle ascension des marchés
américains est-elle justifiée ? C’est
la question que certains commen-
cent à se poser, alors que la perspec-
tive d’un assouplissement de la poli-
tique monétaire de la Fed au cours
des prochains mois a donné, ces
derniers jours, des ailes aux inves-
tisseurs. Le célèbre gérant Bill
Gross s’est notamment inquiété
vendredi de « l’exubérance exces-
sive » des marchés financiers.
L’indice S&P 500, le plus diversi-
fié de Wall Street, a bouclé sa
meilleure semaine de l’année, avec
des gains d’environ 2,3 %. Le Nas-
daq à forte coloration technologi-
que a fait encore mieux, et enchaîne
lui aussi les records. Le plus que
centenaire Dow Jones est égale-
ment à la fête.
Il s’approche désormais des
40.000 points, moins de quatre ans
après avoir dépassé les 30.000
points. Le S&P 500 a franchi jeudi
les 5.200 points, marquant son
vingtième record de l’année. Il s’est
envolé d’environ 10 % en 2024, ce
qui correspond à son deuxième
meilleur début d’année depuis
1998, après 2019.
Démarrage en trombe
Les raisons de ce démarrage en
trombe des indices boursiers amé-
ricains sont bien connues. La Fed
n’a fait qu’attiser un brasier déclen-
ché par l’enthousiasme des investis-
seurs pour l’intelligence artificielle.
Mais la hausse implacable des
actions, en particulier de quelques
groupes perçus comme les grands
gagnants de la révolution de l’IA,
suscite des inquiétudes de plus en
plus vives. La capitalisation du
concepteur de puces électroniques
Nvidia a bondi de 1.000 milliards de
dollars depuis le début de l’année,
ce qui correspond à une hausse de
son cours de 90 % en moins de trois
mois.
S’agit-il d’une bulle ? Les profes-
sionnels de l’investissement sont
partagés. 40 % estiment que c’est le
cas, mais 45 % sont convaincus du
contraire, selon la dernière enquête
mensuelle de Bank of America
auprès d’environ 200 gestionnaires
d’actifs supervisant plus de 500 mil-
liards de dollars d’encours. « En fin
de compte, la question de savoir si la
technologie est surévaluée ou non
dépend de l’opinion que l’on a des
perspectives de croissance du sec-
teur », souligne Mark Haefele
d’UBS. En ce qui le concerne, il
s’attend à une croissance de 72 %
par an en moyenne de la demande
pour l’IA au cours des cinq prochai-
Comment les traders gagnent de l’argent grâce à l’intelligence artificielle
De l’IA aux données
alternatives, les firmes de
trading et les hedge funds
n’ont aucun tabou. Elles
explorent ces nouvelles
sources de profits.
Nessim Aït-Kacimi
La tête dans les étoiles mais les pieds
sur terre. Toujours en quête d’avan-
tages concurrentiels grâce à la tech-
nologie, les traders peuvent obser-
ver depuis l’espace le trafic des
containers dans les grands ports
afin d’évaluer l’activité économique
en temps réel. Une étude (*) montre
nes années, ce qui correspond à une
multiplication par 15 du marché sur
la période. « A titre de comparaison,
il a fallu plus de dix ans aux objets
connectés pour atteindre ce niveau »,
remarque-t-il. « En résumé, le poten-
tiel de croissance de l’IA est réel,
pourrait être massif et justifier les
valorisations d’aujourd’hui », esti-
me-t-il. « Mais avec des attentes aussi
élevées, le risque de déception est
important. »
Indépendamment des espoirs
générés par l’IA, les professionnels
identifient un autre danger pour les
marchés actions. La solidité de
l’économie américaine et de son
marché du travail est l’un des fon-
dements de l’optimisme des inves-
tisseurs sur les perspectives de Wall
Street. Mais avec une croissance au
beau fixe, un rebond de l’inflation
est le principal risque perçu par les
gérants interrogés par Bank of
America, avec toutes les consé-
quences que cela impliquerait : la
remise en cause de l’assouplisse-
ment monétaire de la Fed, voire une
reprise des hausses de taux, avec le
risque, in fine, de faire plonger l’éco-
nomie en récession.
Depuis le début
du mois, les marchés
européens font
aussi bien,
voire mieux,
que Wall Street.
Reflet de ce malaise, les gérants
ont coupé dans leur allocation aux
actions américaines au cours du
mois passé, ce qui s’est traduit par
près de 22 milliards de dollars de
retraits des fonds d’actions améri-
caines au cours de la semaine pas-
sée, selon Bank of America. Une
décrue inédite depuis décem-
bre 2022. Les investisseurs n’aban-
donnent pas pour autant les mar-
chés boursiers, mais ils cherchent à
diversifier leur exposition.
Au bénéfice, notamment, de
l’Europe. Une fois n’est pas cou-
tume, depuis le début du mois, les
marchés européens font aussi bien
voire mieux que Wall Street. Alors
que le Nasdaq a progressé de 2 % en
mars, le CAC 40 a gagné 2,8 %, le
FTSE britannique 3,9 %, le FTSE
MIB italien plus de 5 % et l’Ibex
espagnol dépasse même les 9 %.
Quant à l’indice paneuropéen
Stoxx 600, en hausse de 3 % depuis
début mars et à un niveau record, il
s’apprête à signer une neuvième
semaine consécutive de hausse,
une série inédite depuis 2012.
Lire « Crible »
( Page 40
que l’analyse des flux sur ces points
névralgiques du commerce mari-
time mondial permet de prévoir, un
jour à l’avance, l’évolution de la plu-
part des marchés boursiers, dont
Wall Street et le CAC 40. Quand trop
de containers restent bloqués dans
les ports, c’est un signe que l’activité
économique va chuter et donc que
les actions vont baisser elles aussi.
Une stratégie basée sur l’analyse des
containers peut générer un rende-
ment de 16 % par an.
Les clients hedge funds de la
firme Orbital Insight payent cher,
par exemple, pour obtenir toute une
série de données géospatiales qu’ils
vont ensuite analyser. Le « Financial
Times » avait révélé que les experts
du fonds Citadel de Ken Griffin, afin
de développer l’activité de trading de
matières premières, réussissaient à
mieux prévoir le temps qu’il allait
faire que la plupart des « messieurs
météo » des chaînes télévisées.
Si les fonds conçus à 100 % sur
l’intelligence artificielle (IA) sont
rares, les traders souhaitent utiliser
davantage ces technologies en com-
plément de leurs méthodes classi-
ques, selon le sondage de leur asso-
ciation professionnelle datant de la
fin 2023. Les 160 fonds qui ont
répondu à l’Alternative Investment
Management Association (AIMA)
estiment que l’IA va leur offrir des
gains de temps et d’argent dans
l’analyse des données. Ils sont inté-
ressés par la création de contenus
(intelligence artificielle générative) .
Ovnis du trading
Huit hedge funds sur dix ont déjà
franchi le pas en intégrant l’IA à
leurs processus d’investissement
(recherche, codage informatique,
documents marketing, risques).
Des apports pour le moment enca-
drés, ce qui fait que très p eu
d’acteurs ont lancé des produits
100 % IA. Tous les grands fonds
Lundi 25 mars 2024 Les Echos
Ces dix valeurs du
CAC 40 qui enchaînent
les records
Parmi les membres
de l’indice parisien,
une dizaine de sociétés
ont atteint récemment
de nouveaux sommets.
Les difficultés de Kering, notam-
ment en Chine, ont jeté un froid
ces derniers jours à la Bourse de
Paris. L’indice CAC 40 a terminé la
semaine dans le rouge, pénalisé
par les déboires du secteur du
luxe, qui a souffert en sympathie
de la chute de 15 % de l’action de la
maison mère de Gucci.
Cela n’a pas empêché l’indice
parisien de rester fermement
ancré au-dessus des 8.000 points,
en hausse de 8 % en moins de trois
mois. Il a établi un nouveau record
de clôture, le dix-huitième de
l’année, mardi dernier à plus de
8.200 points. Parmi les 40 mem-
bres de l’indice parisien, une
dizaine de valeurs ont également
grimpé à de nouveaux sommets
ces dernières semaines.
Au sein même du secteur du
luxe, « tous ne sont pas créés
égaux », explique Ashley Wallace
de Bank of America. « La polarisa-
tion des performances entre les dif-
férentes marques va s’accroître »,
estime-t-elle. Si Gucci est à la
peine, cela ne signifie pas que
LVMH (propriétaire des « Echos »)
ou Hermès sont en danger.
Le créateur des iconiques sacs
Birkin séduit toujours autant les
investisseurs, malgré une valori-
sation stratosphérique, digne des
plus grands noms de la tech à plus
de 50 fois les bénéfices attendus.
Hermès s’est encore envolé de
24 % depuis le début de l’année, et
a nettement dépassé L’Oréal en
capitalisation pour devenir la
deuxième plus grande valeur du
CAC 40 derrière le leader mondial
du luxe, LVMH.
A la jonction du luxe, pour ses
montures, et de la santé, avec ses
verres, EssilorLuxottica tire égale-
ment son épingle du jeu. Le
groupe franco-italien a bondi de
près de 15 % en 2024 et sa capitali-
sation approche désormais les
100 milliards d’euros. Un palier
franchi il y a quelques semaines à
peine par Air Liquide. La valeur
du champion français des gaz
industriels a doublé en cinq ans,
une progression deux fois plus
rapide que celle de la Bourse de
Paris dans son ensemble.
(Citadel, Bridgewater) et les firmes
quantitatives (Man Group, Winton,
D.E. Shaw, Renaissance Technolo-
gies, Two Sigma…) sont culturelle-
ment plus à l’aise avec ces outils et
donc plus avancés sur ces questions
que les autres. ChatGPT, le robot
qui a presque réponse à tout, est uti-
lisé en interne par près d’un fonds
sur deux. Ce n’est pas lui qui a la
main sur les décisions d’investisse-
ment. Ces nouveaux outils, les tra-
ders l’espèrent, vont augmenter
modestement leurs performances.
Mais les premiers résultats invitent
à la prudence : les hedge funds qui
sont déjà 100 % IA, ces fonds pour
28
Il a notamment profité de son
positionnement sur l’hydrogène
et l’électronique, deux thèmes
porteurs en pleine transition éco-
logique et numérique, alors que
les entreprises redoublent
d’efforts pour maximiser leur effi-
cience énergétique. Ces mêmes
tendances de fond ont également
tiré Schneider Electric. Ce joyau
de l’industrie française enchaîne
les records en Bourse et enregistre
des gains de plus de 200 % sur cinq
ans, dont un bond de près de 20 %
cette année.
L’aéronautique profite aussi
d’un regain d’intérêt de la part des
investisseurs. Le cours de l’avion-
neur européen Airbus a dépassé
en fin d’année dernière le pic
atteint juste avant la pandémie de
Covid, et continue de grimper
depuis, en hausse de plus de 20 %
depuis janvier. Il creuse l’écart
avec son rival historique Boeing,
lesté par les incidents à répétition
sur ses avions, et pèse désormais
plus de 25 milliards d’euros de
plus que lui en Bourse.
Stellantis dépasse Porsche
La dynamique est tout aussi favo-
rable pour Safran, qui affiche la
meilleure performance des mem-
bres de l’indice parisien cette
année grâce à un bond de près de
30 %. Sa capitalisation boursière
tutoie désormais les 90 milliards
d’euros. Plus petit, Thales est en
pleine ascension, soutenu à la fois
par l’aéronautique civile et la
défense. Dans l’automobile, Stel-
lantis, emmené par Carlos Tava-
res, redonne le goût du secteur
aux investisseurs grâce à ses mar-
ges spectaculaires. Avec des gains
de 27 % depuis début janvier, le
groupe rivalise désormais avec
Porsche en Bourse, alors que le
constructeur allemand dominait
nettement ses concurrents depuis
sa cotation en septembre 2022.
Dans la publicité, le géant Publi-
cis domine largement les autres
grandes agences en Bourse. Son
cours s’approche des 100 euros
par titre après avoir bondi de 18 %
cette année, et sa capitalisation a
récemment franchi pour la pre-
mière fois les 25 milliards d’euros.
Il a dévoilé en janvier un plan
d’investissement de 300 millions
d’euros sur trois ans dans l’intelli-
gence artificielle, une thématique
très en vogue sur les marchés. n
lesquels l’IA décide tout – les actifs à
acheter, quand et comment – ne
font pas encore de miracles. Ces
fonds « du troisième type » restent
des ovnis pour bon nombre d’inves-
tisseurs qui ne parviennent ni à les
appréhender, ni à les comprendre.
Les hedge funds 100 % IA ont gagné
6,5 % en 2023, et 2 % sur les deux
premiers mois de l’année selon
Eurekahedge. Ces cinq dernières
années, leur rendement annuel a
évolué entre –4 % et +11 %.
(*) « Eye in outer space : satellite image-
ries of container ports can predict world
stock returns ».
29 Les Echos Lundi 25 mars 2024
Protection des épargnants : le Parlement
vide de sa substance le projet européen
GESTION D’ACTIFS
La commission des
affaires économiques
et monétaires a voté
des amendements
qui maintiennent le
système actuel, source
de frais élevés pour les
fonds d’investissement.
Caroline Mignon
Le projet de loi sur la protection des
épargnants a été vidé de sa subs-
tance par la commission des affai-
res économiques et monétaires
(ECON) du Parlement européen. La
soixantaine de députés qui la com-
pose a adopté, le 20 mars à Bruxel-
les, des amendements qui revien-
nent sur les avancées essentielles
du texte initial proposé par la Com-
mission européenne.
Intitulée « Retail Investment stra-
tegy », ou RIS, la proposition de loi
s’inscrit dans le cadre de l’Union des
marchés de capitaux, ce projet poli-
tique européen visant à « faire circu-
ler les investissements et l’épargne
entre tous les Etats membres dans
l’intérêt des citoyens, des entreprises
et des investisseurs ». Avec, comme
objectif sous-jacent, de réduire la
dépendance des entreprises et des
épargnants au crédit bancaire.
Les deux volets essentiels du dos-
sier ont été largement édulcorés au
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préparé par un de nos
rédacteurs en chef. Une
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Climat : malgré une hausse de
ses émissions de CO2, Glencore
promet de tenir ses objectifs
MATIÈRES
PREMIÈRES
Le groupe a relâché
8,8 % de carbone en
plus par rapport à 2022.
Malgré cette hausse,
Glencore assure être
en bonne voie pour
tenir ses engagements
climatiques.
Etienne Goetz
Le géant des matières premières
Glencore tiendra ses engagements
climatiques malgré une hausse de
ses émissions de carbone. Selon son
dernier rapport annuel, le masto-
donte a émis 8,8 % de CO2 de plus
qu’en 2023, en raison d’une aug-
mentation de sa production de
charbon et du redémarrage d’une
raffinerie de pétrole en Afrique
du Sud. Au total, le groupe a relâ-
ché 432,8 millions de tonnes de
carbone dans l’atmosphère l’an
dernier.
Le géant basé dans le canton de
Zoug, en Suisse, a toutefois con-
firmé être sur la bonne trajectoire
p our atteindre ses objectifs.
En 2026, il devra avoir baissé de 15 %
Ce sera bientôt au Conseil européen de se prononcer sur le texte de la « Retail investment strategy ». Photo iStock
Parlement. Le premier porte sur les
rétrocessions, ou rétro-commis-
sions, qui sont versées par les émet-
teurs de fonds d’investissement aux
distributeurs, ainsi tentés de com-
mercialiser les fonds les plus rému-
nérateurs et les plus coûteux. Une
situation qui explique le faible suc-
cès des ETF (fonds cotés à bas coûts)
en Europe par rapport aux Etats-
Unis.
Le sujet des rétrocessions
Dans un projet déjà peu ambitieux,
la Commission européenne propo-
sait d’interdire les rétrocessions
pour les ventes de produits sans
conseil, ainsi que pour les ventes
avec conseil dès lors que le distribu-
teur se dit indépendant. « Seule cette
dernière proposition a été acceptée
par la commission parlementaire,
mais uniquement pour les courtiers
ses émissions de carbone par rap-
port à 2019. Il affirme même être en
avance, puisque ses émissions ont
déjà baissé de 22 %.
L’essentiel des émissions du
groupe est lié à ses activités dans le
charbon. Glencore a déjà fermé
5 mines de charbon depuis 2019 et
compte en fermer au moins
7 autres d’ici à 2035. Il s’est certes
engagé à ne pas en racheter ou à en
ouvrir d’autres, mais n’exclut pas
d’augmenter la production dans ses
mines encore en exploitation.
Glencore a déjà fermé
5 mines de charbon
depuis 2019 et compte
en fermer au moins
7 autres d’ici à 2035.
A l’occasion de la publication de
son rapport annuel, Glencore a
rehaussé ses objectifs climatiques.
Il devra baisser ses émissions de
carbone de 25 % d’ici à 2030 et il
donnera à ses actionnaires des
informations détaillées sur les
moyens de parvenir à les réduire de
50 % d’ici à 2035. La hausse con-
joncturelle de ses émissions est le
résultat du redémarrage d’une raffi-
nerie au Cap en Afrique du Sud, la
troisième plus importante du pays.
FINANCE & MARCHÉS
en assurance qui se disent indépen- fin avril à Strasbourg, le Conseil E n f i n , un t ril ogue ent re l e (pour les actifs alternatifs). Avec un
dants : cela représente une partie européen se prononcera à son tour, Conseil, le Parlement et la Commis- délai de revoyure du texte prolongé
marginale du marché », regrette probablement avant fin juin. sion européenne débouchera sur la de 3 à 5 ans, l’industrie financière
Sébastien Commain, chez Better directive finale, qui vient en réalité européenne devrait donc disposer
Finance. Délai de revoyure amender plusieurs directives, dont d’un sursis appréciable avant
L’autre déception porte sur la Nombre de pays, comme la France MIF (marchés d’instruments finan- l’interdiction éventuelle des rétro-
proposition « value for money », ou et l’Allemagne, se sont officielle- ciers), UCITS (qui définit l’agrément cessions et l’imposition de nouvel-
« rapport qualité-prix », permettant ment prononcés en défaveur de des produits financiers), IDD (sur la les contraintes en matière de trans-
de mettre en rapport le coût des l’interdiction des rétrocessions. distribution d’assurances) et AIFM parence. n
produits financiers avec leur per-
formance, comparée à leur indice
de référence (benchmark). « Non
seulement ces coûts ne doivent plus
être “quantifiés” mais seulement
“évalués”, ce qui est moins exigeant,
mais le benchmark de référence pour
la plupart des produits est seulement
national au lieu d’être européen »,
indique Sébastien Commain. Un
pas en arrière par rapport à la
Chaque mois,
volonté d’harmonisation initiale.
Une fois le texte voté en assem-
blée plénière au Parlement avant
vous avez rendez-vous
avec l’histoire.
Quant à la plus forte production de
charbon, elle s’explique par la
hausse de la demande après la
guerre en Ukraine et la flambée des
prix du gaz. L’essentiel des émis-
sions du groupe est lié à la combus-
tion de ses produits, notamment du
charbon.
La direction a longtemps eu une
approche différente de ses action-
naires quant aux mines de charbon.
A la tête du groupe, on estimait qu’il
était préférable d’exploiter et de fer-
mer ces mines de façon responsa-
ble plutôt que de se contenter de les
revendre à d’autres opérateurs. Les
investisseurs, de leur côté, récla-
maient de désolidariser les activités
de métaux et de charbon pour ne
plus être exposés à l’énergie fossile
la plus polluante.
Glencore a fini par accéder à la
demande des investisseurs. C’est la
uv elle
raison pour laquelle il a voulu met-
No mule
for €90
tre la main sur le canadien Teck
Resources, spécialisé dans les
métaux et le charbon métallurgi-
que, et scinder le nouveau groupe 6
pour isoler les activités liées au
charbon. Après un bras de fer qui a
duré plusieurs mois, Glencore a fini
par prendre le contrôle de la seule
branche charbon de Teck pour près
de 7 milliards de dollars. La scission
en deux du nouveau géant devrait
intervenir dans les 24 mois. n
FINANCE & MARCHÉS
ETF ether :
la SEC douche
les espoirs
du marché
CRYPTO-
MONNAIES
Les volumes énor-
mes enregistrés
par les ETF sur le
bitcoin au comptant
aux Etats-Unis
ont donné des ailes
à ceux qui rêvent
de répliquer ce
succès avec l’ether.
Mais le gendarme
de la Bourse
a un autre agenda
en tête.
Thomas Pontiroli
Il était acquis aux yeux de beau-
coup que l’ether entrerait à Wall
Street dès le mois de mai,
comme le bitcoin en janvier, au
travers des fameux ETF au
comptant. Mais visiblement, la
messe est loin d’être dite. Mardi
et mercredi, la Securities and
Exchange Commission (SEC) a
reporté une série de décisions
sur les demandes de plusieurs
gestionnaires d’actifs – ARK et
21Shares, Hashdex et VanEck –,
aux 23, 24 et 30 mai.
Jusqu’à présent, les analystes
s’accordaient à dire que les
demandes d’ETF ether portées
par ARK, BlackRock, Grays-
cale, Fidelity, Invesco, VanEck,
Hashdex et Franklin Temple-
ton, avaient de bonnes chances
d’êtres approuvées par le gen-
darme boursier américain,
notamment parce que ces
émetteurs officient déjà sur le
bitcoin avec les fonds indiciels
cotés. Mais la SEC semble avoir
d’autres projets.
Silence radio de la SEC
sur les ETF…
Pour le bitcoin, l’espoir de voir
ces produits autorisés avait été
alimenté pendant de nom-
breux mois, à la fin de 2023, par
les allers-retours entre le régu-
lateur et les émetteurs, à qui il
était demandé plus de détails,
d’étoffer leur dossier, etc. Or, ce
n’est pas le cas pour l’ether.
« Nous avons peu d’interactions
« Pour le bitcoin,
deux mois avant
l’approbation,
la SEC
[Securities and
Exchange
Commission]
avait déjà fait
de nombreux
commentaires
et observations
aux émetteurs. »
DRAMANE MEITE
Gestionnaire d’actifs
chez Hashdex
Diffusez vos enquêtes publiques
dans Les Echos
avec la SEC, ce qui ne nous rend
pas optimistes », témoigne Dra-
mane Meite, chez Hashdex.
« Pour le bitcoin, deux mois
avant l’approbation, la SEC avait
déjà fait de nombreux commen-
taires et observations aux émet-
teurs. Le nouveau consensus est
qu’elle ne donnera pas son
accord en mai », conclut le ges-
tionnaire d’actifs.
James Seyffart, analyste à
l’agence Bloomberg, estime
désormais « que ces demandes
seront finalement refusées le
23 mai ». Constatant aussi le
« silence radio » de la SEC, soit
« l’inverse de ce qu’il se passait
pour les ETF bitcoin », l’expert
en ETF Eric Balchunas a
ramené les chances d’une
approbation de 50 % à 35 %. Sur
la plateforme de paris Polymar-
ket, les observateurs ont, eux
aussi, révisé cette probabilité
d’approbation d’ETF ether au
comptant de 77 % en janvier à
23 %. Il faut dire qu’une autre
nouvelle, en provenance de la
SEC, est venue accabler le sec-
teur cette semaine : sa nouvelle
tentative de faire reconnaître
l’ether comme une « security »,
autrement dit une valeur mobi-
lière qui entrerait dans son
champ d’action.
Mercredi, le magazine « For-
tune » a révélé que des sociétés
proches de la fondation Ethe-
reum – un organisme à but non
lucratif installé en Suisse – ont
reçu des citations à comparaî-
tre. La SEC enquêterait en
parallèle sur Ethereum depuis
septembre 2022, période de sa
mutation technique (« preuve
d’enjeu »).
« Si la SEC classait l’ether
comme valeur mobilière, cela
conduirait au rejet des ETF sur
ether », tranche Dramane
Meite, chez Hashdex. Si c’est le
cas, « les gérants pourront sou-
mettre de nouvelles candidatures
mais le régime qui gouverne les
valeurs mobilières est plus strict,
et la barre pour une approbation
plus haute », complète-t-il.
Brian Quintenz, un ancien de
la CFTC (le régulateur des mar-
chés américains de matières
premières) aujourd’hui chez le
capital-risqueur a16z, pointe
sur X que « lorsque la SEC a auto-
risé les ETF ether sur contrats à
terme en octobre 2023, elle a
reconnu l’ether comme n’étant
pas un titre », une décision prise
après la mutation technique. Et
d’ajouter que « si l’ether était un
titre, alors les ETF à terme autori-
sés seraient illégaux ».
Gary Gensler, le patron anti-
cr ypto du gendarme de la
Bourse, avait prévenu que
l’approbation des ETF sur le bit-
coin revêtait un caractère
exceptionnel et qu’il ne fallait
pas s’attendre à voir d’autres
cryptos suivre la même trajec-
toire. En attendant, les experts
de Bloomberg ne voient pas les
« ETF ether spot » arriver sur
les marchés avant 2025… Une
perspective qui contrarie la
remontée de l’ether. La crypto a
perdu 7 % cette semaine. n
annonces.lesechosleparisien.fr
01 87 39 70 08
Les banques prennent leur
revanche sur les fonds de dette
l Après avoir cédé du terrain aux prêteurs privés sur fond de hausse des taux
ces derniers mois, les banques repartent à l’offensive.
l Leur priorité : les refinancements de dette, qui ont triplé depuis janvier
à 33 milliards d’euros, selon Barclays.
OBLIGATIONS
Anne Drif
C’est le mégadeal que tous les ban-
quiers et gérants de fonds de dette
scrutent. En lice pour l’achat à quel-
que 20 milliards d’euros du pôle de
santé familiale de Sanofi (Doli-
prane…), Blackstone, CVC, EQT, PAI,
Advent et KKR cherchent un finan-
cement de 7,5 milliards. Une occa-
sion pour les banques de reprendre
l’avantage face à l’industrie de la
dette privée et ses 1.700 milliards de
dollars d’actifs. « Est-ce que c’est
finançable ? S’il faut un chèque de
7,5 milliards aujourd’hui, je n’ai
aucun problème, assure un ban-
quier. Je le trouverai sur tous les mar-
chés en dollars, en euros, en obliga-
taire et en prêt ! »
Depuis janvier, les banques sont
de retour mais uniquement pour
refinancer la dette d’opérations pas-
sées. Les sociétés sous LBO se libè-
rent en effet de leurs prêteurs alter-
natifs pour se refinancer moins
cher auprès des établissements
bancaires, qui redistribuent ces
prêts aux fonds de titrisation de
dette (CLO).
Les candidats au rachat du pôle santé de Sanofi, producteur du Doliprane, cherchent un financement
de 7,5 milliards d’euros. Photo Shutterstock
Twitter : les banques négocient avec Elon Musk
la revente de leur dette
Collées depuis deux ans
avec les 13 milliards de
dollars de dette d’acquisi-
tion du réseau X, sept
banques dont BNP Paribas
et Société Générale
auraient rouvert des
discussions avec le milliar-
daire pour tenter de la
refinancer.
Fin du calvaire en vue pour les ban-
ques ? Depuis deux ans, le coup du
siècle du deal X (ex-Twitter) avec
Elon Musk s’est transformé pour
elles en cauchemar. « Collées » avec
13 milliards de dollars de finance-
ments accordés pour racheter le
réseau social, sept banques dont
Morgan Stanley, Bank of America,
Barclays, BNP Paribas et Société
Générale, risquent 2 à 4 milliards de
dollars de pertes.
La chute de la valeur (jusqu’à
72 % dans les comptes du gérant
« Beaucoup de crédits privés qui
avaient remplacé ou refinancé de la
dette syndiquée ces dernières années
vont être refinancés, souligne Mat-
thieu Samengo-Turner, managing
director chez Goldman Sachs. Un
rééquilibrage s’opère. »
« Le marché est de retour à son
mode de fonctionnement tradition-
nel », se félicite Peter Hurd, respon-
sable des produits à haut rende-
ment (high yield) et des prêts avec
effet de levier (leveraged finance)
pour l’Europe chez Nomura.
Les banques Morgan Stanley et
Goldman Sachs ont ainsi mené le
refinancement de 2,3 milliards de
dollars de la dette du courtier en
assurance britannique Ardonagh,
financé jusque-là pour un total de
5 milliards uniquement par des
fonds, tels Ares, KKR, ou Oaktree.
En France, Barclays, Nomura et
HSBC viennent d’arranger celui
d’April pour 1,2 milliard d’euros. Le
courtier en assurances français était
jusqu’ici financé par les fonds de
dette de CVC, SMBC, Park Square,
Crescent, Farallon Persee et PSP.
Quelque 33 milliards d’euros ont été
refinancés en Europe en dette syndi-
quée depuis janvier, soit le triple de
l’an dernier sur la période et le dou-
ble des années 2017-2019 (avant
Fidelity) et des revenus publicitai-
res du réseau X ont aggravé les pro-
blèmes limités au départ à la seule
impossibilité de revendre la dette
sur les marchés en raison du con-
texte de marché.
Depuis 2022, les banques se sont
engagées à rester soudées et à refu-
ser de céder leur exposition isolé-
ment jusqu’à ce que le modèle éco-
nomique de X, ébranlé par le
milliardaire, se stabilise.
Stock d’invendus
Aujourd’hui, avec les perspectives
de baisse des taux, elles ont peut-
être une chance de limiter la casse.
Selon Bloomberg, le groupe de prê-
teurs emmenés par Morgan Stan-
ley, le plus exposé avec un quart du
package de dette, a engagé des dis-
cussions avec Elon Musk pour ten-
ter de relancer le refinancement de
la dette. L’objectif serait de rendre la
dette moins risquée, selon Bloom-
Lundi 25 mars 2024 Les Echos
Covid), selon Barclays. Sur ce total,
4,2 milliards d’euros de crédit syndi-
qué ont pris la place des fonds de
dette, d’après Pitchbook.
« Depuis la réouverture du mar-
ché, l’activité est assez intense. Il y a
beaucoup d’opérations », constate
Yannick Perreve, coresponsable du
leveraged finance en Europe chez
Morgan Stanley.
Protection de « non call »
La perspective de baisse des taux
n’explique pas tout. « La masse des
fonds de dette privée arrangée
en 2023 bénéficiait d’une protection
dite de “non call”, qui empêchait les
emprunteurs de se refinancer, expli-
que Matthieu Samengo-Turner.
Celle-ci arrive a échéance dans un
contexte où les conditions sont bien
plus attractives. » Aujourd’hui, un
crédit syndiqué par les banques
coûte 100 à 200 points de base
moins cher qu’un prêt privé. Le
courtier April a ainsi obtenu un
taux de l’ordre de 4 %, au lieu des
6,5 % du prêt initial contracté
auprès de fonds.
« Le différentiel de prix est très
favorable à la dette syndiquée,
observe Thibery Gleizes, managing
director chez Barclays. Nous som-
mes revenus aux moyennes de mar-
berg, qui ne précise pas les options
sur la table. De quoi potentielle-
ment réduire le coût au bilan pour
les banques. Pour sortir les 13 mil-
liards de dollars de leurs livres et les
revendre à des fonds CLO (fonds de
titrisation de dette), elles doivent
aussi obtenir une notation de crédit
des agences de notation. Et elles ne
trouveront pas preneur si celle-ci
est mauvaise. En contrepartie, le
coût de la dette pour X pourrait
baisser.
Plus grosse « colle » de tous les
temps pour les banques, les 13 mil-
–72 %
DE BAISSE DE LA VALEUR
et des revenus publicitaires
du réseau X (dans les comptes
du gérant Fidelity).
30
ges de très long terme. De nombreux
fonds CLO sont en train de se lever
pour investir. » Plus souple, la dette
syndiquée n’impose pas de ratio
d’endettement contraignant, ni de
pénalité de remboursement anti-
cipé, et le marché est très liquide,
ajoute le financier.
Baisse forcée des marges
de crédit
Face au retour en force des ban-
ques, les fonds de crédit privé en
viennent à refinancer leurs propres
deals pour éviter d’être remplacés,
quitte à perdre de la marge. « Ayant
beaucoup de liquidité et peu d’oppor-
tunité de déploiement dans des opé-
rations nouvelles, car les volumes
d’acquisitions sous LBO sont tou-
jours à des niveaux historiquement
faibles, ils ont peu d’alternatives pour
placer leurs fonds ailleurs, dit Mat-
t h i e u S a m e n g o -Tu r n e r. L e s
emprunteurs sont en position de
force. »
Le spécialiste de services de
métrologie Trescal financé par
Apollo, CVC, Goldman Sachs, KKR
et Park Square a ainsi obtenu des
mêmes fonds une baisse de taux de
100 points de base, à 5,5 %.
« La réalité est que les emprun-
teurs préfèrent garder leur crédit
privé. Se tourner vers les banques
n’est pas si économique : ce que vous
gagnez en marge, vous le perdez en
commissions d’arrangement »,
explique un gérant de fonds.
« Pipeline invisible »
Les fonds de dette sont en effet loin
d’avoir dit leur dernier mot. « L’inté-
rêt pour la dette privée reste intact,
estime Antoine Maspétiol, respon-
sable de cette activité chez Eiffel
Investment, citant l’exemple du
groupe Bel, qui a contracté un prêt
privé de 135 millions d’euros en
décembre. L’environnement de taux
reste mouvant et les entreprises sont
ouvertes à toutes les options. »
Par ailleurs, les banques ont
aussi besoin des fonds, souligne
Cécile Mayer-Levi, directeur de
l’activité de dette privée de Tikehau
Capital : les fonds de dette privée
viennent dérisquer la dette senior
des banques avec des lignes de cré-
dit de maturité plus longue.
Reste que pour tous encore, la
vraie reprise est en trompe-l’œil.
« Le marché est revenu à un bon équi-
libre mais le pipeline est invisible,
souligne Peter Hurd, chez Nomura.
Nous avons besoin de charger des
transactions. » n
liards de dollars de dette du réseau
X sont aussi en passe de battre le
record de la plus longue à porter
dans la durée. Elle est la dernière du
stock d’invendus de 80 milliards de
dollars de prêts de 2022. Le mal-
heur des banques a toutefois fait
des heureux cette année-là.
En juillet il y a deux ans, l’améri-
cain Pimco s’était porté au secours
de Bank of America et Barclays
pour les délester d’un milliard
d’euros de dette des terminaux de
paiement Ingenico rachetés par
Apollo.
Il avait repris la dette pour 85 %
de sa valeur faciale et vient de la
revendre à 100 % à des banques
dans la vague de refinancement qui
s’enclenche depuis janvier. Au pas-
sage, le gestionnaire d’actifs con-
trôlé par l’assureur Allianz a dégagé
un joli profit, selon Bloomberg : une
plus-value de 150 millions de dol-
lars. — A. Dr.
31 Les Echos Lundi 25 mars 2024 FINANCE & MARCHÉS

en bref
Près de Toulouse, un premier centre
d’essais pour lutter contre les inondations Santander prévoit
une nouvelle
hausse des
dividendes
ASSURANCE
BANQUE A l ’o c c a s i o n d e
La start-up Flood- l’assemblée générale orga -
Frame a créé un bassin nisée vendredi, le géant ban-
de test pour caire espagnol a annoncé à
des dispositifs ses actionnaires qu’il allait
de protection contre leur reverser plus de 6 mil-
les inondations. liards d’euros en dividendes
et rachats d’actions en 2025
(contre 5,5 milliards cette
Ces solutions de
année). L’exercice 2024 a bien
prévention doivent débuté pour Santander, qui
permettre de conti- prévoit un ratio ROTE de 16 %
nuer à assurer les dès le premier trimestre, avec
biens les plus vulnéra- des résultats en hausse de 9 %.
bles, parfois boudés La banque continue de profi-
par les assureurs. ter des taux d’intérêt élevés
qui avaient porté son bénéfice
net au niveau record de
Amélie Laurin 11,1 milliards d’euros en 2023.
— A Toulouse

Une trappe se soulève et libère un Ruée sur la dette

long boudin blanc qui gonfle rapi-
dement, jusqu’à former une mem-
brane étanche autour d’un mobile-
h o m e . Vo i c i l ’ a i r b a g a n t i -
inondation. Développé par la start-
up toulousaine FloodFrame, il se
déclenche automatiquement, en
utilisant la seule force de l’eau qui
monte.
Cette innovation n’est pas encore
visible dans les régions fréquem-
ment inondées, où digues et sacs de
sable constituent, depuis des siè-
cles, l’arsenal de lutte contre la
montée des eaux. Pour voir un
flood frame (littéralement un
« cadre inondation ») en action, il
faut se rendre à Baziège, près de
Toulouse. La jeune société, née
fin 2021 du transfert d’un brevet
danois, a inauguré jeudi un centre
d’essais anti-inondations. « Le pre-
mier de France », revendique son
patron Rémi Alquier.
18 millions de Français
exposés
Ce bassin de 12 mètres de côté est
ouvert à ses concurrents. Car le
marché est jugé suffisamment
large pour que les PME spécialisées
ne se marchent pas sur les pieds.
« L’inondation est le premier risque
naturel dans le monde, mais le seul
qui n’a pas de solution normée »,
affirme Rémi Alquier, par opposi-
tion aux règles de construction
antisismiques et anticycloniques.
En France, 18 millions d’habi-
tants vivent dans des zones expo-
sées au débordement des cours
d’eau ou à la submersion marine.
Sous l’effet du dérèglement climati-
que et de la valeur croissante des
biens assurés, le coût moyen annuel
des inondations devait augmenter
de 38 % d’ici à 2050, soit un surcoût
Le centre d’essai de Baziège permet de tester plusieurs dispositifs de prévention des inondations. Photo Ed Jones/AFP
annuel de 370 millions d’euros,
estime la Caisse Centrale de Réassu-
rance (CCR). Les épisodes récents
dans le nord de la France ont coûté à
eux seuls 640 millions d’euros,
selon le réassureur public.
La région Occitanie finance le
centre de Baziège à hauteur
de 100.000 euros, sur les
220.000 euros dépensés par Flood-
Frame pour ce chantier et quelques
prototypes. Allianz France accom-
pagne aussi le projet depuis quel-
ques mois, pour un montant non
dévoilé.
Face à la frilosité des assureurs à
couvrir les biens les plus vulnéra-
bles, « ce peut être une solution pour
revenir à l’assurabilité sur le marché
des professionnels, par exemple dans
l’hôtellerie de plein air », déclare
Pierre Vaysse, directeur assurance
des biens et responsabilité chez
Allianz France.
Pour améliorer la prévention des
sinistres, la compagnie et Flood-
Frame participent à un appel à pro-
jets de l’Ademe pour prévenir à la
fois les inondations et le retrait gon-
flement des argiles (RGA), grâce à
des tranchées dissimulées dans le
sol qui accueillent les membranes
gonflables.
Face au RGA, qui peut fissurer les
maisons après une sécheresse, les
assureurs tâtonnent encore et les
solutions de prévention existantes
peuvent être très coûteuses. Pour
les inondations, la seule technique
moderne est l’installation de batar-
deaux. Ces barrières amovibles
sont destinées à rendre étanches les
ouvertures des bâtiments, mais
elles sont peu efficaces pour proté-
ger une maison en bois, un monu-
« L’inondation est
le premier risque
naturel dans
le monde, mais
le seul qui n’a pas
de solution
normée. »
RÉMI ALQUIER
Patron de FloodFrame
ment historique ou une œuvre en
plein air, ou encore les campings.
C’est pourquoi la start-up veut
tester ses membranes à plus grande
échelle, puis les faire certifier par
l’Afnor. Elles sont déployées à ce
jour sur quelques sites en France :
une station de Bouygues Telecom à
Toulouse, la Maison Henri IV – un
édifice historique du XVIe siècle – en
Seine-Maritime, et le Camping de
l’Arros, dans le Gers (pour un chalet
en bois et un mobile-home).
Un camping sans assurance
depuis 2015
Le gérant du camping, Yan Lépi-
neux, espère avoir enfin trouvé le
moyen de protéger ses installa-
tions, inondées « 25 fois en quinze
ans ». Et pouvoir, à terme, retrouver
un assureur à des conditions accep-
tables. « Un courtier nous a proposé
une prime à plusieurs dizaines de
milliers d’euros et une franchise éle-
vée », explique-t-il. Intenable pour
une PME qui génère 250.000 euros
de chiffre d’affaires annuel.
« Nous n’avons plus d’assurance
multirisque depuis que Groupama
nous a résiliés en 2015, après une
grosse inondation qui a causé 1 mil-
lion d’euros de dégâts », raconte Yan
Lépineux. A l’époque, l’assureur
avait payé la reconstruction à neuf,
et le gérant la surélévation des cha-
lets en bois.
Les nouveaux mobile-homes,
eux, ont dû rester au sol car la régle-
mentation impose à ces véhicules
de rester facilement déplaçables.
Pour ce type d’habitat, MHL, une
société néerlandaise, propose un
système de levage, en cas d’inonda-
tions. Lorsque le bassin de Baziège
se remplit, le mobile-home se sou-
lève et reste au sec.
Juste à côté, une structure en
béton résiste à la montée de l’eau
grâce à un coussin gonflable placé
devant une ouverture. Ce batar-
deau nouvelle génération, qui res-
semble à une planche de paddle
gonflable, coûte entre 600 et
1.800 euros pièce, indique son fabri-
cant Bertrand Sylvestre-Boncheval,
directeur de FlowStop. De son côté,
FloodFrame facture entre 300 et
700 euros le mètre, pose comprise,
précise Rémi Alquier. Soit un coût
moyen de 20.000 euros pour une
maison de 100 m2 au sol. n
d’entreprises
américaines
MARCHÉS Les investisseurs
souhaitent s’assurer des ren-
dements élevés avant que la
Réserve fédérale ne baisse ses
taux directeurs. Résultat, la
collecte sur les obligations
d’entreprises américaines a
flambé depuis le début de
l’année à 22,8 milliards de dol-
lars, selon le fournisseur de
données EPFR, signant le pre-
mier début d’année de flux
nets positifs depuis 2019. La
banque centrale américaine a
maintenu ses « fed funds »
inchangés mercredi dernier,
mais anticipe trois baisses
d’un quart de point d’ici la fin
de l’année.
Le représentant
du Medef nommé
chez AG2R La
Mondiale
GOUVERNANCE Le conseil
d’administration de l’assureur
a officialisé la nomination de
Jacques Creyssel en tant que
vice-président du groupe.
Chef de file du Medef au sein
d’AG2R La Mondiale, il prend
la succession de Brigitte
Bouquot, poussée à la démis-
sion en février sur fond de
tensions entre la gouvernance
paritaire et le directeur Bruno
Angles. Agé de 67 ans, Jacques
Creyssel, ex-DG de l’organi-
sation patronale, arrive avec
une réputation de spécialiste
des négociations sociales.

La BCE inflige une pénalité ANNLEGALECH

annonces judiciaires & légales

de 3,5 millions d’euros à Crédit Mutuel ARRÊTE PRÉFECTORAL PORTANT NOMINATION

BANQUE CENTRALE
Le groupe bancaire
a « enfreint les exigen-
ces » du superviseur
bancaire relatives
aux risques présents
à son bilan.
Edouard Lederer
La Banque centrale européenne a
annoncé jeudi soir avoir infligé deux
pénalités administratives totalisant
3,54 millions d’euros à la Confédé-
ration nationale du Crédit Mutuel
(CNCM), l’organe central du groupe
bancaire mutualiste. Son tort ? Aux
yeux du superviseur des banques de
la zone euro, ne pas avoir bien
estimé les risques présents à son
bilan, lui permettant d’afficher un
niveau de solvabilité artificiellement
amélioré. Plus précisément, « la
banque a enfreint les exigences énon-
cées dans deux décisions de la BCE
relatives aux modèles internes », écrit
le gendarme bancaire dans un com-
muniqué. L’expression renvoie aux
modèles de calculs employés par
une banque pour chiffrer le niveau
de risque associé à chacun de ses
prêts ou de ses positions sur les mar-
chés. Ce modèle est dit « interne »
lorsque la banque utilise sa propre
méthode, et non une méthode stan-
dard commune au secteur bancaire.
Afin de corriger des « déficiences »
dans ces modèles internes, la BCE
avait demandé à Crédit Mutuel
d’appliquer un « plancher », limitant
les risques d’erreur. Ce que n’a pas
fait la banque entre mai 2021 et avril
2022. « Cela constitue une négligence
grave car ces planchers étaient stipu-
lés dans les décisions pertinentes de la
BCE et la banque a omis de prendre
des mesures évidentes pour éviter les
infractions. Cela a également empê-
ché la BCE d’avoir une vue d’ensemble
du profil de risque de la banque »,
dénonce l’institution. A partir
de 2022, la BCE a toutefois autorisé
Crédit Mutuel à se servir de modèles
de calcul moins sophistiqués.
Un exemple pour le secteur
Si les mots choisis par la BCE sont
plutôt sévères, le montant de la
pénalité qu’elle applique reste
mesuré. Pour le calculer, l’institu-
tion se base sur la taille de la banque,
mais aussi sur une échelle de gravité
des manquements constatés : pour
une banque de la taille de Crédit
mutuel – qui est la neuvième ban-
que de la zone euro –, les sanctions
peuvent aller jusqu’à 100 millions
d’euros. En l’occurrence, la BCE
évoque des infractions « mineures à
modérément sévères ». Contacté, le
groupe explique qu’il ne fera pas
appel. Pour un observateur avisé de
la supervision bancaire, la BCE a
intérêt à fixer des pénalités assez
peu élevées pour que les établisse-
m e n t s b a n c a i r e s n’a i e n t p a s
tendance à les contester, les frais
d’avocats dépassant rapidement
ceux d’une éventuelle amende.
Reste le message, la sanction ayant
valeur d’exemple pour le secteur.
Ce n’est pas la voie choisie il y a
quelques années par Crédit Agri-
cole, qui s’est lancé dans un véritable
bras de fer juridique avec la BCE. La
banque verte s’estimait injustement
montrée du doigt là aussi dans une
affaire de calcul de ses fonds pro-
pres réglementaires, qui lui avait
valu plusieurs amendes en 2018
totalisant 4,8 millions d’euros.
En 2020, la justice européenne, tout
en donnant raison à la BCE sur le
fond, avait annulé ces sanctions,
jugeant qu’elles n’étaient pas suffi-
samment motivées. Deux ans plus
tard, la BCE avait confirmé ces péna-
lités, mais en s’appuyant cette fois
sur un guide rédigé en 2021, relatif à
la détermination des sanctions en
cas d’infraction. n
DES MEMBRES DE LA COMMISSION RÉGIONALE
DE CONCILIATION SUR L’ARTIFICIALISATION
Les membres de la commission régionale de conciliation sur l’artificialisation ont
été désignés par l’arrêté préfectoral n°2024-02-12-00005 en date du 12 février
2024.
La commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols d’Île-de-
France est composée des membres suivants :
• en qualité de magistrat administratif, président de la commission : Monsieur
François DORÉ ;
• en qualité de représentants du conseil régional d’Île-de-France :
Membres titulaires
Monsieur Jean-Philippe DUGOIN-CLEMENT, vice-président du conseil régional
Monsieur Gilles BATTAIL, conseiller régional
Madame Sophie DESCHIENS, conseillère régionale déléguée spéciale
Membres suppléants
Monsieur Grégoire de LASTEYRIE, conseiller régional délégué spécial
Monsieur Jérôme REGNAULT, conseiller régional
Madame Elodie DUCROHET, conseillère régionale
• en qualité de représentants de l’État :
- le préfet de la région d’Île-de-France, préfet de Paris ou son représentant ;
- la directrice régionale et interdépartementale de l’environnement, de
l’aménagement et des transports ou son représentant ;
- le directeur régional et interdépartemental de l’économie, de l’emploi du travail
et des solidarités ou son représentant.
EP 24-183 / contact@publilegal.fr
La ligne de référence est de 40 signes
en corps minimal de 6 points didot.
Le calibrage de l’annonce est établi de filet à filet.
Les départements habilités sont 75,78, 91, 92, 93, 94, 95 et 69.
FINANCE & MARCHÉS Lundi 25 mars 2024 Les Echos 32

séAncE du 22 - 03 - 2024 A : Indicateur acompte, solde ou total du dividende. BPA : Bénfice par action. PER : Price Earning Ratio. Les plus hauts et plus bas ajustés sont sur l’année

euronext CaC 40 : 8151,92 (-0,34 %) neXt 20 : 11290,89 (-0,05 %)

CaC larGe 60 : 8754,97 (-0,33 %)
CaC all-tradaBle : 6022,48 (-0,29 %)
Date De ProroGation : 25 mars
civile. Les valeurs classées par ordre alphabétique sont regroupées en trois classes de capitalisation signalées par les lettres a pour les capitalisations
supérieures à 1 milliard d’euros, B pour les capitalisations comprises entre 1 milliard d’euros et 150 millions d’euros et c pour les capitalisations inférieures
à 150 millions d’euros. L : Valeurs de l’indice CACNext20. R : Valeurs de l’indice CACLarge60. G : Valeurs de l’indice CACMid60. g : Valeurs de l’indice
CACSmall. Les bénéfices par action : source FacSet JCF Estimates.

CAC 40 srD suite Valeurs françaises srD suite Valeurs françaises

Valeurs mnémo / INFO / OUV clot % Veil % an BPA Valeurs mnémo / INFO / OUV clot % Veil % an BPA Valeurs mnémo / INFO / OUV clot % Veil % an BPA Valeurs mnémo / INFO / OUV clot % Veil % an BPA
OST VOL. + HAUT % MOIS + HAUT AN PER OST VOL. + HAUT % MOIS + HAUT AN PER OST VOL. + HAUT % MOIS + HAUT AN PER OST VOL. + HAUT % MOIS + HAUT AN PER
ISIN / DEVISE / DATE DÉTACH. / DIV NB TITRES + BAS % 52 S. + BAS AN RDT ISIN / DEVISE / DATE DÉTACH. / DIV NB TITRES + BAS % 52 S. + BAS AN RDT ISIN / DEVISE / DATE DÉTACH. / DIV NB TITRES + BAS % 52 S. + BAS AN RDT ISIN / DEVISE / DATE DÉTACH. / DIV NB TITRES + BAS % 52 S. + BAS AN RDT
accor (AC) R a 42,2 42,67 + 0,88 + 23,32 l'oréal (OR) R a 432,95 432,65 - 0,53 - 3,99 GetlinK (GET) LR a 15,995 16,135 + 0,78 - 2,6 saVencia (BH) B 51,4 51,8 + 0,78 - 5,82
1280188 42,85 + 5,49 42,85 337716 434,65 - 4,1 460,6 618575 16,25 + 4,67 16,78 876 51,8 - 0,38 55
FR0000120404 23/05/23 1,05 252.289.352 42,2 + 42,38 33,69 2,46 FR0000120321 26/04/23 6 534.725.475 429,2 + 9,87 417 1,39 FR0010533075 30/05/23 0,5 550.000.000 15,995 + 6,68 15,135 3,1 FR0000120107 15/05/23 1,3 14.032.930 51 - 16,45 50,6 2,51
air liQuiDe (AI) R a 191,76 190,48 - 1,66 + 8,15 micHelin (ML) a 35,53 35,45 - 0,39 + 9,21 Gl eVents (GLO) g B 18,7 18,88 + 0,75 - 3,77
884113 192,22 + 2,73 197,42 1644815 35,73 + 5,57 36,29 scor (SCR) LG a 29,84 29,71 - 0,64 + 12,28
9863 18,94 -19,32 23,55
FR0000120073 15/05/23 2,95 524.640.056 188,72 + 26 165,68 1,55 FR001400AJ45 17/05/23 1,25 714.958.226 35,3 + 27,52 30,06 3,53 FR0000066672 03/07/23 0,35 29.982.787 18,64 - 13,59 18,28 1,85 330218 30 + 4,14 31,65
airBus GrouP (AIR) R a 169,86 169,9 + 0,35 + 21,55 3,4 oranGe (ORA) R a 10,544 10,62 + 1,01 + 3,07 FR0010411983 30/05/23 1,4 179.802.620 29,55 + 42,97 25,66 4,71
Graines Voltz (GRVO) c 26,8 26,75 - 8,39
820072 170,88 +15,36 170,88 50,04 4368397 10,67 - 1,41 11,37 334 26,8 - 3,6 30 seB (SK) G a 114,2 115,7 + 0,87 + 2,39
NL0000235190 25/04/23 1,53 792.283.683 169,34 + 40,41 136,62 1,06 FR0000133308 04/12/23 0,3 2.660.056.599 10,528 - 1,88 10,352 2,83 FR0000065971 29/03/22 2 1.480.265 25,1 - 55,27 25,1 42533 116,1 + 0,96 117,2
arcelormittal (MT) R a 24,72 24,995 + 0,46 - 2,65 PernoD-ricarD (RI) R a 147,3 148,15 + 0,51 - 7,26 GrouPe crit (CEN) g B 71,8 71 - 9,67 FR0000121709 31/05/23 2,45 55.337.770 114,2 + 13,65 104,1 2,12
1735382 25,125 + 2,63 26,95 332152 148,65 - 7,32 164,55
LU1598757687 13/11/23 0,17 852.809.772 24,69 - 4,78 23,25 FR0000120693 24/11/23 2,64 255.631.733 147,2 - 28,26 140,5 1,78 662 71,8 - 4,05 79,2 secHe enVironnement (SCHP) g B 111,2 109,6 - 1,79 - 0,36
FR0000036675 05/07/23 3,5 11.250.000 70,6 - 3,27 68,2 4,93 3641 111,8 - 6,96 121,4
aXa (CS) R a 34,61 34,48 - 0,49 + 16,92 PuBlicis GrouPe (PUB) R a 98,42 99,36 + 0,53 + 18,29
2707944 34,895 + 7,55 35,015 318425 99,92 + 1,22 99,92 Gtt (GTT) G a 138,6 141,1 + 1,58 + 17,68 FR0000039109 07/07/23 1,1 7.857.732 108,4 + 8,09 97,3 1
FR0000120628 08/05/23 1,7 2.270.188.806 34,48 + 25,38 29,12 4,93 FR0000130577 03/07/23 2,9 268.723.468 98,42 + 36,71 83,16 2,92 93323 142,2 +11,45 151,1
FR0011726835 12/12/23 1,85 37.078.357 138 + 51,23 119,9 1,31 serGeFerrari GrouP (SEFER) g c 5,87 5,89 + 0,34 - 26,92
BnP PariBas (BNP) R a 63,15 62,8 + 0,26 + 0,34 renault (RNO) R a 44,825 45,435 + 0,69 + 23,11 2071 5,89 - 1,83 8,2
2715480 63,62 +11,7 63,82 778576 45,61 +20,84 45,655 GuerBet (GBT) g B 30,95 34,05 + 11,82 + 74,62
FR0000131104 22/05/23 3,9 1.147.477.409 62,75 + 15,29 53,08 6,21 FR0000131906 17/05/23 0,25 295.722.284 44,825 + 22,85 33,265 0,55 115719 34,8 +13,69 34,8 FR0011950682 26/04/23 0,4 12.299.259 5,84 - 57,63 5,6 6,79
BouYGues (EN) R a 37,98 37,76 - 0,84 + 10,67 saFran (SAF) R a 206,35 207,25 + 0,29 + 29,97 FR0000032526 29/06/23 0,5 12.641.115 30,8 + 74,62 17,02 1,47 ses-imaGotaG (VU) G B 125,6 125,6 - 0,32 - 7,51
619890 38,17 + 8,44 38,25 450242 208,15 + 8,26 208,25 Guillemot (GUI) g c 4,625 4,7 + 1,62 - 30,78 20393 126,4 -18,86 159,8
FR0000120503 03/05/23 1,8 378.948.297 37,76 + 19,83 32,62 4,77 FR0000073272 30/05/23 1,35 427.260.541 205,85 + 53,7 156,68 0,65 217 4,7 + 0,11 6,95 FR0010282822 25/06/12 0,5 15.958.658 124,6 + 19,39 120,2
caP-Gemini (CAP) R a 215,4 215,7 + 0,05 + 14,28 saint-GoBain (SGO) R a 71,1 70,87 - 0,88 + 6,32 FR0000066722 07/06/23 0,25 15.087.480 4,625 - 43,91 4,405 5,32
sHoWroomPriVé (SRP) g B 0,99 0,976 - 2,01 - 8,44
373003 216,8 - 2,62 227,4 933134 71,53 + 1,77 73,6 icaDe (ICAD) G a 25,3 24,92 - 1,74 - 29,88
FR0000125338 30/05/23 3,25 172.608.113 214,3 + 28,81 181,95 1,51 FR0000125007 12/06/23 2 506.453.012 70,38 + 34,55 61,27 2,82 19289 0,99 - 4,5 1,17
104917 25,54 -15,01 35,9
FR0000035081 04/03/24 2,42 76.234.545 24,76 - 41,99 24,42 FR0013006558 118.902.909 0,975 - 29,28 0,96
carreFour (CA) R a 15,97 16,065 + 0,88 - 3,02 sanoFi (SAN) R a 87,67 88,65 + 1,07 - 1,24
1467080 16,255 - 1,38 16,865 1869167 89,3 - 0,1 96,5 iD loGistic (IDL) a 329 334 + 1,52 + 9,15 soitec (SOI) LG a 123 122,2 - 1,25 - 24,47
FR0000120172 06/06/23 0,56 708.790.816 15,97 - 10,3 14,885 3,49 FR0000120578 30/05/23 3,56 1.264.797.546 86,91 - 2,43 84,93 4,02 4444 337 + 4,05 356,5 eX-Ds 13/05/16 reGr.1P20 76409 124,1 -14,61 164,1
creDit aGricole (ACA) R a 13,396 13,4 - 0,02 + 4,26 scHneiDer electric (SU) R a 217,15 218,05 + 0,53 + 19,95 FR0010929125 6.173.328 328 + 24,63 298 FR0013227113 35.712.302 120,85 - 13,24 120,05
4209191 13,526 + 6,4 13,546 641958 218,4 + 5,06 218,4 imerYs (NK) G a 31,2 31,34 + 0,45 + 10,04
FR0000045072 30/05/23 1,05 3.025.902.350 13,376 + 30,58 12,118 7,84 FR0000121972 09/05/23 3,15 572.835.884 215,95 + 45,97 171,1 1,45 solocal GrouP (PAJ) B 0,043 0,043 + 0,46 - 50,74
47023 31,48 + 1,36 32,5 42083 0,045 -48,21 0,089
Danone (BN) R a 59,23 59,57 + 0,71 + 1,52 société Générale (GLE) R a 24,45 24,525 + 0,18 + 2,08 FR0000120859 15/05/23 3,85 84.940.955 31,16 - 20,94 24,96 12,29
880411 59,6 - 3,36 63,8 3441357 24,82 + 9,15 24,85 FR00140006O9 129.505.837 0,043 - 89,93 0,038
FR0000120644 09/05/23 2 677.773.128 59,19 + 5,98 58,4 3,36 FR0000130809 30/05/23 1,7 802.979.942 24,445 + 12,99 21,265 6,93 inFotel (INF) g c 48,9 49,3 + 0,82 - 6,98
1020 49,5 + 6,94 53,6 soDeXo (SW) LR a 78,6 78,68 + 0,05 + 5,11
Dassault sYstemes (DSY) R a 41,055 41,64 + 0,91 - 5,87 stellantis nV (STLAP) a 26,875 26,955 + 0,09 + 27,48 FR0000071797 19/05/23 2 6.934.791 48,9 - 11,96 43,7 4,06 146193 78,74 + 6,04 79,44
1399271 41,725 - 3,82 48,875 1286057 27,09 +11,29 27,185 FR0000121220 20/12/23 3,1 147.454.887 78,24 + 18,47 71,94 3,94
FR0014003TT8 29/05/23 0,21 1.336.449.712 40,62 + 11,47 40,555 0,5 NL00150001Q9 24/04/23 1,14 3.165.189.336 26,76 + 66,45 19,15 4,97 innate PHarma (IPH) g B 2,16 2,165 - 0,23 - 17,37
eDenreD (EDEN) R a 49,22 49,84 + 1,55 - 7,94 stmicroeletronics (STMPA) Ra 40 39,955 - 1,38 - 11,69 0,23 25864 2,215 - 7,87 2,8 solutions 30 (ALS30) a 1,99 2,1 + 5,32 - 21,23
551455 50 + 0,16 58,76 1306436 40,11 - 5,33 45,815 175,82 FR0010331421 80.860.563 2,15 - 26,21 2,12 726338 2,1 - 7,57 2,896
FR0010908533 07/06/23 1 249.588.059 49,14 - 6,17 44,66 2,01 NL0000226223 18/03/24 0,05 911.281.920 39,615 - 13,86 38,575 0,15 interParFums (ITP) G a 50,9 51,1 + 0,39 + 1,39 FR0013379484 107.127.984 1,989 - 9,05 1,952
enGie (ENGI) R a 15,366 15,43 + 0,55 - 3,07 1,21 telePerFormance (RCF) R a 88,48 91,2 + 3,12 - 30,94 15122 51,3 + 0,99 55,2 soPra steria GP (SOP) G a 223,8 221,6 - 2,03 + 12,03
3541102 15,49 + 4,58 16,64 12,80 307058 91,82 -31,61 153,8 FR0004024222 11/05/23 1,05 69.196.570 50,8 - 15,47 45,25 2,06
40508 225,6 - 4,57 239,6
FR0010208488 28/04/23 1,4 2.435.285.011 15,33 + 11,14 13,996 9,07 FR0000051807 21/04/23 3,85 63.443.054 88,34 - 58,64 80,76 4,22 inVentiVa (IVA) g B 3,46 3,495 - 0,14 - 14,65 FR0000050809 29/05/23 4,3 20.547.701 221,6 + 16,75 187 1,94
essilorluXottica (EL) R a 210,15 208,7 - 0,93 + 14,92 tHales (HO) R a 155 157,2 + 1,39 + 17,36 30850 3,495 +14,97 4,44
334686 210,75 + 8,63 211,55 256782 157,65 +17,09 157,65 FR0013233012 52.115.807 3,38 - 4,38 2,8 smcP (SMCP) g B 2,355 2,38 + 0,21 - 30,41
FR0000121667 22/05/23 3,23 453.833.920 208,05 + 27,8 172,82 1,55 FR0000121329 05/12/23 0,8 210.210.140 154,6 + 16,27 131,45 0,51 iPsen (IPN) G a 108,6 109,1 + 0,18 + 1,11 68512 2,425 -15 3,555
euroFins scient. (ERF) R a 56,04 55,96 - 0,36 - 5,12 totalenerGies (TTE) R a 62,7 62,85 - 0,11 + 2,03 118187 109,4 + 4,2 110,6 FR0013214145 75.591.187 2,35 - 70,32 2,105
208278 56,34 - 2,64 60,12 2400377 63,24 + 6,29 64,42 FR0010259150 02/06/23 1,2 83.814.526 107,8 + 4,5 99,7 1,1 sPie (SPIE) G a 34,6 34,62 + 22,33
FR0014000MR3 03/07/19 2,45 190.742.750 55,86 - 8,29 51,32 1,79 FR0000120271 20/03/24 0,74 2.386.846.474 62,51 + 15,47 57,45 1,18 iPsos (IPS) G a 64,45 64,2 - 0,47 + 13,13 182542 35 +10,54 35,42
Hermes intl (RMS) R a 2388,5 2386 - 1,02 + 24,35 uniBail-r/WFD (URW) a 73,36 73,62 + 0,33 + 10,01 45147 65,15 + 2,47 65,7 FR0012757854 20/09/23 0,22 166.907.584 34,52 + 30,35 27,32 0,64
56539 2394 + 5,11 2436 224199 73,94 + 7,13 74,24 FR0000073298 03/07/23 1,35 43.203.225 64,2 + 11,46 55,55 2,1
FR0000052292 13/02/24 3,5 105.569.412 2355 + 34,5 1788,8 0,15 FR0013326246 24/03/20 5,4 139.041.391 73,06 + 48,79 63,96 steF (STF) g B 134,8 132,8 - 1,19 + 16,29
JacQuet metals (JCQ) g B 17,64 17,76 + 1,02 - 9,39
KerinG (KER) R a 370 358,05 - 3,57 - 10,26 Veolia enV. (VIE) R a 29,24 29,64 + 1,33 + 3,78 12545 17,86 - 6,33 19,66 735 134,8 +10,48 138
399603 371,85 -17,59 438,6 1292495 29,64 - 2,34 30,7 FR0000033904 05/07/23 1 22.497.209 17,58 - 2,31 17,46 5,63 FR0000064271 03/05/23 4 12.850.000 132 + 25,52 112,6 3,01
FR0000121485 15/01/24 4,5 123.420.778 358,05 - 37,4 343,4 1,26 FR0000124141 09/05/23 1,12 725.411.667 29,2 + 9,45 28,19 3,78
JcDecauX (DEC) G a 17,28 17,58 + 1,38 - 3,41 sWorD GrouP (SWP) g B 36,8 36,95 - 0,4 - 7,28
l.V.m.H. (MC) R a 838,9 828,6 - 2,28 + 12,95 Vinci (DG) R a 116,42 116,36 - 0,34 + 2,34 82244 17,63 - 7,13 20,2 4094 37,6 + 0,82 40
368170 839,7 - 1,4 886,4 586757 117,1 + 0,73 120,48 FR0000077919 21/05/19 0,58 213.161.658 17,28 - 10,9 16,65
FR0000121014 04/12/23 5,5 501.400.760 822,3 + 1,68 644 0,66 FR0000125486 14/11/23 1,05 589.048.647 116,1 + 9,03 112,46 0,9 FR0004180578 02/05/23 1,45 9.544.965 36,8 - 18,34 35,05 4,6
leGranD (LR) R a 99,1 98,52 - 1,12 + 4,7 ViVenDi (VIV) R a 9,924 10,005 + 1 + 3,4 KauFman & BroaD (KOF) g B 26,8 26,95 + 0,56 - 10,47 sYnerGie (SDG) g B 30,6 30,7 + 0,33 - 12,78
558279 99,44 + 9,44 99,66 2329105 10,065 - 2,58 10,54 12060 27,2 - 8,8 30,55 5657 31 - 6,97 35,25
FR0010307819 02/06/23 1,9 264.031.292 97,8 + 15,15 88,44 1,93 FR0000127771 25/04/23 0,25 1.029.918.125 9,924 + 9,37 9,634 2,5 FR0004007813 09/05/23 2,4 19.862.022 26,8 + 4,26 26,05 8,91
FR0000032658 29/06/23 0,8 24.362.000 30,5 - 6,54 29,15 2,61
KlePierre (LI) LR a 23,45 23,5 + 0,77 - 4,78
467678 23,72 - 1,8 24,96 telePerFormance (RCF) R a 88,48 91,2 + 3,12 - 30,94
FR0000121964 22/03/24 0,9 286.861.172 23,43 + 8,1 22,69 307058 91,82 -31,61 153,8
laGarDère (MMB) G a 21,2 21,3 + 0,47 + 15,89 FR0000051807 21/04/23 3,85 63.443.054 88,34 - 58,64 80,76 4,22
4760 21,4 + 4,41 21,4 teract (TRACT) B 1,345 1,25 - 1,19 - 33,16
FR0000130213 19/04/23 1,3 141.133.286 21,2 + 3,9 17,8 6,1
srD Valeurs françaises lDc (LOUP) a 135 135,5 - 3,21 FR001400BMH7
286197
73.394.562
1,65
1,185
+27,03
- 78,96
1,885
0,376
640 137,5 + 3,44 141
FR0013204336 28/08/23 2,7 17.635.433 135 + 23,18 125 1,99 tF1 (TFI) G a 8,44 8,36 - 0,83 + 17,17
Valeurs mnémo / INFO / OUV clot % Veil % an BPA Valeurs mnémo / INFO / OUV clot % Veil % an BPA 108475 8,455 - 1,76 8,815
lna santé (LNA) g B 20,75 20,45 - 1,68 + 1,74
OST VOL. + HAUT % MOIS + HAUT AN PER OST VOL. + HAUT % MOIS + HAUT AN PER 4239 20,75 - 6,19 23,8 FR0000054900 20/04/23 0,5 210.485.635 8,36 + 5,96 7,105 5,98
ISIN / DATE DÉTACH. COUPON / DIV NB TITRES + BAS % 52 S. + BAS AN RDT ISIN / DATE DÉTACH. COUPON / DIV NB TITRES + BAS % 52 S. + BAS AN RDT
FR0004170017 06/07/23 0,5 10.709.416 20,35 - 32,62 18,14 2,45 tFF GrouP (TFF) G B 42,2 42,5 + 0,47 - 5,35
aB science (AB) g B 2,5 2,535 + 0,4 - 28,69 casino (CO) G a 0,565 0,542 - 3,9 - 30,82 lectra (LSS) g B 32,6 32,3 - 0,77 + 3,36 1548 43 - 5,56 47,5
70292 2,565 -25 4,465 333654 0,565 +32,07 0,8 13615 32,6 + 4,53 35,2 FR0013295789 08/11/23 0,6 21.680.000 42,2 + 3,91 42,2 1,41
FR0010557264 51.071.069 2,47 - 58,85 1,55 FR0000125585 09/05/19 1,56 108.426.230 0,542 - 92,68 0,384 FR0000065484 03/05/23 0,48 37.832.965 31,85 - 10,28 28,6 1,49
aBc arBitraGe (ABCA) g B 4,05 4,095 + 0,12 - 14,78 catana GrouP (CATG) g c 4,655 4,765 + 0,85 - 16,7 tHermaDor GrouPe (THEP) B 86,4 86,9 + 0,7 + 2,84
lHYFe (LHYFE) B 4,215 4,095 - 2,85 - 18,75 3209 87,4 + 7,68 87,4
58846 4,12 +11,28 4,87 43418 4,79 -13,99 5,92 13767 4,215 -14,33 5,49
FR0004040608 05/12/23 0,1 59.608.879 4,05 - 31,41 3,58 2,44 FR0010193052 05/03/24 0,15 30.706.178 4,655 - 30,94 4,455 3,15 FR0013333432 12/04/23 2,08 9.200.849 85,9 - 11,24 79,6 2,39
FR0014009YQ1 47.908.148 4,06 - 45,98 3,82
aBiVaX (ABVX) g B 13,68 13,56 - 0,29 + 38,09 ceGeDim (CGM) B 15,94 16,06 + 0,75 - 10,08 lineData serVices (LIN) g B 68,8 68 - 1,16 + 22,3 tiKeHau caPital (TKO) g a 20,5 20,2 - 0,74 - 1,94
15397 13,7 +16,7 14 322 16,2 - 1,47 18,8 25 70,2 + 0,29 75,6 eX D s 03/07/17 12470 20,5 - 2,88 21,85
FR0012333284 62.905.868 13,44 +105,45 9,35 FR0000053506 29/06/22 0,5 13.997.173 15,94 - 5,86 15,46 FR0004156297 05/07/23 1,75 4.960.807 68 + 51,45 55,6 2,57 FR0013230612 18/05/23 0,7 175.247.840 20,1 - 19,04 19,82 3,47
aBionYX PHarma sa (ABNX) g B 0,93 0,944 + 0,96 - 26,71 cGG (CGG) G B 0,387 0,388 - 1,1 - 35,12 lisi (FII) g a 23,95 24 + 0,21 + 1,69 transGène (TNG) g c 1,142 1,132 - 2,41 - 17,37
16303 0,949 -16,01 1,316 7329838 0,395 - 2,09 0,616 8215 24 + 3,45 24,1 3802 1,16 + 4,04 1,396
FR0012616852 32.459.012 0,93 - 58,04 0,92 FR0013181864 713.676.258 0,383 - 45,23 0,361 FR0000050353 17/04/23 0,15 46.538.313 23,85 - 2,04 20,85 0,63 FR0005175080 100.852.742 1,13 - 41,77 1,03
aDocia (ADOC) g B 9,19 9,09 - 5,8 - 21,23 cHarGeurs (CRI) g c 11,94 11,96 + 0,17 + 2,4 lumiBirD (LBIRD) g c 13,78 13,74 - 0,15 + 12,81
137933 9,47 - 8,83 12,4 4403 11,98 + 0,34 12 1952 13,8 + 3,15 15,48 triGano (TRI) G a 146 145,9 - 0,55 - 1,62
FR0011184241 14.089.930 8,95 +202,5 8,55 FR0000130692 02/05/23 0,54 24.862.314 11,94 - 22,99 11,16 4,52 FR0000038242 22.466.882 13,7 - 11,7 10,4 8626 147,1 - 2,73 153,6
aéroPorts De Paris (ADP) R a 124 126,6 + 1,77 + 8,02 cHristian Dior (CDI) a 785 772,5 - 2,65 + 9,19 FR0005691656 17/01/24 1,75 19.336.269 145,3 + 27,65 136,5 1,2
m6-métroPole tV (MMT) G a 13,25 13,31 + 0,23 + 2,86
66948 127,6 - 4,09 132,7 eX D oP 08/06/17 5877 785 - 2,28 832,5 97040 13,5 + 5,38 13,5 uBisoFt entertainment (UBI) R a 18,96 19,055 + 0,21 - 17,55
FR0010340141 05/06/23 3,13 98.960.602 124 - 2,76 113,4 2,47 FR0000130403 04/12/23 5,5 180.507.516 770 - 2,59 618,5 0,71 FR0000053225 03/05/23 1 126.414.248 13,25 - 10,67 12,03 7,51 339955 19,26 -15,35 24,6
air France-Klm (AF) L 9,757 9,753 + 0,04 - 28,24 claranoVa se (CLA) g B 2,505 2,485 - 1,78 + 16,94 maisons Du monDe (MDM) g B 4,61 4,654 - 0,09 - 17,92 FR0000054470 127.449.605 18,835 - 13,97 18,47
844587 9,852 -13,34 13,828 130949 2,6 - 9,8 3,05 25889 4,738 + 2,24 5,73
FR001400J770 262.769.869 9,694 - 39,52 9,377 FR0013426004 57.206.910 2,48 + 31 1,994 Valeo (FR) LR a 11,33 11,435 + 0,13 - 17,82
FR0013153541 05/07/23 0,3 39.189.288 4,61 - 52,36 3,864 6,45 839558 11,695 + 4,38 14,75
aKWel (AKW) g B 14 14,1 + 1,59 - 12,75 clariane (CLARI) G a 1,46 1,464 + 0,55 - 39,1 manitou (MTU) g B 24,5 24,85 + 1,43 + 7,11
1437 14,1 - 2,08 17,44 324128 1,514 -15,72 2,682 FR0013176526 29/05/23 0,38 244.633.504 11,295 - 36,19 10,19 3,32
20045 25 +10,69 25
FR0000053027 08/06/23 0,3 26.741.040 13,9 + 3,68 12,76 2,13 FR0010386334 21/06/23 0,25 106.969.229 1,454 - 79,42 1,376 17,08 FR0000038606 30/05/23 0,63 39.668.399 24,5 + 10,69 19,78 2,54 Vallourec reG (VK) G B 16,935 16,975 - 0,5 + 21,03
alD (ALD) G a 6,15 6,215 + 0,73 - 3,57 coFace (COFA) G a 14,1 14,12 - 0,42 + 19,26 maurel et Prom (MAU) g B 5,5 5,43 - 1,54 - 10,84 712121 17,295 +24,36 17,295
252698 6,225 +10,88 6,69 215730 14,23 + 9,37 14,37 86580 5,52 + 8,82 5,995 FR0013506730 229.877.070 16,88 + 47,22 12,785
FR0013258662 31/05/23 1,06 816.960.428 6,15 - 42,45 5,11 17,06 FR0010667147 22/05/23 1,52 150.179.792 14,09 + 7,7 11,53 10,77 FR0000051070 03/07/23 0,23 201.261.570 5,43 + 57,16 4,7 4,24 ValneVa (VLA) G B 3,32 3,453 + 2,37 - 26,84
alPes (cie Des ) (CDA) g B 13,04 12,92 - 1,07 - 8,5 coViVio (COV) G a 45,42 45,6 + 1,97 - 6,33 mcPHY enerGY (MCPHY) g B 1,65 1,645 + 0,24 - 51,13 450094 3,513 + 2,83 4,996
38631 13,1 - 8,89 15,32 200653 46,16 + 7,29 48,88 183296 1,68 -26,3 3,436 FR0004056851 138.912.142 3,314 - 28,77 2,95
FR0000053324 20/03/24 0,91 50.533.135 12,88 - 2,71 12,88 6,19 FR0000064578 24/04/23 3,75 101.006.389 45,24 - 15 39,54 FR0011742329 27.997.800 1,636 - 87,33 1,552
altarea (ALTA) G a 75,9 75,5 - 0,26 - 5,63 coViVio Hotels (COVH) a 16,05 16,05 + 0,31 - 2,13 Verallia (VRLA) g a 34,1 34,06 - 0,64 - 2,29
meDincell (MEDCL) B 9,34 9,54 + 1,71 + 32,5 92376 34,34 + 0,12 36,4
2985 76,7 + 0,13 84,7 6756 16,4 + 1,9 16,5 17166 9,57 + 5,88 9,84
FR0000033219 12/06/23 5 20.736.822 75,5 - 32,83 66,8 FR0000060303 21/04/23 1,25 148.141.452 15,85 - 6,96 15,45 FR0004065605 29.070.871 9,34 + 2,58 6,91 FR0013447729 08/05/23 1,4 120.805.103 33,8 - 11,85 31,16 4,11
alstom (ALO) LR a 13,165 13,11 - 0,76 + 7,64 Dassault aV. (AM) a 187,4 192,9 + 2,77 + 7,65 mercialYs (MERY) G B 10,6 10,66 + 0,57 + 7,19 VerimatriX (VMX) g B 0,444 0,454 + 3,66 - 0,98
1880454 13,21 +10,87 13,575 50644 193,6 + 5,58 197 187504 10,73 + 2,7 11,04 12511 0,454 -14,11 0,626
FR0010220475 17/07/23 0,25 384.291.068 12,91 - 46,79 10,66 1,91 FR0014004L86 19/05/23 3 78.951.812 186,8 + 5,01 168,9 1,56 FR0010241638 02/05/23 0,96 93.886.501 10,6 + 7,95 9,775 FR0010291245 85.535.147 0,435 - 26,85 0,341
altareit (AREIT) B 458 458 + 1,78 Dassault sYstemes (DSY) R a 41,055 41,64 + 0,91 - 5,87 mersen (MRN) G B 35,75 36,15 + 0,42 + 2,7 VetoQuinol (VETO) B 98,8 100,6 + 2,13 - 1,76
1 458 460 1399271 41,725 - 3,82 48,875 16764 36,2 - 0,55 39,5
FR0000039216 1.750.487 458 - 23,03 440 FR0014003TT8 29/05/23 0,21 1.336.449.712 40,62 + 11,47 40,555 0,5 4607 101 110
FR0000039620 04/07/23 1,25 24.418.312 35,75 - 4,87 30,3 3,46
FR0004186856 02/06/23 0,8 11.881.902 96,2 + 24,97 96,2 0,8
alten (ATE) G a 136,7 135,8 - 1,24 + 0,89 DBV tecHnoloGies (DBV) g B 1,337 1,326 - 1,78 - 28,29 metaBolic eXPlorer (METEX) g c 0,15 0,151 - 2,33 - 61,13
17400 137,6 - 3,69 146,9 63477 1,349 - 6,36 1,896 144479 0,155 -58,57 0,578 Vicat (VCT) g a 35,15 35,55 + 1,28 + 8,22
FR0000071946 04/07/23 1,5 35.209.501 135,8 - 5,63 126,6 1,11 FR0010417345 96.431.770 1,308 - 55,71 1,095 FR0004177046 50.919.133 0,141 - 87,96 0,132 14037 35,55 + 2,6 37
amunDi (AMUN) G a 62,6 62,85 + 2,03 Deezer sa (DEEZR) 2 2,02 2 - 0,5 - 5,88 monceY (Fin.) nom. (FMONC) B - 0,68 - 3,92 FR0000031775 25/04/23 1,65 44.900.000 35,05 + 28,34 32,4 4,64
eX-Ds 15/03/17 97403 62,95 + 1,95 65,1 87 2,02 - 6,1 2,4 - 1,34 7950 VirBac (VIRP) G a 341 345,5 + 0,73 - 3,89
FR0004125920 22/05/23 4,1 204.647.634 62,45 + 10,94 58,75 6,52 FR001400AYG6 117.054.347 2 + 41,84 1,952 FR0000076986 20/06/23 28 182.871 - 2 7100 2800 3798 347,5 - 1,43 364,5
antin inFra Partners (ANTIN) G a 13,32 13,32 - 0,37 - 3,34 DericHeBourG (DBG) g B 4,27 4,332 + 1,45 - 14,72 nacon (NACON) B 1,156 1,158 - 0,17 - 30,58 FR0000031577 26/06/23 1,32 8.458.000 335,5 + 20,8 316,5 0,38
30755 13,56 -15,86 17,28 137448 4,352 - 0,55 5,16 40781 1,18 -21,86 1,838
FR0014005AL0 14/11/23 0,32 179.193.288 13,32 - 21,6 12,07 2,4 FR0000053381 14/02/24 0,16 159.397.489 4,27 - 22,02 4,028 3,69 FR0013482791 87.851.694 1,144 - 44,59 1,14 ViVenDi (VIV) R a 9,924 10,005 + 1 + 3,4
aramis (ARAMI) a 3,41 3,4 - 0,29 - 21,84 Dms (DGM) g c 1,135 1,155 + 0,44 + 1,76 2329105 10,065 - 2,58 10,54
nanoBiotiX (NANO) g B 5,7 5,77 - 13,1 FR0000127771 25/04/23 0,25 1.029.918.125 9,924 + 9,37 9,634 2,5
8257 3,41 -11,46 4,35 6659 1,16 + 0,43 1,37 8858 5,84 - 7,68 7,93
FR0014003U94 82.856.671 3,385 + 28,5 3,3 FR0012202497 16.120.556 1,125 + 0,43 1,095 FR0011341205 13/05/19 47.133.328 5,7 + 75,11 5,51 Voltalia (VLTSA) G a 6,07 6,45 + 6,26 - 38,1
arGan (ARG) a 82 84,1 + 2,56 - 1,29 eDenreD (EDEN) R a 49,22 49,84 + 1,55 - 7,94 neoen (NEOEN) G a 24,66 25,48 + 3,07 - 15,85 221177 6,48 -17,73 10,54
15147 84,1 + 3,83 85,5 551455 50 + 0,16 58,76 135259 25,66 + 9,08 30,38 FR0011995588 131.318.716 6,03 - 58,39 5,82
FR0010481960 30/03/23 3 23.092.378 82 + 14,73 75,1 FR0010908533 07/06/23 1 249.588.059 49,14 - 6,17 44,66 2,01 FR0011675362 17/05/23 0,13 152.175.433 24,58 - 8,11 21,8 0,49 WaVestone (WAVE) g B 57,6 56,9 - 1,56 - 3,07
arKema (AKE) LR a 94,7 94,98 + 0,04 - 7,79 eiFFaGe (FGR) LR a 104,6 103,8 - 0,81 + 6,99 neurones (NRO) B 46 45,2 - 1,42 + 3,31 10412 57,6 + 3,08 66
102955 95,32 - 3,24 103,9 244208 105,55 + 5,68 105,55 4541 46 + 1,69 46,85
FR0010313833 15/05/23 3,4 75.043.514 94,52 + 4,95 89,6 3,58 FR0000130452 15/05/23 3,6 98.000.000 103,55 + 1,12 95,2 3,47 FR0013357621 02/08/23 0,38 24.906.332 56,3 + 28,44 53,3 0,67
FR0004050250 14/06/23 1,1 24.278.716 45,1 + 18,48 42,3 2,43
artmarKet.com (PRC) g c 4,6 4,615 + 0,33 - 8,97 eKinoPs (EKI) g B 3,25 3,175 - 2,31 - 45,82 neXans (NEX) G a 99,15 99,4 - 0,15 + 25,43 WenDel (MF) G a 93,75 94,3 + 0,21 + 16,92
10471 4,75 -10,39 6,15 26619 3,26 -21,22 5,94 97253 99,75 + 4,91 100,5 53130 94,7 + 3,68 95,05
FR0000074783 6.651.515 4,45 - 23,72 4,3 FR0011466069 26.987.382 3,1 - 65,93 3,1 FR0000044448 15/05/23 2,1 43.753.380 98,3 + 5,69 72,1 2,11 FR0000121204 19/06/23 3,2 44.430.554 92,85 - 4,36 77,55 3,39
assYstem (ASY) B 59 59 + 0,34 + 19,19 elior (ELIOR) G B 2,34 2,388 + 1,96 - 18,55 neXitY (NXI) G a 8,965 9,14 + 2,24 - 45,76 WorlDline (WLN) LG a 10,475 10,75 + 2,82 - 31,4
oPa 24/11/17 13799 59,8 + 9,26 59,8 270929 2,392 - 7,51 2,964 183782 9,205 -36,04 17,19 936537 10,77 - 6,97 15,96
FR0000074148 05/07/23 1 15.668.216 58,4 + 32,88 46,4 1,7 FR0011950732 07/04/20 0,29 252.870.289 2,334 - 26,7 2,224 FR0010112524 24/05/23 2,5 56.129.724 8,965 - 60,4 8,415 27,35 FR0011981968 282.974.981 10,38 - 72,56 9,774
atos se (ATO) a 1,675 1,762 + 4,26 - 75,01 elis (ELIS) G a 19,71 19,82 + 0,05 + 4,92 oDet (cie De l') (ODET) a 1500 1522 + 1,33 + 4,68
3172116 1,817 -23,69 7,83 200933 19,84 - 6,77 21,54 Xilam animation (XIL) g c 3,75 3,77 + 0,27 - 4,8
208 1524 + 6,28 1530
FR0000051732 14/05/21 0,9 111.439.307 1,653 - 87,16 1,62 FR0012435121 30/05/23 0,41 234.423.080 19,66 + 14,63 18,08 2,07 FR0000062234 20/06/23 3,6 6.585.990 1500 + 7,33 1348 0,24 3100 3,79 - 9,59 5,92
auBaY (AUB) g c 39,25 40,35 + 2,8 - 3,12 eramet (ERA) G B 70 70,9 - 0,14 - 0,84 FR0004034072 5.893.799 3,69 - 84,95 3,62
orPéa (ORP) G a 12,91 13,24 + 2,64+78243,2
13553 40,35 + 0,12 42,75 50519 71,8 +16,8 73,25 374819 14,4 +101746,15 14,4
FR0000063737 08/11/23 0,5 13.064.446 39,25 - 12,85 37,8 1,24 FR0000131757 26/05/23 3,5 28.755.047 69,5 - 24,53 58,5 4,94 FR0000184798 09/07/21 0,9 159.191.703.111 12,91 +471,18 0,01
aVenir telecom (AVT) c 0,125 0,125 - 0,16 + 9,08 esso (ES) g c 107,3 115,4 + 7,25 +110,39 ose immuno (OSE) g c 4,76 4,8 - 0,52 + 12,15 Autres Valeurs de la Zone euro
68188 0,128 -20,38 0,198 40835 115,9 +51,34 115,9 79202 4,885 +43,93 6
FR001400CFI7 0,125 - 65,22 0,112 FR0000120669 10/07/23 2 12.854.578 106,3 +118,56 48,98 1,73 FR0012127173 21.767.777 4,69 - 5,42 3,115 euroneXt (ENX) LR a 86,75 87,45 + 0,4 + 11,19
aXWaY soFtWare (AXW) g B 25,8 25,9 + 0,78 - 1,89 eurazeo (RF) G a 80,55 80,9 + 0,19 + 12,6 oVH (OVH) g a 9,6 9,675 - 0,46 + 12,3 104177 87,5 + 4,42 88,7
1337 25,9 - 4,78 30,9 92563 81,15 + 3,65 81,15 62335 9,8 + 7,26 10,46 NL0006294274 23/05/23 1,89 107.106.294 86,45 + 27,66 76,35 2,54
FR0011040500 05/06/23 0,4 21.633.597 25,7 + 23,33 24,8 1,54 FR0000121121 28/04/23 2,2 76.081.874 80 + 25,72 69,35 2,72 FR0014005HJ9 188.532.591 9,6 - 16,88 8,075 noKia (NOKIA) R a 3,284 3,282 - 0,17 + 7,1 0,3
Bains mer monaco (BAIN) B 102 103,5 - 0,48 + 1,47 eutelsat com. (ETL) G a 3,69 3,65 - 1,99 - 14,12 PeuGeot inVest (PEUG) g a 117,6 118 + 0,17 + 16,37 243739 3,312 + 0,55 3,57 11,08
307 103,5 - 1,43 110 174393 3,73 - 5,54 4,528 4683 118 + 9,67 119,6 FI0009000681 29/01/24 0,02 5.613.496.565 3,278 - 24,2 3,012 0,91
MC0000031187 10/10/23 1,2 24.516.661 102 + 6,7 99 1,16 FR0010221234 17/11/22 0,93 475.178.378 3,642 - 39,92 3,382 FR0000064784 19/05/23 1 24.922.589 117,2 + 16,14 96,3 2,42
BalYo (BALYO) g c 0,686 0,669 - 4,43 - 19,3 eXail tecHnoloGies (EXA) g B 22,7 22,9 + 18,65 PluXee (PLX) L a 25,95 26,845 + 3,17
PHarmaGest int. (PHA) g a 50,4 50,5 + 0,2 - 17,35
27691 0,686 - 9,1 0,839 19216 23,05 + 7,01 23,75 3242 50,8 + 4,88 61,1 212217 26,85 + 0,17 29,91
FR0013258399 34.356.767 0,605 + 2,76 0,605 FR0000062671 23/06/21 0,32 17.424.747 22,5 + 18,53 18,62 FR0012882389 03/07/23 1,15 15.174.125 50 - 31,2 46,15 2,28 NL0015001W49 147.174.692 25,935 24,71
BastiDe le conFort (BLC) g c 16,46 16,54 - 38,28 eXclusiVe netWorKs (EXN) a 20,85 20,95 - 0,24 + 7,88 Pierre & Vacances (VAC) g c 1,166 1,208 + 2,55 - 22,16 ses (SESG) LR 6,11 6,06 - 1,22 + 1,68
18790 16,98 -13,4 28 28573 21,1 +20,82 21,8 225644 1,212 - 4,13 1,588 502628 6,245 - 1,14 6,395
FR0000035370 07/01/22 0,27 7.352.928 16 - 48,39 16 FR0014005DA7 05/07/22 0,2 91.670.286 20,8 + 14,86 16,9 FR0000073041 19/03/12 0,7 454.437.269 1,166 - 24,41 1,142 LU0088087324 18/04/23 0,43 371.457.600 6,015 - 0,56 5,625 8,25
BelieVe (BLV) G a 15,74 15,82 + 0,76 + 50,67 FDJ (FDJ) G a 37,26 37,42 + 0,21 + 13,95 Plastic omnium (POM) G a 11,52 11,75 + 0,95 - 2,08 X-FaB silicon (XFAB) g a 7,05 7,03 - 0,85 - 30,94
18027 15,82 + 6,89 16,7 131803 37,46 - 4,74 39,46 133695 11,78 + 5,67 12,4 93412 7,12 - 5,57 10,3
FR0014003FE9 97.086.350 15,7 + 59,56 8,79 FR0013451333 05/05/23 1,37 191.000.000 37,1 - 0,9 32,28 3,66 FR0000124570 02/05/23 0,39 145.522.153 11,48 - 23,2 9,99 3,32
BE0974310428 130.781.669 6,995 - 18,68 6,79
Bénéteau (BEN) G B 13,4 13,6 + 1,34 + 8,97 FermentalG (FALG) g c 0,658 0,645 - 1,98 +113,58 PoXel (POXEL) g c 0,53 0,52 + 0,58 - 5,63
118348 13,78 + 9,5 13,86 121871 0,672 - 7,19 0,99 102137 0,53 +10,64 0,618
FR0000035164 21/06/23 0,42 82.789.840 13,4 - 14,57 10,72 3,09 FR0011271600 41.290.430 0,638 - 49,77 0,265 FR0012432516 41.089.187 0,501 - 31,58 0,364
Bic (BB) G a 63,35 63,85 + 0,24 + 1,59 PHaXiam tX (PHXM) c 2,95 2,95 - 0,34 - 35,87 QuaDient (QDT) g B 19,14 19,2 - 0,21 - 0,1 VAleurs Zone internationale
20267 63,85 - 5,27 69,7 4277 2,97 + 3,15 4,7 27903 19,24 - 0,83 20,45
FR0000120966 29/05/23 2,56 42.270.689 63,15 + 6,42 61,7 4,01 FR0011471135 60.751.054 2,905 - 62,89 2,78 FR0000120560 03/08/23 0,6 34.468.912 19,04 + 18,81 18,86 3,13 General electric (GNE) a 162,5 163,5 + 0,62 + 42,17
BiGBen int. (BIG) g c 2,36 2,36 + 0,86 - 31,79 Fnac DartY (FNAC) G a 27,98 27,42 - 2,21 - 0,29 rallYe (RAL) a 0,033 0,036 - 0,55 - 73,01 1258 164,5 +16,37 164,5
12161 2,4 -13,08 3,88 22659 28,3 +11,55 29,1 559171 0,037 -64,46 0,169 US3696043013 USD 27/12/23 0,07 1.092.668.140 162,5 + 92,35 109
FR0000074072 27/07/22 0,3 18.538.970 2,34 - 54,7 2,33 FR0011476928 13/06/23 1,4 27.778.578 27,42 - 21,21 23,1 5,11 FR0000060618 20/05/19 1 52.925.203 0,033 - 98,31 0,033 scHlumBerGer (SLB) a 50,43 50,07 - 0,32 + 6,44 3,45
BiomérieuX (BIM) G a 99,7 100,6 + 0,4 Foncière lYonnaise (FLY) a 68,2 67,8 - 0,59 + 1,19 ramsaY GDs (GDS) a 14,55 14,55 - 0,34 - 23,42 2124 50,86 + 9,71 50,86
179003 100,6 - 3,69 106 12 68,6 - 2,02 71,2 188 14,55 -19,17 19,9 AN8068571086 USD 06/02/24 0,28 1.427.000.000 49,95 + 12,64 43,46
FR0013280286 06/06/23 0,85 118.361.220 98,76 + 1,99 94,26 0,85 FR0000033409 17/04/23 4,2 42.885.672 67,8 - 17,52 64 FR0000044471 02/12/14 1,4 110.389.690 14,45 - 25,19 13,9
total enerGies GaBon (EC) a 163 162,8 - 0,12 + 3,69
Boiron (BOI) g a 33 33,1 - 0,06 - 17,7 ForVia (FRVIA) LR a 13,685 13,68 - 0,55 - 33,01 rémY cointreau (RCO) R a 91,8 92,36 + 0,61 - 19,69 666 165 + 3,69 168,2
2917 33,1 - 8,11 42,8 1010981 14,05 - 3,12 21,17 102784 93,06 - 8,69 114,9
FR0000061129 18/10/23 10,36 17.545.408 32,88 - 18,17 32,48 31,3 FR0000121147 03/06/21 1 197.089.340 13,545 - 27,77 12,17 FR0000130395 28/09/23 3 51.252.969 90,8 - 45,86 86,98 3,25 GA0000121459 07/06/23 20,8 4.500.000 161,6 - 1,93 150,6 12,78
Bolloré (BOL) G a 6,15 6,19 + 0,57 + 9,46 Gecina (GFC) LR a 93,15 92,8 - 0,38 - 15,71 reXel (RXL) LR a 25,3 25,34 + 0,08 + 2,3
493827 6,205 - 0,56 6,38 124993 93,95 - 0,8 111,1 749052 25,49 + 4,02 25,57
FR0000039299 05/09/23 0,02 2.849.681.316 6,14 + 9,07 5,615 0,32 FR0010040865 04/03/24 2,65 76.670.861 92,6 - 2,21 86,4 FR0010451203 09/05/23 1,2 300.720.235 25,09 + 12,42 22,98 4,74
BonDuelle (BON) g B 7,7 7,51 - 2,34 - 31,35 GenFit (GNFT) G B 3,27 3,325 + 2,47 - 6,07 roBertet s.a. (RBT) B 812 791 - 2,35 - 4,7
24109 7,73 -22,58 10,94 103341 3,325 - 1,48 3,87 228 812 - 0,5 831
FR0000063935 02/01/24 0,25 32.630.114 7,51 - 39,14 7,51 3,33 FR0004163111 49.834.983 3,26 - 11,85 3,13 FR0000039091 29/06/23 8,5 2.167.745 786 - 8,66 762 1,08
Bureau Veritas (BVI) LR a 28,29 27,74 - 0,68 + 21,29 GensiGHt (SIGHT) g B 0,441 0,447 + 1,94 - 2,83 ruBis (RUI) G a 27,4 27,4 - 0,07 + 21,78
786741 28,43 + 2,63 28,56 36323 0,452 +12,45 0,598 DiV 2 28/07/17 183347 27,68 +11,29 27,8
FR0006174348 04/07/23 0,77 453.745.520 27,58 + 6,37 22,52 2,78 FR0013183985 78.370.724 0,438 - 81,11 0,3 FR0013269123 13/06/23 1,92 103.574.490 27,34 + 12,62 22,5 7,01
carmila (CARM) g c 16,3 16,2 - 0,86 + 3,98 GerarD Perrier (PERR) B 99,2 99 - 0,2 - 0,8 sartorius steD. Bio. (DIM) G a 275 280 + 1,41 + 16,91
42381 16,4 + 5,88 16,54 184 99,6 + 1,02 102 DiV 6 10/05/16 37454 281 +10,37 281
FR0010828137 15/05/23 1,17 142.441.073 16,12 + 18,25 14,72 FR0000061459 19/06/23 2,15 3.973.148 98,2 + 2,06 94 2,17 FR0013154002 30/03/23 1,44 97.330.405 275 - 8,08 216 0,51
33 Les Echos Lundi 25 mars 2024 FINANCE & MARCHÉS

carnet
PORTRAIT
par Julie Le Bolzer
ENTREPRISES Nathalie Moreau, 53 ans, est diplô-
mée en droit et en gestion des res- +
EBAY
Sarah Tayeb
sources humaines. Elle a occupé
durant seize ans des postes dans
Ils sont nés
un 25 mars
Philippe Chainieux, devient directrice générale
pour la France de la plateforme
les ressources humaines de Carre-
four. En 2011, elle a rejoint l’ensei-
d’e-commerce eBay.
pilote de La Centrale gne Fnac en qualité de directrice
des opérations RH de la société •cofondateur
Antoine Bello, écrivain,
Sarah Tayeb, 41 ans, titulaire d’un FNAC Relais avant de se voir d’Ubiqus,
master en marketing et communi- confier la direction RH des opéra- 54 ans.
« Je suis passé des rencontres en ligne, à la décoration et,
maintenant, à l’automobile », résume Philippe Chainieux,
cation du Celsa, a rejoint eBay
en 2013. Elle a couvert les opéra-
tions du réseau pour la France et la
Suisse jusqu’en 2015. Elle est
•CEO
Julie Bonamy-Racine,
de Saint-Gobain & Certain
DR

le nouveau directeur général du groupe La Centrale. Pour tions merchandising, puis assuré ensuite devenue directrice des res- Teed Canada, 40 ans.
cet ancien dirigeant de Meetic et de Made.com, sourire
franc et abord engageant, ce parcours illustre son atta- sciences », le Nîmois d’origine « monte en région parisien-
la direction de la vente entre parti-
culiers dès 2016. Deux ans plus
sources humaines du groupe
Emeria.
•peintre
Daniel Buren,
et sculpteur, 86 ans.
chement à ce qui « touche la vie des gens ».
Désormais pilote opérationnel de La Centrale, dont il
ne pour la première fois » afin d’intégrer la prestigieuse
prépa Ginette (le lycée privé Saint-Geneviève à
tard, elle avait été promue respon-
sable des vendeurs (particuliers et
•directeur
Sébastien Floc’h,
général de Sill
ONG
est le président depuis 2022, l’homme de 51 ans roule « à Versailles). professionnels) du marché fran- Entreprises, 46 ans.
la croisée des chemins entre le pouvoir d’achat, la mobilité
ou encore la transition énergétique ». « L’automobile est
Aux prémices d’Internet, alors étudiant à Centrale, et
à une époque où les startupeurs étaient loin d’être stari-
çais avant de prendre la direction
des ventes et category manage-
VITAL VOICES
Emmanuelle Errera
•deThierry Garnier, PDG
Kingfisher, président
autant un produit qu’un sujet sociétal », résume celui qui sés, il cofonde SC Multimédia, éditeur d’applications ment à partir de 2021. est la nouvelle directrice de l’European DIY Retail
entend « donner des clés de lecture aux consommateurs ». Web revendu quatre ans plus tard à une ETI québécoise. des relations extérieures Association et du Global Home
Fondée en 1969 sous la forme d’un journal de petites Suivra la FNAC, où il contribuera au développement APICIL de cette ONG internationale Improvement Network, 58 ans.
annonces « que l’on trouvait dans tous les foyers fran-
çais », dit-il, l’entreprise (baptisée à l’origine « La Centra-
du site d’e-commerce, avant de rejoindre Marc Simon-
cini chez iFrance, puis chez Meetic. De quoi « mettre à
Jean-Yves Parmantier
est le nouveau directeur
cofondée par Hillary Clinton
et Madeleine Albright et vouée
•chanteur,
Elton John,
77 ans.
le des particuliers ») s’est dotée d’une plateforme de
transactions en ligne en 1999. Vingt-cinq ans plus tard,
[s]on CV dix ans de rencontres en ligne ». Durant cette
« période ressemblant à une succession de premières
général d’Apicil Asset
Management, filiale de gestion
à promouvoir la voix
des femmes dans le monde.
•double
Wladimir Klitschko, boxeur,
champion du monde des
le site référence 300.000 véhicules et totalise 7 millions fois », il vit de l’intérieur une introduction en Bourse et d’actifs du groupe. poids lourds, 77 ans.
de visiteurs uniques par mois. En 2023, il a enregistré
800.000 transactions de ventes d’automobiles d’occa-
un déploiement « sur tous les continents ».
Une fois Meetic entré dans le giron de Match.com, ce Jean-Yves Parmantier, 46 ans, titu-
Emmanuelle Errera, 52 ans, titu-
laire d’une maîtrise de communi-
•ancien
Didier Le Bret, diplomate,
coordinateur national
sion aux particuliers, « soit 200 millions d’euros de valeur père de trois enfants traverse la Manche pour diriger, à laire d’un DUT en gestion des cation, a d’abord mis en place du Renseignement, 61 ans.
brute de rachat », et effectué gratuitement 20 millions de
cotations, « la moitié du parc automobile français ».
Londres, le pure player du meuble design Made.com.
Avant de rejoindre La Centrale. « Philippe est un vrai
entreprises et des administrations
et d’un master en finance, compta-
entre 2006 et 2008, la direction de
la communication, des relations
•etRyan Lewis, producteur
DJ, 36 ans.
S’ajoutent à ces activités le site d’informations Caradi-
siac et Promoneuve, plateforme de déstockage de voitu-
stratège, et son parcours dans des scale-up démontre sa ca-
pacité à faire passer les organisations au niveau supé-
bilité et gestion de l’Inseec, a
d’abord travaillé pour les groupes
publiques et des événements pour
la région Asie-Pacifique du Club
•actrice,
Katharine McPhee,
40 ans.
res peu kilométrées. Le tout cédé en 2021 par le groupe
de média allemand Axel Springer au fonds américain
rieur », juge Sandrine Leonardi, elle aussi ancienne
d’iFrance et de Meetic, aujourd’hui directrice des opéra-
Eiffage, NGE et Routin. Il a ensuite
exercé durant près de dix ans chez
Méditerranée avant d’être direc-
trice de la presse et des relations
•architecte,
Brigitte Métra,
70 ans.
Providence Equity Partners. tions chez Angell Mobility. L’intéressé, lui, dit avoir « be-
soin d’un peu de passion » dans tout ce qu’il entreprend.
Deloitte. C’est en 2011 qu’il a intégré
Apicil en tant qu’auditeur interne.
publiques jusqu’en 2012. L’année
suivante, elle a fondé une société
•58Luc
ans.
Mory, ex-PDG de Naf-Naf,

Dix ans de rencontres en ligne

« Notre métier est resté le même : mettre en relation ache-
Ses sas de décompression, il les trouve dans le sport
(course à pied, vélo, tennis, ski…) et dans les lectures
Deux ans plus tard, il avait pris la
direction de l’audit interne.
de communication entre Bruxel-
les, Londres et Paris. En 2021, elle
•actrice,
Sarah Jessica Parker,
59 ans.
teurs et vendeurs. Mais nous sommes devenus une société
de technologies et la moitié de nos 300 collaborateurs sont
éclectiques, depuis des ouvrages portant sur l’histoire
du XXe siècle, jusqu’au roman « Le Zéro et l’infini », écrit SPIE BATIGNOLLES
était devenue directrice de la com-
munication, du marketing et de
•président
Gregory Salinger, ancien
de Videdressing, 58 ans.
des profils tech », souligne-t-il, en faisant part de « gros in-
vestissements en cours dans l’intelligence artificielle ».
à l’aube de la Seconde Guerre mondiale par l’essayiste
hongro-britannique Arthur Koestler.
Nathalie Moreau
est la nouvelle directrice
l’événementiel au Women’s
Forum for the economy and
•militante
Gloria Steinem,
féministe, 90 ans.
Sans préciser les montants.
Bien qu’il ne se définisse pas comme un « geek », cet
Pour l’heure, il entend maintenir La Centrale dans la
position de « tiers de confiance » sur le marché de l’auto-
des ressources humaines
de ce groupe de construction.
society (groupe Publicis). •homme
Philippe de Villiers,
politique, fondateur
aîné de deux garçons, fils d’une employée de bureau et mobile d’occasion, « au même titre qu’un notaire valide la A ce titre, elle intègre du Mouvement pour la France
d’un sous-officier de l’aéronavale, affiche une carrière
empreinte de numérique. Fort de « résultats corrects en
véracité des informations lors d’une transaction immobi-
lière ». n
le comité de direction
générale. , Envoyez vos nominations à
carnetlesechos@nomination.fr
(MPF), créateur du parc
du Puy du Fou, 75 ans.

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euronext hors srd Françaises euronext hors srd suite Françaises euronext hors srd suite Françaises taux marchés monétaires et eurodevises
marchés monétaires
22-03-2024 jour 1 mois 3 mois 6 mois 1 an
isin valeur ouv +ht +bs clôt écart vol isin valeur ouv +ht +bs clôt écart vol isin valeur ouv +ht +bs clôt écart vol
Zone euro 3,92/3,62 4,08/3,78 4,05/3,75 3,93/3,63 3,67/3,37
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ecarts de tauX avec l’allemaGne
Fr0013185857 abeo g C 11,9 11,9 11,5 11,5 - 4,17 2273 Fr0000066755 haulotte Group g B 2,45 2,45 2,2 2,32 - 5,31 40135 Fr0000078321 soditech C 1,23 1,23 1,23 1,23 - 13,99 1500 22-03-2024 6 mois 2 ans 5 ans 7 ans 10 ans
Fr0012616852 abionyX pharma g B 0,93 0,949 0,93 0,944 + 0,96 16303 Fr0000054231 hiGh co. g C 2,75 2,75 2,73 2,73 + 1,49 2483 Fr00140006o9 solocal Group B 0,043 0,045 0,043 0,043 + 0,46 42083 allemaGne 98,50 2,87 2,36 2,36 2,40
Fr0000064602 acanthe dev. C 0,37 0,37 0,36 0,37 5507 Fr0012821916 hipay Group g C 6,5 6,52 6,18 6,48 - 1,22 957 Fr0011289040 sqli g C 43 43 43 43 1050 portuGal 0 -0,10 0,18 0,29 0,56
Fr0000076861 acteos g C 1,27 1,31 1,27 1,27 - 4,15 474 Fr0000065278 hopscotch Groupe g 18,5 18,9 18,5 18,8 + 1,62 615 Fr001400bmh7 teract B 1,345 1,65 1,185 1,25 - 1,19 286197 France -0,32 0,06 0,31 0,31 0,48
Fr0012821890 aduX g C 1,19 1,19 1,19 1,19 1006 Fr0004165801 hotels de paris C 3,02 3,02 3,02 3,02 1351 Fr0000033003 touaX g C 4,76 4,86 4,7 4,76 + 1,06 6089 espaGne -0,18 0,36 0,54 0,62 0,80
Fr0014007Zb4 aelis Farma B 13,45 13,45 13,45 13,45 + 0,37 1001 Fr0014003vy4 hydroGÞne France G B 6,34 6,34 6,25 6,34 + 0,32 4240 Fr0000036816 tour eiFFel g B 9,48 9,78 9,44 9,62 + 1,48 3388
italie -0,23 0,39 3,18 1,01 1,27
Fr0013333077 aFFluent medical B 1,73 1,75 1,715 1,715 - 0,58 1864 Fr0000051393 idi B 71,2 71,4 70,8 71,4 + 0,56 912 Fr0000035784 transit.everGreen G C 2,15 2,24 2,07 2,15 13441
Fr0000053837 altamir B 24,4 24,5 24 24 - 2,04 456 Fr0000033243 immo. dassault B 46,3 46,4 46 46,3 - 0,22 660 Fr0000074197 union tech.inFor. g C 0,585 0,59 0,55 0,59 13063
Fr001400jWr8 arverne Group B 8,1 8,1 7,996 7,996 - 1,35 794 Fr0000066219 ind.Fin.entr. C 61 61 61 61 15459 Fr0000050049 viel et cie C 8,5 8,6 8,46 8,54 + 0,71 17669 certificat/fonds investir 10
Fr0011992700 ateme g B 4,38 4,4 4,02 4,18 + 2,45 23424 Fr0000071797 inFotel g C 48,9 49,5 48,9 49,3 + 0,82 1020 Fr0000062796 vranken - pommery C 15,45 15,9 15,45 15,9 + 1,6 1512
valeur isin clôt % var.
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Fr0000062788 barbara bui C 7,2 7,2 7,2 7,2 - 8,86 299 Fr0000066607 lacroiX Group g C 25 25 24,7 24,7 - 0,4 1253
Fr0004023208 bassac B 41,5 41,9 41,4 41,5 1300 Fr001400jy13 latecoere g C 0,014 0,014 0,014 0,014 - 0,71 1224995
changes cours au comptant
Fr0000035370 bastide conF.med. g C 16,46 16,98 16 16,54 18790 Fr0014009yq1 lhyFe B 4,215 4,215 4,06 4,095 - 2,85 13767
Fr0000039299 bollore G A 6,15 6,205 6,14 6,19 + 0,57 493827 Fr0012634822 maat pharma C 8,8 9,14 8,8 9,1 + 3,88 1189
22-03-2024 cours
var.
veille
var.
année sicav/fcp
1 euro en devise bce en % en %
classiFication

val. unit date dernier

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DOLLAR US 1,0807 -0,51 -2,08 code isin des valeurs en euros** valor. en euros**
mont. date
Fr0000045544 ca toulouse 31 cci C 60,25 60,5 58,06 59,99 - 0,43 887 Fr0000051070 maurel et prom g B 5,5 5,52 5,43 5,43 - 1,54 86580 LIVRE STERLING 0,8587 0,06 -0,99
Fr0010151589 caFom C 8,98 8,98 8,82 8,82 - 1,78 1929 Fr0000060873 mbWs g C 3,06 3,09 3 3,02 - 2,27 18670 FRANC SUISSE 0,9716 -0,38 4,60
Mirabaud Asset Management
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Fr0010193979 cbo territoria C 3,67 3,69 3,67 3,69 + 0,55 12271 Fr0010298620 memscap g C 9,12 9,14 8,94 8,94 + 0,22 18462 www.mirabaud.com
COURONNE NORV. 11,6178 0,27 3,49 marketing@mirabaud-am.com
Fr0000053506 ceGedim B 15,94 16,2 15,94 16,06 + 0,75 322 Fr001400ie67 myhotelmatch C 0,598 0,62 0,552 0,62 + 4,03 46604 KUNA CROATE 7,5347 -0,01 -4,65
Fr0013426004 claranova se g B 2,505 2,6 2,48 2,485 - 1,78 130949 Fr0013482791 nacon sas B 1,156 1,18 1,144 1,158 - 0,17 40781 COURONNE SUEDOISE 11,4144 0,39 2,49 A la recherche d’une
Fr0000185506 crcam atl. vendee C 75,49 77,4 74,02 77,4 + 2,52 468 Fr0004050250 neurones B 46 46 45,1 45,2 - 1,42 4541 DOLLAR CANADIEN 1,4707 0,07 0,54
gestion active de conviction ?
Fr0010483768 crcam brie pic. cc B 17,98 18 17,81 17,9 3192 Fr0012650166 nhoa g C 0,58 0,58 0,55 0,566 - 1,39 75435 YEN JAPONAIS 163,58 -0,63 5,09
Fr0000045213 crcam ille-vilaine C 55,49 56 55 56 + 0,9 237 Fr0000121691 nrj Group B 7,64 7,86 7,64 7,8 - 0,26 20243 DOLLAR AUSTRALIEN 1,658 0,29 2,31 Retrouvez plus de détails
Fr0000045239 crcam loire haute C 54,5 54,99 51,5 54,89 - 1,98 1520 Fr0000052680 oeneo g B 9,82 9,98 9,82 9,82 948 ROUBLE RUSSE 99,5511 -0,24 1,07 sur notre site internet :
Fr0000045551 crcam morbihan C 59 59,99 58,01 58,01 - 1,68 235 Fr0010428771 ol Groupe g C 2,11 2,11 2,08 2,08 855 ROUPIE INDIENNE 90,297 -0,10 -1,65 www.mirabaud-am.com
Fr0000185514 crcam nord Fr. B 11,92 11,92 11,82 11,85 - 0,57 2130 Fr0000075392 orapi g C 6,5 6,5 6,48 6,48 - 0,61 810 DOLLAR NEO-ZELANDAIS 1,8028 0,33 3,23
Fr0000044364 crcam norm. seine C 74,5 74,5 72,5 72,5 - 2,69 463 Fr0010609206 oreGe C 0,332 0,358 0,332 0,357 + 5,31 6958 COURONNE TCHEQUE 25,342 0,16 2,64
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val. unit date dernier

désiGnation hors Frais de la dividende net
Fr0000062978 dekuple g C 29,5 29,6 29,3 29,6 + 0,34 279 Fr0012127173 ose immuno g C 4,76 4,885 4,69 4,8 - 0,52 79202 FORINT HONGROIS 396,8915 0,65 3,77 code isin des valeurs en euros** valor. en euros**
mont. date
Fr0013283108 delta plus Group g B 72 72,3 70 70,1 - 3,04 2368 Fr0010263202 pareF g C 39,6 40,6 39,6 40,6 + 2,01 431 ZLOTY POLONAIS 4,3215 0,35 -0,29
Fr0012202497 diaGnostic medicalg C 1,135 1,16 1,125 1,155 + 0,44 6659 Fr0004038263 parrot B 2,41 2,44 2,32 2,36 - 1,26 5956 LEV BULGARE 1,9553 0,02 -0,01 Banque Cantonale de
Fr0000031023 elect.strasbourG B 116 116 112,5 115 + 0,44 248 Fr0000038465 passat g C 5,2 5,2 5,15 5,15 - 2,83 529 DOLLAR HONG-KONG 8,4524 -0,51 -2,09 Genève (France) SA
Fr0000062341 F.i.e.b.m. C 10,4 10,4 10,4 10,4 - 7,14 1741 Fr0011027135 patrimoine et comm B 19 19,6 19 19,6 + 1,03 1657 WON SUD COREEN 1452,34 0,28 1,65 Tél. 04 72 07 31 50
Fr0000038184 F.i.p.p. C 0,111 0,111 0,111 0,111 300 Fr0011471135 phaXiam tX C 2,95 2,97 2,905 2,95 - 0,34 4277 PESO MEXICAIN 18,1201 -0,34 -3,26
Fr0011271600 FermentalG C 0,658 0,672 0,638 0,645 - 1,98 121871 Fr0013252186 plastiques du val g C 2,8 2,86 2,74 2,82 - 0,7 9660
bcgef.fr/fonds
g REAL 5,3967 -0,15 0,74
Fr0011665280 FiGeac aero g C 5,5 5,5 5,44 5,44 - 1,09 3824 Fr0012432516 poXel g C 0,53 0,53 0,501 0,52 + 0,58 102137 DOLLAR SINGAPOUR 1,4585 -0,07 -0,03
LU2004923152 sWiss all caps (chF) eur a 147,75 21/03
Fr0014005sb3 Forsee poWer sa B 1,57 1,58 1,53 1,58 + 0,77 39186 Fr0004052561 proactis C 0,047 0,057 0,047 0,057+ 3,67 5800 RAND SUD-AFRICAIN 20,5572 0,48 1,79
LU2004923749 sWiss small & mid caps (chF) eur a 125,21 21/03
Fr0013030152 Francaise enerGie g C 32,65 34,15 31,95 32,35 - 1,07 59432 Fr0012613610 prodWays Group g C 0,74 0,74 0,721 0,74 + 4,82 36214 LIVRE TURQUE 34,6249 -0,89 6,51
Fr0010588079 Frey B 27 27,6 27 27,6 591 Fr0013344173 roche bobois sa B 44,4 44,4 43,5 43,6 - 0,68 669
LU2404427101 eu all caps a 101,64 21/03
G RENMIBI YUAN 7,8126 -0,11 0,04
Fr0000061459 Gerard perrier B 99,2 99,6 98,2 99 - 0,2 184 Fr0000054199 s.t. dupont C 0,058 0,059 0,058 0,059 + 1,72 25210 RUPIAH 17104,1839 0,13 0,71
LU2404427523 World qualiliFe stocks a 80,76 21/03
Fr0000065971 Graines voltZ C 26,8 26,8 25,1 26,75 334 Fr0000060071 samse B 188 192,5 187,5 190 - 0,78 322 PESO PHILIPPIN 60,9028 0,08 -0,47 LU1626130816 silk road Zone stocks a 117,35 21/03
Fr0010214064 Groupe piZZorno C 58,4 62,2 58,2 61 + 3,74 814 Fr0000039109 seche environnem. g B 111,2 111,8 108,4 109,6 - 1,79 3641 RINGGIT MALTAIS 5,1205 -0,01 0,97 LU0851564038 balanced (eur) a 138,07 21/03
Fr0004155000 Groupe sFpi g C 1,934 1,94 1,928 1,94 + 0,31 1822 Fr0011950682 serGeFerrari Gp g C 5,87 5,89 5,84 5,89 + 0,34 2071 BATH THALANDAIS 39,315 -0,23 3,37 LU0851564384 dynamic (eur) a 172,94 21/03

@Valeur unitaire hors frais : valeur de la part ou de l’action hors droits d’entrée ou de sortie éventuels. Les SICAV éligibles au PEA sont signalées par un astérisque *. Le pictogramme P indique la cotation d’un FCP. Classification des OPCVM : actions françaises (AF), actions de la zone EURO (AE), actions internationales (AI), monétaires EURO (ME), monétaires à
vocation internationale (MI), obligations et autres titres de créances libellés en EURO (OE), obligations et autres titres de créances internationaux (OI), sicav luxembourgeoises (LX), diversifiés (DI), garantis ou assortis d’une protection (GP). ** : en euros ou dans la devise indiquée dans la colonne «DÉSIGNATION DES VALEURS».

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PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL Pierre Louette RÉDACTEURS EN CHEF Fabien Laborde ET DES REVENUS CLIENTS Nicolas Danard Tél. : 01 70 37 61 36 Eutrophisation : Ptot 0.01kg/tonne de papier
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& PRÉSIDENT DE LA SAS LES ECHOS Pierre Louette Muriel Jasor (Leadership et Management) Cécile Cornudet, Sabine Delanglade, Fabrice Février DÉLÉGUÉ À LA PROTECTION
Edité par Les Echos, SAS au capital de 794.240 euros RCS 582 071 437 Arnaud Le Gal (Les Echos Entrepreneurs Ce numéro comporte
Eric Le Boucher, Jean-Francis Pécresse, DES DONNÉES PERSONNELLES un 3e cahier supplément
10, boulevard de Grenelle, CS10817, 75738 Paris Cedex 15 et opérations spéciales) Jean-Marc Vittori, Xavier Genovesi de 8 pages
Tél. : 01 87 39 70 00. www.lesechos.fr Etienne Lefebvre (France et International) Laurent Flallo, Sylvie Ramadier (Le Crible) dpo@lesechosleparisien.fr «Les Echos Start»
 Lundi 25 mars 2024 Les Echos 34

ÉCONOMIE DURABLE
ENJEUX Dans l’environnement, le numérique ou le « sociétal », transition rime de plus en plus avec féminisation et inclusion. La preuve
avec les porteuses de projets au premier plan à ChangeNUW, le sommet des solutions pour la planète, à Paris jusqu’au 27 mars.

Economie nouvelle génération :

les femmes sur tous les fronts
Julie Le Bolzer raire de l’Inspection générale des
affaires sociales (Igas), ancienne
es clichés ont le cuir épais. présidente du Haut Conseil à l’éga-

L Selon une étude de la Drees

(Direction de la recherche,
des études, de l’évaluation et des sta-
tistiques), 21 % des répondants esti-
ment que les hommes sont de
meilleurs managers et 20 % que
« les femmes devraient rester à la
maison pour élever leurs enfants ».
« Et si les stéréotypes sur les femmes,
censées entretenir un rapport rai-
sonné au risque et à l’argent, et être
davantage motivées par le sens que
par le gain de puissance, se révélaient
des moteurs de projets à impact ? »,
interroge Viviane de Beaufort, la
fondatrice des programmes Wo-
men de l’Essec et du club Généra-
tion #Startuppeuse, qui a accompa-
gné une centaine d’entrepreneures
depuis sa création, en 2017.
Sur le front des transitions envi-
ronnementale, sociétale, énergéti-
que, numérique et autres, les fem-
mes ne sont effectivement pas aux
abonnés absents. « Sans dire
qu’elles sont davantage conscientes
ou collaboratives que les hommes,
elles sont plus nombreuses à s’enga-
ger en faveur d’une société plus
humaine, solidaire, inclusive, dura-
ble et conscientisée face aux enjeux »,
observe Céline Viala, professeure
d’entrepreneuriat à l’ESCE, à qui
l’on doit l’incubateur en ligne
DreamTakeoff.
Consommation
plus vertueuse
La prise à bras-le-corps des problè-
mes de fond est la même dans les
pays développés et loin des repères
occidentaux. Ici, une étude du Pew
Research Center pointe une préoc-
cupation pour le changement cli-
matique plus importante chez les
femmes. Là, un rapport du Fonds
Les stéréotypes sexistes limitent le nombre de femmes dans certains secteurs. Photo Shutterstock
international de développement
agricole montre que ces dernières
œuvrent plus fréquemment à trou-
ver des améliorations concrètes
pour leurs communautés.
Ailleurs, il apparaît que l’accès
des femmes aux innovations tech-
nologiques est mis à profit pour des
modes de consommation plus ver-
tueux et une meilleure santé des
membres du foyer. Une raison prag-
matique à cela : « Si les femmes sont
généralement les premières à réagir
face aux crises, c’est parce qu’elles
sont davantage exposées », glisse
Garance Aulagne, à l’origine du pro-
gramme Women for Change de
ChangeNOW, en rappelant que la
vulnérabilité est exacerbée par les
inégalités, notamment de genre.
En tant que communauté d’ac-
teurs du changement, ChangeNOW
fait également office d’observatoire
des tendances. Et son fondateur,
Santiago Lefebvre, fait part d’initia-
tives tous azimuts pour le bien com-
mun. « Des projets naissent dans la
santé, l’éducation, l’inclusion, la
réduction des déchets, la décarbona-
tion, l’agriculture, la ville durable, la
protection de l’eau… sous forme
d’entreprises, mais aussi parfois
d’associations ou de réseaux », dit-il.
Mais si cela traduit une volonté « de
projets professionnels congruents
avec les convictions de citoyens enga-
gés », dixit Céline Viala, les stéréoty-
pes ne sont jamais loin. Et, une fois
n’est pas coutume, tout n’est pas rose
pour les femmes entrepreneures.
« L’accès aux fonds est toujours
fortement inégalitaire, au détriment
des femmes », rappelle Brigitte
Grésy, inspectrice générale hono-
lité entre les femmes et les hommes.
Et de rappeler qu’« au vu du dernier
baromètre Sista/BCG, 88 % des fonds
sont drainés par les hommes ».
Emancipation économique
Convaincue que « la transition éco-
logique et numérique ne peut se faire
sans une transition vers l’égalité fem-
mes-hommes », Brigitte Grésy
prône tout autant l’éga-condition-
nalité (ou conditionnement des
financements publics à l’égalité
femmes-hommes), qu’« une trans-
formation en profondeur de notre
société pour que l’émancipation éco-
nomique des femmes ne s’effectue
pas au prix d’une charge mentale et
émotionnelle trop lourde ».
Outre les biais de genre, le frein
financier a parfois d’autres origines.
« Il y a encore beaucoup de “green-
washing” derrière les discours des
investisseurs et nombre d’entre eux
font preuve d’une totale mécompré-
hension de l’entrepreneuriat dura-
ble », pointe Céline Viala. Avant
même les étapes de l’incubation et
de la levée de fonds, les habitudes
sociétales et les stéréotypes sexistes
limitent le nombre de femmes dans
certains secteurs.
« Avant la réforme du bac de 2019,
il y avait une parité dans ce qui
s’appelait encore la terminale S et qui
n’existe plus aujourd’hui. Mais,
depuis, tous les efforts de vingt-cinq
ans pour atteindre cette parité ont été
anéantis », souligne Amel Kefif, la
directrice générale de l’association
Elles bougent. Lever les biais
s’impose donc d’autant plus que
« les jeunes, filles comme garçons,
sont prêts à s’engager, comme si
c’était une question de survie », con-
clut Brigitte Grésy. n

TROIS DOMAINES OÙ LES FEMMES FONT LA DIFFÉRENCE

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Egalité et inclusion Agriculture et alimentation Santé et habitat

Dans l’entreprise, les stratégies de diversité et d’inclusion
n’en finissent pas de montrer leurs avantages, tant sociaux
qu’économiques, en favorisant la créativité, l’innovation, la prise
de décision, la fidélisation des talents… Les organisations qui se
distinguent sur cette voie ont en commun la présence de femmes
au sein de leur équipe dirigeante. Sachant que, au-delà de la sphère
économique, c’est pour une société plus inclusive que nombre
de porteuses de projet s’engagent. n
Qu’ils émanent d’universités, de cabinets de conseil ou d’organisations
intergouvernementales, telles la Banque mondiale et l’Organisation des
Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, nombre de rapports
sur le changement climatique montrent le rôle clé des femmes dans
les démarches de prévention et d’adaptation. Ici, en faveur de cultures
durables, via des savoir-faire traditionnels, mais aussi grâce aux
nouvelles technologies. Là, en contribuant à la sécurité alimentaire dès
lors que l’accès à la terre est égal pour les femmes et les hommes. n
A l’heure des pénuries de médicaments, alors que le système
de santé est sous tension, l’innovation fait office de porte
de sortie. Dans ce secteur, les femtechs tricolores, ou start-up
dédiées à la santé féminine, figurent parmi les champions de
l’export. Sur le front de l’habitat, les femmes répondent là aussi
aux enjeux sociétaux et environnementaux, notamment en faveur
de l’accessibilité des logements, ou à grand renfort de matériaux
écologiques, biosourcés ou recyclés. n
PAR NATURE, LA FINANCE
ET LE CLIMAT N’ONT PAS
GRAND-CHOSE À VOIR.
VRAIMENT ?
Aujourd’hui, les professionnels de la finance doivent
combiner expertise financière et économie durable.
Notre MSc in Climate Change & Sustainable
Finance, en partenariat avec MINES Paris - PSL,
est destiné à former une nouvelle génération
de professionnels de la finance, dotés
des compétences et de l’engagement
nécessaires pour réussir la transition
vers une économie à faible
émission de carbone.

*Agissez sur le monde.

ÉCONOMIE DURABLE Lundi 25 mars 2024 Les Echos 36

« Les femmes sont à la pointe sur les objectifs

de développement durable des Nations unies »
INTERVIEW Elle-même entrepreneure sociale, Céline Mas décrypte les moteurs de l’entrepreneuriat des femmes, qui œuvrent
souvent « pour trouver des solutions à des problématiques d’utilité publique ».

Propos recueillis par Le principal frein à l’entrepre-

Julie Le Bolzer CÉLINE MAS neuriat des femmes est-il
Présidente du comité l’accès aux financements ?
la tête, en France, du comité ONU Femmes France ONU Femmes a souligné à plu-

A ONU Femmes, qui inter-

vient sur l’autonomie et
l’entrepreneuriat des femmes, Cé-
line Mas observe que, dans les pays
émergents, devenir entrepreneure*
relève souvent de la survie.
A propos des initiatives
émanant de femmes,
vous employez le terme
« entrepreneuriat répara-
teur » : de quoi s’agit-il ?
L’entité des Nations unies pour
l’égalité des sexes, ONU Femmes,
agit sur plusieurs piliers, parmi les-
quels l’autonomisation des fem-
mes, qui inclut l’entrepreneuriat.
Celui-ci est souvent perçu dans les
pays dits « développés » comme
une vocation, un métier, une pas-
sion… Tandis que, dans les pays
émergents, c’est bien souvent une
question de survie, partout sur la
planète, pas uniquement dans les
zones de conflit. Là où l’accès à la
nourriture, aux médicaments, aux
transports ou aux services publics
n’est plus garanti, devenir entrepre-
neure naît du besoin impérieux de
créer une solution.
Les initiatives des femmes ne
représentent donc pas que des
« petits business périphériques » :
c’est, dans bien des cas, de l’entre-
preneuriat réparateur et d’utilité
publique. ONU Femmes a créé par
exemple le programme Buy from
Women, au Rwanda et au Liberia,
afin d’aider les femmes agricultri-
ces à numériser leurs activités en
vue de développer une agriculture
durable.
L’environnement est-il un sujet
d’innovation pour les femmes
qui, selon un rapport de l’ONU,
sont les premières victimes du
changement climatique ?
Les femmes s’attaquent aux sujets
de société et sont à la pointe sur
l’ensemble des objectifs de dévelop-
pement durable des Nations unies :
énergies renouvelables, consom-
mation responsable, accès à l’eau, à
l’éducation, à la santé… Les exem-
ples ne manquent pas. En France,
Diarata N’Diaye a, par exemple, créé
l’application App-Elles, pour lutter
contre les violences faites aux fem-
mes. Fatoumata Ly et Chloé Bonnet
ont fondé les entreprises Ninti et Lyv
pour permettre aux femmes de
bénéficier de meilleurs soins,
notamment en situation d’endomé-
triose. Ces terrains sont moins inves-
tis par les hommes. Par ailleurs,
comme le montre une étude du
Réseau des entrepreneurs citoyens
(REC), l’entrepreneuriat des fem-
mes constitue un levier d’innova-
tion et d’inclusion à l’échelle locale,
avec un effet déterminant sur les ter-
ritoires plus fragiles.
sieurs reprises le sous-finance-
ment structurel des droits des fem-
mes dans le monde. En ce qui
concerne l’entrepreneuriat, l’étape
de la levée de fonds n’est pas à
l’avantage des femmes, surtout à
l’heure où les investissements sont
en baisse. Bien que cette situation
soit parfaitement documentée, une
résistance continue de s’exercer.
Elle est aggravée par l’absence de
véritable levier de formation des
femmes à la finance.
Mais la question du financement
n’est pas seule en cause. Partout, les
femmes doivent encore lutter con-
tre les violences sexistes, les inégali-
tés au travail, le moindre accès à
l’éducation… Au tant de points
essentiels qui freinent l’entrepre-
neuriat. Une fois entrepreneures,
s’ajou te la charge mentale do -
mestique, que les femmes portent
seules ou en plus grande partie.
Pour être efficaces, il est impéra-
tif de mieux flécher l’accompagne-
ment car chaque cas est spécifique.
Et rappeler aussi que nombre d’étu-
des montrent combien les entrepri-
ses dirigées par des femmes aux
côtés des hommes sont plus perfor-
mantes. Tout en contribuant au
développement de solutions dont la
planète et la société ont besoin. n
* Elle est cofondatrice de Love For Livres,
entreprise qui forme aux softs skills par
la littérature et les sciences cognitives. Céline Mas, entrepreneure et présidente du comité ONU Femmes France. Photo Christine Huet Morio

HABITAT DÉCARBONATION

Marguerite Pueyo, architecture durable au féminin
L’agence bordelaise est
lauréate du prix Les
Albums des jeunes archi-
tectes et paysagistes du
ministère de la Culture.
Frank Niedercorn
— Correspondant à Bordeaux
Marguerite Pueyo Architectes fait
partie des jeunes agences en vue.
Fondée à Bordeaux par Margot
Rieublanc et Justine Lajus-Pueyo,
elle a reçu en début d’année le prix
Les Albums des jeunes architectes
et des paysagistes (Ajap). Ce con-
cours organisé depuis 2001 par le
ministère de la Culture veut don-
ner « un coup de projecteur à une
nouvelle génération de profession-
nels, afin qu’elle soit mieux recon-
nue par les maîtres d’ouvrage ».
Cette récompense tombe au
bon moment pour la jeune entre-
prise née en 2020, qui a déjà livré
une dizaine de réalisations, princi-
palement des chantiers de rénova-
tion pour de l’habitat individuel,
menés pour des particuliers ou des
bailleurs sociaux. L’agence cher-
che en effet à se diversifier avec la
réalisation de bâtiments publics,
qu’il s’agisse de pépinières, de
bibliothèques ou de crèches. Des
projets qui donnent lieu à des con-
cours. « Faute de références et
d’expérience, nous n’avons jamais
été retenues. Avec le prix Ajap, très
connu chez les maîtres d’ouvrage,
on perçoit déjà un regard un peu dif-
férent », explique Justine Lajus-
Pueyo. Un prix qui récompense la
« qualité des projets » et la « perti-
nence » des « propositions architec-
turales, urbaines ou paysagères ». Il
s’attarde aussi sur « la cohérence de
leur démarche ». C’est sur ce der-
nier point que la jeune agence, déjà
dotée d’une forte identité, a sans
doute marqué des points.
Alors qu’elles étaient sur les
bancs de l’Ecole nationale supé-
De g. à dr. : Justine Lajus-
Pueyo, Margaux Moinard et
Margot Rieublanc. Photo DR
rieure d’architecture et de pay-
sage (Ensap) de Bordeaux, les
deux jeunes femmes avaient déjà
l’intention de créer leur agence.
Diplômées en 2016, elles choisis-
sent de parfaire leur formation
en agence. « En sortant de l’école,
il faut acquérir de l’expérience, car
les études sont assez peu profes-
sionnalisantes », assure Margot
Rieublanc. Avant de donner
corps à leur projet professionnel,
elles se lancent dans un voyage
d’études financé par le prix Dela-
no-Aldrich & Emerson, qui
accorde chaque année une
bourse de 15.000 dollars à un
jeune architecte français pour
découvrir les Etats-Unis.
Voyage « fondateur »
« Ce voyage d’études que nous
avons voulu en forme de manifeste
nous a permis de remettre à plat
nos idées avant de nous lancer dans
le métier », raconte Justine Lajus-
Pueyo. Elles choisissent en effet
comme thème l’architecture ver-
naculaire. Cette dernière s’est
illustrée aux Etats-Unis avec des
constructions simples, utilisant
des ressources et les méthodes
disponibles localement. « On
redécouvre aujourd’hui ces appro-
ches qui sont pourtant basées sur
les ressources très naturelles,
comme le fait d’implanter un bâti-
ment en fonction des vents domi-
nants pour faciliter la ventilation »,
précise Justine Lajus-Pueyo.
Le voyage de trois mois leur
fait parcourir l’est américain
depuis New York jusqu’à la Loui-
siane et donne lieu à la publica-
tion d’un ouvrage. Il se révèle
« fondateur » pour les deux tren-
tenaires et leur future agence, qui
privilégie la rénovation. « Nous
essayons toujours d’amener le
client à réaménager l’espace dont il
dispose avant de consommer de
l’espace supplémentaire. Pour
construire du neuf, nous pensons
qu’il faut avoir une bonne raison »,
résume Justine Lajus-Pueyo.
Cette volonté de construire du-
rable en privilégiant les maté-
riaux locaux n’est pas la marque
d’une architecture plus féminine,
« mais une question de généra-
tion », tranche Margot Rieublanc.
Les fondatrices revendiquent, en
revanche, une démarche fémi-
niste jusque dans le nom de leur
agence. « Margot est un dérivé du
prénom Marguerite et Pueyo, le
nom de la mère de Justine. C’est
une démarche conscientisée avec
une figure féminine rassemblant
nos deux identités. C’était voulu,
dans un secteur de l’architecture
qui met peu les femmes en avant »,
précise Margot Rieublanc.
Les deux cofondatrices, qui
interviennent beaucoup dans les
écoles d’architectures, n’envisa-
gent pas de faire croître une
agence dans laquelle elles tra-
vaillent désormais à trois. Pas
question de devenir des « gestion-
naires », répondent-elles : « Nous
voulons continuer à travailler sur
toutes les étapes d’un projet,
depuis les esquisses jusqu’au suivi
des chantiers. » n
Women’s Energy in Transition : ingénieures engagées
Parmi les lauréates et
finalistes de l’édition 2024
du prix créé par Dalkia,
nombre de professionnel-
les et d’étudiantes
œuvrent aussi au change-
ment à titre personnel.
A 23 ans, Elsa Gaubert cumule les
médailles, dont celle de cham-
pionne du monde de canoë bi-
place, décroché en Allemagne
en 2023. Future ingénieure, elle
voit la transition énergétique com-
me « une compétition où nous
n’avons pas le droit à l’erreur ».
« Que ce soit dans mon futur métier
ou dans mon sport, où je suis aux
premières loges pour observer la
qualité de l’eau et donc de l’environ-
nement, je veux m’engager,pour sen-
sibiliser le grand public aux enjeux
de la sobriété énergétique… et pour
rappeler que la meilleure énergie
sera celle que nous ne consomme-
rons pas », explique cette étudiante
en génie des procédés eau, énergie
et environnement, en cinquième
année à l’Insa Toulouse.
Son dernier titre ? Elle est l’une
des lauréates de la sixième édition
du prix Women’s Energy in Transi-
tion (dont « Les Echos » sont par-
tenaires), créé en 2018 par Sylvie
Jéhanno, la présidente de Dalkia,
filiale du groupe EDF. « Quand j’ai
rejoint Dalkia, l’entreprise comp-
tait 14 % de femmes dans ses effec-
tifs et j’ai trouvé dommage que les
jeunes femmes ne soient pas davan-
tage engagées dans les métiers de la
transition énergétique, qui sont pas-
sionnants, très porteurs et vecteurs
d’ascension sociale », explique la
dirigeante, en rappelant que,
selon l’Agence de la transition éco-
logique (Ademe), la stratégie bas-
carbone de la France pourrait con-
duire à « la création d’un million
d’emplois d’ici à 2050 ». D’où le lan-
cement du prix Women’s Energy
in Transition, dont l’ambition est
de valoriser, et de soutenir finan-
cièrement, des étudiantes et des
professionnelles en activité.
« L’une des forces de ce prix est
qu’il récompense des profils de tous
âges et de toutes formations, qui
partagent ensuite leur vécu et leur
expérience en vue de capter des jeu-
nes filles dans les cursus techniques
et technologiques », souligne Aline
Aubertin, la présidente de Fem-
mes ingénieures, association qui
figure parmi les partenaires du
prix, au même titre que Femmes
3000, Elles bougent ou encore
l’Université Paris-Saclay.
« Role models »
Jouer les « role models » sera donc
la mission d’Elsa Gaubert. Elle
aussi lauréate du prix Women’s
Energy in Transition 2024, dans la
catégorie « Femmes en activité »,
Ghada Boukhari, 30 ans, est pour
sa part chargée de portefeuille
clients chez Dalkia Sud-Ouest.
Titulaire d’un diplôme d’ingé-
nieure de l’Ecole nationale des
sciences et technologies avancées
de Borj Cédria, en Tunisie, elle a
également obtenu un master en
ingénierie commerciale. « Je me
suis tournée vers la vente car
j’estime qu’il n’y a pas meilleur
qu’un ingénieur pour expliquer les
Le prix Women’s Energy in Transition met à l’honneur
des étudiantes et des femmes en activité. Photo Sébastien d’Halloy
solutions de la transition énergéti-
que », indique-t-elle.
Ouvert aux candidates extérieu-
res au groupe EDF, le prix Women’s
Energy in Transition comptait
cette année parmi les finalistes
Vedika Pandya, 26 ans, ingénieure
diplômée de l’université de Bristol,
au Royaume-Uni, et de l’Ecole poly-
technique, spécialiste en décarbo-
nation industrielle et économie cir-
culaire chez Renault Group. « La
transition énergétique est possible
partout dans l’industrie, mais cela
implique des changements à tous les
niveaux. Notamment géopolitique,
puisqu’il est question d’approvision-
nement, et sociétal, car il s’agit de res-
ponsabiliser tout le monde », pointe
Vedika Pandya.
Répétant que « la transition
énergétique ne peut pas se priver de
la moitié de la population », Sylvie
Jéhanno insiste sur la nécessité de
« créer un choc d’attractivité pour
que les jeunes filles arrêtent de déser-
ter les maths au lycée ». Pour sa part,
le ministre de la Transition écologi-
que, Christophe Béchu, parrain de
l’édition 2024 du prix Women’s
Energy in Transition, a confirmé
que « le sujet n’est pas de savoir s’il y
aura du travail dans ce domaine,
mais de savoir comment rendre ces
métiers attractifs ». — J. L. B.
37 Les Echos Lundi 25 mars 2024
SOLIDARITÉS A 15 ans, elle a créé Aïda, une association qui accompagne les jeunes patients pendant et après leur hospitalisation.
Léa Moukanas, aux côtés des jeunes face à la maladie
Julie Le Bolzer
C haque année, 2.300 nou-
veaux cas de cancer sont
d é n o m b r é s e n Fr a n c e
chez les AJA, ces adolescents et
jeunes adultes âgés de 15 à 25 ans.
L’entrepreneure et autrice franco-
libanaise Léa Moukanas en a
rencontré plus d’un lorsqu’elle se
rendait au chevet de sa grand-mère
atteinte d’une leucémie fulgurante
en 2014. A l’époque, elle a 14 ans
et elle perçoit « une situation d’iso-
lement chez certains de ces jeunes,
parfois soignés dans le même service
q u e d e s p e rs o n n e s d e p l u s d e
60 ans ». « Les AJA constituent
une population spécifique, ils sont à
l’âge des transitions et se posent
beaucoup de questions sur leur ave-
nir : c’est donc la double peine quand
la maladie survient », observe
la jeune femme, aujourd’hui âgée
de 24 ans.
En 2015, Léa Moukanas a fondé
l’association Aïda (le prénom de sa
Diandra Tchatchouang,
l’éducation et le sport
comme tremplin
L’ancienne championne
de France de basket,
médaillée de bronze
aux JO, veut pousser
les jeunes filles vers
la réussite avec son école
de « remobilisation ».
Valérie Talmon
lle a tout gagné, ou pres-
E que. Sur le terrain, Diandra
Tchatchouang n’a plus rien
à prouver. Son sourire a illuminé
les podiums où, avec l’équipe de
France de basket, elle a raflé nom-
bre de médailles, notamment
celle de bronze aux JO de Tokyo.
Aujourd’hui, à 32 ans, jeune
retraitée du sport de haut niveau,
c’est entre éducation au sport et
éducation tout court qu’elle se
partage, avec comme mantra le
dépassement de soi et des limites
que la société impose encore trop
souvent aux jeunes filles.
Son constat ? « Sans le sport, je
n’aurais pas pu être ce que je suis.
Mais sans l’éducation, mon par-
cours aurait été impossible ! » Celle
qui est aujourd’hui cheffe de projet
chargée du développement par le
sport pour les filles avec l’Agence
nationale du sport est aussi parti-
culièrement investie à titre per-
sonnel, via son association.
Citoyenne engagée
Son déclic ? Une année passée
aux Etats-Unis : « La culture amé-
ricaine, avec ses personnalités qui
s’investissent au-delà de leur cré-
neau d’origine, m’a influencée :
certes, je suis une athlète, mais je
suis légitime pour porter des
valeurs. Mon rôle n’est pas seule-
ment de mettre des ballons dans
un panier, mais celui d’une
citoyenne engagée ! » De fait, en
parallèle de sa carrière sur les
terrains de basket, Diandra lance
son association, Study Hall,
dès 2016. « Je me suis demandé de
quoi j’aurai eu besoin, plus jeune.
Et c’était sans conteste l’éduca-
tion », explique-t-elle.
En effet, Diandra était proche
du décrochage scolaire lors-
qu’elle a réalisé que, pour faire du
sport de haut niveau, les études
étaient indispensables. D’où le
cœur de son association : permet-
tre à des jeunes filles de Seine-
Saint-Denis (elle est originaire de
La Courneuve) de découvrir tout
à la fois le sport et les vertus de
l’éducation, le tout lors d’événe-
ments comme Take Your Shot, où
g r a n d - m è r e d i s p a r u e) , a f i n
d’accompagner les jeunes patients
pendant et après leur traitement.
Pour cela, elle mobilise des bénévo-
les, AJA eux aussi, dans le cadre de
visites en milieu hospitalier. Un
programme consacré à l’après-ma-
ladie vise quant à lui à « aider les
patients à se projeter après les traite-
ments, en sensibilisant les pouvoirs
publics à la spécificité de la prise en
charge de la santé des jeunes ». Résul-
tat : 140.000 heures d’engagement
par an. De quoi répondre à un dou-
ble besoin, d’adaptation de l’envi-
ronnement de soin des patients
et d’engagement des autres.
Bouche-à-oreille
et réseaux sociaux
« Avant d’être malade, un jeune reste
un jeune. Et il y a une volonté de la
jeunesse de se mettre en mouve-
ment », souligne l’entrepreneure,
qui emploie aujourd’hui 26 sala-
riés. Chaque année, Aïda forme
2.000 bénévoles et accompagne
les participantes (plus de 200 à ce
jour) se partagent entre ateliers
de basket et rencontres avec des
personnalités inspirantes.
Milieux « masculins »
Soutenue par son équipementier,
Nike, Diandra a ainsi fait témoi-
gner Flora Coquerel, Elisabeth
Moreno, Anne-Laure Bonnet, etc.
« Il est capital de présenter des par-
cours inspirants de femmes qui ont
su s’imposer dans des milieux dits
masculins, dépasser les limites que
la société pouvait leur imposer,
estime Diandra. Ma plus belle
récompense, c’est quand des
parents viennent me remercier
d’avoir déclenché quelque chose
chez leur fille. »
Car le combat de Diandra se
situe à ce double niveau : pousser
vers le haut des jeunes en leur
montrant les vertus de la scolarité,
tout en démontant des préjugés
tenaces : « Dans le sport, ou dans
des domaines comme le numéri-
que, les femmes sont trop peu pré-
sentes, trop peu visibles, avance
Diandra. Il ne s’agit pas de dire que
toutes vont devenir des sportives de
haut niveau, mais, à travers le sport,
de leur montrer les valeurs de rigu-
eur, de discipline, de résilience. »
Diandra était proche
du décrochage
scolaire lorsqu’elle
a réalisé que, pour
faire du sport
de haut niveau,
les études étaient
indispensables.
Surtout, Diandra vient d’ou-
vrir sa propre école de « remobi-
lisation », baptisée Take Your
Shot : The School. « Nous accom-
pagnons 25 jeunes filles de 16
à 25 ans en décrochage scolaire
ou inactives. Pendant quatre mois,
elles se donnent à fond dans un
projet éducatif, avec des cours, des
immersions en entreprise… sans
oublier le sport. C’est très intense.
Au-delà des savoirs, des contacts,
on leur redonne de l’espoir »,
s ’e n t h o u s i a s m e D i a n d r a .
Une action qui lui a valu d’être
reçue en début d’année à l’Ely-
sée… Nul doute qu’elle aura une
pensée pour ces jeunes filles lors-
qu’elle portera la flamme olym-
pique, en juillet, sur ses terres de
La Courneuve. n
2.200 patients dans 70 hôpitaux
d’une quarantaine de villes de
l’Hexagone. « Nous avons conçu un
espace où la jeunesse rencontre la
maladie », résume Léa Moukanas.
Recrutés par le bouche-à-
oreille, grâce aux réseaux sociaux
ou à la suite des interventions
en milieu scolaire, les jeunes béné-
voles voient leur regard changer.
Quand ils arrivent chez Aïda,
9 % d’entre eux se disent intéressés
par le secteur de la santé. Un taux
qui bondit à 71 % trois ans plus
tard. Sachant que nombre d’entre
eux confient avoir modifié certains
de leurs comportements à la suite
de leur engagement, « en se cou-
chant plus tôt, en buvant moins
d’alcool, en arrêtant de fumer… ».
« Surtout, un sur deux veut ensuite
exercer dans la santé », pointe
l’autrice de « Je veux être utile.
L’engagement n’a pas d’âge »
(Robert Laffont, 2022).
A ce jour, l’association est finan-
cée à hauteur de 60 % par les parte-
Financer la protection
des forêts
Le WWF France a lancé en mai 2023 Nature Impact, le premier
fonds basé sur la logique des PSE. Décryptage de l’initiative avec
Aurélie Pontal, Directrice Pôle Investissement et Mécénat
Entreprises du WWF France.
En quoi le fonds Nature
Impact est-il une initiative
inédite ?
— Il a été imaginé pour financer
des projets de préservation, de
restaurationetdegestiondurable
de forêts remarquables par la ri-
chesse de leur biodiversité. Le
fondsNatureImpactinstaureune
coopération inédite entre les
propriétairesforestiersetleWWF,
avec le soutien des entreprises
mécènes qui le financent dans le
cadredeleurdémarcheRSE.Plus
largement,l’objectifdufondsest
de favoriser des pratiques du-
rables, en faveur d’une approche
soutenabledelagestionsylvicole.
Àl’horizon2030,noussouhaitons
protéger15000hectaresdeforêts
parmi les plus riches et les plus
menacées,et,parricochet,séques-
trer 400 000 tonnes équivalent
CO2 additionnelles,pouruncoût
de 100 euros la tonne de CO2.
Ce fonds est basé sur une
logique de contribution
positive. De quoi s’agit-il ?
— Les paiements de pratiques
bénéficiant aux services écosys-
témiques (PSE) constituent un
levier d’action en faveur de la
biodiversité. Ils financent des
projets au profit de l’intérêt gé-
néral. Cette mécanique permet
nariats et le mécénat d’entreprise
(les fondations de groupes tels Bou-
ygues Telecom et La Roche-Posay).
S’y ajoutent 20 % de dons de parti-
culiers et 5 % de subventions publi-
ques. Les 15 % restants provenant
de ses prestations de services
auprès d’acteurs publics et privés.
« Nous avons innové avec un modèle
hybride : Aïda reste une association
qui n’a pas vocation à faire de
l’argent, mais elle s’est diversifiée afin
de financer ses actions de terrain »,
explique Léa Moukanas.
Connexion à l’hôpital
Dans les deux semaines ayant suivi
le premier confinement, l’associa-
tion a doté nombre de patients de
tablettes et clés 4G pour un main-
tien du lien à distance. Depuis, elle a
permis à nombre de jeunes patients
de bénéficier d’une connectivité
gratuite à l’hôpital, leur permettant
ainsi de poursuivre leurs cours à
distance ou d’avoir accès à l’infor-
mation médicale en ligne.
de compenser le coût de préser-
vation auprès des propriétaires
qui s’engagent à abandonner
toute exploitation nocive pour
la biodiversité et le climat.
Concrètement, le WWF France
rémunère cet engagement dans
la durée.
Comment financez-vous
cette initiative ?
—LefondsNatureImpactintro-
duit un nouveau mode de finan-
cementdelaprotectiondesforêts,
qui repose sur un mécénat dé-
ductible des impôts pour les en-
treprisesetphilanthropesetune
contribution financière pour les
collectivités locales. Après le
succès de la première levée de
fonds de 2023, le WWF France
espèrelancerundeuxièmeappel
àprojetsd’icilafindel’annéeavec
uneambitionà4millionsd’euros.
Lesacteurséconomiquesdésireux
de s’engager recevront des certi-
ficatsbiodiversitéetdescertificats
carboneenéchangedeleurcontri-
bution.Contributionàdistinguer
delacompensation,j’yreviendrai.
Quels sont les critères pour
participer à l’appel à projets ?
— Nous privilégions les projets
de protection de forêts riches en
biodiversité,abritantdesespèces
ÉCONOMIE DURABLE
« Les jeunes
sont à l’âge
des transitions
et se posent
De l’avis de sa fondatrice, « le sec-
teur de la santé est ouvert à la nou-
veauté, mais il conserve parfois sa
rigidité ». « L’enjeu est d’innover avec
l’existant, ce que nous faisons en
coconstruisant des solutions avec les
beaucoup de professionnels de santé, les patients
et les aidants, ainsi que le monde
questions sur leur associatif », dit-elle, en évoquant
avenir : c’est donc notamment un partenariat avec le
la double peine service d’hématologie AJA de
l’hôpital Saint-Louis, à Paris.
quand la maladie Ou encore des travaux menés en
survient. » collaboration avec Sciences Po
LÉA MOUKANAS Paris, pour le lancement d’une for-
Fondatrice d’Aïda mation destinée à faire de l’expé-
rience de la maladie chez les jeunes
une expertise au service du sys-
tème de santé. « L’éducation et la
santé doivent être des poumons de
notre société », insiste-t-elle. Con-
cernant les jeunes bénévoles, Léa
Moukanas est convaincue de la
nécessité de leur offrir « la capacité
et la légitimité pour s’engager ». « Il
faut donner à la jeunesse les clés
pour agir », conclut-elle. n
COMMUNIQUÉ
desénergiesfossiles.Nousatten-
dons également des entreprises
qu’elles aient mis en œuvre des
actions concrètes pour protéger
labiodiversitéetlesforêtsetpour
décarboner leur activité. Le sou-
tien à l’initiative des PSE ne doit
pasleurpermettredesedédoua-
ner de leurs efforts de réduction
de leur empreinte.
Comment garantir le respect
des engagements pris par
les propriétaires ?
— Dans un premier temps, nos
équipessemobilisentsurleterrain
pourconstaterleurmiseenœuvre.
Puis, la surveillance technique
peutêtreconfiéeàdespartenaires
locaux, associations ou conser-
vatoiresd’espacesnaturels.Avec
NatureImpact,nousnesouhaitons
pas créer une énième démarche
de compensation carbone, mais
initier des projets vertueux en
matière de préservation de la
biodiversitéavecunsuivid’impact
DR
et une contractualisation sur le
long terme (jusqu’à 99 ans pour
« Nous compensons les premiers contrats avec les
le coût de la propriétaires).
préservation des
Une convention pilote
forêts auprès des
a déjà été signée entre WWF
propriétaires qui France et la commune
abandonnent toute d’Oloron-Sainte-Marie...
exploitation nocive —Oui,leprojetdeprotectiondu
pour la biodiversité bois du Bager a été lancé en juin
et le climat. » 2023. La commune d’Oloron-
Sainte-Marie s’est engagée par
contratàmener,pendant100ans,
AURÉLIE PONTAL, WWF FRANCE
unegestionforestièrequioptimise
la biodiversité. Nous espérons
rares ou menacées. Par ailleurs, ainsi protéger deux espèces en-
nousavonsfixélemontantmini- démiques de la région, le calotri-
mal d’un projet à 50 000 euros, ton et le desman des Pyrénées.
afin d’optimiser les sommes dé- Encontrepartie,leWWFFrance
pensées pour couvrir le plus de la dédommage de la perte de re-
biodiversité possible et stocker venusliéeàlabaissed’activitéde
un maximum de carbone, mais l’exploitationforestière.C’estune
aussipour rationaliserlecoûtdes illustrationparfaitedelalogique
intermédiairesquenoussommes, de compensation qui sous-tend
dansuneperspectived’efficacité. le principe des paiements pour
services écosystémiques.
Craignez-vous un risque de
greenwashing ?
—Lachartefondatriceduprojet
encadre scrupuleusement les
contributions, en exigeant des
engagementsprécisdelapartdes
mécènes. Les modèles écono-
miquesdesentreprisescandidates
doiventêtrecompatiblesavecnos
valeurs, ce qui exclut certains
secteurs d’activité comme celui
ÉCONOMIE DURABLE
Hakima Berdouz, la technologie nucléaire
pour dépister le cancer
SANTÉ L’ingénieure-chercheure au Commissariat à l’énergie atomique a fondé la start-up HOPE, à l’origine d’une solution d’aide
au dépistage du cancer du sein assistée par l’intelligence artificielle.
Julie Le Bolzer
e MIT lui a déroulé le tapis
L rouge. Ingénieure-cher-
cheure au Commissariat à
l’énergie atomique et aux énergies
alternatives (CEA), Hakima Ber-
douz est à l’origine d’un dispositif
médical numérique, issu de la R&D
nucléaire, consacré à la détection
précoce et à l’aide au dépistage du
cancer du sein. « Il s’agit d’une tech-
nologie basée sur une nouvelle forme
d’imagerie mammaire, non ioni-
sante et non invasive, qui embarque
de l’intelligence artificielle », synthé-
tise cette femme de sciences, égale-
ment énarque, qui a été lauréate
en 2023 du Prix les Margaret
(récompense attribuée à des fem-
mes d’Europe et d’Afrique pour les
réponses technologiques qu’elles
apportent à des défis sociétaux).
A l’assaut du marché
américain
Après avoir déposé six brevets et
fait la démonstration de sa techno-
logie, d’abord sur le lupus systémi-
que, une maladie auto-immune
rare touchant le plus souvent les
femmes de 20 à 40 ans, puis sur le
cancer du rein à cellules claires,
Hakima Berdouz a choisi de met-
tre sa solution au service de la pré-
vention contre « les cancers du sein
de demain ».
Une fois passés ses travaux, con-
duits au sein du CEA avec des par-
INDUSTRIE
Sarah Lamaison, quand le CO2 industriel
devient circulaire
Cette polytechnicienne
avait 27 ans, en 2021, lors-
qu’elle a cofondé Dioxycle,
première pépite euro-
péenne soutenue par le
programme Breakthrough
Energy Fellows de Bill
Gates, dont la technologie
permet de valoriser
les émissions de carbone
en vue de fabriquer des
produits du quotidien.
Oter les émissions de carbone
de la catégorie des déchets et
les transformer en ressource : tel
est le pari de Sarah Lamaison,
cofondatrice, avec David Wa -
kerley, de Dioxycle. Lancée
en 2021, cette jeune pousse est
à l’origine d’une technologie
de rupture permettant de recy-
cler les émissions industrielles
en produits chimiques durables,
tel l’éthylène.
« D’une part, notre procédé con-
vertit des émissions, évitant leur
libération dans l’atmosphère.
D’autre part, il électrifie la fabrica-
tion de produits chimiques tradi-
tionnellement issus du pétrole,
offrant ainsi une double décarbona-
tion », résume la polytechnicienne
de 30 ans, qui propose là une solu-
tion à des secteurs « difficiles à
décarboner », comme la chimie, la
métallurgie, etc.
Des opportunités
dans le monde entier
Utilisé dans le BTP, le textile
ou l’automobile, l’éthylène est
l e p r o d u i t l e p l u s ve n d u a u
monde. « Mais, rien qu’en France,
il émet de 8 à 9 millions de tonnes
de CO2 par an, ce qui en fait la troi-
sième industrie la plus émettrice
dans l’Hexagone », souligne-t-elle.
Implantée en France et aux Etats-
Unis, la start-up Dioxycle emploie
à ce jour 22 salariés (dont 60 %
de docteurs), et sa dirigeante
tenaires tels l’Inria Startup Studio,
l’AP-HP, le Centre IA de Sorbonne
Université (SCAI) ou encore l’Insti-
tut Gustave-Roussy, celle qui a
effectué toute sa carrière dans le
nucléaire a « remplacé [s]a cas-
quette de chercheure par celle de
startuppeuse ».
« Le MIT nous a proposé de fonder
HOPE aux Etats-Unis, mais je sou-
haite qu’elle soit lancée en France. En
revanche, j’ai accepté de créer un
laboratoire commun de R&D au sein
du MIT, de manière à pouvoir ensuite
aborder plus facilement le marché
Elle a aussi créé
Sistemic, en faveur
de la féminisation des
métiers scientifiques,
« pour que la
quatrième révolution
industrielle ne
s’écrive pas sans
les femmes ».
américain », explique Hakima Ber-
douz, qui a noué des partenariats
avec le miroitier Aurys et le groupe
Doliam, pour la préparation du lan-
cement de sa première ligne de pro-
duction industrielle, qui sera
implantée en Charente-Maritime.
« Hakima Berdouz fait partie
des femmes qui font bouger les
voit « des opportunités dans le
monde entier ».
Notamment du fait d’un con-
texte réglementaire parfois favo-
rable, à l’instar de l’Inflation
Reduction Act, loi américaine
de 2022 encourageant notam-
ment la capture et l’utilisation du
carbone. Forte de 15 millions
d’euros levés à l’été 2023, auprès de
Lowercarbon Capital, fonds amé-
ricain spécialisé dans le climat, et
de Breakthrough Energy Ventures
Europe, fondé par Bill Gates,
Dioxycle peut envisager un pas-
sage à l’échelle.
Créer un standard
industriel
« L’objectif est de devenir l’Intel
Inside de l’industrie de l’utilisation
du carbone, c’est-à-dire un fournis-
seur de technologie de confiance,
permettant aux industriels de
réinventer leur procédé de fabrica-
Sarah Lamaison (à gauche) a cofondé Dioxycle avec David
Wakerley (à droite) en 2021. Photo Dioxycle
lignes », souligne Aude de Thuin,
la fondatrice du Women’s Forum et
de Women in Africa. En 2022, elle a
créé Sistemic, en faveur de la fémi-
nisation des métiers scientifiques,
« pour que la quatrième révolution
industrielle ne s’écrive pas sans
les femmes ».
« Depuis les ceintures de sécurité
qui ne sont pas adaptées aux femmes
enceintes, jusqu’aux médicaments
qui ne sont pas dosés pour les femmes,
on ne compte plus les exemples illus-
trant combien les femmes sont absen-
tes de l’ingénierie, des sciences, de la
technologie et des mathématiques »,
déplore Aude de Thuin, en souli-
gnant que « la situation s’aggrave
avec l’intelligence artificielle ».
Plus de femmes dans
les « métiers d’avenir »
Confirmant que « l’IA constitue un
vecteur de biais genrés, notamment
du fait que ce sont le plus souvent des
hommes qui construisent le code et
l’architecture des algorithmes »,
Hakima Berdouz partage avec
Aude de Thuin la volonté de s’enga-
ger pour une meilleure représenta-
tion des femmes dans « les métiers
d’avenir ». Elle est notamment
impliquée au côté de l’association
Animath, qui entend favoriser la
pratique des mathématiques chez
les jeunes, et fait partie des suppor-
ters des équipes françaises partici-
pant aux Olympiades internationa-
les de mathématiques.
tion de produits chimiques sur
un modèle circulaire de recyclage
d’émissions plutôt qu’un modèle
linéaire d’extraction de pétrole »,
résume cette originaire du
Pays basque, qui confie « un
grand attachement à l’océan ». Et
de partager, en empruntant les
mots de Simone Veil, « le senti-
ment de tendresse poignante pour
une chose belle, précieuse, fragile et
périssable ».
Son credo : « Face à l’urgence cli-
matique, nous n’avons d’autre choix
que de faire quelque chose d’une
ampleur exceptionnelle. » De quoi
la convaincre de partir « en mis-
sion ». Passé cinq années de recher-
che et l’invention de 13 familles
de brevets, elle est plus que ja-
mais convaincue du pouvoir de la
science. Et elle voit là un vecteur
pour apporter une réponse à « des
sujets non résolus, et cruciaux pour
la société et la planète ». — J. L. B.
Sollicitée par le MIT, Hakima Berdouz a accepté d’y créer un laboratoire de R&D commun.
Photo Bpifrance
Pour sa part, Aude de Thuin fait
entrer Sistemic dans sa phase
d’accélération, avec deux nou-
veaux forums en 2024. L’un qui se
tiendra au Mucem, à Marseille, le
OCÉANS
Comment Plastic@sea a signé Bic et L’Oréal
comme premiers clients
La fondatrice de la start-up,
Anne-Leïla Meistertzheim,
veut combattre la
pollution plastique dans
les océans. Elle vise
1,6 million d’euros de
chiffre d’affaires en 2024.
Ophélie Colas des Francs
Des océans qui contiennent plus
de plastique que de poissons, c’est
le scénario alarmant qui guette
notre planète à horizon 2050
selon le Parlement européen. Que
faire ? Juguler le flux d’emballages
qui se déverse chaque année dans
la mer ? Ramasser les bouteilles à
la dérive ? Plastic@sea complète
le tableau d’une autre proposi-
tion : tester la biodégradabilité et
la toxicité des plastiques pour faire
le bon choix au moment de déve-
lopper les matériaux qui finiront
très probablement leur course
dans les eaux.
L a chercheuse Anne-Leïla
Meistertzheim a passé dix ans au
CNRS sous statut contractuel.
En 2019, elle décide de lancer sa
propre entreprise au sein de
l’incubateur Arago de l’observa-
toire océanologique de Banyuls
(Pyrénées-Orientales). « Il existe,
dans l’administration, une grande
inertie entre le moment où on se
pose une question et l’arrivée des
moyens techniques. Nous, nous
avons créé Plastic@sea pour avoir
l’adaptabilité d’une start-up »,
explique-t-elle.
Expertise reconnue
à l’international
Dès 2018, la scientifique, alors mili-
tante au sein de l’ONG Tara Océan,
est approchée par l’entreprise Bic.
Rien d’étonnant : Anne-Leïla
Meistertzheim a déjà une exper-
tise reconnue et l’industriel cher-
che à limiter l’impact de ses bri-
quets sur l’environnement marin.
Lundi 25 mars 2024 Les Echos
22 mai, l’autre à Station F, à Paris,
les 11 et 12 octobre. « A l’heure de
l’absolue nécessité de réussir la dou-
ble transition, écologique et numéri-
que, nos économies se privent de
Plastic@sea se lance ainsi
avec un premier client grand
compte. « Ce premier projet a été
ma grande force. J’ai pu signer un
contrat de cinq ans avec des paie-
ments échelonnés. » De quoi assu-
rer un roulement de trésorerie
suffisant, la jeune pousse ayant
peu de dépenses. « L’incubateur
met à notre disposition une plate-
forme technique que nous louons
à l’heure, ce qui nous dispense
d’investissements et d’immobili-
sations », précise Anne-Leïla
Meistertzheim.
La start-up
développe
son expertise sur
le milieu aquatique
terrestre.
La même année, L’Oréal entre
en contact avec Plastic@sea pour
une étude sur l’impact des cos-
métiques et de leurs emballages
sur le milieu marin. Suivront
l’Agence de l’eau, la Compagnie
nationale du Rhône, mais aussi
des start-up soucieuses de tester
des matériaux avant de lancer
leurs produits.
Très vite, Plastic@sea est
à l’étroit dans l’incubateur
Arago. Il faut partager les locaux
ave c d ’a u t r e s e n t r e p r i s e s .
Début 2022, l’entreprise lève
350.000 euros en equity. Bpi-
france et BNP Paribas suivent
pour un total de 900.000 euros.
Une somme suffisante pour
aménager ses propres bureaux
et son laboratoire. « Nous avons
multiplié par sept notre surface de
production », se réjouit Anne-
Leïla Meistertzheim.
Ces vastes locaux lui permet-
tent aussi de renforcer son
équipe commerciale pour trou-
ver de nouveaux clients. Le déve-
38
talents en n’incluant pas davantage
les femmes dans les filières STEM
(science, technologie, ingénierie et
mathématiques) », rappelle Aude
de Thuin. n
loppement de la société passera
par la création d’une franchise
pour diffuser sa méthodologie
désormais standardisée auprès
de laboratoires implantés au
bord de l’océan Atlantique et
dans les Caraïbes. Parallèlement,
la start-up développe son exper-
tise sur le milieu aquatique ter-
restre. « Nous envisageons de
créer une filiale consacrée à cette
activité », poursuit l’entrepre-
neuse de 43 ans.
De quoi booster un chiffre
d’affaires en constante crois-
sance, de 159.000 euros en 2019 à
800.000 euros cette année. Et
pour 2024 ? L’entrepreneuse
table sur 1,6 million d’euros. Et
certainement plus… « Je fais par-
tie des gens qu’on met dans la case
“trop prudente” ! » n
Sur le Web
•BENCHAABOUN
RITA HADJIOUI ET HIND
DÉVELOP-
PENT UNE ALTERNATIVE
AU CUIR POUR L’INDUSTRIE
Les Franco-marocaines ont créé
leur start-up à impact à Douai,
•VEUT
IFEDAYO DUROSINMI-ETTI
AIDER LES FEMMES
À ÊTRE INDÉPENDANTES
L’entrepreneuse a fondé, en 2018,
Herconomy, une start-up
de la fintech au Nigeria.
•LIPUO NKHOLI, UNE
AGRICULTRICE ENGAGÉE
Elle valorise l’agriculture
des fruits locaux au Lesotho.
•ELLE CONVAINC LES
SUPERMARCHÉS D’OFFRIR
UNE AIDE AUX SENIORS
POUR FAIRE LEURS COURSES
Héloïse Lamotte, 26 ans, a lancé
début 2023 Mains d’argent.
Sur lesechos.fr/thema
 Lundi 25 mars 2024 Les Echos 40

= Les chiffres de l’économie

// Budget de l’Etat 2024 : 511,6 milliards d’euros (prévisions PLF 2024) // PIB 2023 : 2.818,1 milliards d’euros (prévisions
PLF2024) // Plafond Sécurité sociale : 3.864 euros/mois à partir du 01-01-2024 // SMIC horaire : 11,65 euros (brut par heure)
à partir du 01-01-2024 // Capitalisation boursière de Paris : 2.416,97 milliards d’euros (au 08-01-2024)
// Indice des prix (base 100 en 2015) : 118,23 au 16-12-2023 // Taux de chômage (BIT) : 7,4 % au 3e trimestre 2023
Retrouvez-nous sur www.lesechos.fr // Dette publique : 3.088,2 milliards d’euros (3e trimestre 2023)

crible
Marée descendante
Les records boursiers se sont joués jusqu’ici des retraits de liquidités monétaires. L’incertitude peu glorieuse
Les indices boursiers, montés Nike a compris qu’il faut investir pour
avec les flots monétaires, préserver sa croissance.
pourront-ils ad vitam maintenir
leur cap quand la marée
des liquidités redescend ?
Le cabinet Oxford Economics,
en modélisant le lien entre les
injections des banques centrales
et l’évolution des actions, estime
qu’un trilliard de dollars de plus
au bilan de la Réserve fédérale
a provoqué une hausse de 15 %
du S&P 500. Le même montant
à la Banque centrale européenne
(BCE) a dopé de 7,5 % l’Euro
Stoxx 50. Ces institutions ont été
à l’origine de respectivement
les trois quarts et 68 % de la
hausse des indices sur deux ans.
La relation fonctionne dans les
deux sens, comme l’a montré la
correction de 2022 lors du début
du « quantitative tightening »
(QT). L’actuelle envolée
des marchés a anticipé les baisses
de taux, chaque coupe de 0,25 %
équivalant à un trilliard de bilan.
Mais le « QT » n’est pas achevé.

Casino royale
Altice France tente une difficile partie
de poker avec ses créanciers obligataires.
La claque historique à domicile, c’est dur, surtout quand le prochain
Le point commun entre le poker et l’investissement obligataire ? match se jouera dans huit ans. La juteuse incertitude du sport business
Les gérants de fonds européens de crédit ont désormais la réponse : Patrick n’a pourtant pas pénalisé Adidas sur les pelouses boursières (+0,5 %),
Drahi ! Grand habitué des « coups » prenant ses concurrents par surprise, ni glorifié son vainqueur, Nike (-6,9 %) qui va devenir le fournisseur
le propriétaire d’Altice France, la maison-mère de SFR, entame cette fois-ci de l’équipe d’Allemagne. En marge de cette affaire d’Etat, la firme
avec ses créanciers la partie la plus compliquée de sa carrière. La voie qu’il américaine prodigue, il est vrai, une perspective d’activité négative pour
a ouverte à des offres d’échange de dette avec un rabais sur leur prix les six premiers mois de son exercice décalé clos fin mai 2025, autant dire
d’émission est certes courante outre-Atlantique, où elle a constitué l’an pas de croissance pour 2024. Le pactole consenti au foot allemand ne fait
dernier 54 % des défauts d’entreprises sur leurs remboursements, selon que rappeler la nécessité d’investir davantage pour redresser la forme de
Bank of America. Mais elle est peu usitée en Europe, où le dossier de la sa griffe à la virgule. Tout le secteur en a ressenti quelques courbatures,
chaîne britannique Holland & Barrett n’a concerné qu’un milliard d’autant que l’as du yoga et du dynamisme, Lululemon Athletica, voit
de dollars de prêts en 2022 avec une décote de 15 % à 20 %. Et même aux ses ventes ralentir (-15,8 % pour son action). Malgré son vieillissement, le
Etats-Unis, le cas récent de l’opérateur de télé par satellite Dish Network numéro un mondial des articles de sport reste un concurrent redoutable,
a montré que le parcours était semé d’embûches. L’empire de Charlie vu ses gains de parts du marché chinois et sa solidité financière intacte.
Ergen, plus petit que celui de Patrick Drahi mais avec la même dette Les oracles financiers ne peuvent pourtant parier facilement sur son
qu’Altice France (24 milliards d’euros), s’est déclaré au bord de la faillite nouveau « pivot » stratégique dans l’immédiat. Les fruits commerciaux
dans son rapport annuel après avoir raté l’échange de 40 % de sa dette avec de ses efforts d’innovation restent à concrétiser, là où l’accent mis
des rabais de 50 % à 70 %. Altice France en sera-t-il réduit à cette extrémité ? à nouveau sur les distributeurs spécialisés pourrait peser sur sa marge.
L’équation, visant à éliminer au moins 9 milliards d’euros d’emprunts avec Sa précédente volte-face, consistant au contraire à miser sur les ventes
pour l’instant 2 milliards d’euros de cessions, risque de tenir plus de la sans intermédiaires, était plus facile à faire passer. A l’époque, l’avenir
roulette que du poker. du commerce physique suscitait davantage d’inquiétudes.

La Bourse de Paris en recul

EN VUE

Simon Harris
e « bébé du Dail » a bien grandi. Il rattrape cela en se traitant d’« idiot »

L Simon Harris avait hérité du sur-

Le CAC 40 a clôturé la séance de
vendredi en baisse de 0,34 % à
8.151,92 points, pénalisé par le sec-
teur du luxe. L’indice est en léger
recul sur la semaine (–0,15 %), mais
en hausse de plus de 8 % depuis le
début de l’année.
En l’absence de publications éco-
nomiques majeures, les investis-
seurs restent focalisés sur les politi-
ques monétaires, après les réu-
nions de plusieurs banques
centrales ces derniers jours, dont la
R é s e r ve f é d é r a l e , l a B a n q u e
d’Angleterre et la Banque du Japon.
Ailleurs en Europe, Francfort a
gagné 0,15 %, clôturant pour la
première fois au-dessus des
18.200 points. De son côté, Londres
a gagné 0,61 %, après des signaux de
la Banque d’Angleterre sur un pro-
chain assouplissement monétaire.
Du côté des valeurs, le groupe de
luxe Kering a essuyé la plus forte
baisse de l’indice parisien (-3,57 %),
toujours pénalisé par un avertisse-
ment sur son chiffre d’affaires au
premier trimestre de l’année. Sur la
semaine, le titre a perdu 15,98 %.
Tout le secteur du luxe a été péna-
lisé. LVMH a cédé 2,28 %. Le groupe
a annoncé le départ du directeur
général délégué et président du
comité exécutif, Antonio Belloni,
qui sera remplacé par Stéphane
Bianchi. Enfin, Hermès a corrigé de
1,02 % tandis que L’Oréal a cédé
0,53 %.
nom en 2011, en devenant à 24 ans
le plus jeune député du parlement irlan-
dais (le « Dail »). Désigné ce dimanche
leader du Fine Gael, le parti de centre
droit au pouvoir, il va devenir à 37 ans le
plus jeune Premier ministre de l’his-
toire, en succédant le 9 avril prochain à
Leo Varadkar au poste de « Taoiseach ».
Encarté dès 16 ans au Fine Gael, il a
renoncé à finir ses études de journa-
lisme et de français (pourtant deux bons
choix) pour se lancer dans l’arène, où il
confirme vite ne pas être du genre à
prendre son temps : élu local à 22 ans,
député à 24 ans, secrétaire d’Etat à
27 ans, ministre à 29 ans. Ministre de la
Santé de 2016 à 2020, il y est apprécié
pour ses talents de communicant mais
s’avère parfois gaffeur, comme quand il
affirme au début de la pandémie de
Covid-19 que le chiffre désigne la 19e épi-
démie (raté, c’était pour l’année 2019).
dans une vidéo sur les réseaux sociaux,
son grand dada. « TikTok Taoiseach »,
comme l’appelle la presse, affiche des
millions de likes et promet de moderni-
ser l’image du parti par « son énergie et
son enthousiasme ».
On lui reproche de surjouer le jeu-
nisme, mais « chillax » (« chill out » et
« relax »), comme il avait lancé devant
une assistance incrédule lors d’un débat
agité au Parlement. « Tous les jeunes
savent ce que cela veut dire », avait-il expli-
qué. « Je veux apporter mon expérience
concrète de la vie », explique ce fils d’une
assistante scolaire et d’un chauffeur de
taxi, natif et résident de la ville côtière de
Greystones, près de Dublin. Adolescent,
ses premiers engagements ont été en
faveur des personnes handicapées, par
solidarité avec son frère autiste. Papa
gaga de deux jeunes enfants et marié à
une infirmière en cardiologie, il ne man-
que pas de cœur. n