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TEXTES ET DOCUMENTS RELATIFS À L’AFFAIRE DITE « DE TARNAC »

Affiche, juin 2009

On se bat aujourd’hui, comme hier, comme avant-hier, comme


toujours, des hommes et des femmes se battent, pour leurs droits,
pour garder leur emploi, pour travailler moins ou moins durement,
pour des salaires moins rachitiques ; partout on se bat pour la
liberté, pour son hôpital ou contre la prison, pour trois sous, pour
des médicaments, pour l’honneur, pour les allocations, on se bat
pour ses amis, sa sœur, son père, son frère ou sa mère, pour sau-
ver la recherche, pour l’idée qu’on se fait de l’éducation ou de la
psychiatrie ; pour plus d’avantages, pour moins de soucis, on se bat
pour sa survie, on se bat parce qu’on ne veut pas crever ou parce
que l’on crève de rage, ou bien encore parce que le mépris des
gouvernants et des patrons, des juges et des contrôleurs sociaux,
des cabinets d’études, des experts, des connards patentés et de
ceux qui vous expliquent qu’il faut patienter encore, encaisser
un petit peu plus, sous peine de payer de sa peau – parce que le

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mépris que l’on nous oppose est si évident et si insolent, on se bat
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aussi sans savoir bien pourquoi mais parce que ça vous tombe des-
sus ; partout, toujours, on se bat. Les raisons ne sont pas à discuter,
la force qui les habite se charge de leur donner raison. Mais à coup
sûr on se bat aujourd’hui avec plus de sérieux qu’hier, avec plus
de sérieux qu’il y a dix ans, on se bat avec plus de sérieux qu’on ne
l’avait fait depuis longtemps. On n’est moins prêts à se faire virer,
massacrer ou affamer sans conséquence. Quand une délocalisa-
tion comme il y en a tant entraîne la destruction d’une préfecture
(Continental), quand les employés d’ErDF et de GrDF rappellent
par les faits qu’être employé dans les secteurs de l’énergie c’est
aussi être en mesure d’éteindre la machine, quand on sort le
canon pour garder son hôpital (Carhaix), voilà qui est sérieux, voilà
qui a le mérite de rappeler que l’histoire est une puissance dont
les hommes peuvent à chaque instant se ressaisir, au grand dam de
ceux qui en sont, temporairement, les vainqueurs.

À ce sérieux du peuple, et comme en miroir, répond le mépris des


gouvernants et des gestionnaires, leur mépris sans limite, et ceci
est leur forme de sérieux propre, c’est le sérieux des gouvernants.
À ce sérieux du peuple, à ce sérieux qui est plein d’histoire, qui
est plein de l’histoire du peuple, à ce sérieux qui est le retour de
l’histoire, les gouvernants opposent leurs airs de bouffons grima-
çants, leurs airs de courges satisfaites à Saint-Tropez, la nouvelle
petite Marie-Antoinette présente son caniche à la presse, on
organise comme de rien des sommets sur l’immigration, à Vichy
bien sûr. Mais cela n’est pas tout. Il faut au sérieux vacillant de
nos petits-maîtres une quille, comme en ont les bateaux, une
quille pour ne pas basculer trop fort, à la première vague. Et cette
quille, c’est la peur. Au fait tout simple, au fait très élémentaire,
et de toujours, que des hommes et des femmes se battent, on
invente des noms de croque-mitaine. C’est ainsi que l’on produit
sur la scène médiatique les « casseurs », les « bandes » et les « ter-
roristes », les « jeunes des cités » ou les « clandestins », comme on
présentait jadis les « sorcières » au public avant de les brûler. Par
un usage savant et crapuleux des nomenclatures, le journal de
20h et les discours des ministres ont rebaptisé, pour les lui rendre

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étrangères et odieuses, des techniques de lutte qui ont toujours

DES COMITÉS DE SOUTIEN AUX INCULPÉS DE TARNAC À CEUX QUI LUTTENT | Affiche, juin 2009
appartenu au peuple, et notamment au mouvement ouvrier : il est
devenu banal d’appeler une simple grève une « prise d’otages », on
a même essayé récemment de qualifier un sabotage sans danger
« d’attentat terroriste ». Contre les sorcières, c’est bien connu, tout
est permis. La prison bien sûr, avec ou sans procès, les contrôles
judiciaires exorbitants, qui fixent les lieux d’habitation et les tra-
jets autorisés, interdisent à l’ami de voir l’ami, au frère de voir
la sœur ; et, quand « l’ennemi intérieur » est suffisamment avéré,
par sa mauvaise naissance par exemple, les vexations infinies,
les attaques de la police, à l’occasion le massacre. Tout ceci, les
dénonciations publiques, les fabriques d’épouvantails, les dispo-
sitions pénales et militaires, visent d’abord à défaire les liens, les
liens non-neutres, qu’il y a entre les êtres, les liens politiques. Les
liens ne cessent pas quand on le leur demande, ils ne connaissent
pas de Grenelle, l’amitié est la chair du politique – ou bien le
politique est une insanité. Évidemment, nous avons besoin
de bien plus qu’une manifestation, il nous faut des liens plus
durables et plus joyeux, à la mesure du sérieux de la situation.
Mais cette manifestation-là pourrait être une première rencontre,
c’est notre invitation. Faites comme chez vous.

RENDEZ-VOUS LE 21 JUIN, à 15h MANIFESTATION PARIS –


RER LES HALLES – Fontaine des innocents

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Affiche fête de la cagoule en double

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Communiqué suite
à la manifestation du 21 juin
Comité de soutien, 21 juin 2009

Ce jour, au lendemain de la publication officielle du décret antica-


goule, plusieurs centaines d’invisibles se sont rassemblées à la fon-
taine des Innocents, à Paris. Un cortège riche des masques les plus
variés, marchant au rythme tenu de percussions artisanales s’est
ébranlé en direction de la Bastille. Il a rencontré sur son chemin le
siège de l’Administration pénitentiaire.

Répondant à la provocation que constituent l’immense banderole


« Tour de France cycliste de la Pénitentiaire » et l’existence même
de ce bâtiment, bloqués par les CRS à ce stade précoce de leur
parcours, surveillés par un hélicoptère, les manifestants ont trouvé
bon de marquer la façade de quelques signes explicites de leur pas-
sage : vitrines brisées, tirs de mortier, fumigènes, etc.

Conformément à la stratégie manifeste de la police, ils ont été char-


gés, gazés, refoulés. Quelques contre-charges plus tard, le quar-
tier étant quadrillé, les manifestants se dispersent dans la foule. Au
moins six personnes ont été interpellées, les uns de façon politique-
ment ciblée, les autres de façon opportune. Ramassant des fumi-
gènes, un gradé a été entendu fragnolant au téléphone : « C’est bon.
On a de quoi faire un truc pas mal. On a des fumigènes, un outrage,
des débris. C’est vraiment pas mal. »

Nous restons curieux des suites policiaro-judiciaires qui seront don-


nées aux faits de ce jour. Nous sommes plus déterminés que jamais.
Le bal continue. Les masques vaincront.

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Des comités de soutien aux inculpés de l’antiterrorisme, et d’ailleurs.

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Lors de la dispersion de la manifestation du 21 juin aux Halles six
personnes avaient été arrêtées. Certaines se sont fait tabasser
comme il se doit (par les bacs, notamment). Une personne a été
déférée avant d’être relaxée et une autre a écopé d’un rappel à la loi.
Les autres n’ont pas été poursuivis.

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