3,60 € mardi 26 mars 2024 LE FIGARO - N° 24 755 - www.lefigaro.

fr - France métropolitaine uniquement Première édition

enquête le figaro patrimoine

Le viol, tabou suprême comment tirer le meilleur
de la guerre profit d’une location meublée
en Ukraine Page 15 notre cahier spécial

russie
Attentat à Moscou :
les zones d’ombre La France en alerte maximale
face au terrorisme islamiste
de l’enquête PAGE 4
états-Unis
La justice new-
yorkaise accorde
un nouveau sursis À quatre mois des Jeux olympiques, l’attentat qui a frappé Moscou pousse le gouvernement
à Trump PAGE 5 à déployer des « moyens exceptionnels » partout sur le territoire.
israël Après l’attaque perpétrée à tionnels pour éloigner le pour quadriller gares et aéro- nière. « Réelle et forte », selon è « Les groupes islamistes
À Jérusalem, fêter Moscou vendredi dernier et spectre de nouveaux atten- ports. Mais aussi pour proté- Gabriel Attal, la menace isla- veulent montrer qu’ils
peuvent frapper n’importe
Pourim malgré les menée, selon Emmanuel Ma- tats terroristes. Le plan Vigi- ger les 42 000 églises de miste « passe son temps à se
où et n’importe quand »
è Depuis cinq jours,
cron, par un groupe djihadis- pirate a été relevé au niveau France d’ici le lundi de Pâ-
traumatismes PAGE 7 te à l’origine de « plusieurs maximal et 4 000 militaires ques ou encore les établisse-
métamorphoser, à s’adapter,
et profite de l’ensemble de nos un piratage massif
tentatives » récentes sur le sol vont rejoindre les 3 000 sol- ments scolaires, dont près de vulnérabilités », analyse Éric provoque un climat
entretien français, le gouvernement dats déjà mobilisés dans la 130 ont été visés par des actes Delbecque, expert en sécuri- de tension dans les écoles
Olivier Marleix : déploie des moyens excep- cadre des missions Sentinelle malveillants la semaine der- té intérieure. pageS 2, 3 et l’éditorial
« Ce qui menace
les Français,
c’est la faillite En pleine
du pays ! » PAGE 8
tourmente,
football
Didier Deschamps,
Boeing
l’incontournable limoge
PAGE 13
son PDG
finances Plongé depuis des années
Le poids des dans une crise qui s’est enco-
dépenses sociales, re amplifiée depuis un grave
incident sur un vol d’Alaska
une spécificité bien Airlines, le 5 janvier 2024,
française PAGE 22 lorsqu’une porte de l’appareil
s’était arrachée en plein ciel,
numérique
Élu président
le géant américain de l’aéro-
nautique a décidé de trancher
Bruxelles ouvre
du Sénégal,
dans le vif. Son conseil d’ad-
cinq enquêtes ministration a annoncé lundi
contre Apple, Meta
Diomaye Faye
un profond remaniement de
sa direction. Trois de ses plus
et Google PAGE 25
SEYLLOU/AFP

promet la rupture
hauts dirigeants vont quitter
le groupe, dont le PDG, David
CHAMPS Calhoun. Soutenu à bout de
LIBRES Poussé par son mentor frappé d’inéligibilité, l’opposant Ousmane Sonko, le quadragénaire Diomaye Faye a créé la surprise en
bras par Washington à tra-
vers les contrats du Pentago-
remportant la présidentielle dès le premier tour. Ce musulman pratiquant promet une nouvelle gouvernance, une meilleure ne, Boeing est au bord du
●La tribune répartition des richesses et n’exclut pas de sortir du franc CFA et de renégocier les accords pétroliers et de pêche. PAGE 6 gouffre. PAGE 20
de Pierre Lellouche
et la tribune
collective éditorial par Vincent Trémolet de Villers
de cent maires

Entre deux attentats

et élus locaux
●La chronique
de Renaud Girard

L
es troupes que le président de la Ré- pas d’augmenter la vigilance, les caméras et
●L’analyse de publique se dit prêt à envoyer en les portiques.
Jean-Pierre Robin Ukraine recommencent à pa- « Au-delà de la question sécuritaire, nous dit
PAGES 16 à 17 trouiller dans nos gares, dans nos Hugo Micheron, il existe un djihadisme entre
rues, pour nous protéger des mena- deux attentats. » Il est transplanté par des mili-
ces terroristes. L’épouvantable attentat de tants dans des contre-sociétés qui, sur notre
FIGARO OUI Moscou, réplique du Bataclan, nous rappelle territoire, se structurent grâce à l’immigration
FIGARO NON que les fous d’Allah poursuivent leur agenda anarchique et les effets continus de l’islamisa-
au mépris du nôtre ou de celui de nos adver- tion culturelle. Leur base arrière est sur le ter-
Réponses à la question saires. Les débats théoriques sur la hiérarchie rain même de leurs méfaits, ils profitent à plein
de lundi : des périls disparaissent devant l’évidence. De- de l’affranchissement
Après l’attentat puis l’entreprise macabre de Mohammed Me- Les par la drogue et la dé-
de Moscou, craignez-vous
une escalade
rah en 2012 jusqu’à l’assassinat d’un touriste
allemand près de la tour Eiffel, en décembre
islamistes, linquance de quartiers
entiers. Ils s’appuient
du conflit en Ukraine ? dernier, plus de 270 personnes, des soldats, forts de nos aussi sur les facilités
OUI NON des enfants, des journalistes, des policiers, un
prêtre, des professeurs sont morts, en France,
faiblesses criminelles que leur
74 % 26 % offrent la complaisan-
frappés par la terreur islamiste. Tués parce ce d’une certaine gauche, l’aveuglement de
VOTANTS : 193 139 qu’apostat, juif, laïc bouffeurs d’imams, chré- certains juges, la timidité de gouvernants téta-
tien, mécréant, décadent : « kouffar ». San- nisés par le procès en « islamophobie », le sou-
Votez aujourd’hui
3’:HIKKLA=]UX[U[:?a@n@c@q@a";

dler, Cabu, Hamel, Beltrame, Paty… Les noms tien financier de puissances étrangères. Le
sur lefigaro.fr suffisent à réveiller la douleur, la colère, le projet est d’imposer aux musulmans de France
Déficit public : craignez- recueillement et l’inquiétude. Il faudra sur- d’abord l’application stricte de la charia, avant
M 00108 - 326 - F: 3,60 E

vous que la note de la

France soit dégradée par
veiller les églises la nuit de Pâques et redou-
bler de vigilance pour le rendez-vous donné
d’étendre la loi aux territoires conquis. On
peut faire mine de les oublier, on peut tenter de LOGICIEL DE GESTION
les agences de notation ? au monde entier pour les Jeux olympiques.
Cette menace existentielle, nous nous som-
les minorer ; les islamistes, forts de nos faibles-
ses, poursuivent leur besogne. Tant qu’on ne D’ENTREPÔT
mes résignés à vivre avec. Mais il ne suffira les arrêtera pas, ils continueront d’avancer. ■
Pierre Polard-
01 60 11 92 92 mecalux.fr/logiciel
A

AND : 4,30 € - BEL : 3,70 € - CH : 4,60 CHF - CZ : 122 CZK - D : 4,20 € - ESP : 4,30 € - GR : 3,70 € - LUX : 3,70 € - MAR : 37 DH - MTQ/GLP : 4,30 € - REU : 4,70 € - TUN : 11,00 TND ISSN 0182.5852
 2 mardi 26 mars 2024 le figaro
Après les attentats de Moscou, la France déploie
exceptionnels pour éloigner le spectre d’une att
Jean Chichizola et Christophe Cornevin
Alors que Vigipirate a été hissé à son niveau
maximum, 4 000 militaires ont été appelés
en renfort pour muscler le dispositif Sentinelle.
L
e « Bataclan de Moscou », le
pire attentat djihadiste com-
mis sur le continent euro-
péen depuis ceux du 13 no-
vembre 2015, refait chavirer
la France dans un scénario
de cauchemar. Perpétré vendredi soir à
près de 3 000 kilomètres de Paris, avec un
bilan d’au moins 137 morts dont trois en-
fants et revendiqué par le groupe État is-
lamique au Khorasan (EI-K), ce carnage a
provoqué une onde de choc jusqu’au
sommet de l’État. Dimanche soir, après
un Conseil de défense et de sécurité na-
tionale présidé par Emmanuel Macron à
l’Élysée, Matignon a décidé de relever la
posture du plan Vigipirate au niveau
« urgence attentat », c’est-à-dire à son
seuil « maximal » qui correspondait jadis
à la couleur écarlate. En théorie prévu
pour durer un temps limité, celui de la
gestion de crise, il permet notamment
d’assurer la mobilisation de moyens
coercitifs, assortis au besoin de mesures
exceptionnelles, comme la fermeture des
routes, du métro ou encore l’arrêt des
déplacements scolaires. « Nous allons
nous démultiplier davantage et déployer
partout des moyens exceptionnels pour as-
phyxier l’islamisme, qui est un engrenage
de haine, se nourrit de nos naïvetés et veut
tuer la République », a déclaré, lundi, Ga-
briel Attal. Depuis la gare Saint-Lazare, le
premier ministre a annoncé le renfort de
4 000 militaires supplémentaires dans la
cadre des missions Sentinelle, qui mobili-
sait jusqu’ici 3 000 soldats.
Sans attendre, la méthode « sac de sa-
ble » se déploie donc sur tout le territoire
où guettent mille dangers. Alors que les
catholiques sont entrés dans la semaine
sainte jusqu’au lundi de Pâques, des pa-
trouilles à pied et en voiture vont être dé-
ployées pour sécuriser les 42 000 églises
du pays. Par milliers, policiers et gendar-
mes vont multiplier les patrouilles dans
les gares et les aéroports tandis que les
fouilles et les opérations de filtrage vont
Depuis cinq jours, un piratage massif
provoque un climat de tension dans les écoles
Caroline Beyer
C’
est un piratage massif qui se
répète depuis cinq jours. Au
total, près de 130 menaces
d’attentat ont visé des lycées
et collèges, en Île-de-France, dans les
Hauts-de-France et dans la région
Grand Est, via les « espaces numériques
de travail » (ENT), ces outils de com-
munication utilisés par les élèves, leurs
familles et les enseignants. Lundi, les
établissements scolaires ont fait l’objet
d’une vigilance accrue, à l’heure où la
France est en alerte maximale après
l’attentat de Moscou.
Dans la nuit du 20 au 21 mars, les élè-
ves de 74 lycées d’Île-de-France rece-
vaient ce message via leur messagerie
ENT : « Demain jeudi 21 mars, je ferai
exploser l’établissement tout entier vers
11/15 heures et je décapiterai tous vos
corps de kouffar pour servir Allah le
tout-puissant qui règne sur le monde. »
Le mail qui mentionne l’État islamique
invite à ouvrir une vidéo qui « montrera
comment tuer facilement tous ces mé-
créants ». Il s’agit d’une double décapi-
tation.
Parmi les élèves qui ont lu ce messa-
ge menaçant dans la nuit, certains ne
sont pas allés en cours le lendemain.
D’autres l’ont découvert le 21 mars,
alors qu’ils étaient au lycée. « C’est le
cas de ma fille de 16 ans. Par curiosité,
elle a ouvert la vidéo. Elle m’a ensuite
envoyé des SMS plus qu’angoissés pour
me dire qu’elle n’allait pas rester dans
l’établissement. Je ne me sentais pas de
lui dire non, alors même que j’étais sur le
coup depuis mercredi et que les doutes
A
étaient levés quant aux menaces réel-
les », raconte Laurent Zameczkowski,
L’ÉVÉNEMENT
être renforcées à l’entrée des salles de
spectacles. Enfin, des équipages en tenue
quadrillent les abords des établissements
scolaires depuis que près de 130 lycées et
collèges ont été visés, en une semaine,
par des menaces d’attentats à la bombe –
accompagnés parfois de vidéos de déca-
pitation - via les espaces numériques de
travail (ENT), en Île-de-France, dans les
Hauts-de-France et la région Grand Est.
Train de mesures
À quatre mois de la cérémonie d’ouvertu-
re de Jeux olympiques à très hauts ris-
ques, la mise en place de ce train de me-
sures accentue, comme s’il en était
encore besoin, la pression sur les services
français. Même si les organisateurs répè-
tent tel un mantra que « c’est l’esprit de la
fête qui devra primer », les stratèges de la
Place Beauvau n’ignorent rien de l’Hima-
laya sécuritaire qui se dresse devant eux :
ce rendez-vous planétaire, suivi par plus
de 1 milliard de spectateurs, va offrir sur
un plateau aux ennemis de la France l’oc-
casion de la frapper au cœur. « La police
française, les gendarmes, les préfets et les
renseignements seront prêts », voulait
rassurer lundi Gérald Darmanin depuis la
métropole lilloise, bien conscient que « la
France, parce qu’elle porte des valeurs uni-
verselles, qu’elle est pour la laïcité (…) est
particulièrement menacée, notamment
pendant ces événements extraordinaires
que vont être les Jeux olympiques ». Plus
que jamais, les services vont surveiller les
quelque 5 200 radicalisés faisant l’objet
d’un suivi actif au fichier des signale-
ments pour la prévention de la radicalisa-
tion à caractère terroriste (FSPRT).
Le premier flic de France n’a pas atten-
du l’attaque de Moscou pour tirer le signal
d’alarme. « De plus, le contexte interna-
tional tendu ainsi que les attentats d’Arras
et de Bruxelles en octobre et de Paris en dé-
cembre 2023 ont eu pour effet de confirmer
l’élévation du niveau général de la menace
djihadiste sur le territoire national », a
porte-parole de la fédération de pa-
rents d’élèves Peep, et père de la jeune
fille scolarisée dans un lycée de Poissy
(Yvelines). « On peut rationaliser, mais
il y a des risques que l’on ne peut accep-
ter quand il s’agit de nos enfants, pour-
suit-il. Dès lors qu’une sphère de
confiance est atteinte et qu’une brèche
est ouverte, tout le monde psychote.
D’autant plus depuis l’attentat de Mos-
cou. En tant que parent, on essaie de
prendre un peu de recul, mais on a du
mal à ne pas lier les deux. On se deman-
de s’il y a réellement un terroriste derriè-
re ces messages, s’il s’agit d’un concur-
rent d’Édifice (la société qui fournit les
ENT de la région Île-de-France, mais
aussi des Hauts-de-France, également
touchée par un piratage, NDLR) ou en-
core d’un hackeur psychopathe… »
Menaces d’alerte à la bombe
Les ENT, proposés aux établissements
scolaires par les collectivités (les ré-
gions pour les lycées et les départe-
ments pour les collèges), via des édi-
teurs de logiciels, sont censés être des
espaces sécurisés. Régulièrement pour-
tant, ils sont confrontés à des piratages.
« Mais là, il s’agit d’une attaque massive
et préparée, exigeant un certain niveau
de technicité. Le but n’est pas d’accabler
les régions, mais elles ont été défaillantes
à travers leurs prestataires. On aurait pu
attendre pour nos enfants un niveau de
sécurité comparable à celui imposé pour
les banques ! », assène Laurent Zamec-
zkowski.
Le 22 mars, des menaces d’alerte à la
bombe, cette fois non accompagnées de
la vidéo, ont visé 22 collèges de Seine-
et-Marne, via l’ENT départemental. Le
lendemain, c’est la région des Hauts-
de-France, regroupant les académies
Gabriel Attal s’entretient
avec des soldats de l’opération
Sentinelle, lundi, lors d’une visite
à la gare Saint-Lazare.
renchéri le ministre. Pour mémoire, la
France a été, depuis 2012, le théâtre de
25 attentats ayant fait 273 morts et plu-
sieurs centaines de blessés, sachant que
21 attaques islamistes ont échoué et
75 projets d’attentats ont été déjoués.
Si la France, et d’autres pays européens
comme l’Italie, ont décidé de hausser la
garde, c’est en effet parce que l’attentat
de Moscou est un message adressé à l’en-
semble des pays visés par l’État islamique.
Vendredi soir, dans sa revendication,
d’Amiens et de Lille, qui a signalé des
menaces pour 18 collèges et lycées.
« Sachez qu’on viendra armés à plu-
sieurs, lundi, et qu’on aura tous des ex-
plosifs en cas de soucis », annonce le
message maladroitement rédigé, avec
de nombreuses fautes, qui évoque « 122
établissements touchés » le 25 mars.
Puis, dans la nuit de dimanche à lundi,
le Grand Est a également été visé. Le
rectorat de Reims a indiqué qu’une di-
zaine d’établissements étaient concer-
nés dans la Marne, les Ardennes,
l’Aube et la Haute-Marne et que cer-
tains des messages contenaient une vi-
déo de décapitation. L’académie de
Strasbourg, elle, fait état d’une trentai-
ne d’établissements visés. « Nous som-
mes en train de faire les remontées, ex-
plique-t-on. Il s’agit d’alertes à la
bombe, mais aussi de menaces. Dans un
établissement, un mail a été envoyé pour
annoncer un attentat visant “les person-
nes arabes et musulmanes”. » Confor-
mément au PPMS (plan particulier de
mise en sécurité), les établissements
ont été évacués.
« Nous sommes vigilants et mobilisés,
explique-t-on à l’académie d’Amiens,
où le recteur s’est rendu lundi dans
trois établissements, en compagnie du
préfet de la Somme. Des équipes de po-
lice et de gendarmerie se sont dé-
ployées aux abords des collèges et ly-
cées, tandis que des cellules d’écoute
ont été ouvertes pour les élèves. « Fa-
talement, certains ne sont pas venus en
cours. Mais on ne peut pas parler de psy-
chose », poursuit-on. Le gouvernement
« traque » les auteurs des menaces, a
affirmé, dès le 21 mars, le premier mi-
nistre, Gabriel Attal, qui a par ailleurs
annoncé qu’un audit des ENT touchés
allait être lancé. ■
Daech évoquait d’ailleurs non pas la Rus-
sie et Vladimir Poutine, mais une attaque
« contre un grand rassemblement de chré-
tiens » menée « dans le contexte de la
guerre faisant rage entre (Daech) et les
pays combattant l’islam ». Or Paris sait
parfaitement que l’État islamique, et tout
particulièrement sa branche afghane
l’État islamique–Khorasan, cherche tout
autant à frapper « des chrétiens » (ou
autres cibles) en France, « pays combat-
tant l’islam » selon l’EI-K. Lundi, Emma-
« Les groupes islamistes veulent
qu’ils peuvent frapper n’importe
É
ric Delbecque est expert en sécu-
rité intérieure. Ancien directeur
de la sûreté de Charlie Hebdo
après l’attentat de 2015, il est
l’auteur des Silencieux. Ne nous trompons
pas, les salafistes menacent la République
(Plon, 2020).
LE FIGARO. - L’attaque survenue dans
une salle de concert de Moscou vendredi
22 mars a fait au moins 137 morts,
selon un dernier bilan des autorités.
Celle-ci a été revendiquée par le groupe
djihadiste État islamique (EI). La Russie
était-elle une cible particulière
pour l’État islamique ? Comment
expliquer que ce pays ait été frappé ?
ÉRIC DELBECQUE. - D’abord, atten-
dons que suffisamment d’informations
nous permettent d’interpréter cette tra-
gédie. Observons en revanche que l’État
islamique exploite des opportunités
pour agir. La vraie question est d’abord
celle-là, me semble-t-il : quelles étaient
les fenêtres d’action, notamment opé-
rationnelles, qui facilitaient la commis-
sion d’un tel acte ? Pour le reste, il est
bien clair que les islamistes en général
n’ont jamais oublié les opérations russes
en Tchétchénie et en Syrie. On efface un
peu vite les Tchétchènes de 2002, qui
avaient pris en otages 912 personnes
dans le théâtre moscovite de la Doubro-
vka, exigeant l’évacuation des troupes
russes de Tchétchénie. Les militaires
russes donnèrent l’assaut, et l’on comp-
ta 130 morts, quasiment tous victimes
du gaz employé par les forces spéciales.
Impossible dès lors d’ignorer que les ra-
dicaux islamistes comptent la Russie
dans leur cartographie d’ennemis
structurels. La seule question est de sa-
voir quel est le moment privilégié où ils
pourront actualiser leur haine.
nuel Macron a d’ailleurs souligné que
l’EI-K « avait conduit ces derniers mois
plusieurs tentatives sur notre propre sol ».
Le chef de l’État a confirmé, sans donner
plus de détails, qu’après l’attentat de
Moscou, la France avait proposé à la Rus-
sie « une coopération accrue ». Une pro-
position qui illustre la réalité et l’intensité
que fait peser « le djihadisme collectif »
sur l’ensemble des « mécréants » quelle
que soit leur nationalité.
La menace est d’autant plus grave que
Y a-t-il un problème spécifique
à l’islamisme en Russie ?
Je ne suis pas certain que la problémati-
que puisse s’énoncer ainsi. Par contre, en
regard du contexte russo-ukrainien,
nous autres Européens négligeons
d’apercevoir que les Russes continuent
aussi à mener des opérations antiterroris-
tes en Ingouchie, récemment à Karabou-
lak contre six membres présumés de l’EI,
et martèlent avoir réduit à néant en mars
une cellule de l’État islamique au Khora-
san – précisément les mêmes qui reven-
diquent cet attentat à Moscou – dans la
région de Kalouga. Quant au Daguestan,
il s’ajoute à la liste des motifs générateurs
potentiels de tels massacres. On voit donc
que les islamistes identifient clairement
l’État russe comme un objectif. Tout cela
paraît relativement logique et explicable.
Ce drame nous démontre dans le même
temps que le Kremlin n’aurait pas dû
prendre à la légère les avertissements des
Éric Delbecque, expert en sécurité
intérieure. ERIC GARAULT/Le Figaro
Magazine
 L’ÉVÉNEMENT le figaro mardi 26 mars 2024 3

des moyens CONTRE-POINT

PAR GUILLAUME TABARD

aque terroriste Face à l’islamisme, la bataille de la crédibilité

En novembre 2022, à Strasbourg, à quel-
ques jours de l’ouverture du marché de
Noël, des policiers de la Direction généra-
le de la sécurité intérieure (DGSI) inter-
pellaient deux djihadistes, un Tadjik et un
Russe d’origine tchétchène, qui venaient
d’arriver en France. Pour les enquêteurs,
les deux hommes étaient commandités
par l’EI-K pour frapper dans l’Hexagone.
En juillet 2023, six Tadjiks et trois autres
citoyens de pays de l’Asie centrale (deux
Kirghizes, un Turkmène) étaient inter-
pellés à leur tour, mais cette fois en Alle-
magne, en Belgique et aux Pays-Bas. Une
partie des suspects étaient de faux réfu-
giés ayant transité par l’Ukraine.
Six mois plus tard, de nouveau en Alle-
magne mais aussi en Autriche et en Espa-
gne, plusieurs Tadjiks en lien avec l’EI-K
étaient arrêtés. Pour les enquêteurs alle-
mands, ils visaient des lieux de culte
chrétiens comme la cathédrale de Colo-
gne. Enfin le 19 mars, trois jours avant
l’attentat de Moscou, la police allemande
arrêtait deux Afghans, en lien avec l’EI-K
dans un Land de l’est du pays. Les deux
hommes sont accusés d’avoir préparé un
attentat en Suède pour « punir » ce pays
après l’affaire des corans brûlés au cours
de manifestations. Ils recherchaient des
armes et envisageaient d’ouvrir le feu sur
la foule aux abords du Parlement suédois.
Mais l’impact de l’attentat de Moscou
ne se limite pas aux agissements de
l’EI-K. Il peut aussi avoir des répercus-
sions sur la mouvance endogène regrou-
pant des individus sans lien opérationnel
avec Daech, mais pouvant être motivés
BERTRAND GUAY/AFP
U
n conseil de sécurité réuni à
l’Élysée dès dimanche soir,
le premier ministre en tour-
née d’inspection des forces
de sécurité gare Saint-Lazare ce lundi,
puis le ministre de l’Intérieur au
« 20 Heures » : l’exécutif donne tous les
signes possibles de sa prise au sérieux
de la menace terroriste islamiste.
La Russie peut sembler lointaine
mais, via les élus notamment, l’exécutif
a mesuré que l’attentat de Moscou avait
dominé les conversations du week-
end, réveillant chez les Français le sou-
venir traumatisant du Bataclan. À qua-
tre mois des Jeux olympiques, le
gouvernement doit tenir une ligne de
crête en matière de communication : ni
déni ni affolement. Il faut à la fois ne pas
nier la réalité persistante du péril isla-
miste, car tout sentiment de cécité se-
rait sévèrement sanctionné par une
opinion qui n’accorde pas une crédibi-
lité maximale au pouvoir macroniste
en matière régalienne. Et à la fois ne pas
laisser s’installer une forme de panique
dans le pays, alors que les outils d’aler-
te et de lutte contre le terrorisme ont
été considérablement renforcés depuis
2017.
D’où, d’un côté, le relèvement du ni-
veau de l’alerte Vigipirate. Habituelle-
ment automatiquement réduite après
trois mois de mise en œuvre, elle sera
cette fois maintenue au moins jusqu’au
terme des JO et des Jeux paralympi-
ques. Et, de l’autre, le rappel, par Ga-
briel Attal et Gérald Darmanin, de l’ef-
ficacité des services de renseignements
français, dont le budget a été doublé et
qui a su déjouer huit projets d’attentats
islamistes depuis 2022, dont deux pour
les trois seuls premiers mois de 2024. Il
paraît loin le temps où certaines oppo-
sitions, à gauche, reprochaient au pou-
voir macroniste de prolonger l’état ur-
gence décrété dans les années
Hollande, puis intégraient une partie
de ses dispositions dans le droit com-
mun. Mais en termes de communica-
tion, face au risque terroriste, c’est
l’éternelle question : la révélation des
attentats déjoués fait-elle davantage
remarquer l’ampleur de la menace ou
l’efficacité de la riposte ?
Il est une autre ligne de crête pour
l’exécutif : le contexte de la guerre en
Ukraine, dans lequel s’inscrit l’attentat
de Moscou. Il y a un premier registre
que les équipes d’Emmanuel Macron ne
se privent pas de mettre en avant : alors
que l’émotion et la colère suscitées par
les actes terroristes renforcement la
demande d’un pouvoir fort, voire
autoritaire, l’attaque contre la salle de
concert russe démontre qu’un régime
le plus autoritaire, sinon totalitaire,
qu’il soit n’offre pas plus de garantie
absolue contre le terrorisme qu’un
pays où l’état de droit est maintenu.
Mais il y a un autre registre plus diffi-
cile à manier. Le brutal rappel de la
menace islamiste n’invite-t-il pas à
hiérarchiser les périls ? Autrement dit,
la France a-t-elle plus à redouter de la
guerre menée par la Russie à l’Ukraine
ou de la guerre menée par l’islamisme à
toute une partie du monde, y compris
la France et y compris la Russie ? Et, par
voie de conséquence, la France doit-
elle plutôt envisager d’envoyer des
troupes en Ukraine, comme le chef de
l’État l’a évoqué, ou de renforcer ses
effectifs sur son propre territoire ? Une
fois encore, la campagne n’est pas loin.
Accusé de « poutinophilie », le RN sou-
ligne la dimension mondiale du péril
islamiste. L’exécutif, lui, veut se poser
en protecteur des Français. Mais le sen-
timent de protection ne se décrète
pas. ■

par la réussite de l’opération et décider de

l’EI-K (de son nom « officiel » « État isla-
mique en Irak et au Cham-Wilaya de
Khorasan », né en 2014) est une organisa-
tion redoutable qui a profité du retrait
américain d’Afghanistan en 2021. En
2022, des experts de l’ONU lui attri-
buaient quelque 4 000 combattants, dont
« près de la moitié sont des terroristes
étrangers ».
Or ce même EI-K est apparu sur les ra-
dars des services de renseignements
français et européens depuis plus d’un an.
passer à l’acte avec des moyens rudimen-
taires (couteau, véhicule bélier…). Car
depuis vendredi soir, la mouvance djiha-
diste exulte et salue un « succès » contre
les « kouffar ». Comme les massacres
perpétrés par le Hamas le 7 octobre,
l’horreur moscovite peut avoir des
conséquences. À noter enfin que le terro-
riste ayant perpétré l’attentat de Bir Ha-
keim, le 2 décembre, se disait motivé par
le conflit israélo-palestinien mais avait
aussi adopté le nom de guerre d’Abou
Talha al-Khorasani, « une référence, selon
le procureur national antiterroriste Jean-
François Ricard, à l’organisation terroriste
État islamique agissant actuellement à
partir de l’Afghanistan ». Jamais le spectre
de la menace n’a été aussi présent. ■

montrer
où et n’importe quand »
Américains lorsqu’ils ont alerté sur la pos-
sibilité d’un tel acte en Russie. Toutefois, je
ne vois pas, hélas, comment la situation
internationale actuelle aurait pu aboutir à
une dynamique d’écoute plus féconde en-
tre les deux pays… On ne peut dorénavant
que constater le carnage qui en résulte.
Peut-on imaginer que l’EI ait vu le conflit
russo-ukrainien comme une opportunité
pour frapper à nouveau un pays
du continent européen ?
Probablement. Il y a chez ces groupes isla-
mistes une volonté d’occuper le terrain de
l’image et les esprits, de montrer qu’ils
peuvent agir dans n’importe quel lieu, de
susciter la terreur, de surprendre et de
marquer atrocement les consciences. De
plus, on l’a dit, ils ne considèrent pas les
Russes comme des « innocents ». On peut
de surcroît faire l’hypothèse qu’ils souhai-
taient faire parler d’eux et ne pas laisser
tout l’espace médiatique et politico-sym-
bolique au Hamas : c’est cynique, certes,
impossible cependant de ne pas l’évoquer.
Enfin cela rappelle brutalement que les
djihadistes considèrent sans nul doute
possible la Russie comme un morceau
d’Occident chrétien…
Cet attentat s’inscrit-il dans une menace
djihadiste, plus large, qui vise l’Europe ?
Bien sûr, mais ce n’est pas nouveau… La
menace djihadiste n’a jamais vraiment
cessé. Elle passe son temps, en revanche, à
se métamorphoser, à évoluer, à s’adapter.
Elle profite de l’ensemble de nos vulnéra-
bilités.
Quelle est son ampleur aujourd’hui ?
Difficile de répondre en ces termes. On
peut cependant dire que jamais autant de
n’avaient agi en même temps : nous som-
mes aujourd’hui débordés par les acteurs
de radicalisation les plus variés qui condi-
tionnent les esprits au basculement dans la
violence. C’est en cela que le séparatisme
constitue pour la France et un certain
nombre de nations européennes un dou-
ble danger : il fragmente le corps social,
dissout la cohésion nationale et travaille
simultanément les cerveaux les plus sus-
ceptibles de passer à l’offensive armée, soit
à travers des actes isolés (par exemple,
s’attaquer à des gens avec un couteau ou
un marteau), soit en participant à des opé-
rations plus vastes et insupportablement
sanglantes, qui rappellent en effet le Bata-
clan, comme celle qui vient de se dérouler
à Moscou.
Faut-il s’attendre à une nouvelle vague
d’attentats en Europe ?
Ça tombe en effet sous le sens, mais nous
avons toujours été prévenus. Les experts
et les gouvernements, Gérald Darmanin
encore récemment, alertent régulière-
ment sur cette possibilité. Ces « vagues »
ne sont pas strictement des périodes de
violence succédant à des séquences d’ac-
calmie. Il existe donc un potentiel perma-
nent d’actions djihadistes qui réussit à
s’exprimer à certaines occasions parce que
des individus vont passer à l’acte, s’agré-
ger à des actions ou profiter d’un événe-
ment particulier. Ils peuvent être aussi pi-
lotés par d’autres acteurs étatiques ou
paraétatiques, et évidemment par des or-
ganisations terroristes islamistes elles-
mêmes connues et disposant d’importants
moyens matériels et/ou de propagande. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR
Ronan Planchon
A

« bases » idéologiques, de points de diffu- » Lire aussi Pages 16 et 17

sion d’un discours fréro-salafiste, +
 4 mardi 26 mars 2024 le figaro International

Attentat à Moscou : les zones d’ombre de l’enquête

Alain Barluet Correspondant à Moscou

Les autorités russes ont arrêté des hommes d’origine tadjike après le massacre, mais continuent d’incriminer Kiev.

D
e la confusion et beaucoup ciaux tout le week-end. Faridouni a été totale, a néanmoins publié samedi une vi- chaîne Telegram Histoires importantes, elle se confirmait, mettrait à mal la thèse
de questions entouraient montré allongé, sans pantalon avec des fils déo présentée comme montrant un inter- cet homme, Abdullo Bouriyev, de nationa- officielle russe excluant a priori la respon-
lundi l’enquête sur l’atten- électriques d’un téléphone militaire de rogatoire de Chamsiddin Faridouni. Celui- lités tadjike et russe, pourrait être l’organi- sabilité de l’EI et incriminant l’Ukraine.
tat du Crocus City Hall. campagne reliés à ses parties génitales. Di- ci n’évoque aucun motif idéologique ou sateur de l’attentat du Crocus. De même Une thèse martelée par les télévisions
Perpétrée, selon les auto- manche soir, dans la cage des prévenus, religieux mais déclare avoir agi pour de source, Bouriyev était déjà dans le collima- fédérales, et que beaucoup de Russes, sous
rités, par au moins quatre comme assommé, il avait le visage gonflé, l’argent, 500 000 roubles (5 000) euros teur des services de sécurité turcs pour son le choc, sont prêts à croire… Malgré les in-
hommes originaires d’Asie centrale que très probablement à cause des coups. Ra- dont il avait déjà reçu la moitié par vire- appartenance à l’EI-K, la branche afghane terrogations qui subsistent. Comment ex-
Vladimir Poutine a qualifiés d’« islamistes chabalizoda, lui, est entré dans la salle ment. « J’ai tiré sur des gens pour de l’ar- de Daech. Celle-là même dont le rensei- pliquer de telles failles des services de sé-
radicaux », cette attaque dans une salle de d’audience un bandage sur la tête. Une vi- gent », dit l’homme dans cette vidéo, af- gnement américain affirme qu’elle est im- curité ? De quelle façon les agresseurs ont-
spectacle de la périphérie de Moscou, re- déo, diffusée un peu plus tôt sur la chaîne firmant avoir été en contact, via Telegram, pliquée dans l’attentat du Crocus City Hall. ils pu pénétrer aussi facilement dans
vendiquée par l’État islamique (EI), a fait Telegram Grey Zone, bien connectée aux avec un « assistant prédicateur » qui l’auditorium et perpétrer un massacre en
137 morts, dont trois enfants, et 182 blessés services de sécurité, montrait comment, l’aurait recruté. D’autres personnes, dont Failles des services de sécurité 18 minutes, mettant le feu, avant de repar-
parmi lesquels 97 étaient toujours hospi- après son arrestation, on lui aurait coupé il affirme ne pas connaître le nom, lui Ce groupe terroriste est aussi accusé tir ? Pourquoi les issues de secours étaient-
talisés. Un bilan non définitif, le déblaie- au couteau une partie de l’oreille, qui a en- auraient fourni des armes. d’avoir pris d’assaut, au début de cette elles verrouillées par des cadenas ? Pour-
ment complet de l’auditorium, incendié suite été introduite dans sa bouche. Dalerjon Mirzoïev, dont une partie de année, l’église catholique Sainte-Marie à quoi les forces de l’ordre ont-elles mis plus
par les agresseurs, devant se poursuivre Placés en détention provisoire jusqu’au l’interrogatoire a également été diffusée, a Istanbul. Selon les services turcs, Abdullo d’une heure à intervenir alors que la ca-
jusqu’à mardi. Environ un millier de per- 22 mai, tous risquent une peine d’empri- raconté pour sa part avoir été en contact Bouriyev, en tant que membre de la cellu- serne de la Rosgvardia n’était qu’à quatre
sonnes, notamment des membres des sonnement à perpétuité. Cette première avec un certain Abdullo, aussi grâce à Te- le tadjike de l’EI-K, aurait coorganisé kilomètres - soit neuf minutes - de là ?
équipes de secours et maîtres-chiens, audience s’est déroulée à huis clos, offi- legram, et qui pourrait être ce même « as- l’attaque contre l’église, avant de fuir en Autant de questions obsédantes qui res-
étaient toujours à l’œuvre lundi. ciellement pour empêcher la « divulgation sistant prédicateur ». Ce dernier aurait Russie. Certes, tempère Histoires impor- taient lundi encore sans réponse. ■
Deux fusils d’assaut Kalachnikov et de secrets d’État ». Margarita Simonian, la proposé à la petite équipe de « travailler tantes, il existe plus de vingt personnes en
cinq cents cartouches ont été retrouvés patronne de la chaîne télévisée Russia To- ensemble ». C’est lui qui aurait payé la Re- Russie répondant au nom d’Abdullo ou
» Lire aussi Pages 16 et 17
sur les lieux. Au total, onze personnes ont
été arrêtées, selon les autorités. Lundi, le
day, dont la proximité avec le Kremlin est nault blanche du commando. Selon la Abdullah Bouriyev. Reste que la piste, si +
tribunal chargé de l’affaire a annoncé à
l’AFP le placement en détention provisoi-
re de trois suspects (un père et deux de ses
fils d’après l’agence de presse Ria Novos-
ti), sans préciser s’ils faisaient partie des
onze suspects déjà mentionnés. D’après
BBC-Russia, deux autres personnes ont
été tuées, l’une sur le site même de l’atta-
que, l’autre au moment de l’interpellation
du commando en fuite à bord d’une Re-
nault blanche, dans la région de Briansk, à
370 km au sud-ouest de Moscou, à proxi-
mité des frontières de la Biélorussie et de
l’Ukraine. Un élément utilisé par Vladi-
mir Poutine, samedi, pour pointer du
doigt la responsabilité du régime de Kiev,
qui aurait « ouvert une fenêtre » aux ter-
roristes - lesquels ont « tous » été appré-
hendés, a dit le chef du Kremlin.

Sévices et tortures
Dimanche soir, les quatre auteurs présu-
més de l’attaque ont été présentés au juge,
à Moscou et accusés d’acte de terrorisme :
Dalerjon Mirzoïev, 32 ans, originaire du
Tadjikistan, père de quatre jeunes enfants ;
Saidakrom Rachabalizoda, 28 ans, né lui
aussi au Tadjikistan et vivant à Moscou ;
Chamsiddin Faridouni, 24 ans, également
de nationalité tadjike, père d’un bébé de
huit mois, et Muhammadsobir Faizov - un
coiffeur de 19 ans, citoyen tadjik lui aussi.
Ce dernier a été présenté à l’audience dans
une chaise roulante dans un état semi-
conscient, vraisemblablement à la suite

OLGA MALTSEVA/AFP
des coups reçus lors de son arrestation. À
voir leurs visages et leurs mines hébétées,
tous ont subi des sévices - comme en té-
moignent aussi des vidéos et des photos
difficilement regardables qui seraient des
extraits de leur « interrogatoire », et qui
ont tourné en boucle sur les réseaux so- Les quatre assaillants présumés du Crocus City Hall lors de leur audience au tribunal du district de Basmanny, à Moscou, dans la nuit du 24 au 25 mars.

Le jeu de Poutine pour accuser l’Ukraine dans l’attaque du Crocus City Hall

L
e Kremlin se refusait toujours
lundi à évoquer la responsabilité
éventuelle de l’État islamique
(EI) dans l’attentat perpétré ven-
dredi soir contre l’auditorium du Crocus
City Hall de Moscou. « L’enquête est en
cours, pas de commentaire », a déclaré en
substance lundi, le porte-parole de la
présidence, Dmitri Peskov. Un affichage
d’impartialité qui serait de bon aloi s’il
n’était contredit par plusieurs voix offi-
cielles, dont celle de Vladimir Poutine
lui-même. Au lendemain de l’attaque, en
effet, le président russe et ses puissants
services de sécurité, le FSB, n’avaient pas
mentionné l’implication djihadiste, évo-
quant de concert une piste ukrainienne
pourtant vigoureusement démentie par
Kiev et les Occidentaux.
Comme l’a affirmé le chef du Kremlin
dans sa première intervention télévisée
après l’attentat, les tueurs présumés ten-
taient de rejoindre le territoire ukrai-
nien, signant selon lui la responsabilité
du régime de Kiev. Le lendemain, la por-
te-parole du ministère des Affaires
étrangères (Mid), Maria Zakharova tirait
également l’argumentaire dans le sens
d’une responsabilité, exclusive de
l’Ukraine et des Occidentaux. « Le refus
de condamner des années d’attaques ter-
roristes par le régime de Kiev et un soutien
à toutes les actions, même les plus
condamnables de Zelensky - tout cela in-
dique clairement l’implication des occu-
pants actuels de la Maison-Blanche dans le
parrainage de l’organisation terroriste
Daech », écrit Mme Zakharova dans une
tribune de la Komsomolskaïa Pravda.
« Les Américains se sont piégés eux-mê-
mes avec les histoires selon lesquelles l’at-
taque du Crocus a été menée par Daech »,
affirme-t-elle en expliquant qu’il s’agi-
rait avant tout pour Washington de
« couvrir le régime de Zelensky » en agi-
tant l’« épouvantail » de l’État islamique.
Foin de la piste du terrorisme islamiste,
s’efforce également de faire valoir
Alexandre Artamonov, professeur à
l’Académie diplomatique du Mid. « Je ne
crois pas qu’on ait juste eu un acte de ter-
rorisme international », explique-t-il sur
la chaîne Russia Today. Selon lui, on a af-
faire en réalité à « une opération menée
par les états-majors de plusieurs pays qui
sont en guerre contre nous », façon de dé-
signer sans les nommer les États-Unis,
l’Ukraine, voire les pays « inamicaux »
comme ceux de l’UE.
« Il n’y a pas de lien avec l’Ukraine.
C’est juste davantage de propagande du
Kremlin », a répété lundi John Kirby, le
porte-parole du Conseil de sécurité na-
tionale, à Washington, pour tenter de
tordre le cou à la ligne défendue depuis
trois jours par Moscou sur les responsa-
bilités dans l’attentat de vendredi soir.
Cibler l’Ukraine, à la suite de cet événe-
ment qui bouleverse les Russes, permet
en bonne logique de masquer les failles
sécuritaires, de mobiliser les esprits -
avant peut-être les hommes eux-mê-
mes et de faire taire d’éventuelles criti-
élections, de sa victoire douteuse aux
élections et ne participe à aucune mani-
festation », lit-on encore sur Baza qui
fait allusion à la réélection, le 17 mars, de
Vladimir Poutine avec le score soviéti-
que de 87 % des suffrages.
« Accuser l’Occident
permet de ne pas diviser
la société russe,
multiconfessionnelle
et multiethnique,
et de maintenir
l’intégrité territoriale
de la Fédération »
Dimitri Minic
Chercheur à l’Ifri
Alors que ce plébiscite était censé affi-
cher la stabilité et la sécurité du pays,
l’attaque du Crocus City Hall peut s’ap-
parenter à un camouflet pour le chef du
Kremlin. « Il y a une instrumentalisation
(de l’attentat, NDLR) parce que l’obses-
Selon Dimitri Minic, de l’Institut fran-
çais des relations internationales (Ifri), lui
aussi interviewé par l’AFP, le chef de
l’État russe « agit de façon prévisible et
reste cohérent avec une ligne traditionnelle
chez les élites politicologues militaires »
qui « ont tendance » à être aveuglées par
des croyances et un mode de pensée qui
« les poussent à croire que l’Occident se
trouve derrière tout événement déstabili-
sant ». L’expert voit dans le récit de
l’attentat par le chef du Kremlin une
volonté de « ne pas brouiller » la ligne
idéologique : « the West vs the Rest »,
l’Occident contre le reste du monde.
En outre ajoute ce spécialiste de la Rus-
sie, « accuser l’Occident permet de ne pas
diviser la société russe, multiconfessionnelle
et multiethnique, et de maintenir l’intégrité
territoriale de la Fédération ». Une « diver-
sité » de la société russe, mise à mal de lon-
gue date par une xénophobie notoirement
désinhibée à l’encontre des ressortissants
d’Asie centrale et qui pourrait se renforcer
après l’attentat. Dans leurs réactions,
nombre de Russes n’hésitent pas à pointer
du doigt ces immigrés de l’ex-URSS, nom-

7 H -9 H
ques, estiment les observateurs. « Hier, sion de Vladimir Poutine, c’est l’Ukrai- breux à occuper les emplois de chauffeurs
il y avait des Ingouches, aujourd’hui des ne », souligne une ancienne ambassadri- de taxi ou de coursiers. Les « contrôles au

EUROPE 1 MATIN Tadjiks, ce soir ce seront peut-être des ré-

sidents du Zimbabwe ? », écrit avec une
Dimitri Pavlenko ironie mordante le site d’information
indépendant Baza. « Nous sommes
Retrouvez l’Edito politique à 7h53 avec Alexis Brézet convaincus que cet attentat terroriste est
A
ce de France en Russie, Sylvie Bermann,
interrogée par l’AFP. « Il est dans sa logi-
que de guerre en Ukraine, et les Ukrai-
niens sont responsables de tout », dit la
diplomate sans toutefois s’avancer sur la
faciès », permanents à Moscou, devraient
encore renforcer. Et les agressions en ligne
se multiplier. Des captures d’écran d’ap-
plications de taxis, telle Yandex, circulent
sur internet, montrant que des utilisateurs

et Vincent Trémolet de Villers du Figaro très pratique pour Poutine, afin que le possibilité que Moscou puisse intensifier demandent l’annulation de leur réserva-
peuple ne discute pas de la falsification des le conflit à cette occasion. tion si le chauffeur est Tadjik. ■ A. B.

D La justice new-yorkaise
ans le bras de fer qui
l’opposait à la justice
new-yorkaise, Donald
Trump a remporté une
manche importante.
Lundi, une cour d’appel a
consenti à réduire la caution judiciaire
qu’il devait déposer de 454 millions à
175 millions de dollars, dans le sillage de
son procès pour fraudes. Un panel de
cinq juges lui offre une bouée de sauve-
tage quasi inespérée : non seulement elle
préserve sa solvabilité supposée, mais
elle lui accorde dix jours de répit pour
garantir cette somme d’argent trois fois
inférieure à l’amende redoutée.
L’ancien président républicain risquait
de voir ses comptes bancaires gelés, ses
biens immobiliers saisis et revendus, à
commencer par son gratte-ciel au 725 de
la Ve Avenue, en plein cœur de Manhat-
tan, s’il ne déposait pas ce lundi une ga-
rantie de 468 millions de dollars (355 mil-
lions, plus 100 millions d’intérêts, et un
taux d’intérêt de 9 % alourdissant la bar-
que de 120 000 dollars par jour, selon le
site http://trumpdebtcounter.com/).
La caution dûment acquittée lui per-
mettrait de faire appel du jugement im-
posé à l’issue de son procès pour fraudes à
New York par le juge Arthur Engoron.
L’adversaire de Joe Biden avait été re-
connu coupable d’avoir systématique-
ment surévalué ses biens et son empire
immobilier, la Trump Organization, en-
tre 2011 et 2021, afin d’obtenir des prêts
plus avantageux auprès des institutions
financières.
L’affaire n’avait rien d’une bagatelle :
l’homme qui, en 2016, plastronnait en af-
À Huntington Beach, en Californie, les Maga ont remplacé les surfers
Armelle Vincent
Envoyée spéciale à Huntington Beach
(Californie)
U
ne employée entrouvre la
porte du bureau de Gracey
Van Der Mark, la maire de
Huntington Beach, dans le
comté d’Orange, noyau dur des Maga
(le mouvement trumpiste) en Califor-
nie. « Esta ocupada ? » (êtes-vous oc-
cupée ?), demande-t-elle en espagnol.
Gracey esquisse un sourire malicieux :
« Oui, je sais, cela surprend toujours, à
cause de mon nom. Surtout qu’on m’a
accusée de suprématie blanche. En réali-
té, je m’appelle Grizelda Larrea Sando-
val. Van Der Mark est le nom de mon
mari, qui est hollandais. Je suis latina,
fière de l’être, et pas vraiment blanche
comme vous pouvez le constater. Mon
père était équatorien. Ma mère est mexi-
caine. Ils ont émigré pour offrir un avenir
meilleur à leurs enfants. »
Gracey Van Der Mark assure que ses
parents sont entrés légalement aux
États-Unis, détail important lorsqu’on
sait qu’en matière d’immigration, elle
est alignée sur l’ex-président et candi-
dat républicain à la prochaine prési-
dentielle, Donald Trump, et qu’elle dé-
nonce furieusement la politique
migratoire de Joe Biden.
Depuis qu’elle a été nommée par son
prédécesseur, le républicain Tony Stric-
kland, pour le remplacer en décembre
dernier, Gracey Van Der Mark ne cesse
de faire parler d’elle. Inconditionnelle
de Trump, « un homme qui a ses défauts
comme tout le monde mais qui n’est pas
un politique, qui veut nous unir et qui a un
vrai souci de ses concitoyens, comme
moi », elle se dit ravie d’être devenue le
visage de la guerre culturelle que livre
sa municipalité contre la Californie dé-
mocrate et sa politique « woke ». Elle
pointe avec fierté la une encadrée de
l’hebdomadaire OC Weekly au titre évo-
cateur : Scariest People - 2018 (les gens
les plus effrayants du comté d’Orange,
oasis républicaine de l’État), dont le
dessin montre une reproduction de la
Cène sur fond de décor d’Halloween,
avec Gracey Van Der Mark drapée dans
un drapeau américain à la droite de Jé-
sus. À l’époque, elle occupe un poste à la
commission des finances. Elle est déjà
tonitruante.
Huntington Beach s’est une fois de
plus distinguée à l’occasion des primai-
res du 5 mars dernier en adoptant un
arrêté controversé dans le reste de la
Californie : désormais, l’étendard mul-
ticolore LGTBQ+ ne pourra plus flotter
avec les autres drapeaux sur les bâti-
ments de la mairie. « Pourquoi vouloir
toujours nous diviser par catégories ?
Nous devons être unis sous les drapeaux
américain, californien, militaire. Les
gays sont des citoyens comme les autres,
il n’y a aucune raison de les différen-
International
accorde un nouveau sursis
à Donald Trump
Maurin Picard New York
La cour d’appel a donné, lundi, à l’ancien président un délai de dix jours
pour payer une caution ramenée de 454 à 175 millions de dollars.
firmant peser « plus de 10 milliards de dol-
lars » ne disposait pas de la somme initia-
lement réclamée en liquidités. « Nous
sommes en 2024, et il est sur le point d’être
démasqué, résumait Tim O’Brien, éditeur
chez Bloomberg et ancien journaliste
d’investigation financière pour le New
York Times. Cela va se faire lentement. Je
ne pense pas qu’il y aura de psychodrame
ce lundi. Mais l’effeuillage de sa carapace
commence, et il permettra de découvrir que
Donald Trump n’a pas de vêtements finan-
ciers, du moins pas le genre de vêtements
financiers qu’il prétend avoir eus. »
À en croire les avocats de Trump, une
trentaine de compagnies d’assurances
auraient refusé d’avancer la somme
manquante. D’après un document judi-
ciaire de 5 000 pages mis en ligne la se-
maine passée par la section d’appel du
La maire de Huntington Beach, Gracey Van Der Mark, et une pile de livres qu’elle juge contraires aux bonnes mœurs.
Le contenu sexuellement explicite des livres pour enfants de la bibliothèque est l’un des ses chevaux de bataille.
cier », explique la maire. 58 % de ses
électeurs ont approuvé la mesure.
«Cet arrêté est un excellent exemple
des questions clivantes qui sont devenues
prioritaires aux dépens des vrais problè-
mes : l’infrastructure, la croissance éco-
nomique et le maintien d’un budget équi-
« Pourquoi vouloir
toujours nous diviser par
catégories ? Nous devons
être unis sous les drapeaux
américain, californien,
militaire. Les gays sont des
citoyens comme les autres,
il n’y a aucune raison
de les différencier »
Gracey Van Der Mark
maire de Huntington Beach
libré, déplore la conseillère municipale
démocrate Rhonda Bolton. Malheureu-
sement, nous avons un petit groupe
Maga, loin d’être majoritaire à Hunting-
ton, mais plus bruyant que la majorité de
conservateurs traditionnels. Malgré le
tribunal de première instance, ceux-ci
arguaient que garantir une telle somme
était « quasiment impossible », au vu des
réactions parmi les prêteurs sollicités.
« Très peu de sociétés envisagent un bon de
garantie proche de cette magnitude », qui
correspond à 120 % de l’amende prévue,
ajoutaient-ils.
Une bombe à retardement
électorale
Le passé du promoteur immobilier expli-
quait ces réserves : Trump en est à sa sixiè-
me faillite. Il a notamment fermé une
compagnie aérienne, trois casinos à Atlan-
tic City, le Plaza Hotel à Manhattan, lais-
sant clients et créditeurs le nez dans le ga-
zon. La procureur générale, Letitia James,
elle, lorgnait divers actifs plus stables : les
parcours de golf de Doral, près de Miami,
portrait que les médias font de notre ville,
nous ne sommes pas si extrémistes. »
Ces dernières années, Huntington
Beach s’est pourtant fait remarquer par
ses manifestations antivaccins, anti-
mesures sanitaires ou pro-Trump.
Avant d’être maire, Gracey Van Der
Mark avait manifesté avec deux supré-
macistes qui participèrent ensuite au
rassemblement raciste de Charlottes-
ville (un mort et des dizaines de blessés
en 2017). La ville, qui compte aujour-
d’hui 200 000 habitants, a toujours at-
tiré les marginaux. Dans les années
1980, elle abritait même une importan-
te population de punks nihilistes.
Tirant son nom du magnat des che-
mins de fer Henry Huntington, la ville
côtière était, jusqu’à la première campa-
gne électorale de Donald Trump, surtout
connue sous le sobriquet de « Surf
City », Mecque californienne du surf. De
son long pier emblématique (sa jetée
avançant dans le Pacifique), on venait
voir les surfers sauter à pieds joints sur
leurs planches pour attraper les vagues
sur fond de plateformes pétrolières.
L’auteur Kem Nunn choisissait Surf City
comme décor pour son best-seller Tap-
le figaro mardi 26 mars 2024 5
tout en désignant ses harceleurs, à com-
mencer par la procureur générale James,
qui serait une « tarée de gauchiste » et ne
penserait qu’à saisir les luxueuses pro-
priétés du trublion de Mar-a-Lago, pour
mieux précipiter son retrait de la course
présidentielle. « Les démocrates pensent
que cela va m’intimider, éructe l’ancien
promoteur. Ils pensent que s’ils s’empa-
rent de ma fortune pour plomber ma cam-
pagne, je vais jeter l’éponge ! Mais il y a un
truc qu’ils ne savent pas : nous n’abandon-
nerons jamais ! »
Une poignée de milliardaires
sympathisants
Trump mise visiblement sur le soutien
d’une poignée de milliardaires sympa-
thisants, rencontrés en catimini : Elon
Musk, Tim Mellon, Jeffrey Yass. Le
et de Bedminster, dans le New Jersey, ainsi Trump Media & Technology Group
qu’un jet privé et des hélicoptères. (TMTG), qui comprend le réseau Truth
La réduction de la caution permet donc Social, entre en Bourse cette semaine à la
au premier intéressé d’éviter une septiè- faveur d’une fusion avec Digital World
me déclaration de faillite personnelle au Acquisition Corporation (DWAC),
titre du « chapitre 11 » (code des faillites). contrôlé par la firme de Jeffrey Yass, Sus-
Celle-ci constituait une bombe à retarde- quehanna International Group, et pour-
ment électorale : Donald Trump étant rait après six mois rapporter 3 milliards
déjà inculpé dans quatre affaires pénales de dollars à Donald Trump.
et déjà condamné à de très lourdes amen- Il lui faudra espérer remporter son ap-
des dans deux procès civils, elle aurait pel à New York, et écarter la menace de
écorné auprès de ses supporteurs son saisie de ses actifs, toujours pendante. Si
image d’homme d’affaires fortuné et une telle confiscation devait survenir,
toujours en réussite. prédit Stephanie Grisham, son ancienne
Pour desserrer l’étau financier, Donald porte-parole à la Maison-Blanche, « le
Trump faisait feu de tout bois. À ses parti- 40 Wall Street (Trump Building, 72 éta-
sans sur Truth Social, il avait adressé une ges) est probablement ce qu’il détesterait
supplique teintée des habituelles impré- le plus perdre. Idem pour Mar-a-Lago, le
cations sur une supposée « chasse aux golf de Bedminster ou même la Trump
sorcières » : contribuer à la levée de fonds Tower. Ce sont ses bébés. » ■
kings qui ont toujours donné l’impres-
sion que, au-delà des quelques blocs
proches de la plage, la ville imperson-
nelle est en fait une gigantesque ère de
stationnement.
Gracey Van Der Mark, venue s’y ins-
taller pour échapper à Maywood -, une
agglomération infestée de gangs où elle a
grandi, comme de nombreux Latinos - a
un jour décidé d’y faire le ménage. En
commençant par le secteur scolaire.
« J’étais une simple mère de famille,
raconte-t-elle, sans autre ambition que
celle d’élever mes enfants. Un jour, je suis
tombée sur le programme d’éducation
sexuelle du collège. Il y avait un lien me-
nant à un site web, afraidtoask.com.
Quand j’ai cliqué dessus, j’ai trouvé un
site que je qualifie de pornographique,
sous prétexte d’informer les adolescents.
Je n’en croyais pas mes yeux. Je suis allée
me plaindre. J’ai demandé au School Dis-
trict de protéger les enfants et de suppri-
mer ce site. Je crois que personne n’y
avait vraiment fait attention, ni même ne
l’avait peut-être ouvert. Personne ne m’a
écoutée. À l’époque, j’étais démocrate,
The Washington Post via Getty Images
comme toute ma famille. Mais comme
pas un seul élu de mon parti n’a voulu me
prendre au sérieux, je me suis tournée
vers les républicains. C’est ainsi que j’ai
trouvé ma famille politique. »
« Donald Trump est un
homme qui a ses défauts
comme tout le monde mais
qui n’est pas un politique,
qui veut nous unir et
qui a un vrai souci de ses
concitoyens, comme moi »
Gracey Van Der Mark
ping the Source. À deux blocs de la plage, maire de Huntington Beach
le Musée international du surf rensei-
gnait le touriste sur les légendes de ce Depuis, Gracey Van Der Mark mène
sport et sa pratique. À l’époque où la vil- un combat acharné contre ce qu’elle
le jouissait d’un prestige quasi mythique considère un affront à ses valeurs. L’un
pour les surfers du monde entier, sa rue de ses chevaux de bataille favoris : les
principale, Main Street, plutôt décrépi- livres de la section enfantine de la bi-
te, où flottait une forte odeur de mari- bliothèque municipale.
juana, était surtout bordée de surf shops
et de quelques magasins de souvenirs à
Parmi les mesures récemment adop-
tées par le conseil municipal - composé
deux sous. C’était d’ailleurs tout son de quatre républicains et de trois démo-
charme. Une cité côtière mal dégrossie, crates -, la création d’un comité paren-
une succession de woodies et de Combi tal chargé d’examiner et de placer dans
Volkswagen débordant de planches ga- d’autres sections de la bibliothèque les
rés le long de la plage, la musique des livres pour enfants dont le contenu se-
Beach Boys résonnant sur les trottoirs et rait jugé pornographique par le comité.
le film de surf Endless Summer projeté en « Ils essaient en fait de limiter ce que les
boucle au cinéma local. gens peuvent lire et c’est effrayant », se
Aujourd’hui, les surfers aux cheveux lamente la lycéenne Briana Lee. « Les
longs décolorés se sont éclipsés dans ce livres ne seront pas interdits, rétorque
qui est devenu une autre ville, physi- Gracey Van Der Mark. Nous les dépla-
quement et mentalement. Son front de çons juste pour les mettre dans une sec-
mer est bordé de gigantesques hôtels de tion où les mineurs auront besoin de
luxe, son downtown (centre) aligne les l’autorisation de leurs parents pour les
boutiques et les bars-restaurants pleins emprunter. » Ce qui fait dire à Arlette
d’écrans de télévision. Seules demeu- Leluron, une autre résidente : « Avec de
rent ses avenues béantes, sa multitude telles mesures, je n’aurais jamais pu lire
A
de lotissements tous semblables et ses André Gide quand j’étais adolescente, car
strip malls devancés d’immenses par- mon père me l’interdisait. » ■
 6 mardi 26 mars 2024 le figaro International

Au Sénégal, la victoire surprise de Faye

Juliette Dubois Dakar

Le candidat de l’opposition a remporté l’élection présidentielle dès le premier tour. Amadou Ba a concédé sa défaite lundi.

U
ne explosion de joie dans de ministres et de hauts responsables terrain, s’est dite satisfaite de son orga- aussi convaincu mes proches, y compris ge à magistrat » et sa désignation com-
les rues de Dakar. Dès la épinglés par des rapports, mais jamais nisation par les autorités, malgré quel- les anciens, de voter pour lui. » me candidat en septembre, Bassirou
publication des premiè- punis. Un deux poids deux mesures diffi- ques dysfonctionnements rapidement Le raz-de-marée en faveur de Bassi- Diomaye Faye devra donc se montrer à
res tendances de l’élec- cile à avaler alors que dans le même temps résolus. Elle estime le taux de participa- rou Diomaye Faye - certains médias sé- la hauteur des espoirs de ses compatrio-
tion présidentielle par on assistait à un acharnement judiciaire tion à plus de 61 %. Les Sénégalais étaient négalais évoquent un score de plus de tes. Le 15 mars, au lendemain de sa sortie
les médias sénégalais, les contre certains opposants comme Ous- impatients d’aller voter après les multi- 58 % - n’a d’égal que les attentes de la de prison, il avouait n’avoir pas eu le
militants de l’opposition sont sortis par mane Sonko, Bassirou Diomaye Faye ou ples reports : décembre, puis juin, avant population sénégalaise, en particulier les temps de peaufiner son programme de-
milliers dans la capitale pour célébrer la Karim Wade. » que le Conseil constitutionnel n’arrête jeunes, dans un pays où plus de 70 % de puis sa cellule de 9 m2, mais promettait
victoire de leur candidat, Bassirou Dio- finalement la date du 24 mars. la population a moins de 30 ans. Le can- de « ne jamais trahir les Sénégalais ».
maye Faye, à coups de klaxons et de feux
d’artifice. Des scènes similaires de liesse
« Les Sénégalais ont été « Je suis très satisfait d’avoir accompli
mon devoir de citoyen », expliquait Ab-
didat et son mentor, l’opposant Ousma-
ne Sonko, ont fait campagne sur la pro-
L’ancien inspecteur des impôts et do-
maines devient le cinquième président du
ont été observées à Ziguinchor, dans le
déçus des promesses non doukarim Lo, fonctionnaire à la retraite, messe d’un changement de système, de Sénégal, et le plus jeune jamais élu. Hasard
sud du pays, et à Saint-Louis, dans le tenues, des malversations à la sortie de son bureau de vote de plus de justice et d’une meilleure répar- du calendrier, il fêtait ses 44 ans le
Nord, l’une des principales villes étu- financières de ministres Saint-Louis. « Ça s’est déroulé calme- tition des richesses. Devant le siège de la 25 mars, au lendemain du scrutin. Bras
diantes, où les vuvuzelas et les tambours et de hauts responsables ment, dans la paix, c’est ce qu’on voulait Coalition Diomaye Président à Dakar, droit discret de l’opposant antisystème et
ont retenti jusqu’à tard dans la nuit. et on l’a eu. La crise politique est mainte- plusieurs jeunes venus célébrer rêvent panafricain Ousmane Sonko, chef charis-
« C’est ce qu’on attendait ! dit Oumar, un épinglés par des rapports, nant derrière nous. » Khady Touré, déjà de voir leurs conditions de vie matique du parti Pastef, dissous l’été der-
Saint-Louisien d’une trentaine d’an- mais jamais punis » 22 ans, boubou rose et sourire aux lèvres, changer : « Désormais, tous ceux qui nier, il l’a remplacé comme plan B pour
nées. Le changement. C’est un jeune, il va Moussa Diaw montre son doigt taché d’encre : « Enfin ! n’avaient pas de travail auront un travail. l’élection présidentielle après que ce der-
travailler. » professeur en sciences politiques J’ai pu accomplir mon devoir civique, j’ai Nos mères, nos pères, nos frères… tout le nier en a été empêché à cause d’une
Pendant ce temps, au siège de l’Al- pu voter pour le changement dans mon monde ira mieux », explique Abdou, étu- condamnation judiciaire. Pour Moussa
liance pour la République, le parti prési- Dimanche, le scrutin s’est tenu dans le pays. » Mouhamed Sow est venu spécia- diant de 22 ans. Diaw, le plus grand défi qui l’attend dé-
dentiel, l’ancien premier ministre et calme. La société civile, qui avait dé- lement depuis Dakar pour voter : « J’ai Peu connu du grand public jusqu’à son sormais sera de « réconcilier les Sénégalais,
candidat de la majorité Amadou Ba fai- ployé plus de mille observateurs sur le voté pour Diomaye, bien sûr, mais j’ai incarcération en mai 2023 pour « outra- divisés après des années de tensions ». ■
sait une courte déclaration à ses mili-
tants et se disait convaincu de l’organi-
sation d’un second tour. Un espoir de
courte durée : dès le lendemain matin, la
quasi-totalité des journaux sénégalais ti-
traient sur la victoire de son adversaire :
un « raz de marée », la « fin du système »,
le « plébiscite ». Sur les réseaux sociaux,
plusieurs autres candidats ont également
adressé leurs félicitations au candidat de
l’opposition, comme l’ancien maire de
Dakar Khalifa Sall, ou encore Karim
Wade, le fils de l’ancien président Ab-
doulaye Wade, qui lui avait apporté son
soutien à 48 heures du scrutin.
Amadou Ba a finalement concédé sa
défaite lundi dans l’après-midi. Selon le
porte-parole du gouvernement, il a télé-
phoné à Bassirou Diomaye Faye pour le
féliciter. Dans un communiqué diffusé
dans la foulée, l’ancien premier ministre
« lui souhaite beaucoup de réussite et de
succès pour le bien-être du peuple séné-
galais ». Un message rapidement suivi
par celui du président Macky Sall,
qui a salué « la victoire de la démocratie
sénégalaise ».
Les résultats provisoires officiels de-
vraient être connus mardi par départe-
ments, mais cette défaite est un cruel
désaveu pour le camp du pouvoir, qui
s’était pourtant déclaré sûr de sa victoi-
re. Les PV électoraux indiquent que le
camp présidentiel a été largement battu
dans la totalité des grandes villes du
pays. Le Nord, traditionnellement acquis
au président Macky Sall, a certes voté en
majorité pour Amadou Ba, mais Bassirou
Diomaye Faye y réalise des scores élevés.
Ce KO dès le premier tour est surtout
un « vote sanction pour les 12 années au
pouvoir de Macky Sall, selon le professeur
en sciences politiques Moussa Diaw. Les
Sénégalais ont été déçus des promesses
non tenues, des malversations financières Des partisans de Bassirou Diomaye Faye célèbrent la victoire du candidat antisystème devant son QG de campagne, dimanche soir, à Dakar. JOHN WESSELS/AFP

L’homme de l’ombre d’Ousmane Sonko à la présidence

Tanguy Berthemet Pour autant, tout au long de la brève Ousmane Sonko le fut aussi, fait montre gieux et socialement conservateurs, mais franc CFA est ainsi une demande récur-
campagne, moins deux semaines, Son- de mesure. Il se présente d’ailleurs je ne pense pas qu’ils soient des radicaux, rente du parti. « On peut noter que pen-
ko n’a cessé de répéter « Bassirou, comme quelqu’un de « particulièrement bien au contraire », souligne Maurice dant la campagne, les mots d’ordre ont

I
l y a seulement un an, il est proba-
ble qu’aucun électeur sénégalais ne
savait qui était Bassirou Diomaye
Faye. La majorité des analystes,
des experts et des diplomates non plus.
Celui qui n’était que le discret secrétaire
général du Pastef, un parti d’opposi-
tion, était au plus loin des sommets de
l’État. Pourtant dimanche, c’est bien lui
qui a remporté le scrutin et lui qui sera
bientôt intronisé comme le cinquième
président de la République, le plus jeu-
ne de l’histoire à tout juste 44 ans.
Ce coup du destin n’est pas un coup
du hasard. La grâce de Bassirou Dio-
maye Faye tient à la disgrâce, judiciai-
re, d’un autre homme, Ousmane Son-
ko, leader du Pastef et opposant
charismatique du président sortant,
Macky Sall. Empêché de se présenter
par une série de condamnations et une
inéligibilité, Ousmane Sonko a dû choi-
sir un remplaçant. Ce fut « Diomaye »
comme les Sénégalais surnomment le
désormais futur chef de l’État. « Je n’ai
pas choisi par amour, par proximité ou
par préférence, mais par réflexion objec-
tive et choix stratégique. Ce n’est pas un
A
c’est moi » pour mettre en avant ce se-
cond, et lui en même temps. Ce lien a
même servi de slogan unique lors des
« caravanes » traversant le pays, les
foules répétant « Sonko mooy Diomaye,
Diomaye mooy Sonko » (« Sonko c’est
Diomaye, Diomaye c’est Sonko » en
wolof).
Les Sénégalais vont pourtant devoir
découvrir celui qui, il y a peu, était
inaudible et invisible. Pendant près
d’un an, depuis avril dernier, Bassirou
était en effet en prison, accusé d’outra-
ge à magistrat, diffamation et actes de
nature à compromettre la paix publi-
que. Il y sera rejoint dès juillet par son
mentor. Les deux hommes n’ont été li-
bérés que le 15 mars par une loi d’am-
nistie. Macky Sall, sentant le vent ve-
nir, a peut-être voulu enfin tendre la
main, pour éviter de voir un prisonnier
élu et aussi pour ne pas compromettre
son avenir.
« Diomaye », « l’honorable » en sé-
rère, la langue de la communauté séné-
galaise à laquelle il appartient, n’est
pourtant pas homme à se venger. Mal-
gré son jeune âge, le président Faye
raisonné, de particulièrement raisonna-
ble, de particulièrement sensé, de parti-
culièrement réfléchi ». Il est très souvent
vêtu d’un boubou blanc qui souligne
son visage juvénile et sa barbichette qui
lui donne des faux airs de marabout.
Ces derniers jours, des voix se sont fait
entendre pour lui demander de la raser.
« J’ai deux juges à la maison pour cela »,
a-t-il répondu, en référence à ses deux
épouses. Les demandes n’avaient rien
d’accessoire.
« Je n’ai pas choisi
par amour, par proximité
ou par préférence, mais par
réflexion objective et choix
stratégique. Ce n’est pas
un choix de cœur,
mais de raison »
Ousmane Sonko
Leader du Pastef et opposant inéligible
qui a dû choisir un remplaçant
Musulman pratiquant et pieux, il a
souvent dû écarter, tout comme Ous-
Paulin Toupane, chercheur pour l’Ins-
titut for Security Studies (ISS). Une te-
nue qui correspond aussi aux origines
modestes de sa famille paysanne dont
Bassirou Diomaye Faye, élève brillant,
s’est sorti en passant le concours de
l’ENA (École nationale d’administra-
tion) au Sénégal. Il rejoint alors l’admi-
nistration fiscale, où il rencontre Ous-
mane Sonko et se lance dans le
militantisme syndical. En 2014, les deux
hommes fondent le Pastef.
Cette foi et les racines populaires du
candidat ont sans doute contribué à sé-
duire les électeurs du Pastef, souvent
des jeunes urbains lassés des promesses
vides et de l’avidité d’une « aristocra-
tie » politique sénégalaise perçue com-
me méprisante et lointaine. Diomaye se
veut l’antithèse de ce présidentialisme.
Elles ont aussi crédibilisé le message de
ce souverainiste, qui se place dans le
courant panafricaniste et populiste qui
a le vent en poupe en Afrique de
l’Ouest. Le Pastef, ces dernières années,
a volontiers embrayé sur un discours
décolonialiste et antifrançais, notam-
ment lors des violentes manifestations
été plus modérés. Il n’y aura sans doute
pas de renversement d’alliance et le Sé-
négal devrait rester proche de l’Europe,
des États-Unis ou du Maroc. Les dis-
cours anti-France ont d’ailleurs disparu
pendant la campagne », souligne l’ana-
lyste.
Bassirou Diomaye Faye a préféré in-
sister sur une répartition plus juste des
richesses et sur une de réforme de la
justice, jugée partiale. Il s’est engagé à
revoir les contrats pétroliers et gaziers,
alors que le Sénégal sera bientôt pro-
ducteur, et de pêche. Mais avant tout, il
veut pourfendre la corruption avec
obstination. Réussira-t-il mieux que
ses prédécesseurs qui s’y étaient aussi
engagés ? « Le président dit souvent que
je suis obstiné », disait-il il a peu en
parlant, avec déférence, de son « chef »
Ousmane Sonko. Maintenant que le ti-
tre de président a changé d’épaules,
que les années de travail de l’un ont
conduit au couronnement d’un autre,
l’amitié entre les deux hommes résiste-
ra-t-elle à l’exercice d’un pouvoir qui
ne se partage que rarement ? Cet équi-
libre sera déterminant pour la réussite

choix de cœur, mais de raison », a affir- n’est pas un impulsif. Au contraire, cet mane Sonko, les accusations selon les- qui ont émaillé les rues de Dakar depuis de ce duo inédit, et désormais pour
mé Ousmane Sonko. ancien inspecteur des impôts, comme quelles il serait salafiste. « Ils sont reli- 2022. La réforme, voire la sortie, du l’avenir du Sénégal. ■

Cyrille Louis
Envoyé spécial à Jérusalem
Alors que la guerre
fait rage à Gaza et
que 134 otages sont
aux mains du Hamas,
de nombreux
habitants ont célébré
cette fête juive.
D
es silhouettes vêtues de
noir qui titubent au cœur
de Méa Shearim. Une ma-
rée humaine ondulant sur
des musiques assourdis-
santes dans les allées bon-
dées de Mahane Yehuda. Des couples ho-
mosexuels qui s’embrassent, pour une fois
indifférents à ce que pourraient en dire les
passants. Malgré le souvenir traumatique
du 7 octobre, la guerre qui se poursuit
dans la bande de Gaza et l’absence de
134 otages toujours aux mains du Hamas,
Jérusalem a célébré lundi la fête juive de
Pourim sur un mode aussi transgressif et
débridé que les années précédentes. L’es-
pace d’une nuit et d’un jour, cette ville ré-
putée pour son atmosphère grave s’est
abandonnée à une exultation étrange.
Autour du marché central, une importan-
te présence policière rappelait les fêtards à
la tragique réalité. Lundi matin, quelques
familles d’otages accompagnées d’oppo-
sants au gouvernement ont manifesté leur
désapprobation à deux pas de la munici-
palité, brandissant des pancartes sur les-
quelles on pouvait lire : « Nous ne voulons
pas fêter Pourim tant que nos captifs ne se-
ront pas de retour. »
Le maire de la ville, Moshe Leon, n’a pas
voulu annuler la parade d’Adeloyada.
Cette procession festive, qui rassemble
des danseurs costumés, des musiciens et
des chars surmontés d’imposantes créa-
tures surnaturelles dans plusieurs grandes
villes israéliennes, n’avait pas été organi-
sée à Jérusalem depuis 1982. Dérivant
d’une expression araméenne que l’on
peut traduire par « jusqu’à ce qu’on ne sa-
che plus », le nom d’Adeloyada renvoie à
la prescription talmudique qui, le jour de
Pourim, encourage chacun à boire jusqu’à
ce qu’il ne soit plus capable de distinguer
les deux protagonistes du livre d’Esther,
Mordechai le bienveillant et le maléfique
Haman. La ville de Holon, qui accueille
traditionnellement la plus grande de ces
processions, y a cette année renoncé au
profit d’événements plus discrets, tout
comme celles de Tel-Aviv et de Herzliya.
Le maire de Jérusalem, lui, a choisi de
maintenir l’événement, après l’avoir re-
baptisé « Pourim de l’unité » et en le dé-
diant « aux enfants héroïques de l’État
d’Israël, ainsi qu’à leur résilience mentale et
spirituelle ».
Certaines familles d’otages, reçues par
l’édile à la veille de Pourim, ont défilé en
tête de la parade. D’autres ont vigoureu-
sement critiqué sa tenue. Leur pétition,
dénonçant « un manque de solidarité et de
sensibilité », a recueilli ces derniers jours
plusieurs milliers de signatures. « Nous
vous demandons de regarder la réalité telle
qu’elle est, proclame le texte. Alors que des
gens ont été évacués de leur maison, que des
communautés entières éprouvent une dou-
leur insoutenable et que 134 personnes, pour
certaines tuées et pour d’autres violées, af-
famées et battues, sont encore aux mains du
Hamas, notre deuil n’est pas terminé. »
Dimanche soir, dans le quartier ultra-
orthodoxe de Sanhédriah, les centaines de
juifs hassidiques rassemblés pour lire le
rouleau d’Esther sous les lustres de la mo-
numentale synagogue de Belz, réputée
être la plus vaste au monde, semblaient
d’un tout autre avis. « Il y a un temps pour
le deuil et un temps pour la joie », tranchait
Yuna, 53 ans, vêtu d’un caftan noir et
coiffé de l’imposant shtreimel de fourrure
que ce groupe religieux a rapporté il y a
bien longtemps de Galicie. Autour de lui,
des dizaines de gamins déguisés en soldat,
en agents du FBI ou en gardes de la cou-
ronne d’Angleterre ne cachaient pas leur
excitation. Durant plus d’une heure, les
religieux aux longues barbes se sont adon-
nés à une lecture silencieuse, interrompue
seulement par le vacarme des coups sym-
boliquement portés au sol ou sur les pu-
pitres chaque fois que le nom d’Haman
apparaissait sous leurs yeux.
« Pourim est pour nous la fête par excel-
lence », explique un étudiant en yeshiva
de 19 ans. De tradition relativement tardi-
ve, elle commémore la délivrance mira-
culeuse des juifs qui vivaient en exil à Ba-
bylone, au VIe siècle avant notre ère, et à
l’encontre desquels le redoutable Haman
avait planifié un massacre d’ampleur.
L’étudiant estime que ce récit trouve un
écho puissant dans le massacre du 7 octo-
International
Dimanche,
lors de la fête juive
de Pourim, des ultra-
orthodoxes lisent
le rouleau d’Esther.
En raison de la situation sécuritaire,
des Israéliens protestent contre
la tenue de la parade de Pourim,
lundi, à Jérusalem.
À Jérusalem, fêter Pourim
malgré les traumatismes
bre. « C’est pendant Pourim, dit-il, que nos
prières pour les soldats et pour les otages
ont le plus de valeur. » La majorité des juifs
ultraorthodoxes refusent catégorique-
ment de servir dans l’armée, craignant de
se corrompre au contact de soldats non
religieux. Leur intransigeance nourrit de
très fortes tensions avec les autres compo-
santes de la société israélienne – la gauche
« Est-ce correct
moralement ? C’est une
question très compliquée.
D’un côté, nous sommes
hantés par le sort de
nos otages, des familles
endeuillées et aussi de tous
ces Palestiniens qui vivent
sous les bombes. De l’autre,
j’ai réalisé que les gens
ont terriblement besoin
de partager des moments
joyeux »
Yonathan Valfer Expert à l’Institut
israélien pour la démocratie
libérale, bien sûr, mais aussi désormais le
courant sioniste religieux – qui acceptent
de plus en plus en plus mal d’être les seuls
à payer le prix du sang. « Par nos prières et
notre étude de la Torah, tente de plai-
der l’étudiant, nous contribuons pourtant
au succès de la guerre menée contre le
Hamas. »
« En rentrant chez moi, je vais lire le rou-
leau d’Esther à ma femme. Puis nous allons
consacrer notre soirée à la joie et à Dieu », se
réjouit Shlomo, 30 ans, qui prévoit de boi-
re jusqu’au matin, exclusivement du vin
rouge. « Je ne fais jamais de mélange »,
sourit le jeune homme en jouant avec les
longues papillotes qui pendent le long de
ses tempes. Et pas question, assure-t-il, de
se montrer en public après cette nuit de li-
bation. Tous les juifs ultraorthodoxes n’ont
cependant pas la même pudeur. Chaque
année, le jour de Pourim, des hommes et
des adolescents passablement éméchés
déambulent à Méa Shéarim. Dans cette at-
mosphère carnavalesque, où ce qui est ha-
bituellement interdit devient soudain lici-
te, nul ne s’étonne de croiser un enfant de
5 ou 6 ans la cigarette aux lèvres.
Mais voici que la soirée s’étire, et qu’une
tout autre foule converge vers le marché
central de Mahane Yehouda. Tête nue ou
recouverte d’une kippa tricotée, coiffé
parfois d’un keffieh palestinien en signe de
défi, torse découvert, décolleté plongeant
ou le visage dissimulé sous une combinai-
son intégrale en fourrure rose vif, toute la
jeunesse juive israélienne semble s’être
donné rendez-vous dans ce réseau d’allées
où l’on ne se croise désormais plus qu’à
grand-peine. Sur chaque pas-de-porte,
d’immenses enceintes martèlent un va-
carme différent. On danse sur les tables en
brandissant un fusil d’assaut en plastique,
la bière coule à flots, des fêtards à peine
sortis de l’adolescence descendent des
shots d’alcool fort. « Am Israël Hai » (« le
peuple d’Israël est vivant »), chantent-ils
ivres de victoire.
Dans la nuit de dimanche à lundi, tandis
que Jérusalem laissait ainsi éclater sa fu-
reur de vivre, la guerre se poursuivait à
le figaro mardi 26 mars 2024 7
Yehuda, Pnina Alfia raconte avoir longue-
ment hésité avant de rejoindre dimanche
soir un groupe d’amis. « Faire la fête en
plein milieu de la guerre, alors que nos sol-
dats et nos otages sont toujours à Gaza,
c’est vraiment très bizarre, admet cette
brune longiligne, drapée dans un long
manteau de cuir noir, qui ressemble à
Uma Thurman dans Pulp Fiction. Mais je
me suis dit que rester chez moi reviendrait,
d’une certaine façon à donner raison aux
terroristes. » Certains de ses proches,
« trop tristes », ont refusé de se joindre à
elle. « Tout le monde a été personnellement
touché par le 7 octobre, poursuit Pnina, et
chacun réagit à sa façon. »
Yonathan Valfer, expert à l’Institut is-
raélien pour la démocratie, s’est aussi
beaucoup interrogé sur la façon la plus
appropriée de célébrer Pourim en ce mo-
ment singulier. Avec deux amis réservis-
Des fêtards dans tes, dont l’un vient de passer cent jours
une soirée LGBT, sous la cuirasse d’un char Merkava dé-
dimanche, à Jérusalem. ployé dans la bande de Gaza, il a décidé
d’organiser une soirée gay dans une salle
de concert emblématique du quartier de
Talpiot. « Est-ce correct moralement ?
C’est une question très compliquée. D’un
côté, nous sommes hantés par le sort de nos
otages, des familles endeuillées et aussi de
tous ces Palestiniens qui vivent sous les
bombes. De l’autre, j’ai réalisé que les gens
ont terriblement besoin de partager des
moments joyeux. Ils souffrent de trauma-
tisme et, pour ceux qui n’ont pas été rap-
pelés à l’armée, d’une grande sensation
d’inutilité. Aujourd’hui, beaucoup de gens
se sentent isolés. C’est particulièrement
vrai au sein de la communauté gay de Jé-
rusalem, qui reste marginalisée par rap-
port à celle de Tel-Aviv. On a donc choisi
de faire la fête, sans ignorer le tragique de
la situation. »
« Nous ne voulons pas
fêter Pourim tant que
nos captifs ne seront pas
de retour »
Slogan sur des pancartes brandies
lundi à proximité de la mairie
L’affiche de la soirée, calquée sur la fres-
que représentant le « Baiser de la fraterni-
té » entre Leonid Brejnev et Erich Honec-
ker sur le mur de Berlin, annonce la
photos Olivier Fitoussi pour le Figaro
couleur. Déclinée en plusieurs versions,
elle met en scène Benyamin Netanyahou
et son principal opposant, Yaïr Lapid, mais
aussi l’ex-présidente de la Cour suprême,
Esther Hayout, et le ministre de la Justice
Yariv Levin. Celui-ci tenta il y a deux ans
d’imposer au forceps un projet de réforme
conspué par les magistrats, qui provoqua
une mobilisation inédite du camp libéral
contre ce « coup d’État judiciaire ». Réso-
lument opposés à l’actuel gouvernement,
Yonathan et ses amis ont imaginé leur soi-
rée comme un geste politique. « Nous
avons détourné le slogan adopté après le
7 octobre, “Ensemble nous vaincrons”, dans
le but de dénoncer la fausse unité dans la-
quelle se drape ce premier ministre pour
tenter de rester au pouvoir », dit-il. Le ru-
ban devenu symbole des otages retenus à
Gaza orne les flyers, pour souligner que
personne ne les oublie. « J’aurais bien aimé
évoquer aussi la complexité de la situation à
Gaza, dit-il. Mais à l’heure qu’il est, en Is-
raël, ça reste très difficile… »
une centaine de kilomètres seulement. À Alon, un trentenaire athlétique qui por-
proximité de la frontière nord, l’armée is- te des bas résille blancs, des escarpins
raélienne pilonnait des positions enne- rouge vif, une touche de rose sur le nez et
mies dans le sud du Liban tandis que des des oreilles de lapin, n’en est pas à son
tirs de roquettes activaient en riposte les premier verre. « Jérusalem appartient aux
sirènes dans le moshav de Metu’a. Quel- homosexuels », lance-t-il, rigolard, avant
ques heures plus tard, selon le ministère de reconnaître : « La vie ici est très difficile.
de la Santé du Hamas, une série de frappes Il y a tellement de tristesse… Nous n’avons
faisait des dizaines de victimes dans le sud rien contre les Palestiniens, mais on ne peut
de la bande de Gaza. La catastrophe hu- pas laisser le Hamas nous massacrer. » À
manitaire infligée à des centaines de mil-
liers de Palestiniens continuait de s’aggra-
l’écart, deux jeunes femmes peinent à
profiter de la fête. « C’est compliqué »,
ver tandis qu’on restait sans nouvelles des soupire Noy, 31 ans, qui confie se sentir
otages retenus sous terre depuis près de « un peu à plat » depuis plusieurs semai-
six mois. En Israël, des dizaines de milliers nes. « Je ne vois pas le bout du tunnel »,
de personnes déplacées par les attaques du murmure-t-elle. Tandis que Jérusalem
7 octobre attendaient toujours de pouvoir s’étourdit, les brumes de Pourim se dissi-
rentrer chez elles. pent déjà. ■
Le premier ministre, Benyamin Neta-
nyahou, a célébré Pourim avec le bataillon
Erez de la police militaire. « Nous avons
éliminé Haman et nous éliminerons Sinouar Gaza : le Conseil
(le chef du Hamas dans la bande de Gaza,
cerveau présumé des attaques du 7 octo- de sécurité vote
bre, NDLR) », a-t-il promis, avant de filer pour un « cessez-
le parallèle biblique. « Il y a plus de 2000
ans, dans la Perse antique, un tyran antisé- le-feu immédiat »
mite a tenté d’exterminer les juifs de la face
de la terre. Mais les juifs se sont levés, se Après des mois de « silence
sont unis et ont combattu. » Il a aussi pro- assourdissant », le Conseil de sécurité de
mis de « rentrer à Rafah et d’atteindre une l’ONU a exigé pour la première fois lundi
victoire complète ». Quelques heures plus un « cessez-le-feu immédiat » à Gaza pour
tard, cependant, l’Administration améri- le mois du ramadan, un appel bloqué
caine lui a administré un camouflet cin- plusieurs fois par les États-Unis qui se
glant en laissant adopter, pour la première sont cette fois abstenus, accentuant la
fois depuis le début de la guerre, une réso- pression sur leur allié israélien furieux.
lution réclamant un cessez-le-feu immé- La résolution doit « mener à un cessez-
diat par le Conseil de sécurité de l’ONU. le-feu durable », et « exige la libération
A
Bien loin de ces réalités, attablée à une immédiate et inconditionnelle de tous
terrasse de bistrot en lisière de Mahane les otages » retenus par le Hamas. (AFP)
 8 mardi 26 mars 2024 le figaro Politique

Une visite en Guyane

sur fond de défiance
pour le président
de la République
Louis Hausalter Envoyé spécial en Guyane

Avant de s’envoler pour le Brésil, Emmanuel Macron passe deux jours

dans ce territoire d’outre-mer en proie à de multiples difficultés.

L
a chaleur humide, les
moustiques, et les
orpailleurs clandestins.
Voilà les éléments hosti-
les qui attendaient Em-
manuel Macron dans le
parc amazonien de la Guyane, terri-
toire d’outre-mer où le chef de l’État
a entamé lundi un déplacement d’un
jour et demi. À Camopi, sur le fleuve
Oyapock, qui marque la frontière
avec le Brésil, le président devait ren-
contrer des militaires engagés dans la
lutte contre ceux qui extraient illéga-
lement de l’or.
Le matin même, à Cayenne, il a
commémoré la mort du major Arnaud
Blanc, tué en mars 2023 dans une opé-
ration contre l’orpaillage clandestin.
L’un des nombreux chantiers qui
attendaient Emmanuel Macron en
Guyane. Insécurité dopée par une cir-
culation débridée des armes à feu, tra-
fic de cocaïne, immigration clandesti-
ne, manque de services publics alors
que la population (qui compte un gros
tiers d’étrangers) a été multipliée par
dix depuis les années 1950…
Avec ses près de 300 000 habitants
(dix fois plus que dans les années
1950), le territoire le plus pauvre de
France (hors Mayotte) est en proie à
de multiples difficultés, provoquées
ou aggravées par la proximité du Bré-
sil et du Suriname, dont la violence
déborde sur ce bout de France en
Amérique latine. « Nous avons des ré-
sultats. Depuis 2021, le nombre de sai-
sies à l’arrivée, à Orly, a été divisé par
trois ou quatre », assure le préfet de
Guyane, Antoine Poussier, au Figaro.
« En sept ans, des moyens
supplémentaires
dans à peu près tous les
domaines ont été octroyés
au territoire. Nous avons
d’immenses défis
et je partage l’impatience
de la population »
Emmanuel Macron
à son arrivée à l’aéroport
de Cayenne-Félix-Éboué
Cet ancien conseiller outre-mer de
Jean Castex et d’Élisabeth Borne à
Matignon fait face à une situation pré-
occupante : 59 homicides ont été re-
censés l’an dernier. Rapporté à la po-
pulation, c’est treize fois plus que la
moyenne nationale. « Une majorité
des homicides concerne des règlements
de comptes, contextualise le préfet.
Mais il y a aussi les tentatives d’homi-
cides (plus de 250 en 2023 NDLR),
souvent liées aux vols à main armée. Le
grand public est plus en prise avec cette
facette de la délinquance. »
La dernière et unique visite d’Em-
manuel Macron remonte à octobre
2017. À l’époque, le président juste élu
à l’Élysée avait promis d’ouvrir une
« nouvelle page » avec les territoires ul-
tramarins, tout en expliquant ne pas
« être le Père Noël ». Des propos peu
appréciés sur place où le président
n’est pas populaire. En 2022, Marine Le
Pen est arrivée largement en tête du
second tour de la présidentielle et
Jean-Luc Mélenchon a rassemblé plus
de la moitié des voix au premier, le
chef de l’État n’arrivant que troisième,
dans un contexte de forte abstention.
La visite avait été mouvementée,
alors que la Guyane sortait d’un grand
mouvement de grève. « En sept ans, des
moyens supplémentaires dans à peu près
tous les domaines ont été octroyés au ter- Emmanuel Macron
ritoire », a assuré Emmanuel Macron à visite une ferme à Matoury,
son arrivée à l’aéroport Félix Eboué. en Guyane, lundi.
« Nous avons d’immenses défis » et « je
partage l’impatience de la population »,
a-t-il toutefois ajouté. L’accueil est poli, concurrence déloyale des Brésiliens, me un processus du même type que la
mais teinté de la relation complexe l’inadaptation des normes et le senti- Nouvelle-Calédonie ou la Corse.
qu’on entretient ici avec la métropole. ment d’abandon. « Vous pouvez compter Les deux députés guyanais (de ten-
« Nous sommes des Guyanais, pas des sur moi », assure le chef de l’État. dance autonomiste) ont manifesté leur
Français », lance ainsi au président un Du côté des élus, Emmanuel Macron mauvaise humeur en séchant l’accueil
homme âgé après la cérémonie à Cayen- doit faire face au refrain des revendi- du président lundi. Ils poussent pour
ne. Un peu plus tard, sur le marché aux cations autonomistes. Le président de que l’État transfère des compétences à
poissons, les pêcheurs lui racontent la la collectivité, Gabriel Serville, récla- la collectivité, mais sans couper dans

Olivier Marleix : « Ce qui menace les Français, c’est la faillite du pays ! »

Propos recueillis par redevance, « flat tax » sans jamais se mettra à la France d’en sortir, avec des
Emmanuel Galiero et C. C. poser la question du financement… Sous efforts équitablement répartis. Mais
Nicolas Sarkozy, la masse salariale de sans cap, ni ce président, ni ce gouver-
l’État avait baissé de 6,6 %, elle a aug- nement n’en sont capables.

À
l’heure où l’Insee va annon-
cer le chiffre calamiteux du
déficit public, Olivier Mar-
leix, député d’Eure-et-Loir et
président du groupe LR à l’Assemblée,
fustige le gouvernement.
LE FIGARO. - L’exécutif pourra-t-il
redresser la barre des finances
publiques d’ici à la présidentielle ?
OLIVIER MARLEIX. - Ce qui est certain,
c’est qu’il ne le fera pas avant les euro-
péennes du 9 juin ! M. Macron fait tout
ce qu’il peut pour cacher aux Français la
gravité de la situation financière du
pays et les mesures douloureuses pour
le pouvoir d’achat qu’il prépare. En
quarante ans, la France s’est endettée
de 2 000 milliards. À la fin de cette an-
née, Emmanuel Macron aura fait, à lui
seul, 1 000 Milliards de plus. L’effort de
redressement sera douloureux et impo-
sera un demi-tour complet par rapport
à ce qui a été fait depuis sept ans. Une
période où le pouvoir a distribué des ca-
deaux fiscaux aux uns, des chèques aux
autres : suppression de la taxe d’habita-
tion pour 20 milliards, suppression de la
VENTES AUX ENCHERES PUBLIQUES
menté de 5,9 % sous François Hollande,
puis de 11,3 % sous Emmanuel Macron.
Deux fois pire que Hollande.
Aviez-vous anticipé les chiffres
de l’Insee sur les déficits publics
attendus mardi, qualifiés d’alarmants ?
Si l’on en juge par la panique du gou-
vernement, nous dépasserons les 5 %.
C’est calamiteux. Il suffit de nous com-
parer à nos voisins européens. Même la
Grèce et le Portugal sont sous les 3 %,
l’Espagne y sera en 2024, l’Italie en
2025. Cette réalité dramatique se traduit
par une explosion de la charge de la det-
te : 56 milliards en 2024 (soit + 20 mil-
liards en trois ans) et autour de 90 mil-
liards à la fin du quinquennat ! Quand
vous subissez une telle dégradation,
cela finit par avoir un effet sur les taux
d’intérêt. Nous sommes donc au com-
mencement d’un effet boule de neige.
Les résultats des agences de notation
vont tomber entre avril et mai.
À quoi faut-il s’attendre ?
Le gouvernement est visiblement très
inquiet. D’où les annonces de réforme
« Depuis la crise des dettes souveraines de 2009, c’est la première fois
que la France est au pied du mur », souligne Olivier Marleix. F. BOUCHON/Le Figaro
de l’assurance-chômage pour calmer
les marchés financiers. Depuis la crise
des dettes souveraines de 2009, c’est la
première fois que la France est au pied
du mur. Les Français vont devoir payer
la facture de la gabegie Macron. On
voit bien ce qui se dessine : le gouver-
nement va tenter de diviser, de mettre
en avant la « bonne dépense publique »
et la « mauvaise » que seraient les dé-
Ce budget était-il insincère ?
Évidemment ! Nous l’avions dénoncé
dans notre saisine du Conseil constitu-
tionnel. Les économistes de la Banque de
France prévoyaient 0,9 % de croissance,
ceux de l’OCDE 0,8 %. Il n’y avait que les
« prévisionnistes » du Conseil constitu-
tionnel pour trouver ces 1,4 % de crois-
sance « plausibles ». Bruno Le Maire a
programmé 10 milliards d’annulations
La gravité de la situation telle que vous
la décrivez ne risque-t-elle pas
de rejaillir sur les parlementaires ?
Je vous invite à reprendre tous les dis-
cours des Républicains depuis le pre-
mier jour de ce double quinquennat
Macron. Dès le premier budget, nous
avions dénoncé la folie des choix. De
François Fillon à Valérie Pécresse nous
avons toujours assumé l’urgence du re-
dressement des comptes. C’est pour ça
que nous avons assumé avec courage de
voter la réforme des retraites. Je regret-
te le silence assourdissant des milieux
d’affaires : ils auraient dû appeler à la
raison, or ils nous ont laissés un peu
seuls jouer les rabat-joie.
Comment le groupe LR que vous
présidez abordera-t-il les prochains
rendez-vous économiques
à l’Assemblée ?
Nous serons les porte-parole des Fran-
çais face à la gravité de la situation fi-
nancière. Le président fait diversion en
surjouant dangereusement le « chef de
guerre » en Ukraine. Ce qui menace le
plus directement les Français aujour-
d’hui, c’est la faillite du pays. Elle em-
pêche même l’État de commander
bombes et obus !

01.49.04.01.82 - annonces@osp.fr penses sociales. Ce qu’il oublie de pré- de crédits, mais ce n’est encore que Irez-vous jusqu’à la censure ?
ciser, c’est que ces dépenses sociales, l’épaisseur du trait. Pour sauver les L’heure est d’abord à la prise de
75 Vente aux enchères publiques, au Tribunal Judiciaire de PARIS,
Parvis du Tribunal de PARIS, à PARIS 17ème, le Jeudi 02 mai 2024 à 14 H 00
ce sont : un, les retraites ; deux, la san-
té. En fait le gouvernement va taper sur
meubles il faut trouver 20 milliards dès
cette année, mais Emmanuel Macron
conscience collective. Viendra ensuite
celle de la responsabilité de ce pouvoir
UN APPARTEMENT en DUPLEX à PARIS 4ème les plus fragiles : santé (les dérembour- veut attendre les européennes pour an- dans la situation financière de la France.
66 rue de Rivoli sements ont commencé, le prix des noncer les mesures les plus dures. La façon dont messieurs Macron et Le
de 87,57 m² (hors 2 balcons ilants). Surface au sol totale : 94,86 m². Comprenant mutuelles explose), sous-indexation Maire se renvoient la faute est assez in-
au 4ème étage gauche, porte droite : entrée, 2 chambres, dressing, salle de bain avec w.-c., des retraites, réduction de la durée Irez-vous à la réunion du ministre digne. Le ministre prétend avoir lancé
dégagement, au 5ème étage (par escalier intérieur) : pièce palière (bureau), 2 chambres, d’indemnisation des chômeurs âgés, de l’Économie début avril ? des alertes. Je ne l’ai jamais entendu
cuisine, w.-c., dégagement, placards. Occupé. qui tomberont au RSA au bout de seize Certainement pas. Quand Le Maire ose mettre sa démission dans la balance de-
mois. Comme si on faisait exprès d’être dire qu’il attend de nous des proposi- puis sept ans. Il restera dans l’histoire
MISE A PRIX : 600.000 Euros
au chômage à 61 ans ! Dans la panique, tions d’économies, il se moque du mon- de France comme le ministre des Fi-
Pour consulter le cahier des conditions de vente s’adresser au Grefe du Juge de le gouvernement s’apprête à faire les de ! Ces gens-là ont ruiné le pays, n’ont nances qui aura explosé tous les records
l’Exécution « Ventes immobilières » du Tribunal Judiciaire de PARIS où il a été déposé choix les plus injustes ! jamais eu le courage d’une mesure en signant pour 1 000 milliards de dette !
sous la Référence Grefe 23/00223, à Maître Jérôme HOCQUARD, SELARL ELOCA, d’économie et voudraient faire porter Je suis bien décidé à ne pas les laisser
Avocats à PARIS 6ème, 128 boulevard Saint-Germain, Tél. : 01 43 26 82 98 de 10 H à 12 H, Deux mois seulement après l’adoption par les oppositions les mesures impopu- lancer l’offensive contre le pouvoir
A

sur Internet : www.eloca.fr du budget 2024, Bruno Le Maire laires. Seul un plan de redressement d’achat des plus modestes. Ils n’ajoute-
VISITE sur place le Vendredi 26 avril 2024 à 12 H 30 a annoncé un plan d’économies. comparable au plan Rueff de 1959 per- ront pas l’injustice à l’incurie. ■

les subventions. « On attend de lire
leurs propositions », temporise-t-on à
l’Élysée, où l’on préfère mettre en
avant « les sujets du quotidien ».
Emmanuel Macron conclura son dé-
placement mardi par une visite de la
zone d’assemblage d’Ariane 6, au Cen-
tre spatial guyanais de Kourou, créé il
À Nevers, Les Républicains pointent les failles
du discours macroniste sur la défense
Claire Conruyt
Envoyée spéciale à Nevers (Nièvre)
V
ous voulez que je vous prenne
en photo ? » Le général Chris-
tophe Gomart, qui détaille
l’un des véhicules de l’avant
blindé (VAB), décline poliment. « Je
connais », lâche-t-il, sourire courtois, les
mains rangées derrière le dos et le buste
droit. Il ne porte plus l’uniforme mais a
encore cette raideur militaire si singuliè-
re. Pour son premier déplacement de
campagne, le tout nouveau numéro trois
de la liste LR aux européennes s’est rendu
à l’usine Arquus, non loin de Nevers
(Nièvre), premier fournisseur en véhicu-
les terrestres de l’armée française. Amu-
sé, le général observe ses partenaires de
campagne François-Xavier Bellamy et
Céline Imart s’engouffrer dans l’une des
épaisses carcasses d’acier. « Attention à la
tête », prévient-on. D’autant que la nu-
méro deux n’a sans doute pas apporté
l’huile essentielle « coups et blessures »
que lui a offerte Valérie Pécresse au Salon
de l’agriculture. « En politique, on en a
besoin », lui a glissé la présidente de la
région Île-de-France.
Ce déplacement sur le thème de la dé-
fense, c’est d’abord l’occasion pour LR
de dresser la critique d’Emmanuel Ma-
cron face au retour de la guerre en Euro-
pe. « Nous entendons les discours mar-
tiaux et nous voyons au Parlement
européen que les spéculations sur d’hypo-
thétiques mises en œuvre de forces euro-
péennes sur le sol ukrainien créent de la
division entre les alliés occidentaux », dé-
plore Bellamy. En attendant, poursuit-il,
« la France est le deuxième exportateur
mondial en termes d’industrie de défense
et, aujourd’hui, nous sommes quinzièmes
dans le rang des pays donateurs à l’Ukrai-
ne ». Déplorant « les leçons » d’Emma-
nuel Macron aux alliés européens,
« quand il parle d’“esprit de défaite” ou de
“lâcheté” », Bellamy siffle : « C’est une
mauvaise habitude française qui consiste à
montrer plus d’arrogance dans les paroles
que d’efficacité dans l’action. » Le général
Politique
y a 60 ans tout juste par le général de
Gaulle. Après des années de retard, le
tir inaugural du nouveau lanceur
européen est prévu pour le début de
l’été. L’enjeu est crucial pour l’Europe,
qui tente de se relancer dans une in-
dustrie spatiale en pleine métamor-
phose sous l’impulsion de SpaceX, la
Gomart, qui « ne souhaite pas » le dé-
ploiement de troupes françaises en
Ukraine, renchérit : « Donnons des mu-
nitions aux Ukrainiens, c’est ce qu’ils de-
mandent, de façon à ce qu’ils puissent ré-
sister aux Russes et discuter avec eux en
position de force. »
« Préférence européenne »
Peu à peu, le militaire s’habitue à son
nouveau statut. « Vous amusez-vous ? »,
l’interroge-t-on. « Oui. Les gens me di-
sent que c’est difficile mais je me souviens
du mot du général Lasalle à Napoléon : “Je
le ferai avec plaisir parce que c’est diffici-
le.” » Samedi dernier, Gomart a rencon-
tré les ténors du parti. « Tout s’est fait
très vite », justifie-t-il. Quelques semai-
nes, tout au plus. Mais, la politique, le
général y pensait depuis « un moment ».
Bellamy, un proche, lui avait d’ailleurs
suggéré de se lancer aux dernières légis-
latives. L’ancien officier a préféré
Bruxelles au Palais Bourbon. Bien sûr, le
nombre d’élus dépendra du score réalisé
le 9 juin prochain.
LUDOVIC MARIN/AFP
«
C’est le choix du président
de parler réarmement
mais le réarmement,
c’est une réalité
industrielle qui suppose
des engagements fermes
de l’État
» qui suppose des engagements fermes de
François-Xavier Bellamy
Tête de liste LR aux européennes
JODY AMIET/AFP
société d’Elon Musk. Mais aussi pour la
Guyane, dont le centre spatial repré-
sente entre 10 % et 15 % du PIB.
Pas le temps pour le président d’at-
tendre le compte à rebours : il décolle-
ra dans la foulée pour le Brésil où il se
rend en visite d’État, à l’invitation du
président Lula. ■
Mais, pour l’instant, voilà Christophe
Gomart happé par le bruit des engins qui
démarrent. « Vous allez voir, quand ça
accélère, il y a un sifflement très recon-
naissable, glisse-t-il. J’en ai passé du
temps là-dedans… » Les trois têtes de lis-
te LR se laissent guider dans l’espace
maintenance des VAB par Emmanuel
Levacher, président d’Arquus. Certains
ont servi lors de l’opération Barkhane,
d’autres seront envoyés en Arménie. Au
total, l’entreprise en a livré 250 à
l’Ukraine. Une rangée de ces véhicules
dort dans un grand entrepôt. L’un date
de 1984. « Aussi vieux que moi », plai-
sante Céline Imart. L’autre a sur son
flanc le nom de « Bérézina 1812 ». « Pas
sûr de vouloir le conduire, celui-là… »,
commente Bellamy. Plus loin, l’on dé-
place un blindé - étrange ; prudente val-
se d’un monstre d’au moins 13 tonnes,
suspendu à un crochet. Fascinée, Céline
Imart détaille l’ossature d’un autre en-
gin auquel il manque une couche de
blindage. « Il s’est pris deux mines anti-
chars de 12 kg et a fait un bond de 8 mè-
tres, raconte un employé. Les hommes en
sont sortis indemnes. »
Défendant la « préférence européenne »
dans l’industrie de la défense, le général
Gomart estime que « les pays européens
doivent, non plus acheter aux États-Unis,
mais en Europe ». La droite estime par
ailleurs que chaque État membre de l’UE
doit consacrer au moins 3 % de son PIB à
la défense. « On est à peine à 2 % », re-
grette le général. Enfin, après avoir dé-
fendu l’idée d’un triplement du Fonds
européen de défense (de 8 milliards à
25 milliards), François-Xavier Bellamy a
fait part de son « étonnement » tandis
qu’une entreprise comme Arquus « n’a
pas le carnet de commandes qu’elle devrait
avoir, la visibilité et les moyens pour inves-
tir dans une intensification de l’effort col-
lectif ». Concluant ainsi : « C’est le choix
du président de parler réarmement mais le
réarmement, c’est une réalité industrielle
l’État. Or, l’investissement de la nation et
de notre gouvernement sur ce sujet n’est
pas à la hauteur. » ■
Municipales : à Paris,
Lyon et Marseille,
Macron veut éviter
l’« usine à gaz »
Loris Boichot
Le président, qui souhaite que les électeurs de ces
trois villes élisent leur maire plus directement en 2026,
est tenté de reprendre en main cette réforme.
E
n 2026, les deux millions
d’électeurs de Paris, Lyon et
Marseille voteront-ils comme
ailleurs ? La majorité prési-
dentielle prépare de nouvelles règles
du jeu « plus simples » pour les élec-
tions municipales dans les trois plus
grandes villes de France. Il s’agit d’al-
ler vite, malgré le caractère explosif de
l’opération, et malgré le retard déjà
pris. D’abord annoncée pour fin 2023,
cette réforme du mode de scrutin doit
maintenant être présentée d’ici à l’été,
afin d’être adoptée par le Parlement
d’ici au mois de février 2025. Soit un an
avant les élections.
« Moi, je suis pour appliquer la réfor-
me », a répété Emmanuel Macron au Fi-
garo, en marge de son déplacement à
Marseille, mardi 19 mars. Dimanche,
son allié François Bayrou a pressé son
camp d’accélérer. « Est-ce qu’il est nor-
mal que les trois principales villes fran-
çaises, Paris, Lyon et Marseille, se voient
privées du droit d’élire leur maire ?
Qu’est-ce qui peut justifier cela ? », a
lancé à Blois (Loir-et-Cher) le président
du Mouvement démocrate (MoDem).
Plus de quarante ans après la loi Pa-
ris, Lyon, Marseille (PLM), le chef de
l’État et ses troupes veulent changer le
système électoral particulier de ces
trois communes. Leurs habitants ne
votent pas à l’échelle de leur commu-
ne, mais à l’échelle de leur secteur (à
Marseille) ou de leur arrondissement (à
Paris et à Lyon). Résultat, un candidat
peut remporter l’hôtel de ville en ayant
gagné une majorité de sièges dans les
secteurs, même s’il a obtenu au total
moins de voix que le camp adverse - ce
qui est arrivé au socialiste Gaston Def-
ferre à Marseille en 1983. C’est une
« anomalie », insistent les macronistes.
« Est-ce qu’il est normal
que les trois principales
villes françaises,
Paris, Lyon et Marseille,
se voient privées du droit
d’élire leur maire ?
Qu’est-ce qui peut
justifier cela ? »
François Bayrou
président du MoDem,
dimanche, à Blois
En « revenant au droit commun »,
Emmanuel Macron veut éviter toute
« usine à gaz », indique-t-on dans
son entourage. Mais l’incertitude
subsiste autour du sort des maires de
secteur et d’arrondissement, sur fond
de lutte d’influence autour du prési-
dent de la République.
D’un côté, une proposition de
réforme, écrite par le chef de file des
députés Renaissance, Sylvain
Maillard, avec ses collègues David
Amiel et Benjamin Haddad, modifie le
mode de scrutin en préservant les
compétences des mairies de secteur.
Premier changement, les électeurs
disposeraient de deux bulletins : l’un
pour composer la « mairie centrale »,
l’autre le conseil de secteur.
Deuxième modification, la liste ar-
rivée en tête ne ravirait qu’une « pri-
me » de 25 % des sièges contre 50 %
aujourd’hui à l’échelle de la ville. Ce
texte, « quasiment écrit », doit être
déposé à l’Assemblée nationale « en
avril-mai », en vue d’un premier exa-
men par les députés « avant les Jeux
olympiques de juillet », indique Sylvain
Maillard au Figaro.
Mais ce système est jugé trop com-
plexe par une partie des soutiens
d’Emmanuel Macron, qui veulent re-
mettre en cause les secteurs ou arron-
dissements. En coulisses, l’ancien sé-
nateur (Les Républicains, LR) de Paris,
Pierre Charon, conseiller officieux
d’Emmanuel Macron, défend auprès
de lui le principe d’une liste, d’un bul-
le figaro mardi 26 mars 2024 9
letin et d’une urne uniques à l’échelle
des trois villes - à l’exception de Lyon,
ou un deuxième bulletin est déjà prévu
pour désigner les conseillers de la mé-
tropole. Dans cette hypothèse, les
mairies de secteurs ou d’arrondisse-
ment seraient affaiblies. « Il n’y a pas de
majorité à l’Assemblée ou au Sénat pour
voter un texte qui supprimerait les
arrondissements », assure Sylvain
Maillard, par ailleurs patron de la fédé-
ration parisienne du parti Renaissance.
Sur le plan électoral, les conséquen-
ces ne seraient pas les mêmes. La sup-
pression du vote direct à l’échelle de
l’arrondissement remettrait en cause
certains fiefs locaux. À Paris, elle pour-
rait aussi permettre au Rassemblement
national et aux Insoumis de se mainte-
nir au second tour. « Nous ne souhaitons
pas la fin des arrondissements, l’échelon
le plus proche des Parisiens, qui y sont
attachés », insiste Catherine Dumas,
qui a succédé à Rachida Dati à la tête du
groupe LR au Conseil de Paris.
Le chef de l’État, lui, a le choix.
S’agissant de la méthode, il pourrait op-
ter pour un projet de loi à la main du
gouvernement, en vue d’une adoption
plus rapide qu’une proposition de loi.
Quelle que soit l’option choisie, les mai-
res de Paris et de Lyon, la socialiste
Anne Hidalgo et le Vert Grégory Dou-
cet, dénoncent un « tripatouillage élec-
toral ». Seul leur homologue marseillais,
Benoît Payan (ex-Parti socialiste), dé-
fend un mode de scrutin plus direct.
Sans pour autant se dire favorable à une
remise en cause des secteurs. La matière
électorale reste sensible. ■
zoom
François Rebsamen
voudrait en finir
avec la région Bourgogne
Franche-Comté
Huit ans après, le divorce
entre la Bourgogne et la Franche-
Comté déjà consommé ?
C’est en tout cas le souhait
du maire de Dijon (Côte-d’Or),
François Rebsamen, qui plaide
pour un redécoupage de la région
« BFC » comme le révèle Le Point.
L’hebdomadaire raconte
que l’ancien ministre socialiste
considère que la Bourgogne est
« méprisée par la Francomtoise
Marie-Guitte Dufay, présidente
PS de l’actuelle région ».
Pour mettre un terme à l’affront,
l’édile aurait convaincu
plusieurs élus bourguignons,
et notamment le président
du département de la Côte-d’Or,
François Sauvadet, de se joindre
à lui. Désormais proche
d’Emmanuel Macron, il souhaite
plaider auprès du président
de la République une nouvelle
réforme territoriale. L’initiative
vise à détricoter la loi nouvelle
organisation territoriale
de la République (NOTRe),
initiée par François Hollande,
qui avait accouché
de treize grandes régions.
Un projet similaire
est actuellement porté
par Frédéric Bierry,
président de la Communauté
européenne d’Alsace, qui, fort
de la consultation organisée
en février 2022, montrant que
92,4 % des 168 456 participants
demandent que « l’Alsace
sorte de la grande région »,
souhaite obtenir son autonomie
vis-à-vis de la région Grand Est.
L’élu, qui se veut résolument
optimiste, a récemment organisé
une réunion sur ce thème,
A
estimant que les choses
pourraient évoluer dans l’année.
 10 mardi 26 mars 2024 le figaro Société

I
l y a un peu moins de deux ans,
les panneaux des lieux-dits de
Passavant-sur-Layon, un village
de 124 habitants dans le Maine-
et-Loire, ont soudainement été
arrachés. Un coup de balai sur
des noms solidement ancrés dans l’his-
toire de la commune qui a provoqué une
tempête sans précédent dans ce coin
tranquille. Pétitions et manifestations se
sont succédé, jusqu’à entraîner la dé-
mission du maire. Après plusieurs man-
dats de bons et loyaux services, il a été
contraint de remettre son écharpe tri-
colore, ses administrés ne lui ayant pas
pardonné cette décision. « Cette histoire
de noms de lieux-dits retirés a provoqué
une crise incroyable dans le village, qui se
ressent encore aujourd’hui », regrette
Olivier Lecomte, le nouvel édile, élu en
juin dernier.
Le séisme qui a frappé Passavant-
sur-Layon a fait trembler bien des col-
lectivités ces derniers mois. Il est lié à la
loi dite « 3DS » de 2022, qui oblige tou-
tes les communes, petites et grandes, à
mettre des adresses complètes dans
toutes les rues, sans exception. Jusque

« Quand on nous dit,

en pleine nuit : “C’est
la maison du hameau
qui a les volets verts”, ce
n’est pas simple d’arriver
rapidement ! Or, une
minute gagnée lors d’une
intervention, c’est 10 %
de chances de survie
supplémentaires en cas
de malaise cardiaque »
Éric Brocardi
porte-parole de la Fédération nationale
des sapeurs-pompiers de France

dans les coins les plus reculés du pays, le

moindre bâtiment, la moindre bâtisse
isolée au milieu d’un hameau doit doré-
navant porter un numéro, un nom de
rue et de commune. Et, à la faveur de
cette uniformisation, des lieux-dits, Un habitant de Plouezoc’h (Finistère) vient de recevoir sa nouvelle plaque de numérotation d’adresse afin de se mettre en conformité avec la loi dite « 3DS »
devenus encombrants, passent à la de 2022, qui oblige toutes les communes de France à doter le moindre bâtiment isolé d’un numéro et d’un nom de rue. PHOTOPQR/LE TELEGRAMME/MAXPPP
trappe.

Dans les villages, cet « adressage »

Les villes de plus de 2 000 habitants
- elles sont 5 532 - avaient jusqu’au
1er janvier dernier pour se conformer à
ces nouvelles obligations. Toutes les

obligatoire qui fait grincer des dents

autres, les 30 000 restantes, ont jusqu’à
juin prochain pour respecter la loi. Ob-
jectif visé par ce texte : mieux localiser
les habitations pour développer la fibre
optique, mais aussi aider les livreurs à
s’y retrouver pour remettre les colis et
surtout faciliter la tâche des secours
pour trouver la bonne adresse en cas
d’intervention urgente. « Quand on
nous dit, en pleine nuit : “C’est la maison
du hameau qui a les volets verts”, ce n’est
pas simple d’arriver rapidement ! », iro-
nise Éric Brocardi, porte-parole de la
Fédération nationale des sapeurs-pom-
piers de France. « Or, une minute ga-
gnée lors d’une intervention, c’est 10 %
de chances de survie supplémentaires en
cas de malaise cardiaque », rappelle ce
dernier.
La loi vise également à mettre fin à
l’anarchie des fichiers d’adresses, pas
toujours actualisés et gérés par diverses
administrations. « Dorénavant, il n’y
aura plus qu’une seule base nationale
d’adresses alimentée par les communes,
comme le prévoit le texte », souligne
Ariane Rose, chef de projet au sein de
l’Agence nationale de la cohésion des
territoires (ANCT). Placé sous la tutelle
de divers ministères, cet établissement
public veille à la bonne application de la
réforme. Heureusement pour les com-
munes, la loi 3DS ne prévoit aucune
sanction en cas de retard dans la mise
en conformité. Même parmi les grandes
agglomérations, certaines ne sont en
effet toujours pas dans les clous à ce
jour. Quant aux municipalités plus mo-
destes, de nombreux maires risquent
d’être en délicatesse avec la nouvelle
réglementation, à la date fatidique du
1er juin. Le gouvernement, qui a créé un
site pour suivre l’application de cette
loi, relève qu’à ce jour 17 780 communes
s’y sont pliées, ce qui représente 64 %
de la population. On est encore loin du
compte.
Certes, la loi ne dit pas que les lieux-
dits doivent être retirés des adresses.
Mais par souci de simplicité, des élus
zélés ont opéré d’eux-mêmes ce coup
de balai sur leur territoire. Comme de
mauvaises herbes, ces panneaux qui ra-
content l’histoire des villages ont été
arrachés çà et là, remplacés par
d’autres, avec des noms de rue et des
numéros. Un crève-cœur pour les ha-
bitants. Certains maires, qui facturent
A
Angélique Negroni
Les communes de moins de 2 000 habitants ont jusqu’au 1er juin pour baptiser chacune
de leurs rues. Certains noms de lieux-dits vont ainsi disparaître, au grand dam des riverains.
conseillés. Des employés de La Poste ont
ainsi donné comme instruction de rayer
de la carte les lieux-dits et de remplacer
tous les noms en langue régionale par
des noms français.
La petite ville de Plouégat-Guérand,
dans le Finistère, a failli supprimer ses
140 lieux-dits. La parution d’un guide
érigé par la métropole de Brest, qui
contredisait les consignes de La Poste, a
sauvé in extremis ces appellations. « On
a gardé notre “Blein Maro”, qui veut dire
“le loup mort”. Tous ces noms restent
dans les mémoires, et la population y est
attachée », souligne le maire de la com-
mune, Renaud de Clermont-Tonnerre.
De son côté, La Poste, via sa spécialiste
« adressage » Christel Papillon Viollet,
reconnaît que la conservation du lieu-
dit reste possible. Toutefois, ajoute-t-
elle, « ce n’est pas ce qui est préconisé
pour créer des adresses simples et préci-
ses, surtout dans le cas de projet futur de
fusion de communes ».
Qui aurait pensé que ces histoires
d’adresses allaient susciter de tels dé-
bats, enflammer à ce point les esprits et
faire autant de mécontents ? En Breta-
gne, véritable pays des lieux-dits, c’est
presque devenu une affaire d’État. Plu-
sieurs défenseurs du patrimoine topo-
nymique sont montés au créneau. Le
magistrat Yvon Ollivier, qui préside
l’association Koun Breizh, mémoire de
Bretagne, a récemment interpellé les
autorités. « Ce que l’on pouvait craindre
se produit désormais sous nos yeux.
L’application de la Loi 3DS conduit de
manière silencieuse à la débretonnisation
de nos campagnes », s’alarme-t-il dans
une lettre ouverte adressée au président
de la région Bretagne.
L’Office public de la langue bretonne,
quant à lui, veille au grain pour protéger
l’identité des terres qu’il défend. « On
en français alors que ce format ne corres-
pond pas à notre réalité. La Bretagne est
faite de lieux dispersés, de maisons re-
groupées en hameaux avec des lieux-dits
et des noms en langue bretonne », expli-
que l’un de ses responsables, Hervé
Gwegen. Pour lui, ce patrimoine topo-
nymique « parfois bien plus vieux que les
églises » ne peut être sacrifié sur l’autel
d’une prétendue efficacité. Bien des
communes ont décidé d’imposer leur
manière de faire : numéroter les habita-
tions au sein d’un même lieu-dit. Une
règle que valide d’ailleurs l’ANCT.
« Pourquoi changer quand
ça marche ? C’est absurde !
Invisible de la route
principale, ma ferme,
qui ne porte pas
de numéro, se trouve tout
au bout d’un chemin »
Dorothée Habitante de la Creuse
Mais, parfois, le mal est déjà fait. À
Telgruc-sur-Mer, sur la presqu’île de
Crozon (Finistère), les habitants ont ré-
cemment vu disparaître certains de leurs
noms de rue au profit d’une incongrue
« rue du Pélican ». « Comme s’il y avait
des pélicans en Bretagne ! », se désole
Hervé Gwegen. Dans un autre genre, en
Seine-et-Marne, la ville d’Émerainville
avait confié il y a plusieurs années à des
écoliers le soin de baptiser ses rues, pour
anticiper la nouvelle loi.
Elle a ainsi vu naître l’allée du Cra-
paud-Chanteur, celle du Crocodile-Ro-
se ou encore la rue du Lapin-Vert ! Une
inventivité enfantine diversement ap-
préciée, qui a fait naître des commen-
taires railleurs sur les réseaux sociaux :
ses ! », pouvait-on lire. On est loin, il est
vrai, des préconisations de la loi 3DS,
qui invite à trouver des noms de rue en
rapport avec l’histoire des communes,
ce qui suppose un travail de recherche…
Si la réforme fait grincer des dents sur
les noms, elle irrite aussi sur les chiffres.
Pour donner des numéros aux habita-
tions, des communes ont adopté un pro-
cédé américain : la numérotation métri-
que. Concrètement, si une maison est à
2 400 m du début de la rue, elle portera
le numéro 2400. Fait certain : un tel
choix aboutit à des situations incon-
grues. Seule sur une voie, une bâtisse
pourra ainsi écoper du numéro 5400 !
« Mais pour nous, pompiers, cela livre une
information précieuse. On saura que les
gens à secourir sont à 5 400 m du début de
la rue. Cela nous aide pour nos prépara-
tifs », indique Éric Brocardi.
Pour certains riverains concernés,
cette loi est une aberration, qu’ils rejet-
tent en bloc. « Pourquoi changer quand
ça marche ? C’est absurde ! Invisible de la
route principale, ma ferme, qui ne porte
pas de numéro, se trouve tout au bout
d’un chemin. Or, quand je commande des
colis, ils arrivent tous. Un 38-tonnes m’a
livré une fosse septique et Amazon, un li-
vre ! Le nom du lieu-dit, cela suffit large-
ment, comme indication », fulmine ainsi
Dorothée, une habitante de la Creuse.
Or, la mairie de son village compte don-
ner un nom au chemin, dont la pancarte
sera visible de la route principale. Pour
Dorothée, cela n’aura que des désavan-
tages, notamment celui de matérialiser
l’existence de sa maison. « Cela pose un
vrai problème de sécurité », souligne-t-
elle. Dès que le piquet et la pancarte se-
ront installés, elle compte dans la foulée
les retirer.
De son côté, à Passavant-sur-Layon,
la mairie compte bien replanter, le plus
facile à retirer et c’est plus long à remet-
tre, car il a fallu voter les budgets de ces
travaux », raconte Olivier Lecomte. Les
habitants ont hâte de traverser à nou-
veau leur commune en voyant défiler La
Salle, Le Chatelier, Le Borderon et sur-
tout Le Guinchereau, un nom qui sent
bon les flonflons et les bals musettes. « Il
indique justement le lieu où, jadis, on dan-
sait », relate le maire. La réapparition de
ce lieu-dit d’ici la fin de cette année vau-
dra bien une belle fête au village. ■
ZOOM
Inondations meurtrières
dans un Ehpad : Orpea
relaxé, l’ex-maire
condamnée
Le tribunal correctionnel de Grasse
a relaxé lundi le groupe Orpea
pour la mort de trois pensionnaires
d’un Ehpad en 2015 à Biot (Alpes-
Maritimes), lors d’inondations,
mais a condamné l’ex-maire
de la commune, Guilaine Debras,
à un an d’emprisonnement avec
sursis. Le soir du 3 octobre 2015,
des orages avaient transformé
plusieurs rivières de la Côte d’Azur
en torrents d’eau et de boue,
causant la mort de 20 personnes.
À Biot, une vague de submersion
avait envahi le rez-de-chaussée
de l’Ehpad. Trois résidentes,
âgées de 82, 91 et 94 ans, y étaient
mortes noyées. Unique
condamnée, Mme Debras l’a été
parce que le « plan communal
de sauvegarde » de Biot,
un document qui fixe précisément
les responsabilités et les procédures

une assistance pour ce travail plus com- veut nous imposer un modèle d’adresse « Je plains les gens qui vont devoir rédi- tôt possible, les panneaux où figurent les en cas d’urgence, n’était pas
pliqué qu’il n’y paraît, ont été mal avec un numéro et une rue avec un nom ger un CV prochainement avec ces adres- appellations des lieux-dits. « Cela a été fonctionnel au moment du drame.

Handicap : la maltraitance ciblée par l’État
Agnès Leclair
Alors que l’exécutif a
annoncé des contrôles
systématiques dans
les établissements
spécialisés, le secteur
pointe une crise
du recrutement.
N
ous nous donnons ré-
solument les moyens
d’une tolérance zéro
face aux abus. » Une
campagne de contrô-
les systématiques de
tous les établissements sociaux et
médico-sociaux accueillant des person-
nes handicapées à partir de 2025 a été an-
noncée par Fadila Khattabi, ministre dé-
léguée chargée des Personnes âgées et
des Personnes handicapées.
Lundi, elle a présenté la nouvelle straté-
gie 2024-2027 de lutte contre les mal-
traitances visant les personnes handica-
pées ou âgées, qui fait suite à des états
généraux. D’ici à juin, une circulaire pré-
cisant les modalités et les objectifs de ce
plan de contrôles - qui devrait courir jus-
qu’en 2030 - sera diffusée à l’ensemble des
agences régionales de santé (ARS). Quel-
que 9 200 établissements accueillant des
personnes handicapées sont concernés,
notamment les instituts médico-éducatifs
(IME), foyers d’accueil médicalisés, mai-
sons d’accueil spécialisées et établisse-
ment et service d’aide par le travail (Esat).
Cette annonce intervient au lendemain de
la diffusion sur M6 d’une enquête de
« Zone interdite » sur les défaillances de
l’État dans le secteur du handicap.
IME délabré et interdit d’accès aux pa-
rents, plainte à la suite d’une suspicion de
maltraitance sur un jeune autiste majeur,
ratés de l’école « inclusive », enfants sans
L’opération Place nette
XXL se poursuit en prison
Paule Gonzales
Stupéfiants et téléphones portables ont été saisis, la
semaine dernière, aux Baumettes et à Salon-de-Provence.
L
es opérations Place nette XXL
ne s’arrêtent pas aux portes
des commissariats, ni à celles
des tribunaux judiciaires.
Après l’offensive contre les trafi-
quants de drogue menée la semaine
dernière à Marseille, et qui s’est éten-
due ce lundi à d’autres villes de Fran-
ce, la Chancellerie insiste : les prisons
ne doivent pas être exclues. Aussi,
mardi et mercredi derniers, la direc-
tion de l’administration pénitentiaire
a-t-elle mené, dans les prisons des
Baumettes et de Salon-de-Provence,
deux opérations coup-de-poing pour
« frapper de manière ciblée la crimina-
lité organisée », souligne-t-on au mi-
nistère de la Justice. Depuis ces éta-
blissements pénitentiaires, les
dealers poursuivent en effet le trafic
de stupéfiants à l’usage des détenus et
continuent de structurer leurs activi-
tés criminelles depuis leur cellule.
Ainsi la prison n’est-elle plus qu’un
aléa parfaitement intégré depuis
longtemps par les délinquants.
« Des brigades cynophiles et une
équipe régionale d’intervention et de sé-
curité (l’équivalent du GIGN pour la
pénitentiaire, NDLR) ont fouillé cin-
quante cellules de personnalités impli-
quées dans la criminalité organisée, ci-
blées notamment grâce au
renseignement pénitentiaire », fait-on
savoir Place Vendôme. En tout, une
centaine d’agents a été mobilisée. Il
s’agit, selon le ministère de la Justice,
d’une opération sur le « haut du spec-
tre » du trafic de stupéfiants. « Nous
avons trouvé 18 téléphones mobiles, 6
cartes SIM et 60 grammes de résine de
cannabis. » Si la quantité n’est pas
neutre pour un établissement péniten-
tiaire, elle n’est pas non plus spectacu-
laire au regard des saisies effectuées en
D’ici à juin, une circulaire précisant les modalités de la surveillance renforcée des 9 200 établissements sociaux
et médico-sociaux du secteur sera diffusée à l’ensemble des agences régionales de santé.
solution de prise en charge… : le docu-
mentaire révèle une succession de graves
dysfonctionnements. Fadila Khattabi a
rencontré la semaine dernière les parents
qui ont témoigné pour « trouver des solu-
tions adaptées ». Les maltraitances évo-
quées dans le documentaire ont par
ailleurs déjà donné lieu à des contrôles en
2022 et 2023 par les agences régionales de
santé, affirme le ministère. Enfin, une
mission de l’Igas va être lancée pour
« contrôler l’accompagnement et l’orien-
tation des enfants handicapés en IME ».
Y a-t-il une omerta sur les violences
dans la prise en charge des personnes
handicapées ? « La situation est compara-
ble à celle des personnes âgées en Ehpad et
début d’année, ayant pu aller jusqu’à
800 grammes. Mais à la Chancellerie,
on insiste sur la volonté « d’aspirer et
analyser toutes les données contenues
dans les téléphones portables ».
Un phénomène d’ampleur
À cette occasion, la Chancellerie lève
le voile sur les saisies réalisées en 2023
dans les enceintes pénitentiaires, qui
comprennent l’intérieur des murs
comme les abords des établissements.
En 2023, 53 000 téléphones et acces-
soires - chargeurs et écouteurs com-
pris - ont été saisis, contre 42 000 en
2019. L’ampleur du phénomène avait
déjà défrayé la chronique en 2017, avec
40 000 téléphones saisis. En 2020, on
en dénombrait 36 612, du fait des libé-
rations massives de détenus à cause de
l’épidémie du Covid-19.
Jamais donc les saisies de télépho-
nes portables n’ont été aussi impor-
tantes. Tandis que la population péna-
le a augmenté de 7 % entre 2019 et
2023, le nombre de saisies d’équipe-
ment électroniques a progressé, lui, de
26 %. « Et cela alors même que nous
avons installé des brouilleurs dans les
prisons françaises, pour un prix de
2 millions d’euros par brouilleur. Pour-
quoi y a-t-il de plus en plus de portables
en prison, alors même que les détenus
ont désormais accès au téléphone ? For-
cément, leur usage n’est pas le même
qu’un smartphone, qui peut permettre à
un détenu de poursuivre en toute tran-
quillité ses magouilles ou de menacer
ses victimes », souligne, amer, un di-
recteur de prison. Quant aux saisies de
stupéfiants, elles sont également en
hausse. En 2023, tous produits
confondus, l’administration péniten-
tiaire en a réalisé 21 000, contre 17 000
en 2019. ■
Société
au scandale Orpea. Les personnes handi-
capées sont prises en charge dans des cen-
tres où l’encadrement n’est pas au niveau
et où les professionnels sont sous-payés et
sous-qualifiés », résume Olivia Cattan,
présidente de SOS autisme France.
« Nous avons notamment été alertés par
une mère dont le fils est attaché sur une
chaîne roulante alors qu’il est autiste et mis
devant la télévision toute la journée. C’est
dramatique, mais elle n’a pas d’autres so-
lutions de prise en charge pour l’instant et
ne peut pas le retirer du centre, rapporte-
t-elle. Une famille a constaté que leur fille
avait été laissée dans ses excréments. Une
autre a subi un viol et une plainte a été
déposée. »
Lancez-vous dans la formidable aventure de l’écriture !
Le 24 avril et les 07, 14 et 21 mai 2024 de 18h à 22h
GRÉGOIRE DELACOURT
Crédit photo : Emmanuelle Hauguel
Modalités et inscriptions sur www.lefigaro.fr/ecriture ou en scannant le QR code
Plus d’informations en envoyant un message à ateliersdecriture@lefigaro.fr
Les ateliers se déroulent dans les locaux du Figaro, à Paris
Attention, le nombre de places est limité
240906853/ME/stock.adobe.com
Dans ce contexte « dégradé », Olivia
Cattan redoute que le rythme des contrô-
les annoncés soit « trop lent » et leur suivi
hasardeux. « Il faudrait exiger des camé-
ras de vidéosurveillance pour protéger ces
personnes vulnérables », plaide-t-elle.
Système défaillant
La stratégie du gouvernement comporte
d’autres mesures pour faciliter le recueil
de la parole des victimes et prévenir ces
maltraitances. Chaque département de-
vra mettre en place une cellule centrali-
sée, placée auprès d’une ARS, pour trai-
ter les signalements concernant des
victimes en situation de vulnérabilité. Fin
2025, tous les établissements qui ac-
Né en 1960 à Valenciennes, Grégoire Delacourt
publie son premier article pour Le Monde
en 1978, le jour de ses 18 ans. Il s’engage
ensuite dans une carrière de publicitaire
et crée sa propre agence. On lui doit ces
fameux slogans : « Vous n’aviez jamais
mangé de camembert » (Cœur de
Lion), « Nous vous devons plus
que la lumière » (EDF), « Un Lutti
d’offert, c’est un Lutti de perdu »
(Lutti). En 2011, il publie L’écrivain
de la famille, son premier roman,
qui reçoit le prix Marcel-Pagnol. En
2012, sort son deuxième roman La
liste de mes envies, qui rencontre un
succès considérable et fait l’objet d’une
adaptation théâtrale, joué en 2013 à Paris et
adapté au cinéma en 2014. Depuis, il a publié
une dizaine de romans, dont les derniers sont
L’Enfant réparé et Une nuit particulière.
le figaro mardi 26 mars 2024 11
cueillent des personnes handicapées de-
vront proposer des outils de « communi-
cation alternative et améliorée » à ceux qui
ont des difficultés d’expression pour sim-
plifier le signalement. La vérification des
antécédents judiciaires de tous les inter-
venants qui accompagnent les personnes
vulnérables - professionnels comme bé-
névoles - sera aussi rendue systématique.
« Ces contrôles sont une nécessité dans le
secteur qui accueille des personnes vulné-
rables. Dans les faits, il y a très peu d’ins-
pections et elles sont rarement inopinées
alors que c’est un facteur de prévention »,
salue Valérie Löchen, directrice générale
d’Odynéo, une association du médico-
social qui accueille des personnes avec
handicap neuromoteur.
Mais, dans une période de crise du re-
crutement du personnel dans le social et
le médico-social, la plupart des acteurs
du secteur dénoncent des annonces d’af-
fichage. « Le secteur de l’accompagne-
ment des personnes en situation de handi-
cap, tant en établissement qu’à domicile,
vit une crise profonde, assure la fédéra-
tion Paralysie cérébrale France. 15 % à
20 % des postes du soin et de l’accompa-
gnement sont aujourd’hui vacants dans le
secteur adultes. Comment cette situation,
qui dure depuis de longues années, ne
pourrait-elle pas avoir d’incidences sur la
vie des personnes accompagnées ? » Et
d’appeler à la « revalorisation des carriè-
res et des salaires des professionnels » et à
des créations de places « à la hauteur des
besoins ». Mais quels sont précisément
les besoins ? « Nous réclamons depuis plu-
sieurs années un observatoire des besoins
pour mettre en place des politiques publi-
ques correctement calibrées. Sans succès,
déplore Sonia Ahéhéhinnou, vice-prési-
dente de l’Unapei. Avec les contrôles, le
gouvernement répond à un symptôme sans
s’attaquer à la cause. La maltraitance in-
tervient quand un système est défaillant.
Quand vous êtes deux plutôt que cinq pour
vous occuper d’un groupe de personnes en
situation de vulnérabilité, cela devient dif-
ficile au quotidien. Si on ne traite pas le
cœur du problème, cela va s’aggraver. » ■
A
 12 mardi 26 mars 2024 le figaro Sciences

Vincent Bordenave
Envoyé spécial à Narbonne

Un bout de l’enceinte
datant du Haut
Empire romain
a été mis au jour
sur un site où
les chercheurs
pensaient trouver
un port.

«S
i vis pacem, para bel-
lum (si tu veux la paix,
prépare la guerre). » Si
la pax romana a duré
deux siècles, c’est en
partie parce que les ci-
tés de l’Empire étaient parées pour af-
fronter les risques liés aux attaques exté-
rieures ou à d’éventuelles résurgences
de guerre civile. On retrouve ainsi, un
peu partout dans le monde romain, des
murailles qui ceignaient les villes anti-
ques. C’est notamment le cas à Autun,
Orange, Lyon ou encore au Mans. Nar-
bonne, pourtant capitale d’une des qua-
tre provinces de la Gaule Romaine, la
Narbonnaise, qui s’étendait du Midi tou-
lousain aux Alpes (jusqu’à Vienne et Ge-
nève), faisait figure d’exception. Au
point que certains historiens voulaient y Les archéologues ont mis au jour une muraille de 2 mètres
voir une sorte de ville ouverte, tellement de large, qui devait atteindre 10 mètres de haut,
sûre de sa force qu’elle n’avait pas be- ainsi que les fondations d’une tour ronde. Flore Giraud - INRAP
soin d’être protégée. Mais une récente
découverte vient mettre à bas cette hy-
pothèse. Dans le cadre d’une fouille pré-

Les archéologues découvrent par hasard

ventive en amont de la construction
d’une résidence pour les personnes
âgées, les archéologues de l’Institut na-
tional de recherche archéologique pré-

la muraille antique de Narbonne

ventive (Inrap) ont déterré un bout de la
muraille disparu, ainsi qu’une tour de
guet. « C’est une découverte non seule-
ment surprenante, mais également ma-
jeure pour l’histoire de la ville », com-
mente Grégory Vacassy, archéologue à
l’Inrap et responsable de la fouille.
Situé le long du canal de la Robine, à
quelques encâblures à l’ouest du cen-
tre-ville, dans un quartier dédié au
commerce du vin au début du XXe siè-
cle, ce secteur de la ville antique était
déjà bien connu des archéologues. Il a
notamment pu bénéficier de deux cam-
pagnes en 2009 et 2011. On y avait ap-
pris que, au cours du premier siècle
avant notre ère, il servait de carrière
pour fournir de la terre en vue de la
construction de la ville créée en -118
avant J.-C. Et c’est à la fin de la premiè-
re moitié du Ier siècle que des bâtiments
y sont érigés. « On sait qu’on se situe
dans une zone stratégique de la ville an-
tique, explique Grégory Vacassy. Les
fouilles précédentes ont notamment ré-
vélé la présence d’entrepôts. Quand on a
eu l’occasion de revenir ici, on pensait
enfin découvrir le tracé de la Robine anti-
que et les quais de débarquement. » Le
port de la ville, en quelque sorte.
Et pour cause, Narbonne est un des
gros ports de l’Empire romain. Située
pourtant à plusieurs kilomètres dans les
terres, la ville antique (comme la mo-
derne) ne bénéficiait pas d’un accès di-
rect à la mer. « La ville était équipée d’un
système portuaire complexe, continue
l’archéologue. Les bateaux déchar-
geaient leurs cargaisons à l’entrée des
étangs, qui étaient transférées sur un
type de transport fluvial pour ensuite les
amener vers Narbonne. » Les vestiges de
ces avant-ports maritimes ont ainsi été
retrouvés sur l’île Saint-Martin, à
Gruissan, à Mandirac ou encore à
La Nautique. Reste désormais à savoir
où ces bateaux déchargeaient leur car-
gaison à Narbonne pour ensuite irriguer
tout l’arrière-pays. La Robine est un
canal creusé à la fin du XVIIIe siècle,
mais qui reprend le cours de la rivière
antique, un bras de l’Aude qui devait
être canalisé par les Romains pour pou-
voir l’utiliser pour le transport des
biens. « La zone est très plate, et aucun
relief naturel ne vient contraindre le
cours d’eau, précise Grégory Vacassy. Il
a sans doute beaucoup bougé au cours
des siècles. Ce qui rend difficile la traque
de son tracé durant l’Antiquité. »
Coquilles d’escargots
Les analyses des faunes anciennes dé-
couvertes sur le site de fouille, et plus
particulièrement les coquilles d’escar-
gots, attestent que le cours d’eau n’est
pas loin. Mieux encore, les premières
découvertes confirment les espérances
des archéologues et permettent égale-
ment de mieux comprendre la structu-
re des zones de stockage qui furent uti-
lisées jusqu’au IIIe siècle. Le quartier est
composé de plusieurs îlots, scandés par
trois rues et une ruelle, dotées de cana-
lisations assurant l’évacuation des eaux
pluviales et usées. Trois à quatre entre-
pôts ont été partiellement dégagés et
permettent de distinguer des espaces de
stockage appartenant probablement à
différents commerçants. Dans ce lot,
un bâtiment se distingue. Il permettait
d’entreposer des marchandises, au rez-
de-chaussée, sur un sol assaini par un
système de vide sanitaire en amphores
recyclées. « Il y avait sûrement un plan-
cher en bois, commente Grégory Vacas-
sy. À l’étage, on devait retrouver des bu-
reaux. Les commerçants pouvaient y
recevoir leurs clients, pour y signer les
contrats. Nous avons découvert des
fragments de sols en béton et des mosaï-
ques ainsi que des parois en briques de
terre crue recouvertes d’enduits peints
retrouvés effondrés. »
À une date inconnue, la zone a été
dévastée par un incendie. Elle n’aura
cependant pas été abandonnée, puis-
qu’un peu plus loin, un nouveau bâti-
ment (qui n’a plus cette fonction d’en-
trepôt) sera reconstruit. Une pièce aux
murs particulièrement bien conservés,
teintés de rouge sur près de 80 cm de
hauteur, est décorée d’enduits peints
avec des motifs qui imitent les plaques
de marbre. Le plafond avec sa décora-
tion végétale et fleurie a lui aussi été re-
trouvé. Des décorations qui n’ont rien
d’ostentatoire et qui confirment l’utili-
sation quotidienne des lieux. Mais
aucune trace du port.
Fresques et peintures
À la place, en s’approchant du cours
d’eau, les archéologues ont donc mis au
jour cette muraille de 2 mètres de large,
ainsi que les fondations carrées d’une
tour ronde. Difficile d’évaluer la hau-
teur, mais au vu de la dimension des en-
trepôts construits littéralement contre la
muraille, il faut imaginer un mur de plus
de 10 mètres de haut. « Ce qui est très
surprenant ici, c’est de trouver ces entre-
pôts qui s’appuient sur la paroi des fortifi-
cations, précise Grégory Vacassy. En
temps normal, dans les structures urbai-
nes antiques, une rue suit directement
l’enceinte. Seule la puissance publique
pouvait ainsi construire des lieux de stoc-
kage sur une telle muraille. Pour y stocker
quoi ? Toutes les hypothèses sont ouver-
tes, du blé destiné aux armées en campa-
gne ou à la ville de Rome, du bois… Mal-
heureusement, nous n’avons découvert
aucun indice sur ce point. »
Dans deux semaines, les fouilles seront
terminées. Les restauratrices s’activent
au niveau des fresques et des peintures
pour pouvoir les détacher, les étudier et
un jour les exposer. Une fois les archéo-
logues partis, la nappe phréatique re-
prendra ses droits. La tour et la muraille
seront à nouveau sous l’eau. Impossible
donc de laisser les vestiges visibles pour
le badaud, un peu à la manière de l’an-
cienne voie romaine qui s’expose à tous à
quelques centaines de mètres de là, en
centre-ville. Les prometteurs immobi-
liers vont tout de même les préserver. La
résidence sera construite au-dessus,
sans les abîmer. Dans quelques années, si
la Robine décide de changer à nouveau
son cours, ou si le climat devient trop
sec, il sera alors peut-être permis aux
générations futures de rendre visibles
ces anciennes protections. ■

À Kourou, la tension monte avant le tir inaugural d’Ariane 6

Louis Hausalter Envoyé spécial à Kourou

Avec un lancement prévu en début d’été en Guyane, l’Europe espère effectuer enfin son retour dans un marché largement dominé par SpaceX.

C’
est dans une vaste plaine prise
par l’homme sur l’étouffante
végétation tropicale que le
« portique mobile » haut de
90 mètres se dresse. Ce bâtiment vertical
assez monumental est l’une des innova-
tions les plus visibles de la future Aria-
ne 6, dont le tir inaugural est prévu entre
le 14 juin et la fin juillet. La fenêtre est lar-
ge mais les équipes du Centre spatial de
Kourou, en Guyane, visent toujours un
lancement mi-juin pour l’instant. Sur
place, la pression monte peu à peu alors
qu’Emmanuel Macron doit visiter mardi
le site d’assemblage du nouveau lanceur
européen. Pour l’instant, Ariane 6 est à
l’horizontale et ne sera « verticalisée »
que courant avril, directement sur son
pas de tir. Elle restera alors à l’abri du
portique monté sur roues, qui sera dépla-
cé quelques jours avant le décollage pour
A
pour limiter les coûts et réussir, in fine, à
augmenter la cadence de tir.
Alors qu’Emmanuel Macron se rend
sur place soixante ans tout juste après
une visite du général de Gaulle qui, en
1964, avait décidé de la construction du
centre spatial, Kourou est à la croisée des
chemins. Le marché mondial des lan-
ceurs a explosé, principalement sous
l’impulsion de SpaceX, la société d’Elon
Musk qui a effectué plus de cent tirs l’an
dernier. En face, l’Europe est clairement
à la peine : seulement trois tirs à Kourou
en 2023. C’est peu de dire qu’Ariane 6 est
attendue de pied ferme par toute l’Euro-
pe. Le lanceur prendra non seulement la
relève d’Ariane 5, mise à la retraite en
juillet dernier, mais aussi celle de Soyouz
- avant la guerre en Ukraine, Arianespa-
ce commercialisait en effet une version
« européenne » du lanceur russe qui dé-
la fusée a déjà quatre ans de retard sur le
calendrier initial. Et la crainte d’un échec
n’est jamais loin. Les explosions d’Aria-
ne 5, lors de son premier tir en 1996, puis
du tir inaugural de sa version ECA en
2002, sont encore dans toutes les mémoi-
res. Il avait fallu plus d’un an à chaque
fois pour rebondir et mener des lance-
ments réussis. « Statistiquement, un pre-
mier tir, c’est une chance de réussite sur
deux, donc il faut rester humble », glisse
un vétéran du centre en faisant visiter les
lieux. Pour cette raison, la première
Ariane 6 n’embarquera pas de satellite
commercial, mais des nanosatellites ex-
périmentaux embarqués à titre gracieux.
Debout devant l’écran géant de la salle
Jupiter, où sont pilotées les opérations de
lancement, le directeur du centre spatial,
Philippe Lier, espère sortir des années
mornes. D’ici à la fin de l’année, deux
prévus. « C’est l’année de la reconquête »,
veut croire Michel Debraine, de l’Agence
spatiale européenne (ESA). En cas de
succès d’Ariane 6, « les portes seront
ouvertes pour la remontée en cadence,
avec potentiellement 10 lancements en
2025 et 15 en 2026 », estime Philippe Lier.
« Le premier enjeu pour nous, c’est le re-
tour des lanceurs lourds, qui donnent
l’autonomie d’accès à l’espace. »
Carnet de commandes plein
Pas encore de quoi rivaliser avec Spa-
ceX, mais le carnet de commandes est
plein. « On ne cherche pas une place sur
un strapontin, nous avons une autre
clientèle », assure Philippe Lier. Le pre-
mier d’entre eux est de loin Amazon
avec qui un contrat à plus de 1 milliard
d’euros pour 18 lancements a été signé !
Son patron Jeff Bezos refuse en effet de
satellite, à son grand rival, Elon Musk,
qui développe lui-même sa propre
constellation, Starlink.
Les responsables du Centre spatial
guyanais espèrent aussi une forme de re-
conversion en « port spatial », qui leur
permettrait de jongler entre différents
lanceurs et clients. À l’image de ce qui
avait commencé à émerger avec Soyouz
dans les années 2010. « Aujourd’hui, nous
fonctionnons comme un aéroport qui n’ac-
cueillerait qu’Air France, explique Philip-
pe Lier. Nous voulons aussi d’autres com-
pagnies, dont des low cost. » Le
développement tous azimuts de micro et
mini-lanceurs est une opportunité. En
amont de la visite présidentielle, les
noms des quatre projets de petites fusées
françaises ont été annoncés dimanche.
MaiaSpace (filiale d’ArianeGroup), Lati-
tude, HyPrSpace et Sirius pourraient bien

se placer en sécurité à bonne distance du collait depuis Kourou. lancements de la petite Vega C, nouvelle confier le lancement de sa constellation être les futures « compagnies spatiales »
pas de tir. Tout un processus imaginé L’attente est d’autant plus grande que version de la fusée italienne Vega, sont Kuiper, destinée à fournir internet par du « spaceport » guyanais. ■
 Sport le figaro mardi 26 mars 2024 13

Didier Deschamps, l’incontournable

Baptiste Desprez Envoyé spécial à Marseille

Le sélectionneur des Bleus ne dévoile aucun signe de lassitude après quasiment douze ans de mandature.
Et son poids dans le football français n’a jamais semblé aussi important.

L
a thèse de l’accident. S’il at- diatique pendant plusieurs jours. Des velle preuve du côté « intouchable » de puissante fédération du pays, cela se voit Philippe Diallo sur le contrat du sélec-
tend une réaction de ses mots décryptés par certains comme Didier Deschamps. Un peu plus isolé de- et se sait. « D. D. » se mue en VRP de la 3F tionneur, assuré d’être présent aux
joueurs ce mardi contre le étant ceux du véritable patron du foot- puis le départ de Noël Le Graët, avec le- pour serrer des mains, vendre, sourire et États-Unis, au Mexique et au Canada à
Chili (21 h, TF1), Didier Des- ball français. Posture que « D. D. » réfute quel il entretenait d’excellents rapports, représenter l’institution. « C’est le l’été 2026, s’il le souhaite. « Cela me fait
champs, qui va changer aussi avec insistance, bien trop malin l’ancien coach de Monaco, de la Juventus meilleur, et de loin aussi, là-dessus, té- plaisir, mais ce n’est pas ce qui va me
quasiment toute son équipe pour s’adjuger autant d’importance. ou encore de l’OM ne garde pas moins un conditionner, précise Deschamps, agacé
après la gifle subie devant l’Allemagne « C’est une simple impression », tem- pouvoir de décision de taille au sein de la « Si la lassitude arrive, d’entamer le Mondial 2022 sans avoir la
(0-2) samedi à Lyon, n’a pas voulu les
accabler. En substance, depuis quaran-
porise avec le sourire Philippe Diallo.
Avant cette charge virulente envers un
maison bleue.
Au-delà des résultats avec les A et
je ne serai plus là » certitude d’une prolongation de contrat.
Sur moi, cela n’aurait rien changé, mais
te-huit heures entre le Rhône et la Pro- membre de la FFF, qui n’est pas son su- d’un palmarès à faire pâlir bon nombre Didier Deschamps peut-être sur ce qu’il y a autour, cela peut
vence, il leur a répété le côté impitoyable périeur hiérarchique, Deschamps avait de techniciens sur la planète football, un peu calmer. » À condition de réussir
du très haut niveau qui vous ramène à la prévenu son président de son désir de Deschamps sait aussi mouiller la chemise moigne un ponte de la FFF. Ses prédéces- un bon Euro, une élimination avant les
réalité quand vous ne proposez rien, mettre les choses au clair. La version en interne quand il faut répondre présent seurs n’ont pas tous été comme ça, tout demi-finales ferait forcément ressurgir
comme au Groupama Stadium, tout en d’un Deschamps corporate, désireux de sur différentes opérations commerciales comme les autres sélectionneurs actuels. » le nom de Zidane et animerait les débats.
ayant conscience de la complexité d’un défendre les techniciens qui évoluent liées à la FFF et à l’équipe de France avec Homme d’influence, le sélectionneur Au-delà des considérations contrac-
rassemblement de mars qui n’excite avec la DTN et sur lesquels il s’appuie de- les partenaires sur des questions sociales des vice-champions du monde se sait tuelles et la certitude d’un avenir en bleu
personne en pleine saison de club. puis plusieurs années. Et, aussi, d’un ou d’images. Dans les arcanes de la plus malgré tout moins en terrain conquis de- jusqu’en 2026, le principal intéressé
« On ne perd pas, on apprend », souf- homme agacé, se sentant visé après les puis le départ de Le Graët, début 2023, et peut-il, de lui-même, décider d’arrêter
fle-t-il à son staff, lui qui est aussi passé à échecs contre l’Argentine (2022) et la avec un comex qui n’avait guère appré- après l’Euro ? Comme après chaque
côté de son rendez-vous, battu dans le Suisse (2021) aux tirs au but. cié sa prolongation de contrat jusqu’en compétition, il dressera le bilan et, s’il se
match tactique par Julian Nagelsmann, Depuis, le président de la FFF a regret- 2026 après la Coupe du monde au Qatar. sent toujours aussi frais et habité, écouté
le sélectionneur allemand. Proche de ses té dans nos colonnes la sortie médiatique Mais cet épisode semble désormais ap- par ses troupes, il continuera. Sinon…
joueurs, à l’écoute, il se servira de cette de Fournier, tout en prenant soin de ne partenir au passé. Les résultats de la sé- « Si la lassitude arrive, je ne serai plus là »,
défaite - la deuxième face à l’Allemagne pas chatouiller son sélectionneur. Selon Didier Deschamps, lection et l’adhésion totale des joueurs rappelle-t-il souvent. Avant de glisser,
en six mois - pour le leur rappeler l’été nos informations, le DTN a reconnu sa lors d’un entraînement des Bleus, ont rapidement balayé les (petits) dou- subtilement et expérimenté : « Je n’oublie
prochain à l’Euro (14 juin-14 juillet) en faute en privé, mais n’a pas encore vendredi à Lyon. tes. jamais que ce n’est pas moi qui ai le der-
cas de nouvelle décompression. Voilà un échangé avec le patron des Bleus. Nou- Benoit Tessier / REUTERS Preuve en est, la sortie médiatique de nier mot. » Vraiment ? ■
aperçu de la méthode Deschamps, en
poste depuis 2012, qui débarque à Mar-
seille, en dépit de cette défaite contra-
riante, avec le statut d’incontournable.
En équipe de France et au-delà. Sa posi-
tion a rarement été aussi puissante au
sein du football français. Les derniers
exemples en dates le démontrent.
« D. D. » assure depuis des années à
qui veut l’entendre ne rien lire et ne rien
écouter de ce que rapporte la presse du-
rant les séquences internationales. Idem
lors des grandes compétitions estivales.
Pour autant, il sait tout. De quasiment
tout le monde. Mercredi dernier, quand
Philippe Diallo, son président à la FFF, l’a
qualifié dans nos colonnes de « plus
grand sélectionneur de l’histoire du foot-
ball français », tout en actant sa présence
jusqu’en 2026, quel que soit le résultat de
l’Euro (14 juin-14 juillet), repoussant
ainsi l’ombre de Zinédine Zidane, le
principal intéressé a rapidement été mis
au courant à Clairefontaine.

« On ne perd pas,
on apprend »
Didier Deschamps à son staff,
après la défaite des Bleus
face à l’Allemagne

S’il n’est pas tombé de sa chaise, bien

trop expérimenté pour savoir que tout
pouvait encore évoluer, le double cham-
pion du monde a accueilli les propos de
son supérieur avec joie et sérénité. Situa-
tion identique samedi matin à Lyon, lors
du réveil musculaire de son groupe avant
de défier l’Allemagne, quand le succes-
seur de Noël Le Graët a salué la longévité
de son technicien, quelques heures avant
son 150e match à la tête de la sélection.
Un chiffre record, du jamais-vu en
France (Raymond Domenech et Michel
Hidalgo, sont 2e et 3e avec 79 et
75 matchs) et la confirmation d’une lon- Giroud, Thuram, Kolo Muani : l’indécis match
des numéros 9 chez les Bleus
gévité quasi sans égale sur la scène inter-
nationale (Deschamps est le 3e sélection-
neur mondial au nombre de matchs
derrière les Allemands Löw, 198, et Her-
berger, 162). « Ce mérite revient aux

L
joueurs, répète-t-il inlassablement. Je ne
suis pas naïf. » Avec trois finales dispu-
tées sur les quatre dernières grandes
compétitions (Euro 2016, Coupe du
monde 2018, Coupe du monde 2022), la
feuille de route frôle l’insolence. Sur le
terrain, les débats demeurent sur le style
Deschamps, entre pro et anti, mais, dans
le management et la gestion des hom-
mes, il a éteint les discussions. Avec un
réservoir de joueurs colossal et un em-
ploi du temps qui lui sied à merveille et
qui est tout le contraire de la lessiveuse
d’un entraîneur de club, le champion
d’Europe 2000 sait sa chance d’avoir une
telle fonction.
En poste depuis juillet 2012, le Basque
ne dévoile pour autant aucun signe de
fatigue, encore moins de lassitude.
S’avançant avec un pouvoir de décision
sans pareil. Le 14 mars dernier, au mo-
ment d’annoncer sa liste pour la séquen-
ce de mars, il s’est même offert le luxe de
rhabiller pour l’hiver le directeur tech-
nique national, Hubert Fournier, coupa-
ble à ses yeux d’une sortie « irrespec-
tueuse et déplacée » sur le sujet des tirs au
a claque subie samedi soir
contre l’Allemagne (0-2) a eu
le mérite de ramener sur terre
l’équipe de France. Et de faire
ressurgir les débats qui parcourent le
quotidien des vice-champions du
monde. Une question revient depuis
des mois, sans que la réponse ne soit
définitivement tranchée. Qui sera le
numéro 9 des Bleus lors du prochain
Euro ? Trois hommes se disputent cette
place : Marcus Thuram (17 sélections,
2 buts), Olivier Giroud (130 sélections,
56 buts) et Randal Kolo Muani (14 sé-
lections, 2 buts). État des lieux.
■ Marcus Thuram,
l’occasion manquée
Samedi soir, lorsque Didier Deschamps
décide de le sortir dès la 61e minute de
jeu, remplacé sous les sifflets par Oli-
vier Giroud, l’attaquant de 26 ans ne
cache pas son immense déception. Il
sait qu’il est passé à côté de son ren-
dez-vous. Dans les grandes largeurs.
Plus à l’aise dans une attaque à deux
dans ses appels, sans jamais peser sur
le jeu. Séduisant et décisif en Italie
(12 buts, 11 passes décisives en
38 matchs), l’ancien Guingampais
court toujours après son match réfé-
rence en sélection. Il garde malgré tout
une bonne cote dans l’esprit du sélec-
tionneur, qui ne le condamne pas
après ce non-match. « Il a tout pour
être un vrai bon 9 de surface, plante
Jean-Pierre Papin, Ballon d’Or 1991 et
passé par l’AC Milan. Il est d’ailleurs en
train de le devenir. C’est un bosseur qui
essaie de trouver les bonnes formules, il
a progressé. » Pour autant, avec seule-
ment deux buts au compteur en équipe
de France, la route est encore longue
pour s’avancer en titulaire du poste.
■ Olivier Giroud,
le seul à offrir des certitudes
Ce mardi soir au Vélodrome, le meilleur
buteur de l’histoire des Bleus (37 ans)
sera titulaire contre le Chili. Conscient
de s’approcher doucement de la fin, le
Milanais entend faire trembler les filets
re beaucoup de crédit en vue de l’Euro.
Dans le combat livré avec Thuram et
Kolo Muani, Giroud à l’avantage de
l’expérience, de la connexion techni-
que avec Griezmann et Mbappé, et
d’être un vrai profil de point d’appui. À
l’AC Milan, le champion du monde
2018, annoncé à Los Angeles cet été
avec Hugo Lloris, meilleur buteur du
club (36 matchs, 14 buts, 9 passes déci-
sives), est le titulaire du poste. Signe
qu’il n’est pas encore en préretraite.
« S’il était moins bon, il ne serait pas là »,
répète Deschamps au sujet d’un élé-
ment qui n’a pas raté une compétition
internationale depuis 2012. Reste des
interrogations sur sa capacité à tenir la
durée sur l’intégralité d’un tournoi in-
ternational. En privé, le principal inté-
ressé en est certain, désireux de mar-
quer les esprits avant de quitter la scène
internationale.
■ Randal Kolo Muani,
la saison des doutes
Lui aussi attendu sur la pelouse du Vé-
quille. Depuis son arrivée remarquée
au PSG l’été dernier (90 M€, bonus
compris), Kolo Muani est dans le dur.
En club (34 matchs, 9 buts, 5 passes)
comme en sélection, les questions de-
meurent. Sur son profil, son niveau et
sa capacité à digérer la finale du Mon-
dial, tout comme son nouveau statut.
« Vous êtes très sévère avec lui », dé-
fend le sélectionneur, qui ne lâche pas
son joueur et espère un sursaut. « Je
peux comprendre ses difficultés, atteste
Jean-Pierre Papin. Parce qu’on l’a fait
venir comme numéro 9, mais ce n’est
pas un numéro 9. C’est un joueur de
couloir qui peut être aussi bon que
Dembélé. » Il devrait être aligné dans
cette position à Marseille, comme
pour lui ôter cette pression liée au
poste d’avant-centre. À lui de faire
taire les critiques. S’il se situe aujour-
d’hui derrière Thuram et Giroud dans
la hiérarchie, sa place en sélection
n’est pas en danger, faute de concur-
rence. Attention tout de même : en
cas de fin de saison fulgurante de
Christopher Nkunku à Chelsea, lui
A

but. Une saillie médiatique qui a fait pointes, comme à l’Inter, le fils de Li- face à un adversaire bien moins fort que lodrome mardi soir, l’attaquant de aussi très apprécié du staff, la donne
trembler la FFF et occupé l’espace mé- lian n’a rien montré en point d’appui, la Mannschaft. Ce qui lui offrirait enco- 25 ans a tout intérêt à sortir de sa co- pourrait changer. ■ B. D.
 14 mardi 26 mars 2024 le figaro Le carnet du jour

François Barry, Marie-Anne Huvelin, Ses fils et leur famille,

LE CARNET conférences Alexandre et Cécile

Popoff-Barry,
Emmanuel et Estelle
son épouse,

Thierry et Sophie, Christine,

Mathieu Mitterrand
et son épouse Aktoty,
leurs enfants, Alexandre,
disparition
DU JOUR
Peter Eötvös,
de Saint-Bon, Claude et Véronique, Thomas et Mathilde,
La Grande Loge de France ses enfants et gendres, ses enfants, Saïd Kasmi-Mitterrand
et son épouse Safa,
Les annonces sont reçues Charlotte, Juliette, Nicolas, Thibaut et Lauriane, Jihed Guasmi-Mitterrand,
vous convie

avec justiication d’identité
du lundi au vendredi
de 9h à 13h et de 14h à 18h
(excepté les jours fériés)
et tous les dimanches
de 9h à 13h.
Elles doivent nous parvenir
avant 16 h 30
pour toutes nos éditions
du lendemain,
avant 13 h les dimanches.
Courriel
carnetdujour@media.figaro.fr
Téléphone
01 56 52 27 27
sur notre site
carnetdujour.lefigaro.fr
le mercredi 27 mars 2024,
à 20 heures,
à une conférence publique
de Besma Nacer,
« Rencontre avec
la Franc-maçonnerie,
à travers la littérature »
Du profane au sacré
dans les œuvres
de George Sand
et Gérard de Nerval,
en l'Hôtel de
la Grande Loge de France
8, rue Puteaux, Paris (17e).
Inscription obligatoire :
www.gldf.org
commémorations
Commémoration de la
déportation des Juifs de France
par l'association
Les Fils et Filles
des Déportés Juifs de France
et le Mémorial de la Shoah,
avec le soutien de la Fondation
pour la Mémoire de la Shoah.
Une cérémonie rappellera
la mémoire des déportés du
convoi n° 70
partis, il y a 80 ans,
du camp de Drancy
chef et compositeur
Marie, Alexis, Tiphaine, Guillaume, Claire et Antoine,
Solène, Théophile et Adélaïde, Paul et Constance, Jean, ses frères et leur famille,
ses petits-enfants, Alexandre, Maxime, Jean-Gabriel,
ses petits-enfants, ses enfants et petits-enfants,
ont la tristesse de faire part Olivier et son épouse Valentine,
du rappel à Dieu de Louis, Astrid, Sixtine, leurs enfants et petits-enfants,
ses arrière-petits-enfants, Maxime et ses enfants,
Georges BARRY
ont la tristesse ses demi-sœurs et leur famille,
à l'âge de 94 ans, de faire part du décès de Catherine Chavassieu,
à son domicile de Paris (7e). ses enfants et petits-enfants,
Eve Wack,
La messe d'A-Dieu Bernard HUVELIN ses enfants et petits-enfants,
sera célébrée
en l'église Saint-Léon, sa cousine,
1, place du Cardinal-Amette, survenu le 21 mars 2024, Marie-Pierre Landry,
Paris (15e), à l'âge de 87 ans, et ses cousins,
le mercredi 27 mars 2024, à Neuilly-sur-Seine. sa belle-sœur,
à 10 heures. Anne-Marie
La cérémonie religieuse Hubin-Mitterrand,
sera célébrée
en l'église Saint-Pierre, sa famille de cœur,
M. Pierre Brelier,
à Neuilly-sur-Seine, Ariel de Ravenel,
ce mardi 26 mars, à 14 h 15. Éric et Beatrice de Rothschild,
son époux, Liria Bégéja,
Lucile Brelier, Elle sera suivie de l'inhumation Gustavo Urruty,
sa fille, dans l'intimité familiale. Jean-Marc Galabert,
M. et Mme Guy Martin, Antoine et Lorraine de Meaux,
ses parents, Marie-Ange et Thierry (†)
Mme Dominique Le Besnerais,
Brelier-Fradin, Julien Roche,
sa belle-maman, Dritan et Luena Tola,
ainsi que toute la famille Jean-Pierre Biron,
Xavier Samson,
vous font part
du rappel à Dieu de
Xavier Huillard,
président-directeur général,
le conseil d'administration,
la famille Yang,
Jacques Pieri, Peter Eötvös, en 2019. Szilvia Csibi
son médecin,
Mme Sophie BRELIER le comité exécutif de
née Martin,
Habib Rais,
VINCI
Salem Zahrouni, Christian Merlin aussi en regardant Claudio
le 22 mars 2024,
Rasiah Rajamahendran,
Melvin Caunois,
Abbado et en écoutant
à l'âge de 46 ans. et l'ensemble des salariés Fritz Reiner, son modèle,

E
pour le camp d'extermination du Groupe ses éditeurs,
d'Auschwitz-Birkenau, La cérémonie religieuse
n apprenant qu’il qu’il associe à la couleur
Tarif de la ligne € TTC : sera célébrée ont la tristesse
Betty Mialet,
n’assisterait pas au rouge… Il tente de concilier
Bernard et Valérie-Anne Fixot,
Du lundi au jeudi le mercredi 27 mars 2024, le vendredi 29 mars, à 10 h 30, de faire part du décès de Edith Leblond, concert anniver- sa carrière de compositeur
à 12 heures, en l'église Catherine de Larouzière, saire que lui avait avec celle de chef, avouant
26 € jusqu’à 25 lignes au Mémorial de la Shoah, Notre-Dame-de-Grâce-
17, rue Geoffroy-l'Asnier, de-Passy, Bernard HUVELIN ses très chers et nombreux amis organisé l’Ensemble Inter- qu’après avoir dirigé beau-
24 € à partir de 26 lignes Paris (4e). 10, rue de l'Annonciation, officier de la Légion d'honneur, contemporain pour ses coup de musique des autres
à Paris (16e). ont la douleur
Vendredi ou samedi Les noms des 1000 déportés, de vous faire part du décès de
80 ans, on se doutait qu’il il a besoin de temps pour se
29 € jusqu’à 25 lignes dont 103 enfants, L'inhumation aura lieu survenu dans sa n’allait pas bien. 80 ans, vider la tête et retrouver
du convoi n° 70 seront lus à 14 h 30, au cimetière ancien quatre-vingt-huitième année. Frédéric MITTERRAND c’est l’âge auquel le com- son univers personnel.
27 € à partir de 26 lignes à cette occasion. de Châtenay-Malabry
(Hauts-de-Seine). Diplômé de HEC,
membre de l'Institut,
positeur et chef d’orches- Son style évolue. Après
Seuls 180 déportés ancien ministre de la Culture,
Réduction à nos abonnés : sont revenus, dont 8 évadés. Bernard Huvelin, entré cinéaste et écrivain, tre hongrois Peter Eötvös s’être longtemps cru obligé
8, rue Paul-Dupuy, 75016 Paris. à la SGE (aujourd'hui Vinci)
nous consulter Renseignements : en 1962, y a effectué
s’est éteint, laissant un vide de donner la priorité à la
officier de la Légion d'honneur,
téléphone : 01 53 01 17 99 toute sa carrière. officier dans la vie musicale. Aussi cérébralité, il décide de ne
courriel : de l'ordre national du Mérite, talentueux comme créa- plus réprimer ce qu’il ap-
wendy.schando Nommé secrétaire général commandeur
Les lignes comportant des @memorialdelashoah.org Toute sa famille en 1974, il a occupé teur que comme interprè- pelle sa « musicalité senti-
et ses proches des Arts et des Lettres,
différentes fonctions te, c’était aussi un homme mentale d’Europe de l’Est ».
caractères gras sont facturées à la direction générale survenu à Paris, doux, profond et d’une C’est alors, fort du succès
ont le profond chagrin du Groupe, avant de devenir
sur la base de deux lignes ; de faire part du décès de directeur général adjoint
le jeudi 21 mars 2024. grande générosité. de son oratorio Atlantis,
les effets de composition deuils en 1991, directeur général S.M.I. Farah Pahlavi, Entre 16 et 22 ans, ce qu’il décide de se tourner
de 1997 à 2002, la princesse Sadruddin Transylvanien né en 1944 vers l’opéra. Et il commen-
sont payants ; M. Philippe CITERNE directeur général délégué Aga Khan,
ancien directeur général de 2002 à 2005 LL.AA.RR. le prince
reçoit à Budapest des com- ce par un chef-d’œuvre :
Marie et Régis Caillierez,
chaque texte doit comporter Jean-Michel (†) et Barbara (†)
de la Société Générale, et vice-président du et la princesse mandes pour le cinéma et Trois sœurs, d’après
ancien vice-président conseil d'administration Michel de Grèce, le théâtre. Faisant son miel Tchekhov, créé à Lyon en
un minimum de 10 lignes. Barbier,
Jean-Christophe
du conseil d'administration de Vinci de 2005 à 2009. LL.AA.RR. Emmanuel-Philibert
du groupe Accor,
et Clotilde de Savoie, de tout, il ne hiérarchise 1998, est un triomphe qui
et Ekaterina (†) Barbier, chevalier Bernard Huvelin a présidé prince et princesse de Piémont pas, savant et populaire, s’impose au répertoire et
Marie-Caroline et Damien de la Légion d'honneur, le syndicat EGF BTP et de Venise,
Naissances, Commémoration, Gaillard de Collogny,
(Entreprises générales acoustique et électronique, lui vaut toutes les récom-
Adoptions, ses enfants, les ministres,
Signatures, françaises de bâtiment aimant Miles Davis autant penses. Un chef-d’œuvre
survenu le 20 mars 2024, Roselyne Bachelot-Narquin,
Baptêmes, Départsen et de travaux publics) Jack Lang que Messiaen ou Frank de livret, de chant, de mu-
Romain, Marion, Florian, dans sa 74e année, à Paris.
Fiançailles, retraite, entre 2001 et 2009. et son épouse Monique,
Chloé, Vanille, Pauline, Zappa. Son dieu est Bartok, sique. Sa carrière de com-
Mariages, Vœux, Marjorie, Mathilde, Xavier Darcos
La cérémonie religieuse La cérémonie religieuse qui parle selon lui « la lan- positeur lyrique est désor-
Anniversaires, Deuils, Hadrien, Justine, sera célébrée et son épouse Laure,
aura lieu Christian Estrosi mais lancée : suivront Le
Centenaires, Condoléances, ses petits-enfants, en l'église Saint-Eustache, gue maternelle de la musi-
en l'église Saint-Pierre et son épouse Laura,
FêtedesMères, Remerciements, et leurs conjoints, à Paris (1er), que ». Ses sources d’inspi- Balcon, d’après Genet, An-
de Neuilly-sur-Seine, s'associent au deuil
FêtedesPères, Souvenirs, le mercredi 27 mars, à 10 h 30. ce mardi 26 mars, à 14 h 15, ration : la nature, mais gels in America, d’après
Sacha, Noah, Charlie, de sa famille.
Saint-Valentin, Messeset suivie de l'inhumation
Raphaëlle, Pia, Lucas, Gabin, 13, rue d'Uzès, 75002 Paris. dans l'intimité familiale.
aussi le cosmos. Son pro- Tony Kushner, puis Lady
Noces, anniversaires, Marceau, Ambre, Diane, La cérémonie religieuse
sera célébrée fesseur à l’académie Franz Sarashina, Love and Other
Communica- Officesreligieux, ses arrière-petits-enfants,
tionsdiverses, Prised’habit, par Mgr Jérôme Angot, Liszt, Janos Viski, lui fait Demons, La Tragédie du
sa famille en l'église connaître les musiques diable et bien d’autres,
Conférences, Jubilé,
et ses proches Saint-Jean-de-Maurienne Saint-Thomas-d'Aquin,
Thèses, Jubilésacerdotal, (Savoie). Lyon (4e). à Paris (7e), d’avant-garde de Webern, treize opéras en tout, sou-
Paris.
Portesouvertes, Ordination, ont la tristesse ce mardi 26 mars, à 15 heures. Boulez ou Stockhausen, vent avec sa femme Maria
Distinctions, Vœux de vous faire part Isabelle Damiano Azénor, Tugdual, Dina-Laëtitia qu’on se passe sous le man- Mezei pour librettiste.
Nominations, monastiques. du rappel à Dieu de et Michel Boulland, et Lise-Michaela, Selon la volonté de Frédéric,
sa fille et son gendre, ses enfants, ni fleurs ni couronnes, teau dans la Hongrie com- Le théâtre est omnipré-
Jacqueline BARBIER des dons à Pallidom, soins muniste. De fait, c’est vers sent chez lui : « Toute ma
née Blaquiere, Camille et Charlotte, Cynthia Germanos, palliatifs à domicile de l'APHP :
Stockhausen qu’il se tour- musique est théâtrale », dé-
Reprise des annonces sur : ses petites-filles, son ex-épouse, https://soutenir.fondationaphp
ne : il devient son assistant clare-t-il. Cela se voit en
le 23 mars 2024, .fr/had
carnetdujour.lefigaro.fr à l'âge de 88 ans. les familles Damiano, les familles Laudrain,
« Mes regrets
à Cologne entre 22 et particulier dans ses
Varennes, Bonnefoi, Darves Germanos, Le Douarin et Jacob 32 ans. À l’académie, il concertos, qui traitent
www.dansnoscoeurs.fr La messe de funérailles sont mes remords. »
sera célébrée ont l'immense tristesse font part du rappel à Dieu de avait appris à structurer, il l’instrument soliste com-
le mercredi 27 mars, à 9 heures, de vous faire part du décès de cherche désormais le côté me un personnage, que ce
en l'église de la Rédemption,
Georgette DAMIANO souterrain, la matérialité soit l’alto de Kim Kash-
Tél Abonnements : Lyon (6e). Georges-Henri LAUDRAIN Louis Visy,
du son. Cette complémen- kashian, le piano de Pier-
née Varennes, avocat à la cour, son époux,
01 70 37 31 70 Cet avis tient lieu de faire-part.
survenu dans sa 92e année.
Christiane et Peter Young,
Catherine Visy
tarité entre sensualité du
son et rigueur de la forme
re-Laurent Aimard ou, le
plus spectaculaire de tous,
le 22 mars 2024, et Laurent Davenas,
Elle a rejoint son époux, à l'âge de 60 ans, à Paris. Jean-Marc et Nathalie Visy, sera sa marque de fabrique. les percussions de Martin
Joseph Damiano ses enfants et leurs conjoints, Grubinger dans Speaking
et son fils, ses petits-enfants
François Bouffard, Philippe
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église et leurs conjoints,
« Toute ma musique Drums. Utopiste et prag-
son mari, Notre-Dame-de-Grâce- ses arrière-petits-enfants est théâtrale » matique, très attentif à la
La cérémonie religieuse de-Passy, et toute sa famille Le tournant intervient en jeune génération pour qui
Renaud et Florence sera célébrée 10, rue de l'Annonciation,
Zimmermann le jeudi 28 mars 2024, à Paris (16e), ont l'immense tristesse 1976. Il assiste le chef Mi- il avait fondé un institut en
et leurs enfants, à 10 heures, en la cathédrale le mercredi 27 mars, à 10 h 30. de vous faire part du décès de chael Gielen pour la partie 1991, cet homme bon et
Philippe et Isabelle Garcia de Saint-Jean-de-Maurienne.
et leurs enfants, Lucienne VISY électronique d’une œuvre sage se renouvelait en per-
Cet avis tient lieu de faire-part.
Emmanuel et Christelle Condoléances sur registre. de Stockhausen à Paris. Ni- manence. Alors qu’on lui
Chautard survenu le 22 mars 2024,
et leurs enfants,
cholas Snowman, premier demandait s’il ne craignait
Cet avis tient lieu de faire-part. à Brive-la-Gaillarde,
Nicolas et Hélène Bouffard à l'âge de 100 ans. administrateur de l’En- pas que l’on dise qu’il n’y a
et leurs enfants, semble Intercontemporain pas de « style Eötvös », il
Nicolas Merlotti La cérémonie religieuse
ses sœurs, beaux-frères, et Virginie Morin, tout juste fondé, le voit ré- répondait : « Au contraire,
sera célébrée
belles-sœurs, Paris (16e). Priscilla et Jean-Philippe Debas, en l'église Saint-Amand, péter et le recommande à je m’en réjouirais : ce n’est
ses enfants, à Saint-Chamant (Cantal), Boulez, qui va le voir : pas un reproche, mais un
toute la famille, Françoise Kassimatis, le samedi 30 mars, à 10 heures.
son épouse, ses petits-enfants « Bonjour, je suis Pierre compliment. Ce sont mes
ses fidèles amis Sylvie et Alain, et son arrière-petit-fils Boulez, voulez-vous devenir œuvres qui ont un style, pas
ses enfants, directeur musical de l’En- moi. Je repars de zéro à
ont l'immense tristesse
de vous faire part du décès de
ses petits-enfants
et arrière-petits-enfants,
ont l'immense tristesse
de vous faire part du décès de
remerciements semble Intercontempo- chaque fois. Si mes enfants
André Papageorgiou, rain ? » Il ne sait ce que me ressemblaient trop, ce
son neveu, Ses enfants,
Marie-France BOUFFARD Hélène MERLOTTI veut dire directeur musi- serait une catastrophe. Je
ses petits-enfants
MESSES ont la tristesse née Bacot, et toute la famille, cal, mais il accepte. Il y suis plus heureux s’ils sont
de faire part du décès de
SOUVENIRS pieusement décédée très touchés des marques
restera jusqu’en 1991. De- indépendants et développent
le 24 mars 2024, à Bordeaux. Constantin KASSIMATIS le 22 mars 2024, de sympathie qui leur ont été
venu chef du jour au lende- leur propre personnalité,
Annoncez-les à son domicile, témoignées lors du décès de main, il est un maestro ré- comme mes œuvres. Ma fille
dans La messe d'A-Dieu
sera célébrée
survenu le 21 mars 2024. à l'âge de 88 ans. puté de Londres à Berlin, est mi-chinoise, mi-hon-
Nicole BONNET
le Carnet du Jour le jeudi 28 mars, à 14 heures, La cérémonie religieuse La cérémonie religieuse née Thépaut,
notamment dans la musi- groise, et mariée à un Kur-
en l'église Saint-Amand, sera célébrée en la cathédrale aura lieu que du XXe siècle. En ma- de : mes petits-enfants sont
à Bordeaux-Caudéran. orthodoxe grecque, le jeudi 28 mars, à 15 heures, vous prient de trouver ici, tière de direction, il ap- donc issus d’un mélange
Téléphone : 01 56 52 27 27
A

7, rue Georges-Bizet, en l'église de Borest (Oise). leurs sincères remerciements.

carnetdujour@media.figaro.fr Elle reposera au cimetière à Paris (16e), prend de Boulez (sa très riche, qui les rend uni-
des Pins-Francs, à Bordeaux. le jeudi 28 mars, à 15 heures. Cet avis tient lieu de faire-part. 12, rue Dulac, 75015 Paris. gestuelle le rappelle), mais ques. » ■
 Champs libres le figaro mardi 26 mars 2024 15
E n q u ê t e

Par
Pierre Polard
Kiev

lena a accepté de parler à une

O
seule condition : ne pas com-
mencer par ce qui lui fut infli-
gé, écouter d’abord toute son
histoire, depuis le début. Avant
de témoigner, Olena dresse
une table, puis s’écarte et laisse
une chaise vide. Elle marque une distance, ou
peut-être une absence, et s’installe un peu plus
loin dans la pièce. Sur la chaise laissée vide, elle ne
s’assoira que pour montrer comment ses tortion-
naires la ligotaient. « Je viens de Kamianka-Dni-
provska, un village au sud d’Enerhodar, dans la ré-
gion de Zaporijjia, commence Olena, 51 ans. Quand
la guerre éclate, je suis seule : mes filles étudient et
travaillent au loin alors que mon mari, soldat, est
déjà déployé sur le front. Dès le 27 février 2022, des
blindés marqués de la lettre “Z” arrivent… »
Le 6 octobre 2022, Olena est arrêtée chez elle par
« deux militaires et un agent du FSB qui s’appelle
Yan Zanevsky ». La particularité d’Olena est qu’elle
peut aujourd’hui identifier certains de ses tortion-
naires grâce à ses nombreux entretiens avec la po-
lice et le SBU, le service de renseignements ukrai-
nien. Lors de ces entretiens, elle a même récupéré
une photo de Yan Zanevsky – né en 1995 à Moscou,
et dont le père, Vyacheslav Zanevsky, a été chef de
la sécurité de Viktor Ianoukovitch, l’ancien prési-
dent prorusse de l’Ukraine, chassé du pouvoir en
2014. « Yan Zanevsky orchestrait toutes les séances
de torture, dit-elle. Sous ses ordres, j’ai été battue et
étranglée et il a fait mine de m’exécuter. Il me disait
que deux divisions de Tchétchènes allaient venir me
violer. »
Le 21 octobre, Olena est transférée dans une pri-
son proche d’Enerhodar. « D’autres femmes
étaient aussi dans ma cellule, dit-elle, c’était sur- Olena et son mari. Elle peut aujourd’hui identifier

chargé, nous n’avions qu’une bassine pour faire nos
besoins et les matons étaient des psychopathes. Nous
devions chanter l’hymne russe, sinon nous étions
battues. » Olena est parvenue à identifier leur chef,
pierre pokard
certains de ses tortionnaires grâce
à ses nombreux entretiens avec la police et le SBU,
le service de renseignements ukrainien.

Le viol, tabou suprême

« un policier ukrainien devenu collaborateur, Viktor
Chudak ». Quatre mois durant, Viktor Chudak vio-
le Olena. « Il me faisait venir dans sa chambre. Il me
forçait à me déshabiller puis à enfoncer une matra-
que dans mon vagin. C’était sa façon de s’amuser. »
Le 19 janvier 2023, Olena est de nouveau trans-

de la guerre en Ukraine
férée, cette fois dans un camp de filtration. Un
homme cagoulé, mais dont l’uniforme semble
pour Olena être celui du FSB, la vend alors à un
commandant d’une ligne de front au sud de Zapo-
rijjia. « Avec quinze hommes et trois autres femmes,
nous devions aider les militaires à creuser des tran-
chées. » Olena dépeint une zone de non-droit, où
l’esclavage est normalisé et où les viols se multi-
plient : « Les officiers se partageaient les femmes et Les témoignages ment des faits, la plus jeune victime avait 4 ans et la
plus âgée, 82 ans.
Sur toutes ces violences sexuelles, commises tant
sur les civils que sur les militaires, l’Ukraine enquê-
se les échangeaient. »
Le salut viendra d’une inspection militaire russe. soulignent l’ampleur Le bureau du procureur général précise : « Par-
tout où l’armée russe était stationnée, des cas de
te aujourd’hui activement. Au sein de la police, le
colonel Oleksandr Shapovalov commande le servi-

des violences sexuelles

« Les inspecteurs furent choqués que ceux qu’ils violences sexuelles ont été enregistrés. De ce fait, on ce de documentation des crimes de guerre. « Dans
considèrent comme des “Russes”, à savoir nous, peut supposer que le nombre de cas augmentera au la moitié des affaires de violences sexuelles par les

soient ainsi traités… Ils nous ont libérés en nous di-
sant de ne jamais raconter ce qui nous était arrivé.
Arrivée chez moi, j’ai vu que mes chiens avaient été
tués. J’étais en danger de mort. J’ai trouvé par mira-
cle une voiture qui a bien voulu m’emmener et j’ai fui
Kamianka-Dniprovska par la Russie, puis par les
pays Baltes… »
La première chose que fit Olena de retour en
Ukraine, le 13 mars 2023, fut de se rendre à la poli-
ce, « avant même d’aller chez le médecin », précise-
t-elle. « Mais les policiers ne savaient pas par où
perpétrées dans
fur et à mesure de la libération des territoires ukrai- forces russes que nous avons traitées, un coupable a
niens. » Yuri Irkhin, psychologue de la police été trouvé, assure Oleksandr Shapovalov. Quarante
ukrainienne, a pu s’entretenir avec 65 victimes de de ces criminels ont été condamnés par contumace et
les territoires occupés violences sexuelles, exclusivement des femmes,
principalement de moins de 30 ans. Il souligne :
vingt-cinq, capturés au préalable sur le front, ont pu
être présentés devant une cour de justice. » Pour en-
par la Russie et dans « Tenter de chiffrer ces violences n’a pas de sens : si
on a connaissance d’un cas, on peut en présumer dix
quêter sur ces violences, la police ukrainienne utili-
se des équipes sur le terrain – en particulier après la
les camps de prisonniers autres. » L’autre considérable inconnue – et ta-
bou – dans le décompte des violences sexuelles
libération d’un territoire – mais aussi des logiciels,
surnommés « Road Maps », qui permettent de croi-
de guerre. Les autorités concerne les prisonniers de guerre. Petro Yatsen-
ko, porte-parole du Quartier général pour le trai-
ser l’immense quantité de données accumulées en
deux ans de guerre. Reste que l’innovation techno-

commencer… Ils n’avaient jamais traité auparavant
des cas d’esclavage. J’ai dû me rendre à Kiev pour
trouver des policiers compétents. » Olena dit :
« Combien d’Ukrainiens ont disparu ? Combien sont
encore utilisés comme esclaves ? Et combien s’en
sont sortis vivants ? Car chaque libération est pour la
Russie comme un aveu de ce qui s’est passé… »
D’après la police ukrainienne, 1 527 civils – hom-
mes et femmes – sont à ce jour prisonniers dans les
geôles russes. Leur sort est impossible à détermi-
ner.
« Je peux maintenant écrire un livre intitulé
“Comment survivre à la captivité et à tout ce qui
s’ensuit” », ironise Olena avec amertume. Elle ré-
pète et insiste : « Survivre à tout ce qui s’ensuit… »
Il y a le poids extrême du traumatisme, sa tenta-
tive de soin par une thérapie et la prise d’anxiolyti-
ques ; il y a aussi la difficulté d’être aidée et recon-
nue comme victime par une bureaucratie
ukrainienne qu’Olena considère comme lente et
inefficace. D’un des nombreux dossiers qui rem-
plissent son appartement, elle sort un document
où figurent l’intitulé « Victime de traite d’êtres hu-
mains » et les tampons bleutés de l’administration
ukrainienne. « Il m’a fallu des mois avant de parve-
nir à obtenir ce papier, raconte-t-elle. Non pas que
les autorités ne m’aient pas fait confiance, mais plu-
tôt parce que rien n’est organisé convenablement : je
vais voir un médecin qui me renvoie chez un autre,
mais ce n’est pas le bon examen… C’est sans fin. »
Il est encore impossible de faire le décompte
exact des violences sexuelles commises par les for-
ces russes depuis le début de la guerre. Les zones
occupées sont inaccessibles et des milliers de pri-
sonniers de guerre, en plus des civils, sont incar-
cérés dans des prisons en Russie. Même dans les
territoires libérés, ou pour les Ukrainiens qui ont
fui l’occupation ou ont été échangés, on ne peut
estimer l’ampleur réelle des violences sexuelles qui
ont été commises. Le silence des victimes, qui par-
ukrainiennes cherchent
activement à identifier
les coupables et à établir
la responsabilité du
commandement russe.
Khrystyna Kit est à la tête de JurFem, l’associa-
tion des femmes avocates d’Ukraine. JurFem pro-
digue une aide légale à 32 victimes. Khrystyna Kit
explique : « Beaucoup de victimes n’ont pas voulu
communiquer avec les enquêteurs car certains d’en-
tre eux ont pu se montrer insensibles. Il y a un man-
que de confiance dans les autorités. » Elle ajoute :
« Pour certaines victimes, le traumatisme est trop
fort. Pour d’autres, il y a la peur de représailles en-
vers leurs proches dans les territoires occupés. Il y a
également un sentiment d’impuissance, l’inquiétude
que, même si les criminels sont identifiés, l’Ukraine
ne soit pas en mesure de les juger. Et il y a la peur
d’être blâmées par leur communauté, accusées
d’avoir collaboré… Notamment dans les villages où
la police locale ne préserve pas toujours l’anonymat
des victimes. » Autre aspect troublant, le recours
fréquent au polygraphe (détecteur de mensonges)
par les forces de l’ordre ukrainiennes.
Le bureau du procureur général, qui dirige les
enquêtes de la police et du SBU, se dit conscient de
ces difficultés, faisant valoir qu’ont été mis en pla-
ce un traitement plus humain et un meilleur enca-
drement psychologique des victimes. Il souligne
que « le nombre de cas de violences sexuelles offi-
ciellement enregistrés ne reflète pas l’ampleur de ces
crimes ». Il comptabilise à ce jour 280 victimes de
tement des prisonniers de guerre, n’en parle qu’à
demi-mot : « Les violences sexuelles ont toujours été
consubstantielles aux règles et même aux castes du
système carcéral russe. Nos soldats faits prisonniers
sont aujourd’hui dispersés dans plus de 104 prisons :
il est extrêmement difficile pour nous de savoir ce qui
s’y passe. »
Si Petro Yatsenko ne donne pas de chiffre spéci-
fique pour ce type de violences en particulier, il af-
firme que « 94 % des prisonniers échangés avaient
été torturés durant leur détention ». Une multitude
de témoignages atteste que les violences sexuelles
font partie intégrante du système de torture russe
– en particulier l’électrocution des parties intimes
ou la pénétration par des objets contondants. Avec
un tel pourcentage, sachant que plus de 2 000 pri-
sonniers ukrainiens ont été libérés depuis le début
de la guerre, les dossiers sur la table du procureur
général ne représentent qu’un infime échantillon
de la réalité. Un enquêteur du SBU confirme d’un
euphémisme : « Ces violences sexuelles (en déten-
tion) ne sont pas des cas rares. » En aparté, certai-
nes sources interrogées par Le Figaro admettent
redouter les représailles que pourraient subir les
soldats ukrainiens encore captifs.
« Pour certaines victimes,
le traumatisme est trop fort.
Pour d’autres, il y a la peur de
représailles envers leurs proches
dans les territoires occupés.
Il y a également un sentiment
d’impuissance, l’inquiétude que,
même si les criminels sont
identifiés, l’Ukraine ne soit pas
en mesure de les juger »
logique ne peut suffire à lever les zones d’ombre sur
l’emplacement des camps de prisonniers de guerre,
en particulier dans les territoires occupés – dont la
situation inquiète tout particulièrement le colonel.
En concordance avec le témoignage d’Olena, Olek-
sandr Shapovalov voit dans les camps de filtration
et les prisons l’épicentre actuel des crimes russes,
« où les violences sexuelles sont quotidiennes ».
Le principal objectif d’Oleksandr Shapovalov,
mais aussi du bureau du procureur général et du
SBU, est de prouver que les violences sexuelles
commises depuis le début de la guerre sont consti-
tutives d’un « génocide de la nation ukrainienne ».
Autrement dit, de démontrer que ces crimes ne sont
pas des actes isolés, mais systématiques. Le colonel
Shapovalov dit : « Même si un commandant n’a pas
ordonné à ses hommes de commettre une violence
sexuelle, il est responsable de leurs actes. Et la Russie
n’a jamais ouvertement puni un soldat russe pour un
viol commis en Ukraine. »
Le bureau du procureur général va plus loin :
« Les crimes de violence sexuelle ne sont pas chaoti-
ques et les dirigeants de la Russie sont responsables de
l’organisation de leur perpétration. » Yuri Irkhin, le
psychologue de la police ukrainienne, s’est entrete-
nu avec six prisonniers de guerre russes accusés
d’avoir commis des viols en territoires occupés –
des hommes de moins de 26 ans et principalement
issus des minorités sibériennes. « Avant-guerre, ces
hommes n’étaient pas des violeurs mais des militaires
ordinaires, dit le psychologue. Ils n’avaient pas l’in-
tention de violer avant que leurs commandants ne les y
autorisent. »
Comme Oleksandr Shapovalov, Yuri Irkhin mar-
que une distinction entre le principe d’ordre direct
et celui de permission latente : « Ces six hommes
avaient parfaitement conscience de ce qu’ils faisaient,
mais ils ne le considéraient plus comme un crime.
C’est la spécificité d’un crime de guerre : la responsa-
bilité incombe au commandement. » Il ajoute : « On ne
A

tout entoure les violences sexuelles, dresse un mur violences sexuelles : 179 femmes, dont douze mi- Khrystyna Kit à la tête de JurFem, peut isoler la base quand il y a un sommet. Une pyra-
encore plus haut en temps de guerre. neures, et 101 hommes, dont un mineur. Au mo- l’association des femmes avocates d’Ukraine mide se démonte par le haut. » ■
 16 mardi 26 mars 2024 le figaro
Les islamistes sont déterminés à tuer le maximum
de « kouffar », qu’ils soient russes, ukrainiens ou français
+
» Lire aussi Pages 2 à 4
fabien clairefond
Pierre Lellouche
Alors qu’en 2015, Vladimir Poutine
appelait de ses vœux une « large
coalition internationale antiterroriste »,
il a tardé à reconnaître le caractère
islamiste de l’attentat de Moscou.
La communauté internationale est
désormais divisée face au péril islamiste,
et l’Europe, plus vulnérable que jamais,
analyse l’ancien ministre*.
Bruno Le Maire a raison de vouloir transformer
l’État-providence en État protecteur !
tribune
Plus de cent maires et élus locaux*
apportent leur soutien au ministre
1
de l’Économie et des Finances
après que ce dernier a affirmé
qu’il fallait transformer l’État-providence
A
afin d’assainir les finances publiques
sans augmenter les impôts.
Champs libres
D é b a t s
elle un météorite tombé d’une planète
T
lointaine, l’attaque sanglante du Cro-
cus City Hall de Moscou du 22 mars,
avec ses 137 morts et ses centaines de
blessés, est venue percuter non seule-
ment la Russie de Poutine, mais égale-
ment une guerre d’Ukraine qui entre dans sa troi-
sième année. Essayons d’en mesurer les
conséquences en quatre points.
1. Poutine, qui vient d’être massivement réélu
après vingt-cinq ans de pouvoir, à l’issue d’un
scrutin marqué par des fraudes tout aussi massives,
se voit ouvertement humilié. Non seulement ses
services de renseignements ont une nouvelle fois
montré leur incompétence, après s’être magistra-
lement trompés il y a deux ans, lors de l’invasion de
l’Ukraine, mais plus grave encore, les Américains
l’avaient dûment prévenu de l’imminence d’une
attaque. Or Poutine, trois jours avant celle-ci, avait
lui même qualifié ces avertissements de « chantage
éhonté visant à faire peur et à déstabiliser la société
russe ». La tentation est donc grande chez lui de
trouver un bouc émissaire du côté des « nazis » de
Kiev, et de monter d’un cran la haine et la violence
de cette guerre qui a déjà causé un demi-million de
tués et de blessés des deux côtés. Bien sûr, comme
dans tout conflit, les coups tordus sont légion des
deux côtés, et les Ukrainiens ont montré qu’ils ne
sont pas des saints en la matière, en ayant procédé à
plusieurs assassinats à l’intérieur de la Russie, sans
parler de la destruction du gazoduc Nord Stream II,
qu’ils avaient aimablement attribuée aux Russes.
Dans le cas de cet attentat, la théorie du complot ne
saurait s’inviter dans l’interprétation.
2. Non seulement l’attaque a été revendiquée par
l’EI-K, la branche afghane, dite Khorasan, de l’État
islamique, mais elle s’inscrit parfaitement dans le
mode opératoire d’une organisation connue depuis
sa création il y a dix ans, en juillet 2014, par un
mode opératoire particulièrement cruel. Quelques
jours après l’annonce de l’instauration du califat
par al-Baghdadi, des groupes fanatiques afghans,
en rupture avec les talibans, firent allégeance à l’EI,
rejoints par des combattants venus d’Irak et de Sy-
rie. L’EI-K se veut multiethnique (et non exclusi-
vement pachtoune comme les talibans), plus radi-
cale (accusant les talibans d’être vendus aux
étrangers) et surtout internationaliste : les talibans
veulent un État islamique en Afghanistan, l’EI- K
vise un califat mondial, qui commence dans le Cau-
case et en Asie centrale, et s’étend jusqu’au Xin-
jiang et à l’Inde. Depuis 2014, EI-K et talibans se li-
vrent une guerre totale : 572 attaques urbaines en
Afghanistan entre avril 2019 et mars 2020 ;
2 200 morts et près de 4 000 blessés en 2020, 334
autres attentats en 2021 dont l’attaque de l’aéroport
de Kaboul : 183 morts dont 13 soldats américains…
aires, élus locaux, nous sommes
M
depuis toujours soumis à l’exer-
cice rigoureux de l’équilibre
budgétaire de nos collectivités.
En d’autres termes, nous devons
faire fonctionner nos services et
financer nos projets en équilibrant nos dépenses
avec nos recettes. Pour préserver le pouvoir
d’achat de nos administrés, nous modérons la
pression fiscale et évitons un endettement que
nous ne pourrions pas rembourser dans un délai
raisonnable.
Pour réussir cet exercice délicat, en répondant
aux aléas et aux besoins de nos administrés tout en
poursuivant nos projets, nous faisons sans cesse
des choix. Ils sont parfois difficiles, mais nous les
faisons en toute clarté et avec pédagogie. Car tout
a un coût.
Nous rejoignons pleinement Bruno Le Maire,
ministre de l’Économie et des Finances, qui a eu le
courage de dire les choses : pour ne pas augmenter
les impôts, pour réussir à rétablir les finances pu-
bliques et pour protéger la France et les Français, il
faut faire des choix. Et transformer l’État-provi-
dence en État protecteur.
Depuis des années s’empilent des dépenses pu-
bliques, des subventions, des aides diverses et va-
riées. La dépense publique a plus que doublé en
vingt-trois ans, passant de 760 milliards d’euros
en 2000 à près de 1 600 milliards d’euros en 2023 !
Et pourtant : est-ce que nos concitoyens ont le
sentiment d’avoir des services publics plus perfor-
mants ? Non ! Et pourtant : ces milliards déversés
ont un coût ! Rien n’est gratuit !
Il est nécessaire de mettre au cœur du débat un
point essentiel, capital même, celui du mythe du
« tout gratuit ». Au niveau local, nous finançons
des réseaux de transport public, des crèches, des
cantines, des systèmes de location de vélo ou en-
core des services publics tellement essentiels qu’il
Le vide sécuritaire laissé par le départ brutal des
Américains en août 2021 n’a nullement été comblé
par l’État taliban, à la fois inepte et surtout souvent
complice des islamistes plus radicaux de l’EI, via
des liens tribaux, comme le groupe Haqqani.
3. Si la majorité des cibles et des victimes ont été
jusqu’ici des Hazaras ou des chiites en Afghanistan
ou même au Pakistan voisin, les 4 000 combattants
de l’EI, rejoints par des Pakistanais, des Ouïgours,
des Tadjiks, des Ouzbeks frappent désormais hors
de Kaboul : en Iran, avec l’attaque du 3 janvier der-
nier d’une cérémonie en l’honneur du général Qas-
sem Soleimani (91 morts), et particulièrement des
objectifs russes - avion russe abattu après son dé-
collage du Caire en 2015, assassinat d’un ambassa-
deur russe à Ankara en 2016, attentat contre le mé-
tro de Saint-Pétersbourg en 2017, sans parler des
attentats déjoués par le FSB le 3 mars dernier à
Karabulak (Ingouchie), et contre une synagogue.
« C’est un jeu complexe auquel
se livre Vladimir Poutine
depuis de nombreuses années :
à l’intérieur, le Kremlin a passé
une alliance stratégique avec
Ramzan Kadyrov, le leader
tchétchène qui fait appliquer
la charia dans son pays, mais dans
le même temps, la Russie n’a cessé
de bombarder les sunnites de Syrie
en s’alliant avec Bachar el-Assad »
C’est que la Russie a une histoire fort complexe
avec le monde musulman. L’islam y est comme en
France la deuxième religion : la Russie compte en-
viron 20 millions de musulmans, entre 12 % et 15 %
de sa population totale. Et les évolutions démogra-
phiques font prédire à certains qu’elle deviendra un
pays fortement islamisé au cours du XXIe siècle.
Certaines parties de la Russie ont même été musul-
manes avant d’être chrétiennes, et la conquête par
Ivan le Terrible du Khanat de Kazan en 1552 a inau-
guré la transformation de la Moscovie en Empire
russe. L’islam fait donc partie des religions recon-
nues et protégées par l’État russe, comme l’ortho-
doxie et le judaïsme, mais pas le catholicisme… Ce
qui a permis au ministre des Affaires étrangères
russe, Sergueï Lavrov, de s’exprimer ainsi en juin
2005 devant l’Organisation de la conférence isla-
mique, réunie à Sanaa au Yémen : « La Russie est
une grande puissance eurasienne… Nous faisons par-
tie intégrante des mondes chrétien aussi bien que mu-
sulman. L’islam nous est parvenu dès les origines. »
C’est donc un jeu complexe auquel se livre Vladimir
est devenu évident qu’ils doivent être du meilleur
niveau, comme par exemple le ramassage des or-
dures ménagères. Tout cela a un coût. L’argent
public est ni plus ni moins l’argent de celles et ceux
qui travaillent ! La fable de la gratuité de tout pour
tous, tout le temps, doit prendre fin : il y a toujours
quelqu’un qui paye !
Aussi : doit-on toujours tout attendre de l’État-
providence ? Ou construire ensemble un État pro-
tecteur, qui finance les grandes priorités de la na-
tion, qui aide les plus faibles, qui aide mieux quand
il le faut, et qui a le courage de ne plus aider quand
cela n’est pas nécessaire ?
« Doit-on toujours tout attendre
de l’État-providence ? Ou construire
ensemble un État protecteur,
qui finance les grandes priorités
de la nation, qui aide les plus faibles,
qui aide mieux quand il le faut,
et qui a le courage de ne plus aider
quand cela n’est pas nécessaire ? »
Comme Bruno Le Maire, nous préférons les
constats réalistes aux dénis populistes. Et nous
préférons dire la vérité et engager les transfor-
mations indispensables plutôt que de faire assu-
mer aux prochaines générations notre manque de
courage.
Finalement, les questions que l’on doit se poser
sont celles de la qualité de services publics ren-
dus aux Français, celle de la restauration du lien
entre les Français et leurs élus, des administrés
avec leurs administrations. Cette « voie françai-
se » que pose le ministre de l’Économie et des Fi-
nances sur la table du débat public doit et devra
être l’un des sujets majeurs des mois à venir.
Nous y veillerons. ■
Poutine depuis de nombreuses années : à l’inté-
rieur, le Kremlin a passé une alliance stratégique
avec Ramzan Kadyrov, le leader tchétchène qui fait
appliquer la charia dans son pays - ses troupes
combattent les Ukrainiens -, mais, dans le même
temps, la Russie n’a cessé de bombarder les sunni-
tes de Syrie en s’alliant avec Bachar el-Assad et ses
soutiens chiites iraniens ou du Hezbollah. Le pro-
blème est que l’EI-K déteste les chiites, les Perses,
comme il déteste, les « croisés russes ». Ce qui a
conduit Poutine à recevoir les officiels talibans à
Moscou et à demander la levée des sanctions inter-
nationales contre le régime de Kaboul… La Russie
est donc loin d’en avoir fini avec l’islamisme radical
dans le Caucase, mais également dans ses ex-répu-
bliques musulmanes : Tadjikistan, Turkménistan,
Ouzbékistan, toutes frontalières de l’Afghanistan,
le « hub » du terrorisme islamique le plus dur
aujourd’hui.
4. Flash-back : qui se souvient encore que le
11 septembre 2001, Vladimir Poutine fut le premier
chef d’État étranger à appeler le président Bush
après les attentats contre le World Trade Center et
le Pentagone ? Qui se souvient que la Russie ouvrit
alors son espace aérien pour permettre l’achemine-
ment des moyens américains vers Kaboul, mettant
également à la disposition des Occidentaux (je peux
en témoigner) les territoires des républiques mu-
sulmanes ex-soviétiques, limitrophes de l’Afgha-
nistan ? Et qui se souvient encore que le 28 septem-
bre 2015, le même Poutine, alors boudé par la
communauté internationale après son annexion de
la Crimée, s’adressant à la tribune des Nations
unies, proposa une « large coalition internationale
antiterroriste » contre l’État islamique, « semblable
à celle formée contre Hitler au cours de la Deuxième
Guerre mondiale » ? Ce jour-là, Obama répondit fa-
vorablement : « On ne peut pas s’accommoder d’un
mouvement apocalyptique comme l’État islamique, et
les États-Unis, ne regrettent pas d’employer leur ar-
mée dans le cadre d’une large coalition. »
Aujourd’hui, les « Blancs » s’entretuent à nou-
veau au cœur de l’Europe, les yeux rivés dans le ré-
troviseur : 1914 ou 1938, à chacun son narratif…
L’Europe décidément, a le goût du suicide. Le reste
du monde, lui s’en détourne. Les fanatiques de
l’État islamique, toujours bien vivants, sont eux
toujours bien déterminés dans leur « guerre sans
fin », à tuer le maximum de « kouffar » - et qu’im-
porte qu’ils soient russes, ukrainiens ou français…
N’est-il pas grand temps de faire cesser cette guerre
d’où il ne sortira que des perdants ? ■
*Ancien ministre, Pierre Lellouche a été le représentant
spécial pour la France en Afghanistan et au Pakistan
en 2008-2009. Il est l’auteur d’un ouvrage
consacré au terrorisme islamique :
« Une guerre sans fin » (Cerf, 2017).
*À l’initiative de Jean-Pierre Serrus, maire de La Ro-
que-d’Anthéron, et d’Arnaud Murgia, maire de
Briançon, cette tribune a été signée par une centaine
de maires et d’élus locaux, dont : Jean-Denis AMET,
maire d’Augea ; Maider AROSTEGUY, maire de Biar-
ritz ; Guillaume ARTHUS, maire adjoint de La Trinité-
sur-Mer ; Gil AVEROUS, maire de Châteauroux ; Yan
BALAT, maire de Noirmoutier-en-l’Île ; Jérémie BEC-
CIU, maire de Boulbon ; Guillaume BELLINELLI, mai-
re de Roinville-sous-Dourdan ; Michel BERTHOZAT,
maire de Pimorin ; Daniel BERTOCCHI, maire de Mie-
ry ; Frédéric BIERRY, président de la collectivité euro-
péenne d’Alsace ; Christian BRETIN, maire de Cou-
sance ; Jean-Charles BORGHINI, maire de
La Brillanne ; Luc BOUARD, maire de La Roche-sur-
Yon ; Damien BRUNET, maire d’Armentières-sur-
Avre ; Christian BUCHOT, maire de Maynal ; Frédéric
CAUDERLIER, maire de La Bassée ; François CA-
VALLIER, maire de Callian ; Caroline CAYEUX, maire
de Beauvais ; Alain CHRETIEN, maire de Vesoul ; Cé-
dric CLECH, maire de Tonnerre ; Christian CORROL-
LER, maire de Plonéis ; Yves CRISTIN, maire de Lent ;
Manuel DA SILVA, maire de Thorigny-sur-Marne ;
François DECOSTER, maire de Saint-Omer ; Michel
DELEPAUL, maire de Bois-Grenier ; Éric DELPRAT,
maire de Tanlay ; Philippe DESCROUET, maire de
Serris, président de Val d’Europe Agglomération ; Va-
lentin DETHOU, maire de Champigneulles ; Marie-
Claire DORE, maire de Marby ; Daniel DUBOST, mai-
re de Marols ; Frédéric DUCHE, maire des Andelys ;
Xavier ELBAZ, maire de Villedieu-sur-Indre ; Ber-
nard ELHORGA, maire de Saint-Pée-sur-Nivelle ;
Daniel FABRE, maire d’Ambérieu-en-Bugey ; Michel
FISCHER, maire de Macornay ; Carine FOSSIER,
maire de Sainte-Hélène ; Éric FOURNIER, maire de
Chamonix-Mont-Blanc ; Camille GALTIER, maire de
Manosque ; James GESTE, maire de Saint-Martin-
d’Auxy ; Francis GIUDICI, maire de Ghisonaccia.
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 Champs libres
O p i n i o n s
Les conflits dans la chrétienté font le jeu des islamistes
urieuse fut la réaction du Kremlin à
C
l’attentat terroriste du Crocus City
chronique Hall, revendiqué par l’État islami-
Renaud Girard que en Asie centrale, qui fit près de
150 morts dans la banlieue de Mos-
cou, le vendredi 22 mars 2024. Au
lieu d’expliquer à la Russie qui est exactement
cet ennemi qui vient chez elle tuer ses enfants
dans ses rues, Vladimir Poutine, dans son allocu-
tion à la nation russe du 23 mars, s’est contenté
de dire que les suspects fuyaient vers l’Ukraine,
où leur aurait été préparée leur exfiltration.
Pourquoi tenter dans cette affaire d’impliquer les
autorités de Kiev, qui n’ont strictement rien à
voir avec l’État islamique ?
Les Américains, meilleurs alliés des Ukrai-
niens, avaient prévenu les services de sécurité
russes de l’imminence d’une attaque terroriste
visant des « rassemblements de personnes » à
Moscou. Fort heureusement, les services occi-
dentaux de sécurité continuent à partager avec
les services de la Russie et de la Chine leurs
informations relatives au djihadisme. Dimanche
24 septembre, jour de deuil national en Russie,
l’ambassade américaine à Moscou a mis son
drapeau en berne.
L’attentat de Krasnogorsk a rappelé aux Rus-
ses et aux Occidentaux qu’ils avaient en com-
mun un même ennemi : l’islamisme. Après les
attentats du 11 septembre 2001, la Russie s’était
montrée solidaire des États-Unis. Elle avait sou-
tenu l’Alliance du Nord contre les talibans
afghans et leurs alliés djihadistes arabes, puis
avait facilité l’approvisionnement des troupes
américaines déployées en Afghanistan.
Vivant dans le rêve d’un retour au califat, les
islamistes ne croient pas au gouvernement des
hommes, mais seulement à celui de Dieu. Pour
eux, les frontières, créations des hommes au fil
de l’histoire, n’ont pas de légitimité. Le monde
est divisé en seulement deux parties : le Dar al-
Islam, ou « domaine de la soumission à Dieu », où
s’appliquent les préceptes de la religion musul-
mane, et le Dar al-Harb, ou « domaine de la
guerre », qui regroupe les territoires incroyants,
Comptes publics, croissance, emploi : nos trois déficits
e suspense aura pris fin ce mardi
L
26 mars où l’Insee, véritable commis-
analyse saire aux comptes publics indépen-
Jean-Pierre Robin dant de par la loi, publie les résultats
de l’année 2023. Deux chiffres sont
particulièrement scrutés, la dette pu-
blique et le déficit annuel des administrations
(État, Sécurité sociale et collectivités territoria-
les) dont l’exécutif a voulu cacher le plus long-
» Lire aussi Page 22
+ temps possible le dérapage.
La preuve en est que Jean-François Husson, le
rapporteur de la commission des finances du
Sénat, a connu son « quart d’heure de célébrité »
quand il s’est rendu la semaine dernière à Bercy
pour un « contrôle sur pièce et sur place ». Il y a
découvert les notes de travail du ministère fai-
sant état d’un déficit de 5,6 % du PIB en 2023, au
lieu des 4,9 % initialement prévus, et d’un désé-
quilibre de 5,7 % en 2024 en place des 4,4 % en-
visagés officiellement, la situation continuant
d’empirer en 2025 (déficit de 5,9 % et non de
3,7 % selon le programme pluriannuel de Bercy).
Que les débats économiques en viennent au
théâtre de boulevard, avec ses cachotteries et
ses fuites, témoigne d’un profond malaise. Voilà
qui rappelle « le tournant de la rigueur » du
printemps 1983 opéré alors dans la plus grande
confusion. « Tous les indicateurs se remettent
tranquillement au vert », avait clamé le premier
ministre Pierre Mauroy, invité à l’émission culte
« L’Heure de vérité » du 16 février. Mais quel-
ques jours plus tard, la direction de la prévision
des Finances faisait fuiter une note alarmiste sur
les comptes. Et le 21 mars, le franc était dévalué,
pour la troisième fois en deux ans, avec un pro-
gramme d’austérité à la clé.
La mondialisation, la création de l’euro et la
surveillance mutuelle au sein de la zone euro des
politiques nationales : le cadre institutionnel ac-
tuel n’a certes rien à voir avec celui de 1983. Sauf
sur un point : le déni de réalité de la situation fi-
nancière, dans lequel l’exécutif tend à s’enfer-
mer, demeure encore et toujours. On s’est pour-
tant doté de vigies indépendantes, tel le Haut
Dassault Médias SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Directeur des rédactions Anne Huet-Wuillème (Édition,
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Rudi Roussillon directeur de la publication
von Claer (Style, Art de vivre, F), Sciences).
Marc Feuillée
Philippe Gélie (International),
qu’il convient de convertir, si besoin par la force.
À leurs yeux, l’éducation des filles et l’égalité ju-
ridique entre les hommes et les femmes sont des
notions absurdes. Les islamistes sont pour nous
des ennemis civilisationnels. Ils veulent la des-
truction de notre civilisation, issue des valeurs
chrétiennes et des Lumières, qui préconisent la
séparation du politique et du religieux, ainsi que
la structuration par le droit des relations entre les
hommes. L’islamisme ordonne la mort de tous les
« infidèles » qui refusent de se soumettre à la loi
d’Allah et de son prophète Mahomet.
Le drame du Crocus City Hall devrait rappeler
au président de la Fédération de Russie quel est
son ennemi principal. Ce n’est certainement pas
l’Ukraine. Cette dernière, depuis son indépen-
dance en 1991, a souhaité se dégager de l’in-
fluence politique de Moscou, mais elle n’a jamais
préconisé ni visé la destruction de la Russie. Il
est faux de prétendre que l’Ukraine ait pu pré-
senter une quelconque menace réelle pour la
Russie en tant qu’État. En revanche, une conta-
mination par les idées djihadistes des 15 % de
citoyens de la Fédération de Russie qui sont
d’origine musulmane représenterait une réelle
menace pour la cohésion interne de ce pays
s’étendant sur onze fuseaux horaires.
De même que les conflits entre les croisés et les
Byzantins au XIIIe siècle firent le miel de leurs
adversaires musulmans, avant de favoriser l’as-
cension de la puissance ottomane, la reprise
actuelle des conflits politiques au sein de la chré-
tienté représente une aubaine pour les musul-
mans sunnites sectateurs de l’État islamique.
Point n’est besoin de tuer les infidèles, ils se tuent
entre eux. Comme leur démographie est décli-
nante, il suffit d’être patient et d’attendre que
leur civilisation chute, comme une pomme pour-
rie devenue trop lourde sur le pommier.
Le XIXe siècle fut une époque où l’islam cher-
cha à se réformer, avec de grands penseurs com-
me Jamal al-Afghani (1838-1897) ou Mohamed
Abduh (1849-1905), qui finit sa vie comme grand
mufti d’Égypte. Après la grande tuerie interchré-
tienne que représenta la Première Guerre mon-
Conseil des finances publiques (HCFP), chargé de
vérifier « le réalisme des prévisions macroécono-
miques et de finances publiques du gouverne-
ment ». En septembre dernier, le HCFP avait es-
timé « que la prévision de déficit public pour 2023
(4,9 points de PIB) est vraisemblable (sic), au vu
notamment des informations disponibles sur les
sept premiers mois de l’année ».
Ces quitus donnés a priori se révèlent hélas
trop souvent erronés a posteriori. En juin 2017,
lorsque le gouvernement d’Édouard Philippe
avait demandé un audit des finances publiques à
la Cour des comptes, celle-ci avait qualifié
« d’insincérité » - injure suprême pour dénoncer
des hypothèses bancales - la loi de finances 2017
établie par le gouvernement de Manuel Valls. Les
diverses oppositions crient aujourd’hui à « l’in-
sincérité » des chiffrages de l’exécutif. Plus en-
core que ses prévisions de croissance, ce dernier
a sous-estimé les conséquences budgétaires du
ralentissement de l’activité. L’année 2022 avait
été faste pour les recettes fiscales gonflées par
l’inflation. Or depuis l’été 2023, les rentrées de
TVA s’anémient avec le recul de la consomma-
tion, et la crise de la filière immobilière est dra-
matique pour les recettes de l’État et des collec-
tivités locales. Même la Banque de France, autre
vache à lait qui apportait 4 milliards d’euros par
an à l’État, a arrêté ses versements en 2023, du
fait de la hausse des taux d’intérêt qui, parado-
xalement, la pénalise.
En règle générale, les finances publiques am-
plifient les cycles économiques et le dérapage des
déficits de 2023, qui semble avoir pris de court
Bercy, en est une nouvelle illustration.
La situation est d’autant plus périlleuse que le
déséquilibre des comptes se heurte à deux autres
déficits de nature structurelle, la croissance et
l’emploi. Dressant le bilan des années 2019 à
2023, marquées par la pandémie de Covid, la cri-
se énergétique et le retour de l’inflation, l’institut
de conjoncture Rexecode a calculé que le PIB
avait progressé de 0,4 % l’an. En net retrait par
rapport à la moyenne de 1,4 % durant la décennie
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le figaro mardi 26 mars 2024 17
diale apparut en Égypte une forme d’islam beau-
coup plus dure, beaucoup moins ouverte aux
autres civilisations, rêvant d’un retour à la vie
simple des compagnons du Prophète : le mouve-
ment des Frères musulmans de Hassan el-Banna.
La succession des trois grands événements de
l’histoire contemporaine que furent la défaite du
paganisme nazi dans la Seconde Guerre mondia-
le, la réussite de la construction européenne,
l’effondrement intérieur du communisme so-
viétique, nous fit croire à l’avènement d’un
« nouvel ordre mondial » (président George H. W.
Bush en 1991), où la guerre serait bannie, en
chrétienté d’abord, dans le reste du monde en-
suite, par la force de l’exemple. C’était l’époque
où Israéliens et Palestiniens se mettaient autour
d’une table pour trouver un arrangement pacifi-
que (accords d’Oslo de septembre 1993) et où
Chine et Russie n’aspiraient qu’à imiter les so-
ciétés occidentales.
Mais la guerre comme instrument politique re-
vint en force avec le néoconservatisme améri-
cain. Le très chrétien président américain George
W. Bush crut sincèrement qu’il pourrait par la
force des armes démocratiser tous les pays du
Moyen-Orient, et leur faire conclure ensuite la
paix avec Israël. Son invasion de l’Irak en 2003,
condamnée par la France, va décupler les mou-
vements islamistes et créer un immense chaos
régional, qui n’est toujours pas résolu. La même
erreur néoconservatrice sera faite en 2011 contre
la Libye, sur une initiative, hélas, française. Le
renversement par la force de Kadhafi fit grande-
ment, et fait toujours grandement, le jeu des isla-
mistes dans tout le Sahel.
Au début de la présente décennie, Vladimir
Poutine aurait très bien pu consacrer son énergie
à développer l’immense Sibérie plutôt qu’à
agresser son voisin ukrainien, chrétien ortho-
doxe comme lui. Il a dégarni ses frontières d’Asie
centrale pour envoyer des soldats sur le front de
l’Ouest. Il en paie aujourd’hui le prix, n’ayant pas
compris que son ennemi principal n’était pas
l’Ukraine chrétienne mais bien l’État islamique
en Asie centrale. ■
précédente. « Un écart de 4 points demeure en
conséquence entre le niveau de PIB qui aurait été
atteint sur le simple prolongement de sa tendance
passée à partir de 2019 », regrette Denis Ferrand,
le directeur de Rexecode. C’est une catastrophe
pour le financement des dépenses publiques do-
pées par le « quoi qu’il en coûte ».
Autre déficit calamiteux, l’emploi. Apparem-
ment le bilan est positif. N’a-t-on pas créé
2 millions d’emplois supplémentaires depuis
2017 ? Reste qu’on est bien loin du plein-emploi
alors que seulement 68 % des Français en âge de
travailler ont une activité professionnelle,
contre près de 80 % en Europe du Nord. « Si
nous avions un taux d’emploi équivalent à celui de
l’Allemagne, nous n’aurions plus de problème de
déficit », ne cesse de répéter Bruno Le Maire. Le
ministre des Finances a arithmétiquement rai-
son - l’emploi, ce sont des recettes fiscales en
plus et des aides sociales en moins -, mais politi-
quement c’est une autre affaire que d’en
convaincre les Français.
Déficit : « il manque » en latin. Les trois déficits
- de croissance, d’emplois et des comptes publics
- sont en réalité quatre et ils sont étroitement
liés, comme les trois Mousquetaires qui étaient
quatre, car il convient d’ajouter celui du com-
merce extérieur qui en est la triste conséquence.
Cette équation de nos manques, il faut avoir le
courage de la regarder en face, même si elle est
aveuglante. ■
Ce soir à 22h30 sur
Le Figaro TV, présenté
par Philippe Gélie
Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy FR
93290 Tremblay-en-France
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 18 mardi 26 mars 2024 le figaro

R e n c o n t r e

Patrick Tudoret :
« L’amitié
est un antidote au
chaos du monde »
PATRICK TUDORET. - L’amitié est,
Par selon moi, un antidote au chaos du
Dorian Grelier monde, un luxe qui fait de lui un
endroit plus fréquentable. Et ce, depuis
la domestication du feu. Nous vivons à
L’écrivain expose dans une époque qui souffre sévèrement
d’infantilisation, de niaiserie générali-
un précis les vertus de sée : des concepts aussi sérieux que le
bien et la beauté se sont transformés en
l’amitié, dont il cherche thèmes dignes du Fabuleux Destin
d’Amélie Poulain. Mais l’amitié n’a rien
l’essence. Il en tire à voir avec l’expression des bons senti-

François Bouchon/Le Figaro

les enseignements ments. Montaigne a raison quand il dit à
propos de sa relation avec La Boétie :
et explique la nécessité « Parce que c’était lui, parce que c’était
moi. » En refusant de rationaliser la
de l’entretenir. chose, il montre que l’amitié est une
forme d’alchimie qui relève de la grâce.
Chez les Grecs anciens, la philia est la

U
n réenchantement du
monde, rien de moins
que cela ! » Après
avoir vanté les mé-
rites de la marche
dans une petite rhé-
torique itinérante et fait l’éloge de la
bénévolence dans de précédents
ouvrages, l’écrivain, dramaturge et
docteur en science politique poursuit sa
quête de sens donné à l’existence. Dans
Le Petit Livre de l’amitié (Salvator), il se
donne pour rude mission de définir le
sentiment amical, ce curieux miracle
qu’il pare du plus grand des prestiges.
LE FIGARO. - « Je ne sais si l’amitié
a une source divine, mais elle ressortit
de toute évidence au sacré », écrivez-
vous. Qu’est-ce à dire ?
forme idéale de l’amour. Selon Aristote,
elle est « une âme en deux corps et un
cœur qui habite deux âmes ». En ce qui
me concerne, je le pense aussi. L’autre
m’importe beaucoup, et je ne serais
rien sans lui, car, comme le dit Paul
Ricœur, « le plus court chemin de soi à
soi passe par autrui ». Cela dépasse
l’entendement. C’est probablement
pour cela que les ruptures amicales sont
si douloureuses. Il arrive que les amitiés
se brisent comme du cristal, ou qu’elles
s’érodent lentement, à l’instar d’un
mauvais mariage. Fort heureusement,
l’amitié dure souvent plus longtemps
que la passion amoureuse.
Dans quelle mesure l’amitié influence-
t-elle nos actions, nos comportements ?
L’amitié est un véritable travail. Elle
exige de nous qu’on y apporte un soin
« Tout homme, à un moment de son existence, est forcé de constater qu’il n’est rien sans l’autre », assure Patrick Tudoret.
constant, régulier, un peu comme un
vêtement précieux. En dépit de quoi les
faux plis s’installent rapidement. Aussi,
sans pour autant tomber dans l’em-
phase, il ne faut pas hésiter à faire des
déclarations d’amitié. Un peu comme
on le faisait autrefois, à travers l’art
épistolaire. Pour paraphraser la for-
mule de Pierre Reverdy : « Il n’y a pas
d’amitié, il n’y a que des preuves
d’amitié. » C’est pour cela que je n’aime
pas remettre un rendez-vous à plus
tard, par exemple. Comme la noblesse,
l’amitié oblige. Et, grâce à l’autre,
permet de nous révéler à nous-mêmes,
d’appréhender les événements avec
davantage de sagesse.
Le dévouement, la fidélité
et l’engagement sont les conditions
sine qua non de l’amitié. Celle-ci exige
une vraie « responsabilité morale »,
dites-vous. N’est-elle pas mise à rude
épreuve dans une société où ces valeurs
sont quelque peu dépréciées ?
On ne peut malheureusement que le
constater. « Fidélité », « loyauté »,
« intégrité », « responsabilité »… Ces
mots propres à l’amitié désignent des
qualités qui, aujourd’hui, paraissent de
plus en plus désuètes. Pourtant, ce sont
elles qui fondent la société tout entière
et, plus précisément, la démocratie
- aujourd’hui très fragilisée. Le contrat
social repose dessus. De fait, il y a dans
l’amitié quelque chose de « politique »,
au sens de « sage et adroit dans le
gouvernement des hommes ». Elle per-
met l’élan vers l’autre et exacerbe le
digne de ce nom. C’est-à-dire être à la
hauteur de ce que l’on prétend être.
Chose rare.
Les réseaux sociaux, Facebook
notamment, ont redéfini le mot « ami ».
Ce faisant, lui ont-ils porté préjudice ?
Comme beaucoup, j’ai de nombreux
« amis » sur les réseaux sociaux.
Certains sont des personnes que je
connais, qui me sont chères, et d’autres
sont de parfaits inconnus. La plupart du
temps, ils sont arrivés là pour suivre
mon travail, par curiosité. Ce sont
souvent des lecteurs avec lesquels je
corresponds mais que je ne peux
qualifier ainsi, malgré les nombreux
échanges et cette considération que je
leur porte. L’amitié est quasi immé-
diate, elle ne suppose pas d’écran. Alors
que trop de choses font aujourd’hui

AU
sens des responsabilités individuelles,
alors que ces dernières vivent une crise
E
UV
majeure. Bien que l’on pense qu’elle
pr
présente
nt nous tombe dessus, il s’agit d’un choix.
O
N D’une prise de risque dans une société
LES MOTS CROISÉS qui le refuse obstinément. L’amitié est
une promesse tenue. Un pilier qu’il faut
préserver coûte que coûte : on ne peut
DE PIERRE OLLIVIER rien bâtir sur du sable…
Qu’en est-il de l’esprit critique ?
L’amitié aveugle-t-elle ?
En amour comme en amitié, il vaut
toujours mieux une vérité qui blesse à
un mensonge qui plaît. Ne pas délivrer
la vérité revient à mettre le ver dans le
fruit. De même que s’adonner à la
flatterie, au faux-semblant ou au
mensonge stratégique est suspect. Dans
une époque hyper-narcissique comme
la nôtre, les tentations sont grandes.
Certes, l’amitié utile, telle que la
désigne Aristote, n’est pas sans prodi-
guer son lot de bienfaits, mais elle n’est
pas durable. Elle nous condamne à
l’égocentrisme enfantin, que seule
l’amitié vertueuse peut soigner, en
faisant passer le bien de l’autre avant
même son propre bien. Pour ce faire,
l’éducation - du latin ex ducere,
« conduire à l’extérieur (de soi) » - à
l’autre est nécessaire dès la petite
enfance, au même titre que l’appren-
tissage de la lecture et de l’écriture.
À ce titre, que pensez-vous
des cours d’empathie obligatoires
annoncés par Gabriel Attal dans les
classes d’ici à la rentrée de septembre ?
Il me semble qu’il a raison sur le fond
mais qu’il se trompe sur la forme, en
ceci qu’il faut bien différencier l’empa-
thie de la bienveillance. L’une a trait à
la capacité à éprouver ce que l’autre
ressent, quand l’autre n’est qu’une
coquille vide. Elle évoque à première
vue la disposition favorable envers
quelqu’un. Mais la bienveillance est
souvent un alibi facile pour faire régner
l’ordre social. En France, ce terme est
devenu un sous-concept managérial
faisant florès dans certaines entre-
prises. Je préfère donc parler de
« bénévolence » - j’ai publié un livre
barrière, écran, entre nous et le réel, il
faut s’en affranchir ne serait-ce que
pour préserver le sens du mot « ami ».
« Il faut bien
différencier l’empathie
de la bienveillance.
L’une a trait à la capacité
à éprouver ce que l’autre
ressent, quand l’autre n’est
qu’une coquille vide.
La bienveillance est
souvent un alibi facile pour
faire régner l’ordre social »
Camus disait que l’amitié
est « la science des hommes libres ».
Sans elle, sommes-nous voués
à la sujétion ?
C’est une évidence. Cela fait écho à la
pensée stoïcienne selon laquelle le sage
se suffit à lui-même, quitte à pratiquer
une sorte d’érémitisme. Dans ses
Lettres à Lucilius, toutefois, Sénèque
précise que l’on s’accomplit dans
l’amitié. Si le sage se suffit quant à une
forme de bonheur, ce n’est pas le cas
quant à la vie elle-même. Tout homme,
à un moment de son existence, est forcé
de constater qu’il n’est rien sans
l’autre. C’est à cette condition qu’il
devient libre. Encore faut-il avoir la
même définition du terme. Depuis
Mai 68, on peut penser que la liberté
s’apparente au slogan « Jouir sans
entraves », qui en ferait l’éloge.
Cependant, la jouissance abolissant le
désir est la pire des libertés, c’est
l’horizon le plus court qui lui soit
donné. Tout comme « Il est interdit
d’interdire », ces pseudo-maîtres mots
ont accouché du pire. Il faut être lucide,
la société n’est pas plus dure aujour-
d’hui qu’elle ne le fut par le passé, que
ce soit lors de la Seconde Guerre mon-
diale ou pendant les ravages de la Peste
noire. Pour autant, tout ne va pas bien.
Le sang continue de couler et les idéo-
logies sont toujours aussi délétères.
Dans ce type de sociétés, l’on peut très

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sur ce concept -, que l’on retrouve dans
l’amor benevolentiae latin, l’amour
rapidement basculer dans de nouveaux
paradigmes. C’est là que l’amitié, au
A

oblatif. Ce mot est celui qui qualifie le sens de la concorde, devient de plus en
mieux l’ambition propre à tout ami plus indispensable. ■
 mardi 26 mars 2024 LE FIGARO - N° 24 755 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

Budget
économie Concurrence
Les dépenses sociales, Bruxelles ouvre des enquêtes
poids lourd des finances sur les pratiques d’Apple,
publiques Page 22 de Meta et de Google Page 25

> FOCUS
L’État met
Boeing en pleine tourmente la pression
sur EDF
Sous la pression Le ministre de l’Économie et des
Finances, Bruno Le Maire, a assis-
de la justice, des té lundi au comité exécutif d’EDF,
dont l’État est l’unique actionnai-
autorités aériennes, re. Début mars, il s’agaçait d’une
de ses clients éventuelle envolée du coût de
construction des six nouveaux
foxytoul - stock.adobe.com ; KENZO TRIBOUILLARD/afp ; Nathan Laine/Bloomberg

et de ses actionnaires réacteurs nucléaires EPR 2.

« Nous voulons que ce nouveau
à la suite d’incidents grand projet soit un succès », a-t-il
majeurs, l’avionneur commenté à la sortie de la réu-
nion. C’était la première fois qu’il
américain a annoncé y prenait part, mais sans doute
pas la dernière. Les échanges ont
le départ de son PDG, porté sur la manière dont EDF se
du président transforme pour tenir les coûts et
les délais de ce grand program-
du conseil me et sur l’avancée de sa prépa-
ration.
d’administration Par ailleurs, la politique commer-
et du patron des ciale d’EDF a aussi été évoquée.
« EDF s’est engagé à renégocier
avions commerciaux. les contrats des TPE, PME et ETI
qui ont été signés au moment où
Page 20 les prix étaient au plus haut. C’est
vital pour ces entreprises. EDF le
met en œuvre », a ajouté le minis-
tre. Luc Rémont, le PDG d’EDF,
avait annoncé ces renégociations
mi-février.
Elsa Bembaron

l'histoire
Le bonus réparation a fait
économiser 2,3 millions
d’euros aux Français

P
rès de six mois et déjà
plus de mille réparateurs
– des retoucheries et des
cordonniers – labellisés,
dans la France entière.
Lancé en novembre, le bonus
réparation pour les vêtements
et les chaussures a permis
aux Français d’économiser
2,3 millions d’euros, soit 8 euros
en moyenne par réparation,
selon Refashion, l’éco-organisme
chargé par le gouvernement
d’accompagner l’industrie
vers une économie plus circulaire.
Remplacement de fermeture Éclair
ou de doublure, réparation
d’accroc, changement de talon,
pause de demi-semelle,
ressemelage… : au total,
250 000 réparations ont été
effectuées.
« C’est un très bon démarrage,
se félicite Elsa Chassagnette,
responsable du fonds de
réparation qui finance le dispositif,
calqué sur ce qui se fait déjà
dans l’électroménager. Depuis
décembre, le nombre de
réparations a été multiplié par dix.
C’est d’autant plus positif que
les réparateurs ont joué le jeu
du bonus : dans l’ensemble,
ils n’ont pas augmenté leurs prix. »
Le dispositif a un objectif :
prolonger la durée de vie des
vêtements et des chaussures,
qui ne sont que très peu recyclés.
Refashion y consacrera
154 millions d’euros entre 2023
et 2028, un montant provenant
intégralement de l’écocontribution
des entreprises du secteur.
« Le bonus réparation était le coup
de pouce nécessaire pour inciter
les Français à revoir leur manière
de consommer la mode », affirme
Elsa Chassagnette. Il peut aller
de 6 à 25 euros selon le type de
réparation. En 2019, 16 millions de
pièces (vêtements et chaussures)
ont été réparées, selon l’Ademe.
Refashion espère porter ce chiffre
à 21,6 millions d’ici 2028,
en augmentant le nombre
de commerces labellisés à plus
de 1 500 d’ici fin 2025. ■
Mathilde Visseyrias

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 20 mardi 26 mars 2024 le figaro
Véronique Guillermard
et Pierre-Yves Dugua
Sous la pression
de la justice,
des autorités de
la sécurité aérienne,
de ses actionnaires
et de ses clients, le
président du conseil
d’administration,
le PDG du groupe
et le patron
de la division avions
commerciaux
quittent le groupe.
R
ien ne va plus chez
Boeing. Plongé depuis des
années dans une crise qui
s’est encore amplifiée de-
puis un grave incident sur
un vol d’Alaska Airlines,
le 5 janvier 2024, le géant américain de
l’aéronautique a décidé de trancher dans
le vif. Son conseil d’administration a an-
noncé, ce lundi, un profond remanie-
ment de sa direction. Trois de ses plus
hauts dirigeants vont quitter le
groupe. Larry Kellner, le président du
« board » et ex-PDG de Continental Air-
lines, a « informé le conseil qu’il ne pré-
voyait pas de se représenter, lors de la
prochaine élection », prévue dans le cadre
de l’assemblée générale des actionnaires
à venir. Dave Calhoun, nommé PDG en
janvier 2020, quittera ses fonctions fin
2024, au plus tard. Enfin, Stan Deal, le
patron de Boeing aviation commerciale
(BCA), qui concentre la majorité des pro-
blèmes de qualité et des malfaçons, met
fin à ses fonctions « avec effet immé-
diat ». Déjà, le 22 février dernier, le
patron du 737 Max avait été remplacé à la
tête de ce programme qui aura connu six
responsables en sept ans…
Boeing est décapité. Cette icône améri-
caine est au bord du gouffre. Seuls les
contrats du Pentagone lui maintiennent la
tête hors de l’eau. Alors que BCA s’enfon-
ce dans une crise sans fin, aggravée par la
découverte de nouveaux problèmes de
qualité et des malfaçons. En créant un
électrochoc au sein du groupe, les admi-
nistrateurs espèrent crédibiliser les pro-
messes - jusqu’ici jamais tenues - de re-
dressement de BCA. Dave Calhoun, 67 ans
en avril, partira de son plein gré. « Servir
Boeing a été le plus grand privilège de ma
vie », déclare-t-il. Mais force est de
constater qu’après avoir siégé au
« board » depuis 2009, cet ancien haut di-
rigeant de General Electric a échoué à
sortir Boeing d’une crise historique com-
mencée par les deux crashs de 737 Max,
entre octobre 2018 et mars 2019, qui ont
coûté la vie à 348 personnes. Et qui a
tourné au scandale lorsque des enquêtes
et des audits ont révélé des manquements
graves dans la conception et la certifica-
tion du Max, la nouvelle version du 737,
l’avion le plus exploité dans le monde.
Crashs, porte arrachée, panneau manquant… les déboires sans fin du groupe
Danièle Guinot
D
epuis six ans, Boeing enchaîne
les incidents et les accidents
aux conséquences parfois
dramatiques. Depuis le début
de l’année, la série noire semble même
s’accélérer.
■ Problèmes en série
en mars 2024
Ce mois de mars est à marquer d’une
pierre noire pour Boeing. Le 17, l’équi-
page d’un Boeing 737-800 reliant New
York à Chicago a signalé un souci avec
les indicateurs de vitesse du vent. Deux
jours plus tôt, lors d’une inspection de
routine après l’atterrissage d’un vieux
Boeing 737-800 dans l’Oregon, des
experts avaient repéré l’absence d’un
panneau métallique externe. Plus
grave, le 11 mars, le Boeing 787
Dreamliner de la compagnie chilienne
Latam qui reliait Sydney en Australie à
A
Auckland en Nouvelle-Zélande, a per-
du de l’altitude au-dessus de la mer de
L’ÉVÉNEMENT
Plongée dans une crise
historique, la direction
de Boeing se saborde
Premier « fusible » à sauter, Dennis
Muilenburg, PDG depuis 2015, avait été
limogé fin 2019. Et Dave Calhoun avait
pris les commandes, avec une feuille de
route claire, qui se résumait en deux
priorités : remettre en service le Max
(interdit de vol dans le monde entier
pendant vingt mois) et restaurer la
confiance, vis-à-vis de l’Agence amé-
ricaine de la sécurité aérienne (FAA), du
Congrès et des compagnies aériennes.
L’incident intervenu à bord d’un Boeing
Max 9 d’Alaska Airlines, début janvier, a
démontré que les engagements de
contrôle qualité n’avaient pas été tenus.
Au cours de ce vol, une porte dite
« bouchon », condamnant une issue de
secours, s’est décrochée du fuselage de
l’avion à 5 000 mètres d’altitude, après le
décollage. L’avion a dû faire demi-tour
et atterrir en urgence, avec ses 171 passa-
gers et six membres d’équipage, sains et
saufs. Cet incident est en outre arrivé
après la découverte, en 2023, de
nouveaux défauts sur des Max, tels que
des trous mal percés dans une cloison de
pressurisation ou encore un écrou
manquant sur un boulon d’un méca-
nisme du système de commande de
Tasmanie. Les personnes qui n’étaient
pas attachées ont été propulsées au
plafond. Une cinquantaine ont été bles-
sées. Le 7 mars, un Boeing 777 en par-
tance pour le Japon a, lui, dû atterrir en
urgence à Los Angeles après avoir per-
du un pneu au décollage. Le lendemain,
c’est un Boeing 737 Max, qui a vu son
train d’atterrissage se briser peu après
s’être posé sur le tarmac de l’aéroport
de Houston (Texas), ce qui lui a valu de
finir sa course en dehors de la piste.
■ Porte arrachée
en janvier 2024
La mauvaise passe a commencé en
janvier. L’incident du 5 de ce mois
aurait pu avoir des conséquences dra-
matiques. Peu après le décollage, une
porte bouchon (un panneau de métal
placé à un endroit pouvant accueillir
une porte) d’un Boeing 737 Max 9 s’est
détachée du fuselage d’un avion de la
compagnie Alaska Airlines. Plusieurs
boulons censés bloquer cette porte
étaient manquants, selon l’Agence
gouverne. Depuis, d’autres « non-
conformités », selon l’expression interne,
ont été découvertes.
Coup de balai
Dave Calhoun était assis sur un siège
éjectable. D’autant qu’il a été clairement
désavoué par les meilleurs clients améri-
cains de Boeing. La semaine dernière, les
patrons d’American et de United Airli-
nes, de Southwest et d’Alaska Airlines
ont en effet demandé à rencontrer Larry
Kellner, sans que le PDG soit présent…
Ces grands clients souhaitaient faire part
de leur frustration devant les retards ré-
pétés de livraisons d’appareils comman-
dés des années plus tôt, ainsi que des
problèmes chroniques de qualité dont ils
souffrent et qui inquiètent des millions
de passagers. Ces retards de livraisons
ont été aggravés, au cours des dernières
semaines, par le plafonnement du ryth-
me de production (38 Max par mois)
imposé à Boeing par la FAA. Conséquen-
ce, les compagnies sont contraintes de
réduire leur activité et de réviser à la
baisse leur plan de développement. Ce
qui profite à leurs rivaux équipés d’Air-
bus, et leur coûte des dizaines de millions
américaine de sécurité des transports
(NTSB). De son côté, l’Agence améri-
caine de l’aviation civile (FAA) a repéré
des « problèmes de non-conformité »
dans le contrôle de production de
Boeing et de son sous-traitant Spirit
Aerosystems. Résultat : l’avionneur a
Le 5 janvier, peu après le décollage, un panneau de porte s’est détaché
de la carlingue d’un Boeing 737 Max 9 de la compagnie Alaska Airlines.
Dave Calhoun, d’un crime ». Le géant américain est donc
patron de Boeing, loin d’en avoir fini avec la justice mais
le 25 janvier, au Capitole, aussi avec les pénalités réclamées par ses
à Washington (États-Unis).
clients pour contrats non honorés.
Pour l’heure, Steve Mollenkopf, ex-
patron du leader des semi-conducteurs
Qualcomm, a pris la direction du conseil
d’administration de Boeing. Il a reçu
comme mission première de trouver un
successeur à Dave Calhoun. Beaucoup de
clients et d’actionnaires souhaitent
qu’un ingénieur, et non pas un financier,
prenne les rênes de cette entreprise
emblématique. Premier exportateur du
pays, Boeing est aussi un fournisseur de
premier rang des armées américaines et
de la Nasa. Présent dans la quasi-totalité
des États américains, il emploie
170 000 personnes et son activité génère
des milliards de dollars dans l’économie
du pays.
Faire table rase du passé
Affolés par la bérézina industrielle de
Boeing, les grands clients américains
mais aussi Emirates et Ryanair avaient
appelé, dès janvier, le constructeur à
changer de priorité. Cela, en revenant
Graeme Sloan/Sipa USA via Reuters Connect
aux basiques du métier aéronautique
- le pilotage des programmes, de la
production, de la qualité et des four-
nisseurs - plutôt que de se concentrer
sur les profits. Le futur PDG devra
incarner ces priorités. Tandis que le
principal syndicat de Boeing, qui repré-
sente les 32 000 techniciens de la région
de Seattle, QG industriel du groupe, veut
être représenté au conseil d’admi-
nistration. Dans ce contexte, beaucoup
d’observateurs estiment que Stephanie
Pope (51 ans), nommée à la tête de BCA,
ce lundi, est d’ores et déjà hors course
pour la fonction suprême. Mise en orbite
pour succéder à Dave Calhoun au poste
nouvellement créé de directrice des opé-
rations (COO) en décembre 2023, l’ex-
patronne de l’activité services a derrière
elle trente ans de carrière au sein du
groupe, mais surtout dans la sphère
financière. Elle a notamment été direc-
trice financière de BCA et de la branche
militaire et spatiale. « Son profil indique
que les profits sont toujours la boussole.
C’est un vétéran qui n’apportera pas de
sang neuf. Ce n’est pas un bon signal »,
estime un expert.
de dollars. Le week-end dernier, avant Or, les États-Unis veulent tout mettre
même que cette réunion ait pu se tenir, en œuvre pour sauver le « soldat
les administrateurs ont pris les devants, Boeing ». Le nouveau PDG aura la tâche
en coupant des têtes. difficile de faire table rase du passé, en
Cela suffira-t-il ? Rien n’est moins sûr. restaurant la culture technique, scien-
Avec ce grand ménage, les administra- tifique et industrielle qui a été abîmée. La
teurs veulent montrer qu’ils ont - enfin - crise du Max a servi de détonateur à des
pris la dimension de la gravité de la problèmes qui couvaient depuis la fin des
situation. Ce coup de balai est aussi peut- années 1990, post-mise en service du 777
être un moyen de limiter la portée de fu- en 1995. Depuis, pas un seul appareil,
tures décisions de justice. À Washington, capsule spatiale ou avion militaire n’a été
le département de la Justice (DoJ) a en exempt de graves problèmes de qualité.
effet ouvert une enquête criminelle sur Ayant doublé de taille après avoir avalé
les circonstances de l’incident du vol McDonnell Douglas en 1997, le groupe
d’Alaska Airlines. Boeing avait signé un est devenu arrogant et a mis la pression
accord avec le DoJ en 2021, au terme du- sur les profits tandis que le corps social
quel l’avionneur, en contrepartie d’une était soumis à une cure sans précédent.
modeste amende, s’était engagé à amé- Boeing a licencié 75 000 salariés entre
liorer ses procédures de contrôle qualité. 2001 et fin 2021, au gré des crises
Cet accord était sur le point d’expirer (attentats de 2001, crise financière de
lorsque l’incident d’Alaska Airlines a eu 2008, Covid en 2020). Il s’est séparé de
lieu. Or, l’enquête a révélé que cette por- ses ingénieurs et techniciens les mieux
te avait été retirée sur les lignes d’assem- payés mais qui ont la mémoire des
blage et qu’elle n’avait pas été refixée programmes et le savoir-faire. Et qui lui
correctement par Boeing. La semaine manquent cruellement aujourd’hui.
dernière, les passagers du vol 1282 Dans cette industrie de cycle long, il faut
d’Alaska Airlines ont été informés par du temps pour former et faire émerger
courrier par le FBI que chacun d’entre une nouvelle génération de « bons
eux pourrait être « une victime possible artisans ». ■
dû réduire la cadence de production de ■ Crash de Lion Air
ses appareils 737 Max. Et plusieurs pas- en Indonésie en 2018
sagers ont porté plainte contre Boeing. et d’Ethiopian Airlines en 2019
Le 19 janvier, c’est un 747 cargo d’Atlas Ces incidents ont réveillé de douloureux
Air qui s’est posé en urgence à Miami souvenirs. Deux Boeing 737 Max se sont
après un incendie de moteur, peu après écrasés en 2018 et 2019. Le premier
son décollage. accident, en octobre 2018, d’un avion
de la compagnie Lion Air au large de
l’Indonésie, avait fait 189 morts. Le
second, en mars 2019, avait causé le
décès des 157 passagers et membres
d’équipage de l’appareil d’Ethiopian
Airlines. Dans les deux cas, les accidents
étaient dus à un problème de nouveau
logiciel. Après l’accident d’Ethiopian
HANDOUT/Getty Images via AFP
Airlines, les autorités américaines ont
suspendu de vol « l’avion maudit ».
Boeing a englouti des milliards de
dollars pour réaliser des modifications
sur l’appareil. Les autorités américaines
ont levé la suspension de vol en
novembre 2020, suivies par les euro-
péennes début 2021. Mais en avril 2021,
Boeing a cessé ses livraisons de 737 Max
pour des problèmes électriques. Et en
août 2023, il a identifié un défaut sur la
cloison arrière de ses avions. ■
 économie le figaro mardi 26 mars 2024 21

Europe : la loi sur la nature subit un ultime

revers orchestré par la Hongrie
Solenn Paulic

Une poignée d’États membres viennent de retoquer ce texte emblématique du « pacte vert » européen.

O
n le croyait sorti d’af-
faires depuis un vote
« final » du Parlement
européen fin février.
Mais le règlement euro-
péen sur la restauration
de la nature, qui avait ouvert la fronde
en 2023 contre le « pacte vert » euro-
péen, n’est pas encore sauvé. Et la
colère agricole à trois mois des Euro-
péennes pourrait encore avoir sa peau.
Alors que les ministres de l’Environ-
nement des Vingt-Sept devaient sim-
plement lundi apposer le tampon final à
ce texte leur fixant des objectifs
contraignants de restauration d’au
moins 30 % des écosystèmes agricoles,
terrestres, côtiers ou marins dégradés
d’ici à 2030, la présidence belge a dû se
raviser, faute de majorité.
C’est Berlin qui s’était récemment
distingué par un non de dernière minu-
te sur le devoir de vigilance - imposé
aux entreprises -, jugé néfaste pour la
compétitivité. Cette fois, la rébellion est
venue de la Hongrie, qui a dit vendredi
ne plus pouvoir rallier le texte « restau-
ration », pourtant acté en décembre
avec le Parlement européen après des
mois de tensions et voté définitivement
par les députés le 28 février.
Aux Pays-Bas, l’inquiétude relayée
concerne la densité de la population et
les besoins en logements qui pourraient
entrer en conflit avec le règlement. Le
texte imposera aux États de réserver
des espaces pour y favoriser le retour de
la biodiversité, notamment en aug-
mentant la part des haies, des pollinisa-
teurs ou l’agroforesterie. En 2040, 60 %
des espaces dégradés devront être res-
taurés et 90 % en 2050. Les terres agri-
coles, exemptées un temps par le Parle-
ment européen, sont aussi concernées.
Plutôt que de tuer le règlement, la pré-
sidence belge, dont le premier ministre,
Alexander De Croo, est aussi issu d’un
parti opposé au texte, a donc préféré
renvoyer la patate chaude au Conseil
Environnement du 17 juin. À distance
raisonnable du scrutin européen, cela
laisserait ainsi une chance au texte. Mais
la manœuvre n’a pas plu à tout le monde,
le ministre néerlandais du Climat, Rob
Jetten, ayant directement lié ce change-
ment de pied hongrois au gain électoral
pour Viktor Orban. La ministre espagno-
le Teresa Ribera a aussi ironisé sur une
pratique de revirement de dernière mi-
nute qui devient une habitude et rappelé
que, dans « une communauté, il y a des
règles et des procédures. Dire non au
Èdernier moment n’est pas acceptable ».
Pour Paris, outre la parole du Conseil,
c’est ni plus ni moins la crédibilité de
l’Union européenne de ses engage-
ments internationaux avant la Cop16
qui est en jeu, a déploré Cyril Piquemal,
représentant de la France auprès de
l’UE. Espérant encore une issue heu-
reuse avant la fin de la législature.
Pour WWF, c’est en effet un « très
mauvais signal envoyé aux électeurs sur le
fonctionnement des politiques euro-
péennes », commente Sabien Leemans,
responsable de la biodiversité. En plus
d’être un très mauvais signal sur les am-
bitions environnementales de l’Union
alors que toutes les études, « y compris
celles de l’Agence européenne de l’envi-
ronnement, indiquent la nécessité de res-
taurer les écosystèmes ». Ce texte avait
déjà été assoupli pour arracher un
consensus, offrant « plus de flexibilités
aux États membres et un frein d’urgence »
en cas de menace sur la production ali-
mentaire, rappelle-t-elle. « Prétextant
des excès réglementaires, les droites euro-
péennes, de l’extrême droite aux libéraux,
s’allient depuis des mois contre toute me-
sure environnementale et ne défendent que
le statu quo », déplore de son côté l’éco-
logiste Marie Toussaint. Pour le PPE et
l’élue LR Anne Sander, ces blocages ne
sont que la conséquence logique d’un
« texte hors sol » qui « ajoute une pression
sur le dos des agriculteurs ». « Les mêmes
causes entraînent les mêmes effets »,
dit-elle. Et en ce sens, c’est aussi la faute
de la Commission, qui a « balancé plein de
textes mal ficelés, non compris » sur le
terrain, complète une autre source,
citant aussi le texte désormais aux
oubliettes sur les pesticides.
« L’impact réel ou psychologique des
nouvelles règles ne semble pas avoir été
anticipé », opine Éric Maurice du Euro-
pean Policy Center, qui voit dans ces
différents revirements « un échec du
processus décisionnel européen à tous les
niveaux ». ■

« Dans une communauté,

il y a des règles
et des procédures. Dire non
au dernier moment
n’est pas acceptable »
Teresa Ribera
Ministre espagnole
de la Transition écologique

Budapest a ainsi créé une ultime mi-

norité de blocage avec sept autres pays,
dont l’Italie et les Pays-Bas. « L’impor-
tance du secteur agricole, pas seulement
en Hongrie, mais partout en Europe » im-
pose désormais aux États membres de
s’entendre sur un texte aux objectifs

Thierry RYO/stock.adobe.com
« réalistes », a expliqué la secrétaire
d’État Aniko Raisz, alors que les trac-
teurs sont encore attendus mardi dans la
capitale belge à l’occasion d’une réunion
des ministres européens de l’Agricultu-
re. C’est aussi l’argument de Rome, qui
veut un texte plus équilibré entre inté-
rêts environnementaux, sociaux et éco-
nomiques. Le secteur agricole doit être
protégé en ce moment, insiste-t-on. La loi européenne entend imposer aux Vingt-Sept la restauration, d’ici à 2030, de 30 % des écosystèmes agricoles, terrestres, côtiers ou marins dégradés.

En Argentine, l’agrobusiness attend Javier Milei au tournant

Fabien Palem

Pilier de l’économie, le secteur compte sur le soutien du gouvernement en matière fiscale et de taux de change.

V
ous êtes des héros ». Comme
San Martin à ses bataillons
depuis la cordillère des
Andes. Comme le capitaine
Javier Mascherano à son gardien de but
durant le Mondial 2014… Javier Milei a
voulu motiver « ses » troupes. Avec ces
quelques mots, le président argentin a
encensé les producteurs du secteur
agricole, réunis à Expoagro, l’une des
principales foires du pays. « Mes félici-
tations à tous les héros ici présents. Vous
parvenez à produire, en dépit d’une
lourde charge fiscale », a scandé l’éco-
nomiste libertarien, début mars, alors
que venait de commencer la récolte des
céréales vedettes, à savoir le soja, le
maïs et le blé, qui pèsent respec-
tivement 28,1 %, 10,8 % et 5,3 % des
exportations, tous secteurs confondus.
« Maintenant, à vous de jouer ! »,
lance Milei en direction du campo, tel
qu’on désigne en Argentine l’ensemble
des producteurs agricoles, premiers gé-
nérateurs de devises. Selon les chiffres
avancés par Expoagro, confirmés par la
Bourse de commerce de Rosario (BCR),
70 % des dollars qui entrent dans le
pays proviennent de ce secteur. La
production agricole génère un cinquiè-
Après une saison 2022-2023 catas-
trophique, marquée par l’une des pires
sécheresses de son histoire, l’Argentine
espère inverser la tendance cette
année. « Nous n’avons pas pu profiter
des cours records des céréales, à cause
de la sécheresse qui nous a touchés,
rembobine Julio Calzada, économiste et
directeur des études économiques de la
BCR. Cette année, tout indique que la
récolte sera bonne, sans battre des
records pour autant. Les prévisions
signalent surtout que ce sera une récolte
peu rentable, en raison des prix inter-
nationaux, qui ont beaucoup baissé. En
conséquence : les entrées de devises ne
seront pas à la hauteur des attentes de la
politique. »
Quelle que soit sa position idéo-
logique, le gouvernement doit à un
moment ou un autre s’asseoir à la table
des négociations. Au-delà des cours
internationaux, l’agro-industrie est
attentive à deux variables clés : la
charge fiscale et les taux de change. Si
les conditions ne sont pas optimales, les
entreprises stockent une partie de leurs
marchandises et en limitent la liqui-
dation au strict nécessaire, pour couvrir
les frais de production. Pour le pays,
équilibre monétaire et budgétaire
national déjà très fragile.
La semaine dernière, Milei a reçu les
représentants des principaux groupes
d’entrepreneurs du secteur, dont
Nicolas Pino, président de l’association
patronale, la Sociedad Rural Argentina.
Ce dernier a manifesté son enthousias-
me dans la presse argentine. En 2023,
en pleine campagne électorale, le
« Aujourd’hui, les attentes
sont grandes. Les signaux
sont positifs, mais
c’est encore trop tôt pour
tirer des conclusions »
Alejandro Feccia
Producteur d’une entreprise familiale
péroniste Sergio Massa avait négocié un
taux de change intermédiaire. Le dollar
« soja » - tel qu’il avait été nom-
mé - avait convaincu le campo de liqui-
der une partie de ses stocks. Javier
Milei, qui l’a emporté en novembre face
à Massa, a fait de la libéralisation moné-
taire l’un de ses chevaux de bataille. Le
président, qui a promis une libéralisa-
le taux parallèle « blue» , passé de
180 % avant l’élection présidentielle à
20 % actuellement.
Selon la BCR, la rentabilité sur le blé
et le soja de deuxième récolte (planté en
décembre) est passée de 721 dollars par
hectare en février 2023 à 333 dollars
l’hectare en février 2024 à cause de la
baisse des prix. La récolte pourrait
même s’avérer déficitaire pour les en-
treprises n’étant pas propriétaires des
terrains qu’elles exploitent. C’est le cas
d’Alejandro Feccia, installé aux abords
du petit village de Bustinza, à 70 kilo-
mètres de Rosario (Est), qui se veut tou-
tefois optimiste. « Le gouvernement
précédent (péroniste, NDLR) avait im-
posé une grande pression fiscale, déclare
le producteur de 42 ans, à la tête d’une
entreprise familiale vieille de plus de
soixante ans. Les taux de change
n’avaient aucun rapport avec les prix
réels. Tout cela freinait le développement
du secteur. Aujourd’hui, les attentes sont
grandes. Les signaux sont positifs, mais
c’est encore trop tôt pour tirer des
conclusions. »
Même son de cloche du côté de Diego
Muñoz, courtier en agriculture de
l’entreprise Intagro, qui considère que
une grande incertitude ». « L’agro-
business est le moteur du pays, poursuit
le courtier. Quand ce secteur va bien,
l’immobilier en bénéficie, tout comme les
industries telles que l’automobile ou
encore le commerce. »
Pilier clé de la balance commerciale,
le secteur agricole est-il le faiseur de
rois du pays des gauchos ? « Non, je ne
crois pas. Cela dit, le secteur agricole a
toujours été un acteur de premier ordre
de la politique nationale, nuance Martín
Plot, chercheur en sociologie politique.
Depuis l’extension des classes moyennes,
dans les années 1930 et 1940, l’Argentine
importe de nombreux produits de
consommation. On a donc besoin des
dollars du campo pour équilibrer la
balance commerciale. Cette dépendance
vis-à-vis du secteur est d’autant plus
forte dans les provinces, où les élus
doivent s’entendre avec les acteurs pour
gouverner. »
Les régions dominées par l’agro-
industrie ont toutes voté pour Javier
Milei lors du second tour de la prési-
dentielle, certaines massivement,
comme Cordoba (75 %) ou Santa Fe
(63 %). Elles sont aujourd’hui aux
aguets, tandis que le nouveau prési-
A

me des vingt millions d’emplois du pays c’est autant de dollars en moins dans les tion des taux de change, a déjà réussi à le climat de négoce actuel « est marqué dent, minoritaire au Congrès, cherche
et plus de 22 % des impôts récoltés. caisses, ce qui peut mettre en péril un réduire l’écart entre le dollar officiel et par une plus grande clarté, mais aussi des alliés loin de Buenos Aires. ■
 22 mardi 26 mars 2024 le figaro
Julie Ruiz Perez
Le dérapage
du déficit public
pour 2023,
largement au-delà
des 5 %, témoigne
de la difficulté
de la France à faire
des économies.
D
ans les couloirs du
ministère des Finances,
on s’attend à une
séquence « très tendue »,
et ce malgré les efforts
fournis depuis des
semaines pour « préparer » l’opinion.
Les chiffres du déficit et de la dette
publiés ce mardi par l’Insee risquent
d’avoir l’effet d’un coup de massue.
Initialement prévu à 4,9 % du PIB, le
déficit public 2023 sera « significa-
tivement » plus élevé, a annoncé le
ministre de l’Économie, Bruno Le Maire,
il y a déjà plusieurs jours. Depuis, on se
perd en conjectures : d’aucuns croient
savoir qu’il est attendu à 5,3 % du PIB ;
d’autres citent le chiffre de 5,7 %. Le
sénateur LR Jean-François Husson
assure, lui, que des documents de
l’administration de Bercy - où il s’est
invité vendredi - font état d’un déficit
de 5,6 %.
Quoi qu’il en soit, cet ample dérapage
va bouleverser la trajectoire de désen-
dettement de la France, qui s’était
engagée auprès de Bruxelles à ramener
son déficit à 2,7 % en 2027. Aujour-
d’hui, d’ailleurs, Bruno Le Maire
évoque simplement un objectif de
déficit inférieur à 3 % d’ici à la fin du
quinquennat. Alors que le pays se classe
sur le podium des États les plus endettés
de la zone euro, le ministre de l’Éco-
nomie a juré en fin de semaine dernière
que cette ligne serait tenue « coûte que
coûte ».
Effort budgétaire
Pour ce faire, le gouvernement
n’augmentera pas les impôts. C’est une
ligne rouge défendue par Emmanuel
Macron. De là, seules deux solutions
s’offrent à l’exécutif. La première,
consistant à compter sur une aug-
mentation de la croissance, a long-
temps été privilégiée par l’Élysée. Mais,
aujourd’hui, la conjoncture écono-
mique ne permet guère d’espérer la
réalisation de ce scénario - le gouver-
nement vient de se résoudre à abaisser
sa prévision de 1,4 % à 1 % pour cette
année. Et le président lui-même
admettait la semaine dernière qu’il
faudrait certainement « compléter »
l’effort budgétaire. « L’effort bud-
Rénovation énergétique : le pari des enseignes de bricolage
Manon Malhère
Le secteur a vu son activité baisser. Castorama va réduire la surface de certains magasins et en passer en franchise.
A
près avoir connu un boom
durant la pandémie de Covid,
quand les ménages calfeutrés
chez eux rénovaient leur
intérieur et faisaient des travaux, le
marché du bricolage ne pouvait que
connaître un retour à la normale.
L’atterrissage est toutefois difficile. Le
groupe britannique Kingfisher, qui pos-
sède Brico Dépôt ou encore Castorama
en France, a annoncé, lundi, un résultat
net annuel dans le monde en baisse de
25 % en 2023. En cause, notamment :
des difficultés sur le marché français où
son chiffre d’affaires a chuté de 5,9 %.
« La parenthèse enchantée liée à la
crise sanitaire s’est brutalement refer-
mée », résume l’institut Xerfi, qui
s’attend en 2024 à un repli des ventes
de bricolage de 1,5 % à nouveau, dans
l’Hexagone. Une mauvaise nouvelle
pour les grandes enseignes du secteur
que sont Leroy Merlin, Bricorama,
Castorama, Brico Dépôt… « Le marché
est plus faible en France, car la confiance
des consommateurs y est plus faible,
insiste Thierry Garnier, directeur géné-
ral de Kingfisher. Il y a eu une perception
A
de l’inflation en 2023 qui a généré de
l’anxiété. » Nombreux sont les Français
La France dépense plus que la moyenne de l'Union européenne
Les dépenses publiques par fonction en % du PIB en 2022
58,3 %
2 56,1 %
3,9
6,7
5,2
1,3
1,7
2,2
Protection sociale
12,2
32,9 % 29 %
14,4
France
Source : Eurostat ; FIPECO
Le poids des dépenses sociales,
une spécificité bien française
gétaire » désignant la seconde solution
pour améliorer les finances publiques, à
savoir des coupes dans les dépenses
publiques.
La France, on le sait, est une des
championnes d’Europe dans ce
domaine. Le pays serait même « accro à
la dépense publique », selon la formule
employée par Bruno Le Maire – qui n’a
pas réussi, plus que ses prédécesseurs, à
la faire baisser. Selon un récent rapport
d’Eurostat, les dépenses publiques de la
France représentaient 58,3 % de son
PIB en 2022, contre une moyenne de
49,3 % dans l’Union européenne. En
dehors des politiques liées à la sécurité
intérieure, à la justice, à la recherche
fondamentale et aux transports, la
France dépense plus que la moyenne
dans tous les domaines de l’action
publique. En particulier, le poids des
dépenses publiques françaises surclasse
à avoir procédé à des arbitrages face à
l’explosion des prix alimentaires en
2023, délaissant les magasins de
bricolage.
Mais ce n’est pas la seule raison. Le
nombre de transactions immobilières a
baissé en France l’an passé, à cause de
la hausse des taux d’intérêt. Ce qui a
mécaniquement freiné les achats de
peintures, carrelage, outils… de la part
des professionnels comme des parti-
culiers. La crise immobilière « fige
complètement le marché du bricolage et
plus largement celui de l’équipement de
la maison, constate Emmanuel Le Roch,
délégué général de la fédération Procos,
qui regroupe 300 enseignes spécia-
lisées. La porte de sortie ne sera proba-
blement pas en 2024. Les taux d’intérêt
baissent un peu mais le pouvoir d’achat a
diminué. »
Dans ce contexte morose, le groupe
Kingfisher vient d’annoncer un « plan
de rentabilité » pour améliorer les
performances de Castorama. Ce plan
prévoit en particulier d’optimiser et de
moderniser les magasins via des réduc-
tions de surface ou encore la mise sous
franchise. Sur les 95 points de vente en
France, un tiers d’entre eux sont peu
économie
4,4
49,6 %
3,7
1,7
49,5 %
3,7 4,5
6,2
5,9 5,2
4,1
4,5
4,7
1,5
0,9
1,1 1,5
1,4
1,2 1,8
1,9
8,9
10,5 11,9
27,2 % 28,9 %
16,2
11,9 11,9
Italie Moyenne UE Allemagne
la moyenne européenne de 2,5 points
de PIB pour les retraites. Pour rappel, le
PIB français atteignait 2 639 milliards,
un point de PIB équivaut ainsi à environ
26 milliards d’euros en 2022. Les
dépenses de retraite ont atteint 14,4 %
du PIB, contre une moyenne de 11,9 %
dans l’Union européenne et 11,9 % en
Allemagne et 6,1 % aux Pays-Bas.
« C’est la plus importante source d’écart
entre les dépenses publiques en France et
dans la moyenne de l’Union euro-
péenne », note l’expert en finances
publiques François Ecalle sur son site
Fipeco.
Différentes pistes
Autre dépense qui distingue la France
de ses partenaires, la santé représentait
12,2 % du PIB en France – soit 1,7 point
de plus que la moyenne européenne. De
même, Paris dépense également un
performants en raison de leur trop
grande taille et de leur localisation peu
attractive.
Plus largement, pour rebondir, les
enseignes du secteur veulent dévelop-
per les ventes aux professionnels. Mais,
surtout, elles parient sur la rénovation
énergétique, devenue un axe stra-
1,5 %
Baisse des ventes de bricolage
dans l’Hexagone, en 2024,
selon l’institut Xerfi
tégique de développement. « Tous les
acteurs essayent de se positionner sur ce
marché de la rénovation énergétique, en
vendant par exemple des pompes à
chaleur ou des articles liés à l’isolation,
analyse Emmanuel Le Roch. Espérons
que ce soit un relais partiel de
croissance. »
« Ce n’est pas une course de vitesse,
mais c’est très important pour nous. On
s’y prépare pour les 15 ou 20 prochaines
années », indique de son côté le direc-
47,4 %
2,4
43,5 %
2,9
2,6
5,7
5,4
4,4
5,1
1,6
2,5
9,7 1,9
25,7 % 11,6
23 %
12,5
6,1
Espagne Pays-Bas
demi-point de PIB de plus pour les
dépenses associées au chômage. Les
politiques de soutien au logement sont
également un lest sur les dépenses
publiques puisque leur coût s’est élevé à
2 % du PIB en France alors que la
moyenne européenne était seulement
de 1,3 % du PIB. Cet écart pourrait
d’ailleurs être plus élevé, souligne
François Ecalle, car cette moyenne
européenne est « fortement tirée vers le
haut par l’Italie (3,3 % du PIB) du fait
d’un crédit d’impôt exceptionnel et en
principe temporaire en faveur de la
rénovation des logements ».
En tout, la France consacre l’équi-
valent d’un tiers (32,9 points) de son
PIB à la protection sociale, contre
27,2 points en moyenne en Europe.
Pour l’Allemagne, ce chiffre s’élève à
28,9. Aux Pays-Bas, il descend jusqu’à
23 points. Bercy aime à le rappeler :
teur général de Kingfisher. Et pour
cause. La demande pour la rénovation
thermique est de plus en plus forte. Elle
s’est intensifiée avec la flambée des
factures d’électricité et de gaz ces
dernières années, les consommateurs
redécouvrant l’intérêt des économies
d’énergie. Le renforcement des règles
encadrant le diagnostic de performance
énergétique (DPE), et notamment celles
autour des passoires thermiques (les
logements classés G et F, qui ne pour-
ront plus être mis en location en 2025 et
2028) sont également des aiguillons. Les
propriétaires qui veulent vendre ou
louer leur bien doivent se lancer dans
des travaux de rénovation.
Les enseignes l’ont bien compris et
multiplient les initiatives ces derniers
temps. Elles ne se contentent pas de
vendre des produits dédiés, mais
offrent des services aux clients. Une
aide bienvenue, alors que ces travaux
de rénovation énergétique sont souvent
complexes à réaliser et parfois très
lourds. L’an dernier, Leroy Merlin a,
par exemple, développé un poste de
responsable de la rénovation éner-
gétique dans chaque magasin, qui vend
à la fois des produits et des services.
Intérêts de la dette publique
Services généraux
Recherche fondamentale
Défense
Sécurité intérieure et justice
Affaires économiques
Protection de l’environnement
Loisirs, culture et culte
Enseignement
Aides à la pierre,
équipements collectifs
Aides au logement
Exclusion sociale
Chômage
Famille
Santé
Retraites
« Les dépenses sociales représentent plus
de la moitié de la dépense publique. »
L’exécutif a annoncé vouloir éco-
nomiser 10 milliards d’euros cette
année, et au moins 20 milliards
supplémentaires en 2025. Les pistes
déjà évoquées comprennent, entre
autres, des coupes dans les dépenses
liées aux affections de longue durée,
aux transports sanitaires et une nouvel-
le réforme de l’assurance-chômage.
D’autres idées de mesures pourraient
par ailleurs émerger lors de la réunion
sur les finances publiques prévue à
Bercy ce jeudi où, en plus de tous
les groupes parlementaires, Bruno
Le Maire a pris soin de convier les
ministres du Travail et de la Santé. ■
» Lire aussi Page 17
+
Simulateur de travaux, mise en rela-
tion avec des artisans… L’accent est
également mis sur l’accompagnement
pour s’y retrouver dans le maquis des
subventions en place dans ce domaine.
« Ces aides sont clés », estime Peggy
Sadier, directrice e-commerce et
expérience clients chez Brico Dépôt.
Aujourd’hui, l’enseigne travaille avec
une structure mandataire pour pro-
poser des devis dans lesquels sont
défalquées les différentes subventions.
Dont MaPrimRénov’ (subvention de
l’État lancée en 2020) et les primes dont
peuvent bénéficier les particuliers par
le dispositif des certificats d’économie
d’énergie (soutien des fournisseurs
d’énergie).
Le coup de rabot du gouvernement, à
hauteur de 1 milliard d’euros, dans le
budget 2024 de MaPrimRénov’ (ini-
tialement 4 milliards d’euros), annoncé
par le ministre de l’Économie en
février, a d’ailleurs été suivi de près par
le secteur. Il ne suscite cependant pas
trop d’inquiétudes. « MaPrimRénov’ est
l’un des plans les plus ambitieux en
Europe, estime Thierry Garnier. C’est
une initiative qu’on aimerait bien voir en
Angleterre. » ■
 Entreprises le figaro mardi 26 mars 2024 23

Les transports en commun franciliens

en ordre de bataille pour les Jeux olympiques
Jean-Yves Guérin

La ligne 9 du métro, les RER A et C, qui desserviront beaucoup de sites, verront leur offre davantage renforcée.

D
éminer. Couper court aux public Paris 2024, aux couleurs rose et tismes de transport, les itinéraires qu’on aux sites. Et ils pourront aussi réserver événement, nous avons fait en sept ans
discours anxiogènes qui violet comme la signalétique indiquant vous donne sont les bons », selon Valérie sur leur smartphone leur passe Paris ce que nous faisons actuellement en
transformeraient en cau- les lieux de compétition. Lancée en mai Pécresse. 2024 (16 euros la journée pour circuler quinze ans voire sur des décennies, sou-
chemar les déplacements dans six langues (français, anglais, espa- partout en Île-de-France). Le ticket à ligne-t-elle. Jamais, sans les Jeux,
en région parisienne gnol…), elle sera capable d’indiquer le Un tarif prohibitif l’unité a été fixé quatre euros « pour que nous n’aurions tenu l’objectif de livrer le
pendant les Jeux olympi- meilleur itinéraire pour se rendre à l’en- pour les tickets à l’unité personne n’en achète » et éviter ainsi les prolongement de la ligne 14 en juin. »
ques. Lundi, Valérie Pécresse, présidente droit de son choix en fonction de la ré- Par exemple, si la station Trocadéro est « embolies aux guichets », précise Valé- Désormais, il faudra 25 minutes pour
de la région Île-de-France, s’est voulue partition des badauds dans Paris. Des in- indiquée saturée à 18 heures, l’appli rie Pécresse. faire Orly-Chatelet contre 50 minutes
rassurante à cent jours du début de la formations - par ligne, station, tronçon pourrait conseiller de monter dans le Un débat qui ne concerne pas les aujourd’hui. Les plus enthousiastes
compétition où, pour la première fois, - capitales pour les Parisiens, qui à la métro une station plus loin (à Passy sur Franciliens : en s’abonnant à Liberté+, pourront participer au « marathon
tous les sites seront accessibles en trans- sortie des bureaux n’auront qu’à consul- la ligne 6 ou rue de la Pompe sur la 9). ils ne paieront leur ticket qu’un pour tous » la nuit du 10 août entre Pa-
port en commun. « Pendant les Jeux ter l’appli pour faire le bon choix. Place De leur côté, les touristes qui vont as- 1,73 euro. Pour réconcilier cette popu- ris et Versailles. Pour l’occasion, la li-
olympiques, nous allons mettre un plan de aux itinéraires bis donc : les usagers ha- sister à une épreuve se verront suggérer lation avec les JO, Valérie Pécresse gne C du RER restera ouverte sur son
transport avec en moyenne 15 % en plus de bituels doivent « enlever leurs automa- un trajet idéal avec des cartes d’accès abat une dernière carte. « Grâce à cet tronçon parisien. ■
métro, de RER et de trains, par rapport à
un été classique. Un dimensionnement qui
permettra d’accueillir tous les voyageurs.
La capacité d’emport a été calculée en te-
nant compte des Franciliens qui travaillent
du 1er au 11 août », affirme-t-elle.
Jusqu’ici, cela n’avait rassuré person-
ne, ni les habitants qui auront besoin
d’aller au bureau, ni les touristes qui
prévoient de venir pour l’événement :
en fait, tout le monde se demandait si
cette offre serait renforcée près des sites
de compétition vu l’afflux et le départ de
plusieurs dizaines de milliers de person-
nes dans un laps de temps très court. Par
exemple, 1 000 personnes qui arrivent
chaque minute aux abords du Stade de
France à Saint-Denis les jours de com-
pétition. Cette fois-ci, Valérie Pécresse,
qui a la haute main sur les transports en
commun franciliens au travers d’IDFM
(Île-de-France Mobilités) qu’elle prési-
de, a mis les points sur les i : trois lignes
(la 9, le RER A et le RER C) pourront of-
frir de 60 % à 70 % de capacités en plus.
Cela sera particulièrement utile pour se
rendre dans l’Ouest parisien à Roland-

Kin-Wai YUEN/SIPA
Garros ou au Parc des Princes. Mais la li-
gne A à l’Est permettra aussi en descen-
dant à Bussy-Saint-Georges de
rejoindre le site de Vaires-sur-Marne où
auront lieu les épreuves d’aviron.
La présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, lundi, lors d’une conférence de presse au siège de l’exécutif francilen, à Saint-Ouen.
Une application pour optimiser
les itinéraires
Le trafic sera rehaussé de 23 % sur huit
autres lignes (le RER B, D et E, les lignes Pécresse mise sur le bon déroulement de l’événement sportif
de transiliens N, P…). Ainsi, la ligne N
sera plus sollicitée que d’habitude car
elle dessert Versailles, où se dérouleront Célestine Gentilhomme premier financeur après l’État et nous bles, par exemple. Ce n’est pas choix déclinant les renforts sur l’offre de
les épreuves de jumping, et Saint-Quen- et Pierre Lepelletier revendiquons d’investir 500 millions qu’a fait Valérie Pécresse, nous le re- mobilité.
tin-en-Yvelines, qui accueillera le golf. d’euros dans l’événement », a-t-elle grettons », déplore une élue dans Au-delà de la question des trans-
Pour faire face à cette surcharge de tra- lancé, à moins de 100 jours du début l’entourage de la maire. ports, Valérie Pécresse a démontré

À
vail, le recrutement de 300 conducteurs
est en cours d’achèvement. Évidem-
ment, ce dispositif n’est pas une garantie
contre les couacs. Par exemple, certai-
nes lignes comme la C et la B, amenées à
être particulièrement sollicitées, ont ac-
tuellement des performances de régula-
rité et de ponctualité qui laissent à dési-
rer. « À chaque fois, nous demandons des
plans d’urgence pour rectifier le tir »,
souligne Valérie Pécresse.
Sur certains sites excentrés, le trajet
ne s’arrêtera pas à la station ou à la gare.
À Versailles par exemple, des navettes
amèneront 10 000 spectateurs jusqu’au
site par heure. Mais un outil va réconci-
lier les Parisiens restés sur place pendant
les JO et les touristes : l’appli Transport
la mairie de Paris, on assu-
re avec un sourire nar-
quois : « Il n’y a que deux
personnalités identifiées sur
les Jeux olympiques (JO) par les Fran-
çais : Tony Estanguet (président du co-
mité d’organisation) et Anne Hidal-
go. » Une façon de mettre de côté le
rôle du chef de l’État, Emmanuel Ma-
cron, mais aussi celui de Valérie Pé-
cresse. La présidente de la région Île-
de-France se veut pourtant en
première ligne, et compte bien l’être
encore plus à l’approche des JO.
C’était le sens de l’organisation lundi
matin d’une conférence de presse au
siège de la région, à Saint-Ouen (Sei-
ne-Saint-Denis). « Nous sommes le
de la compétition.
Écran de fumée
Sur le bureau de Valérie Pécresse no-
tamment, l’épineux dossier des trans-
ports en commun. La présidente de la
région est à la tête d’Île-de-France
Mobilités (IDFM), et est donc en char-
ge du bon fonctionnement du réseau
francilien, alors que des millions de
touristes sont attendus. En novembre
dernier, Anne Hidalgo avait semé le
doute en affirmant que les transports
ne seraient pas « prêts ». « Les Jeux
auraient pu être une grande opportuni-
té de révolution dans le cadre des
transports en commun, comme nous
l’avons fait à Paris, sur les pistes cycla-
Les propos de l’édile de la capitale
ont à l’époque été vécus comme une
ingérence insupportable au siège de la
région. « On n’a pas compris sa pique,
alors qu’on travaille bien avec toutes les
parties prenantes. On va mettre ça sur
le compte d’autres sujets… », souffle-
t-on dans l’entourage de Valérie Pé-
cresse. En réalité, beaucoup y avaient
vu un écran de fumée de la maire de
Paris pour s’extirper de la polémique
sur son voyage mi-public, mi-privé à
Tahiti. « Les mauvaises nouvelles cir-
culent toujours sept fois plus que les
vraies », a raillé la présidente de la ré-
gion, ce lundi devant la presse. « Il
faut qu’on arrête le doute, l’autodéni-
grement », a-t-elle insisté, tout en
que l’exécutif régional avait pensé les
Jeux olympiques comme un moyen de
transformer considérablement le ter-
ritoire. « Nous léguerons un héritage
durable pour tous les Franciliens »,
s’est-elle félicitée. La présidente a no-
tamment évoqué la construction du
Village olympique sur L’Île-Saint-De-
nis, qui a vocation à se transformer
par la suite en logements, « notam-
ment pour les étudiants ».
Comme Anne Hidalgo à Paris, Valé-
rie Pécresse espère aussi que des Jeux
olympiques réussis lui permettront
d’en tirer un bénéfice politique.
« Quand on fait de la politique, on es-
saie simplement de bien faire les cho-
ses », rétorque l’un de ses proches. ■

Mariage entre ITA et Lufthansa : l’Europe relève ses exigences

Valérie Segond

La Commission demande la cession de routes, mais aussi de créneaux à l’aéroport de Milan.

A
lors que l’accord pour la re-
prise de 41 % d’ITA (ex-Ali-
talia) par Lufthansa a été si-
gné fin mai 2023, l’Europe
refuse encore de donner son feu vert à
l’opération. Dans sa « lettre de griefs »
qu’elle vient de transmettre à Rome, la
Commission dit craindre que l’opéra-
tion ne réduise la compétition sur des
routes déjà peu concurrentielles, en-
traînant à la fois une hausse des prix et
une diminution de la qualité des servi-
ces. Elle énumère une liste de points
critiques auxquels des réponses de-
vront être apportées d’ici au 26 avril,
D’abord, sur les liaisons entre l’Italie
et les pays proches d’Europe, à savoir
l’Allemagne, la Suisse, la Belgique et
l’Autriche. ITA et Lufthansa y sont jus-
qu’ici en concurrence frontale, y com-
pris par les vols indirects, la compagnie
allemande contrôlant aussi Austrian
Airlines, Brussels Airlines, Eurowings,
Swiss, Discover et Air Dolomiti. Aussi
pour l’Europe, si l’opération devait
aboutir, la concurrence sur ces routes
serait trop limitée, provenant principa-
lement de transporteurs low cost, tels
que Ryanair, qui opèrent souvent à par-
tir d’aéroports plus éloignés des villes.
problème est identique. Sur ces
liaisons, la commission intègre dans
son analyse les vols d’Air Canada, de
United Airlines et d’All Nipon Airways,
qui font partie d’une alliance avec la
compagnie allemande. Comme les par-
tenaires se coordonnent sur les prix, les
capacités, les horaires et le partage des
recettes, selon l’autorité européenne,
ils forment une seule et même entité.
Aussi sur ces routes, l’Union deman-
derait, selon le journal Repubblica, la
vente de quelque 39 lignes à la concur-
rence.
Enfin, malgré les propositions déjà
roport de Milan, l’Europe continue d’y
pointer la position dominante des deux
acteurs, qui limiterait l’espace pour les
concurrents.
L’impatience italienne
Ces exigences sont très critiquées par
Rome, qui s’impatiente : « Depuis dix
mois, nous nous battons avec l’Europe,
qui ne nous permet pas de construire un
champion européen capable de rivaliser
avec les grandes compagnies internatio-
nales », a dénoncé ce week-end le mi-
nistre des Finances, élu de la Ligue,
Giancarlo Giorgetti. Réponse hier de la
une fusion tout en préservant la concur-
rence. » Et, en tout état de cause, re-
marque l’Europe dans sa lettre de
griefs, les points critiques du rappro-
chement « représentent un faible pour-
centage de l’ensemble des liaisons d’ITA
et Lufthansa et de leurs partenaires ».
D’ailleurs, ne voulant pas compro-
mettre l’avenir, le patron de Lufthansa,
Carsten Spohr, n’a rien laissé paraître
de son agacement, se disant prêt à
« proposer des solutions constructives
compatibles avec une réalité économique
de l’aviation aussi compétitive que celle
de l’Italie. Nous restons confiants quant à
A

pour qu’elle puisse se prononcer avant Sur le long-courrier, entre l’Italie et formulées par Lufthansa de vendre des commissaire à la Concurrence, Mar- l’approbation de l’opération. » Réponse
le 6 juin. les États-Unis, le Canada et le Japon, le slots (créneaux de vols) à Linate, l’aé- grethe Vestager : on peut « approuver juste avant les élections européennes. ■
 24 mardi 26 mars 2024 le figaro Entreprises

Scholz accueille une giga-usine suédoise

de batteries à grand renfort de subventions
Pierre Avril Correspondant à Berlin

Northvolt était prêt à produire aux États-Unis. L’État allemand le finance pour près de 1 milliard d’euros.

C
e n’est pas un coup de la France avait déjà accordé 1,5 milliard « Vous voulez 2,6 milliards ? Vous aurez 4,42 milliards. À eux seuls, les deux de concurrence. « Les efforts destinés à
pioche, mais un lancer de d’euros d’aides à l’implantation à Dun- 2,6 milliards », a lancé Robert Habeck pays ont accordé près de la moitié de promouvoir la sécurité économique
boules, destiné à rendre kerque du fabricant taïwanais de batte- fin décembre à des ouvriers de la sidé- toutes les subventions publiques du européenne ne doivent pas saper les
hommage aux coutumes ries ProLogium, suivies de 659 millions rurgie sarroise, multipliant depuis les continent. principes de bases du marché unique »,
locales du Schleswig- d’euros dans la même région au profit promesses financières : 2 milliards Outre-Rhin, ces chiffres commen- ont alerté, fin février, neuf ministres
Holstein, qui a inauguré, du fabricant grenoblois Verkor. d’euros pour ThyssenKrupp en Rhéna- cent à créer la polémique. « Avec cette européens chargés du commerce, dans
lundi, la future construction sur le sol De manière pas toujours coordonnée, nie-du-Nord-Westphalie, 1,3 milliard aide de 900 millions d’euros, l’UE s’est une lettre de quatre pages imposée,
allemand, d’une nouvelle usine de bat- Bruno Le Maire et son homologue, Ro- pour ArcelorMittal à Brême… Le tout laissée entraîner dans une course aux hors agenda, lors d’un Conseil des mi-
teries automobiles. Le chancelier Olaf bert Habeck, ont lancé une offensive pour assurer la conversion à l’hydrogè- subventions et il est probable que l’inves- nistres.
Scholz, son ministre de l’Économie et politique destinée à justifier l’inflation ne de la production d’acier. tissement de Northvolt aurait été renta- Les signataires, dont la Suède, le Por-
du Climat, Robert Habeck, et le patron d’aides d’État. « Les règles du jeu com- ble même avec beaucoup moins d’argent. tugal et les pays d’Europe orientale,
de l’entreprise suédoise Northvolt, Pe- mercial ont changé : la Chine et les « Forum du shopping » Seuls les actionnaires se réjouiront tandis s’opposent à l’assouplissement des rè-
ter Carlsson, se sont retrouvés lundi à États-Unis l’ont compris, à la différence « Le hic, c’est que les chèques de Habeck que le contribuable sera mis à contribu- gles communautaires et redoutent l’ex-
Heide, pour célébrer « la vitesse » de l’Europe, qui est la dernière à les res- créent des problèmes dans le reste de tion et que l’argent manque dans l’édu- pansion d’un « forum du shopping » : un
d’exécution de ce projet de giga-usine. pecter. Or, dans un jeu, le dernier à res- l’Europe », expose Die Welt. Selon les cation ou les infrastructures », critique marché intracommunautaire des sub-
« Au-delà du moteur thermique, la pecter les règles ignorées par les autres, statistiques compilées par le quotidien Moritz Schularick, président de l’Insti- ventions, où les industriels sélection-
production de bonnes voitures restera le a perdu », a lancé le 19 mars, le ministre conservateur, la Commission euro- tut des études économiques de Kiel, la nent les États les plus offrants. Aujour-
pilier de notre industrie. Pour cela, nous français des Finances lors de la confé- péenne a approuvé l’an dernier capitale du Schleswig-Holstein. d’hui, c’est un minuscule Land
avons besoin de batteries fabriquées en rence Europe 2024, organisée à Berlin. 4,16 milliards d’euros d’aides d’État au Au sein de l’UE, des États membres allemand, plus réputé pour la beauté de
Allemagne, en Europe », a déclaré le Bien que soupçonné de naïveté par profit de l’Allemagne… battue par la craignent que la puissance de frappe ses dunes que pour la force de son in-
chef du gouvernement, en invoquant Paris, Berlin ne se montre pas en reste. France, championne d’Europe avec franco-allemande crée des distorsions dustrie, qui a gagné la partie. ■
les valeurs de la « souveraineté techno-
logique ». Moyennant un investisse-
ment de 4,5 milliards d’euros, la pro-
duction devrait démarrer en 2026 et
atteindre sa pleine puissance trois ans
plus tard avec à la clé 800 000 à 1 mil-
lion d’unités par an, et 3 000 emplois
directs.
Sur place, Northvolt bénéficiera
d’imposants parcs éoliens qui lui four-
niront une énergie décarbonée. Pour
attirer le champion suédois sur la côte
est de la mer du Nord, Berlin a surtout
débloqué 902 millions d’euros, dont
200 millions de garanties bancaires. Tel
fut le prix à payer pour dissuader Nor-
thvolt de s’implanter aux États-Unis,
comme il l’avait envisagé, attiré par le
programme massif de subventions
(l’Inflation Reduction Act ou IRA, doté
de 369 milliards de dollars).

Assouplissement
de la politique de concurrence
Dans la foulée de l’initiative américaine
et sur fond de féroce concurrence
chinoise dans le secteur des batteries, la
Commission européenne avait autorisé,
le 8 janvier, cette aide d’État de
900 millions, marquant une « première
étape » vers un assouplissement de la
politique communautaire de concur-
rence. « Dans certains cas exception-
nels », précise l’exécutif bruxellois, les

Swanje Stein/reuters
États membres sont autorisés à aligner
leurs régimes d’aide sur ceux de
Washington ou de Pékin.
Trois mois plus tard, la France et
l’Allemagne se taillent la part du lion
des subventions, au risque de porter at-
teinte à l’unité du marché intérieur.
Avant même l’introduction de nouvel- À l’occasion de la pose de la première pierre de l’usine de batteries Northvolt à Lohe-Rickelshof dans le nord de l’Allemagne, ce lundi, le vice-chancelier Robert
les lignes directrices communautaires, Habeck, le PDG de Northvolt, Peter Carlsson, et le chancelier, Olaf Scholz (de gauche à droite), ont disputé une partie de bossel, le jeu de boules local.

Nissan, en perte de vitesse, lance un plan de reconquête

Valérie Collet

Le géant japonais vise 1 million de ventes supplémentaires par an dans les trois ans, et une amélioration des marges.

N
issan se mobilise pour re-
trouver ses volumes. Makoto
Uchida, le patron du groupe,
vient de présenter son plan
stratégique à moyen terme baptisé
« The Arc », un « pont ». Il s’agit d’une
étape pour atteindre les objectifs du
plan Ambition 2030 précédemment
présenté, mais qui a été bousculé par les
crises successives (semi-conducteurs,
perturbation des chaînes d’approvi-
sionnement…). « Les perturbations sont
devenues la normalité dans notre indus-
trie, remarque le patron de Nissan. Cela
a eu un impact sur nos objectifs et nos
volumes sont restés inchangés. »
Désormais, Nissan espère ajouter
1 million d’unités vendues en 2026 par
rapport à l’exercice 2023 qui s’achèvera
fin mars (3,5 millions). Ainsi à cette
date, Nissan devrait vendre 4,5 millions
de véhicules. Le groupe en écoulait
4 millions en 2021, et 6 millions en 2017.
Comme la plupart des constructeurs
automobiles confrontés aux pénuries,
Nissan se targuait ces derniers temps de
A
permettant alors de conserver des mar-
ges élevées. Mais la jauge des volumes
est descendue beaucoup trop bas, no-
tamment en Chine où les ventes ont
plongé à 800 000 unités contre 1,5 mil-
lion en 2019. Sur tous les continents, la
part de marché de Nissan s’est érodée
au cours de l’exercice précédent. Tesla
et les nouveaux entrants chinois ont
changé la donne.
Pour faire repartir les ventes, trente
nouveaux modèles devraient être lan-
cés d’ici à 2026, dont 16 seront électri-
fiés c’est-à-dire 100 % électriques et
hybrides. Les autres seront des modèles
thermiques que Nissan compte garder
dans sa gamme pour maintenir sa ren-
tabilité. D’ici à la fin 2026, 60 % de la
gamme des thermiques aura ainsi été
renouvelée et renforcée. Nissan cher-
che en effet aussi à accroître sa marge
opérationnelle pour qu’elle dépasse 6 %
à la fin de l’exercice 2026. Un objectif
modeste : au premier semestre 2023,
achevé en septembre, elle atteignait
5,6 %.
japonais. Sur les trente modèles lancés,
la moitié le sera grâce à des partena-
riats avec d’autres groupes : dix le se-
ront avec Renault et Mitsubishi et cinq
avec son allié chinois Dongfeng. En Eu-
rope, en Inde et en Amérique du Sud,
Nissan travaillera avec Renault. Au Ja-
pon, en Amérique du Nord, en Asie et
« Les perturbations
sont devenues la normalité
dans notre industrie. Cela
a eu un impact sur nos
objectifs et nos volumes
sont restés inchangés »
Makoto Uchida PDG de Nissan
Océanie, ce sera avec Mitsubishi. Sur
les dix véhicules concoctés avec l’Al-
liance, six seront des thermiques, un
sera hybride rechargeable et trois se-
ront 100 % électriques.
Nissan compte tailler dans ses coûts,
en particulier dans ceux liés aux véhi-
ques et électriques d’ici à 2030. « Les
véhicules électriques doivent être plus
rentables et plus accessibles », résume
le patron de Nissan, un pionnier de
l’électrique qui avait lancé la Leaf dès
2010.
Grâce aux innovations dans les bat-
teries, à un mode d’industrialisation
plus automatisé et à une intégration
industrielle plus poussée, Nissan assu-
re pouvoir réduire de 30 % le coût de
production de ses véhicules électri-
ques. Il prend comme étalon l’Ariya,
son SUV électrique lancé en 2020 sur la
même plateforme que la Megane E-
Tech. Les recettes sont connues : mu-
tualiser les plateformes industrielles,
réduire les délais de développement et
de production.
« Auparavant, nous avions une ap-
proche de négociation avec nos fournis-
seurs, explique Makoto Uchida. Désor-
mais, nous allons travailler avec eux de
manière intégrée en partageant les
coûts depuis le développement jusqu’à la
production. »
sion, CATL, VEJ et Sunwoda pour dis-
poser de 135 GWh de batteries d’ici à
2030, dont près de la moitié pour équi-
per ses véhicules aux États-Unis.
Dans ce pays, Nissan va investir
200 millions de dollars pour améliorer
l’expérience client et trouver de « nou-
velles opportunités » pour accroître son
chiffre d’affaires. Plus globalement, le
constructeur espère 330 000 ventes
supplémentaires en Amérique du Nord
et du Sud d’ici à la fin de 2026.
En Chine, Nissan cherche à rattraper
ses 200 000 ventes perdues pour reve-
nir à 1 million d’unités par an dans trois
ans. Dès 2025, il compte exporter
100 000 véhicules produits en Chine.
Mercredi, Nissan et ses alliés Renault et
Mitsubishi devraient par ailleurs don-
ner des détails sur leurs projets com-
muns en Inde où se tiendra le conseil de
l’Alliance. Pour sa part, Nissan compte
exporter 100 000 véhicules depuis ce
nouveau « hub » industriel.
Au sein de la grande région Europe,
Moyen-Orient, Afrique, Inde et Océa-

privilégier la valeur plutôt que le volu- « Nous ne pouvons pas tout faire cules électriques. L’idée est d’atteindre Nissan sécurisera son approvisionne- nie, Nissan vise 300 000 ventes supplé-
me, la hausse des prix des véhicules seuls », reconnaît le patron du groupe une parité entre motorisations thermi- ment avec ses fournisseurs AESC Envi- mentaires par an. ■
 Entreprises le figaro mardi 26 mars 2024 25

DMA : Bruxelles
met la pression
sur Meta,
Apple et Google
Keren Lentschner

La Commission européenne ouvre

cinq enquêtes contre les trois groupes,
soupçonnés d’entraves à la concurrence.

B
ruxelles n’a pas tardé à ta- Vestager. Si nous avions pu les résoudre
per du poing sur la table par une simple discussion, cela serait
contre les géants de la déjà fait. » La Commission se donne en-
tech. La Commission viron un an pour mener à bien ses in-
européenne ouvre cinq vestigations. En cas d’infraction grave
enquêtes contre Apple, et répétée, les plateformes risquent des
Meta et Google, soupçonnées d’infrac- amendes pouvant aller jusqu’à 20 % de
tions graves aux règles européennes de leur chiffre d’affaires.
la concurrence. Une première depuis La Commission épingle d’abord les
l’entrée en vigueur, le 7 mars dernier, magasins d’applications mobiles d’Ap-
du règlement sur les marchés numéri- ple et Google. Les deux groupes sont
ques (DMA), qui vise à mettre fin à cer- accusés de « limiter la capacité des déve- Thierry Breton, commissaire au Numérique, lors de sa conférence, lundi à Bruxelles. KENZO TRIBOUILLARD / AFP/AFP
taines pratiques abusives des grandes loppeurs à communiquer et promouvoir
plateformes (Alphabet, Amazon, Apple, librement leurs offres et à conclure direc- Flights, Google Hotels) au détriment de l’occasion pour les deux commissaires européenne Stéphanie Yon-Courtin
ByteDance, Meta, Microsoft). tement des contrats » avec les utilisa- ceux de ses concurrents. de rappeler que le marché européen (Renew). Les plateformes, elles, ont fait
Ces enquêtes interviennent seulement teurs finaux, « notamment en imposant Enfin, Meta est dans la ligne de mire (450 millions de consommateurs), profil bas, s’engageant à « continuer à
deux semaines après l’expiration du délai divers frais », estime Bruxelles. de Bruxelles pour l’un des changements « une fois et demie supérieur aux États- coopérer de façon constructive avec la
de mise en œuvre du DMA. Cela montre En matière de musique, Apple s’est qu’il a introduits en vue de se confor- Unis », n’est pas accessible à n’importe Commission européenne ». De son côté,
que nous prenons très au sérieux ces dis- déjà vu infliger début mars une amende mer au DMA en matière de consente- quel prix. « Tout le monde veut y être. le lobby de la tech, le CCIA, a dénoncé
positions , a déclaré Margrethe Vesta- de 1,8milliard d’euros après une plainte ment des utilisateurs. Le groupe propo- Nous sommes ouverts mais nous sommes la « précipitation » de Bruxelles.
ger, commissaire européenne à la de Spotify et a jusqu’au 6 avril pour se se aux utilisateurs de Facebook et ouverts à nos conditions ! », a déclaré Le lancement de ces enquêtes ris-
Concurrence, à l’initiative de cette lé- mettre en conformité. En outre, l’en- d’Instagram un abonnement payant qui Thierry Breton, qui évoque une vraie que de confirmer les craintes de l’in-
gislation au côté de Thierry Breton, treprise est pointée du doigt pour ne pas évite d’être ciblé par la publicité. « révolution » au sujet du DMA. La fin dustrie que le processus soit politisé .
commissaire au Numérique. avoir respecté l’obligation d’offrir aux d’une époque où « les gens du numéri- On a passé énormément de temps à in-
utilisateurs un moyen de désinstaller fa- Une vraie « révolution » que » pouvaient gagner du temps en teragir avec eux en amont, a répondu
Amendes : jusqu’à 20 % cilement les applications par défaut sur le au sujet du DMA payant des amendes. « C’était souvent Thierry Breton. On a même été sur
du chiffre d’affaires système d’exploitation iOS qui équipe Mais s’ils souhaitent conserver un ser- insignifiant par rapport à la taille qu’ils place pour les voir et discuter avec eux.
Les ajustements proposés par les plate- ses iPhone. vice gratuit, ils doivent consentir à li- représentaient. Ça faisait travailler La loi n’a pris personne par surprise ».
formes n’ont donc pas suffi à convain- La Commission va par ailleurs en- vrer leurs données personnelles. Le beaucoup de cabinets d’avocats, mais À moins de trois mois des élections
cre Bruxelles. « Il s’agit de cas très gra- quêter au sujet du moteur de recherche DMA est clair, il demande toujours l’issue était incertaine », a-t-il ajouté. européennes et alors que s’agite la
ves, emblématiques de ce que le DMA est de Google. Le géant de Mountain View l’existence d’un choix libre et gratuit « C’est un signal fort que le shérif re- menace de la désinformation, la loi ne
censé garantir lorsqu’il s’agit du choix est accusé de promouvoir ses propres pour les utilisateurs , a expliqué Thierry prend la main, mais il ne doit pas avoir la peut pas attendre , a conclu le Com-
des consommateurs, a ajouté Margrethe services (Google Shopping, Google Breton. L’ouverture de ces enquêtes est main qui tremble », a réagi la députée missaire européen. ■

À Toulouse, berceau de la défiscalisation, le blues des promoteurs

Jorge Carasso

La crise du crédit et la fin de l’avantage Pinel cette année font s’écrouler les ventes, particulièrement dans la Ville rose.

B
alma, en banlieue de Toulouse.
Casque à l’oreille, une dizaine
de télé-marketeurs tentent de
décrocher des rendez-vous
auprès de M. et Mme tout le monde
pour vendre des produits retraite, des
résidences étudiantes ou des SCPI. Il y a
quelques années encore, c’était la vente
de produits de défiscalisation immobi-
lière dans le neuf (Pinel, Scellier, Ro-
bien…), qui servait de carburant à ce
distributeur d’épargne toulousain, une
la séance du lundi 25 mars
LE CAC
émanation du promoteur Ackerys, dis- ments adossés à un mécanisme de dé- Pinel - un achat de logement avec une aussi pris la crise de plein fouet, même
paru depuis. « On a déjà eu jusqu’à 800 fiscalisation, a toujours été une spécia- réduction d’impôt allant jusqu’à 21 % si peu s’épanchent sur leurs difficultés.
vendeurs par téléphone chez nous», ra- lité. C’est là que les premiers dispositifs du prix payé - y fait plus qu’ailleurs « Je ne vois pas comment les promoteurs
conte Benjamin Deneux, directeur du (Méhaignerie, Périssol…) ont commen- l’effet d’une bombe. Ce placement ve- peuvent passer la crise sans dégraisser »,
développement chez le distributeur de cé à être commercialisés à la chaîne, dette - 480 0000 logements construits poursuit Franck Vignaud. Parmi les
produits d’épargne Theseis. Mais le donnant naissance à une véritable in- en France depuis 2014 - a, depuis 2022, grands acteurs du secteur, Vinci a été le
soufflé est largement retombé ces der- dustrie locale (promoteurs, distribu- vu son avantage fiscal réduit comme premier à annoncer un plan de sauve-
nières années. Et crise de l’immobilier teurs…), mais aussi à de nombreuses peau de chagrin (18 % maximum en garde de l’emploi en janvier dernier. Il
oblige, Theseis a dû se séparer de près dérives, dont les investisseurs ont été 2022, 14 % en 2023). Son remplaçant a été suivi par Nexity un mois plus tard.
de 100 collaborateurs depuis 2022, soit les premières victimes (logements ven- éphémère, le Pinel+, plus cher car plus Cependant, l’arrêt du Pinel n’affecte
un tiers de ses troupes. dus trop cher, mal placés)… contraignant pour les promoteurs, n’a pas seulement les ventes d’apparte-
Dans la Ville rose, la vente de loge- La fin, en 2024, de l’avantage fiscal jamais trouvé son public. Mais, pire en- ments à des investisseurs. Il chamboule
core, l’extinction du Pinel a coïncidé aussi l’équilibre de toutes les opérations.
avec une crise du crédit inédite - les « Un programme a besoin de 50 % de ré-
taux des prêts sur 20 ans sont passés en servations pour être financé, donc lancé,
deux ans de 1 % à 4 % - qui a désolvabi- rappelle Stéphane Aubay, à la tête du
lisé une grande partie des acheteurs, promoteur toulousain Green City Im-
JOUR %VAR. +HAUT JOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12 JOUR %VAR. +HAUT JOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12

investisseurs comme accédants. mobilier, et président de la FPI Toulouse

ACCOR ....................................................... 43,33 +1,55 43,35 42,61 0,428 +25,23 LVMH ....................................................... 825,5 -0,37 826,8 812,8 0,061 +12,53 Occitanie. Or dans les premiers mois
AIR LIQUIDE ............................................. 191,22 +0,39 191,92 190,24 0,092 +8,57 MICHELIN .......................................................35,41 -0,11 35,69 35,28 0,23 +9,09 Des promoteurs d’un chantier, les accédants ne sont pas
AIRBUS ....................................................... 170,12 +0,13 170,62 169,48 0,1 +21,71 ORANGE ....................................................... 10,642 +0,21 10,716 10,6 0,157 +3,28
ARCELORMITTAL SA ............................................. 25,2 +0,82 25,24 24,93 0,233 -1,85 PERNOD RICARD ............................................. 146,45 -1,15 148,2 144,65 0,129 -8,33
perfusés à la défiscalisation là. Ce sont les investisseurs et le logement
AXA ....................................................... 34,575 +0,28 34,7 34,28 0,124 +17,24 PUBLICIS GROUPE SA ...................................... 99,22 -0,14 99,84 98,42 0,109 +18,12 Les ventes de logement au détail ont social (autour de 25 % des lots, NDLR)
BNP PARIBAS ACT.A ............................................. 62,49 -0,49 63,19 62,49 0,19 -0,16 RENAULT .......................................................45,59 +0,34 45,78 44,97 0,322 +23,53 flanché de près de 50 % en France en qui permettent aux logements de sortir de
BOUYGUES .......................................................37,65 -0,29 37,82 37,47 0,142 +10,35 SAFRAN .......................................................208,05 +0,39 209,3 207,5 0,084 +30,47 deux ans (2021-2023) selon la Fédéra- terre. » Pour faire simple, sans investis-
CAPGEMINI .......................................................214 -0,79 215,2 211,8 0,251 +13,38 SAINT GOBAIN .............................................70,53 -0,48 70,92 69,84 0,195 +5,81
tion des promoteurs immobiliers. seurs pour acheter les premiers lots
CARREFOUR .......................................................15,995 -0,44 16,115 15,93 0,162 -3,44 SANOFI ....................................................... 89,65 +1,13 89,73 88,35 0,092 -0,12
CREDIT AGRICOLE ............................................. 13,398 -0,01 13,46 13,33 0,095 +4,25 SCHNEIDER ELECTRIC ...................................... 214,95 -1,42 218,5 214,95 0,115 +18,25 Quant aux ventes aux investisseurs, el- d’un programme, celui-ci ne se fait pas.
DANONE ....................................................... 59,32 -0,42 59,56 58,83 0,139 +1,09 SOCIETE GENERALE ............................................. 24,06 -1,9 24,395 24,05 0,355 +0,15 les ont fondu de 60 % sur la même pé- Pour tenir face à la crise, d’une vio-
DASSAULT SYSTEMES ............................................. 41,165 -1,14 41,71 40,98 0,091 -6,94 STELLANTIS NV .............................................27,16 +0,76 27,185 26,855 0,048 +28,45 riode. À Toulouse, où les promoteurs lence inédite, les promoteurs ont dû
EDENRED ....................................................... 49,29 -1,1 50,06 49,29 0,19 -8,96 STMICROELECTRONICS ...................................... 39,895 -0,15 40,26 39,315 0,116 -11,82 ont été longtemps et plus qu’ailleurs changer leur fusil d’épaule. « Il a fallu
ENGIE ....................................................... 15,516 +0,56 15,548 15,376 0,127 -2,53 TELEPERFORMANCE ............................................. 90,18 -1,12 91,48 90,1 0,308 -31,71
perfusés à la défiscalisation, l’impact a être agile », indique Pierre Aoun, direc-
ESSILORLUXOTTICA ............................................. 209,65 +0,46 210,85 208 0,065 +15,45 THALES ....................................................... 160,25 +1,94 161 157,8 0,185 +19,63
EUROFINS SCIENT. ............................................. 55,92 -0,07 57,36 55,84 0,256 -5,19 TOTALENERGIES ............................................. 63,23 +0,6 63,38 62,72 0,118 +2,65 été plus marqué encore (- 60 % pour les teur général de LP promotion. Cet ac-
HERMES INTL .............................................2403 +0,71 2409,5 2353 0,045 +25,23 UNIBAIL-RODAMCO-WE ...................................... 73,82 +0,27 73,98 73,04 0,139 +10,31 ventes de détail sur l’aire urbaine de teur historique de la défiscalisation, né
KERING ....................................................... 353,75 -1,2 360,5 353,5 0,224 -11,34 VEOLIA ENVIRON. ............................................. 29,65 +0,03 29,69 29,44 0,14 +3,82 Toulouse, - 70 % pour les ventes aux in- en 1996, a mis un coup de volant sur les
L'OREAL ....................................................... 435,45 +0,65 436,05 428,1 0,051 -3,37 VINCI ....................................................... 115,96 -0,34 116,86 115,28 0,105 +1,99 vestisseurs). Même si la plupart des résidences gérées. Mais à Toulouse
LEGRAND ....................................................... 96,6 -1,95 98,4 96,48 0,23 +2,66 VIVENDI SE ............................................. 9,966 -0,39 9,988 9,908 0,168 +2,1
groupes nés dans la Ville rose sont comme ailleurs, une grande partie de
aujourd’hui présents sur tout le terri- l’activité des promoteurs provient
LES DEVISES MONNAIE 1 EURO=
L’OR VEILLE 31/12 toire. « Il n’y a plus rien qui sort, plus
rien qui est mis en vente. Aucune boîte
d’Action Logement (organisme paritai-
re financé par les entreprises et long-
AUSTRALIE ................................................................................
DOLLAR AUSTRALIEN 1,658
1,6493 AUD
Cotation quotidienne assurée par Or en Cash
CANADA ................................................................................DOLLAR CANADIEN 1,4722
1,4648 CAD https://www.orencash.fr/investissement/ peut résister à ça sans s’adapter », esti- temps connu sous le nom de « 1 % loge-
GDE BRETAGNE ................................................................................
LIVRE STERLING 0,857
0,8549 GBP me Franck Vignaud, du cabinet Le La- ment ») et CDC Habitat, filiale de la
Lingot 1KG ............................................. 64 618,6€ +7,49 %
HONG KONG ................................................................................
DOLLAR DE HONG KONG 8,4748
8,5046 HKD
JAPON ................................................................................ YEN 163,78
160,88 JPY
Lingot 100g ............................................. 6 473,76€ +7,47 % boratoire de l’immobilier. Caisse des dépôts. Ces deux entités se
Lingot 50g ............................................. 3 242,38€ +7,46 %
SUISSE ................................................................................FRANC SUISSE 0,9724
0,9446 CHF 2 021,93€
Lingot ONCE (31,10g) ............................................. +7,44 % À Toulouse, LP Promotion, un des sont engagées à acquérir 45 000 loge-
ETATS-UNIS ................................................................................
DOLLAR 1,0835 USD Lingot 10g ............................................. 656,38€ +7,36 %
TUNISIE ................................................................................DINAR TUNISIEN
1,0872
3,382
3,386 TND Lingot 2,5g ............................................. 171,27€ +7,03 %
groupes phares de la ville, mais présent ments auprès des promoteurs en 2023.
MAROC ................................................................................DIHRAM 11,103 MAD 2OFr NAPOLÉON ............................................. 402,27€ +7,49 % sur toute la France (260 collabora- Une bouffée d’air frais l’an dernier, qui
20Fr SUISSE ............................................. 398,77€ +7,49 % aide les acteurs sur place à faire le dos
TURQUIE ................................................................................
NOUVELLE LIVRE TURQUE 34,8332
32,9205 TRY
SOUVERAIN ............................................. 503,2€ +7,49 %
teurs), a dû se séparer d’une quinzaine
EGYPTE ................................................................................LIVRE EGYPTIENNE 51,35
33,66 EGP
KRUGGERAND ............................................. 2 149,28€ +7,49 % de personnes ces derniers mois. rond. Et leur donne un peu de temps
A

CHINE ................................................................................ YUAN 7,8134

7,7953 CNY
50 PESOS ............................................. 2 567,36€ +7,49 %
INDE ................................................................................ ROUPIE 90,368
90,3655 INR 10 DOLLARS ............................................. 1 050,81€ +7,49 % D’autres acteurs locaux, Carrère, pour se réinventer, sans la béquille de la
ALGERIE ................................................................................
DINAR ALGERIEN 145,92
146,1497 DZD 20 DOLLARS ............................................. 2 100,61€ +7,49 % Caillaud, Green City, Quintessens, ont défiscalisation pour tenir debout. ■
 26 mardi 26 mars 2024 le figaro
Jean-Christophe Tortora : « Rodolphe Saadé
n’est jamais intervenu à “La Provence” »
Chloé Woitier et Caroline Sallé
Le directeur général
de Whynot Media
revient sur la crise
qui a secoué le
journal marseillais.
V
endredi matin, le direc-
teur de la rédaction de
La Provence apprenait
sa mise à pied pour une
semaine après une une
jugée ambiguë sur les
suites d’une opération antidrogue à
Marseille. Dimanche soir, Aurélien
Viers retrouvait ses fonctions. Entre ces
deux événements, la tension a grimpé
entre l’actionnaire CMA CGM, accusé
d’interventionnisme, et les médias dé-
tenus par ce groupe (La Provence,
La Tribune), qui ont voté des grèves le-
vées depuis. L’inquiétude s’est étendue
aux rédactions d’Altice Media (BFMTV,
RMC), dont l’acquisition a été annoncée
la semaine précédente.
« Je ferai tout pour recréer de la
confiance et effacer les séquelles de cette
crise. Mais quand on voit un tel émoi, il
est de notre responsabilité de résoudre au
plus vite le problème », explique au Fi-
garo Jean-Christophe Tortora, direc-
teur général de Whynot Media, qui re-
groupe les médias détenus par CMA
CGM. Ce dernier s’est donc « mis au tra-
vail » dimanche aux côtés de Laurent
Guimier, directeur délégué à l’informa-
tion, Gabriel d’Harcourt, directeur gé-
néral de La Provence, et Aurélien Viers
« pour analyser les défaillances dans la
chaîne de commandement. » Il en ressort
« un problème de confiance entre la di-
rection générale et la direction de la ré-
daction » qui doivent « travailler ensem-
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A
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Jean-Christophe Tortora, directeur
général de Whynot Media :
« Faire penser que l’on donne
la parole à des narcotrafiquants
est un problème pour nos lecteurs,
et pour les acteurs de terrain
qui nous ont appelés. C’est donc
une erreur. » Lafargue Raphael/ABACA/
ble en remettant de la méthode. » Il ne
s’agit pas « d’un problème de personnes.
Mais les procédures de vérification de la
une sont plus fragiles qu’à La Tribune
qu’il préside, explique Jean-Christophe
Tortora. Nous serons plus exigeants. »
L’origine de la crise est « une une mal
exécutée et qui autorise une double lectu-
re. Je l’ai découverte jeudi matin et j’ai
fait savoir mon mécontentement », expli-
que Jean-Christophe Tortora. « Faire
penser que l’on donne la parole à des nar-
cotrafiquants est un problème pour nos
lecteurs, et pour les acteurs de terrain qui
nous ont appelés. C’est donc une erreur »,
1,3 million de lecteurs (sourc
(source ACPM
CP 2023)
023)
Frais de port oferts
PAR COURRIER affranchi
Le Particulier - Service Abonnements
poursuit-il. « Il faut réaffirmer que nos
journaux sont dans la République. » Dé-
cision a été prise dès jeudi de suspendre
Aurélien Viers pour une semaine.
« Contrairement à ce qui a pu être écrit, il
n’était pas question de licenciement. Un
entretien préalable peut mener à d’autres
issues, comme un avertissement. Beau-
coup trouvent cette décision sévère, mais
la une n’était pas maîtrisée. »
Le tollé provoqué par cette affaire,
survenue juste après la visite éclair
d’Emmanuel Macron dans le quartier
de la Castellane à Marseille, a soulevé
des interrogations sur l’intervention-
5€ ,30
nisme de Rodolphe Saadé. L’homme
d’affaires est en effet réputé proche du
président. « Rodolphe Saadé n’est ja-
mais intervenu dans cette affaire. Il n’a
pas pour habitude de m’appeler au saut
du lit pour me faire part de ses remarques
sur les unes de La Tribune, journal dont il
est propriétaire depuis fin juillet », assure
Christophe Tortora. La semaine derniè-
re, le futur actionnaire d’Altice Media,
interrogé lors d’un CSE extraordinaire
sur sa réaction si, demain, BFM mettait
en avant un scandale touchant l’arma-
teur, Rodolphe Saadé avait indiqué sans
détour : « Je ne réagirais pas bien. Et je le
L’AMF relance les
enchères pour la reprise
de la pépite Believe
Lucas Mediavilla
Le gendarme épingle le consortium candidat
au rachat de la start-up lorgnée par Warner.
C’
est un avertissement sans
frais, mais qui devrait inten-
sifier la lutte pour la reprise de
Believe. Dans un avis rendu
public vendredi, l’Autorité des marchés
financiers (AMF) a tapé sur les doigts du
consortium censé sortir de la Bourse
cette société spécialisée dans l’accompa-
gnement et la distribution d’artistes et
de labels indépendants. Believe est l’ob-
jet de convoitises ces dernières semai-
nes. Pour rappel, un consortium com-
prenant le fonds EQT, aux côtés du
directeur général de l’entreprise Denis
Ladegaillerie et du fonds américain TCV,
a annoncé le 12 février son intention
d’acquérir 72 % du capital avant de pro-
céder à un retrait de la cote en rachetant
les titres pour 15 euros par action.
Le consortium conditionnait ces éta-
pes successives à l’obtention des auto-
risations réglementaires, mais surtout
une recommandation du conseil d’ad-
ministration de Believe sur l’intérêt de
l’offre. Fin février cependant, une mar-
que d’intérêt est également venue de
Warner Music Group (WMG). Dans un
courrier adressé le 21 février au conseil
d’administration de Believe, la major
indiquait pouvoir valoriser les activités
de Believe à 17 euros l’action. De façon
unilatérale, après avoir pris connais-
sance de cet intérêt, le consortium a
alors décidé de retirer la condition sus-
pensive liée à l’avis motivé du conseil
d’administration.
Une manœuvre jugée illégale par
Warner. La présidente du comité ad
hoc de Believe a fait un courrier à l’AMF
pour l’interroger sur la conformité de
cette pratique. La réaction du gendar-
ferais savoir. » De quoi provoquer une
certaine inquiétude jusque dans les
rangs de La Tribune, qui prévoyait
d’entrer en grève. In fine, la rédaction a
obtenu des garanties satisfaisantes,
« notamment la création d’un comité
d’indépendance éditoriale » selon un
membre de la Société des journalistes.
La grève a donc été annulée.
Une charte d’indépendance
éditoriale et de déontologie
« On a raconté un peu tout et n’importe
quoi dans cette affaire. Jeudi, à la mi-
journée, j’ai informé Rodolphe Saadé de la
décision que nous avions prise avec Ga-
briel d’Harcourt et Laurent Guimier de la
mise à pied d’Aurélien Viers. Il ne nous a
donné aucune directive. Il ne l’a jamais
fait à La Provence, depuis que son groupe
CMA CGM en est propriétaire. S’il était
dans l’ingérence sur le plan éditorial, pen-
sez-vous qu’il aurait attendu un an et
demi pour se mêler des unes et des sujets ?
Il faut être un peu sérieux », affirme Jean-
Christophe Tortora. « Rodolphe Saadé
dirige un groupe de 170 000 salariés.
Lorsque nous échangeons, il me parle de
croissance externe, des besoins en termes
de recrutements, des enjeux à venir sur
BFM et RMC. Il s’exprime en tant qu’in-
dustriel, pas comme un rédacteur en chef
qui réclamerait un article ou manifesterait
son mécontentement à propos d’une
une. » Avant cette crise, la rédaction et
les syndicats avaient engagé un travail
sur la création d’une charte d’indépen-
dance éditoriale et de déontologie. « Il
est important de la finaliser rapidement.
J’ai demandé qu’elle soit promulguée dans
les plus brefs délais, au plus tard le
15 avril. Plus il y aura de la clarté sur la
responsabilité de chacun, moins nous
aurons à gérer de crises à l’avenir. » Mer-
credi, Rodolphe Saadé sera entendu à
10 h 30 à l’Assemblée nationale dans le
cadre de la commission d’enquête sur
l’attribution des fréquences télé. Cette
audition aura lieu à huis clos. ■
me est claire : en renonçant à cette
condition suspensive, « alors que WMG
avait fait connaître une manifestation
d’intérêt valorisant la société Believe à au
moins 17 euros par action, le consortium,
qui avait connaissance de cette informa-
tion non publique, s’est octroyé un avan-
tage déterminant dans le succès de son
offre, en violation des principes de loyau-
té, de transparence et de libre jeu des of-
fres et de leurs surenchères ».
En épinglant le consortium, l’AMF va
relancer les enchères. Ce lundi, Believe
annonce avoir pris acte de la position
du gendarme et a décidé de donner à
WMG l’accès à une data room. La major
disposera ainsi du même niveau d’in-
formation que le consortium. Le conseil
d’administration de Believe demande à
WMG de soumettre une offre enga-
geante au plus tard le 7 avril.
Vu l’intérêt manifesté par Warner
dans son courrier du 21 février, la major
semble prête à aller à la bataille bour-
sière pour acquérir Believe. Le cas
échéant, il faut rappeler que le consor-
tium dit disposer d’accord ferme avec
les actionnaires du bloc de 72 %. Pour
arriver jusqu’au seuil de retrait obliga-
toire de 90 %, il faudra néanmoins les
petits porteurs. En fin de semaine der-
nière, le fonds Sycomore, qui détient
un peu moins de 1 % du capital, a appelé
les actionnaires de Believe à ne pas ap-
porter leurs titres à l’offre du consor-
tium. Il juge que les 15 euros sont « trop
faibles » par rapport à la valeur réelle de
la société. Lors de ses résultats annuels
publiés il y a dix jours, Believe a annon-
cé une croissance de ses revenus de
15,7 %, à 880 millions d’euros. ■
 mardi 26 mars 2024 LE FIGARO - N° 24 755 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr
L’imbattable régime
de la location meublée
Photocreo Bednarek/photosky99/KMPZZZ/stock adobe
Même si le gouvernement entend davantage contraindre les propriétaires de meublés touristiques, la location
meublée restera bien plus avantageuse que la location vide, notamment pour des baux de longue durée. Pages 28 à 32
> éDITORIAL
Niche fiscale pour propriétaires opportunistes
Cela fait des mois que le gouverne-
ment et les parlementaires de tous
bords s’attaquent aux locations touris-
tiques, de type Airbnb. Avec leurs
109 millions de nuitées enregistrées en
2019, selon Eurostat, celles-ci sont ac-
cusées d’accentuer la pénurie de loge-
ments pour les résidents et de renché-
rir le coût du foncier. Et quoi de mieux
qu’une fiscalité alourdie pour dissua-
der les propriétaires de louer leur ap-
partement à des touristes de passage ?
Cela fait donc des mois que nos élus
s’écharpent sur le niveau des abatte-
ments fiscaux, représentatifs des char-
ges, à accorder aux propriétaires de
meublés touristiques.
Sauf que le montant des abattements
importe peu. Le bailleur d’un meublé
peut très facilement ne pas payer
un centime d’impôt, ou presque,
pendant de longues années. Il lui
suffit pour cela d’opter pour le ré-
gime d’imposition au réel. Alors que
le propriétaire d’un logement vide ne
peut alors déduire que ses charges ef-
fectives (avant de subir la lourde fiscali-
té des revenus fonciers), le propriétaire
d’un meublé peut y ajouter une frac-
tion du prix du bien – les fameux amor-
tissements –, de l’ordre de 3 % par an.
Des charges totalement fictives ne cor-
RETRAITE
Et si vous partiez plus tôt
grâce à votre statut
de propriétaire ? Page 32
respondant à aucune dépense. Une
belle niche fiscale qui amputerait « de
330 à 380 millions d’euros » par an les
recettes de l’État, selon des calculs ef-
fectués en 2018 par le Conseil des
­prélèvements obligatoires, institution
adossée à la Cour des comptes.
Comment expliquer une telle incon-
gruité ? Tout simplement parce que le
propriétaire d’un meublé est considéré
comme un professionnel aux yeux de
l’administration, avec toutes les spécifi-
cités qui en découlent. Peu importe,
d’ailleurs, que le logement soit loué à
des touristes de passage (sur courte
durée) ou sur plus longue durée (à des
Le propriétaire
d’un meublé peut
déduire de
ses revenus des
charges fictives
ne correspondant à
»
aucune dépense
Bourse
Les fonds indiciels ETF
à privilégier pour investir
responsable Page 33
étudiants, des salariés en mobilité…),
tous les propriétaires de meublé ont
droit au régime réel. Gageons cepen-
dant que des ajustements viennent
contrarier les loueurs de meublé touris-
tique, avec davantage de contraintes
pesant sur la performance énergétique
de leur logement et des pouvoirs éten-
dus octroyés aux mairies pour limiter
leur implantation.
Reste l’imbattable fiscalité de la loca-
tion meublée. Celle-ci ne semble pas
près d’être remise en cause, même si
certains s’en émeuvent. Pour mettre fin
à cette « distorsion fiscale », le Conseil
des prélèvements obligatoires préconi-
sait en 2018 de créer un régime fiscal
unique, que le logement soit vide ou
meublé, avec la suppression de la pos-
sibilité de constater un amortissement
dans le régime réel. Parmi leurs propo-
sitions émises en septembre dernier, à
l’occasion de leur congrès annuel, les
notaires expliquaient également que
« les règles fiscales actuelles donnent
trop d’importance à la location en meu-
blé par rapport à la location d’un loge-
ment nu », appelant à la création d’un
« statut fiscal du bailleur privé global,
cohérent et attractif ». Des vœux non
suivis d’effets. Alors autant en profiter.
A
Aurélien Ferron
 28 mardi 26 mars 2024 le figaro
La location
meublée
touristique dans
le collimateur
Valérie Valin-Stein
Il sera bientôt plus compliqué
de louer des meublés de tourisme.
V
ade retro ! Le meublé
touristique est accusé de
tous les maux, ou pres-
que. Grief majeur et
parfaitement audible :
sa part de responsabilité
dans la pénurie de logements que nous
connaissons actuellement. « Ce sont
800 000 logements qui ont été transfor-
més en locations saisonnières en 2021,
contre 300 000 en 2016 », peut-on lire
dans l’exposé des motifs de la proposi-
tion de loi visant à remédier aux désé-
quilibres du marché locatif en zone
tendue. Corédigé par Annaïg Le Meur,
députée Renaissance du Finistère, en
charge d’une mission sur la refonte de
la fiscalité locative dont les résultats se-
ront dévoilés prochainement, le texte a
été adopté à l’Assemblée nationale le
29 janvier dernier (100 voix « pour » et
25 « contre »). Il va être prochaine-
ment débattu au Sénat.
Dans sa version actuelle, le texte
prévoit d’abaisser à 30 % l’abattement
forfaitaire sur les loyers imposables des
logements meublés, qu’ils soient clas-
sés ou non, contre respectivement 71 et
50 % jusqu’à présent. Par ailleurs, la
proposition de loi entend sortir du
marché locatif les meublés saisonniers
les plus énergivores, à l’instar de ce qui
existe déjà pour les locations à usage de
résidence principale. Reste maintenant
à savoir si ces dispositions résisteront à
la navette parlementaire. Rien n’est
moins sûr, tant la refonte de la fiscalité
de la location saisonnière est un sujet
conflictuel.
La longue durée épargnée
Certes, les modifications fiscales envi-
sagées ne visent que le régime d’im-
position dit « micro » et non l’impo-
sition « au réel » (permettant de
déduire la totalité de ses charges).
Mais les contraintes de décence éner-
gétique concerneront, quant à elles,
l’ensemble des bailleurs. Autant de
nouvelles exigences qui s’ajouteraient
à la cohorte de celles déjà existantes :
la déclaration et l’enregistrement de
la location en mairie et, dans les com-
munes concernées, une demande
d’autorisation de changement d’usage
(lire ci-dessous). Au passage, la pro-
position de loi prévoit aussi d’accroî-
tre les pouvoirs des maires. Certains
Quelles formalités pour déclarer
son activité de loueur en meublé
M
ettre un logement sur le
marché de la location sai-
sonnière nécessite des for-
malités complexes et, par-
fois, coûteuses. En effet, louer un
logement meublé à une clientèle de
passage qui n’y élit pas domicile
constitue juridiquement un « change-
ment d’usage ». Dans les communes
de plus de 200 000 habitants et celles
des départements des Hauts-de-Seine,
de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-
Marne, ce changement est soumis à
autorisation. Attention, on peut re-
trouver cette exigence ailleurs, lorsque
le maire ou le conseil municipal l’ont
décidée.
À Paris, Lyon et Marseille, l’autori-
sation préalable peut être subordon-
née à une compensation. Il s’agit alors
de transformer en habitation un actif
immobilier ayant initialement un
autre usage (bureau, commerce, etc.),
ce qui majore le coût de l’opération.
A contrario, une habitation, même
louée meublée, équipée et occupée en
A
tant que résidence principale, reste
considérée comme un logement. Dans
se sont d’ores et déjà emparés du pro-
blème de ce que l’on appelle le sur-
tourisme : à Saint-Malo, par exemple,
les locations saisonnières sont soumi-
ses à des quotas variables suivant les
quartiers.
Tous ces aménagements ne ciblent
pas le meublé de longue durée, généra-
lement à usage de résidence principale
du locataire. Celui-ci conserve les fa-
veurs de l’exécutif. Certes, il s’assortit
de quelques contraintes : excepté pour
les baux « code civil », les loyers ne
sont pas libres (mais ils sont plus élevés
qu’en location nue) et un engagement
locatif minimal est requis. Pour le res-
te, cette alternative offre de nombreux
atouts au propriétaire bailleur. Déjà, les
formalités préalables à la mise en loca-
tion sont réduites, une simple déclara-
tion en ligne suffit. Ensuite, vous avez
le choix, suivant le profil du locataire,
entre quatre types de baux différents
(lire ci-contre). Certains, non recon-
ductibles et visant une clientèle spéci-
fique, ne vous engagent que sur une
durée limitée : 9 mois pour le bail étu-
diant et jusqu’à 10 mois pour le bail
mobilité. Vous avez alors la garantie de
récupérer le logement à l’échéance du
contrat, sans formalités. Revers de la
médaille, il vous est impossible de don-
ner congé en cours de bail, alors que
votre locataire dispose de cette liberté
sous réserve d’un préavis d’un mois.
Et, c’est presque le plus important
alors que l’immobilier est particulière-
ment taxé (impôt sur la fortune immo-
bilière, pas d’accès au prélèvement
forfaitaire unique), vous avez accès à la
fiscalité des bénéfices industriels et
commerciaux (BIC). Celle-ci s’avère
très favorable au propriétaire dès lors
que vous délaissez le régime « micro »
(assorti d’un abattement forfaitaire sur
les loyers de 50 %) pour le régime réel.
800 000
logements
ont été transformés
en locations saisonnières en 2021,
contre 300 000 en 2016.
ce cas, aucune démarche de ce type
n’est requise.
Ce n’est pas tout. Pour commencer
une activité de loueur en meublé, vous
devez, dans les quinze jours qui suivent
le début de votre activité, remplir une
déclaration de création d’entreprise ou
de début d’activité (cette formalité est
aussi obligatoire pour les locations sai-
sonnières). Rien de plus simple : cela
L’affaire se corse
si vous êtes mariés
ou pacsés en séparation
de biens, et détenez
le bien en indivision
s’effectue par voie dématérialisée sur le
guichet des formalités des entreprises
(GFE) : formalites.entreprises.gouv.fr
ou procedures.inpi.fr. Cette démarche
vous permettra de faire connaître
l’existence de votre activité, d’indi-
quer le régime d’imposition (micro-
BIC ou réel) que vous souhaitez choisir
et d’obtenir un numéro Siret.
DOSSIER
Dans un contexte
de pénurie de logements,
le meublé touristique
est pointé du doigt.
Yann Avril/Pixavril/stock adobe
Vous pouvez alors déduire la quasi-to-
talité des charges, mais aussi amortir le
bien sur 30 ans environ et le mobilier
sur 7 à 10 ans. Ce qui vous permet de
neutraliser la fiscalité sur les loyers
pendant de nombreuses années (lire
page 28). Atout supplémentaire : si
vous avez le statut de loueur en meublé
non professionnel (LMNP), vous béné-
ficierez, à la revente, de la fiscalité des
particuliers avec les abattements pour
durée de détention, qui permettent une
exonération totale des plus-values au
bout de 30 ans. Vous l’avez compris, le
meublé longue durée a toutes les cartes
en main pour devenir le chouchou des
investisseurs. D’autant qu’il dispose
d’un atout particulièrement précieux
dans le contexte actuel : une certaine
sécurité juridique et fiscale. ■
Si vous possédez le logement à plu-
sieurs, il faut déterminer qui va se dé-
clarer comme exploitant. « Pour pou-
voir mettre un bien à son actif
professionnel et l’amortir, il faut en être
propriétaire », avertit l’avocat fiscalis-
te Paul Duvaux. Si vous êtes mariés en
communauté de biens et que le loge-
ment est un bien commun, l’un ou
l’autre peut se déclarer exploitant.
L’affaire se corse si vous êtes mariés ou
pacsés en séparation de biens, et déte-
nez le bien en indivision. « Dans ce
cas, en principe, il faut déclarer l’indivi-
sion comme exploitant, explique Paul
Duvaux. Mais un époux ou partenaire
peut s’immatriculer seul si l’autre lui
confie un mandat de gestion. » Quant
aux concubins ou aux héritiers qui
sont en indivision, ils n’ont pas le
choix : c’est l’indivision qui est imma-
triculée. Et lorsqu’une indivision est
déclarée exploitante, elle relève auto-
matiquement du régime réel d’imposi-
tion (le régime micro est exclu). Avant
de vous décider, mieux vaut prendre
conseil auprès d’un professionnel du
droit, avocat ou notaire. ■ V. V.- S.
Les règles à respecter pour
son logement et son loyer
O
utre l’obligation de change-
ment d’usage dans les grandes
villes, en première couronne
parisienne et dans les commu-
nes qui ont décidé de l’appliquer (lire ci-
contre), peu de contraintes pèsent, pour
le moment, sur les détenteurs de loca-
tions saisonnières. En copropriété, pen-
sez néanmoins à relire le règlement.
« Dans les immeubles dont la destination
est dite bourgeoise (à usage d’habitation,
NDLR) ou à usage mixte, on trouve parfois
des clauses interdisant la location touristi-
que. Mais ces clauses ne seraient pas vala-
bles dans un bâtiment ne comprenant que
des locaux commerciaux », précise Ga-
naëlle Soussens, avocate à Paris, spéciali-
sée en droit immobilier. Pensez aussi à
prévenir votre assureur habitation de
votre projet de location touristique.
Si vous louez un meublé à usage de ré-
sidence principale, le règlement ne peut
en revanche pas vous interdire cette acti-
vité. « Cette clause, rarissime, peut se
retrouver dans certains documents très
datés. Mais le propriétaire obtiendrait
aisément gain de cause s’il rencontrait un
problème avec le syndicat des coproprié-
taires », souligne Ganaëlle Soussens. Côté
assurance, vous devrez souscrire un
contrat PNO (propriétaire non occu-
pant), qui garantira le logement. « Pour
une location meublée, l’assurance PNO
peut aussi compléter la garantie domma-
ges aux biens du locataire, si celle-ci n’est
pas suffisante », précisent Myriam Saada
et Valérie Imbert, respectivement direc-
trice de l’offre et directrice des services
clients de l’assureur Solly Azar.
Obligation de performance
énergétique
Dans le cas où le logement est situé dans
l’une des 3 700 communes ciblées par
l’encadrement des loyers ou leur plafon-
nement (Paris, Bordeaux, Lille, Lyon…),
vous ne pouvez pas fixer librement le
loyer. Difficile d’échapper à cette
contrainte, car le montant du loyer ac-
quitté par le précédent locataire (enca-
drement) et, le cas échéant, les maxima
applicables (plafonnement) doivent figu-
rer dans le contrat de bail. Se soustraire à
ces règles vous expose à une action en
diminution du loyer de la part du locatai-
re et au versement d’une amende de
5 000 euros ou de 15 000 euros.
Ce n’est pas tout. Depuis son intégration
dans la loi du 6 juillet 1989, tout logement
loué en tant que résidence principale doit
obéir à des critères de décence, listés par
décret. Les locaux loués doivent mesurer
au moins 9 m2 habitables, avoir une aéra-
tion suffisante, comporter certains élé-
ments d’équipement et de confort (chauf-
fage, eau potable, cuisine, installation
sanitaire intérieure, réseau électrique per-
mettant un éclairage suffisant, etc.). Ré-
cemment se sont agrégés l’absence de
nuisibles (cafards, punaises de lit…) et une
obligation de performance énergétique.
Une obligation qui devrait prochainement
s’étendre aux meublés de tourisme (lire ci-
dessus). Depuis 2023, les biens classés G+
sur le diagnostic de performance énergé-
tique (DPE) sont interdits de location. Ce
sera le cas de toute la classe G en 2025, de
la F en 2028 et de la E en 2034. Si ces critè-
res de décence ne sont pas respectés, le
juge peut contraindre le propriétaire à en-
treprendre les travaux nécessaires et, le
temps de leur réalisation, diminuer le
loyer ou suspendre son paiement.
Cela semble évident, mais qui dit loge-
ment meublé, dit… mobilier. « L’insuffi-
sance d’équipement est une chausse-trap-
pe dans laquelle les propriétaires peuvent
tomber », prévient Cécile Rouquette-
Térouanne, avocate associée chez Cornet
Vincent Ségurel. Un décret du 31 juillet
2015 a fixé la liste des onze éléments de-
vant obligatoirement équiper une loca-
tion meublée. On y trouve notamment :
une literie avec couette ou couverture, un
dispositif occultant dans les chambres,
un réfrigérateur avec congélateur, des
plaques de cuisson, des chaises et une ta-
ble, de la vaisselle, des luminaires, etc.
Un logement insuffisamment meublé
risque d’être requalifié en location nue,
laquelle est bien moins souple et moins
attractive fiscalement. ■ V. V.-S.
 DOSSIER le figaro mardi 26 mars 2024 29

Une grande souplesse

dans le choix du bail

C
ontrairement à une idée re-
çue, louer un meublé touristi-
que requiert quand même un
minimum de formalisme.
« Toute offre ou contrat de location sai-
sonnière doit revêtir la forme écrite et
contenir l’indication du prix demandé
ainsi qu’un état descriptif des lieux »,
précise le code du tourisme. Ce n’est
pas bien compliqué en réalité, la plate-
forme de location (Airbnb…) s’en
charge.
La location d’un meublé occupé en
tant que résidence principale est beau-
coup plus contrainte. Depuis la loi Alur
de 2014, elle a intégré le giron protec-
teur de la loi du 6 juillet 1989 sur les
baux d’habitation nus, avec des amé-
nagements spécifiques. Selon le profil
du locataire, vous pouvez signer diffé-
rents types de baux, notamment un bail
Plus de meublé classique, un bail mobilité ou
étudiant. « Pour ces trois contrats, les
conseils avec obligations en matière de fixation des
loyers, de recours à un bail type et de dé-
« Le Particulier » cence sont identiques à celles d’une lo-
■ Bail classique, le plus usité
Le plus fréquemment signé est le bail
meublé « classique », d’un an. Excepté
sa durée, c’est celui qui se rapproche le
plus du contrat de location nue. Il est
reconductible et le bailleur ne peut
donner congé (3 mois avant la fin du
bail) que pour vendre ou reprendre le
bien, ou pour un « motif légitime et
sérieux » (loyers impayés…).
■ Bail mobilité ou étudiant,
pour des durées définies
Issu de la loi Elan du 23 novembre 2018,
le bail mobilité est signé pour un à dix
mois. Il est réservé aux locataires en
formation ou mutation professionnelle,
mission temporaire, études supérieu-
res, apprentissage, stage ou service ci-
vique. Il n’est ni renouvelable ni recon-
ductible. Sa durée peut être modifiée
une fois, par avenant, sans dépasser un
total de dix mois. Si l’occupant ne res-
pecte pas les critères d’éligibilité, il sera
requalifié en bail meublé classique,
moins souple.
La loi Alur a créé un bail spécifique
pour les étudiants. Comme il est non
reconductible, vous récupérez le loge-
ment au bout de neuf mois, à la fin de
l’année scolaire, sans avoir de congé à
délivrer. Notez que rien n’interdit de
signer un bail meublé classique ou mo-
bilité avec un étudiant. Dans tous les
cas, le locataire peut partir avant
l’échéance, sous réserve de respecter
un préavis d’un mois.
■ Bail code civil, pour
s’affranchir des contraintes
Un quatrième type de contrat vise les
biens utilisés comme résidence secon-
daire ou loués par une société. Ce bail
dit « code civil » bénéficie d’une gran-
de liberté contractuelle : la durée, le
montant des loyers et du dépôt de ga-
rantie et les modalités de congé sont
libres. Mais ce n’est pas sans risques.

Leader de la presse patrimoniale

et propriété du groupe Figaro,
le mensuel Le Particulier
publie dans son numéro
d’avril un dossier consacré
aux meilleures solutions
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rubrique « Boutique ».
cation nue », précise Baptiste Bochart,
juriste pour le site jedeclaremonmeuble
.com. En revanche, le montant du dé-
pôt de garantie est de deux mois de
loyer au lieu d’un seul. Il est aussi pos-
sible d’appliquer un forfait pour les
charges locatives plutôt que de facturer
des provisions à régulariser chaque
année.
« Pour ces trois contrats,
les obligations en matière
de fixation des loyers, de
recours à un bail type et de
décence sont identiques à
celles d’une location nue »
Baptiste Bochart juriste
« N’ayant aucune clause obligatoire, il
est facile d’oublier une disposition favo-
rable au bailleur, comme la révision des
loyers. Mieux vaut se faire aider par un
professionnel pour sa rédaction », re-
commande Baptiste Bochart. D’autant
qu’une clause considérée comme abu-
sive pourrait être annulée par un
juge. ■ V. V.-S.

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la forme sociale adaptée
Conseils

D
étenir un bien locatif meublé
en société permet, notam-
ment, de neutraliser la fiscali-
té sur les loyers et d’anticiper
sa transmission. Mais quelques règles de
prudence s’imposent. La forme sociale
la plus connue des particuliers est la
classique société civile immobilière
(SCI). Pour loger une location meublée,
cette dernière devra être assujettie à
l’impôt sur les sociétés (IS), l’impôt sur
le revenu (IR) étant incompatible avec
l’activité meublée.
Côté pile, vous profitez d’une fiscalité
attrayante : IS à 15 % ou 25 % d’impôt
sur les revenus, seulement dus s’ils sont
distribués (vous pouvez ainsi les encap-
suler jusqu’à votre retraite, par exem-
ple), avec la possibilité d’amortir le prix
du bien. Côté face, une imposition sur
les plus-values pénalisante (le prix de
revient est minoré des amortissements
pratiqués, ce qui majore la base taxable)
et l’interdiction d’occuper gratuite-
ment le bien à titre personnel ou de le
prêter gracieusement à des amis.
« Dans ce cas, il faut obligatoirement
verser un loyer à la société. À défaut, cela
sera perçu comme un acte anomal de
gestion susceptible d’être sanctionné par
l’administration fiscale », met en garde
Erwan Grumellon, directeur commer-
cial réseaux et expertises chez Swiss
Life Banque privée. Attention, il doit
s’agir d’un loyer de marché, ce qui né-
cessite, si le bien est luxueux, d’avoir les
liquidités suffisantes.
Moins connue que la SCI, la SARL (so-
ciété à responsabilité limitée) présente
de nombreux atouts dès lors que vous
investissez avec des parents en ligne di-
recte (liens de sang ou d’alliance). Ce
que l’on appelle alors la SARL de famille
permet d’amortir le bien tout en étant
imposé à l’IR et, ainsi, de bénéficier des
abattements pour durée de détention
sur les plus-values. Ceux-ci vous per-
mettent d’être exonérés d’impôt au
bout de vingt-deux ans et des prélève-
être remise en cause (passage à l’IS) en
cours de route en cas de divorce ou de
rupture de pacs. En effet, si le futur
d’experts
ex-conjoint ou partenaire de pacs refu-
se de vendre ses parts, la SARL ne sera
plus familiale. « Il faut prévoir dans les
statuts une clause contraignant le
conjoint ou partenaire de pacs sur le dé-
part à revendre ses parts à un autre as- 100%
socié », conseille Élise Dibou, ingénieur
patrimonial chez Swiss Life Banque
Frais en ligne
privée. réduits (1)
« La société en
participation est simple
et peu coûteuse à créer
car il n’y a pas de transfert
de propriété. Les associés
apportent chacun leurs
immeubles en jouissance
et s’accordent sur la
répartition des revenus.
C’est une bonne option
pour qui n’a pas de schéma
de transmission »
Paul Duvaux avocat fiscaliste
La SARL de famille présente une autre
spécificité. On peut être seul dans ce qui
devient alors une EURL (entreprise uni-
personnelle à responsabilité limitée) de
famille. « L’EURL de famille permet
d’opter pour le micro-BIC, ce qui est im-
possible dans une SARL de famille », Linxea Siège social : 58 avenue Hoche 75008 PARIS SAS au capital
souligne Karine Lecocq, associée- de 106 200 € RCS PARIS 478 958 762. Linxea est immatriculée
gérante chez Lazard Frères Gestion. à l’ORIAS (N°07031073) en tant que COA et CIF Membre de
Il existe un dernier mode de déten- la CNCGP, associaion professionnelle agréée par l’Autorité des Clients Encours
Marchés Financiers (AMF). Linxea est placée sous le contrôle
tion de son bien : la société en partici-
pation. « Elle est simple et peu coûteuse à de l’ACPR. 100 000 3,3 Mds €
(1) 0% de frais d’entrée, de frais de versement, d’arbitrage, et des frais
créer car il n’y a pas de transfert de pro- de gesion réduits au maximum. Hors SCPI, SCI, trackers et acions.
priété. Les associés apportent chacun
leurs immeubles en jouissance et s’accor-
D’autre frais peuvent s’appliquer. Retrouvez l’ensemble des frais dans Rendez-vous sur www.linxea.com
les condiions contractuelles de votre contrat.
dent sur la répartition des revenus. C’est
une bonne option pour qui n’a pas de Document publicitaire dépourvu de valeur contractuelle.
schéma de transmission », assure Paul
A

ments sociaux au bout de trente ans. Duvaux, avocat fiscaliste. ■

Mais attention, la SARL de famille peut V. V.-S.
 30 mardi 26 mars 2024 le figaro DOSSIER

Olivier Puren

La fiscalité reste
inchangée pour les
loueurs en meublé
imposés au régime
réel. Ils peuvent
continuer à
échapper à l’impôt,
en toute légalité.

S’
il y a bien une chose qui
n’est pas simple, c’est la
fiscalité du meublé. Elle a
atteint un niveau de com-
plexité inédit cette année
avec la réforme des loca-
tions saisonnières opérée par la loi de fi-
nances pour 2024. Le résultat d’un raté.
Lors de l’adoption du texte à l’arti-
cle 49.3, le gouvernement a retenu par
erreur - selon ses termes - un amende-
ment qui bouleverse les règles d’imposi-
tion des meublés de tourisme non clas-
sés (de type Airbnb). Les loyers tirés de
la location meublée, qui est considérée
comme une activité commerciale par
l’administration fiscale, sont imposés
comme des bénéfices industriels et
commerciaux (BIC). Selon le niveau des
loyers perçus, les bailleurs sont soit
taxés au micro-BIC, comme des mi-
croentrepreneurs, avec un abattement L’immense majorité des bailleurs a intérêt à choisir le régime réel plutôt que de se contenter de l’abattement forfaitaire du micro-BIC. Pcess609/stock adobe
forfaitaire qui couvre toutes leurs char-
ges, soit taxés à un régime réel d’impo-

Fiscalité des meublés :

sition, comme des entrepreneurs.
Or, la loi de finances pour 2024 a
baissé à 15 000 € seulement, pour les
locations de courte durée non classées,

le régime réel reste imbattable

le seuil de recettes au-delà duquel les
loueurs relèvent automatiquement
d’un régime réel. Ce qui place les
contribuables concernés par cette bas-
cule dans une position délicate puis-
qu’ils ne pouvaient pas l’anticiper et
respecter leurs obligations comptables.
Cette réforme pourrait cependant bien
ne jamais s’appliquer puisque Bercy
permet à ces contribuables de ne pas en
tenir compte et de conserver les an-
ciens plafonds et abattements pour
leurs loyers de 2023 (lire ci-dessous). La
nouvelle fiscalité ne devrait pas davan-
tage s’appliquer aux loyers de 2024 : de
nouveaux changements sont en prépa-
ration. Seule certitude, ceux qui sont
soumis au micro-BIC paieront plus
d’impôts à l’avenir, car l’abattement
forfaitaire sera réduit.
Oasis fiscal
En comparaison, le régime d’imposi-
tion au réel fait figure d’oasis fiscale. Ni
la loi de finances ni les réformes à venir
ne prévoient - encore - d’en modifier
les règles. Surtout, il offre un effet dé-
fiscalisant d’une redoutable efficacité.
L’immense majorité des bailleurs a in-
térêt à le choisir plutôt que de se
contenter de l’abattement forfaitaire du
micro-BIC, qu’ils louent un logement
meublé à des touristes de passage ou à
des locataires qui en font leur résidence
principale ou secondaire.
Et pour cause ! Ils peuvent déduire de
leurs loyers la totalité de leurs char-
ges : primes d’assurance, honoraires
d’agence, dépenses d’entretien et de
réparation, intérêts d’emprunt, taxe
foncière, charges de copropriété, etc.
Surtout, ils peuvent amortir les biens et
les meubles donnés en location. Les
loueurs peuvent inscrire chaque année
une fraction de la valeur du bien dans
leurs charges, variable selon la durée
d’utilisation de chaque élément : 1,5 % à
2 % pour le gros œuvre, 3 % à 4 % pour
la toiture et l’installation électrique,
10 % à 15 % pour le mobilier et les amé-
nagements intérieurs… Seule limite, ni
le terrain sur lequel est édifiée la
construction ni la fraction de l’investis-
sement ouvrant droit à une réduction
d’impôt ne sont amortissables. Cette
spécificité permet de réduire drastique-
ment la base d’imposition. Les amortis-
sements comptabilisés sont déductibles
dans la limite des loyers diminués des
charges. Ils représentent environ
10 000 € par an pendant les douze pre-
mières années de location pour une
maison estimée à 350 000 € (ou 3 500 €
par an pour un studio de 130 000 €). Par
ailleurs, l’excédent d’amortissements
non déduits (la part qui dépasse les
loyers nets de charges) s’impute dans
les mêmes conditions sur les loyers des
années suivantes, sans limite de temps,
tant que dure la location. Cette règle
permet de gommer ses revenus impo-
sables durant de nombreuses années.
Celles au cours desquelles on supporte
beaucoup de charges, le stock de déficit
grossit. Et celles au cours desquelles les
charges diminuent, on l’utilise pour
neutraliser le bénéfice imposable. À la
clé, de substantielles économies d’im-
pôt et de prélèvements sociaux
(17,2 %), voire une exonération totale
des deux.
Quelques contreparties
Cette fiscalité très favorable du régime
réel a une contrepartie : il impose de
tenir une comptabilité commerciale,
obligation dont sont dispensés les
contribuables soumis au régime micro-
BIC. Il faut établir un compte de résultat
et un bilan à l’actif duquel sont inscrits
les biens et meubles loués. Ces
contraintes sont allégées pour la plu-
part des loueurs, soumis au régime réel
dit « simplifié », mais cela impose
néanmoins d’avoir un livre-journal des
recettes et dépenses, un livre-inventai-
re du mobilier, etc. Puis, chaque année,
il faut remplir une liasse fiscale com-
prenant une déclaration n° 2031 et des
tableaux annexes, adressée en ligne au
service des impôts des entreprises au
plus tard mi-mai. Cela entraîne des
frais (expert-comptable, logiciel,
abonnement à un site simplifiant les
démarches…), mais ils sont déductibles.
Convaincu par l’intérêt du réel ? Si vos
loyers annuels (charges comprises)
vous placent sous le régime du micro-
BIC, vous avez encore deux mois pour
choisir le réel pour vos loyers de 2024. ■

Comment faire face Trois sites pour faciliter la gestion fiscale

aux incertitudes pour 2024 et comptable de sa location

L
e tour de vis fiscal opéré par flou, le plus sûr reste de se préparer Laura Makary La plateforme est bien faite, j’ai mis ment. Pour mes questions, j’ai pu faci-
la loi de finances pour 2024 a au pire. En gardant en tête que le ré- quelques heures à entrer mes dépenses de lement avoir un interlocuteur en visio »,

réduit de 77 700 € à 15 000 €
le plafond de loyers permet-
tant aux loueurs de meublés de tou-
risme non classés (Airbnb…) de bé-
néficier du régime micro-BIC, et de
50 % à 30 % l’abattement applicable
sur leurs loyers. Mais le gouverne-
ment a neutralisé cette baisse le
14 février dernier : par le Bulletin offi-
ciel des finances publiques (Bofip), il a
autorisé les propriétaires à retenir les
anciens seuils et abattements du mi-
cro-BIC pour l’imposition des loyers
de 2023. En dépit des recours enga-
gés début mars par des parlementai-
res et des hôteliers devant le Conseil
d’État, cette mesure de faveur de-
vrait bel et bien jouer. « Pour des rai-
sons de sécurité juridique, l’annula-
tion, lorsqu’elle est prononcée par le
Conseil d’État, n’est pas rétroactive »,
rassure Frédéric Douet, professeur
de droit fiscal à l’université de
Rouen-Normandie.
Reste l’inconnue de la fiscalité des
loyers perçus en 2024. L’exécutif a
fait savoir qu’il corrigerait le texte
modifié par la loi de finances et une
proposition de loi envisage, pour les
meublés de tourisme classés, de ré-
duire le seuil du micro-BIC de
A
gime d’imposition (micro ou réel) dé-
pendra des loyers perçus en 2022 ou
en 2023, et pas du montant encaissé
cette année. S’ils dépassent 15 000 €
(meublés non classés) ou 30 000 €
(meublés classés) en 2022 et 2023, vos
loyers de 2024 pourraient automati-
quement sortir du micro-BIC.
Passer au régime réel
La solution pour ne pas subir un tel
aléa ? Adopter le très avantageux ré-
gime fiscal du réel. Il faut pour cela
adresser une lettre au fisc, par cour-
rier ou mail, pour l’informer de ce
choix à compter de 2024. Vous avez
jusqu’à la date limite de dépôt de vo-
tre déclaration des revenus de 2023
pour le faire (entre le 20 mai et le
6 juin 2024 selon votre lieu de rési-
dence). Cela suppose aussi de tenir
une véritable comptabilité et de
contacter sans délai un cabinet comp-
table ou d’investir dans un outil de
gestion en ligne. Vous serez ainsi en
mesure d’établir les documents requis
pour remplir vos obligations fiscales
en 2025. Cela vous évitera la mauvaise
surprise d’être automatiquement
soumis au régime réel pour vos loyers
de 2024, alors que vous relevez
P
our aider les loueurs en meublé
au réel à remplir leurs obliga-
tions comptables et fiscales,
plusieurs sites proposent des
solutions simples, peu onéreuses et dé-
ductibles des recettes. En voici trois,
plébiscitées par leurs utilisateurs.
■ JD2M, le leader
de la comptabilité
pour les non-professionnels
Créé en 2012, cet « e-cabinet » se dédie
à la fiscalité des loueurs en meublé non
professionnels (LMNP). « Notre objectif
est de simplifier les démarches de décla-
ration, notamment en identifiant les dif-
férentes dépenses amortissables », ex-
plique Baptiste Bochart, juriste chez
JD2M (Jedéclaremonmeublé.com). Im-
matriculation, impôts, recettes et dé-
penses, transmission de la liasse fisca-
le… Toutes les démarches y sont
fléchées. L’entreprise revendique
35 000 clients. Parmi eux, Martin,
bailleur d’un appartement dans les
Hauts-de-Seine, qui cherchait une so-
lution face à la « complexité administra-
tive affreuse » du LMNP. Il tombe sur les
guides gratuits du site et souscrit à l’of-
fre la plus complète. « La principale dif-
l’année, entre amortissements et char-
ges. Cela m’a fait gagner du temps, je
suis sûr de ne rien oublier et de ne pas me
tromper. » La formule « Essentielle » est
facturée 289 € par an, la formule « In-
tégrale » (avec signature d’un expert-
comptable), 599 € par an.
■ Qlower, pour les LMNP,
les LMP et les SCI
Faciliter, voire automatiser la déclara-
tion de revenus locatifs des loueurs en
meublé professionnels, non profes-
sionnels et des sociétés civiles immobi-
lières, telle est la promesse de Qlower,
fondé en 2020 (3 000 utilisateurs).
« Pour nos clients, tout passe par la pla-
teforme. S’ils connectent leur compte en
banque, nous retrouvons toutes les tran-
sactions liées au bien, et la déclaration
est alors très rapide », détaille Christo-
phe Duprat, CEO. Chaque déclaration
fiscale est vérifiée par un comptable
partenaire. « Une complémentarité hu-
main-machine essentielle à nos yeux »,
souligne le dirigeant. Pauline, proprié-
taire d’un appartement en Haute-Sa-
voie, a trouvé le site simple et intuitif.
« Pour la première déclaration, il faut
prendre le temps de réunir les docu-
décrit-elle, satisfaite. Il en coûte 240 €
par bien et par an.
■ Rentila, l’assistant qui gère
aussi les rapports locatifs
Quittances, révisions de loyers,
contrats, suivis des paiements… L’offre
de Rentila couvre les rapports locatifs,
avec un tableau de bord pour suivre ses
locations. « Rentila n’est pas un logiciel
de comptabilité, mais de précomptabilité.
L’outil propose une aide à la déclaration
qui consiste en un résumé des revenus
imposables et des dépenses déductibles
poste par poste », précise Roumen
Gueorguiev, fondateur de l’entreprise,
créée en 2008. La télétransmission de la
liasse fiscale est possible, depuis cette
année. Rentila revendique 50 000 utili-
sateurs (gratuits et payants). Arnaud,
propriétaire de deux studios à Besan-
çon, l’utilise depuis quatre ans : « Com-
me tout logiciel, cela ne restitue que ce
que vous y saisissez. Il faut prendre l’ha-
bitude d’entrer ses dépenses au fur et à
mesure. Cela me permet à la fin de l’an-
née d’avoir un récapitulatif rapide et
précis, que je peux envoyer à mon ex-
pert-comptable. » Des fonctionnalités
gratuites et une offre « Silver » à 49 €

188 700 € à 30 000 € et l’abattement aujourd’hui du régime micro-BIC. ■ férence est qu’un expert-comptable si- ments et effectuer les démarches. Ensui- par an et « Gold » à 99 € (gros
forfaitaire de 71 % à 30 %. Face à ce O. P. gne la liasse fiscale, ce qui est rassurant. te, cela demande moins d’investisse- bailleurs). ■
 Crédit photo : Getty Images/andresr.
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 32 mardi 26 mars 2024 le figaro DOSSIER

Ces multiples taxes qui pèsent sur le meublé

Nathalie Cheysson-Kaplan

Les loueurs ignorent souvent qu’ils doivent payer non seulement la taxe foncière, mais aussi parfois la taxe
d’habitation et la contribution foncière des entreprises. Ils sont également redevables de droits à la Sacem.

E
n tant que propriétaires, foncière des entreprises (CFE). Peu im- la CFE est due en totalité à partir de la re). Par ailleurs, lorsque le paiement de selon qu’on relève du régime réel d’im-
les loueurs en meublé sont porte qu’elle soit exercée à titre profes- troisième année », explique Baptiste Bo- la taxe est prévu, un dispositif spécifi- position ou du micro. Enfin, pour les lo-
redevables de la taxe fon- sionnel ou non. « Une exonération est chart. Mais de nombreux cas d’exoné- que permet de demander un dégrève- cations de courte durée, dès lors que le
cière ainsi que de la taxe toutefois prévue au titre de la première ration existent, notamment en faveur ment lorsque son montant excède logement est pourvu d’un dispositif de
d’enlèvement des ordures année d’activité. Mais il s’agit de la pre- des meublés classés, pour les contri- 1,625 % de la valeur ajoutée (c’est le cas diffusion de musique (TV, radio, strea-
ménagères et de la taxe mière année civile. Autrement dit, si vous buables qui perçoivent moins de lorsque le bailleur est en déficit). Le dé- ming…), il faut payer chaque année un
pour la gestion des milieux aquatiques démarrez votre activité en novem- 5 000 € de loyers par an ainsi que pour grèvement lié au plafonnement au titre forfait annuel de droits d’auteur auprès
et la prévention des inondations (Ge- bre 2024, l’exonération ne portera que ceux qui louent tout ou partie de leur de 2023 doit être demandé au plus tard de la Sacem de 152,18 € TTC, ramené à
mapi) dans les villes où ces deux der- sur l’année 2024. La deuxième année, la résidence principale ou secondaire le 31 décembre 2024 sur un imprimé 121,75 € TTC si vous vous enregistrez
nières taxes ont été instituées. La taxe base d’imposition est réduite de moitié et (sauf si la commune a prévu le contrai- spécial (n°1327-CET ou n°1327-S-CET), spontanément sur son site sacem.fr. ■
foncière et la taxe Gemapi ne sont pas
récupérables sur le locataire mais elles
sont déductibles des loyers imposables,
pour les loueurs imposés au régime
réel. Quant à la taxe d’enlèvement des
ordures ménagères, elle est récupé-
rable sur le locataire mais n’est pas
déductible.
S’agissant de la taxe d’habitation,
c’est en principe le locataire au 1er jan-
vier qui en est redevable lorsqu’il s’agit
d’une location meublée de longue du-
rée. Mais dans la mesure où les résiden-
ces principales sont exonérées de taxe
d’habitation, les locataires n’ont en gé-
néral pas à la payer. Conséquence : si le
logement n’était pas loué au 1er janvier,
c’est en principe le propriétaire qui est
censé payer la taxe d’habitation. « Il
peut toutefois y échapper en prouvant
que le bien est bel et bien destiné à la lo-
cation mais qu’il n’avait pas trouvé de
locataire au 1er janvier », explique Bap-
tiste Bochart, juriste chez Jedéclare
monmeublé.com (JD2M). Pour les loca-
tions de courte durée, le Conseil d’État
a rappelé dans un arrêt récent (15 juin
2023, n°468 195) que c’est le propriétai-
re qui est redevable de la taxe d’habita-
tion car il peut être « regardé comme
entendant conserver au 1er janvier de
l’année considérée, la disposition ou la
jouissance de son logement au cours de
cette année » dès lors qu’il lui est loisible
d’accepter ou de refuser les périodes de
location.

Des dégrèvements possibles Le propriétaire est redevable de la taxe d’habitation dans le cas d’une location meublée de courte durée. HJBC/stock adobe
Dans les zones de revitalisation rurales
(ZRR), les collectivités locales peuvent
toutefois décider d’exonérer les pro-
priétaires de meublés classés et de
chambres d’hôte. Cette exonération
n’est pas automatiquement accordée.
Pour en bénéficier, il faut déposer cha-
Comment gonfler sa retraite en tant que loueur
que année, avant le 1er janvier, une dé-

T
claration accompagnée de tous les do-
cuments justifiant de l’affectation des
locaux. Lorsque cette exonération n’est
pas prévue, le propriétaire peut néan-
moins échapper à la taxe d’habitation à
condition d’apporter la preuve qu’il ne
peut pas disposer de son logement
comme il l’entend. « En pratique, cela
signifie qu’il doit avoir signé un mandat
de gestion avec un agent immobilier titu-
laire d’une carte professionnelle dite car-
te G », ajoute Baptiste Bochart. Ce man-
dat doit notamment préciser que le
logement est disponible tout le temps et
que le propriétaire n’aura pas la possi-
bilité de s’en réserver l’usage à certai-
nes périodes.
Dans une mise à jour récente du Bul-
letin officiel des finances publiques
(Bofip du 8 novembre 2023), l’adminis-
tration fiscale a indiqué que la location
meublée est passible de la contribution
ant que vous percevez moins
de 23 000 € de loyers par an,
la location meublée, qu’elle
soit de courte ou de longue
durée, relève de la gestion de votre
patrimoine privé. Conséquence : vous
n’avez pas de cotisations sociales à
payer. En plus de l’impôt sur le reve-
nu, vos loyers imposables supportent
17,2 % de prélèvements sociaux au ti-
tre des revenus du patrimoine (7,5 %
pour les non-résidents européens). En
revanche, au-delà de 23 000 € de
loyers par an, la location meublée sai-
sonnière de courte durée (de type Air-
bnb) est toujours considérée comme
une activité professionnelle. La loca-
tion meublée de longue durée l’est
également, mais uniquement si vos
loyers, supérieurs à 23 000 € par an,
dépassent aussi le montant des reve-
nus professionnels de votre foyer fis-
cal. Dans ces deux situations, vous de-
vez obligatoirement vous affilier à la
sécurité sociale des indépendants (SSI,
ex-RSI) et payer des charges sociales.
Cela n’est pas forcément une mauvaise
affaire.
Des trimestres gagnés
grâce aux cotisations
Tant que vous n’avez pas demandé le
versement de vos retraites, les cotisa-
tions sociales que vous allez payer
pour votre activité de location meu-
blée vont vous permettre d’acquérir
des droits supplémentaires pour votre
retraite, notamment des trimestres.
Quels que soient le ou les régimes dans
lesquels vous cotisez par ailleurs pour
votre activité professionnelle, ces
trimestres seront pris en compte le
moment venu – dans la limite totale de
4 par an - pour calculer votre durée
d’assurance dite « tous régimes
confondus ». Or c’est cette durée qui
détermine le taux de votre pension si
vous demandez à la percevoir avant
67 ans.
Comme dans les autres régimes, les
trimestres cotisés ne sont pas dé-
comptés de date à date mais en fonc-
tion du montant de vos cotisations.
Celles-ci sont assises sur vos bénéfi-
ces, c’est-à-dire sur le montant de vos
loyers après déduction de vos charges
(comptez un peu plus de 8 800 € de
charges pour 40 000 € de loyers).
Pour valider un trimestre, il faut coti-
ser sur la base d’un bénéfice au moins
égal à 150 fois le smic horaire en vi-
gueur au 1er janvier. Il suffit donc
d’avoir réalisé 1 747,50 € de bénéfice
pour valider un trimestre et 6 990 €
pour en valider 4. Mais si vous êtes im-
posé au réel et constatez un déficit
grâce à la prise en compte des amor-
tissements (ce qui est l’objectif re-
cherché), vous n’aurez que la cotisa-
tion annuelle minimale à payer. Cette
cotisation minimale - 931 € en 2024 -
vous permet de valider 3 trimestres
par an.
Autrement dit, si vous cherchiez
une solution pour arrêter de travailler
le plus tôt possible, y compris avant
l’âge de la retraite, la location meublée
peut vous permettre de continuer à
engranger des trimestres et d’attein-
dre la durée d’assurance requise pour
bénéficier du taux plein avant 67 ans.
Une solution nettement moins coû-
teuse qu’un rachat de trimestres à la
dernière minute pour lequel il faut
compter entre 3 000 € et 6 000 € le
trimestre, selon l’option choisie et le
niveau de vos revenus. ■
N. C.-K.

Y a-t-il encore un intérêt à faire classer son meublé ?

Frédérique Schmidiger avancé par Bercy et la direction géné- tendues où il existe un déséquilibre en- taxe de séjour. S’il n’est pas classé, il Certains défauts d’entretien sont rédhi-
rale des entreprises. tre la demande et l’offre de logement, la versera 5 % du prix de la nuitée. Sur les bitoires, même pour une seule étoile
Là où le classement du meublé fait fiscalité du meublé classé au micro-BIC séjours à la semaine et les très beaux (moisissure, peinture écaillée, sol ta-

L
a plateforme Airbnb a donné
un sérieux coup de vieux au
classement des locations de
tourisme. Pour choisir un hé-
bergement, le premier réflexe, désor-
mais, est de lire les avis récents laissés
par les autres vacanciers. Peu importe
s’il est classé, ou non, et affiche 3, 4 ou
5 étoiles, tant que la note des précé-
dents occupants est bonne. Seuls
98 500 foyers déclarent d’ailleurs
louer un local classé meublé de touris-
me, à en croire la commission des fi-
nances de l’Assemblée nationale, lors
de l’adoption de la loi de finances
pour 2024. Une goutte d’eau compa-
rée aux quelque 600 000 annonces
A
encore la différence, c’est en matière
fiscale. Pour les loyers perçus en 2023,
les propriétaires ont conservé un seuil
d’imposition au micro-BIC de
188 700 € et ils bénéficient encore de
l’abattement forfaitaire pour leurs
charges de 71 %. Ce seuil et cet abatte-
ment ont vocation à baisser, mais un
régime de faveur devrait être maintenu
au profit des petits loueurs dont les
biens sont situés en dehors des zones
touristiques et des grandes villes. Le
gouvernement et les parlementaires
entendent en effet encourager le déve-
loppement d’une offre de locaux de
tourisme dans les lieux où ils ne
concurrencent pas les hôteliers et ne
devrait se rapprocher de celle du non
classé : même abattement de 30 % mais
un plafond de recettes qui resterait un
peu plus élevé (30 000 € au lieu de
15 000 €).
Une taxe de séjour fixe
Dans les communes qui ont instauré
une taxe de séjour, le classement a aussi
une incidence sur cette taxe que les
loueurs (ou leur plateforme) doivent
réclamer aux vacanciers et reverser à
l’État. Son montant est fixe pour les
meublés classés (il dépend du nombre
d’étoiles) tandis qu’elle prend la forme
d’un pourcentage (1 % à 5 %) sur le prix
de la nuitée pour les non classés. Pour
meublés, l’économie peut se sentir. En-
fin, en étant classé - et en adhérant
(gratuitement) à l’agence nationale des
chèques vacances (ANCV) - on peut ac-
cepter ce mode de règlement. Un plus
indéniable pour accueillir les vacan-
ciers qui en font un critère de choix.
Voilà pour les avantages. Les
contraintes, à mettre en balance, res-
tent raisonnables. Le coût s’élève en
général à moins de 200 €, à verser à
l’organisme chargé de délivrer le clas-
sement après une visite d’inspection
(selon une grille de 133 critères). Il est
valable cinq ans. La question se pose
davantage s’il est nécessaire d’engager
des travaux ou de renouveler les équi-
ché…). La surface du logement entre en
ligne de compte (26 m² minimum pour
un studio avec coin cuisine accueillant
deux personnes pour 5 étoiles, 12 m²
pour 1 étoile). La présence d’un lave-
vaisselle, d’un lave-linge ou la largeur
des lits (140 ou 160) jouent aussi. Un ac-
cès internet à haut débit s’impose pour
4 ou 5 étoiles. La grille complète fixée
par arrêté est consultable sur le site pu-
blic Atout France (atout-france.fr), de
même que la liste des organismes
agréés (offices de tourisme, Clévacan-
ces…) ou accrédités à contacter pour
l’inspection. Une fois vos étoiles décro-
chées, vous pourrez arborer sur votre
location la plaque bleue « meublé de

répertoriées en France sur la seule privent pas les ménages d’un toit pour un appartement à Bordeaux, classé pements pour obtenir le nombre tourisme », avec l’estampille du minis-
plateforme Airbnb, selon le chiffre se loger. En revanche, dans les zones 5 étoiles, le locataire paiera 3,30 € de d’étoiles ciblé (l’échelle va de 1 à 5). tère chargé du tourisme. ■
 patrimoine le figaro mardi 26 mars 2024 33

Quels ETF
privilégier
pour investir
responsable ?
Romain Thomas

De plus en plus de fonds indiciels

se mettent au vert.

L
es ETF (pour Exchanged
Traded Funds), aussi appe-
lés trackers, sont devenus
incontournables pour les
investisseurs en Bourse. Ils
le sont également pour
ceux désireux de privilégier les entre-
prises aux meilleures pratiques en ma-
tière environnementale, sociale et de
gouvernance (ESG). Avec des encours
sous gestion multipliés par 10 au cours
de ces cinq dernières années, les actifs
sous gestion des quelque 1 500 ETF ESG
dépassent désormais le seuil symboli-
que des 1 200 milliards de dollars au ni-
veau mondial, d’après le cabinet ETFGI.
Il faut dire que ces fonds indiciels co-
tés en Bourse en continu sont très faci-
les à négocier, tout en affichant des frais
de gestion modérés comparés à ceux
des fonds traditionnels. À la différence
des fonds actifs, les ETF se contentent
de répliquer le plus fidèlement possible
l’évolution d’un indice boursier, à la
hausse comme à la baisse, quelle que
soit sa classe d’actifs (actions, obliga-


















tions…). Exemple avec l’iShares MSCI
World SRI, un ETF (7 milliards d’euros
sous gestion) qui réplique la perfor-
mance des 410 entreprises les plus ver-
tueuses parmi les 1 500 composants le
MSCI World.
« La thématique ESG reste relative-
ment floue et veut simplement dire que la
société en charge de la construction du
tracker a pris en compte des critères ex-
trafinanciers ESG dans la composition de
son indice boursier de référence », expli-
que Aurore Pinon-Jacques, cofondatri-
ce du courtier Goodvest, spécialiste des
placements responsables. Il convient
donc de rester particulièrement vigi- Les encours sous gestion des quelque 1 500 ETF (Exchanged Traded Funds) en matière environnementale, sociale
lant avant d’investir car l’utilisation et de gouvernance (ESG) ont été multipliés par 10 au cours des cinq dernières années. Arthon/stock adobe
abusive du terme ESG est fréquente
chez les professionnels. Pour s’y re- indices climatiques de l’Union euro- ETF sont notamment proposés par des feuille, tout en restant attentif à ne pas se
trouver, il existe néanmoins des points péenne (PAB Paris-Aligned Benchmark sociétés de gestion comme Amundi ou disperser. » Il faut également tenir
de repère qui permettent d’éclairer les et CTB Climate Transition Benchmark). encore BNP Paribas. compte des éventuels problèmes de li-
choix d’investissement : les labels. Il en Ces trackers permettent de privilégier quidité. Il est parfois possible que la
existe plusieurs en Europe, qui n’ont les sociétés visant à atteindre des tra- Précautions à prendre performance d’un tel ETF s’écarte tem-
pas tous les mêmes exigences, même si jectoires de décarbonation progressive, Avec ces ETF ESG thématiques, l’épar- porairement de celle de son indice de
le plus répandu en Europe est le label en ligne avec les objectifs de l’Accord gnant s’expose néanmoins à davantage référence, en particulier en période de
ISR, délivré par l’État français. de Paris, le traité international sur le de risques, compte tenu d’une moindre forte turbulence sur les marchés finan-
« On dénombre près d’une centaine réchauffement climatique adopté en diversification sectorielle. Aurore Pi- ciers. Une apparente simplicité d’accès
d’ETF ESG disponibles sur le marché 2015 et dont l’objectif est de limiter à non-Jacques recommande d’investir des ETF ESG, il convient donc de faire
français et ayant obtenu le label ISR ou 2 degrés l’augmentation de la tempéra- dans différents trackers « afin d’accen- son choix en prenant beaucoup de pré-
Greenfin », précise Aurore Pinon-Jac- ture mondiale à l’horizon 2100. De tels tuer le niveau de diversification du porte- cautions. ■
ques. Tous font aussi l’objet d’une clas-
sification selon la norme européenne
SFDR (Sustainable Finance Disclosure
Regulation), sur une échelle allant de
6 à 9, en fonction de leur degré de prise
en compte des critères ESG. Pour véri-
tablement choisir un ETF vert, il
convient donc de choisir un ETF rele-
vant de l’article 9, présenté comme le
plus vertueux par le régulateur.
Viser des approches
thématiques
Pour se positionner sur des ETF centrés
sur les entreprises respectueuses de
l’environnement, vous pouvez égale-
ment vous tourner vers des ETF théma-
tiques, à l’image de ceux conformes aux

L’investissement à impact
se développe en Bourse
Emmanuel Schafroth sur un seul secteur. Reste à trouver des

&





#

%
outils de mesure fiables. « Il est difficile

L’
d’obtenir des métriques d’impact de la
investissement durable s’est part des entreprises lorsqu’elles ne sont
d’abord intéressé aux bonnes pas publiées », explique Marina Iodice.

pratiques sociales   
et environ-  
D’où la 
nécessité 
d’un dialogue 
avec les 





  
nementales des entreprises. sociétés quand, dans le non-coté, les


L’investissement dit à impact va un investisseurs ont souvent un contrôle    


 







cran plus loin : il cultive la double am- direct, donc une facilité à récupérer des


  

bition d’être à la fois performant finan- données fiables. 

    
cièrement et de générer un  impact 
so- 

 
  
cial ou environnemental  tangible,
  au
 Stratégies

 ciblées 
  
travers des produits et services propo- Les fonds actions dédiés à l’impact of- 
  
sés par les entreprises. Ils’agit
  donc
 frent

  des stratégies plus ciblées que les 

  
pour les investisseurs de rechercher la fonds durables classiques. Le fonds 
  
   
production d’un impact positif, de le  

 
Ubam Positive Impact Equity, géré par 
  
quantifier et de démontrer qu’il a une la banque suisse UBP, cible ainsi une 

  
valeur additionnelle  
par  
rapport à
 
cinquantaine d’actions européennes et 

     
l’existant. Ainsi, l’investissement dans privilégie actuellement les secteurs de 
    
un champ d’éoliennes aura une addi- la santé (AstraZeneca, Novo Nordisk) et
tionnalité d’autant plus forte s’il de l’industrie (Schneider Electric).
     
concerne un pays où l’électricité pro-

  
 $     $ 
"  !     
Chez l’anglais Schroders, l’investisse-
 




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vient encore beaucoup du charbon.      $
ment  à!  "
impact 
a"  
donné  !  
naissance à
!


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L’investissement à impact est né dans deux stratégies actions spécifiques,
le non-coté, mais est aujourd’hui adop- l’une sur les marchés émergents et
té par des fonds investis en actions co- l’autre sur les petites capitalisations
tées en Bourse, l’intérêt étant de passer américaines.
à une échelle plus large via des sociétés Certains fonds actions à impact en- Chez BDL Capital Management,
de plus grande taille. « Nous cherchons tendent se focaliser sur un thème précis. nous mettons nos convictions au service
des entreprises apportant des solutions C’est le cas pour Ubam Biodiversity
à des défis environnementaux et so- Restoration, toujours chez UBP. « En de votre épargne.        
ciaux. L’investissement à impact, c’est matière de biodiversité, la donnée parfai-
l’ESG 2.0 », se félicite Marina Iodice, te n’existe pas, mais nous utilisons des in-
gérante de portefeuilles d’actions à im- dicateurs de l’activité des entreprises - le
pact chez Goldman Sachs AM. volume filtré chaque année par un acteur
Cette transposition à l’univers du d’épuration d’eau, par exemple - pour
coté ne va pas sans obstacles. « Dans
  les évaluer leur impact sur les écosystèmes
  », Découvrez nos fonds BDL Rempart & BDL Convictions




actions cotées, l’impact est plus indirect,



explique Adrien Cambonie, cogérant 



 
du
     sur bdlcm.com ou parlez-en à votre conseiller financier.
reconnaît Annick Drui, gérante du fonds. Ici, le secteur de l’industrie se
fonds BL Global Impact chez BLI (Ban- taille la part du lion, via des acteurs peu
que de Luxembourg Investments).  
Nous

 
ou


pas

présents
   
dans
 

les

grands
 
 
indices
   








 

 
 
 
utilisons le cadre des objectifs de déve- boursiers comme les sociétés d’ingénie-
loppement durable des Nations unies, A! 

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est théorique, mais que nous avons décli- 

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d’impact passe aussi par le reversement 
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éviter une concentration des risques impact clairement mesurable. ■
 mardi 26 mars 2024 LE FIGARO - N° 24 755 - Cahier N° 4 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

moto Arts
le trail bMW R 1300 GS, machine Le centre pompidou à Paris
la plus vendue au monde, revient consacre une magnifique
entièrement remodelé Page 37 rétrospective à Brancusi Page 39

Les bunkers, ces improbables

Joerg Kuenstle ; François Bouchon/Le Figaro ; Planungsb̈ro Bunker ; Kazak Productions/Frakas Productions/France 3 Cinema 2023/Ad Vitam

destinations en béton armé

Hôtel, restaurant, galerie
d’art… Ces vestiges
inquiétants de la Seconde
Guerre mondiale abritent
d’atypiques
lieux créatifs.
Page 36

Le nouvel hôtel Reverb

by Hard Rock ouvrira
fin mai dans le bunker
de la Feldstrasse, à Hambourg.

Les profs,
nouveaux héros
du cinéma
Page 38

François Civil
dans Pas de Vagues,
de Teddy Lussi-Modeste.

Au Festival de Pâques, « Elektra » à deux doigts du rêve

Christian Merlin envoyé spécial à Baden-Baden (Allemagne)

Porté par un Kirill Petrenko et un Philharmonique de Berlin éblouissants, l’opéra de Strauss souffre d’une mise en scène lourde.

L
es anciens le rapportent
à l’envi : quand on allait
voir un opéra à Salz-
bourg du temps de Ka-
rajan, c’était… pour Karajan ! Au
Festival de Pâques de Baden-Ba-
den, Kirill Petrenko et le fabuleux
Philharmonique de Berlin pour-
ront se vanter d’avoir refait de la
musique l’attraction principale
d’un spectacle lyrique. Surtout
s’agissant d’un opéra aussi or-
chestral qu’Elektra.
Petrenko réussit une fois de
plus la quadrature du cercle. Vifs
installent d’emblée une tension
qui ne se relâchera pas. La puis-
sance de feu surhumaine des Ber-
liner se fait tranchante, oubliant
toute velléité de confort. Mais ce
n’est pas tout ! Les décibels ne
sont jamais un but en soi, cette
barrière sonore restant toujours
transparente, riche d’une palette
de couleurs et de plans sonores
que l’on soupçonnait à peine.
Mais cela ne suffit pas encore.
Quand il s’agit d’être lyrique, Pe-
trenko se souvient que le Bavarois
Strauss était un Viennois d’adop-
cordes avec une tendresse pas-
sionnée. Quand réentendra-t-on
autant de facettes dans Elektra ?
Une direction d’acteurs
négligée
À ce stade, on en conclurait vo-
lontiers que l’on a assisté à un
Elektra de rêve. C’est plus
compliqué. Ce n’est pas la pre-
mière fois que l’on quitte le Fes-
tival de Pâques de Baden-Baden
avec une frustration. Car un
opéra, c’est aussi du théâtre. Or,
celui-ci pèche souvent dans ce
Stölzl est lourd, gris et statique,
dans des éclairages peu subtils.
Une mise en scène de décorateur,
qui comptait sur la scénographie
pour suggérer les rapports entre
les personnages. En l’occurrence,
un énorme mur découpé en ti-
roirs qui peuvent former d’im-
menses marches d’escalier ou un
mausolée oppressant. Idée plau-
sible sur le papier, mais dont la
réalisation fait obstacle à l’in-
carnation des personnages et du
texte. Celui-ci est projeté sans in-
terruption sur le décor, avec une
centuation du mot : procédé vite
fatigant, surtout s’il remplace une
direction d’acteurs négligée. On
en arrive presque au comique in-
volontaire quand les personnages
assassinés rampent ou débarou-
lent, faisant basculer dans l’anec-
dotique cette pièce vertigineuse.
De la distribution, on retiendra
d’abord la Clytemnestre de Mi-
chaela Schuster, qui réussit un nu-
méro fabuleux en femme au bord
de la crise de nerfs. Peu servie par
la mise en scène, la Chrysothémis
d’Elza van den Heever n’ouvre pas
bérant sa lumière qu’une fois
chauffée. Nina Stemme fait-elle
bien de garder le rôle d’Elektra à
son répertoire, à ce stade de sa
carrière ? Cette immense artiste a
toujours un grave de bronze, mais
son aigu est désormais soit forcé,
soit escamoté, cette lutte avec le
matériau ne s’accompagnant pas
d’un gain en incarnation, d’autant
que la direction d’acteurs la laisse
très seule. Frustration à ajouter à
une représentation que l’on
chérira une fois de plus pour le
chef et l’orchestre, il est vrai sur-
A

jusqu’à être haletants, ses tempi tion, et fait soudain chanter les festival. Le spectacle de Philipp typographie différente selon l’ac- tout de suite sa voix lyrique, ne li- naturels. ■
 36 mardi 26 mars 2024 le figaro
Le bar du nouvel hôtel
Reverb by Hard Rock,
qui ouvrira fin mai, à Hambourg
dans le gigantesque bunker
de la Feldstrasse, situé
dans le quartier de St Pauli.
RIMC
E
t si la musique triomphait
des cauchemars du passé ?
Elle adoucit les mœurs,
dit-on. Osons croire
qu’elle adoucit les murs.
Au cœur de Hambourg, à
St Pauli, le nouvel hôtel Reverb by Hard
Rock ouvrira fin mai dans le bunker de
la Feldstrasse, témoin encombrant du
passé nazi. Sinistre géant de béton, il
comptait parmi une série de huit Fläk-
turme, tours de défense antiaérienne
installées également à Berlin et à Vien-
ne. Érigé en cent jours en 1942 par 3000
travailleurs forcés, il abrita jusqu’à
25 000 personnes durant les raids aé-
riens français et anglais de la Seconde
Guerre mondiale. Le conflit terminé, sa
destruction s’est avérée trop onéreuse
et dangereuse. Voyez : des murs de
3,8 mètres d’épaisseur, une superficie
de 75 mètres par 75 mètres au sol et
38 mètres de haut (soit la taille d’un
immeuble de plus de 15 étages) ! Le
bunker est resté debout. Les Hambour-
geois se sont habitués à sa présence
tandis que les touristes le regardent
comme une inquiétante curiosité.
Expérience sensorielle
En travaux depuis 2019, le blockhaus
s’est agrandi de cinq étages coiffés d’un
immense jardin. Lequel sera bientôt ac-
cessible à tous par un chemin extérieur,
accroché à la façade, semblant mener
au ciel. Au total, 10 000 mètres carrés
d’espaces verts et communs seront
créés où près de 4 700 plantes ligneuses
et 16 000 plantes vivaces seront plan-
tées. Bientôt, la verdure débordera sur
les murs gris de la couleur d’un jour de
pluie. La surélévation comptera des sal-
les d’expositions, de spectacles et un
hall sportif.
« Modifier la construction d’une an-
cienne tour antiaérienne, rappelant le
chapitre le plus sombre de l’histoire alle-
mande, en faire un lieu de loisirs tout en
créant une oasis urbaine, est un projet
sensible. La protection du monument, la
culture du souvenir et le respect de l’his-
toire jouent ici un rôle important », souli-
gne Marek Riegger, PDG de RIMC Ho-
tels & Resorts qui exploitera l’hôtel
Reverb by Hard Rock, le premier en
Europe après Atlanta. « C’est un projet
unique, non seulement en Allemagne,
mais probablement dans le monde entier.
La clé est de ne pas cacher l’histoire, mais
de créer un lieu de mémoire vivant. »
L’hôtel Reverb by Hard Rock comptera
134 chambres et suites avec vue saisis-
sante sur la ville. Elles conjugueront le
concept « vert », du bâtiment à la do-
motique et à la technologie de pointe.
Côté table, le chef étoilé Frank Rosin,
connu pour ses émissions de télévision,
donnera le rythme au restaurant Karo
& Paul comme conseiller gastronomi-
que – il a par ailleurs enregistré plu-
sieurs disques. Pour lui, la musique et la
cuisine vont de pair. « Les deux célè-
brent le plaisir et la vie ! », écrit-il. La
musique, signature de la marque Re-
verb by Hard Rock, court depuis long-
temps dans les couloirs du bunker. Dès
les années 1990, des sociétés de pro-
duction musicale s’y sont installées, aux
côtés de studios de photographes. L’hô-
tel jouera une autre partition en ac-
A
cueillant de jeunes artistes en résidence
dans ses trois appartements dédiés.
L’ÉVÉNEMENT
Guerre et paix,
les nouvelles
vies des bunkers
Bérénice Debras
Hôtel, restaurant, galerie d’art contemporain…
Les bunkers de la Seconde Guerre mondiale
s’ouvrent à des projets pacifiques. Une façon
de se réapproprier un patrimoine militaire
souvent à l’abandon alors que l’on célèbre
bientôt le 80e anniversaire du Débarquement.
L’art, on le sait, n’a que faire des
frontières et des murs. Il investit les es-
paces clos et obscurs des bunkers. Con-
frontées au béton, peint ou non, les
œuvres prennent une autre dimension.
À Berlin, la Boros Collection ouvrait ses
portes en 2008 sur des enfilades de sal-
les aux murs rappelant l’histoire - im-
pacts de balles de la Seconde Guerre
mondiale et graffitis des soirées hard-
core des années 1990. Cette collection
d’art contemporain des plus grands ar-
tistes internationaux ouvrait une brè-
che dans le béton. À Berlin toujours,
The Feuerle Collection s’est installée
dans deux bunkers de télécommunica-
tion. Repensés de façon minimaliste par
l’architecte John Pawson, les espaces
sont bruts, un brin glaçant et d’une
beauté folle. On y déambule dans la pé-
nombre au milieu d’un mobilier de la
Chine impériale, de sculptures d’Asie
du Sud-Est du VIIe au XIIIe siècle et
d’œuvres d’art contemporain.
L’expérience, sensorielle, débute par
les notes de Music for Piano 20 de John
Cage (1953) dans le noir complet. C’est
grâce à ces exemples que Stéphanie Utz
a pu relier, en 2019, le bâtiment du
MUCA (Museum of Urban and
Une statuette khmer est exposée à la Feuerle Collection, qui s’est installée
dans deux anciens bunkers berlinois de télécommunication.
Hambourg
carnet de route
Y aller En avion, Paris-
Hambourg, à partir de 123 €
l’A/R. airfrance.fr
Dormir Reverb by Hard
Rock, un hôtel vibrant autour
de la musique. Ouverture fin
mai. Nuitée à partir de 162 €.
reverb.hardrock.com
RIMC
Bonne table Vjiu im
Energiebunker, un café-
restaurant surplombant
+
le quartier de Wilhelmsburg.
Menu à la carte, petit
déjeuner le week-end
à partir de 24,50 €.
vjuimenergiebunker.de
Berlin
Y aller En avion, Paris-Berlin
A/R, à partir de 68 €.
airfrance.fr
En train de nuit (13 heures),
à partir de 70 € l’A/R.
sncf-connect.com
Que voir ?
Collection Boros,
une collection privée d’art
effets du sel marin, du vent et de la pluie, contemporain de 1990
les ferrailles du béton armé finissent par à aujourd’hui.
rouiller et faire exploser la matière en Entrée à partir de 18 €,
fragmentant progressivement les blocs. réservation en ligne.
La pérennité du béton armé s’avère plus sammlung-boros.de
faible que celle des forteresses en pier-
re », souligne Philippe Prost, grand Feuerle Collection, une
prix national de l’architecture 2022, à collection privée éclectique
qui l’on doit la réhabilitation de la cita- d’œuvres de la dynastie Qing
delle Vauban à Belle-Île-en-Mer. à aujourd’hui. Entrée à partir
de 22 €, réservation en ligne.
Pas pour tout le monde thefeuerlecollection.org
Le bunker des calanques, lui, tient bon.
Au bord de la grande bleue, les îles du Munich
Frioul au loin, c’est un tiers lieu mar- Y aller En avion, Paris-
seillais qui se loue et accueille des shoo- Munich, à partir de 123 €
tings, des débats, des projections de l’A/R. airfrance.fr
En train (5 h 40), à partir de
films et une foule d’événements cultu-
rels. « Le ministère des Armées s’est dé- 78 € l’A/R. sncf-connect.com
barrassé des bunkers de la côte sud en
1948. Nous avons acheté ce bunker à un Que voir ? Muca Museum,
particulier en 2006 », explique Jean- un musée présentant
jusqu’en novembre 2024
Christophe Victor. Il y vit avec sa fa-
mille. Deux extensions ont été ajoutées une exposition de Damien
Hirst. Il abrite également
au bâtiment d’origine, peint à la chaux,
et offrant différentes terrasses. « C’est le restaurant étoilé Mural.
un lieu unique qui pousse aux rencontres Entrée à partir de 12 €,
créatives. On est dans le Parc national réservation en ligne.
des calanques, le seul parc périurbain en muca.eu
Contemporary Art) à un bunker voisin Europe ». On y oublierait presque les
classé à Munich. « Mon ambition est de outrages de la guerre…
Milan
Y aller En avion, Paris-Milan,
présenter des œuvres contemporaines là Dans son livre Ré:habiter. Réutiliser,
à partir de 60 € l’A/R
où on ne les attend pas. L’exposition de transformer, expérimenter, Olivier Dar-
transavia.com
Damien Hirst, en cours, dialogue avec ce mon note : « En dépit de leur situation
En train (plus de 8 heures
lieu mêlant histoire et architecture. C’est bénéficiant du panorama dégagé pro-
suite à l’éboulement),
unique.» À Milan, un ancien abri antia- pre aux constructions défensives, peu de
à partir de 78 € l’A/R.
érien accueille, lui, les œuvres de Fla- bunkers sont aménagés en habitation.
sncf-connect.com
vio Lucchini, artiste et ancien directeur L’obscurité ambiante, l’épaisseur des
artistique des magazines Amica, Vogue murs de béton, la faible hauteur sous pla-
fond, découragent les particuliers. »
Que voir ? Flavio Lucchini
Italia, Vogue Casa, Donna… Les bun-
L’auteur y présente un abri de 9 m2 da-
Art Museum, un espace
kers se réinventent lentement. Data
mettant en scène
center et buvette estivale de plage ap- tant du XVIIIe siècle, à Vuren aux Pays-
les sculptures et peintures
privoisent les murs. Des champignon- Bas, et aménagé par le bureau d’archi-
de l’artiste Flavio Lucchini.
nières apparaissent, comme celle de tecture B-Ild (Bruxelles). Avec des
Entrée gratuite.
Strasbourg, exploitée par la Fédération meubles pliables et modulables inspirés
flaviolucchiniart.com
des aveugles d’Alsace-Lorraine Grand du cabanon de Le Corbusier, cette loca-
Est. D’autres projets vont bien plus tion de vacances peut accueillir quatre Pays-Bas
loin. Ainsi, à Hambourg encore, après personnes. Mais l’expérience des bloc- Y aller Aller-retour
soixante ans d’abandon, une tour de khaus n’est pas pour tout le monde. Paris-Rotterdam, à partir
défense antiaérienne de 1943 s’est « Dormir dans un fort de Vauban n’a de 70 €. eurostar.com
transformée en centrale électrique à d’ailleurs pas la même symbolique qu’un Aller-retour Rotterdam-
énergie renouvelable. Son rooftop ac- bunker réalisé par l’organisation nazie Gorinchem, à partir de
cueille le bien nommé Café Vju à la vue Todt », souligne l’architecte Philippe 20,30 €. thetrainline.com
portant loin. Mais tous les bâtiments de Prost. « Il faut que le temps passe pour
guerre n’ont pas aussi bien résisté au que nous puissions considérer autrement Dormir Fort Vurig (ex- Fort
temps. Nombreux bunkers de la côte ces monuments militaires », notait déjà Vuren), un complexe
atlantique française sombrent, désos- Paul Virilio dans son ouvrage de réfé- proposant plusieurs bunkers
sés ou en équilibre, dans les dunes ou rence Bunker archéologie. C’était en à la location. Le plus petit,
sur la plage. « Sans entretien et sous les 1975, les cicatrices de la guerre étaient The Bunker, est très
encore à vif. Et pourtant. Selon Philippe spartiate : draps et serviettes
Prost, l’architecture militaire inspire non inclus, toilettes
l’architecture contemporaine. « La pre- à l’extérieur. À partir de 130 €
mière se qualifie à toutes les époques par la nuit. fortvuren.nl
une économie de moyens et de ressources
pour un maximum d’effet. Elle fonctionne Marseille
en “circuit court” : des matériaux à trou- Que voir ? Bunker
ver sur place, une mise en œuvre rapide des Calanques, aux airs des
Nic Tenwiggenhorn / VG Bild-Kunst,Bonn
selon des pratiques locales. À l’époque de Cyclades, propose
Vauban, l’eau était essentielle lors d’un de louer ses toits et terrasses
siège. Il fallait un système à la fois de et, parfois, son intérieur.
captation d’eau de pluie, de stockage et Organisation d’événements
de filtration. » Autant dire que les pro- culturels.
blématiques d’hier et d’aujourd’hui lebunkerdescalanques.com
n’ont guère changé.
D’ailleurs le grand bunker de Ham- Dormir L’Annexe, un lieu
bourg n’est-il pas en train de se couvrir hybride à 10 minutes
de verdure ? Est-ce pour mieux se ca- du Bunker des Calanques
cher ou en réponse au climat et à l’en- pour une location de
vironnement ? Espérons que l’hôtel Re- vacances, de ventes d’objets
verb by Hard Rock y distillera une d’artisanat ou autre.
nouvelle musique. Loin du bruit de bot- À partir de 200 € la nuit.
tes qui se fait entendre en Europe. ■ lebunkerdescalanques.com
 moto le figaro mardi 26 mars 2024 37
m o t o

Jean-Lou Colin

Moto de grosse cylindrée BMW R 1300 GS,

la plus vendue en France
et dans le monde, l’inévitable
le maxi trail GS de BMW
investit le paysage dans évolution
de l’espèce
une nouvelle mouture
profondément remaniée.
Si semblable et pourtant
si différente.

P
our un constructeur,
renouveler un best-seller,

Joerg Kuenstle ; Arai

qui plus est quand il a
acquis le statut d’icône,
n’est jamais chose aisée.
Demandez à Volkswagen,
qui affronte le casse-tête à chaque fois
qu’il doit offrir une nouvelle génération
à sa Golf. Ou à Porsche, poussé à user de
la même subtilité pour proposer une 911
clairement nouvelle, mais qui reste
identifiable au premier coup d’œil,
dans la forme comme dans l’esprit.
Dans le monde de la moto, BMW
connaît le même problème avec sa GS.
Lancé il y a plus de quarante ans avec la
R 80 G/S, son gros trail (GS est l’abré-
viation de Gelände Strasse, qui signifie
tout terrain et route) est devenu, au fil des
générations, l’un des modèles les plus
fameux bicylindre à plat qui, pour offrir
une meilleure compacité et un meilleur
centrage des masses, voit sa distribution
repensée et sa boîte de vitesses logée
sous le moteur et non plus derrière.
Grâce à une gestion électronique
peaufinée et à une cylindrée qui passe de
1 246 à 1 300 cm3, le boxer délivre
9 chevaux de plus, pour un total de 145,
tout en réduisant ses émissions et son
(et non de la précontrainte) des ressorts.
Ce pack est par ailleurs obligatoire pour
pouvoir bénéficier, contre supplément
(500 €), d’un contrôle automatique de
l’assiette. À l’arrêt, la hauteur de selle
(850 mm) s’abaisse ainsi de 30 mm, per-
mettant aux petits gabarits de mettre
plus facilement pied à terre.
électriquement, le pilote a tout loisir
Avec ses originales suspensions
mono-amortisseurs, telelever à l’avant,
paralever à l’arrière, elles aussi
repensées, la R 1300 GS offre ainsi un
comportement à la fois plus agile, plus
précis et plus stable. Sur route sinueuse,
on en vient même à adopter en toute
décontraction un rythme plus proche
de celui d’une sportive que d’un trail.
Le moteur boxer se prête au jeu,
Abrité derrière une bulle réglable
de paramétrer à son goût la plupart
des fonctions de la R 1300 GS.
de conduite, d’un régulateur de vitesse
adaptatif, d’un avertisseur de chan-
gement de file ou de collision avant-
arrière. Pour les grandes virées, en
attendant l’arrivée d’une déclinaison
Adventure prévue l’an prochain, la
nouvelle GS peut déjà être équipée
d’une bagagerie spécifique comprenant
valises latérales et top case. ■

Sous la poignée  Notre avis

emblématiques de la production. Il s’en
est vendu près de 1 million d’exemplaires
depuis son apparition en 1980 et l’actuelle
R 1250 GS, lancée en 2018, s’est, à elle
seule, écoulée à 250 000 unités, en cumu-
lant version standard et modèle barou-
deur Adventure. Reconnaissable à son
gros réservoir et à ses protections renfor-
cées, ce dernier représente 46 % du total.
On comprend que les éminences
grises de la marque munichoise aient
réfléchi à deux fois au moment de lui
concocter une descendance. Il convient
alors de saluer leur audace et leur
courage puisque, faisant fi de l’adage
« on ne change pas une équipe qui
gagne », ils n’ont pas hésité à repartir
d’une feuille blanche, repensant l’inté-
gralité de la moto, en laissant aux desi-
gners la lourde tâche d’affirmer sans
ambiguïté son appartenance à la grande
famille GS. De ce point de vue, c’est par-
faitement réussi, la R 1300 GS proposant
une ligne plus moderne, plus fluide et
plus homogène, tout en respectant par-
faitement les codes du modèle. Difficile,
alors, d’imaginer que derrière cette sil-
houette familière se cache un tout nou-
veau modèle. Tout, en effet, a changé.
Ou presque. À commencer par le
poids de 6,5 kg.
La partie cycle n’est pas en reste,
puisque l’ancien cadre en treillis tubu-
laire fait place à un assemblage asso-
ciant tubes ronds à l’avant, structure en
feuilles d’acier au milieu et bâti en fon-
derie d’aluminium à l’arrière. Ce qui
permet notamment de porter le gain de
poids de l’ensemble de la machine
(237 kg) à 12 kg.
Suspensions originales
La version de base de la R 1300 GS s’affi-
che à 20 690 €, soit seulement 800 € de
plus que sa devancière. Mais, comme
toujours chez BMW, l’addition peut vite
grimper. Si l’on choisit, par exemple,
l’une des trois autres versions propo-
sées : Trophy (21 540 €), Triple Black
(21 540 €) ou Tramuntana (23 440 €).
Ou si l’on est tenté de piocher dans la
longue liste des options. Le pack Dyna-
mic (1 790 €) est particulièrement inté-
ressant puisque, outre un shifter qui
permet de monter et descendre les rap-
ports sans toucher à l’embrayage, il pro-
pose des suspensions dotées d’un ajuste-
ment actif de l’hydraulique, couplé,
c’est une première, à celui de la raideur
grimpant sans se faire prier jusqu’aux
9 000 tr/mn de la zone rouge. Sans,
pour autant, perdre de son exception-
Moteur nelle disponibilité à bas régime. Seule Ses inconditionnels peuvent être
Type Bicylindre à plat 1 300 cm3 ombre au tableau, la boîte de vitesses rassurés : bien que revue de fond en
Puissance 145 ch à 7 750 tr/min dont le passage rugueux des rapports comble, la nouvelle GS ne renie pas son
Couple 149 Nm à 6 500 tr/min inférieurs peut vite se révéler doulou- histoire. Aux qualités qui ont assuré le
Transmission reux pour le pied gauche. succès de ses devancières, elle ajoute un
Boîte arbre et cardan, 6 rapports Si la R 1300 GS a troqué un peu du comportement encore plus rigoureux, à
Dimensions/poids confort pullman de la R 1250 GS pour la fois plus agile et plus stable, qui la
Poids + Plein 237 kilos plus de rigueur et de sportivité, elle rend aussi à l’aise en balade sur une
Réservoir 19 litres n’en reste pas moins un engin idéal petite route qu’à l’occasion d’un
pour tailler la route. Abrité derrière une voyage au long cours ou d’une escapade
Performances
bulle réglable électriquement en hau- hors bitume. Elle s’affirme ainsi, plus
Vitesse + 200 km/h
teur (selon les versions), son pilote a que jamais, comme un modèle de
Consommation tout loisir de paramétrer à son goût la polyvalence et d’homogénéité. Sa prin-
Normalisée 6 litres/100 km plupart des fonctions de sa moto. Il cipale force face à une concurrence
PRIX à partir de 20 690 € dispose ainsi à présent de quatre modes pourtant très relevée.

Un nouveau Jet pour l’été

Sylvain Reisser

La marque japonaise haut de gamme Arai lance

un casque qui répond aux nouvelles normes de sécurité.
L
a sécurité du motard n’a pas de
prix. C’est le credo du fabricant
japonais de casques Arai. Ses
productions se placent au som-
met du secteur en termes de qualité, de
protection mais également de tarif. Le
dernier né de la famille, le Jet SZ-R Evo,
n’y échappe pas. La gamme débute à
749 euros. Ce n’est pas donné mais,
comme les quelque 320 000 exemplaires
produits par an, ce modèle est issu d’un
long processus de fabrication qui ne
connaît pas d’équivalent sur le marché et
dont une grande partie fait partie des
secrets bien gardés de la maison familiale
Arai. Après avoir découvert toutes les
étapes essentiellement manuelles, à l’ex-
ception de la découpe au laser de la
coque par un robot, on comprend
mieux pourquoi les Arai sont
inimitables.
Respectant un contrôle
qualité particulièrement
exigeant, chaque cas-
que passe entre les
mains de plusieurs di-
zaines d’opérateurs.
Fragiles utopies
Un regard sur la scène française 04—07
avril 2024
tion d’une calotte en fibre de verre. Elle Art & Craft
est ensuite acheminée à 150 kilomètres
de là dans une autre unité de production,
où une équipe va se charger de contrôler
le travail de la première usine et effec-
tuer les opérations de ponçage et de
peinture qui s’étendent sur une semaine.
Les casques changent encore de site pour
l’assemblage final, notamment l’instal-
lation du monobloc en polystyrène et de
la visière.
Confort amélioré
À partir d’une coiffe toujours aussi ronde
Découvrez la liste des 136 galeries
pour rouler en cas de choc, le dernier Jet
répond à la dernière norme européenne d'Art Paris 2024
ECE R22.06. Non content d’avoir brillé
aux tests à haute vitesse et oblique, il a
passé l’examen du test de perfora-
tion haut la main, grâce à sa
ceinture périphérique
renforcée. Arai en a
profité pour améliorer
le confort notam-
ment au niveau de la
ventilation, de la
visibilité avec une PARTENAIRE PREMIUM OFFICIEL

À chaque étape, les plus grande visière et

pièces sont inspectées de l’intégration du
et pesées. La présence système de commu-
du moindre accroc nication avec des
entraîne une mise au poches redessinées.
A

rebut. Tout com- Modifiée, la jugulaire adopte

mence par la fabrica- un système à deux rivets. ■
 38 mardi 26 mars 2024 le figaro
À
la fois réalisateur et
professeur de français,
Teddy Lussi-Modeste
porte deux casquettes.
Quand il ne tourne pas,
il reprend ses cours
dans le 93. Pas de va-
gues, son troisième film, coécrit avec
Audrey Diwan (L’Événement) qui sort
en salle ce mercredi 27 mars, est inspi-
ré d’une épreuve qu’il a lui-même tra-
versée. Celle d’un enseignant accusé
de harcèlement par une élève, menacé
par son grand frère et lâché par une
institution, débordée, qui ne veut sur-
tout « pas faire de vagues ». Le choix
du thriller s’est très vite imposé à eux.
« Avec Audrey, ce n’était pas une volon-
té au départ, témoigne-t-il, mais c’est
la forme la plus sincère et la plus réaliste
pour rendre compte de ce qui arrive
quand on est menacé de mort. Cette so-
litude que l’on traverse, cette tension,
cette peur croissante, le professeur la vit
dans sa chair. »
Teddy Lussi-Modeste n’est pas le seul
à avoir choisi ce genre narratif pour ra-
conter le quotidien d’enseignants en
alerte. Car enseigner n’a vraiment rien
d’une sinécure. Cela n’a pas échappé
non plus aux nombreux autres réalisa-
teurs et réalisatrices qui se sont empa-
rés du sujet. L’école est un beau terrain
pour saisir au plus près l’air du temps et
ouvrir les débats. Aujourd’hui encore
plus qu’hier, quand les maux et les ob-
sessions qui agitent notre société s’y ré-
vèlent avec davantage d’intensité,
concentrés en un seul lieu.
Hasard du calendrier des sorties ou
tendance plus profonde, les fictions
autour des profs se bousculent sur le
grand écran depuis quelques semaines.
Après Comme un fils de Nicolas
Boukhrief avec Vincent Lindon, le
drame allemand La Salle des profs et
Bis repetita, la comédie romantique et
déjantée d’Émilie Noblet en salle de-
puis la semaine dernière, Pas de va-
gues, avec François Civil, sort le même
jour que le thriller hongrois L’Affaire
Abel Trem. Avant le saisissant Amal, un
esprit libre, le 17 avril prochain, réalisé
par Jawad Rhalib.
Parmi ces fictions, beaucoup repo-
sent sur le même point de départ, une
situation qui dérape et finit par échap-
per à des professeurs souvent laissés à
eux-mêmes, pris dans un engrenage
face aux accusations, à l’impossibilité
A
Mon prof, ce héros
Valérie Beck
« Pas de vagues » et
« L’Affaire Abel Trem »,
deux nouveaux films
mettant en scène
des enseignants
en difficulté, sortent
ce mercredi.
Preuve que l’école,
lieu de résonance de
la société, est devenue
le nouveau vivier où
puisent les cinéastes.
« Pas de vagues », tableau d’horreur
Éric Neuhoff
D
onc il en reste. Julien est un
de ces hussards noirs de la
République dont parlait
Jules Ferry. Son collège
s’appelle Paul-Éluard, mais durant
ses cours, il enseigne Ronsard. Les
élèves l’écoutent décortiquer Mi-
gnonne, allons voir si la rose. On en a
presque les larmes aux yeux. Enfin un
prof à l’ancienne. Apparemment, Bo-
ris Vian et Virginie Despentes ne figu-
Culture
de parler et à l’inertie de leur direc-
tion. Dans La Salle des profs, une dé-
nonciation de vol vire à la psychose
collective. Dans L’Affaire Abel Trem,
un pin’s, épinglé lors d’un examen
sous l’ère Viktor Orban, devient une
affaire politique. Dans Amal, un esprit
libre, l’étude d’un poète controversé
prend des proportions dramatiques
dans une classe à Bruxelles.
Émilie Noblet a fait le choix de la co-
médie, avec sa coscénariste, Clémence
Dargent. Dans leur film Bis repetita,
Louise Bourgoin incarne une professeur
de latin blasée, confrontée avec ses élè-
ves, à qui elle ne fait même plus classe,
à l’élite des latinistes lors d’une compé-
tition scolaire en Italie. « L’incarnation
du professeur comme symbole d’autorité
et détenteur du savoir a été mise à mal
avec internet, confient les deux jeunes
femmes. Il suffit désormais d’effectuer
une recherche sur Google pour trouver
n’importe quelle information. La figure
est désacralisée, elle a perdu cette aura
d’expérience. Mais cela ouvre d’autres
ressorts dramatiques. »
La représentation de la profession sur
grand écran a effectivement changé.
Elle a longtemps été rangée entre deux
genres, la comédie potache (Les Sous-
Doués, P.R.O.F.S…) et la comédie so-
ciale avec l’apprentissage d’un profes-
seur propulsé en zone d’éducation
sensible (Le Plus Beau Métier du monde,
Les Grands Esprits…). Entre les murs, le
film de Laurent Cantet, palme d’or au
Festival de Cannes en 2008, avait
rent pas au programme. C’est d’un
repos. Il faut le dire vite.
Le héros a le tort de prendre Leslie,
la timide Leslie, sous son aile. L’ado-
lescente rougit, baisse les yeux. Les
autres rigolent. Tout cela a l’air bon
enfant. Voilà le pauvre littéraire ac-
cusé de harcèlement. Il tombe des
nues. Sa supérieure le convoque. Le
proviseur tâche de tempérer la
chose. La célèbre formule « pas de
vagues » surgit sur ses lèvres. Alors la
mer se déchaîne dans cet établisse-
ment de banlieue. Draguer une ga-
mine ? Julien voulait seulement ex-
pliquer ce qu’était l’astéisme (vous
êtes prié de consulter vos dictionnai-
res pour ne pas finir idiots).
Les parents s’en mêlent. Le frère de
la pseudo-victime, une brute au crâne
rasé, le menace de mort. Les collè-
gues, toujours courageux, ne savent
pas quelle attitude adopter. Une gen-
tille brune semble néanmoins avoir
un penchant pour lui - cette absence
de psychologie devrait être sanction-
née par l’inspection. Dans les cou-
ouvert une troisième voie, la comédie
humaine, chronique plus réaliste sur le
métier. Aujourd’hui, le thriller scolaire
répond davantage à nos préoccupations
actuelles. Car si la façon de représenter
l’école au cinéma a évolué, c’est que la
société a changé. Le miroir le plus vio-
lent et le plus alarmant est celui tendu
par le réalisateur belgo-marocain
Jawad Rhalib dans Amal, un esprit libre.
« On peut traiter
l’enseignant comme on
a traité le policier, comme
un super-héros qui va régler
les problèmes de la société
et voir son impuissance
à les régler à lui tout seul »
Thomas Lilti
Réalisateur d’« Un métier sérieux »
« Pendant longtemps, on a vu l’école
comme un sanctuaire protégé qui offrait
une égalité des chances. On observe
aujourd’hui que la forteresse est très
chancelante, attaquée par les maux de
notre société, la radicalisation, l’homo-
phobie, le harcèlement… Il faut qu’on ait
le droit d’y débattre, de discuter,
d’échanger, de critiquer mais, malheu-
reusement, c’est de plus en plus compli-
qué. Les enfants, c’est un enjeu énorme,
c’est notre futur. » Il y a un avant et
après les assassinats de Samuel Paty et
de Dominique Bernard. La fiction qui
met en scène une enseignante qui en-
loirs, les regards se détournent. La ru-
meur enfle. Le soupçon gagne. La vi-
déo d’une soirée circule. Le piège se
referme. Tout le monde oublie un dé-
tail : Julien est homosexuel. Circons-
tance aggravante : il vit avec un dé-
nommé Walid. Cela ne suffit pas à
calmer les esprits. Le moindre mot
peut être mal interprété. Un avocat ?
Julien n’a pas d’argent. Porter
plainte ? L’administration suggère
plutôt une main courante. On n’en
sort pas. Pourquoi a-t-il invité cer-
tains élèves au kebab voisin ? Sa géné-
rosité se retourne contre lui. Les men-
songes succèdent aux insinuations.
Les pieds dans le plat
Le brave idéaliste apprend, mais un
peu tard, que le mieux est l’ennemi du
bien. Il a la vocation ; celle-ci a du
plomb dans l’aile. L’effet de meute
grandit. Tout ça parce qu’il a tenté
d’analyser les phénomènes de séduc-
tion dans un texte du XVIe siècle ! Il
avait une mission. Il se retrouve dans
un cauchemar. Quel naïf ! Le film, ver-
François Civil dans Pas de vagues.
Alessandro Clemenza/Kazak Productions/
Frakas Productions/France 3 Cinéma
courage ses élèves à s’exprimer libre-
ment au risque de choquer certains
résonne avec d’autant plus de force,
ancrée dans l’actualité immédiate.
« Les professeurs ont peur. Ils ne peu-
vent pas témoigner à visage découvert.
Il était impossible de faire un documen-
taire. Mais tout est vrai dans le film,
jusqu’aux moindres détails, pour coller
à la réalité. »
La géographie a aussi été boulever-
sée. La salle de classe n’est plus le seul
centre névralgique où tout se passe.
Dans Un métier sérieux, sorti en sep-
tembre dernier, Thomas Lilti nous
avait ouvert celle des profs. Coulisse
des établissements, lieu où les dissen-
sions entre collègues peuvent s’expri-
mer à l’abri des élèves, antichambre
de l’éducation, cet endroit hier de se-
conde zone est devenu un décor dé-
sormais incontournable pour la comé-
die comme le drame. « C’est un lieu de
résonance puissant, observe Audrey
Diwan. Soudain, on voit l’école, non
comme une institution mais à l’endroit
de l’individu. Derrière la porte fermée, il
y a des êtres qui parfois se disputent et
s’opposent mais devront, dès que la
porte s’ouvrira, montrer un chemin
commun aux élèves. » Selon les films,
la salle des profs peut prendre des airs
de cour de récré mais elle se transfor-
me le plus souvent en salle d’interro-
gatoire où le professeur, mis en cause
pour avoir filmé à son insu une collè-
gue ou refusé de céder aux pressions,
est interrogé comme un suspect,
contraint de se justifier.
Engagé pour défendre une cause no-
ble, ancré dans le monde actuel tout en
rencontrant des difficultés, rempart à
nos valeurs républicaines, l’enseignant
coche pas mal de bonnes cases pour
être un bon personnage. D’autant que
l’identification est forte. Nous sommes
tous concernés, tous élèves, anciens
élèves ou parents d’élèves. Mais au fait,
c’est quoi, un bon personnage de fic-
tion ? Pour Teddy Lussi-Modeste,
« c’est un personnage qui est son pire en-
nemi pour lui-même. En tout cas, c’est
comme cela que j’ai pensé le personnage
de Julien incarné par François Civil. Un
idéaliste qui se rend compte qu’il y a une
part d’orgueil dans son engagement et
qu’il a aussi sa part de responsabilité
dans ce qu’il traverse. » Pour Émilie No-
blet, « c’est une bonne névrose, un per-
sonnage avec des comptes à régler, des
problèmes à résoudre lui-même. »
Le cinéma se cherche régulièrement
de nouveaux héros et les flics ont eu
longtemps la part belle. Les profs
vont-ils les détrôner ? « Le flic a un pe-
tit peu disparu du grand écran parce
qu’il est devenu un héros de télévision,
analyse Thomas Lilti. La télé passe
80 % de polars, donc le cinéma s’en est
détaché. On peut traiter l’enseignant
comme on a traité le policier, comme un
super-héros qui va régler les problèmes
de la société, ou du moins s’y coller, et
voir son impuissance à les régler à lui
tout seul. Il y a des similitudes. Mais le
flic draine avec lui tout un imaginaire
porté par le ciné anglo-saxon et la litté-
rature noire. Rien ne les remplacera
dans la culture populaire. C’est le héros
par-dessus tout. » ■
sion moderne des Risques du métier,
met les pieds dans le plat. Il est serré,
tendu, montre les désarrois d’un adul-
te, décrit cet âge tendre où l’on a telle-
ment peur de ne pas ressembler aux
autres. Teddy Lussi-Modeste, aidé
par la scénariste Audrey Diwan (BAC
Nord), connaît son sujet. Une histoire
similaire lui est arrivée. À l’écran, il a
les traits de François Civil qui troque
l’habit du mousquetaire contre les lu-
nettes du diplôme. Entre silence et lâ-
cheté, entre huées et ricanements, il
est sensible et dépassé. C’est une
abeille qui se cogne contre la vitre.
Lussi-Modeste, au tableau. Vous avez
la meilleure note. Rappelez-nous ce
que signifie astéisme, déjà ? ■
« Pas de vagues »
Drame de Teddy Lussi-Modeste
et Audrey Diwan
Avec François Civil, Shaïn Boumedine,
Bakary Kebe
Durée : 1 h 32
Notre avis : ○○○¡

À Beaubourg, au cœur de la fabrique Brancusi
Valérie Duponchelle
La rétrospective
du grand sculpteur
de l’abstraction
joue des cercles
et des ovales
pour faire renaître
la beauté
de son atelier parisien.
B
rancusi règne en majesté au
dernier étage de Beau-
bourg, en maître de l’art
moderne qui ne connaît que
l’harmonie. Le premier plâ-
tre, Le Coq, dru comme une
herbe, dentelé comme une scie, ouvre de
sa superbe le parcours qui, par sa simpli-
cité magistrale et sa puissance évocatrice,
tient du chemin enchanté. Il resplendit
sur son socle blanc, dentelé lui aussi, dans
le tunnel noir où défilent les images de
l’atelier parisien sous la neige, impasse
Ronsin (15e), où l’artiste œuvre au milieu
de ses créatures, ses sculptures, ses en-
fants. Blanc sur noir. Puis blanc sur blanc,
comme un paysage de neige. Ce Coq si
stylisé, on le retrouve en groupe, en trois
plâtres monumentaux en pleine lumière
qui reposent sur leur fine structure mé-
tallique, géants à la cheville fragile qui se
dressaient sous les 7 m sous plafond de
son atelier. Brancusi (1876-1957) symbo-
lise l’envol de la sculpture avec ses
Oiseaux dans l’espace, stylisés comme
des flèches, petite armée abstraite qui re-
garde ici le ciel de Paris et la butte de
Montmartre, au loin. Inévitablement, la
Colonne sans fin clôt, de son axe entre la
terre et le ciel, cette rétrospective d’une
beauté inouïe au Centre Pompidou.
« Constantin Brancusi habite un atelier
de pierre dans l’impasse Ronsin, rue de
Vaugirard. Ses cheveux et sa barbe sont
blancs, sa longue blouse d’ouvrier est blan-
che, ses bancs de pierre et sa grande table
ronde sont blancs, la poussière de sculpteur
qui recouvre tout est blanche, son Oiseau
en marbre blanc est posé sur un haut pié-
destal contre les fenêtres, un grand ma-
gnolia blanc est toujours visible sur la table
blanche. À une époque, il avait un chien
blanc et un coq blanc », témoigna l’éditri-
ce américaine Margaret Anderson, qui
posa, vers 1921-1922, dans l’atelier conçu
comme une œuvre, avec l’apôtre du mo-
dernisme, Jane Heap, la poétesse britan-
nique Mina Loy et la photographe améri-
caine Berenice Abbott. « Blancheur et
clarté » inonde le dernier étage de Beau-
bourg, comme un message visuel pri-
mordial où les thèmes de l’artiste se répè-
tent, s’affinent, se composent et se
recomposent en une suite de décli-
naisons. Pas d’accrochage chronolo-
gique, donc, mais des familles d’œuvres à
l’épure grandissante, du Nouveau-né à La
Muse endormie, du Baiser où se fondent
les amants à la scandaleuse Princesse X
qui unit mâle et femelle. C’est tout un
peuple de sculptures qui reposent là et se
répondent, soulignant par leur ressem-
blance et leurs différences l’art du grand
artiste roumain.
Maître de sa propre légende
Le choix du Coq en ouverture de la ré-
trospective Brancusi est aussi une ma-
nière de le relier à la France. Maître de sa
propre légende, Brancusi raconta
comment il était venu à pied de sa Rou-
manie natale, en 1903, en France, de Bu-
carest et Hobita, où se trouvait la maison
familiale, en pleine campagne, puis Vien-
ne, Munich, la Suisse et la Lorraine (l’ar-
tiste sut soigner son image par un doux
mélange de vrai et de faux). Et enfin Pa-
ris, ville des arts et des avant-gardes, où
il arriva, à 28 ans, un 14 juillet, d’où l’em-
blème national du coq qui a vu s’épanouir
sa carrière. Brancusi a obtenu la nationa-
lité française en 1952 et il est donc mort
français, à 81 ans, à Paris, le 16 mars 1957.
Il est sobrement enterré au cimetière du
Montparnasse. Par testament, il a légué à
l’État français le contenu de son atelier
parisien qui s’étendait sur des terrains
appartenant aux Hôpitaux de Paris. Et
l’intégralité de ses archives, qui racon-
tent toute l’avant-garde moderne, de
Marcel Duchamp à Fernand Léger, de
Modigliani et Kokoschka à Erik Satie.
Cette cité d’artistes qui mesurait 125 m de
long et 8 m de large, où vécurent encore
Jean Tinguely et Eva Aeppli, a été absor-
bée dans les années 1980 par l’agrandis-
sement de l’hôpital Necker.
Culture le figaro mardi 26 mars 2024 39
Le Centre Pom­pidou met
sublimement en scène l’œuvre d’art
totale de Brancusi.
François Bouchon / Le Figaro
L’atelier de Brancusi, en fait quatre ses oiseaux tendus vers le ciel. Ils sont ali- corps en volumes. Par comparaison, on 1920 ; ou d’un poisson qui n’est plus
ateliers contigus et réunis au fil des ans, gnés ici, messagers de l’abstraction, au voit éclore son élan vers l’épure d’une qu’un trait de lumière... Tout une faune
contenait toute sa vie sur près de 200 m2 nord de la galerie 1, qui surplombe tout forme. de marbre, de bois, de bronze poli danse à
truffés d’art. Œuvres achevées, ébau- Paris. Qu’il s’agisse d’une Tête d’enfant diverses hauteurs sur des socles d’une
ches, meubles, outils, bibliothèque, dis- (1906) qui devient l’abstraction complète beauté sensuelle qui sont partie intégran-
cothèque, photographies. Un univers où Chantre de la taille directe du Nouveau-né I (1915-1920) ; d’un Torse te de la sculpture. Comme dansent les
cette personnalité très admirée vivait, Ce Roumain de Paris recréa le charme de jeune homme (1923) réduit à une four- bancs de poissons dans la mer ou les
travaillait, cuisinait, recevait, séduisait, ancestral de son pays au cœur de la capi- che d’arbre ; d’une Muse endormie au vi- nuées d’oiseaux parfaitement synchroni-
présentait sa sculpture qu’il exposait et tale moderne. Pour saisir sa singularité, sage lisse et dont l’arête du nez divise la sés dans le ciel. ■
pensait déjà comme une installation. Une Beaubourg replace ce chantre de la taille lumière entre ombre et éclat ; des symbo- Brancusi, du 27 mars au 1er juillet au Centre
adresse accessible dans l’annuaire. Un directe, donc les plâtres ne viennent les masculin et féminin qui s’unissent Pompidou, Paris (4e).
lieu convivial indiqué au visiteur par la qu’après le marbre et la pierre, dans son dans Le Baiser (le premier date de 1907), Brancusi, catalogue de l’exposition
flèche « Brancusi » écrite à la main, à époque, son contexte. Et si, comme nom- jusqu’à devenir une frise géométrique in- sous la direction d’Ariane Coulondre
l’entrée de l’impasse Ronsin, sur le mur bre d’artistes, ce fort tempérament réfu- finie dans La Porte du baiser, à Târgu Jiu, (320 p., 340 illustrations, 45 €).
blanc. Un vrai spectacle où cet artiste-né tait toute influence, qu’elle vienne du au cœur de la Roumanie ; allant jusqu’à Brancusi, l’album de l’exposition (60 p., 10,50 €).
soulevait les housses de ses sculptures, passé ou de son temps, le voici confronté recréer le couple originel, en une sculp- À voir, Brancusi. Les métamorphoses
jouait de l’espace, de la lumière, du mou- à Rodin, dont il ne fut l’assistant que ture à voir sous toutes ses faces, dans de la sculpture, documentaire écrit et réalisé
vement. Un haut lieu de la culture à Paris, quelques mois, à son arrivée à Paris, mais Princesse X (1909-1916), l’« éternel fémi- par Alain Fleischer (coproduction ARTE France,
au lendemain de la Première Guerre aussi à Gauguin, à l’art pur des Cyclades, nin » de Brancusi ou « le phallus », selon Artline Films, Le Fresnoy, Centre Pompidou,
mondiale. C’est cette œuvre d’art totale à l’art fragmenté des ruines de la Grèce Matisse ou Picasso, qui fit grand scandale 51 min) sur arte.tv du 7 avril au 12 juillet
que la rétrospective du Centre Pompidou antique et à l’art africain qui découpe le au Salon des indépendants, à Paris, en et sur Arte, dimanche 14 avril, à 9 h 50.
met sublimement en scène. Jusqu’au plus
petit outil, jusqu’au siège taillé dans le
bois, jusqu’aux enceintes incrustées par
ce mélomane dans le plâtre du mur pour
une meilleure acoustique (ses disques
sont accrochés dans l’exposition comme
des planètes, près des Rotoreliefs de Mar-
cel Duchamp). Les Américains appellent
cela « a time capsule ».
Au cœur de cette rétrospective, l’em-
brasure de la porte en bois, festonnée
comme une broderie, venue d’une ferme
en Roumanie pour enchanter son atelier.
Grâce à son legs, elle a survécu. Après une
reconstitution partielle en 1962 à l’inté-
rieur de la collection du Musée national
d’art moderne, alors au Palais de Tokyo,
l’« Atelier Brancusi » arrive en 1977 sur la
Piazza, en face du Centre Pompidou,
« dans un bâtiment assez précaire ». Il est
fermé en 1990 à la suite d’inondations,
puis reconstitué sur mesure par l’archi-
tecte génois Renzo Piano en 1997. C’était
alors un petit sanctuaire sous lumière zé-
nithale, avec sa forêt d’études de Colonne
sans fin, avec son jardin clos. Un joyau
malheureusement peu visité (100 visi-
teurs par jour) quand le bâtiment princi-
pal tout en tubes et en verre en compte
des milliers. Un autre monde, vide désor-
mais, à retrouver dans les images d’ar-
chives. La direction du Centre réfléchit à
son futur emplacement, au sein des col-
lections, à la réouverture, en 2030.
« Tout part de la nécessité de déménager
l’Atelier Brancusi dans le cadre de la fer-
meture du Centre Pompidou, l’année pro-
chaine. Il s’agit de profiter de cet énorme
transfert de collections pour anticiper et
faire une exposition qui permette de le dé-
ployer, de faire revivre cette émotion ra-
contée par Valentine Hugo en 1955, cet
“autre monde” décrit par Man Ray », ex-
plique Ariane Coulondre, commissaire
d’une rétrospective fluide en 120 sculptu-
res et une multitude d’objets témoins,
mise en espace par un jeu de cercles et
d’ovales grâce à la scénographie de Pascal
Rodriguez. La dernière rétrospective en
France est celle du Centre Pompidou en
1995, alors même que Renzo Piano tra-
vaillait à lui refaire un abri digne de sa
simplicité parfaitement étudiée. Timi-
soara, capitale culturelle européenne en
2023, a rendu hommage, l’automne der-
nier, à son compatriote. En insistant sur
ses liens étroits avec les Beaux-Arts de
Bucarest, où il fut un étudiant classique
sans barbe de prophète et en sage blouse
de sculpteur, ses premiers collection-
A
neurs et les arts populaires de Roumanie
qui lui ont inspiré ses socles sculptés et
 40 mardi 26 mars 2024 le figaro Télévision

Cantona, l’âme
d’un justicier
Emmanuelle Litaud

M6 lance « Brigade anonyme », une série inédite

inspirée
aie.d’une histoire vr

L
e chiffre fait froid dans le
dos. En France, un enfant
disparaît toutes les douze
minutes… Béor se bat
contre cette terrible réali-
té. En janvier 2019, Assia,
la fille de ce photographe et producteur
de musique, âgée de 14 ans, se volatili-
se. Aussitôt, son père signale sa dispari-
tion au commissariat de Drancy, en
Seine-Saint-Denis, mais trouve que les
recherches n’avancent pas assez vite. Il
décide d’agir de son côté. Grâce à une
volonté acharnée et une diffusion mas-
sive de l’information sur les réseaux so-
ciaux, il réussit à la retrouver quatre
jours plus tard à Épinal, dans les Vosges
(à 400 km de chez lui), séquestrée chez
un jeune schizophrène… Et, ce, avant la
police. Depuis, il a créé l’association Les
Disparus anonymes, une brigade ci-
toyenne qui aide d’autres familles en
détresse. Plus d’une centaine d’enfants
ont été retrouvés par cet intermédiaire.
Victoire d’Aboville, productrice chez
Bonne Pioche Story, s’est inspirée de
cette histoire vraie pour écrire la série
Brigade anonyme. « J’ai contacté Béor
sur les réseaux sociaux et on s’est ren-
contrés, explique-t-elle. J’avais très en-
vie de raconter son histoire que je trou-
vais très forte. Narrativement, il y avait
aussi un enjeu puisqu’il faut retrouver un
enfant. Enfin, ce que je trouvais très beau
également, c’est la communauté d’ano-
nymes qui se bat pour retrouver plein
d’adolescents. On s’est servi du récit de
Béor comme d’un point de départ pour
notre série. »
Du drame au merveilleux
Cette dernière, réalisée par Julien Séri
(Yamakasi), met en scène Castaneda,
campé par Éric Cantona. Un choix évi-
dent pour M6 et pour la production. « Il
a cette image d’une personne directe et
sincère, qui agit, poursuit-elle. Il a du
panache ! Il était parfait pour interpréter
ce héros qui est à la fois rassurant et, en
même temps, qui impressionne. »
Le comédien incarne donc ce papa
poule au passé trouble qui élève seul
Alia, sa fille unique (Célia Lebrument),
et vit avec sa mère (Myriam Boyer).
Quand la jeune fille disparaît, il pré-
vient le commissariat mais, démuni
face au manque de réaction des forces
de l’ordre, il choisit de se lancer dans sa
propre enquête et n’hésite pas à
s’affranchir des règles pour la retrou-
ver. Dans sa quête, il peut compter sur
l’aide de Nass, son meilleur ami (Arié
Éric Cantona campe Castaneda,
un papa poule au passé trouble,
qui n’hésite pas à s’affranchir
des règles pour retrouver
sa fille disparue.
Jean Philippe BALTEL/BONNE PIOCHE/M6
Elmaleh), mais aussi de Charlie la sur-
veillante du collège de sa fille (Marilyn
Lima). Une quatrième partenaire, in-
carnée par Helena Noguerra et cachant
sa véritable identité à ses comparses,
complète l’équipe en cours d’histoire.
Éric Cantona, à l’affiche également de
Murder Club, une autre série de M6 an-
noncée pour la rentrée, a immédiate-
ment accepté ce rôle : « J’aime que mes
choix aient du sens. Je ne connaissais pas
l’histoire de Béor, que j’ai rencontré sur le
tournage. Ce qui m’a plu, c’est ce per-
sonnage et ce qu’il a fait de son expérien-
ce. J’aime l’idée que, quand on vit un
drame, on le transforme en quelque chose
de merveilleux. Et si, en plus, cela peut
faire bouger les choses, c’est encore
mieux », explique celui qui a joué dans
Le Colosse aux pieds d’argile, sur TF1 en
mai dernier, l’histoire de Sébastien
Boueilh, rugbyman abusé sexuellement
durant son adolescence.
Avec cette fiction, M6 renoue avec un
héros récurrent. La chaîne croit beau-
coup dans l’attraction de Castaneda
auprès des téléspectateurs. La chaîne
diffuse les quatre épisodes inédits de
cette première saison sur deux soirées
et a déjà annoncé le tournage de six
nouveaux volets très bientôt.
Les intrigues, écrites sur plusieurs
temporalités, s’avèrent assez captivan-
tes et les personnages, portés par des
comédiens généreux dans le jeu, plutôt
attachants. Celui incarné par Arié El-
maleh apporte une touche d’humour.
Dommage que les dialogues ne soient
pas toujours à la hauteur des enjeux de
cette série. Et, pire encore, que parfois
ils la desservent. ■
« Brigade anonyme »
À 21 h 10, sur M6
Notre avis : ○○◐¡

Violences sexuelles : comment la justice se réinvente

Julia Baudin

Captation exceptionnelle d’un procès tenu à Nantes, « Viol, défi de justice », sur France 5, montre un système en plein bouleversement.

J
e rappelle que le viol est défini
comme tout acte de pénétration
sexuelle de quelque nature qu’il
soit, commis sur la personne
d’autrui ou sur la personne de l’auteur,
par violence, contrainte, menace ou
surprise. Je rappelle que ce même article
prévoit que le viol est puni d’une peine
pouvant aller jusqu’à quinze années de
réclusion criminelle », énonce le juge en
ouverture de ce procès filmé avec
l’autorisation exceptionnelle du minis-
tère de la Justice.
À l’origine de cette initiative, Marie
Bonhommet, spécialiste des questions
de société, à qui l’on doit déjà Entendre
l’indicible, sur la maltraitance infantile,
notamment. La journaliste cherchait la
manière la plus simple, la plus éviden-
te, de traiter la question de l’évolution
de la justice sur la question du viol de-
puis la révolution #MeToo. Avant 2017,
près de 80 % des victimes ne dénon-
çaient pas les faits aux forces de l’or-
dre. Depuis, elles se sentent légitimes à
porter plainte et le nombre d’enquêtes
ouvertes a doublé. Pour autant, seule-
ment 10 % d’entre elles aboutissent sur
une condamnation. Mais là n’est pas le
propos du documentaire.
Au fil des sessions du procès qui s’est
tenu pendant deux jours à Nantes
après quatre ans de procédure, Viol,
défi de justice s’attache à montrer la
difficulté des magistrats à rendre justi-
ce dans ce cadre. Un cadre qui, bien
souvent, se limite à la version d’une
femme contre celle d’un homme, obli-
geant juges et avocats à dépasser le
« parole contre parole », parfois sans
preuves et sans témoignages. Le film
illustre aussi les ajustements mis en
œuvre par la justice pour donner aux
violences sexuelles les réponses que la
société attend alors même que le fléau
trouve ses origines dans sa structure
même.
La question du consentement
Nouvelle juridiction, délais de procé-
dure écourtés, absence de jurés, cinq
magistrats professionnels… « Le dossier
de Sarah aurait-il été traité de la même
manière il y a quelques années ? Je ne
crois pas. Pour moi, ce qu’il se passe en
ce moment est une révolution, dans ma
pratique professionnelle et pour l’insti-
tution judiciaire tout entière », répond
l’avocate de la plaignante. Au fil des
minutes de cette captation inédite,
toutes sortes de questions émergent.
Qu’en est-il du discernement de cha-
cun sous l’emprise de l’alcool, du can-
nabis, de la fatigue, de la cocaïne ? Où
sont les limites, à l’heure de #MeToo ?
Quelqu’un était-il dans la capacité de
les rappeler ? Se peut-il qu’il y ait eu
méprise ? Qu’en est-il du consente-
ment ? Dans quelles circonstances
peut-on parler de viol quand, pour
1 Français sur 2, en 2023, la définition
du mot se restreint encore à un acte
commis par un « inconnu », dans un
« espace public » et avec « violence » ?
Archaïque et bien réducteur alors
qu’il est avéré que, dans neuf cas sur
dix, la victime connaît son agresseur…
Viol, défi de justice se clôt sur la pro-
nonciation de la condamnation : cinq
années d’emprisonnement, dont deux
années assorties d’un sursis probatoire
pendant deux ans. Soit trois ans der-
rière les barreaux. Le jeune homme
quitte la salle, menottes aux poings, en
sanglots. Il ne fera pas appel. La victi-
me, qui lutte depuis quatre ans pour
reprendre une vie normale, semble,
elle aussi, prendre la mesure de la pei-
ne. La soirée se poursuit avec un débat
animé par Karim Rissouli. ■
« Viol, défi de justice »
À 21 h 05, sur France 5
Notre avis : ○○○◐

MOTS CROISÉS Par Vincent Labbé BRIDGE Par Philippe Cronier www.lebridgeur.com
LIGNE 2 : AÉRANT, GELURE, TRÈFLE, RELIER, PÉDALE, SCANDE.
LIGNE 1 : VIRAGE, GRI-GRI, SERTIR, BEURRE, CRÉPUE, ABUSER.

1 2 3 4 5 6 7 8
PROBLÈME N° 6562 PROBLÈME N° 3370 : SOLUTION DU PROBLÈME N° 3369 : Black-out
HORIZONTALEMENT 1 Tout bien reconsidéré
1. Home de paille. - 2. Rattaché à une annexe de palais. Contrat : Sud joue 7 Piques.
- 3. Ouvrent le feu au nom de la loi. - 4. Vieux char attelé. 2 Entame : 6 de ♦ pris de l’As.
SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT

Train sur le retour. - 5. Dans une formule de renvoi. V86

Procède à l’inventaire des livres. - 6. Indice pour le diesel.
- 7. Donne des signes de fatigue. C’est pratiquement
la fin de l’automne. - 8. Romains. Bons coups à jouer.
- 9. Passas au crible. - 10. Bœufs cuits. Exprime le sou-
lagement. - 11. Calme une dent. - 12. Ne qualifie certes
pas une dame de compagnie.
3 A8764 Encaissez As-Roi d’atout. En l’occurrence, Est défausse. Empressez-vous de
ARD ne pas ôter le dernier atout d’Ouest mais poursuivez au contraire par Roi
4 A7 et As de ♥, ♥ coupé du Valet, atout pour la Dame et ♥ coupé. Terminez
N soigneusement en encaissant la Dame de ♣ puis les deux autres honneurs
5 O E à ♣ et enfin le 10 de ♥ affranchi.
S Hasardez-vous à donner prématurément un troisième tour d’atout et vous
6 ne serez plus en mesure de bénéficier de tous vos honneurs, faute d’une
 A R D 10 9
RONDE DES MOTS© :

VERTICALEMENT 7 R2 communication.

1. Une activité aux petits oignons. - 2. Soignée à l’œil.  V 10 9 6 Si vous avez chuté ce coup sur table, vous
ARD
Esprits de famille. - 3. Croquettes dans un fastfood. 8 43 êtes en compagnie d’un multiple champion  A 10 8 7 4
Repas avec des sardines. - 4. Matière à penser. Médecin du monde suisso-polonais victime d’un AV
tout ouïe. - 5. Laves rugueuses. Enveloppes gommées. 9 black-out lors du round Robin de la Bermuda AR6
Équivalent or. - 6. Dotée d’une certaine contenance. Contrat : Sud joue 7 Piques. Bowl 2022 à Salsomaggiore (Italie). Un coup  10 7 2 9
N
Parti en tournées. - 7. Entrées en bois. Prend la taille. - 8. 10 d’autant plus onéreux que, dans l’autre salle,  V 5 D963
Entame : Dame de ♣ prise
O E
Ford en créa à la chaîne. Marraine généreuse. on n’avait joué que 5 Piques (!), gagné avec  8 6 5 3 S  R D 10 2
 10 9 4 3 V752
11 de l’As. deux levées supplémentaires (mal enchéri, V86543
bien joué). R2
12 974
D8

SOLUTION DU PROBLÈME N° 6561

HORIZONTALEMENT 1. Zappeuse. - 2. Orientas. - 3. Orgueils.
TÉLÉCHARGEZ
- 4. Tie. Élue. - 5. Hère. Ian. - 6. Erebus. - 7. Rêne. Été. - 8. Astre. L’APPLICATION
- 9. Pa. Lutta. - 10. Illusion. - 11. Élée. Lue. - 12. Semelles.
VERTICALEMENT 1. Zoothérapies. - 2. Arrière-salle. - 3. Pigèrent.
A

LEM. - 4. Peu. Éberluée. - 5. Énée. Eus. - 6. Utilisé. Till. - 7. Salua.

Tatoue. - 8. Essence. Ânes.
 Télévision/Météo le figaro mardi 26 mars 2024 41
Tous les programmes
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ÉPHÉMÉRIDE Ste-Larissa
À LA DEMANDE Soleil : Lever 06h38 - Coucher 19h13 - Lune décroissante

20.50 21.10 21.10 MATIN

Football : Match amical Bungalow 21 Alex Hugo Feud : Les trahisons 5
international héâtre Série. Policière de Truman Capote 20
5
7 5 6
7 7
6 4
6
6 8 8
5
8
8 8 7
7
Sport En 1960, deux couples séjournent au Fra. 2021. Saison 8. Avec Samuel Au milieu des années 70, l’écri-
France - Chili. En direct. Trois jours Beverly Hills Hotel. Dans le bungalow Le Bihan. 2 épisodes. Alex Hugo vain américain Truman Capote 30 7
20 logent Simone Signoret et Yves retrouve, prostré dans une voiture, un cherche en vain un sujet pour son 9
après avoir afronté l’Allemagne, à 7
Lyon, l’équipe de France poursuit sa Montand. Marilyn Monroe, installée jeune homme qui airme se nommer nouveau livre. Son amant, John 7
préparation à l’Euro 2024 et déie le dans le bungalow voisin, est une Léo Melino. Angelo avait participé aux O’Shea, lui suggère d’écrire sur les 8 8
Chili, à Marseille. Le Stade Vélodrome femme irrésistible, dont le couple recherches lors de la disparition de nombreux ragots et commérages 11 11
devrait réserver une belle ovation à avec Arthur Miller bat de l’aile. Léo. Alex trouve cette réapparition un dont il a eu vent en fréquentant la 10
peu trop belle pour être vraie. jet-set new-yorkaise dont il a été 7 7
l’attaquant chilien Alexis Sanchez.
22.38 Joyeuses Pâques. héâtre. le conident durant des années. 12 12
23.20 Camille & images. Div. 00.23 Votre télé et vous. Magazine.
00.46 Un dimanche à la campagne. À la sortie de son ouvrage, ses 13 100
anciennes amies, blessées,
décident de se venger. Après 13
avoir consacré une première sai- APRÈS-MIDI
son à la rivalité entre Bette Davis
21.10 20.55 21.10 et Joan Crawford, Ryan Murphy
20
13
L’été dernier Yakuza Brigade anonyme braque cette fois les projecteurs
sur le personnage de Truman 11
Film. Drame Documentaire Série. Suspense 10 13 15
Capote. Dans le rôle de l’écrivain,
9 12
Tom Hollander afronte un casting
15 17
éblouissant composé de Naomi 10
Watts, Diane Lane, Chloë Sevigny, 11 10 12
15
Demi Moore et Calista Flockhart. 8
11 10 14
9

Fra. 2023. Réal. : Catherine Breillat.
1h42. Avec Léa Drucker. Une illustre
avocate voit son existence boulever-
sée par l’irruption dans sa vie du ils
adolescent de son époux, avec lequel
elle entame une liaison.
22.52 Inoubliables, nos chers
Fra. 2023. Réal. : Michaël Prazan.
1h50. 2 épisodes. Inédit. À partir de
témoignages exclusifs de plusieurs
d’entre eux, d’éclairages et d’archives,
immersion au cœur du monde des
yakuzas, les maieux du Japon.
22.45 Japon : la in du paciisme ?
Fra. 2024. Saison 1. Avec Éric Cantona. 6 13
2 épisodes. Inédit. Quand la ille 40 12 18
13.00 Points de vue.
de Castaneda disparaît un soir, ce 10
18.30 Le Buzz TV. Quentin 7
dernier comprend immédiatement
Bataillon, député Renaissance 14 13
la gravité de la situation. Il décide
de la commission d’enquête 12
d’enquêter, aidé d’autres anonymes. 11
sur les fréquences de la TNT. 8
Interviewé par Damien Canivez 14 13
23.05 Taken. Film. hriller. Avec Liam
2022–COMMUNE IMAGE MEDIA / NATIVE/DEEP MEDIA

grands-parents. Divertissement. Documentaire. Réal. : Marie Linton. Neeson, Maggie Grace, Jon Gries. et Sarah Lecœuvre. 13 90
19.00 Bienvenue
en Île-de-France. 17

21.00
Histoire de foi
T (en °c)
<-10 à 0 0 à 10 10 à 20 20 à 30 30 à >40
19.40 Touche pas à mon poste. Div. 19.50 Les apprentis aventuriers. 19.15 Quotidien. Divertissement.
21.19 MILF 21.05 La grande soirée 21.25 J’ai tué mon mari
Film. Comédie. Fra. 2018. Réal. : Axelle des comédies musicales Série. Suspense. Fra. 2020. Saison 1. ALGER 14/20 AMSTERDAM 4/14 ATHÈNES 11/20
Lafont. 1h50. Avec Marie-Josée Div. Prés. : Hélène Ségara et Élodie Avec Erika Sainte. 2 épisodes. Inédit. 12/16 4/17 2/13
BARCELONE BELGRADE BERLIN
Croze, Axelle Lafont. Dans le Sud, Gossuin. 2h15. Inédit. Les troupes des Le jour de son procès, une femme,
trois copines presque quadragé- comédies musicales sont réunies qui s’est accusée du meurtre de BERNE 1/18 BRUXELLES 6/14 BUDAPEST 1/16
naires sont les cibles de trois jeunes pour interpréter plus de vingt tubes son mari, reçoit des menaces d’un COPENHAGUE 3/8 DUBLIN 7/8 LISBONNE 9/13
hommes qui les trouvent plus atti- gravés dans le cœur des Français. homme qui semble savoir que son LONDRES 7/12 MADRID 5/9 PRAGUE 2/15
rantes que les femmes de leur âge. époux est toujours en vie. Série documentaire. RABAT 13/15 ROME 12/17 TUNIS 17/24
23.20 Les 20 chansons de comédie
23.13 Les Segpa. Film. Comédie. musicale préférées des Français. 23.10 J’ai tué mon mari. Série. Inédit. La Voix des anges, sur la
symbolique sonore des églises.
MERCREDI JEUDI VENDREDI
22.30 Le Club Le Figaro
International. Sur l’Europe,
Philippe Gélie reçoit Mathieu 5/10 6/11 7/12
Gallard, directeur des études à
20.04 C à vous la suite. En direct. 20.00 Wheeler Dealers France. Doc. 19.55 Les mégastructures romaines 6/10 5/11 6/10 5/11 7/12 8/16
l’institut Ipsos, et Pascale Joannin,
en Gaule. Documentaire.
21.05 Viol, déi de justice 21.10 Dans les secrets directrice générale de la Fondation
4/11 6/11
Documentaire. Fra. 2024. Réal. : des francs-maçons 20.50 Légendes du ciel Robert Schuman. 9/13
Marie Bonhommet. 1h10. Inédit. Doc. Fra. 2021. 1h35. Des francs- Documentaire. Fra. 2023. 1h40.
Un procès pour viol à la cour crimi- maçons français et britanniques ont 2 épisodes. Inédit. À l’aube du premier
Pour regarder 5/11 7/15 7/15 10/17 11/16 13/18
nelle de Nantes permet d’appré- accepté de témoigner et d’ouvrir conlit mondial, l’aviation n’en est le Figaro TV ?
hender la complexité des nouveaux les portes de leurs temples les plus qu’à ses débuts. Rapidement l’avia- Canal 34 de la TNT
enjeux auxquels la justice est prestigieux à Paris et à Londres. tion de reconnaissance se mêle aux en Île-de-France ou sur les box lachainemeteo.com
confrontée depuis #Metoo. batailles de plus en plus âpres. SFR 468 Orange 345 Par téléphone : LIVE 24/24 Sur L’APPLI
22.45 Les templiers : la démesure
GRATUITE
22.15 C ce soir. Talk-show. En direct. des bâtisseurs. Documentaire. 22.30 L’Armée rouge. Documentaire. Free 904 Bouygues 305 2,99 €/appel La Chaîne Météo

MOTS FLÉCHÉS DU FIGARO N°3789

MENU IL VILLE DE CITÉ DE LA AMÉ- SE DÉMÈNE ENTRE PRONOM RETIRENT PEUT-ÊTRE HONORA
FRETIN PROLONGE LA SAMBA MAYENNE ÉLEVEUR RINDIEN MET LE (SE) CUISSE INTERRO- UNE SARL
DE POÊLE EN PIÈCES
UN PROCHE LA SOIRÉE TABLE MIS EN GRANDE DIVINITÉ ET BAS- GATIF POUR PRINCIPE DÉCAMPER
VOLAILLES FONCTION (S’)
DU JUGE GRAPHIES SUR (SE) RÉSERVE ÉPOQUE À ROME VENTRE NÉGATION BÉBÉS DE VIE
TROIS ENCORE
FOIS RIEN INTACTE
ANCIENNE DISCOURS
SURFACE FUNÈBRE
HOMME EN PEU
DE DI- DE MOTS
VIDENDES COMMÉ-
EXPULSÉE RAGE
CRAQUELÉ, EMPOI- CHACUN Y DEGRÉ DE
CREVASSÉ SONNE LES MET SON PORTÉE
COBALT FLÈCHES NOM
AU LABO LA CHOSE SHOOT À LUI
FIN BOUCLÉ SOURCE CARAPACE BIEN IL FINIT
PIANISTE D’INFINITIF ET VO- D’IMAGES D’OURSIN MÉMORISÉ TOUJOURS
OU LUMINEUX
ACTRICE CORDAGE CHIFFRE PETITES CARTE SUR LA
DE VOILES BARYUM DEUX REINES À PUCE PISTE
IL ÉTOUFFE PRÉNOM PAS UNE
AVANT DE FÉMININ MILITAIRE GROS BRAS
MANGER DU MILIEU
ARIDES MINES ARTICLE
ERRA FORTUNÉ IL EST APPAREIL RELIQUAT ÎLE QUI
SOUVENT DE RAYON- PUNCH DONNE
IL SIÈGE À BIÈRE PRIS EN NEMENT SANS AUSSI
LA COUR ANGLAISE TRAITE DÉSERT ALCOOL LE TON
HOULEUX, ABRI DE IL VAUT SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT
MOUVE- PLAGE 3,14...
R P N V N V S I P I N S P
MENTÉ CRI DE LA
SÉLÉNIUM M O M A A B O R I G E N E S U R A N N E S O L
ÉPROUVE BREBIS
T A T A R E S E R E P R E S E N T A T I O N S
RETOQUER
BOÎTE OÙ CONSIDÉ- A T T I T R E I R I S A T I O N N E S
CE N’EST HÉLAS ON RÉE AVEC W E S T E R N S S O N V E G A R E
PAS UNE DANSE PEU DÉDAIN
LANTERNE H E R S E R A L T O T E A S E R P
I N E N A R R A B L E P L I A E R E
CONVE-
FROMAGES ÉLÉMENTS
A

NANCE F L I R T A D N A R R A I S O N N E R
BLANCS EN PERSON- DE E T I E R S D E N I E R S P I E T E
SUISSE CHARRUES
NELLE O R E E S A L E R T E R E P A T E E S
 42 mardi 26 mars 2024 le figaro
Par
Stéphane Durand-
Souffland
Depuis le 18 mars,
le fondateur
du groupe Eclore,
un ancien vendeur
de voitures reconverti
dans la gastronomie,
est propriétaire
de 5 étoilés Michelin
à Paris.
C
hez lui, il adore mitonner
de bons plats de pâtes ac-
commodées avec ce qui
traîne dans son frigo car il
« déteste le gaspillage »,
mais ce n’est pas pour sa
propre cuisine que Stéphane Manigold
est, depuis le 18 mars, titulaire de 6 étoiles
Michelin à Paris. Le fondateur du groupe
Eclore, écurie de huit tables (1), a vu tom-
ber lundi dernier un nouveau macaron en
date sur son petit dernier, Hémicycle (lire
nos éditions du 19 mars). En 2022, il avait
réussi le triplé avec Substance, Granite et
Contraste, à quoi s’ajoutent les 2 étoiles de
Maison Rostang, rachetée en 2020. Pas
mal, pour un ancien vendeur de voitures
reconverti au culot dans la gastronomie.
Retour en arrière. L’histoire commen-
ce le 28 janvier 1980. Stéphane, qui a qua-
tre frères et sœurs, naît à Mulhouse. Les
Manigold habitent en ZUP, dans un quar-
tier difficile. Les parents s’entendent mal,
la mère de famille prend le large quand
Stéphane a 7 ans – premier déchirement.
Le gamin, comme toute la fratrie, fait la
dure expérience d’un foyer de la Ddass,
« prison pour enfants » où règne la violen-
ce. Il a raconté dans un livre écrit à l’encre
de la résilience (2) cette jeunesse cabos-
sée et sa volonté de ne pas sombrer dans
la délinquance.
L’adolescent rencontre sur son che-
min un éducateur hors pair, Christian
Meyer, qui fait tomber les murs de la cité,
l’intéresse au théâtre - « une thérapie
formidable » -, plante en lui le germe de
GÉNÉRAL FRANÇOIS LECOINTRE
Ancien chef d’état-major des armées, ancien chef du cabinet militaire du premier ministre sous
différents gouvernements et grand chancelier de la Légion d’honneur, le Général François Lecointre
sera l’invité exceptionnel d’Alexis Brézet et de Vincent Trémolet de Villers.
A
P o r t r a i t
Stéphane Manigold,
la tête dans les étoiles
l’émancipation. Cet homme si important Pour résumer la détermination de ce
pour lui se donne la mort – second dé- tchatcheur hors du commun, une seule
chirement – au moment où Stéphane anecdote : il découvre un jour un
Manigold est admis dans un lycée avec champagne qui l’enchante, la cuvée
option théâtre. Le bac en poche, il n’a Substance de la maison Selosse. Ni une
qu’une hâte : travailler pour fuir la ZUP. ni deux, il prend le volant et fonce à
D’abord livreur de pizzas en 1998, il en- Avize dans la Marne (300 km aller-re-
voie au culot un CV à la concession Seat tour) pour acheter quelques flacons au
de Mulhouse, qui l’embauche. « Mes co- domaine, qui n’a rien à vendre. Mais le
pains volaient des voitures, j’ai décidé d’en vigneron, Anselme Selosse, est telle-
vendre », sourit-il. Il est si doué qu’il se ment séduit par le personnage qu’il lui
fait débaucher par la maison d’en face, cède trois bouteilles du vin que les
Audi. En 2002, il rencontre sa future connaisseurs s’arrachent dans le monde
femme au Club Med et s’installe à Paris. entier.
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DESSIN CLAIREFOND
SEBASTIEN SORIANO/Le Figaro
Voilà qui fait le lien avec Eclore et la
gastronomie. Manigold, fin palais à l’en-
tregent illimité, rencontre par ailleurs le
galeriste Kamel Mennour, découvreur de
jeunes talents, et décide qu’il en a assez
des berlines : il sera « le Mennour de la
restauration », à l’affût de talents bruts et
à mille lieues de la mode des tables « fes-
tives » qui prolifèrent comme du chien-
dent bien qu’on y mange souvent fort
mal. La société est créée en 2017. Aux
côtés du fondateur hyperactif, une avo-
cate, la discrète Anaïs Sauvagnac. Les
chefs des huit restaurants sont aussi asso-
ciés, ou ont vocation à le devenir, de
même que les responsables de salle. Pre-
mière recrue : le gamin Matthias Marc
(chef de Substance, ainsi baptisé en hom-
mage aux bulles magiques de Selosse),
auteur d’une assiette improvisée homard
et ris de veau qui fait chavirer Manigold.
Celui-ci arrête illico de chasser dans la
jungle des étoilés et autres meilleurs
ouvriers de France.
Notre homme devient une célébrité du
secteur pendant la crise du Covid, qu’il
avait anticipée dès les premières nouvel-
les alarmantes venues de Chine. Il gagne
avec Me Sauvagnac un bras de fer épique
contre l’assureur Axa assisté par son ar-
mada d’avocats d’affaires, et obtient un
dédommagement pour les mois de fer-
meture imposée par le gouvernement. De
nombreux confrères qui avaient signé des
polices analogues en profitent. La tête
pensante d’Eclore, « client » de rêve pour
les micros qui se tendent, devient une
personnalité médiatique. Et commence à
engendrer les inimitiés de concurrents,
l’aigreur de jaloux.
Il échoue à prendre en 2022 la prési-
dence de l’Union des métiers et des in-
dustries de l’hôtellerie (Umih), principal
syndicat de la profession ; le poste échoit
au chef Thierry Marx, autre tête d’affiche
UN dernieR mot
Impressionnisme [in-pré-sio-nis-m’] n. m.
Porte Monet.
Ce mardi s’ouvre au Musée d’Orsay (Paris) une grande exposition consacrée
aux débuts de l’impressionnisme.
Le mot date de 1874, il a été créé par un critique pictural d’après le tableau
de Claude Monet Impression, soleil levant. Il vient du latin impressum, supin du verbe
imprimere qui signifie « appuyer ». Il a vite qualifié toute une école de peinture
qui se caractérise, si l’on peut dire, par l’expression de l’impression, notamment
au moyen de jeux de lumière.
C’est peu dire que les premières toiles de l’impressionnisme firent forte impression.
Les critiques, engeance par essence peu impressionnable, eurent aussitôt
l’impression (la certitude ?) qu’un nouvel art de peindre était sous leurs yeux.
Aucun « déjà-vu » (qui est une autre forme d’impression).
Cette manière légèrement floue, ce style imprécis… C’était ça, l’impressionnisme.
La presse s’en empara.
Cent cinquante ans après, l’impressionnisme continue à laisser dans le monde entier
une bonne impression, désormais durable : il n’est que de juger par le nombre
de livres qui sont imprimés – avec parfois d’importantes réimpressions
– et racontant une histoire née d’Impression, soleil levant.
Impression qui mit l’impressionnisme pour longtemps au zénith. ■
Stéphane Manigold,
au Bistrot Flaubert, à Paris.
étoilée connue du grand public. Manigold
obtient cependant la tête de la section
restauration Paris et Île-de-France.
Entre les deux hommes, le courant ne
passe pas, bien qu’ils aient connu un iti-
néraire de vie comparable. Pour Mani-
god, l’Umih est de longue date « une ma-
fia », une écurie d’Augias qu’il faut
« nettoyer ». De son point de vue, l’actuel
président – qui s’en défend – serait trop
lié à des groupes alimentaires industriels,
en France et en Europe, pour défendre le
bout de gras des petits entrepreneurs que
sont la plupart des restaurateurs.
Un épisode troublant est survenu ces
jours-ci, qui illustre la fracture. Depuis
plus d’un an, Stéphane Manigold est à la
manœuvre pour que l’Assemblée natio-
nale adopte un projet de loi, afin que la
mention « non fait maison » soit impri-
mée sur les cartes des pseudo-chefs qui
abusent des produits surgelés ou en-
voient des plats tout prêts passés au mi-
cro-ondes. On pourrait penser que cette
mesure de transparence recueillerait
l’unanimité. Pas du tout. Le texte vient
d’être brutalement retiré du circuit par-
lementaire.
« Je n’ai pas voulu
autrefois vivre dans
la malhonnêteté. Je ne vais
pas commencer à devenir
un escroc maintenant que
je n’ai que des problèmes
de riche »
Stéphane Manigold
Un communiqué daté du 19 mars et
publié sur le site de l’Umih s’en félicite :
l’organisation alliée à d’autres exprime sa
« satisfaction » et prône dans une langue
de bois de haut vol « l’engagement d’un
dialogue constructif entre les parlementai-
res, le gouvernement et les professionnels
(…) favorisant la transparence, tout en
respectant la complexité de nos métiers.
(…) Nous refusons de faire apparaître une
mention négative sur nos cartes ou tout
autre support ! » Le 20 mars sur BFMTV,
poussé dans ses retranchements par le
journaliste Maxime Switek, le député
(Renaissance) rapporteur du texte mort-
né Christopher Weissberg – suppléant de
Roland Lescure, ministre de l’Industrie –
s’en prend violemment au président
d’Eclore (non présent sur le plateau), le
traitant à plusieurs reprises de « men-
teur ». Sollicité par Le Figaro, Thierry
Marx fait savoir que deux plaintes en dif-
famation – une au nom de l’Umih, une en
son nom propre – ont été déposées contre
le trublion, lequel « a été exclu des instan-
ces nationales » du syndicat.
Ce n’est pas cette déconvenue qui dou-
chera les ambitions de Stéphane Manigold.
Quand on lui demande pourquoi il aime
autant le lobbying, il nuance qu’il défend
l’« intérêt général » et qu’il est, lui (suivez
son regard), fidèle aux engagements ver-
tueux qu’il proclame. « Je déteste l’injusti-
ce, ajoute-t-il. Je n’ai pas voulu autrefois
vivre dans la malhonnêteté. Je ne vais pas
commencer à devenir un escroc maintenant
que je n’ai que des problèmes de riche. » ■
(1) Substance, Contraste, Granite,
Hémicycle, Liquide, Braise,
Maison Rostang, Bistrot Flaubert.
(2) « Vivre ses rêves afin de rêver sa vie »,
Éditions du Cherche midi, 2022.
Par étienne de Montety