JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023

80E ANNÉE – NO 24567

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FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY
DIRECTEUR : JÉRÔME FENOGLIO

Sur les fronts d’Ukraine, les soldats COMMENT

LE CAS
à l’épreuve d’une guerre qui n’en finit pas DEPARDIEU
A PIÉGÉ
MACRON
▶ Vingt-deux mois
Le chef de l’Etat a tenu à défen-
après l’invasion russe, dre l’acteur mis en examen
le 24 février 2022, pour viol et agression
sexuelle, au cours de son en-
l’Ukraine s’est installée tretien télévisé du 20 décem-
dans une perspective bre, allant jusqu’à désavouer
de guerre longue. Sur sa ministre de la culture et à
accréditer une fausse nou-
les 1 000 kilomètres velle relayée par les médias
de ligne de front, Bolloré. Depuis, le cas Depar-
dieu entraîne dans son sillage
l’hiver est arrivé radioactif le président de la
République et une partie du
▶ Pendant des semai- milieu du cinéma français, si-
nes, « Le Monde » gnataire d’une tribune dénon-
çant le « lynchage » de l’acteur
a recueilli la parole sans évoquer ses victimes.
de soldats ukrainiens PAGE 9
en première ligne.
Ils confient leur déter-
mination, leurs doutes Le président,
et leurs difficultés
à revenir à la vie
mystérieux
civile, le temps sur son
d’une permission
« nouveau cap »
▶ Notre reportage Emmanuel Macron
près d’Avdiïvka, où les entend mobiliser « l’ima-
équipages des blindés ginaire » pour s’adresser
ukrainiens repoussent aux Français et veut faire
les attaques russes, « turbuler le système »
en 2024, selon son entou-
malgré le manque rage. Le flottement sur sa
de munitions ligne inquiète sa majorité
PAGES 2 ET 4 Oleksandr, un commandant de 22 ans, sur le front du Donbass (Ukraine), le 8 décembre. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE » PAGE 8

Justice Armement Disparition Economie Covid-19 Culture

Cryptomonnaies : La durée de contact Le spectacle
L’association Les drones, Patrick Buisson, le retour déterminante vivant
anticorruption de plus en plus l’essayiste qui a en grâce pour le risque en quête
Anticor perd prisés par les poussé les idées du bitcoin
PAGE 1 4
de transmission
PAGE 7
de temps long
PAGE 1 6

son agrément armées d’Afrique de l’extrême droite

Le gouvernement n’a pas
renouvelé cette autorisa-
tion qui permet d’agir
efficacement en justice,
notamment en cas
d’inaction du parquet
PAGE 1 2
VU PAR URBS (FRANCE)
Outils indispensables De « Minute » à l’Elysée
des conflits modernes, ces
aéronefs prolifèrent sur le
de Sarkozy, l’idéologue
a œuvré pour affaiblir le
Tourisme
continent et bouleversent cordon sanitaire séparant Dans les palaces,
les nouvelles
les équilibres sur les la droite républicaine de
champs de bataille l’extrême droite française
PAGE 6 PAGE 1 0
frontières
CARTOONING FOR PEACE de l’hyperluxe
Ces établissements à la
rentabilité souvent incer-
taine font flamber leurs
prix et poussent toujours
plus loin leurs prestations
pour des clients fortunés.
Un monde de plus
en plus concurrentiel, et
déconnecté de la réalité
PAGE 1 3

1
ÉD ITO R IAL
LE DOUBLE JEU
DANGEREUX
DE LA SERBIE
P A G E 22

Algérie 220 DA, Allemagne 4,50 €, Andorre 3,90 €, Autriche 4,20 €, Belgique 3,70 €, Espagne 3,90 €, Grèce 3,90 €, Guadeloupe-Martinique 3,70 €,
Hongrie 1 790 HUF, Italie 3,90 €, Luxembourg 3,80 €, Maroc 28 DH, Pays-Bas 4,30 €, Portugal cont. 3,90 €, La Réunion 3,70 €, Sénégal 2 500 F CFA, Suisse 4,80 CHF, Tunisie 5,50 DT, Afrique CFA autres 2 600 F CFA
2|
INTERNATIONAL
0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023

GUERRE EN UKRAINE

En Ukraine, sur le front, « tuer, c’est vivre »

Des soldats ont confié au « Monde » leurs doutes, mais aussi leur détermination à poursuivre le combat

REPORTAGE
kiev et régions de dnipro,
de donetsk et de zaporijia
(ukraine) - envoyé spécial

L
e long des 1 000 kilo-
mètres de ligne de
front, l’hiver est ar-
rivé. Le froid est mor-
dant, la neige et la
boue recouvrent tout,
le vent transperce les corps. Vingt-
deux mois après l’invasion russe,
le 24 février 2022, l’Ukraine s’est
installée dans une perspective de
guerre longue. Cet automne, Le
Monde est allé à la rencontre d’of-
ficiers et de soldats appartenant à
des unités de combat. Rencontrés
plusieurs fois au fil de la guerre, ils
parlent en liberté, sans contrôle
de leur commandement. Certains
doivent préserver leur anonymat.
« WarWar », soldat dans une
unité spéciale des services de ren-
seignement militaires, combat
sur le front de Zaporijia, là où l’ar-
mée ukrainienne espérait, en
juin, effectuer sa principale per-
cée vers le sud, sans succès pour
le moment. « La situation est
plus intense que l’an dernier, à
cause des drones kamikazes rus-
ses. C’est difficile, car nous ne pou-
vons plus rouler librement. Main-
tenant, il faut marcher des kilomè-
tres. » S’il trouve cela « dur à ad-
mettre », « WarWar » confie que
« les Russes s’améliorent plus vite
qu[’eux], et ont davantage de
capacités qu’avant ».
Le sergent-chef Sergiy Vengers-
kiy « Zakhar », soldat dans le 518e
bataillon d’infanterie de la 1re bri-
gade spéciale, de retour à Kiev
après dix-huit mois de combat
très rudes sur tous les fronts
d’Ukraine, reconnaît lui aussi que
« l’été a été très difficile » – en parti-
culier dans la région de Lyman, où
il a été déployé en dernier, dans
l’est du pays. « Nous n’avons pas
suffisamment de soldats, ni suffi-
samment d’artillerie. A la fin de
l’été, nous n’étions que quatorze,
contre environ cent cinquante sol-
dats russes. Leurs tirs ont rasé la fo-
rêt, il n’y avait plus un seul arbre
debout. » « Zakhar » décrit « des va-
gues d’assaut russes qui déferlent »
sur les lignes ukrainiennes. « Sans
davantage d’artillerie pour les tuer
tous, dit-il, on n’y arrivera pas. »
Un constat partagé par le
sergent « Dizel », soldat dans le
49e bataillon d’infanterie, « Car-
pathian Sich » : « Les Russes en-
voient tant d’hommes à l’assaut,
c’est fou. Et malgré nos tirs d’artil-
lerie, ceux qui survivent conti-
nuent à avancer. Je ne comprends
pas bien pourquoi. Je pense qu’ils
doivent être camés. »
BEAUCOUP DE BLESSÉS
Le colonel Oleh Uminskiy, qui
commande la 1re brigade spéciale
désormais déployée sur le front
de Bakhmout, dans l’Est, évoque à
son tour les difficultés rencon-
trées. « Les combats sont très ru-
des, sans qu’un camp parvienne à
être supérieur à l’autre. Un jour ils
[les Russes] avancent, un jour c’est
nous qui avançons. Le front, c’est
comme dans A l’Ouest rien de
nouveau [roman d’Erich Maria
Remarque, 1929], comme pen-
dant la première guerre mondiale.
Sauf qu’au lieu de tranchées pro-
fondes on vit et on combat dans
des trous de renard. Et on ne peut
avoir ni électricité, ni feu, ni chauf-
fage, car on serait repérés par les
drones à vision thermique de l’en-
nemi. Il faut aller 5 à 10 kilomètres
à l’arrière pour se réchauffer et
manger un repas chaud. »
Le colonel Uminskiy estime ce-
pendant que « les problèmes stra-
tégiques et tactiques » rencontrés
Un soldat de la 24e brigade dans une tranchée à Niou-Iork, sur le front de Bakhmout (Ukraine), le 29 novembre. PHOTOS : ADRIEN VAUTIER/LE PICTORIUM POUR « LE MONDE »
cette année par l’armée ukrai-
nienne « ne sont pas si graves ».
« Le seul véritable problème, c’est
l’existence de la guerre. Nous de-
vons combattre notre ennemi, un
point c’est tout. »
Commandant d’un bataillon
d’infanterie sur un front oriental,
le colonel « V », pense, tout au
contraire, que l’organisation « en-
core trop soviétique » de l’armée
et « le problème de l’approvision-
nement en armes et munitions »
sont des soucis majeurs. Il confie
comment son bataillon a dû pal-
lier le manque d’obus. « Quand
nos gars repèrent, grâce à leurs
drones, des munitions russes
abandonnées, nous allons les ré-
cupérer en territoire ennemi. Par-
fois, des civils des zones occupées
nous aident même à mettre la
main dessus, en échange d’un peu
d’argent ou de caisses de vodka.
C’est strictement interdit, mais si
notre armée nous envoyait davan-
tage de munitions, nous n’aurions
pas besoin d’aller en voler. »
Tous décrivent des combats qui,
même si l’armée ukrainienne
veille à ne pas avoir autant de per-
tes que son adversaire russe, en-
gendrent beaucoup de blessés. Le
feu ennemi est intense. « J’ai été
blessé deux fois officiellement, vic-
time de contusions. En réalité, ça a
dû être une dizaine de fois, décrit
“WarWar”. Quand ça tire et ex-
plose partout pendant des heures,
on finit avec du sang qui sort des
oreilles. Quand j’ai juste un siffle-
ment qui bourdonne, je prends un
antidouleur et voilà tout. On évite
d’aller voir les médecins, car il y a
trop de bureaucratie. Et puis, c’est
un peu la honte d’y aller pour un
mal de crâne, alors qu’il y a là des
gars qu’on va amputer. »
Devenu un combattant d’élite,
« WarWar » estime que le combat
« a changé trois choses dans [sa]
vie : j’ai tout le temps des maux de
tête et je prends des antidouleurs ;
je ne peux plus dormir dans le noir
et dans le silence, il me faut de la
lumière et du bruit ; et j’ai du mal à
Dans le quartier général du 515e bataillon de la 1re brigade, à Tchassiv Yar (Ukraine), le 28 novembre.
rester seul quelque part ». Des
soucis qui n’entament en rien
son enthousiasme pour le com-
bat, ni sa « fierté d’appartenir aux
forces spéciales ». Lui qui s’ac-
« À FORCE quitte de missions d’assaut ponc-
DE FRANCHIR tuelles a une pensée pour « les
gars de l’infanterie qui gardent la
TOUS LES PALIERS première ligne de front. C’est grâce
à eux que l’Ukraine tient ».
DE LA PEUR, Tant de temps passé au front
J’AI FINALEMENT change les hommes. Un soir,
« Zakhar » confie ses sentiments à
COMPRIS QUE cœur ouvert, aidé par quelques
verres de son alcool préféré, un
JE NE SUIS RIEN. calvados de Normandie. « A force
de franchir tous les paliers de la
JUSTE UN CORPS peur, j’ai finalement compris que
ENCORE EN VIE » je ne suis rien. Je suis juste un corps
encore en vie, dit le sergent-chef.
SERGIY VENGERSKIY Au “point zéro” [sur la première li-
sergent-chef gne de front], face à un ennemi,
on n’est humainement pas desti-
nés à s’entretuer. Pourtant, on tire.
C’est lui ou moi. Ça se joue entre la
mort et moi. Tuer, c’est vivre. »
L’arrivée de la neige, fin novem-
bre, a signifié, pour certains, un
ralentissement dans les combats
permettant de prendre un peu de
repos, et pour d’autres, obligés de
tenir sur le front, une bataille
pour la survie. « L’hiver, c’est l’en-
fer, à cause du froid. Et les tran-
chées, c’est l’enfer à cause des
souris partout, qui mangent notre
nourriture, nos vêtements »,
confie le sergent « Dizel ».
« L’hiver n’est qu’une période
courte avec des degrés en moins.
Nous sommes meilleurs qu’il y a
un an, avec un meilleur équipe-
ment, une meilleure préparation à
l’hiver », le contredit le colonel
Uminskiy. « Cette année, nous sa-
vions que nous allions devoir com-
battre en hiver, nous sommes
mieux préparés, plus expérimen-
tés. Le froid n’est pas un pro-
blème », dit aussi le capitaine Ye-
vhenii Skoryna, « Cap », comman-
dant du 49e bataillon d’infanterie.
Le colonel Uminskiy reconnaît
cependant : « D’un autre côté,
nous sommes fatigués… »
Près de deux années de guerre
ont incité ces hommes, dont beau-
coup n’étaient pas militaires avant
l’invasion, à avoir un regard para-
doxal sur leur armée : d’un côté un
véritable respect pour les officiers
de combat, ceux qui risquent leur
vie en tentant de protéger celle des
autres ; de l’autre, un esprit sou-
vent critique envers l’état-major,
même si son chef, le général Valeri
Zaloujny, reste extrêmement po-
pulaire au sein des troupes.
« MANQUE DE COMBATTANTS »
« Les officiers de mon bataillon
sont exceptionnels, ils ne nous en-
voient jamais vers l’inconnu et
font tout ce qu’ils peuvent pour
épargner la vie des soldats. Et
aucun mort de mon bataillon n’a
été abandonné sur le champ de
bataille. Jamais. C’est une diffé-
rence entre nous et l’armée russe »,
pense « Dizel ». « Il y a parfois des
malentendus entre les soldats et
les officiers. Certains officiers sont
encore imprégnés d’un esprit “so-
viétique”. Heureusement, mon
commandant d’unité a un vrai es-
prit critique et dit ce qu’il pense à
ses supérieurs », dit « Zakhar ».
Son commandant, le capitaine
Andriy Malakhov, alias « Tu-
man », du 518e bataillon d’infante-
rie « Dyke Pole » (« champ sau-
vage »), voit pour sa part un pro-
blème dans l’organisation de l’ar-
mée. « Beaucoup de combattants
volontaires du début de la guerre
soit sont morts ou blessés, soit ont
rapidement gravi les échelons, et
les combattants récemment mo-
bilisés sont moins motivés pour al-
ler combattre au front. »
Le sergent Andriy Onistrat, dit
« Bankir », chef d’une unité de
renseignement aérien, dresse un
constat encore plus sévère. « Le
problème, c’est l’absence de mobi-
lire la suite page 4
4 | international
GUERRE EN UKRAINE
suite de la page 2
lisation automatique en Ukraine.
On manque de combattants et les
nouvelles recrues ne sont pas très
bonnes, il y a trop de vieux et pas
assez de jeunes. Il faut changer le
système de recrutement, afin que
l’engagement dans l’armée soit
prestigieux et qu’il offre aux jeunes
des perspectives, notamment pro-
fessionnelles, pour l’après-guerre. »
L’officier « Tuman », qui s’est dis-
tingué au combat, avoue son in-
compréhension après avoir reçu
l’ordre de quitter le front et appris
que son bataillon allait être réor-
ganisé. « Dans ce pays, on retire les
meilleurs combattants du front
pour réorganiser l’armée. Et non
seulement on nous retire du front,
mais on transforme complète-
ment les unités. C’est déjà la cin-
quième décision ridicule concer-
nant mon bataillon. Il y a, chez nos
généraux, des types qui ont un in-
térêt autre que militaire, qui sont
des éminences grises, pas des pro-
fessionnels. Ce n’est pas un secret.
Ces généraux veulent se faire re-
marquer et recevoir des médailles.
Et ce n’est pas propre à l’Ukraine,
ça existe dans toutes les armées. »
Une autre frustration transpa-
raît. A la reconnaissance pour le
soutien occidental et aux remer-
ciements pour les livraisons d’ar-
mes commence à succéder une
période de doutes. Les alliés de
l’Ukraine ont-ils vraiment envie
que Kiev gagne cette guerre et que
Moscou la perde ?, se demandent
en substance les combattants. Le
colonel Oleh Uminskiy ne cache
pas son amertume. « Quand le
monde occidental discute de la
guerre en Ukraine, c’est de la théo-
rie. Nous, nous savons que, si nous
n’arrêtons pas ces animaux, cette
guerre se poursuivra dans d’autres
pays d’Europe. Quand les Euro-
péens verront des membres de leur
famille partir au front, ils se sou-
viendront de ce que je dis. »
Andriy Onistrat, actuellement à
Kiev pour aider à recruter de nou-
veaux volontaires, n’est pas ten-
dre non plus. « Pour une victoire
rapide, il faudrait que le monde
entier combatte la Russie. Sinon la
guerre sera extrêmement longue
et ce sera une catastrophe, pense-
t-il. Il faut annuler l’ordre donné à
l’Ukraine de ne pas frapper le terri-
toire russe avec des armes occi-
dentales. C’est le genre de décision
qui nous coûte des centaines de
vies par jour. » « Bankir » doute lui
aussi de la détermination des al-
liés de l’Ukraine. « Les dirigeants
occidentaux doivent savoir que
faire de la Russie après une défaite
russe. S’ils ne comprennent pas
cette guerre, qu’ils viennent passer
une journée au front, ou au moins
dans une morgue ou un cimetière,
et alors ils comprendront. »
La mort, le sergent Onistrat l’a
vue de près pour avoir, comme
tous les autres, perdu des camara-
des. Mais lui vit désormais avec
elle tout le temps, depuis qu’il a
perdu un fils, Ostap, en juin, sur le
front. « Je vais chaque mois au ci-
metière et chaque fois, je vois de
nouvelles tombes, innombrables.
Là, on comprend ce que la guerre
veut dire. » Pour « WarWar », la re-
lation à la mort est plus com-
plexe, reconnaît-il. « Je suis navré
qu’on ait autant de morts, mais il
faut bien comprendre qu’au com-
bat la seule chose qu’on se dit, c’est
“merci mon Dieu, ce n’était pas
« NOUS SAVONS QUE,
SI NOUS N’ARRÊTONS
PAS CES ANIMAUX,
CETTE GUERRE
SE POURSUIVRA
DANS D’AUTRES
PAYS D’EUROPE »
OLEH UMINSKIY
colonel
moi”. Personne ne l’avoue publi-
quement, mais c’est la réalité : on
pense d’abord à soi, et à ses frères
d’armes. » Quant à « Zakhar », qui
affirme n’avoir « pas peur de mou-
rir », il constate qu’« une vie ne
vaut rien. Le prix d’une balle ».
Pour ceux qui ont la chance de
revenir chez eux, le temps de brè-
ves permissions, le retour à une
vie presque normale est parfois
difficile. « Ce qui m’irrite, quand je
rentre, ce sont les questions stupi-
des des civils, des voisins. “Com-
ment te sens-tu ?”, “Combien de
temps la guerre va-t-elle durer ? ”,
ou d’autres idioties de ce genre. Les
gens ne comprennent pas la
guerre », déplore « WarWar ». « Le
plus énervant, pour moi, c’est
quand un civil dit que je suis un
“héros”. Foutaises ! Je ne suis pas
un héros. Je ne suis qu’un mec ins-
table qui ne sait pas quel sera son
avenir, ou qui sait qu’il n’a pas
d’avenir », peste « Zakhar ». La
guerre dure, et le fossé entre civils
et combattants se creuse.
« UN TUEUR À SANG FROID »
« WarWar » raconte une anecdote
qu’il met autant sur le compte du
« plaisir d’être ensemble au com-
bat » que du « patriotisme ». « On a
obligé mon unité, en septembre, à
prendre un mois de repos à Kiev, et
les gars n’ont tenu que deux semai-
nes. Ils voulaient revenir sur le
front. La secrétaire du comman-
dant nous a dit que c’était impossi-
ble, et qu’il fallait aller au bout de
la permission. Alors on a signé des
décharges et prétendu qu’on reve-
nait pour “s’entraîner” et “faire de
la gym”, et nous sommes repartis
au combat. » « WarWar » dit que sa
femme est « jalouse de l’armée »,
même s’il la croit aussi, confie-t-il
en souriant, « fière » de lui.
Si le monde a fini par prendre
conscience que le conflit s’instal-
lait dans la durée, les combat-
tants ne sont pour leur part guère
surpris. Ou ils en ont pris cons-
cience avant les autres, dès l’hiver
précédent, avec, notamment, l’in-
terminable bataille autour de
Bakhmout. « Chaque Ukrainien
sera soldat un jour ou l’autre. Mon
conseil aux jeunes est de s’y prépa-
rer », prédit « WarWar ». Certains
reconnaissent que « le moral n’est
pas bon », mais tous disent aussi
qu’ils n’arrêteront pas le combat.
« Nous n’avons pas des moyens
extraordinaires, mais nous savons
que nous combattrons jusqu’à la
fin. C’est notre terre », affirme le
colonel Uminskiy.
« Zakhar » connaît ce paradoxe
d’être « devenu un tueur à sang
froid » d’un côté, et de haïr la
guerre de l’autre. Et sa durée l’in-
quiète. « La guerre n’est jamais un
progrès pour une société, c’est une
régression. Tous les pays envoient
leurs pauvres faire la guerre. Moi,
je suis un pauvre qui n’a rien à per-
dre. Les riches ne comprennent
pas nos peurs, car eux ont d’autres
peurs, et tant à perdre. L’armée
crée un système et un discours qui
font croire aux pauvres qu’ils se-
ront protégés et sauvés, mais c’est
une illusion. L’objectif est juste de
nous aider à tuer l’ennemi. »
Parmi tous ces soldats rencon-
trés, une conversation devait avoir
lieu avec « A », qui envoyait régu-
lièrement des messages aussi
courts que révélateurs. Ainsi, en
août : « C’est l’enfer ! On perd des
hommes tous les jours. » Puis, en
septembre : « Aujourd’hui, ça a en-
core été terrible. » Et un peu plus
tard, dans la nuit : « Désolé, un mo-
ment de fatigue… » Puis « A » a
rompu le contact. Téléphone
coupé. Enfin, en décembre, un
sous-officier, « S », a finalement
évoqué son sort au détour d’une
conversation. « “A” est en détention
parce qu’il a tué un camarade qui
était depuis trop longtemps avec
lui dans la tranchée. Ils ont eu une
dispute. Il l’a tué d’un coup de mar-
teau. » Le militaire précise que
« A » était « un gars vraiment bien,
un bon camarade ». Et conclut,
avec un sourire triste : « Voilà ce
que la guerre fait aux hommes. » p
rémy ourdan
Un soldat ukrainien, dans le Donbass (Ukraine), près de la ligne de front, le 8 décembre. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »
Le blues des tankistes ukrainiens
déployés dans la poche d’Avdiïvka
Les blindés qui défendent la ville du Donbass manquent de munitions
pokrovsk (ukraine) -
envoyé spécial
A ffalé sur un divan hors
d’âge, Anton, 28 ans, agite
un joystick. A grands
coups de hache, ce chef de peloton
au sein de la 59e brigade d’infante-
rie motorisée terrasse un adver-
saire virtuel sous les encourage-
ments de ses camarades. « Game
over » s’affiche sur le large télévi-
seur. Il est environ 11 heures du
matin quand Anton, nom de
guerre « Etudiant », sort de la mai-
son abandonnée qu’il squatte
avec quelques camarades, à quel-
ques kilomètres du front. Il grille
une cigarette en marchant d’un
pas assuré sur la glace recouvrant
la chaussée. Toutes les maisons du
village où la 59e brigade a pris ses
quartiers portent les stigmates de
la guerre. Des explosions retentis-
sent régulièrement aux alentours.
A dix mètres de la maison, un
vaste cratère rappelle à tous
qu’aucune assurance-vie n’est va-
lable ici. « Les Russes ont repéré un
dépôt de munitions et ont réussi à
le toucher. C’était il y a une se-
maine », commente placidement
Anton, en caressant une barbe
rousse bien fournie. Il traverse la
rue vers sa « tanière » personnelle,
une cave surchauffée aménagée
en QG, dont la profondeur est
équivalente à celle du cratère voi-
sin. Il s’assoit face à un écran d’or-
dinateur et continue à griller des
clopes. L’écran est divisé en neuf
fenêtres, sur lesquelles s’affichent
les images d’autant de zones du
front, filmées par des drones de re-
connaissance. Le chef de peloton
regarde distraitement, car ce n’est
pas l’heure des assauts russes, et il
ne se passe pas grand-chose.
Au lever du jour, l’ambiance était
tout autre. « Chaque matin, les Rus-
ses attaquent nos positions avan-
cées », explique Anton, qui com-
mande dix chars (dont le sien) au
sein de son peloton. Sa mission
consiste à bloquer la mâchoire
sud de la tenaille russe menaçant
d’encercler la ville d’Avdiïvka.
« D’ordinaire, nous détruisons du
blindé et de l’infanterie. Ce matin, il
n’y avait pas de blindé, mais un feu
d’artillerie très nourri. Sur mon
écran, j’ai vu avancer douze fantas-
sins progressant entre des tas
d’épaves de blindés [détruits les
jours précédents]. Nous avons tué
deux fantassins, d’autres ont été
blessés. Les Russes ont reflué sans
évacuer les leurs. »
Entre deux plaisanteries sur la
chair à canon russe et sur le fond
d’écran érotique apparaissant
inopinément sur l’écran, le chef de
peloton se plaint d’avoir « un gros
problème de munitions, qui em-
pire », et de ses chars T-72 « qui ont
presque l’âge de [s]on père ». Son
peloton s’est récemment enrichi
d’un T-64 ennemi, un char sovié-
tique d’une génération encore
antérieure au T-72.
Ce n’est pas son commandant de
brigade, déboulant dans l’antre
d’Anton pour échapper au froid,
qui va le contredire. « On manque
de tout !, s’écrie Oleksandr, 51 ans
(qui n’est pas autorisé à dévoiler
son nom de famille). Pour tenir
face à la pression russe, il nous faut
des hélicos, au moins une escadrille
d’Apache [américains]. Il nous faut
des munitions, des drones… depuis
septembre, on ne reçoit rien ! »,
rouspète cet homme grisonnant
au visage carré.
Les « moissons » quotidiennes
A une dizaine de kilomètres de là,
l’humeur est plus légère au sein
de la 47e brigade mécanisée, char-
gée de stopper la mâchoire nord
se refermant sur la poche d’Avdiï-
vka. Aux commandes de son
M2A2 Bradley, un véhicule blindé
américain de combat d’infanterie,
Oleksandr, 22 ans, relate avec fierté
les « moissons » effectuées quoti-
diennement sur les assaillants
russes. Formaté par son métier ac-
tuel, le jeune commandant, sur-
nommé « Katch », parle de son
« travail », sans fioriture ni émo-
tion. Il se tient bien droit, avec une
raideur toute militaire, à quelques
mètres de son véhicule.
« Nous nous levons à 4 heures du
matin. Une heure plus tard, nous
sommes déployés sur la position
assignée par le commandement.
« EN CE MOMENT,
LE COMBAT RESSEMBLE
À UN MATCH DE FOOT :
LE BALLON EST UNE
POSITION. LES RUSSES
PRENNENT LA POSITION,
ON LA REPREND »
OLEKSANDR, DIT « KATCH »
commandant de la 47e brigade
Notre mission consiste à transpor-
ter des troupes, à évacuer les blessés
et, surtout, à supprimer les assauts
ennemis », explique ce jeune
homme portant moustache et
bouc, ainsi qu’un chapelet aux
couleurs du drapeau ukrainien
autour du cou. « Nous gérons la si-
tuation. Nous sommes en mesure
de stopper les attaques au niveau
d’intensité actuel. En ce moment, le
combat ressemble à un match de
foot dans lequel le ballon est une
position. Ils prennent la position,
puis on la reprend. » Interrogé sur
la préparation d’une ligne de repli,
en cas de percée russe, le comman-
dant répond d’un air peu concerné
avoir remarqué la construction de
lignes secondaires.
Le Bradley, fabriqué en 2016, fait
partie d’un lot de 186 exemplaires
fournis début 2023 par les Etats-
Unis à l’Ukraine. L’engin est huit
fois plus jeune que son conduc-
teur, Serhi, la cinquantaine, qui,
assis à l’arrière, écoute d’un air
maussade son jeune comman-
dant en vanter les mérites : « Le ca-
non mitrailleur est beaucoup plus
précis que ceux des blindés russes.
Pour être efficace, on s’approche au
maximum des assaillants et on tire
à une distance de 300 mètres à 1 ki-
lomètre. De toute façon, quelle que
soit la distance, tout le feu ennemi
se concentre sur nous, parce que
nous sommes une cible prioritaire
pour l’artillerie, les drones, etc. »
La protection du Bradley épate le
jeune homme, qui a combattu
d’abord un an dans l’infanterie
0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023
avant de se voir confier les manet-
tes du blindé américain en février.
« Il n’y a pas longtemps, une bombe
planante guidée russe [dont la
charge explosive pèse entre
500 kilos et 2,2 tonnes] a explosé à
100 mètres de nous. On a bien senti
l’onde de choc. Toute l’électronique
du Bradley a automatiquement
disjoncté pour éviter le risque d’in-
cendie. Puis elle s’est remise en
route au bout de quelques secon-
des. C’est une machine très fiable »,
raconte le jeune homme, formé
pendant un mois en Allemagne au
commandement du blindé.
« Meilleur camouflage : la neige »
Contrairement à ses camarades
de la 59e brigade, Oleksandr ne se
plaint pas du déficit de munitions.
Son Bradley possède encore un
stock de missiles antichars.
« Quand nous avons des domma-
ges sur nos véhicules à cause des
obus russes, nous les faisons répa-
rer pas très loin du front, dit-il en
nommant deux villages des envi-
rons. Ainsi, les réparations vont
vite et les Bradley reprennent rapi-
dement le travail », se félicite le
fringant commandant. Bien qu’il
soit à la portée de l’artillerie russe,
il ne semble pas craindre d’être
visé par l’adversaire. Son Bradley
est garé dans un bois, en lisière
d’un champ recouvert de neige.
« La verdure n’est plus là pour mas-
quer nos équipements à la sur-
veillance des drones russes qui
tournent sans arrêt dans le ciel. Le
meilleur camouflage, c’est la neige
[fraîchement tombée]. Parfois, on
fait rentrer nos blindés dans les
maisons détruites », qui sont lé-
gion dans les environs.
Selon le site de renseignement
en source ouverte Oryx, qui fait
référence sur la guerre en Ukraine,
un tiers des 186 M2A2 Bradley
arrivés des Etats-Unis en début
d’année ont déjà été détruits, cap-
turés, abandonnés ou endomma-
gés. Ce taux d’usure oblige à re-
nouveler régulièrement la flotte
de chars et de blindés ukrainiens.
Sans quoi, celle-ci sera inexorable-
ment consumée par le feu russe. p
emmanuel grynszpan
0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023
Face à Israël, le double visage de la Turquie
Malgré les diatribes du président turc contre Nétanyahou, le pays poursuit son commerce avec l’Etat hébreu
istanbul - correspondant
D
epuis le début de l’in-
tervention militaire
israélienne dans la
bande de Gaza, le pré-
sident turc, Recep Tayyip Erdogan,
a revêtu son uniforme favori, celui
du champion de la cause palesti-
nienne et de la rue arabe. S’il a re-
tenu ses coups dans les premiers
jours qui ont suivi l’attaque perpé-
trée par le Hamas le 7 octobre, ap-
pelant à la fin des « actions agressi-
ves », il n’a eu de cesse de condam-
ner, dans les semaines suivantes,
les « attaques barbares » de l’Etat
hébreu, qualifiant Benyamin Né-
tanyahou de « boucher de Gaza »
ou encore de « génocidaire ». Sou-
tien historique du Hamas, qu’il
considère comme une « organisa-
tion de libération », l’homme fort
d’Ankara a pleinement choisi son
camp, galvanisant sa base islamo-
nationaliste tout en confortant
une majorité de l’opinion très sen-
sible à la question palestinienne.
Seulement voilà, une petite voix
est venue contrarier ce discours
officiel. Depuis près de deux mois,
Metin Cihan, 44 ans, journaliste
indépendant et exilé depuis 2020
à Berlin, recense jour après jour,
sur son compte X, les navires tran-
sitant des ports turcs vers Israël.
Un travail de fourmi consistant à
amasser les données des activités
navales, en accès libre sur les sites
maritimes et de libre-échange, et
qui jette une lumière crue sur les
liens commerciaux étroits que
continuent d’entretenir les deux
pays, parfois même jusqu’au
sommet de l’Etat. « Les autorités
turques ont beau qualifier publi-
quement Israël d’“Etat terroriste”
et accuser les Occidentaux de “dou-
ble standard”, ils n’ont absolument
rien changé à leurs affaires, avance
le journaliste. Les flux de mar-
chandises, comme l’acier et le pé-
trole, qui alimentent pourtant la
machine de guerre de Tel-Aviv, se
poursuivent comme si de rien
n’était, mettant en évidence le dou-
ble discours des dirigeants. »
Depuis le début des frappes,
Metin Cihan a répertorié un total
de 450 navires partis de Turquie
vers Israël. Il a par exemple pointé
les expéditions quotidiennes de
Limak Holding, un géant indus-
triel lié aux cercles du pouvoir, de-
puis le port d’Iskenderun. Sur le
chantier naval de Sefine, au bord
de la mer de Marmara et propriété
L’Iran promet une réponse à Israël pour la mort de Razi Moussavi
Le plus haut gradé des gardiens de la révolution en Syrie aurait été visé, le 25 décembre, par « trois missiles israéliens », selon Téhéran
L es tensions entre l’Iran et
Israël montent de nouveau
d’un cran. Lundi 25 décem-
bre, à Damas, le plus haut gradé
du corps des gardiens de la révo-
lution iraniens en Syrie, le général
de brigade Razi Moussavi, a été
tué à la suite du tir de « trois missi-
les israéliens », a annoncé Téhé-
ran. Cet assassinat ciblé fait partie
de la guerre non déclarée que se
mènent la République islamique
et l’Etat hébreu depuis deux dé-
cennies, que le conflit à Gaza a
exacerbée. M. Moussavi est le plus
haut responsable de l’« axe de la
résistance » éliminé par Israël de-
puis la mort d’Imad Moughniyeh,
l’un des principaux chefs militai-
res du Hezbollah, le bras armé de
Téhéran au Liban, tué dans l’ex-
plosion d’une voiture piégée,
en 2008, à Damas.
Présenté comme un « conseiller
en antiterrorisme » auprès du ré-
gime syrien par le ministère
des affaires étrangères iranien,
M. Moussavi s’occupait de la coor-
dination militaire entre les forces
alliées aux gardiens de la révolu-
Recep Tayyip Erdogan, à l’issue d’une rencontre avec le Hongrois Viktor Orban, à Budapest, le 18 décembre. ATTILA KISBENEDEK/AFP
de Kolin Holding, proche du gou-
vernement, s’effectue, selon le
journaliste, la maintenance du pé-
trolier acheminant le carburant
aux avions de chasse israéliens.
« Irréfutable »
Il découvre aussi que l’entreprise
Pamukkale Kablo, propriété de
Mustafa Semerci, dirigeant fon-
dateur du Parti de la grande union
(BBP), une formation ultranatio-
naliste d’extrême droite membre
de la coalition gouvernementale,
a continué, après le 7 octobre, à
fournir des câbles à l’Etat hébreu.
Le BBP s’était pourtant fait remar-
quer ces dernières semaines pour
ses appels au boycott d’Israël
dans son ensemble et ses descen-
tes musclées contre des cafés
Starbucks, pris pour cible pour
leur soutien supposé à Tel-Aviv.
Et puis, le journaliste identifie
que la société de transport Manta
Shipping poursuit, elle aussi, ses
activités avec Israël. L’entreprise
tion (armée idéologique de Téhé-
ran) dans la région. Soit les diffé-
rentes milices pro-iraniennes dé-
ployées en Syrie et en Irak, mais
aussi le Hezbollah libanais, qui af-
fronte chaque jour l’armée israé-
lienne en soutien au Hamas pales-
tinien. Depuis le début du conflit
syrien, en 2011, le régime iranien
utilise constamment le terme
« conseiller » pour justifier la pré-
sence de ses militaires dans le
pays, allié de Téhéran.
Sur une photo prise il y a plus de
dix ans et diffusée sur des comp-
tes X proches du régime iranien,
M. Moussavi, alias Seyyed Razi
(seyyed désignant un « descen-
dant » du Prophète par lignée fa-
miliale, dans la nomenclature de
la République islamique), pose,
l’air concentré, auprès d’Hassan
Nasrallah, secrétaire général du
Hezbollah libanais, qu’il connais-
sait depuis plus de vingt-cinq ans.
Une autre image, diffusée par la
télévision iranienne, le montre
souriant auprès du général Ghas-
sem Soleimani, chef des opéra-
tions extérieures iraniennes jus-
« Les flux
de marchandises
se poursuivent,
mettant
en évidence
l’hypocrisie
des dirigeants »
MEtin Cihan
journaliste turc
appartient à Mert Cetinkaya, « un
associé de Burak Erdogan, le fils du
président », précise Metin Cihan.
« J’ai partagé toutes mes sources et
mes méthodes d’investigation.
C’est irréfutable, et cela n’a pas été
démenti. La compagnie a déclaré
que le commerce avec Israël se
poursuivait et qu’ils ne pouvaient
rien y faire parce qu’un contrat
avait été conclu avant la guerre. »
Quelques jours plus tard, il révèle
qu’à son assassinat par les Etats-
Unis, le 3 janvier 2020.
A l’époque, cette mort avait été
vécue par le régime iranien
comme une humiliation. Il pro-
mettait alors une « vengeance fé-
roce ». Téhéran avait bien riposté,
en visant une base américaine en
Irak, mais avait laissé le temps aux
militaires présents de se mettre à
l’abri avant de la bombarder. L’at-
taque avait néanmoins fait des di-
zaines de blessés. Lundi, Razi
Moussavi a été tué quelques jours
avant le quatrième anniversaire
de la mort de Soleimani, ce qui
pourrait embarrasser Téhéran et
rendre plus vulnérables ses offi-
ciers postés à l’étranger.
Selon l’ambassadeur iranien à
Damas, interviewé par la télévi-
sion iranienne, M. Moussavi
aurait été ciblé, chez lui, dans le
quartier de Sayyida Zeinab. Ce
faubourg du sud de Damas bâti
autour d’un lieu saint du chiisme
– le mausolée qui abriterait la sé-
pulture de la petite-fille du pro-
phète Mahomet – est le point de
ralliement et d’hébergement des
qu’Erkam Yildirim, le fils de l’an-
cien premier ministre Binali Yildi-
rim (AKP), est un associé d’Oras
Shipping, une compagnie mari-
time commerçant avec Israël.
A Ankara, les tweets de M. Cihan
agitent les rangs politiques. L’ex-
ministre des affaires étrangères
de l’AKP et ancien premier minis-
tre Ahmet Davutoglu a vertement
critiqué le gouvernement et les
hommes d’affaires poursuivant
leurs activités avec Israël. Au Par-
lement, l’opposition a demandé
des comptes au gouvernement. Et
plusieurs quotidiens ont repris
dans le détail les listes de mar-
chandises et de biens exportés ou
réacheminés ainsi chaque mois.
Interrogé par Al-Jazira, le minis-
tre du commerce, Omer Bolat, a
affirmé que les échanges mariti-
mes entre les deux pays avaient
baissé de plus de 50 % au mois de
novembre. « Le chiffre est plutôt
de 40 %, corrige Metin Cihan, et
surtout cette réduction n’a rien à
miliciens pro-iraniens et des ca-
dres militaires envoyés par Téhé-
ran. Mais la présence de Razi
Moussavi est bien antérieure à la
guerre civile qui a succédé à l’écra-
sement de la révolte contre Ba-
char Al-Assad. Selon Tasnim, pro-
che des gardiens de la révolution,
il y était « actif » depuis plus de
vingt-cinq ans et avait déjà
échappé à des tentatives d’assas-
sinat de la part des Israéliens.
« Guerre multifront »
Signe de l’importance de cette
perte, la télévision d’Etat a inter-
rompu, lundi, ses programmes
pour annoncer sa mort. Le prési-
dent iranien, Ebrahim Raïssi, a
promis dans la foulée qu’Israël en
« paierait le prix fort ». Mardi, le
chef d’état-major des forces ar-
mées iraniennes, Mohammad
Bagheri, a renouvelé ces promes-
ses de représailles : « Israël a com-
mis une erreur stratégique en as-
sassinant un général iranien. Ce
crime ne restera pas sans réponse. »
A Téhéran, le porte-parole de la
commission de la sécurité natio-
international | 5
voir avec une volonté politique de
limiter les relations avec Israël ou
d’un éventuel boycott comme le
sous-entend le ministre. Cette
baisse n’est que le résultat des ef-
fets induits par un conflit de ce
type, comme le confirment les spé-
cialistes. Les échanges commer-
ciaux entre la Turquie et Israël se
poursuivent sans interruption. »
Aux députés, Hakan Fidan, mi-
nistre des affaires étrangères, a ré-
pondu que « les relations entre la
Turquie et Israël, qui durent depuis
plus de soixante-quatorze ans, ne
se sont jamais faites au détriment
de la cause palestinienne ». Une ré-
ponse « en forme d’aveu, mais plu-
tôt honnête », reconnaît M. Cihan.
D’après le quotidien progouver-
nemental Sabah, M. Erdogan et sa
famille veulent déposer une
plainte pénale contre le journa-
liste. Lui dit n’avoir encore rien
reçu. A l’injonction d’un tribunal
d’Istanbul qui a ordonné la sup-
pression des tweets mentionnant
nale du Parlement a annoncé une
réunion d’urgence la semaine
prochaine pour examiner la mort
du général. « Nous considérons cet
assassinat comme une attaque
honteuse qui dépasse les limites », a
réagi le Hezbollah libanais.
Le porte-parole de l’armée israé-
lienne, Daniel Hagari a refusé de
commenter des informations ve-
nues de « l’étranger », se bornant à
affirmer que les forces de l’Etat
hébreu « [ont] évidemment pour
mission de protéger les intérêts
d’Israël en matière de sécurité ».
Les autorités israéliennes ne re-
vendiquent jamais ouvertement
leurs attaques contre l’Iran et ses
intérêts, dans la région. Mardi, le
ministre de la défense, Yoav
Gallant, a toutefois déclaré, lors
d’une audition de la commission
des affaires étrangères et de la dé-
fense de la Knesset, qu’Israël se
trouvait engagé dans une « guerre
multifront ». « Dès le début, nous
avons été attaqués sur sept fronts :
Gaza, le Liban, la Syrie, Israël,
l’Irak, le Yémen et l’Iran. Nous
avons déjà riposté sur six de ces
Suède et OTAN
se rapprochent
La commission des affaires étran-
gères du Parlement à Ankara
a approuvé, mardi 26 décembre,
après plusieurs heures de discus-
sion, le protocole d’adhésion
de la Suède à l’OTAN. Le texte a
été transmis à l’Assemblée plé-
nière dans la soirée pour adop-
tion définitive, une formalité qui
pourrait suivre très prochaine-
ment. Le président de la commis-
sion, Fuat Oktay, a laissé enten-
dre qu’il ne fallait pas s’attendre
à une décision rapide. La veille, il
avait indiqué sur la chaîne privée
NTV avoir « encore quelques de-
mandes pour des avancées sup-
plémentaires » en matière de lutte
antiterroriste, sans autre détail.
Cette décision a aussitôt été sa-
luée par le ministre suédois des
affaires étrangères, Tobias Bills-
tröm, et le secrétaire général de
l’OTAN, Jens Stoltenberg. La Tur-
quie était le dernier membre de
l’Alliance atlantique avec la Hon-
grie à barrer la route à la Suède,
multipliant exigences et prétextes
pour justifier ses réticences.
la famille Yildirim, il a répondu par
un tweet : « Je ne les supprimerai
pas. Ce n’est pas une allégation. Ce
sont des sources officielles ouvertes
à tous (…). Pour les enfants palesti-
niens, je ne les supprimerai pas. »
Côté israélien, observe-t-il, les
autorités ont décidé, depuis le
14 décembre, sans préciser de rai-
son, de ne plus rendre accessibles
certaines informations sur leurs
activités portuaires. « Au lieu des
six ou sept bateaux que l’on pou-
vait identifier chaque jour, on n’en
voit plus que deux du côté israé-
lien, mais je ne désespère pas de
trouver les vraies datas, elles sorti-
ront d’une façon ou d’une autre. »
En 2020, en plein regain d’acti-
vité économique, le premier mi-
nistre israélien, rapporte le Jeru-
salem Post, avait eu ces mots :
« Les positions du président turc à
mon égard en public sont différen-
tes en matière de relations com-
merciales entre nos deux pays. » Et
Nétanyahou d’ajouter : « Il m’ap-
pelle Hitler toutes les trois heures…
Maintenant, il le fait toutes les six
heures, mais, Dieu merci, le com-
merce entre la Turquie et Israël est
en plein essor. » p
nicolas bourcier
théâtres d’opérations », a-t-il
ajouté. Sans préciser qui, des hou-
thistes yéménites ou de l’Iran,
constituait le « septième front ».
Depuis novembre, le groupe yé-
ménite, soutenu et armé par l’Iran,
multiplie les attaques en mer
Rouge contre des navires com-
merciaux liés à des intérêts écono-
miques israéliens, menaçant de
paralyser le trafic maritime inter-
national en cas de représailles.
A ce stade, rien n’indique que
l’Iran ait « l’intention d’entrer dans
un conflit direct avec Israël, ana-
lyse Hamidreza Azizi, chercheur à
la Stiftung Wissenschaft und Poli-
tik, un institut de recherche, à
Berlin. En Iran, les dirigeants
voient derrière les attaques israé-
liennes une tentative d’entraîner le
pays dans une guerre ouverte.
Dans un tel scénario, une coalition
internationale se formerait aussi-
tôt contre l’Iran, ce qui allégerait
la pression diplomatique contre
l’Etat hébreu. Ce n’est pas dans l’in-
térêt de Téhéran ». p
ghazal golshiri et
madjid zerrouky
6 | international
Les drones,
outils de plus en
plus prisés des
armées d’Afrique
Eléments incontournables des
conflits actuels, ces aéronefs ont
conquis le continent, bouleversant
les équilibres sur les fronts
nairobi - correspondance
C’
est la dernière bavure
d’une longue série et
l’une des plus meur-
trières. Le 5 décem-
bre, 85 personnes qui célébraient
le Mawlid, commémorant la nais-
sance du prophète Mahomet, ont
été tuées par une frappe de drone
dans un village de l’Etat de
Kaduna, dans le nord du Nigeria.
L’armée, qui pensait ce jour-là vi-
ser un groupe armé, a massive-
ment recours à ces aéronefs sans
pilote dans sa double guerre con-
tre le terrorisme islamique et con-
tre le banditisme. Au prix d’impor-
tants dégâts collatéraux. D’après
l’organisation Human Rights
Watch, plus de 300 Nigérians sont
morts « par erreur », depuis 2017,
dans des tirs de drones.
Longtemps réservés aux opéra-
tions antiterroristes menées par
les militaires occidentaux, les
avions sans pilote ou UAV (pour
« Unmanned Aerial Vehicle », en
anglais) sont en passe de devenir
une pièce maîtresse des arsenaux
du continent africain. Leur usage
est encore limité en comparaison
des théâtres de guerre en Ukraine
ou au Moyen-Orient, mais il va
croissant et bouleverse déjà la fa-
çon de mener la guerre.
Ces cinq dernières années, plus
d’une vingtaine de pays africains
s’en sont équipés, particulière-
ment en Afrique du Nord, et plus
récemment au Sahel. L’Egypte
dispose de 42 UAV armés, soit la
plus grande flotte du continent,
d’après les données de l’Institut
international de recherche sur la
paix de Stockholm. Dernière à
sauter le pas, la République dé-
mocratique du Congo a acquis,
en mai, trois drones chinois de
modèle CH-4 et une station au
sol, pour lutter contre le groupe
armé Mouvement du 23 mars,
dans l’est du pays.
Pour des armées africaines en
mal de financement, les UAV
Taïwan : les manuels scolaires s’invitent dans la campagne électorale
A quinze jours de la présidentielle, la place accordée à l’enseignement de l’histoire chinoise à l’école, sujet hautement sensible, refait surface
taïpei - envoyé spécial
A lors que Taïwan s’apprête,
le 13 janvier, à élire un
nouveau président et un
Parlement, la République de
Chine, l’autre nom de l’île souve-
raine, s’interroge sur la place à ac-
corder à la littérature classique et à
l’histoire chinoises dans les pro-
grammes d’enseignement.
En qualifiant publiquement, le
4 décembre, de « crime » la dimi-
nution du nombre de textes chi-
nois étudiés, Ou Kui-chih, profes-
seure au très prestigieux premier
lycée de filles de Taipei, savait
qu’elle lançait un pavé dans la
mare. La réforme de l’enseigne-
ment a beau remonter à 2019, la
« désinisation » des programmes
reste un sujet hautement sensi-
ble, surtout en période électorale.
Pékin, qui estime que Taïwan est
changent radicalement la donne :
non seulement ils permettent de
conserver une bonne maîtrise
des airs, mais leur coût est envi-
ron vingt fois moindre que celui
des avions de chasse. Les drones
armés de classe III coûtent entre
2 et 20 millions d’euros, et les dro-
nes tactiques de classes I et II,
moins endurants et principale-
ment déployés pour des mis-
sions de surveillance, peuvent
valoir moins d’un million
d’euros. Ils procurent en outre la
capacité unique de collecter du
renseignement dans des territoi-
res difficiles d’accès.
« Effet multiplicateur »
En Ethiopie, les drones ont ainsi
joué un rôle déterminant dans la
victoire de l’armée éthiopienne
lors de la guerre du Tigré (2020-
2022). A l’été 2021, alors que les re-
belles du Front populaire de libé-
ration du Tigré (FPLT) s’appro-
chaient dangereusement de la ca-
pitale, Addis-Abeba, le premier
ministre, Abiy Ahmed, lui-même
ancien colonel, avait acquis en
quelques semaines des drones
turcs, iraniens et chinois.
L’effet a été sidérant. Déployés
simultanément dans le ciel éthio-
pien, les drones ont pilonné les
positions rebelles, coupant les li-
gnes d’approvisionnement, dé-
truisant les armes lourdes et éli-
minant plusieurs généraux ti-
gréens lors de « frappes signatu-
res » – des attaques ciblées contre
En Ethiopie,
ils ont joué un
rôle déterminant
dans la victoire
de l’armée
lors de la guerre
du Tigré
(2020-2022)
l’une de ses provinces, n’a
d’ailleurs pas manqué de l’exploi-
ter. « Alors que le DPP [le Parti dé-
mocrate progressiste, actuelle-
ment au pouvoir] essaie de pous-
ser son schéma sécessionniste, il
n’en demeure pas moins que les
compatriotes de Taïwan sont des
descendants de la nation chinoise,
avec l’héritage culturel chinois
dans leurs gènes », a écrit le quoti-
dien chinois Global Times le 12 dé-
cembre, en se félicitant de la prise
de position de Mme Ou.
Le ministère taïwanais de l’édu-
cation a eu beau rappeler que l’en-
seignement des classiques chinois
n’était pas supprimé mais avait été
simplement réduit, rien n’y a fait.
Les trois candidats à la présidence
ont dû s’exprimer sur le sujet. Lai
Ching-te, l’actuel vice-président,
candidat du DPP qui fait la course
en tête, a fait remarquer que les
Formation de policiers éthiopiens au pilotage de drones, à Pékin, en novembre 2018. XING GUANGLI/CHINE NOUVELLE VIA AFP
des officiers ennemis. Les insur-
gés n’eurent d’autre choix que de
se replier vers la province du Ti-
gré. « Parfois, huit drones tour-
naient dans les airs en même
temps, il nous a fallu revoir toute
notre stratégie », confie un officier
tigréen, terrifié par l’efficacité des
aéronefs et le sentiment de vulné-
rabilité qu’ils provoquent. Défait,
le FPLT devra se résoudre à signer
un accord de paix un an plus tard.
Les dirigeants ouest-africains
« ont pris note du succès éthiopien
et ont acquis des drones dans
l’espoir que cette technologie les
aide à sortir de leur marasme mili-
taire », prétend Jessica Moody,
une chercheuse en prévention
des conflits, dans une tribune
parue dans le magazine Foreign
Policy. S’ils ne constituent pas
une « solution miracle » aux guer-
res sahéliennes, les drones agis-
sent comme un « effet multiplica-
teur » influant sur toutes les
autres composantes du champ de
bataille, souligne-t-elle. Non seu-
lement la présence de ces aéro-
nefs dans les airs renforce le mo-
ral des troupes et permet de ré-
colter de précieux renseigne-
ments, mais elle déstabilise
l’organisation d’un ennemi dé-
sormais condamné à constam-
ment trouver un abri face à cette
menace invisible.
Plusieurs pays sahéliens
confrontés à des insurrections
djihadistes se sont empressés
de doter leur armée de ces outils
de surveillance et de combat,
comme le Mali et le Burkina Faso,
qui ont acquis des drones turcs
quinze textes classiques chinois
encore inscrits au programme ne
constituent qu’une « référence » et
que des « ajustements » sont tou-
jours possibles. Son principal chal-
lenger, Hou Yu-ih, candidat du
Kouomintang, le vieux parti na-
tionaliste qui prône une politique
conciliante avec Pékin, a promis
une grande conférence nationale
sur les programmes scolaires. Le
troisième candidat, Ko Wen-je,
président du Parti populaire
taïwanais, s’est déclaré opposé à la
« désinisation ».
Réforme globale
L’enseignement de l’histoire est
un sujet sensible depuis la démo-
cratisation de Taïwan, dans les
années 1990. En 2015, les étu-
diants avaient protesté contre
une réforme menée en catimini
par le Kouomintang au pouvoir
Bayraktar TB2 après le départ des
soldats français de l’opération
« Barkhane ».
Les UAV ont été notamment dé-
ployés lors de la reprise de Kidal,
le 14 novembre, par l’armée ma-
lienne, épaulée par la société
russe de mercenaires du Groupe
Wagner. Bastion historique de la
rébellion touareg, la ville est tom-
bée sans combats. La Coordina-
tion des mouvements de l’Azawad
(CMA) avait eu beau miner la
route principale et détruit la piste
de l’aéroport pour dissuader l’of-
fensive malienne, les frappes ré-
pétées des drones turcs Bayraktar
TB2, acquis par Bamako en début
d’année, autour et à l’intérieur de
la ville, ont poussé les rebelles à
déserter les lieux. « Ils nous cau-
sent encore des dégâts », admet-
tait un commandant de la CMA
plusieurs jours après cette défaite.
« Pas de régulations claires »
Avant cela, la guerre civile li-
byenne fut, d’après les mots de
l’envoyé spécial de l’ONU Ghassan
Salamé en 2019, « la plus grande
guerre de drones au monde » – en-
suite supplantée par le théâtre
ukrainien. Sur le terrain libyen lar-
gement désertique et sans relief,
les positions militaires facilement
repérables ont donné un rôle dé-
terminant aux UAV – de fabrica-
tion turque et israélienne du côté
du « gouvernement d’union na-
tionale » et chinoise pour les trou-
pes du maréchal Khalifa Haftar.
Mais les usages se sont diversi-
fiés depuis. Le laboratoire de
drones que constitue la guerre en
et qu’ils jugeaient trop proche de
Pékin. L’un d’eux s’était donné la
mort. Elue en 2016, Tsai Ing-wen,
présidente du DPP, qui a adopté
une ligne plus ferme face à Pékin,
a mis trois ans pour réformer l’en-
seignement.
La réforme globale accorde
moins d’importance aux ensei-
gnements imposés et davantage
« L’histoire
de Taïwan ne
peut pas être vue
qu’à travers la
seule perspective
chinoise »
MAU-KUEI CHANG
universitaire
D’après l’ONG
Human Rights
Watch, plus
de 300 Nigérians
sont morts
« par erreur »,
depuis 2017, dans
des tirs de drones
Ukraine commence à déteindre
en Afrique. Les forces spéciales
ukrainiennes ont, par exemple,
introduit en septembre des
appareils kamikazes FPV (pilo-
tage en immersion par caméra
embarquée) au Soudan pour
combattre les mercenaires du
Groupe Wagner et les combat-
tants des Forces de soutien ra-
pide. Autre nouveauté, des modè-
les commerciaux, une fois modi-
fiés, sont capables de larguer des
grenades à fragmentation.
La prolifération de drones et
leur usage intensif font cepen-
dant courir de graves risques aux
populations civiles. « Les Etats se
bercent d’illusions sur la capacité
des drones à mener une guerre
propre, précise et sans risque, met
en garde Wim Zwijnenburg, de
l’organisation néerlandaise PAX,
spécialisée dans les conflits. Les
états-majors en Afrique pensent
pouvoir obtenir des résultats rapi-
des et combattre sans perdre de
soldats. Mais les frappes, parfois
peu précises, engendrent des
victimes collatérales et ne s’atta-
aux options choisies par les élè-
ves, tout en resituant Taïwan dans
une autre perspective que chi-
noise. « L’histoire de la Chine conti-
nue d’être étudiée, y compris à tra-
vers les classiques de sa littérature,
mais elle est devenue un objet his-
torique. On ne dit plus que c’est
l’histoire de notre pays. L’histoire
de Taïwan est indissociable de celle
de l’Asie de l’Est et ne peut pas être
vue qu’à travers la seule perspec-
tive chinoise », explique Mau-kuei
Chang, sociologue, l’un des uni-
versitaires qui a piloté la réforme.
Pour lui, celle-ci est surtout prag-
matique. « La stratégie visant à
simplifier ce qui est ancien et à met-
tre davantage l’accent sur l’histoire
contemporaine implique de ré-
duire les contenus qui concernent
l’histoire de la Chine », justifie-t-il.
Depuis le mouvement de 2015,
une réforme a également réduit le
0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023
quent pas aux causes politiques
des conflits. » Le danger est de voir
les armées africaines faire le pari
de la technologie militaire à
outrance face à des guérillas, sans
perspective de paix.
« Il est inadmissible que l’armée
nigériane continue de tuer des in-
nocents lors de frappes aériennes
ratées », remarque la chercheuse
de Human Rights Watch au Nige-
ria, Anitie Ewang, selon qui les ba-
vures à répétition de l’armée de
l’air « appellent à un examen mi-
nutieux des activités des forces de
sécurité ». Des questions similai-
res se posent en Somalie, où les
Etats-Unis mènent une guerre de-
puis le ciel contre la milice isla-
miste des Chabab depuis 2011. Ac-
cusé par l’ONG Airwars d’avoir tué
161 Somaliens dans des frappes de
drones, Washington s’est jusqu’ici
contenté de reconnaître l’exis-
tence de victimes collatérales.
Le droit international est-il as-
sez équipé pour répondre à cette
nouvelle donne ? Qui porte la res-
ponsabilité en cas de bavure ?
Une résolution sur le sujet doit
être présentée aux Nations unies
en 2024. « Nous ne disposons pas
de régulations claires à ce sujet,
mais l’emploi des UAV devrait lo-
giquement être guidé par les lois
de la guerre », ajoute Anitie
Ewang, en l’occurrence la con-
vention de Genève sur la protec-
tion des civils. p
noé hochet-bodin
Retrouvez en ligne l’ensemble de nos contenus
rôle du pouvoir politique dans la
définition des programmes
scolaires : « Seulement un tiers
des quarante-huit membres du
comité de révision des program-
mes sont nommés par le gouverne-
ment. La plupart des membres
sont des enseignants, et il y a qua-
tre étudiants », détaille Howard
Liao, l’un des étudiants impliqués
dans le processus.
« Nous avons réduit l’étude des
classiques chinois car cet enseigne-
ment ne faisait appel qu’à la mé-
moire alors que nous voulons da-
vantage favoriser l’esprit de ré-
flexion des étudiants. Le problème
de la réforme est qu’elle a été mise
en place trop rapidement et que
beaucoup de lycées offrent un choix
limité d’options », poursuit-il. Se-
lon lui, les déclarations de Mme Ou
sont « purement politiques ». p
frédéric lemaître
0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023 planète | 7

La durée de contact avec le Covid-19 déterminante

Huit contaminations sur dix résultent d’une exposition de plus d’une heure à une personne infectée

Q
uelle est notre proba-
bilité d’être infecté
par le virus SARS-
CoV-2 après avoir été
exposé à une per-
sonne contaminée ? Pour la pre-
mière fois, une étude répond de
manière précise, grâce à l’analyse
des données de sept millions de
« contacts » (personnes exposées à
un cas confirmé) notifiés au
Royaume-Uni, entre avril 2021 et
février 2022, par une application
de contact tracing (« suivi de
contacts »). Où il apparaît que la
durée du contact avec une per-
sonne infectée est très importante
dans le risque de contamination
effective. Une évidence ? Encore
fallait-il le prouver, chiffres à l’ap-
pui.
Réalisée par une équipe renom-
mée de l’université d’Oxford, cette
étude a été publiée dans la revue
Nature le 20 décembre. Luca Fer-
retti et ses collègues ont analysé
les paquets de données que cha-
que application active, sur smart-
phone, envoyait automatique-
ment et anonymement à un ser-
veur central : durée et proximité
des contacts, infectiosité de la per-
sonne contaminée (temps écoulé
depuis ses premiers symptômes).
Etaient considérées comme « cas
contacts » les personnes exposées
à moins de deux mètres et durant
un minimum de quinze minutes.
Ensuite, à partir des données
communes dans ces paquets, les
chercheurs ont établi une corres-
pondance entre les expositions et
les infections réelles.
« Travail très rigoureux »
Sans surprise, l’étude confirme
que la probabilité d’être infecté
augmente avec la durée du
contact, la proximité avec la per-
sonne infectée et son infectiosité.
Mais les auteurs vont plus loin : ils
montrent que la durée de l’expo-
sition est le facteur le plus déter-
minant. La probabilité de trans-
mission a d’abord augmenté de
façon linéaire avec cette durée
(1,1 % par heure) puis a continué
de croître sur plusieurs jours.
La plupart des expositions ont
été de courte durée (médiane de
quarante-deux minutes), mais les
transmissions résultaient géné-
ralement d’expositions allant
d’une heure à plusieurs jours
(médiane de six heures). « Huit
transmissions sur dix résultaient
d’une exposition de plus d’une
heure », résume Mahmoud Zu-
Au total, 40 %
des personnes
analysées ont
attrapé le Covid-
19 à la suite
d’un contact
familial (sur
plusieurs jours)
reik, professeur d’épidémiologie
et de santé publique à l’université
de Versailles-Saint-Quentin-en-
Yvelines et directeur d’Epi-Phare.
Par ailleurs, 40 % des personnes
analysées ont attrapé le Covid-19 à
la suite d’un contact familial (sur-
plusieurs jours), alors qu’elles ne
représentaient que 6 % des
contacts enregistrés. A contrario,
les contacts fugaces (moins de
trente minutes) représentent la
moitié des contacts déclarés, mais
très peu de transmissions (envi-
ron 10 %). Entre ces deux extrê-
mes, 23 % des contaminations no-
tifiées étaient en lien avec un
contact prolongé avec une per-
sonne infectée, « typiquement
dans un cadre professionnel », note
Mahmoud Zureik. Et 25 % ont été
reliées à un contact d’une seule
journée avec un cas confirmé.
Les auteurs ont aussi calculé, par A la gare de Lyon, à Paris, le 9 août. DELPHINE GOLDSZTEJN/PHOTOPQR/LE PARISIEN/MAXPPP
le biais de l’application, un score
de risque pour chaque cas contact,
de trente minutes en trente minu- être bénéfiques même un à deux miologie et en évolution des ma- frées précieuses pour comprendre Zureik. En effet, seules sont analy-
tes. La probabilité d’une infection jours après qu’un membre de la fa- ladies infectieuses à l’université la dynamique et les modalités de la sées les expositions pour lesquel-
déclarée augmentait à mesure que mille a été testé positif. Au final, de Montpellier. Cela, souligne-t-il, transmission du Covid-19 en popu- les le risque dépasse le seuil de no-
le score de risque maximal (sur « l’approche utilisée par l’applica- grâce à une collaboration unique lation générale », se réjouit cet épi- tification, ce qui exclut les trans-
une fenêtre de trente minutes) tion pour calculer un risque est cor- entre les laboratoires académi- démiologiste, qui salue aussi le ca- missions résultant d’un grand
augmentait, quelle que soit la sai- rélée avec le risque réel de transmis- ques en épidémiologie du Royau- ractère totalement anonyme des nombre d’expositions à très fai-
son ou la vague épidémique. Par sion », estiment les auteurs. me-Uni et l’agence de sécurité sa- données analysées, « ce qui ras- ble risque. Enfin, les auteurs sup-
ailleurs, l’analyse révèle l’impor- « C’est un travail très rigoureux, nitaire britannique. sure sur les utilisations futures de posent que, si une personne de-
tance du score de risque cumulé. rendu possible par la quantité Il faut dire, aussi, que les Bri- telles applications ». vient positive, c’est à la suite d’un
Concrètement, cela veut dire exceptionnelle de données re- tanniques ont largement adhéré contact enregistré dans l’applica-
qu’au sein d’un même foyer, por- cueillies », estime Mircea Sofonea, à l’application de suivi de contacts Limites de l’étude tion, mais elle peut avoir été
ter un masque ou s’isoler peuvent maître de conférences en épidé- développée par le système de Pour autant, cette étude a ses li- contaminée par un autre contact.
santé publique britannique. Cha- mites. La principale « est l’absence Malgré ces limites, « la recherche
que jour, sur la période de l’étude, de données sur le contexte d’une numérique des contacts a sa place
Une circulation importante du virus entre 13 millions et 18 millions exposition : environnement, im- dans la boîte à outils des interven-
d’applications ont été actives sur munité, niveau de ventilation », tions non pharmaceutiques pour
Le SARS-CoV-2 circule beaucoup et partout en France en cette les smartphones britanniques. soulignent les auteurs. Les ris- les futures pandémies », souligne
période de fêtes. Entre le 11 et le 17 décembre, la part des suspi- « C’est un chiffre énorme, note ques rapportés sont des moyen- l’épidémiologiste Justus Benzler,
cions de Covid-19 représentait moins de 5 % des actes de SOS- Mahmoud Zureik. En France, mal- nes de ces facteurs inconnus. Or le de l’Institut Robert Koch à Berlin,
Médecins, contre 2,5 % cinq semaines plus tôt. Durant cette gré le gros travail de l’Assurance- fait d’être dans un lieu fermé non dans un commentaire associé. De
même semaine, « la circulation des virus respiratoires, SARS-CoV-2, maladie pour notifier les cas ventilé, par exemple, augmente le plus, l’estimation de la proximité
VRS et rhinovirus, était toujours très active avec une progression contacts et les contacter ensuite, risque réel mais pas le score de ris- devrait être améliorée à mesure
de la détection des virus grippaux et du SARS-CoV-2 notamment l’application TousAntiCovid a que calculé par l’application. que les smartphones utiliseront
dans les eaux usées », relève Santé publique France. Au 17 dé- beaucoup été téléchargée, mais De plus, l’étude tend à sous-esti- d’autres technologies radio. Ils
cembre, la couverture vaccinale contre le Covid-19 de la campa- peu utilisée pour le contact tra- mer les contaminations à la suite pourraient aussi prendre en
gne d’automne pour les personnes âgées de 65 ans et plus était cing », les utilisateurs s’étant mon- de contacts courts, « comme dans compte le fait d’être à l’intérieur
de 27,4 % seulement (20 % des 65-69 ans, 25,2 % des 70-74 ans, trés réticents à activer Bluetooth. les transports en commun ou un ou à l’extérieur. p
32,6 % des 75-79 ans et 32,9 % des 80 ans et plus). « Cette étude livre des données chif- restaurant », relève Mahmoud florence rosier

Les émissions de gaz à effet de serre en recul de 4,6 % en France

Les grands contributeurs de cette baisse, enregistrée entre janvier et septembre, sont la production d’énergie, l’industrie et les bâtiments

L e Centre interprofessionnel
technique d’études de la
pollution atmosphérique
(Citepa) a annoncé, mardi 26 dé-
cembre, que la France confirmait
la baisse de ses émissions de gaz à
effet de serre sur les neuf pre-
miers mois de l’année, par rap-
port à 2022. L’organisme avait déjà
signalé en octobre une baisse de
4,3 % sur le premier semestre, par
rapport à la même période de
l’année précédente. En incluant
les trois mois suivants, l’orga-
nisme consolide ce bilan provi-
soire, qui apparaît même un peu
plus favorable avec une baisse es-
timée de 4,6 %, par rapport à 2022.
Celle-ci s’était déjà illustrée par
une réduction de 2,7 % des émis-
sions par rapport à 2021 – estima-
tions qui n’incluent pas le puits de
carbone forestier (l’absorption de
dioxyde de carbone par la forêt)
ou encore les émissions liées aux
changements d’usage des sols.
Selon le baromètre du Citepa, les
trois grands contributeurs de la
baisse des émissions domestiques
sont l’industrie (− 9,3 %), la pro-
duction d’énergie (− 9,4 %) et les
bâtiments (− 7,5 %). Le transport
contribue plus modestement,
avec une baisse de seulement 1,8 %
par rapport à 2022. « Pour les bâti-
ments, la baisse des émissions du
chauffage a été très forte fin 2022,
avec les effets de la hausse des prix
de l’énergie (bien que tempérée par
le bouclier tarifaire) et des incita-
tions à la sobriété énergétique, ex-
plique le Citepa. En 2023, ces effets
se poursuivent, et ce alors que l’in-
dice de rigueur hivernale montre
un début d’année légèrement plus
rigoureux que début 2022. » Les
trois derniers mois de 2023 ayant
finalement été exceptionnelle-
ment doux, ce bilan devrait large-
ment se confirmer pour l’ensem-
ble de l’année.
Le bilan provisoire de l’industrie
conforte les chiffres de 2022 : ce
secteur avait alors déjà réduit son
empreinte carbone de 6,4 % par
rapport à 2021, selon les données
du Haut Conseil pour le climat
(HCC). Toutefois, ces fluctuations
n’indiquent pas uniquement les
effets de changements structu-
rels, mais aussi ceux de la conjonc-
ture. Ainsi, la baisse de 9,4 % des
émissions liées à la production
énergétique succède à une hausse
de 4,9 % des émissions de ce sec-
teur en 2022 par rapport à 2021.
En 2022, une part importante des
centrales nucléaires ayant été à
l’arrêt pour maintenance, et les ca-
pacités hydroélectriques ayant été
fortement touchées par la séche-
resse, les centrales à gaz avaient
été très sollicitées.
Forte hausse du transport aérien
De semblables fluctuations inter-
annuelles peuvent être observées
sur les transports. En 2022, ce sec-
teur avait vu ses émissions croître
de 2,3 % par rapport à 2021, selon le
HCC. « Le transport routier avait
connu une baisse de 15 % en 2020,
puis un rebond de + 12 % en 2021, et
une poursuite du rebond de + 2 %
en 2022, détaille le Citepa. Le baro-
mètre 2023 sur les neuf premiers
mois 2023 montre une fin de ce re-
La quantité de
carbone épongée
par les forêts
françaises
a chuté de 21 %,
selon les derniers
chiffres, qui
datent de 2021
bond avec une baisse de 2,7 % entre
les trois premiers trimestres 2022 et
ceux de 2023. »
La poursuite d’une sortie de la
crise liée au Covid-19 s’accompa-
gne d’une forte hausse du trans-
port aérien, avec un sursaut de
21 % des émissions dues aux vols
intérieurs sur les neuf premiers
mois de l’année. L’augmentation
liée aux vols internationaux est
plus forte encore, avec un bond de
27 % sur la même période. Mais,
en 2022, selon le Haut Conseil
pour le climat, les émissions des
automobiles ont représenté
68 millions de tonnes équivalent
CO2 (MtéqCO2), tandis que les vols
intérieurs ont émis 5 MtéqCO2.
Le Citepa précise cependant que
le bilan provisoire du secteur agri-
cole n’est pas encore disponible
pour l’année en cours, les métho-
des de calcul d’inventaire étant
plus longues et complexes pour
ce domaine d’activité que pour les
autres. L’inconnue est de taille,
puisque l’agriculture est le
deuxième secteur le plus émet-
teur en France. En 2022, selon le
HCC, elle contribuait à hauteur de
19 % de l’empreinte carbone na-
tionale, derrière les transports
(32 %), mais devant l’industrie
(18 %), les bâtiments (16 %), l’éner-
gie (11 %) ou les déchets (4 %).
Ces dernières années, la contri-
bution du secteur agricole a
baissé d’environ 1 % à 2 % par an.
Dans son dernier rapport, le HCC
pointe le fait que cette tendance
était plus le fait des difficultés
économiques de la filière que
d’adaptations structurelles.
De la même manière, le bilan du
Citepa n’intègre pas la contribu-
tion de la forêt au budget carbone
national de l’année en cours. Pour
les planificateurs de l’effort de ré-
duction des émissions, cette
contribution – positive – des mas-
sifs forestiers à l’empreinte car-
bone de la France fait figure d’in-
quiétude majeure. Les derniers
chiffres disponibles et colligés par
le HCC portent sur l’année 2021 et
indiquent que, par rapport à
2020, la quantité de carbone
épongée par les forêts françaises a
chuté de 21 %, « en raison de la
forte mortalité des arbres, due à la
sécheresse, aux incendies et aux
ravageurs, combinée à une plus
faible croissance », analyse le HCC.
Le secrétariat général à la planifi-
cation écologique projette une
baisse de l’ordre de 5 % par an des
gaz à effet de serre, pour atteindre
l’objectif fixé à l’échelle de l’Union
européenne : une réduction de
55 % des émissions en 2030, par
rapport à 1990. p
stéphane foucart
8|
FRANCE
0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023

Macron mystérieux sur son « nouveau cap »

En janvier 2024, le chef de l’Etat envisage de vanter l’« autorité » face à ce qu’il nomme la « décivilisation »

D
e l’art de la scénarisa-
tion. Le 20 décembre,
sur France 5, face au
président de la Répu-
blique, Anne-Elisabeth Lemoine,
animatrice de l’émission « C à
vous », tente d’en savoir davan-
tage sur le mystérieux « rendez-
vous avec la nation » annoncé au
Monde le 8 décembre, prévu pour
début 2024. En vain. « Si je vous
donne rendez-vous en janvier, je ne
vais pas l’honorer en décembre ! »,
se récrie Emmanuel Macron, tout
sourire, venu clore la crise
ouverte dans son camp par le vote
de la loi sur l’immigration. Il fau-
dra attendre pour connaître son
« nouveau cap ». « Un quinquen-
nat doit être rythmé », professe un
communicant de l’Elysée.
Diminué depuis juin 2022 par
une majorité relative, Emmanuel
Macron a senti le vent du boulet
à deux reprises en 2023 : sur la
réforme des retraites, le gouver-
nement n’a échappé que de
neuf voix à la censure par l’Assem-
blée nationale. Laquelle a, ensuite,
rejeté le projet de loi « immigra-
tion » en première lecture. Le Sé-
nat, dominé par la droite, aura
joué un rôle décisif dans l’adop-
tion de ces deux réformes phares.
Nul ne sait ce que le chef de
l’Etat entend désormais faire de la
suite de son mandat. Hormis
l’inscription dans la Constitution
de la liberté d’accès à l’interrup-
tion volontaire de grossesse, une
mission sur la décentralisation
confiée au député Renaissance
de l’Oise Eric Woerth et un texte
sur la fin de vie sans cesse re- Emmanuel Macron, sur la base aérienne du Prince-Hassan, en Jordanie, le 22 décembre. LUDOVIC MARIN/AFP
porté, aucun projet structurant
n’est à l’ordre du jour pour l’an-
née qui vient, alors que le pouvoir On ne compte plus les objets po- pschitt. Comme si, à mesure que Au sein de sa majorité, les plus proche, « le discours de Greno-
d’achat, le logement, la santé ou litiques de toute nature inventés le temps passe, Emmanuel Ma- anciens appliquent à Emmanuel
Nul ne sait ce que ble ». Une référence à l’allocution
l’éducation dominent toujours par le locataire de l’Elysée depuis cron, qui ne peut pas se représen- Macron cette saillie de l’ancien Macron entend de Nicolas Sarkozy, en 2010, dans
les préoccupations des Français. 2017 pour se relancer : itinérance ter, perdait sa force d’attraction et ambassadeur Jean-Marc Boegner laquelle ce dernier faisait explici-
« Macron gouverne au fil de mémorielle, grand débat, conven- de conviction. « Je ne suis pas un au sujet de Claude Cheysson, aty-
faire de la suite tement le lien entre délinquance
l’eau », observe, fataliste, Jacques tions citoyennes, Conseil natio- lame duck [canard boiteux] », se pique ministre des affaires étran- de son mandat. et immigration, restée dans les
Attali, ancien conseiller de Fran- nal de la refondation, rencontres persuadait-il déjà fin août, alors gères de François Mitterrand mémoires comme un tournant
çois Mitterrand. de Saint-Denis… « Pour l’instant, je qu’il était questionné sur cette en 1981 : « Il a 60 idées à la se-
Aucun projet sécuritaire.
ne sens pas une attente fiévreuse formule américaine décrivant conde, dont 59 sont des idées fol- structurant n’est Quelques voix s’inquiètent ce-
« Pas d’attente fiévreuse » des Français pour le rendez-vous l’impuissance d’un président en les. Il faut trouver la bonne. » pendant, dans la majorité, du flou
Lorsque la présidente de l’Assem- avec la nation », confie M. Dabi. fin de mandat.
à l’ordre du jour qui entoure la ligne d’Emmanuel
blée nationale, Yaël Braun-Pivet, Lancé en 2022, le Conseil natio- Afin de créer la surprise, l’Elysée « Crise politique » Macron. « Son programme répon-
l’interpelle à l’Elysée en novem- nal de la refondation, boudé par entretient le mystère sur cette D’autres se rappellent la tenta- dait surtout aux urgences à trois
bre sur l’agenda parlementaire les syndicats sur fond de contesta- énième initiative. Le président de tive de Lionel Jospin, premier politique », qui se déroulera en mois. La vision pour l’avenir du
de 2024, Emmanuel Macron ba- tion de la réforme des retraites, la République s’apprête à « mettre ministre en 1999, de se sortir du plusieurs étapes et mobilisera des pays n’a pas été perçue », regrette
laie d’un revers de main : « On s’est délité. En 2023, les rencontres des fers au feu », pour faire « turbu- « trou d’air » consécutif à l’affaire symboles. Emmanuel Macron de- ainsi Jean-Louis Bourlanges. Ce
verra après Noël ! » Dans les en- de Saint-Denis, dont la deuxième ler le système », assure son entou- de la Mutuelle nationale des vrait réactiver à cette occasion le rendez-vous, « c’est la dernière
quêtes d’opinion, deux nou- édition a été boycottée par Les Ré- rage. Ces dernières semaines, une étudiants de France, qui oblige le concept de « décivilisation », em- chance pour donner un cap à un
veaux traits d’image caractéri- publicains (LR), le Parti socialiste poignée de ministres de premier ministre de l’économie Domini- prunté en mai au sondeur Jérôme quinquennat malmené, prévient
sent le chef de l’Etat depuis début et La France insoumise, ont fait plan – Gabriel Attal (éducation na- que Strauss-Kahn à démission- Fourquet, alors convié à l’Elysée. le député Renaissance de Paris
décembre : l’inaction et l’absence tionale), Gérald Darmanin (inté- ner. « On avait annoncé une nou- « Il a conscience que les sujets liés à Gilles Le Gendre. L’immigration a
de cap. « Faute d’avoir été clairs, rieur), Bruno Le Maire (écono- velle étape, se souvient Manuel l’imaginaire sont structurants », créé une crise politique. Comment
nous naviguons selon les attentes mie), Eric Dupond-Moretti (jus- Valls, à l’époque chargé de la avance l’un de ses conseillers. arme-t-on le pays pour échapper
de l’opinion. Parfois avec intelli- Le chef de l’Etat tice), Aurélien Rousseau (santé), communication à Matignon. On Le chef de l’Etat, qui, au Pan- à l’impuissance de l’action publi-
gence, mais sans perspective évi- qui a démissionné depuis, Chris- a pressé les directeurs d’adminis- théon le 8 décembre, exaltait la que qui le mine ? ».
dente », déplore le député Mo-
s’apprête tophe Béchu (écologie) – ont été tration centrale comme des ci- « résilience » du pays, par opposi- La loi « immigration » laisse
Dem des Hauts-de-Seine Jean- à « mettre des invités à de discrètes réunions trons. Un mois après, il en sortait tion aux élites qui « s’emballent », derrière elle une majorité fractu-
Louis Bourlanges, dans La Tri- autour du chef de l’Etat pour du jus de chaussette. » devrait vanter les mérites de rée. La promesse macronienne
bune Dimanche, le 24 décembre.
fers au feu », pour « mettre le système en action » et Toujours prompt à l’emphase, « l’autorité », des « règles commu- de 2017, optimiste et humaniste,
« Pour la première fois, le mot “gi- faire « turbuler le lui « faire des propositions ». Ce l’entourage présidentiel décrit nes » et de la « régulation sociale » qui refusait de légiférer pour
rouette” est apparu à son sujet », dernier devait en tirer de nouvel- cette future initiative non pas face à la « montée de l’individua- des symboles, mais prétendait
signale Frédéric Dabi, le directeur
système », assure les idées en matière économique, comme un « événement », mais lisme ». Ce ne sera pas pour apporter des réponses efficaces
général de l’IFOP. son entourage régalienne et sociétale. comme un « vaste mouvement autant, croit bon d’assurer un aux problèmes du pays, a été tra-
hie aux yeux des macronistes
historiques. Et ce ne sont pas les
A l’Elysée, Patrick Strzoda cède la direction du cabinet à Patrice Faure paroles vindicatives d’un prési-
dent en colère contre ces « bon-
nes âmes », qui « n’ont pas mené
le « vaste mouvement » concocté par Issu d’un milieu modeste, titulaire c’est qu’il y a plus de slips en dotation que Emmanuel Macron, de son côté, « n’a le combat », qui ressouderont le
Emmanuel Macron pour début 2024 d’un CAP de pâtisserie, Patrice Faure, an- de paires de couilles ! » Pas de quoi cho- pas voulu lui faire affront », rapporte le camp présidentiel.
passe manifestement par l’Elysée. Après cien de Saint-Cyr, a un parcours atypi- quer le chef de l’Etat. Les époux Macron préfet des Yvelines, département où sé- Pour son allié François Bayrou,
le départ du secrétaire général adjoint que : il a effectué la première partie de sa logeront à deux reprises, à Cayenne, journent les Macron chaque week-end. « une nouvelle page s’ouvre », au
Pierre-André Imbert pour l’ambassade carrière dans l’armée, dans les forces chez le préfet et son épouse, Sandrine S’il laisse son grand bureau avec vue cours de laquelle Emmanuel Ma-
de France en Australie, après celui de Fré- spéciales, puis à la direction générale de Michalon-Faure, alors sous-préfète. « Pa- sur le parc élyséen à son successeur, cron devra dire s’il confirme la
déric Michel, éphémère conseiller spé- la sécurité extérieure. A partir de 2004, trice fait partie de ces mecs, rares dans Patrick Strzoda en conservera un autre rupture avec les valeurs de 2017 et
cial du chef de l’Etat, qui a annoncé qu’il il monte par le rang et par l’outre-mer, la préfectorale, qui considèrent que l’im- au 55, rue du Faubourg Saint-Honoré, poursuit les réformes en négo-
partait, le 14 décembre, sur sa page Lin- jusqu’à sa première affectation en tant portant, c’est d’abord que le président et devrait garder la haute main sur ciant avec LR, ou s’il reste fidèle
kedln, c’est l’inamovible Patrick Strzoda, que préfet de la Guyane en août 2017. « Il sache les choses, souligne Jean-Jacques quelques dossiers sensibles, comme la au « dépassement ». « La Ve Répu-
71 ans, directeur du cabinet d’Emmanuel connaît l’outre-mer au sens charnel du Brot. Il n’hésitera pas à lui dire ce qu’il res- Corse, la relation avec la grande chan- blique, ce ne sont pas des accords
Macron depuis le 14 mai 2017, qui devrait terme », témoigne son ami Jean-Jacques sent et ce qu’il pense, sans fioritures. » cellerie de la Légion d’honneur, les d’appareil, avec des partis qui ti-
quitter son poste le 2 janvier 2024. Le Brot, préfet des Yvelines, qui décrit un Patrice Faure a croisé pour la première mouvements préfectoraux, les princi- rent à hue ou à dia. C’est un projet,
préfet Patrice Faure, 56 ans, ancien haut- homme « extrêmement engagé dans ses fois Patrick Strzoda, qu’il s’apprête pautés de Monaco et d’Andorre… porté par une personnalité élue
commissaire en Nouvelle-Calédonie, responsabilités et extrêmement loyal ». aujourd’hui à remplacer, il y a dix ans, Quant à Patrice Faure, il découvrira au suffrage universel, autour de
prendra sa succession. alors qu’il était secrétaire général de la la mécanique complexe du palais, et laquelle on forme une équipe »,
Initialement envisagé il y a plus d’un « Sans fioritures » préfecture d’Ille-et-Vilaine. « Patrick, qui devra notamment composer avec le met en garde le président du Mo-
an, ce remplacement n’a cessé d’être re- L’ancien militaire est aussi connu pour était préfet de région, lui a totalement secrétaire général, Alexis Kohler, et sa Dem dans Le Journal du dimanche
porté. Revenu en janvier de Nouméa, où son franc-parler. Lors d’un premier dé- laissé carte blanche pour gérer le départe- « gémellité intellectuelle fascinante » du 24 décembre. Un avertisse-
il a organisé le référendum calédonien, placement officiel d’Emmanuel Macron ment », se souvient Jean-Jacques Brot. avec le chef de l’Etat, dit en souriant ment qui en dit long sur la pé-
M. Faure attendait son heure, depuis fé- en Guyane, en octobre 2017, Patrice Depuis cette époque cependant, Patrick M. Brot. Ce qui promet de rendre sa riode d’instabilité dans laquelle
vrier, comme chargé de mission au mi- Faure l’accueille par un retentissant : « Le Strzoda a pris goût à la vie de cabinet. mission « palpitante ». p est entrée la majorité. p
nistère de l’intérieur et des outre-mer. problème de l’administration française, Et tardé à libérer son poste à l’Elysée. n. se. nathalie segaunes
0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023
Le cas Depardieu
brouille tous les repères
et piège Macron
En défendant l’acteur mis en examen pour viol et
agression sexuelle, le chef de l’Etat se trouve au cœur
d’une controverse qui dépasse le monde du cinéma
RÉCIT
V
ous en avez pensé quoi,
de ce que mon mari a
dit sur Depardieu ? » Ce
fut la première ques-
tion – posée d’une voix inquiète –
de Brigitte Macron à l’équipe de
« C à vous », mercredi 20 décem-
bre. Il est environ 21 heures 30, à
l’Elysée, et l’émission vient d’être
diffusée en direct sur France 5.
Plus de 3,3 millions de téléspecta-
teurs – un record – l’ont regardée.
La veille, les députés ont voté la loi
relative à l’immigration de Gérald
Darmanin, sujet central de l’inter-
view présidentielle décidée
deux jours plus tôt. Réécrit puis
voté grâce aux voix du parti Les
Républicains (LR) et du Rassem-
blement national (RN), le texte a
provoqué une crise politique
d’une ampleur inédite parmi les
parlementaires macronistes et
jusqu’au sein du gouvernement
dont le ministre de la santé, Auré-
lien Rousseau, a démissionné.
« Depardieu, il faut le faire », a in-
sisté, le matin même, le prési-
dent de la République, en rece-
vant l’équipe de « C à vous », afin
de préparer le conducteur de l’in-
terview. Comprendre : Emmanuel
Macron souhaite en parler dans
l’émission. Deux semaines plus
tôt, le 7 décembre, le magazine
d’investigation de France 2,
« Complément d’enquête », a créé
l’événement en diffusant des
images de l’acteur, filmé, cinq ans
plus tôt, en Corée du Nord. Dans
l’enquête intitulée « Gérard De-
pardieu. La chute de l’ogre » (pres-
que une prémonition), on voit et,
surtout, on entend l’acteur multi-
plier les remarques sexuelles avi-
lissantes sur des femmes (comme
son interprète), ainsi que sur une
petite fille juchée sur un poney.
Lorsque le sujet arrive sur la ta-
ble de « C à vous », Emmanuel
Macron explique aussitôt qu’il
est un « grand admirateur de Gé-
rard Depardieu ». Il dénonce –
c’est sa formule depuis toujours –
une « chasse à l’homme » et es-
time que l’acteur « rend fière la
France », tout entière. Comme si
le comédien n’était pas mis en
examen depuis 2020 pour viol et
agression sexuelle, comme si
Mediapart, France Inter et Le
Monde n’avaient pas rapporté de
multiples témoignages sur le
comportement de l’acteur, lors
de tournages. Rappelant la pré-
somption d’innocence, le chef de
l’Etat n’a pas eu un mot pour les
femmes qui se disent victimes
du comédien. Brigitte Macron re-
doute, ce soir-là, la polémique
des jours à venir.
« Dieudonniste repenti »
Elle devine bien. Rien n’est jamais
dans la mesure avec la star la plus
connue du cinéma français.
Qu’importe qu’il ait quitté le pays
pour fuir le scandale ; depuis
« Complément d’enquête », il est
devenu en quelques jours LA que-
relle hexagonale. Mieux, un
« cas », entraînant dans son sillage
radioactif Emmanuel Macron lui-
même, les pays qui l’avaient autre-
fois primé et récompensé, et le mi-
lieu du cinéma, qui s’était pour-
tant prudemment tenu à distance.
Le 26 décembre, dans Le Figaro,
une cinquantaine d’artistes, dont
Nathalie Baye, Nadine Trinti-
gnant, Pierre Richard, Arielle
Dombasle ou Carla Bruni, volent
au secours du comédien, dans
une tribune en dénonçant un
« lynchage ». « Lorsqu’on s’en
Sur France 5,
le chef de l’Etat
n’a pas eu un mot
pour les femmes
qui se disent
victimes
du comédien
prend ainsi à Gérard Depardieu,
c’est l’art que l’on attaque », dit le
texte, comme si un artiste, fût-il
génial, ne pouvait être accusé de
viol. Certains ne font pas dans la
mesure : « Cela me fait penser aux
gens qui tondaient les femmes à la
Libération », assure, par exemple,
l’académicien Jean-Marie Rouart,
sur BFM-TV pour justifier son ad-
hésion à la tribune.
Le rédacteur du texte, celui qui
l’a fait circuler parmi les artistes
(pas tous proches de Gérard
Depardieu, mais souvent de
la même génération), est, lui, un
comédien presque inconnu. Yan-
nis Ezziadi est un « défenseur de
la corrida », mentionne-t-il sur
son compte Instagram, un « dieu-
donniste repenti » aussi, expli-
que le mensuel d’extrême droite
Causeur, qui accueille parfois ses
éditos.
Le trentenaire se dit aussi
« auteur chez Fayard » – une mai-
son passée sous la coupe de Vin-
cent Bolloré –, chez qui il doit pu-
blier, en avril 2024, son premier li-
vre sur la corrida. Selon un diri-
geant d’Hachette, Yann Moix,
auteur Grasset, pourrait venir à
son tour y publier un prochain
ouvrage. « C’est encore en négocia-
tion », confirme la PDG de Fayard,
Isabelle Saporta, qui jure cepen-
dant qu’il ne s’agit pas d’un livre
sur Depardieu. Anne Hommel a
servi d’intermédiaire à Yannis Ez-
ziadi avec la rédaction en chef du
Figaro.fr pour publier la tribune.
Cette experte en communica-
tion de crise s’est fait une « spécia-
lité » de la défense de personnali-
tés publiques embarquées dans
des scandales financiers ou
sexuels. Avant d’organiser la dé-
fense médiatique du cinéaste
Roman Polanski ou de l’ancien
ministre Jérôme Cahuzac, elle
a été la conseillère de Dominique
Strauss-Kahn, lorsqu’il était mi-
nistre de l’économie française, et
a continué à prendre en main la
communication du directeur gé-
néral du FMI, après l’accusation
du viol de Nafissatou Diallo,
femme de chambre au Sofitel de
New York. Elle avait organisé la ve-
nue d’Anne Sinclair au procès de
son mari. Depuis quelques mois,
Mme Hommel est aussi la con-
seillère de Gérard Depardieu.
Après la mise en examen de
l’acteur pour viol, à la suite d’une
plainte déposée par la jeune co-
médienne Charlotte Arnould et
de la publication dans les médias
de près d’une quinzaine de té-
moignages détaillant le compor-
tement de « Gérard » sur les tour-
nages, elle tente d’orchestrer la
défense de ce dernier dans les
médias français. Déjà, le 1er octo-
bre, alors que Depardieu a dû in-
terrompre le tour de chant, au
cours duquel il interprète les ti-
tres de Barbara, en raison des
manifestations féministes qui
bousculent chaque soir les repré-
sentations, elle a obtenu la publi-
cation, dans Le Figaro, d’une let-
tre ouverte de l’acteur. « Jamais,
au grand jamais, je n’ai abusé
d’une femme », y jure-t-il, répé-
tant les propos tenus au juge
d’instruction qui l’a mis en exa-
men : Charlotte Arnould, assène-
t-il, était consentante.
Brigitte Macron n’ignore pas ce
qui a motivé son mari. Ce n’est en
rien une affaire d’amitié : l’acteur
et le président Macron se connais-
sent mal. En 2012, lorsque Fran-
çois Hollande et le premier minis-
tre, Jean-Marc Ayrault, s’étaient
heurtés à Depardieu, exilé fiscal
en Belgique et nouveau citoyen
russe, par la grâce de Vladimir
Poutine se réjouissait l’acteur,
Emmanuel Macron avait suivi
l’affaire : alors secrétaire général
adjoint de l’Elysée, il était chargé
des dossiers économiques du pré-
sident de la République. Mais si
l’ancien élève de cours de théâtre
du lycée d’Amiens admire l’ac-
teur, il ne l’a jamais rencontré en
tête à tête.
Les sondages, en revanche, lui
tiennent souvent lieu de boussole.
Elu en 2017, quelques mois avant
l’affaire Weinstein et l’explosion
du mouvement #metoo, dont le
succès s’est aussitôt propagé des
Etats-Unis en Occident, le jeune
président de la République s’était
alors fait le héraut du combat con-
tre les violences faites aux fem-
mes. Six ans plus tard, Emmanuel
Macron est bien moins allant. Plu-
sieurs enquêtes d’opinion lui ont
montré qu’au sein de l’électorat
âgé, qui s’est reporté vers lui, les
mouvements les plus progressis-
tes – le wokisme, comme on dit, en
mêlant dans cet américanisme
fourre-tout féminisme, antira-
cisme ou revendications LGBT + –
sont mal compris, quand ils ne
suscitent pas le rejet. A 75 ans, De-
pardieu est un héros français pour
cet électorat en particulier.
Ministre remise à sa place
Il y a aussi Rima Abdul Malak. Et
l’envie de remettre à sa place, en di-
rect, la ministre de la culture. Le
président n’a pas apprécié les
mots de cette dernière sur Depar-
dieu, quelques jours plus tôt. A
vrai dire, voilà plusieurs mois qu’il
se plaint d’elle tout haut. Elle a re-
chigné et traîné, selon lui, à nom-
mer l’ancien directeur du cabinet
de « Brigitte » Pierre-Olivier Costa à
la tête du MuCEM, le musée de
Marseille construit par Rudy Ric-
ciotti, l’un des signataires de la tri-
bune en faveur de Depardieu.
Commis l’impudence de ne pas ci-
ter le chef de l’Etat dans son long
entretien accordé, en mars, à Vo-
gue Arabia. S’en est prise à Vincent
Bolloré, que l’Elysée ne veut pas
froisser. Et la voilà qui, après la dif-
fusion de « Complément d’en-
quête », s’est permis d’annoncer
qu’une procédure disciplinaire a
été engagée par la grande chancel-
lerie de la Légion d’honneur, afin
d’examiner s’il convenait de sus-
pendre ou non la décoration reçue
par l’acteur des mains de Jacques
Chirac, en 1996, alors que c’est le
président de la République qui sta-
tue sur l’ensemble des questions
Des enquêtes
d’opinion ont
montré à Macron
qu’au sein
de l’électorat âgé
les mouvements
les plus
progressistes
sont mal compris
Gérard Depardieu, à Marseille, le 18 février 2018. ANNE-CHRISTINE POUJOULAT/AFP
relatives à la plus haute distinction
honorifique française.
« Elle s’est avancée un peu trop, je
le confirme », lâche en direct, sur
France 5, le chef de l’Etat, affirmant
curieusement que la Légion
d’honneur n’est pas un « ordre qui
fait la morale ». Le 15 octobre 2017,
quelques mois à peine après avoir
été élu, Emmanuel Macron avait
pourtant annoncé une procédure
pour retirer à Harvey Weinstein la
décoration remise en 2012, par Ni-
colas Sarkozy, au producteur amé-
ricain de The Artist. A l’époque, les
accusations pleuvaient contre
Weinstein, mais il n’avait encore
été condamné par aucun tribunal.
Emmanuel Macron insistait pour-
tant : « Je souhaite que, comme ses
actes manquent à l’honneur, nous
en tirions toutes les conséquen-
ces. » La décoration ne lui sera reti-
rée qu’en 2020, après sa condam-
nation à vingt-trois ans de prison.
Et puis, Depardieu a téléphoné
en personne au président de la
République. Comme Julie Depar-
dieu. Le 17 décembre, quatre jours
avant l’intervention télévisée
d’Emmanuel Macron, l’ex-épouse
du comédien, Elisabeth, ses filles
Julie et Roxane, son fils Jean, sa
nièce Delphine, ont aussi publié
une tribune dans Le Journal du di-
manche. Les quelques minutes
filmées en Corée du Nord et diffu-
sées par France 2 relèvent, selon
la famille Depardieu, d’une « mise
en scène procédant par plans de
coupe, dont on sait qu’ils sont né-
cessairement suspects, puisqu’on
peut les monter comme on le veut,
en les illustrant d’une musique
mélodramatique et d’une voix off
(…). Selon Yann Moix qui était pré-
sent, ce montage est frauduleux.
Ces propos ne désignaient pas une
petite fille ».
Dès le lendemain, Julie Depar-
dieu est conviée sur CNews par
Pascal Praud. Elle dénonce de
nouveau « la manipulation mons-
trueuse pratiquée par un journa-
liste qui n’a pas hésité à fouiller
dans les poubelles pour y repêcher
les images des chutes du film de
Gérard Depardieu
a téléphoné
en personne
au président
de la République.
Comme Julie
Depardieu
Yann Moix ». Jusqu’à la diffusion
de « Complément d’enquête », ni
Gérard Depardieu ni sa famille ne
s’étaient intéressés de près ou de
loin au film de l’écrivain, pas plus
qu’à ces dix-huit heures de rushs
tournés en Corée par son équipe,
dont ont été extraites les sept mi-
nutes de propos obscènes diffu-
sées sur France 2.
Aucun « montage truqué »
C’était à la mi-septembre 2018,
Moix rêvait alors de réaliser un
film sur Kim Jong-un, le « dirigeant
suprême » du pays le plus totali-
taire et le plus fermé du monde.
Après Poutine, Castro, les tyrans
de Tchétchénie, de Biélorussie ou
d’Azerbaïdjan, Depardieu, de son
côté, « voulait compléter sa collec-
tion de dictateurs », détaillait au
Monde Moix lui-même, il y a
six mois. Comment rêver meilleur
appât ? Kim Jong-un était cepen-
dant resté inatteignable, Depar-
dieu s’était laissé filmer sans mé-
fiance, puis, toujours selon Moix,
s’était évanoui sans donner de
nouvelles ni « jamais manifester la
curiosité de voir le film ».
Désormais, ces images et la sé-
quence devant le manège éques-
tre sont au centre de toutes les at-
tentions. Avant Pascal Praud,
« Touche pas à mon poste ! »,
émission phare de C8, a lancé le
premier missile contre « Gérard
Depardieu. La chute de l’ogre ». Le
9 décembre, l’essayiste et anima-
teur Eric Naulleau assurait, con-
tre toute vraisemblance, sur le
plateau de Cyril Hanouna – sur la
foi de confidences de son ami
Yann Moix –, que le producteur
france | 9
de « Complément d’enquête »,
qui est aussi celui du film de
l’écrivain, avait prévu, « dès
2018 », de se servir des images
tournées en Corée pour piéger
Depardieu dans l’émission d’in-
vestigation de la chaîne, cinq ans
plus tard. Ce soir-là, même Cyril
Hanouna semblait trouver la
chronologie de ce pseudo- « com-
plot » un peu bancale.
« Le montage a été truqué » ; « En
fait, c’était une fiction, Depardieu
jouait un rôle, pas un documen-
taire » ; « Les images ont été volées,
non, vendues »… A chaque jour son
argument, avancé ou distillé par
l’avocat de Moix, le pénaliste Jéré-
mie Assous. Mais, quand le prési-
dent de la République lui-même,
tout à la défense de Depardieu,
formule un doute sur l’honnêteté
du documentaire présenté par
Tristan Waleckx, c’est la bascule.
« J’ai entendu qu’il y avait des po-
lémiques, des mots en décalage
avec des images… », affirme, le
20 décembre, Emmanuel Macron,
sur une chaîne de service public,
relayant les fausses accusations
de la famille de l’acteur, répétées
par les médias Bolloré. Entre les li-
gnes : le document tourné il y a
cinq ans en Corée du Nord par
Yann Moix a pu être truqué.
Voilà l’accusation « blanchie »
par la parole présidentielle : cette
fois, la présidente de France Télé-
visions, Delphine Ernotte, qui as-
siste dans les coulisses à l’inter-
view présidentielle, accepte de
faire exception à la doctrine mai-
son – « On ne produit jamais ses
sources » – et convoque des huis-
siers pour attester qu’aucun tru-
cage ou montage litigieux n’a été
réalisé dans le magazine consacré
à l’icône du cinéma français. Bri-
gitte Macron n’avait pas vu venir
ce scandale-là, celui de l’informa-
tion, et le démenti cinglant in-
fligé à son mari. Depardieu n’est
plus seulement un cas. Ses défen-
seurs en ont fait un étendard
réactionnaire. Un piège. p
raphaëlle bacqué
et ariane chemin
10 | france
Buisson, l’extrême droite de « Minute » à l’Elysée
L’idéologue qui conseilla Nicolas Sarkozy, proche de Jean-Marie Le Pen et Philippe de Villiers, est mort à 74 ans
DISPARITION
A
u moment où, enfin, le
climat médiatico-poli-
tique commençait à
prendre la forme qu’il
désirait, l’essayiste et journaliste
maurrassien Patrick Buisson s’est
éteint, mardi 26 décembre, aux
Sables-d’Olonne (Vendée), à l’âge
de 74 ans. Depuis ses études d’his-
toire à l’université, il fut de toutes
les aventures de l’extrême droite
française, contribuant à l’impré-
gnation de ses idées dans la so-
ciété et œuvrant pour son « union
des droites », extrême et républi-
caine. Rédacteur, patron de jour-
naux, chroniqueur à la télévision
et spécialiste des sondages, il ac-
compagna en parallèle plusieurs
aventures électorales.
Le succès vint en 2007 par l’en-
tremise de Nicolas Sarkozy, élu à
l’Elysée sur un programme aux ac-
cents identitaires. Jusqu’alors con-
nues des seuls cercles politiques,
sa haute silhouette sèche et ses fi-
nes montures ne disparurent ja-
mais, ensuite, du domaine public,
Patrick Buisson devenant
l’homme des enregistrements se-
crets de la présidence Sarkozy,
puis celui des sondages de l’Elysée,
deux affaires dans lesquelles il fut
condamné en 2014 et en 2022.
Dans les années 1950 à Paris, sur
la table de la famille Buisson, s’em-
pilent les revues qui forgent sa
conscience politique. Monar-
chiste, maurrassienne, anticom-
muniste, partisane de l’Algérie
française. A cette gamme, il ajou-
tera le rejet des corps intermédiai-
res et le poids de la tradition con-
tre l’individualisme postmoderne.
« Homme d’influence »
Patrick Buisson juge que les idées
doivent s’exprimer fort et clair,
tant mieux si elles transgressent,
une conviction qui l’accompa-
gnera toute sa vie. Dès le collège,
en 1962 à Neuilly-sur-Seine
(Hauts-de-Seine), il brave une mi-
nute de silence décidée par le gou-
vernement en hommage à six ins-
pecteurs d’académie exécutés par
l’Organisation de l’armée secrète
(OAS). Il est bien vite repéré par les
renseignements généraux pour
son militantisme à l’extrême
droite et pour sa proximité avec le
mouvement violent Occident.
A l’université de Nanterre, dans
le bouillonnement qui précède
Mai 68, il s’oppose à Daniel Cohn-
Bendit en prenant la vice-prési-
dence de la Fédération nationale
des étudiants de France. Il y ren-
contre deux de ses inspirateurs,
l’historien Raoul Girardet, spécia-
liste du nationalisme, ancien résis-
Nouvelle-Calédonie : Matignon prêt à réformer la Constitution
La première ministre confirme le recours à une loi constitutionnelle pour élargir le corps électoral, si aucun accord politique n’est trouvé en 2024
L a première ministre, Elisa-
beth Borne, le confirme
dans un communiqué pu-
blié mardi 26 décembre : suivant
l’avis adopté par le Conseil d’Etat
le 7 décembre, le gouvernement
va déposer un projet de loi consti-
tutionnelle pour réformer le
corps électoral de la Nouvelle-Ca-
lédonie, en vue de tenir les élec-
tions provinciales du territoire
en 2024. L’Assemblée nationale et
le Sénat réunis en Congrès seront
appelés à voter sur ce texte « au
premier semestre de l’année
2024 », précise Matignon.
Compte tenu de la lenteur des
discussions en cours entre indé-
pendantistes et loyalistes, censées
écrire le futur statut du territoire et
définir ses liens avec la France
pour sortir de l’accord de Nouméa
de 1998, l’exécutif se donne du
temps : « Parce que le consensus
Patrick Buisson,
à Paris,
en octobre 2012.
MIGUEL MEDINA/AFP
tant et partisan de l’OAS, et Alain
Renault, dirigeant du mouvement
néofasciste Ordre nouveau, pré-
curseur du Front national.
Patrick Buisson ne goûtera pas
davantage au militantisme et pré-
fère s’inspirer du penseur
marxiste Antonio Gramsci pour
ravir à la gauche « l’hégémonie cul-
turelle et idéologique ». Dans Item,
la première revue qu’il dirige,
en 1976, il laisse à voir sa passion
des mots savants et la nature de
son combat du demi-siècle à ve-
nir : « Délaisser le plan relativement
stable des idées et des doctrines
pour gagner celui, infiniment plus
mouvant, des sensibilités et des
tempéraments, des comporte-
ments et des attitudes, des mytho-
logies et du légendaire collectif. »
Il s’y attelle, sous François Mit-
terrand, à Minute, magazine d’ex-
trême droite alors conquérant. Sur
des vidéos d’époque, l’idéologue a
déjà son air taciturne, ses sourcils
en circonflexe sous une calvitie
précoce et des lunettes qui lui
mangent le visage. Alors directeur
de la publication, il y côtoie sans
s’offusquer des antisémites et des
négationnistes notoires, comme
François Brigneau ou Emmanuel
Ratier, et publie des « unes » aux
sous-entendus antisémites qui
politique constitue la priorité du
gouvernement, cette réforme n’en-
trera en vigueur (…) qu’à défaut
d’accord politique entre les parties
prenantes locales conclu avant le
1er juillet », dit le communiqué.
Un deuxième texte, un projet de
loi organique soumis au Parle-
ment au premier trimestre 2024,
permettra donc de décaler les
élections provinciales calédo-
niennes initialement prévues
en mai 2024. De ce scrutin dépend
la formation du congrès local (élu
pour cinq ans) et du gouverne-
ment calédoniens, tous deux te-
nus aujourd’hui par le mouve-
ment indépendantiste.
Les élections provinciales « se-
ront reportées au plus tard au 15 dé-
cembre 2024. Les mandats en cours
des membres des assemblées con-
cernées seront donc prolongés »,
explique Matignon mardi. Le
LES DATES
19 avril 1949
Naissance à Paris
1981-1987
Journaliste puis directeur
de la rédaction du magazine
d’extrême droite « Minute »
2007-2012
Conseiller de Nicolas Sarkozy
26 décembre 2023
Mort aux Sables-d’Olonne
(Vendée)
font écho à son éloge du polémiste
antidreyfusard Edouard Dru-
mont, l’auteur de La France juive.
En parallèle, le journaliste a déjà
commencé à conseiller Jean-Ma-
rie Le Pen, dont il partage les ob-
sessions. C’est à son initiative que
« le Menhir » se rapproche de
Bruno Mégret, partisan d’une
« union des droites ». « Buisson ne
se mettait pas en avant, mais avait
une activité intense de relations
publiques, décrit ce dernier. Ce
n’était pas un homme d’action po-
Conseil d’Etat estime, en effet,
dans son avis du 7 décembre,
qu’un « processus suffisamment
engagé de négociation [vers] la si-
gnature d’un nouvel accord se
substituant à l’accord de Nouméa
constituerait un but d’intérêt géné-
ral suffisant » pour prolonger les
mandats locaux. Le projet de loi
constitutionnelle visera, quant à
lui, à élargir la population inscrite
sur la liste électorale générale de
Nouvelle-Calédonie. « Tous les ci-
toyens nés ou domiciliés sur le terri-
toire depuis dix ans » pourront
prendre part au prochain scrutin
pour élire leurs représentants
dans les trois provinces du Caillou.
Gelé en 2009 par dérogation
constitutionnelle, au nom des
grands accords politiques qui ont
apporté la paix après la quasi-
guerre civile de 1984-1988, le
corps électoral calédonien de-
litique, mais d’influence et de com-
munication. » Toujours à la recher-
che des hommes politiques, jour-
nalistes ou patrons de presse qui
sauront contribuer à briser le cor-
don sanitaire séparant la droite de
l’extrême droite, il multiplie les
déjeuners dans les brasseries les
plus onéreuses de la capitale.
Il comprend, après l’affaire « du
détail de l’histoire » (propos tenus
par M. Le Pen en 1987 pour quali-
fier les chambres à gaz pendant la
seconde guerre mondiale), que la
prise de pouvoir ne passera pas
par Jean-Marie Le Pen. Tout en diri-
geant le magazine Valeurs actuel-
les, il jette son dévolu sur un espoir
de la droite conservatrice, qu’il fré-
quente souvent en Vendée : Phi-
lippe de Villiers. Il partage sa vi-
sion du rôle politique de l’Eglise
catholique et son obsession des
« racines chrétiennes de la France ».
A son service, il apprend à lire les
sondages et mise sur l’opposition
à la construction européenne.
En 1994 et 1999, le vicomte s’im-
pose comme une voix majeure de
la droite souverainiste aux euro-
péennes, mais son étoile pâlit à
l’approche de la présidentielle de
2002 – Buisson lui préfère Alain
Madelin, un ancien d’Occident,
dont la candidature échoue à 4 %.
meurera restreint. Mais il devrait
s’élargir de façon glissante pour
respecter les principes du suf-
frage universel et les grands tex-
tes internationaux. Le sujet reste
néanmoins brûlant au Front de li-
bération nationale kanak et socia-
liste, dont la base militante craint
une « dilution » des Kanak dans la
population métisse ou caldoche.
« Recherche du consensus »
Selon les informations transmi-
ses par le ministère de l’intérieur
au Conseil d’Etat, la proportion
des électeurs privés de droit de
vote pour l’élection des assem-
blées de province et du congrès
calédonien est passée de 7,46 %
en 1999 à 19,28 % en 2023. De plus,
« les écarts de représentation entre
les provinces au congrès par rap-
port au critère démographique se
sont également accrus ». La pro-
Avec son magazine Politique
& Opinions, auquel contribuent
les sondeurs, Patrick Buisson
trouve le chemin de la respectabi-
lité. Il séduit Jean-Claude Dassier,
patron au cœur très à droite de la
chaîne d’information du groupe
TF1, LCI : il lui confie une émission
sur l’opinion des Français. Ses ana-
lyses tranchantes, son goût de la
polémique séduisent. Là se noue
une étrange relation avec Jean-Luc
Mélenchon, encore dans les luttes
de courants du Parti socialiste, et
dont il pressentira la prise de pou-
voir sur la gauche. Mélenchon
sera l’un de ses camarades de
l’autre rive, avec l’animateur Mi-
chel Field, ancien leader lycéen de
la Ligue communiste révolution-
naire, ou le chanteur anarchiste
Léo Ferré, avec qui il écrira un livre.
Misogynie obsessionnelle
C’est à LCI, encore, qu’il rencontre
Nicolas Sarkozy, vibrionnant mi-
nistre de l’intérieur. Le journaliste
n’est plus aussi sulfureux, bien
qu’il porte en bandoulière son
passé de militant d’extrême
droite. Il prouve à l’ancien maire
de Neuilly-sur-Seine, sa ville, une
faculté à devancer l’opinion : il pro-
nostique la large victoire du non
au référendum sur le traité euro-
vince Nord, la province Sud et la
province des îles Loyauté repré-
sentaient respectivement 18,39 %,
74,85 % et 6,76 % des Calédoniens
en 2019, « alors qu’elles sont repré-
sentées au congrès respectivement
par 27,78 %, 59,26 % et 12,96 % des
sièges depuis 1999 ».
Le Conseil d’Etat souligne qu’il
« regarde la recherche du consen-
sus, poursuivie depuis vingt-cinq
ans par les gouvernements succes-
sifs (…) comme une donnée fonda-
mentale de l’élaboration de l’orga-
nisation politique qui prendra la
suite de celle issue » de l’accord de
Nouméa. Selon la haute juridic-
tion administrative, ce cadre lé-
gal, définissant le statut très auto-
nome de la Nouvelle-Calédonie
dans la République, « demeure ap-
plicable aussi longtemps qu’une
révision de la Constitution ne sera
pas intervenue ».
0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023
péen, en 2005. Nicolas Sarkozy le
consulte, dès lors, de plus en plus
régulièrement. Patrick Buisson lui
inspire la ligne identitaire de sa
campagne de 2007, et notamment
la création du ministère de l’iden-
tité nationale et de l’immigration.
A l’Elysée, il refuse un poste mais
est de toutes les réunions stratégi-
ques. Il range dans la poche de ses
pardessus informes un enregis-
treur. Buisson s’exprime, fort d’un
ascendant psychologique certain
sur le président de la République.
Le dictaphone enregistre. « Cela
révèle une psychologie paranoïa-
que et une personnalité très com-
plexe et assez inquiétante », com-
mente Henri Guaino, ancien con-
seiller de Nicolas Sarkozy, dans un
documentaire diffusé en 2016 sur
France 3. Des traits de caractère
que confirment son fils, Georges
Buisson, dans une biographie à
charge (L’Ennemi, 2019, Grasset), et
Le Mauvais Génie, l’essai d’Ariane
Chemin et de Vanessa Schneider
(2015, Pluriel), qui dessine en outre
une misogynie obsessionnelle.
De l’Elysée, il gardera des enre-
gistrements et une condamnation
à deux ans de prison avec sursis
pour « recel de favoritisme »,
« abus de biens sociaux » et « dé-
tournement de fonds publics »,
pour avoir facturé des sondages à
la présidence sans appels d’offres
préalables. Il en tirera aussi un li-
vre paru en 2016, La Cause du peu-
ple (Perrin) – clin d’œil à ses vieux
ennemis maoïstes –, règlement de
comptes avec son ancien candidat,
qu’il échoue à faire réélire en 2012.
Il cessera dès lors de soutenir
des hommes politiques : il estime
que Marine Le Pen se trompe en
faisant campagne sur les thémati-
ques économiques et sociales, et
ne croit guère à l’aventure d’Eric
Zemmour, qui, par son discours
maurrassien, néglige les catégo-
ries populaires. Mais Patrick Buis-
son défend le combat « grams-
cien » et pousse toute une généra-
tion de journalistes au logiciel
identitaire à occuper les plateaux
de télévision ou les directions de
rédaction de journaux nationaux,
dont Geoffroy Lejeune, désor-
mais à la tête de la rédaction du
JDD, racheté par Vincent Bolloré.
Mardi 26 décembre, une grande
partie de la droite – mais pas Nico-
las Sarkozy – et toute l’extrême
droite – dont Marine Le Pen – lui
ont rendu hommage. La revue
Eléments, organe du courant radi-
cal de la Nouvelle Droite, a salué
« sa conviction que la droite fran-
çaise n’avait pas d’autre ambition
estimable que celle d’être la patrie
de l’intelligence ». p
clément guillou
Mais l’avis du 7 décembre laisse
tout de même une porte entrou-
verte pour avancer par la loi orga-
nique seule, comme le gouverne-
ment le souhaitait, au cas où les
forces politiques calédoniennes
continueraient de jouer la montre
pour repousser la signature d’un
nouvel accord engageant l’avenir
du territoire. Le Conseil d’Etat ne
voit pas d’« obstacle à ce que le lé-
gislateur organique puisse, le mo-
ment venu et si une révision consti-
tutionnelle n’est pas venue régler
plus tôt la difficulté, intervenir
pour atténuer l’ampleur des déro-
gations aux principes d’universa-
lité et d’égalité du suffrage »,
peut-on lire. Ces dérogations
auront, en effet, « avec l’écoule-
ment du temps, des effets excédant
ce qui était nécessaire à la mise en
œuvre de l’accord de Nouméa ». p
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12 | france
A Meaux,
un féminicide
et un quadruple
infanticide
Le père de famille, âgé de 33 ans,
a été interpellé, mardi,
après ce drame qui a eu lieu
en Seine-et-Marne le jour de Noël
U
ne scène de crime d’une
très grande violence. »
Tels sont les mots du
procureur de la Répu-
blique de Meaux (Seine-et-Marne),
Jean-Baptiste Bladier, pour décrire
ce que les fonctionnaires de police
ont découvert en pénétrant dans
un appartement de la ville, le
25 décembre. Un homme de 33 ans
est suspecté d’y avoir tué sa
femme et leurs quatre enfants. In-
terpellé à Sevran (Seine-Saint-De-
nis) mardi et placé en garde à vue,
il souffre de troubles psychiatri-
ques, selon M. Bladier, qui a donné
une conférence de presse le même
jour, en fin de matinée. Une infor-
mation judiciaire va être ouverte
pour « homicides volontaires sur
mineurs de 15 ans » et « homicide
volontaire par conjoint ».
C’est peu avant 21 heures, le jour
de Noël, que des amis de la famille
se manifestent auprès des poli-
ciers du commissariat de Meaux.
Ils s’inquiètent de l’absence de ré-
ponse de la mère depuis quelques
heures. Elle ne donne pas plus de
signes de vie quand ses amis frap-
pent à la porte de l’appartement
situé au rez-de-chaussée de l’im-
meuble, dont les volets sont bais-
sés. Quelques traces de sang sont
visibles sur le palier.
Le petit appartement encombré
de meubles, de vêtements et de
chaussures, symboles d’une vie fa-
miliale ordinaire, est le lieu d’une
effroyable tuerie : cinq cadavres y
sont découverts, dans des flaques
de sang et parmi un grand nom-
Le gouvernement ne renouvelle pas l’agrément d’Anticor
La perte de ce sésame prive l’association anticorruption d’agir efficacement en justice en cas d’inaction du parquet
P endant six mois, l’état-ma-
jor d’Anticor aura attendu
le renouvellement de son
agrément. Mercredi 27 décembre,
au lendemain de la date butoir lé-
gale, nulle trace dans le Journal of-
ficiel de ce sésame qui permettait
depuis 2015 à l’association anti-
corruption d’agir efficacement en
justice dans les affaires d’atteinte
à la probité, notamment en cas
d’inaction du parquet. L’absence
de réponse de l’exécutif constitue
un refus implicite d’agrément
que l’association va contester de-
vant le tribunal administratif, au
prix de nouveaux délais.
« Cette décision ne nous sur-
prend pas malheureusement, car
nous sommes bien conscients que
nos actions contre la corruption
agacent profondément le gouver-
nement. Elle nous attriste car elle
constitue une entrave à l’action de
centaines de bénévoles qui luttent
partout en France contre les abus
de pouvoir », a réagi Elise Van
Beneden, la présidente de l’asso-
ciation engagée dans 161 enquê-
tes judiciaires en France.
« C’est une décision révoltante
qui est l’exact reflet d’un Etat qui
craint l’action menée par la société
civile pour lutter contre la corrup-
tion et le ramène à son obligation
d’exemplarité, estime, pour sa
part, Vincent Brengarth, avocat
bre de mouchoirs et essuie-tout
sanguinolent ; les corps de la
mère, âgée de 35 ans, de ses deux
filles de 10 et 7 ans, de ses deux fils
de 4 ans et de 9 mois. Les trois dé-
funtes ont été victimes d’un « très
grand nombre de coups de couteau
dont il est impossible de déterminer
le nombre pour l’instant », selon
M. Bladier. Les corps du petit gar-
çon et du nourrisson ne présen-
taient pas de plaies apparentes. La
piste de l’étouffement ou de la
noyade est privilégiée. Des autop-
sies à l’institut médico-légal de Pa-
ris devaient avoir lieu mercredi.
Aucun antécédent judiciaire
Les voisins ont confié aux enquê-
teurs avoir entendu des cris le
24 décembre vers 23 heures et le 25
vers 3 heures. Ils ne se sont pas
inquiétés, car « la mère de famille
avait l’habitude de crier après ses
enfants », selon leurs propos rap-
portés par le procureur. Le princi-
pal suspect avait disparu, mais a
été retrouvé grâce à l’exploitation
des vidéos de surveillance. Il a été
interpellé peu avant 8 heures, aux
abords du domicile de son père.
Placé en garde à vue, le mis en
cause a dit « savoir pourquoi il était
en garde à vue, s’en être pris à sa
famille et évoquer son mal-être
personnel et sa dépression », a rap-
porté le procureur. Au moment de
la conférence de presse, il était
toujours hospitalisé en raison
d’importantes blessures à la main.
Les premiers éléments de l’en-
quête permettent de dresser une
d’Anticor. C’est un cadeau de Noël
pour les corrupteurs. »
Le ministère des affaires étran-
gères a endossé in extremis la res-
ponsabilité de cette décision après
la signature, le 23 décembre, d’un
décret de déport par Elisabeth
Borne. Auprès du Monde, une
source diplomatique considère
que la décision du Quai d’Orsay
« ne remet aucunement en cause la
détermination de la France à lutter
contre la corruption », tout en
rappelant que « Mme Colonna s’est
vue confier ce dossier » seulement
trois jours plus tôt.
Saga politico-judiciaire
La première ministre, qui n’a pas
réagi, est susceptible d’être con-
cernée par deux dossiers portés
par Anticor devant la justice : celui
de la tour Triangle à Paris, lors-
qu’elle était directrice générale de
l’urbanisme à la Mairie de Paris,
ainsi que celui du protocole d’ac-
cord signé en 2015 entre l’Etat et
les concessionnaires d’autorou-
tes. Elle avait mené ces négocia-
tions en tant que directrice de ca-
binet de Ségolène Royal, aux côtés
d’Alexis Kohler, alors directeur de
cabinet du ministre de l’économie
Emmanuel Macron, depuis de-
venu secrétaire général de l’Elysée.
Ce refus implicite de renouveler
l’agrément représente l’épilogue
Devant l’immeuble de Meaux (Seine-et-Marne) où ont été retrouvées les cinq victimes, le 26 décembre. ALAIN JOCARD/AFP
ébauche de portrait de cet homme
de nationalité française, né à Co-
lombes (Hauts-de-Seine), en 1990,
titulaire d’un CAP de plomberie,
dont le casier judiciaire est dé-
pourvu de tout antécédent. Il était
néanmoins connu des services de
police pour avoir porté, le 14 no-
vembre 2019, un coup de couteau
à l’omoplate à sa conjointe, ayant
entraîné une incapacité totale de
travail de cinq jours.
A l’époque, la femme avait expli-
qué, lors de l’audition, être en
couple avec son agresseur depuis
quatorze ans (ils se sont mariés en
octobre 2023). « Sur l’existence de
violences, elle avait affirmé n’avoir
subi “qu’une” gifle quand l’aînée
du couple était petite », a ajouté le
procureur. Elle évoquait surtout
l’état dépressif de son conjoint,
qui avait interrompu son traite-
ment depuis quelque temps.
L’homme était suivi pour trou-
bles dépressifs et psychotiques
depuis 2017, après une tentative
de suicide. La jeune femme avait
par ailleurs refusé de déposer une
plainte et avait décliné l’assis-
tance d’une association d’aide
« C’est
une décision
révoltante (…).
Un cadeau
de Noël pour
les corrupteurs »
VINCENT BRENGARTH
avocat d’Anticor
d’une saga politico-judiciaire en-
tamée en août 2020. Cet été-là,
Anticor demande le renouvelle-
ment de ce sésame au ministère
de la justice. Le garde des sceaux,
Eric Dupond-Moretti, se déporte
trois mois plus tard auprès des
services du premier ministre : de-
puis octobre 2020, il est visé par
une plainte d’Anticor pour « prise
illégale d’intérêts ». Le renouvelle-
ment de l’agrément est annoncé,
par arrêté du premier ministre
Jean Castex, le 2 avril 2021, une
heure et demie avant la fin du
délai. Le soulagement de l’asso-
ciation est de courte durée. En
juin 2021, un ancien adhérent ex-
clu de l’association et un adhé-
rent en rupture avec la direction
attaquent cette décision, remet-
tant en cause le « caractère désin-
téressé et indépendant » de l’asso-
ciation. Le 23 juin 2023, le tribunal
Le suspect était
suivi pour
troubles
dépressifs
et psychotiques
depuis 2017
aux victimes, qui lui était propo-
sée. Des documents médicaux et
administratifs, ainsi que des or-
donnances de tranquillisants ont
de fait été retrouvés par les enquê-
teurs au domicile de la famille,
après le quintuple homicide.
Hospitalisé en psychiatrie
en 2019, après avoir poignardé sa
femme, l’homme avait été placé
en garde à vue à la fin de son hospi-
talisation, le 13 janvier 2020. Dans
une brève audition, il ne contestait
pas les faits et parlait de ses « idées
noires » et de l’« envie de se faire du
mal ». « Le coup de couteau est parti
tout seul », avait-il déclaré pour se
justifier après l’attaque de sa
conjointe à l’arme blanche. La pro-
cédure avait été classée sans suite
administratif annule l’agrément.
Anticor fait immédiatement ap-
pel et dépose une nouvelle de-
mande d’agrément. Celle-ci sera
instruite « dans les meilleurs dé-
lais et en priorité », indique, dans
un courriel du 27 juin, la direction
des affaires criminelles et des grâ-
ces à Anticor avant d’annoncer,
en octobre, qu’elle proroge le dé-
lai d’instruction de la demande de
nouvel agrément de deux mois.
Soit jusqu’au 26 décembre.
Mi-novembre, à rebours des
conclusions du rapporteur public
et des observations émises au
nom de Mme Borne en faveur d’An-
ticor, la cour administrative d’ap-
pel confirme le jugement du tribu-
nal administratif. Selon la juridic-
tion, Jean Castex a commis une
« erreur de droit », en renouvelant
l’agrément sur la base des engage-
ments de l’association « à prendre
des mesures correctives ». L’asso-
ciation a déposé le 22 décembre un
pourvoi devant le Conseil d’Etat
pour contester cette décision.
Le refus de renouvellement
d’agrément devrait avoir des con-
séquences sur les procédures lan-
cées ou relancées par Anticor à
compter du 2 avril 2021. Certaines
procédures – principalement lo-
cales –, dans lesquelles elle a porté
plainte avec constitution de par-
tie civile après cette date, pour-
au motif d’un état mental défi-
cient, a précisé M. Bladier, une ex-
pertise ayant reconnu l’abolition
du discernement chez l’homme.
L’état psychiatrique du mis en
cause au moment des faits sera au
cœur de cette nouvelle enquête.
Le sujet est politiquement sensi-
ble. « Il faut une meilleure coopéra-
tion entre les services de médecine,
les services sociaux et judiciaires »,
défend Jean-François Copé, maire
Les Républicains de Meaux, évo-
quant un « tabou autour des ques-
tions psychiatriques ».
Cent deux féminicides en 2023
L’ancien ministre déplore la dis-
parition de cette famille « en souf-
france et en danger, sans qu’on le
sache clairement ». Présent sur les
lieux, mardi matin, l’édile évoque
« un crime absolument effroyable
qui a bouleversé tout le monde à
Meaux », précisant qu’une cellule
psychologique avait été mise en
place dans le centre social non
loin de l’appartement et dans
l’école des enfants.
L’histoire s’inscrit dans une
triste série d’infanticides commis
raient être en partie annulées.
Anticor ne pourra plus non plus
se constituer partie civile, ce qui
contraint le parquet à transmettre
à un juge d’instruction ses plain-
tes, dans le cas où ses plaintes sim-
ples seraient classées par le procu-
reur de la République. La plainte
déposée contre X en juin 2023 sur
le protocole d’accord signé entre
l’Etat et les concessionnaires
autoroutiers pourrait connaître
une fin précoce si elle faisait l’ob-
jet d’un classement sans suite.
Une autre affaire concernant
Alexis Kohler avait démontré l’ef-
ficacité de cet outil juridique.
Après un classement du Parquet
national financier, Anticor avait
déposé une plainte avec constitu-
tion de partie civile en 2020 con-
tre le secrétaire général de l’Ely-
sée, dans le cadre de l’enquête
portant sur les décisions qu’il
avait prises en tant que haut fonc-
tionnaire concernant l’armateur
MSC, avec lequel il avait des liens
familiaux. Il a depuis été mis en
examen pour « prise illégale d’in-
térêts ». Cette affaire, tout comme
celle de la tour Triangle, ne sera
pas touchée par le retrait de l’agré-
ment. L’association s’était consti-
tuée partie civile avant le renou-
vellement, en avril 2021, de son
agrément, finalement annulé. p
rémi dupré et laura motet
0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023
par des pères, depuis octobre, en
région parisienne. Fin novembre,
un homme avait avoué le meurtre
de ses trois filles, âgées de 4 à
11 ans, à Alfortville (Val-de-Marne).
En octobre, un gendarme avait
tué ses trois filles, avant de se don-
ner la mort, à Vémars (Val-d’Oise).
Ce crime porte aussi à 102 le
nombre de féminicides commis
dans le cadre conjugal, en 2023, se-
lon la page Facebook du collectif
militant Féminicides par compa-
gnons ou ex, qui tient ce recense-
ment depuis huit ans, en s’ap-
puyant principalement sur les
articles de presse. Selon le bilan
annuel de la délégation aux victi-
mes du ministère de l’intérieur,
118 femmes ont été tuées dans le
cadre conjugal en 2022, sur 145 vic-
times au sein du couple, et 12 en-
fants. « Plus de 850 féminicides de-
puis mai 2017 », date de l’élection
d’Emmanuel Macron, alertaient,
début novembre, des collectifs,
dont Nous toutes, en dénonçant
l’« indifférence totale » des pou-
voirs publics face à ce fléau. p
solène cordier
et robin richardot
FAI TS D I VERS
Dans le Nord, le corps
d’un nourrisson
découvert dans un sac
Le cadavre d’un nourrisson a
été découvert dans un sac,
mardi 26 décembre après-
midi, au Quesnoy (Nord),
dans un immeuble frappé
plus tôt dans la journée par
un incendie, a appris l’AFP de
source proche de l’enquête.
L’appartement était à ce mo-
ment inoccupé, mais « des
fouilles approfondies pour
sécuriser le site » ont été
réalisées et « un sac d’où
se dégageait une très forte
odeur » a attiré l’attention
des pompiers. – (AFP.)
Maine-et-Loire :
un homme mis en
examen pour « viols
et agressions sexuelles
sur mineurs »
Un homme de 36 ans a été
mis en examen dans le Mai-
ne-et-Loire pour « viols et
agressions sexuelles sur mi-
neurs » et pour « corruption
de mineurs », a appris l’AFP
auprès du parquet d’Angers.
Interpellé près de Mauges-
sur-Loire (Maine-et-Loire), il a
été mis en examen mi-dé-
cembre à l’issue de sa garde à
vue et placé sous contrôle ju-
diciaire. Ses dix victimes re-
censées, des garçons mineurs
au moment des faits, fai-
saient partie de l’« environne-
ment » du mis en cause, selon
le procureur de la République
d’Angers. – (AFP.)

0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023
Les palaces rivalisent dans l’hyperluxe
Dans ce monde déconnecté de toute réalité, les clients fortunés se voient proposer toujours plus de prestations
P
our cajoler un client,
chaque palace a ses pe-
tits trucs. Prenez Le
Royal Monceau. En oc-
tobre, cet hôtel parisien, qui ap-
partient à un fonds souverain qa-
tari, avait pour client Andreas
Grasshoff, un Américano-Alle-
mand de 61 ans. Au cours d’une
conversation anodine avec le
chef pâtissier du restaurant, cet
entrepreneur du domaine de la
boulangerie industrielle men-
tionne à son interlocuteur qu’à
New York, où il vit, il fait de la
moto. Immédiatement remontée
à la conciergerie, cette confidence
s’est transformée en surprise.
Le lendemain, une BMW
R 18 noire neuve, la plus grosse cy-
lindrée du constructeur, attendait
Andreas Grasshoff devant l’hôtel :
elle était à lui et à sa femme pour
la journée. Cadeau. Les deux cas-
ques sont arrivés sur un plateau
d’argent. « Ce n’était pas n’importe
quelle moto, c’était la plus belle, la
plus puissante que j’aurais pu ima-
giner. C’était un feu d’artifice
d’émotions », se remémore An-
dreas Grasshoff, qui a publié sur le
réseau social LinkedIn une photo
de lui chevauchant l’engin, de-
vant l’entrée du Royal Monceau.
Pour lui qui fréquente les pala-
ces du monde entier, et qui, à Pa-
ris, a aussi séjourné au Ritz, c’est
plié : Le Royal Monceau est « au-
dessus de tout », nous dit-il. Et il
compte bien conseiller à son en-
tourage d’y descendre. Pour Le
Royal Monceau, et son partenaire
BMW, c’est gagné.
Que proposer à des clients ultra-
riches qui possèdent déjà tout ?
Des expériences sur mesure, des
surprises, des « effets waouh » à
même de susciter des images sur
les réseaux sociaux. Voilà com-
ment tentent désormais de se dis-
tinguer les trente et un palaces –
la catégorie au-dessus du cinq-
étoiles – de France. Souvent déte-
nus par des milliardaires étran-
gers (le Plaza Athénée et Le Meu-
rice appartiennent au sultan de
Brunei, le George V au prince
saoudien Al-Walid, l’Hôtel de
Crillon à un autre prince saou-
dien, Le Bristol à la famille alle-
mande des pizzas Dr. Oetker…), les
palaces sont des « châteaux des
temps modernes », comme le dit
Gabriel Matar, consultant spécia-
lisé dans l’hôtellerie de luxe.
« Leur rentabilité n’est pas
évidente, et ne peut exister qu’à
très long terme. Les investisseurs
[s’y intéressent] en grande partie
pour une question d’ego, de pos-
ture, de symbole. »
Pourtant, plus que jamais,
ces hôtels sont en concurrence
pour attirer les plus grandes for-
tunes du monde. En effet, en
quelques années, le marché fran-
çais des palaces s’est considéra-
blement élargi : la France en
compte douze de plus en dix ans
– le label est attribué par l’agence
Atout France. Parmi les en-
trants figurent le Lutetia, rénové
de fond en comble en 2018, l’Hô-
tel du Palais, à Biarritz, mais aussi
le Peninsula, le Mandarin Orien-
tal, le Shangri-La… Ce club devrait
continuer à s’agrandir, avec de
nouveaux hôtels comme le Che-
val Blanc, le Bulgari, ou encore le
Carlton de Cannes, qui a rouvert
cette année après 300 millions
d’euros de travaux.
Hausse des charges
La concurrence est d’autant plus
rude que ces palaces sont loin de
faire le plein. Les taux d’occupa-
tion des chambres restent faibles :
en moyenne 53 % en 2022, contre
59 % en 2018, selon les chiffres de
KPMG, qui a mené une étude sur
les palaces parue en septembre. Et
ils ont encore baissé en 2023, se-
lon nos informations. « Les émeu-
tes du début de l’été, l’attentat d’Ar-
ras [le 13 octobre], la guerre [entre
Israël et le Hamas], tout cela nous
Récemment, ces
établissements
se sont mis
à exploiter
un nouveau filon :
les enfants
ÉCONOMIE & ENTREPRISE
prive de nombreux clients, en par-
ticulier les Américains, très sensi-
bles aux directives du département
d’Etat. Et puis, de grands événe-
ments ont été annulés pour des rai-
sons de sécurité, comme les MTV
Music Awards. Pour nous, ce sont
plusieurs centaines de milliers
d’euros qui disparaissent », expli-
que Jean-Pierre Trevisan, le direc-
teur général du Lutetia.
Même à moitié vides, ces pala-
ces sont de grosses machines,
dont le fonctionnement coûte de
plus en plus cher : en l’espace d’un
an, toutes les charges – de person-
nel, d’énergie, d’achats – ont énor-
mément augmenté. Les comptes
sont grevés notamment par les
spas, qui ont fleuri dans tous les
hôtels de luxe, et qui ne sont abso-
lument pas rentables. « Ils sont
pourtant des passages obligés,
comme les business centers [cen-
tres d’affaires], il y a vingt ans »,
explique Vincent Pimont, direc-
teur général du Peninsula.
Davantage de concurrence,
moins de clients et plus de dépen-
ses : l’équation n’est pas très favo-
rable. Alors, pour préserver leurs
marges, ils font flamber leurs
prix. Le tarif moyen d’une cham-
bre a bondi de 34 % en un an, se-
lon l’étude de KPMG. « Grâce à
cela, nous retrouvons à peu près
nos chiffres d’affaires d’avant-Co-
vid », explique Julien Huel, direc-
teur général hôtellerie et restau-
ration du groupe Barrière.
Le tarif moyen pour une nuit at-
teint 1 442 euros – et presque le
double dans les palaces de Cour-
chevel, qui ne fonctionnent que
quatre mois par an. Les palaces
peuvent compter sur le fait que
leur clientèle soit peu sensible à
ces variations : d’après le dernier
rapport d’Oxfam sur les inégalités
dans le monde, les milliardaires
sont de plus en plus nombreux et
de plus en plus riches. Rien qu’en
France, leur fortune a augmenté
plus rapidement en dix-neuf
mois de pandémie qu’en une dé-
cennie entière.
Ces nouvelles marges de
manœuvre permettent aux pala-
ces de développer des services
Au Royal
Monceau,
on peut privatiser
en un clin d’œil
l’Arc de triomphe
inédits, pour flatter comme ja-
mais leurs clients. « C’est le nerf de
la guerre », dit Nicolas De Gols, le
directeur du Royal Monceau. Il ra-
conte que, dans son établisse-
ment, le personnel part en per-
manence à la chasse aux informa-
tions. Couleur préférée, activités
favorites, anniversaires… « Le vrai
luxe, c’est une question de petites
attentions, d’anticipation et de
bon timing », poursuit M. De Gols.
Un client éternue au restaurant ?
L’information sera immédiate-
ment remontée à la conciergerie,
qui fera apporter dans sa chambre
une tisane, assortie d’un mot
manuscrit lui souhaitant un bon
rétablissement. Une famille est
partie à Disneyland ? L’hôtel
prévoit quelques cadeaux surpri-
ses Disney pour leur retour dans
la chambre.
Au Lutetia, vous pouvez choisir
la senteur de votre chambre, le ni-
veau de fermeté de votre
oreiller… « Si le client, par exem-
ple, est pianiste, on va lui laisser
dans sa chambre un petit objet en
chocolat en rapport à cet univers,
créé par notre chocolatier. On
peut créer des logos en sucre pour
une société. On est dans la person-
nalisation extrême, parce que cela
flatte nos clients », explique le di-
recteur du seul palace de la rive
gauche parisienne. Et quand la
mannequin portugaise Sara
Sampaio, suivie par 8 millions de
personnes sur Instagram, rédige
une publication indiquant
qu’elle a « adoré avoir ses initiales
brodées sur son oreiller », c’est ga-
gné : le Lutetia a la meilleure pu-
blicité qu’il soit.
« La clientèle n’est plus dans le
luxe “gants blancs”. Elle veut quel-
que chose de moins ostentatoire,
et surtout vivre des expériences
propres à chaque lieu », explique
Gabriel Matar. « Expériences » : le
mot est à la bouche de tous les res-
ponsables de palace que nous
avons interrogés. Dans cette li-
gnée, l’hôtel Peninsula propose à
ses clients, depuis le printemps,
de suivre des cours particuliers –
atelier de confection de dim sum
avec le chef, cours de paris-brest,
dégustation de vins avec leur
sommelier… Des shootings photo
dans des décors « instagramma-
bles » peuvent être organisés avec
des robes de créateur.
Equipes renforcées
Au Lutetia, on propose aux clients
une visite du château de la Mar-
quetterie, propriété privée de la
famille Taittinger. A La Réserve,
un palace qui appartient au mil-
liardaire Michel Reybier, on peut
privatiser le Louvre pour un dî-
ner, avec deux violonistes à ses
côtés. Ou réserver un bateau à
moteur en bois d’acajou – un
Riva – pour une promenade sur la
Seine. Au Peninsula, on organise
pour les clients une visite de la
Fondation Louis Vuitton hors des
horaires d’ouverture, histoire
d’être tranquille. Au Royal Mon-
ceau, on peut privatiser en un clin
d’œil l’Arc de triomphe.
Les palaces renforcent aussi
leurs équipes pour répondre à
une nouvelle génération de
clients qui se décident à la der-
nière minute. A La Réserve,
Maxime Duval, concierge, se rap-
pelle que cet été, il a dû organiser
un mariage… en vingt-quatre
heures. « Le client arrivait de Lon-
dres, il venait de faire sa demande
en mariage. On a dû trouver la
robe, les bagues, les fleurs, le pho-
tographe… » Mission accomplie :
la cérémonie s’est tenue sur une
pelouse du parc Monceau.
Les surprises doivent être à la
hauteur de clients qui ont déjà
« tout ». Un vendredi, Daisuké Ki-
mura, chef concierge du Royal
Monceau, a reçu un message d’un
client d’Europe de l’Est, qui venait
passer le week-end à Paris avec sa
femme, son fils de 7 ans et ses
beaux-parents. Son souhait : que
| 13
Au palace
Royal
Monceau,
à Paris, le
8 décembre.
SIMON PEROLARI
POUR « LE MONDE »
ces quelques jours soient « mémo-
rables ». L’argent n’était pas un
problème. Alors, le chef concierge
a sorti le grand jeu. « On a privatisé
le château de Vaux-le-Vicomte [à
Maincy, en Seine-et-Marne] pour
une soirée, avec dîner, combat de
chevaliers et un feu d’artifice, ac-
tionné par le client », se remémore
Daisuké Kimura… Qui a ses en-
trées un peu partout dans Paris
grâce aux Clefs d’or, un club de
concierges d’hôtels de luxe
auquel il appartient, qui dispose
d’une boucle WhatsApp très effi-
cace pour partager contacts, bons
plans et accès directs.
Récemment, les palaces se sont
mis à exploiter un nouveau filon :
les enfants. « Un enfant heureux,
c’est trois clients fidélisés », a cou-
tume de dire Ladislas Boehm, fon-
dateur de Petit VIP, une société
qui organise des activités pour en-
fants et ados dans des hôtels de
luxe. Cet ancien enseignant pos-
sède dans son catalogue toute
une série d’activités : de l’escape
game à l’intérieur des hôtels –
avec les femmes de chambre ou
les grooms qui délivrent des indi-
ces – au cours de « French éti-
quette » avec un responsable de
salle, en passant par le tournage
d’un film avec les ados, l’enregis-
trement de musique dans un stu-
dio aménagé dans l’hôtel, l’orga-
nisation d’un défilé de mode avec
une marque partenaire où ce sont
les enfants qui défilent… Tout cela
peut rapporter gros.
Il y a un mois, dans un hôtel de
la Riviera avec lequel il travaille,
Ladislas Boehm a engagé la dis-
cussion avec une famille d’Abou
Dhabi. « Je demande au père si les
activités pour ses enfants lui plai-
sent. Il me répond que oui, mais
que c’est un vrai piège ! D’habi-
tude, il ne reste qu’une semaine
dans cet hôtel. Et là, sous la pres-
sion de ses enfants qui ne veulent
pas partir, il va y séjourner un mois
entier ! Et ce n’est pas n’importe
quel client : quand il se déplace, il
réserve sept chambres, pour sa fa-
mille et son personnel. » Un « Club
Mickey » bien rentabilisé. p
jessica gourdon
14 | économie & entreprise
Cryptomonnaies : le retour
en grâce du bitcoin
Depuis janvier, la devise virtuelle a flambé de 150 %, à 43 000 dollars
U
ne « capitulation » pi-
teuse suivie d’une ré-
habilitation spectacu-
laire : ainsi pourrait se
résumer l’année 2023 du bitcoin,
le plus connu des cryptoactifs.
Mal en point en début d’année
après le retentissant scandale FTX
− la plate-forme de transactions
dont le cofondateur Sam Bank-
man-Fried confondait les fonds
de ses clients avec son portefeuille
personnel −, il affiche aujourd’hui
une hausse de plus de 150 % de
son cours en dollars depuis le dé-
but de l’année, à 43 000 dollars
(39 000 euros), contre moins de
17 000 dollars il y a un an.
A côté, l’indice Standard
& Poor’s 500 de Wall Street affiche
une progression de 24 % « seule-
ment ». Seul avantage que con-
serve cette référence du « vieux
monde » financier : il a pratique-
ment retrouvé en décembre son
plus haut niveau historique, alors
que le bitcoin reste loin du sien,
touché en novembre 2021 à près
de 68 000 dollars. La performance
2023 du bitcoin est loin d’être iso-
lée : des cryptoactifs moins con-
nus, comme l’ethereum ou le so-
lana, ont bénéficié à plein ces der-
niers mois du regain d’intérêt
marqué des investisseurs.
« Abcès crevé »
Et ce retournement de tendance
nourrit l’euphorie de certains ac-
teurs du secteur : Brian Arms-
trong, le directeur général de la
plate-forme d’échanges Coinbase,
a jugé le 4 décembre sur X que « le
bitcoin pourrait être la clé de la pro-
longation de la civilisation occi-
dentale ». Rien de moins. C’est dire
si les cryptos reviennent de loin :
en février, trois mois après
la faillite de FTX, le secteur
était pris pour cible par les autori-
tés financières américaines, qui
semblaient bien décidées à le
soumettre à une régulation
stricte. Et le cours du bitcoin pei-
T EC HN OLOGI E
Les Etats-Unis interdisent
des montres Apple
L’interdiction à la vente de
modèles d’Apple Watch pour
violation de brevets est entrée
en vigueur mardi 26 décem-
bre aux Etats-Unis. La Com-
mission américaine du com-
merce international avait
recommandé cette mesure
car certains modèles sont ac-
cusés par le fabricant Masimo
de copier ses technologies de
détection du taux d’oxygène
dans le sang. – (AFP.)
- CESSATIONS DE GARANTIE
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE EUROPE SA/NV, sis Tour CBX - 1
Passerelle des Reflets - 92913 Paris La Défense
Cedex (RCS NANTERRE 842 689 556),
succursale de QBE EUROPE SA/NV, dont
le siège social est à 37, Boulevard du Régent,
1000 BRUXELLES - BELGIQUE, fait savoir
que, la garantie financière dont bénéficiait la :
OCAP REIM SASU
478Avenue Chabadenia
64210 BIDART RCS: 879 912 368
depuis le 01/02/2020 pour ses activités de
: TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES
ET FONDS DE COMMERCE, depuis le
01/02/2020 pour ses activités de : GESTION
IMMOBILIERE cessera de porter effet trois
jours francs après publication du présent avis.
Les créances éventuelles se rapportant à ces
opérations devront être produites dans les trois
mois de cette insertion à l’adresse de l’Établis-
sement garant sis Tour CBX - 1 Passerelle des
Reflets - 92913 Paris La Défense Cedex. Il est
précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et
que le présent avis ne préjuge en rien du paie-
ment ou du non-paiement des sommes dues
et ne peut en aucune façon mettre en cause la
solvabilité ou l’honorabilité de la SASU OCAP
REIM.
Le secteur
revient de loin :
en février, il était
pris pour cible
par les autorités
financières
américaines
nait alors à se maintenir au-dessus
de 20 000 dollars. « La crise FTX a
sonné l’heure de la capitulation
pour le bitcoin », explique Alexan-
dre Baradez, analyste chez le cour-
tier IG. « Une fois l’abcès crevé, il a
fallu quelques mois au marché
pour se stabiliser avant d’entamer
la phase de hausse actuelle. »
Ce rebond s’est accéléré à partir
de la mi-octobre, en profitant no-
tamment de la détente des condi-
tions financières aux Etats-Unis :
la perspective d’un arrêt de la
hausse des taux d’intérêt de la Ré-
serve fédérale, voire d’une baisse
de ceux-ci dans les prochains
mois, a rendu de l’attrait aux ac-
tifs tels que l’or et le bitcoin, long-
temps désavantagés par leur ab-
sence de rendement.
Ainsi soutenu par l’assouplisse-
ment monétaire, le retour en
grâce du bitcoin n’a été que briève-
ment perturbé par l’affaire Bi-
nance, autre grande plate-forme
d’échanges de cryptoactifs, con-
trainte de payer 4 milliards de dol-
lars d’amendes pour clore les en-
quêtes sur des soupçons de viola-
tion des lois américaines contre le
blanchiment d’argent. Une issue
qui a en outre contraint à la démis-
sion le fondateur de l’entreprise,
Changpeng Zhao, dit « CZ ».
Car entre-temps, le courant
haussier portant les cryptos avait
trouvé un nouveau moteur. Plu-
sieurs grands noms américains de
l’investissement, parmi lesquels
BlackRock, Fidelity et Ark Invest,
BFM-TV perd son pari Laurent Ruquier face à CNews
Trois mois après son arrivée, l’animateur quitte la chaîne d’info en continu, alors que sa rivale gagne du terrain
C’ est un échec qui tombe
mal pour BFM-TV, dé-
passée en audience, ces
dernières semaines, par sa con-
currente CNews. Laurent Ruquier
a annoncé, mardi 26 décembre,
arrêter l’émission quotidienne
qu’il animait le soir depuis trois
mois. « Je préfère m’arrêter là (…),
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE EUROPE SA/NV, sis Tour CBX - 1
Passerelle des Reflets - 92913 Paris La Défense
Cedex (RCS NANTERRE 842 689 556),
succursale de QBE EUROPE SA/NV, dont
le siège social est à 37, Boulevard du Régent,
1000 BRUXELLES - BELGIQUE, fait savoir
que, la garantie financière dont bénéficiait la :
MARYLINE GIRAUD GESTION - M.G.G.
SAS - ZA du Château de la Chazotte
42350 LATALAUDIERE RCS: 532 128 238
depuis le 13/05/2011 pour ses activités de
: TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES
ET FONDS DE COMMERCE, depuis le
16/05/2011 pour ses activités de : GESTION
IMMOBILIERE, cessera de porter effet trois
jours francs après publication du présent avis.
Les créances éventuelles se rapportant à ces
opérations devront être produites dans les trois
mois de cette insertion à l’adresse de l’Établis-
sement garant sis Tour CBX - 1 Passerelle des
Reflets - 92913 Paris La Défense Cedex. Il est
précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et
que le présent avis ne préjuge en rien du paie-
ment ou du non-paiement des sommes dues
et ne peut en aucune façon mettre en cause
la solvabilité ou l’honorabilité de la SAS
MARYLINE GIRAUD GESTION - M.G.G..
ont en effet déposé auprès de la Se-
curities and Exchange Commis-
sion (SEC), le gendarme des mar-
chés boursiers américains, des de-
mandes d’homologation d’ETF
(exchange traded-funds ou fonds
indiciels) en bitcoins au comptant.
Ces ETF, malgré leur dénomina-
tion absconse, n’ont depuis long-
temps plus rien d’exotique pour
beaucoup d’investisseurs. Ces pro-
duits financiers visent à répliquer
en temps réel l’évolution du cours
d’un actif ou d’un indice, sans que
l’investisseur soit obligé de déte-
nir directement ce support. Une
simplicité qui a fait leur succès :
ces produits représentaient au
troisième trimestre 5 600 mil-
liards de dollars de placements
pour le seul marché américain des
actions selon le spécialiste iShares.
Un produit d’épargne
La création d’ETF consacrés au bit-
coin rendrait l’investissement
dans ce dernier beaucoup plus ac-
cessible aux investisseurs, qui
n’auraient plus besoin d’ouvrir un
compte spécifique sur une plate-
forme spécialisée et qui seraient à
l’abri d’un manque de liquidité,
reproche récurrent adressé aux
cryptoactifs. Et surtout, les émet-
teurs des nouveaux fonds indi-
ciels seraient en outre contraints
d’acheter d’importantes quanti-
tés de bitcoins, à hauteur des capi-
taux investis dans les nouveaux
fonds, générant ainsi une de-
mande quasi mécanique.
Les premières réponses de la
SEC à la douzaine de demandes
déposées auprès d’elle pour-
raient être annoncées à partir du
10 janvier, mais la plupart des ob-
servateurs n’imaginent pas qu’el-
les soient toutes rejetées.
D’autant que l’un des grands pro-
moteurs des ETF, Grayscale, a ob-
tenu dès le mois d’août une pre-
mière victoire remarquée, une
cour d’appel jugeant alors que le
rejet d’une première demande
force est de constater que le public
ne m’a pas suivi autant que nous
l’espérions dans ce rôle différent
pour moi », a-t-il écrit dans un
message interne dévoilé par Le Pa-
risien puis publié sur Instagram.
Après vingt-trois ans de diver-
tissements à la télévision sur
France 2, l’humoriste avait créé la
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE EUROPE SA/NV, sis Tour CBX -
1 Passerelle des Reflets - 92913 Paris La
Défense Cedex (RCS NANTERRE 842
689 556), succursale de QBE EUROPE
SA/NV, dont le siège social est à 37,
Boulevard du Régent, 1000 BRUXELLES
- BELGIQUE, fait savoir que, la garantie
financière dont bénéficiait la :
IMMOBILIARÉ EURL
47 Allées Jean Jaurès
31000 TOULOUSE RCS: 450 982 160
depuis le 01/01/2004 pour ses activités de :
TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET
FONDS DE COMMERCE cessera de por-
ter effet trois jours francs après publication
du présent avis. Les créances éventuelles
se rapportant à ces opérations devront être
produites dans les trois mois de cette inser-
tion à l’adresse de l’Établissement garant
sis Tour CBX - 1 Passerelle des Reflets -
92913 Paris La Défense Cedex. Il est pré-
cisé qu’il s’agit de créances éventuelles et
que le présent avis ne préjuge en rien du
paiement ou du non-paiement des sommes
dues et ne peut en aucune façon mettre en
cause la solvabilité ou l’honorabilité de la
EURL IMMOBILIARÉ.
d’homologation n’avait pas été
correctement justifié.
Autre signal positif : le président
de la SEC, Gary Gensler, même s’il
reste très critique vis-à-vis du
manque d’encadrement de la plu-
part des cryptoactifs, a dû recon-
naître le 14 décembre, dans un en-
tretien à la chaîne de télévision
CNBC, que la décision rendue dans
le dossier Grayscale l’avait conduit
à porter « un nouveau regard » sur
le sujet. De quoi encourager les
candidats à la création d’ETF. « Ces
grands acteurs de l’épargne sou-
haitent inclure le bitcoin dans leur
offre parce qu’il est perçu comme
moins volatil. Et surtout, ils pren-
nent en compte l’enjeu commercial
que représenterait l’inclusion de
ces ETF dans les plans d’épargne
des Américains », note M. Baradez.
Accessible par des ETF, le bitcoin,
longtemps considéré comme un
produit difficile d’accès réservé
aux investisseurs férus de techno-
logie, deviendrait un produit
d’épargne presque ordinaire pour
l’épargnant individuel, mais sur-
tout pour des gérants de patri-
moine et des fonds de pension. Se-
lon Bloomberg Intelligence, le
marché des ETF en bitcoins pour-
rait ainsi rapidement devenir un
marché de 100 milliards de dol-
lars. Si certains analystes n’ex-
cluent pas des prises de bénéfices
une fois rendues les décisions de
la SEC sur les projets d’ETF,
d’autres prédisent une année
2024 faste au bitcoin : ceux de Ma-
trix Report le voient atteindre
125 000 dollars d’ici à la fin 2024.
Ils notent que l’année à venir
sera celle d’un halving, une divi-
sion par deux de la rémunération
en bitcoins des opérations de « mi-
nage » (des calculs informatiques
de plus en plus complexes) qui
créent la cryptomonnaie. Cette
procédure, destinée à limiter l’of-
fre, a toujours eu un effet bénéfi-
que sur le cours, rappellent-ils. p
marc angrand
surprise en rejoignant BFM-TV
pour y animer, depuis le 25 sep-
tembre, « Le 20 heures de Ru-
quier », du lundi au jeudi de
20 heures à 21 heures, une émis-
sion de débats sur l’actualité.
Mais, même si les chiffres étaient
meilleurs que ceux des années
précédentes, ce rendez-vous d’un
nouveau genre pour l’animateur
des « Grosses Têtes », sur RTL, n’a
pas su se démarquer, sur un cré-
neau occupé sur les autres chaî-
nes par les journaux télévisés et
par de nombreuses émissions
de divertissements : « Quotidien »
(TMC), « Touche pas à mon poste »
(C8), « L’heure des pros 2 » (CNews)
ou « C à vous » (France 5).
Coude-à-coude
Selon les données Médiamétrie
transmises par BFM-TV, la « case
Ruquier » a réalisé 1,1 % de part
d’audience entre le 25 septembre
et le 21 décembre, 0,1 point de plus
que ce que la chaîne faisait à la
même époque en 2022. Mais, sur
CNews, « L’heure des pros 2 », de
Pascal Praud, émission connue
pour son ton et ses invités conser-
vateurs, a fait largement mieux,
avec 3,8 % de part d’audience cette
saison. Pascal Praud a toutefois
rendu hommage à l’animateur sur
le réseau social X : « Bravo à Lau-
rent Ruquier de toujours tenter de
nouvelles aventures, de prendre des
risques. Ceux qui le critiquent n’ont
pas la racine carrée de son talent. »
La Banque africaine
de développement retire
ses employés d’Ethiopie
L’institution accuse les forces de sécurité
du pays d’avoir agressé deux de ses cadres
nairobi - correspondance
L’ agression est suffisam-
ment grave pour provo-
quer le départ de tous les
employés expatriés de la Banque
africaine de développement
(BAD). Son président, Akinwumi
Adesina, a annoncé « retirer immé-
diatement tout son personnel in-
ternational d’Ethiopie » à la suite
de « la récente violation du proto-
cole diplomatique et [de] l’attaque
perpétrée par les forces de sécurité
éthiopiennes contre deux membres
du personnel international de la
BAD ». Ce départ inédit est embar-
rassant pour Addis-Abeba, siège
de l’Union africaine. Le retrait des
banquiers de la BAD intervient
après l’agression de son directeur
dans le pays, Abdul Kamara, et de
l’un de ses assistants, John Bosco
Bukenya. L’affaire débute le 31 oc-
tobre lorsque Abdul Kamara se
rend au ministère éthiopien des fi-
nances pour réclamer le paiement
de la cotisation annuelle que le
pays doit verser, environ 4,8 mil-
lions d’euros . Les discussions en-
tre Abdul Kamara et le ministre,
Ahmed Shide, sont houleuses.
Le même jour, Abdul Kamara et
John Bosco Bukenya sont passés à
tabac dans leur voiture de fonc-
tion respective par des hommes
en civil, embarqués dans des voi-
tures sans plaque d’immatricula-
tion, et « détenus pendant des heu-
res sans inculpation ni explication
officielle » dans un lieu inconnu.
Leur libération, le même jour, n’in-
terviendra qu’après un appel
d’Akinwumi Adesina au premier
ministre éthiopien. Ce dernier ira
voir Abdul Kamara pour tenter
d’éteindre l’incendie et l’inciter à
rester en Ethiopie. Mais les deux
employés de la BAD quittent le
pays. La BAD intime aux autorités
éthiopiennes de faire la lumière
sur l’incident. Sans réponse.
M. Adesina se déplace à Addis-
« Le 20 heures
de Ruquier »,
rendez-vous d’un
nouveau genre
pour l’humoriste,
n’a pas su
se démarquer
« L’audience n’est pas le sujet », a
assuré le directeur général de
BFM-TV, Marc-Olivier Fogiel, dans
un message interne. « Ce qui le
conduit à arrêter est le décalage en-
tre l’investissement nécessaire et le
plaisir qu’il retire de ce qu’il peut
proposer aux téléspectateurs », a
poursuivi Marc-Olivier Fogiel, qui
dit avoir accepté cette décision en
dépit des commentaires qu’elle
pourrait susciter. Selon lui, c’est
Laurent Ruquier qui a « demandé
de le libérer de son engagement en
cette fin d’année », alors que la di-
rection souhaitait le maintenir
jusqu’à la fin de la saison.
« Je ne regrette pas d’avoir quitté
France Télévision en juin pour
BFM-TV, parce que j’ai vécu ces trois
mois comme une expérience pas-
sionnante et incroyable, comme je
n’imaginais pas la vivre, mais il
faut savoir accepter ses échecs », a
ajouté Laurent Ruquier dans son
message. Pour le remplacer,
l’émission « Calvi 3D », animée par
Yves Calvi, sera prolongée d’une
0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023
Abeba le 22 novembre pour en-
joindre M. Ahmed de résoudre l’af-
faire. « La BAD reste préoccupée par
le fait que le gouvernement éthio-
pien n’a, à ce jour, partagé avec la
Banque aucun rapport ni aucun
détail des enquêtes », fait-il savoir,
près d’un mois plus tard.
Compte au Mexique
Selon des sources diplomatiques,
si l’Ethiopie demeure silencieuse
sur cette agression, c’est que la
raison de cette controverse est gê-
nante pour le gouvernement. Les
4,8 millions d’euros de cotisation
à la BAD auraient été versés vers
un compte au Mexique, plutôt
que sur celui de l’institution. Se-
lon ces sources, le gouvernement
aurait été victime d’une escro-
querie et aurait « perdu » cette
somme. « Cette affaire risque de
faire boule de neige puisqu’elle
pointe du doigt la responsabilité
des forces de sécurité », confie un
proche du gouvernement éthio-
pien, sous couvert d’anonymat,
après qu’Akinwumi Adesina a dé-
claré que « cet incident préoccupe
les actionnaires de la BAD, les insti-
tutions financières internationa-
les et la communauté diplomati-
que dans son ensemble ».
La BAD finance vingt-deux pro-
jets en Ethiopie pour un montant
de 1,24 milliard de dollars (1,12 mil-
liard d’euros). « La poursuite de ses
opérations et sa présence dans le
pays pourraient être affectées né-
gativement si l’incident n’était pas
résolu », menace son président.
Cette crise intervient alors que
l’Ethiopie est devenue, lundi 25 dé-
cembre, le troisième pays africain
en défaut de paiement après avoir
échoué à effectuer un rembourse-
ment de 33 millions de dollars
d’euro-obligations. p
noé hochet-bodin
Retrouvez en ligne l’ensemble de nos contenus
demi-heure jusqu’à 20 h 30 dès
janvier, suivie par « 90 minutes »,
présentée par Alice Darfeuille.
Ce départ, qui suit le transfert de
Bruce Toussaint vers TF1, parti
pour animer à partir de début jan-
vier une émission matinale, inter-
vient alors que BFM-TV est désor-
mais talonnée par CNews. En no-
vembre, cette dernière a grignoté
l’écart qui la sépare de sa concur-
rente sur un mois complet (2,5 %
contre 2,8 %). Surtout, du 4 au
10 décembre, la chaîne d’info du
groupe Canal+, propriété de Vin-
cent Bolloré, est passée devant,
une première depuis sa création,
en 2017 : CNews a réalisé 2,7 % de
part d’audience contre 2,5 % pour
BFM-TV, jusqu’alors leader ina-
movible des chaînes info. Depuis,
BFM-TV et CNews restent au cou-
de-à-coude, la seconde parvenant
à repasser, une nouvelle fois, de-
vant sa concurrente lors de la se-
maine du 18 décembre.
La direction de BFM-TV, pro-
priété du groupe Altice de Patrick
Drahi, dédramatise et se rassure
en regardant les chiffres sur une
plus longue période. Sur un an, la
chaîne reste largement devant sa
concurrente, avec 3 % de part
d’audience, contre 2,3 % pour
CNews. Elle dit avoir connu le
même genre de phénomène
en 2019, avec la remontée de LCI.
Depuis, la chaîne d’info en continu
du groupe TF1 plafonne à 2 %. p
olivier pinaud
0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023 sports | 15

La préparation Christine Arron,

à Athènes,
le 21 août 2004.

psychologique,
DPPI-SIPA

un « business »
dont profitent
des « margoulins »
DANS LA TÊTE DES SPORTIFS 2|4 L’absence
d’un statut national d’accompagnateur
mental concourt à l’hétérogénéité
des formations, une situation
qui mène à des dérives

A
vec vingt ans de recul, services de préparateurs aux mé- tion sur un plateau ? « Souvent, le més. » Pour prévenir ces dérives, il teste Roberta Antonini Philippe,
Christine Arron en thodes contestées – voire de char-
« Il faut que service est d’abord proposé gratui- est nécessaire « qu’un parcours de maîtresse d’enseignement et de
parle avec détache- latans pour les moins scrupuleux les pratiques tement à l’athlète, observe formation et qu’une posture éthi- recherche en psychologie du
ment, en assumant le d’entre eux. « Si l’on n’est pas sensi- Mme Bernier, donc c’est tentant que soient reconnus parce que les sport à l’Institut des sciences du
constat, peu flatteur : s’être fait ble à l’importance des sciences, on
soient basées d’essayer… » Si certaines interven- préparateurs mentaux ne sont, par sport de l’université de Lausanne.
berner. Au printemps 2003, la n’est généralement pas exigeant sur des assises tions proposées n’améliorent en exemple, soumis à aucune charte Mais la chercheuse regrette un
sprinteuse, détentrice du record dans le recrutement, on voit par- rien la performance sans pour de déontologie », souligne Emilie autre penchant chez certains pré-
d’Europe du 100 mètres depuis fois des profils très surprenants,
scientifiques » autant se révéler nuisibles, Thienot, docteure en psychologie parateurs mentaux : vouloir
1998, s’en remet à une « psycho- même au plus haut niveau », cons- ÉMILIE THIÉNOT d’autres peuvent porter atteinte à de la performance. capter la lumière. « Je pars du
thérapeute énergéticienne » pour tate Mickaël Campo, président de psychologue la santé physique et, ou, mentale « Il faut que les pratiques soient principe que plus on reste discret,
retrouver les podiums, après des la Société française de psycholo- des sportifs. « Au-delà des manipu- basées sur des assises scientifi- plus on est crédible et plus on res-
mois de vaches maigres. Mais gie du sport (SFPS) et préparateur lateurs, il y a les incompétents, note ques », insiste celle qui conseille pecte notre profession. » p
quand la Française s’effondre mental du XV de France. posant une spécialisation en pré- Mme Salmi, certains athlètes ont été aujourd’hui l’Agence nationale du élisabeth pineau
(presque au sens propre) en de- Sans jeter en pâture telle ou telle paration mentale, mais ils ne per- suivis par un préparateur mental sport, l’organe chargé du haut ni-
mi-finale de la course reine aux fédération, le spécialiste des mettent pas d’obtenir le titre de alors qu’ils ont des troubles an- veau en France. En Suisse, la mise Prochain épisode Comment
Jeux olympiques d’Athènes, l’été sports collectifs a été témoin de psychologue. « Les étudiants qui xieux ou psychopathologiques. Je en place de formations certifian- s’y retrouver dans les techniques
suivant, les discours célébrant les l’avènement des « coachs d’entre- sortent de masters ciblés en prépa- récupère des athlètes qui sont abî- tes a permis de « faire le tri », at- de préparation mentale
« énergies » ou l’« amour comme prise » ou de ceux ayant des for- ration mentale, ça ne leur apporte
force de guérison », soudain, mations « pseudo-scientifiques, ni le titre de préparateur mental ni
n’impriment plus. mélange de neurosciences, de plus de droits que M. Untel d’exer-
L’athlète cesse cette collabora- sciences comportementales ». cer le métier », insiste Marjorie Ber-
tion, vue d’un mauvais œil depuis « Généralement, ça ne dure pas nier, maîtresse de conférences à
le début par la Fédération fran- longtemps, mais cela nuit à la fé- l’université de Brest.
çaise d’athlétisme (FFA). « Derrière dération [en question] et à la pro- D’où la difficulté parfois pour
les messages positifs, je me suis fession, car ça participe d’une con- eux de se faire embaucher comme
rendu compte qu’elle était néga- fusion dans la perception de ce que préparateur mental. S’appuyer
tive et toxique pour moi. C’était peut être le métier », déplore-t-il. trop peu sur ce vivier dûment
une manipulatrice, quelque part, il formé pour optimiser la perfor-
y avait une forme d’emprise », ra- Seuil maximal mance des sportifs en France s’ap-
conte au Monde Christine Arron, A ce jour, en France, deux types parente à un « gâchis », dit-elle.
déjà échaudée par une première de formation universitaire déli- « Beaucoup de structures sportives
expérience avec un préparateur vrent une qualification en prépa- embauchent n’importe qui, y com-
mental de la FFA. On ne l’y repren- ration mentale. Le contenu et la pris des personnes qui ont suivi des
dra plus. « J’étais tellement dégoû- qualité de celles-ci sont très hété- formations privées de quinze jours,
tée des expériences que j’avais eues rogènes, avec des parcours plus poursuit Mme Bernier, qui étudie
que je n’ai pas voulu persister ou moins « teintés » de psycholo- depuis vingt ans la psychologie du
[dans la préparation mentale]. Il gie du sport. La voie la plus plé- sport, parce qu’elles savent se ven-
faut vraiment tomber sur les bon- biscitée ? Les diplômes universi- dre sur les réseaux LinkedIn ou Ins-
nes personnes… » taires (DU), non reconnus par tagram, elles vont avoir plus de fa-
Son témoignage illustre le co- l’Etat, qui s’obtiennent en général cilités à s’insérer professionnelle-
rollaire sans doute le plus dom- en un an. Rattachés à des facultés ment que nos étudiants… »
mageable de l’absence de régle- de sciences et techniques des ac-
mentation en France autour de tivités physiques et sportives « Troisième voie »
l’accompagnement psychologi- (Staps), une dizaine sont actuelle- A côté des cursus universitaires, il
que. Le statut n’étant pas reconnu ment proposés dans l’Hexagone. existe en effet une « troi-
par l’Etat, n’importe qui peut Ces huit dernières années, sième voie » : les formations pri-
s’autoproclamer préparateur l’université de Clermont-Ferrand vées, d’une durée de quelques
mental sans le moindre diplôme a ainsi décerné son DU de prépa- mois pour les plus longues. Encore
ou bien après une formation su- ration mentale, l’un des pre- peu nombreuses il y a dix ans, elles
perficielle, si ce n’est biaisée. Par miers créés au début des années se sont démultipliées ces derniè-
ricochet, n’importe quel athlète 2000, à 334 étudiants. L’univer- res années. Le contenu et la qualité
ou fédération peut s’attacher les sité de Lille a, elle, fixé un seuil de ces formations sont difficiles à
maximal de trente inscrits cha- évaluer, selon la SFPS, pour qui
que année, malgré une demande l’adossement à la science devrait
en forte hausse. « Depuis trois toujours être privilégié. « On peut
« On voit parfois ans, nous recevons en moyenne comprendre la réticence de certains
des profils très 400 candidatures, c’est énorme », entraîneurs [à la préparation men-
atteste Yancy Dufour, responsa- tale], car le coaching mental est de-
surprenants, ble de ce cursus ouvert en 2009. venu un tel business… », relève le
même au plus Les masters, de niveau bac + 5, psychiatre Christophe Bernelle,
constituent l’autre voie universi- ancien responsable du pôle men-
haut niveau » taire. Un seul est rattaché à une fa- tal au sein de la Fédération fran-
MICKAËL CAMPO culté de psychologie, à Montpel- çaise de tennis. Ces « margoulins »,
accompagnateur lier. Les autres, moins d’une di- comme il les désigne, gravitent
du XV de France zaine, sont des masters Staps pro- surtout dans les sports où il y a de
l’argent, comme le tennis, le golf
ou encore le football.
« Experts en dimension mentale » « En natation, il n’y a pas d’argent,
il n’y a aucun intérêt [pour eux],
A l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, renchérit l’ancien nageur Camille
la pépinière de champions français dans le bois de Vincennes à Lacourt, qui n’a jamais été appro-
Paris, on se dit « énormément sollicité » par des « experts en ché par l’un d’eux. « Mais, pour des
dimension mentale ». Afin de garantir les compétences et le sports olympiques dits “amateurs”,
sérieux des intervenants mobilisés et de les recommander cela existe aussi », nuance la psy-
Savez-vous que votre don
auprès des staffs, des athlètes et des fédérations, l’établissement chologue Meriem Salmi, qui voit est déductible à 66% de vos
a créé en 2015 un « label APPI » pour « accompagnateur passer dans son cabinet parisien impôts sur le revenu ?
professionnel de la performance Insep », explique le céiste de des sportifs en ayant fait les frais. Faites un don sur aides.org
slalom Bertrand Daille, chef du pôle de performance depuis Les réseaux sociaux ont exacerbé avant le 31 décembre pour
le phénomène. Combien d’athlè-
bénéficier d’un reçu fiscal.
2022, qui a participé aux Jeux olympiques de Barcelone en 1992.
« Les contenus intègrent parfois des méthodes venant du coaching tes y sont démarchés par des
ou sans validité scientifique », regrettent cependant plusieurs « coachs mentaux » leur promet-
membres de la Société française de psychologie du sport. tant de leur apporter « la » solu-
16 |
CULTURE
0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023

Le spectacle vivant en panne de temps long

Le ministère de la culture va présenter, dès janvier 2024, un plan baptisé « Mieux produire, mieux diffuser »

ENQUÊTE

E
n 2024, le spectacle
vivant subventionné est
appelé à mener une
petite révolution. L’enjeu
tient en un slogan managérial :
« Mieux produire, mieux diffuser ».
Tel est le nom du nouveau plan
qui sera présenté, courant
janvier 2024, par le ministère de la
culture aux partenaires sociaux
(syndicats et organisations pro-
fessionnelles). Partant du constat
d’un déséquilibre grandissant
entre un excès de production et
une insuffisance de diffusion, la
ministre de la culture, Rima
Abdul Malak, entend « refonder le
système » pour le rendre « plus
vertueux ». « Le déploiement du
plan Mieux produire, mieux diffu-
ser constituera l’orientation ma-
jeure de la politique ministérielle
pour le secteur de la création artis-
tique », indiquent les documents
budgétaires, et concernera « tous
les champs du spectacle vivant »,
théâtre, danse, cirque, arts de la
marionnette, opéra, orchestres,
musiques actuelles…
« C’est une urgence, on n’a plus le
choix, sinon on ne pourra plus pro-
duire et rien diffuser », résume,
sans ambages, un bon connais-
seur du dossier. Trop de créations
tournent peu ou mal. Voilà près
de vingt ans que cette observa-
tion est soulignée à intervalles ré-
guliers (rapport Latarjet, en 2004,
Entretiens de Valois, en 2009,
rapport de la Cour des comptes
en 2022). Et cette tendance de
fond n’a cessé de s’aggraver.
Deux chiffres saisissants – four-
nis par les magistrats de la Rue de
Cambon et repris par la ministre
de la culture lors de la présenta-
tion, en septembre, du budget
2024 du ministère – résument la
situation : en 2019, le nombre
moyen de représentations d’un
spectacle dans un centre dramati-
que national était de 3,7 représen- ment les institutions du spectacle « Mieux produire, c’est probable- en scène juge le lien entre public coproduction mais dans une part
tations et de 2,3 dans une scène vivant en région) peinent à ment moins produire. Mais ça ne
Rima Abdul et privé « de plus en plus poreux ». significative (au moins de 10 % à
nationale. « Il fut un temps où les maintenir leur financement. A ce veut pas forcément dire moins Malak entend Succès incontestable de la 15 % d’une production) », détaille
théâtres publics offraient a mi- contexte budgétaire très d’emplois artistiques mais plutôt rentrée théâtrale, son adaptation un proche du dossier.
nima trois semaines de program- contraint s’ajoutent un vieillisse- donner plus de temps et de
développer les d’un Chapeau de paille d’Italie, En 2024, 10 millions d’euros
mation. Aujourd’hui, c’est quatre à ment, une volatilité du public de moyens au travail de production, « mutualisations avec Vincent Dedienne dans le seront spécifiquement consacrés
huit jours au maximum. Je trouve moins en moins enclin à s’abon- afin de créer dans de meilleures rôle principal, a attiré « un public à ce nouveau plan de refondation.
cela stupéfiant, déplore l’auteur et ner et de jeunes générations da- conditions et de mieux trouver un
et coopérations » mixte, populaire, celui que j’ai L’attribution de cette enveloppe
metteur en scène Joël Pommerat. vantage attirées par les usages du public », promet-on au ministère. entre structures cherché pendant douze ans sera conditionnée à un minimum
Il y a sans doute des choix numérique. Enfin, le secteur du « Il y a encore quinze-vingt ans, il quand je dirigeais le Théâtre na- de coproduction, de mutualisa-
contraints, mais c’est désastreux, spectacle vivant doit mener sa fallait cinq coproducteurs pour
culturelles tional de la Colline », assure Alain tion et à un allongement des
car cela empêche de faire évoluer transition écologique. Bref, c’est faire un spectacle. Cette année, par Françon. Le plan ministériel séries de diffusion. « Mais on ne
et grandir un spectacle. » un peu la quadrature du cercle et, exemple, pour la création du Mieux produire, mieux diffuser fera pas ces efforts tout seul, nous
Pour les labels et réseaux soute- pour le ministère, une communi- Jardin des délices, de Philippe Rochelle) et La Réunification des lui paraît un « chantier intéres- devons travailler en cohérence
nus par la Rue de Valois, le con- cation qui relève de la gageure. Quesne, au Festival d’Avignon, il y deux Corées (créé en 2013 à sant à condition d’aller au-delà du avec les collectivités locales », a pré-
texte actuel ne cesse d’accentuer avait dix-sept coproducteurs ! Ce l’Odéon-Théâtre de l’Europe), slogan et du mot d’ordre, et de re- venu la ministre qui appelle à un
les difficultés financières. La ré- Un effet ciseaux intenable n’est plus de la production, c’est de seront repris, à partir du mois de poser la question du financement nouveau « pacte budgétaire ».
cente décision de Stéphane Car comment mieux produire et l’achat anticipé amélioré pour une janvier 2024 et jusqu’au du théâtre public et des compa- Comprendre : inciter les collectivi-
Braunschweig de ne pas briguer mieux diffuser sans, de fait, ré- ou deux dates. Il faut resserrer tout 14 juillet 2024, au théâtre privé de gnies ». Or ces dernières sont trop tés à poursuivre le principe des fi-
un nouveau mandat à la tête du duire le nombre de créations ? Le ça et bien définir la responsabilité la Porte-Saint-Martin, à Paris. souvent dans une course à la nancements croisés (quand l’Etat
Théâtre national de l’Odéon, à propos n’est jamais tenu tant il et l’engagement des uns et des « C’est la quatrième fois que création pour obtenir des finan- débourse de nouveaux moyens fi-
Paris, et l’annulation des repré- est inflammable. Pourtant il autres », estime-t-on. nous collaborons. C’est une ques- cements. « La maturation d’un nanciers, les collectivités en ap-
sentations des Emigrants, la nou- existe un effet ciseaux (de plus en tion de volonté et de personnes. spectacle demande du temps », portent aussi). « Compte tenu de
velle pièce de Krystian Lupa, au plus de compagnies aidées mais Frontière entre public et privé Jean Robert-Charrier, le directeur soulignent aussi bien Alain l’attrition très rapide des marges
Théâtre du Maillon (scène euro- de moins en moins de dates par Pour « mieux diffuser », c’est-à- [du théâtre] de la Porte-Saint- Françon que Joël Pommerat. artistiques, il faut que chacun re-
péenne), à Strasbourg, sont là spectacle) qui devient intenable à dire encourager des séries de re- Martin, est dans une démarche mette de l’essence dans le moteur
pour en attester. Après les longs l’heure où les lieux de diffusion présentations plus longues, et des singulière et peu répandue », in- Enveloppe de 10 millions d’euros sinon la voiture va s’arrêter », aver-
mois de fermeture des lieux lors et de production voient se ré- tournées plus cohérentes et éco- siste Joël Pommerat. « Je ne veux Parmi les pistes envisagées par le tit un connaisseur du secteur.
de la crise due au Covid-19, qui ont duire leurs marges artistiques. responsables, le ministère veut pas être un alibi. Cette coopéra- ministère figure l’évolution des Après avoir acté, en avril, la né-
entraîné un embouteillage des Alors que se cache-t-il derrière ce mettre fin aux clauses d’exclusi- tion n’est pas la preuve qu’il n’y a critères pour décrocher des aides. cessité de « ralentir » le rythme
productions, c’est désormais la double emploi du mot réconfor- vité territoriale et « sortir des logi- pas de frontière entre public et Il pourrait s’agir de mieux pren- des productions, le Syndicat na-
crise inflationniste qui plombe tant « mieux » ? ques de cavalier seul ». Il entend privé », précise-t-il. Tarifs aborda- dre en compte la participation tional des entreprises artistiques
les budgets et réduit fortement Pour « faire émerger une nou- également faciliter la reprise, bles, nombre de représentations des compagnies aux ateliers et culturelles (première organi-
les marges artistiques. velle écologie de la production et dans le secteur public mais aussi hebdomadaires limité à cinq, d’éducation artistique et cultu- sation d’employeurs des scènes
La baisse des moyens disponi- de la diffusion », Rima Abdul dans le secteur privé, des specta- jauge contenue à 700 places au relle (EAC), à des résidences terri- publiques) s’inquiète désormais
bles pour la création est évaluée à Malak entend notamment déve- cles les plus courus. Dans ce do- lieu de 1 000 pour assurer une vi- toriales, mais aussi de comptabili- des conséquences de ce plan
plus de 20 millions d’euros lopper les « mutualisations et coo- maine, quelques (rares) exemples sibilité optimale à chaque specta- ser une reprise du répertoire Mieux produire, mieux diffuser :
en 2023 par la direction générale pérations » entre structures cultu- montrent que des coopérations teur, la direction du théâtre privé comme une création, afin de per- « Il risque simplement de se résu-
de la création artistique (DGCA). relles. Et la ministre de citer en sont possibles, que des projets de la Porte-Saint-Martin a ac- mettre aux pièces qui ont bien mer à organiser la pénurie autour
De plus, les collectivités territoria- exemple la Co[opéra]tive, un col- créés dans le public peuvent con- cepté les exigences du metteur marché de poursuivre leur vie. de projets sur des critères multi-
les (qui supportent majoritaire- lectif de production rassemblant tinuer leur vie dans le privé. en scène issu du spectacle vivant Le cahier des missions et des ples et dans des conditions finan-
trois scènes nationales (Besançon, Molière du théâtre public subventionné. charges des structures labellisées cières intenables avec les collecti-
Dunkerque, Quimper) et trois éta- en 2022, Les gros patinent bien, « Ce modèle est reproductible à pourrait, lui aussi, être « adapté », vités territoriales. » Dans une
blissements lyriques (Opéra de cabaret de carton imaginé par condition de ne pas être dans indique un document de la DGCA, motion adoptée à l’unanimité,
Trop de créations Compiègne, Opéra de Rennes, et Pierre Guillois et par Olivier l’appât du gain. On gagne forcé- afin d’alléger le millefeuille d’obli- mardi 19 décembre, le syndicat
Atelier lyrique de Tourcoing) qui Martin-Salvan, cumule, depuis ment moins d’argent qu’avec une gations qui se sont superposées estime, à l’issue des concerta-
tournent peu mettent en commun leurs sa création en 2020, plusieurs pièce de boulevard à 80 euros la d’année en année. « On pourrait tions avec le ministère, être ar-
ou mal. Et cette moyens et leurs compétences centaines de dates à travers la place », résume Jean Robert-Char- imaginer, pour les opéras natio- rivé à une « impasse ». Alertant
pour coproduire à parts égales, France sur les scènes subven- rier, qui revendique une « pro- naux, de réduire l’obligation du sur la « paupérisation récurrente
tendance de fond chaque année, une création. « Ce tionnées et dans des théâtres grammation cohérente » en pro- nombre de créations annuelles si du spectacle vivant », il refuse de
n’a cessé modèle, qui permet notamment de privés parisiens. Deux spectacles duisant également des spectacles certaines sont des coproductions. « jouer le jeu de nouveaux disposi-
multiplier le nombre de représen- de Joël Pommerat, Contes et lé- d’Alain Françon (Avant la retraite, Idem pour les scènes nationales tifs qui ne comblent pas les défi-
de s’aggraver tations, j’aimerais idéalement le gendes (créé en 2019 à la scène Un chapeau de paille d’Italie), fi- qui seraient incitées à dédier une cits structurels ». p
depuis vingt ans dupliquer », défend la ministre. nationale La Coursive à La gure du théâtre public. Ce metteur partie de leur marge artistique à la sandrine blanchard
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JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023
La Ferme
du Buisson
œuvre pour
le lien social
A Noisiel, le centre de création
contemporaine expose dix projets
issus de commandes citoyennes
ARTS
S
i vous entendez des siffle-
ments animés en entrant
dans La Ferme du Buisson,
c’est certainement l’heure
de la récré, de la cantine ou de la fin
des cours. Cette sonnerie d’école
imaginée par le duo d’artiste
Brognon Rollin avait été réalisée
dans le cadre d’une commande de
l’école Pierre-Budin, dans le quar-
tier de la Goutte-d’Or à Paris, qui
souhaitait remplacer la tradition-
nelle stridence par une œuvre so-
nore plus poétique. Elle est en lan-
gage silbo, une langue sifflée dans
l’archipel des Canaries, et retentit
dans ce très convivial centre d’art
de Noisiel (Seine-et-Marne) en
synchronisation avec celle de
l’école. C’est l’un des dix projets
présentés dans le cadre de l’expo-
sition « Quotidien communs ».
Les questions du collaboratif et
de l’intelligence collective sont à
la fois le sujet de l’exposition et du
projet du nouveau directeur des
lieux, Thomas Conchou. En
dehors de sa pratique de commis-
saire d’exposition, le jeune trente-
naire est, en effet, engagé dans la
Société des Nouveaux comman-
ditaires, un programme de mé-
diation culturelle de la Fondation
de France qui, depuis trente ans,
permet à des collectifs de citoyens
de faire appel à des artistes afin de
formaliser une commande
d’œuvre amenée à transformer
leur environnement.
Exposer des pratiques artisti-
ques collaboratives n’est pas un
exercice simple, et l’accrochage
« Voyage d’hiver » imagé à l’Athénée
Le cycle schubertien est proposé par la compagnie Miroirs étendus
OPÉRA
A près y avoir présenté, en
février, une relecture
osée, mais enrichissante,
du célèbre Orphée et Eurydice, de
Gluck, la compagnie Miroirs éten-
dus revient au Théâtre de l’Athé-
née, à Paris, pour une nouvelle in-
terprétation iconoclaste d’un fleu-
ron du répertoire vocal : le Winter-
reise (Le Voyage d’hiver), de Franz
Schubert, donné jusqu’au 29 dé-
cembre. Comme il ne s’agit plus
d’un opéra, mais d’un cycle de lie-
der, l’équipe – réduite à trois unités
sur le plateau – ne se produit plus
dans la grande salle du théâtre,
mais dans la salle Christian-Bé-
rard, espace intimiste qui se situe
quasi sous les combles.
« Refaire Le Voyage d’hiver ? »,
telle est la question pleine de sous-
entendus qui ouvre le spectacle.
Proposer une version scénique
(cela a déjà été fait, entre autres, à
l’Athénée par Yoshi Oïda, en 2012)
d’un ensemble de mélodies pour
voix et piano, destiné avant tout
au concert. Distribuer à plusieurs
chanteurs (là encore, un parti nul-
lement inédit) le monologue dé-
volu à une voix moyenne (baryton
ou mezzo-soprano). Considérer
l’errance de l’étranger, le person-
nage anonyme qui se confie par le
biais des vingt-quatre lieder, en
s’emploie à révéler le chemine-
ment et l’épaisseur des expérien-
ces qui jalonnent des projets
anciens, récents ou en développe-
ment, et réalisés dans le cadre de
l’action Nouveaux commanditai-
res, du 1 % artistique ou d’initiati-
ves d’artistes, le plus souvent avec
le soutien d’associations, de l’Etat,
de communes, de conseils dépar-
tementaux ou régionaux, de
fonds européens, d’entreprises
privées ou de fondations.
On découvre ainsi une institu-
tion fictive, The Public Art Center
(2013-2018), créée par l’artiste
belge Wesley Meuris, sous la
forme d’un passionnant inven-
taire photographique du patri-
moine artistique des universités
françaises. Le projet rassemble
mosaïques, sculptures, fresques
ou pièces fonctionnelles dans des
états de dégradation souvent
avancés, comme le somptueux
portail en métal conçu par Vasa-
rely (1906-1997) pour l’université
de Montpellier en 1966.
Les joyeuses assiettes, tasses ou
coquetiers en céramique d’Eve
Gabriel Chabanon ont été élabo-
rés dans le cadre d’une com-
mande du café culturel d’Auber-
Présenter
des pratiques
artistiques
collaboratives
n’est pas un
exercice simple
adoptant, au propre comme au
figuré, la posture d’un étranger.
Cette fois, le point de vue est réel-
lement original.
D’autant plus que la question,
posée par écrit sur un écran nu-
mérique en fond de scène, émane
de quelqu’un que l’on ne voit pas
et qui ne manquera pas d’interve-
nir, de loin en loin, avec humour,
pour commenter, voire prolonger,
le cheminement effectué par les
chanteurs, dans un cadre théâtral
assez lâche. Propos d’une intelli-
gence artificielle ? A chacun d’en
décider et de « refaire » en sa com-
pagnie un Voyage d’hiver à l’itiné-
raire, par ailleurs, redéfini en fonc-
tion de l’ordre prévu par le poète,
Wilhelm Müller, assez différent de
celui établi par le compositeur.
Interprétation bipolaire
Si les deux cahiers conservent l’al-
pha et l’oméga du parcours schu-
bertien, l’interversion de certai-
nes pages confère un autre sens à
la trajectoire globale qui, dans sa
première partie, repose sur du
vécu et, dans la seconde, sur de
l’interrogation, parfois existen-
tielle. Le contraste est parfaite-
ment illustré par l’identité vocale
des chanteurs. Victoire Bunel est
une mezzo-soprano qui « envoie ».
Une lame tranchante qui taille
dans le vif des souvenirs au menu
culture | 17
« Collective » (2023), d’Eve Gabriel Chabanon, dans l’exposition « Quotidien communs », à Noisiel (Seine-et-Marne). ÉMILE OUROUMOV
villiers Collective, qui a ouvert ses Yvette (Essonne), et présentée ici du collège Pierre-Curie de Bondy vient de lui être faite à la demande
portes de 2019 à 2021. Le projet de dans sa version d’exposition. (Seine-Saint-Denis), où elle a d’une association de personnels
l’artiste, qui devait être une bi- Quatre projets vidéo viennent transformé une salle de classe en éducatifs d’Ile-de-France qui tra-
bliothèque de recettes de nourri- mettre des images sur des réalités espace de tournage. Le duo de per- vaillent à rendre le cadre scolaire
tures fermentées collectées variées. La sculptrice et vidéaste formeurs Irma Name a réalisé une plus inclusif. Il s’agira d’un tournoi
auprès des habitants, s’est mué en Gaëlle Choisne crée une fiction so- œuvre en mémoire d’une profes- sportif à l’occasion de l’Olympiade
livre de recettes à paraître. ciale au sein de l’Ecole des actes, seure de l’université Paris-VIII, en culturelle pendant les Jeux para-
une association d’accueil et d’ap- transformant le travail de deuil en lympiques, sous l’égide des Nou-
Réalités variées prentissage pour les personnes en un film d’anticipation mordant veaux commanditaires, et dont La
Sollicité par la cité scolaire Mauri- exil, quand Erika Roux documente sur l’IA à l’université. Ferme du Buisson sera, pour la
ce-Ravel, à Paris, l’artiste Mathieu les rassemblements et actions L’artiste-designer social Gabriel première fois, l’opérateur. p
Mercier y a développé avec les d’une organisation œuvrant pour Fontana, qui réfléchit à partir de emmanuelle jardonnet
étudiants en BTS un projet en lien la justice sociale à Aulnay-sous- l’histoire du sport à des jeux
avec l’architecture fonctionnelle Bois (Seine-Saint-Denis). moins en opposition frontale et Quotidien communs. La Ferme
du site, autour de l’histoire du Céline Ahond a capté des fictions plus collaboratifs, présente une sé- du Buisson, à Noisiel (Seine-et-
design des années 1950. Si le émanant du quotidien des élèves rie de drapeaux. Une commande Marne). Jusqu’au 28 janvier 2024.
projet n’a pas abouti, ce qui n’est
pas rare dans ces commandes au
temps long, l’artiste a, malgré
tout, réalisé de splendides proto-
types de lampadaires, où dix
boules lumineuses reposent dans
les anneaux de paniers de basket.
Connue pour ses installations à
l’échelle de l’architecture, l’Améri-
caine Jessica Stockholder a, elle,
conçu une installation mathéma-
tique interactive inspirée du « jeu
des cavaliers », formulation d’un
problème combinatoire posé par
un mathématicien dans les
années 1950, pour le parc d’une
école scientifique de Bures-sur-
de la première partie, en passant
sans ménagement du grave (son
registre le plus nuancé) à l’aigu
(d’une intensité saisissante).
Jean-Christophe Lanièce, bary-
ton soyeux aux contours judicieu-
sement mouvants, ne prend pas
réellement le relais de l’explora-
tion solitaire. Il s’engage dans un
itinéraire alternatif, intériorisé et
plus à même de toucher l’auditeur.
Cette interprétation bipolaire du
cycle (bientôt publiée en CD par le
label B-records) pourrait être
dommageable à la musique de
Schubert si la recherche d’une ex-
pression tranchée guidait aussi
l’accompagnement instrumental.
Or, il n’en est rien. Romain Lou-
veau réussit le tour de force de
varier les effets d’atmosphère, sur
un piano droit au potentiel limité.
Il restitue à merveille la vérité dra-
matique de l’instant, comme un
pianiste de cinéma muet qui s’ins-
pirerait en permanence de ce qui
se « joue » sur l’écran. Traduction
des poèmes en français, mais aussi
rêveries d’une entité étrangère
qui, après la dernière note, s’en
« retourne à l’infini des 0 et des 1 ». p
pierre gervasoni
Winterreise, de Franz Schubert,
par la compagnie Miroirs
étendus. Théâtre de l’Athénée,
jusqu’au 29 décembre.
18 | télévision
Le poignant come-back de Judith Godrèche
Dans « Icon of French Cinema », une autofiction en six épisodes, l’actrice se remémore ses débuts
ARTE
À LA DEMANDE
SÉRIE
T
rois plaintes et les ima-
ges stupéfiantes de
« Complément d’en-
quête », sur France 2, où
l’on voit l’acteur Gérard Depar-
dieu se comporter de manière
obscène avec des femmes, en Co-
rée du Nord, ne suffisent donc
pas. Pour le président de la Répu-
blique, Emmanuel Macron, exi-
ger des agresseurs (« présumés », il
y tient) qu’ils répondent de leurs
actes – y compris pour qu’ils
soient blanchis – relève de la
« chasse à l’homme », a-t-il dit, sur
France 5, mercredi 20 décembre.
C’est dans ce contexte plus que
pesant que Judith Godrèche, en
pleine promotion pour la mini-
série qu’elle a écrite et réalisée
pour Arte, raconte pour la pre-
mière fois, dans les magazines et
sur les plateaux, comment elle a
été cueillie, à 14 ans, par le cinéaste
Benoît Jacquot, 40 ans à l’époque.
L’actrice, exilée un temps aux
Etats-Unis, où ses enfants ont
grandi, décapsule aujourd’hui, à
51 ans, un passé connu de tout le
milieu du cinéma, mais sur lequel
il pesait jusqu’à présent un silence
gêné. Sa coiffure courte et méchée,
ses pulls « doudou », les télépho-
nes vintage sur lesquels elle passe
les appels à la maison… Il se dégage
Le Pic noir, « Docteur House » des forêts, héros d’un thriller hospitalier végétal
Parmi les cinq « Animaliers de Noël » de France Télévisions, ce film irrésistible est le seul à emprunter aux codes sériels
FRANCE 5
JEUDI 28 DÉCEMBRE - 14 H 45
DOCUMENTAIRE
A llo docteur Pic ? Nous
avons besoin de vous de
toute urgence ! » A la nar-
ration, le comédien Féodor At-
kine file la métaphore de la série
hospitalière, loin des standards
du documentaire animalier clas-
sique. Appuyé par la musique ori-
ginale d’Anthony Touzalin, qui ne
détonnerait pas dans un thriller, il
va ainsi décrire de manière ré-
jouissante et inédite le rôle essen-
GRILLE N° 23 - 300
PAR PHILIPPE DUPUIS
Retrouvez l’ensemble de nos grilles sur
1 2 3 4 5 6
I voient dans l’avant-bras. Au cœur
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
SOLUTION DE LA GRILLE N° 23 - 299
HORIZONTALEMENT I. Passing-shots. II. Evacueraient. III. Ritale. Il. Ta.
IV. Voire. Réal. V. En. Pa. Rien. VI. Rc. Adapte. Ta. VII. Santés. Set.
VIII. Irait. Brrr. IX. Ogino. Adagio. X. Non-exécution.
VERTICALEMENT 1. Perversion. 2. Avion-cargo. 3. Sati. Nain. 4. Scarla-
tine. 5. Iule. Détox. 6. Née. Pas. 7. GR. Rap. Bac. 8. Saie. Tordu. 9. Hilare.
Rat. 10. OE. Li. Srgi (gris). 11. TNT. Eté. Io. 12. Stagnation.
Judith Godrèche, dans l’épisode 6 de la série « Icon of French Cinema ». DAVID KOSKAS
de la Judith Godrèche d’Icon of
French Cinema un parfum de rétro.
De retour à Paris, l’ex-promesse du
cinéma français n’a presque plus
de nom. Aidée d’une agente qu’elle
ne semble voir qu’au restaurant
(incarnée par une Liz Kingsman
un peu éteinte), elle tente de re-
trouver du travail dans une profes-
sion qui a oublié son existence. « Je
croyais que j’étais sur la liste B, pas
tiel de certaines espèces animales
dans la sauvegarde de nos bois
abîmés. Quatrième épisode des
cinq « Animaliers de Noël », pro-
posés par France Télévisions, du
25 au 29 décembre, Dr Pic noir. Ur-
gences des bois est le seul à casser
ainsi les codes – après Ecureuil, les
tribulations d’une forestière, les
Souvenirs d’un singe doré en
Chine, Au pays de l’abeille noire,
tourné dans les Cévennes, et
avant Castor, la force de la nature
(tous sur France.tv).
Mais revenons à notre pic noir.
« Notre patiente est une forêt de
jeux.lemonde.fr
7 8 9 10 11
encore sur la liste Z… », plaisante-t-
elle, inquiète à l’idée de ne plus
pouvoir payer le loyer du petit loft
qu’elle occupe avec sa fille Zoé,
16 ans (Tess Barthélémy, la propre
fille de Judith Godrèche).
Enfant dans un monde d’adultes
La jeune fille, 16 ans, pratique la
danse et tombe bientôt sous le
charme d’un chorégraphe plus âgé
plaine d’une cinquantaine d’an-
nées », poursuit Féodor Atkine,
sur des images d’arbres morts et
d’écorces rongées. Le diagnostic
tombe : un insecte ravageur met
les bois en péril. Cela tombe bien,
il constitue la base de l’alimenta-
tion du pic noir.
« Espèce clé de voûte »
Le pitch posé, d’autres acteurs font
leur entrée, tels le « Dr Pic épei-
che », plus petit, et le « Dr Lom-
bric », afin de seconder « Dr Pic
noir », le « Dr House des forêts ». Le
clin d’œil est appuyé de la part du
HORIZONTALEMENT
I. Il faut être en Suisse pour avoir une
telle couche. II. Fournisseur de guyots
et de conférences. Les plus populaires
trottent en tête. III. Cri en tribune.
12
Avancèrent avec les dents. IV. Ren-
de l’épreuve. V. Couvert. Entraîne
toujours trop loin. VI. Petite partie
d’un corps simple. Vraiment détesté.
VII. Autour de vous mais pas dans le
calendrier. Base de départ. VIII. Règle.
Arrivée sur terre. Renforcent la théo-
rie. Bout de tôle. IX. Dans les décors
au théâtre. En botte avant de passer
à table. X. Obtenions d’excellents
résultats.
VERTICALEMENT
1. Frapper de terreur. 2. Toujours en
bandes, de cuir ou de toile. 3. Inces-
samment sous peu. Personnel.
4. L’argon. Actes charitables.
5. Cinéaste italien. Piégée. 6. Progres-
sivement diminué. Démonstratif.
7. Avancée et ouverture en façade.
Fin mars. 8. Le beau dépasse tout
chez eux. 9. Gourmandise bretonne.
Dieu à tête de faucon. Chez les Grecs.
10. Fixerait solidement l’ensemble.
Point. 11. Cours en Irlande. Fleuron
anglais des public schools. 12. Gros
porteurs d’or noir.
qui lui fait entrevoir une carrière.
Au même moment, Judith Godrè-
che tente de récupérer un rôle qui
vient de lui échapper, en agitant la
carte de la discrimination auprès
du producteur d’une société mali-
cieusement nommée S4 (la série
est une coproduction avec A24).
L’envol de sa fille, mêlé aux incer-
titudes qui planent sur sa propre
carrière, force la mère à ouvrir les
comédien qui double Hugh Laurie
dans la célèbre série, après une ri-
che carrière cinématographique.
Mais alors que l’oiseau s’en
prend aux fourmis charpentières,
on craint que la métaphore médi-
cale ne fatigue à la longue. Pour
éviter cet écueil, les anecdotes
sont valorisées – comme le fait
qu’il ferme les yeux quand il
toque, pour éviter que ceux-ci
soient projetés hors de leur orbite.
L’humour n’empêche pas le sé-
rieux. Des fiches naturalistes s’in-
tercalent à l’écran avec des
séquences historiques, pour
SUDOKU
N°23-300
7 5
6 1
9 4 8 Moyen
9 4 5 3 Complétez
3 7
2 6 3 4
8 4 6 9 7
Réalisé par Yan Georget (https://about.me/yangeorget)
En vente chez votre marchand de journaux
yeux sur son histoire, celle d’une
enfant précipitée dans un monde
d’adultes, émancipée pour re-
joindre, à 16 ans, le foyer de son
amant. « Si j’avais su qu’un jour je
serais ta mère je ne l’aurais pas
fait », réalise-t-elle face à Zoé.
L’écriture est fragile, souvent
maladroite, les dialogues ont par-
fois la scansion du théâtre sans
que cela nous détourne des en-
jeux qui se déploient sous nos
yeux et qui sont ceux de l’em-
prise, celle qui prospère à l’ombre
du « mentorat » des jeunes actri-
ces par les cinéastes qui les regar-
dent et les dirigent. Les actrices de
50 ans en ont vu de toutes les cou-
leurs, et Judith Godrèche n’est pas
la première à regarder dans le ré-
troviseur, pour comprendre com-
ment s’est déroulée sa carrière, et
comment elle en est arrivée là.
L’exercice n’est pas toujours aussi
grave, ainsi que l’ont montré des
séries comme On the Verge ou Dé-
sordres. Il manque à Judith Godrè-
che la fantaisie de Julie Delpy, ou
l’humour de Florence Foresti,
mais, sous sa folie mélancolique,
perce une révolte salutaire contre
ce métier d’artiste, qui revient si
souvent, pour une femme, à dé-
pendre du désir des hommes. p
audrey fournier
Icon of French Cinema, série
créée par Judith Godrèche
(Fr., 2023, 6 x 30 min).
expliquer comment ce volatile
des montagnes a quitté les som-
mets pour proliférer dans les val-
lées depuis les années 1950.
La vie du picidé est déroulée au
fil des quatre saisons. A l’automne,
il cherche une femelle, avant de
passer l’hiver à trouver un loge-
ment. « Celui-ci ? Trop ancien ! Ce-
lui-là ? Mal exposé. » L’anthropo-
morphisme facilite la pédagogie
pour expliquer ce qu’est une « es-
pèce clé de voûte », suivre la nais-
sance des petits, leur nourrissage,
avant de faire « partir ces Tanguy ».
Autre astuce de l’autrice, la lecture
3 8 6 1 4 7
7 2 9 6 5 8
4 5 1 3 2 9
7 1 6 7 4 5 9 1
8 9 3 7 6 2
4 2 1 5 4 8 3 6
1 3 2 8 7 4
9 6 7 2 1 5
5 4 8 9 3 6
toute la
grille avec des chiffres
allant de 1 à 9.
Chaque chiffre ne doit
être utilisé qu’une
seule fois par ligne,
5 par colonne et par
carré de neuf cases.
0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023
NOTRE
SÉLECTION
JEU D I 28 D ÉCEM BR E
Histoire TV
L’Arche d’alliance, aux origines
de la Bible
20.50 La colline de Kiriath-Jearim,
dans les monts de Judée, aurait
hébergé la mythique Arche
d’alliance, le coffre sacré qui
contenait les Tables de la Loi.
Pour la première fois, des
scientifiques entament des fouilles.
France 4
Rhapsodie,
le cirque philharmonique
21.10 Pour ceux qui n’ont pas vu
le Cirque Phénix, sur la pelouse
de Reuilly, à Paris, il y a un an,
la captation datant du
7 décembre 2022 permet de
revivre ce spectacle acrobatique.
Canal+
Misanthrope
21.10 La traque d’un meurtrier de
masse par un vieux briscard (Ben
Mendelsohn) et une novice (Shailene
Woodley)… Les dernières minutes
révèlent le projet du réalisateur
argentin Damian Szifron :
comprendre le comportement
d’un monstre absolu.
Paramount+
Thriller 40
A la demande En 1982, Michael
Jackson sortait Thriller, premier clip
scénarisé de quatorze minutes.
Retour sur les dessous de sa création.
à deux niveaux devrait réjouir les
plus attentifs. Ainsi, lorsque les
jeunes quittent le nid, Féodor At-
kine précise qu’ils s’installeront
loin de leurs parents, pour ne pas
diminuer leurs ressources ali-
mentaires – bref, pour qu’il n’y ait
pas trop de « Dr Pic » dans la même
forêt : « Un hôpital français avec
suffisamment de médecins, ce se-
rait le monde à l’envers »…
catherine pacary
Dr Pic noir. Urgences des bois,
d’Ariane Lamarsaude et Samuel
Toutain (Fr., 2023, 52 min).
0123 est édité par la Société éditrice
du « Monde » SA. Durée de la société :
99 ans à compter du 15 décembre 2000.
Capital social : 124.610.348,70 ¤.
Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
Rédaction 67-69, avenue Pierre-Mendès-France,
75013 Paris. Tél. : 01-57-28-20-00
2 9 5
1 4 3 Abonnements par téléphone au 03 28 25 71 71
8 6 7 (prix d’un appel local) de 9 heures à 18 heures.
3 8 2 Depuis l’étranger au : 00 33 3 28 25 71 71.
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5 1 4
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93290 Tremblay-en-France
Midi-Print, Gallargues le Montueux
Origine du papier : France, Belgique.
Taux de fibres recyclées : 87 %. Ce journal est imprimé sur un
papier issu de forêts gérées durablement et de sources controlées.
Eutrophisation : PTot = 0.008 kg/tonne de papier
0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023 carnet | 19
Caen (Calvados). Jacqueline, Hué. Bordeaux. Bagneux. Paris.
son épouse, Suresnes. Anniversaires de décès
Emmanuel, Anne, Jean et Cécile Julien et Véronique, Thibault et
Blandine, Thanh-Hai Tran Le 25 décembre 2015, disparaissait
en vente Brunet,
ses enfants, Phi-Uyen Tran,
Le Carnet ses enfants, Quentin, Éléonore, Augustin, Noëmi
actuellement et leurs conjoints, ses petits-enfants,
ses enfants, BLUMENKRANZ-ONIMUS,
chargée de recherches au CNRS (e.r.),
ont le profond regret de faire part du spécialiste du Futurisme italien.
ont la tristesse d’annoncer le décès ont la tristesse de faire part du décès décès du
K En kiosque Vous pouvez nous faire de de
« Rien d’étonnant à ce que la notion
parvenir vos textes André GUESLIN,
docteur de responsabilité de l’artiste
Pierre BRUNET, Jeanne TRAN VAN PHI, soit mise en avant…
professeur émérite
professeur émérite alias NGUYEN Minh Thanh, L’artiste qui pense et agit
HORS-SÉRIE

soit par e-mail : de l’université Paris-Cité,

carnet@mpublicite.fr
L’HISTOIRE DU
(en précisant impérativement
votre numéro de téléphone
PROCHE ORIENT
10 000 ans de civilisation et votre éventuel numéro
d’abonné ou de membre
ÉDIT ION
20 23
de la SDL)
Comprendre le présent à la lumière du passé
Hors-série
soit sur le site :
https://carnet.lemonde.fr
L’équipe du Carnet
reviendra vers vous
dans les meilleurs délais
pour vous confirmer
100 GRILLES
la parution.
PAR PHILIPPE DUPUIS – N° 8
de géographie rurale
à l’université de Caen,
survenu le 19 décembre 2023,
à l’âge de cent ans.
La cérémonie religieuse est célébrée
ce 27 décembre, à 14 heures, en l’église
Saint-Jean, à Caen.
e.brunet49@orange.fr
Couze-et-Saint-Front (Dordogne).
Joinville-le-Pont (Val-de-Marne).
Mmes Caroline Carvalho Moutinho,
Cécile Carlo et Marie Goube,
ses enfants
et leurs conjoints, Carlos, Christophe
enseignant-chercheur
en histoire contemporaine
aux Universités de Lorraine
et Clermont-Auvergne,
survenu le 22 décembre 2023, à Paris 11e,
à l’âge de soixante-treize ans.
Les obsèques auront lieu dans
l’intimité familiale.
« Les morts sont invisibles,
ils ne sont pas absents. »
Saint Augustin.
42 bis, boulevard Richard-Lenoir,
75011 Paris.
andre.gueslin@yahoo.fr
Audierne, Mahalon (Finistère).
née le 11 février 1935 est responsable de l’évolution
à Hué (Annam), de l’homme, de l’art, du monde
même, car il y a inhérent
médecin,
à ces conceptions, un certain
panthéisme : l’homme fait partie
survenu le 22 décembre 2023, à
Suresnes, dans sa quatre-vingt- du monde, et son action,
sa pensée le modiient. »
huitième année.
L’année 1913 (Klincksieck - 1970).
Un service religieux aura lieu
le 2 janvier 2024, à 11 heures, au
funérarium du Mont-Valérien. Françoise GAUTHIER
(VERMOT-DESROCHES)
L’inhumation se fera le lendemain,
le 3 janvier, à Sète, au cimetière Le Py est décédée, il y a quarante ans.
à 14 h 30.
Elle repose à l’ombre d’un cyprès
dans le cimetière de Die (Drôme).
Maman nous manquera pour
toujours.
Une pensée pour elle.
« Tu as su révéler en mon âme, Pierre-Louis Gauthier,
Tant de poésie, de rêves, 605, chemin des Combes,

et Denis, Nous avons la tristesse de faire et de douceurs ininies, 26150 Die.

carnet@mpublicite.fr
https://carnet.lemonde.fr
AU CARNET DU «MONDE»
Magazine n° 8
Naissance
Le 17 décembre 2023, à 22 h 58,
à Toulouse, est née
Suzanne LEGER,
HORS-SÉRIE
part du décès de Dans la ronde des souvenirs
Victor, Clara, Jules, Lise, Capucine,
se mêlant,
Gaspard et Quentin, M. Michel IATCA, Il y a un an, le 26 décembre 2022,
Aux vagues argentées
ses petits-enfants, amoureux de la Bretagne de la Rivière des Parfums. » Marie-Thérèse SINDZINGRE,
et des arts,
homme de presse, née GASPARD,
ont la douleur de faire part du décès th.tran.tht@gmail.com
de
survenu à l’âge de quatre-vingt-
était rappelée à Dieu.
quinze ans. Fréderic, Nicolas et Joseph Trolonge,
M. Bernard CLOSSE, ses ils, La tristesse demeure immense.
Rémi et Victor,
L’inhumation a eu lieu au
survenu le 22 décembre 2023, ses petits-enfants, Merci à celles et ceux qui l’ont
cimetière de Mahalon, le mardi
connue et aimée d’avoir une pensée
à Joinville-le-Pont, 26 décembre 2023.
pour elle.
à l’âge de soixante-quinze ans. ont la tristesse de faire part du décès
De la part de de
Anne, Natacha, Tristan, Concert
La cérémonie d’adieu a lieu ce

mercredi 27 décembre, à 13 h 30,

ses enfants M. Jean-Paul TROLONGE,
ses parents, Et toute la famille.
au crématorium de Champigny-sur-
Camille-Lou GRANDRIEUX survenu le 18 décembre 2023.
Marne. Cet avis tient lieu de faire-part et
et Louis-Alexis LEGER,

40 sa sœur, de remerciements. La cérémonie funéraire aura lieu au

Ni leurs ni couronnes. Merci de crématorium de Mérignac (Gironde),
Alma Castrec marbrerie pompes funèbres,
CARTES les remplacer par un don au proit de le 3 janvier 2024, à 11 heures.
POUR COMPRENDRE
et leurs familles, 29100 Douarnenez.
UN MONDE FRACTURÉ l’association France Alzheimer.
Tél. : 02 98 92 05 85.
L’Association A4
tout à leur joie. Remerciements organise un concert caritatif,
Hors-série Ses enfants,
Bernard Lagneau, pour recueillir des fonds
Ses petits-enfants Ses ils,
Décès Et arrière-petits-enfants,
son époux,
Ses petites-illes,
ain de permettre la détection
Fanny et Flora, précoce chez les bébés
Sidi Bel Abbès (Algérie). ses illes, présentant des troubles du spectre
ont la tristesse de faire part du décès, Louisa, Pauline, Victor et Hélène, ont été très touchés des marques de l’autisme, dès la crèche.
Franconville (Val-d’Oise).
survenu le 22 décembre 2023, de ses petits-enfants de sympathie qui leur ont été
Et toute sa famille, témoignées lors des obsèques de Inscrivez-vous vite !
HORS-SÉRIE
Mme Christine Adida,
née Mast, Micheline DELAGE, Maryse DOLE
ont la tristesse de faire part du décès Le 12 janvier 2024, à 20 h 30,
L’ATLAS
DES
6 000 ANS 150 CARTES
son épouse,
Karine et Serge,
née ANSALONI, de (1945 - 23 novembre 2023) salle Cortot, 78, rue Cardinet, Paris 17e,
avec Clémence Guerrand,
D’HISTOIRE & INFOGRAPHIES
ses enfants veuve de Danielle LAGNEAU, et remercient toutes celles et ceux pianiste internationale.
et leurs conjoints David et Mathilde, qui ont exprimé leur soutien, en Pour réserver sa place (42 €)
Esther, Elsa et Pauline, Roger DELAGE. survenu le 20 décembre 2023, présence, à distance par des mots, https://a4-autisme.fr
ses petits-enfants, à l’âge de quatre-vingt-six ans. leurs, pensées ou intentions. 06 60 19 68 52.
Mme Micheline Hery, La cérémonie religieuse aura lieu
L’inhumation a eu lieu ce mercredi
née Adida, le vendredi 29 décembre, à 10 h 30, 27 décembre, à 15 h 30, au cimetière Société éditrice du « Monde » SA
sa sœur, en l’église Notre-Dame de Boulogne de Luc-en-Diois (Drôme). Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus
Hors-série à Boulogne-Billancourt. Directeur du « Monde », directeur délégué de la publication, membre du directoire Jérôme Fenoglio
Directrice de la rédaction Caroline Monnot
ont la douleur de faire part du décès Jean-Marc et Brigitte, Marianne et Direction adjointe de la rédaction Grégoire Allix, Maryline Baumard, Philippe Broussard, Nicolas Chapuis,
de Cet avis tient lieu de faire-part. Philippe, Matthieu et Caroline, Emmanuelle Chevallereau, Alexis Delcambre, Marie-Pierre Lannelongue, Franck Nouchi, Harold Thibault
Directrice éditoriale Sylvie Kauffmann
ses enfants, ses belles-filles et son Directrice déléguée au développement des services abonnés Françoise Tovo
Jean-Michel ADIDA, gendre, Directeur délégué aux relations avec les lecteurs Gilles van Kote
né le 4 juin 1942, Marine, Solène, Amandine, Inès, Rédaction en chef Laurent Borredon, Emmanuel Davidenkoff (Evénements), Jérôme Gautheret, Michel Guerrin,
Marie FIATTE Nicolas Jimenez (photographie), Sabine Ledoux (cheffe d’édition),Alain Salles (Débats et Idées)
Romane, Louise,
(Nancy 1928 - 2023).
HORS-SÉRIE

Direction artistique Emmanuel Laparra

survenu le 21 décembre 2023, ses petites-illes, Infographie Delphine Papin
Jean-Pierre, Françoise, Bernadette, Directrice des ressources humaines du groupe Emilie Conte
à Rueil-Malmaison, La cérémonie religieuse sera célébrée Christian et Marie-Chantal, Geneviève, Secrétaire général de la rédaction Sébastien Carganico
UN LONG CHEMIN
à l’âge de quatre-vingt-un ans. le jeudi 28 décembre, à 10 heures, en ses beaux-frères et belles-sœurs, Conseil de surveillance Aline Sylla-Walbaum, présidente, Gilles Paris, vice-président
VERS L'INFINI

l’église Saint-Léon, à Nancy. Ses neveux et nièces,

Les obsèques ont lieu ce mercredi
27 décembre, à 15 heures, au nouveau
cimetière de Franconville.
Ni leurs ni couronnes.
Hors-série
Paris.
Marie-France Fabre-Baudry,
son épouse,
Frédéric Baudry,
Musée d'Histoire de Nantes
son ils
Exposition : 14.10.23 - 05.05.24
HORS-SÉRIE
ont le chagrin de faire part du décès de
De la part de
Etienne Fiatte et Isabelle Séguéla, Mme Claude LAUGIER,
Elisabeth et Thierry Poyeton, Jean-
Nicolas Fiatte et Sylvie Dugourd, survenu à Vannes,
Dominique et Stéphanie Fiatte, le 23 décembre 2023.
Anne-Françoise Fiatte et Benoit
Gaume, Elle est partie rejoindre, à l’âge de
quatre-vingt-un ans, son époux,
ses enfants et leurs conjoints,
Camille, Antoine, Thibaut, Louis,
Yves POURÉ,
Ségolène, Lola, Iris, Frédéric, Marie-
Liesse, Béatrice, Joséphine, Maximilien, décédé le 18 décembre dernier.

et son épouse, Lisa,

Grégoire, Clémence, Héloïse, et Raphaël,
Comment Jamie, Ewan et Lewis, En paix, ils reposeront côte à côte, à
les Mongols ses petits-enfants,
ont changé ses petits-ils, Arzon, commune qu’ils aimaient tant.
le monde Charlotte, Laetitia, et Elias,
leur grand-mère, Nadia Gragnano,
ses arrière-petits-enfants Les obsèques auront lieu le jeudi
GENGIS Les familles Montanari, Marteau
et Esteve,
Et de toute la famille. 28 décembre, à 11 heures, en l’église

KHAN ont la douleur de faire part du décès

En partenariat
avec
de
Hors-série Henri-Georges BAUDRY,
ingénieur général
de l’Aviation civile,
ancien directeur
Nos services de la navigation aérienne,
chevalier de la Légion d’honneur,
Lecteurs survenu dans sa quatre-vingt-unième
année, le 17 décembre 2023, à la suite
K Abonnements d’une longue maladie.
Sur abo.lemonde.fr
Par tél. au 03 28 25 71 71 Les obsèques auront lieu le jeudi
de 9 h à 18 h (prix d'un appel local)
4 janvier 2024, à 10 h 30, au
crématorium du cimetière du Père-
K Le Carnet du Monde
Lachaise, Paris 20e.
carnet@mpublicite.fr
Ni leurs ni couronnes. Possibilité
de dons au Secours Populaire.
mfrancefabreb@gmail.com
Pompes funèbres Guidon,
54000 Nancy.
Tél. : 03 83 30 07 93.
Laure Genzling et Aurélia Crescenzi,
ses illes,
Sa famille
Et ses proches,
ont la douleur de faire part du décès
de
M. Claude GENZLING,
polytechnicien,
architecte,
survenu le 20 décembre 2023,
à l’âge de quatre-vingt-sept ans.
Une cérémonie sera célébrée en
l’église Saint-Joseph-des-Quatre-Routes,
à Asnières (Hauts-de-Seine), le vendredi
29 décembre, à 14 h 30.
de Brillac, à Sarzeau, suivies de
l’inhumation au cimetière du Clos
Fardel, à Arzon.
Condoléances sur
www.pf-de-rhuys.com
Sa famille
Et ses amis,
ont l’immense tristesse de faire part
du décès de
Dominique SAINT-MACARY,
née COLLET,
survenu le 24 décembre 2023,
à l’âge de soixante-treize ans.
La cérémonie religieuse aura lieu
le 3 janvier 2024, à 11 heures, en
l’église Saint-Louis, à Deuil-la-Barre.
L’inhumation aura lieu le 5 janvier,
à 15 heures, à Auterrive (Pyrénées-
Atlantiques). Rendez-vous à l’église
Saint-Michel.
20 |
IDÉES
Julien d’Huy « “Homo
sapiens” aurait imaginé
un royaume des morts
accessible aux vivants »
L’historien dévoile
les résultats d’une
enquête ambitieuse
sur les rituels
funéraires et les
mythes des premiers
individus de notre
espèce, avant même
leur sortie d’Afrique
ENTRETIEN
N
otre époque pleine de périls
offre parfois des réjouissances
qui tiennent de l’inouï. Sous
l’effet de récentes révolutions,
en particulier dans la généti-
que et le numérique, la con-
naissance des époques les plus reculées a
récemment connu des bonds inédits, ap-
portant des réponses à des sujets que
l’on croyait voués à un silence éternel.
Ainsi de la mythologie, discipline où un
nouveau courant s’emploie à dévoiler les
premières croyances de l’humanité.
Les hypothèses ont toujours pullulé en
la matière. Mais ce nouveau paradigme,
fondé sur l’exploitation informatique
d’un grand nombre de mythes, apporte
un bouleversement essentiel : aux con-
jectures savantes succède la scientificité
d’une démonstration, doublée d’un ni-
veau de précision jamais atteint. En
France, Jean-Loïc Le Quellec a ainsi pro-
posé une interprétation novatrice de
l’art pariétal dans La Caverne originelle
(La Découverte, 2022). Son ancien élève
Julien d’Huy, historien affilié au Labora-
toire d’anthropologie sociale, s’attaque à
présent aux croyances sur la mort et
l’au-delà des premiers humains.
De l’archéologie à la philosophie, L’Aube
des mythes (La Découverte, 400 pages,
24 euros) déploie un foisonnement intel-
lectuel époustouflant en vue de dégager
l’esquisse de ces premiers mythes et en
comprendre le sens. Transgression origi-
nelle, enterrement, migration des âmes :
ces traits majeurs de nos cultures s’enra-
cinent soudain dans une profondeur
temporelle vertigineuse, nous reliant à
nos plus lointains ancêtres.
En quoi l’émergence de rituels
funéraires et de mythes liés à la mort
marque-t-elle un « changement
dans l’histoire du monde »,
comme vous l’affirmez ?
Les animaux possèdent une perception
de la mort. Comme eux, nous sommes
touchés par la mort, mais nous, nous la
conceptualisons. De nombreuses traces
archéologiques anciennes démontrent la
profondeur historique des rituels funé-
raires, qui témoignent d’une projection
dans l’imaginaire propre à notre espèce.
De ces temps reculés subsistent des
traces figées, comme des tombes et des
ossements, mais aucun texte n’a été
retrouvé. Or Homo sapiens est un animal
mythologique : l’omniprésence des
croyances liées à une vie après la mort
ainsi que la puissance des conceptions
qui lui sont associées aujourd’hui laissent
imaginer que celles-ci remontent à des
périodes très lointaines. La mythologie
comparée, et en particulier l’approche
phylomythologique que je propose,
permet d’ajouter le texte à l’image en
analysant grâce à des algorithmes un
grand nombre de motifs mythologiques,
c’est-à-dire des séquences signifiantes
composant chaque mythe et formant
une unité permettant de les comparer et
de les relier aux migrations des groupes
humains dont ils sont issus.
En quoi votre approche permet-elle
d’avancer dans l’élucidation
des premiers mythes de l’au-delà ?
A partir d’une base de données et grâce
aux outils de l’informatique, la phylo-
mythologie retrace la route d’un récit en
se fondant sur une règle simple : plus
deux traditions mythologiques se res-
semblent et plus on peut en déduire que
leur ancêtre commun est récent. Si en-
suite une troisième tradition se rappro-
che fortement des deux autres – sans
être aussi proche –, il y a fort à parier qu’il
s’agit d’une variation qui indique une
origine commune plus ancienne. Notre
méthode permet alors de remonter le
temps, par rapprochements successifs et
avec une multitude de précautions.
Je l’ai utilisée avec succès dans le cadre
de recherches effectuées dès 2012, dont
les résultats ont établi une corrélation
entre les voies de diffusion des mythes et
celles des migrations humaines. Cette
approche phylomythologique est com-
plémentaire d’autres méthodes, en par-
ticulier de l’aréologie [l’étude des aires
géographiques de répartition des mythes]
pratiquée par l’ethnologue russe Yuri
Berezkin et le préhistorien français Jean-
Loïc Le Quellec. Pour L’Aube des mythes,
j’ai notamment eu recours à l’immense
corpus rassemblé par Yuri Berezkin, dont
le catalogue est fondé sur la collecte mas-
sive de mythes recueillis dans plus de
6 000 ouvrages et documents (histo-
riques, ethnologiques, folkloriques…).
J’en ai conservé quatre-vingt-un motifs
mythologiques liés à la mort concernant
dix-sept aires culturelles.
A quelles conclusions vos travaux
aboutissent-ils concernant les
premiers mythes autour de la mort ?
Par des calculs de probabilité, mes re-
cherches me permettent de dégager une
structure commune mettant en jeu une
série de mythes qui auraient été ceux
d’Homo sapiens avant ses premières
sorties d’Afrique, depuis plus de
185 000 ans. Tout d’abord, il y a l’idée
que l’être humain était à l’origine im-
mortel, mais que cet état a été rompu
par une erreur, ou un accident, qui a pu
être provoqué ou subi. La mort survien-
drait donc dans un univers originelle-
ment immortel (ou « amortel ») assimi-
lable à un âge d’or, à cause d’un événe-
ment fondateur, généralement en lien
avec la transgression de l’ordre établi.
Ces mythes ont pour point commun
de considérer la mort comme la répéti-
tion de cet acte premier. Mais cette
nouvelle condition épargne certaines
entités, comme le serpent – dont la peau
se renouvelle – et la Lune, qui demeu-
rent immortels. Par ailleurs, l’être hu-
main est généralement appréhendé
sous une forme duelle : une ou plusieurs
parties de lui seraient rattachées à son
corps et auraient parfois la possibilité de
survivre, voire de ressusciter. Une ou
plusieurs autres, immatérielles, auraient
la capacité de voyager. L’âme – un terme
employé ici faute de mieux – entamerait
alors une migration après le décès en
empruntant la Voie lactée pour rejoin-
dre le royaume des morts, où les vivants
peuvent se rendre à certaines condi-
tions. Enfin, aucune frontière hermé-
tique ni définitive n’est tracée entre vi-
vants et morts. L’âme peut donc revenir.
Comment ces croyances se sont-elles
diffusées, dans le temps comme
dans l’espace ?
Beaucoup d’incertitudes demeurent
sur les sorties d’Afrique d’Homo sapiens.
A ce jour, une première sortie de notre
espèce est attestée il y a environ
185 000 ans au Proche-Orient. Ces hu-
mains ont ensuite longé les péninsules
arabique et indienne pour atteindre
l’Indonésie puis l’Australie, il y a quel-
TOUT D’ABORD, que 65 000 ans. La conquête du sud de
IL Y A L’IDÉE QUE l’Eurasie et de l’Océanie précède de plu-
sieurs millénaires celle de l’hémisphère
L’ÊTRE HUMAIN Nord. En mythologie, cet écart se re-
trouve notamment dans les travaux de
ÉTAIT À L’ORIGINE Yuri Berezkin, de Jean-Loïc Le Quellec et
IMMORTEL, du philologue germano-américain
Michael Witzel, qui ont montré l’exis-
MAIS QUE CET ÉTAT tence de deux grands ensembles my-
thologiques cohérents, l’un regroupant
A ÉTÉ ROMPU l’Afrique, l’Asie du Sud-Est, l’Australie et
l’Amérique du Sud, l’autre centré sur
PAR UNE ERREUR, l’Eurasie et l’Amérique du Nord. En l’état
OU UN ACCIDENT des connaissances actuelles, on peut
penser que la structure qui se dégage
dans L’Aube des mythes se rapporte à la
première sortie d’Afrique, car les motifs
reconstruits se concentrent dans
l’hémisphère Sud.
Ces mythes anciens se sont
cristallisés dans certains textes
sacrés, comme l’épisode d’Adam et
Eve. En quoi ce regard paléolithique
permet-il de voir sous un jour nou-
veau le récit fondateur de la Bible ?
On sait depuis longtemps que la Bible
s’inspire de mythes antérieurs. Cepen-
dant, jusqu’ici, les rapprochements se
faisaient le plus souvent avec des sources
écrites, par exemple assyriennes ou su-
mériennes. Or ces traces ne représentent
qu’une part infime des mythes disparus.
La phylomythologie permet de mettre
en évidence les récits ayant existé avant
l’écriture de la Bible, et qui pourraient
donc l’avoir inspirée. L’épisode d’Adam et
Eve en offre un exemple saisissant.
Ce passage de la Genèse reprend une
structure identifiée : un événement
rompt l’ordre établi par une faute d’où ré-
sulte la condition mortelle. Mais le récit
paraît aussi particulariser un motif ma-
jeur que l’aréologie et la phylomytholo-
gie font remonter à la sortie des Homo
sapiens d’Afrique, selon lequel les hu-
mains deviennent mortels parce qu’ils
n’entendent pas ou ne répondent pas à
l’appel d’un être surnaturel ou divin qui
leur promet l’immortalité ou qui leur
apporte la mort. Or, après avoir goûté à
0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023
YANN LEGENDRE
l’arbre de la connaissance du bien et du
mal, Adam et Eve ne répondent pas à
l’appel divin – ils se cachent quand Dieu
leur parle –, et c’est la non-réponse à cet
appel qui entraîne l’apparition de la
mort. Comme c’est généralement le cas
dans ce motif, le serpent joue un rôle ma-
jeur dans la perte de l’immortalité. Néan-
moins, châtié, il ne parvient pas cette
fois-ci à se l’approprier. Ces éléments,
parmi d’autres, laissent penser que la Ge-
nèse reprend et tisse entre eux des récits
antérieurs, tel un habit d’Arlequin.
Au-delà de la mort, vous vous intéres-
sez au devenir prêté aux défunts par
ces mythes. Comment expliquer que
ce « royaume » que vous évoquez soit
tantôt souterrain, tantôt céleste ?
L’approche phylomythologique mon-
tre que notre espèce aurait, avant la sor-
tie d’Afrique, imaginé un royaume des
morts accessible aux vivants dans certai-
nes conditions. Un motif ancien attri-
buant les séismes aux défunts se dépla-
çant, voire les assimilant à une tentative
de sortir de la terre, laisse ainsi penser
que leur royaume se situe sous la terre et
que ceux-ci peuvent toujours agir sur le
monde des vivants. La coexistence de ce
motif avec celui faisant de la Voie lactée
la route vers le royaume des morts auto-
rise trois hypothèses.
La première fait cohabiter deux voies
d’accès au monde de l’au-delà, céleste
pour certains, souterraine pour d’autres.
Une autre consiste à attribuer ces deux
motifs à la dispersion de groupes hu-
mains différents, possédant dès l’origine
des mythologies distinctes, ce qui aurait
conduit à une superposition de récits al-
ternatifs. Une autre enfin fait du
royaume souterrain l’aboutissement
lointain de la Voie lactée ; les deux motifs
ne seraient alors pas exclusifs.
La puissance et la permanence de ces
mythes donnent-elles des indices sur
leur fonction pour l’être humain ?
Sur le plan psychologique, les mythes
liés à la mort constituent des outils
permettant de surmonter la peine. Je
m’appuie notamment sur les écrits du
philosophe Michaël Fœssel, qui, dans
Le Temps de la consolation (Seuil, 2015),
souligne le rôle de la métaphore dans
l’acte de consoler : elle permet de dépas-
ser le sens littéral de la souffrance, qui
n’a rien à dire, pour orienter la douleur
vers une autre réalité. Les mythes, qui re-
posent sur le partage social et donc sur
une croyance commune entourant les
endeuillés, permettent cette bascule du
regard. Ils donnent ainsi du sens au
caractère inacceptable de la mort en in-
sistant sur la permanence du monde
face à la contingence des vies. p
propos recueillis par
youness bousenna
0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023 idées | 21

Didier Leschi Les mesures de la loi « immigration »

demeurent plus ouvertes que dans les principaux pays
de l’Union européenne Le directeur général de l’Office français de l’immigration
et de l’intégration estime que l’examen par le Conseil constitutionnel
du texte adopté le 19 décembre distinguera ce qui doit rester la spécificité
de la France en matière d’accueil

A
près le vote, le 19 décembre, de la
loi « immigration », est-il possible
d’échapper au psychodrame qui
semble s’emballer ? Rien n’est
moins sûr. Il faudrait, pour cela, que ceux
qui l’alimentent jusqu’aux extrêmes
ouvrent leur focale afin de comprendre
pourquoi les évolutions en cours ne sont
pas propres à la France. Ils pourraient
ainsi constater que, dans bien des do-
maines, les mesures qui viennent d’être
adoptées demeureront, vis-à-vis de l’im-
migration, plus ouvertes que ce qui se
pratique dans les principaux pays de
l’Union européenne.
Elles le demeureront en ce qui con-
cerne le niveau de langue demandé à
ceux qui souhaitent obtenir un visa ou
un titre de séjour. Elles le demeureront
en matière d’immigration familiale ou
encore dans le domaine de la prise en
charge santé des sans-papiers comparée
à l’Allemagne, l’Autriche, la Suède, le Da-
nemark, les Pays-Bas et même l’Espagne,
grâce, en particulier, à notre procédure
de titre de séjour pour soin, quasi unique
au monde. Et il est fort peu probable que
la réforme annoncée de l’aide médicale
d’Etat nous réduise aux standards en vi-
gueur en Europe.
Elles le resteront également dans le do-
maine de l’hébergement d’urgence in-
conditionnel, qui demeure même pour
ceux qui ont une obligation de quitter le
territoire français tant qu’ils ne sont pas
reconduits. Un dispositif social où la
France est championne en Europe, tant
en nombre de places ouvertes que de cré-
dits mobilisés, avec plus du tiers des dé-
penses consacrées à ce sujet dans toute
l’Union. Elles le demeureront aussi par
l’introduction dans la loi d’un mode de
régularisation qui atteste de l’impor-
tance reconnue aux travailleurs immi-
grés. Certes est discutable le retour d’une
obligation de démarche volontaire afin
d’acquérir la nationalité française, impo-
sée à quelques milliers de jeunes, entre
2 000 et 3 000 par an, à l’âge de 18 ans.
Dispositif que l’on trouvait déjà dans
l’ordonnance du gouvernement provi-
soire de la France du 19 octobre 1945, si-
gnée par les illustres résistants Pierre-
Henri Teitgen, garde des sceaux [au
moment] de la Libération, et le commu-
niste Charles Tillon, et dont le rétablis-
sement avait déjà été proposé
en 1987 par un fonctionnaire à l’inté-
grité morale reconnue, Marceau Long.
Il reste que notre pays fait partie de
ceux qui partagent le plus largement
avec les nouveaux arrivants la nationa-
lité. Le contrôle de constitutionnalité de
la loi fera utilement la part entre ce qui
doit demeurer notre spécificité fran-
NOTRE EUROPE EST LE
LIEU D’UNE SYMBIOSE
PARTICULIÈRE,
OÙ LE DÉVELOPPEMENT
DE LA DÉMOCRATIE
S’EST APPUYÉ
SUR LA CONSTRUCTION
D’ÉTATS SOCIAUX
çaise et ce qui est acceptable au regard
des législations européennes. Il appré-
ciera, en particulier, si les délais de ca-
rence imposés à un étranger qui ne tra-
vaille pas, pour l’accès à des prestations
sociales, dès lors qu’il n’est pas algérien
ou bénéficiaire d’une protection inter-
nationale, sont aussi légitimes que les
cinq ans de présence nécessaires pour
bénéficier du revenu de solidarité ac-
tive, clause de préférence nationale
adoptée à la quasi-unanimité lors de la
création du revenu minimum d’inser-
tion, ou encore que les dix ans deman-
dés pour bénéficier de l’allocation de so-
lidarité aux personnes âgées.
Ironie tragique
Peut-on accueillir tous ceux qui se
considèrent comme victimes des désor-
dres économiques du monde ? L’émo-
tion populaire, si elle estime légitime
d’accueillir les persécutés, répond non.
Il n’est pas certain que les appels à la
« résistance » – émanant d’édiles à la
tête des villes les plus riches de France
que sont obligés de déserter les pauvres,
les ouvriers, les employés modestes, et
bien sûr les immigrés – puissent la con-
vaincre du contraire.
L’Europe connaît, depuis le début des
années 2000, une forte poussée des im-
migrations. Les chiffres l’attestent. Mais,
à entendre les détracteurs de la loi, les
crispations vis-à-vis de l’immigration
résulteraient d’une sorte de complot
réunissant, afin de manipuler les opi-
nions, des sondeurs et des journalistes,
des socialistes trop influencés par leurs
camarades danois, ou encore des fonc-
tionnaires républicains passés du « côté
obscur de la force ».
Notre Europe est le lieu d’une symbiose
particulière, où le développement de la
démocratie s’est appuyé sur la construc-
tion d’Etats sociaux. D’où le fait qu’elle
fait envie, et ce d’autant qu’elle est loin
d’être une forteresse, comme l’attestent
les évolutions démographiques. Or, la
dynamique de la mondialisation a désé-
quilibré les structures sociales européen-
nes construites sur la longue durée. Elle a
notamment réussi à démanteler les bas-
tions ouvriers qui avaient été le cœur des
mobilisations pour la conquête et la dé-
fense d’acquis sociaux. Ironie tragique,
cette mondialisation s’est appuyée sur
les défaites des mouvements d’émanci-
pation pour mieux bousculer les Etats
sociaux européens.
Ce fut d’abord le recours à la Chine
« communiste » comme atelier du
monde, à bas coûts salariaux, justifiant
la mise en berne de notre appareil in-
dustriel et prouvant à ceux qui en dou-
taient encore que l’ADN du capital ne
supporte pas les frontières. C’est l’arri-
vée massive, légale ou clandestine en
Europe, des victimes des expériences
néfastes du nationalisme arabe, dont la
Syrie de Bachar Al-Assad est le dernier
avatar ; des victimes, aussi, des faillites
de pays n’ayant pas su construire leur
décolonisation du fait de dirigeants avi-
des de s’approprier les richesses aux dé-
pens de l’avenir d’une jeunesse qui ris-
que sa vie sur des esquifs de fortune. Ce
sont ces mêmes dirigeants qui ont
ouvert la voie aux ravages de l’isla-
misme et mobilisé l’antisémitisme
autant que la haine des femmes jusque
dans les pays d’accueil et qui ont tout
fait pour que les « printemps arabes » ne
relancent la liberté et le progrès.
C’est le retour de la guerre sur les dé-
combres de l’ex-Union soviétique. C’est la
pathétique révolution bolivarienne qui
fait que les Vénézuéliens sont parmi les
tout premiers demandeurs d’asile en Eu-
rope, comme le sont vers les Etats-Unis
les Cubains, qui payent l’échec du cas-
trisme, ou les Nicaraguayens, celui du
sandinisme. Les phénomènes migratoi-
res font aussi partie des armes de la mon-
dialisation qui met sur les routes une hu-
manité aussi nomade que déstructurée.
A ne pas vouloir analyser le pourquoi
des inquiétudes, tout en continuant à
faire injonction aux démunis d’ac-
cueillir plus démuni qu’eux, les progres-
sistes ne sont pas près d’arrêter ce mou-
vement mortifère qui, dans trop de pays
d’Europe, amène l’extrême droite à de-
venir le recours politique de catégories
populaires en souffrance. Voilà où nous
en sommes. p
Didier Leschi est directeur général
de l’Office français de l’immigration
et de l’intégration

Jean Garrigues Les postures politiciennes se sont d’emblée

imposées au détriment de la démocratie représentative
L’historien analyse la séquence qui a précédé le vote de la loi relative à l’immigration, le 19 décembre, comme un déni
de parlementarisme et appelle à un renforcement de l’Assemblée nationale et du Sénat

L
e vote de la loi relative à
l’immigration, le 19 dé-
cembre, est-il un « tremble-
ment de terre » politique,
comme on a pu le lire il y a quel-
ques jours dans le quotidien alle-
mand Frankfurter Allgemeine
Zeitung ? A priori, l’historien se
méfie de ce genre de formule
dramatique qui, bien souvent, se
dégonfle à l’épreuve du temps.
Il n’en reste pas moins que la
séquence qui a précédé ce vote
est une illustration supplémen-
taire des dysfonctionnements de
notre démocratie parlementaire
et qu’elle risque fort de creuser
encore un peu plus le fossé de
défiance qui sépare les citoyens
de leurs élus.
La première erreur réside à nos
yeux dans le choix du calendrier
de cette loi et dans la méthode
qui a conduit à sa présentation.
L’immigration est en effet un su-
jet éruptif depuis le XIXe siècle,
lourd d’une histoire imprégnée
par le racisme et les guerres de
décolonisation, et qui a favorisé
depuis plusieurs décennies la
montée en puissance de l’ex-
trême droite.
Si l’on voulait faire de la politi-
que autrement, comme c’était à
l’origine le projet du président,
Emmanuel Macron, il aurait été
nécessaire d’arracher la prépara-
tion de ce projet aux outrances,
aux fantasmes et aux instrumen-
talisations qui la corrodent de-
puis quarante ans. Plutôt que de
faire porter ce projet fourre-tout
par un ministre de l’intérieur
[Gérald Darmanin] qui entendait
en faire un marchepied de son as-
cension politique, à l’instar de
son modèle Nicolas Sarkozy,
n’aurait-il pas été préférable d’en
dissocier les enjeux économi-
ques, sociaux, sanitaires, cultu-
rels, scientifiques, et de les faire
traiter séparément, précisément,
par les ministères concernés ?
Dans chacun de ces domaines,
n’aurait-il pas été plus authenti-
quement démocratique de cons-
tituer des conventions citoyen-
nes déconnectées des polémi-
ques politiciennes ? C’était en
somme le cas d’école idéal pour
mettre en œuvre l’articulation
entre démocratie participative et
démocratie représentative, qui
correspond à une demande so-
ciale de plus en plus affirmée. Au
nom de l’efficacité de la gouver-
nance, et surtout du tout « com-
municationnel », on est passé à
côté de cette pédagogie
démocratique.
Résultat, les postures politi-
ciennes se sont d’emblée impo-
sées, au détriment de la démo-
cratie représentative. Alors que
ce projet était présenté comme
une concrétisation du « en
même temps » présidentiel, les
gauches l’ont rejeté au motif
qu’il était rétrograde, et les droi-
tes qu’il était insuffisant.
Alors qu’une large majorité de
Français semblait y être favora-
ble, selon les sondages, une mo-
tion de rejet votée par tous les op-
posants a empêché qu’un vérita-
ble débat en séance puisse
clarifier les positions. Leur res-
ponsabilité est grande dans ce
déni de parlementarisme, à
l’heure où au contraire le Parle-
ment a besoin d’être légitimé et
renforcé. La faute aussi bien à la
LA CAPACITÉ
DE RÉSILIENCE DU
CHEF DE L’ÉTAT EST
INCONTESTABLE.
LES OUTILS
INSTITUTIONNELS
DONT IL DISPOSE
SONT NOMBREUX
Nupes [Nouvelle Union populaire
écologique et sociale], figée sur la
défense incantatoire de ses va-
leurs, qu’aux Républicains, arc-
boutés sur la posture de la suren-
chère afin de braconner sur les
terres du Rassemblement natio-
nal. Quant à ce dernier, sa seule
perspective est d’affaiblir le camp
présidentiel.
Victoire à la Pyrrhus
Leurs stratégies ont été couron-
nées de succès puisque la gauche
provisoirement réunie s’est re-
fait une virginité auprès de son
électorat potentiel, puisque les
Républicains ont fini par impo-
ser une partie de leurs exigences
au cours de la commission
mixte paritaire, et puisque le
parti de Marine Le Pen, au terme
du vote final des deux chambres,
a pu se targuer d’avoir remporté
une « victoire idéologique » sur ce
sujet majeur.
Si Emmanuel Macron peut se
prévaloir d’avoir obtenu une ma-
jorité parlementaire sans avoir eu
recours à l’article 49.3 de la Cons-
titution, comme d’ailleurs pour
60 % des textes votés depuis
2022, chacun voit bien que c’est
une victoire à la Pyrrhus. La dé-
fection de 59 députés des partis
Renaissance et MoDem ainsi que
la démission du ministre de la
santé, Aurélien Rousseau, révè-
lent une fracture nette au sein de
la majorité, qui anticipe la dislo-
cation annoncée du « et à droite
et à gauche » macroniste dans la
perspective de l’élection prési-
dentielle de 2027.
Cette fracture hypothèque par
ailleurs les chances de succès
d’une éventuelle alliance politi-
que avec Les Républicains, qui
serait pourtant, à terme, le seul
moyen de sortir des blocages in-
hérents à la majorité relative.
Avec un nouveau premier mi-
nistre compatible avec Les Répu-
blicains ou un pacte de coalition
parlementaire, une telle alliance,
formalisant la droitisation de
fait de la gouvernance présiden-
tielle, est-elle acceptable par la
gauche macroniste ? C’est une
question cruciale, non seule-
ment pour l’avenir de Renais-
sance, mais surtout pour la sur-
vie du quinquennat.
Au-delà des polémiques spécifi-
ques sur l’immigration, c’est bien
la restructuration de notre es-
pace politique qui est en jeu, et la
capacité des institutions de la
Ve République à s’adapter à la tri-
partition actuelle. Cette adapta-
tion n’est pas impossible, et la ca-
pacité de résilience du chef de
l’Etat est incontestable. Les outils
institutionnels dont il dispose
sont nombreux, à commencer
par le référendum ou la dissolu-
tion de l’Assemblée nationale,
deux façons de revenir au peuple.
Mais un référendum perdu serait
catastrophique, et il y a fort à
craindre que de nouvelles élec-
tions législatives lui donneraient
une majorité encore plus faible
qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Il faudra pourtant, tôt ou tard,
que notre espace politique se
réorganise en fonction du fait
majoritaire, qui est le fil conduc-
teur de la gouvernance depuis
1962. La logique institutionnelle
voudrait que la bipolarisation
droite-gauche, qui s’était effon-
drée d’elle-même en 2017, re-
naisse de ses cendres, refermant
la parenthèse du « en même
temps ». Mais cette perspective
est lointaine, tant est spectacu-
laire la montée de l’abstention-
nisme et du populisme, les deux
poisons de la démocratie. A cet
égard, la séquence qui vient de
se dérouler est loin d’être
encourageante. p
Jean Garrigues est
président du Comité d’histoire
parlementaire et politique
22 | 0123
GÉOPOLITIQUE |
par gil l e s par is
Guerre à Gaza :
la panne arabe
L LES NORMALISATIONS,
e camp occidental ter-
mine l’année plus mal
qu’il ne l’avait commen-
cée. Cela tient évidem-
ment au fossé entre ses paroles et
ses actes à propos de l’Ukraine,
érigée en priorité sans que l’in-
tendance ne suive. Mais son sou-
tien sans guère de réserve au gou-
vernement le plus extrémiste de
l’histoire d’Israël, après les mas-
sacres barbares de civils israé-
liens perpétrés par le Hamas le
7 octobre, n’a pas moins contri-
bué à sa perte de crédibilité. Cette
crédibilité aura du mal à se re-
mettre de la tolérance manifestée
à l’égard d’autres massacres, ceux
des civils palestiniens victimes de
bombardements indiscriminés,
justifiés par l’objectif d’éradiquer
le mouvement islamiste.
La mise en cause des principes
à géométrie variable du camp oc-
cidental, aussi légitime soit-elle,
ne doit pourtant pas faire sys-
tème. Elle ne doit pas masquer en
particulier une véritable panne
arabe, un silence d’autant plus
embarrassant qu’il ne cesse de
s’étirer. Son seul bénéfice est
d’acter l’inutilité de la Ligue
arabe, devenue une Société des
nations qu’on aurait oublié de
prévenir de sa disparition.
L’Egypte, qui fit longtemps of-
fice de métronome régional, n’est
plus que l’ombre d’elle-même, in-
capable de peser sur ses voisins
livrés aux désordres que sont la
Libye et le Soudan. La Syrie, un
autre pilier du passé, ne parvient
pas non plus à se relever d’une dé-
cennie de guerre civile.
Le déplacement du centre de
gravité arabe vers la péninsule
Arabique a été acté avec la der-
nière percée diplomatique d’am-
pleur survenue en 2020 : les ac-
cords d’Abraham, qui ont norma-
lisé les relations entre Israël et
les Emirats arabes unis, ainsi
qu’avec Bahreïn et, plus tard,
avec le Maroc. La guerre entre
l’Etat hébreu et le Hamas a sus-
pendu pour un temps ce qui doit
en être le dernier acte, et le plus
important : l’établissement de
relations diplomatiques entre Is-
raël et l’Arabie saoudite.
Passivité
L’automne sanglant a mis en évi-
dence le défaut de conception de
ces normalisations en ordre dis-
persé : l’occultation de la question
palestinienne, qui fut longtemps
une cause arabe par excellence.
L’initiative de paix lancée par le
régent saoudien Abdallah Ben
Abdel Aziz Al Saoud en 2002 pro-
posait d’ailleurs à Israël, qui n’y
avait jamais répondu autrement
que par le mépris, une normalisa-
tion globale avec les pays de la ré-
gion en échange de la création
d’un Etat palestinien dans les
frontières de 1967, soit à Gaza et
en Cisjordanie.
Les dirigeants aujourd’hui les
plus en vue de la péninsule arabi-
que, l’Emirati Mohammed Ben
Zayed et le Saoudien Mohammed
Ben Salman, ont montré à quel
point ils pouvaient s’adapter aux
nouveaux déséquilibres du
monde en dialoguant à la fois
avec les Occidentaux, Pékin et
Moscou. La pompe qui a entouré
la visite effectuée par Vladimir
Poutine dans leurs pays l’a mon-
tré de manière ostensible le 6 dé-
LES DIRIGEANTS
DE LA PÉNINSULE
ARABIQUE ONT
MONTRÉ COMBIEN ILS
POUVAIENT S’ADAPTER
AUX DÉSÉQUILIBRES
DU MONDE
0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023
CHRONIQUE LE DANGEREUX
DOUBLE JEU
DE LA SERBIE tre les irrégularités constatées. Alors que l’adhésion à l’UE, dont il perçoit des fonds,
les résultats officiels donnent la victoire,
avec 46,72 % des voix, au Parti progressiste
serbe, la formation nationaliste du prési-
refuse de s’aligner sur les sanctions euro-
péennes contre la Russie et a cessé de met-
tre en œuvre les réformes exigées par
dent Aleksandar Vucic, ils n’ont attribué
que 23,58 % à la coalition pro-européenne
Serbie contre la violence, dont sept respon-
l’Union européenne.
Les Européens ont longtemps cru que les
liens commerciaux de la Serbie avec l’UE,
sables observent une grève de la faim. ainsi que le développement économique
Les observateurs de l’Organisation pour la du pays, finiraient par l’emporter sur la
sécurité et la coopération en Europe, du Par- rhétorique nationaliste de M. Vucic. Ils ont
DEPUIS 2020, DES lement européen et du Conseil de l’Europe désormais tout lieu d’observer avec cir-
ont dénoncé des irrégularités graves, no- conspection son double jeu. En particulier
RELATIONS ENTRE LES tamment « des achats de voix » et « des bour- la France, très attachée à l’ambition d’arri-
rages d’urnes ». Mais le président serbe as- mer les Balkans, et donc la Serbie, à
PAYS ARABES ET ISRAËL sure que ces élections « ont été les plus hon- l’Union. Le dilemme est tout sauf simple,
ÉCLIPSENT LA QUESTION
PALESTINIENNE L oin des champs de bataille d’Ukraine,
un autre front de la guerre russe se
déploie dans les Balkans, où Moscou
tente d’exploiter les tensions nationalistes
contre l’aspiration des pays de la région à
nêtes (…) de l’histoire récente de la Serbie » et
accuse « des Etats étrangers puissants » de
chercher à « déstabiliser le pays ».
Ce climat délétère reflète la stratégie de la
tension entretenue par M. Vucic, confir-
car plus la perspective d’une entrée de la
Serbie dans l’UE semble s’éloigner, plus la
Russie et la Chine en profitent pour y
avancer leurs pions.
Mais l’exemple de la Hongrie de Viktor
cembre. Face au carnage en cours rejoindre l’Union européenne (UE). La mant les doutes croissants sur l’orientation Orban, qui entend s’avancer en cheval de
à Gaza, la passivité de ces deux porte-parole de la diplomatie russe, Maria européenne de la Serbie. Au pouvoir depuis Troie de la Russie dans l’UE, doit inciter les
nouveaux membres du forum Zakharova, vient ainsi de comparer les près de dix ans, le président affiche son Etats membres à exiger le respect drastique
des BRICS, qui est un élément manifestations en Serbie, qui dénoncent admiration pour l’ex-dictateur Slobodan et irréversible des critères de l’Etat de droit
du Sud global volontiers opposé la fraude électorale présumée lors du scru- Milosevic, mort avant la fin de son procès afin d’éviter qu’un jour Belgrade ne re-
au camp occidental, est d’autant tin du 17 décembre, à celles de la place pour crimes contre l’humanité et génocide. prenne la même tactique. Les Européens
plus incompréhensible. Maïdan, à Kiev, en 2014, ayant abouti à l’ar- Aleksandar Vucic n’a pas abandonné savent, par leur histoire, que les risques de
Adversaires résolus de toute rivée au pouvoir en Ukraine de dirigeants l’ambition de remettre la main sur le Ko- dérapage dans les Balkans peuvent avoir
forme d’islam politique, ces deux pro-occidentaux. sovo, dont il n’a jamais accepté l’indépen- des conséquences désastreuses, bien au-
autocrates ont toutes les raisons Depuis la proclamation des résultats de dance proclamée en 2008, comme semble delà de la région. Dans le contexte de ten-
d’être hostiles au Hamas. La gla- ces élections législatives anticipées, des l’indiquer l’opération commando serbe sion exacerbé par l’agression russe en
ciation qui a saisi l’Organisation centaines de manifestants bravent chaque avortée en septembre dans ce pays. Enfin, Ukraine, leur vigilance s’impose sur les dé-
de libération de la Palestine (OLP) jour les forces de l’ordre pour protester con- le président serbe, bien que candidat à rives du président serbe. p
et qu’incarne le chef de l’Autorité
palestinienne, Mahmoud Abbas,
87 ans, n’est pas non plus propice
à un réengagement. Ce dernier
est pourtant dans leur intérêt.
Ils ne peuvent en effet que cons-
tater que leur prise de distance a
été mise à profit par l’Iran et sa ca-
pacité de nuisance. Même si les
tensions ont été jusqu’à présent
contenues sur la frontière entre
l’Etat hébreu et le Liban, la straté-
gie de harcèlement conduite par
les miliciens houthistes en mer
Rouge en représailles à l’offensive
israélienne à Gaza peut à tout ins-
tant bloquer une artère vitale
pour le commerce international.
L’aversion des deux hommes à
toute forme de libéralisme poli-
tique les dispense de prêter at-
tention à leurs opinions publi-
ques, mais seulement jusqu’à un
certain point. Après les signaux
faibles relevés pendant la Coupe
du monde de football au Qatar, à
VOUS PARTEZ EN VACANCES ?
l’automne 2022, le retour au pre-
mier plan dans l’opinion arabe
de la cause palestinienne fait de
cette dernière un élément de
consensus national.
Sans même parler du levier que
conserve Riyad avec la carte de la
FAITES SUIVRE VOTRE JOURNAL !
normalisation avec Israël, Mo-
hammed Ben Zayed et Moham-
med Ben Salman disposent de
nombreux atouts. Ils peuvent user
Rendez-vous sur votre compte, à la rubrique
de leur entregent politique pour
« dés-iraniser » les factions palesti-
« Votre abonnement – Vacances et déplacements »
niennes les plus radicalisées. au moins 9 jours avant votre départ. Valable pour
L’ancien premier ministre pa-
lestinien Salam Fayed, particuliè- une durée minimale de 7 jours et maximale de 3 mois,
rement apprécié par les Occiden-
taux lorsqu’il était aux affaires, a en France métropolitaine.
tracé la voie à suivre il y a deux
mois dans un article publié par
la revue Foreign Affairs : cette
« dés-iranisation » passe selon
lui non pas par la « revitalisa-
tion » de l’Autorité palestinienne,
souhaitée par le président des • C’EST VOTRE PREMIÈRE
Etats-Unis, Joe Biden, mais par
une refonte de l’Organisation de
VISITE :
libération de la Palestine. Même créez votre compte au moyen
si cette perspective reste pour de votre numéro de client
l’instant impossible à entendre
en Israël comme aux Etats-Unis,
+ votre code postal
le Hamas sera neutralisé plus sû- + votre adresse courriel
rement au sein d’une OLP remise sur lemde.fr/inscription
en ordre de marche que sous les
bombes qui frappent Gaza.
Pour se faire entendre, les Emi- • VOUS POSSÉDEZ DÉJÀ
rats arabes unis et l’Arabie saou- UN COMPTE SUR LE SITE
dite peuvent enfin jouer de leur LEMONDE.FR :
puissance financière. Cette der-
nière sera indispensable, le mo- identifiez-vous directement
ment venu, pour reconstruire avec votre adresse courriel
Gaza et offrir des perspectives sur lemde.fr/connexion ,
autres que la guerre à répétition à
ses habitants. Elle ne peut cepen- rubrique « Votre abonnement -
dant être mobilisée qu’en appui Vacances et déplacements »
d’un projet politique que ces
deux pays ne parviennent tou-
jours pas à articuler, alors que la
solution dite « des deux Etats »
reste un rare sujet de consensus
international. Ils ont pourtant
tout à gagner à sortir de cette tor-
peur au lieu de s’en remettre à un
vieux réflexe, la défausse sur les
Occidentaux. p
LES CHEFS-D’ŒUVRE
À PORTÉE DE MAIN

De Baudelaire à Shakespeare,
la collection « Chefs-d’œuvre
en petit format. Les essentiels
de la littérature en version
intégrale », éditée par
« Le Monde », donne à lire
les classiques qui ont marqué
notre histoire littéraire

U
n livre est une porte. L’ouvrir inaugure
toujours le début d’une aventure théâ-
trale, poétique, romanesque. Tel est le pri-
vilège que nous offre l’immense patri-
moine que constitue la littérature occi-
dentale, sans que l’on mesure parfois la
chance de disposer en tout lieu et à tout moment des
œuvres d’auteurs qui, de Cervantès à Molière, de Goethe
à Machiavel, ont traversé le monde et les âges en restant
toujours capables de nous surprendre et de nous happer
dans leur imaginaire. Certes leurs noms nous sont fami-
liers. Tous sont devenus des sortes d’évidences comme les
membres invisibles d’une galerie d’ancêtres ancrés si fort
dans la mémoire collective que l’on croit les connaître.
Dès lors, les lire, les relire, les emporter avec soi sur les
chemins de nos vies ouvrent des fenêtres que l’on a sou-
vent fermées après les avoir découverts à l’adolescence et
pour aller chercher ailleurs, plus loin ou plus près de nous,
puisque tel est l’élan que procure la littérature. En en réu-
nissant « Les Essentiels », en petit format, la collection du
Monde convoque les textes intégraux et les illustrations
originales des chefs-d’œuvre d’Anton Tchekhov, Edgar
Allan Poe, René Descartes, Victor Hugo, Fiodor Dostoïevski,
Pierre Corneille, Pierre de Ronsard ou encore Jean de Charles Baudelaire, photographié par Félix Nadar, en 1855. BNF
La Fontaine. Par leur puissance narrative aussi vive qu’à
l’instant de leur écriture, ces trésors à partager ouvrent à
chacun des horizons toujours nouveaux, ces fenêtres sur
l’autre et sur soi, ces expériences singulières parlant à tous, de Jules Verne ou de Franz Kafka, leur imaginaire a large- Cette intime connivence que seuls l’écrit et la lecture
comme l’explique l’essayiste Tiphaine Samoyault. ment saisi le réel avec nombre de décennies d’avance. C’est individuelle procurent, les grands auteurs y sont passés
pourquoi, plus que des références, plus qu’un héritage maîtres. Partout où nous nous trouvons, ils restent le fer-
Voyages immobiles du passé, ces œuvres sont les ressorts d’une dynamique ment de nouveaux voyages immobiles, d’aventures inté-
Par leur constante proximité, ces textes fondateurs d’une que l’on nomme littérature. Cette étrange et subtile orga- rieures, d’ailleurs. Leurs pages sont autant de tableaux et
identité plurielle et collective mettent en question les no- nisation des mots qui, tel un trousseau de clés, ouvre, de paysages furtifs menant ici, dans les steppes frileuses
tions de classique et de modernité. Ainsi le théâtre des pas- invite, transforme chacun dans l’élan du mouvement qui d’Anton Tchekhov, là, dans les sombres ruelles du Londres
sions humaines de William Shakespeare n’a rien perdu de façonne l’histoire de l’humanité. S’en emparer c’est en de Conan Doyle jusqu’au calme voluptueux d’un Charles
son actualité, pas plus que la plume acérée d’Emile Zola redécouvrir la force, l’éloquence, la justesse, la langue, la Baudelaire hanté du troublant parfum des Fleurs du mal.
pour décrire des mondes en combat. Les fulgurantes et sul- musique et l’esprit. C’est retrouver des semblables qui, « Les Essentiels » de la littérature annoncent tous les pos-
fureuses beautés de Charles Baudelaire font toujours écho bien que fort différents, ont tout à partager, de nos aspira- sibles. Privilège de l’écriture ! p
aux désirs qui nous animent. Quant aux récits visionnaires tions à nos rêves, de nos attentes à nos plaisirs. christophe averty

Cahier du « Monde » No 24567 daté Jeudi 28 décembre 2023 - Ne peut être vendu séparément
2 | les essentiels de la littérature
Tiphaine Samoyault
« Les classiques ont une
puissance d’enchantement
et d’alerte »
entretien | La professeure de littérature et feuilletoniste partage sa conception
d’un chef-d’œuvre littéraire : un texte qui continue à résonner bien au-delà de son époque
et de ses frontières, à l’image des ouvrages de la collection publiée par « Le Monde »
A
la faveur de la publication par Le
Monde des essentiels de la littéra-
ture en petit format, Tiphaine
Samoyault, professeure de littéra-
ture générale comparée, essayiste
et feuilletoniste, revient sur la no-
tion de « classique », sa genèse et sa portée, dans le
champ désormais international de la littérature.
En lectrice critique et spécialiste de littérature
comparée, quelle place ont tenu ou tiennent
pour vous les œuvres classiques d’auteurs
vus comme universels tels Charles Baudelaire,
Miguel de Cervantès, Victor Hugo, Franz Kafka
ou William Shakespeare ?
Certains ouvrages, capables de se maintenir dans
le temps, sont entrés dans le patrimoine commun
mondial au même titre que des monuments. Par-
delà leur consécration, ces textes ont une force, un
pouvoir infini de renouvellement, faisant qu’à
toute époque et tout endroit du monde, leur lec-
ture peut changer la vie de celle ou de celui qui s’y
plonge. On les dira universels ou classiques. Je pré-
fère les qualifier d’œuvres essentielles.
La notion de classique vous semble-t-elle
ambiguë, voire inappropriée ? Quand est-elle
apparue et dans quel contexte ?
Doter un livre du statut de classique, c’est lui im-
poser une valeur relative. Pourquoi relative ? Parce
que cette valeur est soumise à plusieurs logiques
qui peuvent évoluer avec le temps. Une œuvre n’est
pas érigée en classique de la littérature pour des
valeurs qui lui seraient intrinsèques, mais selon la
façon dont elle est reçue. Et sa réception lui fait fran-
chir plusieurs seuils de consécration : celui de l’ins-
titution littéraire de l’époque, de l’édition, de l’école,
de la recherche universitaire… Au XIXe siècle, pour
la première fois, un éditeur, Hachette, lançait une
collection dite de « classiques ». Ce n’est pas un
hasard. Cette initiative était concomitante à l’exal-
tation du roman national. On aspirait alors à lier
étroitement langue, littérature et nation. C’est donc
dans un contexte d’émergence, de constitution et
de consolidation des Etats-nations qu’apparaît la
notion de « classique littéraire ».
Est-ce un concept uniquement occidental ?
On rencontre ce phénomène dans d’autres cultu-
res. Par exemple, la dynastie Qing érige, au XIXe siè-
cle, ses « quatre livres extraordinaires » – Au bord de
l’eau, Les Trois Royaumes, La Pérégrination vers
l’Ouest, Le Rêve dans le pavillon rouge – en piliers de
la littérature classique chinoise. Mais on note dans
cette entreprise la même intention qu’en Europe de
fonder le collectif autour de la littérature. A travers
la réunion de classiques nationaux puis mon-
diaux, se dessine la volonté politique de constituer
un grand récit de la mémoire commune, en ci-
ment et en socle des nations. A ce titre, il est parti-
culièrement frappant de noter qu’en 1952, sous
l’impulsion de Robert Maynard Hutchins, ancien
président de l’université de Chicago, 54 volumes
sont réunis sous l’appellation « The Great Books of
the Western World ». Leur maître d’œuvre les pré-
sente ainsi : « Voici les sources de notre être. Voici
notre héritage. Voici l’Occident. Voici sa significa-
tion pour l’humanité. »
Les deux premières séries de cette collection
seront offertes à la reine Elizabeth II ainsi qu’au
président Truman, ce qui confirme par le symbole
la prise de pouvoir des Etats-Unis sur le reste du
monde. La notion de classique ne peut donc pas
être séparée de la politique de la littérature telle
qu’elle est menée, de manière variable, par les
Etats-nations. Des politiques peuvent ainsi déci-
der quel livre peut être considéré et utilisé comme
classique à tel ou tel moment. Citons l’exemple de
Toni Morrison, première autrice afro-américaine à
avoir reçu le prix Nobel de littérature. Bien qu’una-
nimement considérées comme des classiques
nord-américains, ses œuvres ont récemment été
retirées des programmes scolaires en Floride.
Les essentiels de la littérature pourraient-ils
constituer une bibliothèque idéale, dans
l’esprit du concept proposé par Bernard Pivot
dans les années 1990 ?
Je ne crois pas à une bibliothèque idéale, édictée,
imposée ou canonisée. En revanche chaque lec-
teur ou lectrice peut former la sienne avec ses lec-
tures d’enfance, ses lectures scolaires, en faisant
ses propres choix et grâce aux livres qui l’auront
transformé. Dans l’idée de toute collection d’es-
sentiels, il me semble très important que la mé-
moire collective rencontre la mémoire person-
nelle de chacun. Il y a un jeu entre les deux qui
offre la possibilité de construire de petites com-
munautés alternatives au sein d’une autre plus
large. La lecture permet à chacun de constituer un
patrimoine littéraire qui va entrer en lien avec
celui d’autres lecteurs. Aussi, pour moi, une biblio-
thèque ne devient idéale que lorsqu’elle rencontre
le collectif. Pensons au plaisir de parler à quel-
« Dans l’idée de toute
qu’un d’un livre que l’on a lu en commun, même
dans une langue différente.
collection d’essentiels,
La collection des essentiels proposée par Le
Monde n’est pas vraiment représentative de ce
il est très important
que nous appelons aujourd’hui les « classiques »
de la littérature mondiale. Elle embrasse princi-
que la mémoire
palement la littérature occidentale, comporte
peu d’œuvres de femmes et son corpus ne témoi-
collective rencontre
gne pas de l’ouverture qui va s’opérer tout au long
du XXe siècle et au début du XXIe siècle. Mais au-
la mémoire
delà de cette question pourtant cruciale, cette col-
lection d’essentiels propose de lire ou de relire
personnelle »
des œuvres fondatrices et très belles. Ces textes
n’ont pas été écrits à telle ou telle époque ; ils exis-
tent depuis le temps de leur première publica-
tion, c’est-à-dire qu’ils continuent d’éclairer notre
temps. Ils ont une puissance d’enchantement
mais aussi une puissance d’alerte qui frappe, par
exemple, à chaque fois qu’on lit de nouveau – ou
pour la première fois – Franz Kafka.
On a pu dire de l’auteur du Procès qu’il était pré-
curseur, que son œuvre avait anticipé les désastres
du XXe siècle. Tout essentiel de la littérature a cette
force de préfiguration du futur qui tient précisé-
ment à l’actualité que chaque lecture lui donne.
Ainsi, ces classiques ne sont pas des œuvres du
passé, encore moins des œuvres dépassées, mais
des représentations et des scénarios de ce qui
pourrait advenir.
Quel chemin fut le vôtre dans l’approche et la
perception d’œuvres majeures de la littérature ?
0123
JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023
Tiphaine Samoyault,
le 13 décembre,
à Paris. ÉDOUARD CAUPEIL
J’ai par exemple lu trois fois Les Misérables de
Victor Hugo et chaque lecture m’a apporté quel-
que chose d’essentiel pour l’âge auquel je l’ai lu,
dans les étapes de mon apprentissage. J’ai d’abord
abordé ce livre dans une version abrégée et une
réécriture pour les enfants qui m’a donné envie de
lire. Puis à l’adolescence, dans une version com-
plète en trois volumes, j’en faisais un roman politi-
que et social, doublé d’une très belle histoire
d’amour. Je comprenais les barricades, les ombres
de Jean Valjean, l’argot des métiers, les trahisons,
les luttes toujours couronnées d’insuccès, la mi-
sère des femmes, la misère de ceux qui volent
pour manger, et surtout ses symboles. Car derrière
l’histoire de ces personnages particuliers, il y avait
le monde entier et c’est peut-être cela, l’envers du
monde et l’envers de chacun.
A l’âge adulte, la troisième lecture a encore été
celle de l’élargissement du roman, de l’élargisse-
ment de la prose, devenus à la fois plus vastes et
plus libres, puisque élargir, c’est agrandir et remet-
tre en liberté, pas forcément dans le même mou-
vement. Le roman s’étendait d’accueillir en lui
mon passé, celui de mes lectures et celui de mes
expériences. Il s’élargissait aussi de faire découvrir
la justesse et l’actualité de sa langue prise dans un
emportement aussi vif qu’hospitalier.
Au regard de votre expérience,
quelle dimension et quelle portée possèdent
les essentiels de la littérature ?
Ces textes peuvent toucher à différentes époques
et différents endroits du monde et changer la vie de
leurs lecteurs ou lectrices. Car l’œuvre romanesque
est capable de proposer un savoir moral direct ou
métaphorique sur l’expérience humaine, pouvant
agir comme un révélateur, susciter la projection du
lecteur dans des destins fort différents et lointains.
Concernant les possibles effets et extrapolations
que procure la littérature, Laure Murat évoque, par
exemple, dans son livre Proust, roman familial
(Robert Laffont, 256 pages, 20 euros) comment, à
partir de péripéties microscopiques de la haute
société parisienne, son texte peut être lu au Japon,
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en Russie ou en Argentine, toutes catégories socia-
les confondues. C’est une expérience qui reste à
chaque fois singulière pour chacun et reproductible
à l’infini. C’est aussi une dynamique dans laquelle
intervient un phénomène de reconnaissance, une
universalisation qui repose sur une différence. Il y a
donc là, à partir d’une expérience singulière, une
possibilité de rejoindre tout le monde. Le roman et
le théâtre, en favorisant l’identification, font jouer
au plus haut point ce rapport entre individuel et
collectif. C’est parce qu’il est particulier qu’un per-
sonnage peut parler à tous.
La notion de littérature est-elle la même
d’un pays à l’autre ?
Non seulement elle diffère selon chaque pays,
mais également d’une époque à l’autre. L’idée de
littérature au sens moderne est très récente et es-
sentiellement occidentale. Durant l’Antiquité on
rangeait dans le domaine des lettres les textes de
lois, des textes politiques, tout un ensemble de dis-
cours et d’essais, la philosophie… Une séparation
progressive des domaines s’est opérée et a inscrit
la littérature en marge d’autres disciplines.
En revanche, dans toutes les cultures et à toutes
les époques, on note l’importance des récits mé-
moriels, fondateurs de communautés. Le récit est
un invariant anthropologique. On ne connaît pas
de culture sans récit. Aussi l’idée de littérature,
quel que soit le nom qu’on lui donne, existe par-
tout. Son poids et son importance varient dans la
société. Au XIXe siècle, lorsqu’on promeut la no-
tion de classique, on donne à la littérature une
importance capitale en tant que fondatrice de la
communauté. Aujourd’hui cette empreinte est
moins forte. Mais dans certains pays, on peut en-
core faire se déplacer la moitié d’une ville pour
une lecture de poésie, mêlant tous les milieux
sociaux. J’ai assisté à cela en Haïti. Ces variations
ne sont donc pas seulement spatiales et culturel-
les, mais aussi temporelles.
Comment expliquer que le roman policier soit
aujourd’hui la forme de récit la plus populaire
les essentiels de la littérature | 3
à travers le monde ? Cela dénoterait
un rapport à la littérature et un lecteur
qui auraient changé ?
L’énorme succès de Millenium, la trilogie poli-
cière de l’écrivain suédois Stieg Larsson, tient
d’un phénomène de société et illustre l’effet mi-
roir que procurent des narrations dans lesquelles
le lecteur se reconnaît. Les polars de grande
audience jouent sur la mémoire immédiate, l’ef-
fet de reconnaissance et d’identification mais
n’emportent pas forcément le lecteur ou la lec-
trice dans un renouvellement permanent de
« Ces classiques ne
l’effet de surprise. Ces ouvrages fonctionnent
comme les séries, des formes réconfortantes qui
sont pas des œuvres
accompagnent la vie courante et qui peuvent être
aujourd’hui très inventives et créatrices. Mais je
du passé, encore
ne pense pas que ces succès se fassent contre ou
au détriment des classiques. On peut suivre avec
moins des œuvres
passion une série télévisée et apprécier un
chef-d’œuvre au cinéma. Ces deux formes ne sont
dépassées, mais
ni concurrentes ni incompatibles.
des représentations
La littérature mondiale pourrait-elle encore
être une réponse utopiste à la mondialisation
et des scénarios de ce
et à la montée des nationalismes ?
La montée des nationalismes est aussi étroite-
qui pourrait advenir »
ment dépendante de la formation des littératures
nationales. L’intention de Johann von Goethe, lors-
qu’il crée le concept de littérature mondiale, était
d’amplifier les dialogues entre différentes littératu-
res nationales, pour lesquels les pays occidentaux
et notamment l’Allemagne auraient un rôle mo-
teur. Dans son esprit, l’idée de littérature mondiale
ne tendait pas à une égalisation de toutes les ex-
pressions littéraires mais à leur hiérarchisation.
De nos jours, si le poids de la mondialisation
pèse plus que jamais sur les littératures, dépen-
dantes du poids symbolique et économique des
différentes nations, les valeurs semblent s’être
inversées : la dimension symbolique s’est amoin-
drie, tandis que la dimension économique s’est
renforcée, d’où le poids de l’anglophonie dans le
canon mondial. Quoi qu’il en soit, on peut malgré
tout rêver que la littérature mondiale – pour
se constituer d’histoires particulières – résiste à
l’homogénéisation de la mondialisation. Capable
d’innombrables phénomènes de différencia-
tions, elle représente plus largement les minori-
tés que tout autre discours, même si elle n’est pas
la seule à s’y intéresser.
A ce titre, le programme des œuvres
représentatives de l’Unesco, de 1948 à 2005,
a réuni quelque 1 060 ouvrages essentiels
de la littérature mondiale. Quel message
a véhiculé cette entreprise ?
Au lendemain de la seconde guerre mondiale,
ce projet généreux, lié aux aspirations mêmes de
l’Unesco, incarnait la volonté d’un rééquilibrage
culturel entre les peuples. Ainsi après deux guer-
res successives dites « mondiales » était-il intéres-
sant de fonder le patrimoine mondial de littéra-
ture sur la paix. C’était aussi une alternative à la
prédominance d’une culture sur une autre, une
initiative pour faire connaître des réalités mécon-
nues et lointaines – comme le poète mystique
persan Djalal ad-Din Rumi du XIIIe siècle – ou plus
proches, comme des écrivains et poètes plus tard
nobélisés tels l’Islandais Halldor Laxness, le
poète roumain Mihai Eminescu ou le Japonais
Yasunari Kawabata…
Cette « bibliothèque des bibliothèques », englo-
bant toutes les traditions mondiales dans un souci
d’ouverture, d’élargissement et de pluralisation,
ne se borne évidemment pas au « Western World ».
Tout au contraire, le programme d’œuvres repré-
sentatives de l’Unesco a réuni un grand nombre
d’essentiels de la littérature mondiale, doublant
son action d’un programme de traductions dans
des langues souvent minorées – du hongrois à l’in-
donésien – pour offrir en miroir de la diversité des
créations littéraires à travers le monde, celle des
langues, de leur usage et de leur partage destiné au
plus grand nombre. C’est l’idée même d’une col-
lection d’essentiels : ouvrir les portes et inviter le
lecteur à suivre son propre chemin. p
propos recueillis par
christophe averty
4 | les essentiels de la littérature
« Les Fleurs du mal »
ou la beauté crue
Premier ouvrage de la collection, le recueil des
poèmes de Baudelaire inaugure une enivrante
plongée dans le patrimoine littéraire
C
ertains mots, certains livres ont le
pouvoir de changer une vie, y com-
pris celle de leur auteur. Les Fleurs
du mal sont de ces météorites au
fulgurant parcours qui percutent l’être, son
désir et ses sens, en dépit de l’époque. Bien
que leur genèse fût longue et leur publica-
tion tourmentée, leur épure, leur force sen-
suelle et leur sombre harmonie n’ont cessé
de marquer, d’envoûter l’attentif lecteur.
Car les Fleurs du mal n’ont rien d’une antho-
logie mais tout d’une fresque. Ce sont les
notes, les mouvements, les silences, les sou-
pirs d’une mélodie de l’intime. Ce sont les
images théâtrales et tragiques, obscures ou
apaisées d’un immense désir, d’un plaisir
assumé en écho à son temps.
Pendant douze ans, Baudelaire les a sa-
vamment composées, orchestrées, ordon-
nées, trouvant à chacune son rôle et sa juste
place, ne cessant de révéler les dualités de
l’être, des amours secrètes aux espoirs
perdus, de l’idéal lumineux au noir dessein,
où le bien et le mal se toisent dans une dis-
crète mais universelle confidence. En 1845,
Baudelaire annonce son projet. Dix ans plus
tard, seuls dix-huit de ses poèmes parais-
sent dans la Revue des deux mondes. Déjà
critique et justice s’acharnent sur deux tex-
tes jugés immoraux – L’Homme et la Mer et
Le Reniement de saint Pierre. Puis, en 1857,
lorsque paraissent les cent vingt poèmes
réunis dans la première édition des Fleurs
du mal, le scandale éclate. Les censeurs de la
société du Second Empire, la presse comme
la justice condamnent l’ouvrage. Le Figaro
et son véhément directeur Hippolyte de Vil-
lemessant qualifient les textes de « poésie de
charnier et d’abattoir ». La direction générale
de la Sûreté publique y voit « l’expression de
la lubricité la plus révoltante ».
Contourner la censure
S’ouvre alors un procès pour délit d’outrage
à la morale publique et aux bonnes mœurs, à
l’issue duquel le procureur général Ernest
Pinard, qui a requis quelques mois plus tôt
contre le roman de Flaubert Madame Bovary
pour son réalisme, accuse la poésie de Bau-
delaire de manquer « au sens de la pudeur » et
de multiplier « les peintures lascives ». Le
poète et ses éditeurs sont contraints à payer
une amende de 100 francs chacun et de reti-
rer six poèmes du recueil s’ils souhaitent
poursuivre sa vente à Paris. Pour Baudelaire,
toute l’architecture de son œuvre est dé-
truite. En se pliant aux décisions de justice, il
décide alors d’aller plus loin et fait retirer des
librairies tous les exemplaires des Fleurs du
mal. Et pour contourner la censure, il n’en
sera que plus radical. Pendant quatre ans, le
poète recompose son recueil, réorganise l’or-
dre des textes, ajoute une section supplé-
mentaire (Tableaux parisiens) aux cinq déjà
existantes (comprenant Spleen et Idéal,
Fleurs du mal, Révolte, Le Vin, La Mort). Dès
lors, chaque poème prend une couleur et un
sens nouveaux dans l’ordre qu’il organise. La
dualité des aspirations en est le ressort et
Baudelaire s’en explique ainsi dans ses no-
tes : « Il y a en tout homme, à toute heure, deux
postulations simultanées, l’une vers Dieu,
l’autre vers Satan. L’invocation à Dieu, ou spi-
ritualité, est un désir de monter en grade ; celle
de Satan, ou animalité, est une joie de descen-
dre. » Cette approche du désir, de l’humain et
du monde, concentre dans la poésie les en-
jeux esthétiques et éthiques de Baudelaire.
Traditionnellement, depuis les origines de
la chrétienté, le beau et le vrai allaient de pair.
Le poète brise cette équation en dévoilant
combien les opposés se mêlent – vrai, beau,
laid, mal, bien – se combinent, se complètent
sans pour autant que l’âme humaine n’y
perde son salut. Alors les mots gouvernent,
leur musique emporte et leur couleur dé-
peint un monde nouveau, moderne. Dans la
forme comme dans le fond de son œuvre,
Baudelaire multiplie les possibles, embrasse
l’histoire de la poésie comme la multiplicité
des sentiments, des amours, des passions.
L’artiste y conjugue une incroyable variété
des formes poétiques, s’essaie à toutes les
longueurs de vers, tous les types d’alexan-
drins, s’attachant toujours à assouplir la
forme pour y faire entrer la modernité de
son temps, débarrassée de tout oppressant
classicisme. Aussi, Les Fleurs du mal, dans
l’étendue d’humanité qu’elles recouvrent et
par leur savante et sensuelle écriture, sont
bel et bien un essentiel de la littérature.
En y recueillant l’héritage de toute la poé-
sie romantique, Baudelaire a dessiné une
voie nouvelle. Il s’en explique au détour de
quelques notes : « Qui dit romantisme, dit
art moderne, c’est-à-dire intimité, spiritua-
lité, couleur, aspiration vers l’infini exprimée
par tous les moyens que contiennent les
arts. » Evoluant clairement plus lentement
que le génie baudelairien, la justice fran-
çaise rendra son verdict… en 1949, presque
un siècle plus tard. La Cour de cassation an-
nulera la condamnation des Fleurs du mal,
permettant désormais à l’œuvre d’ouvrir
l’œil et l’esprit de ses lecteurs aux réelles
beautés du vivant et de changer peut-être
leur vie. Telle est la réponse des poètes à la
désespérance d’un siècle. p
christophe averty
Offre de lancement : 1,99 €.
En kiosque dès le 27 décembre.
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JEUDI 28 DÉCEMBRE 2023
LES CHEFS-D’ŒUVRE EN PETIT FORMAT
LES PREMIERS VOLUMES DE LA COLLECTION
Baudelaire, Shakespeare, Victor Hugo… Les premiers volumes de cette collection
des « Essentiels de la littérature », en version intégrale et de petit format, offrent
une plongée dans des textes intemporels, que ce soient des grands romans de fiction,
des ouvrages philosophiques, des pièces de théâtre ou des recueils de poésie.
Plus d’informations sur le site Altaya.fr/livres-bd/mini-livres
Numéro 2. « Hamlet », de William Shakespeare, Numéro 3. « Notre-Dame de
et « Notre-Dame de Paris » (tome I), de Victor Hugo Paris » (tome II), de Victor Hugo
« To be or not to be ? » Synthèse de toutes les interrogations La société du Moyen Age était-elle
de l’homme sur l’âme et l’existence, la célèbre tirade si différente de la nôtre ? Aux élans
d’Hamlet couronne la tragédie de Shakespeare. Récit d’une altiers des bâtisseurs de cathédrales
vengeance conduite par le spectre du père assassiné du prince s’opposent l’obscurantisme d’une
du Danemark venu révéler la vérité à son fils, cette œuvre foi fanatique, le rejet de l’étranger,
embrasse les vertus et les faiblesses des passions humaines, les troubles désirs des hommes
sonde la loyauté, la moralité et l’identité même de son héros. de Dieu… Esmeralda en est
Un questionnement sans âge de l’homme face à lui-même. l’héroïque et sensuelle victime.
Offre de deux volumes pour 6,99 €. En kiosque dès le 10 janvier. Le chef-d’œuvre de Victor Hugo dit
à la fois l’identité et les mœurs
d’une société tout en la mettant en
garde de l’avenir qu’elle se construit.
6,99 €. En kiosque dès le 24 janvier.
Numéro 4. « Le Malade imagi- Numéro 5. « Candide », de Voltaire Numéro 6. « Fables »,
naire » et « L’Avare », de Molière Cette épopée philosophique retrace de Jean de La Fontaine
En habile trublion et amuseur le parcours initiatique d’un jeune On a tous appris les plus célèbres
de Louis XIV, Molière se joue des homme docile, ingénu et bienveillant d’entre elles. Ces Fables dépeignent
codes et usages du Grand Siècle pour parti malgré lui vérifier si « tout est avec brio et humour les travers
railler les travers humains de son pour le mieux dans le meilleur des comme les beautés de l’esprit et des
humour sarcastique. Ces deux comé- mondes ». Il découvrira dans des comportements humains. Associant
dies satiriques, ciselées de brillantes contrées lointaines et colonisées l’es- l’individu au caractère de l’animal,
reparties qui n’ont rien perdu clavage, la guerre, la souffrance, les ces portraits aussi incisifs que précis
de leur finesse ni de leur impact, préjugés, sans jamais se départir d’un réconcilient l’homme avec la nature,
campent avec justesse un monde optimisme à toute épreuve. Candide éclairant ses aspirations, ses doutes,
sexiste et autoritaire où l’amour incarne le choix d’une société nou- ses peurs et souvent ses compromis.
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goût de la révolution des Lumières ? nomie se veulent plus responsables. fresque de la condition humaine.
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Numéro 7. « Le Horla Numéro 8. « Le Tour du monde Numéro 9. « Eugénie Grandet »,
et autres récits fantastiques », en 80 jours », de Jules Verne d’Honoré de Balzac
de Guy de Maupassant Même sans l’avoir lu, chacun connaît Sur les bords de la Loire, Balzac inau-
Ce récit d’une folie corrosive, invente l’odyssée de Phileas Fogg. Tel un gure ses Scènes de la vie de province
une littérature fantastique nourrie mythe moderne, le flegmatique en disséquant la société saumuroise
des expériences de son temps. gentleman britannique, suivi de son qu’incarne Félix Grandet. Despote
Hypnose, spiritisme, goût du surna- compagnon Passepartout, traverse, familial, l’ancien tonnelier devenu
turel disent une fin de XIXe siècle in- de ruses en astuces, de péripéties en milliardaire détient en la personne
quiète de l’avenir. Maupassant délivre émotions, un monde qui change et d’Eugénie, sa fille, un parti que deux
avec virtuosité la part d’irrationnel les change. Roman-clé dans l’œuvre familles convoitent. L’amour et la
présente en nous, embarquant dans de Jules Verne, ce récit épique mort viendront contrarier les rêves
sa paranoïa et ses hallucinations les truffé de rebondissements cultive de grandeur de l’avare patriarche
peurs que chacun peut avoir vécues la surprise et l’imprévu comme les sans état d’âme, révélant les dessous
dans son enfance ou au fil de sa vie. ressorts d’une philosophie de la vie. d’une bourgeoisie passée au crible.
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