HADDAD

JAMIL HADD CATERING MARIAM EL-BASSAM

ASSAM
TRANSFORMER
TRANSFORM LES TRAITEURS CRÉATRICE
TRICE
LE LIBAN EN DE PLUS EN PLUS DE L’ÉDITORIAL
RIAL
EXPORTATEUR
EXPORTATE MALTRAITÉS TÉLÉVISÉ
VISÉ

MAGAZINE
ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE, POLITIQUE ET LIFESTYLE
LE MENSUEL
AVRIL 2019 - www.magazine.com.lb

FONCTION PUBLIQUE
CE GRAND MACHIN
EXCLUSIF
NADA
BOUSTANI
IIBRAHIM
BRAHIM SON PLAN
KKANAAN
ANAAN PASSÉ À
«LE LLIBAN
«LE IBAN LA LOUPE
EEST
ST U N ÉÉTAT
UN TAT
FINANCIER
FINANCIER GHOSTA REPORTAGE AVEC LA BRIGADE
HORS-LA-LOI»
HORS-LA-LOI» UN SITE DE PRIÈRE
EN PLEINE NATURE CYNOPHILE DE L’ARMÉE LIBANAISE
 ÉDITORIAL
MAGAZINE LE MENSUEL

Président Directeur Général

Directeur de la publication
Charles Abou Adal
Rédacteur en chef
Paul Khalifeh

Secrétaire de rédaction
Jenny Saleh
a situation économique et financière a atteint un tel bas-fond
Chef du service économie
Liliane Mokbel
que l’édifice risque de s’écrouler sur tout le monde. Le cercle
vicieux déficit/dette/hausse des taux d’intérêt/baisse de la
Ont collaboré à cette édition consommation/chômage risque de se refermer durablement si
Micheline Abukhater, Noémie de Bellaigue, Béchara des mesures d’urgence ne sont pas adoptées. Pour ne prendre
Bon, Maélys de la Ruelle, Nicole Hamouche, Arlette
Kassas, Natasha Metni Torbey, Mathilde Rouxel, que l’exemple de l’électricité, chaque mois qui s’écoule coûte au
Joëlle Seif, Marguerite Silve, Nayla Rached Trésor 160 millions de dollars. Le temps est compté, et pourtant,
les dirigeants ne semblent pas pressés. Le gouvernement a été formé il y a
Photographe
Milad Ayoub maintenant plus de deux mois et il n’a encore pris aucune décision sérieuse
susceptible de freiner la chute. Celle-ci sera tellement brutale que le pays aura
Maquette
Thérèse Rizkallah du mal à s’en remettre.
Ce n’est plus de l’incurie mais carrément de l’irresponsabilité qui s’apparente à
Photogravure une haute trahison. Tous savent que le pays n’a jamais traversé une situation
Les Editions Orientales s.a.l.
Photogravure Vartan s.a.r.l. économique et financière aussi mauvaise, même du temps de la guerre civile.
Malgré cela, ils continuent à pala-
brer, à polémiquer, à se livrer à
CES MAFIAS QUI
Publicité
leur jeu favori de la surenchère
NOUS GOUVERNENT
Directeur
Alain Moumdjian stérile et destructrice.
Ce n’est plus de l’insouciance mais
Chef de vente une perverse complicité avec ces
Léa Bachour
mafias sectorielles qui contrôlent des pans entiers de l’économie et du com-
Attachée commerciale merce, et qui font des milliards, dans l’illégalité et l’impunité les plus totales,
Carla Barakat Abboud au détriment du portefeuille et de la santé de centaines de milliers d’honnêtes
Réservations citoyens, qui, malgré leur dur labeur, ne parviennent plus à boucler leurs fins
Christine Chami de mois. Sinon comment expliquer les tergiversations, les lenteurs, le laxisme
et autres travers qui rythment l’action (ou faut-il dire l’inaction!) de ceux qui
Impression
Photogravure Vartan s.a.r.l.
nous gouvernent? Pour ne parler que des générateurs privés, ceux-ci génèrent
Dora - Liban, Tél.: (+961) 1 254822 (en plus des particules hautement polluantes) entre un milliard et un milliard
et demi de dollars par an. Cette manne providentielle est appelée à tarir
Direction, Rédaction, Publicité, Abonnement progressivement puis à disparaître définitivement si le plan de réhabilitation
Imm. Sayegh, rue Sursock
Tél.: (+961) 1 20 20 70 Fax: (+961) 1 20 26 63 du secteur de l’électricité est mis en œuvre comme prévu. Les propriétaires
B.P: 1404 - Beyrouth - Liban sans scrupules de ces générateurs, qui n’ont pas hésité, il y a quelques mois,
E-mail: info@magazine.com.lb à plonger 4 millions de Libanais dans l’obscurité pour faire pression sur l’Etat,
http://www.magazine.com.lb
Facebook.com/MensuelMagazine accepteront-ils candidement de fermer boutique? Certains d’entre eux n’ont-
Twitter: @MensuelMagazine ils pas comme partenaires, ou comme complices ou protecteurs, des hommes
Magazine, une publication des Editions politiques hauts placés? N’utiliseront-ils pas leur influence, achetée à coups de
Orientales s.a.l., est une revue mensuelle
d'actualité économique, politique et lifestyle,
pots-de-vin et autres cadeaux pernicieux, pour saboter le plan de réhabilita-
fondée en 1956 par Georges Abou Adal. tion de l’électricité? Ce cas de figure, il faut le multiplier par cent, par mille
peut-être, pour d’autres secteurs de l’économie, du commerce et des finances.
Autres publications des Editions Orientales s.a.l. Tant que les passerelles ne sont pas coupées entre les mafias et les dirigeants,
● Femme Magazine

● Déco Magazine
tant que le tri n’est pas fait entre les affairistes et les hommes d’Etat, l’espoir
de voir un véritable changement s’amorcer dans le pays reste mince. ●
POUR S'ABONNER CONTACTER LE (01) 202070 PAUL KHALIFEH

3
SOMMAIRE
AVRIL 2019 - No 3100 - magazine.com.lb

16
ÉDITORIAL
Au moment où l’État libanais est pressé d’élaborer un budget
conforme à son engagement d’assainir ses finances publiques, la
taille de l’administration et le dossier des recrutements abusifs au
sein de la fonction publique est devenu prioritaire pour alléger le
déficit budgétaire pour l’année à venir.
POLITIQUE
6 CONFIDENCES

12 NADA BOUSTANI
Fin 2019, plus d'électricité,
moins de déficit
26 COOPÉRATION
Projet d’union ou
union de projets

EN COUVERTURE
16 RECRUTEMENTS ABUSIFS
Une administration coûteuse
et pléthorique
22 IBRAHIM KANAAN
«Les recrutements illégaux
coûtent 240 millions $ par an»

ÉCONOMIE NEWS

26 28
30
DU CÔTÉ DES BANQUES

LES CHIFFRES

32 COMMERCE ET INDUSTRIE

33 RESTAURATION
ET HÔTELLERIE

34 IMMOBILIER

35 OUTRE-MER

36 MENA

ÉCONOMIE
38 LE MARCHÉ DU CATERING
EN BERNE
Les traiteurs maltraités
L’Union pour la Méditerranée (UpM) souhaite donner un nouvel élan à sa stratégie de
développement et de coopération régionale. Elle se prépare à une participation active au 40 JAMIL HADDAD
Sommet des deux rives qui doit se tenir à Marseille en juin prochain. L'entrepreneur amiral

4
44 PERSONNEL SOIGNANT 74 15ème ÉDITION DE BIPOD

46
Indispensables infirmières
CHALLENGE STARTUPPER DE
L’ANNÉE PAR TOTAL
76
Et dansez maintenant
HASHEM ADNAN ET
SAMUEL BECKETT
80
«Soutenir le développement Dans les ruines d'un texte
socioéconomique» en perpétuelle renaissance w

47 WOMEN IN LIGHTING 78 ABSENCE

Les femmes mises en lumière DE LARA KANSO
La terre comme
48 PLATEFORME HIWAYATI cris de femmes Wardi, de Mats
Simplifier la réservation Grorud, raconte
d'activités pour enfants 80 WARDI (THE TOWER) la tragédie des
La tragédie des Palestiniens réfugiés palestiniens
50 COMBIEN ÇA COÛTE dans le regard d’un Norvégien à travers le regard
Les ventes aux enchères d'une petite-fille de
82 C'EST BEYROUTH onze ans.
Regards croisés sur la ville
LIFESTYLE
87
98
LA MONTRE DU MOIS

POINT FINAL
La photographie,
84
86
EXPOS

JOSEPH SASSINE
De la récup'
48
à l'œuvre d'art
entre art et business
88 2ème CAS DE RÉMISSION
Un nouvel espoir pour
SOCIÉTÉ & CULTURE les malades du sida?
52 COOPÉRATION
FRANCO-LIBANAISE 90 FEDERICA MOGHERINI Hiwayati met en relation les familles
L’unité cynophile AU LIBAN à la recherche d’activités pour leurs
enfants et les professionnels.
de l’armée à l’entraînement
91 LES ÉPOUSES DES
56 MARIAM EL-BASSAM DIPLOMATES
Créatrice de l'éditorial télévisé CÉLÈBRENT LA JOURNÉE
DE LA FEMME
60 NAJAT AOUN-SALIBA
Pionnière de la recherche 92 DE BRUXELLES À
sur la pollution de l'air BEYROUTH

62 DES ÉTUDIANTS DE L'ESCP- 93 DEUXIÈME ÉDITION DU

EUROPE ACCUEILLIS PAR ITALIAN WINE WORKSHOP
MAGAZINE
Média, société et culture
94 LES DONATEURS AU
RENDEZ-VOUS
64
52
AIR DE SAINTETÉ À GHOSTA
Prière et recueillement
dans un écrin naturel 95 LES MÈRES
À L’HONNEUR Les
es forces armé
armées viennent de bénéficier
73 WALID AOUNI de la coopération franco-libanaise pour la
Un pionnier de la danse moderne 96 JEUX création d'une unité cynophile.

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 5

 CONFIDENCES
SÉCURITÉ

Les sept vies d'Abou Malek al-Talli

L'ancien chef du Front el-Nosra, rebaptisé Hayaat Tahrir el-Cham, de
l'émirat du Qalamoun, à cheval à la frontière libano-syrienne, Abou
Malek el-Talli, est bien vivant et libre comme un oiseau. Tantôt donné
pour mort ou grièvement blessé, tantôt capturé par l'armée syrienne à
Idleb, le chef jihadiste a refait surface fin février après plusieurs mois de
silence. A grand renfort de communiqués et de vidéos diffusés sur les
réseaux sociaux, Abou Malek el-Talli, qui s'était illustré par le rapt des
13 religieuses de Maaloula ou par l'enlèvement et l'assassinat de plu-
sieurs militaires libanais, est responsable du «front» de Lattaquié.
Il a dirigé, en février, une offensive lancée par Hayaat Tahrir el-Cham
et un autre groupe proche d'al-Qaëda contre des positions de l'armée
syrienne à Jabal Turkman. Selon des experts, cette attaque avait plus
un objectif médiatique que militaire, son but étant de permettre à Abou
Malek el-Talli, considéré comme une figure jihadiste de premier plan, de
démentir les informations sur sa mort ou sa capture.

SKY EAGLE
DES DRONES INOPÉRATIONNELS?
Une source militaire occidentale a indiqué que les drones
232
incidents frontaliers avec la
DOUBLE ERREUR

Syrie ont été enregistrés en

Sky eagle livrés par les Etats-Unis à l'armée libanaise ne 2018, selon un rapport intitulé
peuvent pas être déployés sans une autorisation préalable Conflict analysis de Lebanon
des autorités militaires américaines compétentes. Cette Support. Ce nombre est en
même source ajoute que l'efficacité de ces appareils de sur- baisse de 57% comparé à
veillance est d'autant plus questionnable que les systèmes 2017, lorsque 506 incidents
de brouillage électronique russes, installés à Hmeimim avaient été signalés. Cette
baisse drastique s'explique par
(Lattaquié) et à Homs, et qui balaient l'espace aérien liba- la sécurisation de l'ensemble
nais, ont provoqué la chute de ce type de drones à plu- de la frontière par les armées
sieurs reprises. Conséquence de ces incidents malheureux, libanaise et syrienne après
ces appareils restent cloués au sol la plupart du temps en l'éradication de toute présence
attendant un feu vert américain, ou de crainte d'être para- des groupes rebelles et
lysés par le dispositif russe de guerre électronique. Les mili- extrémistes à l'issue des
offensives du printemps et de
taires libanais réfléchissent à des solutions pour surmonter l'été 2017.
ces obstacles.
Sous surveillance
Les combattants font défaut Le Parti socialiste progressiste
(PSP) de Walid Joumblatt sur-
Des personnalités politiques libanaises qui ont rencontré ou veille avec appréhension l'acti-
discuté avec le secrétaire d'Etat Mike Pompeo lors de sa visite à vité grandissante des partisans
Beyrouth le 22 mars affirment que l'administration américaine de Wiam Wahhab dans le Chouf
va intensifier ses pressions sur le Hezbollah et souhaite associer et à Aley, surtout que certains
des partenaires libanais à cette campagne. d'entre eux multiplient les va-et-
vient entre le Liban et la Syrie. Le
Ces personnalités pensent cependant que PSP essaie d'établir si ce regain
ceux qui sont prêts à s'investir dans cette d'activité est uniquement de
énième bataille contre le Hezbollah ne se nature politique ou s'il cache une
dimension sécuritaire, d'autant
bousculent pas. «La confiance fait défaut
et les politiciens libanais ne veulent plus que M. Joublatt est convaincu
que la Syrie veut provoquer une
servir de chair à canon car il savent que discorde dans la montagne,
la priorité des Etats-Unis est de servir les comme il l'a déclaré Walid Joum-
intérêts d'Israël», affirme un ancien député. blatt à Magazine en février.
Dans l'affaire des 40 armes
légères exportées par la
Suisse pour le compte du
ministre Ghazi Zéaïter en
2016, aussi bien l'ancien
ministre des Travaux publics
que les autorités helvètes
ont commis des erreurs,
selon une source libanaise
de sécurité. Cette source
précise que M. Zéaïter a
acheté à l'étranger pour des
besoins personnels mais
en sa qualité officielle de
ministre 10 fusils d'assaut
et 30 pistolets-mitrailleurs,
alors que l'importation
d'armes relève uniquement
de services autorisés par les
ministères de la Défense et
de l'Intérieur. L'erreur des
Suisses a été de conclure un
contrat avec une partie non
autorisée. Les armes sont
entrées par l'aéroport avec
des documents en règle.

6
 COOPÉRATION MILITAIRE AVEC MOSCOU
A peine rentré de sa visite à Moscou, le président de la République,
Michel Aoun, a donné des instructions au ministre de la Défense,
Elias Bou Saab, afin qu'il remette sur le tapis la question de la
coopération militaire entre le Liban et la Russie. M. Bou Saab
a donc écrit au secrétariat de la présidence du Conseil pour lui
demander d'inscrire le plus tôt à l'ordre du jour la question de
l'accord de coopération militaire entre les deux pays. Le chef du
gouvernement, Saad Hariri, s'était employé, à deux reprises, à
retirer ce projet. Cette question risque de raviver les tensions entre
les principaux partis politiques. Mais les rapports de force issus
des élections semblent plus favorables à son approbation.

GUERRE ENTRE ISRAËL ET LE HEZBOLLAH

Des yeux et des oreilles au Barouk
Ce n'est plus un secret que la
DES ANALYSES CONTRADICTOIRES présence militaire américaine
au Liban, qui prend des
Des analyses contradictoires circulent dans les milieux
formes de coopération,
politiques et académiques sur les risques de guerre entre Israël de conseil et de soutien
et le Hezbollah. Certaines excluent catégoriquement toute à l'armée libanaise, n'a
possibilité de conflit alors que d'autres estiment très élevées jamais été aussi importante.
les possibilités d'une vaste confrontation au printemps. Les Des sources informées
tenants de la deuxième thèse avancent une série de signaux révèlent que les Américains
souhaiteraient installer sur
qu'ils jugent inquiétants: la multiplication des manœuvres à
le Mont Barouk une station de radar et d'écoute capable de balayer la
caractère offensif des unites d'élite de l'armée israélienne; le Syrie, le Liban-sud et la Méditerranée orientale. Cette base leur permettrait
déploiement en Israël par les Américains d'un bouclier anti- de surveiller les troupes russes déployées dans la région ainsi que les
missiles; les tentatives de localisation et de destruction des Gardiens de la révolution iranienne et le Hezbollah. Il est peu probable que
présumés tunnels creusés par le Hezbollah; l'accroissement le Liban accède à la requête américaine. En revanche, les Etats-Unis ont
des pressions politiques et économiques de Washington sur le pratiquement terminé les travaux de prolongement et d'élargissement de
la piste de l'aérodrome militaire de Hamat (Liban-sud), désormais capable
Hezbollah. Ceux qui défendent la thèse opposée se contentent d'accueillir des avions de transports militaires moyens.
de dire que les Israéliens ne sont pas prêts à mener une guerre
dont ils ne connaissent pas à l'avance les résultats, ce qui
pourrait s'avérer désastreux pour l'Etat hébreu. AGIR SUR TERRE POUR RÉCOLTER EN MER
Les tentatives israéliennes de
modifier le tracé des frontières
terrestres avec le Liban en ne
Roumié prenant pas en compte les
Interviews de derrière les barreaux revendications libanaises au
L'administration péniten- risme, aient accès à ce type sujet des points litigieux sur
ciaire de Roumié a été de communication non auto- la ligne bleue font partie d'un
confrontée, ces dernières risé. Les mesures de surveil- plan à long terme ayant pour
but d'imposer une nouvelle
semaines, à un problème lance ont été accrues pour
délimitation des frontières
particulier: des détenus éviter un incident fâcheux,
maritimes. Selon des sources informées, le véritable objectif des
ont accordé des interviews surtout que le procès d'el- Israéliens est de pénétrer d'une profondeur de 40 mètres en territoire
par téléphone à des médias Assir est en cours. Ceci dit, libanais dans la région de Naqoura, au niveau de la borne appelée
locaux. Ce phénomène a le report au 18 avril de l'au- B1. Si cette distance apparait insignifiante dans l'absolu (bien que
suscité la crainte que des pri- dience d'el-Assir, prévue dé- la souveraineté nationale se mesure aussi en centimètres), une telle
sonniers jugés «dangereux», but mars, n'a rien à voir avec mesure permettrait de modifier le tracé des frontières maritimes de
comme le cheikh extrémiste cette affaire. Un des accusés, manière à renforcer les prétentions israéliennes concernant le bloc
Ahmad el-Assir ou d'autres Mohamed Salah, a présenté 9, qui renfermerait d'importantes réserves d'hydrocarbure. Cette
personnes accusées de terro- un rapport médical. manœuvre israélienne jouit du soutien des Etats-Unis.

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 7

 CONFIDENCES
HOMMES ET FEMMES

CASSE-TÊTE
À TRIPOLI
La décision du Conseil consti-
tutionnel d'invalider l'élection
de Dima Jamali a constitué un
véritable casse-tête pour le
chef du Courant du futur (CDF)
Saad Hariri. Non pas que son
parti risque de perdre l'élec-
tion partielle, mais à cause Jamil Jabak
des problèmes que cette Le ministre de la Santé
affaire a entraîné au sein du choisi par le Hezbollah
CDF. Ainsi le député Abdel- offre l'image d'un homme
latif Kabbara a vu dans cette dynamique, sérieux et
consultation une occasion de déterminé. Ce médecin
multiplie les visites de
REMERCIÉ POUR SA LOYAUTÉ transmettre de son vivant la
députation à son fils Karim, terrain dans les différentes
Rares sont les responsables du Courant du futur qui dont la candidature n'avait régions du pays pour se
osent encore s'afficher avec l'ancien ministre de l'Inté- pas été acceptée par M. Hariri constituer une image exacte
lors du scrutin de mai 2018, du secteur de la santé.
rieur. Ecarté par Saad Hariri du gouvernement et de la De sources informées on
préférant celle du père, qui
direction du CDF, Nouhad el-Machnouk ne participe apporte une plus-value à la apprend que les salaires des
plus aux réunions du Bloc parlementaire du Mousta- liste. Autre problème, les am- conseillers qui l'entourent
qbal. Le traitement réservé par M. Hariri à Machnouk bitions de l'ex-député Mous- sont versés par le Hezbollah
tapha Allouche, qui souhaite et ne sont pas prélevés
en étonne plus d'un, au CDF et dans l'ensemble de la sur le budget alloué au
retrouver son strapontin sous
classe politique. Car l'ancien ministre de l'Intérieur a été le dôme place de l'Etoile. Il ministère par l'Etat.
un des farouches défenseurs de M. Hariri lorsqu'il a été semble que le médecin de
convoqué en Arabie saoudite en novembre 2017, forcé à Tripoli devra attendre encore.
Seule bonne nouvelle, Najib
démissionner et séquestré. Sa fermeté et sa loyauté ont Mikati, Achraf Rifi et Mohamed
permis de barrer la route au plan saoudien qui consistait Safadi ont décidé d'appuyer le
à l'époque à remplacer Saad Hariri par son frère Bahaa. choix du CDF à la partielle.
«M. Machnouk estime que le Premier ministre a fait trop
de concessions au président Michel Aoun et à Gebran
Bassil, ce qui n'était pas du goût de Saad Hariri», affirme
Pas de plans Nawaf Moussaoui
ui
Le ministre d'Etat pour les
une figure beyrouthine. Affaires des réfugiés, Saleh Sévèrement réprimandé
el-Gharib, n'a présenté pour être sorti de ses
aucun plan pour le retour gonds lors du débat de
Le Cabinet des contradictions des déplacés syriens au confiance au Parlement,
le député du Hezbollah
L'ex-président Michel Sleiman a été l'une des rares personnalités ministre de l'Administration
n'en est pas à sa première
à critiquer sans ménagement la composition du Cabinet qu'il a locale, Hussain Makhlouf,
mesure disciplinaire. Selon
qualifié de «gouvernement de la majorité et de la minorité, qui ne qu'il a rencontré à Damas
des sources informées, il a
représente pas 55% des électeurs qui ont boycotté le 18 février. De même que
déjà été sanctionné dans
les législatives». Selon lui, ce «gouvernement des M. Makhlouf ne lui a proposé le passé. M. Moussaoui, qui
contradictions» va rapidement être paralysé par les aucune initiative. Les sources est d'un abord difficile, est
intérêts divergents des forces qui le composent. Il informées qui rapportent à fleur de peau à cause
n'a pas, non plus, mâché ses mots à l'égard du Hez- la nouvelle affirment que de problèmes familiaux.
bollah, l'appelant à faire en sorte à ne «pas isoler le la visite de M. al-Gharib en Le jour de la séance, il
Liban». «L'ex-président prétend parler au nom des Syrie était exploratoire et n'avait pas été choisi pour
55% d'abstentionnistes, alors qu'il ne représente essentiellement destinée à prendre la parole au nom
que la petite minorité de politiciens qui n'ont plus un échange de vues avec la du Hezbollah, ce qui a
de rôle à jouer», a commenté un ministre. partie syrienne. augmenté sa colère.

8 AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUELL

HONTEUX Le bon exemple
La ministre Rayya el-Hassan
GASPILLAGE est parvenue, dès son entrée en
La lutte contre le gaspillage fonction, à s'attirer la sym-
de l'argent public devrait pathie de l'opinion publique
commencer par la réduction en retirant les blocs de béton
du nombre de gardes du installés par son prédéces-
corps alloués à des cen- seur devant le ministère de
taines d"hommes politiques, l'Intérieur. D'autres respon-
sables ont suivi l'exemple.
de hauts fonctionnaires et
Le président du Parlement,
d'officiers, ainsi que la flotte Nabih Berry a enfin libéré Aïn
pléthorique de véhicules el-Tiné, où les habitants ont
de service. Selon Mohamed distribué des douceurs pour
Chamseddine, responsable célébrer l'heureux événement.
à l'Institut d'études et de Prochaine étape, la banlieue POUTINE AU LIBAN CETTE ANNÉE
sondage Information inter- sud, qui ploie sous une forêt de Le président russe Vladimir Poutine a assuré à son
national, les gardes du corps béton. Mme el-Hassan a évoqué homologue libanais Michel Aoun qu'il visiterait le Liban
coûteraient au Trésor 40 ce dossier avec le responsable cette année. Les deux hommes ont jeté à Moscou, le 26
millions de dollars par an. Le du Hezbollah, Wafic Safa.
mars, les bases d'une relation stratégique sur les plans
chercheur ajoute que 120 000
politique et énergétique. Le Liban a été invité à participer
véhicules divers (non mili-
taires) sont en service dans
à la conférence d'Astana en tant qu'observateur, de
les institutions et les admnis- plus, la coopération entre Moscou, Beyrouth et Damas
trations publiques civiles et va s'intensifier dans le domaine du retour des réfugiés
militaires. L'approvisionne- syriens. Au lendemain de la visite de Aoun à Moscou,
ment en carburant de cette la ministre de l'Energie et de l'Eau, Nada Boustani, a
immense flotte coûterait la reçu des représentants de la compagnie russe Lukoil,
bagatelle de 120 millions de interéssée par le gaz libanais offshore.
dollars par an. Six millions de
dollars sont déboursés pour
payer les gardes du corps des DÉSACCORDS AU PALAIS SATTERFIELD
officiers, à qui la loi n'auto- BOYCOTTE AOUN?
Le remerciement du chef de la Garde républicaine, le général
rise pas ce genre de privilège
Salim Féghali, mis à la disposition du ministre de la Défense, Le secrétaire d’État adjoint
en deça d'un certain grade.
164 juges ont par ailleurs a surpris les observateurs, d'autant que cet officier est un com- américain pour le Proche-
pagnon de route du président de la République, Michel Aoun, Orient, David Satterfield, n'a
le droit d'avoir un garde du
depuis qu'il était chef du gouvernement militaire, en 1988. pas sollicité de rendez-vous
corps qui fait souvent office auprès du président de la
de chauffeur et d'homme à Les mauvaises langues affirment que M. Féghali a payé le prix
République, Michel Aoun,
tout faire pour le conjoint et de ses désaccords avec Mireille Aoun Hachem, la conseillère lors de sa visite à Beyrouth
les enfants! principale du chef de l'Etat. le 4 mars. Selon des sources
informées, les discussions
de M. Satterfield avec ses
LA DÉCEPTION DE ABBAS IBRAHIM interlocuteurs au Liban
Le directeur de la Sûr
Sûreté générale, Abbas Ibrahim, a essuyé son premier ont porté sur trois questions:
revers en tant que «faiseur de solutions» dans les négociations qui l'isolement politique et
ont conduit au cho
choix d'un représentant des sunnites indépendants au
gouvernement. Il eestime que le président de la République, qui lui a économique du Hezbollah;
confié cette missi
mission, ne lui a pas fourni les outils nécessaires pour la le refus de l'initiative
réussir, notamment
notamme en ne le couvrant pas convenablement auprès du russe pour le retour
ministre Gebran Bassil. Résultat, M. Ibrahim se rend moins souvent des réfugiés syriens; le
au palais de
d Baabda. Le chef du Parlement, Nabih Berry, aurait contentieux sur l'exploitation
commenté
commen cette affaire en affirmant qu'il avait prévenu M. du gaz offshore entre le
Ibrahim de ne pas se fier aux politiciens. Liban et Israël.

9
 CONFIDENCES
PARTIS

Les opposants du CPL divisés

Berry a-t-il choisi son dauphin?
Des sources bien introduites au sein des milieux
politiques chiites confirment l'information parue dans
l'édition de Magazine de mars dernier intitulée Guerre
de succession à Amal. Selon ces sources, le président du
Parlement, Nabih Berry, aurait cédé aux souhaits des
membres de sa famille, notamment son épouse Randa,
d'autoriser son fils Bassel à se lancer dans la vie politique
et à s'investir davantage dans le mouvement Amal. Une
réunion aurait groupé M. Berry, son épouse et ses enfants
ainsi que d'autres membres de la famille, pour discuter
de cette question. Le chef du Législatif ne souhaitait pas
que l'un de ses enfants fasse de la politique et n'a préparé
aucun d'eux à lui succéder à la tête du mouvement Amal.
Cependant, l'argument des membres de la famille, selon
lequel il ne fallait pas abandonner tout ce que M. Berry a
bâti ces quatre dernières décennies, a visiblement porté.
Après des mois de discussion, les
frondeurs du Courant patriotique
libre (CPL) se sont divisés en deux
ailes: ceux qui veulent rompre
définitivement avec leur héritage
aouniste et créer une structure
nouvelle et différente du grand parti
chrétien, et ceux qui se positionnent
comme les légataires authentiques
de la pensée de Michel Aoun et qui
estiment que leur histoire est un capital sur lequel il faut bâtir. La
figure de proue du premier courant est Ziad Abs, un des fondateurs
du CPL et ancien candidat aux élections législatives de mai 2018, à
Achrafié. M. Abs et une cinquantaine de ses partisans ont tenu une
réunion, début mars, dans un hôtel de Sin el-Fil, pour débattre de la
prochaine étape. Les chefs de file du deuxième courant sont Naïm
Aoun, le neveu du président de la République, Bassan el-Hachem
(notre photo) et un certain nombre de «figures historiques» du CPL,
dont d'ancien officiers, compagnons d'armes de Michel Aoun. Ce
groupe doit tenir une réunion le 6 avril.
Palestiniens: Amal joue au médiateur
Le mouvement Amal a entrepris une médiation entre les
différentes organisations palestiniennes présentes dans les
camps de réfugiés du Liban, notamment le Fateh et le Hamas.
Sur instruction du président du Parlement Nabih Berry, le
responsable du dossier palestinien au sein d'Amal, Mohamed
Jibaoui, et Bassam Kojok, membre du bureau politique, ont
entamé des contacts avec les représentants des deux grandes
organisations palestiniennes pour éviter que les différends
apparus dans les territoires autonomes ne se transposent dans
les camps du Liban.

Le BN se veut pragmatique Difficultés financières au Hezbollah

La nouvelle direction du Bloc national (BN)
a lancé un vaste chantier pour réorganiser et
redynamiser un des plus vieux partis du Liban.
Avec la participation de nombreux jeunes
militants, un plan méthodique est mis en
oeuvre pour contacter les anciens adhérents,
dont beaucoup ont rejoint d'autres formations,
notamment le Courant patriotique libre (CPL).
Le BN se veut transcommunautaire et compte
dans ses instances dirigeantes et dans sa base des militants de toutes
les confessions. Dans le domaine politique, le parti se veut pragmatique,
dans le sens où il soutiendra toute initiative qu'il jugera en faveur
des intérêts du Liban, même si elle émane de ses adversaires. C'est
notamment le cas dans le dossier des réfugiés syriens, où la position du
BN est plus proche de celle du président Michel Aoun que des anciennes
composantes du 14-Mars, comme les Forces libanaises (FL).
Le Hezbollah traverserait l'une
de ses pires crises financières
depuis sa fondation en 1982.
Le commandement du parti
aurait adopté ces derniers mois
de sévères mesures d'austérité,
comprenant des réductions
de salaires, des compressions
budgétaires et la suspension de
nombre de prestations sociales et d'autres projets. Cependant,
les aides aux familles des martyrs et aux blessés sont restées
inchangées. Cette crise serait due aux sanctions américaines,
aux difficultés financières que traverse l'Iran et aux grosses
dépenses consécutives à la participation à la guerre en Syrie.

10

POURQUOI MACRON Soutien
NE VIENT PLUS? diplomatique
On ne reparle plus de la visite Au lendemain de la conférence
au Liban du président Emma- de presse de Fouad Siniora,
nuel Macron, qui devait avoir réfutant les accusations
lieu en février. La raison invo- portées contre lui par le
député du Hezbollah Hassan
quée par des sources diplo-
Fadlallah concernant les
matiques est l'«agenda char-
11 milliards de dollars de fonds
gé» du chef de l'Etat français.
publics dépensés et non
Certains évoquent ses «pro- consignés dans les registres
blèmes internes», qui ne l'ont de l'Etat, l'ancien Premier
pas empêché de se rendre au ministre a reçu le soutien de
Tchad ou à Djibouti. Si une plusieurs diplomates arabes
visite au Liban de M. Macron et occidentaux. De sources
devait être programmée, elle informées, on apprend que
ne devrait pas intervenir avant les ambassadeurs d'Arabie
la seconde moitié de l'année. saoudite, Walid Boukhari,
et des Emirats arabes unis,
Hamad Saïd al-Chamesi, se
sont rendus auprès de M.
Siniora pour lui exprimer leur
«solidarité». Les diplomates
des deux pays du Golfe se
sont voulus discrets. La visite
a eu lieu de nuit et n'a pas
été médiatisée.
«LE MÉCHANT A GAGNÉ»
Constat amer d’un responsable européen à l’occasion
d’une discussion off, à Paris, concernant la situation en
Syrie et la continuité du régime du président Bachar
el-Assad: «Le méchant a gagné…! Il est toujours là et il
a gagné… Malgré le partage du pays en zones d’influence
et les destructions effarantes, la situation n’est plus ce
qu’elle était au pire de la guerre et les Syriens (ndlr:
les réfugiés) commencent à rentrer chez eux…». C'est ce
même discours teinté de résignation que tiennent des
diplomates occidentaux en poste à Beyrouth.
LES CONTACTS INDIRECTS MAINTENUS
Des milieux politiques concernés
assurent que les diplomates britan-
niques en poste au Liban cherchent
un moyen pour maintenir un contact
même indirect avec le Hezbollah mal-
gré la décision du Parlement britan-
nique de placer le parti sur la liste
des organisations terroristes. Le
contact pourrait être maintenu à tra-
vers un pays européen tiers.
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
CONFIDENCES
DIPLOMATIE
DOSSIER DES RÉFUGIÉS
LES ENJEUX GÉOPOLITIQUES PRIMENT
L'approche de la communauté internationale, et plus parti-
culièrement celle de l'Union européenne (UE), au sujet du
dossier des réfugiés syriens ne prend pas en considération les
intérêts du Liban mais reste soumise à des enjeux géopoli-
tiques régionaux. Des sources informées affirment, dans ce
contexte, que la rencontre entre le président de la République
Michel Aoun et la haute représentante de l'UE pour les Affaires
étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, le
26 février, au Palais de Baabda, a connu des moments de ten-
sions. La chef de la diplomatie européenne a réitéré devant le
chef de l'Etat la position de l'UE qui consiste à ne pas appuyer
le retour des réfugiés avant une solution politique en Syrie,
arguant des mauvaises conditions de sécurité et d'accueil.
Le président Aoun a de son côté réaffirmé que le Liban était
déterminé à accélérer leur retour, surtout que la sécurité est
revenue dans la plupart des régions. Mme Mogherini aurait
alors laissé entendre que l'UE et la communauté internatio-
nale pourraient alors suspendre leur aide et se retirer du pro-
cessus de prise en charge des populations déplacées au Liban.
Le chef de l'Etat aurait perçu ces propos comme une menace
ou un chantage et n'a pas manqué de le signaler à son hôte,
qui a tempéré ses positions. Le président Aoun s'est référé aux
observations du Haut commissaire des Nations unies pour les
réfugiés, Filippo Grandi, qui a constaté, lors d'une tournée en
Syrie, que les réfugiés qui rentraient dans leur pays étaient
logés dans des maisons préfabriquées et que des écoles pré-
fabriquées avaient même étaient installées dans les lieux de
rassemblement, en attendant qu'une solution définitive soit
trouvée. Ces observations confirment d'autres informations
selon lesquelles le président Bachar el-Assad autait donné
des instructions pour qu'«aucune tente» ne soit installée en
Syrie. Le chef de l'Etat syrien a officiellement déclaré que son
gouvernement souhaitait œuvrer au rapatriement de tous les
réfugiés et prioritairement ceux du Liban.
11
 RENCONTRE DU MOIS

Si le plan de réhabilitation
du secteur électrique de
Nada Boustani se déroule
comme prévu, les Libanais
constateront fin 2019 une
nette amélioration de tous
les services relatifs à
l’électricité. Encore faut-il
que les politiciens se
décident enfin à placer
l’intérêt du pays devant
leurs petitesses et leurs
mesquineries.
PAR PAUL KHALIFEH

NADA BOUSTANI
FIN 2019, PLUS
D’ÉLECTRICITÉ,
12
MOINS DE DÉFICIT
N
ada Boustani ne cherche
pas à s’approprier le mérite
du plan global de réhabili-
tation du secteur de l’élec-
tricité dont les grandes
lignes ont été élaborées
par Gebran Bassil en 2010,
alors qu’il était ministre de
l’Energie. Mais entretemps, de nouveaux fac-
teurs sont apparus, la présence au Liban de
plus d’un million de réfugiés syriens n’étant
pas des moindres. Cette population consomme
le quart de la production d’électricité du pays,
soit 550 MW (l’équivalent d’une centrale élec-
trique), mais n’en paie que la moitié, une perte
de 425 millions de dollars par an, explique la
ministre à Magazine. Le plan de l’électricité
porte l’empreinte de Nada Boustani, qui y
travaille depuis presque dix ans, même si elle
évite de trop se mettre en avant.
Le plan Boustani propose donc des solutions
à l’un des problèmes les plus complexes du
Liban. Bien qu’ambitieux, il n’en reste pas
moins réaliste et réalisable, si la volonté poli-
tique existe. «Dans le domaine de l’électricité,
on n’invente rien. C’est purement technique et
scientifique», affirme, sûre d’elle, la ministre
de l’Energie et de l’Eau.
Dans ce plan à plusieurs volets, la première
étape consiste à améliorer la collecte des fac-
tures et à réduire les pertes non techniques.
«Dans le monde, les pertes techniques et non
techniques (branchements illégaux) sont de
l’ordre de 7 à 15%. Au Liban, nous sommes
à 34%: 16,5% pour les pertes techniques et
21% pour celles non techniques, explique
Mme Boustani. Le plan a deux objectifs princi-
paux: réduire le déficit de l’EDL et améliorer
le service et l’alimentation en électricité pour
le consommateur. «Pour atteindre ces objec-
tifs, nous prévoyons de passer par trois étapes,
ajoute la ministre. Premièrement, la réduc-
tion des pertes techniques et non techniques
et l’amélioration de la collecte des factures. Il
s’agit essentiellement de collecter des factures
non perçues à cause des manifestations des
journaliers de l’EDL et du retard dans certaines
décisions gouvernementales. Ces factures ac-
cumulées s’élèvent à 555 milliards de livres.
Il faut y ajouter de 273 milliards de L.L. de re-
tard de paiement d’un certain nombre d’abon-
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
nés. Nous espérons récupérer les 555 milliards LES
▼
d’ici 2020 alors que les 273 milliards ont été
échelonnés jusqu’à 2025 pour ne pas alourdir RÉFUGIÉS
la facture des consommateurs». SYRIENS
PERTES NON TECHNIQUES. Une autre mesure CONSOMMENT
consiste à réduire les pertes non techniques 550 MW
en intensifiant notamment la lutte contre
les branchements illicites sur le réseau élec-
D’ÉLECTRICITÉ
trique. «Il y a certes des zones difficiles mais, ET SEULS 50%
dans mon plan, je sollicite auprès du Conseil PAIENT LEURS
des ministres une protection assurée par les
ministères de la Défense et de l’Intérieur aux FACTURES.
employés de l’EDL, poursuite Mme Boustani. LES PERTES
Si le plan est mis en œuvre selon le calen-
drier prévu, la combinaison de toutes ces me-
S’ÉLÈVENT À
sures nous permettra de réduire le déficit de 425 MILLIONS
400 milliards de livres d’ici la fin de l’année. DE DOLLARS.
Nous avons déjà commencé à les appliquer
tout doucement. Ces chiffres ont été vérifiés
par la Banque mondiale».
La troisième étape est l’augmentation de la ca-
pacité de production avec l’utilisation du gaz.
«L’évaluation technique est enclenchée pour
la construction des unités de regazéification
de stocks flottants, qui donnent du gaz natu-
rel liquéfié (GNL), dit-elle. Après avoir obtenu
l’accord du Conseil des ministres, il faudra
compter entre un an et demi et deux ans pour
obtenir le GNL».
La production devrait augmenter à court
terme de 1 450 MW et de 3 100 MW à ● ● ●
GAZ: PAS DE RETOUR EN ARRIÈRE
Concernant l’exploitation des ressources en
hydrocarbure, Nada Boustani explique: «Deux
blocs, le 4 et le 9, ont été attribués à un consor-
tium de trois compagnies, Total, Eni et Novatek.
Le premier puits au bloc 4 sera opérationnel
avant fin 2019 et celui du bloc 9 en mai 2020.
Depuis la mi-mars, les équipes de ces compa-
gnies sont à l’œuvre en pleine mer pour prélever
des échantillons jusqu’à 1 800 mètres de pro-
fondeur pour vérifier que les normes environne-
mentales sont respectées. Cette première étape
de l’exploitation a déjà commencé. Rien
ne peut l’arrêter. La chance de trouver des réserves
exploitables est assez élevée vu l’intérêt porté
par ces trois compagnies d’être présentes au
Liban».
13
 RENCONTRE DU MOIS
L’OBJECTIF
▼
EST DE
RÉDUIRE
LE DÉFICIT
DE L’EDL
DE 400
MILLIARDS
DE LIVRES
D’ICI FIN 2019.
●●● long terme. Et Mme Boustani d’expliquer:
«Aujourd’hui, la production se situe aux envi-
rons de 2 000 MW. Le court terme, c’est la
solution temporaire et le long terme c’est la
solution permanente. Pourquoi une solution
temporaire? La construction d’une nouvelle
centrale électrique nécessite 3 à 4 ans, y com-
pris toute la procédure administrative. Entre-
temps, il fallait réduire le déficit et permettre
aux consommateurs de ne plus payer deux fac-
tures d’électricité, à l’EDL et aux générateurs
privés. Pour atteindre cet objectif, il fallait
ajouter 1 450 MW. La nouveauté, c’est qu’un
seul appel d’offre combinera les solutions
temporaire et permanente. Cela permettra de
gagner du temps et d’économiser de l’argent,
car c’est la même entreprise qui exécutera l’en-
semble du projet, par conséquent, le risque du
court terme sera assumé par le long terme. Ce
n’est pas une démarche habituelle, nous pen-
sons qu’elle donnera de très bons résultats».
ACCORD DE PPA. Tous ces projets seront réali-
sés dans le cadre d’un accord d’achat par l’Etat
d’énergie appelé PPA (Power purchase agree-
ment). «L’Etat ne dépensera rien dans l’inves-
tissement, assure la ministre. Une fois que les
projets seront achevés et que la production
commencera, il achètera l’électricité selon un
prix fixé au cent par kWH. Le fait d’avoir com-
biné les appels d’offre permettra d’accorder
le PPA sur 20 ou 25 au terme desquels l’Etat
récupèrera les installations. En revanche, le
14
UN APPEL D’OFFRE INNOVANT
Dans un souci de réduire le déficit de l’EDL
et d’améliorer l’alimentation en électricité sans
augmenter la facture du consommateur, l’appel
d’offre combinera les projets du court terme et
du long terme. C’est-à-dire que le candidat qui
remporte les projets du long terme devra aussi
prendre à sa charge la solution du court terme.
Cet appel d’offre s’articule autour de trois com-
posantes: le prix de la production: si un des
candidats pour l’appel d’offre peut assurer le
gaz tout de suite, il peut être retenu jusqu’à
ce que les unités de regazéification de stocks
flottants soient prêtes. Tous les genres de fuels
sont acceptés. Enfin, l’appel d’offre comporte la
composante du transport de l’électricité. L’opé-
rateur privé peut construire le réseau de trans-
port dans des délais plus courts que le gou-
vernement bien ce secteur reste la propriété
de l’Etat.
réseau de transport de l’électricité sera remis à
l’Etat dès sa construction. Cette procédure sera
appliquée à toutes les nouvelles centrales».
Le plan comporte aussi le remplacement des
anciennes centrales de Hreiché en 2020, Jiyé
en 2021 et Zouk en 2022, par des installations
construites selon les nouvelles technologies
dans le respect des normes environnemen-
tales. «Le démantèlement des anciens sites
sera financé par l’Etat, sauf si nous trouvons
des entreprises capables de combiner la dé-
construction et la construction. Les navires-gé-
nérateurs qui produisent aujourd’hui 370 MW
seront déconnectés du réseau début 2022».
RÉDUIRE LA FACTURE. «Fin 2019, nous pou-
vons dire aux Libanais que l’alimentation en
électricité va s’améliorer sensiblement et que
leur facture totale sera réduite même si nous
augmentons les tarifs, assure Mme Boustani.
Aujourd’hui, les consommateurs paient deux
factures, une pour l’EDL et l’autre pour les gé-
nérateurs. Ils paieront une seule facture avec
un montant total inférieur à l’addition des
deux dont ils s’acquittent actuellement. L’aug-
mentation des tarifs et l’amélioration de l’ali-
mentation en électricité se feront en parallèle
afin que l’augmentation des factures payées à
l’EDL soit compensée par la baisse de celles
payées aux générateurs privés».
Les tarifs augmenteront graduellement et
lorsque les 1 450 MW seront atteints, le prix
du kilowatt/heure passera d’une moyenne de
9,2 cents à 14,38 cents. Pour la première
catégorie de tarification (la plus basse), qui
concerne 375 690 usagers consommant en
moyenne 510 kWh/mois, la facture mensuelle
d’EDL sera en moyenne de 110 744 livres (en-
viron 74 $) en 2020, soit une baisse de 14,5 %
par rapport à la facture totale actuelle (in-
cluant celle des générateurs). Quant à la cin-
quième catégorie (la plus haute), qui concerne
38 843 usagers consommant en moyenne
2 150 kWh/mois, la facture mensuelle d’EDL
sera en moyenne de 466 863 livres (environ
310 $) en 2020, soit une baisse de 10,7 % par
rapport à la facture totale actuelle.
LA SEULE PROMESSE. La seule promesse de Mme
Boustani aux Libanais est de faire tout son
possible pour obtenir un consensus de toutes
les forces politiques autour de son plan, une
condition essentielle pour garantir sa réussite.
«Pour le moment, je pense que tout le monde
est conscient de la nécessite de réformer le sec-
teur de l’électricité, dit-elle. Je souhaite rester
positive. Ils ont adopté les grandes lignes du
plan. J’ai tenu des réunions avant de l’envoyer
au Conseil des ministres. Cela fait des mois
que je travaille avec la Banque mondiale avant
même d’être nommée ministre. Tous sont
au courant de ce plan. Ils avaient tenu des
réunions avec moi et la BM et ils avaient posé
des questions».
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
L’ÉLECTRICITÉ EN QUELQUES CHIFFRES
● Le déficit d’EDL en 2018 est estimé à
1,8 milliard de dollars, tandis que son déficit
cumulé atteint les 30 milliards de dollars.
● La baisse du déficit est l’un des princi-
paux engagements pris par le Liban à CEDRE
pour bénéficier des 11 milliards de dollars de
prêts bonifiés promis par la communauté inter-
nationale.
● La solution à long terme prévoit la construc-
tion de nouvelles centrales à Selaata (550
MW en 2023), Zahrani 2 (550 MW en 2023) et
Hraiché (300 MW en 2024).
● Une des solutions envisagées à court terme
serait l’installation, dans un délai de 3 et
6 mois, de 14 à 16 petites unités de production
de gaz butane (180 MW chacune) dans diffé-
rentes régions du Liban.
Les principales forces politiques connaissent CONSENSUS POLITIQUE
Nada Boustani a assuré
les grandes lignes du plan mais cela ne les à Paul Khalifeh que le
empêche pas de continuer à le critiquer consensus politique
dans ce qui semble être plus un règlement est indispensable
de compte qu’une volonté de faire des pro- pour réussir le plan de
positions constructives. «Les attaques des- l’électricité.
tructrices contre le plan de réhabilitation du
secteur de l’électricité par certaines parties
visent à en donner une image négative et
erronée à l’opinion publique, réplique la mi-
nistre. Il serait préférable que ceux qui ont
des commentaires à exprimer ou des expli-
cations à demander le fassent dans le cadre
PHOTOS: MILAD AYOUB
de la commission ministérielle au lieu de
fanfaronner. Notre main reste tendue pour
une coopération constructive pour trouver
des solutions qui satisfassent tous les
Libanais». ●
15
ÉCONOMIE
TEMPS FORT

RECRUTEMENTS ABUSIFS
UNE ADMINISTRATION
COÛTEUSE ET
PLÉTHORIQUE

16
 PAR ARLETTE KASSAS

Au moment où l’État libanais

est pressé d’élaborer un bud-
get conforme à son engage-
ment d’assainir ses finances
publiques, et selon lequel il a pu
recueillir les promesses de prêts
de 11 milliards de dollars alloués
à des projets d’investissement
divers, lors de la conférence
de Paris, la taille de l’adminis-
tration et le dossier des recru-
tements abusifs au sein de la
fonction publique est devenu
prioritaire pour alléger le déficit
budgétaire pour l’année à venir.

D
ébut octobre 2018, des rapports sur
les finances de l’État dénonçaient
un déficit budgétaire de plus de
4 milliards de dollars. Plus d’une
partie a soulevé la présence d’un
surplus parmi les fonctionnaires du
secteur public qui touchaient leur
salaire sans fournir un travail. Ce
surplus a augmenté avec le recrutement d’une dizaine
de milliers d’employés durant les deux dernières an-
nées, sans besoin réel de l’administration, et malgré la
décision du Conseil des ministres de geler les emplois
ou les contrats dans le secteur public. Un gel pris sur
la base de deux raisons principales: le nombre plus
que suffisant des employés et contractuels, et le souci
de réduire le déficit annuel, surtout que la grande part
du budget est consacrée au paiement des salaires.
Le 5 octobre, le président de la Commission parle-
mentaire des Finances et du Budget, Ibrahim Kanaan
adresse une demande à la présidente du Conseil ● ● ●

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 17

ÉCONOMIE
TEMPS FORT

LA SITUATION MALSAINE

▼
AU SEIN DE L’ADMINISTRA-
TION PUBLIQUE MENACE
UN GRAND NOMBRE DE
PROJETS FINANCÉS PAR
LA CONFÉRENCE CEDRE.
dans le secteur public atteint plus de 40% du
nombre total des employés dans les deux sec-
teurs public et privé au Liban. 65% des recettes
de l’État vont au paiement des salaires des
fonctionnaires.
Ces recettes sont de l’ordre de 12,5 milliards
de dollars annuellement, alors que 8 milliards
sont nécessaires pour payer les salaires (y com-
pris les retraites), 5,5 milliards sont alloués au
service de la dette, un milliard aux services et
projets et deux milliards pour combler le défi-
cit de l’électricité, ce qui constitue un déficit
annuel virtuel de 4 milliards de dollars. Or,
selon les derniers chiffres du ministère des Fi-
nances, le déficit public a atteint 4,5 milliards
de dollars à fin septembre, en hausse de 124%
sur un an. Une hausse provoquée par l’aug-
mentation de 26,5% des dépenses publiques
sur la même période, principalement liée à
l’écart entre le coût estimé du relèvement de
la grille des salaires avant son vote et son
coût effectif, à une augmentation importante
du nombre de départs à la retraite en 2018,
certains encouragés par ce relèvement, ainsi
qu’aux recrutements illégaux.
On parle de graves dérives dans le proces-
L’ÉDUCATION NATIONALE sus de recrutement de fonctionnaires, et l’on
L’éducation nationale
● ● ● de la fonction publique, Fatima Sayegh dénonce l’embauche récente de nouvelles per-
emploie quelque
27 500 salariés, soit Ouaidat, de lui fournir des informations dé- sonnes, alors que l’article 21 de la loi 46 sur
20% du total, auxquels taillées sur le recrutement de fonctionnaires la nouvelle échelle des salaires interdit claire-
plus de 24 000 depuis l’adoption de la grille des salaires en ment tout recrutement pour une période de
employés contractuels août 2017, et qui stipulait clairement le gel de deux ans et réclame un recensement détaillé
payés à l’heure.
tout nouveau emploi ou contrat dans le sec- des fonctionnaires.
teur public (voir interview page 22).
Le 8 octobre, le directeur de l’Inspection LES SURNUMÉRAIRES. Le dossier des postes au
centrale, Georges Attieh, demande aux admi- sein de l’administration est mis sur le tapis,
nistrations publiques et municipalités de four- surtout que nombre de fonctionnaires sont
nir tous les détails nécessaires pour établir recrutés sans avoir présenté le concours de la
un rapport exhaustif sur les fonctionnaires du fonction publique. De plus, les récents recru-
secteur public. tements représentent un poids considérable
pour l’État, alors que, selon les estimations, le
RECETTES ET SALAIRES. Les chiffres parlent nombre de fonctionnaires surnuméraires dans
d’eux mêmes: le nombre des fonctionnaires les administrations publiques et les ministères

18
 LE POIDS DES
FORCES ARMÉES
Les membres des
forces armées
constituent la
majorité des effectifs,
avec un peu moins
de 95 000 agents.

représente entre 40 et 50% de l’ensemble des

employés du secteur public.
En juillet 2018, le père Tony Khadra, respon-
sable de l’association Labora, révélait que
l’Etat continuait de verser les salaires de près
de 2 000 fonctionnaires décédés, alors que
20 000 fonctionnaires percevaient un salaire
mensuel sans jamais se rendre à leur travail.
Les problèmes de l’administration publique
refont surface, étant donné qu’elle est inca-
pable, en l’état actuel, de jouer un rôle efficace
dans le projet de reconstruction. Cette situa-
tion malsaine menace la poursuite d’un grand
nombre de programmes financés par les pays
donateurs, surtout que les projets prévus par
la conférence CEDRE sont plus que nécessaires RAPPORT EXHAUSTIF
pour une relance rapide et efficace de l’écono- motivées par l’image que les mandats suc- Le 8 octobre 2018, le
directeur de l’Inspection
mie libanaise. cessifs voulaient laisser d’eux-mêmes que par
Centrale, Georges
une réelle volonté d’assainir une administra- Attieh, demande
TENTATIVES DE RÉFORME. Au cours de son his- tion pléthorique, non-productive et inefficace. aux administrations
toire, le Liban n’a pas connu de tentatives Toutes ces tentatives ont été vouées à l’échec. publiques et aux
sérieuses pour réformer l’administration Depuis 2012, aucun recensement détaillé n’a municipalités de fournir
les détails nécessaires
publique depuis le dernier projet de réforme été fait du nombre de fonctionnaires dans
pour établir un rapport
et de développement de l’administration en le secteur public. Une étude publiée en no- exhaustif sur les
1959, élaboré et exécuté sous le mandat du vembre 2013 dans la revue Assadissa de l’Insti- fonctionnaires du
président Fouad Chéhab. Ce dernier misait tut des finances Bassel Fleihan souligne que le secteur public.
sur la réforme administrative pour initier une nombre exact des agents titulaires et contrac-
réforme politique. tuels, employés à temps partiel compris, reste
Depuis, des tentatives timides et dispersées difficile à déterminer. L’estimation réalisée
ont vu le jour, mais la plupart étaient plus par le ministère des Finances dénombre ● ● ●

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 19

ÉCONOMIE
TEMPS FORT

RECENSEMENT
Le dernier projet LE BUDGET DE 2018
sérieux de réforme
Le montant des dépenses prévues dans
de l’administration
remonte à 1959, à le budget 2018 sont de l’ordre de 23 891,2
l’époque du mandat milliards de L.L, dont 21 720,7 pour les salaires
de Fouad Chéhab. et services divers, et 21 70,5 pour les inves-
tissements et la construction de ponts et de
l’infrastructure. Ces dépenses sont détaillées
comme suit: 35% pour le service de la dette,
42% pour les salaires, 9% pour des dépenses
d’investissement, et 14% pour d’autres
dépenses.
Le montant total des recettes prévues est de
l’ordre de 18 686,8 milliards de L.L. Soit un
MALGRÉ LE GEL DES EMPLOIS OU DES
▼

déficit de 52 04,4 milliards de L.L.

CONTRATS DANS LE SECTEUR PUBLIC, UNE
DIZAINES DE MILLIERS DE FONCTIONNAIRES ONT
nistère, plus de 24 000 employés contractuels
ÉTÉ RECRUTÉS CES DEUX DERNIÈRES ANNÉES. payés à l’heure.

GEL ET BESOINS. À la fin des années 1990, le

PAS DE CONCOURS
Nombre de un total de 137 576 agents de la fonction pu-
fonctionnaires sont blique en 2012, en ne retenant que les titu-
recrutés sans avoir
laires et contractuels à temps plein ou partiel
présenté le concours
de la fonction de l’administration centrale, des forces armées
publique. et de l’éducation nationale, mais en excluant
les contractuels journaliers payés à l’heure.
Les membres des forces armées constituent la
majorité des effectifs, avec un peu moins de
95 000 agents (Armée libanaise, Forces de
sécurité intérieure, Sûreté générale et Sûreté
de l’État), soit plus des deux tiers des effectifs
totaux.
L’éducation nationale vient en deuxième posi-
tion avec environ 27 500 salariés, soit 20% du
total, auxquels s’ajoutent en 2012, selon le mi-
législateur avait limité le recrutement d’agents
titulaires. Mais les besoins occasionnés par
les départs à la retraite ont poussé le pou-
voir à recruter des fonctionnaires hors cadre.
Selon certaines sources, quelques 25 000
fonctionnaires ont intégré les administrations
publiques ces trois dernières années. Après
août 2017, et le gel de recrutement prévu par
la loi sur la nouvelle grille des salaires, près
de 5 000 fonctionnaires civils ont été recrutés.
Le député Alain Aoun (CL) a évoqué sur son
compte Twitter un total de 4 695 postes créés
depuis août 2017. Selon des sources concor-
dantes, le nombre de recrutements effectués
s’élèverait à environ 10 000 en comptant les
militaires et les municipalités qui ne se sont
pas encore déclarées.
Selon Alain Aoun, 72,2% du total sont à
mettre au compte du seul ministère de l’Édu-
cation; 9,6% pour Ogero; 6,2% pour les 574
municipalités sur 1073 qui ont communiqué
leurs données; 4,4% pour les hôpitaux gouver-
nementaux; et, enfin, 7,4% pour le reste des
entités contrôlées (voir tableau page 21).
Selon le chercheur au sein de l’«International
pour les informations», Mohammad Chamsed-
dine, en plus des 4 695 personnes recrutées,
il y en aurait 3 000 autres enrôlées pour le
compte des Forces de sécurité.
Le ministère de l’Éducation réfute le nombre
avancé, assurant que 2 173 enseignants avaient
réussi les examens du Conseil de la fonction

20
 FONCTIONNAIRES, CONTRACTUELS, JUGES ET JOURNALIERS
AU SEIN DE L’ADMINISTRATION PUBLIQUE
ADMINISTRATION NOMBRE FONCTIONNAIRES
RECRUTÉS DEPUIS
AOÛT 2017

Présidence de la République 153

Présidence du Conseil des ministres 1 349
Ministère de l’Intérieur 1 840 4
Ministère des Finances 3 181 34
Ministère des Travaux Publics 1,252 15
Ministère de l’Éducation 45 133 3305
Ministère de la Santé 5 218 211
Ministère de l’Agriculture 998 1
Ministère des Télécoms 4 261 453
Ministère de l’Énergie 1 009 1
40% DE LA
▼
Ministère des Affaires étrangères 434 20
Ministère de la Défense 1 488 55
MAIN D’ŒUVRE
Ministère de la Justice 2 044
ACTIVE AU
Les autres ministères 5 053 16
LIBAN EST
CONCENTRÉE
Les Établissements publics 5 093
DANS LE
Municipalités 13 251 234
SECTEUR
Total avec les municipalités 91 776 4 349
PUBLIC.
*Source: Rapport du Conseil de l’Inspection centrale.

publique, et dispensent près de dix heures de à besoins spécifiques.

cours par semaine dans les écoles secondaires
publiques et reçoivent leur salaire de l’Univer-
sité libanaise (UL) en attendant le décret qui
fixe leurs postes. Le ministère a affirmé avoir
signé des contrats avec 30 éducateurs spécia-
lisés pour les personnes à besoins particuliers,
selon la décision du Conseil des ministres no
12 du 7 mars 2018. Le nouveau ministre de
Cependant, les chiffres ne s’arrêtent pas à
ces nouveaux postes alloués. Les rapports
fournis par l’Inspection centrale et le Conseil
de la fonction publique ont permis d’établir
l’existence de 15 102 postes de fonctionnaires
contractuels ou encore de journaliers ou autres
dont les intitulés n’ont aucun fondement légal.
Le 25 février dernier, la Commission des Fi-
PHOTOS: DR - ARCHIVES

l’Éducation, Akram Chehayeb, indique que
les chiffres avancés par la Commission des Fi-
nances «ne sont pas précis», soulignant que les
fonctionnaires au sein du ministère de l’Édu-
cation recrutés après août 2017 ne dépassent
pas 59, dont 30 prennent en charge des élèves
nances a mis les rapports fournis par l’Inspec-
tion centrale et le Conseil de la fonction pu-
blique sur la table, en attendant de les finaliser
par l’apport des détails des administrations qui
n’ont pas encore fourni leurs données en la
matière. Affaire à suivre. ●

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 21

ÉCONOMIE
TEMPS FORT

IBRAHIM KANAAN
«LES RECRUTEMENTS ILLÉGAUX
COÛTENT 240 MILLIONS $ PAR AN»
Dans sa croisade contre le détournement, le gaspillage et la mauvaise gestion des
deniers publics, le député Ibrahim Kanaan ne recule devant rien. Conscient de la
gravité de la situation économique et financière, il propose des solutions réalistes
pour une sortie de crise.
Vous êtes à l’origine, en tant que président de 87 de la Constitution. C’est en contradiction
la Commission des Finances et du Budget, de avec le principe universel de la transparence
la divulgation des nombreuses irrégularités des comptes. Enfin, il y a eu des infractions et
qui entachent les comptes publics? Comment des violations qui ont été relevées par la Cour
avez-vous découvert cela et où en sommes-nous des comptes. C’était une situation illégale et
aujourd’hui? malsaine qui portait préjudice à la position fi-
Lorsque j’ai assumé, en 2010, mes fonctions nancière du Liban sur la scène internationale
de président de la Commission des Finances et et au niveau local, puisque la dette publique
du Budget, j’ai découvert avec mes collègues est à 70% interne. Pendant deux décennies, les
que les comptes publics ont été rejetés 14 fois dépenses de l’Exécutif n’étaient pas soumises
par la Cour des comptes. Le Parlement a créé à un contrôle. Les difficultés que nous vivons
un précédent en votant les budgets sans vali- aujourd’hui sur le plan des finances publiques
der les comptes publics en violation de l’article et de l’économie sont en grande partie dues à

22

cette situation. A cause de cela, le Liban est un
Etat financier hors-la-loi.
Cela était-il dû à l’incompétence, à l’ignorance ou
bien cela était-il réfléchi?
En tant que réformateur, qui travaille de-
puis 9 ans sur des réformes fiscales et bud-
gétaires importantes, je ne vais pas juger les
intentions. Ceci dit, je doute que les respon-
sables ne savaient pas ce que cela impliquait.
Nous essayons de changer la culture ambiante
qui veut que les lois soient faites pour être
appliquées aux citoyens ordinaires et non pas
aux dirigeants. La classe politique a toujours
considérée qu’elle était au-dessus des lois.
C’est cela qui nous a mené à cette situation
catastrophique.
Soit, vous ne voulez pas juger les intentions. Mais
finalement, des milliards de dollars ont été dépen-
sés sans justificatifs légaux. Si on ne demande
pas des comptes aux responsables, comment dis-
suader d’autres de ne pas récidiver?
Je réclame qu’ils soient jugés mais ce n’est pas
à moi de le faire. En tant que parlementaire,
je ne suis pas juge. J’ai tout préparé pour que
n’importe quelle instance judiciaire, qu’elle
soit ordinaire ou exceptionnelle, se saisisse
du dossier. J’ai travaillé, pendant 10 ans, sur
tous les détails des comptes publics. J’ai refusé
trois fois des compromis et ça m’a coûté beau-
coup au niveau politique et personnel. Notre
position constante a été d’exiger des comptes
publics transparents. En 2013, j’ai contribué à
un projet de loi présenté par le président Mi-
chel Aoun, qui était député à l’époque, pour
la création d’une cour spéciale pour les crimes
financiers, totalement détachée du système ju-
diciaire avec des magistrats élus par le corps
judiciaire et d’autres par le Parlement. Le pro-
jet de loi est toujours à la Chambre. Son vote
par l’assemblée générale constituera une im-
portante avancée.
On impute à Fouad Siniora des dépenses non jus-
tifiées de 11 milliards de dollars. Connaissez-vous
le contenu du dossier remis par le député Hassan
Fadlallah au procureur financier Ali Ibrahim?
Ce montant, que j’ai moi-même découvert, est
une dérogation à la règle du douzième provi-
soire, qui permet de dépenser autant que le
dernier budget lorsqu’une loi de finances n’est
pas votée. Mais il y a beaucoup plus que ça.
Je ne crois pas que l’on puisse faire assumer
la responsabilité de cette affaire à une seule
AVRIL 2019MAGAZINE LE MENSUEL
PAR PAUL KHALIFEH
personne. Toute la classe politique au pou-
voir entre 1990 et 2005 est responsable. Il
se peut que certaines personnalités, comme
M. Siniora, soient plus responsables que
d’autres du fait que tout le dossier des finances
était entre ses mains. Mais nous savons aussi
que le consensus nécessaire pour transgresser
les lois ne revenait pas au seul ministre mais à
plusieurs personnes. On ne peut pas dire non
plus qu’il n’y a que 11 milliards de dollars dé-
pensés sans justificatifs.
«APRÈS LE DOSSIER DU RECRUTEMENT
▼
ILLÉGAL, NOUS ALLONS NOUS PENCHER
SÉRIEUSEMENT SUR CELUI DES DOUANES.»
A combien chiffrez-vous les sommes dépensées
sans justificatifs légaux depuis 1990?
J’attends que les comptes publics préparés par
le ministère des Finances soient transmis à la
Commission parlementaire. Je ne peux pas
à ce stade donner un chiffre précis. Il y a les
dons estimés à près de 4 milliards de dollars;
il y a les avances du Trésor situées entre 13
et 14 milliards de dollars et dont seulement
4% ont été rendus; il y a aussi les prêts, chif-
frés entre 8 et 10 milliards de dollars. Je ne
dis pas que ces sommes ont été dépensées
sans justificatifs mais plutôt sans un respect
scrupuleux des procédures légales. Pour cette
somme totale de 26-27 milliards de dollars,
le ministère des Finances a travaillé pendant
9 ans pour essayer d'en retrouver la traçabi-
lité. Cependant, selon moi, aucune dépense
publique n’a été faite dans le cadre de la loi,
du moment qu’elles n’ont pas été validées par
la Cour des comptes et qu’elles avaient lieu
sans budget. L’essentiel, c’est que nous avons
rompu, en 2010, avec ce phénomène malsain.
Nous avons maintenant des budgets. Ici dans
mon bureau, j’ai deux projets de budgets. Et
nous avons aussi des comptes publics, avec
8 millions de documents, qui vont être publiés.
Dans le passé, tous les comptes de l’Etat te-
naient sur une simple feuille A4. Notre objectif
n’est pas d’assouvir une vengeance politique
mais de réaliser quelque chose de positif pour
notre pays, son économie et ses finances pu-
bliques et retrouver cette confiance nécessaire
pour le Liban.
Le Trésor pourra-t-il récupérer une partie de
l’argent qui a été détourné ou gaspillé? ●●●
23
ÉCONOMIE
TEMPS FORT
LA RÉCONCILIATION
Selon Kanaan, «la
réconciliation avec les
Forces libanaises a mis
un terme définitif à
l’élimination réciproque.
Il n’y aura pas de retour
en arrière même s’il y a
des désaccords politiques
entre nous. La réconci-
liation a permis l’élection
du président, la formation
d’un gouvernement avec
une réelle représentation
chrétienne et l’adoption
d’une loi électorale plus
représentative. Elle a
aussi créé une nouvelle
équation nationale et
régionale qui a changé
la donne».
24
●●● Tout est possible mais il faut en priorité
guérir la classe politique et le peuple libanais
de cette politisation et de cette confession-
nalisation des affaires nationales. C’est pour
cela que nous avons proposé un projet de loi
permettant de récupérer les fonds qui ont été
détournés ou pillés. Nous avons travaillé sur
toute une batterie de lois qui visent à lutter
contre la corruption. Certains textes ont déjà
été votés, comme le droit d’accès à l’informa-
tion, la protection des lanceurs d’alerte, la lutte
contre la corruption dans les contrats gaziers et
pétroliers, la Commission nationale pour la
lutte contre la corruption, la Cour spéciale
pour les crimes financiers, l’enrichissement
illicite… Maintenant, il faut que la classe poli-
tique et la population réalisent que lorsqu’ils
réagissent d’une manière confessionnelle ou
partisane à une question d’importance natio-
nale, ils sont en train d’hypothéquer l’avenir
de leurs enfants.
Pouvez-vous chiffrer le nombre de fonctionnaires
recrutés illégalement surtout à la veille des élec-
tions législatives?
Evidemment que j’ai un chiffre et il est mis à
jour presque quotidiennement. Pour l’instant,
nous en sommes à 3 000 à 4 000 personnes re-
crutées dans l’administration civile et quelque
5 000 dans les forces armées et les services de
sécurité. Cette situation est anormale d’au-
tant plus que nous traversons une crise éco-
nomique et financière difficile et que nous
devons réduire les dépenses publiques. Tous
ces nouveaux fonctionnaires et militaires
coûtent au Trésor près de 20 millions de
dollars par mois, soit près de 240 millions de
dollars par an.
Les recrutements illégaux sont-ils l’apanage d’un
parti politique bien déterminé?
Tous sont responsables dans des proportions
différentes. C’est le fruit de cette culture qui fait
que les responsables politiques pensent qu’ils
peuvent se libérer de toutes les contraintes, de
toutes les limites imposées par la loi et faire ce
que bon leur semble, en estimant que l’intérêt
de leur parti est plus important que l’intérêt
public. Après que nous ayons pris en main ce
dossier avec l’Inspection centrale et le Conseil
de la fonction publique, il y a un arrêt presque
total du recrutement. Ils ont peur.
Mais le mal est fait…
Certes, mais il y a une possibilité d’y remédier.
L’article 86 autorise la Cour des comptes à
DIVERGENCES D’INTÉRÊT AVEC POMPEO
Commentant la visite du secrétaire d’Etat
Mike Pompeo à Beyrouth, M. Kanaan a
déclaré: «Le président Michel Aoun a
clairement exprimé l’attachement à l’unité
nationale qui protège la stabilité. Et le
Hezbollah fait partie intégrante de cette
unité. Notre priorité est la récupération de
nos terres occupées par Israël et le retour
des réfugiés syriens indépendamment de la
solution politique en Syrie».
«La visite de Pompeo a fait ressortir, dans
certains de ses aspects, des divergences
d’intérêt avec les priorités libanaises, a
ajouté M. Kanaan. Les dirigeants libanais
ont demandé à l’administration américaine,
par le biais de M. Pompeo, d’adopter une
politique plus équilibrée, prenant en compte
le rôle du Liban en tant que partenaire
essentiel dans la paix et la stabilité de la
région et que modèle de convivialité. Ils
ont aussi réclamé le soutien à sa demande
pour un retour des réfugiés syriens et
souhaité que l’aide aux déplacés ne soit pas
soumises à des conditions politiques».
résilier les contrats illégaux.
Les douanes seraient aussi une importante
source de gaspillage et de manque à gagner pour
l’Etat. Le Hezbollah et le mouvement Amal sont
notamment pointés du doigt. Comptez-vous vous
attaquer à ce dossier?
Je n’ai pas encore abordé cette question dans
les détails. Mais je sais qu’il y a un manque
à gagner dans la perception des droits de
douanes. Les chiffres de deux ou quatre mil-
liards de dollars sont avancés. Je ne sais pas
s’ils sont exacts. Après avoir terminé avec le
dossier du recrutement illégal, nous allons
nous pencher sérieusement sur ce dossier.
Est-il vrai que de nombreux obstacles se dressent
devant la mise en œuvre des décisions de la
conférence CEDRE?
CEDRE comporte deux volets, le premier ré-
servé au Législatif et le second à l’Exécutif. La
partie législative est terminée. 90% des lois
proposées ont déjà été votées. Lors de la confé-
rence de Londres, où j’ai eu une intervention en
présence de l’ambassadeur Pierre Duquesne,
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
RÉFORMES
la communauté internationale a reconnu les 39 réformes ont déjà
progrès réalisés par le Liban au niveau du été proposées par la
chantier législatif. Concernant l’Exécutif, nous Commission des
savons tous que les choses vont moins vite à Finances. Elles
attendent d’être
cause du retard de 9 mois pris dans la forma- approuvées par le
tion du gouvernement. C’est pour cela que le gouvernement.
gouvernement est invité à accélérer la mise
en œuvre de la partie qui lui incombe et qui
s’articule autour de l’approbation d’un budget
incluant des réformes. Celles-ci, au nombre de
39, ont déjà été proposées par la Commission
des Finances. La deuxième mesure est la ré-
duction du déficit budgétaire de 1 à 2%, sur
une période de trois à cinq ans. Cet objectif
peut être atteint à travers ce que nous faisons
au niveau du recrutement illégal et la réhabi-
litation du secteur de l’électricité, qui englou-
tit 2 milliards de dollars par an. Ces mesures
sont susceptibles d’améliorer la confiance dans
les capacités financières du Liban, ce qui per-
mettrait de baisser les taux d’intérêt sur le ser-
vice de la dette publique à hauteur 1%. Nous
pourrions, par conséquent, économiser entre
1 000 et 1 500 milliards de livres. Enfin, il y a
les dons et les subventions faites par l’Etat à
des associations à but non lucratif, qui appar-
tiennent souvent à des épouses ou des proches
d’hommes politiques, des partis, des commu-
nautés religieuses. Nous parlons, là, de 700
milliards de livres. Je suis sûr que nous pou-
vons, immédiatement, économiser 300 à 350
PHOTOS: ALI FAWAZ - DR
milliards de livres. Si nous ajoutons à cela une
politique plus austère dans les dépenses de
l’Etat concernant les conférences, les voyages
etc…, nous pouvons réduire de 50% le déficit.
Je ne pense pas que le redressement soit dif-
ficile. Il suffit d’avoir une volonté politique. ●
25
 FOCUS
MÉDITERRANÉE

COOPÉRATION
PROJET D’UNION
OU UNION DE PROJETS
L’Union pour la Méditerranée (UpM) souhaite donner un nouvel élan à sa stratégie de
développement et de coopération régionale. Elle se prépare à une participation active
au Sommet des deux rives qui doit se tenir à Marseille en juin prochain et prend
l’initiative de parrainer un événement régional important que le Liban accueillera
en avril: la 6ème Semaine forestière méditerranéenne. PAR BÉCHARA BON (PARIS)

N
asser Kamel, le nouveau Secrétaire
général de l’Union pour la Médi-
terranée (UpM) installé depuis
huit mois, brosse un tableau opti-
miste de cette organisation multi-
latérale et régionale qui regroupe 43 membres
(28 pays de l’Union européenne et 15 pays du
Sud et de l’Est de la Méditerranée).
De passage à Paris, cet ancien ambassadeur
d’origine égyptienne, diplomate expérimen-
té à la longue carrière, se réjouit que l’UpM
ÉVÉNEMENT
Le Liban accueille la connaisse actuellement une dynamique et un
6ème Semaine forestière souffle nouveaux. Le regain d’intérêt pour
méditerranéenne.
cette organisation s’explique, selon lui, par le
fait que la Méditerranée redevienne une prio-
rité politique pour l’Europe. Le cadre régional
étant plus propice à développer des projets de
coopération et de développement.
Chiffres à l’appui, il annonce la mise en œuvre
de plus de 50 projets de coopération régionale
amorcés par le secrétariat, dont 54% concer-
nant le développement humain (enseignement
supérieur, recherche, emploi, développement
entreprises, affaires civiles…) et 46% le déve-
loppement durable (énergie, eau, environne-
ment, transport...). L’ensemble est évalué à
plus de 5 milliards d’euros. Le nombre de bé-
néficiaires ciblés par la première génération de
projets s’élève à 200 000 (dont 100 000 jeunes
et 50 000 femmes).
Par le passé, depuis 2012, le secrétariat a orga-
nisé plus de 300 forums régionaux d’experts
et impliqué un réseau de plus de 25 000 par-
ties prenantes, dont des représentants d’insti-
tutions gouvernementales, des organisations
régionales et internationales, des autorités
locales, des institutions financières, le secteur
privé et la société civile.

PROJETS POUR LE LIBAN. Dans l’agenda des pro-

jets de coopération labellisés UpM, le Liban
est présent aussi bien en tant que pays pro-
moteur que pays bénéficiaire. Il s’agit de plu-
sieurs secteurs dont notamment les affaires
civiles et sociales (égalité des genres, femmes
et jeunesse), le développement des entreprises

26
et de l’emploi, l’environnement (programmes
relatifs à l’eau), l’enseignement supérieur et
la recherche, le transport et le développement
urbain.
Par ailleurs et de façon nettement engagée,
l’UpM va parrainer un événement régional
important que le Liban doit accueillir début
avril à Broumana: la 6ème Semaine forestière
méditerranéenne.
A cette occasion l’UpM lancera son projet pour
«renforcer la restauration des forêts et des
paysages, restaurer la biodiversité et promou-
voir des approches communes d’atténuation et
d’adaptation en Méditerranée».
C’est en collaboration avec l’Organisation des
Nations unies pour l’ alimentation et l’agricul-
ture (FAO), que le secrétariat de l’UpM lance
ce projet, censé se dérouler sur une période de
quatre ans, tant au niveau régional que national.
Au niveau national, des actions seront me-
nées dans des sites présélectionnés au Liban
et au Maroc. Il s’agira de restaurer les forêts,
les terres et les écosystèmes, de les adapter
au changement climatique et de préserver
la biodiversité. Ces actions auront en outre
un impact direct sur la population locale, en
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
L'UPM DEVRAIT SE CONSACRER À DES PROJETS
▼
DE DÉVELOPPEMENT NATIONAL ET RÉGIONAL.
particulier dans les zones rurales bénéficiant
d’écosystèmes plus riches.
LA POLITIQUE EN VEILLEUSE. Toutes ces actions,
assure Nasser Kamel, ont permis à l’UpM de
gagner beaucoup en crédibilité. Il reconnait
que le terme «Union» pour cette organisation
est mal choisi et propose d’écarter le sens «pro-
jet d’Union» pour lui préférer l’«Union de pro-
jets». Il semble donc que le volet politique soit
mis en veilleuse pour privilégier et renforcer la
stratégie de coopération multilatérale sur des
projets concrets de développement national et
régional.
Le secrétaire général salue enfin l’action du
président français Emmanuel Macron pour
renforcer l’UpM et exprime le souhait que le
futur «Sommet des deux rives» à Marseille,
le 24 juin prochain, soit une occasion supplé-
PHOTOS: DR
mentaire de consolider et de développer la
coopération régionale autour de la Méditerra-
née. Elle en a tellement besoin! ●
27
ÉCONOMIE
NEWS BANQUES ET ASSURANCES

Byblos Bank a organisé une

cérémonie en son siège à Achrafié

➔
afin de remettre des certificats
aux étudiants ayant participé
au programme de stages 2018.
BYBLOS BANK Au cours de l’événement,
HOMMAGE AUX les meilleurs stagiaires ont
ÉTUDIANTS DU également été récompensés pour
PROGRAMME DE leur performance. A l’occasion,
Elie Moussallem, directeur de
STAGES 2018
l’acquisition de talents à Byblos
Bank, a déclaré: «L’objectif du
programme de stages est de fournir
aux étudiants une expérience
éducative réelle qui les initierait
Saad Azhari, président et au secteur bancaire et à des
directeur général de Blom Bank, fonctions connexes». Byblos Bank
➔

a reçu le prix d’excellence en s’efforce toujours de proposer aux

gestion des risques de Marcello stagiaires une expérience unique
BLOM BANK Baricordi, directeur général- à travers diverses initiatives
PRIX région Mena chez Visa. Ce prix visant à maximiser l’efficacité
récompense l’adoption effective du programme de stages qu’ils
D’EXCELLENCE par Blom Bank d’une politique reçoivent. Ces initiatives incluent
EN GESTION DES de responsabilité zéro envers les notamment la participation à des
RISQUES DE VISA clients en cas de vol de cartes formations et à des ateliers conçus
ou de données. Avant l’adoption pour leur donner une expérience
d’une telle politique, les clients pratique du travail, pour les aider
de Blom Bank devaient attendre à prendre de meilleures décisions
3 mois avant que le montant volé de carrière, et pour renforcer les
sur leur carte ne soit remboursé. compétences nécessaires pour le
Toutefois, ces dix dernières secteur bancaire.
années, tout montant volé
sur une carte a été remboursé
aux clients dans les 24 heures.
M. Baricordi a déclaré apprécier
le partenariat stratégique de
Visa avec Blom Bank, soulignant
que ce prix témoigne de
«nos efforts pour rendre les
transactions numériques aussi
sécurisées, simples et pratiques
que possible pour nos détenteurs
de cartes». «Bâtir la confiance
avec les consommateurs
permet de promouvoir une
utilisation accrue des paiements
électroniques. Cette confiance
se matérialise en leur assurant
une protection des frais non
autorisés s’ils utilisent leurs
cartes et leurs appareils de
manière responsable», a-t-il dit.

28
 PAR LILIANE MOKBEL

Pour soutenir le développement

➔

des connaissances et l’inclusion

financières chez les jeunes, Bank
Audi a organisé le concours
BANK AUDI interscolaire Spring. Cet
SOUTIEN AU événement a rassemblé douze
écoles de la région du Metn.
CONCOURS 650 élèves y ont participé. Les AROPE Insurance SAL a lancé
INTERSCOLAIRE

trois écoles gagnantes – Collège
SPRING Mariste Champville, Beirut
Evangelical School et Collège des
Saints-Cœurs Aïn Najm – se sont
vus décerner des trophées par
Bank Audi pour leur participation
au concours. Les trois gagnants
du premier prix – Hanna Gedeon,
Murielle Abou Imad et Youssef
Chidiac – ont reçu un chèque
de 1 500 $ chacun. Les lauréats
des 2nde et 3ème places ont reçu,
respectivement, des montants de
1 000$ et 500$ chacun.
➔
EXPAND, International Medical
Experts Solution, un nouveau
programme international d’assu-
AROPE rance santé en collaboration
LANCEMENT avec Munich Health, membre du
DE EXPAND, réassureur mondial, Munich Re.
EXPAND est un plan médical qui
UN NOUVEAU
consiste en une prise en charge
PLAN SANTÉ complète en dehors du pays de
INTERNATIONAL résidence couvrant les frais de
voyage et les coûts de traitement
pour cinq maladies critiques
préalablement définies, dans les
hôpitaux et centres médicaux
les plus renommés autour du
monde: traitement du cancer;
chirurgie de remplacement de
la valve cardiaque; transplantation
majeure d’organes et de
moelle osseuse; neuro-chirurgie;
chirurgie de pontage de l’artère
coronaire.

Bank of Beirut (BoB) a investi dans

un point immobilier de référence ➔
pour installer son siège social
central de Bank of Sydney, sa filiale
BANK OF
australienne. BoB a annoncé qu’elle
a conclu un accord pour acheter BEIRUT
l’immeuble au 62 Pitt Street Sydney. LE SIÈGE
Le lieu choisi abritera le siège central CENTRAL AU
de la banque. Bank of Sydney a grandi 62 PITT STREET
énormément depuis sa fondation en SYDNEY
2001 et est fière des services qu’elle
fournit à toutes les communautés
australiennes. Il s’agit d’un autre
pas dans la stratégie de croissance
ambitieuse de la BoB et permettra à
Bank of Sydney de continuer à offrir
une expérience améliorée.

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 29

ÉCONOMIE
NEWS LES CHIFFRES

DE 1999 À 2017 70% DES DÉPENSES COURANTES

DE L’ÉTAT COUVERTES PAR LES RECETTES 21%
Les chiffres publiés par Information International montrent que toutes les recettes
du Trésor entre 1999 et 2017 n’ont pas été suffisantes pour couvrir les salaires
et les intérêts de la dette, sachant que les revenus fiscaux ne représentent que
70% de l’ensemble des revenus de l’Etat.
Les recettes du Trésor n’ont couvert que
les trois-quarts des dépenses courantes.
Celles-ci, qui comprennent les salaires, les
intérêts et les transferts, s’élèvent à 27%
du PIB, alors que les revenus de l’Etat
(taxes et autres rentrées) n’ont représenté
que 20% du PIB. Quant aux dépenses Selon le ministère de la Santé publique,
d’investissement, leur part n’a pas excédé les prix de plus de 330 médicaments
1,5% du PIB. ont baissé de 76% et dans une moyenne
générale de 21% grâce aux décisions
et notes administratives promulguées
GASPILLAGE en 2018 portant sur le mécanisme de
CEDRE TROIS SECTEURS détermination du prix du médicament.
Les prix de plus de 70 médicaments
HARMONISATION
IDENTIFIÉS génériques seraient encore revus à
L’harmonisation entre l’appro-
bation et la mise en œuvre d’un
PAR L’ABL la baisse au 1er trimestre de 2019 faisant
projet inclus dans CEDRE est suite à une régression des prix de
nécessaire, le délai entre les 299 génériques en décembre dernier.
deux processus ne devant pas
dépasser 12 à 15 mois.

DÉPLACÉS
95% DE RETOUR
Le ministère des Déplacés a
permis le retour de 95% des
déplacés. Néanmoins, ceux
qui n’ont pas récupéré leurs
terrains représentent 5%.
Les raisons diffèrent
d’un cas à l’autre.
CNSS
ÉGYPTIENS EXEMPTÉS
Le directeur général du minis-
tère du Travail a exempté les
25 000 ouvriers égyptiens de
leurs cotisations à la CNSS
à travers une décision non
approuvée par le ministre.
Makram Sader, secrétaire général
de l’Association des banques
du Liban (ABL), a déclaré que
«l’étude effectuée par des experts
économiques et transmise à l’ABL a
identifié trois secteurs de gaspillage,
à savoir l’EDL, les télécoms et la
fraude fiscale.» «Le gaspillage à
l’EDL représenterait 1,7 milliard $,
celui de la fraude fiscale 1 milliard $
et les télécoms 300 millions $», a
précisé M. Sader.
200
millions de livres
Le projet de loi de finances 2018 a
alloué la somme de 200 millions
de livres à l’Institut de recherches
industrielles (IRI), une somme qui a
été défalquée des crédits consa-
crés au ministère de l’Industrie.
Des sources économiques se sont
interrogées sur l’efficience d’une
telle mesure surtout que l’IRI fait
payer les examens et tests effectués
sur les échantillons des importa-
tions industrielles, ce qui devrait lui
permettre de ne pas avoir besoin
d’aides gouvernementales.

30
 PAR LILIANE MOKBEL

6 milliards $
Le déficit budgétaire s’est creusé à un
BRÈVES
➜ Eurobonds.
Pour 2019, les
rythme rapide, passant de 7% fin 2017 eurobonds
à plus de 10,5% en 2018. Les prévisions venant à
pour 2019 font état d’un déficit de plus échéance se
de 6 milliards de dollars. présentent
comme suit:
en avril

20 ans
La centrale électrique Deir Ammar 2
500 millions $;
en mai 650
millions $; en
4 867 MILLIARDS DE L.L. sera gérée selon le système BOT novembre 1,5
milliard $. Le
À DES ONG ET ASSOCIATIONS (Build, operate, transfer) sur une durée
ministre des
Le budget de 2018 a alloué des crédits d’un montant de 20 ans renouvelable une seule fois
de 4 867 milliards de livres libanaises à titre de Finances est
pour une période de 5 ans. L’appel autorisé à
contributions ou de subventions du gouvernement
d’offres a été remporté par l’homme émettre des
aux organisations non gouvernementales
appartenant à des épouses d’anciens présidents de d’affaires jordano-palestinien Alaa eurobonds pour
la République et d’autres épouses de présidents, Khawaja, Teddy et Raymond Rahmé 4,800 milliards $.
ministres et chef de partis actuels. ainsi que Ghassan Ghandour.
➜ Dettes
Le service de
la dette de
LES VOYANTS la Banque du
Liban envers
les banques
commerciales
s’élèverait en
2019 à plus de
-8,7% -21,12% +0,7 +4,22% 4 milliards $.
Celui de l’Etat
en livres et en
devises est de
2,05 milliards $.
LES LIVRAISONS DE VOITURES NEUVES: LE PIB EN DAVANTAGE
CIMENT CHUTENT EN BAISSE CROISSANCE DE TOURISTES ➜ Conseils
La Commission
Les livraisons de L’ambiance reste L’agence Fitch a Sur une base
parlementaire
ciment, un indicateur morose. Sur les 2 estimé la croissance cumulative, le nombre
des Finances a
synthétique de l’activité premiers mois de du PIB à 2,5% en 2019 de touristes venus
émis 37 recom-
de construction, ont 2019, le nombre contre 1,5% en 2018. au Liban les deux
régressé de 8,7% en de véhicules neufs Cette croissance premiers mois de mandations
2018, selon les chiffres vendus a reculé de serait maîtrisée 2019 a progressé de comme l’octroi
publiés par la BDL. 21,12% sur un an. à moyen terme, 4,22% sur un an. Il est d’une autorisa-
Les livraisons se sont 4 745 voitures neuves l’économie devant passé de 221 685 en tion au Trésor
élevées à 4 702 315 ont été vendues en s’agrandir à une 2018 à 231 055 en de s’endetter
tonnes en 2018 contre janvier et février moyenne annuelle de 2019 sur la période dans les limites
5 148 615 tonnes en 2018 contre 3 743 2,7% entre 2019 et précitée. Les Arabes du déficit
2017 en 2019. 2023. occupent la 1ère place. prévisionnel.

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 31

ÉCONOMIE
NEWS COMMERCE & INDUSTRIE

ISTYLE & ABM CARE QUADRA INDUSTRIE

UNE DEUXIÈME BOUTIQUE À BEYROUTH UNE START-UP POUR PHARMACEUTIQUE
FACILITER L’EXPORTA- 1300 TYPES DE PRODUITS
TION DE FRUITS FABRIQUÉS AU LIBAN
La start-up Quadra a entamé Les vingt attachés com-
son activité visant à aider merciaux libanais auprès
les agriculteurs à trier leurs des ambassades du Liban
récoltes et à faciliter par à l’étranger ont visité
conséquent leurs opérations
d’exportation. Après la récolte,
les fruits sont transportés
vers des sites prédéfinis pour
y être triés en fonction de
leur taille, de leur couleur et
de leur qualité. Les machines
créées par Quadra effectuent
Au cours d’une soirée mémorable au hub technologique Hol- cette opération avec une
com, en présence de 300 invités, le groupe Midis a inauguré sa meilleure performance que
deuxième boutique iSTYLE, revendeur premium de la marque celle réalisée par la main
Apple, en présence de personnalités de marque, hommes d’œuvre. Les exportations des
fruits libanais connus jadis plusieurs usines locales
d’affaires, clients, représentants des médias et influenceurs. pour s’enquérir de visu de
pour leur bonne qualité ont
Nabil Bustros, Pdg de Midis Group, a déclaré: «iSTYLE, Apple souffert à plusieurs reprises la situation de l’industrie.
Premium Reseller, exploite l’une des plus grandes chaînes de ces derniers temps de nuées Lors de leur tournée dans
magasins Apple en Europe centrale et orientale, au Moyen- d’insectes et d’épidémies l’usine Benta Pharma
Orient et en Afrique, et exploite 56 points de vente Apple. phytosanitaires qui ont
Industries (BPI), le
Par ailleurs, la compagnie vient d’acquérir 15 boutiques en perturbé leur exportation. Les
pays de l’Union européenne, propriétaire Bernard
Espagne». Le personnel des boutiques iSTYLE est directement Tannouri a indiqué que
malgré leur traité de partena-
formé et supervisé par Apple afin de transférer une expérience la structure, construite en
riat commercial avec le Liban,
adéquate aux consommateurs. Afin de fournir une solution ont refusé la réception de ces 2006, produit plus de 200
Apple complète, iSTYLE s’est associé à ABM Care, fournisseur fruits pour non conformité à sortes de médicaments,
agréé de services Apple, offrant ainsi à la clientèle des solu- leurs standards de qualité. A rappelant à cette occasion
tions et services complets. cela, s’est ajouté la fermeture
que l’industrie pharmaceu-
Suivez les dernières nouvelles et offres des boutiques iSTYLE des points de passage de
la frontière libano-syrienne. tique au Liban compte 11
sur Instagram et Facebook @istylebeirut entreprises qui fabriquent
Quadra a été créée par Kevin
Boutros, Serge Khoury et 1 300 médicaments de
Christina Farah. haute qualité.
HUAWEI OUVERTURE DE SON
EXPERIENCE STORE AUX SOUKS
Huawei Consumer Business Group (CBG) a ouvert son magasin, ÉNERGIE 28 JOINT-VENTURES
Huawei Experience Store (HES), dans les souks de Beyrouth.
Inscrit dans son concept «intelligent life», la boutique est un QUALIFIÉES POUR LES PARCS SOLAIRES
espace confortable et futuriste permettant aux clients d’avoir une La ministre de l’Energie et de l’Eau a qualifié 28 joint-ventures
expérience pratique et d’explorer les dernières innovations tech- pour participer à l’appel d’offres pour la construction de 12 fermes
nologiques de Huawei sous un même lieu. La boutique englobe solaires localisées au Hermel, au Mont-Liban, au Akkar et à Naba-
toutes les réalisations de la société en matière d’intelligence ar- tiyé. Elles ont été sélectionnées parmi 42 sociétés qui avaient pré-
tificielle et présente tous ses appareils, tels senté leur candidature. Selon le projet, chacune de ces fermes doit
que la montre Huawei Watch GT, le Matebook produire 15 MW, soit au total 180 MW. Il s’agit des premières offres
X Pro, des tablettes, des trackers de fitness d’énergie solaire générées de manière privée au Liban. Sachant que
et plein d’autres accessoires high-tech. Le les offres faites couvrent à 40% la région de la Békaa et du Hermel,
géant chinois a également ouvert une bou- à 13% le Mont-Liban, à 10% le nord du Liban et le Akkar, les 37%
tique similaire au sud du Liban, à Nabatiyé, restants couvrant le Liban-sud et Nabatiyé. La Lebanese Center
et ouvrira prochainement ses portes à Tri- for Energy Conservation procède à une évaluation des mérites
poli. CBG a annoncé avoir transporté plus de techniques. Les 5 premiers de chaque département administratif
10 000 unités de la série Huawei mate 20 seraient sélectionnés sous un angle financier.
dans le monde cette année. PAR LILIANE MOKBEL

32
 R E S TA U R AT I O N & H Ô T E L L E R I E

TOURISME LES SAOUDIENS TRÈS ATTENDUS LEILA MIN LEBNEN UNE MAISON DU
POURSUIT SON FROMAGE À KOWEÏT
EXPANSION
Après l’ouverture de
déjà quatre restaurants
au Liban et treize dans
le monde arabe (EAU,
Qatar, Koweït, Bahreïn
et Arabie saoudite), Leila
min Lebnen poursuit son
développement en Arabie
saoudite. Une deuxième
branche vient en effet
d’ouvrir à Riyadh. C’est Antoine Obeid vient d’ouvrir
Motlaka al Zad for Tourism avec succès le premier magasin
La levée de l’interdiction de voyager au Liban par l’Arabie qui se charge d’établir, spécialisé dans le fromage
saoudite constitue un réel soulagement pour l’industrie du développer et d’opérer
au Koweït. Selon lui, les
Koweïtiens apprécieraient le
tourisme. Pierre Achkar, interviewé par Hospitality News, se les restaurants de cette fromage presque autant que les
veut confiant, même s’il est encore tôt pour se prononcer enseigne dans la capitale Européens. L’enseigne propose
sur les réservations estivales. «Même si les investisseurs du saoudienne. Les équipes de pas moins de 140 types de
Conseil de coopération du Golfe (CCG) ne reviennent pas Leila min Lebnen parti- fromages, mais aussi du foie
tout de suite, les Arabes du Golfe sont de retour avec leur cipent à chaque étape du gras, du caviar et des produits
pouvoir d’achat et leurs longs séjours». développement. truffés.

SMALLVILLE CUISINE BISTRONOMIQUE

NOUVEAU KAHWET LAURE
UN HOMMAGE AUX ANNÉES D’OR
Authentique restaurant oriental proposant de la cuisine liba-
naise et syrienne, Kahwet Laure a ouvert ses portes dans la rue
principale de Badaro. Le nom et le concept du restaurant sont
un hommage à la chanson de Fayrouz, Ya Laure Houbouki et
aux années d’or du Liban, entre 1950 et 1960. parmi les plats à
ne pas manquer le hommos Laure ou encore le kebab bi karaz
ainsi que de délicieux desserts. A titre d’exemple, cette nouvelle
adresse propose un mezzé oriental incluant entrées froides,
chaudes, grillades et boissons pour 4 personnes à partir de 30 $.
AVEC CHRISTOPHE VESSAIRE
Le Smallville Hotel et sa dirigeante Sophia Fakhry
nous surprennent encore une fois en confiant les cui-
sines et restaurants à un chef pas comme les autres,
Christophe Vessaire, 2 étoiles au guide Michelin. Il
signe le nouveau menu du restaurant Merry Go Round
du Smallville, alliant tradition, modernité, richesse,
raffinement et une expérience culinaire inédite. A
midi, l’adresse propose des formules Bistronomiques
«Découvertes», qui changent chaque semaine. Le soir,
l’ambiance se métamorphose en offrant une déclinai-
son plus riche du menu qui fera palpiter les papilles
les plus exigeantes des fins gourmets.

18 000 YARA
UN NOUVEAU LIBANAIS À NEW YORK
Le salon Horeca qui s’est Un expatrié libanais, Jacob Harb, vient de lancer
tenu au Seaside Arena du 2 un nouveau concept de restaurant libanais à New
au 5 avril, a réuni pas moins York, selon Hospitality News Middle East. Rien ne
de 350 exposants, 2 500
prédestinait cet ex-cadre chez Porsche à se lancer
marques, 70 experts inter-
nationaux du monde de la
dans une telle aventure, si ce n’est sa passion pour
gastronomie et de l’hôtellerie la gastronomie. Harb explique que le menu de Yara
et a organisé en moyenne 20 a été élaboré par le chef Rifaat Husseini et se veut
animations et compétitions représentatif d’une cuisine libanaise authentique. Il
quotidiennes. Le salon atten- espère lancer d’autres branches aux Etats-Unis.
dait plus de 18 000 visiteurs. PAR JENNY SALEH

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 33

ÉCONOMIE
NEWS IMMOBILIER

INSTALLATIONS ILLÉGALES TRANSACTIONS REDAL

5ÈME PROPOSITION DE RÉGULARISATION BAISSE DE 26% VEUT ÊTRE
EN JANVIER 2019 ASSOCIÉ À CEDRE
L’association des promoteurs
Le nombre des transactions
immobiliers réclame de faire
immobilières s’est élevé à
partie des organismes qui
3 667 en janvier, en recul
seraient associés au volet
de -26.25% par rapport à
construction et réhabilitation
janvier 2018. La valeur par
de l’infrastructure prévue par
transaction est passée de
la conférence CEDRE. Redal
128 018$ en janvier 2018 à
estime que le partenariat
137 642$ en janvier 2019.
entre les secteurs public
Beyrouth réunit 33,92%,
et privé est fondamental,
le Metn 18,65%, Baabda
considérant que «tout plan
17,15%, le nord 17,23%, le
économique national ne
sud (12,03%).
sera pas complet sans une
Une proposition de loi sur la régularisation des politique d’habitat durable
installations bâties en violation de la loi sur le bâtiment
LOGEMENT et un chantier législatif qui
1 000 PRÊTS HYPO- porte sur tous les aspects
est à l’étude par les Commissions parlementaires. Elle fait THÉCAIRES EN 2018 du secteur immobilier et des
l’objet d’un examen approfondi du fait qu’elle est sujette L’indice de la demande sur métiers qui lui sont liés».
à de nombreuses oppositions de la part des membres l’immobilier de Byblos Bank a
montré une stagnation au 4ème
de ces commissions. Si cette proposition est approuvée, trimestre de 2018 par rapport
elle portera le numéro 5, tout en rappelant qu’elle a été au 3ème trimestre de la même
renvoyée à plusieurs reprises devant ces instances pour année. Néanmoins, cet indice a
progressé de 14% en comparai-
réexamen. Cette régularisation potentielle représente un
son avec son niveau du 4ème
énième contournement de la Direction de l’urbanisme et trimestre de 2017. Ceci dit, les
un gaspillage des deniers publics. banques ont conclu 1 000 prêts
hypothécaires en 2018. Les
candidats au prêt attendent la
reprise des subventions.
TRAVAUX PUBLICS
LE PROBLÈME DES ARRIÉRÉS DES
ENTREPRENEURS S’ÉTERNISE
Le problème du versement des arriérés des entrepreneurs de L’ÉTAGE MURR…
travaux publics s’éternise. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: ENCORE ET TOUJOURS
130 milliards de livres dues depuis dix ans. Ce montant Trente-neuf ans après la promulgation, le 17/5/1980, de la loi
consiste en des sommes représentant des réconciliations et des connue sous le nom de «l’étage Murr», le député Hikmat Dib
différences de prix. Il faut ajouter à ce montant des chantiers (Courant patriotique libre)
adjugés pour la somme de 300 millions $ mais dont l’exécution est l’auteur d’une nouvelle
n’a pas encore été proposition de loi dont
entamée. De leur côté, l’idée clé est similaire. Il
les entrepreneurs de
s’agit de permettre d’aug-
TP insistent pour que
menter l’indice d’exploi-
leurs arriérés soient
inscrits dans les crédits tation foncière dans des
alloués au ministère cas particuliers restrictifs.
du Transport et des Les taxes payées pour en
Travaux publics dans bénéficier permettraient
le cadre de la loi de d’alimenter une caisse pour
finances de 2019. des prêts-logement.

34
 PAR LILIANE MOKBEL

OUTRE-MER

ZUHAIR MURAD
«LES DESIGNERS ARABES SONT FAIBLES»
Zuhair Murad, 48 ans, designer libanais de réputation
internationale, qui a des ateliers de haute couture à Beyrouth
et à Paris et, depuis fin 2018, à Dubaï, a fait une constatation
morose. Dans une déclaration faite à la presse arabophone, il
a estimé qu’il n’existe pas dans le monde arabe des écoles
de mode d’un niveau académique similaire à celles qui se
trouvent en Europe. Selon lui, le Liban
est le seul pays arabe où l’on trouve
de nombreux talents «mais au bout
du compte, c’est un petit pays». Le
designer libanais a souligné qu’«il
y a une grande différence entre les
stagiaires arabes et européens qui
effectuent des formations dans son
atelier parisien. Les projets des
premiers ont un faible niveau». Il a
DIASPORA
insisté sur le fait que «la formation 15,4 MILLIONS DE LIBANAIS DANS
pédagogique est sans importance en LE MONDE
l’absence de talent», ajoutant que «la La diaspora libanaise à travers le monde compte actuellement
mode sans talent est une perte de
15,4 millions de personnes, dépassant de loin les 4,3 millions
temps». M. Murad a estimé que «le
talent est quelque chose que la plupart de citoyens résidant dans le pays. Un citoyen sur trois a exprimé
des designers arabes ne possède pas». Alors que le Proche- le souhait d’émigrer, selon de récentes enquêtes réalisées par
Orient abrite un petit nombre d’écoles de mode comme Esmod Information International, citant une meilleure qualité de vie
Dubaï ou The College of Fashion and Design Dubaï, de nombreux dans les pays développés. En réaction à ces chiffres, le Premier
créateurs de mode régionaux sont autodidactes, notamment ministre Saad Hariri souhaite réduire l’émigration libanaise,
Murad et les favoris du tapis rouge Elie Saab et Rami al-Ali. appelant les économies arabes à intégrer et à améliorer les
Zuhair Murad a quitté le Liban jeune parce que «le pays du opportunités pour les jeunes de la région. «Je ne crois pas
cèdre était trop étroit pour (s)es rêves». Le couturier compte qu’un Arabe devrait quitter le Liban. En fait, je pense que les
parmi ses clientes Céline Dion, Priyanka Chopra et Jennifer
économies arabes devraient intégrer leurs économies, comme
Lopez. M. Murad a conclu «qu’il existe de nombreux soutiens
financiers (en faveur des créateurs de mode) en Europe, mais en Europe, où ils ont regroupé leurs ressources entre les forces
ceux-ci font défaut dans le monde arabe. Malheureusement, les armées, l’agriculture et d’autres segments économiques», a-t-il
Arabes n’ont pas l’habitude d’investir dans la mode». déclaré.

HALA WARDÉ
PARMI LES 50 FRANÇAIS LES PLUS INFLUENTS DE LA PLANÈTE
Hala Wardé, 52 ans, architecte née au
Liban de parents commerçants, vit depuis
l’âge de 28 ans en France. Elle a travaillé
depuis 1989 dans le cabinet de Jean
Nouvel avant de créer sa propre agence,
HW Architecte, en 2008. Jean Nouvel
a remporté le concours d’architecture
international lancé par l’Arabie saoudite
pour la construction d’un Resort à
Madaïn Saleh (al-Oula) et a été mis à
l’honneur avec l’inauguration du Louvre
d’Abou Dhabi, le 11 novembre dernier.
Dans le cadre de ce projet, Hala Wardé
a piloté de A à Z la construction du
chantier émirati. L’architecte d’origine
libanaise a été nommée, d’après le site
vanityfair.fr, parmi les 50 Français les
plus influents de la planète. Elle obtient
son premier gros chantier avec One New
Change, à Londres, en 2003. C’est elle
qui dirige la construction de ce complexe
important de bureaux, proche de la
cathédrale Saint-Paul. Aujourd’hui, HW
Architecture s’occupe de la construction
du futur musée d’art moderne et
contemporain de Beyrouth, BeMa. Son
agence a remporté le concours pour
l’adjudication de ce projet. Enfant,
Hala Wardé n’a pourtant jamais rêvé de
devenir architecte.

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 35

ÉCONOMIE
NEWS MENA
10
MILLIARDS
QATAR: UNE BANQUE ISLAMIQUE
SPÉCIALISÉE DANS L’ÉNERGIE
DE DOLLARS
Le Qatar, qui a quitté l’OPEP,
ambitionne de créer une nouvelle
banque islamique spécialisée dans
le financement de projets éner-
gétiques d’ici à la fin de l’année.
L’annonce en a été faite lors de la
5ème conférence sur la finance isla-
mique de Doha. La future Energy
Bank vise un capital d’environ 10
milliards de dollars, selon Moha-
med el-Marri, son directeur de la
communication. Elle deviendrait
ainsi la plus importante institution
financière islamique spécialisée
15
MILLIONS
PAS D’OPÉRA ITALIEN
POUR LE ROYAUME SAOUDIEN
D’EUROS La Scala de Milan a finalement
rompu son fructueux deal avec
l’Arabie saoudite. Le mythique
opéra italien avait conclu un par-
tenariat financier d’une durée de
cinq ans avec Riyad, portant sur
15 millions d’euros, dont 3 millions
avaient déjà été versés. En échange
36
dans l’énergie. El-Marri a précisé
qu’Energy Bank participerait aux
financements de projets énergé-
tiques nationaux et internationaux,
publics et privés. «Avec un capital
libéré de 2,5 milliards de dollars,
la création d’Energy Bank au Qatar
s’ajoute à l’incroyable croissance
prévue pour le secteur de l’énergie
du Qatar», a-t-il ajouté. Khaled al-
Suwaidi, président d’Energy Bank,
a précisé que la nouvelle structure
financière serait ouverte sous l’au-
torité du Qatar Financial Center.
de cette aide financière, le ministre
saoudien de la Culture devait inté-
grer le Conseil d’administration de
la Scala.
Mais l’accord n’aura pas fait long
feu, puisque le maire de Milan et
président de la Scala a annoncé
que l’argent déjà avancé – soit
3 millions d’euros –, serait rendu
intégralement à l’Arabie saoudite,
après un vote unanime du conseil
d’administration de l’opéra. La ré-
vélation de cet accord négocié par
le directeur de la Scala, Alexander
Pereira avait suscité une impor-
tante polémique en Italie, alors
que le royaume wahhabite est tou-
jours sous le feu des critiques pour
l’assassinat du journaliste Jamal
Khashoggi, à Istanbul.
PAR JENNY SALEH
DUBAÏ
PARADIS FISCAL
L’Union européenne a
réintégré depuis le 12 mars
Dubaï ainsi que d’autres
membres des Emirats arabes
unis dans sa liste noire
de paradis fiscaux. Seule
l’Italie n’était pas partisane
de cette réintroduction. Ils
y avaient déjà été inclus
en décembre 2017, puis
en étaient sortis après la
promesse faite à Bruxelles
de rendre leur fiscalité plus
équitable.
Selon Pierre Moscovici,
commissaire français aux
Affaires économiques et
financières de l’UE, «la
liste de l’UE des paradis
fiscaux est un véritable
succès européen. Elle a eu
un effet retentissant sur
la transparence et l’équité
fiscales dans le monde
entier».
Depuis les restrictions en
matière de liberté fiscale
dans les pays de l’OCDE et
tandis que des pays comme
la Suisse ont fermé leurs
coffres aux fonds d’origine
douteuse, Dubaï a fait office
de nouvel eldorado pour les
fonds d’origine douteuse.
De nombreuses fortunes en
provenance de Chine, de
Russie ou de pays africains
ont trouvé dans l’émirat un
espace où le secret bancaire
est une seconde nature.
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
ÉCONOMIE
R E S TA U R AT I O N
LE MARCHÉ DU CATERING EN BERNE
LES TRAITEURS MALTRAITÉS
D
Le marché du ans un pays comme le Liban qui
catering fait mêle amour de la bonne chère et
soin de l’apparence, le marché du
actuellement catering devrait exploser comme
nulle part ailleurs. En effet, les
face à une crise Libanais ne plaisantent pas avec l’hospitalité
qui révèle les et aiment montrer fièrement la surabondance
de plats sur leur table. Les traiteurs sont donc
difficultés censés travailler pour répondre à cette de-
mande. Cependant, si le marché n’est pas en
du métier. chute libre, il n’est pas aussi florissant qu’on
pourrait le croire. En effet, après la période
bouillonnante des fêtes de Noël, les compa-
gnies font face à un passage à vide qui se ré-
pète de plus en plus au fur et à mesure que les
années avancent.
Nagi Morkos, spécialiste de l’hôtellerie et
de la restauration pour Hodema Consulting,
dresse un portrait du marché. «Il existe une
38
centaine de compagnies de traiteurs au Liban.
Certaines font dans le social comme les dîners
et les mariages, d’autres dans les événements
d’entreprise et certaines sont dans le secteur
institutionnel: elles s’occupent de fournir les
écoles ou les cafétérias. Mais les catégories ne
sont plus si étanches. Cela ne suffit plus de se
spécialiser dans un seul domaine».
DIVERSIFICATION NÉCESSAIRE. La crise éco-
nomique affecte en effet le secteur comme
beaucoup d’autres domaines, sachant que
les clients habituels peuvent se tourner vers
d’autres alternatives pour faire des économies.
Le métier est d’autant plus difficile que l’acti-
vité n’est assurée que l’été lorsque les familles
organisent de grands dîners chez elles ou pen-
dant les fêtes de fin d’année où les commandes
explosent.

Fady Rizk, gérant de Edesia Catering, a com-
pris l’urgence. Il a choisi de diversifier son
activité et gère aujourd’hui, en plus du service
classique de catering, un café ainsi qu’une
cantine dédiée aux dîners professionnels. Il
explique qu’il faut se démarquer: par la régu-
larité de la qualité des produits, ainsi que des
thèmes particuliers commandés par les clients
pour leurs repas. Par exemple, ils ont orga-
nisé un dîner d’anniversaire pour un de leurs
clients au musée Mim à Sodeco, basé sur le
thème des minéraux.
La crise affecte aussi les demandes. Le secteur
bénéficie d’un revenu total de 100 millions de
dollars, mais on constate une baisse du mon-
tant de la facture finale du client. D’après les
chiffres de Hodema Consulting, le secteur
aurait enregistré une baisse du ticket moyen
de 20 à 30% en 2018 par rapport à l’année
précédente. «Les gens consomment moins et
moins luxueux: on se prive de certains plats ou
on préfère un vin moins coté… Ce qui se réper-
cute sur le chiffre d’affaires des compagnies»,
explique M. Morkos.
Pour fidéliser sa clientèle et s’assurer un re-
venu stable, les traiteurs indépendants Aoun
Frères expliquent qu’il ne doit y avoir aucune
concession sur la qualité et un compromis
sur les prix, deux éléments clés qui leur per-
mettent de vivre de leur travail et d’élargir leur
clientèle.
MARCHÉ INSTABLE. Malgré les efforts de diver-
sification, le marché reste très instable. Il y
a peu de barrières à l’entrée du marché, ce
qui renforce la concurrence. Même s’il y a de
la place pour tout nouveau venu tant qu’il a
une bonne idée, beaucoup de compagnies
naissent pour disparaître peu de temps après
car elles bradent leurs prix, ce qui tente le
client mais n’assure pas une bonne qualité
sur le long terme. Ces compagnies changent
leurs prix par à-coups et déstabilisent donc le
marché. Par ailleurs, sans moyen de survie en
période creuse, elles font automatiquement
faillite. Edesia Catering arrive à garder des
prix stables et une marge correcte via des mar-
chés passés avec les fournisseurs. Un de leurs
départements en recherche constamment de
nouveaux et leur propose, avant de comman-
der, un volume calculé sur leur consommation
habituelle, ce qui leur permet d’acheter à des
prix très compétitifs. Cette stratégie s’appelle
le volume rebate (réduction sur le volume).
Cependant, le secteur est loin d’être à l’agonie.
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
PAR MAELYS DE LA RUELLE
Il y a effectivement eu une baisse de demande
générale enregistrée en 2018, surtout de la
part des particuliers: les clients qui comman-
daient beaucoup jusqu’alors réduisent leurs
demandes et appellent moins souvent. Les prix
au supermarché baissent, ce qui incite à cui-
siner soi-même et décourage les compagnies.
LE MARCHÉ RESTE INSTABLE, AVEC DE NOU-
▼
VEAUX ACTEURS QUI DISPARAISSENT PEU APRÈS.
Le catering est loin d’être un marché saturé:
il y a de la place pour de nouveaux venus à
condition d’avoir un projet étudié et résilient
aux aléas du marché. «Les nouveaux arrivants
dans le secteur peuvent aussi bien être la mère
de famille qui vend ses kebbés pour un dîner,
un restaurant qui fait du catering à partir de
sa cuisine, ajoute M. Morkos. Les barrières
d’entrée du marché sont très basses». De plus,
même si certains grands noms du catering
peuvent faire de l’ombre par leur renommée et
leur expérience, le Liban est un petit pays qui
fonctionne au bouche-à-oreille, et le secteur en
profite, y compris les «petits» traiteurs. Enfin,
le Liban possède beaucoup de fournisseurs, ce
qui réduit les prix de vente de la marchandise.
En effet, tous les produits nécessaires sont déjà
disponibles dans le pays, ce qui évite de les im-
porter et, par conséquent, de reporter les frais
de douane sur les prix de vente. Pas d’inquié-
tude donc pour ceux qui se lancent. Mais les
PHOTOS: DR
acteurs du marché ont intérêt à se renouveler,
s’ils veulent garder leur place dans ce milieu
exigeant. ●
39
ÉCONOMIE
IL A RÉUSSI

JAMIL HADDAD

L’ENTREPRENEUR AMIRAL
Lorsqu’il quitte Adidas en 2013 pour fabriquer sa bière artisanale, Colonel, et surtout,
créer un concept autour, Jamil Haddad rêvait déjà grand. Quelques années plus tard,
l’histoire dépasse les projections de son business plan. L’entrepreneur, lauréat des
Brilliant Lebanese Awards de la BLC en 2016, est l’invité de nombreuses conférences
autour de l’entrepreneuriat. PAR NICOLE HAMOUCHE
40
I
l règne toujours une atmosphère convi-
viale à Colonel, y compris en hiver. A la
Saint-Patrick, le 17 mars, des aficionados
très nombreux se sont retrouvés sur la
pelouse, autour de la bière, du mouton
qui rôtit, de la musique irlandaise live et de
Lagger, Bira et Barley, les chiens de Jamil
Haddad, le charismatique et jeune maître des
lieux. L’histoire de Colonel et de Jamil Had-
dad émane d’un amour, celui de la mer et de
Batroun. L’homme derrière ce concept qui car-
tonne, est un surfeur émérite, un passionné et
un animal social par excellence. Au bout de
8 ans comme marketing manager chez Adi-
das, lors du rachat de Reebok en 2013, il
décide de quitter le monde corporate pour
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
lancer sa propre entreprise en adéquation
avec ses centres d’intérêt et un certain style de
vie, centré autour de Batroun, sa terre natale
et de la mer.
Le déclic quant à la fabrication d’alcool est
ancien. Il remonte à ses 16 ans lorsqu’il a eu
besoin d’acheter une nouvelle planche à voile
et qu’il n’en avait pas les moyens. Il prend alors
un job de serveur dans un bar mais s’aperçoit
qu’il ne pourra pas s’offrir sa planche avec ce
maigre revenu. Il décide alors de faire de la
liqueur et de la vendre, voyant que la coutume
d’en offrir dans les maisons demeurait, notam-
ment durant les fêtes de Noël. Il récolte ainsi
5 000$. Il cerne le potentiel de l’alcool. Appré-
ciant la bière comme la plupart des sur- ● ● ●
41
ÉCONOMIE
IL A RÉUSSI
OBJECTIF EXPORT
Jamil Haddad
tente de prolonger
la durée de
conservation de
ses bières pour les
proposer à l’export.
●●● feurs, il veut mieux l’appréhender. Jamil
Haddad demande à ses amis qui partent en
Angleterre de lui ramener des livres sur la fa-
brication de la bière. A chaque congé, chaque
vacances, alors qu’il travaille encore chez Adi-
das, il se rend en Angleterre pour suivre des
formations. C’est au retour d’un de ses séjours
qu’il décide de se lancer et de créer sa propre
bière. Aussitôt décidé, aussitôt engagé. Il ne
veut pas faire juste une bière, un produit mais
un concept, une communauté, une marque
proche de la nature, et des gens – il souhaite
que ceux-ci puissent se l’approprier. Jamil
Haddad utilise des «murs verts», du matériel
recyclé, des meubles usagés récupérés chez
Arcenciel, etc. pour le restaurant et l’usine.
Rapide, l’entrepreneur prend un crédit Kafalat
42
POINTILLEUX,
▼
IL VEUT QUE
«LES GENS AIENT
CONFIANCE
DANS LES
PRODUITS
LIBANAIS, QUE
L’ON EXPORTE,
NON PAS QUE
L’ON IMPORTE».
pour exécuter les travaux et acheter les équipe-
ments. Pour ce faire, il vend au passage sa voi-
ture, son bateau et un terrain. La construction
de l’usine et de l’espace attenant commence en
février 2014. En juin, la bière est lancée et le
restaurant reçoit des clients. Ainsi, la brasserie
avec sa grande pelouse devient également un
lieu de concerts, d’expositions, d’événements.
Les gens accourent – des diplomates, des liba-
nais, des touristes –, de Beyrouth, du nord. Le
pari est relevé: la bière et surtout, le concept,
cartonnent.
Un an plus tard, en marchant dans la mon-
tagne, toujours aux aguets, l’entrepreneur
observe la quantité de genévriers dans le pays
et se demande pourquoi personne n’a jamais
pensé à faire du gin au Liban. Il choisit d’être le
 CONCEPT
En plus de la
brasserie, Batroun
offre aussi une
petite plage
doublée d’une
école de surf.

premier, conforté par le boom du gin artisanal

qu’il constate à Londres. Il faudra trois ans et
demi pour que GATA - le gin créé par Colonel
- voie le jour. La boisson est botanique: baies
de genévrier, menthe, lavande et citron sont à
la base du mélange. Le gin capitalise sur la ri-
chesse de la biodiversité libanaise. Jamil Had-
dad fait tester les graines en Allemagne pour
s’assurer de leur qualité. Pointilleux, il veut
que «les gens aient confiance dans les produits
libanais, je veux que l’on exporte, non pas
que l’on importe. Nous sommes un peuple de
consommateurs, nous ne voulons pas prendre
le temps de la recherche, des processus longs.
Nous voulons l’argent tout de suite, c’est pour
cela que nous offrons principalement des ser-
vices, personne ne veut faire quelque chose sur
le long terme», se désole-t-il.
Pour fabriquer son gin et sa vodka, il achète DISTILLERIE
toutes les graines au Liban et distille tout lui- le cas. Tout ce qu’entreprend Jamil Haddad Bijou de design, la
même. Sa distillerie est un bijou de design et est réfléchi. «Quand les gens me disent que distillerie Colonel
de technologie, importée d’Allemagne et en c’est de la chance, je leur réponds que pas du a été importée
d’Allemagne et
partie adaptée aux besoins de Colonel. Car tout. C’est beaucoup d’énergie, de détermina-
adaptée aux
Colonel s’est aussi mis à la vodka, baptisée tion et d’efforts. Etre un entrepreneur n’est pas besoins de la
Secreterre. Les alcools durs comme ceux-ci facile. Et quand des gens viennent m’écouter production.
n’ont pas de durée de conservation en rayon dans des conférences ou des événements, je
comme la bière, et sont de ce fait plus faciles à leur dis ‘ne m’écoutez pas parler, venez voir
exporter. Jamil Haddad œuvre actuellement à sur place ce que j’ai fait’».
augmenter celle de Colonel, la bière – promue A Batroun, il a aussi «fait» Colonel Reef,
comme fraîche – afin de pouvoir également une petite plage doublée d’une école de surf
la vendre dans les supermarchés. Il est actuel- en partenariat avec la municipalité. Cela a
lement en discussion avec un distributeur qui été, depuis toujours, son «rêve d’ouvrir une
s’occuperait aussi de placer le gin et la vodka. école de surf et de faire un jour de Batroun
Entre temps, son gin GATA est déjà proposé à une destination internationale pour le surf».
The Malt Gallery, chez Aziz à Beyrouth et au En deux ans d’opération, l’école reçoit déjà
supermarché Metro à Jounié. 300 élèves. Entre temps, Jamil Haddad
On pourrait avoir l’impression que tout est pré- concocte une nouvelle aventure dont il ne dira
cipité dans cette success-story mais ce n’est pas rien pour l’instant. ●

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 43

MÉTIER
PERSONNEL SOIGNANT
INDISPENSABLES INFIRMIÈRES
Cette année l’Ordre des Infirmiers/ères au Liban a reçu pour la première fois le Interna-
tional WorkForce Forum (WFF) pour discuter de la profession dans le pays. L’occasion
de faire le point sur un métier souvent déconsidéré mais pourtant indispensable.
I
JOURNÉE
Le 12 mai, le CII ls sont la cheville ouvrière des hôpitaux,
marquera la Journée cliniques et autres établissements de santé.
internationale des
Pas seulement pour prodiguer des soins,
Infirmières autour du
thème, Nurses: a voice mais aussi pour accompagner les patients
to lead - Health for tout au long de leur convalescence, éta-
all (Infirmières, une blir des diagnostics, faire de la prévention
voix pour diriger – la etc.. Représentés au Liban par le syndicat de
Santé pour tous).
l’Ordre national des infirmiers/ères, ils doivent
s’acquitter d’une cotisation annuelle qui leur
permet de travailler légalement. En février
2019, le syndicat recensait 15 863 infirmiers.
Toutefois, ceux considérés «en activité» pour
l’année 2018 est de 11 322. Selon le Dr Myrna
Abi Abdallah Doumit, présidente de l’Ordre
des infirmiers au Liban, la profession d’infir-
mier connaît un léger recul dû à des conditions
de travail de plus en plus difficiles. «Dans cer-
tains hôpitaux, nous avons des infirmières qui
travaillent plus de 12 heures par jour ce qui
n’est pas acceptable. Dans d’autres, il y a énor-
mément de patients, parfois 10, 13 ou 15 par
infirmier. Ce ne sont pas de bonnes conditions
en matière de soins de santé car cela pourrait
44
pousser les infirmiers au surmenage et donc
leur faire commettre des erreurs dans les soins
qu’ils procurent, ce qui mettrait en danger les
patients». C’est précisément ce que l’Ordre
veut éviter en protégeant les droits des infir-
miers. «C’était l’objet des discussions que nous
avons eues lors de cette rencontre. Essayer
d’avancer pour arriver à un environnement
de travail sain et sécurisé pour les infirmiers»,
indique le Dr Abi Abdallah Doumit.
En ce sens, l’Ordre des Infirmiers au Liban
participe à la campagne Nursing now, lancée
en collaboration avec l’Organisation mondiale
de la Santé (OMS) et le Conseil international
des infirmières (CII). Prévue sur trois ans,
cette campagne a pour objectif de rehausser
le niveau des soins de santé et d’améliorer
leur accès à un niveau mondial. Nursing now
est basée sur les conclusions du rapport Triple
Impact, qui conclut que développer les soins
infirmiers dans le monde améliorerait la santé,
promouvrait l’égalité des sexes et soutiendrait
la croissance économique.
DEUX DÉFIS MAJEURS. Au Liban, les infirmiers
peuvent travailler de jour comme de nuit, mais
aussi pendant les vacances, week-ends et jours
fériés. Le tout pour un salaire qui varie entre
500 et 1 200 $ selon le lieu de travail et la
région d’après le Dr Myrna Abi Abdallah Dou-
mit. «Nous faisons face à deux défis majeurs.
D’abord, le revenu des infirmiers qui s’aper-
çoivent qu’ils ne reçoivent pas un salaire suf-
fisant. Ce n’est pas seulement une perception
mais la vérité si nous comparons à d’autres
pays et au niveau d’éducation qu’ils ont reçu
au Liban. Il en va de notre responsabilité en
tant qu’Ordre des infirmiers, de s’assurer de
la justesse des salaires, en comparaison aux
autres professions au Liban. L’autre point,
c’est l’environnement de travail. Nous deman-
dons un nombre d’heures de travail raison-

nable qui ne devrait pas dépasser 12 heures
d’affilée. Il faut que les infirmiers puissent se
reposer d’une tranche de service à une autre
et qu’ils n’aient pas d’heures supplémentaires
imposées. Enfin, nous demandons un nombre
de patients limité par infirmiers. Si le nombre
d’heures par patients est augmenté, la condi-
tion sine qua none doit être la diminution du
nombre de patients».
Le Dr Myrna Abi Abdallah Doumit tient à
souligner les difficultés auxquelles l’Ordre est
confronté au niveau des hôpitaux publics et
privés: «Au Liban, il y a deux espaces de travail
pour les infirmiers: les établissements publics
et privés. Pour les hôpitaux publics, le nombre
d’heures de travail a été réduit à 35 heures
et les salaires ont été augmentés, tandis que
dans le privé, les infirmiers travaillent toujours
40 à 42 heures par semaine. Toutefois, pour
les hôpitaux publics cela ne veut pas dire que
les nouveaux salaires et aménagements ho-
raires sont appliqués: ils sont pour la plupart
autonomes et décident d’appliquer ou pas le
décret du gouvernement. Quant aux hôpitaux
privés, leur syndicat rapporte que le gouver-
nement ne leur verse pas les cotisations de la
NSSF et qu’ils ne peuvent donc pas augmenter
les salaires. Nous n’arrêterons pas jusqu’à ce
que nous obtenions les droits des infirmiers».
PÉNURIE D’INFIRMIERS. Face à ces difficultés, de
nombreux infirmiers préfèrent quitter le Liban.
«Certains émigrent pour les raisons que je
viens d’évoquer, salaire, conditions de travail
et pour lesquelles les infirmiers n’ont pas trou-
vé de solutions au Liban. Certains partent car
ils ont de meilleures opportunités à l’étranger,
d’autres souhaitent poursuivre une formation
de qualité supérieure». Ce manque d’attracti-
vité pour la profession fait qu’elle connaît un
certain recul au Liban, certaines régions souf-
frant plus que d’autres: au Liban-sud avec seu-
lement 725 infirmières (soit 6,40%), 885 dans
le gouvernorat de Nabatieh (soit 7,82%), tan-
dis que Beyrouth compte 2971 infirmiers, soit
26,24% (chiffres de 2018 sur le site de l’Ordre
des infirmiers au Liban).
Pour le Dr Myrna Abi Abdallah, c’est un cercle
vicieux «Plus les conditions de travail sont
mauvaises et les salaires sont précaires, moins
les étudiants choisiront cette profession. Ce-
pendant, il serait dommage de n’en voir que la
part sombre. Par exemple, la profession d’infir-
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
PAR MARGUERITE SILVE
LES INFIRMIÈRES ÉMIGRENT POUR DES
▼
PROBLÈMES DE CONDITIONS DE TRAVAIL
OU DE SALAIRES INSATISFAISANTS.
mier apporte une certaine flexibilité. Si vous
n’êtes pas quelqu’un du matin, vous pouvez
choisir de travailler l’après-midi, ou si vous ne
pouvez/souhaitez pas travailler l’après-midi
vous pouvez choisir de travailler la nuit. Le
métier d’infirmier est aussi un passeport inter-
national pour les jeunes personnes qui sou-
haitent voyager! Cela donne l’opportunité de
se rendre dans beaucoup de pays différents.
C’est une profession qui apporte beaucoup».
Pour Howard Catton, Directeur de la politique
des Soins de santé au (CII) basé à Genève, le
rôle d’infirmier va bien au-delà des simples
représentations populaires. «Le rôle d’un infir-
mier est certes de prendre soin, de veiller sur
les personnes quand elles sont malades, mais
aussi de les informer sur leur état de santé, les
éduquer et les conseiller afin qu’ils soient en
bonne santé et qu’ils le restent. Les infirmiers
sont présents tout au long de notre vie, de la
naissance jusqu’à la mort. Majoritairement les
gens imaginent que les infirmiers ne travaillent
que dans des hôpitaux, mais vous trouvez
aussi des infirmiers dans des entreprises, des
usines, dans l’armée, sur des bateaux de croi-
sière … De plus en plus, les infirmières sont les
premiers points de contact en matière de soins
de santé. Quand vous allez dans des pays où
PHOTOS: DR
l’accès aux soins est difficile, la première per-
sonne qui vient à vous est une infirmière». ●
45
 ÉCONOMIE
S TA R T- U P
CHALLENGE STARTUPPER DE L’ANNÉE PAR TOTAL
«SOUTENIR LE DÉVELOPPEMENT
SOCIOÉCONOMIQUE»
En marge de la remise des prix décernés aux lauréats du Challenge Startupper de
l’année par Total, Daniel Alvarez, Directeur général de Total Liban, a répondu aux
questions de Magazine. PAR JOËLLE SEIF
Dans quel cadre s’inscrit l’initiative du Chal-
lenge Startupper de l’année par Total?
Total est une entreprise pétrolière qui exerce
la politique de responsabilité sociétale ou
corporate social responsibility dans un souci
d’avoir un impact positif sur l’ensemble de
l’environnement du marché. C’est en Afrique
que fut lancée la première édition du Chal-
lenge Startupper de l’Année par Total en
2015. Devant le succès de cette initiative,
le groupe Total a décidé de l’étendre à une
soixantaine de pays en 2018. Ce n’est pas une
démarche économique et Total n’agit pas dans
le but d’investir dans des start-up pour réali-
INNOVATION ser des profits. Cette initiative s’inscrit dans
Total soutient les le cadre de la volonté de Total de soutenir
entrepreneurs les le développement socioéconomique des pays
plus innovants dans dans lesquels le groupe est implanté à travers
la réalisation de leurs le monde. Il contribue localement au renforce-
projets.
ment du tissu social, à travers l’appui apporté
aux entrepreneurs les plus innovants, dans la
réalisation de leur projet.
Quels sont les critères de sélection des can-
didats?
Au départ quelque 300 dossiers ont été sou-
mis, dont plus de 90 ont été retenus. La pre-
mière sélection a été faite sur base des ques-
tions fermées du questionnaire en ligne. Dans
une deuxième phase, l’agence Sparknews a
revu les dossiers et a sélectionné 15 finalistes
qui ont présenté leurs projets. Trois aspects
importants ont été retenus pour la sélection.
D’abord, le caractère innovateur de la start-
up au niveau de l’idée, de la technique et du
concept. Ensuite l’impact social ou l’utilité
pour la société et finalement, la faisabilité et
l’applicabilité de l’idée.
Quels seront les prix décernés?
Le premier prix est d’un montant de 12 500 eu-
46
ros, le second de 7 500 euros et le troisième
de 5 000 euros. En outre, les trois lauréats
bénéficieront d’un coaching ainsi que d’une
campagne de communication pour donner de
la visibilité à leur projet. En outre, l’affichage
dans les stations-service Total portera sur les
gagnants. Le label «coup de cœur féminin»
est décerné pour primer le meilleur projet
féminin. Généralement, le monde des start-
up est un univers masculin et c’est la raison
pour laquelle nous avons voulu encourager les
initiatives féminines. Toutes les gagnantes du
label «coup de cœur féminin» seront invitées
à Paris pour suivre une semaine de formation.
Les projets présentés concernent plusieurs
domaines: la santé, le traitement des déchets,
l’environnement, les transports, le développe-
ment de la jeunesse, etc.… La composition du
jury est très diversifiée, chacun venant d’un
monde différent. ●
LES LAURÉATS POUR CETTE ANNÉE
1. Ghassan Zughaib, catégorie transport, Yal-
laBus, est une application Smartphone visant
à améliorer l’expérience du transport public
notamment pour les bus à l’aide du GPS.
2. Georges Bitar, catégorie environnement, Live
Love Recycle, est un nouveau projet social et
environnemental qui permet aux consomma-
teurs de Beyrouth de recycler gratuitement
pour lutter contre la crise des déchets.
3. Charbel Trad, catégorie social, Bridge. Out-
source. Transform, B.O.T établit un lien entre
les jeunes qualifiés des communautés margi-
nalisées et les organisations ayant besoin de
services numériques de qualité.
Le label «Coup de cœur» a été attribué à
Marielle Khayat, catégorie culture, pour Koul-
louna, qui livre une box mensuelle de produits
libanais dans le monde entier,
WOMEN IN LIGHTING
LES FEMMES MISES EN LUMIÈRE
A l’occasion de la Journée des droits des femmes, Sharon Stammers et Martin Lup-
ton ont lancé l’initiative Women in lighting, un site web qui promeut la représen-
tation féminine dans ce secteur. Cherine Saroufim, architecte d’intérieur chez MFA
Lighting Design à Beyrouth, est l’ambassadrice du projet au Liban. PAR MARGUERITE SILVE
B
ien qu’elles représentent plus de 50%
des professionnels du secteur de la
conception d’éclairage dans le monde,
les femmes n’y sont pas représentées
à leur juste valeur. «Il suffit de regarder le
nombre de femmes s’exprimant lors de grandes
conférences, juges lors de récompenses, pour
se rendre compte que leur représentativité
est nettement inférieure à celle des hommes.
Nous voulons changer cela», témoigne Mar-
tin Lupton, fondateur du projet avec Sharon
Stammers, tous deux architectes d’intérieurs et
concepteurs d’éclairage suédois.
Pour Cherine Saroufim, diplômée de l’Alba et
de la très prestigieuse Parsons Art and Design
School à New-York et revenue au Liban depuis
11 ans, il ne faudrait pas y voir un nouveau
mouvement féministe. La jeune femme ne se
décrit d’ailleurs pas comme telle. «Je ne suis
pas féministe. Je n’ai jamais eu à m’imposer et
sur les chantiers, je me sens à ma place. Même
si c’est un métier difficile pour les femmes.
Women in Lighting, ce n’est pas une question
d’égalité homme-femme, nous ne sommes
pas là pour dire que nous sommes meilleures
qu’eux. Mais dans notre domaine en tant
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
qu’éclairagiste, alors que nous sommes plus
nombreuses que les hommes, nous sommes
sous-représentées. Lors des conférences, 90%
des intervenants sont des hommes. Même au
Liban, nous sommes une majorité. Sharon
Stammers et Martin Lupton ont voulu créer un
mouvement pour essayer de retrouver toutes
ces femmes à travers le monde. Des femmes
qui sont prêtes à faire bouger la communauté
et à réaliser qu’elles constituent une grande
masse».
Très présente au niveau international et ac-
tive dans des associations américaines, ensei-
gnante à l’Alba et à la LAU, le profil de Cherine
Saroufim séduit rapidement les fondateurs du
INTERNATIONAL
projet qui voient en elle une potentielle am- L’initiative réunit une ving-
bassadrice. «Un étudiant libanais dans le sec- taine d’ambassadrices dans le
teur est rentré de ses études en Allemagne et monde. Plus d’infos:
connaissait les fondateurs. Il leur a parlé de https://womeninlighting.com
moi et Women in Lighting m’a contacté. C’était
du bouche-à-oreille, je pense que cela a été le
cas pour les autres ambassadrices du projet
dans le reste du monde». Une aubaine pour le
secteur de l’éclairage au Liban où la profession
n’est pas toujours bien représentée, parfois
rejetée, voire méconnue du grand public. Pour
Cherine Saroufim, être ambassadrice est une
mission pour les générations futures: «Qu’elles
sachent qu’elles peuvent arriver à faire ce
qu’elles veulent comme moi j’ai réussi à le
faire. J’ai été très bien secondée, que ce soit
au niveau de la famille mais aussi grâce à mon
appartenance à cette université de Parsons.
J’ai aussi travaillé avec le cabinet Tillotson
Design Associates qui fait partie de l’associa-
tion de femmes Working women dont le but
était d’atteindre 70% de femmes en poste afin
de promouvoir leur présence dans la profes-
sion. Cela m’a énormément encouragée. Je
suis là pour promouvoir mon domaine qui
est l’éclairage, mais aussi pour encourager
les jeunes». ●
47
ÉCONOMIE
S TA R T- U P

PLATEFORME HIWAYATI

SIMPLIFIER LA RÉSERVATION
D’ACTIVITÉS POUR ENFANTS
Imaginée par Solène Esber-Atwi et Louis Munoz-Zagury, la plateforme Hiwayati
met en relation les familles à la recherche d’activités pour leurs enfants et les
professionnels des métiers de l’art, de la culture et du sport au Liban.

L’
LANCEMENT idée est née il y a 5 ans lorsque So-
La plateforme devrait lène, en vacances dans sa famille au
être lancée dans Liban, prend conscience de la diffi-
les semaines qui culté qu’ont les parents à occuper
viennent.
leurs enfants après l’école. Dans un
pays où les espaces publics et verts sont rares
et avec des journées d’école finissant tôt, un
membre de la famille, souvent la mère, se voit
contraint d’écourter ses journées de travail.
Conséquence de cela, les enfants ont tendance
à passer leurs après-midis devant des écrans.
Avec comme élément de comparaison, le dis-
positif français d’Aménagement des rythmes
de vie des enfants et des jeunes (ARVEJ), dont
Solène a bénéficié plus jeune, elle réalise que
cette situation est néfaste pour le développe-
ment personnel des plus jeunes. Or, au pays
du cèdre, nombreux sont les professionnels of-
frant des activités variées et de qualité. Ils ren-
contrent néanmoins des difficultés à se faire
connaître. C’est ainsi qu’Hiwayati se veut être
la réponse à une double demande: apporter
un épanouissement aux enfants en occupant
leur temps libre – et libérer conjointement ce-
lui des parents – ainsi qu’offrir une visibilité et
un service de gestion aux professionnels.
DE MYAFTERSCOOL À HIWAYATI. La rencontre

48
 PAR NOÉMIE DE BELLAIGUE

entre la jeune femme et Louis s’est faite à

l’école de commerce Audencia, à Nantes, dans
le cadre de leur Master en Entrepreneuriat.
C’est lors de cette formation que le projet,
baptisé dans un premier temps MyAftersCool
a mûri, avec l’objectif initial d’occuper les es-
paces vacants des établissements scolaires en
organisant des activités à des tarifs abordables.
En mai 2017, Solène et Louis s’installent à
Beyrouth et entament un tour des écoles liba-
naises. Ils se voient rapidement confrontés à la
difficulté de s’adapter aux modes de fonction-
nement propre à chaque établissement. Pour y
remédier, ils décident de réorienter le projet en
lui apportant une dimension digitale. C’est au
sein de Berytech – un incubateur libanais qui
accompagne l’entreprise depuis octobre 2017
– que les fondateurs vont imaginer une plate-
forme web permettant aux parents de trouver
et de réserver des activités pour leurs enfants.
En février 2018, ils mettent en ligne une ver-
sion prototype du site et la soumettent à des
parents et des professionnels libanais. Leurs
retours ont permis de concevoir une nouvelle
plateforme pensée pour répondre aux attentes
des familles et des professionnels. En début DUO
d’année, ils ont rebaptisé l’entreprise Hiwayati Ces services s’adressent autant aux profession- Solène Esber-Atwi et
car ils souhaitent étendre l’offre d’activités à nels établis qu’aux personnes souhaitant pro- Louis Munoz-Zagury,
les deux fondateurs
tous les âges d’ici 2022. poser des activités à domicile. de Hiyawati.
Les fondateurs souhaitent qu’il y ait des activi-
PARENTS ET PROFESSIONNELS. Les familles ont tés variées et à tous les prix mais restent atta-
accès à un annuaire en ligne comprenant un chés à la qualité de l’offre. L’équipe d’Hiwayati
large spectre d’activités, du théâtre au judo rencontre tous les professionnels ou étudiants
en passant par le hip-hop. Depuis un moteur avant de valider la création de leur compte sur
de recherche, le parent indique la localisation la plateforme. Mettant un point d’honneur à
(par exemple: Badaro) et la thématique sou- la pertinence des thématiques proposées, ils
haitée (par exemple: violon). Il accède alors privilégient les activités autour du développe-
aux activités proposées au sein de structures, à ment durable et du patrimoine libanais.
domicile et aux camps de vacances.
Un système de réservation intuitif permet à LES CITOYENS DE DEMAIN. Avec la conviction que
l’utilisateur de réserver l’activité de son choix. c’est par l’éducation, la culture et la sensibili-
Le paiement ne s’effectue pas en ligne mais sation à la protection de l’environnement que
directement auprès du professionnel. Une fois l’avenir du Liban se façonne, cette plateforme
la réservation validée, le parent accède à des veut favoriser l’épanouissement et l’ouverture
fonctionnalités de gestion du temps extra-sco- culturelle de la jeunesse et offrir de la visibi-
laire de l’enfant. lité aux professionnels des secteurs artistiques,
Les professionnels, eux, disposent d’une inter- culturels et sportifs afin d’encourager leur dé-
face dédiée au référencement de leurs acti- veloppement.
vités et à la gestion de leurs réservations. Ils Le lancement de la plateforme est normale-
pourront également bénéficier d’une offre de ment prévu dans quelques semaines. Parallèle-
PHOTOS: DR

services incluant du conseil, de l’aide pour ment, l’équipe d’Hiwayati s’est lancée dans la
améliorer leur communication et un accom- préparation d’une campagne de crowdfunding
pagnement dans l’organisation d’événements. qui devrait débuter durant l’été. ●

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 49

ÉCONOMIE
COMBIEN ÇA COÛTE
LES VENTES AUX ENCHÈRES
? N
ous y assistons souvent, nous
y sommes parfois invités, mais
nous ignorons tout de ce qui se
passe dans les coulisses des ventes
aux enchères. Un processus long
sur lequel nous renseigne Johnny Sarkis,
expert en œuvres d’art, meubles et tapis
et membre de l’Alliance européenne des
experts et de l’Association des Antiquaires et
collectionneurs du Liban.
Comment est organisée une vente aux en-
chères? Où et comment les biens sont-ils
récupérés? Comment sont-ils évalués?
Le processus d’une vente aux enchères est
long. En général, le client qui désire déposer
un ou plusieurs lots à la vente nous contacte
afin de le lui estimer. Sinon, c’est à la suite
d’une expertise ou d’une succession que le
lot est inclus dans une vente. Cela peut donc
provenir aussi bien d’un collectionneur, d’un
amateur, d’une succession de personnes
décédées que d’un artiste, d’un antiquaire ou
d’un marchand.
Dans un premier temps, il faut examiner le lot,
l’estimer puis fixer un prix de réserve, qui est
le prix auquel le lot sera proposé aux enchères.
Si le client vendeur est d’accord, le lot est
photographié, mesuré et décrit. Un contrat de
dépôt de vente pour enchères est alors conclu
entre les deux parties (le client et la maison
d’enchères). C’est à partir de ce moment que
le lot est inclus dans la prochaine vente. Il faut
généralement compter entre deux semaines à
deux mois, depuis le jour de la réception du lot
jusqu’à sa mise en vente aux enchères. Si les
lots ne sont pas déposés à l’étude, la maison
d’enchères se charge du transport à partir
du domicile du vendeur. Dans le cadre d’une
vente générale de lots divers, c’est une fois que
l’on a atteint 300 lots que l’on peut organiser
la vente. Par contre, lorsqu’il s’agit d’une vente
d’art contemporain et particulièrement de
tableaux, c’est à partir de 80 lots que la vente
peut être lancée. Cela nécessite une mise en
50
scène et un espace d’exposition différents.
Concernant les critères d’évaluation, ceux-ci
sont établis en fonction:
● De la valeur des lots sur le marché aussi bien
local qu’international.
● Soit des prix atteints aux enchères dans
les ventes précédentes soit du résultat des
ventes à Paris, à Drouot ou en province,
chez Christie’s, Sotheby’s et Bonham’s en
Angleterre, dans le reste de l’Europe et aux
Etats-Unis. Ceci nécessite, dans certains cas,
de longues recherches.
Combien coûte l’organisation d’une vente
aux enchères?
Les coûts d’une vente varient en fonction de la
durée et du lieu. C’est toute une infrastructure
qui comprend aussi bien les employés que
le manutentionnaire ainsi que l’installation
en vitrines, l’éclairage, l’accrochage et la
présentation des lots. Il faut également prévoir
le podium, les chaises, les micros et les écrans
le jour des ventes. Il faut tenir compte de la
publicité par voie de presse, par messages et
quelquefois par radio, par affichage ou encore
par envoi de cartons d’invitation. Le catalogue
et le site Internet sont de même pris en
considération. Il faudra compter au minimum
15 000 à 30 000 dollars pour une petite vente.
Sur plusieurs jours, le montant peut atteindre
le double.
Comment le public est-il informé? Comment
participer aux enchères?
Le public est informé par les moyens
précédemment cités. Toute personne majeure
et saine d’esprit peut participer aux enchères
sans aucune condition. Elle peut soit assister à
la vente, soit laisser un ordre d’achat écrit ou
par téléphone à condition que la personne soit
connue de la maison d’enchères.
Comment est fixée la mise à prix?
La mise à prix est fixée conformément au
contrat signé entre le vendeur et la maison
 PAR NATASHA METNI TORBEY

d’enchères. Généralement, le premier

prix affiché dans le catalogue est celui de
l’ouverture de l’enchère et le second en est une
estimation. Dans d’autres maisons d’enchères,
le prix d’ouverture est en-dessous du premier
prix affiché. Toutefois, c’est dans un souci de
transparence que nous préférons que le premier
prix soit celui de l’ouverture de l’enchère, par
lequel nous sommes contractuellement liés.
La seule exception concerne les lots en valeur
libre sans prix de réserve ou si le client décide
de lui-même de baisser son prix avant la vente.

Comment est fixé le prix minimal par lequel

commence la vente aux enchères d’un bien?
Comment ce montant augmente d’un enché-
risseur à l’autre?
Le montant entre enchérisseurs augmente
en général en fonction du montant initial.
Si l’on commence, par exemple, à 100 $,
LE PROCESSUS D’UNE VENTE AUX ENCHÈRES
▼

l’augmentation se fera ainsi: 120, 150,180,

200. Si l’on débute à 1 000 $, nous passons à
1 200 et ainsi de suite. Par contre, lorsque le prix
minimal est de 10 000 $, l’augmentation se fait
de 1 000 en 1 000. A noter que l’enchérisseur
peut parfois proposer une somme différente,
même pour les petits montants.
Devient-on directement adjudicataire ou y a-
t-il un délai réservé aux surenchères après la
vente aux enchères? Si oui, comment suren-
chérir?
Une fois que l’enchère a été faite, l’adjudicataire
devient sur le champ le nouveau propriétaire
du lot à condition qu’il règle le montant des
enchères et les commissions et taxes dues.
Personne ne peut surenchérir une fois que
le marteau s’est abattu sur la table et que
l’enchère a été déclarée.
Comment payer le prix d’adjudication?
Au moment où le lot lui est échu, l’adjudicataire
reçoit un bordereau qu’il signe tout de suite, par
lequel il reconnaît qu’il doit payer le montant
du lot. Une fois la vente terminée, il se dirige
chez le comptable pour lui régler le montant.
EST LONG, ENTRE L’ESTIMATION, L’EXPERTISE,
LA MISE EN VENTE.
ou par carte bancaire et ce n’est qu’après avoir
reçu le bordereau que vous pouvez prendre
livraison du lot. Certaines études au Liban font
de même.
Comment s’effectue le transfert du titre de
propriété?
Une fois le montant réglé, l’adjudicataire est
le propriétaire du lot et, dans les bordereaux,
cette transaction, bien que publique, reste
sous le sceau de la discrétion. Sauf avis de
l’adjudicataire, nul ne peut savoir qui a acheté
le lot et qui l’a vendu, sauf si la vente se déroule,
par exemple, à la suite d’une succession dans
la maison du vendeur.
Quels sont les frais annexes pour un adjudi-
cataire?
Les frais annexes sont les droits de criée
de 12,5% en sus des enchères, puisqu’ils
comprennent la commission de la maison
PHOTOS: DR

Muni d’un reçu, il pourra alors récupérer son et les 2,5% qui sont dus à la municipalité
lot. En France, vous devez immédiatement de Beyrouth, dont un des représentants assiste
régler le montant dû en espèces, par chèque à la vente. ●

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 51

REPORTAGE

52
 PAR MARGUERITE SILVE

COOPÉRATION FRANCO-LIBANAISE

L’UNITÉ CYNOPHILE
DE L’ARMÉE À
L’ENTRAÎNEMENT
Dans le cadre de leur lutte contre le terrorisme, les Forces armées libanaises (FAL)
coopèrent régulièrement avec plusieurs pays dont la France, principal partenaire
politique et militaire européen du Liban. Récemment, cette coopération de défense
franco-libanaise s’est traduite par la création d’une unité cynophile d’Aide à la
recherche et détections d’explosifs (ARDE) au sein du Régiment du génie de l’armée
libanaise. Reportage.

S
ur les hauteurs de Baabda, la
route est sinueuse jusqu’au point
de chute. A vingt minutes du
centre de Beyrouth, nous voici
devant l’entrée du Régiment du
génie, non loin du ministère de
la Défense. C’est ici que se trouvent les unités
cynophiles de l’armée libanaise et les militaires
Français qui les appuient. Accompagnés d’offi-
ciers et maîtres-chiens, Magazine a pu suivre
durant cette journée les entraînements quoti-
diens des canidés et assister à des exercices de
mise en situation.
34 CHIENS. C’est à la fin de l’année 2018 que la
coopération franco-libanaise dans le domaine
de la capacité cynophile ARDE a pris forme.
Elle se base sur les retours d’expérience de plu-
sieurs armées engagées contre le terrorisme
ayant identifié la capacité cynophile comme
l’une des plus appropriées pour y faire face. Les
FAL, qui disposent déjà au sein du Régiment
du génie d’une section cynophile de détection
de mines, prévoient alors d’en développer les
capacités. D’autres unités cynophiles existent
au sein des FAL, notamment chez les Mouka-
faha et la Garde présidentielle. D’une manière
plus générale, face à la menace sécuritaire au
21 CHIENS
▼
Liban, le besoin de développer une capacité
«de détection d’engins explosifs improvisés ET LEURS
par des moyens cynophiles» était essentiel aux
FAL dans le cadre de la bonne exécution de
MAÎTRES ONT
leurs missions. ÉTÉ FORMÉS À
Pour un officier français en charge de cette LA DÉTECTION
coopération présent ce jour-là, l’objectif n’est
pas de rester de manière durable mais plutôt DE 24 TYPES
de transférer l’intégralité des moyens, expé- D’EXPLOSIFS
rience et expertise requis par cette nouvelle
capacité opérationnelle aux FAL et leur don- DIFFÉRENTS.
ner les moyens de la préserver et de la déve-
lopper de façon autonome. Leurs missions
sont diverses: recherche et détection d’engins
explosifs dans des opérations de lutte anti-ter-
roriste, maintien de la sécurité intérieure (at-
taques à la bombe contre des postes militaires,
institutions étatiques, agglomérations, bâti-
ments civils ou religieux) ou attaques suicides
contre les FAL durant l’exécution de leurs mis-
sions. La recherche et fouille d’espaces souter-
rains, de caches et de tunnels en coordination
avec des équipes de fouille opérationnelle et
de déminage (les experts militaires EOD) en
fait aussi partie.
Tout au long de l’année 2018, la coopé- ● ● ●

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 53

REPORTAGE
● ● ● opérationnelle s’est faite étape par étape,
DÉVELOPPER
▼
à commencer par la livraison ces derniers mois
UNE CAPACITÉ de 34 chiens ARDE dont 21 au profit du Ré-
DE DÉTECTION giment du génie et pour lequel l’objectif, en
termes de besoins cynophiles, est désormais
D’ENGINS atteinte. Ces 21 chiens et leurs maîtres (le tra-
EXPLOSIFS PAR vail s’effectue toujours en binôme fixe chien/
maître-chien) ont été ensuite formés par les
DES MOYENS détachements d’instruction opérationnels
CYNOPHILES: français à la détection de 24 types d’explo-
UN BESOIN sifs différents (C4, Semtex, armes à poudre
noire …) leur donnant à l’avenir la capacité
ESSENTIEL de former de façon autonome leurs chiens et
POUR LES maîtres-chiens.
Enfin, les instructeurs français ont apporté un
FORCES ARMÉES. appui à la conception et à la réalisation auto-
nome d’un chenil et de zones d’entraînement
des chiens, ainsi qu’à la professionnalisation:
vie courante, entraînement des chiens, suivi
médical et maintien en condition physique.
ENTRAÎNEMENT. Dans la caserne abritant le
Régiment du génie, le périmètre est si vaste et
vallonné qu’il nécessite des déplacements en
voiture. Quelques minutes derrière le véhicule
des officiers sont nécessaires jusqu’à un vaste
terrain en friche faisant office de lieu d’entraî-
nement pour les chiens. Chaque jour, afin de
préserver leur forme, les chiens pratiquent des
exercices physiques en tous genres accompa-
gnés par les maîtres-chiens. Courir, sauter,
ramper, gravir un mur en béton, tout est prévu
pour entretenir les performances du chien et
tout simplement lui «dégourdir les pattes», se-
lon un militaire qui assiste à l’exercice. Suivant
54
la voix de l’instructeur, les chiens obéissent et
se déplacent hâtivement sur ce parcours acci-
denté et jalonné d’obstacles.
Un peu plus loin se trouvent les chenils. C’est
ici que sont gardées les recrues à poils en-
voyées par la France, installées dans des pré-
fabriqués abritant des niches de 7 à 9 mètres
carrés, «selon les normes européennes», in-
dique le Colonel D. Les chiens, des Bergers
allemands, Bergers malinois ou Bergers belges
aboient et s’agitent dans leurs cages pour in-
diquer leur présence. Ces trois races, grâce à
leurs qualités olfactives uniques et leur solide
condition physique sont les seules préférées
pour la détection d’explosifs. D’autres critères
sont également pris en compte lors de la sélec-
tion des chiens qui proviennent d’élevages à
travers toute l’Europe: l’instinct de chasse et
la recherche de proies, ne pas avoir peur des
sons ambiants et être capables d’effectuer des
exercices où ils doivent mordre, ces derniers
constituant un facteur important. La durée
de vie professionnelle de ces chiens est de 7 à
8 ans, dont une année (la dernière) où ils sont
sollicités pour des tâches qui ne requièrent pas
de gros efforts. Ils peuvent ensuite partir à la
retraite avec leur maître.
L’entraînement cynophile ARDE débute donc
dans une pièce aménagée à l’image d’une
salle de classe. Circulant autour des tables
d’étudiants, le chien tenu en laisse courte est
guidé par la voix et les gestes méticuleux d’un
maître-chien et s’empresse de flairer chaque
recoin à la recherche d’explosifs placés au
préalable par les instructeurs. Le dressage des
 DÉTECTION D’EXPLOSIFS
Dans une salle de classe, le chien tenu en laisse par son maître,
s’empresse de flairer coins et recoins à la recherche d’explosifs.
chiens s’effectue en français et les mots sont
simples: «cherche», «avance», «bravo». Lors
de ces simulations, il existe deux types de
recherche: «Il y a la recherche systématique,
qui consiste à guider le chien avec des gestes
accompagnés du son de la voix. Ensuite il y a
l’initiative, qui consiste à laisser libre cours à
la curiosité du chien qui part en éclaireur», ex-
plique un officier libanais. C’est précisément le
but de l’exercice suivant. Au beau milieu d’une
vaste cour bétonnée bordée de tribunes vides,
place à la «recherche avancée d’un véhicule en
doute». Sur deux voitures et un pick-up immo-
bilisés côte à côte, le chien est lâché en liberté
et se met en quête d’explosifs supposés plan-
qués dans un des véhicules. Au son de la voix
du maître-chien situé à une cinquantaine de
mètres de lui, le Berger renifle activement les
poignées, les roues, les portières et s’agite sou-
dainement lorsqu’il semble flairer une piste au
niveau du coffre. «Une fois que le chien a trou-
vé quelque chose, il s’assoit ou se couche, c’est
le signalement qu’il a trouvé quelque chose et
qu’il faut intervenir. Après, son maître-chien
lui donne une petite balle en guise de récom-
pense», explique un colonel libanais. Une fois
l’explosif détecté, les experts EOD protégés
par leurs combinaisons interviennent pour
sécuriser la zone. Plusieurs modus operandi
possibles: soit la zone est inspectée par les
experts militaires EOD pour s’assurer qu’il n’y
a pas de pièges puis les chiens y sont envoyés,
soit l’équipe maître-chien/chien intervient di-
rectement. Dans les deux cas, un expert EOD
intervient pour neutraliser la charge. Ces der-
niers mois, les équipes cynophiles ARDE ont
travaillé en binôme avec les EOD génie lors
de toutes les grandes manifestations au Liban.
Fête de l’armée le 1er août dernier, célébration
de Achoura dans le sud en préalable aux mani-
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
festations religieuses en ville, ou encore plus
récemment, le Sommet économique arabe de
Beyrouth. Une récurrence et une multiplicité
des missions qui témoignent du vif intérêt des
FAL pour cette capacité cynophile et de la
plus-value qu’elle apporte.
PERSPECTIVES. Pour cette année et à l’issue
de la mise en place de la capacité cynophile,
les deux parties libanaise et française se
concentrent désormais sur son développement.
Objectif: le transfert de capacité autonome et
durable aux FAL. Afin d’atteindre cet objectif,
plusieurs actions seront entreprises parmi les-
quelles la formation de 2 nouveaux instruc-
teurs par le Régiment du génie, la cession de
2 véhicules de transports de chiens par la
France pour développer la capacité de projec-
tion des équipes cynophiles sur tout le terri-
toire libanais ou encore la cession de 2 nou-
veaux chiens par Paris au profit de la Garde
présidentielle. Depuis mars, et pour une durée
de 3 mois, le Régiment du génie réalise égale-
ment seul le premier stage de formation des
nouveaux maîtres-chiens ARDE. L’année 2020
sera quant à elle consacrée à finaliser la mise
en place de moyens pour garantir la durabi-
lité du transfert de capacité et d’autonomie
des FAL. La création d’un centre de formation
est prévue, incluant des salles d’entraînement,
des chenils (pour 20 chiens), des dépôts pour
les matériels d’entraînement et les explosifs,
des logements pour les équipes et les entraî-
neurs, des champs d’entraînement de 5 000 m2
et un centre vétérinaire (aujourd’hui il existe
uniquement une clinique vétérinaire en de-
hors de la caserne). D’autres chiens devraient
PHOTOS: R.H.
être envoyés par la France à partir de 2021,
en remplacement des autres arrivés à l’âge de
la retraite. ●
55
MÉDIA

MARIAM EL-BASSAM

CRÉATRICE
DE L’ÉDITORIAL
TÉLÉVISÉ
Ses éditoriaux incendiaires
et ses petites phrases
lapidaires ont fait d’elle une
journaliste redoutable et
redoutée. Mariam el-Bassam
est la directrice de l’informa-
tion et responsable des
programmes politiques de
la chaîne al-Jadeed. Son
parcours est atypique.
56

D
e ses débuts à Sawt el-Chaab, en
passant par ses années à Reuters,
jusqu’à son poste actuel dans al-
Jadeed, Mariam el-Bassam est restée
la même. «Après 25 ans de carrière,
je n’ai pas changé. Je suis toujours la même
personne qui, à cause de sa franchise, a sou-
vent des problèmes. Il m’arrive de blesser les
gens sans en avoir l’intention. Je suis dure, tê-
tue, directe et je n’ai pas d’amis. Dès que j’ai un
problème, les gens disparaissent brusquement.
Ma personnalité et mes idées se développent
au cours des années, mais je refuse que cette
évolution transforme mes principes et mes
convictions qui sont inchangés dans toutes
les étapes de mon parcours. Pour moi, la fa-
mille reste l’école la plus importante de la vie.
C’est de ma mère que j’ai appris à distinguer le
bien du mal et je reste toujours attachée à mes
convictions, quels que soient les enjeux».
C’est par ces mots que débute notre entrevue
avec Mariam el-Bassam. Cette femme appar-
tient à la génération de la guerre. «Je fais par-
tie de ceux qui ont gravement souffert de la
guerre. Ma famille a été détruite par celle-ci.
Mon père a été kidnappé alors que j’avais à
peine neuf ans». Rien ne la prédisposait à de-
venir journaliste, elle qui déteste la politique
qui l’a privée de son père et de nombreux êtres
chers. «Je n’écoutais jamais les nouvelles. Je
me suis toujours réfugiée, dès mon plus jeune
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
PAR JOËLLE SEIF
EXPÉRIENCE
Ses 7 ans passés
à l’agence Reuters
lui enseignent la
rigueur, la précision
et le recoupement
de l’information.
âge, dans la musique et l’art. J’écoutais la voix
DANS LE J.T.,
▼
de Feyrouz pour oublier le fracas des obus et
le bruit des bombes». Réfugiée dans une petite EL-BASSAM
bicoque du côté de Jnah-Saint Simon après
le kidnapping de son père, elle apprend un
INNOVE: ELLE
jour que l’antenne qui se dressait devant leur ÉCRIT SIMPLE,
modeste habitation est en réalité une station INTRODUIT LES
de radio qui relevait de l’ancien député Zaher
el-Khatib et où travaillait Nasser Kandil et des CITATIONS, ELLE
membres de sa famille. Mariam el-Bassam a A L’IMPRESSION
16 ans et c’est sur l’incitation de son ami le
poète et journaliste Zahi Wehbé qu’elle pré- DE COMPOSER
sente une demande d’emploi dans le départe- UNE PARTITION
ment de l’ingénierie du son.
MUSICALE.
LES BEAUX-ARTS. Son bac en poche, c’est vers
la Faculté des Beaux-arts qu’elle se tourne. «Je
n’ai pas fait d’études de journalisme. Je me suis
imprégnée de l’ambiance artistique et cultu-
relle de l’université. Il y avait des metteurs
en scène, des acteurs, tout un monde qui me
fascinait». La radio Sawt el-Chaab (La Voix du
peuple, du Parti communiste libanais) faisait
ses premiers pas. «C’était la seule chaîne qui
concurrençait la Voix du Liban. Zahi Wehbé
m’a encouragée de nouveau, nous étions plus
de 150 personnes à présenter des demandes
d’emploi.» Alors qu’elle avait postulé pour tous
les types d’emploi, à l’exception des bulletins
d’information politique, quelle ne fut sa sur-
prise de se voir recrutée dans la section ● ● ●
57
MÉDIA
«IL Y A DES
▼
PERSONNALITÉS
QU’ON NE PEUT
PAS NE PAS
AIMER.
JE RESPECTE
L’INTELLIGENCE
DE L’AUTRE.
ELLE ME
STIMULE».
●●● de l’information. Sans aucune notion
politique, Mariam el-Bassam se retrouve donc
à la rédaction. «C’était un défi que j’ai déci-
dé de relever. Je n’avais pas un sou et j’avais
besoin de travailler pour aider ma famille. Je
me suis mise à lire assidûment les journaux et
à écouter les nouvelles. J’ai engagé deux pro-
fesseurs pour m’apprendre à écrire correcte-
ment l’arabe. Jusqu’à aujourd’hui, j’apprends
quelque chose de nouveau au quotidien».
Dans la newsroom, Mariam el-Bassam cherche
à innover. «Je voulais rédiger les nouvelles de
manière différente, simple, utiliser un langage
facile, introduire des citations. Il ne faut pas
compliquer les choses. La radio est différente
de la presse écrite. Lorsque j’écris, j’ai l’impres-
sion de composer une partition musicale».
Son sens développé des responsabilités attire
rapidement l’attention de ses chefs. «On a vu en
moi quelqu’un sur qui on pouvait compter. J’ai
réussi à amorcer un changement en douceur,
sans le proclamer, en présentant l’information
d’une manière plus légère tout en introduisant
des éléments intéressants pour l’auditeur». A
Sawt el-Chaab, Mariam el-Bassam côtoie Nada
Abdel Samad, Hussein Ayoub, Zaven Kouyou-
mdjian et d’autres. «Ces gens-là ont posé les
bases du journalisme. J’ai grandi avec eux».
Auprès de Reuters qu’elle rejoint en 1993, elle
apprend la rigueur, la précision et le recou-
pement de l’information. Elle est la première
58
journaliste à annoncer avec 7 minutes d’avance
la condamnation de Samir Geagea par la cour
de justice dans l’assassinat de Dany Chamoun.
Elle est également la première à annoncer le
décès de Bassel Hafez el-Assad dans un acci-
dent de voiture. «C’est une période très riche
sur le plan professionnel au cours de laquelle
j’ai appris à la dure les fondements du métier.
C’est une époque où on comptait sur la plume
et le labeur pour réussir». Entretemps, elle
poursuit son ascension à la radio et devient
rédactrice en chef de Sawt el-Chaab.
DIRECTRICE À 34 ANS. Face au succès enregistré
par la radio, le parti communiste fonde al-
Jadeed TV dont les locaux se situent dans le
même immeuble que Sawt el-Chaab. «Par la
suite, avec la chute de l’URSS et le recul du
communisme, le parti a vendu la station à Tah-
sin Khayat qui n’est pas communiste mais un
arabisant qui croit en la cause palestinienne».
Petit à petit, Mariam el-Bassam intègre la
télévision et devient responsable du service
local. Malgré la présence de 7 supérieurs hié-
rarchiques, elle assume de grandes responsa-
bilités. A la suite de sa décision de repasser
un documentaire diffusé la veille mais inter-
rompu par une retransmission en direct, sans
avertir ses supérieurs, Tahsin Khayat décide
de la nommer directrice de l’information. Elle
a 34 ans et l’ampleur de la tâche la terrorise.
«C’était trop de responsabilités pour moi. J’ai
demandé à être nommée 3 mois par intérim
puis je me suis totalement intégrée».
Mariam el-Bassam est la seule femme au Liban
à occuper un tel poste. C’est elle qui a introduit
les éditoriaux du bulletin télévisé dans le pay-
sage médiatique libanais. «C’est une fonction
qui requiert de la patience, un sens des res-
ponsabilités, de la création et de la créativité,
d’être à la page, de ne pas refuser le progrès
et surtout, de posséder une grande faculté
d’adaptation». Douée pour l’écriture, Mariam
el-Bassam l’est certainement. D’ailleurs, ses
rédactions en langue arabe étaient régulière-
ment accrochées sur le tableau d’honneur de
l’école. Avec amusement, elle confie: «Dans le
temps, on disait de quelqu’un qu’il a une jolie
plume, aujourd’hui je dis qu’il a un beau ‘key-
board’». La jeune femme est convaincue qu’elle
doit vivre sa propre expérience. «La jalousie
est très importante car elle me pousse à aller
de l’avant et à m’améliorer. Je suis très jalouse
lorsque quelqu’un écrit mieux que moi. Celui
dont j’étais jalouse, c’est Georges Ghanem. Il
était le seul à me faire concurrence. Depuis son
départ de la LBC, j’estime que je n’ai plus de
concurrent dans l’éditorial du bulletin télévisé.
Je suis opposée à ceux qui veulent éliminer les
éditos. Au contraire, on se défie d’une manière
positive. Ce sont ceux qui ne savent pas écrire
qui doivent se retirer». La journaliste confie
que les documentaires de Georges Ghanem
sont une véritable école. «J’ai beaucoup de
respect pour son parcours et j’ai énormément
appris de lui. A son époque, la LBC était une
véritable concurrente». Selon elle, al-Jadeed
«ressemble au Liban: elle comporte plusieurs
courants et opinions politiques».
PAS D’AMIS POLITIQUES. Partisane du dévelop-
pement et des réseaux sociaux, elle a adopté
Twitter sur lequel elle est très active et où elle
exprime ses opinions. «Twitter me ressemble».
Parmi la classe politique Mariam el-Bassam
n’a pas d’amis. «Je respecte ceux qui acceptent
mes critiques. Pourquoi se fâcher si je ne fais
que dire la vérité? Répondez-moi par des
preuves et non pas en me lançant des bombes
et en me tirant des balles. Nous sommes un
pays confessionnel et nos dirigeants ne font
rien pour devenir un Etat laïc».
Les attaques dont elle fait constamment l’objet
l’effrait-elle? «Si on a peur, on ne peut plus
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
rien faire. On doit affronter la peur sinon elle
EN CHIFFRES
prend le dessus et vous paralyse. Non, je ne
12
connais pas ce sentiment. On ne peut pas
m’emprisonner dans la crainte. Pour tous ceux
qui croient en moi, pour mes filles, je dois être Mariam el-Bassam a passé
forte et ne rien craindre. C’est cela que j’essaie 12 ans à Sawt el-Chaab de
de leur inculquer». 1990 à 2002.
7
Le nombre d’années où
elle était correspondante
à Reuters entre 1993 et
2000.
17
Le nombre d’années à
al-Jadeed depuis 2002
jusqu’à aujourd’hui.
Mariam el-Bassam estime que le quota fémi-
nin est en lui-même une insulte pour les
femmes. «La femme a un rôle plus important
à jouer que celui de récolter des donations
pour des œuvres caritatives». Lorsqu’on lui
demande où elle se situe politiquement, après
réflexion elle répond: «Je prendrai un peu de
chaque parti et j’en créerai le mien. Je suis
contre Israël et avec chaque personne qui se
bat contre lui mais si celle-ci est corrompue
je la combats. Je suis avec les Forces liba-
naises dans leur guerre contre la corruption,
avec la performance de Gebran Bassil sur le
plan international mais contre son entête-
ment et ses ambitions qui n’ont plus de pla-
fond sur le plan interne. Je suis avec la sagesse
de Nabih Berry mais contre la couverture de
toute corruption pouvant impliquer un de ses
ministres. Avec la sympathie et la culture de
Walid Joumblatt mais contre le féodalisme. Il
y a des personnalités qu’on ne peut pas ne pas
PHOTOS: DR
aimer même si nous ne sommes pas du même
bord. Je respecte l’intelligence de l’autre. Elle
me stimule». ●
59
PARCOURS
NAJAT AOUN SALIBA
PIONNIÈRE DE LA RECHERCHE
SUR LA POLLUTION DE L’AIR
La professeure Najat Aoun Saliba est la lauréate du prix international L’Oréal-Unesco
pour l’Afrique et les Etats arabes Pour la Femme et la Science décerné à Paris le
14 mars au siège de l’Unesco.
L
e Dr Najat Aoun Saliba est l’une des
cinq femmes scientifiques, issues de
différentes régions du monde, hono-
rée par ce prix pour l’excellence de ses
travaux. Professeur de chimie et direc-
trice du Centre de conservation de la nature
à l’Université américaine de Beyrouth, elle
est aussi une pionnière dans ses recherches
de pointe sur la pollution de l’air. «J’ai été
la première à donner une moyenne annuelle
du niveau des particules de pollution dans
l’air», explique-t-elle. L’importance de cette
moyenne annuelle réside dans le fait qu’elle
représente un outil de comparaison entre les
pays, selon les normes définies par l’Organisa-
tion mondiale de la santé (OMS). «Pendant de
60
nombreuses années, j’ai établi la mesure des
particules. Je voulais non seulement enregis-
trer leur moyenne annuelle mais aussi déter-
miner la composition de ces particules en vue
de déterminer leur toxicité et de savoir si elles
contiennent des matières carcinogènes». Selon
la chimiste, au Liban, la pollution de l’air est
3 fois plus élevée que les normes recomman-
dées par l’OMS. «Le contenu des particules est
7 fois plus carcinogène que le contenu des par-
ticules à Los Angeles».
POLLUTION ET CIGARETTE. Les vieilles voi-
tures et les générateurs d’électricité appa-
raissent comme étant les deux principales
sources de cette pollution. Les travaux du Pr

Saliba portent également sur la poussière.
«On a constaté que la poussière qui vient du
désert n’est pas aussi toxique que les parti-
cules qui sont générées par les voitures et les
générateurs».
Les études qu’elle a entreprises avec son
équipe ont également porté sur le narguilé et
les cigarettes électroniques. «Contrairement
à ce que la plupart des gens pensent, les ma-
tières toxiques engendrées par le narguilé ne
sont pas absorbées ou diluées par l’eau. Les
matières carcinogènes du narguilé sont équi-
valentes à deux paquets de cigarette par ses-
sion. Et la personne installée à proximité fume
l’équivalent de deux cigarettes de matières
toxiques carcinogènes. Ces résultats ont été
adoptés par les organismes internationaux
pour édicter les lois interdisant de fumer dans
les endroits fermés».
Les travaux du Pr Saliba et de son équipe se
concentrent ces temps-ci sur les effets de la ci-
garette électronique. Une équipe multidiscipli-
naire, composée d’ingénieurs, de chimistes et
de psychologues, travaille en étroite collabora-
tion avec la Virginia Commonwealth Univer-
sity. «Nos études sont en train de montrer que
contrairement à ce qui est véhiculé, que c’est
uniquement de la nicotine et de la vapeur, la
cigarette électronique contient en réalité des
matières toxiques. Peut-être celles-ci ne sont-
elles pas aussi nombreuses que celles qui se
trouvent dans la cigarette traditionnelle, mais
il existe des matières toxiques dans tous les
différents modèles de cigarette électronique».
ACCESSIBLE À TOUS. Directrice du Nature
Conservation Center de l’AUB, leader dans
ce que l’on appelle le Citizen science, Najat
Aoun Saliba travaille avec son équipe en vue
de mettre la science à la portée et au service
des citoyens. «Nous sommes en train de créer
des instruments faciles à manipuler pour que
les citoyens réussissent eux-mêmes à faire des
analyses pour mesurer la pollution de l’eau et
de l’air». Leurs recherches se concentrent sur
trois questions majeures: les déchets, l’eau et
l’air. «En parallèle, un autre groupe collecte
une data sur tout ce qui est beau au Liban,
comme les villages, etc.. Toutes ces informa-
tions seront réunies dans le cadre d’une appli-
cation mobile qui s’appellera Daskara. Les ci-
toyens ont ainsi les moyens et les données pour
prendre eux-mêmes les décisions et émettre
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
PAR JOËLLE SEIF
leur propre jugement». A travers ce centre,
une grande action a été entreprise dans les vil-
lages au niveau du tri et recyclage des déchets.
«Tout ce qui est fait est en open access, dans
le sens que les études sont publiées sur le site
et accessibles à toute personne intéressée. Les
deux notions d’open access et le Citizen science
sont la nouvelle tendance, un regard différent
porté sur la science. Le monde aujourd’hui se
dirige vers le partage et l’échange d’informa-
tion et de technologie».
À L’ÉLYSÉE
Les lauréates du
UN LABORATOIRE DE RÉFÉRENCE. Le Dr Najat
prix international
Aoun Saliba estime que son prix est «une L’Oréal-Unesco ont
consécration car il met l’accent sur notre tra- été reçues par Bri-
vail. Souvent, on pense que dans cette partie gitte Macron,
du monde, nous ne faisons pas une bonne à l’Elysée.
science. C’est une satisfaction qui me fait dire
oui nous sommes au Liban et oui nous pou-
vons faire de la science».
A la suite des études faites sur le narguilé, son
laboratoire est devenu une référence et a été
nommé par l’OMS l’un des «Testing centers for
Tobacco smoke». «Pour la première fois dans
l’histoire, Virginia Commonwealth University
nous envoie à mon collaborateur, le Dr Alan
Shihadeh, et moi, les tests à effectuer».
Une partie du prix remporté, dont le montant
est de 100 000 euros, sera reversé par Najat
Aoun Saliba pour la création d’un laboratoire
national de haut niveau pour avoir la capacité
de faire n’importe quels tests. «Je suis soute-
nue dans cette initiative par mon doyen, le
Dr Nadia Cheikh, le président de l’AUB, le Dr
PHOTOS: DR
Fadlo Khouri ainsi que par le directeur général
du Centre national de recherche scientifique
Dr Mouin Hamze». ●
61
ÉCHANGES
DES ÉTUDIANTS DE L’ESCP ACCUEILLIS PAR MAGAZINE
MÉDIA, CULTURE
ET SOCIÉTÉ AU MENU
L’équipe de Magazine Le Mensuel a accueilli les étudiants de l’ESCP Europe et leurs
professeurs, venus à Beyrouth pour un voyage d’études sur les industries culturelles
et créatives. L’occasion d’échanges pertinents.
C’
est avec enthousiasme et
une grande curiosité que
26 étudiants de l’ESCP Eu-
rope se sont rendus au Liban
début mars, pour un voyage
d’études portant sur les industries culturelles
créatives. L’occasion pour eux de rencontrer
pendant une semaine des professionnels des
médias, de la communication, des industries
culturelles et créatives.
Le groupe Magazine les a accueillis à cette oc-
casion dans la salle de conférence prêtée gra-
cieusement par l’hôtel Sofitel Le Gabriel afin
de présenter l’histoire de ses publications et
d’évoquer les nombreux défis qui frappent le
monde des médias en général, et de la presse
écrite en particulier ces dernières années. Les
62
étudiants étaient accompagnés de deux de
leurs enseignants, Ghislain Deslandes, le direc-
teur du mastère, et Jocelyn Maixent, professeur
agrégé. Après une présentation en images du
groupe depuis sa création, avec les explications
de Rania Chiniara, responsable de la Commu-
nication du groupe Magazine, le Président-
directeur général Charles Abou Adal et le ré-
dacteur en chef de Magazine Le Mensuel, Paul
Khalifeh, se sont prêtés au jeu des questions-
réponses.
Aux interrogations des étudiants portant sur
l’indépendance de la presse et la censure éven-
tuelle, Charles Abou Adal, qui dirige le groupe
Magazine depuis 1978, a souligné que les
publications n’ont aucun tabou concernant les
sujets à traiter, qu’ils soient de nature politique

ou sociétale. D’autant que le groupe est tou-
jours demeuré indépendant de tout parti poli-
tique, mais aussi sur les plans financier et mo-
ral, contrairement à d’autres acteurs libanais
du marché. Le Pdg a par ailleurs rappelé que
par le passé, à la fin des années 70, la revue
Ousbou el-Arabi, diffusée dans les pays arabes,
faisait l’objet d’une «censure a posteriori», tout
comme Mar’a, une adaptation arabophone de
la revue Marie-Claire «qui a dû être arrêtée
en 2002, à cause d’une censure extrêmement
forte dans les pays du Golfe».
Le thème de la transition numérique a aussi
été beaucoup évoqué par les étudiants, dont
la plupart seront appelé à faire carrière dans
le domaine des médias, après la fin de leur
Mastère. «Nous essayons de nous adapter dans
un marché extrêmement difficile», a indiqué
Charles Abou Adal, pointant les difficultés que
traverse le secteur de la presse en général, avec
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
PAR JENNY SALEH
À BÂTONS ROMPUS
Durant plus d’une heure, de passionnants
échanges se sont déroulés entre les étudiants,
Charles Abou Adal et Paul Khalifeh.
la chute des revenus publicitaires. «La presse
est passée de 15% de l’ensemble du marché
publicitaire à 3% en l’espace de quelques an-
nées. La crise est extrêmement forte. Il faut
être réaliste», a-t-il affirmé.
Paul Khalifeh a rebondi sur ces propos, esti-
mant qu’il n’était pas question «d’abandonner
le papier, tout en étant conscient qu’il doit y
avoir un support digital, qui constitue un chan-
tier difficile pour une périodicité mensuelle».
Autre sujet abordé, celui de la francophonie.
Charles Abou Adal a souligné que «l’usage
du français offre la possibilité de mener plus
d’enquêtes dans tous les domaines, du fait du
nombre inférieur de lecteurs francophones par
PHOTOS: MILAD AYOUB
rapport à la presse arabophone». Paul Khali-
feh a de son côté estimé que l’on assiste à une
mutation de la francophonie au Liban, désor-
mais portée par la diaspora libanaise installée
notamment en Afrique de l’ouest. ●
63
 RELIGION

AIR DE SAINTETÉ À GHOSTA

PRIÈRE ET
RECUEILLEMENT
DANS UN ÉCRIN
NATUREL
PHOTOS: MILAD AYOUB

64
C’est à Ghosta, sur des terres
appartenant au monastère de Kreim,
qu’une statue du Christ miséricordieux
de 12 mètres de haut surplombe la baie
de Jounié. Le site accueille deux chapelles
dédiées à Sainte Faustine et Sainte Thé-
rèse de Calcutta. Une maison consacrée
à sa Sainteté Jean-Paul II viendra bientôt

S
compléter l’endroit. Visite des lieux en itué à quelques encablures de Bker-
avant-première. PAR JENNY SALEH ké, le monastère de Kreim, occupé
par une dizaine de moines de la
Congrégation des missionnaires liba-
nais, offre dès l’arrivée une sensation
de paix et de sérénité. Aux pierres
couleur miel vieilles de 400 ans du
monastère originel, en excellent état,
se sont greffées d’autres plus récentes, ces dernières
années. Comme l’explique le père Jean Khalifeh, l’un
des moines qui réside là, l’église Saint-Jean-le-Bien-
Aimé, construite à côté du monastère, est d’allure plus
moderne avec de très beaux vitraux colorés laissant
passer cette lumière si spéciale au Liban. Construite
grâce à des subventions données par le Qatar après la
guerre de juillet 2006, elle est aussi plus spacieuse et
destinée à accueillir des célébrations spécifiques.
Comme un présage aux futurs aménagements de
la montagne de la Miséricorde divine à laquelle les
deux bâtisses sont adossées, des chambres ont aussi
été construites, à l’arrière de la nouvelle église, pour
accueillir les visiteurs en quête de recueillement.
Pour accéder au site de Jesus Mercy ou Christ misé-
ricordieux, il faut sortir de la cour ombragée du mo-
nastère et emprunter une petite route bordée de ● ● ●

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 65

RELIGION
XXXXX

TOUTE
▼

● ● ● pins qui serpente le long de la colline. Là,

les voitures sont interdites d’accès, ouvrant la
L’IDÉE DU voie à un parcours libre. Quand le projet sera
PROJET EST plus avancé, des voiturettes seront à la dispo-
PARTIE D’UNE sition des personnes à mobilité réduite et des
personnes âgées qui souhaitent se rendre sur
STATUE POUR les lieux.
ABOUTIR À UN En cette matinée printanière, le silence de
la montagne est seulement interrompu par
VÉRITABLE la diffusion de prières à bas volume. Un sen-
LIEU DE tier caillouteux, bordé de verdure et de fleurs
sauvages, mène d’abord jusqu’à une ruine à
PÉLERINAGE. quatre murs, vestige d’une vieille maison pay-
sanne. C’est là que prendra place le tout pre-
mier musée libanais dédié à sa Sainteté Jean-
Paul II, pape vénéré par les Libanais.
Joseph Abdallah, l’architecte à qui les moines
ont confié la réalisation de l’entièreté du pro-
jet, s’est montré très soucieux de respecter INSPIRÉ. Le père Jean Khalifeh est à l’initiative
l’environnement originel de la montagne et, de la statue représentant la Miséricorde Divine.
surtout, l’esprit de piété qui émane du site.
«Cet endroit a un grand potentiel, en tant murs, sans ajouter une pierre, et concevoir une
qu’architecte, on doit être discret et respecter armature de bois et de métal pour le toit et y
l’ambiance naturelle, dont les gens ont besoin. ajouter des vitrages qui laisseront pénétrer la
Quand on va à Harissa ou Meziara, c’est très lumière naturelle», explique Joseph Abdallah.
urbain, artificiel. Ici on n’a pas voulu de ça». Une fois la maison achevée, des habits, mais
Avant d’accéder à la statue du Christ miséri- aussi des meubles et des objets venus tout
cordieux, sculptée par Tony Awad à Baabdat, droit de la maison de Jean-Paul II en Pologne
les pas des visiteurs les mèneront d’abord à la seront exposés au centre de la pièce. Au rez-
maison Jean-Paul II. Encore à l’état de ruine, de-chaussée figureront une salle de réception
cet espace muséal sera conservé tel quel. «Il ainsi que d’autres objets. Ces objets, ainsi que
s’agit d’une ancienne maison paysanne de deux les reliques de Mère Thérésa et Sainte Faus-
étages que nous allons convertir en un musée tine, ont été amenés au Liban par le père Milad
pour Jean-Paul II. Nous allons en conserver les Sokayem, qui bénéficie d’une bonne connexion

66
 LES SIGNES DU PÈRE KHALIFEH
Officiant régulièrement pour TV Charity, le
père Jean Khalifeh réfléchit depuis longtemps
à un projet pour valoriser la montagne de la
miséricorde. Le moine prie pour être inspiré
par le Seigneur, qui, comme il le raconte, le
guide pour faire une statue. Je me suis de-
mandé pourquoi la faire, qui choisir pour la
sculpter, où la déposer», raconte-t-il. Il attend
alors un signe. Celui-ci lui parvient quand les ÉGLISE MODERNE.
reliques de Jean-Paul II, de Sainte Faustine L’église Saint-Jean-le-Bien-Aimé bénéficie d’une luminosité exceptionnelle.
et de Sainte Thérèse de Calcutta arrivent au
monastère. Autre signe, quand le père Khalifeh
retrouve, chez ses parents, une statuette re-
présentant la miséricorde divine, laissée là par
un prêtre qui avait distribué 100 objets iden-
tiques éparpillés sur tout le territoire libanais.
Le moine part alors en quête d’un sculpteur
capable de faire une belle statue et manque
d’abandonner, quand on lui montre une statue
de la Vierge sculptée par Tony Awad, à Baab-
dat. Celui-ci se met au travail et parvient à
achever la statue du Christ le jour même de la
fête de la Miséricorde. Ne manquait plus qu’à
savoir où la déposer.

avec le Vatican.

UNE NOUVELLE EXPÉRIENCE SPIRITUELLE. Le sen- MONASTÈRE.

tier mène ensuite à une autre maisonnette de
plain-pied, dont le cachet paysan a également
été conservé, pour être transformée en cha-
pelle dédiée à Sainte Thérèse de Calcutta. Aus-
tère, l’endroit comporte un autel de pierre et
quelques bancs pour se recueillir, tandis qu’au
fond de la chapelle, les moines ont fait conce-
voir un décor qui accueille des reliques de
Mère Thérésa en provenance de Rome. «Tout
a été pensé à l’échelle de la montagne, nous
ne sommes pas à Rome, souligne l’architecte
d’une voix douce. J’ai restauré ce qu’il y avait
à restaurer, tout en respectant la topographie
initiale de la montagne qui passe par des che-
mins bordés d’oliviers. Nous avons aussi re-
trouvé deux sources que nous transformerons
en cascades et fontaines. L’idée est de proposer
une nouvelle expérience spirituelle».
D’ailleurs, un autel a été installé le long des
sentiers en terrasse, et d’anciennes traces de
murs en pierre restaurées, afin que les fidèles
puissent s’asseoir et célébrer la messe en plein
air tous les dimanches (voir encadré).
Vieux de 400 ans, le monastère de Kreim est en excellent état, de l’église ci-
dessus, jusqu’aux couloirs et pièces communes, très bien entretenues.
En contrebas, la statue du Christ miséricor-
dieux s’offre aux regards, majestueuse, s’éle-
vant entre les bleus du ciel et de la Méditer-
ranée. Cet édifice monumental constitue le
point de départ initial de l’ensemble du pro-
jet. C’est le père Jean Khalifeh qui a décidé de
la faire sculpter, après avoir, confie-t-il, «été
inspiré par le Seigneur», qui lui a envoyé plu-
sieurs signes (voir encadré). Ne sachant où ins-
taller son Christ miséricordieux de 12 mètres
de haut, le moine a sollicité les conseils de
Joseph Abdallah qui l’a aidé à développer le
projet sur la bien-nommée montagne de la
Miséricorde divine.
Même s’il avoue volontiers que la statue mo-
numentale n’était pas indispensable au projet,
l’architecte a su la mettre en scène pour confé-
rer au site une particularité que les visiteurs
ne trouveront dans aucun autre lieu de pèle-
rinage au Liban. «La statue remplit un ● ● ●

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 67

RELIGION
NATURE ET SPIRITUALITÉ
Joseph Abdallah a souhaité proposer sur ce site
exceptionnel une nouvelle expérience spirituelle.
MAISON JEAN-PAUL II
Aux murs d’une vieille
● ● ● certain rôle, puisque nous avons besoin,
maison paysanne seront
ajoutées une armature nous les humains, de quelque chose de concret
faite de bois et de métal, pour établir une connexion avec Dieu», sou-
ainsi que des verrières. ligne-t-il. Il décide donc d’installer le Christ
sur un socle tournant, reposant sur de grandes
pierres posées à l’horizontale, afin d’impulser
«un mouvement transcendant pour regarder
vers le haut, vers Dieu». Un mécanisme permet
de faire tourner la statue deux fois par jour,
vers les fidèles quand ils sont sur les terrasses
au-dessus, comme une église ouverte, ou vers
l’horizon.
Le socle accueillera, quand le projet sera ache-
vé, une nappe d’eau qui remplira une mission
bien précise. «Quand les visiteurs graviront les
marches conduisant au pied de la statue, leurs
yeux verront, en illusion d’optique, le Christ
flottant dans les reflets du ciel dans l’eau».
«Dans l’architecture, explique Joseph Abdal-
lah, on pense en trois dimensions, en oubliant
la quatrième, essentielle, celle du sentiment,
de la perception de l’espace, du spirituel»,
justifie-t-il. Mise en scène pour approfondir
l’expérience spirituelle du lieu, la statue hé-
berge en son sein deux chapelles. L’une, sous
le socle, est dédiée à Sainte Faustine, à qui le
68
Christ avait confié la mission de rappeler au
monde son amour miséricordieux, canonisée
par le pape Jean-Paul II qui institua, le jour-
même, la fête de la Miséricorde divine. La cha-
pelle est à l’image du reste du projet, dans un
style minimal où tout a été pensé pour procu-
rer sérénité et méditation aux pèlerins. L’autel,
en marbre, bénéficie de rais de lumière natu-
relle semblables à des meurtrières, au nombre
de douze, rappelant les apôtres de Jésus.
MÉDITATION ET PRIÈRE. Au bas du socle de
pierres monolithiques qui soutient la statue,
une petite église qui devrait être achevée pour
les fêtes de Pâques. Celle-ci est destinée à
l’adoration du Saint-Sacrement. A l’intérieur,
Joseph Abdallah a souhaité rompre avec les
angles, en installant une coupole blanche
«symbolisant la coupole céleste». Au centre
de la pièce, le Saint-Sacrement, entouré de
bancs disposés en arc-de-cercle pour représen-
ter des vaguelettes. «L’idée est d’insuffler une
ambiance propice à la méditation, la prière,
l’isolement, sans sentir de murs, ni de limites»,
CÉLÉBRATIONS
Des messes en plein air sont célébrées tous les
dimanches à 18 heures, sur les terrasses situées
au-dessus de la statue du Christ, s’ajoutant aux
offices qui se déroulent dans l’église du monas-
tère de Kreim, à 9h et 11h.
Les 25-26-27 avril, en prélude de la Fête de la
miséricorde qui se déroule tous les premiers di-
manches de mai, la congrégation organise plu-
sieurs événements. Une pièce de théâtre sera
jouée, et deux récitals donnés par le Holy spirit
band et le Père Jean Akiki. Une procession par-
tant de Harissa jusqu’au monastère de Kreim, où
sera célébré une messe, est également prévue.
 SAINTE THÉRÈSE
Cette vieille maison paysanne, restaurée
juste le nécessaire, abrite des reliques de
mère Théresa.
STE FAUSTINE
Le socle de
la statue
abrite une
première
chapelle
dédiée
à Sainte
Faustine.

ADORATION
Une chapelle destinée à l’adoration du Saint-Sacrement, en
forme de coupole, incite à la méditation et au recueillement.

avance l’architecte.
Un pari en passe d’être réussi, même si le pro-
jet complet n’est pas encore achevé, les travaux
avançant au gré des donations de particuliers
et amis de la Congrégation des missionnaires
libanais. «Nous avons déjà dépensé un demi-
million de dollars», estime Joseph Abdallah,
qui souligne qu’une telle entreprise coûte des
millions car la restauration de l’existant néces-
site des professionnels et une main-d’œuvre
spécifiques. Des artisans qui ont consenti
d’ailleurs beaucoup d’efforts financiers. Une
fois celui-ci achevé, dans trois ou quatre ans
espère-t-il, les moines ambitionnent de pro-
longer le projet plus loin dans la montagne, à
travers les sentiers, jusqu’à une croix qui sur-
PHOTOS: MILAD AYOUB - JOSEPH ABDALLAH

plombe l’horizon.
Aux alentours du 15 août, à l’occasion de la
fête de l’Assomption, le site du Christ misé-
ricordieux sera inauguré et béni par le pa-
triarche Béchara Raï, en présence d’un cardi-
nal venu exprès du Vatican. En attendant, les
visiteurs, heureux de pouvoir se recueillir dans
un cadre naturel, empreint de calme, propice
à la prière et au recueillement, se pressent déjà
dans ce nouveau lieu. ●

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 69

PORTRAIT

WALID AOUNI

UN PIONNIER DE
LA DANSE MODERNE
70
 PAR MATHILDE ROUXEL (AU CAIRE)

Magazine a rencontré au Caire le

chorégraphe et artiste libanais
Walid Aouni, alors qu’il inaugurait
sa dernière création, Larmes Hadid,
avant de partir le montrer à
Aix-en-Provence, dans le sud de la
France. Il nous a parlé de son
parcours, des grands hommes qui
ont guidé ses ambitions – Gibran
Khalil Gibran et Maurice Béjart – et
de ce qui le pousse, aujourd’hui, à
continuer à créer. Portrait d’un
artiste au sommet.

alid Aouni commence à dessiner

grâce à Gibran Khalil Gibran, dont
il admirait les œuvres voluptueuses
qu’il a contemplé dès son plus jeune
âge dans le musée qui lui est dédié à
Becharré, à quelques pas de là où il a
passé son enfance. Après son baccalauréat, il entre
à l’Académie libanaise des Beaux-Arts à Beyrouth,
et étudie l’architecture pendant un an, avant de re-
joindre l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles
où il reprend des études en arts graphiques et visuels.
C’est en Belgique qu’il rencontre Maurice Béjart,
grande personnalité de la danse contemporaine du
XXe siècle, avec lequel il se lie d’amitié. Walid ● ● ●

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 71

PORTRAIT

●●● Aouni commence à danser à 19 ans, à

l’école naissante de la danse contemporaine
qu’il ne quittera plus. Il collabore avec Béjart
en tant que concepteur de décors et de cos-
tumes pour plusieurs spectacles, tout en pour-
suivant en parallèle ses études à l’Académie
des Beaux-arts. Il crée sa propre compagnie de
danse, la Tanit Dance Theater entre 1979 et
1980, et s’est imposé comme danseur de ce qui
fut surnommé «l’après-Béjart», cette vague de
mutation radicale de la danse moderne initiée
par Pina Bausch en Allemagne.

LE TOURNANT ÉGYPTIEN. Durant dix ans, Walid

Aouni monte des spectacles qui tournent à
travers toute l’Europe. Il était alors le premier
Arabe à faire de la danse contemporaine, et
s’impose avec sa troupe au fil des ans sur la
scène internationale.
C’est en 1990 qu’il se rend en Egypte pour la
première fois, en tant qu’assistant scénographe
de Maurice Béjart sur Les Pyramides de Nour.
Il y rencontre le ministre de la Culture égyp-
tien de l’époque, Fouad Hosni, qui le convainc
de venir créer à l’Opéra du Caire la première
troupe de danse moderne d’Égypte. Il s’installe
donc au Caire en 1993, et monte pour l’inau-
guration un spectacle en rupture totale avec
la danse traditionnelle. La chute d’Icare choque
le public égyptien, qui rejette dans un pre-
mier temps les propositions du danseur. Pour-
tant, les chorégraphies qu’il propose et les
thématiques abordées dans ses spectacles font
de lui un pionner du printemps de la danse
arabe, selon les mots du critique et universi-
taire arabisant Yves Gonzales-Qijano, et une
figure d’avant-garde de la scène artistique
égyptienne.
Il crée avec cette audacieuse troupe plus de
25 spectacles, dont l’ampleur n’a jamais eu
d’égal que l’engagement politique qui les ca-
ractérisait. Durant sa carrière, Aouni fait le
choix de mettre en avant des figures, souvent
féminines, d’exception (des figures historiques
comme Djamila Bouhired, mais aussi mytho-
logiques, à l’image de Samarkand ou Shéhé-
razade). L’honneur est rendu au corps des
femmes, qu’il fait combattant, revendicatif.
Par ce geste, Walid Aouni se pose en résistance
face à l’usage des temps qui, dans l’Égypte de
la fin des années 1990 et au tournant des an-
nées 2000, laissaient aux fondamentalistes re-
ligieux le champ libre pour réclamer l’interdic-

72
tion des trop audacieuses Mille et une nuits et
condamner radicalement au nom de la morale
la sensualité des almées.
Artiste pluridisciplinaire et curieux, il s’impose
comme une personnalité incontournable de
la scène égyptienne en organisant des exposi-
tions de son travail pictural, ou en travaillant
au cinéma, notamment avec Youssef Chahine,
pour lequel il accepte de jouer dans L’émigré
en 1993 après avoir chorégraphié Le destin en
1987. Jocelyne Saab fera appel à lui pour jouer
le rôle du chorégraphe dans Dunia (2005).

HOMMAGE À ZAHA HADID. Walid Aouni a dirigé la

troupe de danse moderne de l’Opéra du Caire
durant vingt ans. Ce sont les lendemains de la
Révolution de 2011 qui le poussent à quitter
l’institution un an après. «La révolution a don-
WALID AOUNI CHOISIT DE METTRE EN AVANT
▼

né un élan. Mais les révolutions ne se font pas

en un jour, et les premiers temps sont toujours
ceux d’une crise économique et politique dont
la culture est la première victime», explique-t-il
aujourd’hui, sans amertume. Il démissionne et
quitte le Caire pour voyager six ans durant. On
le retrouve en tant que commissaire artistique
pour le musée Béjart à Marseille, puis il part en
Inde pour pratiquer une forme traditionnelle
de théâtre dansé, le kathakali, et monte des
spectacles à Sofia, à Oman ou au Caire, où il
continue ponctuellement à travailler.
En 2018, l’Opéra du Caire décide de lui rendre
honneur, pour célébrer les 25 ans d’existence
de la troupe de danse moderne. Walid Aouni
remonte pour l’occasion La chute d’Icare, son
premier spectacle, et reprend sa place de cho-
régraphe dans l’institution qui a été son hôte
DES FIGURES, SOUVENT FÉMININES, D’EXCEPTION.
de présenter au Caire un nouveau spectacle,
qui a bénéficié d’une résidence au Pavillon noir
d’Aix-en-Provence en France, où le spectacle a
été montré les 28 et 29 mars derniers. Larmes
Hadid revient sur la vie de l’emblématique ar-
chitecte irakienne Zaha Hadid. C’est un projet
qui tenait à cœur à Walid Aouni, qui avait ren-
contré l’architecte à Bruxelles alors qu’elle n’en
était qu’à ses débuts. Le chorégraphe discutait
avec elle de son projet de spectacle lorsqu’elle
disparaît en 2016. Celle que l’on surnommait
la «reine de la courbe», qui s’inspirait du corps
humain pour métamorphoser l’architecture,
a ainsi pu reprendre vie à travers une choré-
PHOTOS: DR

pendant deux décennies. graphie expressionniste envoûtante, qui rend

Le subversif Walid Aouni a ainsi su retrouver sa hommage à la fois à l’architecte de talent et à
place dans le paysage artistique arabe. Il vient la femme déterminée qu’elle a été. ●

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 73

FESTIVAL
15ème ÉDITION DE BIPOD
ET DANSEZ MAINTENANT
Rendez-vous annuel pour les passionnés du mouvement et de la danse, le festival
BIPOD, organisé par l’équipe du Maqamat Dance Theatre, se tiendra jusqu’au 15 avril
sur la scène d’un nouveau lieu culturel, Citerne Beirut.
C
ette quinzième édition du festival BI-
POD (Beirut International Platform
of Dance)se conjugue cette année
avec l’ouverture officielle du centre
culturel Citerne Beirut, qui était pré-
vue le 4 avril. Ce nouveau lieu de création et
de culture a pour objectif d’accueillir des pro-
ductions locales et internationales et d’héber-
ger des cours et workshops en direction des
jeunes et des enfants, dans les domaines de la
danse, de la musique, du théâtre et d’autres
moyens d’expressions artistiques. Citerne
Beirut ambitionne de proposer une conversa-
tion artistique moderne et contemporaine et se
74
veut un espace reflétant les idées de la ville et
de ses habitants.
Omar Rajeh, chorégraphe et fondateur de
Maqamat, a souligné lors de la conférence
de presse de lancement que «avec ses tour-
nées dans le monde entier et maintenant avec
le BIPOD, le premier festival international
de danse au Liban, Maqamat repousse les li-
mites et nous ne nous reposerons pas». Le suc-
cès du festival ne se dément pas, d’année en
année, grâce à une programmation exigeante.
Depuis sa création en 2002, Maqamat n’a eu
de cesse de promouvoir Beyrouth comme
un centre de référence pour la danse contem-
 PAR JENNY SALEH

PROGRAMME
4 AVRIL
#minaret
Omar Rajeh / Maqamat. A 19h30.
5 AVRIL
Beyond a certain point, movement itself
changes
Ghida Hachicho. A 19h.
#minaret
Omar Rajeh / Maqamat. A 21h.
6 AVRIL
Azi Dahaka
Mitra Ziaee Kia & Hiva Sedaghat.
A 19h.
Incontro
Bassam Abou Diab & Jacopo Jenna.
A 20h.
Set of Sets
GN | MC - Guy Nader / Maria Campos.
A 21h. FLOW
Par la compagnie Linga &
DU 8 AU 12 AVRIL Keda, le 11 avril.
Immersive installation poraine dans le monde arabe.
Das Totale Tanz Theater 360° Music Cette année encore, BIPOD ne devrait pas
Video. De 18h à 19h30. décevoir le public. La directrice artistique du
9 AVRIL festival, Mia Habis, s’est dite confiante dans
KING la fidélité du public, «partag(eant) avec eux
Shaun Parker Company. l’ambition et le désir de voir la scène culturelle
A 20h30. et artistique de Beyrouth reprendre son rôle de
pionnière».
10 AVRIL C’est une création libanaise d’Omar Rajeh/
LIVE, Ivo Dimchev. A 20h30. Maqamat qui ouvrira cette quinzième édition.
11 AVRIL #minaret,dont la première s’est déroulée au
Flow Romaeuropa Festival, en Italie, a déjà été pré-
Cie Linga & KEDA. A 20h30. senté en Allemagne, en Bulgarie et en Pologne
et devrait poursuivre sa tournée mondiale
12 AVRIL durant toute l’année. Le festival accueille cette
Instrumental Creation. Geomungo-electro année des compagnies originaires d’Espagne,
concert d’Australie, de Suisse, France, Allemagne et KING
KEDA. A 20h30. Bulgarie et mettra à l’honneur quelques-uns Par la Shaun Parker
Company, le 9 avril.
13 AVRIL des artistes libanais émergents.
GUERRE La huitième édition de Moultaqa Leymoun se
Cie Samuel Mathieu. A 20h30. déroulera en parallèle de BIPOD 2019. Cette
plateforme constitue l’occasion pour les cho-
Renseignements et programmation: régraphes libanais et arabes de montrer et
https://sites.google.com/a/maqamat.org/ promouvoir leurs créations à un public averti
bipod/home: de directeurs de festivals internationaux. Dix-
CITERNE BEIRUT
PHOTOS: DR

huit chorégraphes et danseurs issus du Liban,

Billets en vente chez Antoine Ticketing de Tunisie, Palestine, Jordanie et Iran seront
www.maqamat.org présents. ●

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 75

THÉÂTRE

HASHEM ADNAN ET SAMUEL BECKETT

DANS LES RUINES D’UN TEXTE
EN PERPÉTUELLE RENAISSANCE
Du 2 au 5 mai, dans un lieu abandonné de Zarif ou de Zoqaq el-Blat, Hashem Adnan
s’essaie à l’exercice initiatique de performer Samuel Beckett. À partir de cinq textes
traduits en dialecte libanais, et entouré d’une riche équipe d’artistes, OH, to END
propose de nouvelles façons de concevoir le théâtre, l’espace scénique mais aussi les
textes bien connus de Not I ou Ohio Impromptu.

I
l est difficile de contester la valeur poé-
tique de certains textes de théâtre, et par-
mi eux ceux du grand dramaturge irlan-
dais Samuel Beckett. Ces textes sont joués
dans le monde entier alors que la poésie se
prétend pourtant intraduisible. La complexité
d’une transcription littéraire interculturelle
est d’autant plus problématique lorsqu’elle
s’attache justement à un texte de théâtre, écrit
pour être incorporé, ressenti, vécu. Ce défi,
Hashem Adnan et l’ensemble de sa troupe
ont su le relever avec OH, to END qui sera
performé dans les ruines d’un immeuble
des quartiers de Zarif ou de Zoqaq el-Blat à
Beyrouth du 2 au 5 mai prochains.
PLURIDISCIPLINAIRE. Hashem Adnan est un
dramaturge libanais diplômé depuis 2006 de
l’iniversité libanaise. Après avoir participé à
quelques projets cinématographiques et théâ-
traux qui lui ont permis d’expérimenter la rela-
tion de la vidéo au théâtre, il rejoint Zoukak
de 2009 à 2017. Il travaille aujourd’hui sur
ses propres spectacles, où son identité d’ar-
tiste s’impose dans une approche multidisci-
plinaire au texte. Aux jeux de Carole Abboud
et de Sassine Kawazali s’associent ainsi dans
son dernier spectacle OH, to END, le travail de

76

HASHEM ADNAN
Il connecte le texte de Beckett à de nouveaux publics.
cinéaste de Rami Sabbagh, celui de l’artiste
visuel et photographique Constanze Flame,
enrichissant les travaux que l’on attend habi-
tuellement au théâtre de la costumière Larissa
von Planta, de la directrice artistique Jana
Traboulsi et des scénographes David Habshi
et Hussein Nakhal. Ensemble, ils cherchent à
créer un nouvel univers spatial, visuel et au-
ditif destiné à faire résonner différemment le
texte – atemporel, anhistorique et atopique –
de Samuel Beckett.
Ce vaste travail n’a d’autre objectif que de
faire respirer le texte de Samuel Beckett dans
une nouvelle atmosphère, celle de Beyrouth.
En résidence à Hammana, Hashem Adnan et
son équipe ont travaillé deux semaines durant
avec Marwan Bizri, qui a traduit en langue ver-
naculaire libanaise le texte anglais de Rockaby,
That Time, Not I, Ohio Impromptu et Stirrings
Still et qui a travaillé aux côtés de Sara Sih-
nawi à la dramaturgie de l’ensemble du projet.
Assisté par Mohamed Itani, Hashem Adnan a
ainsi tenté de penser Beckett dans l’environne-
ment qui lui était familier – Beyrouth, sa ville
–, et la dimension absurde que la marche de
l’Histoire lui a conférée. «Les textes de Beckett
m’intéressent pour les questions qu’ils posent
sur les concepts de vie et de mort», explique
l’artiste. «La mort nous entoure partout, et
dans notre région du monde, elle est présente
en masse: il est important de s’interroger à son
sujet, de comprendre comment nos sociétés
ont pu en arriver à ces massacres, au Yémen,
en Syrie. L’écriture de Beckett offre une discus-
sion très symbolique qui permet de réfléchir
à ce système de discrimination qui isole les
individus par la glorification exacerbée d’une
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
PAR MATHILDE ROUXEL
culture néolibérale excluante et dangereuse».
L’AUTHENTICITÉ DES TEXTES. Le texte de Beckett
est une respiration, un temps qu’il faut saisir
pour réapprendre le deuil, pour reprendre
conscience de la présence de l’autre et réta-
blir un dialogue, seul capable d’enrayer la
machine capitaliste et son extrême violence.
En situant ses performances dans des espaces
abandonnés, Hashem Adnan souhaite connec-
ter le texte de Beckett à de nouveaux publics, CAROLE ABBOUD
en proposant aux spectateurs de nouvelles L’actrice joue aux côtés
manières d’être audience. de Sassine Kawazali.
Les cinq textes – en dialectal libanais – sont
disponibles aux éditions Snoubar Bayrout. Le
travail réalisé a toutefois dépassé le simple tra-
vail d’interprétation du texte écrit. Il s’est agi
de donner aux mots performés une certaine
authenticité. Il importait à Adnan, comme il
l’écrit lui-même dans le texte présentant son
travail, de mettre en avant l’expression d’une
langue qui est celle «par laquelle il semble nor-
mal aux Libanais de crier, maudire, se confier,
se recueillir ou consoler».
Le théâtre est un art dit «vivant». Grands clas-
siques de la littérature théâtrale, les textes
de Samuel Beckett ne cessent de renaître en
résonance avec les problématiques toujours
plus angoissées du monde contemporain. Il est
ainsi facile de parier sur le succès de l’ambi-
tion d’Hashem Adnan. La genèse de toute sa
démarche se pose dans une prise de risque es-
sentielle à l’émergence de l’art – un risque que
les puristes pourront critiquer, s’ils ne com-
PHOTOS: DR
prennent pas que la réappropriation des textes
classiques est essentielle pour leur redonner
sens et vie. ●
77
THÉÂTRE
ABSENCE, DE LARA KANSO
LA TERRE COMME
CRIS DE FEMMES
Après Les Noces de Zahwa et Le jardin d’amour,
Lara Kanso revient avec une nouvelle création,
Absence, qu’elle a écrite et mise en scène.
Présentée au théâtre Tournesol jusqu’au
14 avril, Lara Kanso parle des cris de douleurs
des femmes pour les guérir.
C
ris de la terre, cris de douleurs, cris
de femmes, cris de vie… Le mot
«cris» revient comme un leitmotiv
dans le discours de Lara Kanso. Cris
des femmes violées, violentées, des
femmes seules, Absence, sa troisième création,
porte en elle la douleur ancestrale des femmes.
«Ce cri de douleur, je l’entends depuis que je
suis très jeune, affirme-t-elle. J’ai envie, avec
cette pièce, de mettre un baiser sur le front de
toutes les femmes de ma famille, mais aussi de
toutes les femmes qui ont injustement souffert
et qui crient leur envie de vivre».
PAS DE PATHOS INUTILE. «Ce n’est pas une pièce
féministe, qui s’inscrit contre l’homme, tient-
elle à préciser plus d’une fois, mais la vérité
fait que la femme a été longtemps opprimée,
détruite dans son corps et dans son âme». Loin
de l’image d’une femme victime, d’une pièce
où règnerait le pathos de la condition fémi-
78
nine, Absence évoque «l’univers féminin qu’on
a envie de guérir comme si on caressait cette
douleur féminine».
Absence, c’est la rencontre de quatre femmes
dans un espace minimaliste, avec comme seul
décor, une montagne de sable pour évoquer
les origines de la terre, la terre nourricière, le
ventre-mère. «C’est un cercle de guérison de
femmes, un hymne d’amour entre des femmes
dont la condition même de femme n’a pas été
facile à vivre». Il y a la figure maternelle; il y
a la femme complètement détruite, aux mou-
vements difformes; il y a la jeune fille enceinte
hors mariage, qui porte inconsciemment en
elle l’histoire du crime d’honneur; celle qui
flotte dans son corps car le féminin n’a pas
été transmis. «Elles viennent ici pour raconter
leurs histoires, celles de femmes vraies, et la
fiction de La veuve Aphrodisia de Marguerite
Yourcenar. Elles viennent ici vivre une expé-
rience, se remettre debout et repartir».
 PAR NAYLA RACHED

UN HYMNE D’AMOUR. Planchant sur sa création

depuis septembre 2018, les sources d’inspira-
tion de Lara Kanso sont multiples, issues de
son vécu, de ses lectures, de ses recherches, de
ses terreurs, de sa sensibilité. «A l’origine, dit-
elle, il y a une grande réflexion sur toutes les
mamans dont nous sommes nés et qui ont vécu
presque sans corps et sans désir». Il y a aussi
son travail dans des centres d’accueil ano-
nymes au Liban, auprès d’adolescentes violen-
tées par leur père, leur mari ou des étrangers.
«Ces centres sont comme des prisons où les
femmes sont enfermées: enfermement dans
l’espace et dans le corps», ajoute Lara Kanso.
Au-delà de ces deux éléments, il y a également
la lecture d’ouvrages qui l’ont marquée, bou-
leversée, terrorisée. A l’instar d’Invention de
l’hystérie, de Georges Didi-Huberman, où elle
découvre qu’au XIXe siècle, un hôpital à la Sal-
pétrière a accueilli 4 000 femmes taxées d’hys-
térie, un label sous lequel était placées toutes
formes de maladies et de malaises, de la dé-
pression en passant par l’épilepsie ou la crise
pré-menstrues… Un autre ouvrage théorique
a également inspiré la pièce: Les Femmes qui
courent avec les loups de Pinkola Estès, «psy-
chanalyste espagnole qui a rassemblé dans son
ouvrage tous les contes qui rappelle la femme
sauvage qu’il y a dans chaque femme, explique
Lara Kanso. Cette partie en nous que la société
moderne essaie de massacrer et à laquelle il
faut se reconnecter pour pouvoir retrouver ce
que chacune de nous a de singulier mais aus-
si de commun à toutes: cette force créatrice,
cette force de renouvellement, de renaissance,
de résurrection».
Absence est aussi une plongée dans la poétique
de trois livres littéraires: La Femme lapidée de
Freidoune Sahebjam, Le suicide et le chant de
Sayd Bahodine Majrouh, qui a collecté dans
les villages afghans des poèmes érotiques de
femmes illettrées, et La veuve Aphrodisia de création puise à la fois dans le personnel et
Marguerite Yourcenar. «La veuve Aphrodisia, l’universel, dans l’intime et le collectif, et tonne
s’enthousiasme Lara Kanso, c’est un peu toutes comme «cet hymne d’amour que chantent les
les grandes femmes tragiques qu’on a connu, femmes entre elles, pour pouvoir continuer,
PHOTOS: TONY ELIYEH - NELLY HAYEK.

Phèdre, Antigone, Médée… Elle est l’incarna-
tion du mal par excellence, celle qui porte tous
les péchés de toutes les autres femmes, celle
qui prend sa revanche et la revanche de toutes
les autres femmes qui ont du mal à exister, et
qu’on aime et qu’on chérit».
Histoire de corps et de désir, Absence est in-
terprétée par Dana Mikhayel, Nowar Yusuf,
Stéphanie Kayal et Marie-Thérèse Ghosn. La
malgré toute la mémoire collective de ces dou-
leurs des femmes dont on entend les cris». Et
les questionnements sont appelés à se succé-
der autour du rapport au corps, à la femme, à
la maternité, à la collectivité, à la transmission
du féminin en Orient… ●
Billets en vente dans toutes les branches de la
librairie Antoine.

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 79

 CINÉMA
WARDI (THE TOWER)
LA TRAGÉDIE DES PALESTINIENS
DANS LE REGARD D’UN NORVÉGIEN
Dans son film d’animation Wardi (The Tower), qui sera projeté lors du Metropolis
Youth Film Festival le 13 avril, le réalisateur norvégien Mats Grorud raconte la tragé-
die des réfugiés palestiniens au Liban à travers le regard d’une petite-fille de 11 ans,
dans le camp de Bourj el-Barajneh.
TRANSMISSION
Wardi relate
l’histoire d’une
souffrance, mais
aussi la transmis-
sion de l’histoire
d’un peuple.
P
our son premier long-métrage, le
réalisateur norvégien, Mats Grorud,
a choisi de parler d’un sujet qui lui
tient à cœur, celui des réfugiés pa-
lestiniens. Cette tragédie, il y a été
sensibilisé très jeune, quand sa mère infir-
mière officiait au sein de la NORWAC, une
organisation norvégienne d’aide médicale. Au
milieu des années 80, elle se rend régulière-
ment au Liban et en ramène des photos, des
histoires qu’elle transmet à ses enfants restés
en Norvège. «Quand elle revenait à la maison,
nous découvrions des images du Liban. Des
enfants de notre âge qui grandissaient dans
des conditions très différentes des nôtres, dans
la guerre. J’avais 8 ou 10 ans, ces expériences
SENSIBILISÉ
Mats Grorud signe un film sont restées gravées», se souvient Mats Gro-
profondément engagé, rud. 1989, la famille s’envole pour Le Caire,
mais aussi universel, sur se rend aussi à Jérusalem et Rafah. «C’était la
la condition de réfugié. fin de la première Intifada, et les enfants nous
faisaient le signe V de la victoire à chaque coin
de rue. J’avais 12 ans, c’était très formateur
aussi, je suppose, pour ma «connexion» avec
le Moyen-Orient.»
Mats Grorud se rend finalement au Liban en
1995, puis en 2001, où il s’engage comme
80
volontaire dans le camp de Bourj el-Bara-
jneh à Beyrouth. Il y passe un an, enseigne
aux enfants, lie de belles amitiés. Surtout, il
découvre le quotidien douloureux d’un peuple
que l’Histoire n’a pas épargné. «Ce qui m’a
frappé à l’époque, c’est l’honneur des gens et
leur respect d’eux-mêmes. Aussi, de voir com-
ment mes amis parvenaient à plaisanter à pro-
pos d’événements tragiques. Vous ressentez un
aperçu de ce qu’ils vivent, la véritable tragédie
de 71 ans passés dans des conditions inhu-
maines et la frustration de ne pas être autorisé
à sortir de cette condition surréaliste et éter-
nelle de refugié», confie Mats Grorud.
UNE HISTOIRE DOULOUREUSE. C’est après ce
séjour qu’il décide de consacrer un film à
l’histoire des réfugiés palestiniens. Un sujet
complexe à évoquer, que Mats Grorud choisit
de transposer en film d’animation. Ainsi naît
Wardi, l’histoire d’une brillante écolière de 11
ans habitant le camp de Bourj el-Barajneh, et
très attachée à son arrière-grand-père Sidi, ex-
pulsé de sa Galilée natale avec ses parents, lors
de l’annexion de terres en vue de la création
d’Israël, en 1948. En fin de vie, le vieillard lui
confie la clé de sa maison en Palestine, qu’il n’a
plus jamais revue. Wardi, anéantie, interprète
cette transmission comme un renoncement
au retour. Elle part alors en quête d’un nou-
vel espoir pour son arrière-grand-père et rend
visite, successivement, à plusieurs membres de
sa famille. Grâce à leurs récits, elle découvre
l’histoire douloureuse de son peuple et de son
pays d’origine. Celle de sa sœur Yassar, prête
à émigrer en Suède pour un mariage sans
amour, afin de fuir son non-avenir. De sa tante
Hanane, qui lui confie ses souvenirs dans les

abris, durant la guerre civile libanaise. Celle de
son grand-père Loutfi, ex-combattant de l’OLP
plein de désillusions. Ou encore celle de son
oncle, surnommé Pigeon Boy, qui s’est retran-
cher au sommet de sa tour en compagnie des
oiseaux plutôt que de côtoyer ses congénères,
traumatisé par une jeunesse guerrière.
Réalisé conjointement en stop-motion et en
dessin animé, Wardi ambitionne de permettre
au public «de s’identifier aux personnages,
de manière à ce qu’ils voient en Wardi leur
propre sœur ou leur propre fille, et perçoivent
les autres personnages du film comme des
membres de leur famille. Briser les stéréotypes
et raconter une autre histoire qui me semblait
plus vraie», explique Mats Grorud.
RECONNAÎTRE LA TRAGÉDIE. Poétique, émou-
vant, parfois drôle, le film de Mats Grorud
réussit la prouesse de restituer, sans pathos
inutile, la tragédie humaine vécue par des
milliers de Palestiniens dans les camps. Pour
coller au plus près de leur réalité, il s’est basé
sur des interviews recueillies auprès des habi-
tants de Bourj el-Barajneh ou des discussions à
bâtons rompus avec ses amis.
Avec ce film, Mats Grorud espère offrir une
«reconnaissance de ce que les habitants des
camps ont enduré ces 71 dernières années.
La reconnaissance d’une situation qu’ils n’ont
pas choisie et qui leur a été imposée: quitter la
Palestine. Ils se sentent oubliés et le monde a
oublié leurs droits – celui de vivre maintenant
– et leur droit au retour».
Revenant sur la controverse créée par le pré-
sident Emmanuel Macron en mettant sur un
même pied d’égalité antisionisme et antisé-
mitisme, Mats Grorud estime ces déclarations
«surréalistes». «Si je critique l’occupation et
l’armée israélienne qui tire sur de jeunes en-
fants qui manifestent pour le droit du retour
— accordé par l’ONU — suis-je antisémite?
Depuis 1948, quatre générations ont été
contraintes de vivre dans les camps. Les Na-
tions unies leur accordent le droit de retour-
ner chez elles et dans leurs villages. Dans mon
film, j’ai choisi de me concentrer sur l’aspect
humain. Vous n’avez pas besoin d’être un
expert du Moyen-Orient ou de l’Histoire pour
prendre position contre l’injustice. Qui admet-
trait aujourd’hui de ne pas avoir d’opinion sur
l’apartheid en Afrique du sud, sur la colonisa-
tion de l’Afrique, le traitement des Noirs en
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
PAR JENNY SALEH
▼ «LES PALESTINIENS SE SENTENT OUBLIÉS
ET LE MONDE A OUBLIÉ LEURS DROITS»
YOUTH FILM
FESTIVAL
Le programme
du festival qui se
déroule du 11 au 14
avril est disponible
sur: www.metropo-
liscinema.net
Amérique?», s’insurge le réalisateur.
Le film écorche aussi, au travers d’une scène,
l’attitude de certains Libanais envers les Pa-
lestiniens. «J’ai essayé de montrer certains
sentiments perçus chez les réfugiés vis-à-vis
du Liban et d’expliquer pourquoi la nécessité
de retourner en Palestine était aussi liée au
traitement sévère auquel ils étaient confron-
tés au Liban», justifie Mats Grorud. «Cela dit,
nous aurions pu tourner plusieurs films sur la
manière dont le Liban a également accepté les
réfugiés palestiniens après 1948, une commu-
nauté qui représentait alors 10% de la popu-
lation. Peu de pays européens auraient fait de
même», poursuit-il.
Après la projection au Metropolis Youth Film
Festival qui se tiendra du 11 au 14 avril, Mats
Grorud espère montrer Wardi dans les camps.
Son film a déjà été présenté au Festival du film
indépendant de Haïfa en mars. «J’aimerais que
les gens en Israël voient le film, pour qu’ils réa-
PHOTOS:DR - JOUR2FÊTE.
lisent où vivent les gens à qui appartiennent
les maisons dans lesquelles ils habitent, parfois
à quelques heures seulement un peu plus au
nord, coincés dans des camps de misère. Mais
je ne montrerai pas le film dans le cadre d’un
festival ou d’un lieu géré par l’Etat israélien». ●
81
EXPOSITION

VIANNEY LE CAER.

C’EST BEYROUTH
REGARDS CROISÉS
SUR LA VILLE
Depuis le 28 mars et jusqu’au 28 juillet, l’Institut des
cultures d’islam à Paris accueille l’exposition de pho-
tographies C’est Beyrouth. Seize artistes saisissent
les multiples facettes de la ville et de ses habitants. Le
PATRICK BAZ. curateur, Sabyl Ghoussoub, nous en parle. PAR NAYLA RACHED

«C’
est Beyrouth», une
expression qui en
France, était souvent
utilisé, dans la vie ou
dans les films, pour
«évoquer une situation de guerre et de chaos»,
comme le rappelle le commissaire de l’exposi-
tion Sabyl Ghoussoub qui est né et a grandi en
France. Alors «pour prendre le contre-pied de
cette expression et briser tous les clichés qu’il y
avait sur Beyrouth», c’est cette expression qu’il
a choisi comme intitulé à son exposition.
Celle-ci s’élance avec la guerre de 2006 comme
point de départ. Un parti pris curatorial, «pour
plusieurs raisons», explique Sabyl Ghoussoub.
«Voulant raconter un Beyrouth contemporain,
je trouvais que durant ces dernières années,
2006 constituait une sorte de point d’arrêt à
l’espoir qu’il y a eu au Liban après le départ
de l’armée syrienne: à un moment, malgré
les attentats qui avaient lieu, on pensait que
quelque chose allait se reconstruire. Pour toute
une génération de jeunes Libanais dont je fais
partie, c’était notre première guerre que nous
vivions adultes. Il y avait dans cette guerre
quelque chose qui se brisait à nouveau, et
qui remettait Beyrouth dans une autre atmos-
phère que celle que nous avions eu pendant
les années de reconstruction d’après-guerre».
Mais après, précise Sabyl Ghossoub, «on ne
parle plus de la guerre pour s’intéresser aux an-
nées qui ont suivi», années qui ne connaissent
ni la guerre ni la paix.
Une fois que son projet d’exposition a été ac-

82

FOUAD ELKOURY.
cepté par l’Institut des cultures d’islam, Sabyl
Ghoussoub se met à travailler, comme dans un
dialogue à deux voix, avec la directrice artis-
tique, Bérénice Saliou, pour dégager les thé-
matiques et rassembler les projets. Les œuvres
de 16 artistes, photographes et vidéastes, ont
ainsi été sélectionnées d’abord en fonction
d’un choix esthétique, ensuite en fonction du
propos de ces œuvres, enfin en fonction de
la variété du regard. «Dès le départ, il y avait
une volonté de montrer Beyrouth sous dif-
férentes facettes, explique Sabyl Ghossoub.
Je ne voulais pas qu’il y ait uniquement des
photographes libanais, ni de jeunes photo-
graphes, mais différents regards: autant de
regards libanais, de la jeune génération que
de la plus ancienne qui a vécu la guerre civile,
que de regards étrangers, également de diffé-
rentes générations». Les 16 artistes sélection-
nés sont: Mohamad Abdouni, Hassan Ammar,
Ziad Antar, Patrick Baz, Myriam Boulos, Roy
Dib, Christophe Donner, Fouad Elkoury, Sirine
Fattouh, Cha Gonzales, Khalil Joreige et Joan-
na Hadjithomas, Dalia Khamissy, Vianney Le
Caer, Randa Mirza et Nathalie Naccache.
L’INDIVIDU AU CENTRE. C’est Beyrouth se décline
en plusieurs thématiques qui ne sont pas
figées, chacune se retrouvant dans l’autre: le
spectre de la guerre, une ville multiconfession-
nelle, le corps comme marqueur identitaire,
des communautés à la marge, et migration
et exil. «C’est toujours l’individu qui est au
centre de l’œuvre et du sujet, une manière
de raconter Beyrouth autrement, à travers
ses habitants». Plongée dans les images, la
forte présence du corps vous saisit d’emblée,
comme une évidence aux contours flous au
premier abord. Une sensation qui a même
empoigné Sabyl Ghoussoub, comme il le dit,
alors qu’il agençait encore son exposition, qu’il
mettait les projets les uns à côté des autres:
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
MOHAMMAD ABDOUNI.
MYRIAM BOULOS.
cette «énorme présence du corps, comment les
corps se touchent, comment ils sont, comment
on représente son corps dans la société au
Liban, comment le paraître est essentiel quels
que soient la communauté, l’individu, la reli-
gion ou le milieu social».
Le corps est ainsi omniprésent et révélateur,
que ce soit chez Patrick Baz qui expose des
photos de son ouvrage Chrétiens du Liban,
chez Hassan Ammar qui s’interroge sur les
tatouages chiites, chez Vianney Le Caer qui
suit les bronzeurs de la Corniche, chez Dalia
Khamissy qui documente la vie des réfugiés
syriens et palestiniens, ou encore chez Moha-
mad Abdouni qui saisit l’intimité d’une mère et
de son fils transgenre…
D’évidence en évidence, en préparant son
exposition, un constat s’est imposé à Sabyl
Ghoussoun, comme une révélation. «En re-
gardant cette exposition, explique-t-il, je me
suis rendu compte qu’un des problèmes es-
sentiels au Liban, c’est que tout le monde se
sent minoritaire, comme si plein de minorités
vivaient les unes à côté des autres. En mettant
ensemble tous ces projets, quelque chose de
magique s’est créé: tout le monde a peur, tous
réagissent comme s’ils allaient disparaitre. On
PHOTOS: DR
comprend pas mal de choses après, bizarre-
ment, sur Beyrouth à travers les images des
photographes». ●
83
EXPOSITION

MOHAMMAD EL-RAWAS
RECENT WORKS

Galerie Saleh Barakat

JUSQU’AU 27 AVRIL

L’ exposition présentée par l’élégante galerie de

Clémenceau est celle d’un artiste libanais né en 1951,
maintes fois exposé dans le monde et récompensé
pour son travail. Son travail récent est parachevé par
l’exposition de sa gigantesque toile Train II, peinte quarante
ans après sa prédécesseure Train I tout aussi monumentale.
El-Rawas surprend par le style unique de ses peintures.
Mêlant cubisme et expressionisme, peinture classique
européenne du XVIème siècle et graphismes de comics, il est
facile d’être submergé par tout le contenu d’une toile. Les
traits des personnages peuvent être extrêmement réalistes,
aux côtés d’une ébauche de corps à peine dessinée sur
fond d’un paysage très abstrait. Le jeu des couleurs et des
formes est très impressionnant: toute la toile est parcourue
de fils et de lignes qui s’entremêlent et se rejoignent, de
couleurs qui font vivre la scène. Tout fait partie de l’intrigue
de l’œuvre. El-Rawas amène par ce mélange incroyable de
styles et de couleurs une réflexion sur l’influence du passé
sur le présent, notamment dans l’art. Comme il le dit lui-
même, le défi était de faire cohabiter les deux au sein d’une
même toile. Même si cette exposition mérite d’en parler
encore longtemps, le mieux est encore d’aller la voir. ●

84
 PAR MAELYS DE LA RUELLE

AGENDA
… AU 26 AVRIL
THE THOUSAND AND ONE
NIGHTS – EXPOSITION
COLLECTIVE
Artual gallery.

… AU 7 AVRIL
SERGE BRUNST: BEYKOZ
Galerie SA Saifi Village.

… AU 26 AVRIL
LAURE GHORAYEB ET MAZEN
KERBAJ: CORRESPONDANCE(S)
Musée Sursock.

… AU 28 AVRIL
IRVING PENN : UNTROUBLED
Centre Mina Image.

DINAH DIWAN
WANDERING CITY

Galerie Janine Rubeiz

JUSQU’AU 4 MAI

Le nom de l’exposition correspond parfaitement au message de

l’artiste. Dinah Diwan a quitté le Liban en 1975 pour l’Italie, puis
la France où elle obtient un diplôme d’architecture. Elle vit entre
Paris et Los Angeles, sans cesse en train de se perdre entre deux
villes. Ses travaux sont très variés: collages, dessins, peintures,
céramique. Ils représentent un dualisme entre passé et présent, entre
ses voyages d’aujourd’hui et ses souvenirs d’enfance à Beyrouth.
Ses toiles témoignent toutes d’un amour inconditionnel pour les
promenades où l’on erre et on s’amuse à se perdre, empreint du
sentiment de liberté de découvrir sa propre ville. Ces représentations
montrent aussi un Beyrouth moderne, symbolisant une narration
continue dans le temps qui ne se limite pas à l’enfance. L’influence
de son métier d’architecte se ressent avec force dans ses travaux.
Les maisons, les quartiers et les jardins vivant dans ses souvenirs
prennent vie sur la toile avec une esthétique détaillée et une valeur
sentimentale. Malgré la différence de lieu, toutes ses peintures ont
en commun la géographie, le chaos de la ville, la texture, la mer
et la lumière. Un voyage apaisant à découvrir, entre nostalgie de
l’immuable et découverte de l’inconnu. ●

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL

CULTURE
JOSEPH SASSINE
DE LA RÉCUP’ À L’ŒUVRE D’ART
Joseph Sassine, le président de la Banque de l’habitat a un talent caché du grand
public. Il rassemble des matériaux chinés dans son espace proche depuis des années,
pour les transformer, couche après couche, en œuvres d’art. PAR MICHELINE ABUKHATER
OCRE ET OR
Plus abstraites, ses
œuvres récentes se
parent de multiples
influences.
R
ien ne se perd, tout se transforme.
Avec Joseph Sassine, tout y passe: des
canettes de soda aux bouteilles d’al-
cool en verre coloré, de vieux circuits
électroniques, de la pierre et de la ferraille,
jusqu’aux bandelettes de cuivre pulvérisées
avec de la peinture d’or. Il a l’art de transfor-
mer le sable en or comme sa mère le lui répé-
tait tout jeune. Ses œuvres ont été exposées
pour la première fois au musée Sursock, il y a
quelques mois, attirant Libanais et étrangers.
On est curieusement touché quand on dé-
couvre ces œuvres. Si de telles créations sus-
citent une grande curiosité intellectuelle, c’est
la sensibilité de l’observateur qui est prise dans
un étau au début. Le mélange des couleurs,
des formes et des matières nous relie curieuse-
ment à un inconscient collectif oublié.
LA LUMIÈRE AVANT TOUT. Avec sa création d’un
nouveau medium, une matière vitreuse, mé-
86
lange de porcelaine et de verre capable de
refléter la lumière sous tous ses angles, Joseph
Sassine propose un langage pictural original
sur le plan du concept, de l’expression de la
technique et du matériau. Puisant son ins-
piration aux sources historiques du Proche-
Orient, l’artiste a structuré la morphologie de
ses œuvres en couches stratifiées et ornées
chacune de signes culturels et religieux des
siècles passés. Tout y est réfléchi et travaillé
avec soin, du thème au matériau. L’esthétique
et l’harmonie de l’œuvre comme Joseph Sas-
sine l’explique, sont agencées selon le nombre
d’or 1.618 (canons de la beauté mesurée). Car
la morphologie des œuvres ne doit rien au
hasard, il l’ordonne selon les règles strictes du
nombre d’or. D’autres sont restées dans l’ate-
lier. Chaque création correspond à une période
spécifique dans son cheminement, tantôt d’ins-
piration yéménite et arabe après un voyage
des années 80 dans la région, tantôt plus mé-
diterranéennes, avec des répliques d’icônes à
la façon byzantine assorties d’inscriptions du
Nouveau Testament en arabe… Les œuvres
plus récentes sont plus abstraites. Le panel de
couleurs rappelle des influences sumériennes,
égyptiennes, phéniciennes ou byzantines, dé-
clinées entre la couleur ocre et or.
Tout cela peut paraître assez étonnant quand
on sait que M. Sassine passe ses journées oc-
cupé à trouver des solutions de financement
d’achat immobilier aux familles de modestes
et moyens revenus. Le reste du temps, il le
consacre à son art. Tout est fait main et mai-
son, avec l’aide de la famille, qui l’aide, à la
montagne ou ailleurs, à dénicher ses matières
premières qu’il transformera patiemment,
comme cette poudre de verre bleu des bou-
PHOTOS: DR
teilles d’arak qui finira collée sur de petits
carreaux comme de la mosaïque, ou sur de
courtes bandelettes. ●
 MONTRE DU MOIS
HUBLOT LE ROUGE ORLINSKI COULE DANS
LES VEINES DE LA DERNIÈRE HUBLOT
R
ichard Orlinski, un des artistes
contemporains les plus vendus au
monde, imprime son style biseauté
et son rouge fascinant, couleur de
vie et de passion, sur la CLASSIC FUSION
AEROFUSION CHRONOGRAPH ORLINSKI
RED MAGIC, dernière-née de Hublot. A
l’instar de ses sculptures, cette œuvre d’art,
éditée à 200 exemplaires, affiche ses pliages
tridimensionnels brillants, avec un fini poli,
révélant arêtes et facettes. Quatre ans de
développement ont été nécessaires pour
aboutir à une innovation de matière et de
procédé de fabrication pour une céramique
plus dure que ses alter ego, formule secrète
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
protégée par plusieurs brevets.
C’est en février dernier, à l’hôtel Le Gray,
que David Tedeschi, Directeur régional de
Hublot pour l’Amérique latine, les Caraïbes et
la région Mena, et Mher Atamian, Directeur
général des Ets. H. Atamian, ont présenté la
nouvelle collection Hublot qui célèbre «l’art
de la fusion» dans les matériaux. Outre la
Classic Fusion Orlinski, la ligne englobe la
Spirit of Big Bang Yellow Sapphire, montre
énergisante, lumineuse et brillante, la Big
Bang Unico Paraíba 45mm et la Big Bang
Paraíba One-Click 39mm, en or blanc ou en
King Gold, ainsi que l’élégante Big Bang Unico
42mm, minimaliste et raffinée. ●
87
SANTÉ
DEUXIÈME CAS DE RÉMISSION
UN NOUVEL ESPOIR POUR
LES MALADES DU SIDA?
Un second cas de rémission d’un patient infecté par le VIH a été annoncé début mars
par la revue britannique Nature. Une nouvelle qui ouvre des perspectives pour la
recherche d’un traitement capable d’éradiquer enfin le virus du sida.
C
e second cas de rémission a été an-
noncé, le 5 mars dernier, par la re-
vue scientifique britannique Nature.
L’auteur de l’étude, le Pr Ravindra
Gupta, indique dans son article que
le virus est désormais «indétectable» dans
l’organisme du patient, malgré l’arrêt de son
traitement antirétroviral depuis 18 mois. Le
malade, traité par une greffe de moelle os-
seuse pour soigner un lymphome de Hodg-
kin à un stade avancé, ne présente plus de
charge virale. C’est en 2016 que ce patient,
dit «de Londres», bénéficie d’une greffe de cel-
lules souches de moelles osseuses de la part
88
d’un donneur porteur d’une mutation géné-
tique rare, delta-32. Or, les porteurs d’une
telle mutation ne possèdent pas de gène du
récepteur CCR5, auquel le VIH doit s’accro-
cher pour infecter une cellule, rendant im-
possible leur contamination par le virus. Les
médecins du patient de Londres ont indiqué
que «remplacer les cellules immunitaires du
patient par les cellules ne contenant pas ce
récepteur semble permettre d’empêcher le vi-
rus de se multiplier», expliquent les médecins
du patient de Londres. Bien évidem-
ment, en l’état, cette intervention n’est pas
généralisable à toutes les personnes
 PAR JENNY SALEH

infectées par le VIH, mais elle ouvre des pers-

pectives pour la recherche d’un traitement.

TRAITEMENT LOURD. Le premier cas de rémis-

sion a été constaté il y a douze ans, avec la
guérison inédite d’un patient infecté par le
virus du Sida. Timothy Brown, surnommé le
«patient de Berlin» avait été soigné pour une
leucémie. En 2007, cet Américain séropositif
de 40 ans vivant en Allemagne, avait été traité
pour une leucémie, un cancer du système im-
munitaire avec une chimiothérapie et une ra-
diothérapie. Deux traitements qui suppriment
entièrement les cellules immunitaires défail-
lantes. Une greffe de moelle osseuse lui avait
ensuite été administrée, afin de produire de
nouvelles cellules immunitaires saines. Préala-
blement à la greffe, les médecins demandent
à Timothy Brown d’interrompre la prise de
ses antirétroviraux pour le VIH, afin de ne pas
nuire à la réussite de l’opération. Stupeur chez
les médecins quand ils constatent, par la suite,
que le VIH est indétectable dans son sang.
Douze ans après, le patient de Berlin est 160 NOUVEAUX CAS AU LIBAN
toujours en rémission. Mais selon le portail Au Liban, selon des chiffres de 2018
VIH/Sida du Québec, «certains chercheurs (jusqu’en novembre), issus du Programme
ont cependant trouvé des traces d’ARN national de lutte contre le sida, 160 nou-
viral résiduel dans certains (de ses) tissus». veaux cas d’infections étaient enregistrés,
Timothy Brown est-il réellement guéri? La portant ainsi à 2 366 le nombre de cas
question reste entière. Le second cas de rémis- de malades dans le pays. Rappelons que
sion enregistré à Londres suscite en tout cas, le ministère de la Santé prend en charge
de nombreux espoirs. Si une thérapie par les complètement les traitements antirétrovi-
gènes s’avère a priori trop complexe pour raux destinés aux malades.
être applicable à tous les malades du sida,
en revanche, les perspectives d’aboutir à un
traitement visant à éradiquer cette maladie
sont réelles. test chez 393 adultes en bonne santé, séroné-
gatifs, âgés de 18 à 50 ans, en Afrique de l’est,
NOUVELLES PISTES. En effet, les deux cas de Ber- Afrique du sud, Thaïlande et aux Etats-Unis.
lin et de Londres ouvrent de nouvelles pistes Une réponse immunitaire « robuste » avait
de recherches autour du récepteur CCR5, qui alors été enregistrée.
s’ajoutent à d’autres déjà existantes. Un test de ce vaccin expérimental devait être
En juillet 2018, des chercheurs menés par le lancé sur 2 600 femmes en Afrique australe,
virologue Dan Barouch avaient annoncé avoir mais les premiers résultats ne sont pas atten-
suffisamment progressé sur l’hypothèse d’un dus avant 2021 ou 2022.
futur vaccin contre le VIH. Un vaccin expéri- Ces avancées font renaître l’espoir pour les
mental avait en effet provoqué une réaction quelques 37 millions de personnes vivant
immunitaire chez des sujets humains. Le Pr Ba- avec le VIH ou le sida, d’après les chiffres de
rouch avait estimé dans la revue scientifique, l’Organisation mondiale de la Santé, tandis
The Lancet, que «ces résultats représent(aient) qu’1,8 million de cas sont contractés chaque
une étape importante», même s’il était encore année. Parmi ces 37 millions de personnes vi-
tôt pour se réjouir. L’étude qu’il avait publié vant avec le VIH, seules 59% bénéficient d’un
en juillet dernier rapportait les résultats d’un traitement antirétroviral. ●

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 89

 CARNET MONDAIN

CHRISTINA LASSEN, FEDERICA AVEDIS GHIDANIAN, PAUL HAIKOSTIAN, MGR JOSEPH SPITERI,
MOGHERINI, SAAD HARIRI. JOSÉ MARIA FERRÉ DE LA PENA. AHMED ABOU ZAYAN.

Union européenne
FEDERICA MOGHERINI AU LIBAN
Dans le cadre de sa visite au Liban, la Haute représentante
de l’Union européenne à la Politique extérieure et sécuritaire,
Federica Mogherini, a entamé une série de visites qui l’ont
conduite à rencontrer les trois présidents Michel Aoun,
CHRISTINA LASSEN. Nabih Berry et Saad Hariri. L’occasion pour la diplomate
européenne de réaffirmer à maintes reprises la disposition
de l’Union «à coopérer avec le Liban sur le plan des réformes
et de l’économie, une priorité, à la suite des projets liés à SAAD HARIRI.
CEDRE». Des propos également tenus lors de l’inauguration
des nouveaux locaux de l’Union européenne à Zokak el-Blatt.
«Je salue la longue histoire d’amitié entre l’UE et le Liban,
BASSEM EL-CHAB, probablement le plus européen des pays arabes». Des propos
PAUL HAIKOSTIAN. affirmés en présence du Premier ministre Saad Hariri, de
la cheffe de la Délégation européenne au Liban, Christina XXXXX
Lassen, des nouveaux membres du gouvernement, des
députés, des ambassadeurs ainsi que d’un grand nombre de
représentants de la presse et des secteurs actifs de la société
libanaise. ● R.C.
FEDERICA MOGHERINI.

RAED KHOURY,
HENRI HÉLOU.

TOUFIC DBOUSSI, LES OFFICIELS ÉCOUTANT

AHMAD AMAREDDINE. LES DISCOURS.
CHARLES ARBID.
LENE LIND,
BRUNO FOUCHER..
PHOTOS: MILAD AYOUB

MASSIMO MAROTTI,
CHARLES ABOU ADAL, FARAH DAAGEH,
HUBERT COOREMAN.
ALAIN AOUN. RAZAN SALMAN.
IMRAN RIZA, YASSINE JABER, EDWARD WHITE,
RAGHIDA DERGHAM. CHRISTOPHER RAMPLING.

90 GISÈLE MAKARI,
RITA MAKHLÉ.
 JACQUELINE MAALOUF, FENZA TARABAY,
NAYLA ABBOUD, MAGIDA SAMARA.
MARGARITA MADRAZO, SADINE
SARADAY, MYRIAM GHOBRIL.
PATRICIA J. ÉLIAS, MARIA
RAIDI, ALINE FATTAL, MARIE RAIDI.
LES CHANTEURS DE LA
DEMEURE DES MUSES.
MARINA GORNISTOVA, NINA
MARKINA, MAYA MAFIR.
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL
MIRNA ET RAWAN
MARGARITA MADRAZO. KHALIFEH.
Association
LES ÉPOUSES DES DIPLOMATES
CÉLÈBRENT LA JOURNÉE DE LA FEMME
L’association des épouses des diplomates au Liban a
célébré la femme à l’occasion de sa Journée internationale.
Margarita Madrazo, présidente de l’association et épouse
de l’ambassadeur du Mexique, a loué «les réussites de la GHADA ALAMEH,
femme dans les domaines de la politique, de l’économie MAYA MANSOUR.
et de la société», déplorant cependant la violence exercée
contre la femme, notamment la privation de l’enseignement.
En présence d’invités du corps diplomatique, d’organisations
non-gouvernementales et de figures féminines libanaises et
internationales, l’association a fêté cette journée à l’hôtel Le
Gray le 7 mars dernier.
Dans une intervention, Patricia J. Elias, avocate et activiste
pour les droits de la femme, a donné des exemples vivants sur
l’injustice des lois civiles au Liban envers les femmes qu’elle a YOUMNA CHAMAA
invitées à militer pour un Liban plus juste. BOU HADIR.
L’association a attribué un prix spécial à Léa Baroud,
présidente de l’association Marsh. Des ONG principalement
actives dans l’autonomisation des femmes (palestiniennes,
libanaises et syriennes) ont promu leur travail et vendu leurs
articles.
Les chanteurs de la Demeure des Muses ont ravi les convives
en interprétant des chansons choisies spécialement pour
l’occasion, qui mettent en avant les femmes, comme la
chanson de Zaz, Je veux ou encore, This girl is on fire de
Alicia Keys. ● ANITA MARKINO,
LAURA FRANCO.
PHOTOS: H.J.
LATIFA NAKADI, ZEINA
ROLA ZAATAERI, SAHAR SRAJ, MONA RAMMAL, FENZA TARABAY,
MEKAOUI, MONA ZAATARI, JAMAL MANS REGINA FENIANOS.
91
 CARNET MONDAIN

JEAN-FRANÇOIS PARMENTIER, JOSEPH AWAD, SIMON

WALID SALAMEH. ZOGHEIB, LAMA MENASSA. HUBERT COOREMAN.

CHOCO STORY
DE BRUXELLES À BEYROUTH
Choco Story, un musée entièrement dédié au chocolat, a ouvert ses portes en décembre
2018 à Verdun. Le 7 mars 2019, Hubert Cooreman, ambassadeur de Belgique au Liban
et dans le cadre du mois de la Francophonie, y a reçu des invités de tous les secteurs
de la société libanaise qui partagent une même passion pour le chocolat de qualité.
Et il y en avait du bon chocolat… A voir, à sentir et bien sûr, à déguster.
Les effluves de cacao ont accompagné les invités durant toute la visite du musée
ZEINAB ET KARIM BOUDALI.
qui se déploie sur deux niveaux. Des ateliers ludiques dispensent des cours de know
how, ou comment les Mayas , puis les Aztèques, cultivaient le cacaoyer et comment
les fèves de cacao sont transformées en chocolat. Une plongée sensorielle dans un
univers absolument raffiné et gourmand qui constitue une découverte passionnante et
fabuleuse à travers le temps. ● R.C.

JOUMANA ABOU CHAAR, NADA

DERTOROSSIAN, MAGHRIBI COROME.

ELGA TRAD. MAYA DAOUD.

MARTHA SAMAHA, HUBERT COOREMAN,

ASSAD OBEID, WAFA HAMADÉ.
PHOTOS: M.A.

NADINE TALA KHANSA,

CHALHOUB. RANIA STEPHAN. SANDY JOCKO.

TIM PAUWELS,
KATHLEEN GEERHERTS.

BRIGITTE DOUEIHI, RANDA ASMAR,

KATIA BASSIL VICTOR ET LAURA MERCIA. AMALE HACHEM
92 CARLA MOAWAD,
NADA LAYLO.
MASSIMO MAROTTI ENTOURÉ PAR LES NANETTE ZIADÉ, SOSSI ZABLITH, DIANA YAGHI,
INVITÉS À LA DÉGUSTATION. JOHNNY MEDAWAR. JENNIFER HAGE.

Dégustation
DEUXIÈME ÉDITION DU ITALIAN WINE WORKSHOP
Dans le but de promouvoir les vins et spiritueux italiens, l’Agence italienne pour le
commerce, en collaboration avec l’ambassade d’Italie, a lancé la deuxième édition du
Italian Wine Workshop, qui s’est tenu le 28 février à l’hôtel Four Seasons. Les journalistes
ont pu assister à une séance de dégustation de vins menée par le sommelier et
œnologue italien Paolo Peira, présent au Liban pour cette occasion. Cette séance a
été suivie par une réception à laquelle était présent le très dynamique ambassadeur RABIH ABOU MJAHED,
Massimo Marotti. Notons que l’Italie est le deuxième fournisseur de vins du marché RAWAD MAKAREM.
libanais avec une part de 14,6% du marché, d’une valeur de 2 millions de dollars,
enregistrant une augmentation de 10% comparée à 2017. La consommation de vins
italiens a augmenté de 25% durant les 5 dernières années. ● JOËLLE SEIF

MADONNA NAHEED KHAWAJA,

HAKIM. CYNTHIA BUSTROS.

ROSETTE CHAMOUN,
AMIR BAROUDI, MIRIAM MAZBOUDI. BÉCHARA SALIBA.

ÉLIAS CHBEIR, LAMA YARED.

KEVIN HADDAD, BERNARD ABDELMASSIH,

ALIA KHEIR. VARIA DELLALIAN. RABIH NAHAS.

CARLA NAJJAR, FADI HADDAD,

CHRISTINE HAKIMÉ, ÉLIE MOUSSALEM.

CHARBEL FERSAN, ANTHONY ANDOMIAN,

LÉA BEIANO. LUCAS ET ELSA LAMAA. MARIO FARAH. REBECCA KMEID, TOUFIC 93
BOU FARAH, FADI ANID.
 CARNET MONDAIN

AMER KASSEM, DANA, TAMARA ET MARIE-NOËLLE RABBATH, MIRNA KHATER,

RAMI TABBARAH, NADIM KASSAR. LOUNA AYOUB, INGRID RAAD. SARAH TRAD.
Skoun
LES DONATEURS AU RENDEZ-VOUS
Le dîner de gala de collecte de fonds organisé par Skoun, a été
un grand succès, réunissant plus de 500 invités à l’occasion
d’une soirée au Old Chevrolet Showroom Building.
La collecte de fonds représente 35% du budget annuel
de Skoun, ce qui lui permet de maintenir ses centres de SUZANNE RAPHAEL,
traitement des problèmes d’addiction à la drogue et à l’alcool MONA SADDI.
MONA ET SAMI AZAR.
ainsi que ses programmes de prévention. Nadya Mikdashi,
directrice exécutive et cofondatrice de Skoun, a déclaré que
la générosité des donateurs a permis que l’année 2018 soit
animée et fructueuse. Sarah Trad, présidente et cofondatrice
de Skoun, a ajouté que le dîner de gala annuel était essentiel
dans la levée de fonds et la générosité des présents ne saurait
être surestimée. ● NADIA MEGHDACHI,
LINA CHAMAA.
SARA BEYDOUN, RANA MOUSSALEM,
SHERINE MAKTABI, MARIANA BASATNY.

MARINA KETTANEH, LISA

ABOU ADAL, MIA KHOURY. OMAR ET HALA JUHEIR.
AMENA CHOUCAIR.

KHALIL ET
MISOU KHARRAT.

DANIA GHANDOUR, CHARLES ABOU ADAL,

MYRIAM ESSEILY. DANA EL-KHAZEN. NAYLA SFEIR, JOE ESSEILY
PHOTOS: MILAD AYOUB

94 TAMARA ATTALAH, RANA MICHEL ET SARA TRABOULSI,

MOUSSALEM, SARA ET MAZEN HAKIM. MARIELLE MOAWAD. TANIA JREISSATI.
LINA HABRE, ROSY GERGES, NOUHAD MOUSSA, JOANNE SOUHAD NAKHAL,
SAMAR KHALIL ET RANA CHAAR. ABI RACHED, YVONNE YAMMINE. VÉRONIQUE CHAWICH.

Globalcom
LES MÈRES À L’HONNEUR
Toutes les mamans, futures mamans et femmes de Globalcom
(IDM, Cyberia, Cablevision, GDS, etc.) ont été mises à l’honneur
lors d’une réception qui s’est tenue à l’hôtel Phœnicia Beirut,
le 20 mars, pour célébrer la fête des mères et le mois de la
femme. Une atmosphère conviviale et chaleureuse a régné tout
au long d’une demie-journée durant laquelle des moments de
divertissement et de détente ont été partagés. ● SUZANNE ABOU FAYÇAL, ROSY
SARA SKAFF, MANAL TAKI. NEAIMEH, ROUBA ABOU ASSI.

LAMA YAMMOUT, TANIA AL-SAMOUR, SANDRA YEHIA, KAMAL MABROUK, SANAA DIB, ALINE BADR,
CHOGHER KOUNDAKJIAN. SARA NABOULSI, STÉPHANIE KASSIS. HIBA SALAHEDDINE, RITA HAGE. RANA ZAKHOUR.

RITA ISKANDAR, ALINE TAGHRID ZOUEINI, ANDREA HADDAD, NEVINE ZOUHEIRI,

KHOURY, MAGDA DOUAIHY. RIMA CHOUEIRI, ROLA ABDALLAH. NADA KARAM, CYNTHIA DAOU. CHRISTINA EPHREM.

CAROLINE CHALOUHI, AMIRA KHARSA, ZEINA CHRABI, LÉA HAJAL, MARGUERITE RIMA CHOUEIRI,
MICHELE ROMANOS. AMAL CHARTOUNI. KHATCHERIAN, MARIA CHAIBAN. ROLA ABDALLAH.
PHOTOS: M.A.

MANAL KHOURY, CAROLE NASSER, GISÈLE LAHOUD, RANIA CHAAR,

SAMAR BOU KHEIR. TANIA ESTEPHAN. TIA ASSAF, PASCALE TABET.

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 95

JEUX
MOTS FLÉCHÉS 1 2 3 4 5 6 7
Personnage principal du «Misanthrope» de Molière
▼ ▼ ▼ ▼ NOTATION
▼ ▼
MÈCHE FOLLE CHOQUÉES CAUSÉS
OCCUPÉ SOLDAT US MUSICALE
FATRAS
ENCENSEUR MOITIÉ DE LA SERVICE ÉTAT D’ESPRIT ÇA COULE DE
FEMELLE RÉFUTÉE SOURCE
IMPARFAIT
▼ ▼ ▼ ▼ ▼
▼

MÈRE DE MOT DIT À LA SENSIBILITÉ EN

2 MAIRIE

▼
▼

▼
MARCASSINS PHOTO

DÉPLACEMENT CHEF-LIEU DES ÉTOILE DE MER

AÉRIEN VOSGES
▼ ▼
▼

MATIÈRE DE D’UNE
▼

JARDINIER
NOUVELLE
QUI EN DIT MÉDIT LIGNÉE
▼ ▼
SPÉCIALITÉ DU
▼

▼
▼

VIETNAM TACHES D’ENCRE 6 À MOI

PAS PLUS QUE EXPLOITANTE UN ANONYME

▼ ▼
▼

L’ENSEMBLE

▼
▼

LESTE
STATION
PÂTISSERIE AU THERMALE
CHOCOLAT FRANÇAISE
MOLLUSQUE
▼ ▼
NARINES DE
▼

COMESTIBLE CÉTACÉS

APPEL SAUCISSON
▼
FAMEUX LAMBIN
▼

PERDRE DE SA

▼
▼

FRAÎCHEUR 1
CONTRE LA
INTITULER CIGARETTE
▼ ▼
PLATS EN
▼

DÉROULA
▼

COFFRET DE TERRE CUITE

RANGEMENT
TAMISÉES
ATTRAITS
▼ ▼
CACHÉ
▼

FILETS
ÉTUDIA DE MAIGRES
NOUVEAU
▼ ▼
REJOINT APRÈS BIS
▼

4
▼

DÉBUT CHAÎNE DE
D’ÉPITAPHE MONTAGNES
▼
▼

RÉUTILISATION
VERT
NŒUD COULANT

TRÈFLE OU
▼ ▼
7
▼

▼
▼

OSEILLE EN PASSANT PAR PEAUX ROUGES

DONNÉ DE IL ARROSE AUCH MOUVEMENT

L’AMPLEUR
▼ AMAS DE ▼
▼

GLACES
SINGE
D’AMÉRIQUE
SEPTIÈME
GRECQUE
ÉPOQUE DE ▼ LIEUX
▼
ÊTRE POUR TOI
▼

BAIGNADES D’EXPÉRIENCES 5
PRIX D’ACTEUR ARTICLE ÉTÉ GAI
▼ ▼
▼

LUXE
▼

TAPAGEUR

SUPPORT 3
D’ÉCRITURE SUR ABASOURDI
▼
▼

UN BUREAU

96
 SU DOKU
Grille n° 1 Grille n° 1
Grille n° 1 Grille n° 2

Grille n° 1 Grille n° 1
Grille n° 3 Grille n° 4

SOLUTIONS
MOTS FLÉCHÉS

LE MOT À TROUVER: ALCESTE

AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL 97

 LA PHOTOGRAPHIE, ENTRE ART ET BUSINESS
L
e Liban est un pays de photographes!
Une déclaration de Dimitri Beck,
dans son intervention en direct de
Beirut Art Fair, pour Polka magazine.
Récemment, un nouveau Centre pour l’image
a vu le jour à Beyrouth, deux ans après la
création d’un autre centre de photographie.
Aujourd’hui, une pléthore de maisons de
la photographie existe au pays du cèdre.
La première avait été la Fondation arabe
pour l’Image, créée en 1997, sept ans
après la fin de la guerre civile. Cette
fondation avait été conçue en 1993, dans
le contexte de la visite au Liban des membres
de la direction du musée de l’Élysée, venus
accompagner mon exposition Les Enfants la
guerre et mon premier ouvrage. Le but était
de mettre en place un espace pour exposer
et promouvoir cet art contemporain.
Au tout début de ma carrière dans ce
domaine en 1985, je connaissais quelques
photographes libanais, dont Anwar Amro
et Nabil Ismail. Plus tard, j’ai entendu
parler de Fouad El-Khoury par une amie
lors de ma dernière année d’études de
photographie d’art en 1988. Ma rencontre
avec Ramzi Haydar et Patrick Baz s’est
faite en 1996, après le massacre de Qana.
Plus tard, j’ai connu presque tous les
SAMER MOHDAD
Photographe, artiste visuel,
auteur de Voyage en pays
druze (éd. Erick Bonnier)
POINT FINAL
98
photographes libanais, notamment Roger
Moukarzel grâce à un projet collectif, la
Biennale Souar en 1999. Ce projet avait été
élaboré avec l’Agenda culturel, mais, faute
de moyens, il n’a jamais pu voir le jour.
Dans un article publié sur un site web dédié à
l’art contemporain en France, une journaliste
d’allure mai 68 s’étonne de l’envol des prix
des œuvres photographiques. A ses yeux,
des collectionneurs paient des fortunes
pour acquérir des tirages photographiques.
Actuellement, des tirages photographiques
se vendent à des millions de dollars.
Notamment, le prix record d’un tirage
du photographe allemand encore en vie
Andreas Gursky. Sa photo s’est vendue aux
enchères à plusieurs millions de dollars.
Mais rassurez-vous, le photographe n’a
pas touché cette somme colossale. L’argent
s’est retrouvé surtout dans les poches du
collectionneur qui a mis en vente cette
œuvre; il a dû payer des commissions
à la maison des ventes et aux autres
intermédiaires. Bien sûr, la côte de l’artiste
a été bien propulsée à la suite de cette vente.
Dans une interview, un grand curateur
international très influent, proche des
grands collectionneurs et consultants
auprès de la maison de vente aux enchères
responsable de ce prix record, nous
explique que cet artiste vend ses tirages
photographiques de très grand format à ce
prix exorbitant parce qu’il conçoit ses images
avec beaucoup de passion et d’attention aux
détails et parfois combine plusieurs images
et les produit avec beaucoup d’affection...
Nous ne pouvons que le féliciter de
nous expliquer le fonctionnement des
robinets d’eau froide et d’eau chaude.
Il poursuit en insistant sur le fait que ces
images exceptionnelles sont essentielles
pour l’existence des êtres humains!
Selon les connaisseurs des ventes
aux enchères, les transactions qui
s’effectuent à ce niveau représentent
PHOTOS:SAMER MOHDAD
souvent des combines spéculatives.
Au final, il nous faut rester zen et essayer
de garder au maximum d’intégrité. Cela
n’est vraiment pas simple à réaliser. Mais
la conviction est un trésor impérissable. ●
AVRIL 2019 MAGAZINE LE MENSUEL