3,40 € mercredi 31 mai 2023 le figaro - N° 24 501 - www.lefigaro.

fr - France métropolitaine uniquement Première édition

lefigaro.fr

rUgBy traFIC dE drOgUE

daNs 100 JOUrs, La FraNCE vEUt L’INqUIÉtaNt PhÉNOMèNE
FaIrE dE sa COUPE dU MONdE dEs adOLEsCENts rECrUtÉs
UNE graNdE FêtE POPULaIrE PAGE 13 POUr tUEr PAGE 7

Airbnb, le phénomène qui

rETrAITES
La macronie
décidée à faire

déstabilise les centres-villes

tomber le texte
d’abrogation
PAGE 4

jUSTICE
En prison,
la «gestion Les municipalités multiplient les mesures pour enrayer le raz de marée de la location
calamiteuse » saisonnière. Mais le géant américain, dont le succès ne se dément pas, fait de la résistance.
du cas Elong abé,
tueur d’yvan Face au raz de marée Airbnb, pas interdire Airbnb ni le tou- les locations saisonnières. propriétaires, qui y puisent è Le GéaNt améRICaIN
Colonna PAGE 6 de nombreuses villes ont risme, nous voulons simple- Mais le succès de la platefor- de confortables revenus. In- daNs Le VIseUR dU QUébeC
durci leurs règles ces derniè- ment que les gens puissent ha- me américaine ne se dément quiète des réglementations è « C’est tROp, je N’eN peUx
kOSOVO res années pour lutter contre biter là où ils travaillent », pas. Elle est plébiscitée par les qui s’accumulent, la « com- pLUs ! » : à bayONNe, aNNeCy
OU saINt-maLO, Les
regain de violence l’explosion des meublés tou- résume Iñaki Echaniz, député touristes, qui y trouvent un munauté Airbnb » exerce un RIVeRaINs déCRIVeNt L’eNfeR
ristiques qui, selon elles, dé- (PS) des Pyrénées-Atlanti- moyen commode de voyager lobbying efficace pour tenter
entre serbes truit l’offre en logements tra- ques, auteur d’une PPL trans- à prix raisonnable. Elle fait de freiner les mesures anti-
dU VOIsINaGe aVeC Les
LOCatIONs de COURte
et albanais ditionnels. « Nous ne voulons partisane visant à encadrer aussi les affaires de nombreux location saisonnière. dURée pAGes 22 eT 23
PAGE 10

rOLAND-gArrOS
Lucas Pouille, Après les frappes de drones sur Moscou, Poutine Fraude
de la dépression
à la résurrection accuse Kiev de vouloir « terrifier » les Russes sociale :
questions
PAGE 12

ImmObILIEr
La baisse des prix et micro-
se propage
partout en France
polémiques
PAGE 24 autour
Entre l’ain et du plan Attal
Champs lIbRes

la drôme, duel Le ministre délégué aux

à distance pour Comptes publics a présenté un
panel de mesures censées per-
le nucléaire 3.0 mettre à l’État de recupérer 6
KIRILL KUDRYAVTSEV/AFP

n
La tribune à 8 milliards d’euros par an.
de Michel Parmi ses propositions figure
notamment la fusion de la car-
desmurget te Vitale et de la carte d’iden-
et Irene tité : un projet aussitôt critiqué
Cristofori par Beauvau, où Gérald Dar-
manin n’aurait pas été suffi-
n
La tribune Moscou a été réveillée mardi par des explosions, alors que la capitale russe était la cible de l’attaque de drones la plus samment consulté.
d’alain Minc massive depuis le début de la guerre en Ukraine. Le chef du Kremlin a menacé d’« une riposte en miroir ». PAGES 8 Et 9 PAGES 2, 3 Et l’éditoriAl

n
La chronique
de Bertille
Bayart
ÉdItOrIaL par Gaëtan de Capèle gdecapele@lefigaro.fr

Urgence vitale
n
L’analyse
de Jean-Pierre

À
robin
PAGES 15 à 17 des années-lumière de l’enfer qu’il met le sujet de la fraude sociale sur la
néolibéral qu’on nous décrit table. D’un coût évalué entre quelques mil-

@
chaque jour, la France donne liards et plusieurs dizaines de milliards
plutôt l’impression d’un Éden d’euros, il est urgent de s’y attaquer de
FIGARO OUI de la protection sociale au mi- front. En pourchassant, cela va de soi, les
FIGARO NON lieu d’une planète enflammée. Nulle part employeurs et les médecins peu scrupuleux
Réponses à la question ailleurs dans le monde on ne bénéficie de qui l’alimentent. Mais aussi en levant les ta-
de mardi : couvertures aussi généreuses face aux aléas bous sans qu’il soit besoin de s’excuser par
Êtes-vous favorable de la vie. La santé, la précarité, la vieillesse avance des risques de « stigmatisation ».
à un changement sont entièrement prises en charge par la Les faits sont là : tel un
dans la Constitution pour
organiser un référendum
collectivité, qui y consacre des montants
exorbitants : chaque année, les dépenses
La France, aimant, l’accès aux
prestations sociales et
sur l’immigration sociales - financées par les impôts et cotisa- cet Éden aux soins gratuits attire
en France ? tions des entreprises comme des particu-
liers - représentent chez nous un tiers de la
de la des populations du
monde entier. Derrière
OUI NON richesse produite dans le pays, soit plus de protection elles s’organisent des
76 % 24 %
TOTAL DE VOTANTS : 130 518
800 milliards d’euros. Tel est le prix à payer
pour la préservation de notre sacro-saint
sociale filières d’immigration
devenues hors de
système social. Cet effort financier consi- contrôle. En plus de vider les caisses publi-
Votez aujourd’hui dérable exigerait au minimum en contre- ques, cet afflux gonfle chaque jour un peu
sur lefigaro.fr partie que chacun respecte scrupuleuse- plus l’électorat RN.
3’:HIKKLA=]UXYU]:?k@f@d@b@k";

Êtes-vous favorable ment les règles, mais aussi que le monde On jugera sur pièces de l’efficacité du plan
à la fusion entre la carte entier n’ait pas accès sans conditions à cette antifraude du gouvernement, une fois qu’il
Vitale et la carte d’identité solidarité. Il y va de la survie du pacte social sera mis en place. En espérant que les
M 00108 - 531 - F: 3,40 E

pour lutter contre

la fraude fiscale ?
qui lie les Français entre eux.
On peut prêter toutes les arrière-pensées
grands espoirs placés dans la fusion entre la SOLUTIONS AUTOMATISÉES
carte Vitale et la carte d’identité ne devien-
politiques au jeune et ambitieux Gabriel ne pas une de ces usines à gaz juridico-ad- POUR ENTREPÔTS INTELLIGENTS
PAULINE DARVEY/PHOTOPQR/LE Attal, il fait œuvre d’utilité publique lors- ministratives dont nous avons le secret. ■
PARISIEN/MAXPPP - FRANCK FIFE/AFP
0 810 18 19 20
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 mercredi 31 mai 2023 le figaro
2 l'événement
Gabriel Attal s’attaque à la fraude
6 à 8 une micropolémique avec Gérald
milliards
d’euros
Le montant
de la fraude
aux prestations
sociales selon
la Cour des comptes
1 000
postes
de fonctionnaires
chargés de lutter
contre la fraude
sociale doivent
être créés
Charles Prats : « Ce plan laisse un goût d’inachevé »
PROPOS RECUEILLIS PAR
ronan planchon £@RonanPla
ANCIEN magistrat de la Déléga-
tion nationale à la lutte contre la
fraude, Charles Prats est secrétaire
national de l’UDI à la lutte contre
la fraude sociale et fiscale.
LE FIGARO. - Le plan du
gouvernement pour lutter contre
la fraude sociale cible surtout
les médecins, les pharmaciens
et les ambulanciers. « Dans 70 %
des cas, la fraude est à l’initiative
d’un professionnel de santé par
surfacturation ou par facturation
d’actes fictifs », a déclaré Gabriel
Attal. Faut-il s’attaquer en priorité
à ces professions ?
Charles PRATS. - En matière d’as-
surance-maladie, les profession-
nels de santé sont les principaux
fraudeurs… détectés, car ces frau-
des-là sont recherchées en priori-
té. Le plan Attal propose de facili-
ter la dénonciation de ces
professionnels indélicats par les
assurés sociaux. C’est un peu stig-
1
matisant. Et, surtout, l’Assuran-
ce-maladie dispose des outils in-
formatiques pour les cibler. Il
serait peut-être intéressant de
A
commencer par là avant d’en
appeler aux sycophantes.
Le ministre délégué aux Comptes publics espère mettre la main sur les 6 à 8 milliards
François-Xavier Bourmaud
£@fxbourmaud
exécutif Une offensive, une me-
sure phare et une poussée de ten-
sion. Trois semaines après avoir
présenté son plan de lutte contre la
fraude fiscale, le ministre délégué
aux Comptes publics, Gabriel Attal,
a dévoilé mardi son plan de lutte
contre la fraude sociale. Un panel
de mesure pour tenter de mettre la
main sur les 6 à 8 milliards d’euros
annuels que coûte la fraude à l’État,
ce dernier ne parvenant
aujourd’hui à en récupérer que
1,6 milliard.
« En luttant contre la fraude, on
reprend le contrôle de notre modèle
social, de ce qu’on donne et à qui on
le donne », explique Gabriel Attal
dans Le Parisien. Pour illustrer le
propos, le ministre a inscrit une
Par ailleurs, en volume, la princi-
pale fraude aux prestations socia-
les – qui touche l’ensemble des
branches et allocations –, c’est la
question de l’immatriculation et
de la prise en charge de millions
d’assurés sociaux qui n’y ont pas
droit ou qui ne sont pas censés
exister. La Cour des comptes nous
a ainsi expliqué que nous suppor-
tions 75,3 millions d’assurés so-
ciaux, alors que nous comptons
entre 67 et 68 millions d’habitants.
Tout est dit. Dans deux rapports
du mois de mai 2023, la cour indi-
que que 2,5 millions de personnes
bénéficient à tort de la protection
maladie universelle (l’ex-CMU) et
que l’administration ne lui a pas
indiqué combien cela nous coû-
tait. Le chiffre de 8 milliards an-
nuels de fraude aux prestations
annoncé est donc très sous-éva-
lué. La Cour des comptes s’est
également émue du refus opposé
par les administrations de lui indi-
quer combien de cartes Vitale ac-
tives existaient par année de nais-
sance, ce qui aurait permis de faire
des recoupements pour évaluer la
fraude. Pourquoi cacher cette in-
formation à la Cour des comptes ?
Gabriel Attal a notamment
annoncé 1 milliard dans
les systèmes d’information
mesure phare dans son plan de lut-
te : la fusion de la carte Vitale et de
la carte d’identité. Objectif : lutter
contre les prêts ou les « locations »
de cartes Vitale qui permettent à
certains de profiter de soins gra-
tuits. Or c’est justement cette me-
sure qui a provoqué une petite
poussée de fièvre au ministère de
l’Intérieur, officiellement en char-
ge des cartes d’identité.
Selon le site Politico, Bercy
n’aurait pas consulté Beauvau avant
d’émettre cette proposition. Idée
par ailleurs difficile à mettre en
œuvre à cause des réserves de la
Commission nationale de l’infor-
matique et des libertés (Cnil). Mardi
matin, Gabriel Attal et Gérald Dar-
manin se sont appelés pour conve-
nir d’une réaction commune et
étouffer l’idée d’un désaccord entre
eux. Dans la foulée, Bercy, Beauvau
et le ministère de la Santé publiaient
et les croisements de données,
la fusion de la carte Vitale
et de la carte d’identité et le
recrutement de 240 inspecteurs
Urssaf. Ces mesures vous
paraissent-elles pertinentes ?
La fusion de la carte Vitale et de la
carte d’identité apparaît comme
un tour de bonneteau : le gouver-
nement annonce « mettre à l’étu-
de » cette fusion dont le ministère
de l’Intérieur semble ne pas vou-
loir et qui ne pourrait intervenir
qu’à horizon peut-être supérieur à
quinze années, alors que c’est
aujourd’hui qu’il y a urgence. Et,
dans le même temps, Gabriel Attal
acte l’abandon immédiat de la
biométrie pour lutter contre la
fraude, alors que cela avait été
voté par le Sénat. Pourtant, 83 %
des Français veulent que la bio-
métrie soit utilisée pour lutter
contre la fraude sociale, selon un
sondage Harris Interactive paru
l’année dernière. Le gouverne-
ment agit donc en matière de
fraude sociale comme en matière
d’immigration : il écarte les solu-
tions plébiscitées par les Français.
Point positif, en revanche : il est
effectivement indispensable de
mettre à niveau les systèmes in-
formatiques, ne serait-ce que pour
appliquer la loi qui prévoit que
l’on remonte cinq années en ar-
un communiqué commun pour
confirmer qu’« une mission d’ins-
pection commune (allait) être lancée
très prochainement afin de travailler
à la mise en œuvre technique et juri-
dique de la carte nationale d’identité
et de la carte Vitale ». Polémique
étouffée dans l’œuf et soulagement
à l’Élysée à la publication du com-
muniqué de presse.
Imposer un nouveau thème
Emmanuel Macron ne voyait pas
d’un bon œil cette passe d’armes
entre deux éléments clés de son
dispositif et avait appelé à calmer le
jeu. « Il commençait à y avoir un peu
Le ministre délégué
aux Comptes publics, de “flottouillement”, alors qu’on
Gabriel Attal, voulait qu’il n’y ait même pas de flot-
sur le perron de l’Élysée, tement », explique-t-on dans l’en-
mardi, à la sortie tourage du président. De toute fa-
du Conseil çon, entre le ministre du Budget et
des ministres. celui de l’Intérieur, les messages
ALAIN JOCARD/AFP sont passés. De Bercy à Beauvau : il
rière en cas de fraude aux presta-
tions sociales pour récupérer les
sommes volées. De même, le re-
J. LUC BERTINI/LE FIgARO MAgAzINE
crutement d’inspecteurs des
Urssaf pour lutter contre le travail
illégal va dans le bon sens.
Autre mesure phare :
450 cyberenquêteurs
à l’assurance-maladie pour
traquer les fraudeurs Snapchat.
La lutte contre la fraude passera-
Un plan t-elle par les réseaux sociaux ?
Il existe effectivement des organi-
ambitieux sations de fraude qui utilisent les
se serait réseaux sociaux soit pour recruter
concentré des petites mains, soit pour entrer
en contact plus facilement avec des
sur la mise « clients », par exemple pour ven-
à plat et la dre des arrêts de travail frauduleux
sécurisation ou faire du trafic de médicaments.
Pister ces individus nécessite-t-il
par la 450 « Sherlock Snapchat » dans les
biométrie caisses primaires d’assurance-ma-
du fichier ladie ? Encore un gadget de com-
munication, comme les fraudeurs
des assurés fiscaux qui iront repeindre les cen-
sociaux afin tres des impôts ? Quand il aura re-
de l’expurger péré un revendeur d’arrêts de tra-
vail frauduleux, croyez-vous
des millions
vraiment que l’agent de contrôle de
de personnes la CPAM de Bobigny ira l’interpeller
qui n’ont rien et le perquisitionner ? Évidemment,
à y faire » le dossier passera aux services de
police ou de gendarmerie. Qui le
ChARLES PRAtS traiteront s’ils en ont le temps.
n’y a pas que Gérald Darmanin pour
parler à la droite. De Beauvau à Ber-
cy : attention quand même à ne pas
trop piétiner les plates-bandes.
« Darmanin a compris que, quand on
vous tape, il faut taper en retour. Il en
use et en abuse », expliquait un mi-
nistre après l’escarmouche. Sans
doute pas la dernière entre les deux
hommes qui jouent tous deux une
partition différente.
Avec son projet de loi immigra-
tion, Gérald Darmanin s’adresse à
la droite. Pour obtenir son soutien
dans l’Hémicycle, certes, mais aus-
si pour esquisser les contours d’un
« après Macron » où l’opposition
traditionnelle entre la droite et la
gauche se serait réinstallée dans le
paysage politique. De son côté, Ga-
briel Attal s’efforce de maintenir en
vie le « en même temps » macro-
niste mis à mal à l’Assemblée na-
tionale. C’est le sens de la présenta-
Quels sont, selon vous,
les angles morts de ce plan ?
Ce plan de lutte contre la fraude
sociale est très décevant et man-
que d’ambition. Il vise un objectif
chiffré de progression très infé-
rieur à ce que nous avions obtenu
comme résultats du temps de Ni-
colas Sarkozy, Éric Woerth et Va-
lérie Pécresse, où nous avions
multiplié par 2,5 les fraudes socia-
les détectées en cinq ans.
Un plan ambitieux se serait
concentré sur la mise à plat et la
sécurisation par la biométrie du fi-
chier des assurés sociaux afin de
l’expurger des millions de person-
nes qui n’ont rien à y faire.
Une réforme fondamentale
aurait été la création d’un vérita-
ble « FBI » de lutte contre la frau-
de sociale, avec le transfert à
l’État de la compétence antifrau-
de et de la direction opération-
nelle des contrôleurs des orga-
nismes sociaux. Un axe de travail
opérationnel aurait été la lutte
contre la fraude documentaire,
tant pour les prestations sociales
que pour les cotisations dans le
cadre de la détection précoce des
sociétés éphémères. Bref, le plan
Attal, qui comporte par ailleurs
quelques mesures techniques
intéressantes, laisse un goût
d’inachevé. ■
 le figaro mercredi 31 mai 2023

l'événement 3

sociale et s’offre CONTRE-POINT

PAR GUILLAUME TABARD £@GTabard

Darmanin Les habiletés tactiques d’un ministre

L
a fraude fiscale il y a trois du gouvernement (avec Sarah à rendre ce plan efficace. La force
semaines, la fraude sociale El Haïry), Attal rejoint Le Maire de ce volet social est de balayer

d’euros annuels injustement versés.

tion en deux parties de son plan de
lutte contre la fraude. Le volet fiscal
pour parler à la gauche, le volet so-
cial pour parler à la droite. Il n’y
aura pas de loi spécifique sur ces
plans de lutte dont les mesures se-
ront dispatchées dans divers textes
dont le projet de loi de finances de
la Sécurité sociale ou le projet de loi
douane.
« Je cherche l’efficacité, donc je
veux éviter de donner prise aux ins-
trumentalisations politiques », expli-
que Gabriel Attal. En la matière, il y
a de quoi faire. Si la gauche avait
plutôt bien accueilli le plan de lutte
contre la fraude fiscale et son objec-
tif de s’attaquer aux « ultra-ri-
ches », elle n’a pas manqué de dé-
noncer cette fois un plan visant les
« ultra-pauvres ». Au-delà de la ca-
ricature, le plan comporte des me-
sures parfois évoquées par le passé,
jamais mises en place toutefois.
Obligation de résider neuf mois
par an en France pour toucher une
aide sociale, contrôle des retraités
de plus de 85 ans vivant à l’étran-
ger, croisement automatique des
fichiers de la CAF et du ministère
de l’Intérieur, création de
1 000 postes pour lutter contre les
fraudes… C’est « un enjeu pour nos
finances publiques » et « pour le fi-
nancement de notre modèle so-
cial », a insisté Gabriel Attal lors
d’une visite à la Caisse nationale
d’allocations familiales à Paris. Le
ministre assure vouloir s’attaquer
aux fraudes « sans stigmatisation,
sans instrumentalisation ». Mais
l’enjeu est aussi politique. Il s’agit
d’imposer un nouveau thème
dans le débat public. Pour conti-
nuer à tourner la page de la réfor-
me des retraites alors que les op-
positions tentent d’entretenir la
contestation. ■
aujourd’hui. Gabriel Attal
a scindé son plan en deux.
C’est une habileté médiatique
et une ruse politique.
Distinguer deux volets, c’est créer
deux fois l’événement. S’attaquer
un jour à une fraude supposée
de 30 milliards d’euros, puis
un autre jour à une fraude évaluée
Darmanin à 8 milliards, frappe plus les esprits
qu’une annonce unique portant
a compris sur 38 milliards. Le ministre des
que, quand Comptes publics rend ainsi service à
on vous tape, Emmanuel Macron en même temps
qu’il sert ses propres intérêts.
il faut taper Le 9 mai, il se réjouissait que, pour
en retour. la première fois avec ses mesures
Il en use sur la fraude fiscale, la réforme des
retraites passait au second rang dans
et en l’actualité. Aujourd’hui, les mesures
abuse »
Un ministre
sur la fraude sociale occultent en
partie l’embrouillamini sur la PPL
Liot, toujours sur les retraites.
Montrer que d’autres « gros» sujets
peuvent structurer le débat,
c’est le vœu du chef de l’État.
En s’emparant d’une question
aussi passionnée que la fraude,
Attal savait qu’il ferait mouche.
Et qu’il ferait parlait de lui.
Ciselant ainsi son profil de ministre
et Darmanin dans le trio
gouvernemental dont la voix porte.
En bon tacticien, l’élu d’Issy-
les-Moulineaux est conscient
que s’attaquer à la fraude est aussi
facilement populaire que piégé
politiquement. Traquer la fraude
sociale a beau être une question
de justice vis-à-vis de ceux qui en
sont les bénéficiaires légitimes, il y
a toujours de beaux esprits prompts
à dénoncer la chasse aux pauvres
et aux étrangers.
Venu de la gauche, mais
penchant souvent à droite -
de par sa fonction de gardien de la
rigueur budgétaire ? -, Gabriel Attal
a délibérément commencé par
le volet fiscal. En ciblant « les plus
puissants » et les « super-riches »,
en des termes un tantinet
démagogiques. Comme si
en présentant d’abord son profil
gauche, il anticipait et cherchait à
désarmer les critiques qui
viendraient le jour où, avec le plan
de lutte contre la fraude sociale,
il afficherait son profil droit.
De fait, comme prévu, au
lendemain des mesures annoncées
dans Le Parisien, c’est de la gauche
la totalité des niches à fraude
(cotisations Urssaf, mauvaises
pratiques professionnelles,
prestations indues, versements
à l’étranger, tourisme médical…).
Mais il recèle aussi prudences,
habiletés ou insuffisances. Les
praticiens sont davantage ciblés
que les bénéficiaires, la question
des cartes Vital surnuméraires est
supposée réglée, la biométrie est
étonnamment écartée au profit
d’une fusion avec la CNI
pour laquelle Beauvau n’a été mis
dans la boucle qu’a posteriori.
L’effet d’affichage est cependant
fort et l’intention opérationnelle,
incontestable. Mais, par-delà
les clivages politiques, les Français
exigent des résultats visibles
et rapides. Ce qui devrait inciter
Gabriel Attal à se méfier davantage
de l’excès de prudence que
de l’excès d’audace.

Un chiffrage difficile, à la fois technique, politique

et grand public. Co-benjamin
que sont venues les attaques
les plus vives. Mais cela ne suffit pas

source de contestations
marie-cécile renault £@Firenault
APRÈS des années d’atermoie-
ments et de polémiques sur l’am-
pleur de la fraude sociale, le gou-
vernement passe à l’offensive. Il
veut durcir les contrôles, renforcer
les sanctions et doubler les redres-
sements d’ici à 2027, avec, à la clé,
un gain potentiel de plusieurs mil-
liards par an pour les caisses de
l’État. Mais avant d’en arriver là, le
chiffrage même de la fraude a été
source de batailles sans fin.
Difficile à évaluer, car par défini- montrant que dans des pays com-
tion cachée, la fraude sociale est
protéiforme : employeurs qui utili-
sent des travailleurs « au noir » et
privent de cotisations sociales les
caisses de Sécurité sociale ; assurés
sociaux qui minimisent leurs res-
sources ou se déclarent parents
isolés alors qu’ils vivent en couple
pour toucher des prestations (RSA,
APL, allocations fami-
l’exemple d’une arnaque aux faux
relevés d’identités bancaires (RIB)
où les pirates détournaient le mini-
mum vieillesse de personnes âgées,
qui se retrouvaient démunies.
Face au grand écart des estima-
tions, la Cour des comptes avait
tenté de trancher en 2020, mais
s’était révélée incapable d’apporter
un chiffrage. La semaine dernière,
elle estimait les malversations « de
l’ordre de 6 à 8 milliards d’euros
par an » pour les aides sociales. Les
parlementaires s’y étaient attelés à
leur tour : se basant sur des études
parables à la France, le taux de
fraude sociale se situe entre 3 % et
10 % du montant des prestations
versées, ils avaient conclu à une es-
timation entre 14 milliards et
45 milliards d’euros.
Selon les chiffres avancés mardi
matin par Bercy, le travail au noir
coûterait 8 milliards d’euros, tan-
dis que la fraude aux

14 à 45
liales, etc.); retraités à
l’étranger dont les fa-
milles « oublient » de
déclarer le décès et
continuent de perce- milliards
voir la pension ; fraude
à la carte Vitale et tou-
d’euros
risme médical ; trafic Le coût annuel de la dans la santé, elle pèse-
de fausses ordonnan- fraude sociale selon rait « entre 3 % et 7 % de
ces pour obtenir des les estimations d’une certaines dépenses d’as-
médicaments oné- commission d’enquête surance-maladie ». Ga-
reux ; surfacturation
parlementaire
d’actes par des profes-
sionnels de santé indélicats, l’in-
ventaire est riche.
Pensions versées
à des retraités décédés
Face à cette longue liste d’abus, le
coût de la fraude sociale est devenu
un enjeu politique, qui s’est invité
dans les débats de la dernière cam-
pagne présidentielle. Reprenant les
estimations du magistrat financier
Charles Prats, auteur du Cartel des
fraudes (lire ci-dessous), la droite
l’évalue aux alentours de 45 mil-
liards d’euros et y voit un levier
majeur d’économies. La gauche,
refusant de stigmatiser les plus
pauvres, cite, elle, le chiffre de
1 milliard d’euros, comparé à la
fraude fiscale des « riches » et des
multinationales estimée entre
30 milliards et 100 milliards. Mais
ce milliard ne concerne que les
préjudices détectés, pas la totalité,
et encore a-t-il été minimisé du
fait de l’allégement des contrôles
durant le Covid. Sans compter que
la lutte contre la fraude ne s’atta-
que pas qu’aux personnes modes-
tes, comme feint de le croire la
gauche, mais traque de vrais ré-
seaux mafieux très organisés. Le
prestations sociales
versées par les caisses
d’allocations familiales
représenterait 2,8 mil-
liards, celles versées par
les caisses de retraite
200 millions, et que
briel Attal se fixe l’ob-
jectif de récupérer 3
milliards d’euros par an d’ici à
2027, soit deux fois plus qu’en 2022.
Pour y parvenir, le ministre
mise sur la fusion de la carte Vitale
et de la carte d’identité, l’obliga-
tion de résider 9 mois en France
(au lieu de 6) pour toucher les
aides, ou encore un meilleur
contrôle des retraités de plus de
85 ans résidant à l’étranger… Et
pour cause, le sujet des retraités
supercentenaires a défrayé la
chronique : lors d’une vérification
menée en Algérie auprès de 1 000
retraités âgés de 98 ans et plus,
30 % n’ont pas répondu à l’appel !
Pour renforcer les contrôles, le
ministre a promis la création de
1 000 postes supplémentaires et
mise sur la formation de 450 cy-
ber-enquêteurs à de nouvelles mé-
thodes permettant de détecter par
exemple la vente d’arrêts de travail
sur Snapchat ou Leboncoin. Le plan
prévoit aussi le paiement à la sour-
ce des cotisations des microentre-
preneurs par les plateformes qui les
font travailler, à l’instar d’Uber ou
Deliveroo, car un certain nombre
sous-déclare. Les patients seront
eux aussi mis à contribution: à l’is-
sue de leur consultation médicale,
A

ministre des Comptes publics Ga- ils recevront un SMS pour confir-
briel Attal a ainsi cité, mardi, mer la réalité des soins reçus. ■
 mercredi 31 mai 2023 le figaro
4 Politique
La majorité affine
sa stratégie
pour contrer la
proposition de loi
Liot, malgré le feu
vert donné par
Coquerel (LFI).
wally bordas £@wallybordas
parlement Les semaines passent,
le feuilleton s’intensifie, et le dé-
nouement approche. Mais, en at-
tendant l’épilogue, chaque nouvel
épisode alimente la chronique mé-
diatique et vient nourrir les discus-
sions dans les travées de l’Assem-
blée nationale. Avec une même
question sur toutes les lèvres : la
proposition de loi visant à abroger
une partie de la réforme des retrai-
tes sera-t-elle oui ou non débattue
et votée le 8 juin prochain, à l’occa-
sion de la niche parlementaire du
groupe Liot (Libertés, Indépen-
dants, Outre-mer et Territoires) ? À
une semaine de la date fatidique,
l’incertitude reste entière.
Mardi, l’Insoumis Éric Coquerel a
enfin rendu son verdict, plusieurs
jours après avoir été saisi par la pré-
sidente de la commission des affaires
sociales, Fadila Khattabi (Renais-
sance), qui le sommait de se pronon-
cer sur le texte. Devant la presse, le
président LFI de la commission des
finances a confirmé que cette pro-
position de loi était selon lui « rece-
vable », tout en assurant être « le
plus factuel » possible malgré son
appartenance à un parti d’opposi-
tion. Les troupes présidentielles, qui
jugent, elles, cette initiative « in-
constitutionnelle » au titre de « l’ar-
ticle 40 » - qui prévoit qu’une loi
émanant des parlementaires ne peut
pas dégrader les finances publiques
-, ont immédiatement réagi. Le
groupe Renaissance a publié un
communiqué au vitriol accusant Co-
querel « de s’affranchir du respect de
sa fonction » et de la Constitution.
Ces derniers jours, ministres
comme députés du camp Macron
avaient d’ailleurs multiplié les sor-
ties médiatiques pour « faire monter
la pression », dixit l’un d’eux. Sans
pour autant réussir à déstabiliser
l’Insoumis. « Rien n’oblige le prési-
dent de la commission des finances à
être plus sévère que le contrôle initial
RN, « ISF vert », Festival de Cannes… Macron
règle des comptes en Conseil des ministres
Le président a recadré sa première ministre,
qui a décrit ce week-end le parti
de Marine Le Pen en « héritier de Pétain ».
arthur berdah £@arthurberdah
ÉlysÉe La table du Conseil des mi-
nistres va finir par lâcher. Car cha-
que semaine, ou presque, Emmanuel
Macron met un soin particulier à
« taper du poing », selon l’expres-
sion consacrée. Mardi matin, la réu-
nion hebdomadaire n’a pas fait ex-
ception à ce qui est devenu une règle
au fil des années. Selon plusieurs
participants, le président de la Ré-
publique a profité de ce cénacle pour
régler ses comptes avec différentes
personnalités, sur les divers sujets
du moment. Ainsi de sa première
ministre Élisabeth Borne, qui a cru
bon de cibler ce week-end le Ras-
semblement national sur le terrain
des valeurs. Un parti « héritier de Pé-
tain » et porteur selon elle d’une
7 H -9 H
©CAPA Pictures / Europe 1
EUROPE 1 MATIN
Dimitri Pavlenko
Retrouvez l’Edito politique à 7h53 avec Alexis Brézet
A
et Vincent Trémolet de Villers du Figaro
Retraites : la macronie décidée à
faire tomber le texte d’abrogation
et premier fait par le bureau », a no-
tamment argué l’élu LFI, en se réfu-
giant derrière l’arbitrage déjà rendu
lors d’une précédente réunion des
présidents. Et d’ajouter : « Depuis le
début de cette législature, six propo-
« c’est
sitions de loi qui comportaient gage
de charge comparable ont été adop-
tées et promulguées. »
Il n’empêche, cette sortie d’Éric
Coquerel est loin de venir siffler la
fin des discussions. Quelques minu-
tes avant l’annonce du député LFI,
la présidente macroniste de l’As-
semblée nationale, Yaël Braun-Pi-
vet annonçait qu’elle « prendrait ses
responsabilités » pour ne pas qu’il y
ait de « débat » sur cette proposi-
tion « anticonstitutionnelle ». Sous-
entendu : elle n’hésitera pas, lors-
que cela lui semblera nécessaire et
opportun, à convoquer un bureau
exceptionnel de l’Assemblée, céna-
cle dans lequel le camp macroniste
« idéologie dangereuse ». « Le com-
bat contre l’extrême droite ne passe
plus par des arguments moraux. Vous
n’arriverez pas à faire croire à des
millions de Français qui ont voté pour
l’extrême droite que ce sont des fas-
cistes », a sèchement recadré le chef
de l’État, sans toutefois citer nom-
mément la chef du gouvernement,
assise face à lui. « Il a dit qu’il fallait
“arrêter avec les attaques des années
1990”, car cela ne fonctionnait plus. À
ce moment-là, on s’est tous tournés
vers elle pour la regarder : elle n’a pas
bronché », rapporte un témoin.
Une scène d’autant plus surpre-
nante, à en croire ceux qui l’ont vé-
cue, qu’un tel degré de violence ne
serait « pas habituel » entre les deux
têtes de l’exécutif. Ou, du moins,
pas devant un tel public. Et pour
cause, même si le propos a été tenu
est majoritaire, pour statuer de
nouveau sur la recevabilité de cette
proposition. Et donc la rejeter.
L’idée, Selon nos informations, lors de la
réunion du groupe Renaissance
mardi matin, l’intéressée est ensui-
de gagner te allée encore plus loin, en ciblant
le vote en directement Éric Coquerel. « C’est
un multirécidiviste de la posture an-
commission ticonstitutionnelle alors qu’il a un
puis de rôle institutionnel à tenir », a-t-elle
prononcer regretté en substance, lors de ce
huis clos. De quoi menacer la place
l’irrecevabilité de l’Insoumis à la tête de la com-
juste avant mission des finances ? « Tout est
- ou pile possible… Les présidences de com-
mission sont remises en jeu chaque
pendant - mois de septembre », souligne un
la séance important élu Renaissance, volon-
publique tairement menaçant.
du 8 juin »
Un cadre renaissance
Quoi qu’il en soit, les débats sur la
proposition de loi doivent bien dé-
buter ce mercredi en commission
des affaires sociales, et probablement
Élisabeth Borne quitte en marge d’un dégagement inter-
le Conseil des ministres, national sur la situation en Espagne
mardi à l’Élysée, - où les socialistes viennent d’es-
après avoir été suyer un revers électoral sur fond
sèchement contredite de poussée de la droite et des ultra-
par le président
nationalistes -, « tout le monde a
de la République.
ANDREA SAVORANI NERI/
bien compris qu’elle était visée ». « Et
NuRPhOtO VIA AFP il n’a rien fait pour qu’on pense le
contraire », ajoute-t-on.
En totale contradiction
Élisabeth Borne, dont l’entourage a
refusé de commenter ce recadrage,
peut toutefois trouver un motif de
réconfort : elle n’a pas été la seule,
loin s’en faut, à essuyer un sévère
tir de barrage, mardi. L’économiste
Jean Pisani-Ferry en a lui aussi pris
pour son grade. Co-concepteur du
programme d’En marche ! en 2017,
avant de se brouiller avec Emma-
nuel Macron au lendemain de
l’élection présidentielle, le septua-
aller jusqu’à leur terme. « L’idée,
c’est de gagner le vote en commission
puis de prononcer l’irrecevabilité juste
avant - ou pile pendant - la séance
publique du 8 juin », glisse un cadre
Renaissance. Le groupe LR, majori-
tairement favorable à la réforme,
fera d’ailleurs en sorte que ses parle-
mentaires soient présents en com-
mission, pour s’assurer que le texte
de Liot y soit rejeté. Selon nos infor-
mations, la députée LR Justine Gruet,
qui avait voté la motion de censure
contre l’exécutif il y a quelques se-
maines, sera par exemple remplacée
par Véronique Louwagie, qui sou-
tient le report de l’âge légal. Tandis
qu’Anne-Laure Blin siégera à la place
de son collègue Thibault Bazin.
Plusieurs sources indiquent égale-
ment que Yaël Braun-Pivet envisa-
gerait ensuite de convoquer un bu-
reau exceptionnel dès jeudi, pour
statuer sur « l’irrecevabilité du tex-
génaire s’est récemment vu com-
mander un rapport sur la façon de
financer la transition écologique.
Publiées la semaine dernière par
France Stratégie, les conclusions de
ses travaux prévoyaient notamment
la mise en place d’un « ISF vert ».
Idée en totale contradiction avec la
promesse d’Emmanuel Macron de ne
pas augmenter les impôts, voire de
les baisser autant que possible. Résul-
tat, le chef de l’État a balayé cette pis-
te d’un revers de main. « Il est utile de
révéler le coût de la transition, mais il
est important d’éviter le piège à la con
du débat sur la fiscalité des riches », a-
t-il tranché. « Si on avait le taux
d’emploi et le taux de chômage de l’Al-
lemagne, on créerait davantage de ri-
chesse et on ne poserait pas la question
du financement », a-t-il ajouté, op-
tant donc plutôt pour des réformes.
Enfin, Emmanuel Macron a re-
gretté l’attitude de Justine Triet, qui,
lorsqu’elle a reçu la palme d’or à
Cannes, ce week-end, a fustigé « la
marchandisation de la culture que ce
gouvernement néolibéral défend ».
« Il a dit que le cinéma français était
tellement subventionné qu’un certain
nombre de stars étaient logées à Can-
nes “aux frais de la princesse”. Puis
son propos a consisté à dire, en subs-
tance : “Pour une fois qu’on gagne
quelque chose, si on pouvait éviter de
tout gâcher et d’attenter à l’image de
la France à l’international…” », rela-
te-t-on. En soulignant que le prési-
dent de la République n’a opportu-
nément pas félicité la réalisatrice
pour sa récompense. ■
Le président LFI
de la commission
des finances,
Éric Coquerel, a estimé,
mardi à l’Assemblée
nationale, que le texte
déposé par le groupe Liot
était « recevable ».
QuENtIN DE GROEVE/QuENtIN DE GROEVE / hANS LucAS V
te ». Et mettre ainsi un point final à
cet embrouillamini réglementaire.
Contacté, l’entourage de l’intéressée
refuse de confirmer ce calendrier et
cette stratégie, qui comportent un
risque : braquer les critiques des op-
positions sur la seule personne de la
présidente de l’Assemblée. « Politi-
quement, si le texte est rejeté en com-
mission, il serait bien plus simple pour
elle de déclarer l’irrecevabilité en séan-
ce. Ce serait juste la réglementation qui
s’applique », décrypte un poids lourd
de la majorité relative. Et cet autre
député Renaissance de conclure, op-
timiste : « Une seule chose est certai-
ne, c’est que dans quelques jours, la ré-
forme des retraites sera enfin derrière
nous. » Car après avoir longuement
tergiversé, hésitant entre l’obstruc-
tion, le rejet ou le laisser-faire, la ma-
cronie a tranché : la voilà décidée à
faire tomber le texte d’abrogation
porté par Liot. Quoi qu’il en coûte. ■
zoom
municipales 2026 : mariani
(rn) candidat à paris
Il est sorti du bois en toute
discrétion. Pressenti pour
briguer l’hôtel de ville
de la capitale, comme l’avait
révélé Le Point, Thierry Mariani
a choisi le week-end
de la Pentecôte pour confirmer
qu’il se lancerait dans la course
aux municipales de 2026 à Paris.
« Je serai candidat et solliciterai
l’investiture du Rassemblement
national, car le RN doit être
présent dans une grande ville
comme Paris », a déclaré,
vendredi soir sur Franceinfo,
celui qui vient de prendre la tête
de la fédération parisienne
du parti à la flamme. Un défi
de taille pour l’eurodéputé
sortant, puisqu’aux élections
municipales de 2019, le RN
et son candidat de l’époque
n’avaient récolté que 1,4 %
des suffrages. « Si on regarde le
schéma de victoire du RN dans les
villes, on gagne dans deux villes
sur trois, mais celle où on perd
est généralement la plus peuplée,
commente Thierry Mariani au
Figaro. D’où l’intérêt d’implanter
des candidats tôt, pour qu’ils
fassent partie du paysage, même
si on a conscience que les chances
de victoire sont très restreintes. »
Plutôt connu pour son
implantation dans le Sud-Est
- il a conduit la liste RN aux
dernières régionales en Paca -,
Thierry Mariani juge « le schéma
idéal » à Paris, et veut croire que
le RN pourrait y atteindre 10 %.
Pas assez pour l’emporter :
« Il sait bien qu’il sera maire de
Paris le jour où les poules auront
des dents », admet un proche.
 mercredi 31 mai 2023 le figaro

6 Société
En prison, la « gestion
calamiteuse » du cas
Elong Abé, tueur
d’Yvan Colonna
La commission d’enquête parlementaire
qui se penchait sur les conditions de détention du
terroriste dénonce les « défaillances » des autorités.
PauLe GonzaLès
pgonzales@lefigaro.fr
JuStice Ils ont refait le film inlas-
sablement pendant six mois et
pour eux, le constat est sans appel.
Les membres de la commission
d’enquête parlementaire présidée
par Jean-Félix Acquaviva (député
Liot de la Haute-Corse), qui se
penchait à nouveau sur la mort
d’Yvan Colonna à la prison d’Arles
le 2 mars 2022, dénoncent, dans
un rapport publié ce mardi, « des
défaillances », « des erreurs » et
« des inactions » des pouvoirs pu-
blics. Un ensemble de dysfonc-
tionnements qui a conduit au pas-
sage à l’acte meurtrier de Franck
Elong Abé, un terroriste islamique
non pas du haut du spectre mais
du « très haut du pavé », comme le
décrit le rapport. Ce dernier rap-
pelle en contrepoint « la gestion
politique » des membres du com-
mando qui avait fomenté l’assassi-
nat du préfet Claude Érignac, le
6 février 1998. Jean-Félix Acqua-
viva, qui, avec l’ensemble des dé-
putés corses dont le rapporteur
Laurent Marcangeli (député de la
Corse-du-Sud, Horizons), fut à
l’origine de cette commission par-
lementaire, prend la plume en
avant-propos en évoquant un
contexte de « haine » et de « ven-
geance » de la part de l’appareil
d’État, singulièrement contre
Yvan Colonna.
D’emblée, le rapport souligne
la distorsion de traitement entre
deux détenus frappés par le même
statut de « détenus particulière-
ment surveillés ». Le djihadiste
Franck Elong Abé ayant bénéficié
de toute « la mansuétude coupable
du côté de l’administration et du
renseignement pénitentiaires » tan-
dis qu’Yvan Colonna, condamné à
une peine de perpétuité, aurait fait
l’objet d’un « scandale d’État » en
ce que « la gestion administrative et
politique de son cas a conduit, d’un
point de vue moral et déontologique,
à sa mort ». Les auteurs du rap-
port, s’en tenant aux faits de la dé-
tention, citent les témoignages des
surveillants pénitentiaires qui af-
firment que « Colonna était parti-
culièrement apprécié du personnel
de la maison centrale d’Arles » .
Un rassemblement
en hommage à Yvan
Colonna, le 26 mai 2022,
à Bayonne. Patxi
Beltzaiz/Hans lucas
via reuters connect
À l’inverse, tout au long de sa dé-
tention, la dangerosité de Franck
Elong Abé est constamment mise
en exergue par les personnels de
détention. Une dangerosité si pré-
occupante que, par cinq fois entre
2019 et 2022, les commissions dis-
ciplinaires uniques de l’établisse-
ment concerné, en l’occurrence la
maison centrale d’Arles, ont de-
mandé son passage en quartier
d’évaluation de la radicalisation
(QER). Sans succès. Le rapport
met en exergue les évaluations
chaotiques de cette dangerosité,
par les différentes entités de l’ad-
ministration pénitentiaire etles
services de renseignement. Aussi
« cet individu constitue un “cas ex-
ceptionnel” parmi l’ensemble des
terroristes islamistes incarcérés en
France , résume Jean-Félix Acqua-
viva. Ce détenu, qui souffrait de
troubles « psychiatriques » recon-
nus « n’avait rien à faire en déten-
tion ordinaire et en emploi », même
en préparation de sa sortie pro-
chaine. Une « prise de risque in-
considérée », insiste le rapport. Et
d’évoquer « la gestion calamiteuse
du parcours d’Elong Abé ».
« Une grande confusion »
Par ailleurs, les parlementaires
s’étonnent de ce que « les quatre
incidents survenus à Arles ayant
fait l’objet de sanctions discipli-
naires » aient été dissimulés lors
des premières auditions par la
commission des lois, le 30 mars
2022. Une fois ce contexte général
posé, le rapport fouille les heures
qui ont précédé le drame et les très
longues minutes de l’agression
mortelle d’Yvan Colonna. Sur une
éventuelle préméditation de
l’agression d’Yvan Colonna, les
parlementaires insistent sur le fait
que les menaces proférées contre
lui la veille de son agression ne
laissent pas de traces dans le logi-
ciel pénal Genesis, qui recense les
éléments même « anecdotiques »
de la vie en détention. Le rappor-
teur Laurent Marcangeli note
d’ailleurs « une grande confusion
dans la reconstitution du déroulé
des faits ». En filigrane, le rapport
s’interroge sur les défaillances du
renseignement pénitentiaire et
de ses procédures. Plusieurs de
ses recommandations s’attachent
d’ailleurs à en améliorer le fonc-
tionnement. À cela s’ajoutent
l’état logistique et les moyens hu-
mains de cette maison centrale
supposée être hypersécurisée et
qui n’ont pas permis d’interrom-
pre le drame fatal. ■

Toutes ces récoltes détruites, faute de main-d’œuvre

Même les bras étrangers manquent. Une délégation de Légumes de France est allée au Maroc début mai pour chercher du renfort.
éric de La chesnais
£@plumedeschamps
agriculture Aux quatre coins de
la France agricole, maraîchers et
arboriculteurs peinent à trouver de
la main-d’œuvre, qu’elle soit locale
ou qu’elle vienne d’autres pays. Le
taux de chômage actuellement bas,
le manque de motivation des candi-
dats locaux et la forte sollicitation
des travailleurs étrangers dans de
nombreux domaines expliquent les
raisons de cette pénurie.
« C’est un gros souci pour notre
secteur du maraîchage, confirme
Jacques Rouchaussé, président de
Légumes de France, maraîcher à
Mardeuil (Marne) avec son fils.
Même la main-d’œuvre saisonnière
du cœur de l’Europe fait défaut car
elle très demandée. »
« Un gros manque
à gagner »
Faute de bras, certains maraîchers
n’ont pas d’autre choix que de dé-
truire les cultures en place. C’est
ainsi le cas de Denis Digel, maraî-
cher sur 12 hectares à Sélestat, dans
le Bas-Rhin. « On n’a pas assez de
main-d’œuvre disponible, on va être
obligé de laisser des cultures de prin-
temps aux champs. Cela concerne les
radis, les salades et les navets, re-
grette cet agriculteur cofondateur
de trois magasins de producteurs en
vente directe, dont Le P’tit Marché.
On a du mal à trouver une main-
d’œuvre locale motivée. Les gens
viennent un jour et repartent le lende-
main car c’est trop dur. Pour la pre-
mière fois, j’ai embauché deux
Afghans réfugiés en France. Ils ont
appris le français grâce à une asso-
ciation. Ils sont très motivés et
connaissent le métier car ils tra-
vaillaient aussi la terre chez eux. »
Certains paysans cumulent la
double peine car ils sont maraîchers
bio. « Non seulement on a du mal à
A
que l’on a, admet Pierre Maurer, représente 65 % du coût de produc-
chef de l’exploitation éponyme à tion. Il nous faudrait 1,4 euro le kilo
Dorlisheim, en Alsace. La distribu- pour que l’on s’en sorte. Sur d’autres
tion nous achète la courgette bio à parcelles, nous avons préféré faire du
1 euro le kilo. À ce prix-là, nous al- maïs grain à la place d’asperges car
lons en jeter la moitié car la ramasser on divise par dix le prix du ramassa-
coûte trop cher. La main-d’œuvre ge, tout est mécanisable. »
L’exécutif veut relancer l’emploi saisonnier
« saisonnier
Un
Thomas enGrand
£@EngrandThomas
sur deux « UNE BAISSE des embauches de
quitte 30 % en 2022 », « la moitié des postes
non pourvus »… Du côté des minis-
le secteur tères du Travail et de l’Économie,
d’une année les chiffres ne manquent pas pour
sur l’autre
Ministères
» souligner la crise de vocation que
traverse actuellement le marché de
l’emploi saisonnier du tourisme.
du travail
et de l’éconoMie Pour tenter d’apporter des solu-
tions, Olivier Dussopt, ministre du
Travail, et Olivia Grégoire, ministre
déléguée au Tourisme, présentent
ce mercredi un « plan saisonniers »
lors d’un déplacement dans les
Landes. D’abord expérimenté dans
quinze zones, ce plan devrait pro-
Certains maraîchers
n’ont pas d’autre choix
que de laisser les radis,
les salades et les navets
aux champs.
Poter/stock.adoBe.com
Parmi les pistes privilégiées, le
gouvernement veut accentuer les
formations rapides à destination des
demandeurs d’emploi, ainsi que l’ac-
compagnement des fins de contrat
pour éviter les passages par la case
chômage lors des intersaisons.
Pas assez d’hébergements
Mais c’est du côté du logement que les
attentes sont les plus importantes. Or
l’État ne dispose que de peu de latitu-
de pour accroître le nombre de places
disponibles sur ces zones en tension.
Une plateforme, pour recenser les
logements publics, sociaux et asso-
ciatifs disponibles, devrait être créée
en juin. Problème : ces types d’hé-
bergement représentent une goutte
d’eau (quelques milliers) par rapport
Plus à l’ouest, en Charente-Mari-
time, la situation n’est guère plus
florissante. Marion Dumon et Chris-
tophe Rigaud, qui cultivent entre
autres 12 hectares d’asperges à
l’EARL des Bons Bois, n’ont pas
trouvé les bras nécessaires pour les
récolter. « On a dû broyer deux hec-
tares d’asperges qui arrivaient en fin
de cycle car on ne trouvait pas de
main-d’œuvre pour les ramasser, se
désole Marion Dumon. Nous en
avons également laissé trois hectares
en terre car c’est une culture implan-
tée pour dix ans que l’on peut récolter
l’année suivante. Cela représente un
gros manque à gagner. » Elle reprend :
« Nous avons des saisonniers bulgares
et roumains qui travaillent depuis plu-
sieurs années chez nous, mais pas as-
sez nombreux. Ils sont très recherchés
et s’adaptent vite. On a dû acheter
deux mobile homes pour les loger car il
n’y avait rien de disponible. Locale-
ment, j’ai fait appel à Pôle emploi. Une
seule candidate est venue. Elle ne vou-
universitaires libres. Mais outre leur
faible nombre, là aussi, la décision
revient aux régions, propriétaires des
murs. Sans compter que leur localisa-
tion se situe rarement au même
endroit que les bassins d’emplois
saisonniers. Autre incitation, l’État
va prolonger l’avantage fiscal des
propriétaires louant à des saisonniers.
Néanmoins, aucune étude sur l’ef-
ficacité ni aucun chiffrage du coût ne
semblent avoir été réalisés.
Des mesures fort éloignées des de-
mandes des syndicats qui espéraient
notamment revoir les règles de l’as-
surance-chômage pour les saison-
niers. Quoi qu’il en soit, ce plan « ar-
rive un peu tard » pour la période
estivale 2023, reconnaît-on du côté
du gouvernement, qui y voit plutôt
lait pas faire plus de 35 heures malgré
les heures supplémentaires payées, et
elle est repartie. »
Un phénomène qui touche aussi
l’arboriculture et les contrats en
CDI. « On a des problèmes de recru-
tement sur les saisonniers pour ra-
masser les fruits mais aussi les per-
manents sur tous nos métiers : les
chefs de culture, les encadrants
d’équipe et les tractoristes, constate
Françoise Roch, présidente de la
Fédération nationale des produc-
teurs de fruits. Nous avons plus de
cinq nationalités de saisonniers dont
des Marocains. Ils connaissent bien le
boulot et reviennent tous les ans car
ils ne peuvent pas dépasser les six
mois de séjour en France. » En re-
vanche, souligne l’arboricultrice
installée à Moissac, dans le Tarn-et-
Garonne, sur une exploitation de
60 hectares, « on a un vrai problème
pour leur habitat ». « On n’a pas le
droit de construire des logements sur
des terres agricoles. »
Pour parer à la raréfaction de la
main-d’œuvre, le président de
Légumes de France est allé, début
mai, en délégation à Casablanca à la
recherche de renforts. « Nous vou-
lons que le temps maximum de séjour
des saisonniers marocains en France
soit allongé de six à huit mois, ce qui
correspond au pic de nos besoins de
mars à novembre, explique Jacques
Rouchaussé. Nous avons rencontré
le consul général de France à Casa-
blanca, en présence du directeur de
l’Office français de l’immigration et
de l’intégration. Nous avons vu beau-
coup de Marocains volontaires. Les
maraîchers nantais ont testé un nou-
veau dispositif au bout duquel les sai-
sonniers restés huit mois en France
reviennent chez eux en fin de contrat.
Je dois rédiger un rapport aux minis-
tres de l’Agriculture et de l’Intérieur à
ce sujet. » Il en va de la souveraineté
alimentaire de la France. « Le pays
importe en moyenne un fruit et un
légume sur deux », rappelle Angéli-

trouver de la main-d’œuvre mais en gressivement s’étendre dans la aux besoins. Autre piste, mettre à dis- « un plan structurant pour les pro- que Delahaye, maraîchère en Indre-
plus on a du mal à rémunérer celle France entière. position les logements étudiants et chaines années ». ■ et-Loire. ■
 le figaro mercredi 31 mai 2023

Société 7

Trafic de drogue : l’inquiétant phénomène

des adolescents recrutés pour tuer
À Marseille Une fusillade a fait trois victimes
le 3 avril, à Marseille, dans le quartier
ou à Paris, de la Joliette. Le tireur avait pris
pour cible trois adolescents :
les dealers arment deux d’entre eux sont morts. Un jeune
homme de 18 ans a été mis en examen
des criminels dans le cadre de cette affaire.
DaviD RoSSi/PHotoPQR/La PRovENcE/MaXPPP

toujours plus jeunes

pour éliminer
la concurrence.
Jeanne Sénéchal £@jeannesenechal1
criminalité « Je vais enchaîner les
contrats (…). Sur la vie de ma mère, je
suis en train de m’envoyer un contrat et
je suis en train de rigoler. » Le visage
dissimulé sous une cagoule, un jeune
homme hilare se met en scène dans
une vidéo publiée sur les réseaux so-
ciaux. Sa voix juvénile laisse penser
que ce garçon n’a pas plus de 20 ans.
Enzo*, qui a été interpellé début avril
à Marseille, en a en fait seulement 18. Il
a été mis en examen dans le cadre
d’une enquête pour trois assassinats,
dont ceux de deux adolescents tout
juste âgés de 15 et 16 ans. Le sicaire
marseillais, avec sa peau parsemée
d’acné et sa barbe fine, aurait gagné
200 000 euros en enchaînant une dizai-
ne de contrats en moins d’un an. Une
machine à tuer.
Ce profil glaçant est loin d’être un
chez ces jeunes. Simplement de l’ama-
teurisme : « En général, les tueurs à ga-
ges professionnels font tout pour échap-
per à la répression. Leur publicité et leur
réputation se font dans ce monde clan-
destin qui est très codé. D’ailleurs, il
n’est pas facile de les contacter car ils
sont très prudents. » Ils étaient aussi
mieux payés : autour de 100 000 euros
dans les années 2010. « Mais on avait
armé lors de son arrestation, il serait
mort les armes à la main. Cela fait im-
médiatement penser aux propos de Mo-
hammed Merah en 2012 lors de l’assaut
du Raid. » Cédric Meilac va plus loin :
« J’ai l’impression que ces jeunes gens se
placent en position d’adolescents soldats
- attention à ne pas faire l’amalgame
avec les enfants soldats enrôlés de force
-. Mais il y a, dans ces passages à l’acte,
une dimension ludique, un mécanisme
qu’on retrouve chez les enfants soldats :
où la mort de l’autre n’est qu’un jeu. Ils
sont déconnectés de la réalité. »
Derrière ces profils glaçants se ca-
chent des réseaux de trafic de stupé-
fiants internationaux contrôlés depuis
le Maroc, l’Algérie, l’Arabie saoudite
ou Dubaï. Pour endiguer cette ultra-
violence décomplexée et pratiquée par
des criminels de plus en plus jeunes,
remonter jusqu’aux têtes de filières,
qui approvisionnent les quartiers et
ceux qui recrutent les petites et
moyennes mains, doit être une priori-
té. « Il est urgent de renforcer les effec-
tifs de la police judiciaire, venir à bout de
ces trafics passera nécessairement par
un démantèlement des réseaux, des
gangs, des têtes de réseaux qui sont à
l’étranger. Il ne suffit pas de couper les
mains et les pieds, il faut couper la
tête », souffle Matthieu Valet. ■
*Les prénoms ont été modifiés.

cas isolé. En mars, une équipe de jeu-
nes tueurs à gages avait aussi été mise
au jour par les policiers de la brigade
criminelle de Paris et de l’Office central
de lutte contre le crime organisé. Ils
À L’HÔPITAL,
affaire à des gens très “compétents”,
reprend le chercheur. Souvent, la per-
sonne éliminée n’était pas récupérée par
les services de police ou par la famille.
On la faisait disparaître. »

étaient âgés de 16 à 25 ans et avaient été
impliqués dans une fusillade, rue Po-
pincourt à Paris, en juillet 2022. Dans
ces deux affaires, certains jeunes mis
ON PREND SOIN
Sans attache familiale,
scolaire ou professionnelle
Pourquoi ces amateurs passent-ils à

en cause étaient inconnus de la justice.
Avant d’être recrutés par des têtes de
réseau, ils étaient totalement étrangers
au milieu du grand banditisme. Et ces
profils de tueurs qui émergent inquiè-
DE TOUS, MÊME
l’acte ? Ils sont d’abord attirés par l’ap-
pât du gain. Les commanditaires leur
expliquent qu’en quelques contrats, fa-
ciles à exécuter, ils peuvent se faire as-
sez d’argent pour ensuite se mettre au

tent la police pour plusieurs raisons.
« Désormais, les gangs recherchent
des jeunes qui ne sont pas fichés S ou qui
ne sont pas dans nos fichiers de person-
nes recherchées », fait savoir Matthieu
Valet, porte-parole du Syndicat indé-
pendant des commissaires de police
(SICP), qui s’est longtemps entretenu
avec les enquêteurs de la police judi-
ciaire de Marseille ces dernières semai-
nes. Le tueur à gages de 18 ans, Enzo,
en est le parfait exemple. Ce jeune, qui
n’était pas dans les radars de la police,
devait abattre une cible pour un mon-
tant compris entre 20 000 et 40 000
euros. Il devait ensuite en apporter la
preuve en filmant son forfait. Les ar-
mes et les véhicules étaient fournis par
les donneurs d’ordre.
Vidéos de trophées
et de guet-apens
Ces profils sont dénichés dans les gangs
et via les réseaux sociaux. Enzo, lui, a
été recruté sur Snapchat. Pour rendre
le « métier » attrayant, les gangs pu-
blient sur la messagerie Telegram des
vidéos de trophées, de guet-apens avec
des tirs de mortiers, ou de règlements
de comptes. Une manière de faire de la
« publicité » pouvant s’inspirer des
campagnes de communication d’insti-
tutions telles l’armée, la police ou la
gendarmerie.
Wallid*, l’un des tireurs de la rue Po-
pincourt, âgé de 18 ans et domicilié à
Roquebrune-Cap-Martin dans les Al-
pes-Maritimes, a expliqué à la police
qu’en l’espace de quelques mois, il était
passé de petit dealer à tueur à gages :
« En deux mois, j’ai fait des choses que je
n’avais jamais faites de ma vie. Je n’ar-
rive pas à expliquer ce qui m’est arrivé,
comment j’ai basculé », selon des pro-
pos rapportés par Le Parisien. Matthieu
Valet décrit des individus qui ne se
trouvaient pas « dans un parcours de
délinquance chevronnée ». « Ces jeunes
se prennent pour Tony Montana dans
Scarface ou pour Mesrine, sauf qu’ils
n’en ont ni la carrure ni l’expérience.
C’est pour ça qu’on a beaucoup de victi-
mes collatérales », tranche le commis-
saire.
Pour Thierry Colombié, docteur en
économie criminelle, spécialiste de la
DES NÔTRES.
vert. Ils sont aussi guidés par la soif
d’adrénaline : posséder une arme de
guerre, pouvoir tuer sans répercussion.
« C’est comme dans le jeu vidéo Hitman,
ils se prennent pour des tueurs à gages
professionnels. On le voit bien dans la vi-
déo d’Enzo, on sent dans la voix du jeune Les hospitaliers prennent soin de tous.
homme une forme d’excitation », conti- Depuis plus de 60 ans la Mutuelle Nationale
nue Matthieu Valet. Enfin, les gangs
jouent aussi avec leur ego. « Ils expli- des Hospitaliers prend soin d’eux.
quent que, grâce à ces assassinats, ils
pourront se faire un nom dans le milieu.
Qu’ils deviendront connus. »
Pour la plupart issus de milieux po-
pulaires, souvent sans attache familia-
le, scolaire ou professionnelle, ces ado-
lescents ont « des personnalités de type
dyssociales en construction. Ils démon-
trent une fragilité narcissique », expli-
que Cédric Meilac, docteur en psycho-
logie et expert judiciaire pour la Cour
de cassation et la Cour pénale interna-
tionale. Ils ont « une tolérance limitée à
la frustration », sont « impulsifs » et, le
cas échéant, ont une forte « agressivité
tournée vers l’autre ». Ils prennent sou-
vent des substances, ce qui peut exa-
cerber l’instabilité « psychoaffective
déjà présente », poursuit l’expert.
Les réseaux de trafiquants exploitent
cette fragilité en conférant à ces jeunes
une mission. Dans ce passage à l’acte, il
y a une tentative de renarcissisation,
pour se construire une image « gran-
diose », « pas dans le sens où la société
peut l’entendre, mais dans le sens où
l’environnement social dans lequel ils
sont peut le considérer », décrit Cédric
Meilac. Lorsque Enzo se vante dans la
vidéo, rigole et menace, en réalité il se
glorifie : « On peut penser qu’il cherche
à se valoriser auprès de personnes de son
environnement, qui verraient dans ses
actes un signe de virilité. Cela peut faire
penser aux revendications lors du pas-
sage à l’acte terroriste mais à des fins ici
mégalomaniaques, de médiatisation de
soi. »
Mutuelle Nationale des Hospitaliers
« Une dimension ludique CRÉÉE PAR ET POUR Plus d’infos sur mnh.fr
dans le passage à l’acte » LES HOSPITALIERS
Une référence au djihad aussi remar-
quée par les forces de l’ordre. « Comme
les djihadistes, ils mènent un combat.
Pas un combat pour la guerre sainte,
mais un combat pour la drogue, dit Mat-
A

criminalité organisée et de la « French thieu Valet. Lorsque Enzo a été arrêté, il

connection », il n’y a pas de profil type a expliqué aux policiers que, s’il avait été
 mercredi 31 mai 2023 le figaro

8 InternatIonal
Moscou visé
par le raid de drones
le plus massif depuis
le début de la guerre
Huit engins sans pilotes, jusqu’à une trentaine selon
certaines sources, ont atteint la capitale mardi à l’aube.

aLain BarLuet £@abarluet Helsinki Saint- 500 km

correspondant a Mosou Tallinn Pétersbourg 10
EST. 00
km Distance
depuis la P
Russie Peur sur la ville. L’objectif LET. RU SS I E frontière
était sans doute celui-là - provo- Riga Moscou ukrainienne
Nijni
quer l’effroi chez l’adversaire et Novgorod Kazan
créer la diversion -, alors que Kiev LIT.
Vilnius
était encore lundi la cible d’un raid O
Minsk 500
intensif de missiles russes et que se km
profile toujours la contre-offensive BIÉLORUSSIE Samara
100

ukrainienne. Mardi matin à l’aube,

km

plusieurs quartiers du sud-ouest et

du sud de Moscou ont été réveillés
par des explosions, alors que la
capitale était la cible d’une attaque
de drones, huit, d’après le ministè-
re de la Défense, jusqu’à vingt-
cinq et même trente-deux, selon
certaines chaînes Telegram. En
tout cas la plus massive depuis
février 2022.
« L’attaque a impliqué huit drones
de type aéronautique. Tous les
drones ennemis ont été vaincus »,
souligne le communiqué du minis-
tère de la Défense. Trois de ces dro-
nes auraient été abattus par des
armes de guerre électronique, les
cinq autres par les forces de défen-
se aérienne. « Le régime de Kiev a
choisi (…) de terrifier la Russie, d’in-
timider les citoyens russes », a réagi
Vladimir Poutine. « Apparemment,
c’est à cela que cela sert : nous pro-
voquer et nous inciter à riposter avec
des actions en miroir. Nous verrons
ce qu’il convient de faire à ce sujet »,
a déclaré le président russe. Celui-
ci a également estimé que cette
attaque était une réplique à une
frappe russe ayant récemment visé
le QG du renseignement militaire
ukrainien à Kiev.
Selon le maire de Moscou,
Sergueï Sobianine, seules deux
personnes auraient été légèrement
blessées durant ce raid inédit sur la
capitale, moins d’un mois après les
deux explosions, restées assez
mystérieuses, survenues au-des-
Kiev Belgorod Attaques attribuées
aux ukrainiens en
UKRAINE Volgograd
Territoires territoire russe
KAZAKHSTAN
ukrainiens février 2023
occupés par
pest MOLDAVIE
Chișinău mars
l’armée avril
russe mai
OUMANIE Mer
Infographie Krasnodar
elgrade Bucarest Noire Sébastopol
Source : compilation
de données Le Figaro
soulever des questions sur leurs « canard » avec une aile de soutien Le dernier étage l’utilisation de drones Raybird-3, portée, plutôt que de systèmes
caractéristiques et le point d’où ils à l’arrière, comme ceux employés d’une tour d’habitation d’environ 3 m d’envergure et pou- S-400 à longue portée.
ont été lancés. notamment lors d’une attaque sur (à gauche) a été vant transporter une charge utile Comme de coutume, Kiev n’a
À en juger par les images diffu- la ville de Krasnodar, dans le sud de endommagé par allant jusqu’à 5 kg sur une distance pas revendiqué ce raid qui inter-
sées sur internet, il s’agit de drones la Russie, le 26 mai. Ces drones une attaque de drone, de 1 000 kilomètres. En revanche, vient alors que les attaques, raids
mardi, dans le quartier
de classe moyenne, d’une largeur auraient un rayon d’action théori- estime le spécialiste militaire Vla- de drones, sabotages et incursions
du « nouveau Moscou ».
d’aile d’environ 2,5 m à 3 m, équi- que de 400 km à 1 000 km, suffisant MAXIM SHEMETOV/REUTERS
dislav Chourygin, les drones qui en territoire russe, dernièrement à
pés de moteurs à combustion in- donc pour atteindre Moscou depuis ont attaqué Moscou auraient pu Belgorod, se sont multipliés ces
terne. Selon l’analyse de la BBC, l’Ukraine - la distance, par exem- aussi être lancés d’une distance dernières semaines. « Peut-être
deux types de drones ont pu être ple, entre la capitale russe et la ville plus proche, depuis le territoire que tous les drones ne sont pas prêts
employés : l’un de configuration de Kharkov est d’environ 670 km. russe donc. Une version, non à attaquer l’Ukraine et qu’ils veulent
« classique », semblable à un avion Le coût de chaque drone est estimé confirmée, qui s’appuie notam- retourner à leurs créateurs », a
à moteur léger, l’autre répondant à entre 30 000 et 200 000 dollars. ment sur l’utilisation par les Russes ironisé Mykhaylo Podolyak,
un profil aérodynamique de type Certains experts penchent pour de systèmes Pantsir-S à courte conseiller du président Zelensky.
À Vilnius, les nouveaux dissidents russes cultivent l’espoir d’une
moments d’espoir, vu les déboires de tion à la guerre en Ukraine depuis qué en Lituanie. « Personne à mon
Laure MandeviLLe l’armée russe et l’hécatombe qu’elle 2014, quand elle a brutalement été avis ne se sent bien », dit-elle. De ce
£@lauremandeville
envoyée spéciale à vilnius subit, un sujet qu’à Rostov-sur-le- arrêtée et inculpée en 2019. Ce qui lui point de vue, elle dit en revanche ob-
Don, base arrière de la guerre, nul est arrivé ensuite, a fait l’objet d’un server avec stupéfaction tous les
n’ignore vraiment. « Tous les jours, film, Anastasya, qui a fait du bruit jours le comportement de sa mère,
PRESQUE un an déjà qu’Anastasya je parle avec mon équipe d’activistes, aux États-Unis, puisqu’il a même été qui a fini par accepter de venir la voir
Chevtchenko est à Vilnius, mais cet- ils sont tous tellement forts, coura- « shortlisté » pour un Oscar. Mise en mais continue de vivre dans « le déni
te belle femme blonde énergique au geux. Ils tiennent le coup, même si les détention provisoire, Anastasya s’est de ce qui se passe sur le front, parce
nez retroussé et au regard noyé risques sont énormes », dit-elle, per- vu refuser de se rendre à temps au que c’est trop dur à supporter pour
d’une tristesse qui ne passe pas, dit suadée qu’une majorité de Russes re- chevet de sa fille malade hospitali- elle ». Même l’arrivée de sa sœur
que tout ce temps, elle n’a pas « dé- jettent désormais Poutine et sont op- sée, ce qui a entraîné la mort de cette ukrainienne, qui raconte les exac-

“ Le régime de Kiev
a choisi (…) de terrifier
la Russie, d’intimider
les citoyens russes
”
vladiMir poutine, président russe
sus du Kremlin, dans la nuit du 3
mai. Mardi matin, plusieurs im-
meubles ont été endommagés, no-
tamment rue Atlassova, dans le
quartier du « nouveau Moscou ».
Un impact était clairement visible
au vingt-cinquième étage d’une
tour d’habitation ; l’appartement
touché était vide à ce moment-là.
« On dormait tous, il était 4 heures
du matin. Puis il y a eu deux explo-
sions, et les alarmes de toutes les
voitures se sont déclenchées »,
témoigne Maxime, un Moscovite
de 40 ans résidant à proximité de la
rue Atlassova, interrogé par l’AFP.
« Pourquoi la défense aérienne n’a
pas fonctionné ? Pourquoi les sirènes
d’alerte n’ont pas résonné?
Comment (les drones) sont-ils
arrivés jusqu’ici ? Et d’où sont-ils
partis ? », se demande-t-il, entre
stupéfaction et inquiétude.
Selon la chaine Telegram Fairi-
daily, l’un des drones a été abattu
au-dessus du quartier chic de
Roubliovka, où se trouvent des
datchas d’État et des résidences
privées de fonctionnaires et
d’hommes d’affaires, à dix minu-
tes de route de la résidence de
Poutine à Novo-Ogarevo. Les
réseaux sociaux et les chaînes
fédérales - qui ne se sont pas beau-
coup étendues sur le sujet - ont
A
Manifestation
d’opposants russes
à la guerre en Ukraine,
sur la place
de la cathédrale
de Vilnius (Lituanie),
le 25 février. DARIUS
MATAITIS/ScAnpIX BAlTIcS
VIA REUTERS cOnnEcT
fait ses valises » et qu’elle ne rêve que
d’une chose : repartir. « J’ai le senti-
ment que c’est le cas de beaucoup
d’émigrés russes ici », déclare cette
militante des droits de l’homme, at-
tablée à la terrasse d’un restaurant li-
tuanien, au cœur de la vieille ville il-
luminée de soleil. « Nous sommes
tous des gens qui attendent le moment
de rentrer à la maison pour recons-
truire », insiste cette ancienne direc-
trice de la filiale locale de l’organisa-
tion Russie ouverte (sponsorisée et
créée par Mikhaïl Khodorkovski) à
Rostov-sur-le-Don, même si ses en-
fants, inscrits l’un à l’école et l’autre
à l’université se sont parfaitement
intégrés et n’ont nullement l’inten-
tion de retourner en Russie. Anasta-
sya dit osciller entre le doute sur la
capacité de son pays à changer et des
posés à la guerre mais n’osent pas le
dire à haute voix. Anastasyia Chevt-
chenko dit qu’elle s’est installée à
Vilnius pour être dans le même « fu-
seau horaire » que son pays.
« J’aurais pu partir vers les États-
Unis ou l’Europe occidentale aisé-
ment, mais ici j’ai le sentiment d’être
tout près. » De plus, la Lituanie est un
peu une « Russie sans Poutine »,
ajoute-t-elle, une formule qui ne
plaira pas aux Lituaniens mais qui
veut exprimer ainsi l’attachement
qu’elle a développé pour la ville
« extrêmement accueillante ».
Anastasya n’est pas n’importe qui
dans le monde des activistes et op-
posants au régime de Vladimir Pou-
tine. Fille et ex-femme de militaire,
cette ancienne journaliste et ensei-
gnante a payé très cher son opposi-
dernière, dans un enchaînement
dramatique. Elle s’est aussi aperçue
que, pendant les six mois précédant
son arrestation, une caméra avait été
placée au-dessus de son lit, comme
dans le film La Vie des autres. Assi-
gnée à purger sa peine à domicile,
pendant deux ans, elle a dû vivre
cloîtrée avec le chagrin d’avoir per-
du sa fille et la responsabilité d’élever
ses deux autres enfants, sans avoir le
droit de sortir même pour une pro-
menade. Elle évoque le degré d’in-
humanité du système de maintien de
l’ordre, les fouilles corporelles hu-
miliantes dont elle a été la victime
lors de ses détentions, les séquences
orwelliennes au tribunal où elle avait
d’ailleurs apporté un exemplaire de
1984 à lire, pour ne pas écouter les
vidéos filmées dans sa chambre et
diffusées devant les juges…
« Une sorte de film
d’épouvante »
Bref, Anastasya croyait avoir tout vu.
Mais ce qui s’est passé depuis le dé-
but de la guerre le 24 février 2022
n’en a pas moins été un traumatisme
énorme. Pour avoir brandi une pan-
carte défiant Poutine, la mère de fa-
mille a été à nouveau inculpée et a dû
fuir vers la Lituanie en voiture avec
ses deux enfants, violant la sentence
qui l’avait assignée à domicile en
l’attente d’un jugement. Chevtchen-
ko se souvient de la honte qu’elle a
éprouvée, la première fois qu’elle a
rencontré un Ukrainien, une fois
passée la frontière lituanienne, dans
un café. « Ce sentiment de honte ne
me quitte pas », raconte Anastasya,
tions de l’armée russe ne peut lui
ouvrir les yeux. « Ce sont d’incessan-
tes batailles entre les deux sœurs »,
note Anastasya, qui vit « une sorte de
film d’épouvante » qui dévaste non
seulement l’Ukraine mais la Russie
européenne à laquelle elle appar-
tient, et jusqu’à sa propre famille.
Mais elle dit qu’elle garde l’espoir.
« J’écris souvent à Vladimir Kara-
Mourza qui est en prison, et quand il
me dit que bientôt je reviendrai et que
nous serons tous libres, j’y crois, c’est
pour cela que je reste à Vilnius, pour
ainsi dire à la porte de la Russie »,
dit-elle.
Comme Anastasya, tous les Russes
que nous rencontrons sont pour
l’instant centrés sur le présent et
l’avenir russe, qui les obsède. En ce
sens, le tableau rappelle l’époque de
la grande émigration russe des an-
nées 1920, après la révolution bol-
chevik, quand tous pensaient rentrer
rapidement au pays et y restaient
connectés. Mais la grande différence
est évidemment l’internet, qui est
devenu leur refuge et leur arme de
contre-propagande face à Poutine.
Un monde extrêmement diversifié,
qui n’a cessé de grandir en Russie en
raison de la persécution des médias,
poursuivis et fermés les uns après les
autres. Quelque 5 millions de Russes
y puiseraient régulièrement leurs in-
formations. « Je vois ma mission
comme une mission de protection
contre le poison de la propagande
poutinienne, comme un dôme anti-
aérien qui donne de vraies informa-
tions et aide les gens aussi à ne pas se
sentir isolés en Russie car c’est ce que

montré des débris des drones et de disant qu’il est très partagé dans le le pouvoir poutinien veut leur faire
leurs charges explosives. De quoi milieu des activistes qui ont débar- croire », explique par exemple Tania

Mardi, l’armée de l’air ukrainienne
a déclaré avoir abattu 29 drones
explosifs de fabrication iranienne
sur 31 lancés, « presque tout près de
la capitale et dans le ciel de Kiev ».
Le raid sur Moscou fait quant à
lui partie d’une série d’opérations
préparatoires à la contre-offensive
planifiée par les forces ukrainien-
nes, soulignait mardi le Financial
Times. « L’objectif est de tromper
l’ennemi, de créer une situation
d’incertitude pour lui, de le forcer à
disperser ses ressources ou d’in-
Russie débarrassée de Poutine
Felgengauer, journaliste et youtu-
beuse trentenaire, qui travaille pour
une chaîne d’information en ligne, et
a préservé « son stream thérapeuti-
que » de dialogue avec ses followers.
Ces nouveaux émigrés dont cer-
tains refusent obstinément de se dé-
finir comme tels, sont presque tous
d’accord pour saluer l’accueil que
leur a fait la petite Lituanie, quand la
tourmente qui frappait l’Ukraine
s’est mise à s’abattre sur la société ci-
vique russe. Des milliers de Russes
européens ont en effet débarqué à
Vilnius, qui a fait un effort particulier
en direction des activistes, journalis-
tes et défenseurs des droits de
l’homme, leur obtenant des visas de
travail en temps record et facilitant
leur intégration. « La Lituanie a été
infiniment généreuse et je m’y sens
bien », confirme Tania Felgengauer.
Mais cette planète russe, éclecti-
que et diverse, dont la caractéristi-
que est d’être entrée en dissidence
avec le pouvoir russe, semble gagnée
ces temps-ci par une forme de dé-
sarroi, en observant la guerre qui
dure. Le déchaînement de violence
de l’armée russe, la honte de voir
leur pays en agresseur, l’absence de
soulèvement, sont autant d’éléments
qui suscitent des questions qui
avaient jusqu’ici été ignorées pres-
que délibérément. « Tous ces journa-
listes et activistes avaient pensé et
présenté les choses comme une sorte
de délocalisation », analyse l’influent
journaliste Sergueï Parkhomenko,
qui commute pour sa part entre Ber-
lin et la Grèce, mais qui vient souvent
à Vilnius. « La communauté du jour-
nalisme indépendant se trouvant déjà
sur YouTube, ils se disaient qu’ils fe-
raient leurs émissions à distance de-
puis Vilnius et Riga, comme pendant le
Covid. Mais le risque de la décon-
nexion avec le terrain va peu à peu po-
ser un vrai défi », affirme-t-il. La
longueur de la guerre a fait s’évapo-
rer l’idée que le journalisme russe
aiderait rapidement l’Ukraine et
l’Occident à vaincre Poutine, dit-il,
soulignant que cette déception pour-
rait tarir les financements des fonda-
fluencer sa façon de penser et ainsi
de “façonner” le champ de bataille
avant une offensive majeure », a ex-
pliqué le FT. « L’Ukraine poursui-
vra ce type d’opérations en les com-
binant avec des attaques ciblées
visant à saper les capacités militai-
res de la Russie », envisage le quo-
tidien britannique. « Il ne fait
aucun doute que les actes de sabota-
ge et les attaques terroristes de
l’Ukraine ne feront qu’augmenter »,
a d’ailleurs mardi concédé le dé-
puté Alexander Khinstein, l’une
tions occidentales. Parkhomenko
s’inquiète aussi de la capacité du
pouvoir russe à fermer YouTube.
Tous ces sujets sont discutés sur les
chats russes que les nouveaux émi-
grés ont créés pour se consulter.
« On y échange sur tout », explique
Dmitri Kolezev, un journaliste
d’Ekaterinbourg, déclaré agent de
l’étranger et sous le coup de poursui-
tes judiciaires en Russie pour avoir
écrit la vérité sur la ville martyre
ukrainienne de Boutcha, et qui a dé-
ménagé à Vilnius. Dmitri dirigeait
notamment le site It’s My City à Eka-
terinbourg, et était aussi rédacteur
en chef du journal en ligne Republic.
Extrêmement actif, il raconte avoir
pour l’instant, réussi à maintenir en
activité tous ses projets, avec l’aide
de journalistes restés au pays. La
chaîne YouTube qu’il a montée avec
une poignée de pigistes, rassemble
près de 110 000 téléspectateurs, ce
qui lui permet de fonctionner finan-
cièrement, grâce aux dons en ligne
de ses abonnés. Mais il reconnaît que
fonctionner de l’étranger va devenir
plus compliqué pour les plus grands
médias, comme la chaîne télévisée
Dojd, vu leurs frais importants.
Condamner la guerre
Tania Felgengauer ne veut pas pen-
ser les choses à long terme et affirme
qu’elle n’arrive pas à planifier à plus
de deux semaines, vu la situation sur
le terrain ukrainien, dont « tout dé-
pend ». Elle dit cependant qu’après
un an passé plongée dans le flot des
nouvelles, « à ne faire que tra-
vailler », elle a décidé de prendre
« un peu de champ » pour avoir une
chance de « ne pas couler ». « Je me
mets à rencontrer des Lituaniens, je
me fais des amis hors du milieu jour-
nalistique », explique-t-elle. Ce n’est
pas facile, reconnaît la jeune femme,
qui reconnaît parfois se sentir mal.
« J’ai des vagues d’effroi mons-
trueux », dit Tania, qui affirme pour-
tant ne pas avoir le droit de dire
qu’elle n’est pas de là-bas. Elle
appelle à distinguer entre l’État
criminel et le pays.
des voix de la Douma les plus loya-
les au Kremlin. « Les mesures de
défense et de sécurité doivent être
considérablement renforcées, no-
tamment en ce qui concerne la lutte
contre les drones », a-t-il ajouté.
Nombre de réactions officielles
s’efforçaient visiblement de rassu-
rer la population en soulignant que
les drones dénombrés avaient été
abattus. «C’est formidable. Mais
cela ne doit rassurer personne. Ne
sous-estimez pas l’ennemi ! », a
averti Alexander Khinstein. ■
C’est sans doute un peu cette idée
qui a poussé plusieurs leaders d’opi-
nion russe, dont l’ancien oligarque et
prisonnier politique Mikhaïl
Khodorkovski, et l’ex-champion
d’échecs Garry Kasparov à lancer
une initiative invitant les Russes à
signer la « déclaration de Berlin »,
un document qui appelle tous leurs
compatriotes à condamner la guerre
et à réclamer des réparations et un
jugement des responsables de l’État
russe. Leur idée est aujourd’hui de
« àSidéfinir
réunir la Russie antiguerre et de ten-
ter de constituer une sorte de Conseil
de la Russie libre, qui puisse bénéfi-
cier d’une forme de légitimation
auprès des institutions européennes,
pour aider les Russes de l’émigration
à être mieux accueillis et préparer
une forme de relève pour l’avenir.
« Si on arrive à définir les contours
d’une sorte de Corée du Sud russe vir-
tuelle, et à la mobiliser, il sera plus fa-
cile de battre la Russie de Poutine »,
explique Garry Kasparov.
À Vilnius, l’idée de préparer la re-
lève et de se rassembler pour discu-
ter, semble faire consensus. « Bien
sûr qu’il faut parler de l’avenir », note
Fedor Krasheninnikov, un journalis-
te de renom exilé lui aussi à Vilnius.
La décision de tenir une grande réu-
nion de l’opposition russe et d’y as-
socier des parlementaires européens,
lancée par l’ancien premier ministre
lituanien Andrius Kubilius, semble
d’ailleurs plutôt bien accueillie, à
l’exception du groupe d’Alexis
Navalny, peu enclin à s’associer aux
initiatives de Garry Kasparov et
Mikhaïl Khodorkovski, perçues,
nous confient plusieurs exilés russes,
comme une opposition politique
« sans légitimité interne russe ».
L’ancien député libéral Maxim
Reznik, qui fait partie de la fondation
Russie libre de Kasparov, réplique,
lui, qu’il faut absolument montrer le
visage d’une Russie anti-Poutine
unie, pour vaincre le dragon, car
l’opposition russe s’est trop perdue
dans des luttes intestines. « Notre
consensus doit être clair : une Ukraine
indépendante, une Russie libre. » ■
InternatIonal
À Tel-Aviv, les comédiens
de Saint-Pétersbourg
découvrent la liberté
Guillaume de dieuleveult
gdedieuleveult@lefigaro.fr
Correspondant à jérusalem
C’EST l’heure de la répétition.
Des tables rondes et des chaises
ont été disposées dans la salle
de spectacle. Les comédiens se
produiront là dans quelques
heures mais l’ambiance semble
pour l’heure assez détendue. Sur
l’estrade, au milieu de la pièce, un
jeune homme réalise une série de
contorsions acrobatiques. Dans un
coin, un musicien répète des
accords de guitare. Le son d’un
piano n’est pas assez puissant
pour couvrir les conversations qui
se tissent, d’une table à l’autre, en
langue russe.
La scène se déroule au cœur du
bohème quartier Florentin, à
Tel-Aviv. C’est dans cette annexe
du célèbre Théâtre Gesher que les
acteurs de la troupe Fulcro ont élu
domicile pour une série de
représentations de leur spectacle :
Le Troisième Cabaret. Le buisson
ardent. Ce soir, il sera donné en
russe, en yiddish, en allemand, en
hébreu. Une manière
perpétuer la tradition du Gesher,
de
théâtre fondé au début des années
1990 par des comédiens russes et
devenu une institution en Israël.
Mais à la différence de leurs
prédécesseurs, qui laissaient
derrière eux une Russie en pleine
effervescence culturelle, cette
dizaine de jeunes comédiens a été
contrainte de fuir un pays où,
selon eux, il n’est plus possible de
travailler.
De larges lunettes cerclées de
laiton posées devant ses yeux
bleus, les cheveux relevés en
chignon : Dasha Shamina est la
directrice et la fondatrice de la
troupe. Comme la plupart de ses
membres, elle a été formée au
prestigieux Institut russe des arts
de la scène de Saint-Pétersbourg,
fondé au XVIIIe siècle. Délaissant
un instant la répétition, elle s’est
assise dans un coin de la salle. « Le
jour même où la guerre a éclaté, j’ai
su que c’en était fini pour nous en
Russie, assure-t-elle. Nous n’en
étions pas vraiment conscients
auparavant, mais en fait nous y
pensions depuis très longtemps,
alors que nous préparions notre
spectacle précédent, un cabaret
avec des reprises de chants de
prisonniers du goulag. »
Musique, littérature, théâtre :
on arrive
les
depuis sa création, précise-t-elle,
la troupe Fulcro joue sur le
mélange des genres mais se
contours d’une concentre sur un thème :
« Les grandes catastrophes du
sorte de Corée XXe siècle ». « Nous étions en train
du Sud russe de discuter tous ensemble de la
virtuelle, et situation en Russie, poursuit Dasha
à la mobiliser, Shamina, et nous en sommes venus
il sera plus à nous poser cette question : que
ferons-nous quand Poutine atta-
facile de battre quera l’Ukraine ? » C’était pour
la Russie
de Poutine »
garry kasparov,
opposant au régime
de poutine et anCien
Champion du monde
d’éCheCs
Les acteurs de la troupe Fulcro lors de leur spectacle Le Troisième Cabaret.
Le buisson ardent, le 18 mars au Théâtre Gesher, à Tel-Aviv.
anton sverdlov
le figaro mercredi 31 mai 2023
9
eux une simple question de temps,
et une ombre supplémentaire au
tableau alors que leurs conditions
de travail se faisaient de plus en
plus difficiles. « Nous avons
pensé : si cela arrive, nous n’aurons
d’autre choix que de fuir », conclut
la jeune femme. « Aujourd’hui, en
Russie, beaucoup de gens sont
constamment en danger, pas uni-
quement des activistes, reprend
Dasha Shamina. Mais nous ne
sommes pas uniquement partis à
cause du danger. Il y a d’abord une
raison éthique dans ce choix : nous
avons fui une société qui a failli.
Quand l’Union soviétique s’est
écroulée, nous avions une chance
de créer une démocratie mais cela a
échoué. Poutine n’est pas la cause
des maux qui frappent la Russie, il
est la conséquence de cet échec. »
Dans les mois qui ont suivi la
guerre, une partie des comédiens
de la troupe s’est retrouvée ici :
environ deux tiers a pu bénéficier
de la « loi du retour », qui facilite
l’arrivée sur le sol israélien des
“ Nous ne sommes
pas uniquement partis
à cause du danger.
Il y a d’abord
une raison éthique
dans ce choix : nous
avons fui une société
qui a failli
”
dasha shamina, direCtriCe
et fondatriCe de la troupe fulCro
personnes ayant des origines
juives. Maintenant, il faut tout
reconstruire. Deux théâtres israé-
liens ont été la planche de salut de
la troupe déracinée : le Tmuna et
le Gesher. Erez Maayan Shalev est
le directeur artistique du Tmuna.
« Quand un comédien quitte un
pays pour des raisons politiques,
c’est notre devoir de l’accueillir »,
assure-t-il. Lena Kreindlin est la
directrice du Gesher : « Il y a une
étrange inversion, relève-t-elle :
nous avons quitté une Russie où
tout était ouvert, ils sont partis
alors que toute création était
devenue impossible. »
En Israël, les jeunes comédiens
découvrent la liberté et la
démocratie : ils s’étonnent de
pouvoir dire ce qu’ils veulent au
téléphone ; eux, qui n’ont
quasiment connu que Vladimir
Poutine, s’amusent du nombre de
premiers ministres qu’ils ont vu
défiler en un an : 3. « Je suis une
petite sioniste, reprend Dasha
Shamina. Je crois en Israël parce
que c’est un pays adolescent, on
peut y faire des choses neuves et les
faire bien. »
Après les ombres de la Russie
de Poutine, les lumières de
l’eldorado israélien n’ont pas fini
d’éblouir les comédiens de
Fulcro. ■
A
 mercredi 31 mai 2023 le figaro

10 InternatIonal

Kosovo : regain
de violence entre
Serbes et Albanais
L’Otan annonce le déploiement de forces
supplémentaires. La minorité serbe qui a boycotté
les élections municipales est en effervescence.

maires albanais, élus le 23 avril

Milica cubrilo
belgrade
Balkans La « normalisation »
des relations entre le Kosovo et la
Serbie, signée le 18 mars dernier à
Ohrid en Macédoine du Nord et
soutenue par l’Union européenne
(UE) et les États-Unis, est à nou-
veau mise en cause, dans un
contexte de regain de tension iné-
dit depuis des années. Cette fois
des affrontements ouverts ont eu
lieu dans les quatre communes à
majorité serbe du Nord, entre
quelques milliers de manifestants
serbes et les forces spéciales koso-
dernier dans des circonstances
controversées, ont voulu pénétrer
dans leurs bureaux de municipali-
tés dont la population est presque
entièrement serbe. Les électeurs
avaient boycotté le scrutin. Ils ré-
pondaient à l’appel des dirigeants
de la Srpska Lista, le grand parti
des Serbes du Kosovo, téléguidé
par Belgrade, qui a fait démission-
ner tous les fonctionnaires serbes
des institutions kosovares le 5 no-
vembre 2022 pour protester
contre la décision du gouverne-
ment du Kosovo de vouloir chan-
ger les plaques serbes des véhicu-
les par des plaques kosovares et le
refus de créer une association des
communes à majorité serbe. Pour
Les Casques bleus
de l’Otan ont dispersé,
lundi, des manifestants
serbes qui se sont
affrontés avec les
forces spéciales
kosovares, à Zvecan,
dans le nord du Kosovo.
aFP
calade de violence », une position défendre « la souveraineté de la en Serbie à la révolte citoyenne
reprise par les quatre autres États Serbie et le droit à la vie de tous ses contre la violence, après deux
du « Quintette » (Allemagne, citoyens ». Il demande le départ tueries de masse début mai. Sur la
France, Grande-Bretagne, Italie). des maires albanais et le retrait défensive, l’homme fort de Bel-
De son côté, le président serbe, des forces spéciales kosovares, grade a convoqué le 26 mai der-

“ Le régime serbe a
mal réagi aux tragédies
qui ont frappé le pays.
Aujourd’hui, il n’y a
guère que les tensions
au Kosovo qui
pourraient lui donner
un nouveau souffle
”
dusan spasojevIC, professeur
à la faCulté de sCIenCes polItIques
de belgrade
vares, que les soldats de la force de
l’Otan déployée au Kosovo (Kfor)
se sont efforcés d’apaiser. Ils se
sont soldés par un lourd bilan di-
manche : au moins 53 blessés, dont
25 de la Kfor, des soldats italiens et
hongrois. Trois sont toujours hos-
pitalisés, et un blessé, un civil ser-
be, se trouve dans un état critique,
avec des blessures par balle.
Le feu qui couvait a pris ven-
dredi 26 mai dernier, lorsque les
les Serbes, l’élection est illégitime
car moins de 4 % des inscrits ont
participé au scrutin.
Des centaines de citoyens se
sont rassemblés à l’appel de sirè-
nes devant les bâtiments munici-
paux de Leposavic, Zvecan et
Zubin Potok pour leur bloquer
l’accès. Face à la résistance des
habitants, Pristina, accusant les
« structures criminelles et illéga-
les » serbes, a fait intervenir la
police à coups de gaz lacrymogè-
nes. Plusieurs témoins ont dénon-
cé des violences de la part de ces
forces, mais aussi de la part de
« groupes importants de jeunes
hommes masqués lançant des pier-
LES SERBES
res et des bouteilles cassées en di-
AU KOSOVO, en %
rection de la police du Kosovo ».
L’ambassadeur américain au
Kosovo, Jeffrey Hovenier, a
condamné l’intervention des
policiers de Pristina, appelant à
« cesser immédiatement toute opé-
ration pouvant conduire à une es-
Aleksandar Vucic a donné l’ordre
à l’armée de « se déplacer immé-
diatement vers la frontière avec le
appelant « la communauté inter-
nationale à ramener Albin Kurti à
la raison ». « S’ils ne font pas ça,
nier un rassemblement de ses
partisans pour contrecarrer la
mobilisation de l’opposition. Des
Kosovo » et de « se préparer à j’ai peur qu’il soit trop tard pour colonnes de cars ont été réquisi-
d’éventuelles interventions » pour nous tous », a-t-il ajouté. tionnés pour acheminer les mani-
Si la Kfor a pu se déployer dans festants à Belgrade depuis tout le
30 km les quatre communes et assurer le pays. De nombreux fonctionnai-
retour au calme après les affron- res ont été contraints de participer
SERBIE tements de dimanche, la situation à la manifestation pour ne pas
Leposavic
reste critique et l’Otan a annoncé perdre leur emploi. La « manifes-
Belgrade
le déploiement de forces supplé- tation Potemkine » s’est toutefois
Zubin Potok Zvecan
mentaires. soldée par un échec. « Aleksandar
MONT. Mitrovica « La communauté internationale Vucic avait annoncé 200 000 per-
a sous-estimé la situation. Albin sonnes. Or, il y en a eu trois ou qua-
Pec Pristina Kurti est intransigeant et dogmati- tre fois moins », souligne Dusan
Gracanica que et agit en kamikaze, faisant fi Spasojevic, professeur à la faculté
Principaux
monastères serbes Decani KOSOVO des appels de la communauté de sciences politiques à Belgrade.
internationale. Cette fois, le dialo- « Le régime a mal réagi aux tragé-
gue reprendra difficilement », esti- dies qui ont frappé le pays. Il a éga-
me un diplomate occidental basé lement été pris de court par les raz
Prizren à Pristina. Aleksandar Vucic ne de marée de citoyens, plus nom-
90
ALBANIE
peut que se satisfaire de l’ire de breux à chaque mobilisation.
50 MACÉDOINE DU NORD l’UE et des États-Unis envers Aujourd’hui, il n’y a guère que les
Pristina, qui semblent ignorer à tensions au Kosovo qui pourraient
5
Source : Ecmi, 2011 quel point il souffle également sur lui donner un nouveau souffle »,
Infographie les braises. La crise se superpose conclut-il. ■

Turquie : les défis d’Erdogan pour les cinq ans à venir

Le « Reïs » poursuivra son jeu d’équilibriste en diplomatie : à la fois dépendant de Moscou et membre incontournable de l’Otan.
Delphine Minoui £@DelphineMinoui
Correspondante à Istanbul
Moyen-orient Recep Tayyip Er-
dogan avait lancé le pari d’un nou-
veau « siècle turc ». Voilà qui est
acté. Réélu avec 52 % des voix, et
conforté par la victoire parlemen-
taire de son parti, l’AKP, et de son
« n’aErdogan
allié d’extrême droite, le MHP, le
président turc dispose de toute la
latitude nécessaire pour consolider
son pouvoir islamo-nationaliste,
et balayer un peu plus l’héritage de
la République laïque d’Atatürk, à
l’approche de ses cent ans.
Au terme d’une campagne aussi
polarisante que déséquilibrée, les
rêves d’un retour à l’État de droit
nourris par l’opposition sont dé-
sormais douchés. « L’élection de
Kemal Kiliçdaroglu portait la pro-
messe d’une ouverture démocrati-
que. Dans son programme, il était
question de réintégrer les fonction-
naires limogés. C’était un grand es-
poir pour les milliers d’enseignants
purgés après le coup d’État raté de
2016 », confie Zeynep Gambetti,
professeur à la retraite de l’univer-
sité du Bosphore. Au lieu de jouer
la carte de l’apaisement, une fois
reconduit, Erdogan préfère igno-
rer les demandes de libération des
prisonniers politiques. Lors de son
discours de victoire, dimanche 28
mai, il a fustigé une fois de plus ses
adversaires en faisant huer le diri-
geant kurde Selahattin Demirtas,
embastillé depuis six ans.
A
sinistrées par le tremblement de poil, il sait aussi s’arrêter quand il Après deux décennies au pou- Dans la Turquie d’Erdogan,
terre du 6 février, le chef de l’État le faut. « Malgré ses discours voir, l’économie constitue le plus l’économie va aussi de pair avec la
turc n’a déjà qu’une obsession en agressifs contre les LGBT, je ne grand chantier qui attend le géopolitique. Elle continuera sans
tête : reconquérir Ankara, la capita- pense pas qu’il ambitionne d’être « Reis » turc. Malgré les colmata- doute à influencer son jeu d’équili-
le, et surtout Istanbul - où il fit ses aussi coercitif que Poutine ou en- ges populistes de ces derniers mois briste en matière de diplomatie.
débuts politiques en tant que maire core Sissi, en Égypte. Pour lui, il (augmentation des salaires, pré- Dépendant de Moscou dans sa
à la fin des années 1990 -, perdues s’agit plus d’une guerre culturelle retraite, aides sociales), la crise qui consommation de gaz (les factures
d’autre
en 2019. « Êtes-vous prêts à gagner
Istanbul ? », a-t-il lancé ce diman-
che à la foule en référence aux pro-
entre deux segments opposés de la
société. Il en est de même pour son
rapport à la religion. S’il impose des
frappe la population est criante :
inflation galopante, chômage à la
hausse, chute de la livre turque
n’ont pas été payées depuis un an),
le pays ne devrait pas connaître de
grand changement dans sa relation
chaines municipales de 2024. De taxes sur l’alcool, il ne le fait pas in- - ce lundi 29 mai, au lendemain du à la Russie – qui vient d’inaugurer
choix que quoi présager de sombres mois à terdire, tout comme il n’est pas fa- second tour, elle a reculé à un ni- la première centrale nucléaire de
de baisser les venir pour la presse indépendante, vorable à l’abaissement de l’âge du veau historique (1 euro pour Turquie. En parallèle, le président
taux d’intérêt : les activistes, les Kurdes et tout mariage des filles, pourtant deman- 21,60 TL). La faute, selon les ex- turc entend réaffirmer son rôle de
contre-pouvoir qui tenterait d’en- dé par certains membres de perts, à une politique de baisse des médiateur entre Moscou et Kiev, à
une décision traver son dessein. l’AKP », observe l’historien et taux d’intérêt, à rebours de toute qui il fournit des drones de combat.
qu’il mettra spécialiste de la Turquie Howard logique économique. « Contraire- Le dégel amorcé depuis quelques
sur le dos « Une guerre culturelle » Eissenstat. Erdogan le sait : la di- ment aux convictions d’Erdogan, mois avec les pays de la région –
Mais Erdogan est un politicien versité culturelle de la Turquie est les faibles taux d’intérêt n’ont ni Israël, Arabie saoudite, Émirats, et
de la crise pragmatique. Connu pour ses sor- un moteur de son tourisme, source empêché l’inflation ni stimulé l’in- dans une certaine mesure, la Syrie
économique ties répétées contre les femmes, de revenus indispensable en pleine vestissement et la création d’em- - est également parti pour durer.
mondiale
erInç Yeldan,
» les LGBT, les « déviants » de tout récession financière. plois. Au contraire, ils ont augmenté
la consommation annuelle de 22 %
sur ces deux dernières années, et
Lors d’un échange téléphonique,
ce lundi, Erdogan et son homolo-
gue égyptien ont d’ores et déjà
professeur
d’éConomIe donc les importations, en creusant convenu de renforcer leurs rela-
à l’unIversIté le déficit de la balance commercia- tions et d’échanger des ambassa-
KadIr Has le », remarque Erinç Yeldan, pro- deurs, après des années de tension
fesseur d’économie à l’université à l’issue de l’éviction de l’ex-pré-
Kadir Has. sident Mohamed Morsi en 2013.
Pour éviter la banqueroute, des Membre incontournable de
mesures d’austérité s’annoncent l’Otan, la Turquie pourrait aussi
inévitables. « La banque centrale revenir à la table des négociations
est à cours de réserves. Erdogan n’a pour faire entrer la Suède dans
d’autre choix que de baisser les taux l’Alliance atlantique – un sujet
d’intérêt : une décision qu’il mettra évoqué en début de semaine entre
sur le dos de la crise économique Erdogan et Joe Biden lors d’un
Le président turc Recep mondiale. Et comme il se trouve en appel du président américain pour
Tayyip Erdogan, mardi, position de force après sa réélection, le féliciter de sa victoire. Le bloca-
lors de la 79e Assemblée il ne devrait pas avoir de mal à ge répété de ces derniers mois
générale de l’Union des “vendre” ce programme à sa base, aurait servi, disent certains, de
chambres et des bourses sous couvert de sacrifice collectif au parfait fonds de commerce pour

Conforté par ses bons scores en de commerce de Turquie, nom de la grande nation turque », booster la fibre nationaliste des
Anatolie centrale et dans les régions à Ankara. aDeM altan/aFP poursuit l’économiste. Turcs à l’approche du scrutin. ■

ScienceS
Un étrange sursaut d’activité
dans le cerveau au moment de mourir
Des ondes
cérébrales
surprenantes
enregistrées
sur des patients
mourants
peuvent-elles
avoir un lien avec
les expériences
de mort
imminente ?
tristAn Vey £@veytristan
neurosciences Le chiffre exact
n’est pas facile à établir, mais en-
viron 15 % des personnes ayant
survécu à un arrêt cardio-respira-
toire rapportent avoir vécu une
expérience de mort imminente,
ou EMI. Dans neuf cas sur dix, cel-
les-ci sont caractérisées par un
sentiment de paix et de bien-être
intense. Dans huit cas sur dix : la
sensation de sortir de son corps et
de se voir de l’extérieur. Et dans
les trois quarts des cas : la vision
d’une lumière très brillante qui
vous attire ou d’un tunnel lumi-
neux ; une altération de la percep-
tion du temps. Pour un scientifi-
que, la première question qui
vient à l’esprit est la suivante : se
passe-t-il quelque chose de parti-
culier dans le cerveau d’une per-
sonne au moment où le cœur s’ar-
rête qui expliquerait une telle
similitude dans les récits ? Et le
cas échéant, quoi ?
Dans une récente étude parue
dans les Pnas (Comptes rendus de
l’académie américaine des scien-
ces), une équipe de l’université du
Michigan menée par la neuros-
cientifique Jimo Borjigin rapporte
avoir observé un sursaut d’activi-
té intense dans « le cerveau mou-
Les premiers
papillons
sont apparus
en Amérique
Une large étude génétique permet
d’identifier la région du monde où ils ont
évolué, il y a 100 millions d’années.
Anne-LAure Frémont
alfremont@lefigaro.fr
génétique Comme de nombreu-
ses populations d’insectes, celle
des papillons est en déclin. En
France, leur aire de répartition ne
cesse de se rétrécir : deux tiers des
espèces ont disparu d’au moins un
département qu’elles occupaient
le siècle dernier. Pourtant, les pa-
pillons de jour, dont on dénombre
plus de 19 000 espèces dans le
monde, existent depuis des mil-
lions et des millions d’années. Ap-
parus au milieu du crétacé, ils ont
ainsi cohabité avec les dinosaures
et survécu à l’extinction de masse
de la fin du crétacé, la transition
crétacé-paléogène (K-Pg) il y a
66 millions d’années.
Pour la première fois, une étude
publiée dans Nature Ecology
& Evolution retrace avec précision
les circonstances de leur appari-
tion. Une précédente analyse à
grande échelle de leur ADN avait
rant » de deux patients. En prati-
que, les chercheurs ont pu équiper
d’électrodes quatre personnes
plongées dans un coma profond et
irréversible, juste avant l’arrêt de
la ventilation artificielle. Une fois
« débranchés », ces patients vont
mourir et passer en arrêt cardio-
respiratoire. C’est juste avant cet-
te transition définitive que les
chercheurs ont enregistré pour
deux patients un brusque change-
ment dans l’activité électrique du
cortex cérébral : une bouffée
d’ondes gamma très rapides rem-
place les ondes lentes caractéristi-
ques de l’inconscience.
« Cette activité rapide corres-
pond plutôt à ce que l’on voit chez un
humain vivant et, dans le cas du
gamma, conscient et attentif. C’est
un signal typique d’un individu qui
réalise un processus cognitif élabo-
ré », analyse Stéphane Charpier,
professeur de neurosciences à Sor-
bonne Université, chercheur en
neurophysiologie et chef d’équipe à
l’Institut du cerveau. Il est impor-
déjà daté l’origine des papillons de
jour à environ 100 millions d’an-
nées, lorsque des papillons de nuit
avaient commencé à voler la jour-
née pour profiter des fleurs riches
en nectar.
Onze fossiles
Dans cette nouvelle publication,
une équipe de chercheurs inter-
nationaux assure avoir découvert
le lieu d’origine des premiers pa-
pillons et les plantes dont ils se
nourrissaient. Ils ont pour cela
créé le plus grand arbre généalo-
gique des papillons au monde. Cet
arbre de vie phylogénétique a été
construit à partir de séquences
d’ADN » explique l’auteur princi-
pal de la publication, Akito Kawa-
hara, spécialiste des lépidoptères
au Muséum d’histoire naturelle de
Floride. « Nous avons séquencé 391
gènes de plus de 2000 papillons
(provenant de 90 pays) que nous
avons obtenus dans des musées ou
que nous avons collectés nous-mê-
mes. Nous avons ensuite utilisé
Les chercheurs
de l’université
du Michigan ont
tant de rappeler ici que ces indivi-
dus étaient pourtant bel et bien en
état de mort cérébrale, ne répon-
observé une sorte dant à aucune stimulation quelle
d’orage électrique dans qu’elle soit et incapables de respi-
le cortex cérébral rer spontanément. Ils n’avaient
au moment de l’arrêt aucune chance de revenir.
cardio-respiratoire
« C’est un phénomène très sur-
de deux patients.
AlexAndr Mitiuc /
prenant », commente Steven Lau-
stock.Adobe.coM reys, directeur du Centre du cer-
veau de l’université de Liège,
spécialiste de la neurologie de la
conscience. « C’est comme un ora-
ge d’activité électrique juste avant
l’encéphalogramme plat. C’est très
étonnant, d’une intensité insoup-
çonnée, mais cela semble se confir-
mer. Cela avait déjà été observé
chez des rats par la même équipe et
une équipe chinoise avait également
rapporté un cas chez l’homme l’an-
née dernière. Nous menons nous
aussi notre propre étude sur cette
transition du cerveau mourant et
nous avions vu ce type d’activité ra-
pide sans trop oser en parler. »
Le phénomène est d’autant plus
intrigant qu’il semble assez com-
Un monarque, papillon quatre superordinateurs sur deux
migrateur américain, continents pour analyser les sé-
butine dans un champ quences et faire des prédictions sur
d’armoises en Californie. l’évolution des papillons. »
scenic corner/Adobe stock
Pour créer un arbre phylogéné-
tique, « on compare la proximité
des séquences d’ADN des espèces
étudiées et on regroupe celles qui
ont des séquences proches grâce à
des algorithmes complexes, précise
Marianne Elias, directrice de re-
cherche CNRS au Muséum natio-
nal d’histoire naturelle (qui n’a
pas participé à l’étude). La proxi-
mité entre espèces représente donc
plexe. « Ce qui est très intéressant
dans cette nouvelle étude, c’est
qu’ils ne se contentent pas d’analy-
ser le contenu fréquentiel, explique
Stéphane Charpier. Ils montrent
également comment les activités à
différentes fréquences se couplent
dans les différentes zones du cer-
veau. Ils décrivent notamment une
synchronisation entre les régions
temporales, pariétales et occipita-
les, typique de ce que l’on observe
lors d’un processus conscient actif,
quand on réalise une tâche, que l’on
interagit. Cette augmentation de la
connectivité fonctionnelle est vrai-
ment étonnante étant donné que ces
personnes n’auraient jamais pu sor-
tir de leur coma. »
Comment interpréter mainte-
nant ces résultats ? C’est évidem-
ment une partie très délicate. Il est
évidemment tentant de faire un
lien entre ce brusque sursaut et les
expériences de mort imminentes.
« Mais en l’occurrence, qu’est-ce
que ces personnes en état de
conscience minimal, qu’on appelle
la proximité des séquences d’ADN,
tandis que la longueur des branches
ne représente pas le temps mais est
proportionnelle au nombre de mu-
tations (donc plus la branche est
longue, plus il y a de mutations). On
soumet ensuite ces branches à des
contraintes pour obtenir une data-
tion. » Ici, les chercheurs se sont
notamment servis de onze fossiles
de papillons comme points d’éta-
lonnage, qui leur ont permis d’en-
registrer la chronologie des évé-
nements clés de l’évolution. Il faut
savoir que les fossiles de papillons
sont bien plus rares que ceux des
vertébrés, les tissus de ces insectes
se dégradant beaucoup plus vite
que les os.
Habitudes alimentaires
Cette nouvelle analyse confirme
que les papillons sont apparus il y
a environ 100 millions d’années et
« que toutes les familles, sauf une,
étaient présentes avant l’événe-
ment d’extinction K-Pg », expli-
quent les auteurs. Ils sont égale-
ment parvenus à localiser la
région du monde où les papillons
sont apparus en s’appuyant sur
leurs habitudes alimentaires, sa-
chant que la plupart de ces insec-
tes ne mangent qu’une famille de
plantes bien précise (seul un petit
nombre se nourrit également de
détritus, de lichens ou d’autres
insectes). « Les chercheurs ont
analysé de façon indépendante
d’une part la dispersion des pa-
pillons au cours du temps dans les
différentes régions du globe,
d’autre part l’évolution de leur as-
sociation avec les plantes nourri-
cières des chenilles, détaille Ma-
rianne Elias. Pour chacune de ces
analyses, ils sont partis de ce qu’on
connaît actuellement, par exemple
le figaro mercredi 31 mai 2023
11
parfois aussi végétatif ont réelle-
ment perçu ? », s’interroge Steven
Laureys. C’est d’ailleurs toute la
difficulté de l’étude des EMI.
« Nous ne savons même pas à quel
moment elles se produisent précisé-
ment, rappelle Stéphane Charpier.
Est-ce au moment de l’arrêt car-
diaque, avant, ou après, au mo-
ment du réveil ? Nous avons par
exemple observé chez des rats qui
reviennent d’un arrêt cardiaque un
motif d’activité qui rappelle celui
qu’on retrouve chez certains pa-
tients lors d’hallucinations. L’expé-
rience de mort imminente pourrait
en fait être une expérience de vie
imminente. » Rappelons en outre
que certains patients vivent des
EMI sans arrêt cardiaque, mais
simplement sous l’effet d’une
peur de mourir (accident, chu-
te, etc.) qui déclenche un stress
intense.
“ L’expérience
de mort imminente
pourrait en fait être
une expérience de vie
imminente
de neuroSCienCeS
”
Stéphane Charpier, profeSSeur
à Sorbonne univerSité
Reste en outre à comprendre les
mécanismes neurophysiologiques
qui déclenchent cette activité in-
tense et son éventuel rôle évolutif.
Faut-il y voir un mécanisme de la
dernière chance ? Comme une
sorte de tentative désespérée de
« reboot » ? Ou ne serait-ce
qu’une réponse « mécanique »
d’un cerveau privé d’oxygène ? Le
cerveau est en effet composé de
milliards de neurones baignant
dans une soupe de neurotrans-
metteurs. Cette activité électrique
pourrait être le fruit du relâche-
ment terminal du cerveau, de la
désinhibition brutale de toutes les
connexions. « Le cerveau n’est pas
un moteur de voiture, ou toute
autre technologie aussi sophisti-
quée soit-elle, met toutefois en
garde Steven Laureys. C’est très
différent et d’une complexité qui
nous dépasse. » ■
la distribution des différentes espè-
ces de papillons, et ils ont utilisé un
algorithme pour estimer les aires
ancestrales de distribution les plus
probables. » Ils ont fait de même
avec les plantes nourricières. Les
auteurs parviennent à la conclu-
sion que les papillons de jour se
sont probablement d’abord nour-
ris de fabacées - la famille très ré-
pandue du haricot, du mimosa, de
l’acacia ou du petit pois - et qu’ils
sont originaires de ce qui est
aujourd’hui l’Amérique du Nord
ou centrale, à l’époque séparée du
sud du continent. Ils se seraient
ensuite dispersés en Asie par le
pont terrestre de Béring avant de
coloniser la zone tropicale.
Selon Marianne Elias, « l’hypo-
thèse des fabacées comme plante
hôte ancestrale était déjà soupçon-
née car beaucoup d’espèces de pa-
pillons mangent cette famille de
plantes et ces espèces sont réparties
un peu partout dans l’arbre phylo-
génique. » Toutefois, comment
être sûr que l’ancêtre d’une espè-
ce mangeait la même chose que
cette dernière ? « On ne peut pas
l’affirmer avec certitude, admet-
elle. L’hypothèse avancée dans cet-
te étude constitue le scénario le plus
probable. » Tout en saluant l’am-
pleur de ce travail, la chercheuse
au CNRS rappelle « qu’ils n’étu-
dient que 11 % de la diversité des
papillons ». Leurs conclusions
méritent donc d’être consolidées
avec un plus grand nombre d’es-
pèces. L’arbre réalisé constitue
d’ailleurs une base sur laquelle
l’équipe d’Akito Kawahara va
continuer à travailler : « Nous dis-
posons actuellement d’un ensemble
de données d’environ 15 000 pa-
A
pillons qui feront l’objet d’une pro-
chaine étude ». ■
 mercredi 31 mai 2023 le figaro

12 Sport
Pouille, de la dépression à la résurrection
Le joueur de 29 ans, en lice lors du 2e tour ce mercredi, enflamme Roland-Garros après trois années de galère.
romain schneider
rschneider@lefigaro.fr
tennis Lucas Pouille peut remer- confie son coach. Il y avait des hauts
cier son ami Pierre-Hugues Her-
bert. C’est ce dernier qui lui a re-
donné goût au tennis. En octobre
dernier, l’Alsacien lui a proposé un
entraînement partagé au CNE de
Roland-Garros. Les raquettes de
l’ancien numéro 10 mondial (mars
2018) étaient alors rangées au fond
du garage depuis cinq mois. Le ten-
nis, un lointain souvenir. Miné par
les blessures et le moral en berne,
Lucas Pouille avait renoncé à jouer
au tennis : « Au printemps dernier,
j’étais arrivé à un point où je ne dor-
mais plus la nuit. Il m’arrivait de
boire seul et je voyais tout en noir
tout le temps, confiait-il au Figaro à
cœur ouvert il y a deux mois. Je me
suis dit que ce n’était pas possible de
continuer comme ça. Et j’ai pris la
décision de dire stop. J’avais l’inten-
tion d’annoncer ma
revenir. C’est toutefois compliqué à
imaginer, car, il y a deux mois, son
niveau de jeu était très éloigné de ce
qu’il produit sur ce Roland-Garros,
et des bas lors des entraînements. J’ai
été agréablement surpris de le voir,
dès sa première victoire en qualifica-
tions, avec le bon état d’esprit. »
Quart-de-finaliste à Wimbledon
et à l’US Open (2016), demi-fina-
liste à l’Open d’Australie (2019),
Pouille n’a jamais dépassé le 3e tour
à Paris, où il n’a pas vraiment mar-
qué les esprits. De l’histoire an-
cienne. Sur le court no 14, un vol-
can toujours en éruption, il a
conquis les cœurs des 2 200 specta-
teurs en feu. Il avait demandé à
Amélie Mauresmo, son ancienne
coach et aujourd’hui directrice des
Internationaux de France, d’évo-
luer sur ce court béni. Son vœu a
été exaucé. Et quand le Nordiste a
chanté La Marseillaise à gorge dé-
ployée sur le théâtre de sa résur-
rection, des larmes sont

670e
retraite. Mon entoura- montées en tribunes.
ge m’a dit de ne sur- Face au Britannique Ca-
tout pas le faire à meron Norrie, tête de
chaud et de ne pas fer- série no 14, il va logique-
mer complètement la ment évoluer ce mer-
porte. » Le rang credi en dernière rota-
Après avoir retapé de Lucas Pouille au tion sur un court plus
la balle « pour le plai- classement mondial, grand (le Suzanne-Len-
sir » à l’automne, il après avoir figuré dans glen) que celui qui a ac-

Issu des qualifications, l’inconnu

est officiellement re- le Top 10 en 2018 compagné ses dernières
devenu un joueur de victoires. La magie opé- Lucas Pouille,
tennis l’hiver dernier, rera-t-elle encore ? vainqueur dimanche

Seyboth Wild terrasse Medvedev

accompagné d’Enzo Py, ancien pro
et ami proche, devenu son coach et
qui achèvera sa mission après ce
Roland-Garros. Après trois années
de galère, le Nordiste a repris le
chemin du circuit en Thaïlande en
janvier pour disputer des challen-
gers (tournois de deuxième divi-
sion), avant que son corps cabossé
le lâche encore et contrarie sa ten-
tative de retour au plus haut ni-
veau. Et, lors de la tournée améri-
caine de tournois secondaires en
avril sur terre battue, rien ne s’est
passé comme prévu. « Cela a été
terrible, nous souffle Enzo Py. Les
résultats puis la qualité de son jeu
n’ont pas été là. C’était terriblement
frustrant. D’autant que la prépara-
tion à Roland-Garros a été cham-
boulée avec un énorme lumbago en
rentrant des États-Unis et deux se-
maines et demie de repos derrière. »
Py le reconnaît, il n’aurait pas
misé beaucoup sur l’épopée pari-
sienne de son ami. Rescapé des
qualifications, pour lesquelles il
avait été invité, l’improbable
670e mondial (il réintégrera au
moins le top 400 après le tournoi)
vient d’enchaîner quatre victoires
consécutives (trois lors des qualifi-
cations et celle au premier tour
contre l’Autrichien Jurij Rodionov,
6-2, 6-4, 6-3). Le Nordiste n’avait
pas gagné trois matchs dans un
tournoi depuis sa finale au Challen-
ger de Cassis en septembre 2021…
Une éternité. « Je savais que ça allait
« C’est vrai qu’il y a un certain en-
gouement, depuis la première victoi-
re dans les qualifs, où les gens sont
vraiment derrière moi et me pous-
sent peut-être comme jamais je n’ai
été poussé ici, a-t-il glissé. J’avais
envie de partager avec eux, quand
ils se sont mis à chanter La Mar-
seillaise, et de rester sur le court le
plus longtemps possible, pour vivre
ces émotions et profiter de chaque
minute à leurs côtés. »
Lucas Pouille, qui bénéficie éga-
lement de l’apport d’Éric Wino-
gradsky, l’ex-coach de Jo-Wilfried
Tsonga, chargé d’un groupe d’en-
traînement fédéral pour athlètes
sur le retour, a atteint son premier
objectif : redevenir un joueur de
tennis de haut niveau. Reste à sa-
voir si le vainqueur de la Coupe Da-
vis (2017), pourra réussir le second :
se qualifier pour les Jeux olympi-
ques de Paris. « Après lui et son
épouse, je crois je suis la troisième
personne à croire le plus en lui et en
son retour, enchaîne Py. Et je suis
ravi que ça revienne à Roland. C’est
ce que je lui répète : il ne doit pas
oublier qu’il a été un top 10. Il est sur
la bonne voie, en espérant que ce soit
une autoroute. Ce qui va être la clé,
c’est sa faculté à digérer et encaisser
les efforts produits et se préparer à
en reproduire d’autres. L’enjeu est
là, tout comme le plaisir qu’il va
avoir sur le court. » À la Porte
d’Auteuil, le pari est gagné, au-delà
des espérances. ■
en trois sets
(6-2, 6-4, 6-3)
de l’Autrichien Jurij
Rodionov, affronte
le Britannique Cameron
Norrie au 2 e tour
ce mercredi.
Jean-Francois B adias/
aP/siPa
La joie du Brésilien Thiago Seyboth Wild (172e mondial) après sa victoire en cinq sets contre le Russe
Daniil Medvedev (tête de série n° 2), mardi à Roland-Garros. BenoiT Tessier/reUTers
MOUSTACHE rieuse, coup droit de
bûcheron, le Brésilien Thiago Sey-
both Wild (23 ans, 172e mondial) a
créé la sensation en éliminant Daniil
Medvedev au 1er tour (7-6, 6-7, 2-6,
6-3, 6-4). Tête de série no 2, fraîche-
ment titré à Rome, le Russe, long-
temps allergique à la terre battue,
semblait avoir fait sauter le verrou
qui l’empêchait de s’illustrer sur la
surface. Mais habitué à souffrir à Ro-
land-Garros, Medvedev a connu une
nouvelle désillusion (4e élimination
au 1er tour en 7 participations, son
meilleur résultat restant un quart de
finale en 2021). Tout au long du
match, il a lutté contre les sifflets et la
frustration des désaccords de son jeu.
Avant de quitter les lieux, la tête bas-
se, assailli d’idées noires. Seyboth
Wild oscillait entre la stupéfaction et
la sérénité, lui qui sortait des qualifi-
cations et venait de décrocher sa pre-
mière victoire en Grand Chelem :
« J’ai toujours rêvé de jouer contre ce
type de joueur, sur ce type de court.
Mon rêve est devenu réalité. En en-
trant, je voulais trouver de bons an-
gles, attaquer, marquer le plus de
points possible, utiliser mon coup droit,
cela a pas mal marché. Cela a été assez
difficile dans le 2e set, avec des cram-
pes, après, je n’ai pas pu bien servir
comme je voulais. Je ne pouvais m’ap-
puyer que sur mon mental pour jouer
mon meilleur tennis… » ■
J.-J. e.
PRINCIPAUX RÉSULTATS (1er tour).
Messieurs : Olivieri (Arg) bat Mpetshi
Perricard (Fra) 7-6, 4-6, 4-6, 7-5, 6-1 ;
Ruud (Nor) bat E. Ymer (Suè) 6-4, 6-3, 6-2 ;
Zverev (All) bat Lloyd Harris (Afs) 7-6, 7-6,
6-1 ; Molcan (Slo) bat Gaston (Fra) 6-1, 7-6,
6-4 ; Rune (Dan) bat Eubanks (E-U) 6-4, 3-6,
7-6, 6-2. Dames : Peterson (Suè) bat Ferro
(Fra) 6-2, 6-0 ; Parry (Fra) bat Kalinina (Ukr)
6-2, 6-3 ; Dodin (Fra) bat Janicijevic (Fra) 0-6,
6-2, 6-1 ; Jabeur (Tun) bat Bronzetti (Ita) 6-4,
6-1; Swiatek (Pol) bat Bucsa (Esp) 6-4, 6-0.
PROGRAMME, ce mercredi. Court Philippe-
Chatrier (11 h 45) : Giorgi (Ita)-Pegula (E-U) ;
Garcia (Fra)-Blinkova (Rus) ; Alcaraz (Esp)-
Daniel (Jap). Pas avant 20 h 15 (Prime Video) :
Djokovic (Ser)-Fucsovics (Hon). Court
Suzanne-Lenglen (11 h) : Pouille (Fra)-Norrie
(G-B) en dernier match.

Roland-Garros s’attaque au cyberharcèlement des joueurs

gilles festor gfestor@lefigaro.fr
Tous les
commentaires DANS L’ÂPRE combat contre le fléau
du cyberharcèlement des joueurs de
sont analysés tennis sur les réseaux sociaux, le
en temps réel. tournoi de Roland-Garros vient peut-
Il ne s’agit pas être de marquer des points impor-
tants. Menée depuis plusieurs années,
de censure, la politique consistant à apporter une
on a tout à fait aide juridique aux athlètes confrontés
le droit au flot de messages injurieux et de
menaces de parieurs frustrés afin
de critiquer qu’ils portent plainte a montré certai-
un joueur, nes limites. La Fédération française
mais de tennis a donc mis en place cette
année un dispositif inédit censé pro-
le système téger efficacement les athlètes.
bloque tous Le principe est simple : le joueur
les messages scanne un flashcode fourni par le
tournoi et « confie » la gestion des
jugés messages reçus à une plateforme qui
toxiques »
Yann Guérin, directeur
va les filtrer via des algorithmes ex-
trêmement élaborés. Une sorte de
des sports pare-feu informatique. « Tous les
de BodYGuard, commentaires sont analysés en temps
créateur de
réel. Il ne s’agit pas de censure, on a
A
très efficace, bloque tous les messages
jugés toxiques », assure Yann Guérin,
directeur des sports de Bodyguard, le
prestataire de ce service offert par la
FFT à tous les joueurs pendant la du-
rée de la compétition. « Les “haters”
sont très créatifs pour parvenir à pas-
ser au travers des filtres classiques,
précise-t-il. Ils écrivent avec des
émojis, font volontairement des fautes
de frappe sur les mots bannis, utilisent
l’écriture verticale. L’intelligence arti-
ficielle, sur laquelle nous nous ap-
puyons, reproduit la modération hu-
maine mais avec la vitesse de la
machine. »
Basée à Nice, l’entreprise Bo-
dyguard compte une cinquantaine
d’employés et accompagne déjà de-
puis 2021 des clubs de Ligue 1 et des
fédérations sportives dans leur lutte
contre le cyberharcèlement. En deux
ans, plus de 1 milliard de messages
ont été analysés et 14 % d’entre eux
ont été jugés toxiques. « Un joueur a
reçu 70 % de messages haineux après
une défaite. On garde la trace de tous
en justice s’ils le souhaitent. On peut
aussi bannir définitivement les auteurs
indésirables des comptes du joueur »,
poursuit le responsable.
Depuis sa mise en place, le disposi-
tif rencontre un joli succès grâce au
bouche-à-oreille. Plusieurs dizaines
de joueurs et joueuses, certains du top
20, ont souscrit à l’offre. « J’en ai en-
tendu parler, mais je ne l’ai pas utilisée.
C’est une très bonne chose de voir que
les tournois se soucient du bien-être
des joueurs. Personnellement, j’ai ap-
pris à passer au-dessus de ces messa-
ges de parieurs mécontents et mal dans
leur peau », confie Kristina Mladeno-
vic, éliminée au 1er tour, sur le sujet.
Le piège de la culpabilité
« J’utiliserai l’application, a déclaré la
numéro 1 mondiale, Iga Swiatek.
C’est juste triste de voir que ces ré-
seaux sociaux, censés nous rendre plus
heureux et socialisés, nous infligent
davantage de pensées négatives. Ce
type d’application nous aidera peut-
être à les utiliser sans nous soucier des
d’une psychologue qui la suit tout au
long de l’année, elle aussi convaincu
par l’offre. « On vérifiera son efficacité
à l’issue du tournoi, mais personne ne
peut être insensible aux messages né-
gatifs. Les joueurs ne sont pas des ro-
bots et des études montrent qu’être ex-
posé aux discours haineux affecte les
mécanismes neurocognitifs », glisse
au Figaro Daria Abramowicz, décri-
vant l’un des mécanismes pervers de
la violence en ligne. « Après une bles-
sure, des internautes peuvent accuser
le joueur de simuler. C’est déstabilisant
pour l’athlète, qui peut être tenté de
leur répondre en montrant une radio de
sa blessure. Mais on tombe alors dans
le piège de la culpabilité. Le joueur ne
devait jamais se sentir obligé d’avoir à
se justifier alors qu’il a le sentiment de
ne rien avoir fait de mal », ajoute la
psychothérapeute.
« Après les tournois, j’avais ce rituel
d’aller voir ce que les gens pensaient de
mes matchs. Mais en ce moment, j’ai
arrêté parce que même après deux
tournois où j’étais allée en finale, des
insiste Swiatek, qui a la chance d’être
épaulée par un staff dans sa gestion des
réseaux sociaux. Tous ne l’ont pas.
« Pour beaucoup de joueurs, les réseaux
sociaux constituent un complément de
revenus important. Ils doivent offrir de
la visibilité à leurs sponsors quand ils ont
la chance d’en avoir et sont obligés d’in-
teragir régulièrement avec les fans pour
faire gonfler le nombre d’abonnés avec
les risques que cela implique en retour.
Ils sont parfois pieds et poings liés »,
glisse un agent de joueur.
Au sein de la Fédération française de
tennis, on se réjouit du succès promet-
teur, mais à confirmer, de cette initia-
tive mise en place pour la durée du
tournoi uniquement. « On fera le bilan
à l’issue du tournoi après ce test qui
concerne quand même entre 700 et
800 joueurs. Pourquoi ne pas mettre en
place ce dispositif pour nos jeunes dans
leur accompagnement ? Si cela fait par-
tie des outils utiles pour les accompa-
gner, on investira », promet Caroline
Flaissier, directrice générale de la FFT,
assurant que la fédération continuera

l’application
tout à fait le droit de critiquer un joueur les commentaires bloqués et nous discours de haine. » Sur le circuit, la gens mécontents estimaient qu’après la d’appliquer une approche de « tolé-
en étant respectueux, mais le système, aidons nos clients à mener des actions Polonaise s’est attaché les services saison passée, je devais tout gagner », rance zéro » face à ce fléau. ■

Sport
La Coupe du monde en France s’annonce
comme un succès populaire et économique
Dans cent jours, le 8 septembre prochain, débutera la 10e édition du rendez-vous planétaire. Tour d’horizon.
DAviD ReyRAt £@DavidReyrat
rugby Le décompte final est lancé.
Dans cent jours, le 8 septembre en
fin de journée, le Stade de France
accueillera la cérémonie d’ouver-
ture de la 10e Coupe du monde de
rugby suivie du match d’ouverture
rêvé, de l’affiche de gala parfaite :
France-Nouvelle-Zélande. Le coup
d’envoi de 51 jours de compétition
pour 48 rencontres réparties dans
neuf stades de l’Hexagone (10 au
Stade de France et 38 en province).
Un événement mondial, mais
aussi national, « ancré dans les
terroirs et sur tous les territoires »,
souligne Jacques Rivoal, le prési-
dent du comité d’organisation de
France 2023. Et de se réjouir de
« la mobilisation des collectivités »
en promettant « une grande fête
populaire pendant deux mois ».
Chaque ville hôte accueillera pour
cela des villages rugby (l’équiva-
lent des fans zones). À Paris, par
exemple, il sera sur la place de la
Concorde (capacité : 10 000 per-
sonnes) et, à Toulouse, à la Prairie
des Filtres (40 000 personnes…).
uLes stades affichent complet
L’engouement est tel qu’il a fait
autant d’heureux que de mécon-
tents. À chaque phase de la vente,
les billets se sont arrachés dans
des temps records. Et l’objectif
d’atteindre un taux de remplissa-
ge proche des 100 % - 2,6 millions
de places – ne sera pas loin d’être
atteint. Sur le site officiel, seul
Galles-Portugal (à Nice) n’affiche
pas encore complet. Du côté des
hospitalités (places avec loge et
prestations), 25 % n’ont cepen-
BOUChOn/FigArO
“En termes
de sécurité,
on travaille
très étroitement
sur tous nos plans
avec les services
de l’État
”
Jacques Rivoal, pRésident du comité
d’oRganisation de FRance 2023
dant pas encore trouvé preneurs.
Un engouement confirmé par
deux études menées par les insti-
tuts BVA et Nielsen. Pêle-mêle,
90 % des Français interrogés sont
favorables à l’accueil de cette
Coupe du monde, 76 % suivront la
compétition et 91 % pensent
qu’elle aura des retombées positi-
ves pour le pays et l’économie. Il
est vrai que plus de 600 000 spec-
tateurs étrangers sont attendus
dans l’Hexagone (contre près de
400 000 en 2019 au Japon). Des
supporteurs qui ont prévu de sé-
journer en moyenne deux semai-
nes, en provenance (dans l’ordre)
du Royaume-Uni et de l’Irlande
(pour 60 %), mais aussi de l’Austra-
lie, des… Pays-Bas (où il y a beau-
coup d’expatriés, en particulier
sud-africains) et de Nouvelle-
Zélande. Enfin, preuve que le ballon
ovale n’a pas grand-chose à envier
aux Jeux olympiques qui auront lieu
un an plus tard, également en Fran-
ce, le taux de notoriété pour la Cou-
pe du monde est de 61 %, contre…
62 % pour Paris 2024.
uLes comptes sont bons
Les finances sont au vert. Entre la
billetterie, les hospitalités et le
sponsoring (qui affiche complet,
avec 37 partenaires au total), le
chiffre d’affaires est estimé à 800
millions d’euros. Une fois les dé-
penses soustraites (frais de fonc-
tionnement, redevance payée à
World Rugby…), le bénéfice est es-
timé entre 45 millions et 50 millions
d’euros. Qui bénéficieront large-
ment au rugby amateur français.
Les retombées, directes et indirec-
tes, pour l’économie française sont,
elles, estimées à 2 milliards d’euros.
L’événement va également créer ou
sauvegarder 17 000 emplois (sans
compter les 1 400 apprentis for-
més). Une aubaine pour l’État, mais
aussi pour de nombreuses collecti-
vités. Entre les neuf villes hôtes, les
vingt camps de base, les sites de
passage, pas moins de 46 villes sont
concernées et réparties dans huit
régions. Y compris hors des bas-
tions traditionnels de l’Ovalie.
Comme le 20 novembre Ainsi Perros-Guirec, qui « a mis les
2021 (notre photo), petits plats dans les grands » pour
la pelouse du Stade accueillir le Chili, seule nation de
de France accueillera, cette édition à participer pour la
le 8 septembre, à l’issue première fois à la Coupe du monde.
de la cérémonie
Mais aussi Le Touquet (l’Angleter-
d’ouverture,
les équipes de France re), La Baule-Escoublac (l’Argenti-
et de Nouvelle-Zélande, ne) ou encore Tours (l’Irlande). Le
pour le premier match, XV de France, lui, sera basé dans
très attendu, un premier temps à Rueil-Malmai-
de la Coupe du monde. son (Hauts-de-Seine) puis à côté
Anne-Christine d’Aix-en-Provence (Bouches-du-
POUJOULAt/AFP Rhône).
XV de France : un été pour se préparer à triompher
COMME tous les quatre ans, les
Bleus se préparent à un long voyage
en ballon. Dix-sept semaines entre
le premier rassemblement, le
chiffres clés 2 juillet à Monaco et, si tout va bien,
76 %
la finale le 28 octobre. Mais Fabien
Galthié et son staff, forts de leurs ex-
périences, ont tiré les leçons des
des Français comptent précédentes Coupes du monde. Et
suivre la Coupe du monde
décidé d’inclure des coupures et un
temps de stage en famille. Deux pre-
46
villes françaises
mières. Déjà présent en 2019, pour
l’édition au Japon, le directeur de la
performance, Thibault Giroud se
sont concernées souvient. « On avait tous souffert du
par l’événement, manque, de ne pas voir nos familles
dont 9 accueillent pendant la préparation. Et puis, à
des matchs,
les autres hébergent force d’être ensemble tout le temps,
notamment ça finit, non pas par se taper dessus,
les vingt équipes mais par créer des tensions… »
participantes Le programme a donc été aména-
gé. Les retrouvailles se feront à Mo-
60 000
spectateurs étrangers
naco, pour un premier stage du 2 au
14 juillet (et non mi-juin, afin de
laisser souffler les finalistes du
sont attendus
pour l’événement
jusqu’au 28 octobre,
jour de la finale
Haouas condamné à de la prison ferme et sans club
2
milliards d’euros
Mohamed Haouas, le pilier
international de Montpellier
sont estimés (16 sélections), a été condamné
en retombées pour ce mardi, en comparution
l’économie française immédiate, à un an de prison sans
mandat de dépôt par le tribunal
correctionnel de Montpellier pour
violences conjugales contre
sa femme, la mère de leurs deux
enfants. La procureur avait requis
18 mois ferme avec maintien
en détention. Le joueur de 29 ans
uLa famille rugby en sécurité
La population du rugby n’est pas
celle du football. Pas de hooligans,
pas plus d’ultras et jamais le moin-
dre déchaînement de violence en-
tre supporteurs à signaler lors des
rencontres internationales. Un
constat appuyé par le portrait-ro-
bot des acheteurs de billets : 76 %
d’entre eux ont prévu de venir en
famille. Sauf que… Le Stade de
France et les autorités sont sérieu-
sement passés à côté, il y a un an,
lors de la finale de la Ligue des
champions de football, entre le Real
Madrid et Liverpool. Personnel in-
suffisant aux filtrages, et forces de
l’ordre incapables de mettre hors
d’état de nuire les perturbateurs. Le
mal étant fait, la psychose règne.
France 2023 va ainsi employer 6 300
personnes chargées de la sécurité
Top 14). Ensuite, première coupure
d’une petite semaine en famille
avant de rallier le centre d’entraîne-
ment de Marcoussis du 24 juillet au
3 août. Un passage par Édimbourg
pour la première des quatre rencon-
tres de préparation (test-match le
5 août contre l’Écosse) et troisième
stage à Capbreton du 7 au 25 août,
avec deux autres matchs au pro-
gramme (le 12 contre l’Écosse à
Saint-Étienne et le 19 face aux Fidji à
Nantes). Avec la grande nouveauté.
« Quatre mois à l’hôtel, c’est trop.
Nous serons donc dans un cadre dif-
férent, dévoile Fabien Galthié. Un
village de vacances (à Seignosse) où
chaque membre aura un bungalow à
disposition. Avec la possibilité pour
chacun d’entre nous de vivre la pré-
paration avec sa famille. »
« On a besoin aussi d’avoir une
bulle d’air frais avec nos proches,
prolonge Thibault Giroud. Ça ne veut
pas dire qu’on ne va pas travailler. Ce
(1,85 m pour 123 kg) avait été placé
en détention provisoire après avoir
fait un croche-patte et asséné
une gifle à son épouse qu’il avait
surprise en train de… fumer devant
le centre commercial
où elle travaille.
Haouas avait déjà été condamné
en février 2022, à 18 mois
de prison avec sursis, pour
des cambriolages à Montpellier,
en 2014. Le 12 mai, lors d’un second
privée. « C’est un sujet que l’on
prend très au sérieux, appuie Jac-
ques Rivoal. On a une équipe dédiée
en interne, avec un commissaire gé-
néral qui vient du ministère de l’Inté-
rieur. On travaille très étroitement
sur tous nos plans avec les services de
l’État.» Les enseignements du cha-
os du 29 mai 2022 ont été tirés,
avec, cette fois, par exemple, pas de
billets papier, mais des sésames
électroniques. Une attention parti-
culière est également portée aux
transports (si les syndicats ne profi-
tent pas de la caisse de résonance de
la compétition pour la perturber en
se mettant en grève…) et à l’accès
aux stades. Tout sera mis en œuvre
pour fluidifier au maximum les flux
de spectateurs. « Avec un but sim-
ple : rendre l’expérience du specta-
teur libre, sereine et avec le moins de
sera très précis concernant la réparti-
tion du temps de vie en commun et du
temps de vie en famille. » Un soutien
sûrement précieux le 21 août, quand
le sélectionneur annoncera les
33 Bleus retenus pour la compéti-
tion, écartant neuf joueurs puisque
la préparation s’effectuera à 42 (et
même un peu plus puisque cette liste
ne sera pas figée, certains joueurs y
entrant ou en sortant au fil de l’été).
Des plages de repos
Si le staff s’est permis ces plages
d’aération, ce n’est pas par hasard
mais le fruit de quatre années de ré-
flexion et de méthodologie. « Nous
pouvons nous permettre cet équilibre
parce que nous travaillons depuis jan-
vier 2020 sur le développement des
qualités physiques et physiologiques,
détaille Thibault Giroud. On ne va
pas partir de zéro, comme à chaque
Coupe du monde. Ce qui ne suffisait
pas d’ailleurs car, quand les autres
procès, pour sa participation à une
violente bagarre le 1er janvier 2014,
le parquet avait requis une peine
de deux ans avec sursis.
Le délibéré dans cette autre affaire
est attendu au 30 juin.
Dans la foulée, Clermont a rompu
le contrat de trois ans qu’il avait
signé, début janvier, avec le pilier
droit. Désormais sans club. Et
aucune chance de le revoir
en équipe de France. A. C.
le figaro mercredi 31 mai 2023
13
contraintes possible. » Quant au re-
cours aux forces de l’ordre, il sera
beaucoup moins contraignant que
pour les JO de Paris. 48 rencontres
disséminées dans neuf villes, ça li-
mite les désagréments (y compris
pour la population locale…). « Le
plus grand temps fort, c’est le pre-
mier week-end, celui des 8, 9 et 10
septembre, avec huit rencontres en
trois jours (dont France-Nouvelle-
Zélande à Saint-Denis, Angleterre-
Argentine et Afrique du Sud-Écosse
à Marseille). En termes de mobilisa-
tion, cela correspond aux forces de
sécurité pour une journée de Ligue 1,
compare le patron du comité d’or-
ganisation. C’est quelque chose
d’assez banal. » Comme la fraterni-
sation traditionnelle entre suppor-
teurs du ballon ovale. La France, en
2007, en avait déjà été le théâtre. ■
pédalent, même si vous pédalez plus
vite, vous ne les rattrapez pas… Les
joueurs vont aborder cette prépara-
tion au poids, avec des qualités éner-
gétiques et neuromusculaires de base.
On sera donc sur une préparation
spécifique et non pas générale. On ne
perdra pas de temps, on pourra tra-
vailler directement à haute précision,
et non en volume. Sans passer par une
remise à niveau pour toucher les stan-
dards internationaux. »
Le fruit, la récompense même, de
l’implication et du sérieux des Bleus
depuis début 2020. « On peut se per-
mettre de donner des plages de repos
à ces joueurs-là. On le tente depuis
deux ans, pendant le Tournoi des six
nations. On laisse repartir les joueurs
chez eux avec des programmes indi-
vidualisés, car ce n’est pas du repos
complet, précise Thibault Giroud.
On leur fait confiance et les joueurs
nous le rendent bien. Le monitoring
(suivi de l’évolution des progrès par
les data) nous l’a prouvé : ils effec-
tuent vraiment les séances qu’on leur
a demandées. »
Place, enfin, au dernier galop
d’essai, le dimanche 27 août au Sta-
de de France, face à l’Australie. Sui-
vi d’une dernière semaine chacun
chez soi. Au repos complet cette
fois. « Ce sera une semaine de dé-
charge. On laissera les joueurs tran-
quilles pour qu’ils récupèrent et re-
viennent en courbe de “surpompe”.
Et ainsi espérer piquer au maximum
lors du match contre les All Blacks. »
Les 33 élus retrouveront le staff au
camp de base, établi à Rueil-Mal-
maison, le dimanche 3 septembre.
A
Cinq jours avant de basculer enfin
dans la compétition. ■ D. R.
Mercredi 31 Mai 2023 le figaro

14 LE CARNET DU JOUR
Sylvette et Marc Bidorini,
Les annonces sont reçues avec justification d’identité ses enfants,
Courriel : carnetdujour@media.figaro.fr Anne-Lise, Caroline,
Marie, Benjamin,
sur notre site : carnetdujour.lefigaro.fr ses petits-enfants,
Téléphone : 01 56 52 27 27 Céline, Chloé, Élisa
et Noémie,
ses arrière-petites-filles,
Christian et Martine Rennes (Ille-et-Vilaine).
Gardinier,
Véronique et Stanislas La comtesse Michel disparition
Regniault,
Bénédicte et Frédéric Bussière,
de Marguerye,
son épouse,
Emmanuel et Katherine
Gardinier, Hervé et Sophie de Marguerye, Peter Simonischek, l’acteur
ses enfants,

ses 9 petits-enfants,
Anne-Charlotte de Marguerye,
Marie de Marguerye,
ses enfants,
autrichien révélé au monde
Le Carnet du Jour vous accueille du lundi au vendredi ont la douleur
de vous faire part du décès de
ses 12 arrière-petits-enfants,

ses frères et sa sœur,

de 9h à 13h et de 14h à 18h (excepté les jours fériés)
Guy BIDORINI
et tous les dimanches de 9h à 13h. officier de la Légion d'honneur,
survenu le 26 mai 2023,
dans sa 99e année.
Vos annonces doivent nous parvenir
avant 16 h 30 pour toutes nos éditions
du lendemain, avant 13 h les dimanches.
Le président,
les directeurs
ainsi que l'ensemble
Tarifs : du personnel de
Datadev
dulundiaujeudi:26 €TTClaligne,jusqu’à25lignes et
24 €TTClaligne,àpartirde26lignes Prestamed
vendrediousamedi:29 €TTClaligne,jusqu’à25lignes vous font part du décès de
ses belles-sœurs
ont la tristesse
de faire part du décès de
Mme Denise GARDINIER
née Potier,
survenu le 13 mai 2023,
à l'âge de 90 ans, à Bruxelles.
Une messe à son intention
sera célébrée en l'église
Saint-Pierre-du-Gros-Caillou,
à Paris (7e),
le mardi 6 juin 2023,
à 15 heures.
Hugo, Clémence, Inès, Axel,
ses petits-enfants, avec « Toni Erdmann »
font part du rappel à Dieu du
comte Michel de MARGUERYE
le 27 mai 2023, à l'âge de 80 ans,
à Rennes.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
en l'église Notre-Dame-
en-Saint-Melaine, à Rennes,
le vendredi 2 juin, à 10 h 30.
L'inhumation aura lieu
le samedi 3 juin, à 10 heures,
au cimetière nouveau
de Dinard (Ille-et-Vilaine).

27 €TTClaligne,àpartirde26lignes Guy BIDORINI Mme Jean-Baptiste

Les lignes comportant des caractères gras sont
facturées sur la base de deux lignes ; les effets
de composition sont payants ; chaque texte
doit comporter un minimum de 10 lignes.
Retrouvez nos annonces sur :
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« Seigneur, enseigne-nous bien
à compter nos jours, afin que
naissances nous appliquions nos cœurs
à la sagesse. »
Psaume 90, 12.
Anne et Jean-François Elsa Barbier,
PIKETTY son épouse,
sont heureux Axel,
de faire part de la naissance son fils,
de leur petite-fille et Diana,
sa belle-fille,
Natalia Liam et Letty,
ses petits-enfants,
petite sœur de Théo, Isabelle, sa sœur,
le 16 mai 2023, chez ont la grande tristesse
de vous faire part du décès de
Nicolas et Aurélia GENESTE
Frédéric BARBIER
archiviste-paléographe,
docteur en histoire,
deuils docteur ès lettres
et sciences humaines,
docteur honoris causa
des universités
de Eger et Szeged,
Cambrai.
ancien directeur de recherche
Yvan et Céleste au CNRS,
Bassompierre, ancien directeur d'études
Eve et Dominique Delattre, à l'École pratique
des hautes études,
Fabrice et Catherine
Bassompierre,
ses enfants et leurs conjoints,
Camille et Jennifer, survenu le 28 mai 2023,
à l'âge de 70 ans.
Louis et Marine,
Henri et Eulalie,
Antoine et Kate, La crémation aura lieu
le lundi 5 juin, à 9 heures,
Sophie et Aurélien,
Patrick, Audrey et Michelle, au crématorium de Nanterre,
ses petits-enfants 104, rue du Calvaire.
et leurs conjoints,
fondateur
et président d'honneur
des sociétés
Datadev et Prestamed.
Ils s'associent
à la tristesse de sa famille
à laquelle ils adressent
leurs plus respectueuses
et sincères condoléances.
16-18, rue de la Glacière,
75013 Paris.
L'Étrat (Loire). Raleigh (USA).
Divonne-les-Bains (Ain).
Mme Suzanne Boutrand,
son épouse,
Véronique,
Jean-Pierre et Séverine,
Catherine et Jean-Philippe,
ses enfants,
Guillaume et Clara,
Maëlle et Guy,
Aymeric, Alycia, Mailys,
Pierre-Louis, Alexandre,
Lydwine, Enora, Florentine,
ses petits-enfants,
vous font part
du rappel à Dieu de
M. Claude BOUTRAND
le samedi 27 mai 2023.
La messe d'A-Dieu
sera célébrée
le vendredi 2 juin, à 10 heures,
en l'église de L'Étrat.
Isabelle Cathala de Ribas,
Catherine et Pierre-Emmanuel
Boileau,
Pierre et Clémence-Isaure
Cathala,
ses enfants,
Eléonore, Constance, Paul,
Adrien, Charles, Elie, Violette,
ses petits-enfants chéris,
Nathalie, Eric, Sylvain,
Olivier, Thierry et Véronique
Gautheret,
ses enfants,
et ses petits-enfants
ont la douleur
de vous faire part du décès de
Philippe GAUTHERET
survenu le 28 mai 2023.
La cérémonie religieuse
sera célébrée le vendredi 2 juin,
à 14 h 30, en l'église
Notre-Dame-de-l'Assomption-
de-Passy, 90, rue
de l'Assomption, Paris (16e),
suivie de l'inhumation
au cimetière ancien
de Neuilly-sur-Seine,
dans le caveau de famille.
Le gouverneur des Invalides,
le directeur,
les pensionnaires
et les bénévoles de
l'Institution nationale
des Invalides
font part avec tristesse
du décès de
M. Léon HUET
pensionnaire de l'Institution
nationale des Invalides,
chevalier
de la Légion d'honneur,
médaille militaire,
croix de guerre 1939-1945
avec palme.
Ils lui feront leurs adieux
le jeudi 1er juin 2023,
à 15 heures, sous le péristyle
de la cathédrale Saint-Louis
des Invalides, à Paris (7e).
Mayran de Chamisso,
son épouse,
ses enfants et petits-enfants
ont la tristesse de faire part
du rappel à Dieu de
M. Jean-Baptiste
MAYRAN de CHAMISSO
le 28 mai 2023,
à l'âge de 69 ans, muni
des sacrements de l'Église.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Notre-Dame-de-Bon-Port,
aux Sables-d'Olonne,
le jeudi 1er juin 2023, à 14 h 30.
Peter Simonischek en 2018. Dominique Charriau/Wireimage
Mme Julie Revillon,
son épouse,
Timothée et Céleste,
Étienne Sorin
mal d’acteurs mais dans
ses enfants, ma tête il était clair que Pe-
esorin@lefigaro.fr
Mme Christine Revillon,
sa mère, ter était Toni, raconte la
réalisatrice Maren Ade.
ont la tristesse Même quand il met son
de vous faire part du décès de
« Je suis marié avec le
théâtre, le cinéma est une dentier et sa perruque, il
M. Benjamin REVILLON maîtresse », nous avait reste séduisant. Il est
né Benjamin Rouillard,
fondateur de Bex Capital,
confié Peter Simonischek grand, plein de charisme.
quand on l’avait rencontré La transformation de Win-
survenu le 28 mai 2023, au Festival de Cannes, en fried en Toni marchait
à Falicon (Alpes-Maritimes),
à l'âge de 47 ans. 2016. Une maîtresse capri- parfaitement. »
cieuse et généreuse. Elle « À la lecture du scénario,
La cérémonie religieuse avait donné cette année-là tout était possible, le drame
sera célébrée
le vendredi 2 juin, à 10 heures, au comédien autrichien comme la comédie, confiait
au monastère de Cimiez, une gloire internationale de son côté le comédien. Je
à Nice. ne suis pas sûr que Maren
tardive et inattendue grâ-
ce à Toni Erdmann, la co- avait le film terminé dans sa
médie de Maren Ade, en tête. On a cherché ensemble
lice pour la palme d’or. mais elle seule savait ce
La famille de
L’acteur est mort dans la qu’elle cherchait. Je me
M. Guy RIEUTORD nuit de lundi à mardi, à doutais que ce ne serait pas
administrateur civil, l’âge de 76 ans. Il ne por- du Feydeau ni du Labiche,
a la tristesse tera plus le fameux dentier mais j’ai pleuré quand j’ai
de vous faire part de son décès, qui avait fait rire le monde vu le film dans la salle du
survenu le 27 mai 2023,
entier à Cannes. Winfried, Palais des festivals. »
à l'âge de 88 ans.
son personnage de père
soixante-huitard fantas-

Mahé, Emy, Félix, Camille,
Ambroise et Félix,
ses arrière-petits-enfants,
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Bernard BASSOMPIERRE
capitaine au long cours,
ancien président
de la Croix-Rouge de Cambrai,
survenu à Cambrai,
le vendredi 26 mai 2023,
dans sa 97e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le vendredi 2 juin, à 11 heures,
en la chapelle de la Maison
Saint-Jean-Marie Vianney,
11, rue de Roubaix, à Cambrai,
suivie de l'inhumation
au cimetière de la route
de Solesmes,
dans le caveau de famille.
Réunion à la chapelle
dès 10 h 45.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Fête des mères
Cet avis tient lieu de faire-part.
Mme Jacqueline Bertrand,
son épouse,
Pierre, Virginie, Elodie,
ses enfants,
Louise, Maxence, Marion,
Philippine et Gaspard,
ses petits-enfants,
ont la tristesse
de faire part du décès de
Jean Pierre BERTRAND
survenu le 24 mai 2023,
à Paris.
Une bénédiction aura lieu
au crématorium du cimetière
du Père-Lachaise, à Paris (20e),
le vendredi 2 juin, à 15 h 30.
Une messe sera célébrée
en l'église
de Saint-Martin-de-Fugères,
en Haute-Loire,
le samedi 24 juin, à 15 heures,
suivie de l'inhumation.
Nicolas, Virgile,
ses neveux et nièce,
ont la douleur
de faire part du décès de
Mme Elisabeth CATHALA
née Schosseler,
veuve de
M. Charles Cathala
survenu le 30 mai 2023,
à l'âge de 85 ans,
au Cap-Ferret.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
en l'église Sainte-Madeleine,
à Tours-sur-Marne (Marne),
le vendredi 2 juin, à 15 h 30.
Christian et Christine
Cazenave,
Bénédicte et Eric Basse,
Odile et Damien Frémion,
Isabelle et Christophe Karpiel,
ses enfants,
Robin, Olivier, Quentin, Alexis,
Franck, Florian, Caroline,
Camille, Sophie, Audrey, Alice,
ses petits-enfants,
et leurs conjoints,
M. Stéphane Lataste,
son époux,
Antoine Redon,
Tristan, Edwige, Augustin
Lataste,
ses enfants,
Mme Raoul Lataste,
sa belle-mère,
M. et Mme
Dominique Grunenwald,
M. et Mme
Bertrand Grunenwald,
leurs enfants et petits-enfants
ont la tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu de
Mme Stéphane LATASTE
née Christine Grunenwald,
le 28 mai 2023,
dimanche de Pentecôte, munie
des sacrements de l'Église.
La cérémonie religieuse
aura lieu en l'église
Saint-Sulpice, à Paris (6e),
le jeudi 1er juin, à 14 h 30.
L'inhumation se déroulera
dans l'intimité familiale,
au cimetière des Houches.
Jean-Michel Stourdzé,
son époux,
Rafaële et Pierre-Alexandre
Vigil,
Marie-Charlotte et Olivier
Cirier,
ses filles et ses gendres,
Clémence, Timothée,
Capucine, Céleste, Pénélope
et Prune,
ses petits-enfants,
Claude Sulzer,
sa sœur,
et toute sa famille
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Francine STOURDZÉ
née Sulzer,
survenu le 27 mai 2023.
Les obsèques auront lieu
le vendredi 2 juin, à 11 h 30,
au cimetière du Montparnasse,
3, boulevard Edgar-Quinet,
Paris (14e).
Ni fleurs ni couronnes.
Vous pouvez faire un don
« 1980,
que, l’arborait en public
Dans les années
pour mettre mal à l’aise sa
fille, femme d’affaires ex- il fait partie
patriée à Bucarest très peu de la prestigieuse
portée sur l’humour. Elle compagnie
était jouée par Sandra
Hüller, l’actrice allemande Schaubühne,
à l’honneur cette année à Berlin.
sur la Croisette avec deux Il joue sous la
films tout en haut du pal-
marès – la palme d’or pour direction des plus
Anatomie d’une chute et le grands metteurs
grand prix pour The Zone
en scène :
of Interest.
Mais ce dentier grotes- Peter Stein,
que, Peter Simonischek, Klaus Michael
fils de dentiste (ça ne s’in-
Grüber,
vente pas), s’amusait à
Cannes à le porter pendant Bob Wilson,
les entretiens avec les entre autres.
journalistes. On décou- Il tourne
vrait un acteur facétieux
de presque 70 ans, très beaucoup
élégant dans son costume en France,
trois pièces. Mais on ren- au Théâtre
contrait surtout un comé-
dien de théâtre très réputé de la Ville, à Paris,
en Allemagne. Dans les et ailleurs.

Laurent, Paul, Elisabeth, Paris.

Dites-lui votre affection Aymeric, Ariane, Emilien,
dans Le Figaro du samedi 3 juin !
ses arrière-petits-enfants,
Forfait spécial ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Eliane CAZENAVE
née Journeau,
survenu le 26 mai 2023.
La cérémonie religieuse
aura lieu le samedi 3 juin,
à 9 h 45, en l'église
Saint-Joseph-des-Brotteaux,
Lyon (6e), en union
avec son cher époux,
© iStock
Philippe de Latour,
son époux,
ses enfants et petits-enfants
font part du rappel à Dieu de
Xaverine de LATOUR
née de Maistre,
le 29 mai 2023,
à l'âge de 77 ans, à Paris.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
en l'église Saint-Denys-
du-Saint-Sacrement,
pour soutenir son association
https://www.
fondationaspergeravenir.org
59-61, boulevard du Château,
92200 Neuilly-sur-Seine.
souvenirs
Christian LIAGRE
nous a quittés le 31 mai 2018.
Souvenons-nous
de son ouverture d'esprit
et de son charisme.
Danièle, sa femme,
années 1980, il fait partie
de la prestigieuse compa-
gnie Schaubühne, à Berlin.
Il joue sous la direction des
plus grands metteurs en
scène : Peter Stein, Klaus
Michael Grüber, Bob Wil-
son, entre autres. Il tourne
beaucoup en France, au
Théâtre de la Ville, à Paris,
et ailleurs. Il joue égale-
ment sous la direction de
Luc Bondy et de Deborah
Warner.
Quand il reçoit le scéna-
rio de Toni Erdmann, il
Il joue également
sous la direction
de Luc Bondy
et de Deborah
»
Warner.
Avec Toni Erdmann, Pe-
ter Simonischek était un
prétendant sérieux au prix
d’interprétation à Cannes.
Il est reparti bredouille,
comme le film, grand
oublié du palmarès cette
année-là. De toute façon,

Pierre Cazenave
décédé le 22 janvier 2003.
Tél. : 01 56 52 27 27 Pas de fleurs, mais des dons
carnetdujour@media.figaro.fr peuvent être adressés
au Bice (Bureau international
www.carnetdujour.lefigaro.fr catholique de l'enfance)
ou à l'Unicef.
à Paris (3e),
le vendredi 2 juin, à 10 h 30,
L'inhumation aura lieu
au cimetière
de Saint-Alban-de-Montbel
(Savoie),
le samedi 3 juin, à 15 heures.
Benjamin, Maxence,
Romain, Thomas, Victoire,
ses enfants,
Augustin, Axelle, Laëtitia,
Léonard, Chloé, Anaïs,
ses petits-enfants.
Ton amour et ta tendresse
nous manquent.
n’en revient pas. Il n’a
rien lu d’aussi fou et auda-
cieux. Il se rend au casting
à Berlin dans l’espoir de
décrocher ce rôle magnifi-
que. « J’ai auditionné pas
le soir de la cérémonie, il
montait sur scène à Vien-
ne pour jouer Goldoni. « Il
faudra qu’ils m’apportent
le prix ! », avait-il déclaré
en riant à pleines dents. ■

lancées toutes deux dans les années 1970, les centrales nucléaires du bugey, dans l’ain (à gauche), et du Tricastin, dans la Drôme (à droite), sont en balance pour devenir le troisième site français à accueillir une paire d’epr 2.
Entre l’Ain et la Drôme, duel
à distance pour le nucléaire 3.0
Sandy Plas
J
Grenoble
ean-Michel Catelinois est un passionné de
vélo. Dans son bureau de maire, installé
dans un bel hôtel particulier de Saint-Paul-
Trois-Châteaux (Drôme), deux maillots
jaunes dédicacés du Tour de France ont été
soigneusement encadrés et accrochés au
mur. Depuis son arrivée à la mairie, en
2008, la ville, située à 30 km au sud de Montélimar, a
accueilli une étape du Tour à quatre reprises. « C’est
une belle fête, mais ça représente aussi un certain
coût », sourit l’édile. À la tête de cette commune de
9 500 habitants, il peut s’appuyer sur des finances so-
lides. Avec un budget d’environ 60 millions d’euros,
Saint-Paul-Trois-Châteaux vit confortablement,
comme en témoignent le centre aquatique flambant
neuf inauguré l’an dernier et les nombreux équipe-
ments – gymnases, stades, boulodrome, conserva-
toire… - que l’on aperçoit en traversant la ville.
« Saint-Paul est une commune assez prospère, qui bé-
néficie d’un dynamisme économique important, lié no-
tamment à la présence d’EDF et de la centrale », préci-
se le maire. Environ 50 % des recettes fiscales perçues
par la ville proviennent directement de la filière nu-
cléaire. Invisible depuis le centre-ville, la centrale du
Tricastin est installée à quelques kilomètres au sud.
Mise en service en 1980, elle fait partie des toutes pre-
mières centrales construites dans le cadre du pro-
gramme nucléaire français, lancé dans les années
1970. Mais le site du Tricastin, qui accueille 1 400
agents EDF, ne se résume pas à la centrale : en bordu-
re des installations nucléaires, une plateforme d’Ora-
no, spécialisée dans l’enrichissement de l’uranium,
emploie 2 500 personnes. « Ici, tout le monde a au
moins un membre de sa famille qui travaille au Tricas-
tin », explique Jean-Michel Catelinois.
Acceptabilité du projet
Alors, depuis qu’Emmanuel Macron a annoncé, le
10 février 2022, sa volonté de « reprendre le fil de la
grande aventure du nucléaire civil en France », en
construisant six EPR 2 (réacteurs pressurisés euro-
François BoUCHon/Le Figaro
péens, de troisième génération), « pas une journée ne
passe sans qu’on me demande si l’EPR sera pour
nous », poursuit le maire. Un peu plus d’un an après
l’annonce, l’incertitude demeure en effet sur la loca-
lisation du troisième site qui accueillera une paire
d’EPR 2. Les sites de Penly, en Seine-Maritime, et de
Gravelines, dans le Nord, ont été choisis dès le prin-
temps 2022. Mais le troisième, qui sera annoncé d’ici
la fin 2023, est en balance entre le site du Tricastin et
celui du Bugey, dans l’Ain. « Aucune décision n’a été
prise à ce stade concernant le choix de la troisième pai-
re (d’EPR 2) entre Bugey et Tricastin. Une revue de
projet est en cours et doit aboutir à la fin de l’été », ex-
plique-t-on au sein du cabinet d’Agnès Pannier-Ru-
nacher, ministre de la Transition énergétique.
Dans ces deux territoires, l’enjeu, en termes
d’emplois, est colossal. Avec l’implantation de
l’EPR 2, 1 500 emplois devraient être créés de façon
champs libres
EnquêtE
Manifestations,
consultations… Les élus
du Tricastin et du Bugey,
dont les centrales font
déjà vivre des milliers
de familles, se mobilisent
pour accueillir
deux des six réacteurs
de troisième génération
annoncés par
Emmanuel Macron.
L’enjeu économique
et social, pour ces petites
communes dont
l’essentiel de l’activité
découle du nucléaire,
est colossal.
Dans le Tricastin, comme dans le Bugey,
nous avons deux sites qui se sont
mobilisés, avec une unité très forte
LaurEnt wauquiEz, présidEnt dE La région auvErgnE-rhônE-aLpEs
pérenne et environ 7 000 au pic du chantier, qui de-
vrait débuter à l’horizon 2035. « L’EPR 2 nous per-
mettrait de conserver la même dynamique de dévelop-
pement économique pour les futures générations. Tout
le monde l’espère, ici », explique le maire de Saint-
Paul-Trois-Châteaux.
Suspendus à la décision d’EDF et de l’État, les élus
du Tricastin ont sonné la mobilisation générale. Dès
2021, une trentaine de maires, de députés et de séna-
teurs, emmenés par Marie-Pierre Mouton, présiden-
te LR du département de la Drôme, cosignaient une
lettre ouverte adressée à Jean-Bernard Lévy, ancien
PDG d’EDF, qui avait été mandaté par le gouverne-
ment pour étudier la construction des six réacteurs
EPR 2. En février 2023, une nouvelle lettre ouverte
initiée par la présidente du département, cette fois
cosignée par 500 élus, dont Carole Delga, présidente
PS du conseil régional d’Occitanie, était adressée au
nouveau PDG d’EDF, Luc Rémont : « Au-delà de l’as-
pect technique, l’objectif est de montrer que le territoire
est fédéré, de façon transpartisane », explique Marie-
Pierre Mouton. Dans la foulée, une manifestation ras-
semblant une centaine d’élus aux côtés de chefs
d’entreprise, tous réunis derrière une banderole
« Oui à l’EPR 2 Tricastin », était organisée mi-avril.
Mais l’objectif, pour les élus, est également de témoi-
gner du soutien de la population au projet. Ils en sont
convaincus : le choix se fera sur des éléments techni-
ques, mais aussi sur l’acceptabilité du projet. Pour
tenter de rendre visible ce soutien de la population, la
communauté de communes Drôme Sud Provence a
ainsi organisé au printemps 2021 un vote permettant
aux habitants de témoigner de leur mobilisation.
L’initiative aurait permis de recueillir 4 000 bulletins
favorables, selon Jean-Michel Catelinois. Une initia-
tive dont la méthode a été critiquée par certains :
« Une consultation qui ne permet pas de voter contre,
c’est un peu particulier », observe Alain Volle, prési-
dent du collectif Stop Tricastin, qui cherche à faire
entendre la voix des opposants sur le territoire.
L’attente, l’incertitude et l’espoir sont aussi le
quotidien des élus de l’Ain, favorables au projet
d’implantation d’un EPR 2 sur le site nucléaire du
Bugey. Ici aussi, la centrale a soufflé ses 40 bougies et
entamé une quatrième visite décennale, permettant
de prolonger sa durée de vie. Ici aussi, l’économie
s’est structurée autour de la centrale, qui emploie
1 400 agents EDF et qui a engendré la création du
parc industriel de la Plaine de l’Ain, dans les années
1970, qui compte aujourd’hui 8 000 emplois, dans le
nucléaire et dans d’autres secteurs. « Avec l’arrivée
de la centrale, on est passé d’une terre pauvre à une
terre bénie des dieux », résume Marcel Jacquin, maire
de Saint-Vulbas, le village de 1 600 habitants sur le-
quel est installé la centrale et qui « ose à peine » évo-
quer son budget annuel de 27 millions d’euros, « bien
supérieur » à celui de beaucoup de communes alen-
»
mercredi 31 mai 2023
le figaro
15
VinCent isore/iP3 Press/MaXPPP, FoUrMy Mario/FoUrMy Mario/aBaCa
tour. Alors, dans le village, les projets ont fleuri,
comme ce Musée du patrimoine rural, inauguré l’an
dernier, ou l’immense centre aquatique, ouvert il y a
une quinzaine d’années, et qui voit défiler tous les
ans 250 000 visiteurs.
La question de l’utilisation de l’eau
Dans l’Ain, la mobilisation des élus autour de l’accueil
de deux réacteurs nouvelle génération a débuté dès la
fin 2019, via l’adoption d’un vœu par le conseil dépar-
temental. « Plutôt que de laisser le site de Tricastin
prendre l’avantage, je veux que nous défendions notre
territoire », déclarait alors Jean Deguerry, président
du département de l’Ain. Le schéma de cohérence
territorial (SCoT), un document d’urbanisme qui dé-
termine les orientations d’un territoire, a été modifié,
pour que certains terrains à vocation agricole qui en-
tourent la centrale puissent accueillir un équipement
industriel. « Une des conditions d’EDF était que les do-
cuments d’urbanisme puissent autoriser l’installation
d’un équipement nucléaire », explique Alexandre Nan-
chi, conseiller régional LR et président du syndicat
mixte Bugey-Côtière-Plaine de l’Ain (Bucopa), en
charge de la modification du SCoT. Ce travail, long de
deux ans, a abouti début février à un vote des élus des
82 communes concernées, « à l’unanimité moins une
voix », précise Alexandre Nanchi, qui assure avoir
« répondu aux attentes d’EDF tout en respectant les exi-
gences du territoire », notamment sur la question de
l’utilisation de l’eau. Une façon de répondre aux op-
posants de Sortir du nucléaire Bugey, qui ont déposé
un recours contre le SCoT, début avril ? « Nous avons
eu un vote d’adhésion sur le SCoT, nous n’avons pas de
gages à donner », rétorque l’élu. Mais, dans le Bugey,
la contestation s’est également structurée au niveau
politique. En octobre 2022, dans un courrier adressé à
Agnès Pannier-Runacher, Bruno Bernard, le prési-
dent de la métropole de Lyon, et Grégory Doucet, le
maire écologiste de Lyon, faisaient part de leurs in-
quiétudes vis-à-vis « des risques que l’installation ac-
tuelle et les projets d’EPR font peser sur les habitants de
nos deux collectivités ». Quelques jours plus tôt, une
centaine d’élus issus du conseil régional d’Auvergne-
Rhône-Alpes et de Suisse co-signaient une tribune
s’opposant à l’implantation de l’EPR. « Le territoire est
déjà très nucléarisé et les débits du Rhône (dont l’eau est
nécessaire pour refroidir les réacteurs, NDLR) sont
déjà alarmants. On sait qu’à l’avenir nous n’aurons pas
assez d’eau », explique Albane Colin, conseillère ré-
gionale EELV, à l’initiative de la tribune.
« Ce qui est clair, c’est que dans le Tricastin, comme
dans le Bugey, nous avons deux sites qui se sont mobi-
lisés, avec une unité très forte, explique Laurent Wau-
quiez, président de la région Auvergne-Rhône-Al-
pes. Les opposants sont extrêmement minoritaires et
ne représentent pas le territoire. » Avec l’accueil d’un
EPR 2, dans le Bugey ou au Tricastin, la première ré-
gion nucléaire en Europe joue aujourd’hui la consoli-
dation de sa filière et des 50 000 emplois régionaux
qui en dépendent. « Le choix des six EPR est une pre-
mière étape, poursuit Laurent Wauquiez, qui rappelle
que le gouvernement envisage une deuxième vague
de construction de huit autres EPR 2. Le sujet, aujour-
d’hui, n’est pas de savoir quel site on fermera, mais de
A
faire en sorte que ces deux sites puissent accueillir un
EPR à l’avenir. » ■
 mercredi 31 mai 2023 le figaro
16 champs libres
Débats
« Reculer sur le numérique à l’école,
c’est préserver l’avenir de nos enfants »
U
n article récent du Monde
nous apprend que
la Suède a décidé
de remettre en cause la
numérisation généralisée
de son système scolaire,
au motif que cette dernière est
« responsable de la baisse de niveau des
élèves ». Ce n’est pas surprenant,
ce pays a été l’un des premiers
à se lancer dans l’aventure. Il est donc
logique qu’il soit l’un des premiers
à affronter l’ampleur des dégâts
engendrés.
Non, ce qui est surprenant, c’est qu’il
ait fallu attendre aussi longtemps
pour qu’un pays réagisse au dogme fou
d’une numérisation supposément
incontournable et forcément
bienfaisante. En effet, l’impact négatif
de ce processus est documenté depuis
plus de vingt ans. Toutes les études de
grande ampleur ont révélé des
retombées au mieux nulles et au pire
délétères. Le programme international
Pisa, par exemple, qui évalue en
lecture, mathématiques et sciences les
performances des collégiens
de troisième, montre que les
investissements numériques sont
inversement corrélés à la progression
des élèves. En France, un rapport
de la Cour des comptes dénonçait
en 2019 une gabegie financière, menée
sans réflexion ni évaluation
pédagogique (2,4 milliards d’euros
entre 2013 et 2017). Certes, l’étude
Elaine est régulièrement mise en avant
pour contredire ces conclusions. Des
collèges, sélectionnés sur la base d’un
projet d’usage
numérique jugé
exemplaire au terme
MichEL dEsMurgEt d’un lourd processus
Et irÈnE cristofori d’appel d’offres,
furent gavés
Le directeur de recherche en neurosciences d’équipements
à l’inserm* et la maître de conférences informatiques.
en neurosciences à l’université Lyon 1 louent Au terme de l’étude
la volonté de la ministre suédoise de l’Éducation (lors de l’entrée en
seconde) l’impact
de réduire le temps passé en ligne par les élèves.
mesuré représentait,
Quel que soit leur âge, les écoliers apprennent en moyenne, une
mieux avec un enseignant qualifié progression inférieure
qu’avec un écran, expliquent-ils. à 2 rangs pour l’élève
Pire que les Insoumis, le gauchisme
actionnarial venu de Wall Street !
P
risonniers de leurs préjugés,
les Insoumis n’ont pas
encore compris qu’ils ont
trouvé du côté de Wall
Street d’exceptionnels
alliés. La saga des
Dessins : fabien clairefonD
assemblées générales de sociétés fait
croire à un affrontement de première
grandeur entre écologistes
et capitalistes. Ce ne sont que
des escarmouches dans une société
française éruptive, familière de tels
psychodrames. Chemine en revanche
un insidieux gauchisme actionnarial
né paradoxalement
de la transposition
mécanique
ALAin Minc des mœurs
américaines.
une centaine de militants pour le climat est venue Celle-ci pratique
perturber l’assemblée générale de totalEnergies une doxa,
qui se tenait ce 26 juin à Paris. L’ancien conseiller véhiculée par les
politique et essayiste* n’y voit que de banales sociétés de conseils
de votes,
escarmouches dans une société française éruptive
adoptée par
et met en garde les entreprises internationales les gestionnaires
contre une autre dérive venue des États-unis : de fonds anglo-
le gauchisme actionnarial. saxons, répétée
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médian d’une classe de 25 (le 13e
approchait le niveau du 11e), sans
qu’il soit possible de déterminer si cet et organiser les flux d’informations
effet provenait de la numérisation
et/ou des caractéristiques des équipes
enseignantes sélectionnées par l’appel
d’offres (motivation,
qualification, etc.). À titre
de comparaison, selon les estimations
d’une étude du ministère américain
de l’Éducation, cinquante heures
de formation des enseignants
entraînent une progression moyenne
de 5 rangs.
« Loin de tomber dans le consensus mou
qui semble en ces domaines
une norme générale, Mme Edholm
a tranché en faveur du bien public,
contre les intérêts particuliers
Des données similaires existent
concernant la numérisation
des manuels scolaires, dont il est
largement question dans la décision
suédoise. Plusieurs travaux de synthèse
montrent clairement que pour les
textes un peu exigeants, le cerveau
humain comprend et retient mieux
ce qu’il lit dans un ouvrage imprimé
plutôt que digital. Cela tient
notamment à l’unité spatiale du livre
qui favorise la création d’une
représentation mentale des différents
éléments de l’énoncé et de leurs
relations. Toutefois, nous dit-on,
le gain écologique doit être pris en
compte. L’argument est fallacieux.
Ce gain n’existe que dans des
conditions peu plausibles de forte
durabilité des tablettes (ce qui est loin numérique s’avère modeste même
d’être le cas nous dit, par exemple,
la Cour des comptes) et de faible
transmission des manuels (ce qui est
rare pour des ouvrages qui sont
souvent revendus ou réutilisés par
d’autres classes).
Le problème s’accroît encore lorsque
le manuel est remplacé par
des « recherches internet ». Là encore,
les études indiquent qu’il est plus
difficile pour les élèves d’apprendre
de manière psittacine par leurs alter
ego européens.
Première règle : la dissociation
des fonctions de président
et de directeur général. Peu importent
les circonstances, les transitions,
les traditions propres à chaque
entreprise, il n’existe nulle place pour
l’empirisme. Et si un jour les
actionnaires rejettent un remarquable
PDG parce qu’il a refusé de se plier
à ce principe, tant pis pour l’entreprise
et ses salariés, le principe sera sauf.
Deuxième règle : une mécanique
de plus en plus complexe
d’approbation des rémunérations,
les unes par anticipation, les autres
a posteriori, à partir de travaux
opaques et sophistiqués de spécialistes
qui ont fait de la matière un juteux
fonds de commerce. Et d’année
en année, marche une vague
irrésistible qui va amener de plus
en plus d’actionnaires à régler
les rémunérations de dirigeants
dont ils approuvent par ailleurs
la gestion, voire l’admirent.
La morale sera sauve ; l’instinct
LE GASPILLAGE DE L’ARGENT PUBLIC ET LES CARENCES DE L’ÉTAT
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efficacement lorsqu’ils doivent
eux-mêmes extraire, trier, évaluer
retournés par les moteurs de
recherche. L’auteur du manuel fait ce
travail à la place des lecteurs. Ce n’est
qu’après avoir acquis, sur un sujet
donné, suffisamment de connaissances
que ces derniers peuvent utiliser
avec fruit les ressources disparates et
éclatées d’internet. Comme l’avait
montré les évaluations Pisa, l’espace
numérique a ceci de particulier que ce
sont les élèves qui l’utilisent le moins
qui l’utilisent
le mieux.
Le cas suédois
montre aussi
toute
l’ambiguïté
des arguments
» avancés par les
zélateurs du
numérique
scolaire. « Que tous les enfants et élèves,
durant leur scolarité, aient, nous dit
le directeur de l’agence nationale de
l’enseignement, la possibilité de
développer des compétences numériques
est une question de démocratie et
d’égalité. » Mais ce n’est pas de cela
dont il est question. Personne ne
discute la pertinence de l’informatique
en tant que discipline ou l’intérêt de
certains programmes d’éducation aux
médias. Ce qui est remis en cause
c’est la capacité du numérique à être un
vecteur pédagogique efficace. On nous
dit toujours que le problème réside
dans le manque de formation des
enseignants. Ce n’est pas vrai, comme
l’indique, entre autres, l’étude Elaine
précédemment citée. La plus-value
dans un cadre optimal de sélection des
professeurs et des projets. Ce qui est ici
en jeu c’est la limite intrinsèque de
l’outil : quel que soit leur âge, les élèves
apprennent mieux avec un enseignant
qualifié qu’avec un écran ; et
globalement, leurs résultats changent
peu lorsque cet enseignant qualifié se
voit adjoindre des outils numériques.
Au final, les choses semblent donc
assez claires : si l’on avait considéré
socialiste qui a déserté les conflits
de classe prévaudra au cœur
du capitalisme, avec une kyrielle
de conséquences dont les responsables
de ces votes n’ont pas conscience.
Ce gauchisme actionnarial provoquera
évidemment un choc en retour.
Les managers défendront leurs intérêts
comme tout groupe social.
Ils rêveront de faire sortir
leur entreprise du marché boursier,
situation à l’abri de telles secousses :
aussi se précipiteront-ils dans le bras
de fonds d’investissement
qui les traiteront comme des nababs
avec pour conséquence de dévitaliser
la Bourse, ce cœur battant
du capitalisme. Ou oublieux de leur
rhétorique sur l’indépendance
de leurs entreprises, se mettront-ils
en quête d’actionnaires familiaux
puissants qui n’auront que faire
de la « doxa » de Wall Street.
Ainsi la sacro-sainte démocratie
capitaliste, faite d’une infinité
d’actionnaires, sera-t-elle
progressivement mise à bas
par le phénomène le plus inattendu
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les données disponibles, jamais cette
folle « expérimentation », pour
reprendre le terme de la ministre
suédoise de l’Éducation, Lotta Edholm,
n’aurait dû se produire. C’est là
que les choses deviennent
intéressantes. Sa décision, la ministre
l’a prise en accord avec les conclusions
du corps médical, contre l’avis de
l’agence nationale de l’enseignement.
On retrouve peu ou prou la même ligne
de fracture en France, entre des
professionnels de santé de plus en plus
inquiets, des données scientifiques
de plus en plus préoccupantes
et un noyau dur de chercheurs
en éducation, toujours plus favorables
au renforcement des politiques
de numérisation scolaire. Nombre
de ces spécialistes tirent une partie
de leur crédibilité du fait qu’ils
travaillent eux-mêmes à l’évaluation
et au développement de logiciels
pédagogiques. Certains sont
actionnaires, dirigeant et/ou
consultants de start-up visant
la commercialisation à grande échelle
de ces outils. Personne ne dit
évidemment que tous les experts sont
concernés et/ou insincères, mais il est
clair que la légèreté avec laquelle
ces conflits d’intérêts potentiels sont
considérés au sein de certaines
instances officielles est problématique ;
surtout quand des prises de position,
censément compétentes, s’éloignent
à ce point des réalités expérimentales.
Le courage politique de Mme Edholm
est remarquable. Loin de tomber
dans le consensus mou qui semble
en ces domaines une norme générale,
elle a tranché en faveur du bien public,
contre les intérêts particuliers.
Elle a osé remettre en cause les
arguments doctrinaux d’un organisme
éducatif obstinément favorable au
maintien d’un processus de
numérisation initié de façon totalement
arbitraire, sans étayage scientifique
et dont les impacts s’avèrent
objectivement négatifs. Puisse
ce courage être contagieux.
*Auteur de « La Fabrique du crétin
digital. Les dangers des écrans pour
nos enfants », Éditions du Seuil, 2019.
et paradoxal : le gauchisme
actionnarial.
Il ne s’agit pas d’affirmer que
les rémunérations des patrons ne sont
pas un enjeu de société. Mais il existe
un moyen naturel d’exprimer l’état
d’esprit collectif vis-à-vis d’eux,
comme vis-à-vis des artistes ou des
footballeurs : il a pour nom la fiscalité !
Il est trop commode pour les pouvoirs
publics d’affirmer le refus d’augmenter
l’impôt sur les revenus élevés et de,
soit jouer les Ponce Pilate face
au gauchisme actionnarial, soit, pire,
l’encourager. Les salaires des patrons
du secteur public sont plafonnés depuis
le quinquennat de François Hollande,
sans qu’Emmanuel Macron, si libéral
soit-il, n’ait mis en cause cette règle
avec pour conséquence de rendre
souvent difficile le recrutement
des vrais « cadors ». Le risque est
qu’un gauchisme actionnarial irréfléchi
aboutisse aux mêmes effets dans le
secteur privé au nom d’un capitalisme
qui porte la morale en bandoulière.
*Son dernier ouvrage paru : « Ma vie
avec Marx », Gallimard.

chronique
Bertille Bayart
£@BertilleBayart
@
100 000 citations
et proverbes sur evene.fr
31 mai 1793 : à l’appel de Robespierre, mise en accusation des Girondins.
Bridgeman images
AnAlyse
Jean-Pierre Robin
jprobin@lefigaro.fr
Dassault Médias
(actionnaire à plus de 95 %)
14, boulevard Haussmann
75009 Paris
Président-directeur général
Charles Edelstenne
Administrateurs
Thierry Dassault,
Olivier Costa de Beauregard,
Benoît Habert,
Rudi Roussillon
P
Jacques Bainville
Cette journée du 31 mai 1793, exact
pendant contre la Gironde du
20 juin 1792 qu’elle avait organisé
contre Louis XVI, humiliait
l’Assemblée comme, un an avant,
avait été humiliée la monarchie»
SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Directeur des rédactions
(société éditrice) Alexis Brézet
14, boulevard Haussmann
75009 Paris
Directeurs
Président Gaëtan
Charles Edelstenne
Laurence
(pôleThierry
Directeur général, von Costa
directeur de la publication Philippe
Marc Feuillée Anne Huet-Wuillème (Édition,
Photo, Révision, DA),
L’absurde procès en néolibéralisme
as ça. Pas là. Pas devant
Jane Fonda ! Sur la scène
du Festival censément
international de Cannes,
la réalisatrice Justine Triet,
couronnée de la palme d’or,
nous a gratifiés en mondovision
d’un moment de folklore français,
de ceux dont nous avons l’habitude pour
les cérémonies des Molières ou des César.
« La marchandisation de la culture que ce
gouvernement néolibéral défend est en train
de casser l’exception culturelle française »,
a grondé l’héroïne du soir, profitant
de sa tribune pour dénoncer
un « pouvoir dominateur ». Lequel pouvoir
a d’ailleurs sauté à pieds joints
dans le piège, rétorquant sur le thème
de l’ingratitude. Ah, vous voyez !
ENTRE GUILLEMETS
La Cour des comptes
sous-estime la gravité de la dette
A
lors que l’endettement des
administrations publiques
approche la barre des
3 000 milliards d’euros
(2 950 milliards à ce jour),
sa soutenabilité est devenue
un sujet grand public dont on discute
au petit déjeuner. Invité jeudi dernier
du « Grand entretien » de France Inter,
Pierre Moscovici s’est vu poser cette
question délibérément naïve de la part
de Nicolas Demorand, l’animateur
de la matinale : « Qu’est-ce que ça
veut dire, 3 000 milliards ? Est-ce si grave,
plus que 2 000 ou que 1 500 milliards ? »
Et le premier président de la Cour des
comptes (son titre exact) de donner cette
réponse évidente : « C’est une lapalissade,
3 000 milliards, c’est deux fois plus grave
que 1 500 milliards ! »
Voilà qui semble frappé au coin du bon
sens, sauf que le raisonnement est faux.
La gravité de l’endettement n’est pas
un phénomène linéaire, strictement
proportionnel à son niveau. Ce serait
plutôt une exponentielle, un emballement
difficilement contrôlable. Un pays n’est
d’ailleurs pas jugé - par ses créanciers
s’entend - en fonction du montant
nominal de sa dette. À cet égard « le seuil
psychologique de 3 000 milliards » dont
on nous rebat les oreilles depuis des mois
n’a pas vraiment de sens. Ce qui compte
est le ratio de l’endettement rapporté
au PIB, le produit intérieur brut du pays,
autrement dit sa capacité à produire
chaque année de la richesse, et donc
à faire face à ses obligations financières.
Ce ratio est actuellement de 111,6 %
en France, contre seulement 66,7 %
en Allemagne, mais de 144,4 % en Italie.
La comparaison entre les trois premières
économies de la zone euro prend toute
sa signification quand on considère
Jacques-Olivier Martin (directeur Directeur artistique
de la rédaction du Figaro.fr),
Étienne
“Sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur” Beaumarchais
Dassault Médias SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS
(actionnaire à plus de 95 %) (société éditrice)
Littéraire),
HaussmannBertrand de Saint-
14, boulevard
Haussmann
adjoints de la rédaction
14, boulevard
75009 Paris 75009 ParisVincent (Culture, Télévision),
de Capèle (Économie),
Président-directeur général
Président Yves ThréardGaëtan (Enquêtes,
Charles Edelstenne
de Charette
Administrateurs Charles Edelstenne
Opérations spéciales,
audiovisuel), Anne-Sophie
Dassault, Olivier
Sciences), Vincent
Claer de Beauregard,
(Style, Art Benoît
de
Habert, Bernard Monassier,
vivre, F),
Directeur général,
directeur de
de la Villers (Politique,
publication
Gélie (International),
Rudi Roussillon
Débats
Marc Feuillée
champs libres
OpiniOns
Le « pouvoir » refuse la contestation !
Quel ennui que ce spectacle si… convenu.
Nos artistes nous rappellent les mots de
Jean-François Revel sur les intellectuels
de son temps. « On est frappé »,
écrivait-il dans La Connaissance inutile,
par « leur conformisme, leur manque
d’originalité en tant que groupe social ».
L’artiste français se cabre devant
le « néolibéralisme » ou n’est pas. Soit.
Mais le reste de la société, merci pour elle,
est en droit de garder son libre arbitre.
Et de constater l’absurdité de la thèse.
L’exception culturelle victime ?
On se pince. Les concours au cinéma
français proviennent pour moitié de taxes
prélevées sur le secteur, et pour l’autre
de crédits d’impôt, ces aides qui, versées
au reste des entreprises, sont justement
en même temps leurs conditions
d’emprunt sur les marchés financiers,
principalement les obligations à dix ans
qui constituent l’emprunt phare.
Les taux en sont respectivement de 2,39 %
pour l’État fédéral allemand, de 2,96 %
pour l’État français et de 4,22 % pour
l’italien. Malgré un ratio d’endettement
de pratiquement le double de celui
de l’Allemagne, la France bénéficie encore
de conditions relativement favorables :
le « spread », comme disent les
professionnels (l’écart de taux), n’est que
de 57 points de base (0,57 %) à peine entre
les deux pays. En revanche ce « spread »
«
Malgré un ratio d’endettement
de près du double de celui
de l’Allemagne, la France
bénéficie encore de conditions
relativement favorables
atteint 126 points de base entre Rome
et Paris. L’Italie paie très cher son surcroît de neige irrépressibles. Le défaut majeur
d’endettement comparé à la France,
lequel reste pourtant bien moindre que ce
qui est constaté de part et d’autre du Rhin.
Voilà qui montre bien que la « gravité »
de la dette publique n’évolue pas de façon
linéaire, contrairement à ce que fait mine
de croire Pierre Moscovici.
Dans son entretien de France Inter,
il tire d’ailleurs la sonnette d’alarme.
« En entrant dans l’euro, en 2000
(le 1 janvier 1999 précisément),
er
la France avait 58 % de dette publique dans
le PIB, l’Allemagne 58 %. Plus de vingt ans
après, la dette publique de l’Allemagne
a augmenté de 8 % (huit points de
pourcentage), celle de la France de 55 %.
Nous sommes ceux qui divergent le plus
par rapport aux autres », met-il en garde.
FIGAROMEDIAS
Pierre Bayle 9, rue Pillet-Will, 75430 Paris Cedex 09 93290 Tremblay-en-France
Rédacteur en chef Tél. : 01Directeur
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(Figaro Littéraire),
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du pôle news Frédéric Picard (Web) Fax : 01 56 52 23 07 Pour
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(Culture, Aurore Domont
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Charette (directeur Yves Thréard (Enquêtes, Bertrand Gié
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direction.redaction@lefigaro.fr
mercredi 31 mai 2023
le figaro
17
devenues le symbole du « néolibéralisme » pour les grands projets de renouvelables
décrit comme la mise au service de la et nucléaires, dans l’industrie verte, pour
puissance publique aux intérêts privés. les projets d’intérêt majeur, et demain
Le cinéma, marchandisé ? Pendant la peut-être, pour le logement en zones
crise sanitaire, 454,6 millions d’euros ont tendues, pour sortir de l’impasse des
été versés par l’État au secteur, en plus du maires non-bâtisseurs. En attendant,
1,2 milliard touché au titre des dispositifs au travers de la planification écologique,
généraux déployés par l’État (Cour des ce même État détaille secteur par secteur,
comptes, septembre 2021). agent économique par agent économique,
Néolibérale, la France ? Étrange année par année, le cheminement du pays
diagnostic s’agissant d’un pays dont le vers la décarbonation.
taux de prélèvements obligatoires atteint L’État, encore lui, ne sortira pas
44,3 % du PIB et le taux de dépenses du capital d’Aéroports de Paris, mais
publiques 58 %, qui emploie 5,7 millions aura nationalisé EDF à 100 % le 8 juin.
de fonctionnaires (un record à fin 2021), et L’État est le troisième joueur à la table
dont le pouvoir redistributif des revenus de toutes les grandes disputes du
est hors norme au sein des pays de l’OCDE. capitalisme : industriels contre
Néo-ultralibéral - à moins qu’il ne soit distributeurs, entreprises
ultra-néolibéral -, Emmanuel Macron ? consommatrices contre fournisseurs
Il y a belle lurette que le « en même d’énergie, promoteurs immobiliers contre
temps » des origines avance à cloche-pied banquiers, télés privées contre télé
sur sa jambe étatiste. Faisons le bilan. publique, compagnies aériennes contre
L’État garantit le versement des compagnie ferroviaire, installateurs
pensions alimentaires, remboursera de pompes à chaleur contre artisans
bientôt les protections hygiéniques pour de l’isolation thermique. L’étatisme,
les moins de 25 ans et entend proposer réintermédiant toutes les relations
une offre de leasing à 100 euros économiques, a créé une gigantesque
de voitures électriques. Depuis 2019, cour d’école.
le financement du système d’assurance
chômage est en partie étatisé par la mise
L’État, enfin, décide de nouvelles
barrières protectionnistes (nouveau
à contribution de la CSG en plus des
cotisations sociales. Tandis que l’État
bonus automobile), filtre les prises
de participation dans les entreprises
compense les recettes perdues de la taxe
d’habitation. Dialogue social ou
françaises par des entreprises étrangères
dès 10 % du capital, appuie l’idée
compétences des collectivités, le constat de contrôler à l’échelle européenne
fait à l’Élysée est finalement le même : ces
gens-là ne sont pas capables de s’occuper
non seulement les exportations
de technologies sensibles mais aussi
des sujets qui fâchent. La preuve avec la les investissements à l’étranger des
réforme des retraites. Qui d’autre que entreprises, et ne signera plus avant
l’État pour prendre les décisions
difficiles ?
longtemps d’accords de libre-échange.
Néolibérale, la France d’Emmanuel
L’État, toujours lui, « reprend la main »,
entend-on. C’est à cette condition,
Macron ? Il faut bien entretenir
cette fiction pour que le cinéma français
semble-t-il, que tout ce qui doit être continue de produire ses fameuses
accéléré pourra l’être : dans l’énergie, chroniques sociales dont il a le secret.
VOX
… Chronique
« Justine Triet,
Éric Piolle,
On regrette d’autant plus
que le premier président de la Cour des Élisabeth Borne
comptes s’en tienne à des « lapalissades »
sur les montants de la dette dont ou les trois formes
la gravité, à l’en croire, augmenterait
de façon continue et donc prévisible. de discours
Or, ce n’est pas ainsi que les choses se
passent dans la réalité. En matière
du conformisme
d’endettement, les perceptions des
marchés sont discontinues.
dominant », par l’avocat
Les jugements s’inversent sans crier gare,
et alors surviennent les crises. Au gré, par
Gilles-William Goldnadel
… politique
exemple, de la dépréciation d’une agence
de notation : le rapport annuel sur
la France de l’agence Standard&Poors,
la plus influente des trois « La proposition
grandes, est programmé
pour ce 2 juin, de loi Liot
créant d’ores et déjà
une certaine nervosité est-elle vraiment
à Bercy.
La vie économique inconstitutionnelle ? »,
» et financière est faite
de ruptures, parfois entretien
brutales, et de phénomènes de boule
avec Benjamin Morel
des débats grand public sur la
macroéconomie, et notamment la dette,
est de s’en tenir à des raisonnements
prétendument de bon sens et à des
représentations simplistes. Prenons
exemple sur les lois de l’acoustique,
où les décibels ne s’additionnent pas
de façon arithmétique comme les
kilogrammes ou les mètres. Ainsi faut-il
seize violons dans un orchestre
symphonique pour doubler le niveau
sonore d’un seul violon, contrairement
à ce que penserait M. de Lapalisse.
Voilà comment Pierre Moscovici
commet une erreur de jugement Ce soir à 20h sur le site
et sous-estime la gravité réelle de la dette du Figaro, présenté par
publique française en croyant de bonne Jean-Christophe Buisson
foi se faire comprendre de tous.
Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy FR
00 Midi Print, 30600 Gallargues-le-Montueux ce journal
artistique FIGAROMEDIAS ISSN 0182-5852Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy se compose de :
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le numéro FI/011/001. Eutrophisation : Ptot 0.002 kg/tonne de papier.
 mercredi 31 mai 2023 le figaro

18
Les deux philosophes,
frères à la ville, analysent « Comme aucun autre

RENCONTRE
fait ou événement,
le pouvoir d’attraction l’affaire criminelle nous
confronte à la question
des affaires criminelles de la vérité : entre
le possible, le probable,
à partir de cas plus le certain, il y a place
pour toute une gamme
ou moins récents. de modalités de la vérité
qui entrent

Mathias
en tension entre elles »
mathias Roux

Marie-Laetitia Bonavita

et Emmanuel Roux :
mlbonavita@lefigaro.fr

Olivier DiON/ lH/Opale.pHOtO/actes suD

L
e nombre croissant de podcasts, émis-

« Le criminel fascine car

sions, séries et livres consacrés aux affai-
res criminelles confirme la fascination
que celles-ci exercent. S’immergeant
dans divers dossiers (Xavier Dupont de

sa transgression nous rassure »

Ligonnès, Jonathan Daval, affaire Villemin…), les
philosophes Mathias Roux, universitaire à
Bordeaux, et Emmanuel Roux, haut fonctionnaire,
décryptent, à grand renfort d’anthropologie, de
psychanalyse et de sociologie, les arcanes des
histoires de crime. Les deux frères publient Le Goût
du crime. Enquête sur le pouvoir d’attraction des
affaires criminelles (Actes Sud).
LE FIGARO. - Comment expliquer que les affaires
Villemin et Dupont de Ligonnès, respectivement
quarante ans et douze ans après les faits, continuent
à tant faire parler ?
Mathias ROUX. - Ce sont des affaires « gigognes »
au sens où elles contiennent toutes les caractéristi-
ques d’une « affaire » : le déroulé et l’intensité dra-
matique des faits, l’incapacité de parvenir à une vé-
rité en dépit des moyens mobilisés, la profondeur
existentielle, morale et anthropologique des ques-
tions qu’elles soulèvent. En outre, le fonctionne-
ment de la sphère familiale peut y être analysé selon
la logique clanique du bouc émissaire et de la sor-
cellerie (affaire Villemin), ou à partir de la dimen-
sion religieuse et métaphysique du crime (affaire
Dupont de Ligonnès).
Est-ce de la curiosité mal placée ?
Emmanuel ROUX. - Il y a, bien sûr, une dimension
affective dans notre relation aux affaires, avec ce
mélange d’effroi et de « réassurance » que nous
éprouvons quand, par exemple, nous jetons un œil
à un accident de la route ! À l’instar de ce qu’Aristo-
te appelait « catharsis » au théâtre, l’attrait pour
l’affaire criminelle peut s’expliquer aussi par le fait
de ressentir, à distance, un malheur dont on est
épargné. Mais en partie seulement, car sinon l’af-
faire ne revêtirait pas l’aspect d’un fait social, d’un
fait culturel ou politique, d’un objet de pensée. Et
elle disparaîtrait de la mémoire collective comme
l’essentiel des faits divers. Pour revenir sur l’affaire
Villemin, elle permet d’entrevoir la profondeur de
la question de la filiation au cœur de notre
construction sociale et anthropologique.
Qu’est-ce que la vérité dans une affaire criminelle ?
M. R. - Comme aucun autre fait ou événement, l’af-
faire criminelle nous confronte à la question de la
vérité : entre le possible, le probable, le certain, il y a
place pour toute une gamme de modalités de la véri-
té qui entrent en tension entre elles. Par exemple,
entre la vérité objective de ce qu’on connaît des faits
et la vérité judiciaire, issue d’un verdict fondé sur
l’intime conviction des jurés. Même si le doute quant
à la culpabilité a subsisté jusqu’à la fin et que notre
conviction demeure dans une sorte de clair-obscur,
une fois l’affaire jugée, on estime que la société a dé-
cidé de manière définitive ce qu’il fallait considérer
comme vrai. L’autorité de la chose jugée inverse la
logique ordinaire de la preuve : le verdict est, en
théorie, indubitable, car incontestable ! Avec l’affaire
criminelle, nous cheminons sans cesse entre les deux
extrêmes de la vérité : soit elle se dérobe, telle une
énigme, soit elle se fige, nonobstant ses fragilités,
comme dans l’affaire Omar Raddad par exemple.

Le temps joue évidemment un rôle important

dans l’élucidation d’un crime. Est-il l’allié
ou l’ennemi du coupable ?
E. R.- L’affaire criminelle passionne en raison de sa
capacité à refléter les transformations de l’époque.
La transformation de son rapport au temps est, par
exemple, fascinante. Jusqu’à peu, plus nous nous
éloignions du moment où le crime avait été commis,
plus les chances de le résoudre diminuaient. Avec la
multiplication des traces génétiques, c’est exacte-
ment l’inverse : plus on s’éloigne du temps où le cri-
me a été commis, plus la probabilité de le résoudre
est forte ! En effet, l’enquête consistant désormais
davantage à authentifier des traces qu’à interpréter
des indices, il suffit que l’auteur du crime laisse, à
nouveau, une trace de lui-même quelque part pour
être confondu. On assiste ainsi à la résolution crois-
sante d’affaires longtemps en déshérence. Ce qui
explique l’intérêt grandissant pour les « cold cases ».

À propos des criminels, certains parlent

de déterminisme. Qu’en est-il du libre arbitre ?
M. R.- Les affaires criminelles nous confrontent au
paradoxe de la condition humaine : nous sommes
des êtres à la fois déterminés à agir et considérés
comme libres de nos actes, donc capables d’en ré-
pondre devant la société ! Chacun de nous est tra-
versé par ce clivage entre le conditionnement objec-

« plus
Jusqu’à peu,
nous
tif de notre existence et une liberté de principe. Je ne
suis pas l’auteur de moi-même, mais je dois en ré-
pondre comme si c’était le cas. Dilemme philosophi-
que que Kant appelait une antinomie, et l’intérêt de
nous éloignions ces affaires est de nous y confronter à chaque fois.
du moment
où le crime avait Monique Olivier a rencontré son futur mari,
Michel Fourniret, alors qu’il était incarcéré
été commis, en prison pour agressions sexuelles.
plus les chances Comment expliquer cette attirance pour le mal ?
de le résoudre E. R.- Il s’agit moins d’attirance pour le mal lui-
même que pour celui qui l’a commis. Le délinquant,
diminuaient. Avec le criminel fascinent car leur transgression nous
la multiplication rassure. Leurs actes prouvent la possibilité de violer
des traces la norme morale et sociale : par conséquent, si, de
notre côté, nous la respectons, c’est donc, semble-
génétiques, t-il, que nous avons fait le choix inverse et qu’en
c’est exactement d’autres termes, nous nous conformons librement
l’inverse : plus on et non par obligation. Diminuant ainsi le poids que
les multiples formes de la contrainte sociale exer-
s’éloigne du temps cent sur nos épaules ! D’où, en France, un respect
où le crime ambigu pour un Jacques Mesrine, braqueur « ro-
a été commis, mantique » par certains aspects, mais lâche assassin
par ailleurs. Toutefois, avec Monique Olivier, il
plus la probabilité s’agit plus vraisemblablement d’hybristophilie, ou
de le résoudre syndrome de l’infirmière, pathologie menant le su-
est forte ! jet à une situation limite : la personne compense un
grave déficit narcissique en se donnant pour mis-
EmmanuEl Roux
sion de mener le criminel vers la rédemption, quitte
à entrer dans sa mécanique meurtrière…

Les criminels seraient donc des héros, rejoignant

là les mythes !
M. R.- Par définition, le héros diffère de nous par
des traits exceptionnels et en même temps nous
ressemble. Sans quoi nous ne pourrions pas nous
comparer à lui. Ainsi, sa figure incite à cerner l’es-
sence de la condition humaine, autrement dit, en
explorer les limites. Aussi, selon quels critères la
cruauté d’un geste relève–t-elle d’une monstruosité
valant exclusion de son auteur hors de l’humanité ?
Question ardue car, logiquement, seul l’humain est
capable d’inhumanité. Aujourd’hui comme hier, le
monstre est là pour nous confronter à nous-mêmes.
A

L’affaire criminelle remplit donc des fonctions in-

tellectuelles anciennement dévolues aux mythes. ■
 mercredi 31 mai 2023 le figaro - N° 24 501 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr
SpatiaL
L’eSpagNe LaNCe
Sa première fuSée
page 20
PHOTOPQR/LA PROVENCE/MAXPPP ; ALBERTO DIAZ/PLD SPACE ; BBk22 - STOCk.ADOBE.COM
Airbnb déstabilise
les centres-villes
les municipalités multiplient les mesures pour enrayer le raz-de-marée
de la location saisonnière. la plateforme tente de se défendre. pages 22 et 23
l'histoire
Le fonds norvégien sanctionne
le manque de parité au Japon
F
idèle à la tradition progressiste
d’Europe du Nord, le fonds
souverain norvégien, le plus
gros au monde, qui tire
sa richesse de la manne
pétrolière, a décidé de voter contre
les nominations exclusivement masculines
aux conseils d’administration
des entreprises au Japon. L’Archipel est,
après les États-Unis, le deuxième pays
d’investissement du fonds, qui détient
des parts dans 1 533 entreprises nippones
pour une valeur de 53 milliards d’euros.
Problème : le pays du Soleil-Levant fait
figure de mauvais élève en matière
de parité. Selon le journal japonais Nikkei,
les femmes n’occupent qu’environ 10 %
des postes d’administrateur. Un chiffre qui
ne passe plus pour la Norvège, qui se veut
pionnière sur l’égalité hommes-femmes :
la législation impose depuis 2004
LA SÉANCE DU MARDI 30 MAI 2023
CAC 40
7209,75 -1,29%
EUROSTOXX 50
4289,71 -0,70%
DOW JONES FOOTSIE
32965,79 -0,39% 7522,07 -1,38%
ONCE D’OR NASDAQ
1949,50 (1953,50) 14421,01 +0,86%
PÉTROLE (Brent) NIKKEI
31328,16 +0,30%
73,840 (77,130)
aux groupes publics d’avoir au moins 40 %
de femmes (ou d’hommes) dans
les organes de direction. La gouvernance
du fonds - qui pèse plus de 1 300 milliards
d’euros - retoquait jusqu’à présent
les nominations qui ne contenaient pas
au moins deux femmes dans les conseils
d’administration des groupes américains
et européens. « Nous n’avions pas
commencé à voter contre les entreprises
au Japon parce qu’elles étaient si en retard
qu’on aurait vraiment touché un grand
nombre d’entre elles », a expliqué à l’AFP
Carine Smith Ihenacho, chef
de la gouvernance du fonds.
Le sursis de deux ans accordé au Japon
vient aujourd’hui d’arriver à échéance.
Compte tenu des nominations de l’année
dernière, cette politique de parité pourrait
impacter environ 300 entreprises
japonaises. ■ Clara galtier (avec aFP)
le PLUS
du
FIGARO
écO
énergie
Nos déchets utilisés
pour le biogaz,
le chauffage urbain
et les carburants
page 25
> focus
uSiNe bridor :
Le duff
reNoNCe
immobiLier à SoN proJet
LeS prix baiSSeNt Dissuadé par les recours engagés
partout eN fraNCe par des défenseurs de l’environne-
page 24 ment, le groupe breton Le Duff a
mis « fin à son projet » d’usine de
viennoiseries Bridor près de Ren-
nes. « Nous ne pouvons pas nous
permettre d’attendre dix ans, voire
certainement davantage, pour que
notre projet industriel aboutisse,
déplore le président du groupe,
Louis Le Duff. Nos concurrents à
l’étranger mettent un à deux ans
maximum pour obtenir les mêmes
autorisations de construction. »
En 2017, le géant mondial de la bou-
langerie avait lancé le projet de
construire une usine de viennoi-
series et de pains de sa marque
principale Bridor. Il prévoyait un in-
vestissement de 250 millions
d’euros et la création de « 500 em-
plois non délocalisables ». Le site
devait s’installer à Liffré, à une
vingtaine de kilomètres de Rennes,
avec pour objectif une mise en
service « fin 2021 ».
C’était sans compter sur un intense
mouvement de contestation, moti-
vé par l’utilisation de terres agrico-
les et la quantité d’eau nécessaire
au fonctionnement de l’usine. Selon
le groupe, une fois tous les recours
des opposants au projet purgés, « il
faudrait compter deux années de
construction pour ce type de site
industriel. Ces travaux de construc-
tion ne pourraient donc vraisembla-
blement pas commencer avant
2026, amenant le démarrage du
site au plus tôt en 2028 ».
Plusieurs manifestations ont été
organisées contre ce projet, à Liffré
et à Rennes. Basé dans la capitale
bretonne, le groupe Le Duff livre
ses pains et viennoiseries dans une
centaine de pays. Il emploie plus de
35 000 personnes, pour un chiffre
d’affaires de 2,05 milliards d’euros
en 2019.
BDL
convictions
+7,6% de performance annualisée sur 10 ans
INDICE DE**
ANNÉE BDL CONVICITONS RÉFÉRENCE
2022 -6,9% -10,7%
LE MEILLEUR INVESTISSEMENT
2021 21,6% 25,0%
C’EST L’ENTREPRISE 1 2 3 4 5 6 7
+109% DE PERFORMANCE
2020
2019
-5,7%
27,5%
-2,0%
26,8%
CUMULÉE SUR 10 ANS*
2018
2017
-15,1%
12,3%
-10,8%
10,6%
CODE ISIN: FR0010651224
2016
2015
5,9%
14,4%
1,7%
9,6%
2014
2013
7,2%
23,6%
7,2%
20,8%
*Les performances passées ne présagent pas des performances futures - Ce fonds présente un risque de perte en capital. Les caractéristiques du
produitneprotègentpasl’investisseurdel’effetpotentieldel’inflationdurantlapérioded’investissementdansleproduit.Ainsi,lemontantinvestien
principalainsiqueleséventuelsrevenusmobiliersperçuspendantlapériodeneserontpasrevalorisésdutauxdel’inflationsurcettemêmepériode.
Par conséquent, le rendement réel du produit, c’est-à-dire le taux de rendement du produit corrigé du taux de l’inflation, pourrait être négatif.
** L’indice de référence du fonds est le SXXR, STOXX 600 dividendes réinvestis.
A
 mercredi 31 mai 2023 le figaro
20 économie
L’Espagne se lance à l’assaut de l’espace
Miura-1, première petite fusée développée en Espagne par la start-up PLD Space, doit décoller mercredi.
Une étape majeure pour le pays, qui s’est doté, cette année, d’une agence spatiale.
Véronique Guillermard
£@vguillermard
Spatial C’est une petite fusée mais
un grand symbole de l’ambition affi-
chée par l’Espagne de devenir, elle
aussi, une nation spatiale. Miura-1,
premier minilanceur réutilisable es-
pagnol, développé par la start-up
PLD Space, doit décoller ce mercredi
depuis la base de lancement de Huel-
va, dans le sud-ouest de l’Andalou-
sie, à 5 h 30 CET (7 h 30 en France)
pour réaliser son premier vol. Un
moment de vérité pour la start-up,
fondée en 2011. Et pour l’Espagne.
Car Madrid ne veut plus seule-
ment être partenaire de program-
mes développés en coopération, via
l’Agence spatiale européenne (ESA)
au budget de laquelle elle contribue
à hauteur de 5,5 %, pour 939 mil-
lions d’euros de 2023 à 2025. Le
pays veut aussi piloter ses propres
programmes. La filière représente
1,2 % du PIB espagnol et 150 000
emplois directs et indirects, selon
les estimations de l’État espagnol.
Elle compte parmi ses industriels
l’opérateur de télécoms Hispasat et
des constructeurs de satellites tels
que Alén Space, DHV Technology,
Elecnor Deimos et Satlantis. Et Ma-
drid a vu un des siens, Pablo Álvarez
Fernández, un ingénieur aéro-
nautique de 33 ans, être sélectionné
par l’ESA en novembre 2022 pour
intégrer le corps des astronautes
européens, aux côtés de la Françai-
se Sophie Adenot, notamment.
En juin 2022, le gouvernement
espagnol a mis en place un conseil
de l’espace, chargé de fonder la fu-
ture agence spatiale nationale. Cet-
te dernière a été installée, en février
dernier, à Séville, choisie parmi
21 candidats. Ce qui ne doit rien au
hasard puisque Séville jouit d’un ri-
che écosystème aéronautique, no-
Le risque de défaut de paiement des États-Unis
n’est pas encore totalement écarté
Le sort du compromis arraché par la Maison-Blanche et les leaders du Congrès se trouve
entre les mains de quelques élus. Paradoxe, il ne porte que sur une petite partie du budget.
Pierre-YVes duGua £@PDugua
WaShington
amérique du nord L’accord
conclu à huis clos le week-end
dernier entre la Maison-Blanche et
les leaders du Congrès pour éviter
un catastrophique défaut de paie-
ment de la première économie
mondiale doit absolument être
adopté par les deux Chambres d’ici
le 5 juin. C’est ce jour-là que le Tré-
sor américain estime qu’il se trou-
vera à court de liquidités et incapa-
ble de payer toutes ses factures. Il
doit donc impérativement pouvoir
à nouveau émettre des obligations,
sans quoi les États-Unis tomberont
en défaut technique de paiement.
Paradoxalement, le suspense qui
captive Washington et Wall Street
porte sur une enveloppe de dépen-
ses limitée, dont le gel n’aura
qu’une influence marginale sur la
conjoncture américaine et sur la
trajectoire de l’endettement pu-
blic.
Le compromis autorise avant
tout l’augmentation du stock de
dette publique au-delà du plafond
de 31 400 milliards de dollars, fixé
par les parlementaires en décem-
bre 2021. S’il n’est pas adopté par le
Congrès, une catastrophe financiè-
re aux répercussions mondiales est
vraisemblable. Mais le plafond de
la dette n’est relevé que pour deux
ans. Et d’ici là, l’endettement de
l’Oncle Sam va continuer d’aug-
menter.
Si le compromis a été salué com-
me « historique » et « transforma-
A
tionnel » par ses artisans, il ne porte
en réalité que sur une partie des
La minifusée Miura-1 tamment via la présence d’Airbus
sur son pas de tir Military (avions A400M et Casa),
de la base de lancement d’une vaste communauté scientifi-
de Huelva, dans le sud- que, d’universités et d’un futur
ouest de l’Andalousie, centre géant de formation aux mé-
le 11 mars. tiers aéronautiques et spatiaux.
ALBERTO DIAZ/PLD SPAcE
La création de cette agence doit,
selon Madrid, générer plus de 5 800
emplois en Andalousie. Le Cnes
espagnol regroupe les compétences
de l’ex-Institut national de techni-
ques aérospatiales (Inta), aupara-
vant logé au sein du ministère de la
Défense, enrichi d’équipes liées à la
composante sécurité nationale.
Cette agence est chargée de coor-
donner la politique spatiale et les
participations du pays aux pro-
grammes internationaux. Un pre-
mier budget de 300 millions d’euros
dépenses fédérales, celles dites Les républicains
« discrétionnaires ». Seul ce volet ont arraché à Joe Biden
(ici, le 29 mai,
fait l’objet d’un vote annuel par le
Congrès. Et il ne représente que à Arlington en Virginie)
un gel de deux ans
1 700 milliards de dollars sur un
des dépenses
total de 6 300 milliards de dollars.
discrétionnaires,
Les crédits discrétionnaires cou- à l’exclusion des crédits
vrent les dépenses courantes des de la défense,
agences fédérales, alors que l’es- qui ne grimperont
sentiel des dépenses est automati- cependant
que et obligatoire. Dans cette énor- que de 3,3 %.
me catégorie se trouvent MANDEL NGAN/AFP
a été mis en place pour amorcer des
projets, dont le développement de
fusées. Et, en association avec le
Portugal, financer une constellation
de satellites d’observation, baptisée
« Atlantic ».
« La création de l’agence spatiale
espagnole est une très bonne nouvelle.
Nous avons soumis une offre pour dé-
velopper notre future fusée Miura-5,
qui apportera des services de lance-
ment complémentaires de ceux qui
existent déjà », explique Ezequiel
Sanchez, président exécutif de la
start-up. Elle espère obtenir un peu
plus de 40 millions de crédits pu-
blics. PLD Space a déjà levé 65 mil-
lions auprès d’investisseurs privés,
dont 40 millions ont été engagés
dans la conception et la construction
notamment les dépenses très po-
pulaires d’assurance-maladie des
retraités (1 500 milliards), les pen-
sions de retraite (1 300 milliards)
et, bien entendu, les intérêts de la
dette qui atteignent désormais
presque 700 milliards de dollars.
Deux ans de gel
Les républicains ont arraché à Joe
Biden un gel pour deux ans des dé-
penses discrétionnaires à l’exclu-
sion des crédits de la défense, qui
ne grimperont que de 3,3 %. En
outre, à partir de 2025, la hausse de
toutes les dépenses discrétionnai-
res serait plafonnée à 1 %. Dans un
contexte d’inflation de l’ordre de
5 %, le gel des crédits affectés à
l’environnement, à l’agriculture
ou à la justice par exemple, se tra-
duira donc par une érosion effecti-
ve de l’impact de l’État fédéral
dans ces domaines.
Même dans le secteur sacro-
saint de la défense, premier poste
discrétionnaire avec quelque
700 milliards de dollars de crédits,
le gain de 3,3 % reste inférieur à la
hausse générale des prix anticipée.
Dans le discours politique et mé-
diatique américain, on parle toute-
fois de « coupes », ce qui permet de
dramatiser le sacrifice budgétaire
relatif.
La négociation s’est cristallisée
sur des aspects symboliques des
dépenses, qui sont parlants dans
l’opinion, mais qui contribuent
très peu à l’endettement public. Joe
Biden a par exemple accepté de ré-
duire, de 21 milliards de dollars sur
dix ans, le budget du fisc destiné à
traquer les fraudeurs. C’était une
priorité des républicains aux yeux
de Miura-1. « Il s’agit d’un démons-
trateur technologique, qui doit nous
permettre de valider notre capacité à
voler aux frontières de l’espace, à
80 km d’altitude, et de tester 70 % des
technologies qui seront utilisées pour
Miura-5, la minifusée opérationnelle
qui aura une capacité d’emport de
500 kg en orbite basse », précise le
président exécutif de PLD Space. La
start-up a développé la plupart des
systèmes (guidage notamment) ain-
si qu’un moteur oxygène-liquide-
kérosene. « Nous avons choisi un
modèle d’intégration verticale, afin
de gagner en agilité, avec une équipe
de 125 ingénieurs qui est la même à
toutes les étapes de la conception, de
la construction et du lancement », ex-
plique Ezequiel Sanchez.
desquels les Américains sont déjà
trop persécutés par les agents de
l’Internal Revenue Service (IRS).
À l’inverse, les républicains ont
dû accepter que seulement 28 mil-
liards de dollars de crédits initiale-
ment alloués à la lutte contre le
Covid, sur un total de 80 milliards
non dépensés, soient annulés. Le
reste sera alloué ailleurs.
Les républicains font grand cas
de l’obligation plus stricte de tra-
vail qu’ils ont obtenu pour condi-
tionner l’accès à l’aide alimentaire
aux personnes inactives et sans en-
fants. Elle s’appliquera désormais
aux Américains de moins de
54 ans. Jusqu’à présent, l’âge pla-
fond était de 49 ans. Les démocra-
tes ont cependant limité cette exi-
gence en créant des exceptions
pour les sans-abri et les anciens
combattants.
Le délai pour obtenir un vote de
chaque Chambre jusqu’au 5 juin est
très court. Des défections prévisi-
bles du côté républicain devront
absolument être compensées par
des ralliements à contrecœur de la
part de démocrates sous la forte
pression de leur président.
Les élus américains n’aiment pas
être tenus à l’écart du processus lé-
gislatif. Ils détestent aussi être obli-
gés de voter rapidement un texte
très long qu’ils n’ont pas vraiment
eu le temps d’étudier ou d’amen-
der. L’urgence du 5 juin force
néanmoins la Maison-Blanche et
les leaders républicains à expédier
le processus législatif qui peut sou-
vent dérailler sous l’effet du re-
cours à des tactiques dilatoires,
chères aux élus des extrêmes de
chaque parti. ■
Le décollage de Miura-1 constitue
donc une étape clef pour la start-
up. En cas de succès et après analy-
ses des données de vol, PLD Space
prévoit de faire voler Miura-5 en
2025. « Notre fusée a été qualifiée par
le Cnes pour avoir comme port d’at-
tache l’ancien pas de tir Diamant, à
Kourou en Guyane, qui a été rénové
pour accueillir des micro et mini-
lanceurs. Nous y installons nos in-
frastructures en vue du premier vol
en orbite basse dans deux ans », ex-
plique le président exécutif. La
start-up prévoit 6 missions com-
merciales à partir de 2026 puis une
cadence de 15 tirs par an. « Nous
avons déjà des clients, qui ont signé
“ Avec la future
Miura-5, nous
proposons une petite
fusée réutilisable,
fiable et peu chère
EzEquiEl SanchEz,
préSidEnt Exécutif dE pld SpacE
”
des contrats ou des lettres d’intention
pour voler avec Miura-5 », précise
Ezequiel Sanchez. La start-up cible
le marché des petits satellites de
moins de 500 kg, sur lequel elle
veut proposer « une petite fusée
fiable, robuste et peu chère ». Soit un
prix lancement de 8,5 millions quel
que soit le nombre de satellites em-
barqués.
Miura-5 ne sera pas seule à évo-
luer sur ce marché : l’Europe comp-
te une quinzaine de projets de mini-
fusées, dont ceux du français
Latitude, du britannique Orbex ou
des allemands RFA et Isar Aerospa-
ce. Dans cette course, PLD Space
prend de l’avance en étant la pre-
mière à faire voler un démonstra-
teur… ■
En bref
les syndicats
battent le rappel
avant le 6 juin
£ Les syndicats ont invité mardi
les salariés à participer
massivement à la journée
de mobilisation contre la réforme
des retraites du 6 juin, dénonçant
une nouvelle fois la volonté
de l’exécutif d’empêcher un vote
sur le sujet au Parlement
(lire page 4). Ils ont aussi élargi
leur mot d’ordre, se disant
déterminés à obtenir
des « avancées sociales »
sur plusieurs sujets :
l’augmentation des salaires
dans le public et le privé, l’égalité
hommes-femmes ou la remise
en place des critères de pénibilité
supprimés en 2017
pour permettre des départs
à la retraite anticipés.
disneyland paris
en grève
£ Un millier de salariés
de différents métiers du parc
Disneyland Paris ont fait grève
mardi pour réclamer
une augmentation de salaire
de 200 euros et le paiement
double des dimanches travaillés.
la suède évite
la récession
£ L’activité suédoise résiste
malgré l’inflation et la forte
remontée des taux d’intérêt.
Le PIB a progressé de 0,6 %
au premier trimestre, un résultat
bien meilleur qu’attendu.
La première économie nordique
évite donc la récession,
après un recul de 0,2 %
au trimestre précédent.
+@ » Impôts 2023 :
toutes les réponses
à vos questions sur
votre déclaration de revenus
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 mercredi 31 mai 2023 le figaro

22 l'événement
Le phénomène Airbnb n’en finit pas

CINQ VILLES À L’OFFENSIVE CONTRE AIRBNB

de déstabiliser les centres-villes
Les municipalités multiplient les mesures pour enrayer le raz-de-marée de la location
saisonnière. Mais une proposition de loi visant à encadrer les meublés vient d’être reportée.
bailleurs pour louer aux touristes, tion a défini des zones, avec pour d’événements sportifs ou culturels aidons les villes à mettre en place les
jorge carasso £@JorgeCarasso mis à part la déclaration du loge- chacune un seuil maximal de loca- majeurs. «On peut estimer qu’il règles locales et à les faire respec-
et matHiLde visseyrias
£@MVisseyrias ment auprès de ses services. tions autorisées. Elle limite aussi à manque 15 à 20% de chambres ter », déclare la plateforme améri-
Ces exemples font figure d’ex- cinq ans les autorisations de chan- d’hôtels en France, pour répondre à caine, dont la France est le deuxiè-
ception. De fait, face au raz de ma- gements d’usage des locaux d’ha- la demande, avance Jean-Marc Pal- me marché après les États-Unis.
tourisme Les détracteurs d’Air- rée Airbnb, la plupart des villes ont bitation en meublés touristiques. hon, président d’Extendam, leader En l’absence de visibilité sur la
PAris
La capitale im
bnb y ont vu la main invisible du durci leurs règles ces dernières an- « Avant de mettre en place ce nou- européen du capital-investisse- proposition de loi, les loueurs qui à local comm
géant américain. L’examen d’une nées pour lutter contre l’explosion veau règlement, nous n’avons pas ment hôtelier, avec un portefeuille profitent du jackpot Airbnb, auront
proposition de loi (PPL) transparti- des meublés touristiques qui, selon été en contact directement avec Air- de 300 hôtels (murs et fonds). Se- encore un peu de répit. «Je ne peux
sane - une première - pour mieux elles, détruit l’offre en logements bnb, mais avec le syndicat de meu- lon lui, la location saisonnière ré- pas m’empêcher d’imaginer qu’Air-
encadrer l’essor de la location sai- traditionnels. « Ces dernières an- blés de tourisme du Grand Annecy», pond à une demande à laquelle bnb est pour quelque chose dans le
sonnière dans les zones tendues a nées, la fronde était parisienne, ob- raconte Frédérique Lardet, prési- l’hôtellerie ne répond pas: celle des report de la PPL, lance Ian Brossat.
été reporté sine die. Cette proposi- serve Ian Brossat, adjoint à la mai- dente du Grand Annecy. Le règle- familles (3-4 personnes) pour trois L’entreprise vient de recruter un an-
tion devait passer en commission le rie de Paris en charge du logement. ment a également été présenté aux nuits en plus. « Dans nos hôtels par cien collaborateur d’Élisabeth Borne
31 mai et dans l’Hémicycle le 12 Nous avions monté des coalitions hôteliers et à un collectif d’Anné- exemple, nous accueillons en pour ses relations publiques. Elle a
juin. Portée par la députée Renais- avec Barcelone, Amsterdam… La ciens, regroupant des habitants de moyenne 1,2 client pour 1,5 nuit », toujours fonctionné comme cela, en
sance de Bretagne Annaïg le Meur, donne a complètement changé. De- la vieille ville se plaignant du déve- détaille l’hôtelier. recrutant des proches du pouvoir.
et le député socialiste des Pyré- puis deux trois ans, la fronde loppement de la location sai- Pourtant, son développement - com-
nées-Atlantiques Iñaki s’étend, en particulier à sonnière dans les hôteliers. «Tous Majorité de professionnels me celui de toutes les plateformes de
Echaniz, elle comporte des zones touristiques et avaient conscience qu’il fallait régu- Pour les professionnels hôteliers location saisonnière - devient de plus
trois articles : refondre des villes balnéaires. » La ler la situation. Finalement, 108 re- comme les agents immobiliers spé- en plus indéfendable, quand on voit
la fiscalité, en faisant ville de Saint-Malo a cours ont été déposés, pour un refus cialisés, la location touristique ré- les conséquences en termes de loge-
passer de 71 % à 50 % instauré des quotas par de changement d’usage limité à cinq pond à des besoins. « J’entends les ment dans les zones tendues.»
l’abattement pour les quartier. Seuls 12,5 % ans», confie l’élue. inquiétudes au sujet du manque de «Nous ne voulons pas interdire
meublés touristiques, des logements peuvent Mais chaque ville ou station bal- logements, mais je ne suis pas cer- Airbnb, ni le tourisme. Nous voulons
généraliser l’interdic- être loués en meublés néaire qui y va de ses règles pour taine que cibler les hôtes qui louent simplement que les gens puissent
tion de la location des touristiques pour des tenter de juguler le phénomène pour la plupart leur résidence princi- habiter là où ils travaillent», insiste
passoires thermiques courtes durées dans la quand il prend trop d’ampleur, se pale, fasse vraiment la différence», Iñaki Echaniz. Le député vise la
aux meublés touristi- Nous ne ville fortifiée, et 7,5 % garde pour autant de l’interdire. indique Marie Pistinier, présidente prochaine semaine transpartisane,
ques et enfin permet- dans le secteur littoral. Car la location à des touristes rem- du syndicat des professionnels de la en octobre, pour présenter sa pro-
tre aux collectivités de voulons pas Paris, Bordeaux, Mar- plit aussi les caisses des villes. Cel- location meublée (SPLM). Selon ce position de loi. «Nous avions limité
moins de 200 000 ha- interdire seille ou encore Bayonne les-ci perçoivent la taxe de séjour, syndicat, 70 % des locations meu- notre texte à trois articles prioritai-
bitants d’avoir un re- Airbnb, ni imposent aux proprié- mais de façon plus indirecte, elles blées touristiques sont louées par res. Nous sommes prêts à aller plus
gard sur le change- taires qui veulent louer profitent aussi des retombées du des professionnels qui ont l’obliga- loin, précise-t-il. Certes, le droit de
ment d’usage d’un le tourisme. toute l’année d’obtenir tourisme pour le commerce local. tion de respecter la réglementa- propriété est dans la constitution,
mArsei
Les propriét
logement. Nous voulons une autorisation de D’autant que les hébergements tion. «La location saisonnière est mais le droit au logement aussi. via une dem
Les particuliers qui simplement changement d’usage touristiques manquent parfois dans d’ores et déjà soumise à des règles Aujourd’hui, on investit dans un ap- les mètres c
ont pris l’habitude de - passer de logement à les villes, et encore plus au moment claires, simples et efficaces, et nous partement comme en Bourse.» ■
louer avec Airbnb et que les gens local commercial. La ca-
d’arrondir leurs fins de puissent pitale demande en outre
mois voient d’un mau- habiter de compenser la perte
vais œil ce possible de mètres carrés habita-
durcissement de la loi. là où ils bles par le paiement
C’est notamment le
cas dans les « commu-
travaillent
iñaKi echaniz,
» d’un droit à un opéra-
teur qui crée des loge-
nautés d’hôtes », qui dépUté (ps) ments. Une opération
désignent à la fois des pyrénées- coûteuse. Dans ces vil-
les voyageurs et les atlantiQUes les, les bailleurs doivent
XOSE BOUZAS/
loueurs, et que la pla- HANS LUCAS VIA AFP
également obtenir un
teforme chouchoute numéro d’enregistre-
car se sont ses meilleurs ambassa- ment pour permettre aux munici-
deurs. « Les règles sont positives palités de contrôler le nombre de
pour éviter les dérapages et freiner nuitées (120 jours maximum pour
ceux qui achètent des immeubles la résidence principale). « Les villes
entiers pour les louer, estime Yan- utilisent la réglementation en vi-
nick Nobile, président du club des gueur pour essayer de tempérer l’es-
hôtes marseillais d’Airbnb. Mais sor anarchique des locations saison-
faire porter la crise du logement sur nières et opérer un contrôle de ces
le tourisme c’est une hérésie. » locations touristiques », indique
Xavier Demeuzoy, avocat spécia-
Manque de visibilité liste de ces questions.
Ces hôtes, qui louent régulièrement Dernier exemple en date : à
sur la plateforme, dénoncent une compter du 1er juin, dans le grand
Annecy sAint-mAlo
Le 1er juin, un nouveau régime d’autorisation s’appliquera dans l’agglomération. Un seuil maximal La ville de Saint-Malo a instauré des quotas par quar
réglementation de plus en plus Annecy, un nouveau régime de locations sera instauré par zones, et les autorisations de changement d’usage des locaux peuvent être loués en meublés touristiques pour de
dure et surtout le manque de visibi- d’autorisation des meublés touris- d’habitation en meublés touristiques seront limitées à cinq ans. et 7,5 % dans le secteur littoral.
lité. « La location Airbnb est systé- tiques s’appliquera. L’aggloméra-
matiquement attaquée avec de nou-
velles restrictions. Cela rend notre
activité un peu précaire », s’alarme
Joëlle Dorchies, qui préside la com-
munauté Airbnb, du Nord et de
Lille. Cette retraitée loue régulière-
« C’est trop, je n’en peux plus ! » : à Bayonne, Annecy ou Saint-Malo, les r
ment les chambres de sa grande
maison laissée vide depuis le départ Airbnb ayant été ruiné, je ne m’y ris- grette Brigitte Cottet, présidente de cessé… mais pour combien de
de ses enfants. « En cette période
d’inflation, Airbnb permet aux fa-
milles françaises de louer leur loge-
« affaire
Vous avez
aude bariéty £@AudeBariety

À un peu plus d’un an des Jeux

ment - généralement leur plus gran-
de dépense - pour générer un
complément de revenus, ce qui les
aide bien souvent à payer leurs char-
ges et à faire face à l’augmentation
du coût de la vie », fait valoir le
groupe américain.
Même occasionnelle, cette acti-
vité de location peut aussi se révé-
ler incroyablement rentable au vu
de l’explosion du phénomène ces
dernières années. « Cela rapporte
trois fois plus que la location classi-
que », affirme sans détour Carole,
qui loue plusieurs Airbnb à l’année
à Clermont-Ferrand. Cette Pari-
sienne d’origine s’est lancée dans la
location touristique au sortir du
Covid. Puis, elle a continué en
achetant de nouveaux logements
au vu du succès rencontré. « C’est
tout le temps plein. Je ne pensais pas
que les locations tourneraient aussi
bien. » Dans la capitale historique
de l’Auvergne les locations touris-
tiques ne sont pas limitées, à l’ins-
A
à des gens olympiques, le sujet est sur les lè-
de passage vres de beaucoup de Parisiens. À
l’été 2024, faut-il louer son appar-
qui s’en tement sur une plateforme spécia-
fichent, à des lisée et, notamment, sur la plus cé-
conciergeries lèbre de toutes, Airbnb ? « Quand je
regarde les prix pour les dates des
qui sont là JO, ça me fait envie », souffle une
pour faire Parisienne. On la comprend.
le ménage 300 euros la nuit pour un studio de
la rue des Martyrs (9e), duquel
en une « l’accès aux différents sites olympi-
demi-heure ques est idéal » ; 750 euros la nuit
et à des pour un deux-pièces de 40 m2 avec
terrasse à Saint-Germain-des-
propriétaires Prés, d’ordinaire proposé à
absents 300 euros de moins ; ou encore…
que vous ne 10 500 euros la nuit pour un deux-
pièces de 26 m2 dans le Marais, qui
connaissez se loue d’habitude plutôt 230 euros
pas ! »
brigitte cottet,
la nuit. Des chiffres qui expliquent à
eux seuls l’intérêt fulgurant pour la
présidente location de courte durée dans l’op-
de l’association tique des JO.
des résidents Mais derrière l’aspect financier,
de la vieille ville
certains rappellent l’envers du dé-
que pas », souligne une mère de fa-
mille. Les témoignages de (très)
mauvaises expériences de ce genre
sont légion. Au-delà des déconve-
nues individuelles, parfois lourdes
de conséquences, et des périodes
très spécifiques comme les JO, l’es-
sor des locations de courte durée
inquiète les élus et riverains des zo-
nes concernées, facilement recon-
naissables à leurs nombreuses boî-
tes à clés installées près des portes
d’immeubles.
Services publics menacés
À Paris, Annecy (Haute-Savoie) et
Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), au
Pays basque ou ailleurs, les retours
d’expérience sont les mêmes. Pre-
mières conséquences : le bruit – va-
lises à roulettes sur les pavés, va-et-
vient dans les immeubles, soirées
répétées… - et les incivilités – no-
tamment en matière de saleté et de
gestion des ordures. « Il n’y a quasi
aucun recours possible : vous avez
affaire à des gens de passage qui s’en
fichent, à des conciergeries qui sont
là pour faire le ménage en une demi-
l’association des résidents de la
vieille ville d’Annecy. Les proprié-
taires du studio situé juste au-des-
sus de chez Marielle*, qui occupe un
appartement dans une rue montant
vers le château d’Annecy, habitent
ainsi au Mexique…
Parfois, les nuisances sont bien
plus dérangeantes. Chloé, Bayon-
naise de 30 ans, a ainsi découvert
que l’appartement voisin du sien
accueillait certes des familles ou
amis venus découvrir le Pays bas-
que, mais aussi des prostituées.
« Les mêmes filles sont revenues à
plusieurs reprises. Et, par le judas de
ma porte, je voyais plusieurs fois par
jour des hommes seuls attendre sur le
palier… On ne se sentait pas en sécu-
rité. On est censés être dans une ré-
sidence calme et on se retrouve au
milieu d’un réseau comme ça ! »
Après avoir prévenu en pure perte
le propriétaire, le gestionnaire, le
syndic et la police, Chloé a fini par
se tourner vers l’association Alda
– « changer », en basque –, qui l’a
soutenue dans ses démarches. De-
puis un mois, l’employée adminis-
temps ?
Dans certains immeubles, des
habitants se retrouvent seuls, en-
tourés uniquement d’appartements
destinés à la location de courte du-
rée, ce qui n’est pas sans consé-
quences sur le lien social. Confron-
tés à l’augmentation des prix et à la
raréfaction des logements, les habi-
tants à l’année ont du mal à trouver
chaussure à leur pied. « Un apparte-
ment en location de courte durée,
c’est un appartement de moins pour
une famille qui veut s’installer », ré-
sume un connaisseur du dossier.
Sur le groupe Facebook « Presqu’île
de Rhuys », plusieurs futurs habi-
tants de ce petit bout du Morbihan
partagent ainsi leurs difficultés à
dénicher un logement pérenne.
« Impossible de trouver une location
à l’année, il n’y a que du saisonnier »,
relate avec angoisse une mère de fa-
mille obligée de s’installer avec
mari et enfant chez ses propres pa-
rents. « Bon courage, c’est le par-
cours du combattant », l’encourage
une autre membre du groupe.
Dans les quartiers les plus tou-

d’annecy
tar de Cannes par exemple, qui cor. « L’offre est tentante. Mais heure et à des propriétaires absents trative a constaté avec soulagement chés, le quotidien des riverains est
n’impose pas de contraintes aux l’appartement d’une proche loué via que vous ne connaissez pas ! », re- que la valse des occupants avait bouleversé. La population se rédui-

mpose aux propriétaires qui veulent louer toute l’année une autorisation de changement d’usage, de logement
mercial, et de compenser les mètres carrés perdus en payant un droit auprès d’un opérateur spécialisé.
ille
taires particuliers peuvent louer un logement en meublé saisonnier (en plus de leur résidence principale)
mande de changement d’usage temporaire (quatre ans). À partir de deux logements, il faut compenser
carrés perdus en payant un droit auprès d’un opérateur.
rtiers. Seuls 12,5 % des logements
courtes durées dans la ville fortifiée,
riverains décrivent l’enfer du voisinage avec les locations de courte durée
sant, les services publics, écoles et
autres, se trouvent menacés. « Ça
tue la vie de certains quartiers », dé-
plore Xebax Christy, de l’associa-
tion Alda. Les commerces, eux aus-
si, évoluent. « Là où vous aviez une
boucherie va s’installer une biscuite-
rie, et ainsi de suite », soupire
Franck Rolland, cofondateur du
collectif Saint-Malo, j’y vis, j’y res-
te. « Saint-Malo a toujours été une
ville balnéaire touristique, mais la
nature des visiteurs a changé : on est
passés d’un tourisme de séjour à un
tourisme de passage, de zapping. Et
on ne consomme pas de la même ma-
nière lorsqu’on vient pour deux se-
maines ou pour trois jours », pour-
suit le quinquagénaire.
Coordination nationale
Malouine de très longue date, Ca-
therine* confirme. « Quand je suis
arrivée dans mon immeuble intra-
muros, l’ensemble des appartements
était habité à l’année. Maintenant,
sur trente-cinq appartements, nous
ne sommes plus que cinq… , confie la
sexagénaire, qui a parallèlement vu
la ville « changer ». « Le monde, les
incivilités, la disparition des com-
merces de bouche intra-muros… Ça
Le géant américain
dans le viseur du Québec
Ludovic Hirztmann
Montréal
Aux confins du fleuve Saint-Lau-
rent et du Vieux-Montréal, place
d’Youville, les groupes de touris-
tes se passionnent autant pour les
vieilles pierres que pour un im-
mense bâtiment historique calci-
né. Transformé en partie en coû-
teuses locations Airbnb, il a été
ravagé par un incendie à la mi-
mars. Sept touristes et résidents
locaux sont morts et neuf autres
ont été blessés. Des chambres
n’avaient pas de fenêtres. Le dra-
me a bouleversé les Québécois. Il a
mis en lumière l’illégalité dans la-
quelle opère la plateforme améri-
caine au Canada.
Selon plusieurs sources, 90 %
des logements loués via Airbnb ne
possédaient pas de certificats de
location touristique en mars. Une
bonne partie des hôtes louaient
leurs appartements dans des quar-
tiers interdits à cette activité. Le
porte-parole du ministère du
Tourisme, Jean-Michel Teatonio,
déclare au Figaro, qu’il « n’y a
aucun lien de cause à effet entre
l’hébergement collaboratif et la tra-
gédie » du Vieux-Montréal, tout
en tempérant dans l’attente des
résultats de l’enquête. Si elle n’a
pas encore révélé les causes préci-
ses du sinistre du Vieux-Montréal,
les Airbnb de la métropole sont
souvent loués sans normes de sé-
curité anti-incendie dignes de ce
nom, alors que les structures des
habitations sont en bois.
Après avoir laissé la situation se
dégrader pendant des années, la
ministre du Tourisme a tout de
même rencontré les dirigeants
BAyonne
La ville demande depuis mars une autorisation de changement d’usage - de logement
à local commercial - et une compensation des mètres carrés perdus. Un régime dérogatoire existe
pour les biens loués à des étudiants, vides l’été ou en cas de location de la résidence principale.
devient insupportable ! », tempête la son côté, la ville de Paris a mis en
retraitée. place un double mécanisme : une
Face à ce « tsunami Airbnb », limite de 120 jours de location par
certaines collectivités s’illustrent an pour les résidences principales,
en imposant de nouvelles règles un système de compensation pour
(lire ci-dessus). À partir de ce les résidences secondaires.
1er juin s’appliqueront à Annecy Les militants anti-Airbnb vont
des quotas de meublés de tourisme parfois bien plus loin que ces nou-
par quartiers, suivant ainsi velles réglementations, qu’ils sou-
l’exemple de Saint-Malo, où la tiennent par ailleurs. Pour « média-
même formule est en vigueur de- tiser le sujet », l’association Alda a
puis juin 2021. Une initiative dont ainsi occupé à plusieurs reprises des
se réjouit le collectif Saint-Malo, biens en location de courte durée
j’y vis j’y reste, qui regrette toute- dans le Pays basque. Dans le très
fois l’absence de contrôles et donc touristique quartier du Panier, à
de sanctions. L’instauration de ces Marseille, des tags « Airbnb dehors »
quotas a par ailleurs eu des consé- fleurissent sur les murs ocre, tandis
quences collatérales sur les villes que dans celui de la Plaine un pro-
voisines, où se sont rabattus des priétaire a eu la désagréable surpri-
investisseurs. D’où l’intérêt d’agir se de découvrir son appartement
en collégialité, comme l’a fait la vandalisé. « Les logements, c’est
communauté d’agglomération du pour vivre, pas pour se faire de l’ar-
Pays basque. Depuis le 1er mars gent ! », « Airbnb fait exploser les
2023, un système de compensation loyers, dégagez ! », était-il notam-
a ainsi été instauré dans 24 com- ment inscrit en violet sur les murs,
munes, parmi lesquelles Biarritz, rapportait le site d’information
Bayonne ou encore Saint-Jean- Marsactu en mars dernier.
de-Luz. Désormais, pour proposer Plusieurs collectifs de riverains
son appartement sur Airbnb, un créés partout en France ces der-
propriétaire doit mettre en loca- nières années ont décidé de fonder
tion à l’année un autre bien simi- une « coordination nationale » qui
laire, dans la même commune. De tient sa première conférence de
le figaro mercredi 31 mai 2023
l'événement 23
En cette
période
d’inflation,
d’Airbnb Canada et déposé ce Airbnb permet
printemps un projet de loi pour
punir la plateforme de aux familles
100 000 dollars par annonce frau- françaises
duleuse. Les propriétaires dans
l’illégalité sont, eux, parfois de louer
condamnés à des amendes allant leur logement
de 2 500 à 3 000 dollars, pas assez
toutefois pour être dissuasives au - généralement
regard des profits générés. De
plus, les procès durent des années.
leur plus grande
La direction d’Airbnb sait que dépense -
c’est là le point faible des autorités,
tout comme le manque d’inspec-
pour générer
teurs pour faire respecter la régle- un complément
mentation et la complicité passive
des maires. « Airbnb est clairement
de revenus, ce
une manne financière. La taxe peut qui les aide bien
atteindre 10 % par nuitée dans cer-
taines villes », note Mohamed Reda
souvent à payer
Khomsi, directeur des cycles su- leurs charges
périeurs en tourisme à l’École des
sciences de la gestion de l’univer- et à faire face à
sité du Québec à Montréal. La po- l’augmentation
du coût
“ Les annonces
illégales de la
de la vie
airbnb
»
ANtOINE DUmONt/DIVErgENCE ; VALLAUrI NICOLAS/mAXPPP ; EmrAH OPrUKCU/NUrPHOtO VIA AFP ; DAmIEN mEYEr/AFP ; VACHErON A/ANDBZ/ABACA
plateforme sont
passées de 14 000
en mars dernier
à un peu plus de 7 800.
86
49,4 % des annonces
ne détiennent pas de
licence actuellement
MohaMed reda KhoMsi,
” millions
école des sciences de la gestion Nombre de nuitées
de l’Université dU QUébec à Montréal
réservées en France
en 2022 sur Airbnb,
sition des autorités québécoises est en hausse de 29 %
d’ailleurs ambiguë. Montréal fait sur un an
face à une crise du logement et re- (Source : AirDNA)
chigne à interdire des locations.
Sans être parfaite, la stratégie
120
québécoise a donné quelques ré-
sultats. En deux mois, le nombre
de locations en Airbnb a été dimi-
nué par deux. « Les annonces illé-
gales de la plateforme sont passées
de presque 14 000 en mars dernier à
jours
Nombre maximum
un peu plus de 7 800 », précise au
Figaro le professeur Khomsi. de nuitées par an
49,4 % des annonces ne détiennent autorisées pour un
pas de licence actuellement. » particulier louant sa
Mais rien ne dit que cela va du- résidence principale
rer, d’autant que des propriétaires
3 900
inscrivent de faux numéros de li-
cence. Au lendemain du drame, le
PDG d’Airbnb Canada, Nathan
Rotman, avait promis à la minis-
tre du Tourisme du Québec, Caro-
line Proulx, de supprimer les an-
nonces ne disposant pas d’un
euros
Revenu annuel
« numéro de certificat d’enregis- médian des hôtes
trement », tout en s’inquiétant
« des répercussions sur des milliers
Airbnb en France.
d’hôtes québécois qui comptent sur (Source : Airbnb)
ce revenu pour arrondir leurs fins
de mois ». Ces derniers jours, Air-
bnb demande à Québec de faire
lui-même les vérifications d’usa-
ge sur les annonces ! ■
presse ce mercredi. Début mai, dire à ceux qui veulent « arrondir
quatre parlementaires ont par leurs fins de mois » de louer leur lo-
ailleurs lancé un « appel transpar- gement quelques jours, mais de pé-
tisan » pour mieux « encadrer les naliser « ceux qui transforment des
locations touristiques ». Julien appartements, voire des immeubles
Bayou, député écologiste de Paris, entiers, en locations courte durée,
Christophe Plassard, député Hori- spéculant sur le manque de loge-
zons de Charente-Maritime, Inaki ments et alimentant à dessein la pé-
Echaniz, député socialiste des Py- nurie d’habitations pour les popula-
rénées-Atlantiques, et Max Bris- tions locales ».
son, sénateur Les Républicains des En attendant que la situation soit
Pyrénées-Atlantiques, ont formu- prise en compte au plus haut niveau
lé sept propositions. Parmi elles, la de l’État, les riverains concernés se
réduction du nombre de nuitées débrouillent comme ils peuvent. À
autorisées pour la location de sa Bayonne, Chloé n’a pas perdu l’ha-
résidence principale. bitude de jeter un œil à travers son
judas. À Annecy, Marielle s’accro-
« Villages fantômes » che envers et contre tout au quar-
Cette initiative est d’ores et déjà tier qu’elle a tant aimé, même si
soutenue par de nombreux élus. tous ses amis « fuient la vieille ville ».
Une cinquantaine d’entre eux ont À Saint-Malo, Catherine s’échappe
notamment signé une tribune en ce dans sa maison de campagne dès
sens dans le JDD. « Nous constatons qu’elle voit les longs week-ends ou
amèrement que nos territoires les les vacances scolaires arriver. La
plus touristiques se vident de leurs retraitée songe même à déménager
habitants, et certaines destinations dans un quartier moins touristique
ressemblent aujourd’hui à des villes de la cité corsaire. « Je ne me sens
ou des villages fantômes », écrivent plus chez moi, ni dans mon immeuble
ces maires de tous bords, qui dé- ni à Saint-Malo intra-muros. Je n’ai
noncent une situation « parfaite- rien contre les touristes, mais là,
ment inacceptable ». Selon les si- c’est trop, je n’en peux plus ! » ■
gnataires, l’idée n’est pas d’inter- * Les prénoms ont été modifiés.
 mercredi 31 mai 2023 le figaro
24 EntrEprisEs
GUillaUMe errarD
£@GuillaumeErrard
immobilier « L’immobilier est
entré dans une nouvelle ère. » Fini
les crédits qui se décrochent aisé-
ment et les logements qui se ven-
dent en quelques jours. Sauf pour
ceux qui sont exceptionnels. Mais
tout le monde n’a pas les moyens
de s’en offrir un. En effet, la plu-
part des ménages n’arrivent plus à
acquérir un logement : à cause de
la hausse des taux, leur capacité
d’emprunt moyenne est passée,
en dix-huit mois, de 200 000
euros sur 20 ans à 150 000 euros,
selon le courtier Meilleurtaux.
Conséquence : les ventes im-
mobilières ont chuté de plus de
10 % en un an et demi. À cette al-
lure-là, la barre symbolique du
million de transactions, dépassée
ces 4 dernières années, sera fran-
chie à la baisse. « On a l’habitude
de dire que l’année (immobilière)
se fait au printemps. Ce principe est
à reconsidérer », analyse Me Élo-
die Frémont, présidente de la
commission statistique des notai-
res du Grand Paris.
La nouveauté ? La fièvre bais-
sière à l’œuvre depuis plusieurs
mois à Paris et en Île-de-France
commence à se répandre en pro-
vince. Jusque-là épargnée car très
prisée par les ménages depuis la
crise sanitaire, la province semble
subir le même sort que la région
parisienne : les ventes et les prix
reculent. Sur un an, il n’est plus
question de flambée qui pouvait se
matérialiser à deux chiffres, pour
certaines villes proches de Paris,
mais de hausses plus modérées :
+ 3,9 % au premier trimestre 2023,
selon l’indice Notaires-Insee, qui
fait référence. C’est bien la preuve
que, sur des périodes plus courtes,
les prix de l’immobilier en région
sont en train de baisser.
« Envolée
des taux de crédit »
C’est le cas dans les Pays de la
Loire, le Grand Est ou encore les
Hauts-de-France, où les prix ont
baissé respectivement de 0,2 % et
de 0,8 % entre le dernier trimes-
tre 2022 et le premier trimestre
2023, selon la Fédération natio-
nale de l’immobilier (Fnaim). Ces
diminutions sont encore plus
marquées pour les maisons :
- 1,2 % dans les Hauts-de-France,
- 0,5 % en Auvergne-Rhône-Al-
pes et - 0,3 % en Provence-Alpes-
Côte d’Azur, sur la même période,
selon les notaires et l’Insee.
En Île-de-France, les reculs de
prix sont déjà plus prononcées,
autour de - 1 % (sur la même pé-
riode) pour les appartements
comme pour les maisons. Et ces
diminutions devraient s’accen-
tuer dans les prochains mois, se-
lon les prévisions des notaires, qui
Énergie : le défi de la sécurité d’approvisionnement
Les députés Raphaël Schellenberger et Antoine Armand veulent que l’exécutif capitalise sur leur travail.
EntrEtiEn
Bertille Bayart £@BertilleBayart
Énergie Leur rapport insistait sur
la nécessité d’une plus grande asso-
ciation des parlementaires aux dé-
cisions de politique énergétique et
au suivi de leur exécution. Alors les
députés Raphaël Schellenberger
(LR) et Antoine Armand (Renais-
sance), avec les membres du bureau
de la commission d’enquête sur la
souveraineté énergétique, que le
premier a présidée et dont le second
était rapporteur, ont rendez-vous
ce mercredi avec la ministre de la
Transition énergétique, Agnès
Pannier-Runacher.
Un premier rendez-vous qui en
appelle d’autres. « Le gouvernement
n’est plus habitué à travailler avec le
Parlement. Là, on a mis le pied dans
la porte », sourit Raphaël Schellen-
berger. Les deux députés soulignent
l’acquis de leur travail : « Avoir
construit un consensus large, trans-
partisan, sur la nécessité de produire
à l’avenir plus d’énergie, et décarbo-
née. » Mais, « nous avons aussi
constaté pendant nos travaux que les
bonnes intentions ne débouchaient
A
pas toujours sur des actions concrè-
tes », explique Antoine Armand.
Les prix immobiliers n'ont pas pu résister à plus d'un an de baisse des ventes
Nombre de transactions de logements
anciens cumulé sur 12 mois, en millions par trimestre
1,2
1 million
0,8
0,6
0,4
0,2
0 0
2000 2005
Sources : Insee, notaires de France et du Grand Paris ; Ministère de la transition écologique et bases notariales
Immobilier : la baisse des prix
se propage partout en France
Pour la première fois depuis 2015, les prix immobiliers ont reculé pour les ventes dans
le logement ancien. Après Paris, les régions sont désormais touchées par le phénomène.
20 %
Baisse des prix
qui pourrait être
nécessaire,
à environnement
de taux constant,
pour permettre
aux acquéreurs
de décrocher un crédit
Les parlementaires et l’exécutif
sont dans la même galère : il s’agit
d’aborder le « mur énergétique » qui
s’annonce à l’horizon 2030. Dans
les colonnes du Figaro la semaine
dernière, la ministre a repris à son
compte cette expression choc du
rapport de la commission d’en-
quête. Une preuve que le sujet est
« maintenant abordé avec lucidité »,
estime Antoine Armand.
« Le prix de la stabilité »
« On ne pourra pas se contenter
d’effets de manche », avertit Ra-
phaël Schellenberger. Leur exigen-
ce de décisions concrètes a vocation
à mettre à l’épreuve la discussion à
venir de la loi énergie-climat et de
la programmation pluriannuelle de
l’énergie. Le cocktail de solutions
pour passer l’obstacle à l’échéance
2030 fait consensus, entre les ef-
forts de sobriété, l’augmentation du
productible nucléaire chez EDF et le
déploiement rapide des énergies
renouvelables (éolien offshore no-
tamment).
« Il faut que les lois d’accélération
soient suivies d’effets. Mais il faut
aussi traiter des sujets moins visibles,
mais dont le déclenchement devient
urgent, comme celui des ressources
minières », note Antoine Armand.
3e trimestre 2021
1 200 000 transactions
1er trim. 2023
1 069 000
2010 2015 2020
s’attendent à un recul de 5 % pour
les appartements (6 490 euros/m²)
et de plus de 3% pour les maisons
(355 300 euros en moyenne).
Les vendeurs campent
sur leurs positions
Ces baisses sont-elles une bonne
nouvelle pour le marché ? « La
baisse des prix de l’immobilier n’est
pas une mauvaise nouvelle, à
condition qu’elle s’accompagne
d’une hausse des ventes. C’est loin
d’être le cas », décrypte Élodie
Frémont. Ces (très) légères baisses
de prix sont donc annonciatrices
d’un marché qui est en train de se
gripper, en région parisienne
comme en province.
« Depuis la crise sanitaire, le
marché immobilier de la province
ressemble à celui de la grande cou-
ronne parisienne, qui subit de plein
Raphaël Schellenberger s’inquiète
pour sa part que l’on continue à
« mettre la poussière sous le tapis, en
ne se pressant pas d’avoir le débat
sur le sujet clef du financement ». Il
appelle à déconstruire le modèle
actuel pour clarifier les coûts, de
réseau notamment. Autrement dit,
« il n’est pas question que le nouveau
nucléaire paie le coût du nouveau ré-
seau qui sera nécessaire pour gérer
l’intermittence des ENR ».
Les travaux de la commission
d’enquête ont braqué les projec-
teurs sur l’enjeu de la sécurité d’ap-
provisionnement, trop longtemps
ignoré dans la formation de la poli-
tique énergétique. Les deux députés
en font un point de départ. Une
préoccupation qui se décline dans
toutes leurs attentes. Ainsi de la ta-
rification future de l’électricité,
alors que se négocie le système qui
succédera à l’Arenh et que les en-
treprises, industrielles en particu-
lier, réclament d’avoir accès à une
énergie compétitive pour réussir
leurs projets de réindustrialisation
ou de décarbonation.
« Elles sont prêtes cependant à
payer plus que par le passé pour peu
qu’on ne les mette pas en risque de
ruine comme l’automne dernier. Ce
prix supplémentaire doit être raison-
Indices des prix des logements anciens en France métropolitaine
140
120
100
80
60
40
20
2023
fouet l’envolée des taux de crédit,
explique Me Thierry Delesalle, no-
taire à Paris. La province va-t-elle
suivre la même évolution que la
grande couronne ? J’ai bien peur
que oui. Le pessimisme de ce no-
taire vient du fait que la cherté du
crédit immobilier frappe toute la
France. La « mise au vert » en pé-
riphérie des grandes villes
provinciales attire toujours les
ménages mais le coût du crédit,
couplé à la hausse du carburant,
de l’électricité, des éventuels
travaux de rénovation ou encore
des abonnements téléphoniques
plombe le pouvoir d’achat des
ménages.
Conséquence : les acheteurs
doivent faire un choix entre re-
porter ou abandonner leur projet
immobilier, et faire des sacrifi-
ces sur la surface. Pour l’heure,
assemblée nationale
Appartements Maisons
136,2 136,2
Province
2000 2005 2010 2015 2020 2023 2000 2005
les vendeurs ne sont pas prêts à
revoir leur prix fortement à la
baisse, comme l’espèrent les
acheteurs. « Les vendeurs doi-
vent prendre conscience que les
prix d’il y a 6 mois ne sont plus
ceux d’aujourd’hui et se dire que
la plupart d’entre eux ne vendent
pas à perte, même s’ils doivent
concéder une baisse », conseille
Me Thibault Gallot-Lavallée, no-
taire à Neuilly-sur-Seine (92).
Au dire des experts interrogés
par Le Figaro, une diminution de
20 % des prix immobiliers serait
nécessaire, à environnement de
taux constant, pour permettre
aux acquéreurs de décrocher un
crédit et ainsi d’accéder à la pro-
priété. « Le prix est de plus en
plus corrélé aux qualités du loge-
ment, fait remarquer Yann Jé-
hanno, président de Laforêt. Les
nable, mais il sera aussi le prix de la
stabilité et de la sécurité d’approvi-
sionnement. » La sécurité d’appro-
visionnement doit aussi devenir un
sujet européen. « Il faut discuter en-
tre pays européens de la façon dont
chacun gère et anticipe son approvi-
sionnement. Le marché européen ne
peut pas être seulement piloté par des
règles financières, mais opération-
La question nelles, pour fiabiliser le système dans
est désagréable son ensemble », explique Raphaël
Schellenberger.
mais peut-être Reste la question clef du mix
faudra-t-il énergétique capable d’assurer la
la poser : sécurité d’approvisionnement,
alors que les travaux publiés ces
les capacités derniers jours par Matignon au titre
thermiques de la planification écologique ou le
de la France rapport de France Stratégies ont
montré combien la voie est étroite.
sont-elles RTE, le réseau électrique, réévalue
suffisantes ? en ce moment ses projections. « La
Faudra-t-il question est désagréable mais peut-
être faudra-t-il la poser : les capaci-
en poursuivre tés thermiques (essentiellement gaz,
l’exploitation NDLR) de la France sont-elles suffi-
plus longtemps santes ? Faudra-t-il en poursuivre
que prévu ?
Antoine ArmAnd,
» l’exploitation plus longtemps que
prévu, voire en prévoir de nouvelles
pour la pointe, surtout si l’alternative
député (renAissAnce)
repose finalement sur du thermique
allemand ? », s’interroge Antoine
Armand.
127,1
125,5
Île-de-France
2010 2015 2020 2023
Infographie
logements standards, qui se ven-
daient, il y a quelques mois, sans
négociations, sont dépréciés. »
Quelques villes, situées sur le lit-
toral Atlantique ou dans le pour-
tour méditerranéen, résistent
encore, mais elles sont de moins
en moins nombreuses.
C’est le cas de Perpignan
(+ 4% sur ces 3 derniers mois),
Nîmes (+ 2,6%), Lorient
(+ 3,5%), de Nice (+ 2,3%) ou
encore de La Rochelle (+ 1,3%),
selon la Fnaim.
Pour éviter que les blocages du
marché immobilier perdurent, le
gouvernement est à l’œuvre.
Bercy envisage d’assouplir les
conditions de crédit, notamment
envers les investisseurs qui sont,
avec les primo-accédants, les
grands perdants du resserre-
ment. ■
La ministre pourra en tout cas
compter sur les deux parlementai-
res pour défendre les choix énergé-
tiques français sur la scène euro-
péenne. Antoine Armand salue la
« victoire diplomatique » qu’a été la
création de l’Alliance du nucléaire à
quinze pays, « alors qu’on s’est
longtemps cru isolé sur ce sujet ». « Il
faut sortir de l’idéologie », affirme
Raphaël Schellenberger, qui tire
son chapeau à l’Allemagne d’avoir
amendé la directive sur l’automo-
bile pour qu’elle intègre d’autres
technologies que l’électrique pour-
vu que ce soit décarboné. Mais,
ajoute-t-il, « ne soyons pas naïfs :
l’Europe est un espace de débat poli-
tique et de règlement des conflits ».
À plus long terme, les députés at-
tendent de l’exécutif qu’il se projet-
te à l’horizon 2050 et au-delà. « Il
faut préparer la suite, la quatrième
génération nucléaire, l’adaptation
de la filière des déchets, explique
Raphaël Schellenberger. L’enjeu est
de donner des perspectives à la filière
sans l’enfermer dans une planifi-
cation, de stimuler la recherche
et l’innovation privée. » « Chiche !,
répond Antoine Armand. Nous de-
vons nous fixer un niveau d’ambition
cohérent avec le consensus politique
qui est désormais possible. » ■
 le figaro mercredi 31 mai 2023

entRepRises 25

Énergie :
quand nos
poubelles
valent de l’or
Biogaz, réseaux de chauffage urbain,
carburants de synthèse… Les déchets
sont de plus en plus valorisés.
deaux, Restovalor collecte La société Restovalor champions de la logistique y pen- que soient les intrants, huiles, roports parisiens en carburants
elsa BemBaron £@elsabembaron 3 000 tonnes de biodéchets ali- (ici Grégory Gaudin sent, pour leurs poids lourds mais graisses animales ou déchets vé- verts.
mentaires par an auprès de gran- et Daniel Folz, aussi pour leurs navires. Des ca- gétaux, la question de la collecte Enfin, quand ils ne viennent pas
Énergie Le développement des des surfaces, restaurants, cantines cofondateurs) vient mions roulant au biométhane est là encore fondamentale. D’elle alimenter des méthaniseurs ou
énergies renouvelables passe par scolaires, marchés… Son objectif d’être acquise à 51% peuvent être utilisés pour la col- dépend la garantie d’un accès à la des bioraffineries, les déchets
par CVE Group, un lecte des déchets, bouclant ainsi le
la case « poubelle ». Les déchets est d’atteindre 15 000 tonnes par ressource, et donc d’une fourni- trouvent aussi leur utilité en étant
producteur indépendant
sont de plus en plus valorisés pour an à l’horizon 2030. De son côté, d’énergies cycle. ture fiable et pérenne de carbu- tout simplement brûlés. Le gou-
devenir une matière première à CVE exploite huit méthaniseurs renouvelables. rants aux compagnies aériennes. vernement pousse au développe-
haut potentiel. Ils servent à pro- - ces sortes de grandes yourtes Rest’O ValOR
Filières en concurrence « La production de ces carburants ment de solutions énergétiques
duire du biométhane, des biocar- utilisées pour produire du biomé- Une concurrence est même en reste limitée faute de filières indus- alternatives, notamment des ré-
burants, ou encore sont brûlés thane - d’une capacité de 25 000 à train de naître entre les différen- trielles suffisamment dévelop- seaux de chaleur urbaine, destinés
pour chauffer des quartiers ou des 30 000 tonnes chacune. tes filières, avec pour enjeu l’accès pées », reconnaît Air France. à chauffer et, dans certains cas, à
villes entières. À condition de Avec cette opération, CVE aux déchets, et plus largement à la Le virage a pourtant été pris. fournir de l’eau chaude aux habi-
parvenir à les collecter. Pour sé- conforte ses positions. Le groupe biomasse (bois, résidus agricoles, TotalEnergies a fait le choix de tants. Cela passe par la construc-
curiser leur accès à cette ressour- marseillais avait déjà mis la main cultures dédiées…). En effet, sou- convertir son site de la Mède tion de structures dédiées ou par
ce, certains acteurs du secteur se sur un premier spécialiste du ra- cieux d’alléger leur bilan carbone, (Bouches-du-Rhône) en bioraffi- le remplacement d’anciens systè-
positionnent en rachetant des massage, le lyonnais Ecovalim, les compagnies aériennes et les nerie pour produire plus de mes à gaz ou au fioul, voire au
spécialistes du ramassage des dé- l’année dernière. « Dans le biomé- avionneurs lorgnent les carbu- 500 000 tonnes de biocarburants charbon. La chaleur issue d’usines
chets. thane, la clé de la réussite sera la rants durables, dits SAF. Ils sont par an. Depuis sa mise en service, d’incinération des ordures ména-
Ainsi CVE Group, un produc- capacité d’accéder aux déchets », élaborés en premier lieu à partir en 2019, la part des déchets et ré- gères est alors récupérée pour
teur indépendant d’énergies re- résume Pierre de Froidefond, as- d’huiles de cuisson usagées, et sidus certifiés n’a cessé d’aug- chauffer les bâtiments. Grâce à ces
nouvelables, vient d’annoncer socié-fondateur et coprésident de dans une moindre mesure à partir menter, pour passer de 6 % des filières, les déchets, devenus ma-
l’acquisition de 51 % des parts de CVE, résumant le point de vue de de graisses animales et enfin de intrants à environ 25 % en 2022. tières premières, sont valorisés et
Restovalor, une start-up spéciali- la plupart des acteurs du secteur. déchets végétaux et forestiers. Les Le solde provient d’huiles végéta- non plus enfouis ou brûlé « à per-
sée dans la collecte des biodéchets Chauffage, mais aussi trans- SAF permettent de réduire d’au les certifiées. Et la major a lancé la te ». Il ne reste plus qu’à les col-
- les trois cofondateurs restant au ports, les débouchés pour les bio- moins 50 % les émissions de CO2 transformation de sa raffinerie de lecter et à les valoriser au mieux
capital de l’entreprise. Basé à Bor- gaz sont déjà nombreux. Les liées au transport aérien. Quels Grandpuits, qui alimentera les aé- pour faciliter leur réemploi. ■

La raTP voit deux lignes du métro du Grand Paris lui échapper

Keolis a été choisi pour être l’opérateur des futures lignes 16 et 17. Une première en région parisienne.
pourien ComfortDelGro, qui ex-

300
d’une attribution dans un cadre Les usagers auront un avant- Ange Debon, présidente du direc-
jean-yves guérin £@jyguerin concurrentiel en Île-de-France (hors goût de la concurrence dès juin ploite le métro de Singapour. Si toire de Keolis promet « une nou-
dessertes aéroportuaires) », expli- 2024 avec l’ouverture de la gare Keolis a remporté la compétition, velle expérience : celle du métro du
transport La concurrence arri- que le groupe. À l’opposé, c’est une Saint-Denis-Pleyel : c’est Keolis c’est qu’il est arrivé avec de solides XXIe siècle, un métro plus efficace,
ve dans le métro parisien. Pas en- claque pour la Régie dirigée par qui gérera cette station sur la ligne références : la filiale de la SNCF est plus connecté et plus humain. »
millions core sur les lignes historiques (1 à
14), où la RATP gardera son mono-
Jean Castex car il ne s’agit pas de
liaisons secondaires : longue de
14 prolongée. La défaite de la RATP
constitue une surprise car elle avait
le leader mondial du métro auto-
matique, or les lignes 15 à 18 seront
Encore faudrait-il que l’État rè-
gle le problème du financement des
d’euros. Le montant pole jusqu’en 2039. Mais sur le 29 km, la ligne 16 disposera de dix un atout : c’est elle qui gère l’in- sans conducteur. transports publics en région pari-
du contrat sur sept ans Grand Paris Express (lignes 15 à 18) gares. Son premier tronçon ouvrira frastructure du métro du Grand sienne. Avec l’ouverture en 2024
en cours de construction. Keolis fin 2026. Quand elle sera finie, elle Paris. Pour Île-de-France Mobilités Problème de financement du prolongement de la ligne 14 jus-
vient d’être préféré à la RATP pour reliera Saint-Denis-Pleyel à Noisy- qui attribue les contrats, la tenta- En France, elle opère ceux de Lille, qu’à Orly au sud et Saint-Denis au
exploiter les lignes 16 et 17. Un Champ et accueillera 200 000 pas- tion aurait pu être grande de ne pas de Lyon et de Rennes. À l’interna- nord, le prolongement du RER E
contrat aux alentours de 300 mil- sagers par jour. Plus que la ligne 10 dissocier l’exploitation des lignes et tional, elle gère notamment ceux de jusqu’à Nanterre et celui de la ligne
lions qui « débutera en juillet 2023 (183 000 clients quotidiens). la maintenance du réseau ferré. Dubaï et de Shanghaï. En Île-de- 11 jusqu’à Rosny-sous-Bois, Valérie
pour une durée minimum de sept ans Quant à la ligne 17, dont le pre- Pour maximiser ses chances de France, Keolis emploie déjà Pécresse, qui préside Île-de-France
et maximum de dix ans », souligne mier tronçon doit aussi entrer en rafler la mise, la RATP avait en 5 000 personnes. Des personnels Mobilités, a besoin de 800 millions
Île-de-France Mobilités. fonctionnement fin 2026, 60 000 outre répondu à cet appel d’offres qui œuvrent sur les bus en grande supplémentaires. « Je n’ouvrirai
La filiale de la SNCF ne cache pas clients quotidiens sont attendus sur pour les lignes 16 et 17 avec deux couronne et sur quelques tramways pas ces lignes si nous ne sommes pas
sa satisfaction : « Il s’agit des pre- ce tracé qui ira de Saint-Denis au partenaires de premier plan : le fa- dont le T9 (porte de Choisy-Orly). en mesure de les financer », me-
mières lignes de métro faisant l’objet Mesnil-Amelot. bricant de trains Alstom et le singa- Avec les lignes 16 et 17, Marie- nace-t-elle. ■

la séance du Mardi 30 Mai la valeur du jour hrousseau@lefigaro.fr

LE CAC JOUR %VAR. +HAUTJOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12 JOUR %VAR. +HAUTJOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12

AIR LIQUIDE ........................... 159,58

AIRBUS ..............................................124,44
-0,05 160,38
-0,67 125,38
158,98
123,58
0,15
0,091
+20,53
+12,09
MICHELIN ..............................................27,43
ORANGE ..............................................11,218
-0,15
-1,42
27,62
11,398
27,35
11,122
0,123
0,24
+5,56
+20,87
Valeo noue un partenariat
ALSTOM ..............................................26,2
ARCELORMITTAL SA ........................... 23,735
AXA .............................................. 26,965
-1,13
-1,8
26,79
24,325
-1,05 27,33
26,07
23,715
26,945
0,256
0,399
0,154
+14,81
-3,42
+3,49
PERNOD RICARD ...........................
PUBLICIS GROUPE SA .....................
204,8

RENAULT ..............................................
70,54
32,695
-2,89
+0,37
-1,03
211
70,98
33,41
203,5
70,28
32,695
0,195
0,162
0,228
+11,46
+18,71
+4,54
dans les robots-taxis avec didi
BNP PARIBAS ACT.A ........................... 55,29 -1,44 56,56 55,05 0,321 +3,83 SAFRAN .............................................. 137,76 -0,06 138,22 136,9 0,118 +17,82
BOUYGUES ..............................................
30,17 -1,05 30,55 30,17 0,246 +7,6 SAINT GOBAIN ........................... 53,25 -0,71 54,1 53,08 0,161 +16,65 L’équipementier automobile français standards du niveau 4 et doit ainsi per-
CAPGEMINI ..............................................
152,4 -1,2 155,45 152,25 0,203 -2,28 SANOFI ..............................................94,31 -1,13 96,56 94,02 0,131 +4,98
Valeo a dévoilé lundi un « accord de mettre au véhicule de naviguer de ma-
CARREFOUR ..............................................
17,41 -1,94 17,8 17,41 0,164 +11,32 SCHNEIDER ELECTRIC ..................... 164,6 +0,3 166,96 162,3 0,114 +25,92
CREDIT AGRICOLE ...........................10,732 -1,38 10,978 10,732 0,308 +9,16 SOCIETE GENERALE ........................... 22,31 +1,41 22,565 21,91 0,948 -4,98 coopération stratégique et d’investis- nière autonome et en toute sécurité.
DANONE ..............................................55,72 -2,76 57,44 55,46 0,224 +13,18 STELLANTIS NV ........................... 14,7 -0,43 14,912 14,7 0,065 +10,78 sement » avec le géant chinois des Les travaux de Valeo et DiDi Autono-
DASSAULT SYSTEMES ........................... 40,75 +1,07 41,44 40,35 0,103 +21,66 STMICROELECTRONICS ..................... 40,66 +1,16 41,7 40,21 0,258 +23,23 voitures avec chauffeurs DiDi Auto- mous Driving permettront d’adjoindre
ENGIE .............................................. 14,06 +1,02 14,112 13,924 0,179 +5,02 TELEPERFORMANCE ........................... 143,05 -2,22 146,85 143,05 0,465 -35,77 CLÔTURE nomous Driving pour développer en- à la voiture ainsi équipée un pilote de
ESSILORLUXOTTICA ...........................
EUROFINS SCIENT. ...........................61,36
174,98 -0,22 177,28
-0,49 62,14
174,3
61,24
0,083
0,112
+3,42
-8,5
THALES ..............................................
TOTALENERGIES ...........................53,82
132,3 -1,38
-3,43
134,45
55,73
131,75
53,82
0,091
0,201
+10,9
-8,24 DU CAC 40 semble des solutions de sécurité pour sécurité automatique (Automated

-1,29 %
HERMES INTL ........................... 1953,4 +0,27 1984 1941,6 0,049 +35,18 UNIBAIL-RODAMCO-WE ..................... 43,89 +1,04 44,34 43,22 0,315 -9,75 les robots-taxis tandis que l’utilisation Safety Pilot). Ce second système de
KERING ..............................................513,3 -0,27 520,4 511,8 0,099 +7,95 VEOLIA ENVIRON. ...........................27,24 +0,59 27,4 27,07 0,163 +13,5 de véhicules autonomes commence à capteurs et de logiciels assurera la re-
L'OREAL ..............................................
404,2 -0,97 410,55 402,05 0,054 +21,16 VINCI .............................................. 107,52 -0,92 108,9 107,18 0,121 +15,25 se développer dans le monde. Les dondance du dispositif principal en cas
LEGRAND ..............................................89,02 +0,56 89,92 88,1 0,217 +18,98 VIVENDI SE ........................... 8,454 -0,24 8,55 8,454 0,161 -5,16 à 7209,75 points deux partenaires vont mettre en com- de défaillance, et inclura des fonctions
LVMH .............................................. 836 -0,48 848,7 835 0,07 +22,96 WORLDLINE ..............................................
36,85 -2,02 37,79 36,85 0,221 +0,88
mun leur savoir-faire au profit de ser- de sécurité supplémentaires. Le pilote
vices de conduite autonome « sûrs, de sécurité automatique sera ainsi ca-
LES DEVISES MONNAIE 1 EURO=
LʼOR VEILLE 31/12 fiables, confortables et rentables ».
En investissant dans DiDi Autono-
pable de prendre le contrôle du robot-
taxi et d’exécuter des actions afin de
AUSTRALIE ................................................................................
DOLLAR AUSTRALIEN 1,6397 AUD
Cotation quotidienne assurée par Or en Cash
CANADA ................................................................................
DOLLAR CANADIEN 1,4586 CAD https://www.orencash.fr/investissement/ mous Driving, Valeo espère soutenir le garantir la sécurité des passagers et
GDE BRETAGNE ................................................................................
LIVRE STERLING 0,8637 GBP « développement de long terme d’un des autres usagers de la route.
Lingot 1KG ................................. 58 740,4€ +7,15 %
HONG KONG ................................................................................
DOLLAR DE HONG KONG 8,4158 HKD
JAPON ................................................................................
YEN 150,01 JPY
Lingot 100g ................................. 5 885,04€
Lingot 50g ................................. 2 949,52€
+1,62 %
+0,49 %
acteur clé de l’avenir de la conduite Valeo développe depuis plusieurs
SUISSE ................................................................................
FRANC SUISSE 0,969 CHF 1 838,13€
Lingot ONCE (31,10g) ................................. +0,44 % autonome ». Valeo et DiDi Autono- années des solutions pour les véhicu-
1

ETATS-UNIS ................................................................................
DOLLAR 1,0744 USD
TUNISIE ................................................................................
DINAR TUNISIEN 3,3144 TND
Lingot 10g .................................
Lingot 2,5g .................................
598,6€
157,58€
+0,1 %
-2,75 %
mous Driving mettront notamment en les autonomes. Son capteur LiDAR, qui
MAROC ................................................................................
DIHRAM 11,103 MAD 2OFr NAPOLÉON .................................366,67€ +6,92 % place une équipe commune de recher- permet la détection d’objets, d’obsta-
TURQUIE ................................................................................
NOUVELLE LIVRE TURQUE 21,9118 TRY 20Fr SUISSE ................................. 362,57€ +6,97 % che afin de développer des systèmes cles et l’estimation de la distance par
EGYPTE ................................................................................
LIVRE EGYPTIENNE 33,0868 EGP SOUVERAIN ................................. 457,41€ +7,63 %
KRUGGERAND ................................. 1 954,71€ +4,64 % de sécurité plus performants pour les laser, a déjà séduit plusieurs construc-
A

CHINE ................................................................................
YUAN 7,599 CNY
50 PESOS ................................. 2 334,74€ +7 %
INDE ................................................................................
ROUPIE 88,7985 INR 10 DOLLARS ................................. 954,28€ +6,62 % prochains robots-taxis. Le système teurs, dont Stellantis. Le titre Valeo a
ALGERIE ................................................................................
DINAR ALGERIEN 146,4518 DZD 20 DOLLARS ................................. 1 909,56€ +6,74 % principal du robot-taxi répond aux grimpé de 0,77 %, lundi, à 19,09 euros. ■

VALEURS LIQUIDATIVES EN EUROS (OU EN DEVISES), HORS FRAIS

VALEUR DATE DE
LIQUID. VALORISAT.
Cybèle Asset Management
37 av. des Champs-Elysées
 mercredi 31 mai 2023 le figaro
26 médias et publicité
Première étape
du renouveau
de « La Provence »
Le quotidien
régional de CMA
CGM revoit
sa formule et va
investir 5 millions
d’euros dans
le numérique.
PhiliPPe larroque£@Philarroque
et claudia cohen
£ @ClaudiaECohen
Presse « La Provence change,
alors on change La Provence »,
martèle la campagne de communi-
cation déployée dans les départe-
ments des Bouches-du-Rhône, du
Vaucluse et des Alpes-de-Haute-
Provence. Pour séduire les jeunes
lecteurs, le quotidien régional, qui
déménagera l’année prochaine à
200 mètres du Vieux-Port, a même
fait appel au populaire rappeur
marseillais Jul, qui illustre l’une des
affiches.
Sept mois après son rachat par le
groupe CMA CGM du milliardaire
Rodolphe Saadé, La Provence enga-
ge « la première étape de son renou-
veau », souligne son directeur gé-
néral, Gabriel d’Harcourt. Cet
ancien dirigeant de La Voix du
Nord, recruté par l’armateur mar-
seillais en fin d’année 2022, est fier
de dévoiler depuis mardi la nouvel-
le identité visuelle et le nouveau
logo, « plus modernes et plus épu-
rés », et une maquette « plus aérée
et plus dynamique », premiers si-
gnes visibles pour le lecteur du re-
nouveau graphique du quotidien
basé dans la Cité phocéenne. Ce
chantier, qui repose sur un nou-
veau projet éditorial, fait suite à un
vote de la rédaction « à 94 % favo-
rable au projet présenté par le direc-
Recruter
Amener quelqu’un à faire partie d’un groupe.
Sélectionnez et embauchez vos futurs collaborateurs.
A
teur de la rédaction, Aurélien Viers
(ex-responsable du pôle vidéo du
Parisien arrivé en mars, NDLR) »,
rappelle Gabriel d’Harcourt. Il
ajoute : « Ce processus de vote cor-
respond à un engagement de l’ac-
tionnaire lors de la reprise » du jour-
nal. Avec sa nouvelle promesse
- « Plus clair, plus innovant, plus
proche de vous » -, La Provence
montre « son engagement à être le
partenaire de confiance des habi-
tants de la région, en délivrant des
informations de qualité, proches de
leurs préoccupations et en phase
avec leur vie quotidienne », indique
le quotidien né de la fusion du Pro-
vençal et du Méridional en 1997.
Résultat négatif
de 12 millions d’euros
Cette nouvelle identité n’est que
l’un des maillons de la stratégie de
développement du groupe de pres-
se qui contrôle aussi Corse Matin.
Après une âpre bataille avec Xavier
Niel (fondateur de Free, propriétai-
re de Nice Matin et actionnaire du
Monde), La Provence avait été re-
prise à la barre du tribunal en octo-
bre 2022 par CMA CGM pour
81 millions d’euros (soit quatre fois
plus que sa valorisation estimée).
Depuis, le journal s’est lancé
dans un plan de transformation
global de l’entreprise, baptisé
« Mistral gagnant ». « L’objectif est
de positionner, d’ici à quatre ans,
La Provence en tant que média réfé-
rent en France, en termes de qualité
éditoriale, de modernité et de RSE. Il
englobe en particulier la transfor-
mation éditoriale, la transformation
digitale et data, la transformation de
la régie vers une agence conseil mé-
dias, la mise en œuvre d’une straté-
gie de marque claire, la diversifica-
tion des sources de revenus, le
déploiement d’un outil d’impression
performant et l’amélioration du mo-
dèle de diffusion », précisent ses di-
rigeants.
La nouvelle direction entend
également remettre les comptes
emploi.lefigaro.fr
dans le vert. En 2022, La
Provence - qui compte
plus de 600 collabora-
teurs (dont 180 journa-
listes) - a enregistré un
résultat négatif (Ebitda)
de 12 millions d’euros
pour un chiffre d’affaires
de 50 millions. Avec neuf
éditions, le journal a vu
sa diffusion France payée
reculer de 6,2 %, à
68 806 exemplaires, selon
les données de l’Alliance
pour les chiffres de la
presse et des médias
(ACPM).
Comme de nombreux
confrères de la presse
quotidienne régionale, La
Provence accuse un retard
dans sa digitalisation. Sa
diffusion numérique n’at-
teint que 14 000 exemplai-
res par jour, dont
8 500 abonnés individuels, selon les
chiffres avancés par sa direction.
Pour renverser la vapeur, le groupe
a prévu d’investir 5 millions
d’euros en 2023 sur le digital pour
soutenir ses deux quotidiens.
Nouvelle imprimerie
Un nouveau site web et une nou-
velle application mobile devraient
être dévoilés dès cet automne.
« Ces nouveautés visent à moderni-
ser les plateformes numériques afin
de mieux répondre aux attentes des
lecteurs », indique l’éditeur. « Avec
13,8 millions de visites totales en
avril, notre audience sur le web a
progressé de 44 % par rapport à
avril 2022, soit la meilleure progres-
sion de la PQR », se félicite Gabriel
d’Harcourt. Le prochain rachat par
Rodolphe Saadé de La Tribune, bien
implantée en région et sur le nu-
mérique, pourrait aussi accélérer
les synergies entre les médias de
CMA CGM qui est également entré
au capital de Brut et de M6 (à plus
de 10 %). Enfin, ces « premiers
changements, symboles d’une
transformation en marche », selon Avec neuf éditions,
les termes du directeur général du La Provence a vu
groupe, seront complétés fin 2024 sa diffusion France
par « la modernisation » de sa plate- payée reculer de 6,2 %,
à 68 806 exemplaires.
forme d’impression. Elle « passera
par le changement de format du La Provence
journal en tabloïd, et la construction
d’un nouveau site d’impression
au Cannet-des-Maures, commun
avec Nice Matin », précise-t-il. La
création de cette coentreprise fait
partie de l’accord conclu fin
août 2022 entre CMA CGM et NJJ, le
holding de Xavier Niel, qui avait
fini par céder à l’armateur ses 11 %
de parts dans La Provence pour plus
de 10 millions d’euros. ■
La chaîne d’info LCI
fait jeu égal avec CNews
Après avoir talonné sa rivale ces derniers mois,
l’antenne du groupe TF1 continue son ascension.
caroline sallé £@carolinesalle
Audiovisuel La rentrée dernière,
LCI affichait une forme olympique.
La voilà désormais prête à cham-
bouler le tiercé gagnant des chaînes
d’information en continu. BFMTV,
bien qu’en forte baisse sur un an
(- 0,5 point), conserve en mai tou-
jours sa place de leader avec 2,9 %
de l’audience. Mais, juste derrière,
la seconde place du podium est
aujourd’hui très challengée. Après
avoir talonné CNews durant plu-
Les sujets sieurs mois, LCI se retrouve aujour-
géopolitiques d’hui ex aequo avec la chaîne du
groupe Canal+. En mai, les deux
ont
antennes ont enregistré chacune
longtemps 2,2 % de part d’audience, selon les
été chiffres publiés par Mediametrie.
Franceinfo, quant à elle, reste en
considérés queue de peloton avec 0,7 % de
comme ardus, l’audience, en léger recul (0,1
lointains, point).
Pour LCI, qui affiche une hausse
réservés aux de 0,5 point, il s’agit d’un « record
universitaires historique », indique la chaîne dans
et aux un communiqué. « C’est la plus for-
te progression du paysage audiovi-
intellectuels. suel », se félicite Fabien Namias, le
Mais ces directeur général adjoint de LCI qui
sujets sont revendique même avoir « dépassé »
CNews sur le critère du nombre
aujourd’hui moyen de téléspectateurs, soit
au cœur des 165 000, contre 162 000 pour
préoccupa- CNews. Cette dernière, en revan-
che, peut faire valoir qu’elle est
tions d’un bien la deuxième chaîne d’info de
très grand France avec 33,3 millions de télés-
nombre pectateurs touchés chaque mois,
de Français.
Fabien namias,
» contre 27,3 millions pour LCI.
En 2021 et durant la dernière
présidentielle, CNews avait large-
directeur général ment bousculé le PAF. Si elle a
longtemps stagné sur le canal 26,
adjoint de lci
c’est au tour cette fois de la chaîne
christophe chevalin/tF1
d’info du groupe TF1 d’opérer une
spectaculaire remontada. Au point
de faire jeu égal avec CNews. Preu-
eN bREf
Nvidia atteiNt
Les 1 000 MiLLiards
eN Bourse
£ Le géant américain spécialisé
dans la conception de puces
électroniques Nvidia a rejoint
mardi le club très fermé
des entreprises ayant dépassé les
1 000 milliards de capitalisation
boursière. Le groupe
de Santa Clara profite de l’essor
de l’intelligence artificielle,
dont il est considéré comme
l’un des futurs grands gagnants.
LaNceMeNt de La
chaîNe 20 MiNutes tv
£ Le journal gratuit 20 minutes,
contrôlé par le belge Rossel
(Le Soir) et Ouest France, a lancé
mardi sa chaîne de télévision
dédiée à l’Île-de-France, qui
entend séduire les jeunes actifs
urbains en mêlant information
de proximité et divertissement.
Les programmes de 20 minutes
TV prennent le canal 32 de la
TNT francilienne, qu’occupait
depuis 2008 IDF1, partiellement
cédée l’année dernière par
le groupe JLA à Rossel (La Voix
du Nord, Le Courrier picard,
Paris Normandie…).
Matthieu MoNdoLoNi
à La directioN de
L’iNFo de FraNce BLeu
£ Céline Pigalle, la nouvelle
directrice de France Bleu, a
nommé Matthieu Mondoloni
directeur de l’information
de la station. Il succède à Erik
Kervellec. Âgé de 46 ans, le
journaliste a rejoint Radio France
en 2013. Après franceinfo en
2020, il intègre en 2022 France
Inter en tant que rédacteur
en chef d’« Interception ».
ve que le virage éditorial entamé
par LCI, voilà un peu plus d’un an, a
permis de remettre la chaîne sur les
bons rails.
Expertiser les peurs
plutôt que les attiser
Pour se différencier de ses concur-
rentes, LCI a ouvert très largement
son antenne aux grands enjeux in-
ternationaux, à commencer par la
guerre en Ukraine. Contre toute at-
tente, les téléspectateurs ont ré-
pondu présent. « Les sujets géopoli-
tiques ont longtemps été considérés
comme ardus, lointains, réservés
aux universitaires et aux intellec-
tuels. Mais ces sujets sont aujour-
d’hui au cœur des préoccupations
d’un très grand nombre de Français.
La guerre en Ukraine, les relations
tendues entre la Chine et les États-
Unis, les rapports profondément dé-
tériorés entre l’Europe et la Russie…
Ces mouvements géopolitiques par-
lent de l’avenir de la planète. À tra-
vers la problématique de la sécurité
et celle du climat et de l’environne-
ment », décrypte Fabien Namias.
« Les Français ont compris que nous
étions entrés dans un monde incer-
tain où tout pouvait basculer », ré-
sume Thierry Thuillier, le directeur
de l’information du groupe TF1. Si
LCI parvient à attirer de plus en plus
de téléspectateurs, c’est aussi que la
chaîne a fait le choix « non pas d’at-
tiser les peurs, mais de les expertiser,
en donnant des clés de lecture géopo-
litique, militaire et économique »,
fait observer Fabien Namias.
Reste encore à la chaîne à trans-
former l’essai financièrement. L’an
dernier, LCI perdait encore 20 mil-
lions d’euros par an. « En 2023, nos
revenus publicitaires seront plus éle-
vés, malgré un marché en baisse.
Nous allons réduire très sensiblement
notre déficit », promet Thierry
Thuillier. ■
 mercredi 31 mai 2023 le figaro - N° 24 501 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

cinéma horlogerie
RétRospective à la cinémathèque, coffRet elles sont tRentenaiRes
de cent films et quatRe documentaiRes : et passionnées de montRes,
la WaRneR BRos fête ses 100 ans avec faste et le disent suR instagRam Page 31 Anne
Page 29 de Pontonx.

L’Afrique, LAborAtoire
du futur ArchitecturAL
AlAn Aubry ; JeAn-FrAnçois lAnge ; VinCenZo PinTo/AFP ; FlixPix/AlAmy ViA reuTers ConneCT ; FrAnçoise PAris

À venise, la 18e édition

de la biennale met le continent
À l’honneur, montrant qu’il apporte
des pistes de réflexion aux
problèmes de notre planète.
Page 28

Les grAnds
voiLiers
de L’ArmAdA
mis en seine
à rouen
PAge 32

« cyborg cabaret », un spectacle dépaysant venu d’ailleurs

le phénix festival accueille pour cinq nocturnes le collectif snowapple mené par l’étonnante chanteuse néerlandaise laurien schreuder
et la metteuse en scène française eva schumacher.
naire qui ne manquait pas de créativi- d’ailleurs : chevelure cendrée, ma- rait à de la cold wave lyrique. Sur scè- nes dans le cadre du Phénix Festival.
anthony palou apalou@lefigaro.fr té. Mystérieuse énergie de ce specta- quillée comme si elle sortait d’une ne, elle passe de la guitare à la clari- Osez ce Cabaret, il aura de quoi vous

C
cle fragmenté. Ce qui retint surtout scène d’Avatar, ce qui ne lui ôte en nette ou au saxo basse ou contrebasse. étonner. Si la nouvelle scène est l’art

’
était le week-end du
14 avril à Amsterdam. La
3e édition du festival in-
ternational Jardin rouge
proposait des spectacles
expérimentaux qu’on eût dit débar-
qués d’une autre galaxie. Il y avait là
des artistes internationaux qui of-
fraient un éventail de disciplines plus
ou moins déroutantes : danse
contemporaine, mime, théâtre musi-
cal ou d’objets, marionnettes,
clowns, punk schlager, fanfare, etc.
Bref, un bel et joyeux tohu-bohu qui
nous rappela une certaine ambiance
berlinoise de la fin des années 1970.
notre attention et condensa nos émo-
tions, ce furent les prestations du col-
lectif artistique Snowapple.
Ce groupe s’impose immédiate-
ment par la présence de sa chanteuse
et multi-instrumentiste néerlandai-
se Laurien Schreuder. Il faut avoir vu
au moins une fois ce phénomène
pour ne plus l’oublier. Entourée de la
danseuse contorsionniste Joséphine
Terme - quelle araignée ! -, du gui-
tariste Matteo Cerboncini, de la dan-
seuse et chanteuse Caroline Martin,
Laurien Schreuder, longue femme
énigmatique à la froideur supposée,
hypnotise immédiatement le public.
rien sa beauté naturelle et singulière.
Et puis cette voix bouleversante à
l’étonnante palette.
Cold wave lyrique
Laurien, qui a étudié le chant et le
mime, le théâtre de geste aux Pays-
Bas et à Los Angeles, est la responsa-
ble artistique du collectif. Comment la
présenter ? Comme ça : « Elle ne vous
racontera pas d’histoire ce soir. Ne
soyez pas en colère contre elle. Elle
n’est plus de votre espèce. Elle est le pas
de côté. L’illusion de soi a disparu. »
Étrange ? Étrange, n’est-ce pas ? Et
très envoûtant. Le tout sur une musi-
Le spectacle s’appelle Cyborg Caba-
ret, et ce cabaret futuriste en perpé-
tuelle évolution est écrit et mis en
scène par Eva Schumacher. Il propose
un programme où les temporalités se
mélangent et où l’anachronisme tient
lieu de calendrier. En tous les cas, ça
cogite sur le plateau. On y croise de
tout dans un monde où les corps se-
raient indépendants de l’esprit, où les
personnages seraient irréels et ma-
gnétiques, hybrides. Une odeur un
peu surréaliste se dégage de la scène.
Il faut se laisser porter, quitter le riva-
ge, invitation, lof pour lof, au voyage.
Ce Cyborg Cabaret débarque à Paris
de faire entrer les sensations et les
émotions dans une structure qui pos-
sède un peu de la grâce d’un morceau
de musique ou d’un numéro de sal-
timbanque, alors le collectif Snowap-
ple est une référence. « Le cyborg per-
met d’ouvrir une porte vers d’autres
façons d’être soi, d’agir sur le monde
qui nous entoure, de chercher à se jouer
des normes, des contraintes et de la
réalité », nous dit mystérieusement
Eva Schumacher. Vous ne verrez pas
ça tous les quatre matins. ■
Cyborg Cabaret, au Truc,
17, rue Ferdinand-Léger (Paris 20e),
les 1er, 11, 15, 17 et 18 juin.
A

Un véritable laboratoire pluridiscipli- Elle est la femme en noir venue que qu’elle compose et qui ressemble- à partir du 1er juin pour cinq noctur- Tél. : 06 30 72 79 83.
 mercredi 31 mai 2023 le figaro
28 l'événement
Béatrice de rocheBouët
bderochebouet@lefigaro.fr
EnvoyéE spécialE à vEnisE
L
e futur peut-il venir de l’Afri-
que, ce continent si riche pour
son intelligence architectura-
le ? Trop longtemps, il a été
ignoré, voire mésestimé, des
grandes manifestations de l’architec-
ture. À Venise, la 18e Biennale le remet à
sa juste place, en gloire, sous la vision
plurielle de 89 architectes, designers,
professeurs, penseurs ou artistes, dont
la moitié est issue de cette aire géogra-
phique ou de la diaspora. « Pour non-
obtention de visas, beaucoup n’ont pu
venir et partager ce grand moment de
fraternité, ce qui est regrettable », a sou-
ligné avec insistance la commissaire
Lesley Lokko.
On a beaucoup à apprendre de cet
immense territoire et de sa résilience,
incroyable « laboratoire du futur », titre
choisi par celle-ci pour sa biennale. De
par ses origines ghanéennes, l’Écossaise
de 59 ans, combattante lumineuse por-
tant en elle bien des mémoires et re-
vendications, est la plus à même d’ex-
pliquer en quoi l’Afrique peut apporter
des pistes de réflexion aux problèmes
de notre planète et aux maux de notre
société. Sa démonstration, sans pour
autant convaincre par des solutions, est
brillante et sensible, chargée d’un tra-
gique transformé en joie par ce conti-
nent si positif.
Le passé ne s’est pas fait sans l’Afri-
que, souvent à son détriment, comme
le montrent en maquettes stratifiées à
l’Arsenal les gratte-ciel de Hudson
Yard qui n’auraient pu s’élever à
Manhattan sans l’extraction du titane
des mines Nyungu de Zambie. Image
parlante de notre prédation à l’égard de
ce continent et du fonctionnement
d’une domination Nord-Sud que nous
livre l’architecte espagnol Andrès Jaque
avec le groupe activiste de Xholobeni,
en Afrique du Sud. Comme le montrent
aussi les panneaux de graphite au pa-
villon central des Giardini, de Thandi
Loewenson (qui vit entre le Royaume-
Uni, la Zambie et le Zimbabwe), qui a
reçu une mention spéciale du jury pour
avoir rappelé que la transition énergé-
tique des pays du Nord entraîne l’ex-
propriation de terres dans ceux du Sud.
Le futur ne se fera pas non plus sans
l’Afrique, elle qui a réussi à privilégier
le local, par obligation d’économie, par
adaptation au climat, dans un contexte
cumulant les difficultés et devant com-
poser parfois avec le chaos politique.
Alors que l’Afrique n’émet que 4 % des
émissions mondiales de gaz à effet de
serre, en étant pourtant très exposée
aux aléas climatiques, elle est en pre-
mière ligne pour servir d’exemple. En
tant qu’acteur de l’anthropo-(s)cène,
cette nouvelle ère où les hommes sont
reconnus pour être la principale force
de changement sur la terre. Mais aussi
victime obligée de faire face au désor-
dre planétaire que ceux-ci engendrent.
La belle revanche de l’Afrique ? C’est
une sacrée reconnaissance pour ce
continent qui tente de s’émanciper du
postcolonialisme et d’assumer sa tran-
sition écologique, face à une croissance
démographique et une urbanisation ga-
lopantes. Une revanche bien méritée
pour rétablir le déséquilibre d’une his-
toire de l’architecture vue par le prisme
de l’Occident, très, voire trop, centrée
sur elle-même. « La biennale se veut vo-
lontairement non européenne pour faire
justement prendre conscience à l’Europe
de l’importance de ce territoire », lance
avec défi - et une pointe d’ironie -
Lesley Lokko au milieu occidental
qu’est celui de l’architecture et de ses
« stars-architectes ». Ils monopolisent
la scène, au détriment des moins
connus qui ont pourtant tant à dire.
Balayer le trop explicatif
Plus professeur et romancière que bâ-
tisseuse (elle s’est nourrie des écrits de
la Sud-Africaine Nadine Gordimer, en-
gagée dans la lutte contre l’apartheid,
Prix Nobel de littérature en 1991),
Lesley Lokko leur accorde largement la
parole. En invitant aussi pleinement les
artistes, elle donne à cette Biennale
d’architecture des allures de Biennale
d’art contemporain, balayant ainsi le
trop explicatif dans lequel tombe sou-
vent la discipline. À l’image de The
Parliament of Ghosts d’Ibrahim
Mahama, 36 ans, figure majeure de la
scène contemporaine ghanéenne. Avec
ses sièges abandonnés et ses étagères
pleines de débris, son assemblée de
fantômes évoque magnifiquement les
histoires et souvenirs d’un pays affir-
mant son indépendance.
Cette Biennale d’architecture s’ins-
crit ainsi dans le sillage de celle d’art
A
contemporain de l’an dernier. Portée
par l’Italienne de New York Cecilia
Venise : L’Afrique en gLoire
à la Biennale d’architecture
Alemani, celle-ci avait mis l’accent sur
L’avenir de La pLanète les créateurs longtemps laissés dans
l’ombre de l’histoire de l’art du fait de
viendra-t-iL de ce leur genre ou de leur couleur, voire des
deux. Et récompensé les minorités,
continent Longtemps comme le mouvement Black Lives
Matter, qui les a fait connaître. Par de
à La marge ? c’est belles scénographies, le voyage dans
cette 18e Biennale est exploratif, sou-
Le débat que Lance vent magnifique. Peu de vraies archi-
tectures, mis à part au pavillon de
l’Ouzbékistan, où le Studio Ko a dressé
La ghanéo-écossaise un labyrinthe de briques rouges locales
incluant d’autres vernissées bleues im-
LesLey Lokko, portées de ce pays qui mise sur son
« soft power » pour imposer son image
commissaire à l’international. Ou dans celui, central,
des Giardini, la salle des maquettes ma-
de cette 18e édition gistrales de David Adjaye, l’architecte
ghanéen basé à Londres qui rayonne
pLacée sous Le signe d’Accra, au Ghana, à New York et à
Londres. La star est aussi au bout de la
Corderie, sur le bassin naval, avec sa
de La résiLience. pyramide ajourée en bois noir,
« Kawae3 » (« forêt » en twi, langue du
Ghana) et dans l’Arsenal, avec une salle
entière de projets.
Ressources locales
L’Afrique a longtemps eu du mal à faire
entendre sa voix. Jusqu’à ce que le Bur-
kinabé Diébédo Francis Kéré (basé à
Berlin) ne soit le premier architecte
africain à recevoir le Pritzker, en 2022,
la plus haute distinction dans la disci-
pline. Les projecteurs étaient enfin bra-
qués sur ce continent. Il est l’un des in-
vités de cette biennale, au pavillon
2 central des Giardini. Les joyeux murs
peints de dessins et d’inscriptions d’une
maison traditionnelle (avec son inté-
rieur capharnaüm) sont une plongée
directe au pays. Tout comme l’installa-
tion, murs ocre brun dessinés à la craie
blanche, de la Française de Niamey et
Washington Mariam Issoufou Kamara,
de l’Atelier Masomi, en référence aux
gravures néolithiques des grottes du
Sahara. Face aux défis d’aujourd’hui,
son architecture est un retour aux
sources.
3
63
pavillons nationaux
sont à découvrir à la 18e Biennale
d’architecture de venise
À voir au pavillon central
des Giardini : 1. La maison africaine
reconstituée par le Burkinabé
Diébédo Francis Kéré.
2. L’installation murs ocre brun
dessinés à la craie blanche, de la
Franco-Nigérienne Mariam Issoufou
Kamara, en référence aux gravures
néolithiques des grottes du Sahara.
3. La maquette de la cathédrale
nationale du Ghana par le Ghanéo-
Britannique David Adjaye. Matteo de
Mayda Courtesy : La BiennaLe di Venezia,
1
Bien avant Kéré, il y a eu Demas
Nwoko, fondateur du groupe Zaria
Rebels, qui a ouvert la voie à la jeune
génération, en œuvrant pour un mé-
lange entre traditions africaines et
technologies modernes. Ce fils d’un roi,
né en 1935 dans le sud du Nigeria - il
trouva ses premières inspirations dans
le palais conçu par son grand-père -, a
toujours défendu l’utilisation des res-
sources locales et critiqué la dépendan-
ce de son pays vis-à-vis de l’Occident.
D’où le lion d’or attribué par la biennale
pour l’ensemble de sa carrière à ce
grand monsieur venu dans son habit
traditionnel.
« Décolonisation et décarbonisation »
sont les deux thèmes omniprésents de
cette biennale abordant la crise actuel-
vincEnZo pinto/aFp
le. Le Brésil a reçu le lion d’or de la
meilleure participation pour le projet
« Terra » de Gabriela de Matos et Paulo
Tavares. Le duo fait tomber le mythe de
la ville en béton de Brasilia, fierté née
de la seule volonté de l’ex-président
Juscelino Kubitschek, en arguant
qu’elle s’est construite sur les terres
fertiles des tribus indigènes et quilom-
bola et en a fait table rase. Ce vent de
« Pour la première
fois, les projecteurs
décolonialisme souffle jusqu’à l’exposi- sont braqués sur
tion du Victoria & Albert Museum,
« Modernisme tropical au Ghana », an-
l’Afrique et la diaspora
cienne colonie britannique qui a gagné africaine, cette culture
son indépendance le 6 mars 1957, avec
l’intelligence des architectes locaux et
fluide qui chevauche
occidentaux. Et même jusqu’au pa- maintenant le monde.
villon israélien, pays toujours retranché
mais terriblement connecté, qui s’est
Comment ce que nous
transformé en bunker, pour évoquer le disons changera-t-il
sujet hautement sensible de la gestion
quelque chose ?
des données.
Comment, surtout,
Utilisation de l’existant va-t-il interagir ?
Le peuple chassé de sa terre, l’eau qui
se raréfie, le climat qui se dégrade, rien De sorte que cette
n’est épargné dans ce parcours intense
biennale ne soit pas
allant de l’Arsenal aux Giardini, où les
63 pavillons nationaux tentent, tant une seule histoire,
bien que mal, de répondre à ce « labo- mais plusieurs,
ratoire du futur ». Rares sont les solu-
tions aussi inventives que celle du répondant aux enjeux
Luxembourg, qui explore les ressour-
ces sur la Lune (un territoire sans lé-
gislation !) en recréant un décor plus
de son temps »
lEslEy lokko, écossaisE
d’originE ghanéEnnE, commissairE
vrai que nature, ou celle de la Belgique, dE la BiEnnalE d’architEcturE 2023
qui mise sur l’avenir du mycélium
(partie végétative des champignons)
pour construire une impressionnante
architecture de panneaux beiges en
cette matière.
L’utilisation de l’existant, avec le re-
cyclage qui en découle, est le maître
mot. Le pavillon allemand, qui utilise
les rebuts de la Biennale d’art 2022
pour créer un « workshop », grand
atelier de fabrication, en joue abon-
damment. De même celui de la Letto-
nie (première participation), qui pro-
pose les 506 produits uniques des dix
dernières expositions de la biennale
comme dans un supermarché, ironi-
sant sur le fait que la manifestation el-
le-même en est un. Une leçon pour
lutter contre la surconsommation dans
les biennales à venir ? ■

Culture
La foLLe histoire
de Warner bros
quatre documentaires et une rétrospective
à La cinémathèque fêtent Les 100 ans du mythique studio.
Olivier DelcrOix £@Delcroixx
C
ela fait un siècle que les spec-
tateurs du monde entier voient
s’afficher le logo « WB » sur
chaque film produit par les
studios Warner Bros. Et cela,
même si ce logo a changé de forme une
bonne vingtaine de fois… Depuis la créa-
tion de la Warner par quatre frères,
Harry, Albert, Sam et Jack, issus de la
classe ouvrière, cette compagnie a su im-
poser sa marque de fabrique, en dépit des
mutations économiques, technologiques
et culturelles qu’elle a traversées.
Quelques titres de films permettent de
se rendre compte de l’ampleur de l’héri-
tage Warner au cœur du cinéma mon-
dial : de The Jazz Singer en 1927, à Incep-
tion (2010) en passant par Les Aventures
de Robin des bois (1938), Le Faucon mal-
tais (1941), Casablanca (1942), Un tram-
way nommé désir (1951), La Fureur de vi-
vre (1955), My Fair Lady (1962), Bonnie &
Clyde (1967), Orange mécanique (1971),
L’Inspecteur Harry (1971), Délivrance
(1972), L’Exorciste (1973), Superman
(1978), Shining (1980), Blade Runner
(1982), Les Affranchis (1990), Matrix
(1999), Harry Potter (2001)…
Pour célébrer ce centenaire étincelant,
la Warner a commandé l’édition d’un
coffret spécial Blu-ray contenant les
100 chefs-d’œuvre tirés de son catalo-
gue, mais également une série de quatre
films documentaires d’environ une heu-
re signés Leslie Iwerks, présentés en
avant-première au Festival de Cannes
dans la section Cannes Classics, et qui se-
ront bientôt diffusés sur des chaînes spé-
cialisées.« Dans ces quatre épisodes, note
Leslie Iwerks, nous racontons l’histoire
d’un studio, mais aussi celle des grands
films, l’histoire des acteurs, des actrices,
« L’improbabLe voyage d’haroLd fry » ou La quête du pèLerin tardif
La réaLisatrice britannique hettie macdonaLd met en scène un road movie du troisième âge aussi sincère que touchant. Jim broadbent y est formidabLe.
U
n aspirateur vrombit sur la
moquette d’une petite mai-
son de Kingsbridge, dans le
sud de l’Angleterre. À travers
le voilage de la fenêtre, le
jeune retraité Harold Fry (impeccable Jim
Broadbent que l’on a vu dans Harry Potter
et The Duke) observe son voisin en train
de jardiner. Un ennui silencieux règne sur
la maisonnée. Une voiture rouge du Royal
Mail s’arrête et livre le courrier. Une mis-
sive est adressée à Harold. Le héros
l’ouvre et découvre qu’il s’agit d’un mot
d’adieu envoyé par une certaine Queenie.
Parfois, une simple lettre peut changer
le destin d’un individu. Celle-ci en fait
« L’îLe rouge », sans battement de cœur
après Le succès de « 120 battements par minute », robin campiLLo ne parvient pas à convaincre avec son nouveau fiLm, évocation de son enfance à madagascar.
étienne sOrin esorin@lefigaro.fr
L’
absence de L’Île rouge de la
sélection cannoise n’était
pas très bon signe. Le pré-
cédent film de Robin
Campillo, 120 battements
par minute, récit fiévreux de la lutte des
militants d’Act Up dans les années 1990
alors que le sida fait des ravages, avait
triomphé à Cannes (grand prix) et aux
César (meilleur film) en 2017. Campillo
pouvait-il échouer ou le festival est-il
passé à côté ? Il fallait juger sur pièces.
C’est fait. Le film est raté.
L’Île rouge met en scène une famille de
Français à Madagascar dans les années
1970, alors que l’île est indépendante de-
puis dix ans. Robin Campillo a puisé dans
ses souvenirs d’enfance. Comme dans le
film, son père était sous-officier dans
l’armée de l’air française. Ses frères et lui
ont vécu sur la base militaire 181 d’Ivato, à
Madagacar, là où a été tourné L’Île rouge.
celle des réalisateurs et des réalisatrices,
des producteurs également. Nous tâchons
de montrer que l’Histoire a pu impacter les
films Warner, comme la société a pu être
influencée par certains films. »
Au commencement, on trouve donc
quatre frères issus d’une famille de Juifs
polonais, qui s’intéressent à l’exploitation
et à la distribution de films. Leur père leur
a dit : « Tant que vous restez ensemble, il ne
peut rien vous arriver. » En 1923, ils créent
officiellement la Warner Bros et affichent
des ambitions nouvelles. Sam, le vision-
naire, s’intéresse à la sonorisation des
films. En 1927, sort Le Chanteur de jazz,
tout premier long-métrage de l’histoire
de Hollywood avec synchronisation des
dialogues et des chants. C’est un triom-
phe. « Les studios Warner Bros deviennent
bientôt connus pour faire des films auda-
cieux, qui font les gros titres de la presse,
des films directs, insolents, bruts de décof-
frage, raconte Leslie Iwerks. Cette mar-
que de fabrique va se transmettre de dé-
cennie en décennie. Mais ce qui étonne
avant tout, c’est la variété des films propo-
sés. La Warner a eu l’idée de faire des films
d’auteur enrobés dans des blockbusters.
Un mélange détonnant. »
Esprit de famille
Chacun de ces films contient un message
ou des valeurs, comme Casablanca de
Michael Curtiz, sorti en 1942, film réso-
lument antinazi, ou Les Hommes du pré-
sident, d’Alan J. Pakula, en 1976, qui in-
fluencera de nombreux étudiants en
journalisme. « Ce qui frappe également,
observe Leslie Iwerks, c’est la confiance,
la liberté et la fidélité données aux réalisa-
teurs par le studio. Cela fait vraiment par-
tie de l’ADN de la Warner. C’est pour cela
que Clint Eastwood, Stanley Kubrick, et
maintenant Christopher Nolan, sont restés
et restent fidèles à la Warner. »
partie. Bouleversé, Harold Fry sort de son
pavillon et annonce à sa femme, Maureen
(Penelope Wilton), qu’il va marcher pour
poster sa réponse à Queenie. Pourtant,
une fois devant la boîte aux lettres, il se
ravise inexplicablement. Et poursuit sa
marche. Dans sa tête, Harold a fait son
choix. Il va traverser l’Angleterre sur
800 km pour aller dire ce qu’il a sur le
cœur à cette Queenie qui lui a annoncé
qu’elle allait bientôt mourir.
Adapté du roman à succès de Rachel
Joyce, le film de Hettie MacDonald dé-
marre sur les chapeaux de roues. Jim
Broadbent est magistral en vieux mari
mutique, rongé par une discrétion mala-
Le dernier mouvement de L’Île rouge s’apparente à un tract militant laissant croire que
Madagascar va devenir un havre de paix et de prospérité après le départ des Français.
Au départ, c’est l’esprit de famille qui
prévaut. Puis, même après le départ de
Jack Warner à la fin des années 1960, les
successeurs cherchent à garder cette at-
mosphère familiale.
L’histoire de la compagnie ne fut tou-
tefois pas un long fleuve tranquille. Des
secousses de la Grande Dépression de
1929, en passant par la Seconde Guerre
mondiale, l’irruption de la contre-
culture à la fin des années 1960, l’émer-
gence du Nouvel Hollywood, l’arrivée
de la télévision, sans oublier le strea-
ming, la pandémie ou les plateformes,
la Warner ne cesse de s’adapter à un
monde en pleine évolution. « Maintes
fois, le studio a failli mettre la clef sous la
porte, admet la réalisatrice. Mais c’est
toujours un film à succès qui les a tirés
d’affaires. Quand AOL s’effondre, le
triomphe d’Harry Potter sauve la mise du
studio. Même chose dans les années 1980
lorsque Atari plonge ! C’est l’arrivée de
dive et des secrets enfouis au fond de lui.
Le spectateur emboîte le pas de ce drôle et
improbable pèlerin avec intérêt et des
tonnes de questions dans sa besace.
Mélo assumé et sincère
Le film possède cette allure tranquille de
road-movie rocambolesque qui fait les
meilleurs suspenses. En chemin, ce bon
vieil Harold se défait du superflu, renvoie
ses clés de voiture, sa montre et quelques
autres affaires à sa femme. Bien sûr, ce
piéton longue distance souffre d’ampou-
les aux pieds, se blesse même sérieuse-
ment à la cheville. Mais il poursuit sa rou-
te. Il mange des mûres dans la forêt, fait
memento DiStRiBution
Casablanca (à gauche) ou
Harry Potter sont au nombre
des 100 chefs-d’œuvre
du coffret Blu-ray édité
pour célébrer le centenaire
du producteur américain.
Dom Slike / AlAmy viA ReuteRS
ConneCt ; WARneR BRoS / HeyDAy
FilmS/ColleCtion CHRiStopHel
viA AFp
des feux de camp, se lave dans le ruis-
seau… Son mantra est le suivant : « Je vais
marcher et tu vivras. » Au cours de son
voyage, des cabines téléphoniques lui
permettent d’annoncer aux religieuses
qui s’occupent de Queenie en soins pal-
liatifs qu’elle doit absolument l’attendre.
Il tente également de discuter avec Mau-
reen, lui déclarant tout à trac : « J’ai passé
ma vie entière à ne rien faire. Là tu com-
prends, j’agis ! »
Rien de tel que le mouvement pour
donner du rythme à un ce long pèlerinage
initiatique… Le voyage d’Harold s’appa-
rente à un baroud d’honneur, en forme de
quête de rédemption. Au hasard des ren-
Robin Campillo met en scène son récit
à hauteur d’enfant. Thomas, son alter
ego, accompagné de sa copine Suzanne,
observe les adultes sans bien comprendre
ce qu’ils se racontent. À chaque scène,
Campillo perd un temps fou à installer
Thomas dans un coin de la pièce, derrière
une porte, ou dans une caisse à l’abri des
regards. Le garçon y dévore sa collection
de Fantômette. On échappe à Oui-Oui et
sa voiture jaune, mais pas à des parenthè-
ses imaginaires. L’héroïne créée par
Georges Chaulet se bat contre des per-
sonnages au visage masqué façon séries
enfantines de l’ORTF dans des séquences
trop longues et embarrassantes.
Comme un remords
Pendant ce temps, ses parents et leurs
amis traînent leur ennui. On assiste à une
fête bien arrosée, à un Noël sur la base ou
à une projection sur la plage du Napoléon
d’Abel Gance. Le père offre à ses fils des
bébés crocodiles. En toile de fond, le sen-
timent antifrançais grandit.
le figaro mercredi 31 mai 2023
29
Spielberg, avec Les Gremlins, Les Goo-
nies ou La Couleur pourpre qui remonte
la compagnie ! »
Avec cette série de documentaires,
Leslie Iwerks montre pour la première
fois l’histoire d’un studio du point de vue
de ces patrons. « Comme le dit bien l’ac-
tuel CEO de Warner, David Zaslav,
conclut-elle, Warner a bâti un héritage
sur pellicule. Et lorsqu’il brandit la fameu-
se statue d’un faucon maltais, il ne peut
s’empêcher de prononcer la phrase em-
pruntée à Shakespeare, immortalisée dans
le film par Humphrey Bogart: “Voici
l’étoffe dont sont faits les rêves.” Nous,
chez Warner, c’est ce que nous devons fai-
re tous les jours avec nos films ! » ■
Le coffret 100 films Warner en Blu-ray,
quatre volumes de 25 films classés par genre,
édition collector limitée et numérotée,
499,99 €.
À la Cinémathèque française du 31 mai
au 18 juin : « Warner Bros et les années 70 ».
contres, une surprenante chaîne d’amitié
et de solidarité se tisse autour de lui. On
reste charmé par ce mélo british assumé
et sincère. Malgré quelques maladresses
de mise en scène, le cheminement inté-
rieur d’Harold Fry touche au cœur, car il
est émouvant et bien rythmé ■ O. D.
« L’Improbable Voyage
d’Harold Fry »
Drame de Hettie MacDonald
Avec Jim Broadbent, Penelope Wilton,
Linda Bassett, Earl Cave, Joseph Mydell
Durée 1 h 48
■ L’avis du Figaro : ○○¡¡
Rien n’accroche dans cette évocation
moins sensorielle que flottante, dépour-
vue d’enjeu véritable – Madagascar n’est
pas la tragédie de l’Algérie. Campillo
n’assume pas complètement le point de
vue de l’enfant qu’il était, rejeton d’un
couple de Français nostalgiques de ses co-
lonies, à bout de souffle, déprimés. Com-
me un remords, dans le dernier mouve-
ment du film, il donne la parole aux
Malagasys, jusqu’ici figurants. Un tract
militant qui laisse croire que Madagascar
va devenir un havre de paix et de prospé-
rité après le départ des Français. Campillo
remplace un mensonge par un autre. Ce
paradis perdu était en réalité un paradis
volé ? Le paradis sur terre n’existe pas. ■
« L’Île rouge »
Drame de Robin Campillo
Avec Nadia Tereszkiewicz,
Quim Gutiérrez, Charlie Vauselle
A
Durée 1 h 56
■ L’avis du Figaro : ○¡¡¡
 mercredi 31 mai 2023 le figaro
30 Culture
« sick of Myself »
La céLébrité
à tout prix
pour attirer l’attention, une jeune feMMe fait croire
qu’elle a une Maladie rare. une coMédie noire qui Montre
bien les ravages du narcissisMe conteMporain.
éric neuhoff eneuhoff@lefigaro.fr
I
l faut être bizarre, quand même. Il
ne pense qu’à sa carrière. Elle
aimerait qu’on la remarque aussi.
Thomas est sculpteur. Il vole des
meubles pour les transformer en
installations, comme on dit dans le jar-
gon. Signe est serveuse dans une café-
téria. Ils vivent ensemble, mais cela ne
saute pas aux yeux. Tout le monde la
prend pour sa sœur. Il la néglige telle-
ment. Elle s’ennuie derrière son comp-
toir, a les ongles vernis en bleu et ob-
serve son compagnon avec une sorte
de molle jalousie. Il l’invite au restau-
rant pour son anniversaire et s’enfuit
en courant avec une bouteille de riche-
bourg à 2 300 euros sous le bras. Plus
que d’un cadeau, il s’agit d’un geste
artistique. Les restaurants d’Oslo ont
donc des caves abritant les plus grands
crus de Bourgogne.
Le couple se regarde à peine. Ils sont
trop occupés à contempler leur nom-
bril. Elle rentre à la maison la chemise
tachée de sang parce qu’elle a secouru
une femme mordue par un chien et
Thomas s’en aperçoit à peine. Lorsqu’il
prononce un discours durant un dîner,
elle simule une allergie aux noix rien
que pour attirer l’attention des convi-
ves. Cela ne suffit pas. Comment de-
venir célèbre quand rien ne vous dis-
tingue du commun des mortels ? La
téléréalité n’est plus ce qu’elle était.
Heureusement, un article lui apprend
les dangers d’un anxiolytique interdit
tous les cheMins Mènent en grèce pour david chipperfield
l’architecte britannique a reçu le prix pritzker à athènes alors qu’il vient de se voir
confier la rénovation du Musée archéologique de la ville.
AlexiA KefAlAs£@alexiaKefalas
Athènes
T
ous les chemins mènent à
Athènes pour l’architecte sir
David Chipperfield. La semai-
ne dernière, il s’est vu remet-
tre le prestigieux prix Priztker
Price dans l’agora antique de la capita-
le, site emblématique de l’âge d’or
athénien, au pied de l’Acropole, devant
ses pairs, les autorités hellènes et le
milliardaire philanthrope Tom Pritzker
en personne. Cette récompense de
100 000 dollars (93 800 euros), équiva-
lente du Nobel d’architecture, intervient
- hasard du calendrier - au moment où
l’architecte britannique de 70 ans,
A
dans son pays, et disponible en Russie.
Le Lidexol provoque une terrible ma-
ladie de peau. On en trouve sur le
darknet. La demoiselle en commande
une cargaison, avale les pilules comme
des M&M’s. Les résultats ne tardent
pas. La voilà se couvrant de plaques
rougeâtres, d’excroissances purulentes.
Ça n’est pas beau à voir. La méthode
est un peu extrême - elle semble néan-
moins efficace.
Les dents grincent
Signe se frotte les mains. Elle en bave.
Cette souffrance vaut le coup. Elle exis-
te enfin. Victime, telle est maintenant
sa profession. C’est un job à plein
temps. Elle tombe dans les pommes,
crache du sang, s’endort n’importe où.
Son état attire l’attention. Une amie
journaliste l’interviewe. Une agence
de mannequins inclusive l’engage, elle
a droit à la couverture des magazines
de mode. Un éditeur lui propose un
contrat pour ses Mémoires. Le rêve est
atteint.
Sick of Myself est une comédie noire
qui bascule dans le film d’horreur,
épingle les travers de l’époque avec une
réjouissante cruauté. Le narcissisme
contemporain exerce ses ravages dans
les esprits les plus démunis. Tout, sauf
rester anonyme : ce slogan résume as-
sez le but d’une génération perdue dans
son ego. Les dents grincent, comme
chez Ruben Östlund, sur des Impromp-
tus de Schubert, dans une ambiance
cousine de Julie en douze chapitres.
Le réalisateur norvégien Kristoffer Bor-
auteur d’une centaine de bâtiments,
vient de se voir confier le chantier du
Musée archéologique d’Athènes.
Ce bâtiment néoclassique, créé par
Ludwig Lange et Ernst Ziller et achevé
en 1874, abrite l’une des plus importan-
tes collections d’art préhistorique et
grec ancien au monde. Il a fait l’objet de
longues concertations sur son besoin
urgent de rénovation et, parmi les pro-
jets venus du monde entier, les Grecs
ont préféré le raffinement, la subtilité
sans maniérisme, presque minimaliste
de David Chipperfield.
Miser sur la lumière
« Au-delà de son approche visionnaire de
la mise en œuvre pratique de l’architec-
ture, sir David est un pionnier dans la
Rendez-vous
aux Jardins
02—04 juin 2023
Les musiques du jardin
Pour Signe (Kristine Kujath
Thorp), être victime est devenu
un job à plein temps.
tanDeM DistributiOn
“philosophie architecturale”. Cela signi-
fie, qu’en plus d’incarner intelligence for-
melle et élégance, il appelle sa profession
à être plus consciente des conséquences
sociales et environnementales de son tra-
vail », estime Mareva Grabowski-Mit-
sotakis, épouse du premier ministre
grec, Kyriakos Mitsotakis. Il faut dire
que la proposition de David Chipper-
field, en collaboration avec l’étude
grecque d’Alexandro Topazis, est
d’agrandir le lieu de 20 000 mètres car-
rés, pour en faire un musée simple,
beau, en harmonie avec le bâtiment his-
torique existant, conçu pour les Athé-
niens. « Dans les sous-sols dorment des
centaines de trésors antiques. Ils ne peu-
vent pas être exposés par manque de pla-
ce. Il fallait donc trouver le moyen de les
gli agite son shaker, en un mélange
de The Square et de The Walking Dead.
On assiste à des vernissages. On entend
des questions essentielles. « Pourquoi
les œuvres des artistes norvégiens
ont-elles toujours un titre anglais ? »
Ou encore mieux : « Qu’est-ce qu’une
housse de couette inclusive ? » On en est
là. Eh oui. ■
« Sick of Myself »
Comédie dramatique de Kristoffer
Borgli
Avec Kristine Kujath Thorp,
Eirik Sæther, Fanny Vaager
Durée 1 h 37
■ L’avis du Figaro : ○○○¡
faire découvrir au public », confie David
Chipperfield au Figaro.
Le lauréat du prix Pritzker a aussi
beaucoup travaillé sur l’emplacement
du musée, mitoyen de l’École polytech-
nique d’Athènes, qui forme les meilleurs
architectes de Grèce. Le quartier, abri-
tant aussi le ministère grec de la Culture,
est l’un des plus délabrés de la capitale
et c’est la raison pour laquelle le pays
porte beaucoup d’espoir dans ce chan-
tier pour sa réhabilitation. « Notre objec-
tif est d’en faire un lieu ouvert, en dialogue
constant avec la société, et un regard dy-
namique vers l’avenir », ajoute David
Chipperfield, motivé par le défi de relier
tradition et innovation, tout en mettant
son œuvre au service de l’écologie.
Ainsi, il mise sur la lumière et les ma-
tériaux utilisés : l’une des caractéristi-
ques du projet est le toit du premier ni-
veau qui servira de fondement à une
grande partie du jardin. Les murs, en
terre compactée, permettront la planta-
tion d’une végétation luxuriante qui,
selon certains, dénaturera la vue de la
bâtisse néoclassique mais agira comme
une immersion du visiteur vers un
chantier de fouilles, de manière à le
plonger dans ces vestiges de l’Antiquité.
Les travaux, estimés à 300 millions
d’euros, sont financés par des ressources
nationales et européennes. Ils s’achève-
ront dans cinq ans. ■
Les autres
films
■ « Spider-Man : acroSS
the Spider-VerSe »
Animation de Phil Lord
et Christopher Miller, 2 h 20.
entertainMent FranCe
sOnY PiCtures
Après le premier volet en 2018,
on doutait qu’il soit possible
de reproduire l’exploit
d’un Spider-Man animé resté
en apesanteur. On sort
pourtant de ce second film
d’animation en sautant de joie.
Pris dans la toile dès les
premières images, on décolle
pour un trip sensoriel de 2 h 20.
Le choc est surtout visuel.
L’esthétique des images et
l’animation sont toujours aussi
innovantes. Rendant hommage
à Warhol, Lichtenstein, Munch,
Banksy ou Jeff Koons, le tout
mêlé aux dernières tendances
du street art, voire à l’art
abstrait, le film s’amuse avec
les trames offset, les couleurs
primaires et certains effets
de flou qui donnent une
impression de 3D. Sans oublier
les phylactères qui surgissent
comme dans la série télévisée
Batman des années 1960.
Le tempo est endiablé, mais
sait ralentir pour offrir de jolis
moments de poésie ou
d’émotion. Les dialogues sont
bardés d’humour. On retrouve
cette touche d’impertinence
mâtinée de punk ! Euphorisant
et plein d’énergie, nul doute
que ce Spider-Man : Across
the Spider-Verse marque
un nouveau tournant dans
le monde de l’animation. O. D.
■ L’avis du Figaro : ○○○¡
« Notre objectif est de faire
du Musée archéologique un lieu
ouvert, en dialogue constant
avec la société, et un regard
dynamique vers l’avenir »,
souligne David Chipperfield.
Julien Daniel/MYOP

Style
TouTes Toquées de toquantes
eLLes ont entre 25 et 35 ans et se sont donné pour mission de désacraLiser Le très fermé miLieu de L’horLogerie. journaListes, créatrices de contenus,
revendeuses… Zoom sur ces nouveLLes expertes qui font un tabac sur Les réseaux sociaux.
Margaux krehl mkrehl@lefigaro.fr
A
u poignet de Brynn Wallner,
33 ans, une élégante Tank
Française de Cartier - le pe-
tit modèle, en acier et mou-
vement à quartz. La jeune
femme se l’est offerte en 2021, peu après
avoir soufflé sa trentième bougie. Un
achat marquant pour cette Américaine
mordue de montres au point qu’elle a
lancé, au début de la pandémie, Dime-
piece, un site et un compte Instagram
dédiés aux femmes et à leurs garde-
temps. Avec sa Cartier, Brynn est l’in-
carnation au féminin de ces générations
Y et Z qui cultivent un intérêt de plus en
plus prononcé pour l’horlogerie.
“ Quoi qu’on en dise,
l’horlogerie est un domaine
très masculin, dans lequel
il est difficile de s’imposer.
J’ai lancé mon site de
seconde main Françoise
comme un défi, c’était
une façon de m’assumer
et de montrer que
les femmes avaient
leur place
Anne de Pontonx
”
Une tendance que confirme Anne
de Pontonx, 26 ans, fondatrice de
Françoise Paris, site de montres vintage
100 % féminin : « Mes clientes sont prin-
cipalement des femmes, surtout des Pari-
siennes, qui souhaitent se faire plaisir et
marquer le coup pour leurs 30 ans. » Plus
globalement, le segment des consom-
matrices d’horlogerie est en pleine ex-
pansion. Une étude publiée en 2022 par
le cabinet de conseils Deloitte détaille
que 83 % des femmes achètent désor-
Les jeunes sont
des amateurs de montres
comme Les autres
judikael hirel £@jhirel
En matière d’horlogerie, on tend à pen-
ser que les 18-35 ans n’ont pas les mê-
mes goûts que leurs aînés, qu’ils aiment
les montres connectées et les modèles
que leurs parents ne portent pas au poi-
gnet… Sauf que c’est entièrement faux :
ces jeunes amateurs de mode et de gar-
de-temps sont en fait, comme tout le
monde, fans de quelques (rares) mar-
ques helvètes renommées.
Selon l’étude « The Future of Time :
Luxury Watches and Gen Y/Z », menée
auprès d’un millier d’Américains et de
Britanniques de cette classe d’âge,
« l’attrait pour les montres de luxe suis-
ses reste très élevé chez les
millennials et la Gen Z ».
Pour une grande majorité
d’entre eux (60 %), possé-
der un tel garde-temps de
qualité est très important.
Certes, avec son Apple
Watch lancée en 2014,
la firme de Cupertino
est devenue la pre-
mière marque hor-
logère au monde.
rolex, AntoIne pIvIdorI/AntoIne pIvIdorI © CArtIer
Pour autant,
« nombreux sont
les jeunes gens qui
possèdent à la fois
des pièces connectées
et une montre de luxe.
Ils se sont adaptés à
l’utilisation de plusieurs
garde-temps, selon les
buts et les occasions. »
Le résultat de ce panel
inédit est assez facilement
transposable en France :
oui, les générations Y et Z
aiment le « Swiss made »
tout autant que leurs pa-
mais une montre pour elles-mêmes, et
non plus pour offrir.
Comme Brynn et Anne, elles sont des
dizaines à partager leur passion pour les
toquantes sur Instagram et TikTok. Zoë
Abelson (@watchgirloffduty, 23 100 fol-
lowers), spécialisée dans la vente d’hor-
logerie haut de gamme ; Jessica Owens
(@jessicajjo, 13 500 followers), fonda-
trice de Daily Grail, plateforme dédiée à
rents. Mais leur in-
térêt se porte sur
un nombre res-
treint de mar-
ques. À savoir,
sans surprise,
Rolex, qui ar-
rive plus
que large-
ment en
tête (61 %),
suivi par
Cartier (25 %)
et Omega
(24 %). De même,
c’est ce trio dont ils
connaissent le
mieux les codes et
les designs et qu’ils
identifient le plus
facilement lorsqu’on
leur présente un produit (respective-
ment, à 78 %, 49 % et 45 %).
Le prestige avant la technique
Rien d’étonnant donc qu’ils citent
Rolex à 48 % et Cartier à 13 % (avec une
majorité de femmes) dans leurs préfé-
rences d’achat - sachant que plus de 7
sur 10 d’entre eux déclarent avoir
l’intention d’acheter une montre de
luxe dans les deux prochaines an-
nées !
Du côté de leurs critères de préfé-
rence, le prestige de la marque (64 %)
arrive bien loin devant… la précision
(32 %) ! « Hormis les trois précitées, la
plupart des marques horlogères ont un
faible niveau de notoriété parmi la jeune
génération, en particulier, celles à prix
accessibles », résume Jörg Baumann, du
cabinet de conseil en luxe New Norms,
à l’origine de cette étude. Comme dans
le secteur de la mode, l’hyperluxe a une
place de choix dans le cœur des moins
de 35 ans. ■
1 2
1. Brynn Wallner, fondatrice du site l’industrie du luxe sous toutes ses for-
Dimepiece.co. 2. Les influenceuses Zoë mes ; Malaika Crawford (@malaikamc,
Abelson et Jessica Owens. 3. Montres 6 800 followers), journaliste pour le site
Piaget vintage chez Françoise Paris. référent Hodinkee et créatrice du pod-
4. La Tank Française de Cartier sur cast « Killing Time » au côté de Brynn
le compte Instagram de Brynn Wallner.
Wallner… La liste est longue, sans
compter les nombreux clubs exclusive-
ment féminins à travers le monde, où se
réunissent les amoureuses de tour-
billons et autres complications. Toutes
ont le même objectif : offrir aux (jeunes)
femmes un regard neuf sur l’horlogerie,
en utilisant les codes des réseaux so-
ciaux. Soit un mélange d’images léchées
(« wrist shots » à l’appui, ces fameuses
« photos de poignet » mettant à l’hon-
neur la montre, rien que la montre), de
selfies décontractés et de clichés de cé-
lébrités à haut potentiel viral.
3 Une recette que Brynn Wallner appli-
que à la lettre sur le compte Instagram
de Dimepiece, où Pamela Anderson pé-
riode Alerte à Malibu et sa TAG Heuer
waterproof côtoie le dernier modèle de
Rolex et la Casio de la danseuse afro-
américaine des années 1950 Eartha Kitt.
Qu’importe que la jeune femme soit,
comme bon nombre de ses consœurs,
une outsider tombée dans la marmite un
peu par hasard. « Je n’ai jamais vraiment
cherché à m’insérer dans cette industrie,
explique celle qui a découvert les classi-
ques de l’horlogerie et leur histoire
quand elle travaillait au sein de l’équipe
éditoriale de Sotheby’s à New York.
Pour moi, il s’agissait avant tout de met-
tre en lumière des femmes qui portent des
montres, et de le faire par un autre pris-
4 me, plus amusant et plus détendu. »
FESTIVAL
PALAZZETTO
BRU ZANE
PARIS
Le rendez-vous de la musique
romantique française
19 JUIN - 4 JUILLET 2023
le figaro mercredi 31 mai 2023
31
Cobey Arner, InstAgrAm/@jessICAjjo, InstAgrAm/@frAnCoIse.wAtChes, Coll personnelle
L’idée est surtout de désacraliser un
secteur traditionnellement associé aux
hommes - à qui l’on propose chrono-
mètres, montres de plongée et de nom-
breuses innovations, tandis que les fem-
mes sont cantonnées aux montres
bijoux précieuses. « Quoi qu’on en dise,
l’horlogerie est un domaine très masculin,
dans lequel il est difficile de s’imposer, in-
dique Anne de Pontonx. J’ai lancé mon
site de seconde main Françoise Paris
comme un défi, c’était une façon de m’as-
sumer et de montrer que l’on avait notre
place. J’ai eu envie d’être un point de re-
père pour d’autres femmes. » La vingte-
naire s’emploie à sortir des sentiers bat-
tus : si elle propose les incontournables
des maisons du quartier de la place
Vendôme, elle aime également présen-
ter des modèles vintage plus atypiques.
Cette démocratisation passe aussi par
un lexique plus moderne (en réaction au
jargon des experts masculins), et donc
plus accessible aux néophytes. « J’avais
envie de m’adresser de manière didactique
aux femmes », soutient Anne de Pon-
tonx. Même son de cloche chez Brynn
Wallner : « À l’époque où j’ai créé Dime-
piece, je n’étais pas une experte en horlo-
gerie, et je n’en connaissais pas les aspects
techniques. J’ai donc présenté les choses
d’une manière qui m’intéressait, c’est-à-
dire par le biais de la culture pop, qui
n’avait pas vraiment été exploitée jus-
qu’alors. Il n’y a pas de honte à aimer un
modèle simplement pour son apparence et
la façon dont elle s’accorde avec votre hu-
meur, ou votre goût. » L’essentiel étant
de trouver montre à son poignet. ■
A
 mercredi 31 mai 2023 le figaro
32 voyage
Visites gratuites
de quarante-cinq
grands Voiliers, défilé
des équipages issus d’une
trentaine de pays, concerts
et feux d’artifice à gogo :
la cité normande
s’apprête à accueillir,
pour cette 8e édition,
4 à 6 millions de Visiteurs
du 8 au 18 juin.
nos conseils de surVie.
RODOLPHE GEISLER £@RodolpheGeisler
ROUEN (SEINE-MARITIME)
L ’
Armada de Rouen ? Aujour-
d’hui, tout le monde la connaît
au moins de nom. Quant à dire
précisément ce qu’elle
recoupe, c’est souvent une
autre affaire. Est-ce un simple
rassemblement de vieux gréements, un
défilé de voiliers, ou plutôt une grande
fête maritime de dix jours ? Seule certi-
tude, la capitale normande accueillera
du 8 au 18 juin prochain, comme désor-
mais tous les quatre ans depuis la
première édition de 1986, quatre à
6 millions de visiteurs. « En réalité, il y a
autant d’Armada de Rouen que de visi-
teurs. Le programme des animations est
riche et chacun peut la vivre à sa façon,
sur une ou plusieurs journées… »,
tranche Jean-Paul Rivière, le nouveau
président d’Armada 2023, l’association
organisatrice.
Chemise blanche légèrement ouverte
sous un blazer bleu marine arborant
l’écusson de l’Armada 2023, Jean-Paul
Rivière, qui a fait fortune dans les télé-
coms et l’immobilier, promène aujour-
d’hui une silhouette de skipper « old
school » sous son teint hâlé des gens de
mer. « L’Armada, c’est un rassemble-
ment de vieux voiliers qui sont en pleine
ville, où des gens viennent seuls ou en
famille rêver devant des bateaux et des
marins qui ont fait chacun plusieurs fois le
tour du monde et qui symbolisent une cer-
taine idée d’aventure et de liberté. C’est
cela, l’âme de l’Armada de Rouen »,
complète le successeur de Patrick Herr,
qui fut à l’origine de l’événement.
Concrètement, durant dix jours,
quarante-cinq voiliers d’exception et
quelques bâtiments de la marine
nationale seront amarrés entre le pont
Guillaume-le-Conquérant et un peu
après le pont Gustave-Flaubert. Soit
plus de 6 kilomètres de déambulation
possible le long de la Seine, rive droite
et rive gauche. Les visites des bateaux
sont gratuites entre 10 heures et 17 heu-
res. Avant et après, ils sont générale-
ment privatisés par des entreprises ou
des collectivités, qui y organisent des
événements de relations publiques et
autres séminaires. Cette année,
234 contrats de ce type ont été passés.
L’Armada, ce sont aussi 50 millions
d’euros de retombées économiques di-
rectes et autant en retombées indirectes
pour l’hôtellerie, la restauration, etc.
limiter l’empreinte carbone
Quant au village de l’Armada, ouvert
tous les jours jusqu’à 2 heures du matin
le long des quais, c’est aussi 105 parte-
naires privés et autant de stands pour
de la petite restauration, l’achat de sou-
venirs, comme des marinières pour
tous les goûts et de toutes les couleurs,
ou encore pour découvrir des produits
locaux. Restaurés progressivement de-
puis une trentaine d’années, les quais
de Rouen, avec leurs anciens entrepôts
en briques rouges, aujourd’hui trans-
formés en restaurants, bar, Musée ma-
ritime, ou encore salles de spectacles,
sont une visite en soi.
Les nouveautés 2023 ? Un parrain, pour
la première fois : l’auteur normand de
polars Michel Bussi, qui remettra un
prix pour un concours de nouvelles sur
le thème de la mer. Et, sans doute aussi,
la prise en compte, terriblement dans
l’air du temps, de l’empreinte carbone
d’un pareil événement. « Cette année,
nous souhaitons être exemplaires
vis-à-vis des questions de développe-
ment durable. Par exemple, il n’y aura
plus de bouteilles en plastique sur le site,
et chaque partenaire s’est engagé à trier
les déchets en cinq systèmes. Nous avons
aussi obtenu 5 000 places pour les vélos
ou encore des trains supplémentaires
pour éviter que les visiteurs ne viennent
trop en voiture. Enfin, 90 % des bateaux
seront directement connectés aux quais
A
grâce à Enedis », se félicite encore Jean-
Paul Rivière. Il peut même crâner un
Rouen met son ArmAdA en seine
La manifestation (ici, la 7e édition,
en 2019) rassemble, depuis 1986,
de vieux voiliers qui sont amarrés le long
de la Seine sur plus de 6 kilomètres,
dans une ambiance festive.
AlAn Aubry
Chaque soir, à 23 h 30,
les visiteurs de l’événement
pourront profiter de feux d’artifice
qui seront tirés de la presqu’île Rollet
(ici, le 12 juin 2019). AlAn Aubry
peu. L’Armada de Rouen, c’est aujour-
d’hui, après le Tour de France, la
deuxième plus grosse manifestation
française et la première mondiale
du genre.
Ce qu’il faut savoir pour…
Arriver à rouen
uLa SNCF s’est engagée à compléter
son offre avec des trains doublés en lon-
gueur au départ de Paris-Saint-
Lazare et des trains supplémentaires aux
départs de Caen et de Dieppe. Soit
5 000 places supplémentaires avec des
tarifs réduits. Depuis la gare de Rouen,
les quais sont à moins de 15 minutes à
pied : descendre la rue Jeanne-d’Arc
jusqu’au pont Jeanne-d’Arc. Sinon,
prendre le métro devant la gare et
descendre à la station Théâtre-des-Arts.
visiter les bAteAux
uVisites gratuites de 10 heures à
17 heures. Un guide avec la fiche de
chaque bateau est en vente sur le
village. Traditionnellement, les
visiteurs aiment recueillir « le coup de
tampon souvenir » de chaque voilier
visité à la façon d’un passeport.
ueffectuer une croisière
sur lA seine
Plusieurs formules : petite balade d’une
heure (16 €), déjeuner croisière (169 €),
dîner croisière (260 €) sont notamment
proposés au niveau du pont Jeanne-d’Arc.
Assister Au grAnd défilé
u des mArins
Avec le footing des marins dans les rues
de « la ville aux 100 clochers », le défilé
en uniforme est sans doute l’événement
le plus attendu. Départ le 14 juin à 14 h 30
des quais jusqu’à l’hôtel de ville. « Après
le défilé, pour un after avec les marins
dans les bars de Rouen, les Mexicains sont
réputés pour mettre l’ambiance… », nous
glisse un des 450 bénévoles.
uAssister à lA messe
des mArins
L’exercice s’avère parfois périlleux. Il y
a quelques années, l’archevêque de
Rouen était tombé à l’eau ! Cette année,
la messe aux marins aura lieu à bord
d’un voilier et sera célébrée par
l’archevêque Dominique Lebrun, le
11 juin à 11 heures, en présence de
350 choristes.
ulA grAnde pAgAille
La manifestation plaît généralement
bien aux enfants mais aussi aux plus
grands. La « grande pagaille » est une
traversée de la Seine à bord de petites
embarcations de fortunes fabriquée
avec des matériaux recyclés. Un prix
est remis aux… survivants. Elle se dé-
roulera le 7 juin à 17 heures avant l’arri-
vée des premiers voiliers de l’Armada.
ufAire lA fête
Des concerts (pour tous les goûts) et
des feux d’artifice sont organisés tous
les soirs sur les quais, avec des navettes
jusqu’à 2 heures du matin. Notre
conseil pour les agoraphobes : ne pas
hésiter à sortir du village afin de décou-
vrir les nombreux bars branchés du
centre-ville et restaurants de la place
du Vieux-Marché.
uAssister à lA grAnde pArAde
La grande parade du 18 juin remonte
la Seine jusqu’à l’embouchure de
l’estuaire. Près de 120 kilomètres jus-
qu’au Havre et 61 communes traver-
sées. On estime à 2 millions le nombre
de personnes susceptibles de la regar-
der passer. Dans certaines communes,
des champs sont loués plusieurs mois à
l’avance par des groupes d’amis pour y
pique-niquer en attendant le passage
des bateaux. Attention, la remontée est
calculée en fonction des horaires des
marées. Cette année, départ prévu de
Rouen à 7 h 30 pour des arrivées au
Havre comprises entre 15 heures et
22 heures Il est possible d’effectuer la
descente de la Seine sur une vedette
(195 €) ou à bord de voiliers (compter
entre 210 € et 315 €).
uprendre de lA hAuteur
Plusieurs panoramas permettent
d’admirer l’Armada. Notamment
depuis le belvédère de Mont-Saint-
Aignan. Ou depuis la colline Canteleu.
ulecture
Les Éditions des Falaises proposent
un livre, À la table des voiliers de
l’Armada (128 p., 25 €). L’auteur,
Valérie Duclos, accompagnée du photo-
graphe Stéphane L’Hôte, a recueilli les
meilleures recettes de leurs chefs et…
sur le papier, réalisables soi-même !
Comme ce Boerenkool stamppot dégus-
té sur le voilier néerlandais Atlantis.
Autre nouveauté, aux Éditions Flamma-
rion : Embarquez à bord du Belem (192 p,
35 €). Ce beau livre de notre confrère du
Figaro Magazine Cyril Hofstein, avec le
photographe Philippe Matsas, nous
plonge dans l’histoire de ce trois-mâts
de légende, star de l’Armada.
use loger
Trouver une chambre dans Rouen à
quelques jours de l’événement s’avére
difficile. Nous avons débusqué quelques
adresses avec des disponibilités :
L’Hôtel Flaubert, un charmant 4-étoiles
situé à deux pas de la place du Vieux-
Marché, où fut suppliciée Jeanne d’Arc.
L’établissement fait partie de la Société
des hôtels littéraires. Chic et de très bon
goût, le client est invité à voyager au
rythme des récits de l’écrivain nor-
mand. Derrière la salle du petit déjeu-
ner, un boudoir dans le goût XIXe siècle
bourgeois propose de s’assoupir sur une
banquette un livre à la main sous le por-
trait d’Emma Bovary. Depuis le 5e étage,
la vue sur les toits de Rouen et ses
clochers est impayable. Compter entre
250 € et 350 € la nuit en chambre dou-
ble pour l’Armada. Sans hésiter. 33, rue
du Vieux-Palais, tél. : 02 35 71 00 88 ;
hotelgustaveflaubert.com
L’Hôtel de la cathédrale. En face de
l’Historial Jeanne d’Arc, où fut jugée la
Pucelle, ce 3-étoiles conserve quelques
chambres pour l’Armada comprises
entre 105 et 245 € la nuit. 12, rue
Saint-Romain, tél. : 02 35 71 57 95 ;
hotel-de-la-cathedrale.fr
Le Vieux Carré. D’une gamme en
dessous mais de caractère. La façade en
pans de bois donnant sur une petite
cour pavée arborée est un enchan-
tement. Les chambres sont plus
spartiates. Compter de 130 € à 150 €
la nuit, la semaine de l’Armada.
34, rue Ganterie, tél. : 02 35 71 67 70 ;
hotel-vieux-carre.com
Plus de renseignements et programme
complet sur : visiterouen.com
 le figaro mercredi 31 mai 2023

Télévision 33

À la recherche des contes perdus du Kenya

« Menace sur le berceau de l’huManité » scrute
la MéMoire, les récits et les chants qui unissent
une tribu autochtone à son enVironneMent. une iMMersion
passionnante dans une région Menacée de toutes parts.
Simon cherner £@SimonCherner
braconnier et sa famille pour la mise à
mort injuste d’un oryx.

U
n vent d’amnésie balaie les
Dassanetchs. Au sein d’une
tribu kényane de cette eth-
nie est-africaine, la mémoi-
re des histoires passées de
génération en génération a commencé à
s’évaporer. Quel mal ronge ce peuple éta-
bli sur la rive du lac Turkana, non loin de
la frontière éthiopienne ? Une ancienne
du groupe lâche le morceau. Leur monde
sauvage disparaît. « On ne voit plus de
grands animaux dans la région. Il ne reste
plus que nous maintenant, quelques petites
bêtes et des carnivores », raconte-t-elle.
De la faune autrefois si abondante, il ne
reste, à peu près, que des histoires, des
bribes fragiles de mémoire attachées aux
plus vénérables des Dassanetchs.
Cette culture orale chancelante, il est
pourtant nécessaire de la préserver. La
réalisatrice Iiris Härmä s’est lancée pour
les besoins de son documentaire dans les
pas d’une expédition finlandaise de l’uni-
versité d’Helsinki, à la recherche des his-
toires d’animaux préservées au sein de
ces populations autoch-
tones. Les ethnologues
recueillent contes, récits
et paroles que leur Ushuaïa TV
transmettent les com- ○○○◐
20.45
munautés, réunies en
arc de cercle autour des micros. Quelques
histoires scandées évoquent des animaux
encore familiers. Un conte mélodique se
moque de beaux singes grimpeurs « en
habits noir et blanc », un autre narre le
festin vengeur d’un dieu qui dévora un
Des souvenirs ont sombré dans l’énig-
me. Un ancien se remémore une expres-
sion entendue dans sa jeunesse : « Que la
paix du rhinocéros soit sur vous. » Désem-
paré, il se trouve désormais incapable
d’en expliquer la signification. Le mam-
mifère cornu n’existe plus dans la région.
Une chercheuse présente la photographie
d’un couple de lions magnifiques à un
groupe d’enfants. Personne ne reconnaît
le roi de la savane. D’autres animaux
évoluent dans le lointain, par-delà les
steppes et les vallées voisines. C’est le cas
des hippopotames. L’année avant le pas-
sage de la mission scientifique, des chas-
seurs avaient rapporté une tête en tro-
phée d’une chasse périlleuse.
Prédation de l’environnement
Savant fil rouge du film, le chercheur Al-
varo Fernandez-Llamazares, spécialiste
en ethnoécologie, sombre dans le doute
au milieu des sourires autochtones. Tel
un saint Antoine tourmenté dans le dé-
sert, il lui faut repousser tentations et
pensées néocoloniales. Mais il y a pire. La
radieuse cérémonie du
Dimi, donnée tous les La cérémonie du dimi est donnée chercheur, le regard vide. Faute d’ani- accablent la tribu : surpopulation, chô-
deux ans en l’honneur
des filles aînées des
clans, le foudroie sur
tous les deux ans en l’honneur
des filles aînées des clans
de la tribu Dassanetchs. GuEriLLa FiLms
maux, certaines peaux se négocient au
marché noir. Merci le braconnage. La
consolation vient d’un missionnaire bé-
mage, conflits de pâturages, violences
entre tribus. Conséquence du change-
ment climatique, la question de l’eau de-
place. L’ethnologue nédictin, extraordinaire apparition en vient centrale. À défaut de sauver leur
compte au moins 85 peaux de léopard chapeau de campagne, bure mauve et monde, l’ethnologue édite un recueil
autour des célébrants. Or le félin ne court moustache fournie. Il livre quelques se- d’histoires autochtones et invite les Das-
plus guère le parc, lui non plus. Ce rap- crets sur cette terre frappée d’amnésie, ce sanetchs à changer leurs traditions, à
port prédateur à l’environnement l’esto- berceau de l’humanité connu pour avoir moins chasser le léopard. Une ancienne
maque. « Leur culture se maintient en por- abrité quelques-uns des plus anciens fos- se braque. Il était plus aisé, c’est vrai, de
tant atteinte à la nature », réalise le siles du genre humain. Plusieurs maux se faire réciter des contes. ■

« Médecin de nuit », les ténèbres d’un toubib

dans ce filM noir, âpre et sous tension, Vincent Macaigne incarne MagistraleMent un antihéros pétri de contradictions.
qui n’est autre que la fiancée de Dimitri. ne. Jusqu’à ce film, le cinéma a plutôt ex- Avoir un métier, c’est génial pour un ac-
Étienne Sorin £@Etienne_Sorin Mais Médecin de nuit n’a rien d’un vaude- ploité sa fibre comique. Guillaume Brac teur, et plus facile à jouer que les senti-

Dans ce polar nerveux, Vincent Macaigne
incarne « un personnage dostoïevskien,
en quête de rédemption, un drogué
de la nuit qui va vers le jour ».
DaviD CHiZaLLET/ParTiZan FiLms/arTE
D
ans Médecin de nuit, Vincent
Macaigne est méconnaissable
en oiseau de nuit, toubib qui
sillonne en voiture les rues du
Nord-Est parisien pour soi-
gner des inconnus et des toxicomanes.
Mikaël, son personnage, n’est pas un
ange. Il trafique du Subutex pour payer
les dettes de son cousin pharmacien, Di-
mitri (Pio Marmaï), en affaires avec un
Géorgien menaçant. Le réalisateur, Élie
Wajeman, n’invente rien, un tel trafic
vers les pays de l’Est existe. Comme si sa
nuit n’était pas assez agitée, Mikaël fait le
grand écart entre sa femme (Sarah Le Pi-
card) et sa maîtresse (Sara Giraudeau),
Mercredi 31 mai
ville. C’est un film noir, tendu, nerveux,
qui rappelle le James Gray de Little Odes-
sa et le Jacques Audiard de De battre mon
cœur s’est arrêté. « Un personnage dos-
toïevskien, en quête de rédemption, un
drogué de la nuit qui va vers le jour », dit
Macaigne.
Le nouveau Jacques Villeret ?
Comme tout bon polar, le film est une
tragédie grecque, respectant la règle des
trois unités (lieu, temps, action) et le fa-
tum en guise de happy end. Manteau de
cuir lourd comme s’il était lesté de la mi-
sère du monde, valises sous les yeux,
cheveux gominés et revolver à la main, la
métamorphose de Macaigne impression-
(Un monde sans femmes), Sébastien Bet-
beder (2 automnes 3 hivers), Antonin Pe-
retjatko (La Fille du 14 juillet), Vincent
Mariette (Tristesse Club), Dominik Moll
(Des nouvelles de la planète Mars), Samuel
Benchetrit (Chien) ou Éric Toledano et
Olivier Nakache (Le Sens de la fête) en ont
fait un nounours burlesque ou dépressif.
À défaut de s’inscrire dans la lignée d’un
Gérard Depardieu, à qui le comparait le
Guardian en 2014, Macaigne serait-il le
nouveau Jacques Villeret ? « Élie Waje-
man a voulu vriller mon
image. Médecin de
nuit m’a déplacé. C’est
la première fois qu’on
○○○¡
20.55
me voit au travail.
ments », confiait-il, comme un clin d’œil
à son frère, médecin légiste, à la sortie de
ce film en juin 2021.
Médecin de nuit lui a fait découvrir la
salle de sport - pour ce polar, il a perdu
25 kg avec un coach. Et le code de la rou-
te : Wajeman voulait pouvoir le filmer au
volant de son break Volvo et lui a payé le
permis. « Conduire au cinéma est plus
simple que dans la vie, les rues sont blo-
quées », s’amuse l’acteur. Vincent Ma-
caigne, le nouveau Al Pacino ? Et pour-
quoi pas. Celui de
L’Impasse, le chef-
d’œuvre de Brian De Pal-
ma, à qui Médecin de nuit
rend un bel hommage. ■

MOTS CROISÉS Par Vincent Labbé MOTS À CASER SUDOKU

1 2 3 4 5 6 7 8 Placez les mots de la liste dans la grille ci-dessous. En partant des chiffres déjà placés, remplissez les
PROBLÈME N° 6305 grilles de manière à ce que chaque ligne, chaque
HORIZONTALEMENT 1 2 LETTRES EUH SAIN 6 LETTRES 8 LETTRES colonne et chaque carré de 3 x 3 contienne une
1. A reçu l’admonestation. - 2. Édicules d’urgence. - 3. ÇA HUÉ SITE CÉMENT DÉMETTRE seule et unique fois tous les chiffres de 1 à 9.
Whisky de seigle. Vieille marchande de salades russes. 2 CI ÎLE YARD COUTRE DÉPEIGNÉ
IF OBI ESTIME PSYCHOSE
- 4. Dis le plus grand bien. - 5. Doctrine selon laquelle les 7 1 6
FACILE

idées en nous précèdent l’expérience. - 6. Ils établissent 3 LI TAG

5 LETTRES ÉTUVER
un rapport de force. Offre un choix. - 7. Monde à moussons. RA
SA
VAR
ARDUE
BANDE
NÉROLI
RINCER
9 LETTRES
PÉNALISER
8 1 9 5 2
4
Préposition dans l’auxiliaire. - 8. Parvenu à saturation.
Son coup atteint l’oreille. - 9. Vas effectuer des actions 4 LETTRES CLOUÉ RÉCHAUFFÉ 4 2 6 5 9 7
de façon répétitive. - 10. Hommes de cour. Sauvé des 5 3 LETTRES
ARS
CÈPE
ÉTAL
ESPAR
LEVÉE
7 LETTRES
ENDÉMIE
STÉRILITÉ 7 5 2 9
eaux. - 11. Elle est cause de délitement. Se retrouve au
poste. - 12. Forces à économiser. 6 CIL ÉTOC RUGIR ENLEVER 6 2 8
7
ÉLU
ENE
LÉSÉ
RÉEL
TONDU
USITÉ
ÉOLITHE
ÉTOURDI
3 1 6 4
GRILLE 4377

VERTICALEMENT
1. Pratique conçue en cas de catastrophe. - 2. Elle a
2 8 7 6 3 9
8 1 3 8 64
spolié bien des Juifs. - 3. Spécialité de Marie-Antoinette.
- 4. Mauvaise langue. Ses programmes s’enchaînent.
Crier en tout sens. - 5. Relevais en couchant. Belle
9 5 4 2
arabo-andalouse. - 6. Il a des goûts simples. Composition 10
notée. Passé plein d’éclats. - 7. Ont subi une brusque 9 5
DIFFICILE

inflation. Colle au corps. - 8. Principaux axes routiers. 11

Passés sous le nez. 2 1 4 9
12 3 7
9 3 4
SOLUTION DU PROBLÈME N° 6304 6 2 5
HORIZONTALEMENT 1. Étalages. - 2. Mêmement. - 3. Plombier. - 4. Leu. Rgea. - 5. Aérien. - 6. CC. 8 5 1
GRILLE 4378

Stère. - 7. Errât. AG. - 8. Mie. Épie. - 9. Etna. Ers. - 10. Nui. Pré. - 11. Treuil. - 12. Serdeaux.
3 9 1
VERTICALEMENT 1. Emplacements. - 2. Téléécriture. - 3. Amour. Renier. - 4. LEM. Isa. Ud. - 5.
4 5
A

Ambrette. Pie. - 6. Geigne. Perla. - 7. Énée. Raire. - 8. Stratèges. Ex.

2 48
 mercredi 31 mai 2023 le figaro

34 télévision Tous les programmes

dans TV Magazine et sur l’appli TV Mag météo par

À LA DEMANDE ÉPHÉMÉRIDE Ste-Pétronille

Soleil : Lever 05h52 - Coucher 21h44 - Lune croissante

21.10 21.10 21.10 MATIN

Grey’s Anatomy Disparition inquiétante Des racines et des ailes 11
Série. Hospitalière Téléfilm. Suspense Magazine This Way Up 50
10
10 12 13
11 12
12 13
11
10 12 12
11
12
12 12 13
12
EU. 2022. Saison 19. Avec Ellen Fra. 2021. Réal. : Arnauld Mercadier. Prés. : Carole Gaessler. 1h55. En Nor- Áine vit à Londres et se remet plus
Pompeo. 2 épisodes. Inédit. Addison 1h30. Avec Alix Poisson. Lewansky mandie, sur le sentier des douaniers ou moins bien d’une dépression 30 12
Montgomery épaule Bailey pour reçoit un texto d’une jeune fille Réalisé par Anne-Laure Cahen et Ca- qu’elle a dû faire soigner dans un 14
12
l’accueil des nouveaux internes en de 17 ans qui lui dit avoir laissé son roline Conte Pour ce nouveau numéro établissement psychiatrique. Pro- 13
gynécologie-obstétrique de Bailey. bébé seul dans son studio, se sen- inédit «Des racines & des ailes», nous fesseur d’anglais pour étrangers 15 13
Maggie procède à une greffe de tant trop jeune pour être mère. partons sur le littoral normand offrant primo-arrivants, elle traîne son 17 20
poumon. l’un des plus beaux sentiers de grande mal-être un peu partout, depuis les 18
22.50 La conspiration du silence. 17 15
randonnée de France. bancs de l’école jusqu’au canapé
22.50 Grey’s Anatomy : Station 19. Documentaire.Réal. : Thierry Fournet. 19 17
de Shona, sa sœur aînée, qui tente
Série. Action. Acier froid et feu sucré. Où sont passés les tortionnaires ? 23.10 Mégafeux, un été au combat.
de lui remonter le moral à sa façon. 18 30
Dotée d’un humour décapant à la
noirceur désespérée, Aisling Bea 15
fait depuis des années les grandes APRÈS-MIDI
heures du stand-up britannique.
21.09 20.55 21.10 Difficile de résister à son aplomb
50
25
Kôkôrikô Médecin de nuit Top chef désarmant, ici mis en scène avec
25
Divertissement Film. Drame Jeu finesse dans les deux saisons de
cette série qui aborde avec beau- 25 26 26
21 28
coup de sensibilité les questions
25 27
de santé mentale et de solidarité 21
quand le désarroi face à l’absurdité 26 28 27
25
du monde prend le dessus. 28
28 28 27
27

A travers une quinzaine de sketchs, Fra. 2020. Réal. : Elie Wajeman. 1h16. Prés. : Stéphane Rotenberg. 2h10. 28 26
Jean-Pascal Zadi joue avec les clichés Avec Vincent Macaigne. Un médecin Emission 14 Inédit. Au cours de 20 25 24
et les préjugés ordinaires. «Kôkôrikô !» de nuit, empêtré dans une liaison ces demi-finales, chaque candidat 6.00 Points de vue 30 28
fait raisonner l’histoire avec le présent adultère et une fraude aux ordon- imagine son épreuve et l’impose à ses 7.00 Bienvenue
23 25
et interroge l’origine des discrimina- nances de Subutex, déambule dans adversaires. L’imagination ne manque en Île-de-France 23
tions et la persistance de leur banalité. les quartiers populaires de Paris. pas pour piéger les adversaires. 9.30 Documentaire culture 22 25
18.30 Le Buzz TV. Kareen 23
22.07 Hot Ones. Divertissement. 22.15 Moi, Christiane F, droguée, pros- 00.15 Cauchemar en cuisine. Docu- 22
Guiock Thuram, chanteuse 30
22.39 L’année du requin. Film. Comédie. tituée... : une génération perdue. Doc. mentaire. Notre-Dame-de-Vaulx. et ex-présentatrice sur M6. 22
Interviewée par Nicolas Vollaire 22
et Cécile Brelot.
19.00 Bienvenue en Île-de-
T (en °c)
France. Présenté par Victoire
Sikora. Invitée culture : <-10 à 0 0 à 10 10 à 20 20 à 30 30 à >40
20.31 Touche pas à mon poste ! Div. 19.50 Love Island. Téléréalité. 20.45 Quotidien. Divertissement. Kitty Hartl, directrice artistique
de la Nuit blanche.
21.19 Mongeville 20.50 Football : Ligue Europa 21.25 Burger Quiz
Série. Policière. Fra. 2016. Sport. Finale : FC Séville - AS Roma. En Jeu. Installées dans une sandwi- ALGER 17/20 AMSTERDAM 11/22 ATHÈNES 17/24
Saison 1. Avec Francis Perrin. Dispa- direct. Les demi-finales retour de la cherie, les deux équipes Mayo et 17/23 17/23 11/25
BARCELONE BELGRADE BERLIN
rition inquiétante. Inédit. Une famille Ligue Europa se disputaient le 18 mai Ketchup, composées d’un candidat
11/24 11/25 15/26
YoHan BonnEt/aFp

bordelaise, propriétaire d’un haras, dernier. En finale, on retrouve donc le anonyme accompagné de deux BERNE BRUXELLES BUDAPEST
déplore la disparition de sa fille, jeune FC Séville qui affrontent l’AS Roma de personnalités, s’opposent dans un COPENHAGUE 11/21 DUBLIN 12/16 LISBONNE 14/23
cavalière promise à un brillant avenir. José Mourinho sur la pelouse du stade face-à-face de questions loufoques LONDRES 11/22 MADRID 14/23 PRAGUE 11/24
L’enquête débute. Ferenc-Puskas de Budapest. et parfois déstabilisantes. RABAT 16/22 ROME 17/26 TUNIS 17/24
23.07 Mongeville. Série. Policière. 23.20 Enquêtes criminelles. Mag. 00.40 Programmes de la nuit

22.30
JEUDI VENDREDI SAMEDI

13/23 11/23
Le Club 9/20
20.00 C à vous la suite. Talk-show. 19.30 Vintage Mecanic. Documentaire. 20.20 C’est un complot ! Doc. Le Figaro Culture 14/24 13/26 12/21 13/24 11/22 13/25
Magazine. Présenté
21.00 La grande librairie 21.10 Camions XXL : 20.50 Histoire secrète par Jean-Christophe Buisson. 15/27 13/24
Mag. Prés. : Augustin Trapenard. 1h35. les rois du convoi exceptionnel de l’antiterrorisme 12/26
Invitée : la comédienne
Bibliothèque idéale Augustin Trape- Doc. High tech pour transports hors Documentaire. Fra. 2018. Réal. : et romancière Isabelle Carré. 16/25 17/24 15/27 16/25 16/26 17/24
nard accueille des auteurs venus pré- normes. Dans la Manche, Benjamin Patrick Rotman. 2 épisodes. Depuis
senter les livres de leur bibliothèque transporte une piscine gigantesque en plus de trente ans, ils luttent dans
idéale : Philippe Besson, Faïza Guène, acier carbone de 22 tonnes destinée l’ombre contre les réseaux du terro-
Mathias Enard, Katherine Pancol, au futur plus gros paquebot du monde. risme islamiste. lachainemeteo.com
Caryl Ferey et Chloé Delaume. Par téléphone : LIVE 24/24 Sur L’APPLI
22.35 Camions XXL : les rois du 23.25 Enzo Ferrari, le rouge et le noir.
GRATUITE
22.35 C ce soir. Talk-show. convoi exceptionnel. Documentaire. Doc. Réal. : Enrico Cerasuolo. 2,99 €/appel La Chaîne Météo

MOTS FLÉCHÉS DU FIGARO N°3535

ÉTATS TO- PRO- COUP AU PRASÉO- COPIER ÉCRIVAIN FIN CITÉ D’UN ROUE À DEVISE AFFAIBLIE
TALITAIRES DUCTIVITÉ GOLF IL GAGNE DYME SANS DE BOSTON D’INFINITIF CHEVAL GORGE BON- DE SUÈDE
SA VIE EN SYMBOLISÉ HOMME INDICE
BORD VALET DU GENRE JOUANT AUTORI- LIÉS AU CONTRAIRE CÔTÉ DU PROPOS DES NEIGES ENCAUS-
TAILLÉ DE CŒUR NEUTRE VIRTUOSE SATION REGARD À L’USAGE DESSUS D’ÂNE TIQUAI DE POIDS
ANNONCE DÉFENSE BOÎTE À
UNE EX- D’EN FAIRE ! BIJOUX
PLICATION PARLER
PRÉVUE FUTILITÉ DU NEZ
EXAMENS ANCIEN QUATRE-
OBJECTIFS HÉRÉTIQUE VINGT-
DIXIÈME
CHAMBRE ANNÉE- EN
DE BONNE LUMIÈRE BELGIQUE
ENSEMBLE APPA- PETITE
MAL FAIT UNE RENCE LONGUEUR
RANGÉ DÉDICACE ARROSE TRAIN À
PALOMBE BÉZIERS RAMES
IL EST AU MOQUERIE CONGÉ BILLET DE FILET
SOMMET POUR UN HEBDO- VOYAGE D’EAU
CHAPEAU MADAIRE ÉLU DES DANS
DOPERA POINTU ENDUIT PYRÉNÉES LE PRÉ
AMI DE AUTEUR BOUCHÈRE
FERRY ITALIEN À LA MODE
ACIDE, A DES AS- CRÉATURE
AGRESSIF PIRATIONS DE RÊVE
DÉCHET APPELLA- DÉPÔTS RIDICULE ON LA
DU CORPS TION DES FERTILES CONNAÎT
PORT VINS DE 505 À MESURE DE PAR SON
ALGÉRIEN FRANCE ROME RADIATION NOM
ACCRO ACIDULÉE SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT
IDEM EN
DIEU À PLUS I B C K A M C H N U F G U
TÊTE DE CONJOINT
DESTITUÉ COURT E M B U C H E S G L A I S E U S E S K I P P E R
FAUCON
M I R O I T I E R T R A D I T I O N A L I S T E
À PEINE IL DOIT ELLE K O I N C A P A C H A E L A G U E E L A T
ÉCLOSE ÊTRE RESTE MI-
B A N D O N E O N S I G N A L E E S T O M P E
L’ARMÉE MAINTENU NEURE EN
D’ANTAN EN MER TURQUIE P I C O N C I D A T R S L A M M E T I E R
L E A R H E S I T A E P E I S A R S S E
IL EST BIEN LETTRES
A

V I R E V E R S E R P L A T O R A L
SERVI AU RENVOYER DU
TENNIS AILLEURS DOCTEUR
T E R N E I E E M M E N A N T I A
L E S E E D E S O S S E R N I E C E S
 le figaro mercredi 31 mai 2023

35
de tennis Serena Williams, Novak Djo-
kovic, ou encore Rafael Nadal, qu’il

Joël Blanc
rencontre en 2005, à Monte-Carlo ;
tous, depuis, ne manquent pas de le sa-
luer et de signer ses œuvres après
match. Car l’homme est aussi celui que

la beauté du geste
l’on affectionne pour la générosité de
son trait.

Transfiguration
« Le tennis, c’est plus qu’un sport. C’est
un art, au même titre que la danse », di-
sait le tennisman américain Bill Tilden.
PORTRAIT cet artiste Aurait-il pu aller jusqu’à dire que le
sport est un art, au même titre que la
consacre son œuvre peinture ? Vraisemblablement. Du
à la représentation de moins on le pense quand Joël Blanc
nous raconte la genèse de ses œuvres.
l’instantanéité et notamment « Il me faut généralement une demi-heu-
re d’observation avant de pouvoir com-
aux événements sportifs. mencer à peindre, explique-t-il. La fou-
un défi qu’il relève cette le, sa couleur, son énergie. Tout cela
m’inspire. C’est ensuite comme si mon
année encore, en peignant pinceau se saisissait de la force d’un
mouvement de raquette ou d’une passe
en direct les joueurs pour représenter la scène qui se déroule

SEBASTIEN SORIANO/LE FIgARO

de roland-garros. sous mes yeux. Cela relève presque de la
transfiguration. » Au point que certai-
nes personnes du public assistant au
miracle ne lâchent plus le tableau des
Dorian Grelier yeux. Et si l’art, c’était vivre le match à
dgrelier@lefigaro.fr travers l’œuvre ? Une conception pro-
che de l’expressionnisme abstrait, avec
laquelle notre artiste, inspiré par Vélas-

P
ar les fenêtres ouvertes
de l’atelier de l’artiste,
perché au 4e étage d’un
immeuble parisien, le
pollen s’engouffre. Ce
jeudi, près de la porte de
Champerret, la poussière
qu’un vent d’orage balaie
se confond avec la terre battue. Celle-là
même qui, au pinceau de Joël Blanc, vire-
volte à l’aquarelle. Dans cet antre baro-
que où les toiles en tous genres rivalisent
pour décrocher le trophée de la spécialité
du peintre, les représentations sportives
gagnent la partie. Celles des matchs de
tennis notamment. « Ce qui m’intéresse
dans ce sport est la beauté du geste,
l’énergie qui se transmet entre le joueur et
moi », confie-t-il. Car Joël Blanc n’a rien,
ou presque, de l’illustrateur et du photo-
graphe. « Je n’enregistre pas des images
que je me contente de recopier. » Non. Ce-
lui qui aime à se définir comme « artiste
de l’instant » peint le mouvement à ciel
ouvert. Cette année encore, il esquissera
les revers des joueurs mondiaux depuis
les tribunes de Roland-Garros.
Du Mexique aux Philippines, en pas-
sant par l’Afrique du Sud et la Tanzanie,
c’est loin des courts que ce fils de mili-
taire et petit-fils d’un décorateur de
bateaux varois, né en 1946 à Toulon, a
fait ses premières armes. Après des étu-
des dans les plus grandes écoles d’art de
la capitale, Joël s’envole pour des con-
trées lointaines, muni de carnets,
crayons et pinceaux.
Sculpter l’impossible
Nous sommes au début des an-
nées 1970, l’agrégé d’arts plastiques
découvre le monde sous un angle bien
précis. Ce qui l’intéresse, c’est le pay-
sage vivant, le corps - animal ou hu-
main. À ses risques et périls. « Une fois
que j’étais au Mexique, des femmes que
je dessinais sont venues déchirer mes
feuilles au motif que je volais leur image
et, de fait, leur âme. » Mais le jeu en
vaut la chandelle. En témoigne cette
anecdote selon laquelle, au fil des rou-
tes, les enfants qui çà et là piquaient
ses crayons le contraignirent à déve-
lopper la technique du dessin à l’aqua-
relle. Une technique qu’il ne lâchera
plus dès lors.
De retour en France, Joël Blanc se lance
le défi de peindre et sculpter l’impossible :
le cheval en mouvement. Quand bien
d’autres avant lui s’y sont cassé les dents,
« il semble que l’âme du cheval soit alors
venue se loger dans le corps de l’homme »,
pour reprendre les mots d’Antoine Étex,
sculpteur représentant de l’école roman-
tique, à propos de Géricault. Car celui qui,
en 2008, dessinera le nouveau logo du
PMU, arpente les hippodromes pour en-
trer en symbiose avec le rythme de son
modèle et représenter son élan en direct.
Un talent qui, à l’aube de l’an 2000, sort
de la confidentialité. Non seulement grâce
aux premières expositions et ventes de ses
œuvres, mais surtout grâce à une rencon-
tre. Celle de Claude Esclatine, alors à la
direction de la chaîne Equidia, sur la piste
de Deauville. « Il avait compris que le geste
du peintre en action passait bien à l’image.
Et m’a donc permis d’apparaître à la télé-
vision », se remémore Joël.
Et des apparitions, il y en a eu. No-
tamment après que France Télévisions
l’a engagé plusieurs saisons comme
dessinateur officiel pour différents
championnats. Rugby, cyclisme, ten-
nis… Du Stade de France au court cen-
tral de Roland-Garros, l’artiste fascine
en tribune et à l’écran. Nelson Monfort
se souvient de leur rencontre aux Jeux
mondiaux d’athlétisme en 2003, à Pa-
ris. « Ce qui m’a tout de suite marqué
chez lui, admet le journaliste et ami, est
que, contrairement aux autres peintres
in situ, sous son chevalet en bandoulière,
son costume est toujours parfaitement
ajusté. Et ça, ça m’impressionne. » Sans
compter que derrière l’élégance d’un
Picasso se cache aussi « le peintre de
l’humain ». Celui que l’on affectionne
pour la générosité de son cœur. Aussi,
nombreux sont les sportifs à s’être vu
offrir leur aquarelle. Parmi eux, la
sprinteuse Christine Arron, la joueuse
quez, Manet et Degas, n’est pas entière-
ment d’accord.
Lui, revendique un savoir-faire et la
création d’une image sans parti pris, si-
non celui de la beauté, du flamboiement
et de l’instantanéité. Le mantra est di-
gne de l’impressionnisme. L’effet frôle
la « blancomania ». D’expositions au
Carlton de Cannes en passages télévisés
internationaux (CNN, la chaîne japo-
naise Wowow, etc.), on s’arrache Joël
Blanc, on l’accrédite aux grands événe-
ments. Bien que, comme l’affirme l’ex-
journaliste sportif Daniel Lauclair, « son
accréditation soit naturelle car il est ca-
pable de bluffer tout le monde ». Y com-
pris ce pasteur pour lequel il travaille
aujourd’hui sur une représentation de
l’Enfant prodigue. Artiste pluriel, Joël
Blanc vit sa passion comme une remise
à zéro des compteurs chaque année.
Aujourd’hui le polo, demain le
breakdance. De la peinture à l’huile à la
sculpture en bronze. Nul ne le freinera
dans sa course folle. ■

UN derNier mot Par étienne de Montety

edemontety@lefigaro.fr

Voie [voi] n. f.
Artère facilement bouchée dans les villes.

C
onsultés sur la création d’une voie privilégiée sur le périphérique parisien,
les Franciliens ont répondu non, contre l’avis de la mairie de Paris.
Le mot vient du latin via, qui désigne un chemin. Ainsi le périphérique parisien
est formé de trois voies, mais on le sait, un dispositif à plusieurs voies ne garantit pas
un concert harmonieux. Celui qu’on entend actuellement est de protestations.
La mairie a eu en effet l’idée d’en réserver une à certains véhicules prioritaires.
Elle veut donner de la voie aux véhicules de secours, aux transports en commun
et à ceux qui pratiquent le covoiturage.
Une sorte de voie sacrée.
Et sauf à la forcer, ce qui n’est jamais bon, les autres voitures devraient demeurer
dans les couloirs ordinaires de circulation.
La ville de Paris a choisi de consulter et donc de mettre ce projet aux voix.
Les Franciliens ont répondu qu’on se fourvoyait. Reste à savoir qui, dans ce débat,
aura le dernier mot : la voix hiérarchique ou celle du peuple ? ■

FIGARO-CI ... FIGARO-LÀ

Le prix Honoré-de-Balzac à Grégoire Bouillier,
un an après Giuliano da Empoli
Après le couronnement, l’année dernière, du Mage du Kremlin,
le roman prémonitoire de Giuliano da Empoli, le prix Honoré-
JOEL SAgET/AFP

de-Balzac vient d’être décerné à Grégoire Bouillier pour Le cœur

ne cède pas, aux Éditions Flammarion. Ce roman est une
enquête sur la vie de l’ancienne mannequin Marcelle Pichon,
suicidée par la faim en 1985. Une aventure littéraire qui tient
en haleine pendant des jours et des nuits. Le prix, un portrait
de Balzac à l’encre de Chine, œuvre originale de l’artiste Agnès Decourchelle, a été
remis à l’auteur par le président du jury, Pierre Assouline, membre de l’académie
Goncourt. Le jury compte notamment parmi ses membres l’avocat Francis Szpiner,
maire du 16e arrondissement de Paris, Yves Gagneux, conservateur de la Maison
de Balzac dans ce même arrondissement, Angelo Rinaldi, membre de l’Académie
française, et Adrien Goetz, écrivain, membre de l’Institut de France.

Maurice Genevoix : après le Panthéon, un colloque

Après la panthéonisation de Maurice Genevoix en 2020 et l’entrée à la BnF
du manuscrit de Ceux de 14, un colloque se tiendra les 9 et 10 juin à la BnF et au Musée
de la chasse et de la nature, organisé par l’université Paris Nanterre et la BnF.
Il a pour objet de mieux faire connaître l’écrivain, longtemps sous-estimé et devenu
le symbole littéraire du combattant de 1914 : son style, l’importance de Ceux de 14
dans le récit de la guerre, la signification de son entrée au Panthéon, sont quelques-
uns des thèmes dont s’empareront les universitaires pour célébrer l’un des grands
A

auteurs de l’époque.
Se ha gradito questo quotidiano, rivista o libro e se li ha trovati in qualsiasi altra parte che
non sia il sito qui sotto indicato, significa che ci sono stati rubati, vanificando, così, il
lavoro dei nostri uploader. La preghiamo di sostenerci venendo a scaricare anche solo una
volta al giorno dove sono stati creati, cioè su:
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