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VENDREDI 27, SAMEDI 28 NOVEMBRE 2020 // SUPPLÉMENT GRATUIT AU NUMÉRO 23336 | ISSN 0.153.4831

Fuir Paris ?
Ou pas.

Illustration : Bruno Mangyoku pour « Les Echos »

ENQUÊTE TÉMOIGNAGES
Paris, pas si mal aimée Ils n’avaient pas anticipé les galères de la mobilité

DÉCRYPTAGE TENDANCES
Le marketing territorial drague les urbains L’exil parisien, nouveau business pour les start-up

INFOGRAPHIE DÉBAT
Le baromètre exclusif des villes les plus attractives La double vie capitale / campagne, fausse bonne idée ?
Notre supplément START reparaît aujourd’hui pour certains de nos lecteurs qui n’ont pu le recevoir lundi dernier avec le quotidien, en raison d’un problème d’imprimerie.
02 // START Les Echos Vendredi 27,Samedi 28 novembre 2020

Paris, tu l’aimes, ou tu
Camille Wong prise, dont le siège est à Paris. Il faut
dire que la région francilienne con-
Des rues désertes, centre à elle seule un tiers des nou-
des oiseaux qui velles créations d’emploi depuis dix
roucoulent,un ans, selon les chiffres compilés par
calme olym- Arthur Loyd et dévoilés en exclusi-
pien. C’était au vité par « Les Echos START ». Mais
printemps pour l’entrepreneuse, il n’y a pas de
2020. Une ville fatalité : après le confinement, elle
transfigurée, vidée de et 17 de ses salariés ont ouvert un
ses habitants, de ses travailleurs, et nouveau bureau à Aix-en-Pro-
de ses touristes. Quelque 450.000 vence.
résidents avaient pris la poudre « On assiste de plus en plus à une
d’escampette. Un Paris idéal, tacle- France à deux vitesses, entre Paris et
ront certains. Six mois plus tard, le reste, surtout dans la tech. Je suis
c’est la même rengaine, ou presque. convaincue qu’on peut agir pour réé-
Le 29 octobre, à la veille du reconfi- quilibrer la production d’emploi et de
nement, on relève 700 km de bou- richesse en France », assure l’entre-
chons, dans le sens des départs preneuse. Depuis, quatre nouvelles
mais aussi des retours – cette fois, recrues les ont rejoints dans les
les enfants n’échapperont pas à Bouches-du-Rhône. LiveMentor
l’école. Crise sanitaire oblige, est loin d’être un cas à part dans la
l’enfermement forcé met à nouveau ruée vers la région. D’autres socié-
les urbains devant l’évidence : des tés technologiques, souvent des
logements petits, sans espace vert, scale-up voire des licornes, s’y attel-
pour des prix souvent astronomi- lent depuis peu. Doctolib et Alan
ques. Pire, la capitale n’est jamais viennentainsides’implanteràNan-
apparue aussi anxiogène – voire tes, ManoMano à Bordeaux.
dangereuse – dans les esprits.
La ville, jusque-là perçue comme The « great migration »
un paradis médical avec la La Ville Lumière n’est pas la seule à
meilleure offre de spécialistes qu’il perdre de son éclat. Le « Washing-
soit (a contrario du désert médical ton Post » décrivait dès fin mars
des campagnes), devient une pesti- « The Great American Migration of
férée. La distanciation sociale 2020 » qui a affecté les grandes
paraît impossible dans une capitale métropoles outre-Atlantique au
qui compte plus de 20.000 habi- profit des villes moyennes. Alors
tants au kilomètre carré. qu’un tiers des salariés américains
Avec des alertes rouges successi- travaillent désormais totalement à
ves, le masque obligatoire, les res- distance, selon l’institut Gallup, on
trictions de circulation, une vie cul- voit se développer à une ou deux
turelle et sociale au point mort – heures de la grande métropole des
atout majeur de la grande ville – la « zoom towns », du nom de la plate-
perspective d’un retour à la vie forme de visioconférence qui a
« normale » s’éloigne pour les Pari- connu un bond de 1.135 % de ses uti-
siens. Même chez les avocats les lisateurs entre février et mai.
plus chevronnés de la capitale, le Le constat du ras-le-bol de la
doutes’installe,l’attachementàleur grande métropole n’est cependant
ville est mis à rude épreuve. pas nouveau. Pour Bruno Marzloff,
sociologue et président de la Fabri-
Le télétravail, que des Mobilités, « il y a eu ces der-
la nouvelle donne nières années une montée des “trop” :
Il faut dire que le travail à distance trop de bruit, trop de pollution, trop
expérimentéparquelque5millions de voitures, trop de bouchons, trop
d’actifs durant le premier confine- d’accidents, trop de métros bondés ;
ment a nourri ou fait naître des bref trop de temps perdu, de perte de Entre 2012 et 2017, la capitale a perdu 11.000 habitants chaque année, alors qu’elle en gagnait presque 10.000 en
rêvesd’évasion.« Jemesuisditqueje productivité,etau plan personnel,du représentent 63 % de ces arrivants. Et c’est à l’âge de 27 ans, selon l’Insee, que la région devient déficitaire, avec
n’allais jamais retrouver ma vie pari- stress, des dissensions familiales, des
sienne avec le Covid, je préfère être burn-out. Cette masse de rejets
près des miens à Lyon », témoigne
Léa Seppi, community manager
résonne beaucoup avec des exigences
croissantes en matière de santé et de
ENQUÊTE « Gilets jaunes », pour s’évader vers l’océan ou la
montagne. Surtout, la petite famille
chez D-AIM,une société spécialisée nature, et se conclut par un désir de grèves, confinement, jouitdésormaisd’un110m²aucœur
dans le ciblage marketing. quitter la ville ». de Bordeaux, deux fois plus grand
Dès le mois de juin, la jeune Résultat : entre 2012 et 2017, la reconfinement… Vivre à Paris qu’avant.
femmede26ansestretournéevivre
dans la capitale des Gaules, à cinq
capitale a perdu 11.000 habitants
chaque année, alors qu’elle en n’a jamais été aussi anxiogène. Del’avisdetouslesspécialistes,le
coût du logement est la principale
minutes de la gare, et a doublé la
superficie de son logement. Désor-
gagnait presque 10.000 entre 2007
et 2012. « Paris est une ville atypique.
Depuis plusieurs années raisonquipousselesfamillesàquit-
ter la capitale. Le mètre carré a été
mais, elle télétravaille et, avant le
reconfinement, venait deux jours
C’est le plus fort déficit migratoire
apparent de tous les départements
maintenant, les Parisiens multiplié par quatre ou cinq ces
vingt dernières années à Paris et sa
par semaine au bureau parisien. français.Desurcroît,lanatalitédimi- ont amorcé leur départ, et petite couronne. « La capitale a peu
« Le plus gros inconvénient finale- nue », détaille Mustapha Touahir, de marge de manœuvre en termes de
ment, c’est de me lever à 5 h 20 pour directeur adjoint de l’Insee Ile-de- les rêves d’exode se renforcent construction. Structurellement,
prendre le train de 6 h 04 », sourit-
elle. Un changement de vie à mar-
France. Et du côté des petits Pari-
siens, on compte 3.723 écoliers de à la faveur de la crise sanitaire. Paris ne peut que perdre des habi-
tants », explique Paul Lecroart,
che forcée, qu’elle était loin d’avoir
imaginé.
moins que l’année dernière dans les
écoles primaires publiques, soit
Pour autant, la Ville Lumière urbaniste à l’Institut Paris Région.
Et le haussmannien, aussi beau
« Quandcertainssalariésontémis
le souhait de partir en province, nous
une baisse de 3 % des effectifs. Une
courbedescendanteelle aussicons-
n’a pas dit son dernier mot. soit-il, ne suffit pas quand il est
capté par les bureaux. Mais là, qui
avons accepté plus de flexibilité afin tante depuis une décennie. sait, avec la montée du télétravail,
qu’ils puissent mettre en place cet S’il fallait résumer, on débarque à l’histoire peut s’écrire différem-
équilibre entre leur vie personnelle et Paris pour les études ou un premier ment de quartier) voire jette posé ses valises avec son compa- ment dans le futur. En revanche,
professionnelle », indique Marilyn travail, avant de vouloir prendre le l’éponge et change de région. gnon et leurs deux garçons, à Bor- selon l’urbaniste, difficile– mais pas
Courtois-Perin, son employeur. large, surtout lorsqu’on fonde une Celasignifie-t-ilqueleursparents deaux, la métropole qui fait le plus impossible – d’empêcher la finan-
Désormais, entre 15 et 20 % des famille. La population parisienne partent élever des moutons au rêver les Franciliens candidats au ciarisation de l’immobilier pari-
75 salariés du site parisien sont est en effet plutôt jeune, les milieu de nulle part ? Dans les faits, départ selon la dernière étude de sien, davantage perçu comme une
domiciliés hors de la région franci- 15-29 ans représentent 63 % de ces la mobilité s’effectue surtout vers la Cadremploi. « On voulait changer valeur d’investissement qu’une
lienne. « Il est néanmoins important arrivants. Et c’est à l’âge de 27 ans, région francilienne, en petite ou d’air et ne pas faire toute notre vie au valeur d’usage.
pour nous qu’ils reviennent réguliè- note l’Insee, que la région devient grande couronne. « L’image du cita- même endroit », témoigne-t-elle.
rement au bureau pour entretenir la déficitaire, avec plus de départs que din qui part s’installer à la campagne En attendant, il a fallu garder un Le poids du déséquilibre
culture d’entreprise », poursuit la d’arrivées. est une image d’Epinal, tranche le pied à Paris plutôt que de lâcher son logement/emploi
cheffe d’entreprise. statisticien de l’Insee. Les personnes job. Le deal ? Venir au bureau pari- L’explosion des logements Airbnb
Anaïs Prétot, la cofondatrice de L’exode urbain, sont tenues par leur travail. » sien trois jours toutes les deux dansl’hypercentredelacapitalequi
LiveMentor, une société spécialisée une image d’Epinal Et quand les fuyards débarquent semaines. C’est plus tard que la bas- concentrent le marché locatif en est
dans la formation des entrepre- La question des migrations tient en province, c’est généralement cule s’est faite, en réussissant à con- la meilleure preuve. La crise du
neurs, confirme : « Le confinement dans les tensions qui animent le pour retourner sur les terres de leur vaincre son employeur d’ouvrir un Covid-19 a néanmoins donné un
a été extraordinaire en ceci qu’il a triangle logement/travail/trans- enfance. Ils choisissent générale- bureau à Bordeaux, qu’elle dirige répit sur ce front à la Mairie de
accéléré les réflexions. Avant, il était port. Si l’une de ces variables subit ment de s’implanter dans une ville aujourd’hui, avec désormais Paris. Avec la disparition des touris-
impensable, par exemple, de faire des une trop forte pression (logement moyenne ou le plus souvent dans six employés à ses côtés. De son tes, les locations meublées ont fait
boards meeting en visioconférence tropcher,travailtropéloigné,trans- une grande métropole. C’est ce der- aveu, pas grand-chose de la capitale un boom de 66 % cette année, note
avec nos investisseurs. » La « régio- ports saturés), l’habitant ou le nier choix qu’a fait Marjorie Breille, ne lui manque, tant la belle endor- l’agence immobilière SeLoger. « On
nalisation » des emplois fait partie ménage passe à l’action (télétravail, en 2016. Cette directrice commer- mie offre tous les avantages de la a assisté à un phénomène de trans-
des objectifs portés par son entre- utilisation du deux-roues, change- ciale chez Gymglish, une start-up, a ville, avec en prime, une facilité ferts de biens Airbnb, pour une
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la quittes
Paris est-elle vraiment une ville si aux écologistes lors des dernières mieux », rappelle Michaël Knaute.
« invivable » ? D’aucuns pointent élections municipales, a notam- De quoi booster la motivation des
l’immobilier trop cher, les attentats, ment su capitaliser sur les jeunes Parisiens engagés, de plus en plus À PODCASTER
les grèves, les manifestations, pousses. Chez Paris & Co, agence nombreux, dans ce mouvement,
d’autres les nuisances sonores, un d’innovation de Paris et de la métro- notamment au travers des associa- Avec Ciao Paris,
sentiment d’insécurité ou encore, pole, on incube chaque année une tions de la capitale. Il existe entre la journaliste Valérie
une densité insupportable. Pour- centaine de start-up sur les sujets 70.000 et 80.000 associations acti- Bauhain accueille
tant, la ville innove et se transforme d’innovation urbaine. « De plus en ves à Paris, dont la moitié a moins des urbains un vendredi
peu à peu, en particulier avec le plus, nous travaillons sur les sujets de dix ans. Certaines œuvrent pour sur deux qui ont décidé
développement des mobilités dou- d’économie circulaire, de mobilités améliorer le paysage, recréer du ou qui s’apprêtent
ces et de la réorganisation de douces,dematériauxbas-carboneou lien social ou développer l’agricul- à quitter la capitale.
l’espace.Entrelesgrèvesetledécon- encore de tiers-lieux. L’idée est d’insé- ture. « Un matin, je ramassais des A travers l’expérience
finement, le vélo a battu des records rer une logique de ville durable dans haricots jaunes dans un jardin par- des autres (et les ratés !),
d’utilisation, aidé par la mise en les projets de ceux qui construisent la tagé. Un enfant m’a regardée et m’a ce podcast
placedes « corona-pistes », et le ser- ville », explique Michaël Knaute, le dit : “Je ne savais pas que les frites vous accompagne
vice Vélib qui a dépassé les 400.000 directeur Ville durable de Paris & poussaient comme cela”. Ce jour-là, dans votre projet d’exode
abonnés à la rentrée de septembre, Co. Aujourd’hui, 80 % des start-up j’aiprisconsciencequ’unegénération et explique les craintes,
soit une hausse de 60 % sur un an. A qui postulent chez Paris & Co ont n’avait jamais vu la nature et savait à les joies, et les espoirs
l’image des grandes villes du Nord un projet lié à la transition écologi- peine comment poussait notre nour- de chacun.
de l’Europe, la maire socialiste que,alorsqu’ellesn’étaientque40 % r i t u re » , s e s o u v i e n t Na d i n e
Anne Hidalgo, confortablement il y a cinq ans. Lahoud,lafondatricedeVeniVerdi,
réélue en juin, veut tordre le cou à la L’incubateur a vu naître les une association dédiée à l’agricul-
voitureenréduisantde50 %sespla- start-up anti-gaspillage à succès ture urbaine sociale et participa-
ces de stationnement, à la faveur Too Good To Go ou encore Phenix, tive, notamment dans les collèges.
des piétons, des cycles et des terras- qui ont d’abord expérimenté à Paris ment a été un « accélérateur » dans
ses de café. avant de se déployer en région. Les Apporter du rural les prises de conscience. Elle fait
« Onobserveaussiuneffetdegéné- jeunes pousses de Paris & Co s’atta- dans les villes désormais face à une « énorme
ration. Les plus jeunes sont moins quent à l’énergie, à la lutte contre la La végétalisation ou les fermes demande », et se développe sur la
attachés à l’automobile. Néanmoins, pollution, à la mobilité, à l’habitat, à urbaines sont des formes de rurali- formation professionnelle. Récem-
la ville reste organisée autour : on la logistique, au comportement res- sation de la ville, avec une volonté ment, Veni Verdi a organisé une
continue de construire des grandes ponsable, etc. « On observe une évo- decréerunmonderuralsansyaller. réunion d’information à Pôle
surfaces commerciales et des routes lution positive des mentalités indivi- « C’est s’inspirer des valeurs rurales emploi et s’attendait à recevoir une
en grande couronne, indique Paul duelles et du système de manière pour y trouver la qualité de vie que vingtaine de personnes. En deux
Lecroart de l’Institut Paris Région. générale, des réglementations ou des l’on y associe », analyse Paul-Ma- heures, elles étaient plus de 200 à
La voiture sera encore là demain. La stratégies des entreprises. Il y a une thieu Caitucoli, qui effectue une s’être inscrites, raconte la fonda-
question désormais c’est de trouver quinzaine d’années, les personnes thèse sur l’attractivité des territoi- trice. A Paris, il y a les amoureux de
un moyen pour privilégier les dépla- qui travaillaient sur le développe- res ruraux à Dauphine. la capitale, engagés pour œuvrer
cements qui ont un grand intérêt éco- m e n t d u ra b l e a va i e n t u n p e u Après plus de dix ans, l’associa- dans ses transformations. Et puis il
nomique et désinciter les autres usa- l’impression de prêcher dans le tion Veni Verdi salarie 18 person- y a les autres, qui, las d’attendre, ont
ges. » Le bilan des transports est désert, aujourd’hui c’est beaucoup nes. Pour sa fondatrice, le confine- déjà fait leurs cartons. n
pourtant en demi-teinte. Le trafic
automobile a reflué de 19 % au
cours du précédent mandat de
l’édile socialiste (et 52 % depuis
1992) mais Paris reste la ville la plus

À CHACUN
embouteillée de France, en raison
notamment des travaux.
Selon l’indice du Oliver Wyman
Forum réalisé avec l’université de

SON AMBITION,
Berkeley, Paris s’en tire à la 9e place
sur 50 villes étudiées et se démar-
que par la qualité de ses infrastruc-
tures et sur l’innovation. Mais elle

À CHACUN
pèche par « de mauvaises con-
nexions entre le cœur de ville et la
ntre 2007 et 2012. La population parisienne est plutôt jeune, les 15-29 ans périphérie, une gouvernance très

SON PARCOURS
c plus de départs que d’arrivées. @plainpicture/Marion Barat fragmentée entre le local, le régional
et le national, la pollution, et une ges-
tion du trafic déficiente dans sa capa-
reprise de location dans la longue cité à gérer les flux en temps réel », a
durée. Mais en face, le marché locatif expliqué Guillaume Thibaut, asso-
s’effondre aussi et la demande cié au bureau parisien, dans « Les Opter pour l’ISG après le bac, c’est décider de choisir l’un des programmes
peine », explique Séverine Amate,la Echos ». qui correspond le mieux à ses aspirations, à ses ambitions.
porte-parole du groupe. La réponse de la Mairie de Paris ? Et ce, dans une pluralité de villes pour la majorité d’entre eux.
MÉTRO - Du côté de l’achat, c’est un autre Développer la « ville du quart
BOULOT - bond qui se fait ressentir : 23 % des d’heure », théorisée par le profes-
DODO futurs acquéreurs franciliens seur franco-colombien Carlos 5 PROGRAMMES POST BAC ET 1 500 PLACES
recherchent un bien en province, Moreno.Asavoir :recréerdesservi-

15
alors qu’ils n’étaient que 14 % en ces de proximité, éviter les déplace-
février. « C’est historique, poursuit ments domicile-travail et l’encom- • Programme Grande École*
Séverine Amate. On note une forte brement des transports. Bref, la
appétence pour les villes moyennes et ville « où l’on trouve tout ce dont on a
minutes les régions proches comme la Nor- besoin à moins de 15 minutes de chez • Programme 3+2 Business & Management
C’est le temps qu’il faudra mandie ou la Bretagne pour permet- soi », arguait dans la dernière ligne
pour relier Olympiade et tre aux acquéreurs de garder un lien droite des élections municipales
l’aéroport d’Orly, grâce avec l’activité professionnelle. » Les Anne Hidalgo. • International Program BBA / MBA
au Grand Paris Express. millennials, eux, privilégient
Un projet de réseau encore l’Ile-de-France (87 %), mais Capitaliser sur les jeunes
de transport public de Paris apparaît toujours comme un pousses
• Programme Bachelor
quatre lignes de métro rêve inaccessible : seuls deux sur « On peut commander à manger à en Management International*
automatique autour de dix visent un achat intra-muros. n’importe quelle heure, faire nos
Paris, et de l’extension Reste que les confinements succes- courses le dimanche et jusqu’à tard,
de deux lignes sifs ont freiné ces projets, avec des on a accès aux aéroports internatio- • Programme ISG Luxury Management*
existantes. reports de démarche et de signa- naux, la culture ne s’arrête jamais et
ture. Une période qui, en somme, il y a toujours une activité de dernière

84
fige dans l’attentisme. minute que l’on peut faire ! », veut
Le déséquilibre logement/
emploi pousse les urbains vers la
sortie : la ville concentre la majorité
défendre Juliette, une jeune active à
Paris depuis deux ans, qui apprécie
aussi de se promener à la coulée
www.isg.fr
minutes
Soit 1 h 24. C’est la durée de ses bureaux à l’ouest de la capi- verte, une allée verdoyante de
moyenne quotidienne tale ou dans des ensembles comme 4,5 kilomètres dans le 12e arrondis-
la Défense, pauvres en habitations. sement. Car Paris a aussi pris des Dans 9 villes de France :
passée dans les
« A vouloir accaparer les emplois, à couleurs, vertes en l’occurrence. La Pour nous contacter : Paris • Lille • Nantes • Nice
transports par les actifs
les concentrer sans ménager les loge- Mairie, qui entend encore accélérer 01 56 26 26 26 Bordeaux • Toulouse
Franciliens pour les
ments afférents, on se condamne à sur l’écologie avec son second man- Montpellier • Lyon • Strasbourg
allers-retours sur leur lieu
de travail, selon une hypertrophier les transports dans dat, a planté quelque 20.000 arbres,
étude de l’Institut unecourseinflationnistestructurelle et ouvert aux Parisiens 30,3 ha
d’aménagement et où la croissance de la demande d’espace verts, comme le jardin
d’urbanisme d’Ile-de- appelle une augmentation infinie de Marielle-Franco dans le 10e, le parc *Les programmes Grande Ecole et Bachelor en Management International ne sont disponibles qu’à Paris. Le programme Luxury Management est
également disponible à Genève.Établissement d’enseignement supérieur privé. Cette école est membre de
France publiée en 2017. l’offre, avec l’issue évidente de ses Cesária-Evora dans le 19e, ou le jar-
impossibilités ; on se condamne din de l’impasse de la Chapelle dans
aussi à réduire la qualité de vie », le 18.ePour transformer la ville, la
tonnelesociologueBrunoMarzloff. maire reconduite, qui s’est alliée
04 // START Les Echos Vendredi 27,Samedi 28 novembre 2020

LA CHRONIQUE
par Bixente
Etcheçaharreta*

Osons le retour
dans nos
territoires !
« A nous deux Paris ! »,
la phrase du personnage de
Balzac, Eugène de Rastignac,
témoigne à elle seule de ce qui
a longtemps demeuré comme
une évidence : la capitale était
le lieu de tous les espoirs de
réussite, de dynamisme et
d’entreprises audacieuses.
Si la crise actuelle a dévoilé les
failles d’un système trop cen-
tralisé, elle a aussi été le révéla-
teur d’une autre réalité : nos
territoires regorgent de possi-
bilités. A nous, jeunes diplô-
més et actifs, de les saisir !
Depuis le mois de juin, une quarantaine de territoires se sont offert une campagne de publicité dans le métro parisien, selon les chiffres de Metrobus, responsable L’heure des territoires a sonné.
de la régie des transports de la RATP. Ici, une publicité de l’Indre à la station Richelieu-Drouot du métro de Paris. @MediaTransports Cette nouvelle étape révèle une
véritable envie d’entreprendre,
hors de l’écosystème parisien

Avis aux
Florent Vairet ont mis en place un dispositif ou des grandes métropoles,
d’accompagnement pour vous trop souvent synonymes d’uni-
Si vous êtes usager du métro pari- aider à vous installer. C’est le cas de formité et de standardisation
sien, impossible d’être passé à côté. Laval Agglomération ou Château- des compétences. La digitalisa-

Parisiens :
L’Oise, l’Orne, le Cher, la ville d’Alès, roux Métropole et son cursus pour tion des activités, le recours au
la Sarthe ont fait leur pub dans le nouvel arrivant. « Nous les aidons télétravail sont aujourd’hui les
métro de la capitale durant l’été. pourlarechercheimmobilière,lacrè- preuves que les territoires ont
Dernièrement, c’est la Mozelle qui che, l’école des enfants, ou un méde- leur rôle à jouer dans l’avenir
proposait de rembourser 100 euros cin », détaille Caroline Forestier, économique du pays.

les campagnes
aux Franciliens qui passeraient un coordinatrice de la prestation des Au-delà de ces invitations à un
week-end dans la région. L’agglo- nouveaux arrivants dans l’Indre. temps partagé entre capitale et
mération de La Roche-sur-Yon « Et surtout, nous avons un coach régions, les territoires sont
sort, elle, la carte du déménage- emploi pour accompagner les cadres aussi l’occasion de vivre une

vous attendent
ment en jouant sur le ras-le-bol : en mobilité ou en recherche carrière professionnelle exi-
« Manque de place, besoin d’emploi. » geante et exaltante. Ils regor-
d’espace ! » ou encore « Marre de La vie sociale n’est pas non plus gent d’opportunités et sont
béton, soif de nouveaux horizons ! » laissée de côté. Hors pandémie, des souvent les creusets d’une
Depuis le mois de juin, une quaran- soirées rassemblent les nouveaux culture entrepreneuriale
taine de territoires se sont payé une venus tous les deux mois. « Nous ancienne et féconde : PME
campagne de publicité dans le leur faisons découvrir un lieu, puis il familiales côtoient laboratoires
métro parisien, selon les chiffres de DÉCRYPTAGE Le confinement a fait naître des y a un cocktail. Ils se créent ainsi leur de recherche, incubateurs et
Metrobus, responsable de la régie réseau local » , ajoute-t-elle. Le nom- pépinières locales.
des transports de la RATP. envies d’ailleurs. Les collectivités locales l’ont bien bre de personnes accompagnées a
Ce phénomène est la dernière été multiplié par trois depuis 2012. « Tout renouveau est
manifestation du boom du marke- compris : elles rivalisent de marketing pour attirer En 2020, la tendance est même à la avant tout un retour
aux sources »
ting territorial. Cette expression
barbare ne vous dit peut-être rien
les nouveaux actifs en mal de verdure. hausse.
Pourtant, le retour en région
mais sachez que les collectivités « Un monde urbain peut encore susciter certaines
locales utilisent désormais les d’un château ou une randonnée séduction, tout nouvel habitant Marseille et Rennes, assure que les aliénant » versus « un appréhensions ou questionne-
mêmes stratégies que L’Oréal ou incroyable dans leur parc régional. n’est pas forcément bon à prendre. campagnes de ce type restent con- monde rural libérateur » ments. Le manque d’informa-
Carrefour pour promouvoir leurs Elles veulent que vous veniez vous Ce sont en priorité les entrepre- centrées sur Paris. Une interroga- A Orthez, le maire bichonne les tions sur le tissu économique
atouts. Et avec la crise sanitaire liée installer, quitte à ce que vous frag- neurs, les porteurs de projets et les tion surgit alors naturellement : internes qui passent par l’hôpital de local, les incertitudes ou la
au Covid, elles ont compris que mentiez votre semaine entre Paris particuliers (avec une résidence pourquoi donc emmener sur leur la ville. Un cadeau de bienvenue peur de l’isolement sont autant
c’était le moment pour vous char- et la province, grâce au télétravail. principale!)quisontvisés.«Concer- territoire ces Parisiens qu’on dit si leur est offert, avec dix entrées gra- de freins à une installation sur
mer, et pas seulement pour la visite « Les territoires ont compris qu’ils nant les moyennes métropoles, elles peu chaleureux ? Car l’exode de la tuites pour la piscine municipale, les territoires.
étaient en concurrence pour attirer recherchent moins une hausse quan- capitale n’est pas à exclure. Selon une place de spectacle, une dégus- Dans ces derniers, la préserva-
les entrepreneurs et les porteurs de titative que qualitative, avec des per- une étude du courtier Empruntis, tation de produits locaux, une pré- tion des savoir-faire et des
projets » , analyse Gilles N’Goala, sonnes qui vont créer des emplois » , 46 % des Parisiens veulent quitter la sentation des activités des quelque emplois passe par une double
responsable du master en marke- explique le professeur Gilles capitale. Une tendance qui n’est pas 170 associations locales. « Et je leur exigence : une montée en
ting,innovationetterritoiresàl’uni- N’Goala. nouvelle : Paris a perdu 53.000 dis : “Si vous avez apprécié votre gamme des productions et la
EN versité Montpellier Management. En dix ans, le déclin démographi- habitants entre 2012 et 2017, selon stage, pensez à ce territoire quand capacité à toucher une clien-
PLUS On ne voit ainsi plus seulement des que du département de l’Indre a l’Insee. Un autre chiffre fait l’affaire vous chercherez à ouvrir un cabi- tèle mondiale. Ce nouveau
régions ou des départements, mais atteint 4,5 %, soit 10.000 habitants de nos territoires : plus de la moitié net“ » , rapporte l’édile. « Hélas, pas paradigme souligne l’impor-
aussi des métropoles et même de de perdus. A Châteauroux, sa pré- de ceux qui partent d’Ile-de-France assez de territoires sont engagés dans tance de pouvoir compter sur
toutes petites communes se mettre fecture, on espère faire venir des ne sont pas nés dans la région et cette voie » , commente Paul-Ma- une main-d’œuvre suffisam-
à l’heure du marketing territorial, actifs pour pallier le manque de repartent rejoindre leur région thieu Caitucoli, qui effectue une ment formée pour réaliser ce
Prix d’une avec pour modèle la pionnière du talents. « Nous avons des besoins en d’origine ou un lieu de vacances sur thèse sur l’attractivité des territoi- saut qualitatif. Forts des expé-
campagne genre : New York City et son fameux recrutements non pourvus dans lequel ils ont flashé. res ruraux. « Il faudrait que chaque riences acquises ailleurs, les
dans le métro « I Love NY ». l’aéronautique, le luxe… », lance conseil municipal désigne un délégué talents sauront apporter une
Les tarifs sont Michel Legarle.Depuis leur campa- Un cursus d’accompagne- dédié à l’intégration des nouveaux nouvelle vision, à même d’aider
confidentiels mais Tout nouvel habitant n’est gne dans le métro en mars dernier, ment pour les nouveaux habitants. » Il prend l’exemple les entreprises à répondre aux
d’après « Le Parisien », pas bon à prendre une trentaine de familles ont pris arrivants d’Arvieu, commune de l’Aveyron, défis économiques qui leur
le département de Les collectivités s’évertuent à trou- contactaveceux.«Aucun pour l’ins- Et il n’y a pas que les familles déses- qui en plus de son référent organise font face.
la Sarthe a déboursé ver leurs meilleurs arguments pour tant n’a concrétisé son installation, pérées de ne pas pouvoir offrir une un repas de quartier pour intégrer Les opportunités ouvertes par
120.000 euros pousser les Parisiens (et si possible mais des projets sont en cours pour chambre à chacun de leurs enfants les nouveaux arrivants, leur distri- l’Etat à la faveur des program-
pour sa campagne leurssalaires)àlesrejoindre.«Nous 2021 » , assure-t-on. que les territoires peuvent séduire. bue un guide… mes Action Cœur de Ville ou
d’affichage dans concernant, nous tirons notre épin- Pour les villes plus petites, l’enjeu En effet, même les couples sans Gare néanmoins au marketing du Volontariat Territorial en
le métro. A savoir que gle du jeu grâce à la proximité avec est plus la survie du centre-ville ou enfants sont de plus en plus nom- trop vendeur ! « Le confinement a Entreprise font naître un
si les collectivités ont Paris », avance Michel Legarle, des écoles. Dans la petite commune breux à partir (27 % des départs de révélé la représentation d’un monde environnement favorable.
été si nombreuses, chargé de mission au sein de d’Orthez,danslesPyrénées-Atlanti- Paris en 2016, contre 23 % en 2008). urbain aliénant, et d’un monde rural A condition d’y trouver les
c’est qu’elles ont pu l’agence d’attractivité de l’Indre. Les ques, on commence tout juste à se « Attirer tous ces actifs est le cheval de idyllique et libérateur, mais aussi fra- compétences nécessaires, la
bénéficier de tarifs 2 h 15 en train seulement qui les lancer dans le marketing territorial. bataille de pas mal de départements giled’unpointdevuesocial,économi- relocalisation des industries
préférentiels dus séparentdelacapitalepeuventfaire La raison est simple : les services ruraux » , reconnaît Michel Legarle que et numérique » , analyse ce doc- essentielles à la France passera
aux dates de soldes mouche auprès de familles ou de publics de la ville sont taillés pour de l’Indre. torant de Paris-Dauphine. « Et également par les territoires.
décalées. salariés voulant continuer à tra- 15.000 habitants alors qu’elle en Maisbouclerses valisesetquitter n’oublions pas non plus qu’un terri- Comme l’écrivait, visionnaire,
Les annonceurs se sont vailler dans la capitale un ou deux compte 11.500. « Nous avons donc le 11e arrondissement pour l’Indre toire qui se porte bien ne va pas forcé- Romain Gary, « tout renou-
alors réduits et jours par semaine. « Pour les Franci- réalisé un diagnostic d’image pour ou la Vendée n’est pas sans soulever ment chercher des habitants pour se veau est avant tout un retour
les afficheurs ont liens qui font déjà une heure de trans- comprendre nos points forts » , expli- quelques craintes. Pour les Pari- redynamiser », estime Camille Cha- aux sources ».
baissé les prix. port en public chaque matin, ce n’est que Emmanuel Hanon, le maire. siens sur le départ, sachez que les mard,maîtredeconférencesàl’uni-
pas grand-chose » , ajoute-t-il. Metrobus, qui gère aussi la régie collectivités les plus avancées dans versité de Pau et spécialiste du mar- * Président de l’association Des
A savoir que dans cette opération publicitaire des métros de Lille, la stratégie de marketing territorial keting territorial. n territoires aux grandes écoles.
Les Echos Vendredi 27,Samedi 28 novembre 2020 START // 05

« Je suis fier
de travailler
dans le quartier
de la Défense »
TÉMOIGNAGES Commode, agréable, prestigieux…
Le quartier d’affaires de la Défense semble apprécié
par beaucoup plus de salariés qu’il n’y paraît.
Néanmoins, fierté ne rime pas forcément avec jovialité.
Florent Vairet déménagé leur siège parisien dans souvent l’impression que ces juge-
des communes limitrophes, à Mon- ments négatifs sur le quartier sont en
Critiquer la Défense est trouge ou à Saint-Denis, « mais c’est réalité une attaque du modèle capita-
devenu un lieu com- moinsbiendesservi»,jugeMathilde. liste », conclut-elle. n
mun. « Glauque », Et d’ajouter : « Je ne me vois pas tra-
« trop de béton », « des vailler autre part qu’à la Défense. » * Baromètre EY-ULI 2020 d’attracti-
transports bondés », Et pour le procès en « glauqui- vité des quartiers d’affaires mon- Pause-déjeuner sur les marches de l’arche de la Défense pendant le reconfinement, le 12 novembre.
« pas central »… Les critiques vont tude », Paris-La Défense organise diaux. Glauque la Défense ? Pas pour tout le monde. @Laurent Hazgui
bon train. D’ailleurs, elles ne se sont des événements sur le parvis : con-
pas faites attendre lorsque j’ai posté cert de jazz, Urban Week, des
sur les réseaux sociaux un appel à dégustations ou des ateliers, offerts
témoignages de salariés appréciant à tous. En juillet dernier, le premier
travailler dans le quartier d’affaires. quartier d’affaires européen a
« Bon courage », m’a tout de suite accueilli la chanteuse Suzane, pour
lancé l’un d’eux, récoltant au pas- un premier concert gratuit à ciel
sage des dizaines de « J’aime ». Et ouvert, à 150 mètres de hauteur,
pourtant, une étude BVA comman- perchésurlerooftopdelatour Alto.
dée par Paris-La Défense et publiée Une alternative à la Garden Parvis,
en 2019 m’avait interpellé : 93 % des le plus grand événement estival du
salariés considèrent le quartier quartier, annulé en raison de la
comme un lieu où il fait bon tra- crise sanitaire. Cette stratégie de
vailler. En hausse de 7 points par divertissement fait des heureux. « Il
rapport à 2018. est agréable de pouvoir profiter de ces
Quand on s’entretient avec ces événements à la fin d’une journée de
satisfaits de la Défense (parce que travail », confie Safae.
oui, j’en ai trouvé), le premier argu-
ment est la commodité du lieu. « Un « Une forme de fierté »
environnement très arrangeant pour Plus largement, cette jeune active
les cadres qui n’ont pas beaucoup de bat en brèche l’idée selon laquelle le
temps.Ilyatoutcedontonabesoin», cadre de vie serait triste. « Il y a pas
témoigne Safae. La jeune femme mal de verdure, d’endroits pour
cite les restaurants, les médecins, déjeuner au calme », explique celle
les pharmacies et les magasins. Le qui aime se balader autour du plan
centre commercial des 4 Temps est d’eau, juste à côté de l’arrêt de métro
quasiment dédié aux salariés. Esplanade de la Défense. En début
« Hier encore (interview réalisée d’année,aétélivréelapremièrepar-
avant le deuxième confinement, tie du projet de « Parc de l’Espla-
NDLR), j’ai commandé un livre sur nade », qui représentera, à terme,
Internet et je suis allé le récupérer en 7 hectares de superficie végétalisée.
magasin. Tous mes achats, je les fais Un quartier d’affaires champê-
entre midi et 14 heures, c’est hyper- tre ? La marge est encore grande
pratique ! », raconte pour sa part tant le béton est présent. Mais
Guillaume, qui ne fait plus aucune quand même, 35 % de l’espace pié-
course durant son week-end. tonnier est végétalisé. Et Guillaume
d’ajouter : « N’oublions pas que c’est
Un accès direct de Paris un quartier sans voiture. Un détail
Même le point tant décrié des trans- mais un détail que j’aime. »
ports fait partie des arguments de Et puis comme elles vont quand
commodité, avec un accès depuis même à la Défense pour travailler,
Paris et l’Ile-de-France très satisfai- les personnes interrogées tiennent
sant, selon eux. « La ligne 1 fonc- à souligner l’émulation qui règne
tionne très bien », assure Romain, dans le quartier. Mathilde aime la
qui reconnaît que la situation peut modernité des lieux, et de sa tour en
être plus compliquée sur le RER. particulier, avec des vues imprena-
Néanmoins, il faut comparer avec bles sur tout Paris. Les salles de réu-
les autres options. Ces dernières nion dernier cri qu’elle compare
années, plusieurs entreprises ont aux vieux bâtiments haussman-
niens où « il y a une prise pour cinq
personnes et un radiateur qui par-
vient à peine à chauffer la pièce » .
La Défense tient à son rang de
4e quartier d’affaires mondial*,
comptabilisant 180.000 salariés,
souvent cadres, en costumes, par-
fois très bien payés. « Tout le monde
EN CHIFFRES est ici pour travailler, j’aime cette
énergie », confie Guillaume, qui se

20.000
mètres carrés
rappelle avoir été impressionné
lors de ses premiers jours. « Toutes
ces tours que j’ai toujours vues au
loin, je nourrissais un fantasme de
C’est la surface qui vie d’adulte. Maintenant que j’y tra-
devrait être réaménagée, vaille, je ressens une forme de fierté. »
entre la place Basse et Et il ne serait pas le seul. Selon
la place de La Défense, l’étude BVA, 92 % des salariés sont
sous l’Axe historique, fiers de travailler à la Défense.
d’après le projet présenté Hélas, « fiers » ne veut pas dire
par Paris La Défense, « joyeux » et on le sait, le quartier
en mai dernier. L’enjeu : n’est pas réputé pour sa jovialité.
transformer le quartier « Mais je ne sais pas si c’est spécifique
d’affaires en un lieu à la Défense, répond Romain.
de vie. Il devrait y avoir Quand on sort du métro dans Paris
une promenade intra-muros, les gens passent aussi
souterraine et sans regarder les uns ou les autres.
une programmation C’est un peu partout pareil… ». Alors
sportive et culturelle. pourquoi ces critiques persistantes
envers la Défense ? Mathilde y voit
en creux une autre critique. « J’ai
06 // START Les Echos Vendredi 27,Samedi 28 novembre 2020

Les villes les plus attractives sont...


EXCLUSIVITÉ Crise ou pas crise, la régionalisation est bien en marche, confirme le 4e baromètre Arthur Loyd
sur le dynamisme des villes et leur attractivité. Au total, 45 aires urbaines ont été scrutées à partir de 75 paramètres
statistiques. Alors lesquelles tirent leur épingle du jeu en 2020 ?

Métropolisation : les grandes gagnantes

Indice d’attractivité de 0 à 1
(75 critères analysés)
Xxxx Ville avec le meilleur indice
en fonction de sa population
Nombre d’habitants
0,43 Lille
Plus de 1 million Valenciennes
Douai-Lens 0,26 0,31
500.000 à 1 million
200.000 à 500.000 Amiens 0,44 0,32 Saint Quentin
100.000 à 200.000 Beauvaais
0,37 0,39
0,42 0,29 Crreil 0,46 Reims
Rouen Metz 0,42
Caen
Nancy 0,44 0,50
0,53 Breest Laval Chartrres
0,40
Rennes 0,61 Strasbouurg
0,45
0,45 Lee Maans
0,53 Orléanns
Les premières de leur classe Destruction d’emplois :
0,47 0,38
dans la catégorie… Blois tous les territoires touchés
0,54 0,49
Nantes 0,60 Dijon Répartition au 1er semestre 2020, en %
... Qualité de vie Anggerss
0,31 Bouurges
Tours 14 grandes
Marseille - Aix-en-Provence
Niort 0,43 Chalon-suur-SSaône métropoles (hors Paris)
départements dans lesquels se 28,9
Avignon 0,42 Poitiers trouvent les 14 aires urbaines les
plus peuplées, après Paris (Bouches
0,55 Clermont- du Rhône, Haute- Garonne, etc.)
Dijon
La Rochelle 0,39 Ferrand
Angoulême Villes moyennes
0,41 Limogess et rurales 25,9
0,50 0,62 Lyon
Anggoulême 0,51
... Capital humain et innovation
0,39
Lyon Saint-Etiiennee
0,49 Ile-de-France 25,5
Montpellier 0,51 Bordeaux
Valence 0,57 Grenobble
Clermont-Ferrand Grandes villes
Départements dans lesquels se
trouvent une aire urbaine de 19,6
Valence plus de 200 000 hab. (Haute-
savoie, Gard, Doubs)
Nîmes Nice
... Performances économiques 0,39 Aviignon 0,35 638.000
0,39 emplois
Toulouse Toulouse détruits
0,58 Monntpellier 0,57
0,48
Nantes
0,38
Bayonne
Aix-Marseille 0,38
Brest
Toulon
Niort

Palmarès des levées de fonds La France de 2020 VS 2000


Montants levés par les startups En millions d'€, en 2019 Quelques indicateurs de la montée en puissance des régions
Villes de plus de 1 million d’habitants 500.000 à 1 million 200.000 à 500.000
Paris : 2.331 M€ 2000 s grandes aires urbain 2020
ix plu es r
Total hors Paris : 892 M€ d es s égi
tion de l'im m o bilie r
ona
ula itio n résiden les
p u is *
Po l'acq n es d e tr amways
tiel
à
de e lig hors Pari
ût re d s
Co omb re s de lig n e
IDF
N m èt s LGV
Kilo
Lyon Lille Bordeaux
Grenoble Rennes 67,1 57,6 57,3
99,4 83,3
2.960 14 1.200 2.600 70 10.690 8,9M
7,6M €/m2 €/m2
SOURCE : ARTHUR LOYD, D’APRÈS TRENDEO

Nantes Stras-
Toulouse bourg
28,2 23,8
Marseille - 14,7
Aix-en-
× 2,2
Nice Montpellier Provence
Tours Metz
71,2 69,8 46,0 14,7 10,7 ×5
Par Julia
Saint-Etienne Lemarchand
× 3, 6
25,5 Angers Reims
et Geneviève
Thibaud.
11,7 10,0 * Lyon, Aix-Marseille,
+ 17 % Infographie:
Toulouse,Bordeaux, Lille et Nice. Maïlys Glaize.
Les Echos Vendredi 27,Samedi 28 novembre 2020 START // 07

Fuir Paris, un
nouveau business
pour les start-up
TENDANCE Recherche d’emploi, de logement,
déménagement… Pour quitter Paris, on a souvent
besoin de soutien. Les start-up l’ont bien compris,
aidées par les territoires et entreprises qui cherchent
à attirer des actifs.
Ariane Blanchet marché prometteur travaillent voit son chiffre d’affaires doubler
pour offrir un accompagnement chaque année, et espère bien deve-
« Tout le monde parle de fuir Paris à personnalisé aux candidats. nir rentable l’année prochaine.
la pause café, mais personne ne sait « C’est seulement une fois qu’on a Quant à Paris Je te quitte, le trafic du
comment faire », s’amuse Kelly la promesse d’embauche qu’on par- site est en forte hausse depuis la fin
Simon, cofondatrice avec Aurélie vient à s’imaginer ailleurs ; et ensuite, du confinement (+86 %), et surtout
de Cooman de la plateforme Paris tout reste à faire », estime Aurore le passage à l’action est plus net : les Des start-up comme Laou accompagnent des Franciliens motivés par une mobilité en région.
Je te quitte, lancée en 2015. Elle Thibaud, fondatrice de Laou. Créée dépôts de CV et les demandes de Elles promettent d’aider à trouver le job idéal, un logement et la société de déménagement. @iStock
raconte : « Aurélie venait d’avoir un en 2017 et forte d’une levée de fonds logements ont ainsi été multipliés
enfant. Elle réfléchissait à une plus de 550.000 euros deux ans plus par trois.
grande surface. Naturellement, elle a tard, cette start-up aide les profils IT Nextories avec une hausse des belle Prémont, directrice de la et entreprises en région peinent
pensé à quitter Paris. » En parallèle à trouver le job idéal en fonction de Plus de jeunes actifs déménagements de 60 %. relocation chez Cooptalis. Et elles encore à trouver des talents. Mais
deleuremploi,lesdeuxjeunestren- leurs préférences personnelles candidats au départ Le profil des candidats au départ proviennent de plus en plus de free- l’arrivée de start-up de relocation
tenaires, anciennes collègues chez (« Des racines quelque part ? Vous « L’objectif est de retirer toutes les a aussi évolué : « Avant la crise, nos lance, qu’aucun travail ne retient à montre que le train est pris.
Withings, lancent alors un blog qui aimez la rando ? » …). Elle promet barrières qui peuvent faire craindre clients avaient autour de 40 ans, Paris : elles ont été multipliées par Si le mouvement s’accélère, que
met en relation Parisiens et citadins aussi de trouver un travail pour le le départ de Paris : le logement, l’école 50 ans ou plus. Aujourd’hui, on voit cinq auprès d’Izyfree, filiale de représentera le marché de la mobi-
exilés en région. conjoint, un logement et la société des enfants, le transfert des contrats un peu plus de trentenaires, toujours Cooptalis. Le nombre de profes- lité professionnelle ? Aux Etats-
« Changer de vie nécessite du cou- de déménagement. Le tout en un d’eau et d’électricité, tout y passe », des CSP+, et ceux-ci n’hésitent plus à sionnels qui décident de s’installer Unis, les entreprises et travailleurs
rage. Le partage d’expérience de ceux mois et demi. assure de son côté Jacques Rey- partir dans des villes moyennes à en région en conservant leur travail n’hésitent pas à déménager (même
qui ont sauté le pas, mais aussi les Pour Aurore Thibaud, le confine- naud, chief revenue officer du cabi- 500 kilomètres de Paris, contre 200 à Paris a aussi augmenté, sans dansunautreEtat)àcausedeloyers
conseils d’experts qui connaissent les ment a agi comme « un déclencheur net de recrutement Cooptalis. La en moyenne avant le confinement », doute favorisé par la hausse des exorbitants dans les grandes villes.
régions, sont précieux ! », insiste psychologiquetrèsfort».Lalassitude jeune pousse, créée en 2012, est note Mike Dejardin, fondateur lignes à grandes vitesses françaises D’aprèslecabinetIDC,pasmoinsde
Kelly Simon. Le site, devenu officiel- deParisn’estpasnouvelle,selonelle. devenue un géant de la mobilité d’Utily. quisontpasséesde1.200kilomètres 60 % des travailleurs américains
lement start-up en 2017 face à Mais avec la crise « le travail tend à professionnelle à l’international, Une demande d’un nouveau type en 2000 à 2.600 en 2020. seront mobiles en 2024, soit 15 mil-
l’afflux des demandes, englobe tou- occuper une place moins centrale avec un chiffre d’affaires de 45 mil- a donc explosé, celle des jeunes En comparaison aux Etats-Unis, lions de plus qu’aujourd’hui. De fait,
tes les étapes de la mobilité : du dans les modes de vie, et surtout, peut lions d’euros en 2019, soit une actifs, aux motivations nouvelles : aux pays nordiques et à l’Allema- les géants de la relocation pullulent
choix de la ville à la recherche se faire en distanciel ». Entre les prix hausse de 80 % par rapport à 2018, « Depuis mars, les requêtes priori- gne, où la mobilité des travailleurs aux Etats-Unis, comme BGRS qui
d’emploi, en passant par le loge- de l’immobilier parisien qui flam- avec en moyenne 3000 mobilités sent le choix de la région à l’opportu- est beaucoup plus fluide, la France réalise 60.000 mobilités par an en
ment et des services de coaching. bent depuis plusieurs années et réalisées par an. nité professionnelle », explique Isa- semble à la traîne, ses collectivités moyenne, dans 180 pays. n
l’offre culturelle et économique de Dans le sillage de ces généralis-
Le confinement, plus en plus attractive dans les villes tes, les nouvelles plateformes de
accélérateur de demandes moyennes, celles-ci sont peut-être déménagement mettent en concur-
Pour les candidats à l’exode urbain, en train de prendre leur revanche. rence des centaines de sociétés en
les services sont gratuits. Le chiffre En tout cas, ces start-up connaissent proposant par ailleurs des services
d’affaires est généré par les territoi- unecroissancefulgurante,quelegel de conciergerie : leur marché
res et les entreprises qui cherchent des recrutements des entreprises explose. Utily a vu ses activités dou-
à attirer des talents. C’est avec eux clientes depuis le confinement ne bler depuis mars. Perspectives de
que la plupart des start-up de ce semble pas trop mettre à mal. Laou croissance florissantes que partage

Entreprendre en région,
le bon filon ?
Jusqu’à récemment, il Sébastien Célestine, cofondateur initiatives, tant à l’échelle locale
était fortement conseillé d’All Mol, une marketplace que nationale. Sur ce dernier
de lancer sa boîte à Paris.
Désormais, les régions
lancée en 2009, a délocalisé son
entreprise et posé ses valises en
point, citons le label French
Tech, créé en 2013 et qui
Rejoignez les entreprises
ne sont plus en reste. Guadeloupe, en 2013. Un an plus
tard, sa structure devient une des
concerne désormais 13 capitales
et 38 communautés reconnues
qui prennent soin de leurs salariés,
premières start-up ultramarines pour leur écosystème start-up,
Fabiola Dor à obtenir la bourse French Tech
de la BPI (Banque publique
et les 32 Pôles étudiants pour
l’innovation, le transfert et
stagiaires, alternants et candidats
« Après huit ans dans la capitale, d’investissement) et empoche l’entrepreneuriat (Pépite).
ma compagne et moi avons décidé une aide de 30.000 euros. Et en
de quitter Paris pour améliorer janvier 2020, l’entreprise a été Grenoble, en tête du
notre qualité de vie », confie sélectionnée dans le programme palmarès régional
François Deprez, fondateur French Tech 120, sur les start-up « L’attractivité des territoires est
de Sparkl Trade, une plateforme françaises les plus prometteuses. l’aboutissement de politiques
de négoce spécialisée dans les « Les entrepreneurs en région publiques qui viennent booster
pierres précieuses, lancée en n’ont rien à envier à la capitale. l’écosystème », insiste Cevan
juin 2019. La start-up, incubée Les collectivités territoriales ont Torossian, directeur du pôle
par l’Edhec et installée à études et recherche chez Arthur
Station F, s’apprête à déménager Loyd. Son cabinet, expert en
à Angers, la ville natale de immobilier d’entreprise, a
François. Pour préparer sa
Pour les experts, compilé des données de
délocalisation, l’entrepreneur de le boom de Trendeo, l’observatoire de
trente ans a noué des liens avec l’entrepreneuriat en l’emploi et de l’investissement,
le tissu local. Il a notamment région résulte de pour faire un état des lieux du
candidaté à l’antenne du Maine- financement de l’écosystème
et-Loire du Réseau Entreprendre multiples initiatives, en région.
qui accompagne environ tant à l’échelle locale Sans surprise, la capitale reste
1.500 start-up chaque année que nationale. le point névralgique, avec
partout en France, et leur 2,3 milliards d’euros levés l’an
accorde un prêt à taux zéro dernier. Mais les régions se
de 29.000 euros en moyenne. beaucoup investi pour bien les défendent bien : 892 millions
Laurent Blandin, délégué accueillir », analyse Thibault d’euros. « Le nombre de levées
territorial de la structure, Beucher, président du Réseau de fonds a augmenté de 26 % en
rappelle que « l’accompagnement Entreprendre Maine & Loire. Ce région sur un an pour atteindre
local offre un accès direct aux changement de cap passe par le 459 opérations », précise Cevan
décideurs. Nous aidons les développement en région des Torossian. L’augmentation est
entrepreneurs sélectionnés à incubateurs, tiers-lieux, espaces seulement de 7 % en Ile-de-
trouver de nouveaux leviers de co-working, quartiers « gare » France (356 levées de fonds en
de développement ». comme à Nantes ou à Lille avec 2019). En tête du palmarès
Cette proximité facilite la prise des centres d’affaires à cinq régional ? La ville de Grenoble,
de décision et impacte aussi le minutes à pied du train… qui a réussi à capter 99 millions
développement des projets. Pour tous les experts, le boom d’euros, devant Rennes
Après avoir fait chou blanc dans de l’entrepreneuriat en région est (83 millions d’euros) et Nice
sa recherche de fonds à Paris, le résultat de multiples (71 millions d’euros). n
08 // START Les Echos Vendredi 27,Samedi 28 novembre 2020

Quelques conseils d’anciens Parisiens pour les aspirants à l’exil en région, afin de ne pas déchanter à l’arrivée : ne pas partir sur un coup de tête, prendre le temps de trouver un endroit dans lequel on se sent
bien, s’y rendre à différentes périodes de l’année et assurer ses arrières professionnellement. @Getty Images

Ils ont quitté Paris, et n’avaient pas


anticipé toutes ces galères
DANS L’ENFER DE… Certains Parisiens, las de la capitale, ont préféré quitter la Ville Lumière. Mais, entre
problématiques professionnelles et difficultés d’intégration, ce changement de vie ne se passe pas toujours
comme prévu. D’où l’importance de bien anticiper reconnaissent ceux qui en ont fait l’expérience.
Chloé Marriault mettait de soigner leur réseau profes- qu’en une semaine je perdais environ 2018, selon l’Association pour quoi ? Car beaucoup de citadins surtout, un confort de vie qu’ils
sionnel, poursuit le sociologue. douzeheuresdanslestransports,soit l’emploi des cadres), et ces derniers emménagentaveclavisiondelacam- n’ava i e n t p a s à P a r i s . « O n a
« Lorsque j’ai appris que mon mari Quand ils s’en vont, le carnet de une journée, ça a été un choc » , se connaissent traditionnellement un pagne sympa en été, mais ne suppor- aujourd’hui une vie paisible, et nos
avait décroché une promotion et clients ou de collaborateurs s’ame- rappelle-t-elle. Et puis, un soir, alors faible taux de chômage, inférieur à tentpasl’hiveretrepartentaprèsseu- enfants vivent leur meilleure vie »,
qu’on quittait Paris pour déménager nuise peu à peu. » qu’elle couche sa fille, celle-ci lui 5 %. lement un an. Les locaux, qui ont pu s’enthousiasme Julie. « On prend
àMarseille,j’aisautédejoie!»sesou- Socialement, aussi. Julie s’atten- glisse : « C’est dommage qu’on voie « En dehors de Paris, et dans une s’habituer à la solitude, n’ont pas enfin le temps de vivre, ajoute
vient Julie, 40 ans. Cela faisait quel- dait à ce que les gens du quartier plus la maîtresse que toi » . « Ça a été moindre mesure des grandes métro- envie de s’attacher à des gens qui Camilla. Le rythme s’est assoupli, les
ques années que cette Parisienne soient heureux de les voir débar- compliqué dans mon cœur poles, il n’y a parfois pas de repartent. Ils attendent l’année sui- journéessemblents’êtreallongées…»
d’originesongeaitàpartirdelacapi- quer et que la famille se ferait de demaman»,révèle Camilla. “marché du travail”, alors vante pour être sympas. » « Pour que ça se passe bien, il ne
tale. En cause : le manque de ver- nouveaux amis facilement. Finale- L’idée de quitter la Ville quand on a un job, on fait Julien, 43 ans, installé dans un faut pas avoir peur de vraiment
dure, le coût de la vie, la grisaille… ment non. La Parisienne ne se sent Lumière fait son tout pour le garder », bourg en périphérie de Lyon, a lui changer de vie, préconise Julie. Il
« Les attentats de 2015 ont été le pas bienvenue : « J’ai souvenir d’une chemin. analyse le sociolo- aussi eu du mal à nouer des liens faut prendre conscience que l’herbe
déclic. Je ne voulais pas rester dans fois où j’ai demandé mon chemin En 2018, son mari gue Jean Viard, qui d’amitié. Lui a quitté Paris en 2016 n’est pas toujours plus verte ailleurs.
cette ville où je ne me sentais plus en dans la rue et où on m’a répondu se voit proposer un travaille notamment pour suivre sa conjointe, qui a On quitte des inconvénients à Paris,
sécurité », confie-t-elle. Partir s’ins- “vous avez l’accent parisien, donc poste de responsa- La sur la mobilité et grandidanslacapitaledesGauleset mais on en rencontre d’autres
taller dans le Sud est un soulage- pour vous, ce sera à gauche”, alors ble technique à La mobilité l’aménagement du trouvé un emploi là-bas. « Les Lyon- ailleurs. » Ses recommandations ?
ment, pour elle et son conjoint, ori- que la destination était à droite. » Roche-sur-Yon, en territoire. Et nais ont leurs potes d’enfance, qui Ne pas partir sur un coup de tête,
ginaire d’Avignon. Vendée, qu’il
à l’épreuve d’ajouter : « La Ven- habitent à côté. Ils n’ont pas besoin prendre le temps de trouver un
Le couple ne connaît pas Mar- Quitter Paris, une erreur ? accepte. « On a vécu de la réalité dée est un territoire d’élargir leur cercle au-delà des gens endroit dans lequel on se sent bien,
seille, et s’imagine y vivre comme à Julie, pour qui la solitude com- ça comme une fuite, qui se développe très du cru. Si on n’est pas nés dans le s’y rendre à différentes périodes de
Paris, mais en mieux, avec le soleil mence à peser, se rend compte que raconte la trentenaire. bien autour d’une pay- coin, on les intéresse beaucoup l’année et assurer ses arrières pro-
et les calanques. « En cherchant l’image de carte postale qu’elle On s’est dit qu’il fallait sai- sannerie devenue entre- moins », constate-t-il. Ce père de fessionnellement. Pour elle, la
notre futur lieu de vie, nous avons s’était imaginée ne correspond pas sir cette opportunité car preneuriale. La plupart des deux enfants a fini par se faire des recette semble porter ses fruits :
essayé de recréer notre environne- à la réalité. « Le bruit, la saleté dans l’occasion ne se représenterait peut- acteurs se connaissent depuis la amis, au bout de trois ans, en « Paris ne me manque pas du tout »,
ment parisien, relate Julie. Un les rues, le trafic routier, le mistral… être pas, et que ça pourrait être une maternelle. Quand on débarque, ce s’investissant dans une association sourit Julie. n
appartement en centre-ville, proche Marseille n’était tout simplement étape. » La famille s’installe, avec ses n’est pas par le CV qu’on va trouver de parents d’élèves.
d’un Picard et d’un Monoprix, avec le pas pour nous. Il m’est arrivé d’avoir deux enfants alors âgés de 8 et 11 un job, mais par les liens d’amitié. » Professionnellement, ce change-
métro pas loin. » En 2016, ils emmé- l’impression d’avoir fait la plus ans, dans une grande maison de Finalement, Camilla profite de ment de vie n’a pas été facile. Au
nagent avec leurs deux enfants, à grosse erreur de ma vie en quittant 180 m 2 avec un jardin d’un peu plus cette période de recherche d’emploi départ, il garde son poste d’archi-
l’époque âgés de 5 et 8 ans. « Sur le Paris et de me demander s’il ne valait d’unhectare,dansunhameauentre et de son temps libre pour raconter tecte à Paris, et fait les allers-retours
papier, ça semblait idyllique, avance pas mieux y retourner. » La Roche-sur-Yon et Les son quotidien, en dessins, sur son trois fois par semaine en train.
EN
la mère de famille. En fait, nous Après trois années dans la cité Sables-d’Olonne. « On est arrivés la compte Instagram. Au fil des mois, «Assezcrevant»,dit-il.Puisildécro- PLUS
avons complètement idéalisé ce phocéenne, son conjoint obtient fleur au fusil dans un département elle gagne des abonnés, jusqu’à che un poste dans une grosse
changement de vie et on a très vite une mutation pour Nice. La famille dans lequel je n’avais jamais mis les recevoir des commandes d’illustra- agence d’architectes à Lyon. Son
déchanté. » plie bagage, direction Antibes, là où pieds », résume Camilla. tions. « J’ai fini par devenir illustra- salaire est divisé par deux. « Cer-
Ces cadres
Julie et lui ont étudié pendant qua- trice, en travaillant depuis chez moi. tains diront que ce n’est pas grave car franciliens
Ne pas se sentir tre ans et passé tous leurs étés Trouver un emploi, Activité dont je tire mes revenus le coût de la vie est moins élevé en qui veulent
la bienvenue depuis. Une ville qu’ils connaissent pas une mince affaire aujourd’hui. » région, mais çareste àprouver!»lan- fuir Paris
D’abord, professionnellement. etaffectionnent.Cettefois-ci,lecou- Sur place, cette ancienne directrice ce-t-il. Et d’énumérer ses dépenses :
Cette blogueuse lifestyle, qui vit de ple opte pour une maison dans une de communication dans une Du temps pour s’intégrer « J’ai dû acheter une voiture, il faut Huit cadres sur dix
partenariats avec des agences, voit zonerésidentielle,avecjardinetpis- agence se met en quête d’un emploi. Autre difficulté : créer de vrais liens payer l’assurance, le stationnement, envisagent de quitter
ces dernières la lâcher petit à petit, cine, à 1 km de la mer. « Un petit coin Elle envoie une cinquantaine de CV d’amitié. « Les Vendéens sont adora- l’essence… Tandis qu’à Paris mon la capitale, selon
au profit d’autres blogueuses res- de paradis » pour la famille. Là-bas, pour des postes dans son domaine, bles, hyper gentils, cordiaux et cha- employeur me payait ma carte de la dernière étude
tées à Paris. « C’est un problème que Julie a lancé sa boutique en ligne de la communication, « avec moins de leureux, constate Camilla. Mais on transport en commun et j’avais un de Cadremploi publiée
rencontrent souvent les indépen- vêtements et accessoires. Et sem- responsabilités que le job que j’avais reste bloqué à l’étape de la franche scooter. Et puis les gardes d’enfants en août 2020. Un chiffre
dants qualifiés, comme les graphis- ble, cette fois, arrivée à bon port ! avant ». Mais à sa grande surprise cordialité. C’est difficile de passer le sont plus galère à trouver. Et la nour- relativement stable par
tes, les développeurs, les journalistes, elle ne reçoit aucune réponse, pas de la porte. » Cette mère de riture ne coûte pas moins cher. » Ce rapport aux autres années.
les artistes, etc., quand ils quittent la Arriver « la fleur au fusil » même après des mois de recherche. famille avait l’impression que les qui lui manque le plus depuis son En revanche, un tiers
capitale et télétravaillent », observe Comme elle, Camilla, 38 ans, a « J’avais toujours bossé sans diffi- relations étaient plus spontanées départ ? Lui qui aimait passer son des sondés recherche
Élie Guéraut, sociologue, postdoc- quitté Paris pour une région qu’elle culté et je n’avais pas anticipé cela, dans la capitale. « A Paris, quand on temps dans les musées et aller voir activement un poste ou
torant à l’Université de Strasbourg, ne connaissait pas. Elle qui a grandi révèle-t-elle. Je me suis sentie vexée s’entendait bien avec quelqu’un, au des concerts regrette surtout l’offre a demandé une mutation
qui travaille entre autres sur les tra- en Seine-et-Marne et habitait à et me suis beaucoup remise en ques- bout de trois-quatre discussions, on culturelle de la capitale. (+3 points en un an).
jectoires sociales, professionnelles Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne) tion. Ça a été très difficile à vivre. Il a s’invitait à boire un verre chez l’un ou Les trois villes les plus
et résidentielles des diplômés de enavaitmarredurythmeeffrénéde fallu se rendre à l’évidence : je ne trou- chez l’autre. » « Prendre le temps attractives auprès
l’enseignement supérieur. Au sa vie en banlieue. Marre de passer verais pas dans mon domaine. » « A la campagne, on dit souvent de vivre » des Franciliens : Bordeaux
départ, ils arrivent à maintenir leur quotidiennement entre 1 heure 30 Ilfaut dire qu’àParislemarchéde que lorsque quelqu’un vient s’instal- Pour Julie, Camille et Julien, s’ins- (51 %), Nantes (44 %)
activité. Mais, en raison de la dis- et 2 heures 30 dans les transports. l’emploi est unique en France, et ler près de chez soi, on ne lui parle pas taller en région n’a pas été de tout et Lyon (31 %), toutes
tance, ils ne vont plus aux soirées, Idem pour son conjoint, coincé particulièrement dynamique. L’Île- la première année, explique Jean repos. Mais ils y vivent encore. Car à 2 heures en TGV.
aux événements. « La sociabilité dans les bouchons matin et soir. de-France est la région qui compte Viard, auteur notamment du livre eux et leurs enfants y ont aussi
qu’ils entretenaient là-bas leur per- « Quand je me suis rendu compte le plus de cadres (1,4 million en “C’est quoi la campagne ?” Pour- trouvé de nombreux avantages. Et
Les Echos Vendredi 27,Samedi 28 novembre 2020 START // 09

Vivre en régions tout en travaillant


à Paris, LA bonne idée ?
LE MATCH Pour améliorer leur qualité de vie, certains choisissent de mener une double vie : résider et vivre
loin de Paris… tout en y gardant un pied, travail oblige. Une vie ponctuée d’allers-retours. Ce qui plaît ou pas.
Par Chloé Marriault

Je loupe
des moments
Lauriane, designer pour y installer mon atelier. Autre Xavier, consultant manager fatigue de la semaine. En 2008, en famille,
de 26 ans, partage sa vie avantage : je suis à côté de l’océan et de 42 ans, vit entre Le Mans nous avons eu notre premier enfant
entre La Rochelle et Paris. peux me balader en pleine nature. et Paris. et j’ai trouvé un emploi à Angers.
je ne peux pas
« Etudiante aux Beaux-Arts Hors période de confinement, je « Ma compagne et moi partagions Quel bonheur ! Mon salaire était emmener
d’Angers, je suis partie en juin 2018 passe trois jours par semaine à l’envie de partir en province pour nettement plus bas mais je mettais mes quatre
effectuer un stage à Paris. J’ai pu
faire de nombreuses expositions,
Paris. Je dors chez des amis ou je
trouve une location sur WeekAway,
gagner en qualité de vie. En 2005,
alors étudiante en médecine, elle a
cinq minutes en voiture pour aller
au travail, je pouvais rentrer man-
enfants à
rencontrer du monde, sortir avec la plateforme dédiée à celles et ceux obtenu une place à l’internat ger chez moi le midi, passer plus de l’école, ni aller
mes amis… Une fois diplômée, à qui travaillent dans une autre ville. d’Angers. Nous y avons déménagé, temps avec mes proches… les chercher. »
l’été 2019, j’ai lancé mon autoentre- Cela a un coût mais ça a un intérêt ravis, mais j’ai gardé mon poste de Hélas, j’ai perdu mon travail en
prise en tant que designer et j’ai pour mon travail. Etre autoentre- chef de projet dans des services juin 2009. Après avoir travaillé à
cherché un studio à Paris. Cinq preneur est un métier de relations Habiter informatiques à Paris. Nantes, j’ai décroché un emploi à XAVIER
mois plus tard, toujours rien, aucun et de contacts. Après mes journées en province Pendant deux ans et demi, j’ai fait Paris en 2012. Je fais du conseil en
propriétaire ne voulait de moi en de travail, j’en profite pour aller voir et passer les allers-retours Angers-Paris. Je stratégie informatique, impossible
raison de mon activité. des expos, réseauter, passer du partais à 5 h 30, pour être à 8 heures d’être loin de la capitale. Un
Je vivais entre chez mes parents à temps avec mes collègues autour
une partie au boulot, et le quittais à 17 h 30, deuxième enfant arrivait et on s’est
Rennes, chez mon compagnon à d’un verre ou d’un dîner… Le reste de la semaine pour être de retour à 20 heures dit qu’on ne pouvait pas rester à
La Rochelle, et chez une amie à du temps, à La Rochelle, je me con- dans la capitale Désormais “navetteur” [ceux qui Angers avec le rythme d’avant.
Paris, dans son 25 mètres carrés. Il
était temps de trouver une stabilité.
centre sur mes projets.
J’adore la vie à Paris, je ne me ver-
est complé- transitent chaque jour entre une
région et Paris, NDLR], je ne pouvais
Nous avons déménagé au Mans,
ville à seulement une heure de Paris
Alors, je suis partie à La Rochelle, à rais pas passer 100 % du temps à mentaire. » plus rester tard le soir et refusais de en TGV. Je ne fais pas les allers-re-
2 h 30 en TGV de la capitale. Là-bas, La Rochelle. Habiter en province et faire des réunions à 18 heures. tours par plaisir. Je loupe des
pour 600 euros, à peine le prix d’un passer une partie de la semaine LAURIANE Je ne profitais pas d’Angers en moments en famille, je ne peux pas
studio à Paris, je peux avoir un dans la capitale est complémen- semaine mais le week-end, c’était emmener mes quatre enfants à
appartement suffisamment grand taire. » n unplaisird’êtrelà-basmêmeavecla l’école, ni aller les chercher. » n
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