3,40 € samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO - N° 24 617 - www.lefigaro.

fr - France métropolitaine uniquement Première édition

lefigaro.fr

La barbarie islamiste

PASCAL ROSSIGNOL/REUTERS - MAHMUD HAMS/AFP

frappe la France
Un homme d’une vingtaine d’années, fiché pour radicalisation et qui faisait l’objet d’un suivi actif de la DGSI, a tué
un professeur et blessé deux autres personnes à coups de couteau, vendredi, dans un lycée d’Arras. PAGES 2 À 5, 21 ET L’ÉDITORIAL

La grande inquiétude À Gaza, la fuite des Boualem Sansal : « Face à la

des Français juifs
Une semaine après l’at-
taque terroriste du Ha-
mas en Israël, plus d’une
centaine d’actes antisé-
mites ont été recensés en
France, selon le ministè-
re de l’Intérieur. Alors
que 500 lieux commu-
nautaires juifs ainsi que
Palestiniens avant l’assaut guerre sainte de l’islamisme »
l’ensemble des écoles Préparant son offensive provoqué la panique de Dans un entretien-fleu- Deux actualités qui se
confessionnelles ont été terrestre, l’armée israé- plus de 1 million de per- ve accordé en exclusivité télescopent et s’inscri-
placés sous protection lienne a ordonné ven- sonnes, aggravant les au Figaro, le grand écri- vent, selon lui, dans une
policière sur tout le terri- dredi aux habitants de risques de crise humani- vain algérien établit un guerre globale menée par
toire, de nombreuses fa- Gaza d’évacuer vers le taire majeure. Les orga- lien entre les événements les islamistes. Du Hamas à
milles juives françaises sud de l’enclave, déjà nisations internationa- tragiques en Israël et l’at- Arras, analyse-t-il, c’est
vivent désormais dans la privée d’eau, d’électri- les se disent totalement taque au couteau d’un une même idéologie qui
peur de se faire agresser. cité et sans cesse bom- démunies pour y faire professeur du lycée Gam- ensanglante Israël et la
PAGES 4 ET 5 bardée. L’ultimatum a face. PAGES 6 ET 7 betta à Arras, vendredi. France. PAGE 20

RUGBY
L’immense défi ÉDITORIAL par Yves Thréard ythreard@le figaro.fr
du XV de France,
et de Dupont, face
aux Springboks
Leur haine, notre aveuglement

L
PAGE 15 e terroriste d’Arras a-t-il voulu ré- faire Leonarda était passée par là : donc pas
pondre à l’appel au djihad lancé par question de refouler des enfants scolarisés.
IMMOBILIER le chef du Hamas pour le vendredi Lesquels se sont distingués depuis : fiché S, ra- DISRUPTING DIAMONDS*
13 octobre ? Entendait-il « célébrer » dicalisé, Mohammed était suivi de près par la
Les passoires dans le sang, trois ans après - pres- police ; son frère de 17 ans a été arrêté hier, rô-
thermiques, épine que jour pour jour -, la décapitation de Samuel dant autour d’un autre lycée d’Arras (avec les
dans le pied Paty par l’un de ses compatriotes tchétchè- mêmes intentions meurtrières ?) ; un autre
nes ? Les autorités françaises étaient sur leurs frère, qui projetait un attentat contre l’Élysée,
du gouvernement gardes. L’« importation » de la guerre israélo- dort actuellement en prison… Bref, de jeunes
PAGE 24 palestinienne était sur toutes les lèvres ; le tra- islamistes qui n’ont
gique anniversaire de l’attentat de Conflans- Mettre fin eu besoin de rien
à une
@ FIGARO OUI
FIGARO NON
Réponses à la question
Sainte-Honorine, aussi. Pourtant, ce
contexte, comme on dit, n’explique pas l’es-
sentiel, voire détourne l’attention. L’invoquer
revient même à chercher des justifications à
politique
migratoire
pour exprimer leur
haine de la France,
sauf de notre aveu-
glement, de notre
l’injustifiable, à faire le jeu de cette gauche in- naïveté, de notre gé-
de vendredi :
L’appel à l’unité digne, toujours prête à manifester et à pactiser inacceptable nérosité pour mieux
d’Emmanuel Macron vous avec les intégristes musulmans pour quelques nous planter un poignard dans le dos. Com-
a-t-il convaincu ? gains électoraux dans les banlieues. bien d’autres fanatiques, profitant de nos fai-
La réalité est ailleurs. Elle saute aux yeux. Mo- blesses pour s’introduire chez nous, ont déjà
OUI NON hammed Mogouchkov, 20 ans, l’assassin du frappé ou s’apprêtent à le faire ?
3’:HIKKLA=]UXYU]:?l@a@b@o@a";

40 % 60 % professeur de la cité scolaire Gambetta, Depuis Arras, Emmanuel Macron a dénoncé

n’aurait jamais dû se trouver en France. Ni lui, la « barbarie du terrorisme islamiste », « sauva-
* Le Diamant Disruptif

TOTAL DE VOTANTS : 137 036

M 00108 - 1014 - F: 3,40 E

ni sa famille, débarquée en 2009. C’est à la ge et lâche ». Certes, mais l’urgence n’est pas
Votez aujourd’hui bruyante mobilisation des traditionnelles as- dans les mots, elle commande de mettre fin à
sur lefigaro.fr sociations militantes pour les migrants que ces une politique migratoire inacceptable. Trop
Soutenez-vous Caucasiens doivent de n’avoir pas été expulsés d’innocents ont payé de leur vie ce coupable
en 2014. Au pays des droits de l’homme, l’af- laisser-faire. ■
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 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO

2 L'ÉVÉNEMENT
UN HOMME
ARMÉ D’UN
COUTEAU
À Arras, le terroriste a déjoué
INTERPELLÉ Ce fiché S de 20 ans. sur écoute, talonné par les services, avait échappé à une expulsion
PRÈS D’UN
LYCÉE DANS JEAN CHICHIZOLA,
gine caucasienne. Alors que les
policiers du Raid ont été mis en
inacceptables qu’elles se déroulent
au mépris de la circulaire Valls du
n’avaient pas mis en évidence ces
derniers jours d’éléments permet-
LES YVELINES CHRISTOPHE CORNEVIN,
PAULE GONZALES alerte maximale, Emmanuel Ma-
cron s’est rendu sur place tout
28 novembre 2012 : maîtrise du
français, enfants scolarisés avec
tant d’annoncer un passage à
l’acte », révèle une source infor-
ET JEAN-MARC LECLERC
Un homme de 24 ans, comme le ministre de l’Intérieur, succès, tous les critères de la régu- mée qui précise que « le profil
fiché S, « proche ALORS QUE LA MENACE terro- Gérald Darmanin, et son homolo- larisation étaient réunis ». s’apparente donc à un individu ra-
de la mouvance islamiste riste sur la France mettait les ser- gue à l’Éducation nationale, Ga- Par ailleurs, une source proche dicalisé dont le potentiel est connu
radicale », selon vices de renseignements en aler- briel Attal. du renseignement a révélé au Fi- mais qui décide subitement de pas-
des sources policières, te, le scénario du pire s’est Selon nos informations, la fa- garo que Mohammed Mogou- ser à l’acte, rendant difficile sa
produit. L’équipée sanglante a été mille de l’islamiste aurait dû être chkov faisait l’objet d’un suivi ac- neutralisation ».
a été interpellé pour port
perpétrée ce vendredi matin au tif récent des services français. Le profil LinkedIn du terroriste
d’arme prohibé à Limay lycée Gambetta-Carnot, situé au « Son frère avait été interpellé à Mohammed Mogouchkov est il-
(Yvelines) vendredi
après-midi près
d’un établissement
cœur d’Arras. Un assaillant armé
d’un couteau a fait irruption peu
avant 11 heures devant l’établis-
“faisait
L’auteur de l’attaque
l’objet depuis
l’été 2019 par la DGSI dans le cadre
d’un projet d’attentat déjoué puis
de faits d’apologie, et est écroué »,
lustré de la photo d’un jeune
homme aux cheveux frisés por-
tant des lunettes. Les informa-
sement. Au cri d’« Allah ak-
cet été de multiples précise-t-on de source proche du tions associées le désignent com-
scolaire, quelques heures
après l’assassinat bar ! », selon plusieurs témoins, techniques renseignement, qui ajoute : me un « étudiant au lycée
de l’enseignant au lycée mais non confirmé par la police, de renseignement « Quant à l’auteur, il faisait l’objet Carnot », à Arras. Sa formation :
Mohammed Mogouchkov, 20 ans, et de mesures depuis cet été de multiples techni- « brevet de technicien supérieur
Gambetta-Carnot d’Arras
un Caucasien fiché S, a semé la ques de renseignement et de mesu- (BTS). Moteurs combustion inter-
(Pas-de-Calais). Selon mort en poignardant Dominique de surveillance actives res de surveillance actives - il était ne. 2021-2022 ». Il se dit « bilin-
les services de police, Bernard, un professeur de Fran- - il était sur écoute sur écoute et faisait l’objet de sur- gue » russe et français.
l’interpellation a eu lieu çais de 57 ans. et faisait l’objet veillances physiques ». Son compte Facebook, sans
à 14 h 45 à proximité Un second enseignant, profes- Selon nos informations, Mo- doute plus ancien, le désigne
du lycée Condorcet, seur d’éducation physique et de surveillances hammed Mogouchkov avait comme ayant « étudié » au « col-

alors que l’individu sortait
d’une salle de prière.
Il a été repéré par la police
alors que celle-ci avait
reçu instruction de faire
des passages devant
les établissements
scolaires, après l’attaque
survenue à Arras. L’arme
détenue par l’individu
était un « couteau
de cuisine » avec une lame
de 10 cm, selon la police
qui le connaissait pour
5 affaires dont des faits
similaires. Il a été placé
en garde à vue
au commissariat
de Mantes-la-Jolie.
sportive, a été à son tour griève-
ment blessé au couteau alors qu’il
tentait de s’interposer. Dans sa
furie meurtrière, l’islamiste, qui
pourrait être un ancien élève de
ce lycée, s’est ensuite engouffré
dans l’établissement avant de
frapper, à plusieurs reprises, un
agent technique. Une vidéo, qui a
très vite circulé sur les réseaux
sociaux, montre l’agresseur muni
de son couteau, dans la cour de
l’établissement. Il avance, d’un
pas assuré, habillé d’un blouson
gris. Ses victimes tentent de le
mettre à distance avec une chaise.
La détermination de l’assaillant
est totale. En fin d’après-midi, les
deux blessés étaient en urgence
absolue. Dominique Bernard est la
273e victime d’une attaque isla-
miste depuis 2012 en France.
Mohammed Mogouchkov, âgé
de 20 ans, a été interpellé par la
police dix minutes après que
l’alerte a été donnée. Son jeune
”
physiques Les forces de police même été contrôlé ce jeudi 12 oc- lège Gambetta » à « Arras », ha-
UNE SOURCE PROCHE devant l’entrée tobre, c’est-à-dire la veille de bitant à Arras et marié « le 25 fé-
DU RENSEIGNEMENT du lycée Gambetta, l’attentat, sans qu’aucune infrac- vrier 2021 ». Dernier « post » le
tion ne puisse lui être reprochée. même jour. Son compte com-
à Arras, vendredi.
expulsée du territoire national en DENIS CHARLET/AFP « Ses conversations téléphoniques prend « 64 amis », essentielle-
février 2014. À l’époque, un matin
de février, les Mogouchkov
avaient été réveillés par la police
aux frontières. Le couple et ses
cinq enfants avaient été emmenés
à l’aéroport de Saint-Jacques-de-
la-Lande avant de faire escale à
Roissy, où les attendait un vol de-
vant les renvoyer à Moscou.
Mais les associations, vent de-
bout, s’étaient alors opposées à
cette expulsion. Selon France 3
Bretagne et Ouest-France, le
Mrap, la Cimade, RESF 35 et
d’autres collectifs avaient fait
pression sur les politiques, no-
tamment les candidats aux muni-
cipales de Rennes. Finalement, les
autorités avaient remis en liberté
la famille Mogouchkov. La fédé-
ration d’Ille-et-Vilaine du Parti

+ » Lire aussi
PAGES 20 ET 21
frère Souleyman, qui n’était pas
sur place, a lui aussi été appré-
communiste français avait alors
publié un communiqué dénon-
hendé. Tous deux seraient d’ori- çant ces pratiques « d’autant plus

Tristesse et sidération après l’attaque

au lycée Gambetta-Carnot
ÉLISABETH PIERSON £@zazpierson
ENVOYÉE SPÉCIALE À ARRAS (PAS-DE-CALAIS)
LES REGARDS anxieux scrutent le
bâtiment, cerclé par la rubalise
des CRS. Les téléphones sonnent,
des voix angoissées crachent dans
les haut-parleurs : « Ma chérie,
t’es où? »
Devant le lycée Gambetta-Car-
not à Arras, où un assaillant isla-
miste a tué un professeur et blessé
deux autres personnes deux heures
plus tôt, les élèves sortent au
compte-gouttes. Des dizaines de
parents, dévorés par l’angoisse, ont
quitté leur travail en catastrophe
pour venir chercher leurs enfants.
« Le voilà ! », s’exclame un père
dans un soupir de soulagement.
« Ça va, petite ? », lance un autre, le
bras sur les épaules de son adoles-
cente. Quelques larmes coulent.
À la cité scolaire Gambetta-Car-
not, c’est la sidération. De bonne
réputation, situé en plein centre-
notre prof de sport est arrivé, la
bouche en sang, raconte Kat. Il a
crié : “Appelez la police !” Derrière
lui, il y avait quelqu’un avec un ci-
seau ou un couteau. Des cantiniers
sont venus avec des chaises pour le
faire partir. »
La rumeur court que l’assaillant
était un ancien élève. « Possible, en
tout cas je ne l’ai jamais vu », assu-
“pourOnlaétait en route
cantine quand
notre prof de sport
est arrivé, la bouche
en sang. Il a crié :
« Appelez la police ! »
Derrière lui, il y avait
quelqu’un avec un
ciseau ou un couteau.
Des cantiniers sont
venus avec des chaises
ans. Une mère de famille se de-
mande si elle a bien fait d’aména-
ger dans la ville, voilà un mois.
« Apparemment, le quartier sud est
un peu craignos », glisse-t-elle à sa
voisine.
La municipalité a suspendu tous
les événements à venir jusqu’à
nouvel ordre. Autour du lycée, des
groupes d’élèves rentrent chez
eux. Certains ont passé plus de trois
heures confinés. Des cellules psy-
chologiques ont été ouvertes. Sous
le choc, plusieurs enfants y ont déjà
été accueillis ce vendredi. Irina,
une maman, a accompagné sa fille
qui s’est « effondrée » en apprenant
la mort de son professeur, raconte-
t-elle. Quant à son fils, témoin du
drame, il était encore entendu par
les enquêteurs en fin de journée.
« Heureusement, je sais qu’il est so-
lide », confie la mère.
Dans une rue adjacente au lycée,
Depuis vingt ans, les djiha
le salon de coiffure Barber Tea ré- radical et une tradition caucasien-
sonne des infos de BFMTV, où le JEAN CHICHIZOLA ne exaltant les prouesses physiques
profil de l’assaillant est détaillé. Le et les exploits guerriers. Les chif-

ville, l’établissement était jus-
qu’ici sans histoire ou presque.
« C’est un lycée cosmopolite, mais la
mixité n’a jamais posé problème »,
croit savoir François, un parent
d’élève. « Les enseignants sont très
impliqués auprès des enfants. On a
toujours été très satisfaits. Ça doit
être un gros drame pour eux »,
souffle son épouse Laetitia.
« Monsieur Bernard est mort ? »
Mohammed, 12 ans, semble incré-
dule. Il vient de passer deux heu-
res confiné dans sa salle de classe,
sans connaître la gravité exacte de
l’attaque. « C’est le prof de français
de mes copains. Ils l’ont eu ce matin
en cours », glisse l’adolescent.
Avec ses amies Kat et Inès, tous les
trois élèves en 5e, ils ont vu l’as-
A
”
pour le faire partir
KAT, UNE ÉLÈVE DU LYCÉE
GAMBETTA-CARNOT
re Martin Doussau, un professeur
de philosophie qui s’est retrouvé
face au terroriste. « Il s’est retour-
né contre moi avec ses couteaux et
m’a répété plusieurs fois : “T’es
prof d’histoire !” Comme s’il voulait
me cibler pour ça. » L’enseignant
s’est alors réfugié avec un groupe
d’élèves dans le bâtiment central.
« On l’a vu face à nous, à travers les
baies vitrées. Il essayait d’ouvrir les
portes », raconte-t-il.
Dans les rues d’Arras, la stupeur
est palpable. « Je n’arrive pas en-
core à croire ce qu’il s’est passé. La
ville est très calme. On ne s’est ja-
gérant des lieux ne parle qu’arabe.
Aurélien, coiffeur, prend la parole :
« À Arras, on n’a jamais eu de pro-
blème comme ça. » Quant à l’exis-
tence d’une « communauté tchét-
chène », le jeune arrageois n’en a
« jamais entendu parler ». « Pour-
tant, j’en vois passer des gens ici, et
je travaille aussi dans le milieu de la
nuit », argue celui qui exerce aussi
comme videur de discothèque pour
compléter ses fins de mois.
Sur toutes les lèvres revient un
mot : deuil. « Deuil de ce collègue
qui a été poignardé, deuil des bles-
sés aussi, et de notre lycée qui était
jusque-là tranquille, résume le
professeur de philosophie Martin
Doussau, inquiet pour les jours et
semaines à venir. Nul ne sait dans
L’ATTAQUE au couteau d’Arras est
le troisième attentat islamiste per-
pétré depuis 2018 par un jeune ter-
roriste issu de la communauté
nord-caucasienne (majoritaire-
ment tchétchène et ingouche,
deux peuples musulmans unis par
l’histoire). Et c’est sans compter
les nombreux coups de filet anti-
terroristes et les condamnations
pénales visant des profils similai-
res. En réalité, les services spécia-
lisés ont dans leur viseur des indi-
vidus issus de cette communauté
depuis près de vingt ans. Dans les
années 2010, un policier évoquait
un inquiétant mélange chez ces
terroristes en puissance : le trau-
matisme personnel et collectif des
deux guerres de Tchétchénie mar-
fres parlent d’eux-mêmes.
En 2016, la Direction générale de
la sécurité intérieure (DGSI) indi-
quait que, à cette date, 7 % à 8 %
des individus concernés par les fi-
lières syro-irakiennes (djihadistes
ayant quitté la France pour rejoin-
dre notamment l’État islamique)
étaient des Tchétchènes.
« Nouvelle génération
radicale »
On estime aujourd’hui que plus de
150 djihadistes issus de la commu-
nauté nord-caucasienne seraient
partis sur zone. Ce qui constitue
environ 10 % des quelque 1 500 dji-
hadistes détenteurs de la nationa-
lité française ou vivant en France
au moment de leur départ. Une

saillant à quelques mètres. « On mais sentis en insécurité », assure quelle atmosphère les cours vont quées par les atrocités russes, un statistique édifiante quand on sait
était en route pour la cantine quand un couple, arrageois depuis dix reprendre. » ■ ralliement enthousiaste à l’islam que la communauté nord-cauca-

toutes les surveillances
qui avait visé toute sa famille en 2014.
ment des subsahariens, dont
beaucoup se disant installés au
Mali, à Conakry, ou déclarant
« travailler » au « Koweït ». La
photo d’une maison illustre le
compte, mais aussi celle d’un jeu-
ne enfant boxeur. De fait, Moha-
med Mogouchkov était boxeur
cadet au Boxing club d’Arras Sud.
Un troisième frère, âgé de
22 ans, Movsar, est quant à lui in-
carcéré à la Santé pour association
de malfaiteurs terroristes et est
passé par le Quartier d’évaluation
de la radicalisation de Vendin le
Vieil. Au printemps 2019, il était
impliqué dans un projet d’atta-
que, déjoué, contre l’Élysée et les
policiers assurant la garde. Ven-
dredi, il a été mis à l’isolement à la
Santé et placé en garde à vue. Il
pourrait être l’inspirateur du raid
islamiste.
Peu avant 13 heures, le Parquet
national antiterroriste s’est saisi
et a ouvert une enquête des chefs
d’« assassinat en relation avec
une entreprise terroriste », « ten-
tative d’assassinat en relation
avec une entreprise terroriste » et
distes caucasiens dans le viseur des autorités
sienne regrouperait tout au plus
quelques dizaines de milliers d’in-
dividus en France (de 20 000 à
50 000 soit moins de 1 % de la po-
pulation totale). Plus globalement,
les nord-caucasiens, partis d’Eu-
rope mais aussi de Russie et du
Moyen-Orient, représentaient
3 000 des 4 000 djihadistes russo-
phones dans la zone syro-irakien-
ne. À cette participation au djihad
de Daech et d’Al-Qaida, il faut
ajouter la radicalisation, déplorée
par nombre d’anciens de la com-
munauté, par « l’imam Google »,
frappant des individus mineurs ou
de très jeunes. Récemment (voir
ci-dessus), un expert évoquait
même l’apparition d’une « nouvelle
génération radicale ».
Une « nouvelle génération » qui
a donc tué trois fois au cours des
cinq dernières années. Le 12 mai
2018, Khamzat Azimov attaquait
au couteau des passants dans le
« association de malfaiteurs ter-
roriste en vue de préparer des cri-
mes d’atteinte aux personnes ».
Les investigations ont été
confiées à la Sous-direction anti-
terroriste de la direction nationale
de la police judiciaire (SDAT),
service coordonnateur à la direc-
tion nationale de la police judi-
ciaire (DNPJ) et à la Direction gé-
nérale de la sécurité intérieure
(DGSI).
Cette attaque terroriste inter-
vient à trois jours de la commé-
moration de l’assassinat du pro-
fesseur d’histoire géographie
Samuel Paty, le 16 octobre 2020 à
Conflans-Sainte-Honorine. L’en-
seignant, lui aussi, avait été la ci-
ble d’un terroriste d’origine cau-
casienne, tué par la police. Avant
de commettre l’indicible, Abdoul-
lakh Anzorov, alias « Al Ansar
tchétchène 270 » sur les réseaux,
venait de visionner une vidéo de
haine qui déplorait que l’ensei-
gnant de 47 ans ait montré en
classe des caricatures du prophè-
te.
Le sénateur LR Henri Leroy,
quartier parisien de l’Opéra. Il tuait
un jeune homme de 19 ans - qui
succombait après s’être défendu
contre son agresseur - et blessait
plusieurs autres personnes. Le ter-
roriste était tué par la police et l’at-
tentat revendiqué par l’État isla-
mique avec une vidéo d’Azimov.
Né le 1er novembre 1997 à Argoun
(Tchétchénie), Khamzat Azimov
était arrivé en France avec ses pa-
rents qui avaient obtenu le statut
de réfugiés politiques puis obtenu
la nationalité française en 2010. Au
moment des faits, il vivait dans un
hôtel du 18e arrondissement avec
sa mère et sa sœur. Fiché pour ra-
dicalisation, il avait été repéré en
marge d’un groupe de radicalisés
tchétchènes vivant en Alsace. L’un
d’entre eux fut interpellé en sep-
tembre 2018 dans un dossier
d’« association de malfaiteurs en
relation avec une entreprise terro-
riste » et un second sera jugé à Pa-
membre et initiateur de la mission
d’information sénatoriale sur les
« menaces et agressions contre les
enseignants », a réagi vendredi à
l’attentat en déplorant qu’après
« l’assassinat de Samuel Paty par
un extrémiste islamiste », « rien
n’a été fait pour protéger nos en-
seignants face à la barbarie ».
Fin septembre, une source sé-
curitaire soulignait l’apparition
d’une « nouvelle génération radi-
cale » touchant notamment la
jeunesse issue de l’immigration
nord-caucasienne.
À la demande de Gabriel Attal,
une consigne a été envoyée aux
recteurs de prendre sans délai
toutes les mesures pour renforcer
la sécurité de tous les établisse-
ments en France. Ce nouvel at-
tentat endeuillant la communauté
scolaire a été commis alors que le
Hamas, par la voix de Khalid
Mashal, l’un de ses membres fon-
dateurs, avait appelé, il y a quel-
ques jours, les musulmans du
monde entier à manifester leur
colère ce vendredi 13 octobre, ap-
pelant au sang. ■
ris, du 25 au 31 octobre 2023, pour
avoir inspiré le passage à l’acte de
son ami Khamzat Azimov.
Un peu plus de deux ans plus
tard, le 16 octobre 2020, le terroris-
te tchétchène Abdoullakh Anzorov
décapitait Samuel Paty, professeur
d’histoire-géographie au collège
du Bois-d’Aulne (Yvelines). Né le
12 mars 2002 à Moscou, Abdoulakh
Anzorov était lui aussi arrivé en
France avec ses parents en 2008,
déboutés du droit d’asile en 2010
mais l’obtenant finalement en ap-
pel en 2011. Le fils Anzorov, qui vi-
vait à Évreux avec ses proches,
avait ainsi pu bénéficier lui aussi du
statut de réfugié et il avait reçu une
carte de séjour de dix ans à sa ma-
jorité en mars 2020. Depuis l’atten-
tat, sa famille aurait regagné la
Tchétchénie et, dans une vidéo,
son père a approuvé au nom de la
défense du prophète l’attentat per-
pétré par son fils. ■
LE FIGARO
L'ÉVÉNEMENT
« Comment peut-on
mourir d’enseigner ? »
CAROLINE BEYER £@BeyerCaroline
UN PROFESSEUR de français de la
cité scolaire Gambetta-Carnot d’Ar-
ras poignardé à mort par un ancien
élève de l’établissement, Moham-
med Mogouchkov, caucasien,
20 ans, fiché S et activement suivi
par la DGSI. À quelques jours de
l’anniversaire de l’assassinat de Sa-
muel Paty, décapité le 16 octobre
2020 par un terroriste islamiste
caucasien, dans un contexte inter-
national tendu, l’heure est à l’effroi,
à la tristesse et aux questions, aussi,
au sein de la communauté éducative.
« Nous sommes choqués, scandali-
sés, indignés, en deuil, réagit Maxime
Reppert, vice-président du syndicat
enseignant Snalc qui, au cours du
confinement imposé aux personnels
et élèves du lycée Gambetta à la suite
de l’attaque, a été en lien avec des
professeurs sur place. Nous sommes
aussi inquiets et nous avons beaucoup
de questions », poursuit-il. Quelles
étaient les motivations de l’atta-
quant ? Comment a-t-il pu entrer
dans le lycée ? Comment améliorer
la sécurité des élèves et des person-
nels ? Ancien élève de cette « cité
scolaire » du centre-ville d’Arras
-qui va du collège aux classes prépa-
ratoires-, Mohammed Mogouchkov
connaissait les lieux. C’est armé d’un
couteau qu’il a forcé l’entrée de
l’établissement, aux alentours de
11 heures Dominique Bernard,
57 ans, professeur de français au col-
lège de la Cité scolaire Gambetta,
tente de s’interposer. «L’enseignant
qui a été tué a sans doute sauvé beau-
coup de vies, a déclaré le Président
Macron, sur place à 17 heures, aux
côtés de Gabriel Attal, ministre de
l’Éducation, et Gérald Darmanin, de
l’Intérieur. Son collègue gravement
blessé et le personnel aussi grièvement
blessé ont eu le même courage », a-
t-il précisé. Un professeur d’éduca-
tion physique et sportive et un per-
sonnel d’accueil ont été blessés.
« Nous avons une pensée pour tous
les adultes de cet établissement qui
ont continué coûte que coûte à défen-
dre les élèves et ont assumé leur mis-
Dominique Bernard, un
homme raffiné et cultivé
GUILLAUME POINGT
£@guillaumepoingt
IL ENSEIGNAIT le français au ly-
cée Gambetta-Carnot à Arras.
Dominique Bernard, 57 ans, a été
poignardé par un Caucasien, fi-
ché S pour islamisme radical, au
moment de l’intercours de 11 heu-
res. « L’enseignant qui a été tué
s’est interposé lui-même, son collè-
gue blessé et le personnel qui a été
grièvement blessé ont eu le même
courage. Ils ont sans doute sauvé
beaucoup de vies, je veux leur ren-
dre hommage », a salué, vendredi
après-midi, le président de la Ré-
publique, Emmanuel Macron.
Agrégé de lettres modernes, Do-
minique Bernard était le père de
trois filles, étudiantes, et marié à
une enseignante en anglais, profes-
seur dans un lycée du Pas-de-Ca-
lais. Il a fait toute sa carrière dans le
Nord, d’abord en enseignant quel-
ques années en classe préparatoire
à Lille, avant de revenir, il y a plus
de quinze ans, à Arras, la ville où il
avait passé son enfance.
«Un fervent défenseur
de la laïcité »
« Dominique était agrégé, mais en-
seignait par choix au collège. Il
aimait profondément son enseigne-
ment, les élèves, la littérature, la
culture, tout ce qui peut faire d’un
homme un honnête homme. C’était
un fervent défenseur de la laïcité, à
l’image de Samuel Paty », a expliqué
une de ses proches dans un entre-
tien à Factuel. Cette année, il avait
en charge plusieurs classes de cin-
quième. « Il était un peu sévère mais
sympa », souligne un de ses élèves.
Dominique Bernard avait égale-
ment cofondé l’Université popu-
laire du Nord - Pas-de-Calais, à
samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023
3
sion au service de l’Éducation natio-
nale », réagit Sophie Vénétitay, se-
crétaire générale du Snes, principal
syndicat des collèges et lycées. C’est
l’effroi, la sidération. Comment en
France, en 2023, on peut mourir
d’enseigner, d’être prof. Trois ans
après la mort de Samuel Paty… » Le
drame actuel résonne terriblement
avec l’assassinat du professeur
d’histoire-géographie de Conflans-
Sainte-Honorine, qui avait étudié
des caricatures en classe. Ce lundi
16 octobre, les établissements doi-
vent commémorer ce funeste anni-
versaire. Gabriel Attal avait
d’ailleurs envoyé vendredi matin,
avant le drame d’Arras, un message
en ce sens aux chefs d’établisse-
ments, indiquant souhaiter un
hommage « dans chaque école et
chaque établissement scolaire, du
CM1 à la terminale ».
« L’école est la cible »
« L’école est la cible du terrorisme.
Nous le savions. Nous en avons la
confirmation, poursuit-on au Snes.
Elle est attaquée pour ce qu’elle est :
sa capacité à émanciper, à faire
grandir, à ouvrir des horizons. Ce qui
est insupportable pour les terroris-
tes ». Le témoignage, vendredi,
d’un professeur de philosophie du
lycée Gambetta, rapportant que
l’attaquant recherchait « un profes-
seur d’histoire », va dans ce sens.
La communauté éducative s’in-
terroge aussi sur le suivi de
Mohammed Mogouchkov, fiché S.
Selon une information de BFMTV,
l’assaillant avait déjà agressé un
professeur quand il était élève au
lycée Gambetta-Carnot. Des per-
sonnels de l’établissement avaient
également prévenu la direction de
ses dérives radicales. L’assaillant
avait été surpris en train de prier
dans des salles de classe.
Ce samedi, 14 octobre, le lycée
Gambetta rouvrira ses portes, à la
demande du proviseur, a annoncé
le président Macron, « pour ne pas
céder à la terreur ». Dans le même
temps, Gabriel Attal a demandé aux
recteurs de renforcer la sécurité des
établissements scolaires. ■
Agrégé de lettres modernes,
Dominique Bernard (ici, au début
des années 2000) avait enseigné en
classe préparatoire à Lille, avant de
revenir, il y a plus de quinze ans, à
Arras, la ville de son enfance. UPNDC
Arras, dans la continuité de l’Uni-
versité populaire de Caen de Mi-
chel Onfray, avec cette même en-
vie de partager son savoir et de
transmettre ses passions. Cet
homme raffiné et cultivé aimait
notamment étudier les rapports
entre l’écrit et l’écran, entre la
page et l’image. À l’Université po-
pulaire, il donnait des conférences
intitulées « Littérature et ciné-
ma », « Musique et cinéma », ainsi
que des cours d’analyse filmique.
Épris de littérature, Dominique
Bernard comptait Proust, Céline,
Gracq, Simon, Michon ou encore
Rouaud parmi ses écrivains préfé-
A
rés. Côté cinéma, il vouait un culte
à Welles, Truffaut et Téchiné. ■
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO

4 L'ÉVÉNEMENT
L’appel à l’unité de Macron percuté par le
Rattrapé par la violence islamiste, le chef de l’État voit les appels à la fermeté se multiplier à droite et au RN, qui dénon
LORIS BOICHOT £@lboichot
ET TRISTAN QUINAULT-MAUPOIL
£@TristanQM
EN S’AVANÇANT vers le corps
sans vie de Dominique Bernard,
Emmanuel Macron a marqué une
pause. Le président de la Républi-
que a rendu hommage vendredi
après-midi à l’enseignant poi-
gnardé à mort quelques heures
plus tôt par un assaillant radicalisé,
sur le parking de la cité scolaire
Gambetta d’Arras (Pas-de-Calais).
Plus tard, devant les caméras, le
chef de l’État a souligné le courage
d’un homme qui « a sans doute
sauvé lui-même beaucoup de vies »
et adressé ses pensées aux deux
autres victimes grièvement bles-
sées. Il a ensuite dénoncé la « bar-
barie du terrorisme islamiste » et
salué « l’extraordinaire courage »
de la communauté éducative,
après avoir rencontré les profes-
seurs et les élèves du lycée et avant
de convoquer une réunion de sé-
curité à l’Élysée avec Élisabeth
Borne et plusieurs ministres. « Ci-
bler l’école, les professeurs, les
agents, c’est s’attaquer à la Répu-
blique », venait d’écrire sur le ré-
seau social « X » (ex-Twitter) la
première ministre.
Alors qu’une tentative d’atten-
tat a été quasi simultanément dé-
jouée à Limay (Yvelines) vendredi
- un homme armé d’un couteau a
été interpellé en sortant d’une salle
de prière -, le pouvoir exécutif ap-
paraît une nouvelle fois rattrapé
défi de l’unité, contraint de réité-
rer son appel à la concorde contre
les « fractures nationales », lancé
jeudi soir dans son allocution télé-
visée. « Nous faisons bloc » et
« nous tenons debout », a-t-il dit
vendredi, en exhortant les Fran-
çais à « ne pas céder à la terreur »
et à ne pas se « diviser », en ce
vendredi dont le Hamas avait dit
vouloir faire « un jour de colère »
en appelant les musulmans du
monde entier à se soulever.
«Tout est relié. Notre inflexibilité
face à l’hydre islamiste est la seule
voie. Toutes les complicités, mêmes
intellectuelles, avec le terrorisme
sont insupportables », a observé
l’ancien ministre, Jean-Michel
Blanquer, qui avait la charge de
l’Éducation nationale lors de l’as-
sassinat de Samuel Paty. Adepte
d’une ligne républicaine ferme, sa
sortie a sonné vendredi comme
une manière de mettre en cause les
Insoumis, après une semaine de
polémiques autour de leur refus de
qualifier le Hamas d’organisation
« terroriste ».
“témoigner
Je suis là pour
du soutien
de la nation, pour dire
que nous faisons bloc
et que nous tenons.
Le choix est fait de ne
pas céder à la terreur,
de ne rien laisser
noncé une « attaque meurtrière »
par la voix de Jean-Luc Mélen-
chon. À l’Assemblée nationale, les
députés de tous bords ont
d’ailleurs observé une minute de
silence et rendu hommage aux
victimes. Trois jours seulement
après un même moment de re-
cueillement de l’Hémicycle du Pa-
lais Bourbon, pour les victimes is-
raéliennes cette fois.
L’unanimité des parlementaires
n’a toutefois pas empêché le débat
politique autour de la riposte au
« séparatisme islamiste » d’être re-
lancé. À droite et au RN, les appels à
la fermeté se sont multipliés. À la
tête de LR, Éric Ciotti a demandé au
président de la République d’« ac-
tiver l’état d’urgence » pour « faci-
liter les perquisitions administrati-
ves, interdire les manifestations et
assigner à résidence ». «N’atten-
dons pas que la France soit touchée
plus durement », écrit-il, neuf mois
avant l’ouverture des Jeux olympi-
ques et paralympiques de Paris
2024. Pour le chef de file des séna-
teurs LR, Bruno Retailleau, « la Ré-
publique ne peut plus se contenter de
réagir, elle doit se réarmer ». «Une
fois de trop le fanatisme endeuille
notre pays. Notre résolution à le
combattre est totale », ont pour leur
part déclaré les socialistes dans un
communiqué.
Le profil de l’assaillant - un ving-
tenaire d’origine caucasienne fiché
S, surveillé par les services de ren-
seignements et contrôlé jeudi, dont
la famille a fait l’objet d’une tenta-
tive d’expulsion en 2014 -, si banal

par la violence islamiste sur le sol
national. « Presque trois ans jour
pour jour après l’assassinat de Sa-
muel Paty » dans son collège de
Conflans-Sainte-Honorine (Yveli-
nes), a relevé Emmanuel Macron,
« c’est à nouveau dans une école
que frappe le terrorisme ». Au cri
d’« Allah akbar », comme celui
qui avait funestement retenti le
16 octobre 2020. Ou samedi der-
nier, lors de l’assaut des terroristes
du Hamas en Israël. Sans qu’un
lien n’ait pu être clairement établi
vendredi entre la situation au Pro-
che-Orient et l’attaque d’Arras,
Emmanuel Macron a observé que
l’attaque s’ajoute « au contexte que
nous connaissons tous ».
Le président craignait l’impor-
tation du conflit Israël-Hamas sur
le territoire. Il se retrouve mis au
”
nous diviser
EMMANUEL MACRON,
VENDREDI, À ARRAS
«Il est temps d’ouvrir les yeux
sur cette cinquième colonne du ter-
rorisme islamiste qui nous attaque
de l’intérieur, estime Laurent
Wauquiez, le président LR de la
région Auvergne-Rhône-Alpes.
Et le moment est venu de demander
aussi des comptes à ses amis de
l’extrême gauche qui en sont la vi-
trine légale ».
Comme lui, les responsables po-
litiques ont été nombreux à faire
part vendredi de leur « effroi »,
voire de leur colère. Du Rassem-
blement national (RN) de Jordan
Bardella, qui a mis en cause « l’is-
lamisme, ses soldats et ses relais »,
jusqu’aux Insoumis, qui ont dé-
au regard des précédentes attaques
terroristes, est allègrement relevé.
Notamment par Jordan Bardella,
qui réclame la « démission immé-
diate » du ministre de l’Intérieur,
Gérald Darmanin. « Il y a eu des
failles dans toute la chaîne de res-
ponsabilité », s’insurge l’eurodé-
puté lepéniste, en campagne pour
conserver son siège à Strasbourg.
Elle-même en lice pour Reconquê-
te!, sa rivale nationaliste Marion
Maréchal a demandé « la vérité »
au premier flic de France sur le
nombre de fichés S. « Pour protéger
les Français, vous devez agir, les ar-
rêter et les expulser d’urgence », in-
siste l’ex-députée FN.
Confronté, après une rentrée
réussie, à la première crise de cette
ampleur depuis sa nomination à
l’Éducation nationale, Gabriel At-
Emmanuel Macron tal a demandé de renforcer « sans
et le ministre délai » la sécurité des établisse-
de l’Éducation nationale, ments scolaires. Il a aussi souhaité
Gabriel Attal, arrivent réuni les organisations syndicales
au lycée Gambetta, vendredi soir.
vendredi, à Arras, La crainte d’une attaque sem-
dans le Pas-de-Calais. blait d’actualité ces derniers jours,
LUDOVIC MARIN/AFP
comme en témoigne son déplace-
ment de lundi dans une école juive
de Sarcelles (Val-d’Oise), avec
Gérald Darmanin, où ils se sont in-
quiétés d’actes antisémites en ré-
surgence. Les deux hommes
avaient alors annoncé un renfor-
cement de la sécurité des lieux
confessionnels. Quelque 580 ont
été listés par Beauvau, protégés
par 10 000 policiers et gendarmes.
Toutes les manifestations pro pa-
lestiniennes prévues ce week-end
ont été interdites dans le pays pour
éviter des débordements.
«La France doit prendre la mesu-
re de la profondeur de la gravité de
la crise à laquelle nous sommes
confrontés », a pour sa part récla-

La peur, la « colère froide », un « sentiment de solitude atroce »… Une semaine

confessionnelles ont été placés sous Île-de-France, a appris Le Figaro, sions physiques. L’atmosphère est soumise n’a pas voulu sortir de
STÉPHANE KOVACS £@KovacsSt

« S’IL Y A DES MÉCHANTS qui nous

menacent, t’inquiète pas maman, on
dira qu’on est goys (1) ! » Sarah (2),
8 ans, n’a sans doute pas encore les
bons réflexes, mais elle a bien perçu
l’anxiété de ses parents. Faut-il re-
tirer la mezouza (3) de la porte
d’entrée ? Interdire à ses grands frè-
res de porter la kippa en dehors de
la maison ? Peut-être même arrêter
de fréquenter le restaurant casher
du quartier ? Depuis les frappes du
Hamas sur Israël le week-end der-
protection policière. Plusieurs per-
sonnalités françaises, dont la prési-
dente de l’Assemblée nationale
« France,
Yaël Braun-Pivet, le député des
Français de l’étranger Meyer Habib
et le grand rabbin de France Haïm
Korsia, ont vu leur niveau de sécu-
risation renforcé. En France, pays
dont la communauté juive se sent le
moins en sécurité, selon une étude
publiée en 2022 portant sur douze
pays européens, 436 actes antisé-
mites - dont 53 % portaient attein-
te à des personnes - ont été recen-
sés l’an dernier. Les juifs de France,
J’adore la
mais
faisaient état d’« arrêts de travail »
envoyés par des professeurs de
confession juive.
inflammable, et les étincelles, ce
sont tous ces discours de légitima-
tion voire d’apologie du terrorisme
l’ambiguïté et qualifier le Hamas
de terroriste, souligne-t-il. Du
coup, la situation actuelle est plus
là je n’y crois « Une centaine d’actes antisé- que l’on entend, qui proviennent grave qu’à l’époque où seul le FN
plus, je pense mites en six jours, là où l’on en même d’acteurs institutionnels ou semblait verser aisément dans
avait compté 436 en un an !, politiques. » Directeur général de l’antisémitisme : l’absence de rup-
que les choses s’émeut Yonathan Arfi, président la Fondation pour l’innovation ture des écologistes et des socialis-
sont hors du Conseil représentatif des insti- politique (Fondapol), Dominique tes avec LFI devient un sujet de
de contrôle, tutions juives de France (Crif). Le Reynié abonde : « Face à la mons- préoccupation pour les Français
conflit est un très puissant cataly- trueuse évidence, la classe politi- juifs. Rien ne peut expliquer la po-
et j’envisage seur d’actes antisémites. Notre que n’a pas été capable d’unanimi- sition de LFI sinon cette idée atroce
de quitter crainte, c’est que l’on assiste té. » « Au moment où le RN qu’elle parierait sur une clientèle
mon pays
MICHAËL, 46 ANS,
» maintenant à une flambée d’agres- s’institutionnalise, La France in- électorale issue de l’immigration et

nier, nombreuses sont les familles
juives à redouter une « importation
du conflit en France ». Insultes, me-
naces, tags, mais aussi arrestations
de « gens avec des armes blanches
devant une école ou une synago-
gue »… « plus d’une centaine d’actes
antisémites » ont été recensés ces
derniers jours, a révélé jeudi le mi-
nistre de l’Intérieur. Pourtant inter-
dites, des manifestations propales-
tiniennes se sont tenues dans
plusieurs villes de France. « On peut
craindre que l’esprit et la pratique du
pogrom ne gagnent la France »,
s’alarme le philosophe Alain Fin-
kielkraut. S’adressant, mardi soir, à
la synagogue de la Victoire à Paris,
« à ceux qui pensent encore que c’est
loin et que cela concerne les juifs
seuls », le président du Consistoire
central, Elie Korchia, a estimé que
« notre devoir est de faire compren-
dre que ce qui s’est passé là-bas peut
se passer ici ».
A
CHEF D’ENTREPRISE
qui représentent moins de 1 % de la DE CONFESSION JUIVE
population, sont visés par plus de
60 % des actes antireligieux.
« Il n’y a plus de limites »
Et depuis ce week-end, le comp-
teur s’emballe : à Carcassonne, di-
manche dernier, un mur a été ta-
gué de l’inscription « Tuer les juifs
est un devoir ». Dans la nuit de di-
manche à lundi, quatre individus
munis d’un drapeau palestinien ont
été interpellés sur le pont d’Iéna, à
Paris, après avoir crié : « Vive la
Palestine, à mort les juifs, à mort Is-
raël ! » Mardi, c’est aux abords
d’une école juive de Villiers-sur-
Marne qu’un homme a été arrêté,
armé d’un cutter. Tandis que mer- Un policier monte
credi s’étalait, en grosses lettres sur la garde devant
une synagogue,
toute la façade d’un bâtiment de
deux jours après
l’université Lyon-2, l’inscription le renforcement des
« Soutien à la lutte armée palesti- mesures de sécurité
nienne »… Ce vendredi, décrété près des lieux de culte
« jour de colère » dans le monde par et des écoles juives,

Plus de 500 lieux communautai- le Hamas, plusieurs chefs d’établis- le 9 octobre, à Paris.
res juifs et l’ensemble des écoles sement scolaire, notamment en JULIEN DE ROSA/AFP

retour du terrorisme
cent des « failles » dans le suivi de l’assaillant par les autorités.
mé l’ancien président Nicolas
Sarkozy. Selon lui, « éradiquer le
terrorisme islamique qui est présent
sur notre territoire exigera une vo-
lonté inébranlable et une persévé-
rance inépuisable ».
Charge à Gérald Darmanin, cri-
tiqué par ses opposants, d’appor-
ter des réponses. Au moment où il
se prépare à présenter dès le 6 no-
vembre au Sénat loi immigration,
qui prévoit de faciliter l’expulsion
des délinquants étrangers.
après l’horreur en Israël, la profonde détresse des juifs de France
de la communauté musulmane,
dont elle supposerait qu’elle voie
d’un bon œil cette abominable opé-
ration. Cela implique que cette me-
nace serait grandissante, en raison
de l’évolution démographique de
notre pays… »
Dans les locaux de l’Union des
étudiants juifs de France (UEJF),
« ouverts jour et nuit comme une
sorte de cellule de crise », « on est
submergé de messages d’étudiants
paniqués, raconte Samuel Le-
joyeux, président de l’association.
On récolte aujourd’hui les semences
du laisser-faire : partout où les ad-
ministrations d’universités ont laissé
se propager les discours antisionis-
tes, il n’y a plus de limites et on peut
faire l’apologie du terrorisme sur un
mur entier : Lyon-2, c’est là même
où une terroriste du FPLP avait été
invitée à prendre la parole, la semai-
ne dernière ! »
« Atmosphère pesante »
Dans un sondage publié fin sep-
tembre, 9 étudiants juifs sur 10 di-
saient avoir vécu l’antisémitisme à
l’université. « Aujourd’hui, cela va
de la censure des hommages - à
Sciences Po Paris, par exemple, les
photos d’un ancien étudiant tué en
Israël ont été recouvertes par des af-
fiches appelant à un rassemblement
pro-palestinien - à des dérapages
antisémites, poursuit le président
de l’UEJF. L’atmosphère est parfois
extrêmement pesante, et de nom-
breux jeunes préfèrent ne plus aller
en cours… » Étudiante à Lyon, Léa
est « la seule juive de (s)a promo ».
« Aujourd’hui, toute la matinée, j’ai
Quant à Emmanuel Macron et
Élisabeth Borne, ils réfléchissent
à la suite à donner à ce drame.
L’organisation d’un hommage est
imaginée au sommet de l’État, à
la manière de celui rendu à Sa-
muel Paty, qui s’était vu remettre
la Légion d’honneur à titre pos-
thume, dans la cour de la Sorbon-
ne. Au surlendemain de l’assassi-
nat, en 2020, des milliers de
personnes s’étaient rassemblées
dans toute la France.
eu droit à des “Free Palestine !” jus-
que pendant les cours, et sans réac-
tion des profs, rapporte-t-elle. Sur
les réseaux sociaux, je reçois des
messages comme : “Vous récoltez
ce que vous avez semé”. À mon ap-
proche, certains se mettent à parler
arabe… Je n’ai personne à qui me
confier, et la seule chose que j’ai
trouvée pour me protéger, c’est de
m’isoler encore plus. Mon seul ré-
confort, c’est quand je rentre chez
moi le soir, même si mes parents sont
eux-mêmes très stressés. »
60 %
des actes
antireligieux
visent la communauté juive
française qui représente moins
de 1 % de la population
Pour éviter à ses enfants l’antisé-
mitisme qu’il a vécu au collège, Mi-
chaël, qui porte un nom « identifia-
ble », a « émigré vers les banlieues
chics » de Lyon. « Un pogrom est
organisé en Israël et il faut prendre
des mesures de sécurité en France
pour nous protéger !, s’affole ce chef
d’entreprise de 46 ans. Mais pour-
quoi on en est arrivé là ? Les Français
ont certes exprimé leur tristesse et
leur colère après les crimes commis
par Merah ou Coulibaly (qui ont tué
plusieurs juifs en 2012 et 2015,
NDLR) les assassinats de Mireille
LE FIGARO
L'ÉVÉNEMENT
CONTRE-POINT
PAR GUILLAUME TABARD £@GTabard
Une « guerre » d’ores
et déjà importée en France
L
e télescopage des drames
est terrifiant, mais il était
hélas prévisible. L’onde de
choc mondiale de l’attaque
terroriste du Hamas en Israël et le
nouvel assassinat d’un enseignant
en France par un radicalisé
islamiste : comment ne pas
reconnaître deux facettes
d’une même guerre ? Comment
ne pas admettre que « tout est lié »,
pour reprendre les mots
de l’ancien ministre de l’Éducation,
Jean-Michel Blanquer ?
L’acte terroriste d’Arras est
« leC’est
même
toujours intervenu au lendemain même
de la forte allocution télévisée
d’Emmanuel Macron, consacrée
cauchemar au Proche-Orient, par laquelle
islamiste il mettait en garde contre
qui revient, l’importation sur le sol national
du conflit israélo-palestinien.
toujours Il est trop tôt et il sera peut-être
les mêmes impossible d’établir un lien direct
méthodes, entre l’appel à un « jour de colère »
mondial lancé par le Hamas
les mêmes et l’acte de ce fiché S pour
profils, radicalisation. Mais c’est un fait
et toujours qu’à l’approche de la contre-
offensive israélienne, les services
la même de sécurité français redoutaient
impuissance
BRUNO RETAILLEAU,
» au moins autant des actes isolés
que des opérations collectives.
PRÉSIDENT DU GROUPE LR Cet assassinat, comme tant
AU SÉNAT d’autres signes moins dramatiques
et néanmoins inquiétants, confirme
que l’importation du conflit
au Proche-Orient via « la barbarie
du terrorisme islamiste », selon
les mots du chef de l’État à Arras,
n’est pas une menace à venir
mais une réalité bien présente ;
et depuis de nombreuses années.
Que cette nouvelle attaque au sein
même d’une école ait eu lieu trois
ans presque jour pour jour après
l’assassinat de Samuel Paty en est
une impitoyable confirmation. Et
Parmi eux, à Paris, le premier déjà la décapitation de l’enseignant
ministre Jean Castex avait salué la de Conflans-Sainte-Honorine avait
mémoire de l’enseignant d’histoi- suivi de deux semaines le discours
re-géographie, pendant qu’Em- des Mureaux, par lequel le
manuel Macron réunissait un président de la République avait
Conseil de défense et de sécurité donné le coup d’envoi de la bataille
nationale. Deux semaines à peine contre le « séparatisme » islamique ;
après son « discours des Mu- une bataille que la loi sur la défense
reaux » sur l’islamisme, et quel- des « principes républicains » n’a
ques jours avant d’enrichir son pas suffi, loin de là, à remporter.
projet de loi sur le « séparatisme » Ce discours avait marqué
à l’époque. Trois ans plus tard, une prise de conscience salutaire.
l’histoire bégaie. ■ Il ne faudrait pas que son seul écho,
Knoll ou de Sarah Halimi (en 2017 et insiste-t-elle. C’est nous tous, c’est
2018, NDLR), mais trois semaines une civilisation que ces terroristes
après, tout le monde était revenu à veulent anéantir. »
son train-train et personne n’a traité Et, observent certains, ils y
la question de l’antisémitisme. En at- parviennent déjà… À Strasbourg,
tendant, en tant que juifs, nous de- Jeanne Barseghian, la maire écolo-
vons faire profil bas. On a tous inté- giste, a fait retirer le drapeau israé-
gré qu’il n’est pas prudent de porter lien de l’hôtel de ville au bout de
des signes distinctifs : pas de kippa, trente-six heures seulement, pour
ni d’étoile de David. Ces craintes sont le remplacer par des messages
BERTRAND GUAY/AFP
insupportables. J’adore la France, mettant en avant les « valeurs » de
mais là je n’y crois plus, je pense que sa ville, comme « État de droit, dé-
les choses sont hors de contrôle, et mocratie, égalité, non-discrimina-
j’envisage de quitter mon pays. » tion ». À La Ciotat, dans les Bou-
Mais où aller, se demandent ces ches-du-Rhône, l’office de
familles, qui n’ont « même plus le tourisme vient d’annoncer le re-
recours de faire leur alya » ? « J’ai le port - sans donner d’explications
sentiment que même en Antarctique,
des gens viendraient nous lancer :
“Vous prenez notre igloo !”, lâche,
amère, Noémie, avocate à Paris.
Le conflit
est un très
puissant
ni de nouvelles dates - de l’exposi-
tion « Rabbi Jacob », prévue la se-
maine prochaine. Une simple ex-
position de souvenirs de tournage,
« Ce que j’ai compris ce week-end, catalyseur à l’occasion des 50 ans du film culte
c’est que l’on ne pourra compter sur
d’actes
de Louis de Funès…
personne, affirme cette Ashkénaze,
athée. Ce n’est pas de la peur que je antisémites. « Il me tue ce silence »
ressens, mais plutôt un immense Notre crainte, « Je ressens un profond abattement,
chagrin et un sentiment de solitude une grande tristesse et une colère
atroce. » En fait, souligne-t-elle, c’est que froide, soupire Allan Knoll, l’un des
« mon seul souhait est le droit à l’in- l’on assiste fils de Mireille Knoll, poignardée de
différence : je voudrais qu’on s’en maintenant onze coups de couteau, puis brûlée
foute que je sois juive. Or on me ra- par son voisin musulman. J’en veux
mène toujours à ça. Même des clients à une flambée beaucoup à toutes ces figures du ci-
qui croient me faire plaisir en me di- d’agressions néma, de la chanson ou du sport qui
sant qu’ils m’ont choisie car les juifs
sont plus intelligents que les
autres… » À ses amies, qui lui ont
physiques
YONATHAN ARFI,
» poussent des cris d’orfraie à la mort
de petits truands mais hésitent à
participer à une manifestation en
PRÉSIDENT DU CRIF
gentiment écrit : « Je pense à toi soutien aux Israéliens, de peur d’être
avec tout ce qui se passe », elle avait taxés de sionistes : quarante bébés
envie de répondre : « Mais les bébés massacrés, mais on ne les entend pas
décapités, ce sont des êtres humains, déplorer la mort de petits anges…
pas des petits juifs : cela concerne J’aimerais tant que le peuple français
tout le monde ! Car on est le premier se réveille, qu’il combatte la haine et
rempart, mais après ce sera vous !, l’obscurantisme à nos côtés ! »
samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023
5
trois ans plus tard, soit un aveu
d’impuissance. De même Macron
a mis en garde contre toute forme
d’expression de haine,
en particulier d’antisémitisme,
et Gérald Darmanin a interdit les
manifestations propalestiniennes.
Mais, au moment même
où le chef d’État parlait, des milliers
de personnes manifestaient
contre Israël sur une place de la
République au nom ainsi profané.
Le communautarisme,
le séparatisme, l’islamisme ne sont
pas des « importations » récentes
mais une longue évolution,
fruit à la fois de l’immigration,
de la démographie et de l’idéologie.
Macron et nombre
de responsables politiques ont,
comme à chaque fois, martelé
la nécessité de « faire bloc ». Mais
aussi souhaitable soit-elle, l’unité
ne remplace pas les solutions pour
combattre un islamisme qui a pris
ses quartiers en France.
Sur le contrôle des flux migratoires,
les pressions à l’école, le sort des
individus fichés S, les entraves aux
expulsions de la part de certaines
associations, les appels à « l’unité »
ne pourront pas longtemps faire
écran à la nécessité de poser les
questions qui fâchent sur la table.
L’unité ne
remplace pas
les solutions
pour combattre
un islamisme
qui a pris ses
quartiers dans
»
l’Hexagone
Française d’origine israélienne,
la chanteuse Keren Ann partage
les mêmes tourments : « Pourquoi
est-il si difficile pour vous de nous
soutenir ?, interroge-t-elle sur X
(ex-Twitter). Il me tue ce silence. »
Elle aussi aurait voulu voir « un
élan de solidarité », entendre :
« On est tous des Israéliens ! »
scandé dans les rues de France :
« On a le sentiment qu’on est tou-
jours obligé de se justifier d’exis-
ter !, se désole Rebeccah, quin-
quagénaire parisienne travaillant
dans la finance. J’habite un quar-
tier juif, j’ai toujours connu les pro-
tections policières, de l’école jus-
qu’à la synagogue. Je suis habituée
à subir des brimades. Par exemple,
quand on envoie un colis en Israël, il
arrive très longtemps après, en pi-
teux état, avec “Israël” barré et
remplacé par “Palestine”… »
Après les attentats du 13 novem-
bre 2015, Emmanuel, qui habite le
quartier du Bataclan, avait « pen-
dant longtemps, rasé les murs ».
« Plutôt peureux, j’avais même ar-
rêté de porter un petit pendentif qui
m’avait valu diverses vexations,
confie ce jeune ingénieur. Mais à
force, avec les épreuves, on a plus de
courage ! En ce moment, je vis telle-
ment de choses qui me révoltent que
j’ai envie de m’affirmer. M’afficher
en tant que juif, porter une kippa, af-
fronter ceux qui ont toujours une
opinion sur tout, et qui, aujourd’hui,
détournent les yeux. » ■
(1) Terme par lequel les juifs désignent
les non-juifs. (2) Certains prénoms
A
ont été modifiés. (3) Objet de culte juif
apposé à l’entrée d’une demeure.
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO

6 L'ÉVÉNEMENT
À Gaza, les habitants fuient ou se terrent,
Préparant son offensive, l’armée israélienne a ordonné
vendredi aux Gazaouis d’évacuer vers le sud de ce
territoire, privé d’eau, d’électricité et sans cesse bombardé.
GUILLAUME DE DIEULEVEULT
ENVOYÉ SPÉCIAL À ASHDOD (SUD D’ISRAËL)
L’ORDRE d’évacuation complète
du nord de la bande de Gaza est
tombé vendredi à l’aube, par un
communiqué de l’armée israé-
lienne. Empirant davantage une
situation déjà cauchemardesque,
il a provoqué la panique de plus de
1 million de personnes. Il fait re-
douter une crise humanitaire
d’une ampleur inédite, devant la-
quelle les organisations interna-
tionales sont pour l’heure dému-
nies. Territoire exigu, soumis par
Israël à un blocus total, la bande de
Gaza connaît une des densités de
population les plus élevées au
monde. Depuis l’attaque terroriste
du Hamas contre Israël, le samedi
7 octobre, plus rien n’y entre : ni
eau, ni électricité, ni essence, ni
nourriture. Les 2,2 millions d’ha-
bitants sont soumis à d’intenses
bombardements. Le nombre de
Palestiniens tués depuis le début
de la guerre s’élève à 1 600. Dans
la nuit de jeudi à vendredi, 750 ci-
bles ont été frappées. Vendredi
après-midi, depuis la ville d’As-
hdod, vingt kilomètres au nord de
tombé tout en bas », explique-t-il.
Dimanche dernier, Mohammed a
dû quitter son immeuble à cause
des bombardements. Depuis, avec
sa femme et leurs deux enfants,
âgés de 8 et 4 ans, ils ont passé
cinq nuits à même le sol, sur le
parking de l’hôpital Shifa.
« Je pense qu’on était plus de
50 000 à dormir là, raconte cet
homme qui a déjà enduré de nom-
breuses guerres avec Israël. Tôt le
matin, tout le monde a appris l’or-
dre d’évacuation. Beaucoup de gens
sont partis immédiatement mais
pas moi. C’est tellement énorme. Je
me suis dit : “ce n’est pas possible,
les Nations unies vont faire quelque
chose pour empêcher ça. Ou bien les
États-Unis, ou l’Égypte ?” Trois
heures plus tard, toujours rien.
Alors j’ai décidé de partir moi aussi.
On est monté dans la voiture. »
“deIlvoitures,
y avait des milliers
les gens
roulaient à toute
vitesse. Je n’ai pas
reconnu Gaza :
des quartiers sont
Mais je garde l’espoir que quelque
chose de bon arrive. On pourra
peut-être aller en Égypte ? » Sa
sœur et son mari ont refusé de
quitter la ville de Gaza. « On ne
sait pas si on les reverra vivants.
Ma mère pleure en permanence. »
Pour beaucoup, le départ est en
effet inenvisageable. C’est le cas
de cet homme, qui travaille pour
une organisation internationale. Il
a décidé de rester dans son appar-
tement, avec les trente membres
de sa famille. Il a transmis à son
employeur les données GPS de son
immeuble, afin qu’elles soient
communiquées à l’armée israé-
lienne, dans l’espoir d’être épar-
gné. « Il a décidé de faire face à son
destin, cela me brise le cœur », ra-
conte son ami. Rafik (le prénom a
été modifié), un entrepreneur, a
dû quitter son appartement lui
aussi. Il est désormais chez sa
mère, avec une quarantaine de
membres de sa famille. « Au mo-
ment où je vous parle, il y a un bom-
bardement. Comment pouvons-
nous déplacer toute la famille ?, se
demande-t-il. Pour l’instant, nous
avons de la nourriture, de l’eau, de
l’électricité. Mais on ne trouve plus
rien dans les magasins, il est très

”
la bande de Gaza, on percevait le entièrement détruits difficile de se procurer des bonbon-
grondement des bombardements. MOHAMMED, HABITANT DE GAZA nes de gaz, ça va devenir compliqué
MOHAMMED ABED/AFP

Lapidaire, le communiqué or- de faire la cuisine. Nous faisons très

donne à « tous les civils » de pas-
ser de l’autre côté d’un oued situé
environ 4 kilomètres au sud de la
ville de Gaza. L’ordre d’évacua-
tion concerne également les bles-
sés et le personnel des hôpitaux.
« Cette évacuation est pour votre
propre sécurité, affirme le com-
muniqué. Tenez-vous à l’écart des
terroristes du Hamas qui vous utili-
sent comme des boucliers humains.
(…) Vous ne pourrez retourner dans
la ville de Gaza que lorsqu’une
autre annonce vous le permettant
sera publiée. »
En détruisant les immeubles, les
frappes israéliennes ont endom-
magé beaucoup de relais télépho-
niques. Internet ne fonctionne
presque plus : la communication
est difficile à établir. Mohammed
(le prénom a été modifié) n’a pas
pu y croire. « Je pensais qu’on était
Il prend la route qui longe la mer
Méditerranée, en direction du
sud. « Il y avait des milliers de voi-
tures, les gens roulaient à toute vi-
tesse. Je n’ai pas reconnu Gaza : des
quartiers sont entièrement dé-
truits. » Il ne sait toujours pas ce
qu’il est advenu de son immeuble.
En fin de matinée, il arrive dans
« un champ » qui appartient à son
beau-père, près de la ville de Zou-
haida. Quarante-cinq personnes,
des membres de sa famille, s’ap-
prêtent à y passer la nuit elles aus-
si, sous les oliviers. « On a un peu
de pain, dix bouteilles d’eau, rien
d’autre. Pas de couvertures, pas
d’habits de rechange, pas de jeux
pour les enfants. Ils ne comprennent
pas ce qui leur arrive. On essaye de
les préserver au maximum. Com-
bien de temps ça va durer comme
ça ? Ça n’est pas entre nos mains.
attention à notre consommation.
Mais pour nous, le plus gros problè-
me ce sont les enfants. Que Dieu
nous bénisse et qu’il les bénisse. J’ai
une fille : elle pleure, elle crie. Com-
ment lui parler, rendre sa situation
moins difficile ? Nous faisons tout
pour les enfants, pour que tout aille
bien : leur santé, leur nourriture.
Voilà… Et en plus, je n’ai pas une
goutte de whiskey ! »
Les organisations humanitaires
se trouvent, elles aussi, dans une
situation impossible. L’UNRWA,
l’agence des Nations unies pour la
Palestine, a relocalisé son centre
opérationnel et ses équipes inter-
nationales dans le Sud, « afin de
maintenir les opérations humani-
taires. » Dans un communiqué
publié vendredi, elle dit « lutter
pour accomplir son mandat ». Elle
« exhorte les autorités israéliennes
Des milliers de à protéger tous les civils réfugiés
Palestiniens fuient Gaza, dans des abris de l’UNRWA, y
vendredi, après compris les écoles. L’échelle et la
la diffusion par Israël vitesse de la crise humanitaire en
d’un appel à quitter cours sont glaçantes, poursuit
la ville sous 24 heures.
l’agence. Gaza est en train de deve-
nir un enfer, elle est au bord de l’ef-
fondrement. Il n’y a pas d’excep-
tion : toutes les parties doivent
respecter les lois de la guerre, l’aide
humanitaire doit être fournie à tout
moment, à tous les civils. » La
Croix-Rouge a elle aussi publié un
communiqué dénonçant une dé-
cision d’évacuation « incompatible
avec la loi internationale. (…)
Quand le pouvoir militaire ordonne
aux gens de quitter leurs maisons,
toutes les mesures doivent être pri-
ses pour donner accès aux biens de
première nécessité, la nourriture,
l’eau, et pour s’assurer que les fa-
milles ne soient pas séparées. Gaza
est une zone fermée, aux ressources
limitées. Ces gens n’ont nulle part
où aller. (…) Nos équipes auront be-
soin de pauses dans les combats
pour pouvoir travailler efficace-
ment et en sécurité. Avec un siège
militaire, les organisations huma-
nitaires, comme la Croix-Rouge, ne
seront pas capables de porter un

Sari Nusseibeh : « Tout massacre contre des civils est une profonde atteinte
PROPOS RECUEILLIS PAR
PATRICK SAINT-PAUL £@psaintpaul
INTELLECTUEL palestinien de re-
nom, ancien directeur de l’univer-
nonymes. Cette tragédie est appe-
lée à se multiplier et même à se ré-
pandre dans toute la région à me-
sure qu’Israël avance dans ses plans
pour tenter de laver l’affront.
Aujourd’hui il veut forcer 1 million
mêmes. En revanche, il existe des
preuves des meurtres commis par-
mi les civils. De tels actes sont
odieux et doivent être dénoncés.
Tout massacre ou pogrom contre
des civils est par définition une
ment très claire ou fixée. Elles sont prenons pour l’instant, c’est l’hor-
en constante évolution, car les reur que les guerres font subir aux
conditions objectives sur le terrain peuples.
ne cessent de changer. La seule
chose qui est sûre, c’est qu’une Le Hamas a-t-il sapé l’Autorité
« clôture » du conflit entre les deux palestinienne ? Existe-t-il encore
PICTURE-ALLIANCE
ARNO BURGI/DPA/

sité al-Qods, Sari Nusseibeh a été le
représentant de l’OLP à Jérusalem
et a participé aux négociations is-
raélo-palestiniennes.
LE FIGARO. - Gaza est à la veille
d’une nouvelle guerre massive.
Que ressentez-vous aujourd’hui ?
Sari NUSSEIBEH. - Je suis effrayé
par ce qui s’est passé et ce qui est
sur le point de se passer à Gaza. Au-
delà, j’ai peur de ce que sera l’ave-
nir dans cette région.
Comme nous le savons tous, depuis
quinze ans la bande de Gaza n’est
rien de plus qu’une Cocotte-Minu-
te ou une prison à ciel ouvert. Avec
ses deux millions d’habitants, elle
est plus densément peuplée que
presque n’importe quel autre en-
de Gazaouis à se réfugier plus au
sud, aux frontières de l’Égypte.
Mais la population de Gaza est pro-
bablement l’une des plus résistan-
tes au monde, et l’on peut être sûr
que, quelle que soit la profondeur à
laquelle on l’enterre, elle se relève-
ra à nouveau.
Comment avez-vous réagi
à l’attaque du Hamas samedi
dernier ? Avez-vous été surpris
de voir le Hamas entrer en Israël
aussi facilement ?
C’était vraiment une surprise et un
choc… Je n’ai pas compris com-
ment cela avait pu se produire. Et je
ne comprends toujours pas.
Pour Israël, les massacres perpétrés
profonde atteinte aux valeurs hu- « causes » ne peut se produire que
maines. Mais les deux millions si elles parviennent à exister en
d’habitants de Gaza sont-ils globa- harmonie l’une avec l’autre. La
lement responsables de l’incapacité condition préalable à cela est de
de l’une des armées les plus puis- trouver une formule politique qui
santes du monde à défendre ses réponde à la valeur morale de
frontières, et doivent-ils tous en l’égalité, c’est-à-dire de partager la
payer le prix ? terre entre les deux peuples, soit
dans un seul État, soit dans deux. La
violence n’est ni la voie la plus di-
“palestinienne
La « cause
»
recte ni la meilleure pour y parve-
nir. Au contraire, c’est la voie la
plus sanglante et la moins efficace,
ne peut être définie car elle réussit rarement. Plus tris-
indépendamment tement, elle ferme le cœur des peu-
ples les uns aux autres, éloignant
de la « cause
ainsi une réconciliation.
israélienne ».
Les deux sont définies Comment voyez-vous cette guerre
évoluer ?
un partenaire palestinien ?
Nos paramètres de vision de la réa-
lité ne devraient pas être définis en
termes de Hamas et d’Autorité pa-
lestinienne, tout comme ils ne de-
Depuis vraient pas, du côté israélien, être
définis en termes de gauche et de
quinze ans droite, ou de religion et de laïcité.
la bande de De même qu’il existe un « code de
Gaza n’est sauvagerie » dans le génome hu-
rien de plus
qu’une
main, il existe également un code
de sympathie humaine. Il y a eu, et
il y aura toujours, une volonté de
Cocotte- réconciliation entre les peuples des
deux côtés. Avec le recul, je peux
Minute ou témoigner d’une volonté sous-
une prison jacente - voire d’un désir - de ré-
conciliation humaine entre les deux
à ciel ouvert.
parties, indépendamment de leurs
Avec ses affiliations politiques ou religieuses.

droit au monde. Mais son économie
est déficiente et elle ne bénéficie de
presque aucun service. Elle vit sur
une sorte de système d’irrigation
au goutte-à-goutte de l’aide du
reste du monde et n’a guère eu le
temps, ces dernières années, de
panser ses plaies. Elle a subi les
bombardements constants de ses
infrastructures dans le cadre d’une
guerre incessante avec Israël. Sa
population est déjà composée en
grande partie de réfugiés de 1948 et
de leurs descendants, et d’une po-
pulation jeune qui n’a pas d’emploi
et n’a aucun espoir de mener une
A
sont plus que des crimes de guerre,
ce sont des pogroms. Comment
les qualifieriez-vous ?
Il est plus sage, lorsque des incen-
dies éclatent, de calmer les flam-
mes plutôt que de les alimenter. Je
n’écarte pas la possibilité de massa-
cres, mais je ne souhaite pas soute-
nir leur justification pour d’autres
massacres à venir, ni nier ou mini-
miser leur coût humain en citant les
horreurs des massacres passés. Je
préfère attendre une étude critique
et impartiale des faits. On a d’abord
parlé de viols et de décapitation
d’enfants (en plus de meurtres gra-
”
l’une par l’autre
En lisant (le journal israélien) Haa-
retz ce matin, j’ai vu que même le
Êtes-vous surpris par le degré président d’Israël n’était pas sûr de
de sauvagerie ? Comment savoir où et vers quoi l’avenir
l’expliquez-vous ? pourrait nous mener. Toutes sortes
La sauvagerie est un code malheu- de scénarios sont possibles. Le Ha-
reux dans les gènes humains. On mas - et « l’idée » du Hamas - se-
pourrait en expliquer les causes, ront-ils écrasés ? Gaza va-t-elle
mais je ne pense pas que nos valeurs disparaître ? Israël se sentira-t-il
morales puissent jamais la justifier enfin en sécurité ? Une solution ou
une autre sera-t-elle convenue et
Le Hamas a-t-il nui à la cause imposée au niveau régional ? De
palestinienne ?
La « cause palestinienne » ne peut
même que le mystère plane tou-
jours sur la manière dont l’attaque
être définie indépendamment de la initiale du Hamas a pu se produire,
« cause israélienne ». Les deux sont le mystère plane aussi sur l’avenir
2 millions Cela va bien au-delà des partis po-
d’habitants, litiques et c’est ce qui devrait nous
donner l’espoir qu’une paix juste
elle est plus n’est pas une chimère.
densément
peuplée Pensez-vous que quelque chose de
positif puisse sortir de cette crise ?
que presque Tout comme la guerre a commencé
n’importe soudainement, je suppose qu’un
quel autre arrangement pacifique d’un type
ou d’un autre peut également sur-
endroit venir soudainement. Nous ne
au monde
SARI NUSSEIBEH
» sommes pas au courant des discus-
sions et des plans « d’ordre supé-
rieur », mais la raison veut que de
telles discussions (au niveau régio-

vie normale à l’avenir. En bref, tuits), ce qui a ensuite été démenti définies l’une par l’autre. Cela de cette dernière flambée de nal et plus loin) soient déjà en
Gaza et tragédie sont presque sy- par les parties concernées elles- étant, ni l’une ni l’autre n’est vrai- violence. Tout ce que nous com- cours. Espérons que cela se pro-

craignant le pire
soutien à un déplacement de popu-
lation, aussi massif dans la bande
de Gaza. »
Sur place, la situation est totale-
ment chaotique. « Il y a des gens
dont les parents sont trop âgés pour
partir, d’autres, grièvement bles-
sés, sont à l’hôpital. Il est très com-
plexe de les déplacer, leurs proches
ne veulent pas les abandonner »,
explique Léo Cans. Chef de mis-
sion MSF en Palestine, il explique
avoir envoyé une partie de son
équipe dans la zone Sud. « Mais
elle compte 201 personnes, si vous
prenez les familles, cela fait environ
aux valeurs humaines »
duise. Mais en fin de compte, les
options qui s’offrent aux deux peu-
ples vivant sur la même terre sont
assez limitées. Il n’est pas néces-
saire d’être un génie pour com-
prendre que l’ingrédient essentiel
de tout plan est la manière dont les
deux peuples peuvent vivre en-
semble en paix, ce qui, je le répète,
est une formule qui englobe la va-
leur morale fondamentale de
l’égalité. Malheureusement, les
accords d’Oslo n’ont pas porté les
fruits de la liberté et de l’indépen-
“la sécurité
Pour Israël,
est
devenue synonyme
d’« hégémonie totale »,
tandis que, pour
les Palestiniens, elle
ne pouvait signifier
que l’escalade
de la résistance
”
dance que les Palestiniens en at-
tendaient. Comme le révèlent
aujourd’hui des documents d’ar-
chives israéliens, la partie israé-
lienne considérait ces accords
comme une mesure provisoire à
définir en fonction des impératifs
de sécurité. Les Palestiniens pen-
saient que la voie de la sécurité is-
raélienne passait par la liberté des
Palestiniens. Israël pensait que le
chemin de la paix avec les Palesti-
niens passait par la sécurité israé-
lienne. Ces deux doctrines se sont
révélées inconciliables, gelant le
1 200 en tout. Comment reloger,
aussi vite, tant de monde dans cette
situation ? On sait qu’il va y avoir
une grosse violence après l’évacua-
tion car ceux qui sont restés sur
place ne seront plus considérés
comme des civils. » Plusieurs soi-
gnants de l’ONG, tous palesti-
niens, ont choisi malgré tout de
rester à l’hôpital Shifa. « On se di-
rige vers une panne générale des
hôpitaux », prévoit Léo Cans. Ils
fonctionnent avec des généra-
teurs. Vendredi, ceux de l’hôpital
Shifa avaient assez d’essence pour
36 heures. ■
processus de paix. Ce gel s’est tra-
duit par une radicalisation des
deux parties et une escalade de la
confrontation. Pour Israël, la sécu-
rité est devenue synonyme d’« hé-
gémonie totale », tandis que pour
les Palestiniens, elle ne pouvait si-
gnifier que l’escalade de la résis-
tance. Derrière ces doctrines irré-
conciliables se cache la véritable
énigme : l’une et l’autre des parties
sont-elles réellement prêtes à re-
connaître l’autre comme un ac-
tionnaire égal sur la même terre ?
La solution à deux États
est-elle morte ?
La solution à deux États était une
possibilité courageuse mais distan-
te, même au moment des accords
d’Oslo. Elle nécessitait avant tout
un soutien massif de la population
de part et d’autre, ainsi que des
conditions objectives réalistes per-
mettant d’utiliser les frontières de
1967 comme ligne de démarcation.
Aujourd’hui, près de 1 million de
colons vivent au-delà de la ligne
verte et il est plus difficile de réali-
ser une partition entre les deux
peuples. La difficulté est aggravée
par les sentiments de colère et de
vengeance que les deux popula-
tions nourrissent aujourd’hui l’une
pour l’autre. Il est donc difficile
d’entrevoir une telle solution né-
gociée aujourd’hui par l’Autorité
palestinienne et le gouvernement
d’Israël. D’autres arrangements
négociés pourraient être envisagés.
En tout état de cause, je pense que si
les esprits sont réunis en toute bon-
ne foi, il est possible de trouver une
solution. ■
Les scénarios militaires à hauts risques
d’une offensive terrestre
NICOLAS BAROTTE £@NicolasBarotte
L’AVERTISSEMENT lancé vendredi
matin par Tsahal a constitué la pre-
mière étape de tous les scénarios de
la riposte à venir. Les habitants de
Gaza City, au nord du territoire, ont
été sommés de quitter la ville dans
les 24 heures. L’annonce sonne
comme un coup de semonce, une
semaine après l’attaque meurtrière
du Hamas. Selon la logique des
conseillers juridiques israéliens, qui
supervisent les opérations militai-
res de Tsahal pour leur garantir un
cadre légal, celles et ceux qui reste-
ront pourront être considérés, po-
tentiellement, comme des combat-
tants du groupe terroriste. En
pratique la fuite de toute la popula-
tion est illusoire. Les habitants de
Gaza n’ont pas de lieu où se réfu-
gier, d’autres soutiennent le Ha-
mas. Dans ce contexte, l’offensive
terrestre n’offre que de mauvais
scénarios.
L’attaque semble pourtant iné-
luctable moins pour des raisons
tactiques que politiques, compte
tenu de la violence des massacres
commis par le Hamas. « Il n’y a pas
de bonne option pour une offensive
terrestre », écrit le spécialiste des
enjeux militaires Tom Beckett dans
une analyse publiée par l’IISS. L’ac-
cumulation de contraintes - com-
bat en zone urbaine, présence
d’otages, pression du contexte in-
ternational – restreignent les mar-
ges de manœuvre de l’armée israé-
lienne, même si sa doctrine
l’autorise à prendre autant de ris-
ques que jugés nécessaires. « Ils se-
ront prêts à accepter des centaines de
morts de leur côté », pense un haut
gradé français.
L’enjeu de réduire au maximum
les pertes civiles n’en sera pas un.
Tsahal « pourrait trouver cela trop
inhibant », écrit Tom Beckett. Le
temps risque alors de jouer contre
elle. L’offensive se jouera aussi sur
le champ des perceptions, à travers
les images qui seront diffusées en
MODERN WAR INSTITUTE
temps réel sur les réseaux sociaux.
« Le crédit d’Israël va décroître tan-
dis que la sympathie pour les Palesti-
niens va progresser. C’est écrit »,
prédit un gradé français. C’est
pourquoi Tsahal devra obtenir vite
des résultats.
Si la dernière opération militaire
La mission à Gaza date de 2014, Tsahal a conti-
nué de s’entraîner à la guerre urbai-
de l’armée
ne, dans l’Urban Warfare Training
israélienne Center construit après la guerre du
sera de Liban en 2006 près de Tel’eziem. Le
détruire les
capacités
lieu, qui compte 600 bâtiments re-
présentants des lieux de résidence,
des commerces, des édifices reli-
militaires gieux, est une réplique de Gaza, ré-
du Hamas seau de tunnels inclus, raconte un
officier qui l’a visité. Les soldats is-
à Gaza. Cela raéliens y ont appris les pièges du
va demander combat urbain, « le plus complexe
des qui soit », selon les militaires.
Il concentre dans une zone rédui-
opérations te l’ensemble des menaces. Mais la
très
spécifiques
pour
contrôler la
zone et la
nettoyer, en
recherchant
les dirigeants
du Hamas,
des armes,
des tunnels,
les otages.
Cela pourrait
prendre
des mois
JOHN SPENCER,
SPÉCIALISTE DE
» dispose-t-il de cibles assez précises
LA GUERRE URBAINE
AU MODERN WAR
INSTITUTE
L’armée israélienne
rassemble
d’importants
moyens militaires,
ici jeudi à Sderot,
en vue de son
offensive sur Gaza.
THE SUN/NEWS
LICENSING/ABACA
LE FIGARO
L'ÉVÉNEMENT
Tsahal face aux risques d’une offensive terrestre
BANDE DE GAZA
Clôture
Zone tampon et no man’s land de 300 m
Zone dont l’armée israélienne
demande l’évacuation
Point de passage fermé
PRÉPARATIFS ISRAÉLIENS
Zone sous contrôle militaire dont...
... zone d’évacuation des civils
Base militaire
Une semaine
de bombardements
Axe de pénétration lors de précédentes
incursions israéliennes dans
la bande de Gaza
Opération Plomb durci
27 déc. 2008-18 janv. 2009
Opération Bordure protectrice
8 juillet -26 août 2014
Deir al-Balah
Khan Younès
Rafah
Rafah
Kerem Shalom
ÉGYPTE
5 km
doctrine israélienne diffère de celles
des Occidentaux, raconte le militai-
re français : moins de prudence
dans la coordination des actions
pour accélérer la capacité de pro-
gression.
La topographie urbaine favorise
la défense. L’adversaire a davanta-
ge de possibilités pour se cacher,
pour miner ses défenses, pour utili-
ser à son profit les
« no fire area » tels
que les écoles ou les
mosquées…
manœuvre de l’atta-
La 20 000
quant est constam-
ment entravée. Le
rapport de force théo-
à 40 000
rique doit être de un à Estimation du nombre d’attaquer sur plu-
huit pour l’attaquant, de combattants
quand pour une of- du Hamas dans la bande menter et fragmenter
fensive en terrain de Gaza
ouvert elle ne doit
être que de un à trois. Avec de
20 000 à 40 000 combattants, le Ha-
mas est en mesure d’imposer un
combat particulièrement rude.
Depuis une semaine, l’état-ma-
jor de Tsahal a eu le temps de plani-
fier son opération, en la corrobo-
rant avec le renseignement dont
elle dispose : écoute électromagné-
tique, opérations cyber, renseigne-
ment humain si elle en détient,
samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023
7
Mer Ashkelon
M é d i te r ra n é e
Zikim
Bet Erez
Lahiya
Gaza City Bet
1,1 million
Hanoun
de Gazaouis Sdérot
à évacuer
Nahal Oz
Netivot
Re’im
ISRAËL
Wad
i Gaza
Ofakim
Soufa
Infographie
Sources : Liveuamap, Tsahal, New York Times et Openstreetmap
évaluation de l’arsenal du Hamas…
En 2014, les blindés israéliens
avaient été ciblés par des missiles
antichars Malioutka, Konkour, Fa-
got ou Kornet, et par des lance-
grenades RPG-7 ou RPG-29. Les
snipers installés dans les immeu-
bles, les engins explosifs improvisés
placés sur les routes et les drones
constitueront d’autres menaces
aiguës. Il faudra aussi
traiter les tunnels.
Prendre un seul bâti-
ment peut demander
plusieurs jours.
Pour mener son as-
saut, l’armée israé-
lienne pourrait choisir
sieurs axes pour seg-
le terrain et imposer
« sa propre géographie
du champ de bataille », dit un ex-
pert militaire. Tsahal, qui a placé
ses unités tout autour de la bande
de Gaza, pourrait pénétrer l’encla-
ve par plusieurs points différents
pour forcer le Hamas à disperser
ses forces et le priver de zones de
repli.
Une opération depuis la mer est
aussi possible. « La mission de l’ar-
mée israélienne sera de détruire les
capacités militaires du Hamas à
Gaza. Cela va demander des opéra-
tions très spécifiques pour contrôler
la zone et la nettoyer, en recherchant
les dirigeants du Hamas, des armes,
des tunnels, les otages. Cela pourrait
prendre des mois », confie John
Spencer, spécialiste de la guerre ur-
baine au Modern War Institute, à
Westpoint. L’armée israélienne
conservera l’initiative le temps de
sa progression. Mais elle redevien-
dra une cible statique lorsqu’elle
mènera ses missions d’inspection
de zone.
Mais la principale difficulté pour
Tsahal réside dans les objectifs fi-
naux assignés à l’opération : Tsahal
à Gaza pour obtenir une destruction
militaire de son adversaire ? Et
après avoir infligé des pertes suffi-
santes, l’armée israélienne devra-
t-elle se retirer ? « Quel que soit le
succès de l’opération, le message po-
litique du Hamas et le soutien de la
population se poursuivront », estime
Tom Beckett dans son analyse pour
l’IISS. « Soit Israël réoccupe le terri-
toire de Gaza pour le contrôler, soit,
en se retirant après l’offensive, il cède
le terrain à des gens qui voueront leur
existence à la résistance », écrit-il.
L’armée israélienne doit dès main-
A
tenant réfléchir au lendemain de
son offensive. ■
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO

8 L'ÉVÉNEMENT
En Cisjordanie, ces colons qui veulent « raser
Les habitants de l’un des bastions
les plus durs du sionisme religieux
racontent leur désir de vengeance.
des Palestiniens, sont souvent accu-
TANGUY BERTHEMET £@tanguyber sés d’exacerber des tensions,
ENVOYÉ SPÉCIAL À HAVAT GILAD
l’homme se dit au contraire « fer de
lance » de la « seule solution viable ».
SOUS LE GRAND ciel bleu, les pré- Les images des tueries perpétrées
fabriqués de Havat Gilad pourraient par les hommes du Hamas dans le
presque passer pour de jolies petites sud d’Israël, qui inondent des ré-
maisons. La barrière d’entrée, sé- seaux sociaux depuis le massacre, il
vèrement protégée et surveillée par y a une semaine, sont même parve-
deux militaires, brise un peu l’illu- nues jusqu’à ces colonies pourtant
sion. La colonie de peuplement, assez allergiques aux technologies.
plantée un peu au sud de Naplouse, Ilona, une jeune mère de famille,
en Cisjordanie, n’a rien d’un village tempête contre les « brutes », les
charmant. « Nous sommes le terri- « tueurs de 40 bébés décapités », re-
toire d’Israël, tout ici est Israël », prenant une affirmation non véri-
lance d’entrée Shalom. Sa longue fiée, mais qui glace Israël et le mon-
barbe broussailleuse et sa kippa de depuis des jours. « Les gens qui
grossièrement tricotée désigne le ont fait ça ne sont pas des humains.
colon quand ses mains calleuses di- Ce sont des bêtes. Tous. »
sent l’homme de la terre. « Je suis
vigneron. Je cultive ma terre. Elle est
à nous », glisse-t-il.
Très vite, presque par saccades, il
débite l’histoire agitée de cet ancien
“dangereux,
C’est un jeu. Un jeu
mais un jeu
« avant-poste », comme il préfère
tout de même. Nous
appeler les implantations illégales rentrons dans Gaza
en Cisjordanie. Il a été reconnu par pour leur tirer dessus,
le gouvernement israélien en 2018, puis ils nous tirent
suscitant des protestations interna-

tionales et des affrontements. En ce
vendredi matin, la situation semble
calme. Aucune altercation n’a été
signalée ces derniers jours. « Il y a
juste eu des coups de feu au loin il y a
quelques jours », explique Yoram,
un Américain installé à Havat Gilad
depuis huit ans. « Et aussi l’arresta-
tion d’un habitant de Gaza qui pas-
sait par là. Un terroriste », croit-il
savoir. L’ambiance est néanmoins
suffisamment lourde pour qu’il évi-
te de sortir, comme de nombreux
autres habitants de la région. La
longue route qui mène à Jérusalem,
à une quarantaine de kilomètres au
sud, est étrangement déserte,
même pour un jour de shabbat.
Pedaya, le gérant de l’unique
épicerie des lieux, barbu comme il
se doit, fait mine de pas prêter at-
tention à l’évidente tension : « Nous
sommes chez nous et nous ne devons
pas faire attention à ce qui se dit
ailleurs, dans les pays étrangers.
Nous devons faire ce qu’il faut fai-
re. » Un credo qui est celui de tous à
Havat Gilad, considéré comme l’un
des bastions les plus durs du sionis-
me religieux, un courant politique
d’extrême droite. La colonie s’est
donc mobilisée. Près de 50 hommes
sont partis sous les drapeaux, près
d’un tiers des mobilisables.
Les massacres commis par le Ha-
mas, qui ont marqué les alentours de
Gaza, n’ont pas ébranlé les convic-
tions de Pedaya, bien au contraire.
Alors que les colons, leur militantis-
me brutal et leur installation sauva-
ge sur des terres revendiquées par
”
dessus, puis on part
YEHUDA SHIMON, UN COLON
ET ANCIEN MILITAIRE DE HAVAT GILAD
Pour Pedaya, qui approuve les
mots d’Ilona par de petits signes de
tête, la conclusion s’impose. « On
nous dit qu’il faut mettre des clôtu-
res pour nous protéger. Mais, entre
Gaza et le lieu des tueries, il y avait
une clôture. Et cela n’a servi à
rien », dit-il en promenant ses
yeux sur la longue barrière de
treillis métallique qui enserre Ha-
vat Gilad, la coupant de ses voisins
palestiniens. « La solution viable,
c’est de raser Gaza. De tout détrui-
re », lance-t-il, affichant un large
sourire carnassier.
Yehuda Shimon, lui aussi, affiche
un sourire apparemment immua-
ble. Dans sa petite cuisine encom-
brée comme peut l’être celle d’une
maison où vivent 10 enfants, il s’ac-
tive à préparer le repas de shabbat.
« Je n’ai peur de rien, car je crois en
Dieu et que tout ce qui se passe est de
sa volonté », dit-il. Dans un fourbi
de casseroles, il imagine pourtant
un avenir compliqué. Cet ancien
militaire dit avoir servi dans toutes
les opérations contre Gaza au cours
des décennies passées, en les citant
par leur nom : Plomb durci (2009),
Pilier de défense (2012) ou encore
Bordure protectrice (2014). « Il va y
en avoir une autre bientôt, avec un
autre nom. Et, comme les autres, elle
ne servira à rien. C’est un jeu. Un jeu
dangereux, mais un jeu tout de
même. Nous rentrons dans Gaza
La colonie de Havat pour leur tirer dessus, puis ils nous
Gilad, implantée tirent dessus, puis on part. Là enco-
au sud de Naplouse, re, ce sera la même chose. » Pour lui,
en Cisjordanie. le massacre du week-end dernier
ABIR SULTAN/EPA
doit « mettre fin à ce cycle ». « Ja-
mais un soldat israélien n’a tué un
bébé », assure-t-il. Pour sortir du
cycle de violence et de la répres-
sion, Yehuda prône donc une me-
sure extrême, qu’il énonce d’un ton
docte. « Il faut tuer tous les habitants
de Gaza. Ce sont tous des terroris-
tes. » Il poursuit : « Pour moi, la vie
d’un enfant juif vaut plus que tout. »
Il voudrait aussi que les prisonniers
du Hamas détenus en Israël soient
fusillés « si les otages ne sont pas
rendus ».
Il reconnaît que son point de vue
peut choquer, mais s’en moque.
Comme il se moque, souligne-t-il,
des politiciens « impuissants ». Ita-
mar Ben Gvir, le très décrié minis-
tre de la Sécurité, avocat comme
lui, est un proche, dit-il. « J’ai ap-
pelé Ben Gvir. Je lui ai dit ce que je
pensais. » Mais, selon lui, son ami
est désormais « dans le système » et
« ne fait rien, sauf distribuer des ar-
mes. Or, il faut faire davantage, car
nous sommes des gens de paix. »
Cette dernière affirmation soulè-
ve quelques doutes à Huwara, la
petite ville arabe voisine. La colonie
de Havat Gilad est réputée pour être
à l’origine d’actions violentes en-
vers les Palestiniens. Les rues de la
cité sont désertes, les volets clos et,
même aux alentours de la mosquée,
il n’y a personne en ce jour de priè-
re. Des militaires israéliens, tendus,
armes pointées, parcourent la rue
principale, ignorant les ruines de la
devanture d’une pizzeria. L’armée
l’a rasée jeudi soir et condamnée à
cinq mois de fermeture alors que
des colons menaçaient de la brûler.
Sur Facebook, le restaurant avait
fait la publicité d’une de ses spécia-
lités en utilisant l’image d’une ota-
ge détenue par le Hamas. Le pro-
priétaire a eu beau jurer n’être pour
rien dans cette publicité et publier
ses excuses, il a été arrêté.
Alors que le gouvernement re-
doute que la Cisjordanie s’embrase,
ce qui dégraderait encore davanta-
ge la situation sécuritaire dans le
pays, ces violences rendent l’at-
mosphère dangereusement tendue.
Mercredi, trois habitants de Qusra,
un village dans le sud-est de Hu-
rawa, ont ainsi été tués impuné-
ment par des colons masqués, affir-
ment des habitants. Lors de leurs
funérailles, des colons ou des sol-
dats - selon les témoignages - ont
abattu un homme venu se re-
cueillir. Quelques heures plus tard,
des paysans palestiniens dans leur
champ essuyaient des coups de feu
à Marda, un village à l’ouest de Hu-
rawa. Le peu de retentissement
qu’ont eu ces crimes dans les mé-
dias israéliens s’explique, en partie,
par un certain désintérêt pour la
dérive violente des colons, une se-
maine seulement avant l’attaque
des hommes du Hamas qui ont tué,
violé et pris en otage des civils et
des militaires.
Dans sa caravane d’Havat Gilad,
Oz Itsaac assure que ces événe-
ments « étaient prévisibles ». Le
vingtenaire est né à Goush Katif,
une ancienne colonie de Gaza éva-
cuée par le gouvernement israélien
en 2005. « On a été chassés pour être
en sécurité et regardez ce qu’il en est
aujourd’hui… », déplore-t-il. Il en-
visage d’arrêter ses études afin de
rejoindre l’armée. Objectif : « Raser
Gaza. » ■

« VDL » et Metsola en solidarité avec les victimes du Hamas

JOHANNA GERON/REUTERS

ANNE ROVAN £@AnneRovan
CORRESPONDANTE À BRUXELLES
URSULA VON DER LEYEN et Ro-
berta Metsola, respectivement pré-
sidentes de la Commission et du
Nous Parlement européens, étaient ven-
pleurons dredi en Israël. Sur place, elles ont
effectué une partie du parcours ma-
avec les cabre des terroristes du Hamas, se
familles des rendant notamment à Kfar Azza, ce
victimes
LA PRÉSIDENTE
» kibboutz situé à quelques kilomè-
tres de la bande de Gaza où des ci-
vils, dont des bébés et des enfants
DE LA COMMISSION selon les autorités, ont été massa-
EUROPÉENNE, URSULA
VON DER LEYEN, crés en fin de semaine dernière.
EN DÉPLACEMENT « Nous étions à Kfar Azza, l’un des
EN ISRAËL épicentres des atrocités commises
par le Hamas le week-end dernier.
L’horreur de ce qui s’est passé ici est
indescriptible. Nous pleurons avec les
familles des victimes », a indiqué
« VDL » dans un message posté sur
X (anciennement Twitter) où on la
voit, ainsi que Metsola, portant un
gilet pare-balles. Tandis que la pré-
sidente de la Commission s’entrete-
nait ensuite avec le premier minis-
tre israélien Benyamin
Netanyahou, Roberta Metsola se
rendait sur les lieux de la rave party
où se sont aussi déchaînés samedi
les islamistes palestiniens, tuant
plus de 250 personnes et en enle-
vant plusieurs dizaines.
Les dirigeants des deux institu-
tions de l’UE, auxquelles les autori-
tés israéliennes avaient demandé
jeudi de venir ensemble plutôt que
séparément, devaient aussi ren-
contrer le président israélien, Isaac
Herzog.
« Pas de consensus »
Ce déplacement leur a permis
d’adresser à Israël le message de soli-
darité de l’UE. Mais cette journée
passée sur place a aussi mis à nou-
veau en lumière des approches très
différentes entre « VDL » et Metsola,
après l’énorme cafouillage de lundi
entre la Commission et les États
membres sur l’idée de suspendre ou
non l’aide de l’Union aux Palesti-
niens. Roberta Metsola a, ainsi, fait
valoir sur X que « la façon dont nous
réagissons compte » et a appelé à
« atténuer les conséquences humani-
taires » de l’offensive lancée par Is-
raël sur Gaza. La présidente du Par-
lement européen devait, au cours de
ce déplacement, livrer trois messa-
ges à Israël et au gouvernement Ne-
tanyahou, négociés la veille avec les
chefs de file des différents groupes
du Parlement de Strasbourg : la soli-
darité envers Israël, le souhait de
voir libérer les otages, et un appel à
mettre en place des corridors huma-
nitaires et à sauvegarder les infras-
tructures civiles de Gaza.
« VDL », à l’inverse, est restée très
en retrait sur le sort des Gazaouis,
« ces 2 millions de personnes qui vi-
vent dans un mouchoir de poche »,
selon la formule d’un diplomate
européen. Il a fallu attendre son
communiqué de presse, publié en fin
de journée, pour qu’elle admette que
« l’horreur déclenchée par le Hamas
ne fait qu’engendrer davantage de
souffrances chez des Palestiniens in-
nocents ». « Je sais que la manière
dont Israël réagira montrera qu’elle
est une démocratie », a-t-elle ajouté.
Une ambiguïté qui tranche avec la
position américaine, clairement fa-
vorable à des corridors humanitai-
res. « Le problème, c’est aussi que le
conflit israélo-palestien est un angle
mort de la politique étrangère de l’UE.
Nous sommes face à une crise et il n’y
a pas de consensus. Et il va falloir
beaucoup de travail et de temps pour
en trouver un », s’inquiète un diplo-
mate européen. Vendredi soir, les
plus hauts diplomates de l’UE de-
vaient se réunir pour réfléchir aux
besoins des habitants de Gaza. ■

CLÉMENTINE AUTAIN Olivier BOST

Pauline BUISSON
Députée LFI de Seine-Saint-Denis
Loris BOICHOT
DIMANCHE 12H-13H
EN DIRECT DU GRAND STUDIO DE RTL
QUESTIONS / RÉACTIONS #LeGrandJury
A

ET EN DIFFUSION SIMULTANÉE SUR PHOTO : © JOEL SAGET / AFP


Gaza »
Des acteurs de l’ombre
dans la cyberguerre
CLAUDIA COHEN £@ClaudiaECohen
APRÈS l’attaque terroriste perpé-
trée par le Hamas contre Israël, les
opérations militaires s’accompa-
gnent de cyberattaques, moins visi-
bles, mais aux répercussions
concrètes. Près d’une centaine de
groupes de hackeurs actifs partici-
pant à des opérations entre Israël et
la Palestine ont été identifiés depuis
samedi dernier par des plateformes
de renseignement sur les cyberme-
naces. « Notre site et le back-office
du journal ont été mis hors ligne du-
rant de nombreuses heures ces der-
niers jours », témoigne le rédacteur
en chef du Jerusalem Post, Avi
Mayer. Affilié à la Russie, le groupe
Anonymous Sudan revendique
leurs origines, mais également cer-
taines opérations contre le gouver-
nement israélien en réponse, no-
tamment, à la solidarité du pays
envers l’Ukraine. Il s’était fait
connaître en France pour avoir blo-
qué en mars dernier le site de la
DGSI et celui d’Aéroports de Paris.
De son côté, Russie Killnet se targue
d’avoir rendu indisponible durant
plusieurs heures dimanche le site
web du Shin Beth, le service de ren-
seignements intérieur israélien.
« Les premières cyberattaques
connues se limitent à des mises hors
service de sites. Elles sont pour l’ins-
tant symboliques, avec l’objectif de
semer le chaos et l’anxiété », analyse
Guy-Philippe Goldstein, enseignant
à l’École de guerre économique et
expert en cybersécurité. Car l’af-
frontement se joue aussi sur les
fronts informationnel et psycholo-
gique. Red Alert, l’application qui
servait à prévenir la population is-
raélienne en temps réel du lance-
ment de missiles ou de roquettes, a
elle aussi été ciblée. Dimanche, des
hackeurs avaient envoyé à certains
utilisateurs de fausses notifications,
en affichant par exemple comme
message : «La bombe nucléaire arri-
ve », mais également des croix gam-
mées. « Il y a un réel danger à empê-
cher les citoyens d’avoir accès aux
informations essentielles dans un
contexte de guerre », glisse un ex-
pert en cybersécurité. Selon la pla-
teforme de renseignement Falcon-
Feeds.io, certains groupes de
hackeurs affirmeraient aujourd’hui
vouloir lancer des attaques contre
des infrastructures israéliennes, ci-
blant notamment les sites associés
aux centrales électriques.
De son côté, l’Israel National Cy-
ber Directorate (ISCD) n’a pas fait
état, à ce jour, de réelles menaces.
Dans un contexte d’activité hackti-
viste croissante, les professionnels
israéliens de la sécurité de l’infor-
mation s’unissent pour fournir des
services de cybersécurité gratuits
aux entreprises à travers le pays, ra-
conte l’entreprise Check Point. À
l’image de nombreux secteurs éco-
nomiques, l’industrie technologique
israélienne se retrouve, elle aussi,
avec un nombre réduit de collabora-
teurs, alors qu’environ 15 % de ses
effectifs font partie des 360 000 ré-
servistes appelés à rejoindre l’armée.
Hackers iraniens
« Il est trop tôt pour parler de grande
offensive cyber et de cyberguerre »,
analyse Guy-Philippe Goldstein. À la
grande différence de la guerre en
Ukraine menée par les Russes, il n’y
a pas eu dans les premiers jours de
tentatives très importantes de cy-
bersabotage… « Le Hamas n’a pas les
mêmes capacités sur l’aspect cyber,
et il y a peut-être une forme d’idée
partagée qu’il n’est pas nécessaire
d’aller attaquer Israël sur ce terrain,
où le pays est réputé être très fort »,
estime l’expert. « Nous verrons au fil
du temps s’il y a eu des tentatives
d’espionnage pour faciliter des atta-
ques sur le terrain, et si l’Iran a joué,
d’une façon ou d’une autre, un rôle »,
abonde-t-il. En mai dernier, le
géant de la tech Microsoft soulignait
dans un rapport une « augmentation
marquée » de la menace de cyberat-
taques iraniennes contre Israël et les
États-Unis, des hackeurs iraniens
tentant d’attaquer les systèmes et les
infrastructures de contrôle indus-
triel, en parallèle d’opérations de
rançongiciels.
Dans l’autre camp, Indian Cyber
Force a revendiqué avoir fait tom-
ber pendant quelques heures le site
officiel du Hamas, et IT Army for
Ukraine a affiché son soutien à Is-
raël sur son compte Telegram. De
son côté, le groupe ThreatSec affir-
me avoir compromis l’infrastructu-
re du fournisseur d’accès internet
AlfaNet, basé à Gaza. « Israël a vrai-
semblablement commencé à se dé-
fendre, avance un expert en cyber-
sécurité. Le pays pourrait sans doute
tenter de bloquer les moyens de com-
munication à Gaza. » ■
L’Iran veut que les États-
Unis « contrôlent » Israël
GEORGES MALBRUNOT
£@Malbrunot
ALORS QUE les bruits de bottes se
font entendre aux portes de la
bande de Gaza, le bras de fer se
poursuit entre les États-Unis,
principal allié d’Israël, et l’Iran,
sponsor du Hamas. Quelques jours
après l’envoi par Washington
d’un porte-avions en Méditerra-
née, Téhéran a fixé, vendredi,
mais en des termes encore vagues,
les conditions d’un élargissement,
tant redouté, de la guerre entre le
mouvement islamiste palestinien
et l’État hébreu, alors que celui-ci
appelait les habitants de la ville de
Gaza à fuir une imminente opéra-
tion terrestre.
Arrivé jeudi soir à Beyrouth au
moment où son homologue amé-
ricain, Antony Blinken, était en
Israël, le chef de la diplomatie ira-
nienne, Hossein Amir Abdolla-
hian, a laissé entendre que « les
actions » de son pays dépen-
draient « des actions » de l’armée
israélienne lorsque celle-ci aura
pénétré dans la bande de Gaza. Le
responsable iranien n’a évidem-
ment pas précisé à quel moment
de la guerre israélienne pour
« éradiquer » le Hamas, Téhéran
interviendrait, via ses alliés régio-
naux, le Hezbollah au Liban, et des
milices chiites en Irak, notam-
ment. De nombreux experts s’ac-
cordent pour dire que si le Hez-
bollah et l’Iran venaient à
considérer que la survie de son al-
lié islamiste palestinien était me-
nacée, ils décideraient d’une ex-
tension du conflit.
En attendant, chaque camp fait
monter la pression. L’envoi du
porte-avions américain au large
d’Israël est un message clair à Té-
héran : « Ne bougez pas », a intimé
le président américain, Joe Biden.
Jeudi soir, dans un nouvel épi-
sode de ce bras de fer, on appre-
nait que les États-Unis étaient re-
venus sur un accord passé il y a un
mois avec l’Iran – via le Qatar –
aux termes duquel Washington
avait autorisé le dégel de 6 mil-
liards de dollars iraniens bloqués
en Corée du Sud, en échange de la
libération de cinq binationaux ira-
no-américains détenus par Téhé-
ran. Selon des médias américains,
des responsables des États-Unis et
du Qatar se sont entendus pour
empêcher l’Iran d’accéder à ses
fonds. Une volte-face surprenan-
te dans la mesure où, ces derniers
jours, les États-Unis estimaient
que l’Iran « ne connaissait pas
l’ampleur, ni le calendrier » de l’at-
EGE
taque terroriste inédite perpétrée
Nous par le Hamas. Aussitôt, les com-
mentateurs s’interrogeaient sur ce
verrons au fil
du temps
Manifestations de soutien à Amman,
s’il y a eu des
tentatives
d’espionnage
Beyrouth, Bagdad et Téhéran
pour faciliter
des attaques
sur le terrain, TANDIS QUE les leaders jordanien
et si l’Iran et égyptien mettent en garde
contre un transfert de Palestiniens
a joué, d’une dans leur pays, des dizaines de mil-
façon ou liers de personnes ont manifesté
d’une autre, vendredi à travers le Moyen-
un rôle »
GUY-PHILIPPE
Orient en soutien aux Palestiniens.
En Jordanie, pays voisin d’Israël
qui a fait la paix avec l’État hébreu,
GOLDSTEIN, EXPERT plus de 10 000 personnes se sont
EN CYBERSÉCURITÉ rassemblées dans le centre d’Am-
man, près de la Grande mosquée
Hussein, à l’appel des Frères mu-
sulmans jordaniens et de plusieurs
groupes de gauche et de jeunes.
Vendredi matin, des véhicules en
convoi ont tenté de se rapprocher
de la frontière avec Israël, avant
d’en être dissuadés par les forces de
sécurité. Peuplé à plus de la moitié
par des Palestiniens, réfugiés des
précédentes guerres israélo-ara-
bes, le royaume hachémite redoute
un nouvel exode de Palestiniens,
en cas de détérioration grave de la
situation en Cisjordanie occupée.
« La crise ne devrait pas se propager
aux pays voisins et aggraver la
question des réfugiés », a averti le
roi Abdallah II, qui a reçu vendredi
+ » Lire aussi
PAGE 29
le chef de la diplomatie américaine,
Antony Blinken. Le monarque a
LE FIGARO
L'ÉVÉNEMENT
reniement de la signature améri-
caine et pointaient le risque d’un
durcissement iranien dans la
guerre à Gaza. « Le gouvernement
américain sait qu’il ne peut pas re-
venir sur cet accord », déclarait
peu après sur le réseau X (ancien-
nement Twitter) le représentant
iranien aux Nations unies à New
York, Ali Karimi Magham.
Finalement quelques heures
après, un responsable américain
mettait un terme à l’incertitude,
en indiquant que Washington
n’avait pas renié sa signature,
mais que les États-Unis pour-
raient le faire si jamais l’Iran s’en-
gageait dans une guerre régionale
contre Israël.
« Nous sommes prêts »
Dans cet échange de menaces à
distance, Téhéran a déclaré ven-
dredi que les États-Unis « doivent
contrôler Israël » s’ils veulent évi-
ter une guerre régionale.
« L’Amérique veut permettre à Is-
raël de détruire Gaza, c’est une
grave erreur », a mis en garde de-
puis Beyrouth le ministre iranien
des Affaires étrangères lors d’une
tournée de ses alliés. Mais, à cette
heure, il n’est pas question que
Washington retienne la main d’Is-
raël. Dans une intervention solen-
nelle, mercredi, Joe Biden a au
contraire déclaré qu’Israël « doit
riposter ». « Si les crimes israéliens
ne sont pas stoppés, on ne sait pas
ce qui va se passer », a encore
averti Hossein Amir Abdollahian.
Celui-ci laisse planer le doute sur
le moment de bascule vers une
guerre régionale.
« Quand le temps viendra de
l’action, nous la lancerons, nous y
sommes prêts », a déclaré le nu-
méro deux du Hezbollah, Cheikh
Naïm Qassem, peu après la ren-
contre entre le chef de la diploma-
tie iranienne et Cheikh Hassan
Nasrallah, le patron de la puissan-
te milice chiite libanaise, armée
par Téhéran.
« Des grandes puissances, des
pays arabes et les Nations unies ont
directement et indirectement » de-
mandé au Hezbollah de « ne pas
interférer » dans les combats à ve-
nir, a ajouté Naïm Qassem, devant
des militants à Beyrouth. Parmi
ces pays, il paraît vraisemblable
que la France, qui entretient des
contacts politiques et sécuritaires
avec la milice libanaise, a fait pas-
ser un tel appel à la retenue. Mais
le numéro deux du Hezbollah a
précisé que ces appels « n’auront
aucun effet ».
Jusqu’à maintenant, malgré
quelques échanges armés cette se-
maine entre la milice et l’État hé-
breu, le Hezbollah a réfréné ses
actions. Jusqu’à quand ? ■
mis en garde contre « toute tentati-
ve de déplacer les Palestiniens de
toutes les terres palestiniennes ou de
provoquer leur déplacement », selon
un communiqué du palais royal.
À Bagdad, des dizaines de mil-
liers d’Irakiens se sont massées sur
la place Tahrir pour scander « Non
à l’occupation ! Non à l’Amérique ! »
Rassemblés à l’appel du leader
chiite Moqtada al-Sadr et brandis-
sant des drapeaux palestiniens et
irakiens, ils ont piétiné et brûlé des
fanions israéliens.
« À bas l’Amérique »
En Égypte, sur les réseaux sociaux,
des vidéos montraient des centai-
nes de manifestants scander leur
solidarité avec Gaza à la mosquée
al-Azhar. « Les pays arabes et mu-
sulmans ont le devoir et la
responsabilité de fournir urgem-
ment de l’aide humanitaire et des
secours aux Palestiniens de Gaza »,
a affirmé l’université d’al-Azhar,
plus haute institution de l’islam
sunnite.
À Beyrouth, plus d’un millier de
personnes ont exprimé leur solida-
rité avec les Palestiniens lors d’une
manifestation organisée dans la
samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023
9
PAVEL BEDNYAKOV/AFP
Israël
pourrait
envisager
de faire à Gaza
quelque chose
de comparable
au siège
de Leningrad.
C’est inacceptable.
Plus de 2 millions
de personnes
y vivent.
Tout le monde
ne soutient pas
le Hamas
VLADIMIR POUTINE,
»
PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION
DE RUSSIE
NEUF
PALESTINIENS
TUÉS EN
CISJORDANIE
Au moins neuf Palestiniens
ont été tués dans des
affrontements, vendredi,
avec les forces israéliennes
en Cisjordanie occupée,
à l’occasion de
rassemblements en
solidarité avec la bande
de Gaza dévastée par
la guerre, selon le ministère
palestinien de la Santé.
De violents affrontements
ont eu lieu à Ramallah,
Tulkarem, Naplouse,
Hébron et dans d’autres
villes de Cisjordanie.
banlieue sud de la capitale, un fief
du Hezbollah, allié de l’Iran.
À Téhéran et dans plusieurs
autres villes d’Iran, des manifes-
tants ont brandi des drapeaux ira-
niens, palestiniens et du Hezbollah,
en tenant des banderoles sur les-
quelles on pouvait lire : « À bas
l’Amérique » et « À bas Israël ». Ils
étaient également un millier à des-
cendre dans la rue à Alger.
En Arabie saoudite, où les mani-
festations sont bannies, un journa-
liste de l’AFP a vu un policier me-
notter un fidèle qui avait
interrompu la prière du vendredi
en lançant à l’imam « Parle de la
Palestine ! Gaza est sous les bom-
bes ! ». Ce lieu « n’est pas fait pour la
politique », lui a répondu l’imam
avant que l’homme soit interpellé.
Scène radicalement différente à la
grande mosquée de La Mecque, où
les réseaux sociaux rapportent un
sermon de l’imam appelant à « la
libération de la mosquée d’al-Aqsa »
à Jérusalem. Preuve que le rappro-
chement avec Israël, engagé ces
derniers mois par Riyad, a du mal à
passer chez certains Saoudiens, at-
A
tachés à la cause palestinienne. ■
G. M. (AVEC AFP)
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO
10 INTERNATIONAL
La guerre des
deux Pologne
Les législatives de dimanche
vont déterminer si le pays revient
vers l’ouest de l’Europe ou poursuit
son chemin nationaliste.
LAURE MANDEVILLE £@LaureMandeville
ENVOYÉE SPÉCIALE À SOPOT, PLOCK, PUTLUSK, VARSOVIE
EUROPE ORIENTALE La campagne
électorale pour les législatives de di-
manche en Pologne s’est transformée
en pugilat sans foi ni loi dont on peine à
mesurer l’intensité à travers l’Europe.
Insultes, simplifications grossières,
propagande mensongère, menaces de
mort proférées contre les élus par mails
ou par réseaux sociaux interposés, voi-
re même des actes de violence isolés,
comme à Lodz, où la directrice du staff
de campagne du sénateur Krzysztof
Kwiatkowski a été attaquée. « On
n’avait jamais vu de telles divisions de-
puis la fin du communisme », constate le
bourgmestre de la petite ville de Put-
lusk, Wojciech Grzegorczyk, à une
heure de route de Varsovie, alors que
près de 28 millions d’électeurs doivent
se rendre aux urnes, pour renouveler
les 460 sièges du Parlement polonais.
« Je pense que cela ne pourrait être pire,
sauf à penser qu’à la prochaine étape, le
sang coule ! », dit ce maire membre du
vieux parti paysan PSL, qui tentera
d’entrer au Parlement avec un autre
petit parti centriste, Pologne 2050, sous
l’appellation Troisième Voie, pour es-
sayer de promouvoir une forme de ré-
conciliation nationale.
Dans cette Pologne à couteaux tirés,
deux grandes forces politiques s’affron-
tent depuis maintenant près de 18 ans,
incarnées par deux hommes un peu
usés, Jaroslaw Kaczynski, 70 ans, et
Donald Tusk, 66 ans, que beaucoup
“et C’est notre démocratie
notre place en Europe
”
qui sont en jeu
DONALD TUSK, LEADER
DE LA PLATEFORME CIVIQUE
auraient souhaité voir quitter la scène.
D’un côté le parti national-
-conservateur Droit et Justice, PiS, au
pouvoir depuis huit ans, qui accuse ses
adversaires de vouloir « vendre la Polo-
gne aux intérêts allemands » et de s’ap-
prêter à céder à toutes les exigences de
l’Union européenne en matière d’im-
migration et de réformes sociétales no-
tamment, au risque de sacrifier l’âme et
la culture chrétienne de la Pologne et de
l’ouvrir aux grands vents de la société
multiculturelle. Et de l’autre la Coali-
tion civique de l’opposition centriste et
libérale, qui accuse le PiS de construire
un État autoritaire en faisant progressi-
vement main basse sur les institutions
d’État, dénonçant aussi la manière dont
il s’est brouillé avec toute l’Europe, de
Bruxelles à Berlin, sans parler de ses
choix « rétrogrades » en matière
d’avortement notamment. « C’est no-
tre démocratie et notre place en Europe
qui sont en jeu », a lancé Donald Tusk
lors d’un meeting à Plock, samedi der-
nier, appelant le pays à rendre à la Po-
logne sa place dans l’UE et à pouvoir
bénéficier à nouveau des fonds euro-
péens bloqués par Bruxelles en raison
de différends majeurs avec Varsovie sur
la réforme de la justice.
Pour l’instant, entre ces deux poids
lourds, l’avantage est du côté du PiS qui
reste le premier parti politique du pays,
avec quelque 33,5 % des intentions de
vote selon un sondage de la fondation
Ibris réalisé les 9 et 10 octobre, tandis
que la Coalition civique recueille quel-
que 28 % des suffrages. Mais la capacité
à gouverner de ces deux forces dépen-
dra largement du score que feront les
autres forces politiques susceptibles de
les rejoindre. De ce point de vue, à ce
stade de la campagne, c’est la Coalition
civique qui semble bénéficier d’un léger
avantage, en raison de son alliance an-
noncée avec deux autres forces politi-
ques, la Troisième Voie centriste et
conservatrice, donnée entre 10 % et
12 %, et le parti Nouvelle Gauche (post-
communiste), qui oscille, avec un pro-
A
gramme très social et centré sur les
droits des femmes, entre 10 % et 11 %.
Les analystes restent toutefois extrême-
ment prudents, d’autres enquêtes
d’opinion montrant que la Troisième
Voie pourrait échouer à passer le cap
des 8 % nécessaires pour entrer au Par-
lement. Il faudra aussi compter avec la
présence du parti de droite ultra-natio-
naliste et libertarien anti-européen
Confédération, qui oscille autour de 8 à
10 % et dont les intentions restent peu
claires. Certains observateurs pensent
que cette formation pourrait entrer en
coalition avec le PiS, tandis que d’autres
analystes parient que Confédération
pourrait au contraire rejoindre l’oppo-
sition pour sortir enfin le PiS du jeu et
mettre fin à son encombrante domina-
tion sur les institutions d’État. « La vé-
rité est que nous sommes toujours dans le
brouillard », a confié l’analyste Antoni
Dudek à l’hebdomadaire Polityka.
À Sopot, jolie station balnéaire pros-
père des bords de la Baltique, qui avec
les ports de Gdynia et de Gdansk, forme
une conurbation urbaine puissante et
dynamique, on est au cœur du fief de la
Pologne de l’opposition libérale de Do-
nald Tusk, qui en est d’ailleurs originai-
re. Restaurants branchés, centres de
santé à haute technologie. Hôtels parti-
culiers parfaitement restaurés. La mo-
dernisation qui a transformé la Pologne
grise et morose de l’époque communis-
te en pays européen prospère, y est vi-
sible partout. Jacek Karnowski, « pré-
sident » de la ville qui se présente au
Parlement sous les couleurs de la Coali-
tion civique, est un vieux routard de la
politique polonaise, qui a grandi nourri
de l’héritage des années héroïques de
Solidarité, le grand syndicat anticom-
muniste né sur les chantiers navals de
Gdansk sous la houlette de Lech Wale-
sa. Ce matin-là, il a d’ailleurs revêtu un
sweat-shirt de campagne rouge dont le
design rappelle celui du mouvement
Solidarnosc des années 1980. « Ne dors
pas car sinon on votera à ta place »,
peut-on y lire. Karnowski dit croire à la
victoire de l’opposition mais ses propos
laissent aussi percer son inquiétude face
à « la haine » qui se propage « sous l’ef-
fet de la propagande de la télévision
d’État ». Il dénonce aussi la montée
La jeunesse, entre abstention ou vote contestataire
ADAM HSAKOU £@AdamHsakou
SUR la terrasse d’un café sans préten-
tion de Varsovie, Rafal, 25 ans, sirote
une boisson chaude. Malgré l’efferves-
cence politique liée aux élections légis-
latives qui approchent, le jeune anima-
teur sportif apparaît désabusé. « Je ne
suis pas sûr d’aller voter dimanche. Que
ce soit Kaczynski ou Tusk, ils promettent
beaucoup, mais quand il s’agit de la
pratique, je ne suis pas convaincu »,
confie-t-il, avant d’avouer, quelque
peu gêné, n’avoir participé ni aux der-
nières élections législatives de 2019 ni
aux présidentielles de 2020.
Aujourd’hui, comme Rafal, 80 % des
jeunes électeurs se disent frustrés par
la situation politique polonaise. Ces
derniers ont baigné dans le conflit
croissant entre nationaux conserva-
teurs et centristes, personnifiés depuis
dix-huit longues années par les vété-
rans Jaroslaw Kaczynski et Donald
Tusk. « Le niveau du débat public est
extrêmement médiocre. Sur les plateaux
télé, les politiques se coupent la parole,
diabolisent l’adversaire, sans jamais
parler des enjeux de long terme », s’in-
digne Kacper, 23 ans, qui souhaiterait
entendre davantage parler de change-
ment climatique ou de santé mentale,
plutôt que de querelles partisanes.
Même les annonces solennelles
autour d’un « scrutin le plus important
depuis 1989 » déployées par le camp li-
béral ne fonctionnent pas. Pour cette
jeunesse née dans l’Europe, le commu-
nisme apparaît comme une matrice
désuète. « Les jeunes ont grandi dans les
temps du bien-être, où les parents ache-
De gauche à droite : Mateusz Morawiecki,
premier ministre polonais, et Donald Tusk,
ex-président du Conseil européen,
chef de file de la Plateforme civique,
lors d’un débat entre les principaux candidats,
le 9 octobre, à Varsovie.
plus générale « du péril autoritaire » de
ce que l’opposition appelle « l’État-
Pis ». « Je n’avais jamais vu une am-
biance pareille. Je suis un enfant du pays,
maire depuis 25 ans et connu de tout le
monde. Mais à cause de la propagande
de la télévision d’État qui accuse Tusk et
l’opposition d’être les suppôts de Berlin, il
m’arrive d’être apostrophé dans la rue
par des gens qui me demandent de ren-
trer “chez moi” en Allemagne et de par-
ler allemand ! », raconte-t-il. Kar-
nowski, qui dit bien connaître le patron
du PiS, Jaroslaw Kaczynski, parce que
son frère Lech Kaczynski, l’ancien pré-
sident mort dans un tragique accident
d’avion à Smolensk, habitait Sopot avec
sa femme, Maria, affirme que cet épiso-
de a changé toute la politique polonaise.
« À partir de là, on a vu grandir l’idéolo-
gie de Smolensk qui a voulu voir des traî-
tres et des ennemis partout, à l’intérieur
et à l’extérieur », dit-il. Donald Tusk,
premier ministre à l’époque de la catas-
trophe a été accusé d’être complice
d’un attentat fomenté par Poutine, sans
qu’aucune preuve n’ait jamais pu être
avancée, note Karnowski. « Mais cette
insistance année après année a fait mon-
ter la haine et la discorde à travers la so-
ciété », dit-il, notant que « la principale
mission du Parlement devra être de met-
tre fin à cette absurde guerre polono-po-
lonaise ». Karnowski explique être in-
quiet par ailleurs de la prolifération des
nominations partisanes à travers l’ap-
pareil d’État, affirmant n’avoir jamais
procédé ainsi à la mairie, sinon pour
taient de meilleures voitures, et des télé-
visions de plus en plus grandes. Pour
eux, le communisme est un thème de
manuel d’histoire », indique Mateusz
Galica, directeur associé de l’entrepri-
se de conseil Lata Dwudzieste, coau-
teur d’un rapport intitulé les « Débu-
tants 2023 », publié en juin.
En quête de nouveaux repères
Dans cette étude, on fait face à une
jeunesse en quête de nouveaux repè-
res, qui se tourne souvent vers des
forces alternatives, parfois radicales.
Ainsi, le parti préféré des primo-vo-
tants mobilisés est la Confédération,
avec 31 % de soutien. Ce parti réac-
tionnaire se targue d’incarner la ré-
volte antisystème, qui va « mettre fin
au gouvernement de droit et justice et
éviter le retour de Donald Tusk à la
tête du pays ». Sa promesse qui se
fonde sur « un barbecue, la famille,
une maison, deux voitures » plaît aux
jeunes hommes, en proie à une socié-
té de plus en plus individualiste. Sur-
tout, ces derniers semblent paralysés
face à un monde en pleine mutation :
« Ils plébiscitent des termes comme
l’honneur, la nation, et sont déstabili-
sés par la crise de la masculinité, qui
remet en cause le rôle traditionnel des
hommes », explique Mateusz Galica.
De l’autre côté du spectre politique,
la Gauche (Lewica) parvient à capter
la colère des jeunes face à « l’État-
PiS ». Le parti progressiste était en
première ligne des manifestations dé-
fendant le droit à l’avortement qui ont
pris de l’ampleur dans toute la Polo-
gne en 2021. À l’époque, le Tribunal
constitutionnel, un organe sous l’in-
deux ou trois collaborateurs politiques.
Cette captation de l’État polonais, dé-
crite par la journaliste Ann Applebaum,
dans un article du journal américain
The Atlantic, est aujourd’hui présentée
comme un péril majeur par les adver-
saires du PiS, qui parlent d’une « orba-
nisation » galopante de la démocratie
polonaise.
“surLelePiSpatriotisme
a fait main basse
et les valeurs
conservatrices, si chères
au cœur des Polonais
”
et les a confisquées
ALEKSANDER HALL, CONSERVATEUR CENTRISTE
Le député de la Plateforme civique
Piotr Adamowicz, un allié et ami de
Jacek Karnowski, dont le frère fut as-
sassiné en 2019 par un déséquilibré,
alors qu’il occupait le poste de maire de
Gdansk, arrive à son tour sur le marché
de Sopot, où des Polonaises souriantes
vendent de grosses citrouilles. Candidat
à sa réélection à Gdansk, ce grand bar-
bu affable semble connaître tout le
monde. On a un peu l’impression d’une
famille, même si une vendeuse emmi-
touflée dans une parka, nous lâchera sa
préférence pour « ceux ne se vendent
pas à l’étranger »…Adamowicz est sur
la même ligne que Karnowski sur la
montée du péril autoritaire. Pour lui,
fluence du pouvoir, avait décidé de
rendre quasi-impossible l’accès à
l’IVG. Ainsi, si la Confédération plaît
aux jeunes hommes, le carburant de la
Gauche est les jeunes femmes. « Nous
avons presque de la compassion pour
les jeunes couples qui se forment, car ils
ont des systèmes de valeurs si dis-
tincts… nous sommes curieux des dis-
cussions politiques qu’ils partagent »,
s’amuse l’expert Mateusz Galica.
Au-delà de l’aspect idéologique, la
Gauche met l’accent sur le caractère
social de son programme, dans un pays
où une inflation record pèse sur le pou-
voir d’achat des plus modestes. Un de
ses leaders, Adrian Zandberg, rappelle
l’engagement de « résoudre la crise du
logement qui frappe les moins de trente
ans, grâce à 1 million d’habitats sociaux
d’ici 2031 », couplé à « la construction de
résidences universitaires et l’attribution
de 1 000 zlotys (220 euros) pour chaque
étudiant ». À ses côtés, un militant sou-
ligne que la Gauche est la seule option
politique défendant une « laïcité à la
française », dans un pays où la jeunesse
se sécularise à un rythme fulgurant.
Tandis que la Diète polonaise n’ac-
cueille aucun député de moins de
trente ans sur ses bancs, la Gauche es-
saie de se présenter comme le remède
à la crise de la représentativité. Karol
Czerwiec, qui fait partie des 10 % de
candidats âgés de moins de 26 ans sur
les listes de la Gauche aux législatives,
déclare être « souvent encouragé lors-
qu’il tracte dans les rues, par des élec-
teurs estimant qu’il est grand temps
d’aérer le Parlement ».
D’ailleurs, les deux partis, la
Confédération comme la Gauche,
ces élections sont les plus importantes
depuis 1989. Car si le PiS gagnait enco-
re, dans 4 ans « toutes les institutions
d’État pourraient se retrouver sous
contrôle », avertit-il. Adamowicz évo-
que les tentatives de prise de contrôle
du pouvoir judiciaire, heureusement
encore limitées. Il parle de médias
« non plus publics mais partisans », et
de la pression énorme et récurrente qui
s’est exercée aussi sur le groupe de mé-
dias privé TVN, longtemps privée de sa
licence de diffusion. « Il a fallu que les
Américains, qui ont racheté le groupe,
interviennent pour que cette affaire se
débloque ». Le député parle aussi de
l’utilisation croissante de compagnies
publiques comme Orlen, entreprise ga-
zière dont le PiS aurait fait un instru-
ment d’influence, en y installant ses
hommes et en lui faisant racheter des
dizaines de journaux locaux et régio-
naux. Des critiques qui ont été reprises
jour après jour par Donald Tusk dans
ses meetings. Lors d’un rassemblement
électoral à Plock, samedi dernier, il ac-
cusait même Orlen, la compagnie ga-
zière d’avoir baissé le prix de l’essence
à la pompe à la veille des élections pour
aider le PiS à amadouer son électorat.
« Des milliards sont détournés » pour
alimenter la campagne électorale et
nourrir la propagande de la télévision
d’État, a dénoncé Tusk à Plock.
Pour comprendre comment la haine
et la division se sont installées à travers
la Pologne et son monde politique, il est
indispensable de rappeler ce qui se pas-
maîtrisent avec habileté les codes
des jeunes. Ces formations politiques
sont de loin les plus suivies sur le ré-
seau social TikTok, lequel leur per-
met de s’adresser à une génération
qui a largement délaissé la télévision
pour s’approprier des formats plus
courts et plus personnels. Alors les
candidats des partis traditionnels
tentent d’innover, eux aussi. C’est le
cas de Pawel Wojda, trente ans, an-
cien sportif de haut niveau et candi-
dat à la députation à Varsovie sur la
liste de Donald Tusk. Après une ten-
tative manquée en 2019, il espère
cette fois entrer à la Diète. Quitte à
utiliser des méthodes inédites. « J’ai
lancé un profil politique sur l’applica-
tion de rencontre Tinder, pour chatter
avec des jeunes et les sensibiliser au
scrutin », s’amuse-t-il. « Il faut les
atteindre d’une manière ou d’une
autre ! »
« Les filles aux urnes »
Dans ce contexte, depuis plusieurs
semaines, les initiatives citoyennes
se multiplient pour inciter les jeunes
à participer au scrutin. Au pied de
l’Université de Varsovie, Urszula,
22 ans, tente de convaincre les étu-
diants de se rendre au bureau de
vote. « On peut se plaindre ou ne pas
s’intéresser à la politique, mais la poli-
tique, elle, s’intéresse à nous, qu’on le
veuille ou non », lâche celle qui parti-
cipe avec enthousiasme au projet
« Les filles aux urnes », lancé il y a un
mois et demi dans tout le pays par des
activistes. Mais dans un contexte de
défiance généralisée, le sursaut ci-
toyen de la jeunesse aura-t-il lieu ? ■
 LE FIGARO samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023

INTERNATIONAL
chéenne, tentée par l’autoritarisme et
presque complotiste.
Pour comprendre, il est intéressant
de rencontrer le ministre de la Culture,
qui est numéro un face à Tusk, sur la
liste du PiS à Varsovie. L’écouter parler
des raisons qui ont mené à la division de
la nation est symptomatique du monde
dans lequel évolue l’élite du parti
11
campagne politique à mener et nous
n’avons pas le temps pour autre chose.
Nous devons être brutaux. Jusqu’à 2015,
tous les médias étaient du même côté. Et
appartenaient tous au même côté », se
défend-il. Glinski affirme que « Donald
Tusk ment quand il dit ne pas avoir accès
à la télévision publique. Il a été invité plus
d’une centaine de fois mais refuse de ve-

MACIEK JAZWIECKI/AGENCJA WYBORCZA.PL VIA REUTERS, WOJTEK RADWANSKI/AFP

national-conservateur au pouvoir. Par-
mi les raisons du fossé qui grandit en
Pologne, il revient d’abord longuement
sur la persistance « d’institutions post-
communistes, dans les médias, la politi-
que et le business », notant que beau-
coup d’anciens du régime ont profité de
leurs ressources passées pour s’inviter à
nir », affirme-t-il. « On a une élection
dans quelques jours, la démocratie exis-
te ! », dit-il. Le ministre aimerait que
l’on parle aussi de leur gestion de l’éco-
nomie, qui est très dynamique, ainsi
que la sécurité qui règne en Pologne.
Sur ce point, il faut bien dire que le
ministre et son gouvernement ont en-
core de grands soutiens dans l’opinion.
C’est que ce l’on constate quand on sort

“queNous ne pensons pas

les Allemands doivent
des grandes villes. À Glaszczyn, un petit
village situé à 100 kilomètres de Varso-
vie, les agriculteurs se disent très con-
nous dire ce que nous tents de leur situation. Ainsi de Janek,

”
avons à faire un quinquagénaire qui, installé, dans sa
PIOTR GLINSKI, MINISTRE DE LA CULTURE modeste ferme, où il maintient une pe-
tite activité céréalière et un élevage de
des postes clé. « Le plus gros média pri- poulets. « Le PiS a bien géré, les gens ont
vé TVN, qui est américain, a été fondé de l’argent », dit-il, se disant partisan
par un homme qui avait coopéré avec la aussi de leur politique migratoire. Mais
police politique », dit-il. Pour lui, les surtout, il a peur de « Tusk, qui est un
enfants et petits-enfants de la troisième agent de Berlin ». C’est même son prin-
ou quatrième génération sont toujours cipal argument pour maintenir son
sous influence. « Ils ne travaillent pas vote. Le PiS c’est la vraie Pologne, dit-
pour l’intérêt de la Pologne », dit-il. il. Et comme son ami d’enfance lui as-
Glinski, comme toute l’équipe actuelle, sure qu’il se fait balader par la télévision
se après la table ronde de 1989, entre les vont surfer les dirigeants du parti La vague migratoire de 2015 déclen- est également convaincu que l’Allema- d’État, il hésite un moment avant de
anciennes élites communistes et élites Droit et Justice pour l’emporter avec chée par la politique d’accueil d’An- gne est pour beaucoup dans la division renchérir. « Je crois ce que je vois, et ce
démocratiques de Solidarnosc, nous fracas en 2005, avant de perdre à nou- gela Merkel va contribuer à renforcer polonaise actuelle, et qu’elle y contri- que je vois, c’est que cela va bien pour
rappelle l’intellectuel Aleksander Hall, veau la main au profit de la Plateforme le PiS, qui apparaît dès lors comme le bue délibérément pour promouvoir ses nous », dit-il.
un conservateur centriste qui fut long- civique cinq ans plus tard. Les nouvel- seul rempart contre l’immigration in- intérêts. Une vision qui frappe par sa La popularité du PiS est également
temps un leader intellectuel de Solidar- les lignes de fracture vont ensuite se contrôlée, tandis que Tusk reste aligné recherche d’un ennemi intérieur pour- visible sur le marché de Pultusk, où
nosc. Soucieuses de préserver la paix creuser à la faveur de « l’idéologie de sur une approche d’ouverture. « Le tant difficile à identifier. Glinski pré- nous interrogeons deux marchands de
civile, ces dernières concluent un pac- Smolensk » et de la tragédie de la mort PiS a fait main basse sur le patriotisme sente aussi Tusk en ennemi, puisqu’il jeans et de polaires. Eux aussi sont con-
te, qui refuse une lustration massive des d’une grande partie de l’élite politique et les valeurs conservatrices, si chères « travaille dans l’intérêt de l’Allemagne, tents du gouvernement, qui a bien géré
anciens membres du Parti communiste. polonaise dans un accident d’avion au- au cœur des Polonais et les a confis- c’est une évidence ». L’ancien premier le Covid, et leur a donné 5 000 zlotys de
La stabilité, disent-ils, doit primer sur dessus de la Russie, idéologie mention- quées », note l’intellectuel Aleksander ministre libéral est même accusé compensation pour leur commerce et a
la justice. La thérapie de choc qui va née par Jacek Karnowski. Dès lors, Ja- Hall, qui voit là une grande partie de d’avoir promu la construction d’un aussi augmenté largement le salaire mi-
prévaloir pour orchestrer le douloureux roslaw Kaczynski, frère du président son succès. La Plateforme a pour sa musée de la Seconde Guerre mondiale à nimum. « Je lui mets la note 5 sur 5 »,
passage à l’économie de marché, laisse Lech Kaczynski, mort dans le crash, part viré vers la gauche, s’alignant sur Gdansk qui reprenait le récit allemand dit Andrzej. Tous deux sont persuadés
aussi beaucoup des gens des classes po- devient l’âme et le cerveau quasi exclu- la vision libérale européenne en ma- de l’histoire de la guerre. « Nous nous que la Pologne doit compter surtout sur
pulaires sur le carreau, tandis que nom- sif du PiS. « Cela va colorer sa vision de tière d’immigration et ses réformes construisons un musée de l’Histoire na- elle-même et qu’elle n’a pas vraiment
bre des anciens communistes vont la politique, et le pousser à penser le sociétales de « déconstruction » de la tionale polonaise », note-t-il à l’inver- besoin de l’UE. Ils font aussi écho aux
s’enrichir et rebondir dans les hautes monde comme une forteresse assiégée et tradition. Dans l’opposition du PiS et se. Le ministre refuse l’idée que son propos du ministre Glinski concernant
sphères. La marche à l’Europe se fait ses adversaires comme des ennemis », de la coalition libérale, on retrouve en gouvernement serait en train de les liens de Tusk avec l’Allemagne.
aussi au détriment du petit peuple qui note Aleksander Hall. La fracture va fait la dichotomie typique villes-cam- construire un État autoritaire, même « C’est leur serviteur. Nous ne pensons
craint la dilution dans la globalisation ensuite s’aggraver sur la question de pagne, et élites-petit peuple qui tra- s’il reconnaît que le parti a pris le pas que les Allemands doivent nous dire
mondiale et européenne. l’immigration et du social, le PiS profi- verse tout l’Occident. Mais elle va de contrôle de la télévision publique. « Je ce que nous avons à faire, un pays ne doit
Un ensemble de craintes, de frustra- tant de ces deux sujets pour revenir au plus en plus se doubler aujourd’hui suis d’accord avec vous sur la brutalité pas régner sur toute l’Europe, or c’est ce
tions et questions légitimes sur lesquel- pouvoir en 2015. d’une vision du monde du PiS mani- de la propagande, mais nous avons une qu’ils font. » ■
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 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO
12 POLITIQUE
Les Républicains dégainent leur plan
contre les déserts médicaux
La proposition de loi
défendue par
le député Yannick
Neuder vise à créer
un « électrochoc »
sur l’offre de soins
pour sortir
d’une impasse.
EMMANUEL GALIERO egaliero@lefigaro.fr
DROITE Quand 87 % du territoire natio-
nal est officiellement considéré comme
un désert médical, l’urgence d’une poli-
tique de repeuplement professionnel de-
vient un sujet politique. À plus forte rai-
son lorsque le texte de la majorité, porté
par le macroniste Frédéric Valletoux, a
déjà provoqué une grève des médecins li-
béraux (lire ci-dessous) avant même son
examen au Sénat. D’où la proposition de
loi (PPL) rédigée par le député LR de
l’Isère, Yannick Neuder, cardiologue
hospitalier, mais aussi secrétaire général
en charge de la santé, au sein du « sha-
dow cabinet » des Républicains.
Très largement soutenu dans le groupe
LR à l’Assemblée, le texte déposé cette
semaine compte 14 articles que la droite
inscrira au menu de sa niche parlemen-
taire, en décembre. «Il nous faut un plan
choc contre les déserts médicaux, car les
projets de loi rustines tapent sur les forces
vives, les médecins et les paramédicaux. Le
système est tellement proche de l’apoca-
lypse qu’il faut envisager une loi plurian-
nuelle et préparer une réforme sur le long
terme », juge Yannick Neuder. La chute
du nombre de médecins en France s’est
aggravée avec l’augmentation de la po-
pulation. Elle est estimée à - 11 % depuis
2010. Pour le député, si Emmanuel Ma-
cron a eu l’ambition en 2017 de s’attaquer
au plafond du numerus clausus, la politi-
que menée depuis ne permettra pas de
résoudre le problème. La situation de-
vrait même se dégrader jusqu’en 2028.
« Il faut doubler le nombre de médecins,
passer de 10 000 à 20 000, comme l’a fait
l’Angleterre, car on sait que pour un méde-
cin qui part, il faut prévoir plus de deux
médecins pour le remplacer », explique le
député, sans toutefois espérer de résultats
sur ce point avant une dizaine d’années.
La réforme Véran et les nouvelles rè-
gles du numerus apertus pour l’entrée en
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A
Pour Yannick Neuder, député LR de l’Isère (ici à l’Assemblée), « il faut doubler le nombre de médecins, passer de 10 000 à 20 000, comme l’a fait l’Angleterre, car on sait que pour
un médecin qui part, il faut prévoir plus de deux médecins pour le remplacer ». RAPHAEL LAFARGUE/ABACA
deuxième année de médecine sont dans
le viseur de la droite, notamment car elles
n’ont pas véritablement acté la fin de
l’aîné numerus clausus. Selon Yannick
Neuder, la réforme persiste à se baser sur
le nombre de places en universités, les-
quelles souffrent d’un manque de
moyens d’accueil. Il relève que le gou-
vernement n’a en définitive rehaussé que
de 15 % la proportion de futurs médecins
sans prendre en compte l’augmentation
de la population (+ 15 millions de Français
depuis les années 1970). Il propose ainsi
de rendre effective la fin du numerus
clausus en ne conditionnant plus le nom-
bre d’étudiants à la seule capacité d’ac-
cueil des facultés mais en le basant le
nombre d’étudiants en fonction des be-
soins de chaque territoire. Yannick Neu-
der alerte également sur la nécessité d’un
« plan Marshall » d’investissement pour
les facultés. L’article 8 de sa PPL vise à
colmater la fuite des cerveaux en faisant
revenir les jeunes français partis étudier à
l’étranger, sachant que 10 % à 15 % des
étudiants tentés par les études de méde-
cine se heurtent au mur de Parcoursup.
« Il est urgent de stopper l’hémorragie »,
insiste Neuder.
L’autre « électrochoc » souhaité par LR
oberman@artcurial.com
consiste à mieux reconnaître les compé-
tences des paramédicaux en leur facili-
tant les possibilités de passerelles en prio-
rité vers la médecine traitante. L’accès
aux études paramédicales par Parcoursup
en 2018 a entraîné une forte augmenta-
tion des interruptions et abandons d’étu-
des dès la première année. En 2020, un
étudiant sur cinq en études de soins infir-
miers a jeté l’éponge. Un constat
qui conduit le député à exclure les forma-
tions paramédicales de Parcoursup dans
son texte.
Mesures de régionalisation
Cette refonte des études s’accompagne de
mesures de régionalisation à contre-cou-
rant des mesures coercitives telles que le
système d’obligations géographiques. En
plus de proposer de conditionner le nom-
Le bras de fer des médecins
libéraux avec l’exécutif
EUGÉNIE BOILAIT
UN « RAS-LE-BOL général ». Vendredi,
tous les syndicats représentant les mé-
decins libéraux ont appelé à une grève
massive et reconductible. La médecine
libérale « va s’arrêter pour donner un si-
gnal fort aux pouvoirs publics ». « Indis-
cutablement, c’est un vendredi noir et il
sera reconductible », avait affirmé, dès
mardi, Philippe Cuq, porte-parole d’une
toute nouvelle « intersyndicale », qui
réunit 12 organisations représentatives
de médecins ou de jeunes médecins.
Dans leur viseur, la proposition de loi
(PPL) du député Frédéric Valletoux vi-
sant à lutter contre les déserts médi-
caux, qui arrivera au Sénat courant oc-
tobre, et dont les médecins libéraux
veulent le retrait. Pour les syndicats, le
texte risque d’aggraver la fuite en avant
des jeunes médecins généralistes : le
projet réintroduit d’abord « des structu-
res administratives supplémentaires »,
mais « sans moyens supplémentaires et
avec une obligation de résultat », avance
l’association Médecins pour demain.
Concrètement, ce texte fait du terri-
toire de santé « l’échelon de référence de
l’organisation locale de la politique de
santé ». Le Conseil territorial de santé
devra ainsi définir les « objectifs priori-
taires en matière d’accès aux soins, de
permanence des soins et d’équilibre terri-
torial de l’offre de soins ». Pour le
Dr Benoît Coulon, vice-président de
Médecins pour demain, « le politique se
décharge sur des collectifs en obligeant les
médecins à être efficients dans le soin,
sans donner aucun moyen supplé-
mentaire ».
La PPL vise surtout à imposer aux cli-
niques privées, et à leurs soignants, de
participer davantage aux permanences
de nuit et de week-end, pour soulager la
charge des hôpitaux publics. C’est aux
bre d’étudiants en fonction des besoins
territoriaux, il veut offrir la possibilité
aux collectivités locales de contractuali-
ser, sur leur territoire et avec toutes les
structures liées à la santé, pour créer des
internats territoriaux. L’objectif est d’en-
courager les étudiants à effectuer des sta-
ges auprès des praticiens libéraux, sa-
chant que la probabilité de s’installer en
zone rurale est deux à trois fois plus éle-
vée si le médecin est d’origine rurale. Se-
lon les maires ruraux (AMRF), il faudrait
un médecin généraliste pour 1 000 habi-
tants dans les zones rurales.
Pour Yannick Neuder, Les Républi-
cains doivent changer d’approche face au
budget de la Sécurité sociale (PLFSS) dont
le déficit est prévu à hauteur de 11,2 mil-
liards d’euros en 2024. « Dans les réunions
interministérielles, chacun sait que le
agences régionales de santé qu’il revien-
dra d’organiser ces gardes. « Mais com-
ment vont faire les jeunes mamans céliba-
taires - qui, comme dans toute la société,
sont plus nombreuses - pour s’installer si
elles doivent faire garder leurs enfants à
des horaires décalés ? », interroge le
Dr Sophie Bauer, présidente du Syndicat
des médecins libéraux. Par ailleurs, dans
le privé, « nous faisons déjà des gardes et
des astreintes bénévolement ». Ainsi, en
obligeant les médecins libéraux à inté-
grer le système de garde des hôpitaux
publics, « on va nécessairement réduire
l’offre de soins », anticipe-t-elle.
« Front syndical uni »
La PPL prévoit aussi une adhésion par
défaut des médecins à une « commu-
nauté professionnelle territoriale de
santé », autrement dit une communauté
d’acteurs de santé qui souhaitent se
coordonner sur un territoire pour amé-
liorer la prise en charge des patients. Ce
à quoi s’opposent fermement les syndi-
cats, selon qui l’adhésion doit relever
d’un engagement volontaire et person-
nel. Tout cela « renvoie l’image d’un mé-
tier où il y a de la coercition, avec des gar-
des obligatoires, par exemple », s’agace
le Dr Duquesnel, généraliste en
Mayenne.
Mais le « malaise » est bien plus pro-
fond, estime aussi le Dr Coulon. « Notre
leitmotiv, c’est la sauvegarde du système
de santé à la française, affirme-t-il. Il y a
eu ce vendredi 13 octobre un front syndical
uni, et c’est assez rare pour le faire re-
marquer. » « Pour ma part, je ferme mon
cabinet du 13 octobre au 20 inclus »,
abonde le Dr Duquesnel.
Le tout alors que le Syndicat des mé-
decins libéraux souhaite pour sa part
engager un véritable bras de fer avec le
gouvernement. Il prévient ainsi : « Tant
que nous n’obtiendrons pas de réponse,
nous ne rouvrirons pas. » ■
PLFSS n’a pas été écrit cet été et qu’il est
insincère budgétairement, car il ne suivra
pas l’inflation. Il manquera des finance-
ments dans les hôpitaux et les Ehpad. C’est
pourquoi une loi pluriannuelle de la santé
s’impose comme celle qui existe pour la
programmation militaire. » Face à la si-
tuation budgétaire du pays et à la réalité
de ses déserts médicaux, le parlementaire
estime que la France ne pourra pas conti-
nuer éternellement avec plus de
3 000 milliards de dettes. « Mais sans faire
des économies sur le dos de la santé des
Français, on peut néanmoins améliorer la
lutte contre la fraude sociale, les prescrip-
tions indues ou l’inefficience de certains
traitements », ajoute-t-il, mettant en
garde l’exécutif face à la grogne des mé-
decins qui s’exprime dans la rue depuis
vendredi. ■
EN BREF
Le patron LR de l’Aude
rejoint le RPR, microparti
satellite du RN
Le député RN des Bouches-
du-Rhône Franck Allisio appelle
cela « l’acte 2 » de son RPR. Le
premier acte avait eu lieu en juin
dernier, quand cet ex-LR avait
lancé, avec le maire de Marignane,
Éric Le Dissès, un mouvement pour
rassembler les élus de droite et du
RN. Le tout sous une appellation
dont l’acronyme est librement
inspiré du fameux Rassemblement
pour la République, qui s’était
dissous dans l’UMP en 2002,
sous la houlette de Jacques Chirac
et d’Alain Juppé. Une utilisation
rendue possible grâce au rachat par
le RN, en mars 2022, de l’ancien
nom du parti de droite.
Le petit RPR version RN étoffe donc
un peu plus ses rangs ce samedi.
Selon nos informations, le patron
de la fédération LR de l’Aube
et conseiller municipal et
communautaire de Carcassonne,
Édouard Jordan, ainsi qu’une
dizaine d’élus LR et anciens élus
UMP, comptent annoncer leur
adhésion à ce mouvement.
Un député RN va aussi prendre sa
carte : Christophe Barthès, qui avait
été membre du RPR originel
jusqu’en 1997. Cette initiative
de Franck Allisio a un objectif
assumé : permettre à des élus LR en
déshérence de se rapprocher du RN
de Marine Le Pen et de Jordan
Bardella sans y adhérer.
Cette association a pour vocation
de « rassembler tous ceux qui croient
en la France, qui veulent tourner la
page macroniste et faire barrage à la
gauche », fait-il valoir. L’opération
a été validée par Marine Le Pen et
Jordan Bardella. La récupération
du nom RPR a aussi une vertu pour
l’état-major frontiste : empêcher
Éric Zemmour de l’utiliser.

SOCIÉTÉ
PMA pour
toutes : la
révolution des
maternités solos
Près de 6 200 personnes attendent
une PMA avec don de spermatozoïdes,
selon les derniers chiffres,
dont 40 % de femmes seules.
AGNÈS LECLAIR aleclair@lefigaro.fr
BIOÉTHIQUE « J’ai très peur mais c’est
la plus belle décision de ma vie. » À
36 ans, Solène vient de se lancer dans
un parcours de PMA solo. Célibataire,
elle a vu les années passer sans se poser
trop de questions. Ses amis, cependant,
lui répétaient qu’ils la verraient bien
avec un enfant. L’idée de faire un bébé
toute seule a fait son chemin. Et puis un
jour, elle a franchi la porte du CHU de
Brest. « Aujourd’hui, c’est normalisé
d’être maman solo et je me sens prête à
accueillir cet enfant dans les bonnes
conditions. Je suis propriétaire, je gagne
bien ma vie. J’ai même racheté une voitu-
re alors que j’ai un peu peur de condui-
re ! », lance cette jeune femme blonde,
spécialiste du pilotage de projet.
Quand elle a rencontré le psycholo-
gue du centre de PMA, Solène a compris
qu’elle avait « fait le deuil d’un enfant à
deux ». Sans regret : « Quand je vois tous
ces couples qui se séparent et se déchirent
avec un enfant au milieu, je ne regrette
pas mon choix. » Autour d’elle, elle juge
aussi que les mentalités ont évolué.
« Même mes grands-parents, qui ont plus
de 80 ans, m’étonnent par leur ouverture
d’esprit », dit-elle. Quant à ses amis, ils
se sont déjà portés volontaires pour gar-
der le bébé quand elle aurait besoin de
prendre l’air. C’est également eux qui
l’accompagneront pour faire les écho-
graphies ou pour l’accouchement. Des
moments de bonheur qu’elle a « envie de
partager avec des gens bienveillants ».
Prévoyante, elle a déjà été voir son no-
taire pour choisir un tuteur testamen-
taire en cas de décès.
Après ses premiers rendez-vous mé-
dicaux, Solène devra cependant atten-
dre encore douze mois avant l’insémi-
nation artificielle. Car, deux ans après le
vote de la loi de bioéthique qui a ouvert
la PMA aux couples de femmes et aux
femmes célibataires, les centres sont
débordés par la demande. Entre 2021 et
fin mars 2023, l’agence de la bioméde-
cine recense 26 600 demandes de pre-
mières consultations de la part de cou-
ples de femmes et de femmes seules en
vue d’une PMA avec don de spermato-
zoïdes. « Depuis la loi, en 2021, la de-
mande a été multipliée par huit », calcule
Marine Jeantet, directrice de l’Agence
de la biomédecine. La demande des
femmes seules, en particulier, est au-
delà de toutes les prévisions. Parmi les
6 200 personnes en attente d’une PMA
avec don de spermatozoïdes fin mars
2023, on compte 41 % de couples de
femmes et 40 % de femmes seules,
contre 19 % de couples hétérosexuels
touchés par l’infertilité.
Une campagne d’information
« Faites des parents »
Face à cette hausse des demandes,
l’Agence de la biomédecine a lancé
vendredi la campagne d’information
« Faites des parents » pour inciter aux
dons de gamètes. Les jeunes de 18 à
24 ans et les personnes devenues ré-
cemment parents, plus enclins à don-
ner, sont plus particulièrement ciblés. Il
s’agit aussi pour l’Agence de la biomé-
decine de « reconstituer les stocks de ga-
mètes issus de donneurs ayant consenti à
l’accès à leur identité ». La loi prévoit en
effet un accès aux origines des enfants
nés d’un don et les anciens stocks de
paillettes « anonymes » ne pourront
plus être utilisés après mars 2025.
À l’hôpital Tenon, à Paris, la propor-
tion de femmes célibataires est encore
plus élevée. Elles représentent désor-
mais les deux tiers des demandes. De-
puis la loi, le centre d’aide médicale à la
procréation a dû absorber le choc d’un
passage de 30 à 40 demandes annuelles
LE FIGARO samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023
13
ZOOM
Le Salon Postbac se déroule
ce week-end à Paris
Le Figaro étudiant se mobilise
pour guider lycéens et étudiants
dans leur choix d’orientation.
À l’occasion du Salon Postbac,
qui se tient samedi et dimanche,
porte de Champerret à Paris,
les jeunes et leurs parents
auront la possibilité de rencontrer
des étudiants et représentants
d’établissements du supérieur
(écoles, universités…) pour
les guider dans leur réflexion.
Des ateliers de coaching
sont également organisés.
Les lycéens pourront notamment
apprendre à créer un CV
et se préparer au grand oral
grâce à des associations étudiantes
d’éloquence. Des conférences
dédiées à Parcoursup seront
également au programme.
Cette année, le Canada
est à l’honneur et plusieurs
à plus de 800 en 2022. « On s’est vite établissements seront présents
rendu compte que ce n’était pas une évo- dont l’université de Montréal
lution mais une révolution », résume la et Avantage Ontario ainsi
RABIZO ANATOLII-STOCK.ADOBE.COM
Pr Rachel Levy, chef du service de bio- que l’ambassade du Canada.
logie de la reproduction-Cecos de l’hô- Des organismes qui intéresseront
pital Tenon. ceux qui veulent s’expatrier
Cet afflux, comme dans la plupart des pour des études, un stage
centres, a allongé les files d’attente. ou un premier emploi.
« Nous en sommes à quatorze mois de Quand ? Les 14 et 15 octobre 2023,
délai pour une première consultation puis de 10 heures à 18 heures.
à six mois avant la délivrance de paillet- Où : Espace Champerret,
tes, précise la Pr Rachel Levy. Nous porte de Champerret, Paris 17e.
avons dû nous adapter pour fluidifier le L’entrée est gratuite,
parcours, ce qui nous a permis d’ac- il suffit de s’inscrire sur le site
cueillir plus de patientes. » Face à cette Deux ans après le vote de la loi de bioéthique qui a ouvert la PMA aux couples du « Figaro étudiant »
nouvelle demande, et confronté à de de femmes et aux femmes célibataires, les centres sont débordés par la demande. pour télécharger son billet.
nouveaux profils, l’hôpital a aussi mis
en place des groupes de parole dédiés
aux femmes qui entament des parcours
de PMA solo. Un accompagnement qui
pourrait être étendu pendant la gros-
sesse et au-delà. NOUVEAU
Des candidates jugées
trop jeunes
Jeunes femmes d’une vingtaine d’an-
nées, femmes asexuelles ou aromanti-
ques, trentenaires qui dissocient le cou-
ple de la parentalité… L’association
Mam’ensolo confirme la poussée des
nouvelles demandes de célibataires. « Il
y a toujours des femmes proches de la
quarantaine qui font ce choix car elles
n’ont pas trouvé le bon partenaire. Mais
nous voyons de plus en plus de femmes
pour qui faire un bébé toute seule est un
plan A et non un plan B. Elles ont complè-
tement décorrélé la maternité de la
conjugalité et ne cherchent pas le prince
charmant pour faire un enfant », décrit
Bénédicte Blanchet, de Mam’enSolo. Et
d’en conclure que l’accès à la PMA pour
les femmes célibataires constitue « une
révolution aussi importante pour les fem-
mes que la pilule et l’IVG ». « Nos enfants
et nos familles existent depuis longtemps
mais, là, on passe à un niveau de produc-
tion industrielle », s’amuse Margaux
Gandelon, présidente de l’association.
Les centres de PMA n’étaient pas
préparés aux profils de ces nouvelles
candidates à la maternité. « Les méde-
cins étaient jusqu’alors confrontés à de la
médecine conjugale extrêmement nor-
mée pour des couples infertiles. La prise
en charge des lesbiennes en couple ne les
a pas déstabilisés car il y avait toujours le
cadre d’un projet à deux. Mais les mater-
nités solos cristallisent les questionne-
ments car elles placent les médecins en
position de devoir évaluer les projets pa-
rentaux », explique Hélène Malmanche,
anthropologue chargée d’étude à l’Ined
et sage-femme. Les parlementaires
n’ont en effet pas posé de limite infé-
rieure d’âge pour l’entrée du parcours
en PMA dans la loi de bioéthique, pour
des raisons de non-discrimination.
« Nous n’avions pas pensé que des fem-
mes si jeunes feraient cette demande »,
reconnaît Marine Jeantet.
Dans certains centres, des femmes de
moins de 29 ans se voient opposer des
refus car elles sont jugées trop jeunes.
« Les médecins leur disent de revenir plus
tard, qu’elles ont encore le temps, indi-
que Hélène Malmanche. Les patientes
plus âgées, qui ont atteint la quarantai-
ne, peuvent aussi être refusées car elles
sont proches de la limite d’âge et que le
temps d’attente pour accéder à la PMA
serait trop long. » « Les femmes asexuel-
les, qui ont fait le choix de ne pas avoir de
relation ou qui n’ont pas envie d’avoir un
partenaire ont également des difficultés à
être reçues, ajoute Margaux Gandelon,
de l’association Mam’enSolo. Certains
ont du mal à comprendre qu’il s’agit
d’une orientation sexuelle comme une
autre. » L’association alerte sur le re-
6 €
,90
100 MOTS FLÉCHÉS DU FIGARO
EN VENTE ACTUELLEMENT chez tous les marchands de journaux et sur www.figarostore.fr
cours de ces femmes à la PMA « artisa-
A
nale », « dans des conditions sanitaires
et juridiques risquées ». ■
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO
14 SCIENCES
Victoria boliviana,
une nouvelle espèce de
nénufar géant récemment
découverte. KEW GARDENS
Protéger la flore mondiale, une urgence
Un rapport international expose les avancées scientifiques et les trous béants dans les connaissances actuelles,
jetant une nouvelle lumière sur les urgences de la conservation.
Les 32 « points obscurs » de la biodiversité
FRANCESCA ALONGI
falongi@lefigaro.fr
ENVIRONNEMENT Un nouveau
rapport sur l’État des plantes dans
le monde a été rendu public ce
11 octobre par les Jardins botani-
ques royaux de Kew à Londres, à
l’occasion d’un symposium inter-
national. Quelque 200 chercheurs
d’une centaine d’institutions is-
sues de 30 pays différents ont
contribué à sa rédaction. Il s’agit
de la cinquième étude de la sorte.
La première fut publiée en 2016,
avec un but ambitieux : dresser un
état des lieux de la flore mondiale.
Au fil des années se sont relayés
les focus sur des domaines spécifi-
ques, comme les plantes à usage
pharmaceutique ou le règne mé-
connu des champignons. Avec son
histoire de deux siècles et ses im-
pressionnantes collections de
plantes et de graines classées au
patrimoine de l’Unesco, l’organi-
sation scientifique britannique est
une référence mondiale pour les
recherches et la conservation du
patrimoine végétal de la planète.
Combien d’espèces de plantes
existent dans le monde, et où
sont-elles ? Une question simple,
déjà posée par Charles Darwin au
XIXe siècle, à laquelle répondent
plusieurs compilations : World
Plants, le Catalogue des plantes
« Cycadales
vasculaires de Leipzig (LCVP),
World Flora Online.
45 % de la flore mondiale
risque l’extinction
La dernière, fruit de trente-cinq
ans d’efforts de tri, harmonisation,
vérifications dirigées par Rafaël Go-
vaerts à Kew Gardens, porte le nom
de « liste mondiale des plantes vas-
culaires » (WCVP). Elle inclut plus
de 350 000 espèces, et on est loin du
nombre d’espèces qui existent en
réalité ! Depuis 2020, les temps
longs des confinements aidant, pas
moins de 8 600 nouvelles plantes
ont été répertoriées, en puisant
aussi dans ces mines d’échantillons
en attente d’un moment de gloire
que sont les herbariums nationaux.
On calcule que, chaque année, pas
moins de 2 500 espèces sont nom-
mées. Il manquerait à l’appel enco-
re 100 000 espèces.
Pour les champignons, la classi-
fication taxonomique n’en est qu’à
ses débuts, même si 155 000 espè-
ces sont connues à ce jour et que
10 200 nouvelles ont été décrites
depuis 2020. Cela ne représenterait
pourtant que 6 % de ce règne en-
core largement à découvrir, qui
recèlerait 2,5 millions d’espèces,
selon les experts britanniques. Le
recours au séquençage génétique
des champignons permettrait de
A
mettre les bouchées doubles et de
répertorier 50 000 espèces par an.
Grandes régions
baptisées « points
obscurs » (darkspots)
de la biodiversité où
se cacheraient la plupart
des trésors végétaux
inconnus Source : Kew Gardens
Malheureusement, à ces chiffres
qui évoquent l’opulence du monde
végétal répondent des constats plus
sombres. Alors que, dans le pre-
mier rapport de 2016, 21 % de la
flore mondiale était considérée à
risque d’extinction, on parle
aujourd’hui de 45 % ! La proportion
augmente en regardant de plus
près certaines familles ou types de
plantes : seraient vouées à dispa-
raître 68 % des Cycadales (cycas),
60 % des Pipéracées (poivriers),
Les
56 % des Orchidacées (orchidées),
55 % des plantes tropicales et sub-
tropicales… Enfin, les plantes en-
démiques, qui poussent à un en-
sont droit précis du globe et là
considérées seulement, sont parmi les plus fra-
comme une
relique, il ne
« Le règne des champignons, dix fois plus grand
reste que
370 espèces.
et dix fois moins connu que les végétaux »
Elles sont
l’ordre végétal
le plus menacé
aujourd’hui
FABIEN CONDAMINE,
» MARC-ANDRÉ Selosse, profes-
seur au Muséum national d'histoi-
re naturelle expert en mycologie,
CHERCHEUR AU CNRS
DANS L’INSTITUT
est l’auteur de L’Origine du monde
DES SCIENCES (Éd. du Seuil, 2021). Il salue l’ef-
DE L’ÉVOLUTION fort de synthèse et de vulgarisa-
DE MONTPELLIER tion piloté par l’institution britan-
nique RBG Kew.
LE FIGARO. - Dans leur rapport,
les botanistes britanniques
estiment qu’il existe sur Terre
2,5 millions d’espèces de
champignons, dont plus de 90 %
sont encore inconnues. Que
pensez-vous de ces chiffres ?
Marc-André SELOSSE. - Ils mon-
trent bien l’écart de diversité et de
connaissances actuelles entre
plantes et champignons : le règne
des fungi se profile comme dix fois
plus grand et dix fois moins connu
que les végétaux. Il faut considé-
rer que les champignons que l’on
trouve dans les bois ne sont
qu’une partie infinitésimale et
Infographie
giles face aux modifications des ha-
bitats. En effet, la première menace
vient du changement d’affectation
des terres, comme la conversion à
la foresterie, à l’agriculture, au dé-
veloppement commercial ou rési-
dentiel, qui bousculent les équili-
bres des systèmes naturels.
Fabien Condamine, chercheur
au CNRS dans l’Institut des scien-
ces de l’évolution de Montpellier, a
travaillé sur le rapport de Kew en
réalisant une étude sur le groupe
des cycas, ces arbustes à l’allure
exotique qu’au premier coup d’œil
on prend souvent pour des pal-
miers. Grâce à l’intégration des
fossiles dans l’étude des processus
évolutifs, son équipe a pu retracer
temporaire de réseaux microsco-
piques de filaments qui s’étendent
dans le sol, ou ailleurs… même
dans l’eau ! Je suis surpris par les
2,5 millions, c’est une extrapola-
tion et je pense qu’on est loin du
compte. D’après nos expériences
sur le terrain et le pourcentage de
nouvelles espèces que nous trou-
vons à chaque mission, on les dé-
passe probablement.
Qu’est-ce que la taxonomie
par l’ADN ?
C’est un procédé moderne pour
identifier rapidement et très préci-
sément les champignons sur la
base de la structure de leur ADN,
dans un échantillon de sol ou de
plante. Leurs gènes correspondent
à des codes-barres uniques pour
chaque espèce, sans passer par la
description botanique tradition-
nelle, celle des herbiers par exem-
ple, qui repose sur leur aspect phy-
sique. Cette approche est d’autant
une lignée apparue au Carbonifère,
il y a 360 millions d’années. « Les
Cycadales sont considérées comme
une relique, il ne reste que 370 espè-
ces. Elles sont l’ordre végétal le plus
menacé aujourd’hui, signale-t-il.
Les extinctions ont été une caracté-
ristique clé de l’histoire. Nous pou-
vons tirer des leçons du passé, com-
prendre quand les extinctions se
sont produites et avancer des hypo-
thèses sur leurs circonstances. »
« Protéger 30 % de
la planète d’ici à 2030 »
Qu’est-ce que la biodiversité ?
Pour cerner le concept, les scienti-
fiques font appel justement à l’his-
toire de l’évolution des espèces.
Car si la biodiversité doit être ga-
rante de résilience, il ne suffit pas
de réunir un grand nombre de
plantes différentes, mais des espè-
ces génétiquement éloignées entre
elles, dont l’association donne de
la stabilité aux écosystèmes. Ainsi,
le rapport de Kew s’attelle à dési-
gner 32 grandes régions baptisées
« points obscurs » (« darkspots »)
de la biodiversité, où se cache-
raient la plupart des trésors végé-
taux encore inconnus. Ils se trou-
vent en Asie tropicale et Asie
tempérée, en Afrique, en Améri-
que du Sud et du Nord. Comme l’a
déclaré Alexandre Antonelli, di-
recteur des sciences à RBG Kew :
« S’il faut établir des priorités pour
atteindre les objectifs du cadre mon-
dial de la biodiversité de Kunming à
Montréal (ou accord de Paris de la
plus adaptée que nous parlons sou-
vent de formes de vie minuscules,
invisibles à l’œil nu, plus proches,
par l’aspect, des bactéries que des
plantes, comme les levures, ces
champignons unicellulaires qui
colonisent la peau humaine. Au
Muséum, nous avons en cours un
programme pour générer des co-
des-barres ADN des champignons
de France et pour faire le lien entre
la description classique et leur
identification génétique.
Pourquoi est-il intéressant
de connaître les espèces
de champignons ?
Car elles ont des fonctions diffé-
rentes. Les champignons ont un
rôle fondamental pour l’équilibre
de notre biosphère et dans plein de
processus : à travers leurs réseaux
de filaments ils entrent en symbio-
se avec des racines et fournissent
des nutriments aux arbres, aux pe-
louses et même aux géraniums de
Uvariopsis dicaprio,
un arbre tropical
décrit pour la première
fois en 2022.
LORNA MACKINNON.
biodiversité de 2022) pour protéger
30 % de la planète d’ici 2030, on
doit s’assurer que ce soit le bon
30 %, celui qui profite le plus à la
biodiversité. Sinon nous risquons de
protéger seulement les zones les plus
faciles, juste pour cocher la case. »
En croisant les informations de
la nouvelle Liste mondiale des
plantes vasculaires (WCVP) avec
la liste rouge des espèces mena-
cées (IUCN), les chercheurs ont
remarqué une corrélation : plus
récente était l’année de découver-
te, plus haut était le risque d’ex-
tinction. La projection qui en dé-
coule est alarmante : « S’il reste
environ 100 000 espèces de plantes
à décrire, au moins 75 000 d’entre
elles sont susceptibles d’être mena-
cées d’extinction », estime Matilda
Brown, du RGB Kew, dans un ar-
ticle publié en août 2023 dans New
Phytologist. Autrement dit, les
trois quarts des espèces encore in-
connues pourraient disparaître
avant même d’être cataloguées. Et
cela ne nous priverait pas seule-
ment des bienfaits d’un type de
plante. Le danger, soulignent les
scientifiques, est l’uniformisation
des macrorégions botaniques :
comme si les parties du globe
abritant une flore spécifique ne fi-
nissaient par donner qu’un seul et
même bouquet ! Cette éventualité
« ne semblait même pas théorique-
ment possible ». Le rapport insiste
pour que les espèces nouvelle-
ment décrites soient enregistrées
comme menacées, par défaut. ■
nos balcons ; ils recyclent la matiè-
re organique ; ils produisent des
enzymes capables de venir à bout
de tout, y compris les polluants des
sols, notamment les hydrocarbu-
res ; les molécules qu’ils fabriquent
pour lutter contre leurs ennemis
microbiens ont été exploitées par
la médecine, comme la pénicilline
pour les antibiotiques, mais aussi
les statines pour réguler le choles-
térol ou les ciclosporines pour évi-
ter le rejet des greffes. On ne peut
pas imaginer un fonctionnement
des écosystèmes sans leur travail,
qui reste pourtant très discret, ca-
ché. Une des vertus du rapport de
Kew est de pointer le fait qu’il reste
une dernière chance pour la
conservation des espèces, que tout
n’est pas perdu. Ils ont raison dans
leur conclusion.
Laquelle?
Qu’il faut se bouger, et vite ! ■
PROPOS RECUEILLIS PAR F. A.

SPORT
L’immense défi du XV de France,
et de Dupont, face aux Springboks
Les Bleus affrontent en quarts de finale l’Afrique du Sud, tenante du titre, ce dimanche soir au Stade de France.
DAVID REYRAT
£@DavidReyrat
RUGBY Le moment tant attendu est
arrivé. Trois rendez-vous pour l’his-
toire. Trois sommets à gravir pour
réaliser le rêve qui berce Fabien Gal-
thié, ses joueurs et leurs millions de
supporteurs depuis quatre ans.
« Trois finales de Coupe du monde à
gagner », a posé le sélectionneur.
Cela peut paraître grandiloquent,
excessif. Ça ne l’est pas. Ce diman-
che soir (21 heures, TF1), en quarts
de finale, se dresse une montagne :
l’Afrique du Sud, tenante du titre,
trois répliques de la coupe Webb Ellis
dans son armoire à trophées. Des
Springboks pas invincibles – la
France en novembre 2022 (30-26) ou
l’Irlande lors de la phase de poules
(13-8) l’ont prouvé – mais toujours
très compliqués à battre.
On sait le genre de défi qui attend
les Bleus. Un combat de chaque ins-
tant, brutal et douloureux. Il y a
presque un an à Marseille, Jonathan
Danty avait quitté le champ de ba-
taille dès la 13e minute, percuté au
visage par Pieter-Steph du Toit (car-
ton rouge). Le deuxième ligne Thi-
baud Flament, commotionné, et le
pilier Cyril Baille, touché aux adduc-
teurs, étaient sortis au bout de trente
minutes. D’autres, des deux côtés,
avaient été rudement secoués. « Les
joueurs faisaient la queue pour le pro-
tocole commotion », a rappelé l’en-
traîneur des avants tricolores,
William Servat.
La confrontation avait d’ailleurs
soulevé des interrogations. Le rugby
n’était-il pas devenu trop violent ?
Cameron Woki l’avait concédé à de-
mi-mot au sortir de cet affronte-
ment sauvage. « Physiquement, c’est
le match le plus dur de ma carrière,
avait assuré le deuxième ligne.
C’était un peu la guerre sur le terrain.
En face, on avait des monstres, et
c’était compliqué de rivaliser. Il fallait
ne pas respecter notre corps, comme
dit Fabien. Et des hommes y ont laissé
leurs corps… » Il est à craindre que le
tribut à payer soit aussi lourd à Saint-
Denis. Ce sera encore plus féroce et
impitoyable, vu l’enjeu : se hisser en
demi-finale ou rentrer chez soi. La
victoire sinon rien.
60 millions de chirurgiens
Une élimination porterait d’ailleurs
un coup terrible au rugby français.
Quatre ans de préparation et 40 et
quelques matchs, un Grand Chelem,
des victoires de prestige face à toutes
les nations majeures pour nourrir
l’espoir. L’attente est grande, com-
me le montre l’engouement des
Français pour la compétition. Des
records d’audience (déjà) battus. Des
fans zones pleines à craquer. Le bal-
lon ovale qui s’invite aux discussions
autour de la machine à café. Une éli-
mination dès les quarts de finale, et
tout ferait pschitt. Le rugby retour-
N O UV E AU
LE FIGARO,
MAINTENANT
À LA TÉLÉVISION
nera dans l’ombre du football. L’af-
flux programmé de licenciés restera
dans les tableaux Excel. Encore raté
avec un troisième échec cuisant dès
Antoine Dupont les quarts de finale, après ceux de
lors de la victoire 2015 et 2019.
de la France contre Un homme cristallise ce tout ou
l’Afrique du Sud rien : Antoine Dupont. Le capitaine
(30-26), le 12 novembre du XV de France a changé de dimen-
2022. sion depuis le début de la compéti-
LES ÉQUIPES
France
Afrique du Sud : pas seulement un rugby brutal
Baille, Mauvaka,
Atonio - Woki, ARNAUD COUDRY £@ArnaudCoudry
Flament - Jelonch,
Ollivon, Alldritt - LA BLAGUE, qui peut faire tiquer
(m) Dupont (cap), ceux qui s’inquiètent pour la santé
(o) Jalibert - Bielle- des joueurs, est signée William Ser-
Biarrey, Danty, Fickou, vat, interrogé sur la dernière
Penaud - Ramos. confrontation plus que musclée en-
Remplaçants : tre les Bleus et les Springboks, en
Bourgarit, Wardi, novembre dernier. « J’espère qu’il y
Aldegheri, Taofifenua, aura suffisamment de médecins, car,
Cros, Macalou, Lucu, la dernière fois qu’on les a joués, les
Moefana. joueurs faisaient la queue pour passer
Afrique du Sud le protocole commotion ! » Une bou-
Kitshoff, Mbonambi, tade qui résume bien les rencontres
Malherbe - Etzebeth, face aux Sud-Africains. Du rugby
Mostert - Kolisi (cap.), intense et brutal. Charles Ollivon ac-
Vermeulen, du Toit - quiesce : « Violent ? Oui, c’est le ter-
(m) Reinach, me approprié, avec beaucoup de cha-
(o) Libbok - Kolbe, os et de blessures sur ce match. On
De Allende, Kriel, s’attend à un match un peu du même
Arendse - Willemse. style. Ils vont rester fidèles à eux-mê-
Remplaçants : Fourie, mes, ils aiment marcher sur leurs ad-
Nche, Koche, Snyman, versaires… »
Smith, De Klerk, Historiquement, les Sud-Africains
Pollard, Le Roux ont toujours bâti leurs succès et leur
renommé sur le défi physique à
outrance, le combat comme moteur.
tion, il y a maintenant cinq longues
semaines. Il est entré dans les foyers
français. Par son aura. Puis par sa
blessure. Fracture maxillo-zygoma-
tique contre la Namibie, le 21 sep-
tembre. L’image du choc sur sa
pommette droite était effrayante. La
suite a tenu en haleine le pays.
60 millions de chirurgiens à donner
leur avis : « Il ne doit pas jouer, c’est
« On sait la façon dont ils vont jouer,
on connaît leur ADN », avance Gré-
gory Alldritt. Et William Servat
d’enfoncer le clou : « On se prépare à
une rencontre d’une intensité rare,
car on sait la violence qu’ils peuvent
mettre. »
Pas de surprise, donc, pour la
bande à Fabien Galthié. Sauf que,
depuis quatre ans et son troisième
sacre mondial au Japon, l’Afrique du
Sud a fait évoluer son jeu. Ne se can-
tonne plus uniquement à un rugby
de destruction. Portés par un trian-
gle arrière étincelant, avec Kolbe et
Arendse aux ailes et Willemse à l’ar-
rière, les Boks sont capables de ful-
gurances et de coups d’éclat.
« Squad bomb »
D’ailleurs, pour ce quart de finale
explosif face aux Bleus, ils ont décidé
d’aligner Manie Libbok à l’ouvertu-
re, un numéro 10 plus « joueur » que
l’expérimenté Handré Pollard. Son
coéquipier habituel à la mêlée, Faf de
Klerk, est également réputé pour
son jeu au pied d’occupation et de
Tous les dimanches
à 19h00
Avec
LE FIGARO
trop risqué pour sa santé », « Les
Bleus ont besoin du meilleur joueur du
monde, il peut jouer »… Le seul
chirurgien apte à trancher, celui qui
l’a opéré, a donné son feu vert. La
consolidation des os fracturés, ren-
forcée par une plaque en titane, est
suffisante. Seulement trois semaines
après sa blessure, Antoine Dupont va
donc effectuer son retour.
GCLEMENT MAHOUDEAU/ALLO IMAGES/GETTY IMAGES VIA AFP
pression, mais lui aussi ne sera que
remplaçant dimanche soir au Stade
de France.
Autre indication donnée par Ras-
sie Erasmus, patron des Springboks
et maître tacticien : il a choisi de ne
pas aligner - contrairement aux
matchs contre la Nouvelle-Zélande
et l’Irlande - un banc des rempla-
çants surpuissant (surnommé le
« squad bomb ») avec sept avants et
seulement un arrière. Retour à un
5-3 plus classique. « Que le banc soit
en 8-0, 7-1, 6-2, 5-3, cela fait partie
de nos choix pour faire la sélection,
avance le sélectionneur Jacques Nie-
naber, sûr de sa force. On a choisi une
équipe qui, indépendamment du banc,
nous donne, selon nous, les meilleures
chances de victoire dimanche. »
« Leur composition d’équipe est as-
sez particulière et leur choix de poser
un banc en 5-3 est fondé, c’est tacti-
que et stratégique, comme un jeu
d’échecs, image Fabien Galthié. Pré-
parer ces matchs-là relève d’un ni-
veau de stratégie qui est poussé à son
paroxysme, donc c’est parfait. » La
Canal 34 de la TNT
Île-de-France,
Canal 30 sur toutes
les boxes TV
samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023
15
Il sera, évidemment, l’objet de
tous les regards. Aura-t-il de l’ap-
préhension lors des contacts ? Sera-
t-il à 100 % de ses moyens physi-
ques ? L’intéressé, qui jouera
casqué, a assuré que oui. « Je me
sens très bien. Je suis en pleine capa-
cité de mon jeu, de mes moyens phy-
siques ou techniques pour diman-
che. » Et d’assurer n’avoir « reçu
aucune pression de la part du staff »
pour revenir à la compétition. Ses
coéquipiers, eux, ont minimisé le
danger d’être touché à la tête par un
adversaire, sous peine d’être d’ex-
clu par l’arbitre néo-zélandais de la
rencontre, Ben O’Keeffe. L’argu-
ment se tient. On n’imagine pas un
coup intentionnel sur le visage de
notre capitaine courage. Mais, dans
l’urgence d’un plaquage ou l’en-
chevêtrement d’un regroupement,
personne n’est à l’abri d’un mau-
vais coup…
Tout ou rien, écrivions-nous. Hé-
ros de tout un peuple s’il venait à
mener son équipe à la victoire. Ou
personnage central d’une polémique
qui, à l’heure des réseaux sociaux, se
déchaînerait en cas de récidive de sa
fracture. Il faut reconnaître que
l’image serait désastreuse pour un
sport qui pâtit déjà de sa réputation
de dureté dans une société qui n’ac-
cepte plus la moindre prise de ris-
ques, place le bien-être individuel
au rang d’exigence sacralisée. Quelle
folie de se sacrifier au nom du col-
lectif quand seul son petit confort
personnel importe désormais !…
C’est pourtant ce qui va transcender
Antoine Dupont et ses vingt-deux
partenaires, ce dimanche soir, à
l’heure d’entrer dans l’arène. ■
France, elle, a choisi l’option puis-
sance en retenant, parmi ses finis-
seurs, les polyvalents Sekou Macalou
et Yoram Moefana.
Cette solide armada sud-africai-
ne, aussi redoutable soit-elle en
phase finale (seulement deux élimi-
nations en quarts de finale depuis
1995), n’est toutefois pas infaillible.
L’Irlande, numéro 1 au classement
mondial, a ainsi montré la voie à la
France en faisant plier, le 23 septem-
bre, la bande à Siya Kolisi (13-8).
Certes, ce jour-là, les buteurs sud-
africains étaient en faillite (11 points
laissés en route), mais le XV du Trèfle
avait su remporter la féroce bataille
des rucks. Une leçon à retenir. Il fau-
dra d’abord passer par du rugby
frontal. ■
QUARTS DE FINALE
samedi
GALLES
17h Fr. 2
ARGENTINE
IRLANDE 21h TF1 N.-ZÉLANDE
ANGLETERRE
dimanche
FIDJI
17h M6
FRANCE 21h TF1 AFRIQUE DU SUD
A
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO
16 SPORT
Les clubs
du Top 14
au soutien du
XV de France
Le rugby professionnel a consenti
de nombreux efforts pour mettre les
Bleus dans les meilleures conditions.
DAVID REYRAT £@DavidReyrat
RUGBY La statistique a de quoi épa-
ter : 67 joueurs évoluant en Top 14
sont concernés par les quarts de fi-
nale de la Coupe du monde (dont 33
pour le XV de France). « C’est une
fierté. Et une récompense du travail
des clubs professionnels, confie Yann
Roubert, le président du LOU, au Fi-
garo. Le rugby est le seul sport fran-
çais où le championnat national est le
numéro 1 mondial : celui qui attire le
plus de spectateurs dans les stades, le
plus de téléspectateurs et le plus de
stars. »
Rendez-vous avait été donné, ce
vendredi, au siège de la Ligue natio-
nale de rugby (LNR), à Paris, pour
évoquer la contribution du rugby
professionnel à la réussite du XV de
France. Dans son bureau, son prési-
dent, René Bouscatel, rappelle le
principe. « En France, la loi coupe
tous les sports en deux : la Fédération
pour la partie amateur, et la Ligue
pour le secteur professionnel. Consé-
quence, et c’est typiquement français,
l’équipe de France, qui est la cerise sur
L’Irlandais Bundee Aki dans la forme
de sa vie pour défier les All Blacks
ROMAIN SCHNEIDER
rschneider@lefigaro.fr
TRENTE-TROIS ANS, c’est l’âge du
Christ et c’est aussi celui de Bundee
Aki. Ce dernier n’en finit plus de
crucifier les défenses depuis le dé-
but de la compétition. Un atout de
poids pour le XV du Trèfle afin de
briser enfin le plafond de verre. Ja-
mais l’Irlande n’a ainsi dépassé le
stade des quarts de finale dans une
Coupe du monde. L’actuelle
meilleure équipe du monde a les
moyens d’inverser le sens de l’his-
toire, ce samedi soir au Stade de
France (21 heures, TF1) face à une
équipe néo-zélandaise qu’elle a
battue à cinq reprises lors de leurs
huit derniers face-à-face. Et si les
clignotants sont au vert pour l’Ir-
lande avant ce choc des titans, c’est
aussi grâce au « déménageur » Aki.
À 38 ans, Jonathan Sexton reste le
chef d’orchestre irlandais, mais le
meilleur joueur se nomme bien
Bundee Aki. Son impressionnante
feuille de stats parle pour celui qui a
déjà été élu deux fois homme du
match lors de la phase de poule.
Meilleur marqueur d’essais de son
équipe (4), auteur d’un doublé face
à la Roumanie et aux Tonga, le nu-
méro 12 est en tête depuis le début
de la compétition pour les mètres
gagnés sur ballons portés (567). Le
centre, au gabarit de talonneur
(1,78 m pour 105 kg) est également
celui qui distribue le plus de passes
après contact (5) et qui accomplit le
plus de franchissements (9) derriè-
re le Français Damian Penaud.
Sa robustesse pour casser les li-
gnes a particulièrement marqué les
esprits, notamment lors du choc
remporté contre l’Afrique du Sud
(13-8). Après une mêlée sur les
22 mètres irlandais, Aki avait trou-
vé un intervalle et fait une percée de
50 mètres qui s’était avérée décisive
quelques minutes plus tard. Leader
aussi des ballons joués à la main (61)
et des défenseurs battus (23), il ne se
A
contente pas de percer les défenses
adverses. Indispensable dans le jeu
le gâteau du rugby professionnel, est
paradoxalement sous la responsabili-
té de la FFR. Il ne peut donc qu’avoir
conflits d’intérêts. Mais, avec le
temps, l’expérience, on a essayé de
faire en sorte que ça se passe bien, de
créer une synergie entre les deux. »
Après des années de guéguerre,
les deux instances sont en effet enfin
parvenues à « une union sacrée » en
vue de cette Coupe du monde en
France. Ces quatre dernières an-
nées, la Ligue a ainsi accepté de li-
bérer 42 joueurs pour chaque ras-
semblement des Bleus (et non plus
28) et d’augmenter le nombre de
doublons (matchs de Top 14 dispu-
tés sans les internationaux). « Cette
mise à disposition étendue des
joueurs, c’est la contribution du pro-
fessionnel au rugby français pour
mettre le XV de France dans les
meilleures conditions », résume
Yann Roubert. Un effort qui a un
coût. 1 800 euros par joueur et par
jour passé avec le XV de France. Soit
6,2 millions d’euros par saison. Et
même 9,7 M€ en cette année de
Coupe du monde. Une indemnisa-
tion payée par… la Ligue à ses clubs.
sans ballon, au sol, il est précieux au
plaquage et dans les rucks. Sélec-
tionné dans le XV du Trèfle depuis
2017, Aki va fêter ce samedi sa
54 cape contre les All Blacks. Une
rencontre forcément particulière.
Des débuts discrets
D’origine samoane, deuxième
d’une famille de six enfants, Aki est
né à Otāhuhu, une banlieue d’Auc-
kland. Il avait fait ses armes aux
Counties Manukau, une équipe des
provinces néo-zélandaises, avant
de rejoindre l’échelon supérieur et
les Chiefs de Waikato en Super
Rugby avec qui il a remporté le titre
en 2013. Ses coéquipiers de l’époque
étaient des cadres actuels All Blacks
Sam Cane et Brodie Retallick. Dé-
barqué en 2014 dans la province du
Connacht, il a fait ses premiers pas
sous le maillot irlandais en 2017 face
à l’Afrique du Sud. « Je ne vais pas
« Il faut le voir comme un investis-
sement participatif consenti pour fai-
re rayonner le rugby français, résu-
me le président du club lyonnais.
C’est bon pour le rugby français, y
compris professionnel, d’avoir une
équipe de France qui brille. Nous en
sommes les premiers supporteurs.
C’est la vitrine de notre sport, donc
nos intérêts convergent. Les 42
joueurs libérés, les doublons, c’est un
sacrifice entre guillemets. Je parlerai
plus de contraintes volontiers
consenties. Les clubs ont conscience
qu’ils doivent contribuer à l’équipe de
France pour le rayonnement du rugby
français dans son ensemble. »
Peu importe, dès lors, les consé-
quences. « C’est vrai que ça pose des
problèmes aux clubs, mais de bons
problèmes. En tant que président, j’ai
une solution : prendre des joueurs qui
n’ont pas le niveau international pour
me mettre à l’abri. Mais vous ne
m’entendrez jamais me plaindre
d’avoir des joueurs sélectionnés. Au
LOU, on n’en pas eu de 1951 à 2017.
On connaît donc la valeur d’une sélec-
tion… » René Bouscatel, lui, se félicite
que la LNR ait « su tirer du positif de
mentir, c’était mon ambition d’être
un All Black, mais parfois vous devez
voir ce qu’est la réalité et où vous
voulez être », a-t-il confié à la pres-
se irlandaise en 2016.
Après des débuts discrets, Aki est
devenu une figure majeure de son
pays d’adoption. Au point de pro-
gressivement pousser Robbie Hens-
haw sur le banc. « Je me considère
comme chanceux de jouer aux côtés de
Bundee, lâche le joueur du Leinster
Garry Ringrose. Quand il est arrivé au
Connacht, il a tout de suite conquis les
cœurs. Et il a fait pareil avec l’Irlan-
de. » Longtemps critiqué pour sa re-
lative lenteur, le trapu centre a bien
progressé : « J’ai toujours pensé que
j’étais rapide. Je dois tout le temps
prouver aux gars que je suis plus rapi-
de qu’eux », a-t-il lâché avec le sou-
rire à ses coéquipiers en conférence
de presse. La fusée verte est bien lan-
cée. Les All Blacks sont prévenus. ■
L’équipe de France ces inconvénients. À cause de ces dou-
lors de la victoire blons, on fait jouer de plus en plus de
sur l'Italie, le 6 octobre jeunes. On se rend compte de la qualité
à Lyon. Afin de mieux de la formation avec les résultats du
préparer la Coupe XV de France mais aussi des moins de
du monde, la Ligue et
20 ans, qui ont remporté les trois der-
les clubs professionnels
ont accepté de libérer niers titres mondiaux. Cette politique
42 joueurs à chaque est vertueuse pour les Bleus, mais
rassemblement aussi pour les clubs professionnels. »
des Bleus.
« Un acteur sociétal »
Le XV de France a beau n’avoir ja-
mais disposé d’autant de moyens, s’il
était éliminé en quart de finale ce di-
manche, le résultat ne serait pas
meilleur qu’en 2015 et 2019. De quoi
remettre en cause cette union sa-
crée ? « Absolument pas, assure le
président Bouscatel. Notre collabora-
tion, au nom de cet intérêt commun
d’une Coupe du monde en France, a
changé l’état d’esprit, les relations en-
tre les deux institutions. Vu tout le tra-
vail fourni depuis quatre ans, c’est
Notre certain que ce serait une déception.
collaboration, Mais je pense que ça ne coupera pas la
dynamique. » Yann Roubert acquies-
au nom ce. « L’équipe de France n’a jamais été
de cet intérêt mise dans d’aussi bonnes dispositions,
commun on est donc en droit d’attendre mieux.
d’une Coupe
du monde
en France,
a changé
Jac Morgan, le présent et
l’état d’esprit,
les relations le futur du pays de Galles
entre
ADRIEN BEZ abez@lefigaro.fr
la Ligue et la
»
fédération « LES MOTS me manquent pour
RENÉ BOUSCATEL, dire à quel point je suis fier de notre
PRÉSIDENT DE LA LIGUE performance. » Ainsi parlait Jac
NATIONALE DE RUGBY Morgan après le carton du pays de
Galles face à l’Australie (40-6),
lors du troisième match de poule
durant lequel sa performance in-
dividuelle fut majuscule. Auteur
Depuis le début d’un essai, décisif sur celui de Ga-
de la Coupe du monde, reth Davies, omniprésent en dé-
Bundee Aki a gagné fense, le capitaine s’est également
567 mètres avec illustré par un incroyable 50-22
le ballon en main. trouvé depuis ses propres 22 mè-
Sa capacité
tres. Le tout avec un gabarit peu
à casser les lignes
a particulièrement conventionnel à son poste (1,80 m,
marqué les esprits 104 kg). Lui confier le brassard à
lors du succès irlandais seulement 23 ans est un pari, réus-
sur l’Afrique du Sud,
“saitJactoutMorgan
le 23 septembre,
au Stade de France.
JULIEN DE ROSA/AFP faire.
C’est un super joueur
et un capitaine
”
extraordinaire
GARETH DAVIES,
DEMI DE MÊLÉE DU PAYS DE GALLES
si, de Warren Gatland, le sélec-
tionneur, revenu en poste en dé-
but d’année après un premier long
mandat entre 2007 et 2019.
Jac Morgan sera assurément l’un
des joueurs à suivre du quart de fi-
nale contre l’Argentine, ce samedi
à Marseille (17 heures, France 2).
« Il est phénoménal. Il a eu un tel
impact sur le jeu, sur le groupe. Le
fait de porter le brassard de capitai-
ne ne l’a pas fait bouger d’un pou-
ce », s’enthousiasme Jonathan
Humphreys, l’entraîneur des
avants. Le demi de mêlée Gareth
Davies ne tarit pas non plus d’élo-
ges : «Il sait tout faire. C’est un su-
per joueur et un capitaine extraor-
dinaire. »
Malgré son jeune âge, Jac Mor-
gan ne déçoit jamais. Porte-éten-
dard de la nouvelle génération
galloise qui tente de sortir le XV du
Poireau du marasme, le flanker
des Ospreys prend de l’épaisseur
FRANÇOIS BOUCON-PAULDELORT/LEFIGARO.FR , FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO,
Les conditions sont idéales mais,
après, ça reste du sport. Il ne suffit pas
de tout faire bien pour gagner. Ça ne
remettra donc rien en cause. »
Avec un parcours stoppé d’entrée
de phase finale, les retombées espé-
rées seraient également moindres.
« Ce serait une immense déception
mais l’éclairage sur le rugby est déjà
acquis, assure Yann Roubert. Depuis
un gros mois, la Coupe du monde fait
vibrer la France. Le rugby a montré
qu’il était un acteur sociétal. Quand
on voit la communion des supporteurs
dans les stades, les fans zones, les vil-
les, une grande partie du bien a été
fait. C’est une extraordinaire réussite
populaire qui va faire venir de jeunes
et nouveaux licenciés. Qui, évidem-
ment, serait amplifié si le XV de Fran-
ce allait au bout… » Et de rêver à une
apothéose. Le Top 14, mis en pause
durant toute la durée de la Coupe du
monde, reprendra le lendemain de la
finale, le dimanche 29 octobre. « Le
scénario idéal serait que la fête d’un
sacre du XV de France se prolonge
lors de cette 4e journée du champion-
nat… » La célébration d’un rugby
français uni dans le triomphe. ■
dans un groupe ressoudé. Comme
un symbole, sa première sortie
comme capitaine coïncida avec
une victoire importante contre
l’Angleterre (29-10), en prépara-
tion de ce Mondial, le 5 août der-
nier. Seulement 9 sélections à son
compteur à ce moment-là.
En 2019, le troisième ligne était
encore ingénieur en mécanique
lorsque les Gallois atteignirent les
demi-finales de la Coupe du mon-
de au Japon. C’est seulement du-
rant le Tournoi des six nations
2022 qu’il est appelé pour la pre-
mière fois en sélection. « Jac a sa
chance. Nous savons qu’il est très
bon avec le ballon et nous allons
chercher à développer son jeu et voir
si nous pouvons le faire progres-
ser », déclarait le sélectionneur
Wayne Pivac. Visionnaire…
Depuis quelques années déjà, le
joueur impressionnait dans les ca-
tégories de jeunes. « On pouvait le
voir à l’entraînement. Morgan sai-
sissait rapidement les choses », a
déclaré au média WalesOnline
Ioan Cunningham, son entraîneur
aux Scarlets, où il évolua entre
2019 et 2021. Avant cela, le flanker
avait fait ses débuts au club local de
Cwmtwrch, visiblement plus ha-
bile pour sortir des jeunes talents
que des voyelles. Son idole de jeu-
nesse ? Richie McCaw, le légen-
daire All Blacks aux 148 sélections
et deux Coupes du monde rempor-
tées. « Quand je grandissais, il était
le meilleur troisième ligne aile et
jouait dans une équipe des All Blacks
qui gagnait plus ou moins tout. »
Lorsqu’il rejoint les Ospreys en
2021, Jac Morgan a l’ambition de
grandir auprès des internationaux
gallois. « C’est génial d’avoir la
chance d’apprendre auprès de gar-
çons comme Alun Wyn Jones, Justin
Tipuric et Dan Lydiate. Je ne peux
que développer mon jeu en tra-
vaillant avec des joueurs comme
eux », avait-il déclaré à son arri-
vée. Au regard de son rythme de
progression, Jac Morgan a tout
pour devenir leur égal. Si ce n’est
plus. ■
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JACOB PICKERING. 14 ANS.

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SameDi 14 - Dimanche 15 octobre 2023 le figaro
18 LE CARNET DU JOUR
Les annonces sont reçues
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mariages
Le vicomte et la vicomtesse
Jean-Loup de LAMOTTE
le baron et la baronne
Bertrand d'YVOIRE
Mme Régis BUREAU
M. Claude FOURCADE
M. et Mme
Edouard FOURCADE
sont heureux de vous faire part
du mariage de leurs
petits-enfants et enfants
Marie-Alphée et François
le samedi 21 octobre 2023,
en l'église Saint-Vincent, à
Ciboure (Pyrénées-Atlantiques).
naissances
M. Benoît PRÉVÔT-LEYGONIE
et Mme, née
Marie-Astrid Garaud,
partagent avec Albane, Diane
et Tiphaine, la joie d'annoncer
la naissance de
Gauthier
le 29 septembre 2023,
à Bordeaux.
Le comte Stanislas
de VILLOUTREYS de BRIGNAC
et la comtesse, née Hortense
de Jamblinne de Meux,
partagent avec Ferdinand,
la grande joie de vous
annoncer la naissance de
Oscar
le 25 septembre 2023,
à Bruxelles.
Une conférence
s’annonce toujours dans Le Figaro
Tél. 01 56 52 27 27
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carnetdujour.lefigaro.fr
Renaud et Sylvie Breton,
Ghislaine et Jean-François
signatures Gouriou,
Valérie et Patrice Calméjane,
ses enfants,
A l'occasion Klervi, Romain, Kévin, Florent,
du cinquantième anniversaire Lydie, Marion, Éline, Hélène,
du coup d'État au Chili, Louis,
la librairie Le Parchemin ses petits-enfants,
et leurs conjoints,
vous invite ses arrière-petits-enfants,
à une rencontre-dédicace avec l'ensemble de la famille,
Ivan Roussin Alexia et Aurélie,
et Alexia Delrieu de Menthon ses précieuses assistantes
de vie,
pour leurs livres
Lien de sangs ont la tristesse
(Éditons Plon) de vous annoncer le décès,
et le 12 octobre 2023,
Les carnets de Françoise à l'âge de 84 ans, de
1973-1974
(Éditions La Boîte 29) Michèle BRETON
née L'Éost.
le samedi 14 octobre 2023
de 11 heures à 13 heures, Elle rejoint dans
la Paix du Seigneur,
176, rue de Grenelle, Paris (7e).
Téléphone : 01 45 51 74 20. son époux Jean-Yvon,
décédé le 29 juin 2006.
Selon sa volonté,
nous nous recueillerons
communications une dernière fois autour
de Michèle en l'église
de Lambézellec, à Brest,
Le club Séniors Paris le mardi 17 octobre,
à 14 h 30.
vous propose de vous associer
à son « cercle amical ». Des dons à
Innovéo UASP Guilers
Informations : 06 70 86 00 09. (Unité de soins de suite
et de réadaptation spécialisée),
2, avenue Maréchal-Foch,
29200 Brest,
seront préférés aux fleurs.
deuils
Cet avis tient lieu de faire-part.
James et Béatrice Albert, lesenfantsdemichelebretonleost
@gmail.com
Claire et Tanguy
Le Gouëllec de Schwarz,
Simon et Clare Albert,
Alexandra Albert,
ses enfants,
et ses sept petits-enfants
Marie-Claude Brotte,
vous invitent à vous unir à eux Geneviève Brotte,
dans la prière, à l'occasion Christian et Marie-Annick
du rappel à Dieu de Brotte,
ses enfants,
Mme John ALBERT
Antonin, Guénaël, Vincent,
née Anne d'Harcourt,
Jean-Gabriel, Emmanuel,
Elise,
décédée à Londres,
le mardi 3 octobre 2023. ses petits-enfants,
Félix, Brunehilde, Adrien,
La cérémonie religieuse ses arrière-petits-enfants,
sera célébrée
le samedi 4 novembre 2023, les familles Brotte,
à 14 heures, en l'abbaye Fehner, Odin, Thimonier
de Worth (Royaume-Uni).
ont la douleur
Une messe à son intention, de vous faire part du décès de
et à celle de son époux John,
Odile BROTTE
décédé le 11 avril 2023,
sera célébrée née Fehner,
le lundi 27 novembre,
survenu à Thonon-les-Bains
à 12 h 30, en l'église
Saint-Pierre-du-Gros-Caillou, (Haute-Savoie),
à Paris (7e). le 11 octobre 2023,
dans sa 99e année.
Sherlocks,
La cérémonie religieuse
Balcombe Forest RH17 6QQ,
Sussex (Royaume-Uni). aura lieu en l'église
Notre-Dame-de-Lourdes,
à Thonon-les-Bains,
le mardi 17 octobre,
à 10 heures,
suivie de l'inhumation
On nous prie d'annoncer au cimetière.
le rappel à Dieu de
M. Joseph
de BIENASSIS de CAULUSON
le 2 octobre 2023, Le comte et la comtesse (†)
dans sa 68e année. Pierre de Cugnac,
le comte et la comtesse (†)
La cérémonie religieuse François de Cugnac,
aura lieu le mardi 17 octobre, le comte et la comtesse (†)
à 11 heures, Laurent de Cugnac,
en l'église Saint-Martin, leurs enfants, petits-enfants
à Forcalqueiret (Var). et arrière-petits-enfants,
petite sœur
Chantal de Jésus (†),
petite sœur
Nous sommes priés Marguerite Joseph de Jésus,
petite sœur
d'annoncer le décès de
Solange Émilie de Jésus,
M. Étienne COFFIN
le baron de Vaulgrenant,
le baron Hubert
survenu le 3 octobre 2023,
à l'âge de 70 ans. de Vaulgrenant,
Hélène de Jacquelin,
et leurs enfants,
Cet avis tient lieu de faire-part.
en s'unissant à la prière de la
comtesse Charles de Cugnac
font part du rappel à Dieu du
comte Charles de CUGNAC
endormi dans l'espérance
de la Résurrection
le 7 octobre 2023.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Michel Delorme,
Marie Pierre
et Jean Marie de Lambilly,
Charles, Auguste et Guillaume,
Bertrand Delorme
ont la douleur
de faire part du décès de
Claude DELORME
née Raffin,
veuve de
Maxime Delorme
survenu le 10 octobre 2023,
© iStock
à l'âge de 90 ans,
à Soulac-sur-Mer (Gironde).
La cérémonie religieuse
sera célébrée
en la basilique Notre-Dame-
de-la-fin-des-Terres,
à Soulac-sur-Mer,
le lundi 16 octobre, à 15 heures.
François (†) et Roselyne Dary,
Anne et Etienne Bossut,
le général et Mme Bruno Dary,
Isabelle et Olivier Mégevand,
Pascal et Sylvie Dary,
Marie-Bénédicte et Jacques
Depannemaecker,
ses enfants,
ses 24 petits-enfants
et ses 66 arrière-petits-enfants
vous font part,
dans la tristesse et l'Espérance,
du rappel à Dieu de
Solange DARY
veuve du
colonel Michel Dary
le vendredi 13 octobre 2023,
à l'âge de 101 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
en l'église Saint-Christophe
de Masseube (Gers),
le mardi 17 octobre, à 11 heures.
Caroline et Antoine Neyrand,
Emmanuel et Emerence
Drevon,
Florence et Pierre-Emmanuel
Morel,
Alix et Benjamin Morand,
Lorraine Drevon
et Sébastien Piquemal,
Sybille et Thibaut Vogel,
ses enfants, gendres
et belle-fille,
ainsi que ses 22 petits-enfants
ont l'immense tristesse
de vous faire part du décès de
Philippe DREVON
survenu le 12 octobre 2023,
à l'âge de 78 ans.
La cérémonie religieuse
aura lieu
le mercredi 18 octobre,
à 14 h 15, en l'église
Saint-Pierre de Neuilly,
90, avenue du Roule,
à Neuilly-sur-Seine,
suivie de l'inhumation
au cimetière ancien
de Neuilly-sur-Seine.
Le Bugue, Cendrieux
(Dordogne).
Elisabeth et Philippe Pedot,
Catherine et Raoul
Patureau Mirand,
Laure et Michel Douarre,
ses enfants,
Maylis, Sophie, Clarence,
Claire, Marine, Albane,
Madeleine, Etienne, Eloi,
Amaury et Alexandre,
ses petits-enfants,
et ses 9 arrière-petits-enfants
ont la tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu du
colonel Philippe ÉLUÈRE
officier de la Légion d'honneur,
officier
de l'ordre national du Mérite,
le 10 octobre 2023,
dans sa 93e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
ce samedi 14 octobre,
à 11 heures,
en l'église du Bugue,
suivie de l'inhumation
au cimetière Pré-Saint-Louis
du Bugue.
Fleurs naturelles uniquement.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Frédérick van GAVER
a rejoint la Maison du Père,
muni des sacrements
de l'Église,
le 11 octobre 2023.
Véronique van Gaver,
née Malapert, son épouse,
Ludivine et Harald,
Flamine,
Ameline et Nicolas,
Faustine et Damien,
Maximilien et Julia,
Anastasia et Morten,
ses enfants,
Léopold, Amicie, Isaure, Alfred,
ses petits-enfants,
et toute sa famille
vous font part
de leur immense tristesse.
Ils vous invitent à vous unir
à leurs prières.
La messe d'enterrement
sera célébrée
le lundi 16 octobre, à 10 h 30,
en l'église Saint-Léon,
Paris (15e).
L'inhumation aura lieu
le mercredi 18 octobre,
à 16 heures, au cimetière
Saint-Roch d'Ollioules (Var),
précédée d'une messe à 14 h 30,
en l'église Saint-Laurent
d'Ollioules.
83, rue de l'Église,
75015 Paris.
Didier Gaubert,
son fils,
Agnès Gaubert,
sa fille,
ainsi que toute sa famille
et ses proches
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
M. André GAUBERT
survenu le 11 octobre 2023,
à l'âge de 89 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le mardi 17 octobre, à 10 h 30,
en l'église
Saint-Nicolas-Saint-Marc de
Ville-d'Avray (Hauts-de-Seine).
M. Jean-Patrick Guest,
son époux,
M. et Mme Nicolas Guest,
M. Emmanuel Guest,
M. Olivier Guest
et M. Pascal Dejeux,
ses enfants,
Marie, Clémence,
Jean-Baptiste, Guillaume,
ses petits-enfants,
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Mme Michèle GUEST
née Trodé,
le 12 octobre 2023,
à l'âge de 83 ans.
La cérémonie religieuse
aura lieu le jeudi 19 octobre,
à 10 heures, en l'église
des Authieux-sur-Calonne
(Calvados).
Cet avis tient lieu de faire-part.
1080, chemin de la Grenterie,
14130 Les Authieux-sur-Calonne.
Blaise Halluitte,
son époux,
Jérôme Halluitte,
Eléonore et Ian Andrews,
ses enfants,
Charles et Elisabeth,
ses petits-enfants,
font part du rappel à Dieu de
Barbara HALLUITTE
née Musselman,
le 9 octobre 2023, à Paris.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en la cathédrale
américaine, à Paris (8e),
le lundi 16 octobre, à 14 heures.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Mme Martine Laborde,
née Fillaudeau, son épouse,
Xavier et Pascale Laborde,
Anne et Marc Essig,
Etienne et Saveria Laborde,
ses enfants,
ses 10 petits-enfants,
ses 2 arrière-petits-enfants
ont la tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu de
M. Jean LABORDE
le 10 octobre 2023,
à l'âge de 84 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le vendredi 20 octobre,
à 14 h 30, en l'église Saint-Ouen
de Livarot (Calvados).
Beaussais-sur-Mer
(Côtes-d'Armor).
Saint-Briac, Saint-Lunaire,
Dinard (Ille-et-Vilaine).
Pleudihen-sur-Rance.
Jocelyne Maire,
née Pommeret, son épouse,
Virginie (†) et Nicolas
Chambon,
leurs enfants et petits-enfants,
Gildas et Magali Maire,
leurs enfants et petits-enfants,
Sébastien et Frédérique Maire
et leurs enfants,
Matthieu et Muriel Maire
et leurs enfants,
ses enfants, petits-enfants
et arrière-petits-enfants,
ont la tristesse
de vous faire part du décès,
à l'âge de 86 ans, de
André MAIRE
capitaine au long-cours,
chevalier
dans l'ordre national
de la Légion d'honneur,
chevalier
dans l'ordre national
du Mérite,
croix de la Valeur militaire
avec étoile,
croix du Combattant,
chevalier
dans l'ordre
du Mérite maritime.
La cérémonie religieuse
aura lieu
le mercredi 18 octobre 2023,
à 14 h 30, en l'église
Saint-Pierre-et-Saint-Paul
de Ploubalay (Côtes-d'Armor).
Faites esimer et vendez aux enchères
Mobilier et Objets d’Art
Décembre 2023
Clôture du catalogue : le 15 novembre
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Agrément n°2001-006 du 7 novembre 2001
Nicole Le Grand des Cloizeaux, Jouques (Bouches-du-Rhône).
son épouse,
Metta, sa maman,
Cécile, Etienne (†), François, Monique, son épouse,
Nicolas Frédéric et Lynda,
Le Grand des Cloizeaux, Sophie et Lionel,
ses enfants, ses enfants,
Aline, Emmanuelle, Pierre-Jalayann, Rosalie,
ses belles-filles, Hippolyte,
ses petits-enfants,
Olivier Dubruel Roger, François, Luc,
et Marion Chevallier, ses frères, et leur famille
son petit-fils et sa fiancée,
Paul, Benoit, Juliette, Mathieu ont la douleur
Le Grand des Cloizeaux, de faire part du décès de
ses petits-enfants,
toute la famille Pierre MOREAU
président honoraire
ont la tristesse des tribunaux administratifs et
de faire part du décès de cours administratives d'appel,
chevalier
de l'ordre national du Mérite,
Jacques
LE GRAND des CLOIZEAUX
survenu le 6 octobre 2023,
ancien élève de à l'âge de 81 ans, à Jouques.
l'École normale supérieure 48,
physicien à La cérémonie religieuse
l'Institut de physique théorique a été célébrée
du CEA Saclay, en l'église de Jouques,
le vendredi 13 octobre.
survenu le 9 octobre 2023,
à l'âge de 95 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée M. et Mme
le lundi 16 octobre, à 14 h 30, Jean-Claude Caudrillier,
en l'église Saint-Martin ses grands-parents,
de Nocé (Orne). M. et Mme René Piganiol,
ses parents,
L'inhumation aura lieu
Pierre-Emmanuel, Aymeri,
le mardi 17 octobre,
à 11 heures, au cimetière
Diane et Amandine,
ses frères et sœurs,
de Beauvais (Oise).
ont la douleur de vous
Famille faire part du rappel à Dieu,
Le Grand des Cloizeaux,
dans sa 23e année, de
4, rue de la Cointrie,
61340 Saint-Aubin- Alexandra PIGANIOL
des-Grois-Perche-en-Nocé.
La messe de l'Adieu
sera célébrée le vendredi
20 octobre 2023, à 14 h 30,
en l'église Saint-Saturnin
de Cuq-Toulza (Tarn).
André et Nicole Mercier, Priez pour elle.
ses parents,
Bertrand et Florence Mercier,
ses frère et belle-sœur,
Claire et Charles,
ses nièce et neveu,
Jean-Luc et Marie-Laure
ont la douleur du Pont,
de vous faire part du décès de ses enfants,
Mathilde, Coralie et Camille,
Guylaine MERCIER ses petites-filles,
ont la tristesse
à l'âge de 53 ans.
de faire part du décès de
La cérémonie religieuse
aura lieu
Mme Pierre du PONT
en l'église Saint-Pierre née Colette Huet de Paisy,
de Réclainville (Eure-et-Loir),
le mercredi 18 octobre 2023,
à 10 h 30.
survenu le 10 octobre 2023,
à l'âge de 100 ans.
Fleurs blanches naturelles
uniquement.
La cérémonie religieuse
Si vous le souhaitez,
vous pouvez faire un don
sera célébrée en l'abbatiale
de Saint-Sever (Landes),
pour la recherche médicale
le mardi 17 octobre 2023,
sur le cancer à 10 heures.
à l'association ABC.
Une corbeille sera présente.
29, rue Saint-Pierre,
28150 Réclainville.
Sillars (Vienne).
13, rue Saint-Pierre,
28150 Réclainville.
M. André de Traz,
son époux,
M. et Mme Cyril de Traz,
Mlle Alix de Traz,
ses enfants,
Pierre-Bertrand, Laure
Bertrand Piketty (†),
et Margaux,
son époux,
ses petits-enfants,
Rémy Grassal,
font part du rappel à Dieu de
Laurent Piketty (†),
Véronique Piketty,
Mme André de TRAZ
Nathalie et Jean-Michel Apert,
Hugues et Caterina
née Anne-Marie
Martin de Frémont,
Piketty-Lo Mascolo,
Christel et Agnès
Piketty-Nitsch,
le 10 octobre 2023.
Adeline et Elisabeth
Piketty-Mathé,
La cérémonie religieuse
ses enfants,
sera célébrée
en l'église Saint-Félix, à Sillars,
Matthieu et Cerise,
le lundi 16 octobre, à 14 h 30.
Côme, Adrien, Pierre,
Jérémy, Mathilde, Camille,
Etienne et Cloé,
Pauline,
ses petits-enfants,
messes
et anniversaires
Mona,
son arrière-petite-fille,
La messe de 18 h 30,
ont la tristesse le jeudi 19 octobre 2023,
de faire part du décès de en l'église
Notre-Dame-de-l'Assomption,
Paris (16e),
Joëlle PIKETTY sera célébrée à l'intention de
née Drye,
Daniel MILANO
le 9 octobre 2023, rappelé à Dieu
à l'âge de 86 ans. le 17 octobre 2022.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le mardi 17 octobre,
à 10 h 30, en l'église
Saint-Paul-Saint-Louis,
souvenirs
99, rue Saint-Antoine,
Paris (4e).
Il y a dix ans,
Ni fleurs ni couronnes.
le mardi 15 octobre 2013,
Vous pouvez adresser
des dons à la résidence Dauphine de JERPHANION
Catherine Labouré,
à Paris (12e),
www.association
monsieurvincent.org
nous quittait.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Égérie, amie, mère, adorée.
Jamais oubliée.

Annabelle Le Rest dans la chapelle Saint-Barthélemy du Dougilard qui abrite une peinture murale du Christ datant du XVe siècle, à Soudan (Loire-Atlantique).
Ces particuliers qui redonnent vie
aux trésors « oubliés » du patrimoine
Thibault Dumas
£@ThibDumas
Nantes
À
la lisière de la Loire-Atlantique et
de l’Anjou, la petite chapelle de
Saint-Barthélemy du Dougilard
est longtemps passée inaperçue.
Pourtant, l’édifice construit vers
1140 contient un trésor inestima-
ble, caché derrière un mur de plâ-
tre plus récent : une peinture murale du Christ da-
tant du XVe siècle, « unique en France » selon les
spécialistes, un fragment d’une vaste fresque. « On
n’avait pas du tout envisagé tout ça, c’est une histoire
à peine croyable », s’étonne encore Annabelle Le
Rest, qui a racheté le lieu pour 30 000 euros sur Le-
boincoin en 2021 avec une amie, Karen Chauve.
Les deux quarantenaires cherchaient à l’origine
un bâtiment quelconque, près d’un étang, pour y
organiser divers événements festifs (spectacle, ex-
position, vide-grenier, etc.) avec une association.
Mais elles « tomb(ent) amoureuses à la première visi-
te » de la chapelle délaissée de Soudan (Loire-Atlan-
tique). Propriété d’agriculteurs, elle fut longtemps
un lieu de pèlerinages puis d’événements familiaux.
Des travaux débutent en janvier 2022. Les murs
intérieurs de la chapelle, ni classée ni inscrite aux
Monuments historiques, sont entièrement recou-
verts d’une surcouche plâtrée datant du XIXe siècle.
« En attaquant doucement la paroi abîmée par les in-
filtrations, on distingue progressivement, en dessous
des couleurs, des formes. Ce sont des peintures », se
rappelle, émue, Annabelle Le Rest. Les néoproprié-
taires contactent les autorités locales et des spécia-
listes, qui leur conseillent de ne plus toucher à rien.
Un engagement de tous les instants
Une première expertise à 4 000 euros (réglée par des
subventions et un financement participatif) permet
de mesurer l’ampleur de la découverte : en plus de la
représentation du Christ, celles de saint Pierre et
d’un évêque, mais aussi une lettre, « M », qui pour-
rait être le début d’un écrit. Annabelle Le Rest et
Karen Chauve se passionnent désormais pour ce
morceau d’histoire patrimoniale locale.
« On pense aux générations d’avant et d’après,
avec le sentiment que le destin nous a simplement
“prêté” les clefs de la chapelle », rapporte Anna-
belle Le Rest. Au total, la restauration coûterait
70 000 euros environ, entre les murs, le sol, les vi-
traux, l’autel, etc. « Mais nous n’avons pas du tout
les fonds nécessaires », poursuit la propriétaire,
qui s’est donc lancée « dans la jungle des institu-
tions et des subventions ». Un engagement de tous
les instants, couronné par une « surprise inatten-
due » : la sélection, parmi cinq projets en Pays de
la Loire, au loto du patrimoine 2023 de la Mission
Stéphane Bern.
Comme Annabelle Le Rest et Karen Chauve, ils
sont nombreux, en France, à se lancer dans le sau-
vetage de morceaux du patrimoine. Sur les 100 pro-
ENQUÊTECHAMPS LIBRES
THIBAULT DUMAS
Deux amies qui jets sélectionnés en France cette année par le fa-
meux loto, 39 % sont des propriétés privées et 4 %
découvrent une peinture
appartiennent à des associations. « Cela montre un
attrait grandissant des particuliers pour le patrimoi-
unique du Christ.
ne. Même s’il y a un effet d’aubaine autour de Stépha-
ne Bern, avec des dossiers pas très sérieux », note
Jean-Pierre Beaussier, délégué régional de la Fon-
Une directrice d’école
dation du patrimoine en Pays de la Loire, dont les
près de 80 bénévoles locaux effectuent sur le terrain
qui sauve un théâtre un premier tri pour la Mission patrimoine. « Ce qui
prime, c’est la notion de péril, mais aussi la réutilisa-
d’après-guerre. tion du lieu, l’utilité sociale. Des chantiers modestes ou
inattendus peuvent ainsi être soutenus », poursuit
Des couples qui rénovent Jean-Pierre Beaussier.
À l’est de Laval (Mayenne), le village de La Ba-
à fonds perdu un château zouge-de-Chéméré et ses 600 habitants. Le long de
la route principale, l’unique école, le Sacré-Cœur,
ou une abbaye. En Pays héberge au premier étage un chef-d’œuvre usé par
le temps. Un vaste théâtre en bois édifié vers 1925
de la Loire, comme
par un certain abbé Polas mais fermé depuis 1973,
après une évolution des normes de sécurité. « Au
départ, on voulait simplement le protéger, le mettre
partout en France, hors d’eau et hors d’air, détaille Emmanuelle Kova-
cic, la directrice d’école mobilisée avec l’équipe
ils sont des centaines enseignante depuis 2019. L’objectif de la restaura-
tion est désormais qu’il retrouve sa mission d’origine.
à consacrer une partie Pour les jeunes villages et les enfants de la commu-
ne. » « Ce théâtre respire la vie des gens d’ici, des
de leur temps et de leur anciens du village, tout en racontant l’empreinte ar-
tistique et culturelle forte de nos villages ruraux
argent à la rénovation mayennais », poursuit Emmanuelle Kovacic. Dans
les années 1940, l’endroit fut décoré par les joyeu-
de cet héritage,
ses peintures en trompe-l’œil de Giuseppe Tribus,
un artiste italo-hongrois.
dans le sillage de la
« Héritiers et néopropriétaires »
Pour la réouverture en 2025 de ce théâtre à l’italien-
Mission patrimoine ne, non classé, 290 000 des 365 000 euros nécessai-
res ont déjà été récoltés. Principalement par le loto
de Stéphane Bern. du patrimoine (213 000 euros en 2022), mais aussi
via des subventions et du mécénat. Une souscription
officielle vient d’être lancée et ouvre au passage à
une déduction fiscale de 60 % (entreprises) ou 66 %
(particuliers), un avantage souvent mis en avant par
les porteurs de projets. « Plus que d’argent, c’est une
histoire de personnes qui ont envie d’y croire », retient
cependant Emmanuelle Kovacic. « Le plus pénible
c’est de courir après les d’artisans, les devis. La mairie
fait tout ce qu’elle peut pour nous soutenir avec ses pe-
tits moyens. »
« La maîtrise d’ouvrage et l’ingénierie s’avèrent
toujours très problématiques. C’est difficile à porter.
Les propriétaires demandent beaucoup d’accompa-
gnement », explique Valérie Gaudard, conserva-
trice régionale à la Direction régionale des Affaires
La maîtrise d’ouvrage et l’ingénierie
s’avèrent toujours très problématiques.
C’est difficile à porter. Les propriétaires
»
demandent beaucoup d’accompagnement
VALÉRIE GAUDARD, CONSERVATRICE RÉGIONALE DES MONUMENTS HISTORIQUES À LA DRAC
LE FIGARO samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023
19
culturelles (Drac). Ses services sont débordés par
les demandes d’aides sur des monuments proté-
gés. Seulement deux ingénieurs couvrent l’ensem-
ble des Pays de la Loire. Valérie Gaudard distingue
cependant deux catégories de propriétaires : « les
héritiers, qui baignent dans cet univers » et « les
néopropriétaires, de plus en plus nombreux, qui
changent de vie ».
Maurizio Galante et Tal Lancman, un duo de de-
signers italien et israélien, a acquis les vestiges de
l’abbaye royale Notre-Dame de Nyoiseau (Maine-
et-Loire) en 2022, moyennant 120 000 euros, pour
l’habiter et y travailler, en s’inspirant de l’artisa-
nat local. « Ça nous plaît énormément de vivre dans
un projet en construction, où l’on prend des décisions
sur les travaux avec l’équipe au jour le jour » souli-
gne au Figaro Tal Lancman. Un historien local et
un architecte les épaulent pour mener cette remise
en état de longue haleine, notamment de toute la
charpente et des toits.
« Le projet d’une vie »
Fondée au XIIe siècle, l’abbaye fut agrandie par les
bénédictines aux XVIe et XVIIe. Fermée à la Révolu-
tion française, elle fut ensuite vendue, avant qu’un
incendie n’en détruise l’essentiel. « C’est un peu
comme prendre soin de quelqu’un. Il faut de la patien-
ce et de la passion, comprendre le langage de la pier-
re », relève Maurizio Galante. « C’est le projet d’une
vie, qui dépassera la nôtre. » Le duo reste cependant
discret côté finances – « on n’est pas là pour pleu-
rer » – tout juste apprend-on que la première tran-
che des travaux s’élève à 1 million d’euros.
Chez Martine et Michel Billard, l’optimisme est
également de rigueur. Ce couple de retraités, elle ex-
médecin, lui ex-ingénieur, vit entre Paris et Saint-
Quentin-les-Anges (Mayenne). Ils y ont acquis en
1975, « par amour du lieu », l’impressionnant château
de Mortiercrolles. Aux enchères à la bougie, pour
500 000 francs d’alors (384 000 euros d’aujourd’hui)
versés au conseil départemental, qui en était proprié-
taire. « C’est à partir de cette date que nous rentrons
“dans cette galère”, sourit Michel Billard, avec des
bâtiments qui pouvaient s’écrouler, un état général ca-
tastrophique. Seule la chapelle avait été rénovée. »
« Il faut une vie, une vie entière, voire plus, pour ar-
river au bout de la rénovation, mais le laisser disparaî-
tre aurait été criminel. C’est plutôt une chance fabu-
leuse », théorise Martine Billard, dont les enfants
reprendront le flambeau. Près de 100 000 euros de
travaux ont été dépensés chaque année depuis un
demi-siècle. Et même plutôt 200 000 euros désor-
mais, dont 40 % à 60 % d’aides publiques (région,
département, Drac). Le prix pour retrouver « la pu-
reté et la chaleur » du château Renaissance d’antan.
Alors que des concerts s’y tiennent de temps en
temps, environ 700 personnes ont franchi les rem-
parts médiévaux du château lors des dernières Jour-
nées du patrimoine, en septembre. « Le public se
rend bien compte que ce château est en train de renaî-
tre de ses cendres », détaille Michel Billard. Ce qui
n’efface pas le regard toujours ébahi des proches.
« Pour eux, nous sommes des fous furieux. Mais notre
patrimoine français est pléthorique et magnifique.
A
Alors peut-être qu’il faut plus de fous furieux encore
pour le sauver ! » ■
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO
20 CHAMPS LIBRES
DÉBATS
ENTRETIEN « Du Hamas à Arras, l’islam radical a déclenché
BOUALEM SANSAL
Le grand écrivain algérien
une guerre sainte contre l’Occident »
répondait aux questions
du Figaro sur l’actualité
tragique d’Israël
PROPOS RECUEILLIS PAR
au moment même ALEXANDRE DEVECCHIO
adevecchio@lefigaro.fr
où un professeur
a été mortellement
poignardé au lycée LE FIGARO. - Une attaque au couteau
Gambetta d’Arras a été commise ce vendredi matin
aux cris d’« Allah akbar ». au lycée Gambetta d’Arras.
Un assaillant armé d’un couteau a fait
L’assaillant, venu
irruption dans l’établissement. Au cri
du Caucase, était fiché S d’« Allah akbar », il a poignardé à mort
pour islamisme radical. un professeur dans des circonstances
Boualem Sansal non déterminées. Plusieurs autres
a immédiatement victimes seraient blessées…
fait le lien entre L’assaillant est tchétchène et l’attaque
survient trois ans après l’assassinat
les événements de Samuel Paty. Faut-il cependant
qui ensanglantent l’État faire le lien entre ces événements
hébreu et ce nouvel et ceux qui se déroulent en Israël ?
assassinat au couteau, Boualem SANSAL. - Nous le savons, les
qui rappelle celui islamistes sont très interconnectés et
très soucieux de concertation et de
de Samuel Paty. L’attaque
coordination entre eux afin de s’entrai-
du Hamas contre Israël, der et d’optimiser l’effet de leurs ac-
comme celle d’Arras, tions. Les groupes islamistes sont indé-
s’inscrit, selon lui,
dans le cadre d’une guerre
globale que l’islamisme
mène à l’Occident.
pendants mais ils tiennent compte à
leur manière des éléments de langage
émis par les influenceurs islamistes, les
autorités religieuses, les gouverne-
ments musulmans et les organisations
islamistes influentes (les Frères musul-
+ » Lire aussi PAGES 2 À 9 mans, al-Qaida, Aqmi…). Ces dernières
années, ils sont très inquiets, ils consta-
tent sur le terrain que la politique de
normalisation des relations politiques
entre Israël et plusieurs États arabes,
sous l’égide des Américains, a considé-
rablement réduit leur influence sur les
gouvernements et les populations
musulmanes et tari plusieurs sources
traditionnelles de financement direct
et indirect (saoudiennes, qatariennes,
koweïtiennes, turques, algériennes,
égyptiennes…). Cette normalisation a
eu pour effet de rassurer les Occiden-
taux et peut-être les a-t-elle amenés à
relâcher leur vigilance, et de fragiliser
les islamistes, ce qui les a amenés à res-
serrer les rangs et à se radicaliser. L’at-
taque du Hamas est selon moi le début
d’une vague d’attentats qui frappera
Israël et les pays arabes qui l’ont recon-
nu (Égypte, Jordanie), ceux qui ont
signé les accords d’Abraham (Maroc,
Bahreïn, Émirats arabes unis, Soudan),
ceux qui envisagent de le faire (Arabie,
Libye). Elle frappera fortement les pays
occidentaux, en particulier la France,
pour la chasser définitivement du
Maghreb et du Sahel, voire de toute
l’Afrique et former un Daech dans et
autour du Sahara.
L’Algérie dénonce les accords d’Abra-
ham, soutient et finance le Hamas, a
raffermi ses relations avec l’Iran, mais
reste une cible pour les islamistes, qui
ne lui pardonneront jamais d’avoir volé
la victoire des islamistes aux élections
législatives de 1991 et exterminé les
meilleurs d’entre eux.
DESSIN FABIEN CLAIREOND
A
Immédiatement après l’attaque
du Hamas, le ministre de l’Intérieur
français a décidé de protéger
les synagogues et les écoles juives.
Qu’est-ce que cela révèle ?
Tous les problèmes de la périphérie ont
des répercussions immédiates sur le
centre, parfois faibles, parfois ampli-
fiées, parce que d’une manière ou d’une
autre le centre est à l’origine de ces
problèmes.
Plus globalement, l’Occident, notam-
ment l’Europe, est la zone de conver-
gence de tous les problèmes du mon-
de : l’islamisme, l’émigration clan-
destine, les grands trafics, les
pandémies, le wokisme, les ma-
nœuvres de la Chine et de la Russie…
Le rapport des forces lui est encore fa-
vorable, mais l’histoire s’accélérant,
l’inversion est proche : l’Occident va
être détrôné et les ex-colonisés pren-
dre leur revanche et le coloniser avec
tout le raffinement possible.
« Pour les islamistes, il n’y a de civilisation tion des athées, l’islam salafiste. Dieu joue et gagne.
qu’islamique, tout le reste n’est que
Djahilia, le monde noir du péché,
de l’ignorance et de la barbarie qu’il faut,
par ordre d’Allah, convertir,
soumettre ou détruire » bonne termino-
Sommes-nous plus que jamais
dans un conflit global ?
L’islam est une religion prosélyte, son
but est de régner sur le monde. Il est
globalisé depuis l’origine. Il a conquis
d’immenses territoires dans le monde,
tantôt de manière pacifique, par la pré-
dication et son action en faveur des
pauvres, tantôt de manière violente
lorsqu’il a rencontré des résistances sur
son chemin. En Europe il a été arrêté
dans sa progression par deux fois, à
Poitiers en 732 et à Vienne en 1529 et
chassé une fois d’une terre conquise par
lui, l’Espagne en 1492. Ailleurs, il règne sonne. Sur ce terrain, l’islamisme ne
sans partage ou selon des modus viven-
di plus ou moins stables avec les autres
religions présentes sur le territoire.
Après l’avoir accueilli et aidé à s’instal- se trahir et le servir. En France, on
ler par l’émigration légale à caractère
économique, par le regroupement fa-
milial et par l’intégration, les Euro-
péens rejettent aujourd’hui massive-
ment l’islamisme et veulent bouter ses
militants hors d’Europe, chose impos-
sible qui peut mener aux pires extrémi-
tés. Le refus de délivrer les laissez-pas-
ser consulaires tient à cela, car les
OQTF sont perçus par Alger comme
une façon déguisée de chasser les mu-
sulmans de France.
À moins d’une réforme de l’islam faite
par les musulmans eux-mêmes, allant
dans le sens de la démocratie et de la
laïcité, on ne voit pas d’où viendrait le
salut. Les musulmans sont-ils prêts à
cette réforme ? Oui, peut-être, s’il n’y
avait les islamistes pour l’empêcher.
L’urgent est la vigilance pour empêcher
l’escalade de la violence. Ce qui vient de comme les autres à la fin de leur servi-
se passer en Israël est la conséquence
d’une baisse grave de la vigilance et du
renseignement et de la population. Le
Hamas l’avait noté et a choisi le bon
moment pour agir.
Le conflit israélo-palestinien est-il
un conflit territorial ou s’inscrit-il
dans le cadre d’un plus vaste conflit
de civilisation ?
Ne nous trompons pas encore de dia-
gnostic et utilisons la bonne terminolo-
gie : une opération qui a mobilisé tant
de moyens humains, matériels et fi-
nanciers, qui a demandé des mois d’en-
traînement et de préparation, impliqué
un État étranger, l’Iran, possiblement
un deuxième le Qatar, ainsi que le
parti-État libanais, le Hezbollah, qui a
envahi et frappé une large partie du
territoire israélien, n’est pas un acte
terroriste, dont le but est de terroriser,
mais un acte de guerre totale dont le but
est de détruire, un épisode de cette
guerre sainte qui se poursuit depuis
l’avènement de l’islam, sur tous les
plans et tous les fronts, qui ici œuvre à
la destruction des Juifs et d’Israël, là en
plusieurs endroits du Moyen-Orient à
la destruction des chrétiens, et ailleurs
à l’extermina-
des apostats, des
mécréants, des
corrompus.
« Conflit de civi-
lisations » n’est
pas davantage la
logie. Pour les
islamistes, il n’y a de civilisation qu’is-
lamique, tout le reste n’est que Djahilia,
le monde noir du péché, de l’ignorance
et de la barbarie qu’il faut, par ordre
d’Allah, convertir, soumettre ou dé-
truire. Cette guerre sainte ne cessera
qu’à la victoire totale d’Allah sur terre.
Voilà à quoi nous avons à faire, voilà ce
qui tourne dans la tête des islamistes.
La lutte contre le terrorisme et la guer-
re sont l’affaire de nos gouvernements,
mais la guerre à la guerre sainte, qui
s’en occupe, les politiques, les reli-
gieux, les philosophes ? En fait, per-
rencontre aucune résistance. Au
contraire, les idiots utiles et les oppor-
tunistes accourent de tous côtés pour
trouve de grands noms dans la liste des
renégats, des hommes politiques, des
«
L’islamisme (...) n’use de la violence
que lorsque la manière douce,
la prédication, l’action sociale
et politique, la corruption, l’entrisme
et la taqiya rencontrent des résistances
fortes. (...) La violence n’est plus tellement dans
nécessaire en France, en Europe,
en Occident, ils sont mûrs pour la suite
et œuvrent eux-mêmes à leur chute
universitaires, des artistes, de toutes
origines, toutes confessions. Mais les
idiots et les opportunistes seront tués
ce. L’ingratitude est la première quali-
té des islamistes, ils ne s’embarrassent
d’aucune morale. En son temps,
Raymond Aron avait dit en pensant
sans doute à ces gens : « L’ignorance et
la bêtise sont des facteurs considérables
de l’Histoire. » Nous y sommes en
plein.
À travers l’attaque contre Israël,
était-ce l’Occident tout entier
qui était attaqué ?
Oui, mais pas seulement, l’islamisme
vise le monde entier, il a frappé le mon-
de arabe, le monde musulman, l’Afri-
que, l’Asie. C’est dans sa démarche, il
n’use de la violence que lorsque la ma-
nière douce, la prédication, l’action so-
ciale et politique, la corruption, l’en-
trisme et la taqiya rencontrent des
résistances fortes. La violence n’est plus
tellement nécessaire en France, en Eu-
rope, en Occident, ils sont mûrs pour la
suite, ils sont acquis à la cause et
œuvrent eux-mêmes à leur chute. C’est
du pur Gribouille, ils pensaient qu’en
avalant un peu d’islam tous les matins
ils seraient plus intelligents pour com-
prendre l’islamisme et plus forts pour
résister indéfiniment à ses assauts.
La barbarie des massacres de Kfar Aza
et Beeri a été qualifiée d’inédite.
Est-ce vraiment le cas ?
Inédite pour les Israéliens, sûrement.
Mais malheureusement déjà éprouvé
ailleurs. C’était le quotidien chez
Daech, et avant en Algérie. En France,
le Bataclan a été un sommet dans l’hor-
reur, le 11 Septembre a sidéré le monde.
L’opération peut-elle être qualifiée
de djihad ?
Il y a un désir d’émulation très fort
chez les jeunes islamistes, toujours
pressés d’entrer dans le Panthéon,
c’est à qui ira le plus loin dans l’art de
la guerre, dans l’inventivité, la straté-
gie, le sacrifice. L’empressement en
religion est une deuxième foi, dit-on,
ça donne des bons points pour l’au-
delà. Les héros, les martyrs, les beaux
parleurs et les grands mécènes seront
bien placés auprès d’Allah. Ces massa-
cres, hélas, risque d’exercer une fasci-
nation macabre chez de jeunes isla-
mistes français.
Y a-t-il une différence aujourd’hui
entre le Hamas et Daech ?
À sa création, Daech s’est mis dans l’es-
prit de la victoire absolue, dans la pure
vision messianique et apocalyptique de
Daech a immédiatement adopté les rè-
gles de la guerre sainte : la rapidité, la
razzia, l’extermination sans limite.
Faute de moyens et d’espace, le Hamas
fait dans la politique et la stratégie, qui
ne sont que l’art du possible. Là, il a fait
le maximum et sait bien qu’il ne pourra
pas faire plus la prochaine fois… Il faut
aussi voir que les Palestiniens n’ont ja-
mais su s’affirmer et décider seuls de
leur démarche. Ils n’ont jamais été que
le bras armé des Arabes et de leur Ligue,
ou des Iraniens.
Mais Gaza ne se réduit pas au Hamas.
Les Gazaouis qui n’émargent pas au dji-
had ont un sérieux problème de vie, de
survie d’abord, ils ont besoin d’espace,
d’air, de liberté, de voyages, de loisirs.
Ils doivent pour cela se libérer de l’em-
prise du Hamas et des fous d’Allah d’où
qu’ils viennent, mais ils n’osent pas, on
leur a appris que le Hamas était le bras
vivant d’Allah. Aidons-les à compren-
dre que rejeter le Hamas n’est pas trahir
Allah, bien au contraire, c’est l’aimer
dans la paix et la tranquillité universel-
les. Je dis à nos amis israéliens que
combattre le Hamas avec du plomb
durci ne fera que le renforcer, il a déjà la
dureté du dia-
mant. Pour l’éra-
diquer il faut aider
les Gazaouis à se
libérer de son em-
prise. Sur ce che-
min, ils trouve-
ront de vrais amis
le monde
entier, à com-
mencer par Israël.
Il faudrait peut-
» être aussi com-
mencer à aider les
Israéliens à se li-
bérer des ultra-fondamentalistes qui
détruisent ce qu’Israël a de plus pré-
cieux : la démocratie.
Cela vous rappelle-t-il la guerre
d’Algérie et la décennie noire
dans les années 1990 ?
Absolument. Le FIS et ses phalanges de
la mort étaient dans la vision dae-
chienne de la guerre sainte. Allah joue
et gagne parce qu’Allah est le plus
grand (et non pas « Allah est grand »,
comme on traduit fautivement « Allah
akbar »). Le génie des généraux algé-
riens et notamment celui qu’ils nom-
maient « le Cerveau » (el mokh, en ara-
be) est de l’avoir petit à petit éloigné
du calendrier religieux et tiré vers la
politique, vers la négociation, le calen-
drier électoral, et en se faisant plus
salafistes qu’eux, ce qui a détourné
beaucoup de jeunes candidats kamika-
zes vers d’autres partis islamistes (en
Algérie, en Syrie), quand ils ont com-
pris que le FIS s’était laissé prendre aux
chants des sirènes des généraux qui lui
proposaient soit une victoire à la Pyr-
rhus soit une victoire dans le partage
du pouvoir et de la rente pétrolière.
Dont acte à travers la loi dite de récon-
ciliation nationale qui disait aux uns :
« Oublions nos malheurs et enrichis-
sons-nous ensemble » et aux autres :
« Allez faire le djihad ailleurs, en Fran-
ce où les frères ont tant besoin de
vous ». Je ne sais pas si, en France, on a
noté la coïncidence, la violence isla-
miste a décuplé dans l’Hexagone au
moment où la réconciliation pouvoir-
islamistes est entrée en vigueur en
Algérie. Le front a changé de camp du
jour au lendemain. ■

CHRONIQUE
Mathieu Bock-Côté
+ » Lire aussi PAGES 2 À 5
DESSIN FABIEN CLAIREFOND
JEAN-PIERRE OBIN
L’attaque dans un lycée d’Arras ce vendredi
s’inscrit dans un contexte de montée de l’islamisme et les trois ans de
à l’école et de craintes renforcées du corps
enseignant, analyse l’ancien inspecteur général
de l'Éducation nationale.
Dassault Médias
(actionnaire à plus de 95 %)
14, boulevard Haussmann
75009 Paris
Président-directeur général
Charles Edelstenne
Administrateurs
Thierry Dassault,
Olivier Costa de Beauregard,
Benoît Habert,
Rudi Roussillon
Reprendre le contrôle des territoires perdus
epuis une semaine,
D
ils étaient nombreux
à répéter, à la manière
d’une prière réclamant
la clémence des dieux,
que les événements
du Proche-Orient ne se répercutent
pas en France. Mais c’était, ils le
savaient aussi au fond d’eux-mêmes,
une prière vaine. Car l’islam radical,
celui qui a frappé Israël samedi dernier,
est installé en France depuis
longtemps, et l’a souvent frappé,
et seuls les sots pouvaient s’imaginer
qu’ils ne frapperaient plus jamais.
L’appel lancé par Khaled Mechaal,
l’ancien chef du Hamas, qui exigeait
des musulmans du monde entier qu’ils
fassent connaître leur colère, a été
entendu, et le sera encore pour un bon
moment, car on trouve en chaque pays
des cellules dormantes et des individus
« radicalisables » qui, tôt ou tard,
entendront la voix de l’islam radical.
Le monde occidental porte en lui une
entité qui le rejette et veut l’anéantir.
Le terroriste présumé d’Arras,
qui a égorgé un enseignant au cri
d’« Allah akhbar », était un Tchétchène
fiché S. La même question vient alors à
l’esprit de chacun :
que faisait-il en France ?
Le questionnement peut se généraliser
à la grandeur du monde occidental :
École, islamisme, laïcité : « L’attaque d’Arras
est la conséquence de nos renoncements »
PROPOS RECUEILLIS PAR
MARTIN BERNIER mbernier@lefigaro.fr
LE FIGARO. - Un professeur a été tué ce
vendredi à Arras aux cris de « Allah
akbar », quasiment trois ans jour
pour jour après l’assassinat de Samuel
Paty. Peut-on établir un parallèle entre
les deux attaques ? Pourquoi l’école
est-elle de nouveau prise pour cible ?
Jean-Pierre OBIN. – L’école française
est prise pour cible parce que les isla-
mistes la voient comme « l’école de la
mécréance », pour reprendre leur voca-
bulaire. Dans le document stratégique
des Frères musulmans européens, que
Florence Bergeaud-Blackler mentionne
dans Le Frérisme et ses réseaux, on ex-
plique pourquoi les enfants musulmans
ne doivent pas aller à l’école publique,
avoir les mêmes programmes et être sur
les mêmes bancs que les autres élèves,
afin de préserver leur pureté culturelle
et religieuse. L’école, et la reproduction
de l’idéologie génération après généra-
tion, est un objectif stratégique pour les
islamistes. Tout ce qui a trait à l’inté-
gration - ne parlons même pas d’assi-
milation -, à la tolérance, à l’ouverture
et à la culture occidentale, est quelque
chose d’exécrable pour eux.
Il n’y a pas de rupture de continuité en-
tre le terroriste et l’idéologue, entre le
djihad et l’éducation idéologique, entre
la terreur et la propagande. Le cher-
cheur Hugo Micheron le montre dans
ses livres : il n’y a pas de loup solitaire
qui émerge spontanément pour devenir
terroriste. Avant le passage à l’acte, il y
a toujours des années d’éducation idéo-
logique, de soumission à la propagande.
Et c’est précisément le rôle de l’école de
contrecarrer l’idéologie islamiste.
En ce qui concerne l’attaque d’Arras,
on peut faire trois
hypothèses à ce
stade : la première
est celle d’un lien
avec Samuel Paty
son assassinat,
d’autant que l’as-
saillant est lui aussi
d’origine tchétchè-
SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Directeur des rédactions
(société éditrice) Alexis Brézet
14, boulevard Haussmann Directeur délégué de la rédaction
75009 Paris
Vincent Trémolet de Villers
Président
Charles Edelstenne
Directeurs adjoints de la rédaction
Gaëtan de Capèle (Économie),
Directeur général, Laurence de Charette
directeur de la publication
(pôle audiovisuel), Anne-Sophie
Marc Feuillée
von Claer (Style, Art de vivre, F),
Philippe Gélie (International),
OPINIONS CHAMPS LIBRES
par quelle perversion juridique et
philosophique a-t-il cru nécessaire
et moralement impérieux d’accueillir
dans ses frontières des hommes résolus
à la combattre, et plus largement
des communautés qui le conspuaient,
et qui transposaient sur son territoire
ce qu’on a appelé le choc
des civilisations ? On ne se trompera
pas : il y a en la matière un continuum
allant de l’agression symbolique
jusqu’aux violences directes, et ceux
qui, depuis samedi, ont manifesté non
pas pour soutenir la quête nationale
des Palestiniens, mais l’agression
génocidaire du Hamas, sont complices
indirectement de la frappe d’Arras.
Henry Kissinger l’a dit à la manière
d’une confession cette semaine dans
un entretien à Politico : « C’était une
grave erreur de laisser entrer autant
de personnes de culture, de religion
et de concepts totalement différents,
car cela crée un groupe de pression à
l’intérieur de chaque pays qui fait cela. »
Cette lucidité tardive, qui
s’accompagne souvent d’une
rhétorique du « si on avait su »,
s’accompagne d’un angle mort : il était
parfaitement possible de savoir,
et on pourrait accuser de négligence
criminelle ceux qui ont rendu possible
l’immigration massive dans nos
contrées. Des intellectuels et des
ne. La deuxième hypothèse est celle
d’un lien avec le conflit entre Israël et le
Hamas ; cela s’inscrirait dans un mou-
vement de radicalisation lié au Proche-
Orient et à la montée des actes antisé-
mites en particulier, mais pas
uniquement. La troisième hypothèse
est celle d’un lien avec le lycée : le sus-
pect est un ancien élève du lycée, et
cela peut relever d’un règlement de
comptes, bien qu’il soit fiché S. Il sem-
blerait que l’assaillant ait cherché spé-
cifiquement un professeur d’histoire,
discipline qu’enseignait Samuel Paty.
L’assaillant était un ancien élève
du lycée. Cette attaque révèle-t-elle,
selon vous, les failles de l'Éducation
nationale ?
Bien sûr, on est obligé de se poser la
question : ces gens-là ont été éduqués
dans l’école de la République. Dans
mon dernier livre, une institutrice ra-
conte comment, lors du démantèle-
ment d’une cellule djihadiste dans sa
ville de province, elle a appris que deux
anciens élèves de son école primaire
avaient été arrêtés. Le choc a été im-
mense dans l’établissement, de savoir
que des anciens élèves étaient empri-
sonnés pour être passés au djihad. C’est
un vrai choc pour les enseignants,
même s’ils ne le disent pas, de décou-
vrir que leurs élèves sont devenus des
assassins ou se préparaient à le devenir.
Dès 2004 vous remettiez un rapport
qui alertait sur les violences liées à la
religion à l’école ; en 2021 Jean-Michel
Blanquer vous a confié un rapport
sur la formation des personnels
à la laïcité dans le cadre de la lutte
contre le séparatisme.
Aucun progrès n’a-t-il été fait depuis ?
C’est dramatique. Il n’y a rien de pire
pour la politique que la politique en
coups d’accordéon. On a d’abord eu
un ministre laïc (Jean-Michel Blan-
quer), suivi par un ministre qui n’a ja-
mais compris ce qu’était la laïcité (Pap
Ndiaye), puis de nouveau un ministre
qui a l’air de vouloir défendre le prin-
cipe de laïcité, Gabriel Attal. Depuis
une trentaine d’années, ces oscilla-
tions n’ont pas cessé. Or vaincre l’is-
Anne Huet-Wuillème (Édition, Directeur artistique
Photo, Révision, DA), Pierre Bayle
Rédacteur en chef
Jacques-Olivier Martin (directeur Frédéric Picard (Web)
de la rédaction du Figaro.fr),
Directeur délégué
Étienne de Montety (Figaro du pôle news
Littéraire), Bertrand de Saint- Bertrand Gié
Vincent (Culture, Télévision), Éditeurs
Robert Mergui
Yves Thréard (Enquêtes,
Anne Pican
Opérations spéciales, Sports,
Sciences).
LE FIGARO
écrivains, des hommes politiques
et des philosophes ont tout fait pour
alerter leurs contemporains sur les
dangers de l’immigration massive. Ils
expliquèrent que l’irénisme diversitaire
est une folie, que les frontières sont
civilisatrices, et qu’une société
exagérément fragmentée est une
« dissociété ». Ils furent traités comme
des parias, alors qu’ils plaidaient,
finalement, pour le respect du principe
de précaution. Il suffisait de prononcer
leur nom sans le vomir pour que les
brigades de la vertu progressiste en
appellent aux plus dures sanctions.
Quant à ceux qui, hier, semblaient
incapables de prononcer le mot
« terroriste » et qui, aujourd’hui, ne
parviennent pas à prononcer celui
d’« islamisme », il est difficile de ne pas
les accuser de collaboration.
Les plus cléments, les modérateurs
de profession, nous inviteront à parler
d’aveuglement, comme on a pu le
constater avec cet article lunaire dans
La Voix du Nord, qui mettait en garde
jeudi contre « l’extrême droite »
à l’école, qui menacerait les
enseignants. On aimerait dire que cette
hallucination se décomposera devant
le choc de la réalité, car, en France,
ce n’est pas au nom de Marine Le Pen
ou d’Éric Zemmour qu’on égorge
les enseignants, mais au nom d’Allah.
lamisme nécessite des politiques sur le
long terme.
Cela nécessite un engagement politique
continu, un accord entre les forces po-
litiques et une unité internationale pour
être efficace. Sinon, les islamistes
jouent avec le temps. Ils ont le temps
pour eux, car ils sont déterminés, ne
changent pas d’objectif chaque année
et sont prêts à employer tous les
moyens pour parvenir à leurs fins. Si on
ne se tient pas à une stratégie fixe, on la
met en danger. Mais pour l’instant on
n’a même pas de stratégie.
Gabriel Attal a annoncé
un renforcement de la sécurité
des établissements. La menace est-elle
plus importante qu’auparavant
sur les écoles ?
Cette menace a toujours existé. Il y a
déjà des barrières de sécurité qui em-
pêchent les voitures de stationner et
des plans Vigipirate dans tous les éta-
blissements. Dans le contexte actuel, il
faut effectivement renforcer ces dispo-
sitifs autant que faire se peut. Il y a 1
million de personnels de l'Éducation
nationale, on ne peut pas mettre un
gendarme-garde du corps derrière
chaque enseignant, mais il faut trouver
d’autres moyens physiques pour que
les enseignants se sentent davantage en
sécurité.
Les enseignants sont partagés sur ce su-
jet. J’ai rencontré pour mon dernier li-
vre une enseignante qui refusait - qui
s’en gaussait même - les exercices anti-
intrusion et antiterroriste. Pour elle,
c’étaient des farces. Sauf que ça arrive.
Sans doute est-il plus facile pour elle de
croire à une farce plutôt que de penser
que ça pourrait lui arriver. C’est une fa-
çon de rejeter la peur, une sorte de re-
foulement. Aujourd’hui, une partie du
corps enseignant est dans le refoule-
ment, par rapport à Samuel Paty et par
rapport au danger encouru.
Votre dernier livre s’intitule
« Les profs ont peur ». Dans
les établissements, comment se
manifeste l’inquiétude des enseignants ?
Craignent-ils plus une menace
intérieure ou une menace extérieure ?
FIGAROMEDIAS Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy
9, rue Pillet-Will, 75430 Paris Cedex 09 93290 Tremblay-en-France
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est imprimé sur un papier UPM porteur de l’Ecolabel européen sous
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le numéro FI/011/001. Eutrophisation : Ptot 0.002 kg/tonne de papier.
samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023
21
On ne s’illusionnera toutefois pas :
l’esprit public a vite renoué avec les
interdits imposés par la gauche radicale
après Charlie Hebdo, après le Bataclan
et après Samuel Paty, et il n’y a pas
de raisons de croire qu’il en ira
différemment aujourd’hui.
Demain encore, on entendra le grand
sermon du pas d’amalgame.
Les prochains jours comme
les prochaines semaines nous vaudront
un grand lot de déclarations martiales.
Chacun sait en France qu’il porte au
front une cible. On cherchera autant
que possible à se rassurer en plaçant un
jour un policier devant chaque lycée,
sans se rendre compte que cette société
infernale que l’on cherche à sécuriser
par tous les moyens est le contraire de
la civilisation retrouvée. On parlait
il y a vingt ans des « territoires perdus
de la République ». Cette formule
a d’abord fait scandale, elle fut ensuite
jugée banale, et on la juge désormais
terriblement insuffisante.
La vérité voudrait qu’on parle
de territoires conquis par l’islamisme,
où la société française est désormais
étrangère chez elle et risque,
lorsqu’elle enseigne, un coup de lame
vengeur. La France est appelée
à reprendre le contrôle
de ces territoires. Ce défi se situe
à l’échelle de l’Histoire.
Les profs ont peur d’abord de leurs élè-
ves. 80 % d’entre eux disent qu’ils ont
déjà eu un incident lié à la religion avec
leurs élèves. Le premier motif de crainte
vient de certains élèves qui pourraient
déraper, qui pourraient parler à l’exté-
rieur de l’établissement. Le plus petit
conflit peut déraper : si un enseignant
n’est pas attentif ou qu’il dit quelque
chose de travers, les élèves peuvent en
parler à quelqu’un de fanatisé à l’exté-
rieur. Et la crainte est redoublée par le
souvenir de Samuel Paty. La peur vient
aussi du sentiment de ne pas être soute-
nu par l’institution. Si on en parle, non
seulement on n’est pas soutenu, mais on
risque d’être stigmatisé. Les chefs d’éta-
blissement partagent ce sentiment. Ils
ne parlent pas de ce qui se passe dans
leur établissement, souvent par peur
d’être mal évalués par leur hiérarchie ou
de ne pas être soutenus. Cette multitude
de petits renoncements est en train de
produire un grand renoncement.
Ancien inspecteur général de l'Éducation
nationale, Jean-Pierre Obin a publié
« Comment on a laissé l’islamisme péné-
trer l’école » (Hermann, 2020) et « Les
profs ont peur » (Éditions de l’Observatoi-
re, 2023).
Les rencontres
du FIGARO
FABIEN CLAIREFOND
JÉRÔME FOURQUET
ET JEAN-PIERRE LE GOFF
le lundi 20 novembre à 20 h,
Salle Gaveau.
Tarif : 25 €.
Réservations : 01 70 37 18 18
ou www.lefigaro.fr/rencontres.
FR
Ce journal
se compose de :
Édition nationale
1er cahier 22 pages
Cahier 2 Économie
8 pages
Cahier 3 Le Figaro
et vous 12 pages
Sur certaines éditions :
Supplément 4
Magazine 180 pages
Cahier TV 68 pages
Supplément 5 Madame
168 pages
Promo Portage Barnes :
A
diffusion sur une partie
du territoire national
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO
22
Marie-Laetitia Bonavita
mlbonavita@lefigaro.fr
es quarante ans de carrière diplomatique
S l’ont emmené dans l’épicentre des crises
actuelles. Ambassadeur de France en Russie
puis en Chine, il l’a été aussi pour l’Union
européenne en Turquie après avoir été se-
crétaire général adjoint de l’ONU. Collaborateur de
Rocard, Jospin et Kouchner, il publie Diplomatie de
combats. Mémoires (Perrin).
LE FIGARO. – Votre regard sur l’attaque surprise
du Hamas contre Israël ?
Jean-Maurice RIPERT. - La guerre est là, après l’at-
taque terroriste massive du Hamas contre Israël.
Toutes les lois internationales sont violées par ces ac-
tes barbares. Israël se défend, la charte des Nations
unies lui reconnaît ce droit. Il reste à espérer que
dans leur volonté d’éradiquer une fois pour toutes le
Hamas, qui est soutenu et armé depuis l’étranger, les
Israéliens respectent le droit international humani-
taire. Il faut aussi que les membres permanents du
Conseil de sécurité de l’ONU assument leurs respon-
sabilités et créent les conditions d’une relance du
processus de paix, permettant la création de deux
États vivant côte à côte.
Attaque du Hamas contre Israël, offensive
de l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh, invasion
de l’Ukraine par la Russie… Comment l’ancien
diplomate juge le rôle de l’ONU dans ce contexte
international pour le moins perturbé ?
Si vous voulez parler d’un affaiblissement de l’ONU
dans la résolution des conflits, il est indiscutable. La rai-
son est due notamment au comportement de la Chine
au Conseil de sécurité, qui n’admet pas que soient évo-
quées les violations massives des droits humains, ce qui
bloque beaucoup de débats. Ce point de vue est partagé
par la Russie, qui veut s’allier la neutralité de l’empire
du Milieu sur le dossier de l’Ukraine. Osons le dire, si la
Chine est un partenaire incontournable pour l’Europe,
elle n’en est pas ipso facto une amie. Il faut résister. La
diplomatie du paillasson, soutenue par trop de « Fran-
çais pandas », aveugles et sourds à la réalité de la vie
quotidienne des Chinois, ne marche pas.
Que faire ?
Il faut réformer et élargir le Conseil de sécurité à des
pays du Sud et du Nord qui, sans être nécessairement
des adeptes d’un régime politique libéral, respectent
la liberté et la dignité de l’homme. Félicitons-nous
que notre planète compte plus de démocraties que de
dictatures et que les 17 objectifs du développement
durable des Nations unies pour 2030 visent désormais
l’éducation, la santé, la pauvreté, la sécurité humai-
Toutes les 3 minutes, 1 enfant est victime
d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle.
A
Le diplomate
s’inquiète
de la montée
des régimes
hostiles à la
démocratie.
Jean-Maurice Ripert :
« L’affaiblissement
de l’ONU est indiscutable »
ne… Ces thématiques, poussées par l’apparition sur la
scène diplomatique d’acteurs non étatiques, comme
la société civile, les ONG et les fondations d’entrepri-
se, placent la personne humaine au centre de ce que
doivent être les politiques entre les États et entre les
organisations internationales. Beaucoup de diploma-
tes, et notamment les jeunes, commencent à intégrer
ces changements et à les promouvoir.
Les fractures croissantes du monde seraient-elles
le fruit d’une diplomatie révolue ?
Je le pense. La diplomatie où les grands États décidaient
pour les autres, à coups d’arrangements discrets et de
négociations fermées, est terminée. L’histoire montre
qu’elle n’a pas permis d’éviter deux guerres mondiales.
Plus aucune grande puissance - États-Unis, Russie ou
Chine - ne peut imposer seule sa volonté. Nous allons
vivre dans un monde que j’appelle un monde de
« sous-ensembles flous », les nouvelles puissances
nouant des alliances variables dans leur géographie et
leurs époques en fonction de leurs intérêts.
Pouvait-on éviter l’offensive de l’Azerbaïdjan
dans le Haut-Karabakh ?
LES VIOLENCES SEXUELLES SUR LES ENFANTS
SONT UN SECRET TROP BIEN GARDÉ.
AU MOINDRE
DOUTE
APPELEZ LE
Le drame, en gestation depuis 1993, du Haut-Kara-
bakh concentre un grand nombre de fautifs. L’Azer-
baïdjan comme l’Arménie n’ont pas respecté leurs
engagements signés lors de négociations et d’ac-
cords péniblement obtenus par la communauté in-
ternationale. La Russie, engluée en Syrie puis en
Ukraine, et la Turquie ont été incapables d’empêcher
ces deux pays de se faire la guerre dans la zone d’in-
fluence qu’elles revendiquent. L’Europe qui achète
- certes peu - du gaz à l’Azerbaïdjan n’ose pas pren-
dre des sanctions, mais elle ne doit pas abandonner
l’Arménie.
Après l’annexion de la Crimée en 2014
et son invasion en 2022, l’Ukraine doit-elle négocier
avec la Russie, comme l’avancent certains ?
Aujourd’hui comme hier, le responsable de cette
guerre et de ces horreurs, c’est Vladimir Poutine.
Lorsque j’étais ambassadeur en Russie, de 2013 à
2017, j’ai vu le durcissement de son régime et sa
crainte d’être marginalisé, face à la montée de la
puissance chinoise. Comme c’était prévisible, le dic-
tateur fait la seule chose qu’il sait faire : il réprime, il
tue, il détruit.
APPEL GRATUIT
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RENCONTRE
« Plus aucune
grande puissance -
États-Unis, Russie
ou Chine - ne peut
imposer seule
sa volonté. »
MANON LEVET
Votre regard sur l’état de la relation
franco-africaine ?
L’esprit d’anticolonisation joue certainement vis-à-
vis des forces françaises. Pourquoi ne parle-t-on pas
plus des conflits interethniques à la frontière entre le
Mali et le Sénégal, du soutien financier de la Russie et
des exactions du groupe Wagner, aux ordres du
Kremlin, ou encore du projet chinois des nouvelles
« routes de la soie », qui est en train de ruiner les
économies africaines ?
Que pensez-vous de l’accord de l’Europe
sur l’immigration ?
Je me félicite que le mécanisme de solidarité pour la
relocalisation des migrants l’ait emporté sur l’éta-
blissement de quotas. Je reconnais également la dif-
férence entre le droit d’asile, dont la procédure doit
être accélérée, et la migration économique. Mais il est
de notre devoir, dans un premier temps, de sauver
ceux qui risquent leur vie en mer, et de les accueillir
dignement. L’Europe doit poursuivre son aide au dé-
veloppement, dont elle est la première pourvoyeuse
mondiale, pour faciliter le contrôle de leurs frontières
par les pays d’émigration et de transit. ■
Photo : © Hervé Plumet
source : CIIVISE, Conclusions intermédiaires, 31/03/2022.
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO - N° 24 617 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr
lefigaro.fr/economie
DÉVELOPPEMENT
AJAY BANGA, LE NOUVEAU
PRÉSIDENT QUI BOUSCULE
LA BANQUE MONDIALE PAGE 26
Passoires thermiques :
l’intenable calendrier
D’ici à 2028, 5,2 millions de logements risquent d’être interdits à la location car trop
énergivores. Tandis que la grogne monte, le gouvernement se divise sur le dossier.
Un air de cacophonie. Fin septem- rés comme des passoires thermi-
bre, le ministre de l’Économie, ques, avant de faire marche arrière.
Bruno Le Maire, s’était dit favora- La semaine dernière, Agnès Pan-
ble à un report de l’interdiction de nier-Runacher, ministre de la
la location des logements considé- Transition énergétique, a exclu tout
è DES AIDES À LA RÉNOVATION À L’EFFICACITÉ INCERTAINE PAGE 24
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO ; STOCK.ADOBE.COM
L'HISTOIRE
Le premier taxi volant sans pilote
certifié dans le monde est chinois
a Chine a-t-elle pris de vitesse
L l’Europe en matière de
certification d’un « taxi volant » ?
En clair, un appareil à décollage et
atterrissage vertical à propulsion
électrique (e-VTOL) ou hybride. L’Agence
de la sécurité aérienne chinoise (Caac)
a annoncé, ce vendredi, avoir délivré un
certificat de type au « système d’aéronef
sans pilote EH216-S », développé
par la start-up Ehang. Ce document atteste
que l’engin répond aux exigences
de navigabilité et « possède les capacités
de sécurité pour des opérations habitées ».
Le drone chinois n’a donc pas encore
obtenu le feu vert pour transporter
des passagers. « Il va faire l’objet
d’examens de qualification opérationnelle
et sera officiellement mis en exploitation
commerciale après avoir satisfait aux
exigences », confirme la Caac. D’autres
LA SÉANCE DU VENDREDI 13 OCTOBRE 2023
CAC 40 EUROSTOXX 50
7003,53 -1,42% 4135,75 -1,49%
DOW JONES FOOTSIE
33622,95 -0,02% 7599,60 -0,59%
ONCE D’OR NASDAQ
1887,00 (1881,15) 14997,95 -1,23%
PÉTROLE (Brent) NIKKEI
89,610 (86,230) 32315,99 -0,55%
> FOCUS
GLYPHOSATE :
LE BRAS DE FER
SE POURSUIT
GRAND TÉMOIN Invités à se prononcer vendredi sur la
« L’INFLATION VA S’INSTALLER proposition de la Commission euro-
péenne de prolonger de dix ans, jus-
PENDANT DES ANNÉES » PAGE 28 qu’en 2033, la commercialisation du
Michel-Édouard Leclerc, président des centres E.Leclerc
glyphosate, les Vingt-Sept n’ont pas
réussi à se mettre d’accord. La majo-
rité qualifiée requise (55 % des pays
et 65 % de la population) n’a pas été
atteinte. Certes, une quinzaine d’États
membres ont soutenu la ré-autorisa-
tion de cet herbicide. Mais l’abstention
des deux poids lourds démographi-
ques que sont l’Allemagne et la Fran-
ce a pesé lourd.
Depuis que Bruxelles a proposé le
20 septembre de prolonger de dix ans
la mise sur le marché « sous condi-
tions » du produit, la France a fait part
de son désaccord quant au texte de la
Commission. Et ce bien que le rapport
publié en juillet de l’Autorité euro-
report mais déclaré que des déro- 2021 semble de plus en plus impos- péenne de sécurité des aliments
gations « ciblées et pragmatiques » sible à tenir. Ils sont d’autant plus (EFSA) n’ait pas identifié de « domai-
étaient envisageables. Les proprié- perturbés que plusieurs études re- ne de préoccupation critique »
taires, eux, s’inquiètent, tant le ca- mettent en cause l’efficacité des concernant la molécule.
lendrier prévu par la loi climat de aides à la rénovation.
Engagée dans une trajectoire de ré-
duction forte du glyphosate en Fran-
ce, Paris souhaitait porter cette ap-
proche à Bruxelles. Notamment pour
réduire les distorsions de concurren-
Microsoft- ce, que dénoncent régulièrement les
agriculteurs français, leurs concur-
Activision,
rents européens pouvant souvent
utiliser dans bien davantage de cas ce
produit phytosanitaire. « Nous ne
nouveau géant sommes pas opposés au glyphosate
en lui-même, mais nous avions pro-
du jeu vidéo posé que la proposition de renouvel-
lement du glyphosate s’accompagne
d’une limite de son utilisation aux
usages pour lesquels il n’y a pas d’al-
Propriétaire de la Xbox, ternative, expliquait-on vendredi
Microsoft a annoncé dans l’entourage de Marc Fesneau, le
ministre de l’Agriculture. Cette de-
vendredi la finalisation du mande n’a pas été suffisamment pri-
rachat d’Activision Blizzard, se en compte. »
éditeur des jeux vidéo Face à cette absence d’accord, un
autre vote interviendra mi-novem-
Call of Duty et Candy Crush. bre. Paris espère mettre à profit ce
Une opération à 69 milliards délai pour faire entendre enfin sa voix.
OLIVIA DÉTROYAT
de dollars. PAGE 30
engins sont en cours de certification
dans le monde. À l’instar du Wisk de Boeing,
qui aura aussi une version sans pilote. Ou
encore du Volocity, conçu par la start-up
allemande Volocopter, qui est le plus
avancé en termes de certification. La start-
up espère obtenir le feu vert auprès de
l’Easa, l’Agence européenne de la sécurité
BDL
convictions
+7,6% de performance annualisée sur 10 ans
aérienne, d’ici à l’été 2024, afin de mettre
en service le Volocity lors des JO de Paris.
Ce qui en ferait la première ville au monde
à ouvrir des liaisons urbaines aériennes
à base de taxis volants pilotés. L’EH216-S
ne volera que dans le ciel chinois, car il n’y a
pas de réciprocité de certification entre
la Caac et l’Easa ainsi que la FAA, l’agence
de la sécurité aérienne américaine. Certifié
en Chine, l’avion moyen-courrier C919,
n’est pas autorisé à voler en Europe
et en Amérique du Nord. ■
VÉRONIQUE GUILLERMARD ANNÉE INDICE DE**
BDL CONVICITONS RÉFÉRENCE
2022 -6,9% -10,7%
LE MEILLEUR INVESTISSEMENT
C’EST L’ENTREPRISE
2021 21,6% 25,0% 1 2 3 4 5 6 7
2020 -5,7% -2,0%
le PLUS +109% DE PERFORMANCE
CUMULÉE SUR 10 ANS*
2019
2018
27,5%
-15,1%
26,8%
-10,8%
du CODE ISIN: FR0010651224
2017
2016
12,3%
5,9%
10,6%
1,7%
FIGARO 2015
2014
14,4%
7,2%
9,6%
7,2%
ÉCO 2013 23,6% 20,8%
*Les performances passées ne présagent pas des performances futures - Ce fonds présente un risque de perte en capital. Les caractéristiques du
produitneprotègentpasl’investisseurdel’efetpotentieldel’inflationdurantlapérioded’investissementdansleproduit.Ainsi,lemontantinvestien
principalainsiqueleséventuelsrevenusmobiliersperçuspendantlapériodeneserontpasrevalorisésdutauxdel’inflationsurcettemêmepériode.
TRAVAIL Par conséquent, le rendement réel du produit, c’est-à-dire le taux de rendement du produit corrigé du taux de l’inflation, pourrait être négatif.
** L’indice de référence du fonds est le SXXR, STOXX 600 dividendes réinvestis.
Le management,
source sous-estimée
de productivité
en France
A
PAGE 25
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO
24 L'ÉVÉNEMENT
À Paris, le diagnostic de performance
énergétique (DPE) de nombreux
immeubles haussmanniens est souvent
médiocre, notamment au niveau
J-F ROLLINGER/ONLY FRANCE VIA AFP ; SISSOUPITCH - STOCK.ADOBE.COM
des toitures.
Les passoires thermiques, épine
dans le pied du gouvernement
Près de 5,2 millions de logements risquent d’être interdits de location d’ici à 2028.
La grogne monte chez les propriétaires, tant le calendrier semble intenable.
JORGE CARASSO £@JorgeCarasso
ET EMMANUEL EGLOFF £@eegloff
IMMOBILIER Le mieux est l’ennemi
du bien : les passoires thermiques en
offrent un beau cas d’école, comme
est en train de s’en rendre compte le
gouvernement. Les propriétaires des
logements mal notés sur l’étiquette
énergie sont sur les dents. Les biens
les plus énergivores dits G+ sont déjà
interdits de location au renouvelle-
ment du bail depuis le 1er janvier
2023. D’ici 2025, ce sera au tour de
ceux classés G, puis des F en 2028.
L’objectif est louable, car il s’agit de
rénover les logements pour les ren-
dre moins consommateurs en CO2.
Pour autant le calendrier, voté dans
le cadre de la loi climat en 2021, et qui
découle d’obligations européennes,
est très ambitieux. Voire irréaliste
pour certains. Près de 5,2 millions de
résidences principales sont des pas-
soires énergétiques (notées F ou G),
dont 2 millions de classés G frappés
par le couperet de 2025. « On devrait
compter cette année 60 000 rénova-
tions permettant d’aller chercher la
bonne note énergétique. Il en faudrait
300 000 par an », fait valoir Domini-
que Estrosi-Sassone, sénatrice des
Alpes-Maritimes et auteur d’un rap-
port publié début juillet.
Cacophonie
Conscients de ces inquiétudes, les
membres du gouvernement ont
multiplié les prises de paroles ces
dernières semaines, donnant l’im-
pression d’une cacophonie. Le mi-
nistre du Logement Patrice Vergriete
a évoqué une réflexion sur une liste
minimale de travaux permettant aux
logements G d’atteindre la note F. Le
ministre de l’Économie Bruno Le
Maire a ensuite plaidé pour un report
du calendrier, avant de se rétracter.
Agnès Pannier-Runacher, ministre
de la Transition énergétique, a enfin
indiqué la semaine dernière que re-
pousser les échéances était exclu
mais que des dérogations « ciblées et
pragmatiques » étaient envisagea-
bles. De quoi perturber un peu plus
les propriétaires de passoire thermi-
que, et générer de l’attentisme.
D’autant que pour eux, l’effort est
conséquent pour un gain aléatoire.
Les budgets peuvent être impor-
tants : jusqu’à 450 euros par m2 selon
l’entreprise de rénovation Heero.
Certes, les propriétaires bénéficient
d’aides. Près de 666 000 logements
ont fait l’objet de travaux grâce au
dispositif MaPrimeRénov’. Mais il
s’agissait en très grande majorité de
gestes simples (changements de
mode de chauffage dans 70 % des
cas, nouvelles fenêtres…) et non de
rénovations complètes. Or seules ces
dernières permettent de vraiment
rehausser la note.
En outre, en effectuant des tra-
vaux, les propriétaires peuvent per-
A
dre de la surface - un effet délétère
Une ferme centenaire en Bourgogne.
De plus en plus de biens anciens
se retrouvent sur le marché,
mais les travaux à entreprendre
peuvent faire fuir les acquéreurs.
dans les villes où le m2 est cher. Sur-
tout, ils ne sont pas toujours certains
2
millions
d’atteindre la lettre leur permettant
de sortir du mauvais statut. « On
voit que certains logements comme
les rez-de-chaussée ou les derniers
étages mansardés ne sortent pas du
Nombre de résidences F, malgré des milliers d’euros de tra-
principales vaux engagés », indique Christophe
classées G Demerson, président de l’Unpi
(Union nationale des propriétaires
immobiliers). Et ce pour de raisons
très techniques, qui ne sont pas sim-
ples à comprendre. « On rencontre
5,6
millions
des ménages découragés », alerte
Christophe Demerson.
Manque de bras
Facteur aggravant, la rénovation
Ménages souffrant énergétique est un secteur où traî-
de précarité nent des margoulins. Le site Signal
énergétique Conso, un site officiel permettant de
signaler des arnaques ou des malfa-
çons, a enregistré plus de 10 000 si-
gnalements sur ce sujet en 2022. « Il
y a eu beaucoup de battage autour
200 000 des aides ces dernières années, des
publicités à la télévision, du démar-
travailleurs chage pour de l’isolation à 1 euro.
Les ménages ne savent pas toujours
Besoin en main-d’œuvre quels sont les interlocuteurs de
supplémentaire
confiance », fait valoir Pierre- Marie
d’ici à 2030
Perrin, directeur des affaires publi-
ques chez Hellio, société spécialisée
dans la rénovation.
Le manque de bras risque aussi de
10 000 devenir un obstacle à la tenue du ca-
lendrier. Il faudrait 200 000 tra-
signalements vailleurs supplémentaires d’ici
ou des malfaçons
2030, selon une étude de France
en 2022 pour des arnaques Stratégie sortie en juillet dernier,
pour répondre aux besoins liés à la
liées à la rénovation
rénovation énergétique des bâti-
énergétique
ments en France. Ce qui va nécessi-
ter un énorme effort de formation.
Des aides à la rénovation à l’efficacité incertaine
JEAN-BERNARD LITZLER £@JBLitzler
En janvier dernier, Esther Duflo,
Prix Nobel d’économie 2019, lan-
çait un pavé dans la mare dans son
cours au Collège de France sur le
« rénovation
La
thème « Environnement, climat et
énergie ». Elle expliquait ses dou-
tes sur l’intérêt d’encourager une
rénovation thermique à grande
thermique échelle en s’appuyant sur les tra-
n’est pas vaux d’un confrère américain, Mi-
la solution chael Greenstone, qui avait évalué
les programmes d’efficacité éner-
magique gétiques gratuits lancés sous la
qui va sauver présidence Obama. Ses conclu-
la planète »
ESTHER DUFLO, PRIX
sions ? Beaucoup d’argent dépensé
pour peu de personnes touchées et
une efficacité très limitée en ter-
NOBEL D’ÉCONOMIE
2019 mes d’économies d’énergie réel-
les. « La rénovation thermique n’est
pas la solution magique qui va sau-
ver la planète », expliquait-elle.
L’an passé, la Cour des comptes
Difficulté supplémentaire, pour bé-
néficier de MaPrimeRénov’, il faut
faire appel à un artisan titulaire du
label RGE (Reconnu garant de l’en-
vironnement). Or « la lourdeur du
dispositif de qualification et les com-
plexités administratives sont dissuasi-
ves pour les entreprises artisanales
cherchant à obtenir le label RGE »,
pointait un rapport de l’Assemblée
sur la rénovation publié en octobre.
Enfin en copropriété, il est difficile
d’améliorer la note suffisante sans
travaux communs. Or obtenir une
majorité en assemblée générale de
copropriétaires est une gageure.
Les propriétaires peuvent certes
choisir de vendre ces logements.
Mais le moment n’est pas propice :
les prix immobiliers baissent partout
en France, à cause de l’envolée du
coût du crédit. Les acheteurs se font
rares. Les passoires énergétiques font
particulièrement les frais de cette si-
tuation, car les travaux à mettre en
œuvre font peur aux acheteurs. « Les
agences nous disent qu’un bien noté F
ou G est quasiment un mandat de per-
du. Il ne génère pas d’appel ni de visi-
tes », affirme Seydi Eren, fondateur
de l’entreprise de diagnostics Diaga-
dom.
Amélioration du DPE
Certaines villes ou régions sont plus
concernées que d’autres. Paris est
dans ce cas car une grande partie des
immeubles ont été construits avant
1948 (les bâtiments les plus anciens
sont les plus mal notés) et abritent des
petits logements, défavorisés dans la
notation. Les endroits riches en mai-
sons anciennes, sont également très
touchés. Ainsi dans le Cantal, 40 %
des maisons sont des passoires ther-
étrillait l’efficacité du dispositif
MaPrimeRénov’ pour éradiquer
les passoires thermiques. Les sages
de la rue Cambon rappelaient ainsi
que, malgré 644 000 dossiers fi-
nancés en 2021, à raison de 3 200
euros en moyenne à chaque fois,
seulement 2 500 logements
avaient quitté leur statut de pas-
soire thermique grâce à ces aides.
Les Allemands ne sont pas logés à
meilleure enseigne, selon une étu-
de menée outre-Rhin par la prin-
cipale fédération de sociétés im-
mobilières du pays. Malgré
340 milliards d’euros investis en
rénovation énergétique depuis
2010, la consommation d’énergie
ne baisse plus depuis cette pério-
de. Alors qu’elle avait reculé de
plus de 30 % entre 1990 et 2010…
La faute à « l’effet rebond » dans
bon nombre de cas. Selon ce phé-
nomène, le gain de performance
énergétique est rapidement perdu
miques. Enfin, les résidences des an-
nées 1960 et chauffées au fioul, sont
souvent très énergivores.
Face à ce défi protéiforme, le gou-
vernement a fini par passer de la pa-
role aux actes. Il a annoncé mercredi
que l’enveloppe de l’aide MaPrime-
Rénov’ passerait à 4 milliards
d’euros en 2024, soit 1,6 milliard de
plus qu’en 2023. L’État veut favoriser
les rénovations globales : il faudra
réaliser plusieurs gestes de rénova-
tion pour bénéficier des aides et non
plus un seul. En outre, le gouverne-
ment veut pousser à l’équipement de
pompes à chaleur dans les maisons.
La loi industrie verte, définitivement
adoptée cette semaine, comporte des
mesures pour faire passer la produc-
tion hexagonale de 350 000 à 1 mil-
lion d’unités par an d’ici 2030. Ces
équipements sont aujourd’hui très
largement fabriqués hors de France.
Mais surtout, le gouvernement
planche sur une réforme du diagnos-
tic de performance énergétique. Ce
DPE, dont le moteur a été révisé en
2021, est jugé solide et fiable, mais les
calculs pénalisent les petites surfa-
ces. « Il est possible que l’on corrige
ces éventuels dysfonctionnements
dans les semaines qui viennent », in-
dique-t-on au ministère de la Tran-
sition énergétique. En outre, les dia-
gnostiqueurs, dont le niveau de
connaissance de l’outil peut être très
variable, vont voir leur formation
initiale et continue renforcée. Enfin,
le gouvernement envisage de simpli-
fier la prise de décision en assemblée
générale de copropriété. Pas sûr tou-
tefois que ces mesures disparates et
tardives suffisent pour que le calen-
drier soit tenu dans de bonnes
conditions. ■
par les mauvaises habitudes des
consommateurs qui finissent par
chauffer plus quand leur logement
est mieux isolé, car la facture reste
malgré tout maîtrisée. C’est ainsi
qu’une étude britannique menée
par des chercheuses de l’universi-
té de Cambridge concluait que les
économies d’énergie permises par
l’isolation des passoires thermi-
ques disparaissaient après deux à
quatre ans.
« Clarifier l’objectif
prioritaire »
« La question des travaux de réno-
vation reste trop séparée de la so-
briété énergétique, reconnaît
Audrey Zermati, directrice straté-
gie du groupe Effy, société de ré-
novation énergétique en ligne. Il
est vrai que les acteurs ne sont pas
les mêmes entre sociétés du bâti-
ment et fournisseurs d’énergie.
Mais il faudrait travailler sur la
Passoires thermiques,
combien de logements
concernés?
Répartition des résidences
principales selon le diagnostic
de performance énergétique
(DPE), en milliers, en 2022
A 502
B 961
C 7 039
D 9 708
E 6 586
F 3 154 Près de
5,2 millions
soit 17 %
G 2 032 du parc
Un logement considéré comme
une « passoire thermique »
est classé F ou G du diagnostic
de performance énergétique.
Source : Observatoire national
de la rénovation énergétique (ONRE)
Infographie
CHRONOLOGIE
2023
Interdiction de louer des
logements les plus
énergivores dits G+
(consommant plus de
450 kW/m2/an d’énergie
finale).
2025
Interdiction de louer des
logements classés G (au-
delà de 420 kW/m2/an
d’énergie primaire).
2028
Interdiction de louer des
logements classés F (entre
330 et 420 kW/m2/an
d’énergie primaire).
2034
Interdiction de louer des
logements classés F (entre
250 et 330 kW/m2/an
d’énergie primaire).
Les agences
nous disent
qu’un bien noté
F ou G est
quasiment
un mandat
de perdu.
Il ne génère pas
d’appel
ni de visites
SEYDI EREN, FONDATEUR
»
DE L’ENTREPRISE DE
DIAGNOSTICS DIAGADOM
consommation et profiter du lance-
ment des travaux pour faire une
sensibilisation sur le sujet et assurer
ensuite un suivi de ces consomma-
tions. » Une piste que suggère éga-
lement Esther Duflo, rappelant son
expérience de résidente américai-
ne à Boston. Elle reçoit en effet
chaque mois, un rapport qui lui
permet de situer sa consommation
énergétique par rapport à celle de
ses voisins. Un levier puissant, es-
time-t-elle, pour pousser les uns et
les autres à devenir de bons élèves.
« Il faudra un jour ou l’autre cla-
rifier l’objectif prioritaire de ces
politiques, poursuit Audrey Zer-
mati. Est-il avant tout climatique,
et dans ce cas on vise surtout la ré-
duction des émissions de gaz à effet
de serre en misant notamment sur
les pompes à chaleur. Ou alors, re-
cherche-t-on l’efficacité énergéti-
que avant tout pour baisser la
consommation ? » ■

ÉCONOMIE
Le management, source sous-estimée
de productivité en France
Redonner une vraie place aux échelons intermédiaires permet de générer rapidement et facilement
des gains substantiels pour les entreprises.
THOMAS ENGRAND
£@EngrandThomas
EMPLOI Pris dans sa globalité,
l’état du marché du travail en
France est plutôt satisfaisant de-
puis la fin de la crise Covid. En
trois ans, le pays a connu un essor
jamais vu depuis plus de cin-
quante ans avec 1,3 million d’em-
plois créés et un effondrement du
taux de chômage de 10 % à 7 %.
Un bilan qui incite le gouverne-
ment à viser le plein-emploi d’ici
à la fin du quinquennat.
Comme bien souvent, toute-
fois, le diable se cache dans les
détails. En y regardant de plus
près, on observe que ces gains
n’ont pas tant été le fruit d’une
croissance rapide de l’activité
économique du pays que d’un
moyen de compenser une perte
de productivité par heure tra-
vaillée jamais vue depuis des dé-
cennies. Entre le deuxième tri-
mestre 2019 et le deuxième
trimestre 2023, cette dernière
aurait baissé de 3,9 % en France,
selon Eurostat. Une tendance in-
tenable à terme pour la compéti-
tivité du pays. Sur ce point, Paris
semble faire cavalier seul par
rapport au reste de l’Europe, où
une hausse modérée est obser-
vée.
La comparaison est plus dou-
loureuse encore lorsque l’on
compare également avec l’Amé-
rique du Nord. Depuis plus de
quinze ans, le Vieux Continent
dans sa globalité subit un vérita-
ble décrochage par rapport aux
États-Unis. À titre de comparai-
son, le produit intérieur brut
(PIB) des deux régions était sen-
siblement le même en 2008
(autour des 14 000 milliards de
dollars). Il sera bientôt deux fois
plus important outre-Atlantique
qu’en Europe (27 000 milliards
contre 15 000 milliards).
Cette question de la compétiti-
vité englobe de nombreux as-
pects. Il inclut bien sûr la ques-
tion de l’utilisation des nouvelles
technologies, voire de l’IA de-
main. Mais les gains potentiels
liés au management ne doivent
pas être les grands oubliés du dé-
bat, en particulier le manage-
ment de proximité. « On rejoint
une entreprise, mais on quitte un
manager », illustre en une phrase
Bruno Mettling, ancien DRH
d’Orange, aujourd’hui à la tête de
Topics, un cabinet de conseil aux
entreprises.
Des coûts cachés
Auteur d’une étude sur l’impact
du management de proximité
dans plus de 1 600 entreprises
françaises, Laurent Cappelletti,
professeur au Cnam et spécialiste
du sujet, partage cet avis. Selon
lui, le manque de prise de
conscience du sujet et les dys-
fonctionnements qui en décou-
lent génèrent des coûts cachés si-
tués « dans une fourchette allant
de 20 000 euros à 70 000 euros par
personne et par an ». Cette som-
me représente à la fois une hausse
des coûts cachés (turn-over, ab-
sentéisme…) et une moindre pro-
ductivité (manque d’investisse-
ment, ennui…). Pourtant, des
sources d’amélioration rapide
Le manque de prise de conscience de l’importance du rôle du manager peut générer des coûts cachés
pour l’entreprise « allant de 20 000 euros à 70 000 euros par personne et par an ».
existent : « 35 % à 55 % des gise-
ments de coûts cachés sont
convertibles en valeur ajoutée dans
un délai de quelques mois (6 à
15) », écrit le chercheur. Mais el-
les font l’objet de peu de réflexion
malgré l’avantage compétitif
qu’elles procurent. « Toutes les
entreprises qui marchent bien,
aussi diverses soient-elles, comme
LVMH ou Brioche Pasquier, sont
celles qui ont donné une vraie place
aux managers intermédiaires »,
assure Laurent Cappelletti.
Cette « vraie place », Bruno
LE FIGARO
YURI ARCURS PEOPLELMAGES.COM - STOCK.ADOBE.COM
Mettling la définit par trois ca-
ractéristiques principales. « Il
faut d’abord que le manager de
proximité soit un “patron”, souli-
gne-t-il. Avec une autorité qui ne
se dicte pas, mais se construit
grâce à une vraie marge de
manœuvre dans les prises de déci-
sion laissées par ses supérieurs. À
l’opposé du rôle de simple courroie
de transmission qui lui est souvent
dévolu. »
Il doit ensuite être « un leader
qui donne un sens au travail de ses
équipes ». C’est-à-dire capable
samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023
25
de créer un narratif qui englobe
son équipe. Enfin, il doit être « un
coach, à l’écoute et au service de
ses subordonnés », termine l’an-
cien DRH d’Orange.
« Ces qualités nécessaires sont
principalement des critères hu-
mains et pourtant, en entreprise,
lorsque l’on parle humain, on pen-
se immédiatement et uniquement
au service RH et pas du tout au
manager », pointe Léa Peersman,
coach et consultante en manage-
ment. Selon elle, le problème est
simple : « Manageur n’est pas vu
comme métier, mais comme un
statut. » Résultat, de nombreuses
entreprises proposent cette pro-
motion à des salariés méritants
sans savoir si ce dernier a les
compétences requises. En paral-
lèle, de nombreux salariés accep-
tent sans réaliser ce que cela im-
plique.
Le besoin de contrôle de la hié-
rarchie vampirise en outre le
temps disponible du manager de
proximité, contraint de multi-
plier les réunions aux dépens du
temps passé avec les équipes
- une situation parfois déceptive
pour le promu. « Une étude parue
en juin pointait que 51 % des ma-
nagers seraient prêts à revenir à
leur poste précédent », pointe
Bruno Mettling. Nombreux sont
ainsi ceux qui appellent à une
évolution de l’organisation en
entreprise, y compris parmi les
représentants des salariés. Pour
la numéro un de la CFDT, Ma-
rylise Léon, « il n’y aura pas de
transformation du travail sans
transformation du manage-
ment ». ■
A
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO
26 ÉCONOMIE
Ajay Banga bouscule la Banque mondiale
Le nouveau président a affiché d’ambitieux objectifs lors des assemblées générales à Marrakech.
ANNE CHEYVIALLE
acheyvialle@lefigaro.fr
ENVOYÉE SPÉCIALE À MARRAKECH
DÉVELOPPEMENT Ajay Banga est
un homme de terrain. Ses 130 pre-
miers jours à la tête de la Banque
mondiale, il les a passés à sillonner la
planète, visiter les projets, rencon-
trer les équipes. « Je me suis rendu
sur presque tous les continents, j’ai
rencontré 90 gouvernements, plus de
120 organisations, fonds de pensions,
secteur privé », détaille-t-il lors
d’une de ses nombreuses interven-
tions à Marrakech, lors des assem-
blées d’automne de la Banque et du
Fonds monétaire international
(FMI). Le baptême du feu pour le
banquier américain sikh venu du
privé. Il a commencé sa semaine
marathon, par une visite dans l’At-
las d’une école bâtie en urgence
après le séisme du mois dernier, ac-
compagné de Kristalina Georgieva,
patronne du FMI. Dans un monde
de tensions, de plus en plus frag-
menté, les deux visages du multila-
téralisme ont affiché leur conniven-
ce et l’urgence de travailler main
dans la main.
Vendredi matin, en séance plé-
nière, Ajay Banga a tenu un discours
offensif et porteur d’optimisme, face
à « une véritable tempête de défis et de
complexité géopolitiques qui exacer-
bent les inégalités ». Il a martelé sa
vision d’une banque « meilleure »,
plus efficace, pour « créer un monde
sans pauvreté sur une planète viva-
ble ». La réalité du terrain, expli-
quait-il mercredi devant des jour-
nalistes, usant d’un ton amical à
l’américaine – « pas de président ou
de M. Banga, appelez-moi Ajay » -
c’est que tous les problèmes, insécu-
rité alimentaire, climat, urgence de
développement sont interconnec-
tés. « Rappelle-toi ton enfance en
Inde, m’a dit le président kényan lors
d’une visite », relate-t-il. Quand la
pluie vient à manquer, l’agriculteur
produit moins, perd des revenus. Il
doit mettre ses enfants au travail qui
du coup ne vont plus à l’école. Em-
Zuri Luxury Hair, l’édifiante success story d’une PME africaine
L’ARGENT nerf de la guerre… Un
proverbe que Gisèla Van Houcke
éprouve au quotidien depuis
qu’elle a décidé de lancer son en-
treprise africaine dans le secteur
de la beauté. « Sur une échelle de 1 à
10, c’est probablement un 20 »,
lance la jeune Congolaise sur ses
difficultés de financement. Native
de Goma en République démocra-
tique du Congo (RDC), ayant
grandi au Royaume-Uni et dé-
marré sa carrière en Europe après
des études en droit entre Paris et
Londres, Gisèla a choisi comme
beaucoup d’Africains de la diaspo-
ra de revenir investir sur le conti-
nent. En 2015, la jeune femme
pose ses valises à Kigali, au Rwan-
da, comme cadre juridique dans
une entreprise de solaire. Conçue
« au départ comme un hobby » -
Gisèla ramenait des produits de
l’étranger pour ses copines - l’idée
de Zuri Luxury Hair est vite mon-
tée en puissance jusqu’à compter
aujourd’hui plusieurs salons de
beauté, en RDC, en Ouganda et au
Rwanda et l’ébauche d’un réseau
de franchisés. « Je me suis vite ren-
du compte qu’il y avait quelque cho-
se à faire car il existe en Afrique très
peu de produits de beauté adaptés à
la femme noire alors qu’elles dépen-
sent en moyenne six fois plus que les
femmes blanches », détaille Gisèla.
La Congolaise lance son activité
en 2016 avec 800 dollars en sillon-
nant la RDC en voiture avec son
père pour vendre des perruques et
extensions capillaires venues de
Chine. Bouche-à-oreille, réseaux
sociaux… Zuri Luxury Hair suscite
vite l’engouement, la demande
explose. Après un tour de table fa-
milial et amical de 150 000 dollars,
Gisèla obtient, en 2020, en plein
Covid, un prêt de la Rawbank, de
A
150 000 dollars mais à un taux
d’intérêt très élevé (12 %). Sa peti-
plois des jeunes et des femmes, ré-
duction des émissions, scolarisation,
accès à l’eau et l’électricité… La
nouvelle feuille de route de la Ban-
que mondiale doit répondre à tous
ces défis avec un impératif de résul-
tats. Il veut une évaluation resserrée
sur vingt critères clés.
L’accent sur le climat
S’il est un peu tôt pour juger de son
action, sa détermination fait plutôt
l’unanimité sous les arches du vil-
lage marocain des assemblées. Sur-
tout après le mandat plus qu’en de-
mi-teinte de David Malpass, un
homme choisi par Trump, jugé par
ses détracteurs climatosceptique.
Banga « a changé le ton et engagé
avec force la transformation de la
Banque, salue Rémy Rioux, le di-
te entreprise change véritable-
ment de dimension à partir de
2021, grâce à deux prêts participa-
tifs de 800 000 dollars au total,
octroyés par XSML, un gestion-
naire de fonds africains ciblé sur
les PME qui se finance principale-
ment auprès des institutions fi-
nancières de développement (IFD)
telles qu’International Finance
Corporation (IFC). Filiale de la
Banque mondiale qui soutient le
secteur privé dans les pays émer-
gents, IFC a lancé en 2010 le pro-
gramme SME Ventures qui vise à
combler le déficit de financement
des PME dans les pays pauvres.
« Ce programme prévoit aussi un
volet accompagnement car plus les
entreprises sont petites, plus elles
ont besoin d’assistance, surtout
dans les pays fragiles et pauvres où
il manque de cadre réglementaire »,
commente Nicholas Vickery, res-
ponsable de l’activité des fonds de
private equity chez IFC.
Parcours du combattant
Aujourd’hui Zuri Luxury Hair
compte 60 salariés directs et génè-
re 1,5 million de dollars de chiffre
d’affaires. Si l’activité dégage du
bénéfice, Gisèla continue son par-
cours du combattant pour trouver
des fonds. La trentenaire espère
boucler une levée de fonds d’ici la
fin de l’année pour « développer la
franchise, les outils de numérisa-
tion et la formation ». «Rachel,
l’une de nos franchisées, a multiplié
par quatre son activité en un an.
Mon objectif a toujours été de pro-
mouvoir l’activité des femmes afri-
caines, d’améliorer leur revenu »,
appuie Gisèla.
« C’est important d’investir dans
les PME car elles créent de l’emploi,
lui fait écho Nicholas Vickery.
Considérées comme un segment
risqué, elles peinent à lever de l’ar-
L’Américain d’origine recteur général de l’Agence fran-
indienne Ajay Banga, çaise de développement. Il met clai-
président de la Banque rement l’accent sur le climat
mondiale, participe contrairement à son prédécesseur ».
à une conférence Un délégué venu d’Afrique australe
de presse lors se félicite aussi de cet agenda cli-
des réunions annuelles matique. « Beaucoup de pays afri-
du Fonds monétaire
international (FMI) cains à faible revenu dépendent de
et de la Banque l’agriculture. La Banque mondiale
mondiale, à Marrakech, doit nous aider avec des finance-
jeudi. ments très peu chers pour l’adapta-
FADEL SENNA/AFP tion car nous subissons de plein fouet
les effets du réchauffement. » « De
par ses origines indiennes, il peut
porter la cause de la pauvreté »,
commente un représentant d’Afri-
que centrale.
Une banque meilleure, ça passe
par plus de moyens financiers. Son
objectif est de dégager, il est très
précis, « 157 milliards de dollars » de
gent. Elles sont souvent sous-capi-
talisées, ont peu d’actifs à proposer
en garantie pour obtenir des prêts
et ne sont en général pas rentables
depuis longtemps. » Depuis le lan-
cement du programme en 2010,
IFC a engagé 270 millions de dol-
lars dans 24 fonds qui ont levé
1,3 milliard de dollars. Ces fonds
ont investi dans plus de 500 entre-
prises, créé 200 000 emplois, dont
27 % pour les femmes et fourni des
biens et services à 50 millions de
personnes. « C’est vraiment là
l’impact, car désormais, ces biens
sont produits en Afrique », poursuit
le responsable d’IFC.
Le dernier né des fonds, tout
juste créé, s’appelle Joliba Capital,
référence en langue mandingue
Depuis 2016, au fleuve Niger. «On veut être une
l’entrepreneur source de création de valeur pour
congolaise les PME comme un fleuve subvient
Gisèla van Houcke
aux besoins divers des popula-
gère Zuri Luxury Hair, tions », explicite Yann Pambou,
un réseau de salons
originaire du Gabon, PDG et co-
de beauté à travers
fondateur du fonds, ancien d’Ac-
l’Afrique qui compte
60 salariés directs tis et Swiss Re, avec Hamada Tou-
et génère 1,5 million ré, Sénégalais qui a fait ses armes
de dollars de chiffre chez Amethis, fonds d’investisse-
d’affaires. ment dédié au continent. Joliba,
ZURI LUXURY HAIR détenu majoritairement par LBO
plus sur dix ans, en prenant plus de
risque, en optimisant le capital via
des instruments de garantie et de
capital dit hybride. Le principe est
une émission de dette rachetée par
des États, utilisée ensuite sur les
marchés avec un effet de levier im-
portant de 6 à 8.
Lenteur des procédures
L’Allemagne a, la première, répondu
présent, s’engageant sur 305 millions
d’euros susceptibles de générer
2,4 milliards d’euros. Les pays du
Golfe ont également montré un inté-
rêt. « Le soutien précoce des États-
Unis aux garanties de portefeuille
pourrait débloquer 25 milliards de dol-
lars », a-t-il précisé. L’épineuse
question d’augmenter le capital de la
Banque, qui suppose une révision des
France, qui a réuni pour son pre-
mier tour de table 55 millions
d’euros - avec IFC, Proparco (fi-
liale de l’Agence française de dé-
veloppement), LBO France et
FMO, DFI des Pays-Bas - vise en-
tre 120 et 150 millions d’ici l’été
prochain. L’objectif est d’investir
dans une dizaine de PME d’Afri-
que francophone ciblées sur les
pays des zones Uemoa et Cemac.
« Il n’y a pas assez de fonds d’in-
vestissement qui visent ces régions,
justifie Yann Pambou. On peut
considérer ces deux zones économi-
ques comme un seul bloc, utilisant la
même monnaie, la même langue la
même loi des affaires, et qui a une
croissance dynamique et résiliente.
Et la diversification géographique
entre plusieurs pays permet de limi-
ter les risques. » L’intérêt aussi,
défend-il, est de se positionner sur
un segment peu couvert par les
autres fonds, sur des tickets entre
10 millions et 15 millions d’euros.
L’idée est de prendre des partici-
pations majoritaires pour réelle-
ment s’impliquer dans la stratégie
de l’entreprise. D’autant plus utile
qu’« un récent rapport de McKinsey
montre que le rythme de croissance
de la productivité en Afrique a net-
tement baissé sur 2010-2019 par
rapport à la décennie précédente »,
alerte le responsable d’IFC. Joliba a
déjà en ligne de mire plusieurs in-
vestissements : une université pri-
vée, une entreprise dans l’agroali-
mentaire et une autre dans le
packaging. Le partenariat avec les
institutions internationales vise
aussi à améliorer les politiques de
RSE (responsabilité sociale et en-
vironnementale). « Elles nous ap-
portent entre autres leur expertise
sur les enjeux de diversité de genre
ou la réduction des émissions de
CO2 dans les process industriels »,
illustre Yann Pambou. ■ A. C.
droits de vote, n’est pas d’actualité.
La France y est favorable, les États-
Unis comme le Japon n’en veulent
pas car cela implique plus de pouvoir
à la Chine. « Augmenter les ressour-
ces de la Banque mondiale, c’est un
élément clé de son efficacité », appuie
Bruno Le Maire, qui évoque à Marra-
kech la cible de 2025. Le ministre
français salue « le travail remarqua-
ble » d’Ajay Banga, qui « a pris à
bras-le-corps la surcharge adminis-
trative et la lenteur des procédures ».
Un projet de la Banque mondiale
prend « vingt-sept mois en moyenne
avant qu’un seul dollar ne soit déblo-
qué », déplore le nouveau président,
et il faut parfois « plus de dix ans »
avant d’en voir les bénéfices.
Dans les chantiers sur la table, il
pousse pour une utilisation par les
banques de développement des
droits de tirage spéciaux (DTS), la
monnaie de réserve du FMI, allouée
aux États en fonction de leur quote-
part, qui se heurte à des contraintes
réglementaires. Les pays riches se
sont engagés en 2021 à reverser
100 milliards de dollars aux pays
fragiles. Il propose aussi la création
d’un fonds pour les plus vulnérables
et plaide pour « une prochaine re-
constitution de l’IDA la plus impor-
tante de tous les temps ». Les négo-
ciations sur cet instrument dédié
aux pays pauvres qui octroie des
dons et des prêts à très faibles taux
vont s’ouvrir en décembre pour une
échéance fin 2024. « C’est crucial
car il faut de plus en plus de subven-
tions pour aider des pays très endet-
tés », insiste Friederike Roder de
Global Citizen, ONG qui lutte contre
l’extrême pauvreté et le change-
ment climatique. Elle met à l’actif
de Banga d’avoir introduit en cas de
catastrophe climatique des clauses
suspensives dans les prêts pour une
quarantaine de pays insulaires très
vulnérables. « Il a déjà fait bouger les
choses mais doit aller plus loin », af-
firme-t-elle. « Il n’a pas le choix, il
se doit d’être exceptionnel ! », lance
une ancienne conseillère de l’admi-
nistration d’Obama. Ajay Banga en
convient : « Le temps presse. » ■
EN BREF
GRÈVE POUR
LES SALAIRES :
FAIBLE MOBILISATION
£ Quelque 230 manifestations
étaient annoncées dans
toute la France vendredi
par l’intersyndicale, qui avait
lancé un mot d’ordre
de grève pour augmenter
les bas salaires et améliorer
l’égalité hommes-femmes.
À Marseille,
la préfecture dénombrait
2 100 manifestants,
la CGT 10 000, soit cinq fois
moins que le 6 juin, dernière
journée de mobilisation
contre les retraites.
À Paris, le cortège était
clairsemé, a constaté l’AFP.
ALERTE
SUR LES DÉPENSES
DE SANTÉ
£ Les revalorisations
salariales dans la fonction
publique hospitalière,
décidées à mi-année,
« nécessitent des ajustements »
dans le budget de la Sécurité
sociale « au regard
de l’importance des montants
en jeu », a prévenu
vendredi le comité d’alerte
sur l’évolution des dépenses
d’assurance-maladie.
Pour 2024, le comité
s’inquiète d’un nouveau
dépassement de l’objectif de
dépenses de santé (Ondam)
et rappelle son « exigence »
de voir les objectifs prévus
dans la loi effectivement
tenus et respectés.
+@ » “MaPrimeRénov’’ :
ce qui va changer
pour votre logement en 2024
www.lefigaro.fr/economie

ENTREPRISES
Lundi,
58 premiers
points de vente
vont rouvrir
sous l’enseigne
Intermarché
ou Netto.
MARIE BARTNIK £@mariebartnik
DISTRIBUTION En plus de trente
ans dans la distribution, Patrice
Coquelin en a vu d’autres. Le di-
recteur de l’hypermarché d’Alber-
tville (Savoie) était déjà dans le mé-
tier quand Rallye, son premier
employeur, s’est trouvé racheté
par un certain Jean-Charles Naou-
ri, puis fusionné avec Casino, en
1992. Trente ans plus tard, le dé-
sormais quinquagénaire est tou-
jours là, mais la roue a tourné.
L’étoile de Casino, jadis enseigne
conquérante, a pâli. Son enseigne
Casino #hyperfrais vient d’être dé-
crochée du fronton de l’hypermar-
ché d’Albertville. C’est celle d’In-
termarché qui se détache
désormais fièrement sur fond al-
pin. Les enseignes changent, les
magasins restent.
Thierry Cotillard vient de réus-
sir un joli coup. Le nouveau prési-
dent des Mousquetaires (Inter-
marché, Netto, Bricomarché…) a
définitivement signé le 30 sep-
tembre dernier le rachat de
133 magasins du groupe Casino
(61 immédiatement, dont 58 ont
déjà reçu les autorisations
d’ouvrir, puis 72 d’ici à trois ans),
amenés à devenir des Intermarché
ou des Netto. Une opération finan-
cière majeure pour ce distributeur
indépendant, troisième acteur
français derrière Leclerc et Carre-
four, qui s’offre à cette occasion
quinze ans de croissance et l’op-
portunité d’atteindre 18 % de part
de marché, contre 16 % aujour-
d’hui. Un tel rachat est inédit de-
puis très longtemps dans un sec-
teur de la distribution alimentaire
frappé de plein fouet par l’infla-
tion, et en pleine recomposition.
Effort collectif
« Ce projet nous offre de la crois-
sance, et permet de satisfaire nos
adhérents désireux de s’agrandir
en reprenant un nouveau magasin.
Il offre aussi à des jeunes la possibi-
lité de s’installer », se félicite
Thierry Cotillard.
Ce rachat a enfin un petit goût
de revanche pour le quinquagé-
naire, qui avait quitté Les Mous-
quetaires en 2020 en raison de di-
vergences stratégiques avec le
président d’alors, Didier Duhau-
Data4 se rêve en champion européen des data centers
Le groupe français lève 2,2 milliards d’euros de dette pour surfer sur l’explosion des usages numériques.
LUCAS MEDIAVILLA£@Lucas_Medv
TECHNOLOGIE C’est la partie tan-
gible d’une transition numérique à
bien des égards immatérielle. Du
côté de Marcoussis, au sud de Paris,
le campus de data centers du fran-
çais Data4 ne cesse de pousser ses
racines sur les 110 hectares de fon-
cier dont il a acquis la propriété en
2006 auprès de Nokia. L’acteur tri-
colore qui finance, construit et
opère ces centres de données, indi-
que que ce site parisien constitue le
plus gros du continent. Data4 opère
sur place 20 centres de données de
différentes tailles, lesquels héber-
gent les serveurs de clients sur les-
quels transitent leurs montagnes de
données. Trois autres data centers
sont en préparation, soit une capa-
cité de puissance électrique - le
mètre étalon du secteur - de
250 MW à terme. L’infrastructure
est unique mais a évidemment été
chère à déployer. C’est pour pour-
suivre son développement que
Data4 annonce d’ailleurs ce samedi
au Figaro avoir bouclé une levée de
dette de 2,2 milliards d’euros.
Comment Les Mousquetaires
absorbent les magasins
rachetés à Casino
pand. Trois ans plus tard, le nou-
veau patron, entretemps parvenu
à supplanter son rival, montre que
les crises de gouvernance appar-
tiennent au passé et qu’il peut of-
frir des perspectives aux adhé-
rents qui l’ont élu.
À Albertville, comme dans les
57 autres premiers points de vente
qui rouvriront leurs portes ce 16
octobre, il aura fallu deux semai-
nes pour que les magasins Casino
fassent leur mue. La semaine der-
nière encore, les publicités pour la
9%
moins chers
carte de fidélité Casino Max cô- en moyenne,
toyaient en rayon les promotions que les magasins
d’Intermarché. « Toutes les étagè- sous enseigne Casino
res ont été complètement vidées
puis reremplies avec nos produits,
explique Pascal Rossato, l’un des
trois adhérents Intermarché ayant
repris l’hypermarché d’Alber-
tville. Tous les salariés se sont mo-
bilisés, jusqu’au pâtissier. »
Autant de magasins à transfor-
mer d’un coup relève de la gageu-
re. 700 salariés du groupement,
habituellement basés à Bondoufle
(Essonne) ou dans les centrales
régionales des Mousquetaires,
sont venus prêter main-forte aux
ex-salariés de Casino. À Alber-
« C’est un financement qui va nous
permettre de nous renforcer sur tous
nos marchés, à savoir la France,
l’Italie, l’Espagne, la Pologne, le
Luxembourg et l’Allemagne », fait
valoir Olivier Micheli, président de
Data4. La dette a été levée auprès
d’un pool de banques comprenant
800 millions
BNP Paribas, Natixis ou encore
Deutsche Bank. La première tran-
che, de 1,2 milliard, doit permettre
de refinancer la dette existante,
quand la seconde tranche de 1 mil-
liard sera dédiée au développement
d’euros de nouveaux sites et à la construc-
Chiffre d’affaires tion de data centers sur ceux déjà
de Data4 existants. Si l’environnement de
à l’horizon 2030, contre prêt est évidemment moins favora-
200 millions en 2022 ble qu’il y a quelques années, le pa-
tron du groupe s’estime « satisfait »
des conditions obtenues. Data4
pourrait également activer une op-
tion acquise auprès de ses partenai-
res financiers pour lever 1 milliard
supplémentaire prochainement.
De quoi poursuivre le passage à
une plus grande échelle du groupe,
racheté par le fonds d’investisse-
ment Brookfield en avril dernier à
AXA IM sur la base d’une valorisa-
tion de 3,5 milliards d’euros. « Cet
tville, deux aspirants adhérents,
frais émoulus de leur formation,
aident à la mise en rayon et com-
plètent par la même occasion leur
formation en conditions réelles.
« Je suis venu de Paris pour partici-
per à l’effort collectif, explique
ainsi Hugo Rebecchi. Ma femme
garde notre enfant, mais à la fin de
la semaine nous échangeons, et
c’est elle qui ira prêter main-forte à
Andernos (Gironde). » Le trente-
naire et sa femme cherchent un
point de vente à reprendre, et se
montrent d’autant plus intéressés
par la conversion des magasins
Casino qu’ils envisagent de postu-
ler à la reprise d’un magasin de la
deuxième vague de rachat.
Le 16 octobre, tous les points de
vente repris rouvriront « en mode
légèrement dégradé, explique Pas-
cal Rossato. Nous modifions l’as-
sortiment, faisons plus de place à
l’alimentaire au détriment de la hi-
fi et introduisons nos marques pro-
pres. » En moyenne, les prix bais-
seront de 9 % par rapport à ceux
des magasins Casino, sans comp-
ter les opérations de bienvenue.
Mais le réel changement inter-
viendra en 2024, lorsque tous les
argent frais crédibilise notre ambi-
tion d’être le leader du secteur en
Europe. Nous avons une marque for-
te dans les pays où nous opérons »,
insiste Olivier Micheli. D’ici à 2029,
le groupe veut ainsi investir 2 mil-
liards dans l’Hexagone, notam-
ment à Nozay non loin de Marcous-
sis, où le groupe a repris un ancien
site de Nokia où il compte déployer
8 data centers. Data4 investira aus-
si 1 milliard en Allemagne et en Ita-
lie, et 500 millions en Espagne et en
Pologne. Un vaste plan d’investis-
sement qui doit permettre à Data4
de quadrupler son chiffre d’affaires
d’ici à sept ans pour atteindre
800 millions d’euros, contre
200 millions l’an passé. Et ainsi de
constituer une alternative solide à
la concurrence notamment améri-
caine d’Equinix et Digital Realty,
leaders au niveau mondial.
Trente-trois installations
Opérateur neutre, à la différence
des OVH et autres géants du cloud
comme Google Cloud, AWS ou Mi-
crosoft Azure qui construisent des
centres de données pour leurs pro-
pres serveurs, Data4 accueille sur
LE FIGARO
À Albertville (Savoie),
l’enseigne Intermarché
a remplacé le logo
du groupe stéphanois
sur la façade
de l’hypermarché.
MARIE BARTNIK
magasins auront fait l’objet de tra-
vaux. À Albertville, les trois cou-
ples associés dépenseront plus de
1 million d’euros pour rénover
leur hypermarché vieillissant, et
implanter des rayons traditionnels
comme la boucherie. « Les meu-
bles froids sont trop consommateurs
d’énergie et le carrelage n’avait pas
été changé depuis vingt ans. Cela en
dit long sur les investissements qui y
avaient été consentis ces dernières
années », souligne le directeur.
Dans chacune des zones où se
trouvent les magasins repris, le
changement d’enseigne s’appa-
rente à un petit séisme commer-
cial. Ces dernières années et parti-
culièrement depuis l’irruption de
l’inflation, les prix pratiqués par le
groupe Casino surpassaient de très
loin ceux de ses concurrents. Les
clients avaient fini par déserter ses
magasins. Ils reviennent douce-
ment depuis que l’enseigne a re-
dressé la barre au début de l’année.
Mais l’hypermarché d’Albertville
ne réalise plus que 40 millions
d’euros de chiffre d’affaires an-
nuel, contre 77 millions il y a vingt
ans. Il se situe pourtant dans le top
10 des meilleurs magasins Casino.
ses 33 installations réparties sur le
continent un panel vaste d’entre-
prises. « En France, par exemple,
nous avons tous les géants améri-
cains du cloud, 40 % du CAC 40,
mais aussi beaucoup d’entreprises
privées qui viennent installer leurs
serveurs chez nous », explique Oli-
vier Micheli, ajoutant néanmoins
que l’espace occupé par les « hy-
perscalers » (AWS et consorts)
américains croît plus vite que les
autres. Data4 s’engage auprès
d’eux sur un fonctionnement ga-
ranti 24 heures/24, 365 jours par an
grâce à la stabilité de l’approvi-
sionnement électrique, la régula-
tion de température des serveurs,
ainsi qu’un très haut niveau de sé-
curité sur ses installations, tout en
laissant la flexibilité aux clients
propriétaires des serveurs d’amé-
nager leurs espaces comme ils l’en-
tendent.
Rien de très différent a priori par
rapport à ces concurrents. La pépi-
te de 220 salariés revendique, en
revanche, une approche singulière
avec sa proposition de campus. Le
groupe fait l’acquisition de grosses
réserves foncières pour y implanter
samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023
27
« Les Albertvillois vont y gagner »,
estime Pascal Rossato.
Les concurrents, aussi, vont
sentir la différence. « Nos adhé-
rents sont là pour gagner », rap-
pelle Thierry Cotillard. L’ensei-
gne veut faire progresser le
chiffre d’affaires des magasins re-
pris de 15 % à 20 % par rapport à
l’ère Casino, grâce à sa politique
commerciale. Les concurrents
n’ont qu’à bien se tenir. À Alber-
tville, ces derniers ne manquent
pas. Les environs comptent un
Lidl, un Aldi, un petit Leclerc et
même… un supermarché Inter-
marché appartenant à un autre
adhérent, qui ne doit que modé-
rément apprécier l’irruption d’un
adversaire maison. « C’est une
très bonne zone de chalandise, à
proximité des stations de ski. Il y a
de la place pour tout le monde »,
assure Pascal Rossato.
Des caisses automatiques
en partie démantelées
Pour les 2 300 salariés passés sous
pavillon Intermarché ou Netto aus-
si, le changement sera radical. Pas-
ser du mode de fonctionnement
d’un groupe intégré à celui d’un
regroupement de chefs d’entrepri-
se indépendants propriétaires de
leur magasin est un changement de
culture majeur. Le patron n’est
plus ce lointain cadre que l’on voit
peu. Il vient plusieurs fois par se-
maine en magasin. Pour l’instant,
les ex-Casino apprécient. « Nous
n’avions plus de machines pour fa-
briquer la glace que l’on met sur les
étals de poisson, raconte Patrice
Coquelin. Il me fallait auparavant en
passer par sept échelons hiérarchi-
ques pour en commander. La semai-
ne dernière Pascal a dit oui, et elles
arrivent lundi. » L’assortiment sera
adapté à la zone de chalandise. Exit
le CBD commandé au siège de
Saint-Étienne et peu apprécié de la
clientèle locale.
Les 110 salariés d’Albertville
« n’étaient pas maltraités chez Casi-
no, admet Nathalie Simillion,
vingt-cinq ans d’ancienneté. Mais
les dernières années, rythmées par
les rumeurs de faillite ou de vente à
la découpe, ont été difficiles. On
nous avait coupé tous les budgets.
Nous ne faisions plus de commerce,
mais de la gestion. » Peu adaptées à
la clientèle âgée d’Albertville, les
caisses automatiques, massivement
installées par Casino pour réduire
les effectifs et ouvrir le dimanche,
seront en partie démantelées.
D’autres points forts du magasin,
comme l’offre de pâtisserie, seront
en revanche conservés.
Pascal Rossato et ses associés ont
bien l’intention de réembaucher
du personnel lorsque le magasin
aura redémarré, pour renforcer les
salariés d’origine, qui restent en
totalité. « Soit tu montes dans le
train, soit tu restes à quai, philoso-
phe Nathalie Simillion. Alors on va
y aller tous ensemble. » ■
une multitude de data centers, plu-
tôt que de saupoudrer la construc-
tion dans différentes villes. « Cela
permet d’être plus efficaces sur
l’opérationnel et de rassurer les
clients sur notre capacité à accom-
pagner leur croissance grâce à nos
réserves foncières », plaide Olivier
Micheli.
Alors que la grogne monte chez
certains élus, comme à Marseille
par exemple, contre la multiplica-
tion de ces centres de données avec
les enjeux d’artificialisation et de
biodiversité, la question de la den-
sification des sites n’est également
pas neutre d’un point de vue envi-
ronnemental. « Il faut des nœuds de
convergence, croire qu’on va aller
implanter des data centers dans
n’importe quelle ville moyenne serait
une erreur », estime le patron du
groupe. Face aux critiques sur ces
géants de béton qui s’érigent aux
quatre coins de l’Europe, Olivier
Micheli rappelle que les centres de
données sont le « récipient des usa-
ges digitaux », eux-mêmes vecteur
de décarbonation, et que leur loca-
A
lisation sur le continent est un en-
jeu énorme de souveraineté. ■
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO

28 ENTREPRISES

LE GRAND MICHEL-ÉDOUARD
LECLERC
TÉMOIN PRÉSIDENT DES CENTRES E.LECLERC

PROPOS RECUEILLIS PAR

MARIE BARTNIK £@mariebartnik
ET IVAN LETESSIER £@IvanLetessier
Le président de Leclerc analyse les
changements durables de mode de
consommation.
LE FIGARO. - Les prix alimentaires
ont commencé à reculer. Cela
peut-il ralentir la chute des ventes ?
Michel-Édouard LECLERC. – Non,
j’en ai peur, car la très légère baisse
des prix d’un mois sur l’autre
(0,5 %) n’est pas perceptible par nos
clients, qui savent que les prix res-
tent 20 % plus élevés qu’il y a deux
ans. Face à l’inflation, ils ont réduit
leur consommation. Mais à cela s’est
ajoutée une suspicion sur le niveau
des prix, qui n’est pas levée.
toute vitesse, les retournements
sont brutaux. On ne peut plus tra-
« engage-
Avec les
vailler avec un carcan réglemen-
taire comme celui qui régit la né-
ments de
gociation commerciale française, décarbo-
qui nous interdit de tenir compte nation, de
de la réalité des marchés au mois le
mois. Il faut mettre un terme à ces
relocalisa-
dates butoirs. Le projet de loi rac- tion et d’une
courcit la durée de la négociation, maîtrise
qui sera trop courte pour aboutir à
des baisses de tarifs. Les industriels
de nos
ne se précipitent pas pour écrire approvision-
leurs conditions générales de ven- nements,
Le président des te. Dans le doute sur l’évolution de
leurs coûts, ils demanderont des
l’inflation va
centres E.Leclerc hausses de tarifs. Nos acheteurs changer de
vont partir en négociation pour nature. Tout
réclame obtenir des baisses là où les cours
va coûter
ont plongé et exiger plus d’étale-
un changement ments dans le cas contraire. L’idéal plus cher
»

FRANÇOIS BOUCHON / LE FIGARO

serait qu’en 2024, on parvienne à à produire
La vente de carburant à prix de loi pour tenir faire descendre l’inflation alimen-
MICHEL-ÉDOUARD
coûtant a-t-elle un impact sur la taire dans les mêmes eaux que l’in-
fréquentation des hypermarchés ? compte flation globale.
LECLERC

Ces opérations font un carton mais

n’ont pas d’impacts majeurs sur nos
ventes en rayon. Nos volumes de
carburant augmentent de 20 % à
30 % quand nous le vendons à prix
coûtant. Les clients accueillent ces
quelques centimes de rabais au litre
comme un acte de bienveillance,
comme avec la baguette à 29 centi-
mes, le prix des masques et des
autotests pendant le Covid. Cela
conforte notre image prix, alors que
du nouveau Que peut faire l’État pour aider
les consommateurs ?
contexte Lorsque la loi EGalim a été votée,
tout le monde était d’accord sur sa
inflationniste. finalité : mieux rémunérer les agri-
culteurs. Sans remettre en cause
cet objectif, il conviendrait d’ad- Bio
« L’inflation va s’installer mettre qu’on a changé d’époque.
On n’est plus en risque de défla-
tion. L’inflation va s’installer pen-
dant des années, le temps d’amor-
EXPRESS
1952
Michel-Édouard

pendant des années »

nous sommes en première ligne
face à l’inflation, qui frappe à tous
les endroits. Le loyer et la facture
d’électricité ne tombent qu’une fois
par mois, mais dans nos magasins,
les clients ressentent la hausse des
prix chaque semaine. Les distribu-
teurs multiplient leurs opérations
commerciales pour rappeler qu’ils
ne sont pas à l’origine de l’inflation.
Les industriels n’assument jamais
publiquement leur hausse de prix !
Les marques ont-elles perdu
la bataille du pouvoir d’achat ?
Profitant d’EGalim, les grandes
marques ont trop brutalement
monté leurs tarifs et elles se sont
plantées. Cela a plombé leur image
prix. Les marques nationales étant
devenues très chères, les consom-
mateurs se sont reportés sur les
marques de distributeurs, en parti-
culier les premiers prix. Les grandes
marques vont devoir rectifier leur
positionnement et faire la démons-
tration de leur valeur ajoutée pour
reconquérir ces clients perdus.
Les changements de comportement
des clients sont-ils durables ?
Dès le Covid, nous avons observé
les premiers changements profonds
de consommation, plus rationnelle
et moins tournée vers le superflu.
La déconsommation, poussée par le
discours nutritionnel et environne-
mental sur le mieux manger, ne se
limite pas à l’alimentaire. Aux no-
tions de sobriété, de durabilité, de
deuxième vie des produits, l’infla-
tion a ajouté un besoin d’arbitrage.
La succession des crises accélère
une mutation globale de la consom-
mation. Avec les engagements de
décarbonation, de relocalisation et
d’une maîtrise de nos approvision-
nements, l’inflation va changer de
nature. Tout va coûter plus cher à
produire. C’est pour cela que nous
voulons clore le chapitre de l’infla-
tion spéculative entraîné par la
guerre en Ukraine, et dont les in-
dustriels ont visiblement profité.
Comprenez-vous l’intervention
du gouvernement sur le sujet ?
L’État est massivement intervenu
pendant la crise du Covid, avec un
impact très positif. Mais leaders po-
litiques et patronat ne se sont pas
mobilisés contre l’inflation quand
elle a commencé. Il y a eu une forme
de déni, alors qu’elle touche l’ali-
mentaire, le tourisme, l’automobi-
le, l’habillement, la construction et
les services… Le Parlement a voté la
loi Descrozaille en mars 2023,
quand l’inflation alimentaire attei-
gnait déjà 16 % sur un an. Cette loi
ne profite ni aux agriculteurs ni aux
PME, mais aux grands industriels
internationaux. Le gouvernement a
Leclerc naît Michel
tir les immenses d’investissements
Marie Leclerc
nécessaires à la transition écologi-
à Landerneau
que. Je milite pour qu’on supprime
(Finistère). Il est
toutes les dispositions inflationnis-
le fils d’Hélène et
tes de la loi EGalim ou de la LME,
d’Édouard Leclerc,
comme le relèvement de 10 % du
le fondateur des
laissé faire, ou n’a pas su s’opposer. seuil de revente à perte. Si on veut
centres E.Leclerc.
Ensuite, l’interventionnisme s’est finir 2024 avec une inflation moin-
1979
montré plus sélectif. Maintenant dre, je préconise d’élargir la liste
Intègre les centres
qu’il n’y a plus d’argent dans les des produits qui pourraient y dé-
E.Leclerc.
caisses, l’Exécutif met les distribu- roger, soit 600 articles, à base de
Il y développe à ses
teurs à contribution. chocolat, café, jus d’orange, les
débuts la vente
colas, les eaux minérales… Ça n’at-
de carburant.
L’Assemblée nationale a avancé teindra pas les agriculteurs fran-
2006
la fin des négociations. Cela çais et les grandes marques n’ont
Préside seul
aboutira-t-il à des baisses de prix ? pas besoin de cette protection. Je
l’association des
Pour renégocier des baisses, il fal- demande un moratoire sur l’enca-
centres E.Leclerc.
lait un cadre juridique car la loi ac- drement des promotions. Lisez les
Michel-Édouard
tuelle ne nous permettait pas de le rapports des grandes institutions
Leclerc est
faire. À force de tergiverser, on a économiques internationales sur
notamment
perdu six mois. Il faut accepter que les profits de l’industrie agroali-
le porte-voix des
le monde prévisible soit en train de mentaire mondiale, il est temps de
centres E.Leclerc
disparaître. On est entré dans un mettre fin à ces lois qui empêchent
dans les médias
cycle de crises protéiformes : Covid toute transparence dans les tarifs
et auprès
en 2020, guerre en Ukraine en de nos fournisseurs. C’est la crois-
des pouvoirs publics.
2022, tensions au Proche-Orient et sance qu’il faut soutenir, et la
en Asie centrale en 2023, crise cli- consommation en reste le moteur
matique… les situations évoluent à essentiel. ■

LES DÉCIDEURS nominations@lefigaro.fr

â RAPHAËL GOUMAIN Méleyne Rabot, de la livraison â ALEXANDRE DE JUNIAC

Decathlon
Après avoir travaillé quatorze années chez
Google, suite à des postes chez Capgemini et
Mappy, Raphaël Goumain devient directeur
marketing de Decathlon. Il rejoint les équipes
de Barbara Martin Coppola, DG du groupe
depuis janvier 2022 et qui avait également
officié chez Google, de 2008 à 2015.
alimentaire à l’antigaspi
« Aujourd’hui, je porte
exclusivement des vête-
ments d’occasion, des bas-
kets à la combinaison, sans
oublier le trench et le sac »,
sourit Méleyne Rabot. Elle consacre une par-
tie de son temps libre à la recherche de bon-
Indigo
L’ancien PDG d’Air France-KLM, à
elle a évolué pour devenir directrice générale la tête de l’association du transport
de l’Hexagone en 2020. « Je ne m’autorisais aérien (Iata) entre 2016 et 2021,
pas à l’imaginer avant. Je rentrais à peine de Alexandre de Juniac, fraîchement reconverti
congé maternité mais cela s’est effectué natu- dans le conseil chez Oliver Wyman, endosse
rellement », explique-t-elle. Sa promotion la présidence du conseil de surveillance des
coïncidait avec la crise sanitaire et le lance- parkings Indigo. Il succède à Michel Bleitrach,
ment du modèle de livreurs salariés. Et de à ce poste depuis 2014.

â THIERRY MALLET
nes affaires sur Vinted ou Leboncoin. L’ama- souligner : « Cela a révélé mon attachement

GITL
Les fédérations du Groupement
interprofessionnel du transport et
de la logistique (GITL) renouvellent
à leur tête Thierry Mallet, PDG de Transdev et
vice-président de l’UTP (Union des trans-
ports publics et ferroviaires). Son mandat
durera deux ans. Laurent Mazille, directeur
des affaires publiques de Transdev, a aussi été
reconduit dans ses fonctions de secrétaire
trice de seconde main rallie logiquement Too
Good To Go, l’application conçue pour lutter
contre le gaspillage alimentaire en offrant
une deuxième vie aux invendus.
La directrice générale France de l’appli se
rêvait danseuse classique, jusqu’à ce qu’une
blessure l’oblige à la « raison ». Indécise, elle a
suivi un DUT de gestion, qu’elle a complété
par un cursus à Grenoble École de Manage-
ment. Le hasard l’a conduit dans les rangs
d’Accenture. À la suite de quatre années à
œuvrer sur des missions de conseil sur les ser-
â VALÉRIE CHEMLA
aux projets vecteurs de sens. »
Retour à la foodtech
Allianz
Deux ans plus tard, lorsque l’entreprise a
licencié ces nouveaux employés, elle s’est Allianz France opère deux changements dans
sentie en porte-à-faux. Elle a alors rejoint son comité exécutif. Valérie Chemla arrive en
Trainline afin de travailler à l’expansion du qualité de nouvelle directrice de l’unité trans-
marché tricolore. L’aventure s’est avérée de formation, opérations et résilience, en rem-
courte durée car celle-ci ne correspondait placement d’Anne-Sophie Grouchka. Julien
pas à ses attentes. En avril, elle a saisi Martinez, déjà membre du comex, évolue en
l’opportunité d’intégrer Too Good To Go et de tant que directeur de l’unité service client.
renouer avec la foodtech et des valeurs fortes.

â DUNCAN MINTO
général du GITL. vices après-vente, elle est passée de la théorie Lucie Basch, la cofondatrice, lui a confié les
à la pratique. Au sein du fournisseur d’électri- rênes pour se concentrer sur l’étranger. Dans

â VANESSA GIRARDET
Deloitte
Associée au bureau Deloitte d’Auvergne-
Rhône-Alpes, Vanessa Girardet est nommée
leader parité au sein du comité exécutif de
Deloitte France. Elle avait pris la présidence,
A
cité et de gaz Poweo, puis de Virgin Mobile et
Smartbox, elle gérait l’expérience client.
Son arrivée chez Allo Resto en 2015 à la tête
des opérations a marqué un tournant. La
société et elle ont connu de concert une rapi-
de progression. Rachetée par Just Eat,
fusionnée avec Takeaway, la start-up de
repas à domicile s’est transformée en filiale
la ligne de mire de Méleyne Rabot, figure Alpine
dorénavant le développement de partena-
riats, en sus des 40 000 commerces qui pro- Alpine, la marque sportive de Renault, ac-
posent déjà leurs produits sur la plateforme. cueille Duncan Minto comme directeur fi-
Elle compte aussi renforcer les liens avec les nancier, siégeant également au comité de di-
industriels, qui représentent une des sources rection. Fort d’une expérience de plus de
principales de gâchis. vingt-cinq ans dans le groupe, il exerçait pré-
MAUD KENIGSWALD cédemment cette fonction pour Dacia. Alpine

en mai 2023, de l’antenne régionale du réseau de groupe international. À titre personnel, mkenigswald@lefigaro.fr compte élargir sa gamme avec sept nouveaux
International Women Forum (IWF). véhicules électriques d’ici 2030. M. K.
 LE FIGARO samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023

MARCHÉS 29

Les marchés résistent QUESTIONS

D’ARGENT AVEC
malgré la crise Comment transférer
son épargne d’une banque
au Moyen-Orient à l’autre
Les Bourses mondiales ne croient pas, pour l’instant, à un PLACEMENTS « Les épargnants autre, tout en conservant son an-
s’imaginent que changer de ban- tériorité fiscale, à condition que le
embrasement du conflit après l’attaque du Hamas en Israël. que, c’est simple. Or il n’est pas contrat soit assuré par la même
forcément aussi facile de transférer compagnie. Mais cette liberté est
un plan d’épargne en actions (PEA) toute théorique, les assureurs fai-
Sebastian Paris Horvitz, directeur aux pays du Moyen-Orient expor- qu’un compte courant », constate sant quasi systématiquement obs-
DANIÈLE GUINOT £@danieleguinot de la recherche chez LBP AM. Les tateurs de pétrole », décrypte Pier- Claire Castanet, la directrice des truction. Si vous souhaitez
investisseurs ont ainsi massive- re-Alexis Dumont, directeur des relations avec les épargnants de conserver l’antériorité fiscale de
BOURSE Les dégâts ont été limités ment investi dans des emprunts gestions actions et convertibles l’Autorité des marchés financiers votre contrat, vous n’aurez pas
cette semaine à la Bourse de Paris. d’État dont les taux avaient beau- chez Groupama AM. « Un baril (AMF). Depuis 2017, la loi Macron d’autre choix que de le laisser
Son indice phare, le CAC 40, n’a coup grimpé ces dernières semai- autour des 90 dollars arrange tout permet en effet de déménager son dans votre ancien établissement.
abandonné que 0,81% au cours nes. En conséquence, les taux des le monde, ajoute Vincent Mortier. compte courant d’un établisse- Et ce dernier exigera souvent que
des cinq dernières séances en dé- obligations souveraines américai- Un prix trop élevé freinerait la de- ment à un autre en un claquement vous conserviez un compte cou-
pit des graves tensions géopoliti- nes ont fondu de 0,20 % environ mande. » de doigts, ou presque. Il suffit rant chez lui en parallèle, avec des
ques au Proche-Orient. Mais, (4,62 % vendredi), tout comme pour cela de confier à sa nouvelle frais donc. Sinon, en fonction des
contrairement à ce qui s’était pro- ceux de l’emprunt français, l’OAT Rebond des valeurs banque le soin de mener les dé- montants en jeu, de votre âge et
duit en février 2022 lorsque la à 10 ans (3,34 %). Mécanique- de défense marches. Pour l’épargne, c’est de vos objectifs, il est possible
Russie a envahi l’Ukraine, la place ment, cette situation a profité aux En Bourse, plusieurs secteurs ont une autre paire de manches. d’envisager la clôture du contrat.
de Paris ainsi que les autres gran- actions, qui par comparaison de- été dopés par les tensions en Israël.
des Bourses mondiales ont bien viennent plus attractives. Mardi, En tête, les valeurs liées à la Dé- Comment procéder Quelles sont
résisté après l’attaque du Hamas
contre Israël le week-end dernier.
Seule la Bourse de Tel-Aviv s’est
écroulée (-11,55 % en cinq séan-
le CAC 40 a ainsi gagné 2 %. Ce
mouvement de baisse des taux a
été « amplifié » pendant la semai-
ne par des propos de responsables
fense, comme Thalès par exemple,
dont les cours ont bondi de
13,28 % en une semaine. Même
tendance, mais dans de moindres
1 avec ses livrets ?
Il n’est pas possible de dépla-
cer un livret A, un livret de déve-
loppement durable et solidaire
3 les conditions
au transfert d’un PEL ?
« Changer un plan d’épargne-lo-
gement de banque est possible,
ces). de la banque centrale américaine proportions pour les grandes va- à suivre sur (LDDS) ou un livret jeune d’une mais il faut que les deux établisse-
«À ce stade, les marchés consi- (Fed), « suggérant que la Fed en leurs technologiques américaines, lefigaro.fr/bourse banque à une autre. Détenir deux ments, celui de départ et celui d’ac-
dèrent l’attaque du Hamas contre aurait terminé avec son cycle de les Gafam (Alphabet, Meta, Ap- exemplaires de ces livrets régle- cueil, soient d’accord », expose
Israël comme un conflit local, ex- hausse de taux », notent les ana- ple…). « Elles font désormais office n Les matières mentés (par exemple, deux livrets Pierre Bocquet, de la FBF. Et lors-
plique Vincent Mortier, directeur lystes de Natixis. « La baisse des de valeurs refuges, explique Pier- premières et les A) n’est pas autorisé non plus. La que l’opération est acceptée, le
des gestions chez Amundi. Tant rendements a rassuré les investis- re-Alexis Dumont. Elles sont produits dérivés solution ? « Fermer son livret dans client doit s’attendre à ce qu’elle
n Le crible
qu’il ne dégénère en guerre généra- seurs qui s’inquiétaient des consé- considérées comme très résilientes à la banque que l’on quitte, transférer lui soit facturée. Les frais prati-
lisée avec l’intervention d’autres quences des taux élevés sur l’éco- la conjoncture économique et dispo- le solde dans la nouvelle banque et y qués oscillent souvent entre 50 et
pays de la région, les investisseurs nomie et les entreprises », ajoute sent de beaucoup de liquidités. » Le des sicav ouvrir un autre livret », explique 100 euros, selon les établisse-
estiment que les conséquences sur Vincent Mortier. pendant européen des Gafam, les et des fonds Pierre Bocquet, directeur du dé- ments. Les banques refusent ce-
n Les cotations
l’économie mondiale seront fai- L’or, valeur refuge par excel- « Granolas » (acronyme lancé par partement Banque de détail et pendant fréquemment d’ac-
bles. » Ce qui n’était pas le cas de lence depuis la nuit des temps, a Goldman Sachs) qui regroupent banque à distance à la Fédération cueillir un PEL venant d’ailleurs.
la guerre en Ukraine, qui a provo- également retrouvé de son lustre à onze grandes actions de qualité du en direct bancaire française (FBF), lobby du « Tout simplement parce que vous
qué une crise énergétique en Eu- 1 922 dollars l’once (+ 4,95 % en Vieux Continent - dont les français sur iPhone secteur. La clôture du livret est pouvez avoir un PEL ancien avec un
rope et a fait exploser l’inflation. cinq jours). Le retour de la guerre L’Oréal, LVMH et Sanofi - ont gratuite et le transfert du solde taux d’intérêt élevé, explique Pier-
Toutefois, les investisseurs ont au Moyen-Orient a aussi fait également pour la plupart bien ré- s’effectue en un ou deux jours par re Bocquet. Or les intérêts sont
retrouvé de vieux réflexes cette grimper les prix du pétrole. Ven- sisté pendant la semaine. « Le scé- simple virement. Un autre produit payés par la banque. Celle chez qui
semaine en misant sur des actifs dredi, à Londres, le baril de brent nario catastrophe n’est pas pour d’épargne n’est pas transférable : vous transférez vos comptes doit
dits refuges et de qualité. « Ils ont de la mer du Nord s’échangeait à l’heure retenu par les marchés », le compte à terme. Jusqu’ici dé- donc être d’accord pour vous les
accordé une petite prime de risque à 89,40 dollars (+ 5,80 % en une se- résume Sebastian Paris Horvitz. laissés, ces comptes connaissent régler. » Elle ne l’est pas toujours.
certains actifs, dont les prix ont maine). « La hausse du prix du ba- Mais, la situation reste fragile. un regain de popularité depuis en- Deux options se présentent alors à
grimpé. Mais l’indice de la peur, le ril est plutôt modérée, car les inves- Les grands indices boursiers du viron un an, la hausse des taux l’épargnant. La première consiste
VIX, qui mesure la nervosité des tisseurs estiment qu’il est peu Vieux Continent ont ainsi cédé du d’intérêt rendant ces placements à garder son PEL dans son ancien-
marchés reste peu élevé », relève probable que le conflit se propage terrain vendredi (-1,42 % pour le sans risque plus attractifs. Comme ne banque, comme le suggère
CAC 40), alors qu’Israël préparait le souligne Xavier Prin, directeur Pierre Bocquet. Mais, de même
une offensive de grande ampleur à marketing et communication de que pour l’assurance-vie, l’éta-
S ur la sem aine, le CAC 40 a été peu impacté Gaza. « Tout le monde reste pru- BoursoBank, « c’est un produit sur blissement d’origine impose com-
par le retour de la guerre au Moyen-Orient dent car le conflit peut à tout mo- lequel vous vous engagez sur une munément d’y conserver un
ment changer de nature avec avec durée déterminée », comprise en- compte courant avec les frais affé-
ÉVOLUTION DU COURS DE L’INDICE CAC 40, en points une implication plus directe de tre un mois et quatre ans. « Vous rents. La seconde option est de
l’Iran, par exemple. Ce qui aurait pouvez sortir votre argent avant, demander la clôture de son PEL.
notamment des conséquences sur le mais cela vous désavantage », ex- Ce choix peut néanmoins s’avérer
7 140 cours de pétrole, l’inflation et la plique-t-il : l’épargnant y perd en malheureux. Il faut impérative-
croissance mondiale », poursuit effet ses intérêts. Certaines ban- ment s’interroger sur les avanta-
7 003 Sebastian Paris Horvitz. ques exigent aussi des pénalités en ges que l’on risque de perdre : par
7 080 Cependant, en ce moment, les cas de sortie anticipée. Le délai exemple, les conditions de rému-
7 030 investisseurs ont surtout les yeux d’engagement du compte à terme nération définies lors de l’ouver-
rivés vers les États-Unis, où la sai- étant assez court, le client peut ture du plan, la fiscalité applicable
7 020 son des résultats trimestriels des avoir intérêt à patienter jusqu’à la ou encore les droits à un prêt im-
entreprises débute. Les premiers fin avant de changer de banque. mobilier. C’est notamment vrai
signes sont encourageants. « La pour les PEL souscrits avant 2018,
6 960
croissance économique repart Qu’en est-il pour qui bénéficient d’une exonération

6 900
6 oct. 2023 9 oct. 10 oct. 11 oct. 12 oct. 13 oct.
outre-Atlantique et l’inflation se
modère lentement. Les États-Unis
vont servir de moteur au reste du
monde », prévoit Pierre-Alexis
2 son assurance-vie ?
Elle fait partie des produits
peu, voire pas transférables du
tout. Depuis mai 2019, un assuré
fiscale pendant leurs douze pre-
mières années de détention et
peuvent, de surcroît, donner droit
à une prime de l’État. ■
Source : Bloomberg Infographie
Dumont. ■ + » Lire aussi
PAGE 9 peut basculer d’un contrat à un FLORENCE LOÈVE

LA SÉANCE DU VENDREDI 13 OCTOBRE LA VALEUR DU JOUR £@vguillermard

LE CAC JOUR %VAR. +HAUTJOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12 JOUR %VAR. +HAUTJOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12

AIR LIQUIDE ........................... 161,36

AIRBUS .............................................. 121,96
-1,36 163,1
-3,02 126,1
160,98
121,82
0,12
0,127
+21,87
+9,85
LVMH ..............................................660,6
MICHELIN ..............................................
29,03
-2,13
-2,09
679,7
29,59
658,3
28,92
0,088
0,145
-2,84
+11,72
Alstom chahuté en Bourse après
ALSTOM ..............................................12,76 -3,88 13,52 12,665 1,121 -44,08 ORANGE ..............................................11,04 +0,9 11,066 10,926 0,159 +18,95
ARCELORMITTAL SA ........................... 21,71
AXA .............................................. 28,01
-2,03 22,335
-1,23 28,495
21,665
27,83
0,346
0,14
-11,66
+7,5
PERNOD RICARD ...........................157,1
PUBLICIS GROUPE SA ..................... 75,34
-1,35
-1,85
159,3
77,48
157,1
75,34
0,13
0,199
-14,5
+26,79
un avis négatif de l’agence Moody’s
BNP PARIBAS ACT.A ........................... 57,64 -3,03 59,2 57,11 0,38 +8,24 RENAULT ..............................................36,25 -2,74 37,42 36,17 0,279 +15,91
BOUYGUES ..............................................32,2 +0,41 32,51 32,05 0,276 +14,84 SAFRAN ..............................................149,08 -2,02 152,86 148,8 0,138 +27,51 Une semaine après le changement né- les investisseurs. La direction d’Alstom a
CAPGEMINI ..............................................
165,7 -2,3 169,3 165,45 0,252 +6,25 SAINT GOBAIN ........................... 53,21 -2,37 54,58 53,21 0,209 +16,56
gatif de prévision d’un indicateur finan- prévenu que son free cash-flow serait
CARREFOUR ..............................................
15,78 -0,94 15,94 15,74 0,176 +0,9 SANOFI ..............................................103,38 -0,58 104,32 103,18 0,103 +15,07
CREDIT AGRICOLE ...........................11,4 -2,36 11,668 11,358 0,263 +15,96 SCHNEIDER ELECTRIC ..................... 153,12 -2,03 156,56 152,86 0,126 +17,14 cier clé d’Alstom, le free cash-flow négatif en 2023-2024 (exercice clos fin
DANONE ..............................................54 -0,35 54,28 53,7 0,152 +9,69 SOCIETE GENERALE ........................... 21,805 -2,96 22,405 21,68 0,698 -7,13 (le flux de trésorerie disponible), l’agence septembre), s’établissant dans une four-
DASSAULT SYSTEMES ........................... 35,91 -2,79 36,78 35,91 0,102 +7,21 STELLANTIS NV ........................... 18,82 -0,55 19,154 18,75 0,11 +41,82 de notation Moody’s a réévalué son opi- chette de - 500 millions à - 750 millions.
EDENRED ..............................................54 -0,66 54,46 53,78 0,177 +6,13 STMICROELECTRONICS ..................... 41,16 -3 42,325 41,125 0,165 +24,75 CLÔTURE nion sur le titre. Cette dernière a certes Or, Alstom avait annoncé, le 25 juillet,
ENGIE .............................................. 14,776
ESSILORLUXOTTICA ........................... 164,1
+0,65 14,828
-1,41 165,64
14,62
163,32
0,179
0,094
+10,37
-3,01
TELEPERFORMANCE ...........................
THALES ..............................................
117,4
144,4
-1,43
+1,12
119,25
145,7
117
142,6
0,463
0,194
-47,28
+21,04 DU CAC 40 maintenu la notation de crédit du géant que cet indicateur serait « significative-
français du ferroviaire, mais elle a abais- ment positif » sur l’exercice, après s’être
EUROFINS SCIENT. ...........................49,65
HERMES INTL ........................... 1705,8
KERING ..............................................406,8
-4,11

-2,4
51,32
-1,16 1729,2
417,45
48,56
1700,4
404,75
0,293
0,047
0,194
-25,96
+18,05
-14,45
TOTALENERGIES ...........................63,17
UNIBAIL-RODAMCO-WE .....................
VEOLIA ENVIRON. ...........................
44,95
26,3
+1,61
-2,81
-1,35
63,61
46,68
26,84
62,44
44,93
26,22
0,193
0,255
0,196
+7,71
-7,57
+9,58
- 1,42 % sé sa perspective de « stable » à « néga-
tive ». Ce qui rapproche le profil de l’ac-
inscrit dans le rouge (- 1,15 milliard) au
premier semestre.
L'OREAL ..............................................
384,65 -2,17 391,9 383,55 0,094 +15,3 VINCI .............................................. 102,92 -1,78 105,02 102,82 0,105 +10,32 à 7 003,53 points tion du constructeur de trains, trams, Le constructeur ferroviaire estime
LEGRAND ..............................................85,62 -2,9 88,18 85,48 0,164 +14,43 WORLDLINE ..............................................
22,92 -4,38 23,84 22,74 0,312 -37,26
métros et TGV de la catégorie des va- que le changement de perspective émis
leurs spéculatives. Donc à haut risque. par Moody’s « n’aura pas d’impact sur sa
LES DEVISES MONNAIE 1 EURO=
LʼOR VEILLE 31/12 Les marchés avaient anticipé ce
changement de perspective. L’action a
capacité à accéder au financement à
court terme et à l’exécution des
AUSTRALIE ................................................................................
DOLLAR AUSTRALIEN 1,6662 AUD Cotation quotidienne assurée par Or en Cash
CANADA ................................................................................
DOLLAR CANADIEN 1,4397 CAD https://www.orencash.fr/investissement/ malgré tout été chahutée vendredi, cé- contrats ». Disposant de liquidités de
GDE BRETAGNE ................................................................................
LIVRE STERLING 0,8642 GBP Lingot 1KG ................................. 58 796,6€ +7,25 % dant près de 4 %, à 12,76 euros. Toujours 3,5 milliards d’euros « largement supé-
HONG KONG ................................................................................
DOLLAR DE HONG KONG 8,2353 HKD Lingot 100g ................................. 5 891,56€ +1,72 %
JAPON ................................................................................
YEN 157,44 JPY Lingot 50g ................................. 2 951,28€ +0,59 %
sous son plus bas historique (14 €) de rieures » à ses besoins, le groupe a
SUISSE ................................................................................
FRANC SUISSE 0,9546 CHF 1 840,85€
Lingot ONCE (31,10g) ................................. +0,54 % 1992. La semaine dernière, l’action a confirmé ses objectifs de croissance des
ETATS-UNIS ................................................................................
DOLLAR 1,0524 USD Lingot 10g ................................. 598,16€ +0,19 %
TUNISIE ................................................................................
DINAR TUNISIEN 3,348 TND Lingot 2,5g ................................. 157,71€ -2,66 % perdu 41 % de sa valeur, après avoir dé- ventes et sa trajectoire de rentabilité. À
MAROC ................................................................................
DIHRAM 11,103 MAD 2OFr NAPOLÉON .................................366,01€ +7,02 % vissé de 38 % en une seule séance, le n’en pas douter, la direction du groupe
20Fr SUISSE ................................. 362,91€ +7,07 %
TURQUIE ................................................................................
NOUVELLE LIVRE TURQUE 29,2576 TRY
SOUVERAIN ................................. 458,84€ +7,73 % 5 octobre. sera amenée à s’expliquer sur le redres-
EGYPTE ................................................................................
LIVRE EGYPTIENNE 32,59 EGP
KRUGGERAND ................................. 1 956,54€ +4,74 % À l’origine de cette tempête boursière sement du free cash-flow le 15 novem-
A

CHINE ................................................................................
YUAN 7,6902 CNY 50 PESOS ................................. 2 336,93€ +7,1 %
INDE ................................................................................
ROUPIE 87,634 INR 10 DOLLARS ................................. 955,18€ +6,72 % (lire nos éditions du 6 octobre), une bre, lors de la publication des résultats
ALGERIE ................................................................................
DINAR ALGERIEN 145,13 DZD 20 DOLLARS ................................. 1 910,35€ +6,84 % communication financière qui a surpris semestriels de l’exercice 2023-2024. ■
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO
30 MÉDIAS et PUBLICITÉ
Microsoft-Activision : les coulisses d’une
fusion géante dans les jeux vidéo
L’opération à 69 milliards de dollars a été finalisée après des mois de bras de fer avec les autorités antitrust.
CHLOÉ WOITIER £@W_Chloe
JEUX VIDÉO C’est l’épilogue d’une
saga qui, durant près de deux ans,
aura impliqué les principales auto-
rités de la concurrence au monde.
Après avoir mis son veto en avril,
Londres a finalement donné ven-
dredi matin son feu vert à la plus
importante fusion dans le secteur
de la tech et des médias depuis le
rachat de Time Warner par AOL en
2001. « Nous avons franchi le dernier
obstacle réglementaire pour finaliser
cette acquisition », s’est réjoui dans
un communiqué Brad Smith, le
président de Microsoft.
Plus rien ne s’oppose au mariage
à 69 milliards de dollars entre le
géant de l’informatique et Activi-
sion, le plus important éditeur
américain de jeux vidéo (7,5 mil-
liards de dollars de revenus en
2022). Ce dernier est propriétaire de
certaines des plus puissantes licen-
ces du secteur : Call of Duty, World
of Warcraft, Diablo et Candy Crush,
un jeu mobile qui, sous ses airs en-
fantins, a généré plus de 20 mil-
liards de dollars de recettes depuis
sa mise en ligne en 2012.
L’alliance va faire de Microsoft le
troisième acteur du jeu vidéo der-
rière le chinois Tencent et le japo-
nais Sony, le champion des conso-
les de jeux vidéo. Sa division
PlayStation aura ardemment ba-
taillé pour faire capoter cette fu-
sion, avant de rendre les armes le
16 juillet dernier.
Bien peu croyaient à une telle
conclusion en avril dernier. La
Competition and Markets Authori-
ty (CMA) britannique venait de dire
non à l’opération. La Federal Trade
Commission (FTC) américaine,
A
emmenée par une présidente bien
décidée à ne rien laisser passer aux
titans de la tech, préparait son pro-
cès. La Commission européenne
bouclait son enquête approfondie.
Mais Microsoft est parvenu à re-
tourner une situation désespérée. Il
lui aura fallu faire des concessions,
se trouver un allié sous les traits du
français Ubisoft, et tenter un in-
croyable coup de poker qui aura
piégé la FTC de Lina Khan.
Des affaires de harcèlement
Lorsque Microsoft annonce le
18 janvier 2022 son projet de rachat
d’Activision, l’éditeur américain a
un genou à terre. Depuis plusieurs
mois, le groupe est englué dans des
affaires de harcèlements qui en-
traînent des débrayages dans ses
studios de production. Une enquê-
te de Wall Street Journal, publiée en
novembre 2021, enfonce le clou : le
puissant PDG d’Activision, Bobby
Kotick, aurait été au courant des
agissements des managers pointés
du doigt et protégé l’un d’entre
eux. Les appels à la démission se
multiplient tandis que l’action Ac-
tivision plonge. En moins d’un an,
elle sera passée de 104 à 57 dollars.
Microsoft, en quête d’une opéra-
tion structurante pour ses activités
dans le jeu vidéo, décroche alors
son téléphone.
Sony fulmine. Une telle fusion
donnerait du muscle à un concur-
rent qui, en dépit de vingt ans d’ef-
forts avec ses consoles Xbox, n’a ja-
mais remis en cause l’hégémonie de
la PlayStation, aux ventes deux fois
supérieures. L’obtention du portfo-
lio d’Activision renforcerait consi-
dérablement l’attractivité du Game
Pass, l’abonnement de Microsoft
qui permet d’accéder à un catalo-
gue d’une centaine de jeux vidéo,
dont tous ceux issus de ses studios.
Un Game Pass populaire représente
une menace pour l’économie de
Sony, qui repose sur la vente de
jeux vidéo à l’unité.
Le groupe japonais alerte les
autorités de la concurrence. Son
argumentaire se concentre sur la
puissante saga de jeux militaires
Call of Duty, qui jouit d’un statut
particulier dans l’industrie.
D’après les données de Sony, 60
des 151 millions de possesseurs de
consoles PlayStation jouent à cette
saga. Parmi eux, 1 million ne
s’adonnent qu’à cette licence, et
6 millions y consacrent 70 % de
L’alliance avec leur temps… Si Call of Duty deve-
Activision permet nait exclusif à la console Xbox, les
à Microsoft de devenir dommages pour Sony seraient
le troisième acteur considérables, affirme-t-il.
mondial du jeu vidéo À l’exception de la FTC américai-
derrière le chinois
ne, qui lance une procédure contre
Tencent et le japonais
Sony. D. RUVIC/REUTERS la fusion en décembre 2022, les
autorités européennes et britanni-
ques de la concurrence ne sont pas
convaincues par la démonstration
de Sony. La part de marché du ja-
ponais est si importante que, selon
leurs études, Microsoft aurait trop à
perdre à se priver de ce débouché.
Mais leurs enquêtes approfondies,
ouvertes à l’automne 2022, dépla-
cent les débats sur un enjeu inat-
tendu : celui du marché encore bal-
butiant du « cloud gaming ».
Le coup de bluff de Microsoft
La technologie du streaming, déjà
dominante dans la musique et la
vidéo, fait en effet ses premiers pas
dans le gaming. Le défi technique
est néanmoins supérieur. L’affi-
chage des images doit en effet
prendre en compte les commandes
du joueur qui font des allers-re-
tours, via sa connexion à très haut
débit, entre sa manette et le ser-
veur cloud où tourne le jeu. Et ce,
sans décalage.
Une fois que cette technologie
sera mature, elle pourra signer la fin
des consoles de jeux, tout comme
les lecteurs CD et DVD ont été re-
misés dans les greniers. « Ce virage
est une fenêtre d’opportunité pour de
nouveaux entrants. Mais pour réus-
sir, ils devront proposer un catalogue
alléchant de jeux », note la CMA bri-
tannique dès septembre 2022. Tou-
te l’opposition londonienne à la fu-
sion vient de ce point. Microsoft n’a
jamais caché ses ambitions de long
terme dans le cloud gaming. En
s’appropriant l’exclusivité du cata-
logue d’Activision, il se donne les
moyens de démarrer cette course
avec une belle longueur avance.
Pour apaiser ces inquiétudes, Mi-
crosoft signe des accords de distri-
bution avec des acteurs du cloud
gaming (Nvidia, Boosteroid…). Il y
ajoute un contrat avec Nintendo,
qui lui assure la sortie des jeux Call
of Duty sur ses consoles pour les dix
prochaines années. « Nous appor-
tons Call Of Duty à 150 millions de
joueurs supplémentaires », clame
Microsoft dans des publicités. Le
groupe américain pense l’affaire
réglée, et ce sera le cas le 15 mai
2023 du côté de l’Union européen-
ne. Mais le 26 avril, c’est la douche
froide : l’antitrust britannique met
son veto au rachat.
« C’est le jour le plus sombre des
quatre décennies de présence de Mi-
crosoft au Royaume-Uni », éructe
son président Brad Smith sur la
BBC. « Les innovateurs mondiaux
prendront note du fait que, malgré
toute sa rhétorique, le Royaume-Uni
est fermé aux affaires », ajoute Bob-
by Kotick. « Il est important que nos
régulateurs prennent conscience de
leurs responsabilités dans la crois-
sance économique » du Royaume-
Uni, tacle quelques jours plus tard le
ministre des Finances Jeremy Hunt.
Les deux entreprises font appel, et
embauchent les meilleurs avocats.
C’est alors que débute un grand
coup de bluff. Selon une enquête de
Bloomberg, Microsoft aurait fait
fuiter dans la presse une fausse in-
formation : le groupe s’apprêterait à
finaliser le rachat malgré l’opposi-
tion de la CMA. La cible de cet enfu-
mage est la Federal Trade Commis-
sion américaine, qui doit débuter
son procès contre Microsoft en
août. Prise au dépourvu, la FTC sai-
sit le 12 juin la justice pour suspen-
dre en urgence l’opération. Elle
tombe la tête la première dans le
piège tendu par Microsoft, qui parie
sur son manque de préparation. Ses
prédictions s’avèrent justes.
Au terme de cinq jours d’audi-
tion, la juge Jacqueline Scott Cor-
ley tranche le 11 juillet : « La FTC
n’est pas capable de prouver que
cette opération est susceptible d’af-
faiblir la concurrence. La demande
d’injonction préliminaire est donc
rejetée. » C’est une claque pour les
équipes de Lina Khan, qui se re-
trouvent hors-jeu. Et un autre
coup de théâtre se prépare de
l’autre côté de l’Atlantique. La
CMA annonce dès le lendemain la
suspension de la procédure d’appel
initiée par Microsoft, et ouvre la
porte à un terrain d’entente. Qua-
tre jours plus tard, Sony enterre la
hache de guerre. Il obtient la ga-
rantie que Call of Duty continuera
de sortir sur ses consoles durant
dix ans. Il réclamait initialement
un accord à perpétuité.
Le groupe américain n’a désor-
mais plus qu’à convaincre Londres.
Le 22 août, il fait une proposition
surprenante. Il propose de céder à
perpétuité au français Ubisoft (As-
sassin’s Creed, les Lapins Crétins…)
les droits « cloud gaming » des jeux
PC et consoles d’Activision-
Blizzard. Ubisoft sera donc le seul
interlocuteur des services en strea-
ming souhaitant ajouter Call
of Duty ou Crash Bandicoot à leurs
catalogues. Cette suggestion est un
« game changer » selon les mots de
Sarah Cardell, présidente de la
CMA. « C’est une cession d’activité.
Ubisoft va prendre des décisions in-
dépendantes sur la manière dont ce
contenu va être distribué à des
tiers », expliquait-elle sur Bloom-
berg. Au terme d’un an de procé-
dure, le dernier obstacle a été levé.
« Microsoft n’a rien gagné à ce
retard », clame aujourd’hui Sarah
Cardell dans le Financial Times.
« Cela lui a simplement coûté du
temps et de l’argent, alors qu’il
aurait pu parvenir à cette solution
bien avant. » La FTC, elle, ne
s’avoue pas vaincue et continue de
travailler sur ce dossier. Mais
l’autorité américaine n’a plus les
moyens d’annuler le rachat. Ce
dernier a été finalisé vendredi
après-midi. ■
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO - N° 24 617 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr
GASTRONOMIE
LE RITZ ROUVRE ENFIN SON RESTAURANT
GASTRONOMIQUE ESPADON,
CONFIÉ À LA CHEF EUGÉNIE BÉZIAT PAGE 36
JAY BLAKESBERG/MEDIAPUNCH/©DALLE APRF ; STUDIO PAM ; CHANDON
Madonna sur scène
lors du « Blond
Ambition Tour », en 1990.
ROBERT ALTMAN, MIROIR
SANS TAIN DE L’AMÉRIQUE
LE FESTIVAL LUMIÈRE DE LYON PRÉSENTE UNE RÉTROSPECTIVE
DU RÉALISATEUR DE « MASH ». UNE OCCASION RARE.
ÉRIC NEUHOFF eneuhoff@lefigaro.fr
u moins, les choses étaient
A claires. « Si je devais choisir
entre vous et mon travail, je
vous laisserais tomber dans
la seconde », avait dit
Robert Altman à sa femme et à ses en-
fants. Le celluloïd lui coulait dans les
veines, avec pas mal de litres de
whisky. Le succès arriva sur le tard,
grâce à Mash (1970), une des rares
comédies à avoir obtenu la palme d’or.
Le réalisateur ne toucha pas un dollar
là-dessus, ce qui n’arrangea pas son
humeur contre Hollywood. C’était un
rebelle, autant qu’on puisse l’être
derrière une caméra. Il a touché un peu
à tout, s’est attaqué au western (John
McCabe, 1971), a adapté Chandler (Le
Privé, 1972, avec un Elliott Gould désa-
busé) et Raymond Carver (Short Cuts,
1993). Sa spécialité résida peut-être
dans les films choraux. Nashville (1975)
compte vingt-quatre personnages
gravitant dans la Mecque de la country
music ; Un mariage (1978) en compte le
double, se bousculant au cours d’une
noce virant à la catastrophe.
Le cauchemar des studios
Le scénario n’était pas sa préoccupa-
tion majeure. Il misait sur l’atmos-
phère et l’improvisation. Cela donnait
le pire et le meilleur. Il lui arrivait de
s’embarquer dans de la poésie fu-
meuse, des rêves abscons. Les specta-
teurs de Trois femmes (1977) ou de
Quintet (1979) en gardent un doulou-
reux souvenir. Ce « maverick » tenait à
sa liberté. Il était le cauchemar des stu-
VIN
COMMENT LE MOUSSEUX CHANDON
VEUT DEVENIR UNE MARQUE LIFESTYLE
PAGE 37
MADONNA
LA RENAISSANCE
D’UNE ICÔNE
PROVOCATRICE
À 65 ANS, LA STAR REMONTE SUR SCÈNE,
DÉCIDÉE À REVIVIFIER SON HÉRITAGE ARTISTIQUE.
UN RETOUR ATTENDU QUI SUSCITE
DES QUESTIONS. PAGES 32 ET 33
dios. On lui doit quelques solides catas-
trophes comme Buffalo Bill et les In-
diens (1976) ou Popeye (1980). Sa colla-
boration avec Paul Newman connut
des hauts et des bas. Pour certains,
Altman était un génie. D’autres le pre-
naient pour un manipulateur égocen-
trique. Il s’engueula avec Warren
Beatty. Dino de Laurentiis le renvoya
du plateau de Ragtime. Il était doué
comme personne, se croyait tout per-
mis. Cela le perdit et lui valut une lon-
gue traversée du désert dans les an-
nées 1980 où il se consacra au théâtre et
à la télévision. Un moment, il vécut à
Paris. La décennie suivante le remit en
selle. Gosford Park (2001) n’avait pas
attendu Downton Abbey pour dévoiler
les dessous de l’aristocratie anglaise.
Kansas City (1996) fut un bel hommage
à sa ville natale. Il ne résista pas au
plaisir de décevoir ses fans, présentant
les désastreux Prêt-à-porter (1994) et
Docteur T et les femmes (2000).
Son dernier long-métrage, The Last
Show (2006), constitue un adieu déchi-
rant à une Amérique provinciale et dé-
modée sur fond de radio en direct.
Altman pouvait tirer sa révérence. Ré-
volté jusqu’au bout, inégal, inclassable,
capable de s’intéresser à Nixon et à Van
Gogh, un joint perpétuellement vissé
au coin de la bouche, il avait toujours
refusé de tourner une suite de Mash
malgré les 5 millions de dollars qu’on
lui proposait. « Dans cette industrie,
beaucoup de gens fabriquent des chaus-
sures. Moi, je fabrique des gants. »
Altman ou le cousu main. ■
Rétrospective Robert Altman, du 14
au 22 octobre au Festival Lumière de Lyon
A
(Rhône). www.festival-lumiere.org
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO
32 L'ÉVÉNEMENT
ARIANE BAVELIER£@arianebavelier
HÉLÈNE GUILLAUME hguillaume@lefigaro.fr
LÉNA LUTAUD £@LenaLutaud
ET OLIVIER NUC £@oliviernuc
C
e samedi 14 octobre, Ma-
donna, 65 ans, lancera le
coup d’envoi de sa tour-
née baptisée « Celebration
Tour » à l’O2 Arena de
Londres. Elle est attendue
à Paris à l’Accor Arena, les 12, 13, 19 et 20
novembre. À l’heure où Beyoncé et Tay-
lor Swift sont les stars mondiales, la Cic-
cone est encore là comme le sont Kylie
Minogue et Cher. À 65 ans, sa longévité
est exceptionnelle. Finalement, elle est
plus forte que la douleur, plus forte que la
maladie. Auteur, compositrice, actrice,
danseuse, femme d’affaires d’une volon-
té de fer à qui personne n’a jamais rien
dicté, cette « entertainer » a repris la
route. On l’a laissée au moment du Covid
à moitié éclopée avec ses genouillères
pour protéger ses ligaments abîmés au
Grand Rex. On pensait ne jamais la re-
voir sur scène. On ne sait pas exactement
dans quelle condition elle revient, car cet
été, elle a dû reporter ses concerts nord-
américains, à cause d’une infection qui a
mis ses jours en danger. Ils s’enchaîne-
ront finalement tout de suite après sa
tournée européenne. Ensuite, elle tra-
vaillera sur son biopic dont le scénario
est déjà très développé grâce au travail
effectué pour ce « Celebration Tour ».
Pour toutes ces raisons, l’attente des fans
à la fidélité peu égalée est à son comble.
Peu importe si ces dernières années, Ma-
donna les maltraite de façon insupporta-
ble en arrivant sur scène très en retard
sans jamais s’excuser et en insultant les
spectateurs pas assez réveillés à son goût.
Son public, composé en grande partie de
gays de 35 à 70 ans, excuse plus ou moins
ce comportement. Si son nouveau visage
est méconnaissable, que les prix des
billets sont délirants (de 133 euros en ca-
tégorie 2 à 386 euros en carré or avec
cinq tarifs en fosse or à 276 euros), cette
tournée s’annonce fort rentable. Les
produits dérivés comme le bombers ico-
nique du « Blond Ambition Tour » sont
en vente depuis déjà plusieurs semaines.
Mais, surtout, pour la première fois, elle
ne sera pas accompagnée de musiciens
sur scène. Cela économise les cachets, les
nuitées d’hôtel et les billets d’avion.
Chanter sur des multipistes, les rappeurs
le font depuis toujours, mais le public de
Madonna n’y est pas habitué. Visuelle-
ment, elle fera toujours des entrées et des
sorties spectaculaires, sera entourée de
danseurs, portera des tenues iconiques,
projettera des vidéos somptueuses, mais
il n’y aura pas les guitaristes et le batteur.
Ou alors seulement sur une poignée de
titres. Elle chantera sur les enregistre-
ments originaux de chaque titre.
La pop star veut fêter ses 40 ans de car-
rière. De ses débuts à New York à ses
éveils spirituels… ce qu’on appelle dans
le jargon du showbiz un « greatest hit
tour ». Son directeur musical, Stuart
Price, a donné cette semaine une inter-
view à la BBC : « Un best-of, ce n’est pas
seulement une chanson. Cela peut être un
costume, une vidéo, une déclaration. » Il
faut s’attendre à un documentaire d’un
nouveau genre basé sur quatre décennies
d’archives vidéo et d’enregistrements
sonores. Comment inclure les dizaines
de tubes de la star dont Holiday, Like a
Virgin, Vogue, Hung Up, Like a Prayer,
Material Girl, Frozen… en deux heures ?
« C’était le challenge, a reconnu Stuart
Price. Pour chaque grand moment qu’elle
a vécu, nous avons pris un petit bout. Il y a
aura 45 chansons, dont 25 chantées inté-
gralement. » Ses enfants monteront-ils
sur scène ? Au Grand Rex en 2020, la ma-
triarche avait fait chanter a cappella Ex-
press Yourself à Mercy James, Esther et
Stella, tandis que Lourdes, d’une beauté
saisissante, apparaissait dans une vidéo
sur Frozen. Cette semaine, entièrement
A
nue, Lourdes rend hommage à sa mère
qu’elle « vénère » dans le clip Spelling,
MADONNA
DIX QUESTIONS
SUR UN RETOUR
inspiré justement de Frozen. Autant de
mystères qui devraient être éclaircis dès
demain à Londres. En attendant, Le Fi-
garo lève le voile sur d’autres questions.
SUR SCENE
LA CHANTEUSE DÉBUTE
1
À quand remonte
SON « CELEBRATION TOUR »
son dernier tube ?
La dernière chanson de Madonna
à avoir été classée numéro un aux À LONDRES CE SAMEDI AVANT
IDOLS/©DALLE APRF ; BERNARD MOUILLON /© DALLE APRF ; STÉPHANE PARPHOT ; INF/©DALLE APRF ; KNIPS/© DALLE APRF
États-Unis est Music, en 2000.
Tiré de l’album du même titre, le single
s’est écoulé à 7 millions d’exemplaires,
PARIS À LA MI-NOVEMBRE.
rejoignant la cohorte des grands succès
de la chanteuse. Inspiré par un concert SI UNE GRAVE ALERTE
new-yorkais de Sting auquel elle avait
assisté quelques mois pus tôt, Music a été SUR SA SANTÉ A ÉTÉ LANCÉE
écrit et composé par Madonna et le
Français Mirwais Ahmadzaï, fondateur
du groupe Taxi Girl. Présent sur quatre
CET ÉTÉ, ELLE DÉMONTRE
albums de la star, y compris le dernier en
date, Madame X, Mirwais a été un acteur
QU’ELLE N’EN A PAS FINI
clé de la seconde partie de la carrière de
Madonna. Laquelle peine à retrouver de-
AVEC LA SCÈNE. L’OCCASION
puis quinze ans le sommet des charts,
qu’elle a fréquenté avec assiduité pen- DE FAIRE LE POINT
dant de longues années.
SUR SA CARRIÈRE ET
2
Les jeunes vont-ils
s’enflammer pour elle ?
Apparue au milieu des années
DE S’INTERROGER
1980, Madonna a été l’objet de
l’adulation des personnes nées
SUR SON
dans les années 1970 et 1980. Les adoles-
centes ont trouvé en elle une sorte de
AVENIR.
grande sœur délurée, un modèle
d’émancipation féminine, et les garçons
en ont fait une petite amie fantasmée.
Depuis, la jeunesse, avide de nouveautés,
s’est trouvé d’autres idoles. Lady Gaga
ou Beyoncé ont su s’attirer les faveurs du
public en allant encore plus loin que la
Material Girl. Si elle reste admirée des
quadras et des quinquas, elle est beau-
coup moins attractive pour les jeunes gé-
nérations. Le prix prohibitif des concerts
en font la cible d’adultes au pouvoir
d’achat confortable.
3
Quel héritage
laissera-t-elle ?
L’impact de Madon-
na sur la culture
populaire ne sau-
rait être sous-estimé. Sur-
gie au milieu des années
1980, cette jeune femme
inspirée par Debbie
Harry et David Bowie a
rangé ses aspirations de
danseuse en prenant la pensée a été ne
mesure de la puissance des pas décevoir les per-
pop stars. Si elle n’a jamais sonnes qui ont acheté des
été une grande chanteuse, sa billets pour (sa) tournée». Mi-sep-
détermination et son enthousiasme lui tembre, elle a repris ses répétitions à
ont permis de s’imposer dès ses premiers New York. D’abord avec ses dan-
morceaux. La figure culte de l’under- seurs dans sa propriété des Hamp-
ground new-yorkais, proche de Basquiat tons près de New York, puis jusqu’à
et de l’avant-garde, est devenue une ce jeudi 12 octobre à Londres. « La
idole populaire selon ses propres termes. personne qui s’apprête à remonter sur
Elle a inventé une grammaire héritée du scène est incroyable physiquement et vo-
mouvement disco en imposant son indé- calement, et dans la performance. Ma-
pendance et son ultraféminité. Elle a donna est très dure avec elle-même. L’op-
surtout su s’entourer de collaborateurs à portunité qu’elle a eue de s’occuper de sa
la pointe, de Nile Rodgers à Mirwais, en santé a aussi été l’occasion d’améliorer
passant par Patrick Leonard, Pharrell davantage le show », a affirmé Stuart Pri-
Williams ou Prince. Madonna a changé la ce sur la BBC.
pop en lui donnant une dimension pla-
5
nétaire. Ses plus grands shows sont en- Son nouveau visage
trés dans l’histoire du spectacle, et son est-il féministe ?
tempérament a marqué des générations. Atroce, horrible… À cha-
Elle laissera de nombreux héritiers, que nouvelle photo
autant dans le hip-hop, la musique élec- postée sur ses réseaux
tronique ou la pop. sociaux, le nouveau visage de
Madonna fait hurler. On ne
4
S’est-elle remise sait plus si elle a 25 ou
d’avoir failli mourir 105 ans tant ses yeux, ses
il y a trois mois ? pommettes et la forme
Fin juin, les rédactions du de son visage sont une
monde entier sont en « brea- caricature qui renvoie
king news ». Danseuse avant d’être au fantasme de la fé-
chanteuse, Madonna n’accepte pas qu’à minisation à outran-
partir d’un certain âge le corps ne puisse ce. Avec Cher et Kylie
plus suivre. Exténuée par ses répétitions, Minogue, elle est la
elle contracte une infection bactérienne. première pop star fé-
Plongée dans le coma, elle est admise en minine à vieillir sous
soins intensifs à New York. Reconnais- les yeux du public.
sant avoir frôlé le pire, elle a expliqué que Des trois, Madonna
sa « première pensée quand (elle s’est) ré- symbolise le plus
veillée allait à (ses) enfants. (Sa) seconde la difficulté à
 LE FIGARO samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023

L'ÉVÉNEMENT 33
SPECTACLE HOMMAGE
Avis aux fans ! L’Alhambra à Paris propose Holidays,
une comédie musicale composée à partir de
chansons de Madonna. Ambiance rose bonbon.
On a l’impression d’être dans la chambre de Barbie !
Quatre amies d’enfance s’y retrouvent autour
de leur passion commune pour la reine de la pop
et interprètent ses tubes en dansant.
Certaines ont réussi, d’autres moins. L’une d’elles
est une riche héritière. L’histoire, sans prétention,
est racontée avec une bonne humeur et un entrain
communicatifs. Nathan Guichet et Gaétan Borg
livrent un spectacle rafraîchissant porté par quatre
artistes talentueuses qui chantent en anglais
et en direct. Dans la salle, le public bat la mesure. N. S.
Jusqu’au 31 décembre à l’Alhambra (Paris 10e).
Loc. : 01 42 64 49 40.

vieillir. Contrairement à Isabella Rossel-
lini, qui s’amuse avec douceur de ses ri-
des, ou Andie MacDowell, qui affiche
crânement sa crinière grise, Madonna
hait profondément être ramenée à son
âge. Dans cette lutte contre le temps,
Madonna a néanmoins échoué. « Après
trop d’interventions esthétiques à base de
Botox et les liftings, le visage ne tient plus,
explique Sunny Saint Louis, fan de la
chanteuse et expert en chirurgie esthéti-
que. La seule solution pour avoir l’air jeu-
ne est de lui recréer un visage en retendant
différemment les tissus. Ce n’est pas tra-
racontait Patrick Hernandez, l’an passé.
Trois ans plus tard, elle sort Holiday, qui
se vend à plus de 10 millions d’exemplai-
res. » En 1987, à 29 ans, elle est au som-
met et se produit à Paris. Hernandez est
au fond du trou, ruiné. Il a de ses nouvel-
les par des connaissances communes,
mais elle ne répondra jamais au petit mot
qu’il lui a laissé au Crillon. « C’était une
belle rencontre, et je veux garder ce sou-
venir-là. Je ne suis pas certain d’être fas-
ciné par la femme qu’elle est devenue »,
conclut-il.
danse : c’est le surnom que lui donnait
Martha Graham, papesse de la modern
dance auprès de qui elle prend des cours
dans le petit studio de New York, bien
avant de penser à chanter : « Elle m’a plu
énormément. Elle est directe. C’est une
non-conformiste. Elle ne fait que montrer
sur scène ce que la plupart des femmes
dissimulent », écrit, dans Mémoire de la
danse, Martha Graham, qui la surnom-
me ainsi parce que « chaque jour, tu viens
en cours sans que je te reconnaisse. Cha-
que jour, tu changes d’identité. Tu es un
mystère pour moi ».
disparue sous les bombes de la Grande
Guerre mais qui est réapparue en 1989,
acquise 1,3 million de dollars par la star
comme une copie, lors d’une vente aux
enchères chez Sotheby’s New York. Une
simple demande de prêt pour ce Diane et
Endymion, commande royale de 1817
exécutée en 1822 par Jérôme-Martin
Langlois (élève de Jacques-Louis David)
a été adressée, le 17 janvier 2023, à la
chanteuse via les réseaux sociaux par
Brigitte Fouré, maire UDI d’Amiens. La
ministre de la Culture, Rima Abdul Ma-
lak, a été interpellée à ce sujet, le Quai
Ci-dessus, de gauche à droite :
Madonna lors d’un défilé
de Jean Paul Gaultier, en 1992 ;
l’artiste sur scène à Paris, en 1990,
lors du « Blond Ambition Tour » ;
la comédie musicale Holidays, à voir
ces jours-ci à L’Alhambra, à Paris ;
la star en 2006, lors de l’étape
new-yorkaise de son « Confessions
World Tour », au Madison
Square Garden de New York.
Au centre : lors d’un concert
à Rotterdam, en 1990.

8
gique, elle est suffisamment intelligente Qui va créer les costumes d’Orsay également. Les héritiers du

10
pour en jouer. » Modifier son visage serait de la tournée ? Va-t-elle enfin peintre se sont manifestés. Mais, outre-
finalement une étape supplémentaire de Grand mystère encore à l’heu- prêter le tableau Atlantique, l’intéressée n’a pas daigné
la liberté absolue qui la caractérise. re de sa première date. Dans que la France répondre à la France. De par la loi, les
un milieu de la mode où tout lui réclame ? collections de nos musées publics sont

6
Va-t-elle de nouveau créer
le scandale ?
La plus rebelle des stars de la
pop a toujours aimé provo-
quer. Elle a échangé un baiser
avec Britney Spears puis avec Christina
Aguilera à la cérémonie de MTV en 2003.
Mais ses ceintures siglées « Toy Boy »
(jouet à garçon) font hurler les lesbien-
nes et les féministes. D’une façon géné-
rale, Madonna fascine les femmes autant
qu’elle les divise. « L’hypersexualité dans
les clips Justify My Love et Express Your-
self a suscité beaucoup de débats, expli-
que Morgane Giuliani dans Féminismes et
Musique. La pop de Madonna à jours (Édi-
tions Le mot et le reste). Pour certaines
féministes, l’esthétique érotique et porno-
graphique est indissociable de la miso-
gynie et du machisme. Madonna aurait
contribué à créer un nouveau féminis-
me sexualisé empruntant aux codes
du travail du sexe. Elle aurait de ma-
nière significative normalisé la
prostitution et la pornographie. »
Madonna a aussi osé défiler seins
nues dans une robe corset pour
Jean Paul Gaultier. Elle a pu-
blié un livre érotique vendu
sous blister et intitulé
S.E.X, où elle dévoile son
attrait pour le BDSM.
Avec la religion catho-
lique, son attitude est
provocante. Ses
clips comme celui
de Like a Prayer,
où elle prie dans
une église en sé-
duisant un prê-
tre scandali-
sent le
Vatican.
Considéré
comme
blasphé-
matoire, ce
secret est rapidement éventé, le ou les Amiens se désespère pourtant imprescriptibles et inaliéna-
noms des designers qui habilleront Ma- de recouvrer une toile monumentale de bles. Une plainte pour vol, déposée en
donna restent inconnus. Il y a six mois, son musée de Picardie ; œuvre réputée 2015, court toujours… ■
dans une interview à Gala, Jean Paul
Gaultier (JPG), avec sa spontanéité lé-
gendaire, confiait être en contact avec sa
grande copine pour réinterpréter cer-
tains de ses hits, dont le corset à seins co-
niques de la tournée de 1990 - ce qui pa-
raît cohérent avec le concept même de
cette tournée célébrant sa carrière. Mais
en juillet, Guram Gvasalia, de la marque
Vetements (frère désormais ennemi de
Demna, le designer de Balenciaga, et
connu pour ses controverses), postait sur
son compte Instagram une photo de lui
avec Madonna dont la légende affirmait
qu’ils travaillaient ensemble depuis des
mois sur son vestiaire… Dans le passé,
d’autres pointures de la mode l’ont ha-
billée, de Dolce & Gabbana à Givenchy,
Versace, Christian Lacroix, Prada,
Alexander McQueen ou, récemment,
Olivier Theyskens.
Quoi qu’il en soit, la star, qui a changé la
façon dont on pensait la scène en 1990
avec son « Blond Ambition Tour » et ses
tableaux hors norme, est, trente ans
après, challengée par son héritière
Beyoncé. Cette année, Queen B a rebattu
les cartes avec son « Renaissance World
Tour », pour lequel elle a confié ses cos-
tumes à un designer différent à chaque
date, de préférence local, qu’il soit d’une
grande maison (Alexander McQueen,
Gucci, Courrèges, Pharrell pour Louis
Vuitton) ou d’une jeune marque indé-
pendante (Marine Serre, Coperni, etc.).
Seulement, malgré des ventes de tickets
records et un show au cordeau, cette su-
renchère de combinaisons à paillettes a
fini par lasser les observateurs sur les ré-
seaux sociaux. Et finalement, aucune de
ses tenues n’égalera dans l’histoire le
corset « aux nénés pointus comme des
cornets à la crème » de JPG.

clip est in-
terdit en
Italie. Sous
le pontificat
de Benoît XVI,
après avoir si-
mulé une scène de masturbation sur Like
a Virgin, elle est jugée « hérétique » et
frôle l’excommunication. Au fil des an-
nées, elle est de plus en plus hors sol. En
2020, lors de la tournée « Madame X »,
son goût pour la provocation dépasse les
limites. Trois heures de retard sur scène
quand elle n’annule pas au dernier mo-
ment…, les fans excédés la menacent de
poursuite judiciaire. Quelques mois plus
tôt, elle allait jusqu’à se promener avec
un niqab à l’aéroport JFK en plein rama-
dan. Son public gay honni par les isla-
mistes n’a pas compris.
9
Reste-t-elle
une danseuse acharnée ?
« Want to collaborate ? » C’est
par ce simple message que
Madonna a contacté les choré-
graphes du ballet marseillais (La)Horde.
Elle ne leur a pas demandé s’ils voulaient
travailler avec elle. Sans doute a-t-elle
envoyé le même message à Sidi Larbi
Cherkaoui, qui met également la patte à
son « Celebration Tour ». Madonna a
connu un succès planétaire en chantant,
mais elle est née danseuse et danseuse
est restée : comme Noureev, elle fait at-
tendre son public, parce que, comme lui,
elle se chauffe sans pouvoir prévoir à
quel moment elle sera prête. Elle reste
extrêmement attentive aux nouveaux
talents de la danse. En 1990, elle signe
Vogue, hommage à la danse under-
ground queer, qui reprend les poses des

7
Est-elle toujours proche
de Patrick Hernandez ?
À la fin des années 1970, Ma-
donna auditionne pour Foot-
loose ou Fame, mais c’est le
chanteur français Patrick Hernandez qui
l’emmène en France pour danser sur
scène sur son tube Born to Be Alive. Elle a
19 ans. « Nous partagions un appartement
en bons amis, elle n’a jamais dansé derriè-
défilés de mode. À Marion Motin, dan-
seuse anonyme du « MDNA Tour », en
2012, elle propose de signer une choré-
graphie. Madonna collabore avec qui
l’intéresse : « Ado, j’étais fan d’elle. Elle
reconnectait le corps au sacré », confie
Damien Jalet qui est tombé de sa chaise
lorsque la chanteuse lui a demandé de
chorégraphier le « Madame X Tour ».
« On se met en studio et on propose. Elle
A

re moi, ne voulait pas chanter et a retra- est très ouverte et très créative », dit-il.
versé l’Atlantique au bout d’un an », nous « Madame X » est aussi un hommage à la
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO
34 CULTURE
LES GRANDES
GALERIES D’ART
FACE AU CASSE-TÊTE
DE LA SUCCESSION
LEUR SUCCÈS REPOSE SOUVENT SUR UN NOM, UNE PERSONNE,
UN PARCOURS. LE PASSAGE DE RELAIS S’AVÈRE COMPLIQUÉ.
DÉCRYPTAGE À LA VEILLE DE LA FOIRE PARIS+, PAR ART BASEL.
VALÉRIE DUPONCHELLE
£@VDuponchelle
ET BÉATRICE DE ROCHEBOUËT
bderochebouet@lefigaro.fr
es galeries sont souvent liées à
L un nom, comme les dynasties.
Mais, sans les règles monar-
chiques qui assuraient la pé-
rennité du pouvoir, elles ne
sont pas protégées des questions de suc-
cession. Presque toujours, le succès
d’une galerie a le nom de celui ou de cel-
le qui l’a créée. Date de péremption ?
Que reste-t-il vraiment du panache de
la Galerie Leo Castelli, découvreur du
pop art à New York, mort le 21 août 1999
à 91 ans ? Ou de la Galerie Denise René,
reine de l’abstraction géométrique à Pa-
ris, morte le 9 juillet 2012 à 99 ans ? Étu-
de de cas alors que la seconde édition de
Paris+ par Art Basel, version française
de la foire suisse Art Basel, ouvre au
Grand Palais éphémère, du 20 au 22 oc-
tobre. Elle annonce 154 galeries, dont
16 nouvelles, provenant de 33 pays. De
quoi s’interroger sur leur modèle, in-
tensément personnel, sur leur avenir,
leur succession n’étant pas toujours as-
surée. Certains y pensent, d’autres non.
Difficile de se projeter, d’imaginer une
fin, quand les affaires continuent de
battre leur plein. La pérennité d’un nom
pouvant devenir une marque et se re-
vendre au mieux reste fragile. Elle repo-
se souvent sur une seule grande figure
A
qui a mis des années à construire son
empire. Des personnalités fortes, atypi-
ques, parfois fantasques. Des caractères
au tempérament de feu ou de fer, ma-
niant le charme ou la discrétion. Et
après eux ?
Destinée éphémère
L’annonce en septembre dernier de la
fin de l’activité de Jean Fournier, mort à
84 ans en 2006, souligne combien la
destinée d’une galerie reste éphémère.
La disparition en décembre 2022 de son
compagnon, Jean Bonnet, devenu pré-
sident à son décès, a sonné le glas d’une
aventure de près de soixante-dix ans. La
galerie était réputée pour avoir défendu
le Hongrois Simon Hantaï et les peintres
américains et nord-américains - Sam
ROBERT LAKOW/FIGAROPHOTO.COM
Francis, Shirley Jaffe, Joan Mitchell ou
Jean Paul Riopelle - venus s’installer en
France dans les années 1950. Ses héri-
tiers, hors du monde de l’art, ont an-
noncé qu’ils fermeraient définitivement
en 2024 la galerie de la rue du Bac, diri-
gée depuis 2013 par l’ex-conservatrice
du Musée Matisse du Cateau-Cambrésis,
Émilie Ovaere-Corthay. On imagine
que son stock sera bientôt sur le
marché…
Les disparitions ne riment pas forcé-
ment avec arrêt forcé. Cela fait presque
un an que Suzanne Tarasiève, 73 ans,
s’en est allée après un cancer fou-
droyant. Sans enfants. Malade, elle a or-
ganisé bravement sa succession, léguant
Ci-dessus : Thaddaeus Ropac
dans sa galerie à Pantin.
À droite : Larry Gagosian dans sa galerie
à Londres (en haut) et Marian Goodman
dans galerie à New York.
sa galerie à ses quatre assistants (Julien
Bouharis, Alice Vagany, Veovansy Veo-
praseut et Lucas Marseille), réglant les
droits de succession pour qu’ils puissent
recommencer sans l’enclume des det-
tes. Miniature blonde perchée sur ses
talons, cette reine flamboyante fut une
défenseuse des ténors allemands, Georg
Baselitz, Jörg Immendorff, Markus Lü-
pertz et A. R. Penck… Pour les jeunes
aussi, le Grec Alkis Boutlis, le Roumain
Alin Bozbiciu (inauguration ce samedi,
au 7, rue Pastourelle, Paris 3e), le Suisse
Léopold Rabus et, bien sûr, Eva Jospin,
des débuts jusqu’à ses expositions, cet
été au Palais des papes à Avignon. Celle-
ci est désormais la vedette de la Galleria
Continua. Le trésor des galeries, ce sont
les artistes à succès. Et la guerre des ar-
tistes suit souvent la fin d’un règne.
Vont-ils suivre plus d’un capitaine ?
Un allant indestructible
Cela fait aussi près d’un an que le doyen
des galeristes parisiens, Claude Bernard,
93 ans, a quitté la scène, des suites d’une
longue maladie. On le croyait immortel,
ce sphinx au sourire doux. Il était né en
octobre 1929 et ne parlait jamais de son
âge, superstition ou sens aigu des affai-
res qui aurait pu le trahir. Sa galerie du
5-7, rue des Beaux-Arts à Paris, au cen-
tre de Saint-Germain-des-Prés, qui a
vu défiler Francis Bacon, Balthus, Lu-
cian Freud, David Hockney, Sam Sza-
fran, Goudji et Ronan Barrot, a été re-
prise par son neveu Michel Soskine,
fondateur des galeries Claude Bernard
Ltd. New York et Michel Soskine Inc.
Madrid-New York. L’avenir dira s’il a
autant de charme, de goût et de pouvoir
de séduction que son oncle.
Marian Goodman est une légende de
l’art « made in America », avec Ileana
Sonnabend, qui fut Mrs Leo Castelli
(disparue en 2007), Paula Cooper, qui a
ouvert sa galerie à Soho en 1968, ou Bar-
bara Gladstone, qui a créé sa galerie en
1980 et ne dit pas son âge. Marian Good-
man, c’est une institution qui rassemble
une écurie d’artistes purs et durs, de Ta-
cita Dean à Pierre Huyghe, de William
Kentridge à Hiroshi Sugimoto, de feu
Marcel Broodthaers à feu Robert Smith-
son. Née en 1928, cette Américaine a
longtemps stupéfié son monde par son
allant indestructible. Le 7 juin 2018, elle
traversait d’un pas énergique la fête pri-
vée, d’une élégance royale, concoctée
pour ses 90 ans à Versailles. À 95 ans,
elle vit désormais à Los Angeles, a levé le
pied, au moins pour les voyages. Elle a
deux enfants - pas des jeunots -, qui ne
travaillent pas dans l’art et n’ont jamais
travaillé avec elle. Elle a déjà organisé sa
suite en confiant la direction de son
royaume à Philipp Kaiser, un Suisse-
Allemand venu du monde des musées
(le Ludwig, le Lacma).
Ce « president and partner » fait la
programmation des trois galeries Ma-
rian Goodman, New York, Paris et dé-
sormais Los Angeles, à Hollywood, qui
vient d’ouvrir le 23 septembre avec une
exposition « Steve McQueen ». C’est lui
qui assure le contact avec les artistes
- les nouveaux dieux - et a fait entrer la
Colombienne Delcy Morelos dont la
première exposition ouvre ce samedi
14 octobre chez Marian Goodman Paris.
Contre-attaque ? Sa star, le peintre alle-
mand Gerhard Richter, l’a quittée en
décembre 2022, à 90 ans, après trente-
sept ans de symbiose, pour le galeriste
allemand de New York David Zwirner.
En octobre 2020, elle avait annoncé la
fermeture de sa superbe galerie à Lon-
dres, 23 Golden Square. Basé à Los An-
geles, Philipp Kaiser est assisté de quatre
autres « partners », dont deux « mana-
ging directors », Rose Lord et Emily-Ja-
ne Kirwan, déjà aux manettes. Marian
Goodman a annoncé le déménagement,
l’an prochain, de sa galerie historique de
Manhattan, près du MoMA, pour un im-
meuble entier, avec espace sur rue, à
Tribeca, le nouveau quartier de l’art à
New York. D’avis officieux, « il s’agit de
garder l’ADN de la galerie, pas de s’épar-
piller à travers le monde. Beaucoup des
employés de la galerie sont là depuis des
années et ont une estime énorme pour
Marian Goodman. » Un vœu pieux ?
Larry Gagosian, 78 ans, a créé un
empire (19 galeries dans le monde) de-
puis ses débuts dans les années 1980 à
Los Angeles. Cet Américain de souche
arménienne est sans enfants et donc
sujet à spéculations. Surtout depuis
qu’il a annoncé, le 16 novembre 2022,
la création d’un « board », sorte de
« think-tank pour envisager une vision
très positive du futur et garder une ca-
pacité très réactive sur les nouvelles
idées ». Ce « board » se réunit deux fois
par an à New York et regroupe, autour
des membres de la galerie, dont Serena
Cattaneo, directrice de Gagosian Paris,
13 membres extérieurs, choisis « pour
leur expertise » : dont Delphine Ar-
nault, la fille de Bernard Arnault, la ci-
néaste Sofia Coppola et l’artiste britan-
nique Jenny Saville. Gagosian a
démenti être en pourparlers avec
LVMH (Louis Vuitton Moët Hennessy),
numéro un mondial des produits de
luxe. Larry Gagosian, « encore très pré-
sent dans toutes les décisions et pro-
grammes de ses antennes, très impliqué
avec ses artistes », garde la main sur
son empire. Il ne communique pas sur
sa succession, ni sur une hypothétique

fondation qui accueillerait sa collection
personnelle.
Superstition ? Tous ont en commun
de ne pas envisager la mort, de ne parler
que de futur. Thaddaeus Ropac, le gale-
riste autrichien de Paris, n’a que 63 ans,
pas d’enfants, et se voit « encore trente
ans » devant lui. « Bien sûr que j’y pense,
mais c’est trop tôt, nous dit-il. La galerie
reflète une période, est le miroir de son
temps. Quand elle passe à la génération
suivante, ce n’est pas la même chose. Ce
n’est plus le même regard, même si l’en-
seigne peut continuer à vivre sur ses ac-
quis et innover. J’ai la chance de travailler
avec les Estates Joseph Beuys et Donald
Judd, avec les grands artistes que sont
Baselitz, Kiefer, Valie Export, Tony
Cragg. Ce qui reste après, ce n’est pas un
stock, mais le cœur d’une collection épu-
rée au fil des ans. C’est une grande res-
ponsabilité que de la transmettre. Pas né-
cessaire d’avoir son propre lieu », dit
celui qui a créé sa pionnière Cité des arts
à Pantin en 2012. Il envisage d’ « y créer
peut-être des résidences d’artistes et de
donner (sa) collection à un musée, pas
forcément en Europe, pourquoi pas en
Asie, dans le monde demain ».
Juste avant Art Basel en juin dernier,
Emmanuel Perrotin, 55 ans et trois jeu-
nes enfants en deux couples, a fait l’évé-
nement avec l’annonce de son rachat
par Colony IM, puissant fonds d’inves-
tissement européen. Les négociations
en cours seraient complexes. Son fon-
dateur, qui a fait valoir la marque Perro-
tin, conservera les 40 % restants, ainsi
que les rênes de l’entreprise. Quel ob-
jectif ? Officiellement, « pour optimiser
la visibilité de ses artistes et se développer
encore plus à l’international ». Officieu-
sement, pour sécuriser ses arrières et
vivre enfin. Le temps dira si cette option
était la bonne. Envisager sa succession
est une question d’âge, de philosophie et
de résistance au stress.
« Comment imaginer l’avenir ? Il y a
tellement d’impondérables - la rencontre
d’un artiste, d’un collectionneur, d’un di-
recteur de musée - qui peuvent modifier
votre trajectoire… Depuis le Covid, j’ai
imaginé un troisième chapitre avec le dé-
sir de se projeter autrement », nous
confie Kamel Mennour, dingue de bou-
lot qui commence la journée à 6 heures
du matin par un café et la finit par un
autre café, avant les dîners en famille.
« On n’est pas la même galerie qu’en
1999. J’ai démarré seul, à 24 ans, après
ma maîtrise d’économie. C’était une ga-
lerie de photo qui n’a pas eu de nom pen-
dant au moins un an ! Aujourd’hui, nous
défendons 40 artistes avec une équipe de
47 personnes réparties sur 4 galeries à
Paris. Je suis entouré de gens de qualité,
LE FIGARO samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023
CULTURE 35
LE ROULEAU DES TEMPLIERS SE DÉVOILE
AUX ARCHIVES NATIONALES
LONG DE 22 MÈTRES ET REMPLI D’EFFROI, LE CÉLÈBRE DOCUMENT, QUI RELATE L’INTERROGATOIRE
DES MEMBRES DE L’ORDRE SUPPLICIÉS, EST MONTRÉ EXCEPTIONNELLEMENT.
JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO
CLAIRE BOMMELAER
cbommelaer@lefigaro.fr
lus de 700 ans ont passé, et
P pourtant le procès de l’ordre
du Temple, lancé à l’insti-
gation du roi Philippe le Bel
en 1307, continue de fasci-
ner. Pressentant un succès public, les
Archives nationales exposent donc,
pendant quatre mois, le mythique
rouleau d’interrogatoire des Tem-
pliers, qui mit face à face l’inquisiteur
Guillaume de Nogaret et 138 templiers
de Paris. Cette archive majeure, qui
faisait partie du Trésor des Chartes, est
JAMES ESTRIN/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA/JAMES ESTRIN/NYT-REDUX-REA
exposée dans sa plus simple expres-
sion, sous une vitrine, avec quelques
ARCHIVES NATIONALES DE FRANCE, BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE
explications. Elle permet une rencon-
tre avec un trésor qui ne sort que très
rarement, et repartira ensuite à l’om-
bre pendant au moins trois ans.
Long de 22 mètres, composé de
44 feuillets de peau de chèvre cousus
et à peine jaunis par les siècles, le rou-
leau retranscrit ligne à ligne le procès
et les aveux des chevaliers. Aujour-
d’hui, l’écriture nette pourrait se lire,
si elle n’était pas gothique et en latin,
deux embûches pour ceux qui ne sont
pas paléographes. Grâce à certains ex-
traits traduits et reproduits, ainsi qu’à
l’aide du livret de visite, on peut tout
de même plonger dans un récit d’ef-
froi, dans lequel se mêlent la rumeur,
le mensonge, la torture et la manipu-
lation. Dès 1307, le rouleau eut pour-
tant force de preuves, des seings de
notaires, posés à cheval entre chaque
membrane, devant assurer l’authenti-
cité du document pour la postérité.
Ci-dessus : le rouleau d’interrogatoire
souvent meilleurs que moi dans chaque Victimes collatérales des templiers retranscrit le procès
département. La création du Mennour Créé en 1119 au moment des croisades, et les aveux des chevaliers.
Institute, le 18 septembre, avec Sylvie l’ordre des « Pauvres chevaliers du
Patry, venue du Musée d’Orsay, et de Christ et du temple de Salomon » avait Ci-contre : enluminure réprésentant
Christian Alandete, venu de la Fondation pour vocation de protéger les lieux saints le supplice sur le bûcher de Jacques
Giacometti, en sont les derniers exemples. chrétiens et les pèlerins qui s’y ren-
de Molay et Geoffroy de Charnay
dans De casibus virorum illustrium
En rebaptisant ma galerie simplement daient. « Ils étaient à la fois chevaliers et de Boccace, vers 1435-1440.
Mennour, le nom de ma mère pour lequel vivaient comme des moines, ce qui rendait
je me suis battu juridiquement, j’ai recen- l’ordre tout à fait à part », rappelle Jean-
tré l’axe sur ma communauté. » François Moufflet, médiéviste et conser- « En 1308, le pape Clément V veut
vateur aux Archives. Leur singularité se reprendre la main sur cette affaire, et
Des clans légendaires perçoit jusque dans l’organisation, puis- réclame de nouvelles auditions », pour-
Sa succession est encore une chose loin- que l’ordre dépend directement du pape suit le conservateur. Mais il est trop
taine. « J’ai 57 ans et cinq enfants qui ont et n’est pas soumis à l’impôt. tard, et les croisés seront jusqu’au bout
entre 21 ans et 9 ans. Les aînés ne savent Prenant appui sur ces deux privilè- les victimes collatérales du conflit en-
pas encore ce qu’ils veulent faire. Je laisse ges, et sur fond de rivalité avec la pa- tre le roi et le pape. 54 templiers venus
venir, je vis de manière empirique. Vivre pauté, Philippe le Bel va s’attaquer à prouver l’innocence de l’ordre seront
dans l’art, avec les artistes, c’est vouloir l’ordre et chercher à le faire disparaî- brûlés vifs, et le même sort sera réser-
transmettre un sentiment de plaisir, de tre. Arrêtés brusquement dans toute la vé à ceux revenus sur leurs prétendus
passion, d’efforts aussi. Il y a des aventu- France, torturés de manière ignoble, les aveux. Une iconographie du XVe siècle
res extraordinaires, comme celle de Da- templiers sont sommés de répondre montre Jacques de Molay grand maître
vid Zwirner, 58 ans, galeriste à New York à plusieurs chefs d’accusation, injure au de l’ordre du temple, et Geoffroy Qu’importe, pour tous, la phrase a
comme son père, Rudolf, 85 ans, galeriste Christ, rite impie, actes contre-nature de Charnay en train de périr sur un nourri les imaginaires, à commencer
historique de Cologne, et demain comme ou idolâtrie. Âgés de 16 à 80 ans, tous bûcher. Hélas ! on apprend de la bou- par celui de Maurice Druon, qui en a
son fils Lucas, 32 ans. Mon modèle ? Pas – quatre exceptés - vont avouer des che de Jean-François Moufflet que le fait le point de départ de son roman-
une galerie. Une fondation. Pas comme la choses qu’ils n’ont pas commises. « Il cri lancé par le premier : « Maudits, fleuve en six volumes, Les Rois Mau-
Fondation Maeght, trop marquée par les dit sous serment que celui qui le recevait vous serez tous maudits, jusqu’à la dits. Contribuant ainsi à la légende de
disputes familiales. Plutôt comme celle lui prescrivit de s’abstenir du commerce treizième génération de vos races ! » est ces croisés, qui défendirent bec et on-
créée en 1982 à Bâle par Ernst Beyeler, des femmes, et au cas où l’un des frères apocryphe. Bien que Philippe le Bel, gles Jérusalem et finirent décimés pour
mort en 2010 à 88 ans, sans enfants, et voudrait s’unir à lui, de le permettre, et Guillaume de Nogaret et Clément V une lutte de pouvoir. ■
dont Sam Keller, Bâlois né en 1966 et venu pareillement de s’unir lui-même à eux meurent la même année, accréditant « Le Procès des templiers, 1307.
de la foire d’Art Basel, a repris les rênes s’il le voulait, et qu’à ce sujet il lui don- l’idée d’une malédiction, le grand Le rouleau d’interrogatoire »,
avec le brio d’une tout autre génération. » nait toute liberté », peut-on lire dans un maître de l’Ordre aura tout simple- jusqu’au 15 janvier 2024,
Ropac a le même exemple de référence. des cartels retranscrits. ment lancé des paroles pieuses. aux Archives nationales (Paris 3e).
Le marché de l’art a des familles lé-
gendaires (Hauser & Wirth) et des clans
légendaires, comme celui des Nahmad,
père, fils, cousins, neveux. Envié et dé-
THÉÂTRE
crié, leur empire commercial à ramifica-
tions mondiales, de la Syrie et du Liban
d’origine à New York et Monaco, est en-
tré dans sa phase muséale avec des prêts
répétés dans les musées, de « Picasso
bleu et rose », à Orsay et à Bâle, au Musée
Matisse de Nice. Une manière de se légi-
timer. Quelques-unes des grandes gale-
SCALA PRODUCTIONS & TOURNÉES PRÉSENTE
ries ont la chance d’avoir - ou d’avoir eu
- une descendance, en âge de les épauler,
d’apprendre, pour reprendre les rênes. À
l’instar du dinosaure parisien Daniel
Templon, 78 ans, qui a ouvert en sep-
tembre 2022 une antenne à New York,
600 m2 au 293 10th Avenue, à Chelsea.
Son fils, Mathieu, 36 ans, en a pris la di-
rection. Ou de feu Enrico Navarra, mort
© Thomas O’Brien
à 67 ans des suites d’un emphysème en
juillet 2020, figure charismatique et dis- DU 24 OCTOBRE AU
cutée, bosseur fou au charme d’aventu- 31 DÉCEMBRE
rier. Il a voulu initier son fils, Doriano, 11H
moins de 30 ans, aux secrets du marché
de l’art et lui insuffler sa passion pour
Jean-Michel Basquiat et Keith Haring. D’ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY — AVEC LA VOIX DE PHILIPPE TORRETON
Ces « fils de » auront-ils hérité la rage de
vaincre de leurs « self-made-men » de MAGIE AUGMENTÉE MOULLA
A
pères ? Pour tous, le marché de l’art reste
une jungle féroce. ■
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO
36 À TABLE
AU RITZ, EUGÉNIE BÉZIAT PREND SON ENVOL
L’INSTITUTION DE LA PLACE
VENDÔME ROUVRE
SON RESTAURANT
GASTRONOMIQUE ESPADON.
L’ANCIENNE CHEF
DE LA FLIBUSTE,
À VILLENEUVE-LOUBET,
Y IMPOSE SON STYLE.
STÉPHANE DURAND-SOUFFLAND
sdurandsouffland@lefigaro.fr
l est amusant de se dire que la direc-
I tion du Ritz s’est posé, à un mo-
ment, la même question que Léni-
ne : que faire ? Évidemment, il ne
s’agissait pour le palace parisien que
de gamberger sur l’avenir de son restau-
rant gastronomique, L’Espadon, (r)évo-
lution aux conséquences limitées pour le
commun des mortels.
Après de longs atermoiements, pendant
lesquels le piano resta froid, le choix de la
maison s’est finalement arrêté, à la surpri-
se générale, sur quelqu’un qui n’est ni
meilleur ouvrier de France, ni barbu, ni
lauréat de « Top Chef » : Eugénie Béziat. La
jeune femme a grandi en Afrique noire. Sa
mère est d’origine provençale. Elle avait
gagné une étoile Michelin à La Flibuste
(Villeneuve-Loubet, Alpes-Maritimes).
Pour être tout à fait franc, nous nous de-
mandions sur quoi nous allions tomber en
allant dîner à Espadon, qui a perdu son
« L’ » mais gagné une cuisine ouverte sur
la salle intimiste, recréée côté rue Cam-
bon, là où Charles Ritz l’avait initialement
installée. Pour résumer, nous craignions le
piège d’une carte de nourritures « fusion »
surgadgétisées aux produits de luxe, aux
intitulés incompréhensibles et aux tarifs
tragicomiques.
Pas de pastiche
Eh bien, pas du tout - bien que ça ne soit
pas donné, pour employer un euphémis-
me. Vous n’êtes pas ici dans la catégorie
grand style à la française, qui se pratique
par exemple au Bristol ou au George V.
Ni, Dieu soit loué, dans le pastiche insta-
grammable des bombances IIIe Républi-
que en vogue au Plaza. Vous n’êtes pas
non plus chez une imitatrice d’Alexandre
Mazzia, le prodigieux alchimiste né au
Congo et installé à Marseille. Vous êtes
chez Eugénie Béziat avant même d’être
au Ritz, car la chef a son style, son énergie
et sa vision bien à elle, qui se passent de
clins d’œil lassants à la légende du lieu et
aux légendes qui le peuplèrent jadis.
Le style Béziat, donc. Il se dévoile dès
les mises en bouche, avec ces herbes fraî-
ches, captives rebelles d’un gel au yuzu :
un coup de fouet herbacé, acidulé et cro-
quant qui met de bonne humeur, de
même que ce bloody mary revisité dans
lequel le gin supplante la vodka, avec une
pointe de céleri grillé.
Premier choc véritable avec un gâteau
de tomates confites au romarin accom-
LA MAISON DANS LE PARC, UNE ÉTOILE À SUIVRE
INSTALLÉ À NANCY DEPUIS 2021 AVEC SON ÉPOUSE, LE CHEF TRENTENAIRE CHARLES COULOMBEAU DÉLIVRE UNE CUISINE QUI DÉBORDE D’IDÉES.
enseigne ne ment pas : la
L’ maison est bien dans un
parc, avec de grands ar-
bres, de l’herbe tendre et, à
la tombée du jour, un eni-
vrant parfum de sous-bois. Comble du
luxe : elle se situe en plein centre de Nan-
cy, à deux enjambées de la place Stanislas.
Le chef n’a que 31 ans. Charles Coulom-
beau a rencontré sa compagne, Roxane
(directrice du restaurant), en 2012, chez
les frères Ibarboure, au Pays basque. Ils
ont ensuite bourlingué ensemble ici et là
(Guérard, Lameloise, Angleterre, Japon…)
avant d’acheter leur oasis urbaine en 2021.
La reconnaissance des guides est arri-
vée très vite (1 étoile Michelin et 15,5 chez
Gault&Millau), la clientèle aussi. La mai-
son tourne rond, l’équipe est jeune et dé-
tendue, le cadre, superbe. La cuisine ?
Elle se ressent des influences glanées à
travers le monde, mais reste lisible et,
surtout, très personnelle. À l’instar de
cette étonnante tartelette aubergine-an-
chois qui se détache nettement des cana-
pés servis ce soir-là.
A
Le festin commence par un morceau de
bravoure : une assiette de plusieurs va-
pagné d’un granité pamplemousse et
gentiane. On relève en arrière-plan une
note subtile de vanille et de jasmin ; on
découvre, au sommet de la composition,
une tuile lin-romarin, splendide mantille
croustillante et diaphane. Voilà une as-
siette osée, qui joue le contraste entre la
sucrosité de la tomate et les amertumes
cinglantes du pamplemousse et de la
gentiane, la caresse exotique de la vanille
et du jasmin. Il y aura, tout au long du re-
pas, cette prise de risque, ces prouesses
d’une équilibriste culottée où chaque
bouchée se joue sur le fil.
Prenez l’huître (énorme) grillée, livrée
avec une sauce au cresson de Para (ou brè-
de mafane), plante d’origine malgache
cultivée en région parisienne - les pota-
gers du Ritz, nous affirme-t-on, permet-
tent quasiment l’autosuffisance d’Espa-
don - qui n’a pas l’acidité familière de
notre cresson, mais provoque une très
étrange sensation de paresthésie : votre
riétés de tomates cueillies aux alentours
de Nancy et qui ont subi, au total, une
trentaine de préparations, accompagnées
d’un œuf confit. Une étude en rouge,
aurait dit Conan Doyle, mais sans mac-
chabée au milieu (ouf). Il y a du cru, du
cuit, du glacé, du tempéré, du crous-
tillant, du confit, de la gelée, etc., dans
cette entrée-camaïeu.
Voici à présent un thon
laqué, miso, brocolis,
jus réduit de cochon,
servi comme un lingot,
un plat filou, terre et mer
mi-canaille mi-samouraï
On enchaîne avec une truite des Vos-
ges confite au sucre et au sel, ennoblie de
caviar. Un assaisonnement fenouil et
bergamote de Nancy tient l’assiette. Une
occasion rare de découvrir les possibili-
tés gastronomiques de cet agrume géné-
ralement condamné au bannissement
dans certaines tasses de thé alors qu’il ne
Ci-contre, de haut en bas :
rouget associé à la carotte
et à l’immortelle ; volaille de Houdan
contisée aux agrumes ;
homard, manioc, jus d’hibiscus
et framboise ; croustillant alvéolé
garni de miels, amande et orange
par le pâtissier François Perret.
Eugénie Béziat a son énergie
et sa vision bien à elle,
qui se passent de clins d’œil lassants
à la légende du lieu et aux légendes
qui le peuplèrent jadis.
STUDIO ALTEREGO ; EMANUELA CINO
Charles et Roxane Coulombeau.
ROZA SAYFULLAEVA
mérite pas cette ingratitude. Voilà un
plat délicieux, avec l’agréable mâche de
la truite détaillée en dés dodus et les
grains de caviar qui éclatent sous la dent
pendant que ce filou de fenouil joue la
rémoulade anisée. Le trait de génie, c’est
la bergamote, dosée à la goutte près, qui
donne à l’ensemble une singularité
envoûtante.
Voici à présent un thon laqué, miso,
brocolis dans tous leurs états (mais
moins que les tomates, il ne faudrait pas
exagérer), jus réduit de cochon sombre
comme une sauce soja et croustillant de
pied de cochon. Le poisson, servi comme
un lingot, a été à votre insu prédécoupé
en fines lamelles dans le sens de la lon-
gueur, ce qui permet d’en apprécier plus
commodément la texture et la cuisson.
Un plat filou, terre et mer mi-canaille
mi-samouraï, dans lequel le chou tient
une très juste place, dont la saveur vient
s’imbriquer dans celles de ses compar-
ses. D’autant que Vincent, l’épatant
sommelier, est en mesure de proposer
sur cette création un très bel accord avec
un saké de Kaga (son livre de cave est
fort intéressant).
bouche et vos lèvres se mettent à four-
miller, sans que cela soit inquiétant ou dé-
rangeant, comme si vous les aviez bai-
gnées dans une effervescence invisible.
Un vigoureux tartare d’huître escorte ce
singulier apprêt. Exquis.
Idem pour le rouget, associé à la carot-
te et à l’immortelle, plante aux effluves
exubérants qu’il convient donc de doser
d’une main sûre, car le moindre excès as-
phyxierait tout le plat. Le coup est réussi :
voici une assiette au confort bourru, un
jeu de textures et de saveurs combiné à
une cuisson millimétrée du poisson.
Suit un morceau de bravoure, avec cet
oignon maturé et cuit en croûte d’argile –
spectaculaire désincarcération sur guéri-
don – qui fait la paire avec une aiguillette
de volaille de Houdan contisée aux agru-
mes. Une tartelette garnie de chair de
cuisse hachée façon yassa accompagne
insolemment le pas de deux bien de chez
nous dont la vedette, en dépit de la finesse
de la volaille, reste l’oignon, bulbe super-
bement poussé dans ses retranchements
gustatifs.
Bisque espiègle
Acmé de la séquence, présenté après la
volaille : le homard, manioc, jus d’hibis-
cus, framboise (idée géniale), bisque « es-
piègle » dans laquelle on devine un filigra-
ne cacaoté. Très grand plat, parfaitement
représentatif du style Béziat. Grand,
d’abord, par la splendide cuisson au bar-
becue du crustacé, qui préserve la mâche
et enrichit d’une légère amertume le goût
suave de la bestiole ; grand, ensuite, par la
complémentarité des accords, comme
dans le chjam’è rispondi corse : l’hibiscus
appelle la framboise, qui lui répond, l’épi-
nard cherche le manioc fermenté et le
trouve. Bref, tout fonctionne à merveille
dans cette mécanique, et nous mettons
quiconque au défi de ne pas saucer la
bisque espiègle.
Le pâtissier François Perret officie
place Vendôme depuis 2015 – il a colla-
boré avec le prédécesseur d’Eugénie Bé-
ziat, Nicolas Sale. C’est l’un des plus for-
tiches de sa génération, et il le prouve en
envoyant des desserts qui portent sa si-
gnature tout en s’inscrivant en douceur
dans le singulier voyage piloté par la
nouvelle chef. Une glace au fenouil et
son eau de fenouil brûlé, pour rafraîchir
le palais, présentée sur une cuiller à ab-
sinthe – une fée verte sans le délirium,
parfait. Juste après, une composition
complètement folle à base de maïs, dou-
ceur pimentée qui vous retourne les pa-
pilles, un peu comme tout à l’heure le
cresson de Para. Et, pour terminer en
apothéose, un croustillant alvéolé com-
me un rayon de ruche, garni de deux
miels (Corse et Madagascar), d’amande
et d’orange, pensé comme le « souvenir
d’un florentin ». Tout simplement bluf-
fant. Du très haut niveau.
Personnel jeune et enjoué, sommelle-
rie éclectique et perspicace : Eugénie Bé-
ziat donne des ailes à son Espadon, qui
devrait voler haut et loin. ■
Espadon. Hôtel Ritz.
15, place Vendôme (Paris 1er).
Tél. : 01 43 16 30 30. Tous les soirs sauf
dimanche et lundi. Menus à 290 € et 380 €.
Le bœuf wagyu de Lorraine arrive en-
suite escorté d’une palette originale – ca-
rotte, tagète et kimchi. La viande, évi-
demment fondante, conserve toutefois
une mâche appréciable grâce à une cuis-
son ad hoc. Une assiette goûteuse, pro-
fonde, qui donne à méditer.
Le pré-dessert (figue, pistache, agru-
mes sous un voile de cardamome) est trop
copieux et éparpillé. Mais le vrai dessert,
une composition chocolat, poire fermen-
tée et farine de sarrasin, rassurante et
gourmande, fait remonter l’épilogue du
repas au niveau du reste. À noter, parmi
les mignardises, une sensationnelle bou-
chée à la girolle.
Charles Coulombeau déborde d’idées.
Comme souvent les jeunes chefs, il en
met parfois un peu trop dans ses assiettes
(voir le pré-dessert), mais son talent est
éclatant et il va falloir suivre de près La
Maison dans le Parc. ■ S. D.-S.
La Maison dans le Parc.
3, rue Sainte-Catherine (Nancy).
Tél. : 03 83 19 03 57.
Tous les jours sauf dimanche
(hors événements), lundi et mardi.
Menus à 60 € (déj.), 78 €, 110 € et 160 €.

VIN
LE MOUSSEUX CALIFORNIEN
CHANDON CÉLÈBRE SON JUBILÉ
EN SE MÉTAMORPHOSANT
EN MARQUE « LIFESTYLE ».
TOUS LES CRUS
DE MOËT HENNESSY
SONT APPELÉS
À SUIVRE LE MOUVEMENT.
EXPLICATIONS.
STÉPHANE REYNAUD sreynaud@lefigaro.fr
ENVOYÉ SPÉCIAL À NAPA, CALIFORNIE
e jour, Joe Biden survole le
C domaine en montgolfière.
La Maison-Blanche a réser-
vé le ciel de la Napa Valley,
au nord de San Francisco,
pour le seul président. Les autres bal-
lons doivent décoller plus à l’est. À
défaut de passer au-dessus des vignes
dont sont issus leurs vins préférés, les
fans de Chandon admirent depuis leur
nacelle Central Valley, quelques miles
plus loin. Puis ils retrouvent le plan-
cher des vaches à Carneros, à l’extré-
mité nord de la baie de San Pablo,
pour déguster les huîtres de la ferme
du domaine accompagnées de la cu-
vée By The Bay, épicée, minérale. Une
collation saline et matinale avant de se
restaurer plus sérieusement au cœur
de la propriété de Yountville, au res-
taurant de l’Epicurian Hub, déguster
le Garden Spritz, première cuvée de la
maison à avoir bénéficié d’un lance-
ment mondial, ou la nouvelle cuvée de
prestige Étoile proposée avec un cro-
que-monsieur au chorizo et piquillos.
L’accord entre le cru Carneros et la fi-
gue camembert brûlé est une autre
spécialité de la maison. Conquis ? La
boutique leur tend les bras avec une
offre de flacons seulement disponibles
ici, comme le cabernet sauvignon de
Mount Veeder. La nuit tombée, il sera
encore temps d’observer Saturne au
télescope et de déguster quelques ra-
retés vinifiées par Pauline Lhote, la
chef de cave - ici on dit « winema-
ker ». Tout cela au rythme de la ban-
de-son maison, tout aussi calibrée que
le reste. Le domaine reçoit chaque an-
née 150 000 visiteurs dans l’architec-
ture brutaliste qui caractérise ces bâ-
timents en bois et béton lovés sous les
chênes. Les meubles à l’esprit 1970,
pourtant de facture récente, la carte
sophistiquée mais facile d’accès du
restaurant, l’incitation à se déchaus-
ser pour mieux se détendre… Autant
d’éléments qui façonnent l’image et
l’esprit du site et doivent lui donner
son supplément d’âme.
Chandon Californie est un des labo-
ratoires de la Moët Hennessy en termes
de construction de « brand home », un
concept qui intègre à la fois un lieu, la
mise en valeur de la marque, son déve-
loppement sans limite et la construc-
tion d’une communauté. Ainsi, une
marque de vin qui s’engage dans cette
voie devient bien plus que du vin. Elle
emmène avec elle tout un univers
culturel, un ensemble de références vi-
suelles, musicales, littéraires ou ciné-
matographiques, un langage qui dépas-
se de loin celui de l’œnologie stricto
CHÂTEAU MAÏME, UNE HISTOIRE DE FAMILLE
EN MOINS DE TRENTE ANS, LES SIBRAN ET LES GARCIA, DES JURISTES VENUS DE PARIS, ONT CRÉÉ UN DOMAINE PROSPÈRE AU CŒUR DE LA PROVENCE.
«
ci, au Luc, c’est le coin le plus
I chaud de France ! Ce n’est bon
que pour le rosé ! », explique la
patronne de ce restaurant de
la nationale 7. Justement,
quelques kilomètres de route sous les
platanes plus loin, sur la droite, se
trouve la boutique de Château Maïme.
Les propriétaires n’ont pas l’accent du
Sud. Normal, ils viennent de la région
parisienne.
« Nous sommes nés en Algérie, que nous
avons dû quitter, et nous nous sommes
promis de reconstituer une base familiale
en dehors de Paris », explique Pierre-Jean
Sibran. Lui et son beau-frère Jean-Mi-
chel Garcia ont longtemps été huissiers
de justice, à Versailles et à Montrouge.
Leurs épouses, Christine et Guysselhène,
ont exercé en tant que magistrate et ban-
quière. Mais, aujourd’hui, durant les dî-
ners, il est beaucoup question de cépa-
ges, de bouchons, d’étiquettes… Ici,
Bacchus a son rond de serviette.
« En 1994, mes parents cherchaient
une maison secondaire sans voisins, ra-
QUAND LE VIN DEVIENT PLUS QUE DU VIN
sensu avec notes de dégustation, ac-
cords mets et vins et l’attirail œnotou-
ristique habituel.
« Une attitude,
un art de vivre »
C’est le choix du groupe Moët Hen-
nessy (LVMH). Pour son président-
directeur général, Philippe Schaus, un
vin peut devenir « une attitude, un art
de vivre dans toutes ses dimensions ».
Cela commence par la création de la
« brand home », c’est-à-dire « le lieu
où la marque exprime son histoire, son
savoir-faire, l’endroit où le consom-
CHANDON CALIFORNIE, 50 ANS DE CRÉATION VITICOLE
Au loin, on aperçoit le Mont Diablo.
Plus près, ce sont les collines
de Los Carneros, “Les béliers” qui
marquent l’entrée de la Napa Valley.
Ici s’engouffrent les vents froids
venus de la baie, au sud. Un souffle
assez puissant pour retarder
la maturation des grappes de pinot
et de chardonnay. C’est la région
choisie par Chandon qui fut en 1973
la première winery de vin pétillant
californienne montée par une maison
champenoise. Un projet ambitieux
lancé par le patron de Moët & Chandon
Jean de Vogüé (photo) qui avait déjà
créé Chandon en Argentine, et par
John Wright, un consultant de l’agence
McKinsey qui débarqua un jour à Paris
avec une idée d’implantation d’un
vignoble du côté de San Francisco.
Au centre de la propriété, un bâtiment
conte Jean-Louis Sibran, fils de Pierre-
Jean. Bordeaux ne leur convenait pas,
pour des raisons de climat. La Champa-
gne était hors de prix. Ils ont fini par
trouver une bastide inoccupée depuis
vingt ans et ses 6 hectares de vignes en
très mauvais état, aux Arcs-sur-Argens.
Ils l’ont acheté avec mon oncle et ma tante
en 1996. Quant à moi, je travaillais dans
le secteur immobilier, sans grande pas-
sion. J’ai alors décidé de faire du vin. »
Jean-Louis Sibran passe alors par la case
BTS œnologie. Il s’agit ensuite de re-
planter la vigne. « En 1998, nous avons
acheté un tracteur et nous avons produit
10 000 bouteilles du premier millésime »,
dit-il. L’affaire se développe avec le ra-
chat de la cave sur la route nationale 7,
un emplacement qui vaut de l’or pour
qui souhaite réaliser de la vente directe.
Puis, nos néovignerons saisissent l’op-
portunité d’un rachat de 15 hectares
supplémentaires. Aujourd’hui, Maïme
représente environ 50 hectares divisés
en deux propriétés. Il est question de
500 000 flacons chaque année, « dont
Les Cabanas installés
au cœur du domaine Chandon,
dans la Napa Valley. CHANDON
ARCHIVES CHANDON
de 4 000 m2, tout en rondeurs,
dominé par le bois et la pierre.
Des lieux baignés de lumière, où plus
de 150 000 visiteurs viennent chaque
année déguster les crus de la maison.
Les 400 hectares supervisés
150 000 issus d’un négoce très contrôlé et
choisi ». La production de rosé (80 %)
domine celle de rouge (10 %) et de
blanc. L’ensemble est décliné en deux
gammes, Héritage et Origine. Héritage
veut révéler les arômes des cépages. On
apprécie entre autres le rosé 2022 (cin-
sault, grenache et syrah), qui présente
un joli nez d’agrumes, une bouche frui-
tée au goût du jour. Origine évolue dans
un univers plus gastronomique, avec
notamment un blanc 2022 (90 % rolle,
10 % sémillon) d’une grande élégance,
dominé, au nez, par les notes de poire et
de pêche. Des fruits que l’on retrouve en
bouche associés à des notes de poivre.
Le rouge n’est pas en reste. La famille
soigne ses vins, en pratiquant des prix
très corrects.
Livraison en une heure
Cinq personnes travaillent à plein temps
dans l’entreprise. L’œnologue Jérôme
Paquette conseille le domaine, qui est en
phase de certification bio. « Nous avons
une logique proche d’une marque de
LE FIGARO
mateur s’imprègne de l’univers de la
maison, achète le produit, où se crée
une relation intime, une relation de
club, un lien de loyauté avec ladite
marque, où on se lie pour la vie à elle »,
précise Philippe Schaus.
« Dans les dix années à venir, toutes
nos maisons auront leur brand home,
reprend le patron. Certaines, comme
Ardbeg ou Glenmorangie, en Écosse,
ont déjà la leur. Bientôt, Ruinart va sui-
vre le mouvement en ouvrant son pa-
villon à Reims. Le visiteur pourra visiter
le musée, la cave, découvrir des œuvres
d’art commandées pour ce lieu… Il n’y a
par l’Argentin Carlos Danti contribuent
peu ou prou au quart des besoins
en raisin. La chef de cave française
Pauline Lhote, championne
des assemblages, épaulée par Laura
Fontaine et Anna Muthig, met un point
d’honneur à réaliser des vins frais,
fruités, brillants. La gamme se décline
aujourd’hui en une vingtaine
de références, dont quelques vins
rouges tranquilles. Il faut déguster
le Mount Veeder vintage brut 2017,
tout en légèreté, aérien, le Los
Carneros vintage brut 2017, plus
structuré, plus musclé, le Yountville
vintage brut 2017, qui associe le fruité
et la puissance. Le rosé est déjà
un classique. Aujourd’hui, Chandon
compte six domaines dans le monde,
en Californie, en Argentine, au Brésil,
en Australie, en Chine et en Inde. S. R.
champagne. Nous allons développer les
fermages. Et, pour cela, il s’agit de
conserver un niveau de qualité élevé, si-
non nous n’intéressons pas les vigne-
rons qui pourraient potentiellement
nous approvisionner en raisin. » Avec
leur nouvelle cave, ils sont en mesure
de sortir 1 million de bouteilles par an.
L’idée de la famille Sibran-Garcia
est bien de faire de l’argent avec le
vin, et non pas le contraire, com-
me c’est parfois le cas en Proven-
ce.
« Nous avons d’abord distribué à
Paris. Notre ancien réseau profes-
sionnel nous a aidés. Nous sommes
un des deux fournisseurs du Café
de Flore. On nous trouve aussi à
La Closerie, au Récamier… Mais
nous ne nous battons pas pour être
mis en avant dans les restaurants à
la mode. » Un des atouts de Maïme
réside dans sa capacité à livrer
dans l’heure ses clients parisiens.
Après quinze ans de travaux, la
vieille bastide et sa chapelle, qui
samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023
37
pas de recette. Chaque approche doit
être personnalisée en fonction de son
histoire et de sa nature. »
Le concept n’est pas si nouveau. Dans
d’autres secteurs, des entreprises com-
me Heineken, Villeroy & Boch, Adidas
ou Ferrari ont déjà pris ce cap.
« En ce qui nous concerne, reprend
Philippe Schaus, il s’agit aussi de dé-
poussiérer les frontières de notre mé-
tier, comme nous l’avons fait avec
l’ouverture de l’établissement Cravan,
boulevard Saint-Germain à Paris, où le
consommateur retrouve nos étiquettes
aux différents bars, mais aussi une li-
brairie, un cinéma hors norme, et où
chacun peut combiner des cocktails
avec des plats. Nous pensons que tout
cela est favorable à la découverte des
marques. »
Le domaine qui s’engage dans cette
voie doit alors se doter de la compéten-
ce d’un directeur artistique. « John Ger-
rard, qui a travaillé pour d’autres mai-
sons, dans d’autres secteurs, a été en
charge de la direction artistique de
Chandon », précise Philippe Schaus.
La mise en place de cette stratégie a
demandé plusieurs années de travaux
et des investissements considérables.
« La démarche est réservée à une mar-
que mure dotée d’un vrai savoir-faire,
et qui a la légitimité de devenir une at-
titude, de transformer le contenu d’une
bouteille en expérience à 360 degrés. Il
faut aussi qu’elle ait les moyens de se
l’offrir… » En retour, elle peut devenir
un label de musique, une collection de
vêtements, une carte de restaurant…
Un formidable multiplicateur de pro-
fits et la garantie de bien rester ancré
dans l’esprit des consommateurs du-
rant les prochaines années. ■
pourrait dater du XIIIe siècle, ont retrou-
vé leur lustre. Les colonnes carrées qui
soutiennent de larges terrasses don-
nent une touche plus bourguignonne
que provençale à l’ensemble. La bâ-
tisse accueille des mariages.
Maïme, une contraction de « Saint
Maxime » survenue durant la période
de la Révolution, imagine son futur.
« Nous avons besoin d’un sleeping
partner pour continuer nos inves-
tissements », souligne Pierre-
Jean Sibran. Il se murmure que
Maïme pourrait élargir ses activi-
tés à d’autres secteurs.
Dans un monde du vin devenu
très concurrentiel ces dernières
années, « la dynamique familiale
nous aide à nous protéger face à
tous les poids lourds du secteur »,
remarque Jean-Michel Garcia. En
CHÂTEAU MAÏME
juristes consciencieux, ils ont
transmis le domaine à la généra-
tion suivante. Maïme envisage
A
sereinement les cinquante pro-
chaines années. ■ S. R.
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO

38 IMMOBILIER avec
LES VALEURS SÛRES DU 7E ARRONDISSEMENT
Arrondissement prestigieux de Paris, le 7e est réputé pour ses quartiers et ses jardins de légende ainsi que ses immeubles historiques. Un charme ancien typi-
quement parisien qui ravit les amoureux de la capitale, qu’ils soient français ou d’ailleurs.
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nique - 01 47 05 50 36
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une certaine érosion. Néanmoins l’activité persiste,
la demande restant supérieure à l’offre. La valeur
sûre demeure l’appartement haussmannien, en étage
élevé avec vue sur un monument, comme celui-ci : avenue
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même, cet arrondissement est une valeur sûre ; il est prisé
par les familles pour ses écoles de renom et par la clientèle
internationale pour ses monuments, dont la tour Eiffel.
Anne La Clavière, Varenne 7e
01 45 55 79 00
On distingue deux « 7e arrondissements » : l’Ecole Militaire
et le quartier dit de Saint-Germain-des-Prés. Dans le
premier, la valeur sûre est l’appartement très élégant de
l’immeuble haussmannien classique, l’ultra chic donnant
sur le Champ-de-Mars. Dans le second, le bien premium se
situe souvent à l’étage noble d’un ancien hôtel particulier
(1er ou 2e). Prototype de valeur sûre du 7e, cet appartement :
vue sur l’église XVIIe Saint-Thomas d’Aquin, pas trop grand,
haussmannien, gardien, rue calme.
Iris Tang, Emile Garcin Paris Rive Gauche
01 42 61 51 85
L’une des valeurs sûres du 7e arrondissement est à mon avis
la belle adresse. Or, il ne s’agit pas toujours de l’emplace-
ment sur une avenue prestigieuse. La petite rue calme et
proche des lieux animés est tout aussi prisée, sinon plus
que les grands boulevards. A titre d’exemple, la rue du Pré-
aux-Clercs, à deux pas de la place Saint-Germain-des-Prés,
bénéficie d’une superbe cote. Recherchée par les Germano-
pratins et encore confidentielle, une belle adresse pour cet
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 LE FIGARO samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023

MOTS FLÉCHÉS 39
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INTEM- PLOMBIER D’ESPRIT IL FAIT MOHICANS LA CHANCE DÉSIN- CONCEP- FAMILIER AUX BRISER LES
RÉPÉTER TÉGRÉE PENSES TION DE LA
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PESTIVE TISSÉE CALIFOR- MARASME DIMEN-
AVEC DU TEMPS UN NUMÉRO ANTENNES AGENT DU VIEUX JUSTICE ÉCONO- SIONS DU PEIGNE
CHAPEAU FIL D’OR LIBRE RONDES TRAIN FILETS NIENNES ÉCULÉ MIQUE PAYS
COMMER- DEUX FOIS
CES DE VINGT
BOUCHE ÉLÉMENT
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INDIVIDUS SQUELETTE
DESSINER À HOMME DU
L’ÉCHELLE LARZAC
DU PAPIER BRÛLE UNE
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MONTRENT ELLE LUSTRÉE
LEUR CREUSE
LA DENT
PLAISIR BOMBE DE
CELA EST POLLUTION
DURILLON MIEUX
DÉCOR DE SOUVERAIN DÉFER- BIEN
TABLE DU PÉROU LANTE AU-DESSUS
DU SOL
ANSE DU CÉLINE DU FLUVIALE
MÉMOIRE
JAPON QUÉBEC BLOUSÉ DU PC
TRANS- FROIDS ET
GRESSER SÉVÈRES ARMÉE DE
L’ÉPOQUE
BRE- À ELLE OU FÉODALE
DOUILLER À LUI
DÉPAR- PARTIES BOIS
ENGRAIS TEMENT DE COMBAT TELS DES OUVRIER DE TOUCHÉ ANTIQUES
D’ORIGINE YEUX BLEU LA SOIE PAR LE FEU POÈTES
ANIMALE SENS DE LA RATURÉE, ET VERT À LYON AXES GRECS
RÉPARTIE BIFFÉE OPPOSÉS
LA REFUSE VESTE POUR LES IL REND ARROSE
MAROCAINE CATÉGORI- ENDOSSÉE CADRES TOUT BERNE
EN FAIT QUEMENT CHOSE
TOUT UN D’ADMET- PAR LE ROI CHEFS EN
PLAT TRE DE PRUSSE ARMES À TOI BALEINE
SINCÉRITÉ ELLE ASSISE DE ILS
NATURELLE INSPIRAIT STATUE PEUVENT
L’AÈDE DÉJOUER
LABO CRI DE CONTRAI- BIEN DES
EUROPÉEN DOULEUR GNANT PROJETS
DIMINUE ABRI POUR FIGURE CERTES
LES GÉOMÉTRI- AVEC OUI
LA VOILE QUE
VEDETTES ASTREI-
PITCHS CHROME
BRADYPE AU LABO GNANTES
ON Y EXPRES- QUI IL IL
ÂNE D’IRAN CIRCULAIT
GRATTE SION D’UNE PROVIENT AVANTAGE
LES BET- JEUNE PAR DES- LES EN CHINE
TERAVES APPESANTI VOLONTÉ CENDANCE GRIMPEURS PIERRE FINE
ILLUSOIRE SE DÉCON- ATTAQUE
TRACTE DE BANQUE
BRIDE DE APRÈS
L’EFFORT JOIE DÉ-
CHEVAL (S’) BORDANTE
REGARDER RÉTRO-
DE GRADES
TRAVERS CRIER SOUS
PIRATES LES CORS
STYLE DES
DE NAGE CARAÏBES
SIGLE DE ELLE PRO-
L’EUROPE
CURE UN
EX- CONFORT
GARDIEN DU
PAF CERTAIN
EFFET IL SE DURÉE ARBRE AU POUR NE
PRODUIT MESURE
DIFFICILES
Alignez les lettres, BOIS
TRÈS DUR
PARLER
QUE DE MOI
MANQUE
D’INDUL-
PAR LE SUR LA VAPO- GENCE
SUCCÈS RÈGLE À DÉNICHER
repérez les chiffres, REUSES SOUS MI

déplacez les cartes…

ON
L’ASSOCIE
LIVRES
DRÔLES
ENTOURÉ
11 JEUX À DÉCOUVRIR GÉNISSE
MYTHIQUE
ÂME
ET CONS-
CIENCE
NYMPHE D’UN MUR
AU YANG DES TYPE DE FÉLINS
RIVIÈRES COIFFURE TACHETÉS
ANGOISSE DÉCENTES
CONSER- OUTIL DE AUX YEUX
VER POUR MENUISIER DE LA
L’AVENIR MORALE
LUPIN ENTAILLE
PETITE INTIME UN TRONC
BROSSE DE ÉVITER
HAUT PIC LE VAGUE
JOAILLIER DES ROUES DE
PYRÉNÉES POULIES
SOCIÉTÉ
CIVILE
ANA-
CONDAS
BLAIR INDIQUE LA ACTION
CHANT FAÇON DE C’EST TROIS AU RUGBY
LATIN DE FAIRE FOIS RIEN C’EST LA
LOUANGE JOUAIT THÉORIE
IL NE CON- CARGO COMPRIS ENDUIT PLUTÔT
TIENT QUE OUVRAGES UN SKI DÉPLACÉ
DE C’EST UN
QUELQUES PEU LA FAISCEAU MUSCLE À ABER EN
DÉFENSE LUMINEUX
TITRES GUIGNE ALLONGER BRETAGNE
FLÉTRIE DÉSARME PILIER
PRESQUE UNE ZONE
UN MILLION PARTIR ET DOMAINE
D’OCTETS REVENIR DU RÊVE
SCOOTER PARC DE A UN PRIX
FAUVES CIRCUIT
RÉVÉLA- YPRES TOURIS-
TIONS COUREUR CHEZ LES TIQUE
SOUDAINES À PLUMES FLAMANDS
CAFÉ DU FORME EXISTE
APATHIE SOIR D’EXHI- VRAIMENT
PHYSIQUE ARRIVÉ BITION
DEPUIS PEU ANNEAU CIVELLES
ÉLUE COM- VERS ANCIENNES
MUNALE SOLITAIRES
TERRES
TRAÎTRE DESCEN- COLO-
DANS DANT
OTHELLO ROYAL NIALES
ACCORD DE ILS SONT DYNA- ELLE SE
EN SELLE LONGUES PRÉCIEUX MISME QUI À LE
TOULOUSE PIÈCES COLLABO- DATE PRÉSENTE,
BOUT DE DE MÂTS RATEUR ÉCRIVAIN À NOUS,
CHANDAILS BORNÉE MOQUERIE
MURAILLE ITALIEN
CUITE À INVENTEUR S’ARRA-
FEU VIF D’UN BEC CHER À SES
MONT DE RACINES
BAFOUÉ GRÈCE RATAGE
CHIFFRES DU SABLE ELLE A CHER- GRAISSE CELA
ET DES CHEUR
ROMAINS CAILLOUX SOUVENT D’EAU DE BŒUF PERMET DE
MOT À LE CARAC- ESPACE RÉPARER
GUS MOITIÉ TÈRE GRAS PIÉTONNIER AIDE UN OUBLI
CRI DE IL EST AU AUTREFOIS, CÉLÈBRE
PERSAN SOMMET C’ÉTAIT PERSON- ARBALÉ-
JAMAIS NES DE TRIER
POUDRES CONFIANCE
ARGILE À PONCER POUAH ! SUISSE
APPLIQUÉ CLICHÉ OBJETS DE
DÉVELOPPÉ DÉVOTION
C’EST DU ACTEUR C’EST
CHINOIS DE GÉANT VOLER
DÉCOU- IL A UNE
GROUPE DE PRISES DE RAGÉE OPUS EN MILITAIRE GROSSE
DACTYLOS POSITION, RACCOURCI ATTIRÉ PAR
EN INDE UN ROI DU LE SUD COTE SUR
PÉTROLE LE CHAMP
CAP SUR BIEN
LA MÉDI- INSTALLÉE DE QUOI SE CIRQUE VIEIL INTERDIT À ARTICLE
TERRANÉE FOIE GRAS REMPLIR D’ARLETTE AVARE LA CIR- DE QUIN-
LA PANSE CULATION CAILLERIE
(DE LA) EN GELÉE
ÎLE D’INDO- NI LE PAS NI ILS
NÉSIE LE TROT LE CERCLE, DONNENT
C’EST SON SELON
RÉGION RAYON LEUR
DE GAP RASE RICHESSE
ESSUIE- LES MU- ÉPREUVE SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT
TOUT SULMANS À MOTO
DÉBLAYER S’EN FONT CRÈME S M D F D C Y L C D C R M
LE TERRAIN UNE FÊTE ANGLAISE A T T E L E A N E M O N E A R A S E A T H E E

FATIGUÉ A R A I R E I N A A N C R E S L E G I O N S
PAR TROP
DE BRUIT E T A T S P E L I C A N R E T A P A G E S C

U N S L I P C A N A R I I R I A O R L E
APLATIR DE
TOUTES HYPOTHÈSE AVEC LUI, INCORPORE R E C R E C O C H O N E M A C I E L A N C O N
D’ÉCOLE RIEN N’EST UN
SES IMPOSSIBLE FEUILLET T H E R M I Q U E A R R I V E C H I C S S A
FORCES
S T A N O E U V R E A N A N T I S
A

ORGANES FIN E N T O U R E E C O N C E R T I S T E
D’ABEILLES D’INFINITIF
O S T E N D E E P O U I L L E F E V E
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO

40 TÉLÉVISION
JOHANNA, BELLE-SŒUR ET APÔTRE DE VAN GOGH
PORTRAIT DE LA PRINCIPALE HÉRITIÈRE DES ŒUVRES DU PEINTRE, QUI LE CONNUT PEU MAIS S’EMPLOYA TOUTE SA VIE À ACCROÎTRE SA RENOMMÉE.
« Nous les femmes sommes pour une part
ÉRIC BIÉTRY-RIVIERRE considérable ce que les hommes atten-
ebietryrivierre@lefigaro.fr
dent que nous soyons », déplorait-elle.
Jusqu’à son dernier souffle, cette auto-
on bonheur, je l’ai eu, didacte en art mais qui avait la tête sur

« M maintenant il me reste
le devoir. » Johanna
Bonger (1862 - 1925),
née et morte en Hol-
lande, n’aura que peu connu son beau-
frère, Vincent Van Gogh. Elle ne l’a
même rencontré pour la première fois
qu’à Paris, alors que le peintre de retour
de Provence, provisoirement guéri de sa
mélancolie, s’apprêtait à gagner Auvers-
sur-Oise ; 70 jours avant son suicide.
Six mois après, c’était au tour de son
mari, Théo, de disparaître, victime de la
syphilis. La jeune femme se retrouvait
seule, avec un enfant en bas âge, sans
guère de moyens mais avec un mon-
ceau de tableaux, de
dessins et de lettres en
vrac des deux frères.
Soit une collection d’art
aujourd’hui fabuleuse
mais qui n’avait alors
○○○○
pas grande valeur marchande. Rien des
toiles de Vincent en particulier n’était
même encore coté.
Le portrait sensible de Johanna que
dresse Anne Richard au moyen d’archi-
ves et de jolis dessins d’animation
aquarellés éclaire ce troisième maillon
de la geste « vangoghienne ». On dé-
couvre comment cette personnalité
aussi discrète que tenace est parvenue à
faire connaître et apprécier au monde
entier le génie de Vincent.
Johanna tirait sa force de son calvi-
nisme. Et aussi, devenue indépendante
(revenue aux Pays-Bas, elle a donné des
cours d’anglais et tenu une pension en
famille), dans un certain féminisme.
les épaules et un sens du marché hérité
de son galeriste de mari, s’est employée
à convaincre un par un critiques et col-
lectionneurs, collaborant à des exposi-
tions quand on l’acceptait. Jusqu’à en
monter elle-même avec ses propres
ressources. Telle celle de la consécra-
tion en 1905 : 457 œuvres enfin visibles
par tous, accrochées ensemble au mu-
sée municipal d’Amsterdam.
Femme d’affaires
Quelques années plus tôt cela n’allait
pas de soi. Le premier public trouvait
les couleurs criardes, les traits mal défi-
nis, la pâte vulgaire. Alors Johanna,
persuadée que de ses
huiles deviendraient tôt
DIMANCHE ou tard iconiques, avait
17.45 imaginé d’en placer en
dépôt dans quelque sa-
lon de réception privé
ou cabinet de médecin. Là au moins on
était obligé de les regarder. Toutefois
une telle obstination agaçait. Et le doute Aussi discrète que tenace, À sa mort la mission était accomplie. voisin jumeau de ceux de Vincent. Un
devant tant de nouveauté se muait la Johanna Bonger Van Gogh (au centre), Elle laissait à son fils issu de sa premiè- lierre (symbole de fidélité) pousse sur
plupart du temps en rejet. épouse de Théo (à droite), est parvenue re union (la seconde avec un critique les deux tombes réunissant les deux frè-
Malgré ces difficultés, Johanna ne s’est à faire connaître et apprécier au monde d’art et autre peintre oublié Johan res dans l’éternité. C’est un ami com-
jamais résolue à vendre. Les rares entier le génie de Vincent (à gauche). Cohen-Gosschalk de 1901 à 1912 étant mun, le docteur Gachet, qui l’a planté.
MUSÉE VAN GOGH, AMSTERDAM/ARTE
tableaux qui l’étaient se trouvaient chez restée sans fruit) la plupart des fulgu- Seule ombre à tant de dévotion, pour
un ami de confiance, la galerie de Paul rantes créations de son beau-frère. Cet parfaire la biographie, Johanna, qui soir
Cassirer à Berlin. Cela a permis à Johanna héritier prénommé Vincent - autre après soir avait classé la correspondan-
de susciter l’envie chez les acheteurs et signe de dévotion - est celui qui a été à ce l’a également purgée. Ont subsisté
donc de faire grimper la cote. En Allema- la base de la collection du Musée Van tout de même des centaines de lettres
gne d’abord, puis à Amsterdam. Et bien- Gogh d’Amsterdam. ainsi que son journal intime. Des ex-
tôt à New York, Londres ou Paris. Militer Apôtre décidément totale, Johanna traits en ont été puisés, lus en voix off
au parti des ouvriers ne l’empêchait pas avait également, en 1914, fait transférer avec un accent néerlandais ou par un de
de se tailler un costume de femme les restes de Théo des Pays-Bas au cime- leur meilleur connaisseur, l’historien
d’affaires d’envergure internationale. tière d’Auvers. Ils y reposent depuis, en Wouter van der Veen. ■

« LE RETOUR DES RÉSISTANTES » : LE DUR MONDE D’APRÈS

DES RESCAPÉES DE RAVENSBRÜCK SE SOUVIENNENT DE LEUR DIFFICILE RÉADAPTATION À LA VIE NORMALE. UN DOCUMENTAIRE POIGNANT.

combattantes, et la vie compliquée mais qu’avant la guerre. C’était affreux. Moi, la tête sur son bureau… Alors je suis allée au
BLAISE DE CHABALIER £@dechab moins horrible des Français sous l’Occu- par exemple, je n’en avais vraiment rien à vestiaire et j’ai pleuré… »À toutes, il faudra
pation, explique l’incapacité de ces résis- faire des restrictions. Ce n’était pas ma du temps pour se réadapter à une nouvelle
omment retrouver une vie tantes à se faire entendre. D’autant que préoccupation. Et je ne voulais pas faire la vie qu’elles avaient rêvée plus belle.

C normale après avoir survécu à

la déportation ? Quatre fem-
mes, des résistantes rescapées
de Ravensbrück, le plus grand
camp de concentration pour femmes,
destiné en grande majorité aux opposan-
tes politiques aux nazis, témoignent, dans
leurs compatriotes veulent au plus vite
oublier la guerre.

Des retrouvailles complexes

Plus grand camp de concentration
pour femmes, Ravensbrück était destiné
en particulier aux opposantes
politiques aux nazis. MEDIAWAN
le documentaire Le Retour des Résistantes
de Natacha Giler, des difficultés rencon-
trées à leur retour en France.
L’incompréhension au sein même de
leurs familles, et a fortiori au-delà, appa-
raît cruellement. Le décalage entre les
horreurs indicibles endurées par ces
Traumatisée à son retour, Marie-Josée
Chombard de Lauwe se souvient :
« D’abord, j’ai été boulimique. Je me levais
la nuit, je ne supportais pas l’idée de la
nourriture dans un placard sans aller la
manger… Ça a duré plusieurs années.
Après, j’ai commencé à écrire mes notes de
camp. » Gisèle Guillemot témoigne, elle,
de ses difficiles retrouvailles avec sa
mère : « Elle était toujours aussi amère
queue pour avoir du sucre ou du café.
Quand je voyais ces files d’attente, je pen-
sais à ces interminables
appels à Ravensbrück,
c’était au-dessus de mes
forces. Et ça, ma mère ne
le comprenait pas. » ○○○¡
DIMANCHE de télévision dans les an-
20.40
Quant à Thérèse Me-
not, son retour dans le monde du travail
est rude. « Lorsque je suis arrivée à l’usine
j’étais toute heureuse. Je suis rentrée au bu-
reau de la comptabilité, j’ai dit : “Je vais re-
voir mes camarades.” J’ai ouvert la porte
toute souriante, mais tout le monde a baissé
Reste l’optimisme, malgré tout, affiché
par l’une de ces résistantes, Marie-
Claude Vaillant-Coutu-
rier, lors d’une émission
nées 1960. « L’expérien-
ce des camps, évidem-
ment je m’en serais
passé, mais je trouve qu’elle donne une
grande confiance dans l’humanité et dans
les femmes en particulier, témoigne-t-el-
le. Parce que, avoir résisté moralement,
être restées des êtres humains, je trouve
que c’est une grande victoire. » ■

« PLUS BELLE LA VIE » RETROUVE (PRESQUE) SES MEUBLES SUR TF1

Newen (qui produit Plus belle la vie), Hornus et Jérôme Bertin. Les pre-
AVANT LA REPRISE Vincent Mellet, une poignée de comé- mières arches sont en cours d’écritu-
DES TOURNAGES, LA MINISTRE diens, une pléiade de journalistes… Un re sous la responsabilité d’un pool
rendez-vous très institutionnel en d’auteurs composé, là aussi, de scé-
DE LA CULTURE A INAUGURÉ
PLEIN ÉCRAN

somme. naristes de la première heure et de

LE NOUVEAU CAFÉ DU MISTRAL,
DÉCOR EMBLÉMATIQUE
DU FEUILLETON QUI, DÉBUT 2024,
FERA SON RETOUR SUR LA UNE.
petits nouveaux. Bien entendu,
Nouvelles têtes même si TF1 et Newen désiraient
« Nous ne voulions pas croire que ça l’éviter, il fut question de Marwan
allait s’arrêter et nous avons bien fait. Berreni, dont la disparition assombrit
Nous avons signé le retour de la série à la télévision.
Quant à ce décor, que tous s’im-
Fictions
en janvier dernier
un protocole d’ac- patientaient de voir. Rien de specta-
culaire sous le ciel du Mistral.

Un grand jour que ce mercredi 11 oc-

tobre 2023. Un an tout juste après son
éviction des grilles de France 3 et
moins de six mois après l’annonce de
son sauvetage par TF1, la ministre de
la Culture, Rima Abdul Malak, est ve-
nue, en personne, à Marseille, dans les
studios du Pôle média de la Belle de
Mai, inaugurer le nouveau bar du Mis-
tral, lieu emblématique du non moins
emblématique feuilleton Plus belle la
vie. Autour d’elle, le président du
conseil régional de Provence-Alpes-
Côte d’Azur, Renaud Muselier, deux
adjoints au maire de la ville, le PDG
du groupe TF1, Rodolphe Belmer,
le DG de la société de production
A
cord visant à por-
ter, ici, un ambi-
tieux programme
Décryptage
en faveur du ciné- PAR JULIA BAUDIN
ma et de l’audiovi- £@BaudinJ
suel. Dans cet élan,
il était vraiment souhaitable que Plus
belle la vie reprenne. C’est un défi in-
dustriel, un défi culturel, un défi de
transmission des valeurs de la Républi-
que. Plus belle la vie, c’est une part de
l’âme de la France, une force, un rituel
qui pendant dix-huit ans a rassemblé
chaque jour jusqu’à 6 millions de télés-
pectateurs… », a déclaré la ministre
après avoir coupé le traditionnel ru-
ban et fait le tour du plateau.
Dans l’assemblée, les élus ruissel-
lent. La climatisation a été coupée en
Comptoir plus grand que l’ancien,
chaises en bois reconstitué, palette
chromatique vintage, cuisine
ouverte derrière une fenêtre d’ate-
lier et tables en formica. Les coupes
Les trophées sportifs ont disparu au profit de suspensions Ikea. Le nouveau remportées au foot et à la pétanque
décor a perdu le charme rétro et populaire de l’ancien. NEDIM IMRE/CAPA PICTURES ont laissé la place à des suspensions
Ikea. Tout est propre et lisse. Un peu
raison d’une stricte gestion de distinguo entre le feuilleton histori- trop peut-être. On aimait bien le
l’énergie. Au tour des journalistes, que et ses deux concurrents de la Une côté rétro et populaire du précédent
enfin, de poser leurs questions. dans la tranche 18-20 heures, Ici tout décor. On aimait bien la petite place
Et que sait-on donc exactement ? commence et Demain nous appartient. bordée de façades pittoresques sur
La diffusion de Plus belle la vie devrait Le casting continue de s’enrichir de laquelle s’ouvrait le café et qui sem-
reprendre début 2024 à un horaire nouvelles têtes, dont une majorité de ble avoir elle aussi définitivement
que la programmation de TF1 n’a pas jeunes acteurs, venus renforcer les disparu. La chaîne avance que 50 %
encore révélé. Selon nos informa- rangs de l’arrière-ban historique où de la fiction sera tournée en exté-
tions, cela pourrait être en début l’on retrouve Stéphane Hénon, Syl- rieurs, sans toutefois se risquer à
d’après-midi, de sorte à maintenir le vie Flepp, Laurent Kérusoré, Cécilia évoquer les coûts de production. ■
 LE FIGARO samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023

TÉLÉVISION Tous les programmes

dans TV Magazine et sur l’appli TV Mag MÉTÉO PAR 41
ÉPHÉMÉRIDE St-Juste
L’essentiel Soleil : Lever 08h09 - Coucher 19h03 - Nouvelle Lune

20.50 21.10 21.10

du dimanche SAMEDI
Rugby : Coupe du monde Il a déjà tes yeux Les mystères de l’école 20.55 Rugby : 14
Sport Film. Comédie de gendarmerie Coupe du monde 60
14
Sport. 4 quart de inale : France -
e
15 16 19
Afrique du Sud. En direct. Sur leur 15
pelouse du Stade de France, les 17
18 20
Bleus de Fabien Galthié, leaders 15
16 17 19
invaincus de leur poule A, font 19
face à l’Afrique du Sud, qui a ter- 17
17 18 19
miné à la 2e place de la poule B.
17
2e quart de inale : Irlande - Fra. 2016. Réal. : Lucien Jean- Téléilm. Policier 21.10 Le petit locataire
Nouvelle-Zélande. En direct. Baptiste. 1h35. Avec Aïssa Maïga. Paul 2021. Réal. : Lorenzo Gabriele. Avec Film. Comédie. Fra. 2016. Réal. : 60 17 22
Ce deuxième quart de inale met au et Sali ont tout tenté pour en avoir Sara Mortensen. Emma et Adrien Nadège Loiseau. 1h40. Avec 20
prise le leader de la poule B, l’Irlande, un enfant. Après des mois d’attente, devaient se retrouver en amoureux. 20
Karin Viard. Le test de grossesse
et le deuxième de la poule A, la Sali apprend qu’on va leur conier Mais Adrien est appelé sur une 19 19
est formel : Nicole, 49 ans, est
Nouvelle-Zélande. Benjamin, 6 mois. L’enfant est blanc, afaire : une recrue a été retrouvée enceinte. Sa ille, qui a eu un 26 26
Paul et Sali sont noirs. D’abord surpris, pendue dans l’école de gendarmerie. enfant jeune, n’en revient pas. Sa 26
22.55 Le mag de la Coupe du monde 19 21
le couple accueille le bébé avec joie. mère, bien que charmante, n’est
de rugby. Magazine. Inédit. 22.45 Les mystères de la marée. 24 27
23.10 Le grand bêtisier de l’été. Div. 23.05 Quelle époque ! Talk-show. pas forcément d’un très grand
Téléilm. Suspense. 27
soutien. Dépitée, Nicole init par 50
accepter la situation. Sauf qu’elle
24
n’est pas aidée par Jean-Pierre,
son mari dilettante.
DIMANCHE
21.00 20.50 21.10 21.10 Brokenwood 30
12
Football : D1 Arkema Marche avec les loups 9-1-1 : Lone Star Série. Policière. NZ. 2022. Saison 8. 12
Sport Film. Documentaire Série. Dramatique Avec Neill Rea. Du riii au paradis.
12 11 12
Inédit. Dans la communauté isolée 13
des plages de Pateke Point, une 13
13 14
résidente locale init matraquée 14
14 14 13
à mort par un objet contondant 13
14
inconnu et enfermée dans une
14 14 14
maison qui n’est pas la sienne.
15
21.09 Alibi.com 2
4e journée : Lyon - Saint-Étienne. Fra. 2019. Réal. : Jean-Michel Bertrand. EU. 2022. Saison 3. Avec Rob Lowe. Film. Comédie. Fra. 2023. Réal. : 14 16
En direct. Le Terrain d’honneur Gérard 1h25. Inédit. Le réalisateur Jean- 2 épisodes. Inédit. Les membres du Philippe Lacheau. 1h28. Avec 50 13 16
Houllier accueille le derby rhônalpin Michel Bertrand suit avec eux le 126 interviennent sur les lieux d’une Philippe Lacheau. Alors que son 17
mariage approche, un jeune 18
entre les équipes féminines de Lyon périple qu’entament les jeunes loups fête qui prend une mauvaise tournure.
homme met au point un plan 19 23
et de Saint-Étienne. qui quittent la meute lors de leur Owen doit gérer l’animal de compa- 22
marche de la survie. gnie très bavard légué par Gwyneth. pour éviter de présenter ses 19 19
23.01 Débrief D1 Arkema. En direct. parents, dont il est peu ier, à sa 20 28
23.24 Babylon. Film. Comédie drama- 22.20 Les maîtres de l’Arabie. 22.50 9-1-1 : Lone Star. Série. future épouse.
tique. Avec Brad Pitt, Margot Robbie. Documentaire société. Dramatique. À l’aide ! - La traque. 24 60
21.00 Black Book 23
Film. Drame. Ned/All/GB/Blg.
2006. Réal. : Paul Verhoeven.
T (en °c)
2h16. Avec Carice van Houten. La
Seconde Guerre mondiale aux <-10 à 0 0 à 10 10 à 20 20 à 30 30 à >40
18.28 Les duos impossibles de 17.10 La petite histoire de France. 20.10 Burger Quiz. Jeu. Pays-Bas. Une jeune juive, dont la
Jérémy Ferrari. Spectacle. 9e édition. Série. Humoristique. famille a été tuée par les SS, entre
21.10 Columbo
en résistance et tombe amou-
21.08 Roland Magdane : 21.05 La petite histoire Série. Policière. EU. 1995. Saison 13. ALGER 23/29 AMSTERDAM 12/14 ATHÈNES 16/25
reuse d’un oicier allemand.
Déjanté de France Avec Peter Falk. Une étrange
BARCELONE 18/25 BELGRADE 15/27 BERLIN 13/18
Spectacle. 1h39. Première difusion. Série. Humoristique. Fra. Avec Alban association. Le célèbre inspecteur
21.10 Zone interdite BERNE 15/17 BRUXELLES 8/14 BUDAPEST 11/25
Après quarante ans de carrière, Ivanov. Tout le monde connaît Jeanne à l’imperméable élimé se lance sur
Magazine. Prés. : Ophélie Meunier. COPENHAGUE 10/12 DUBLIN 7/11 LISBONNE 19/25
Roland Magdane revient, entouré de d’Arc, Louis XIV et Napoléon. Leurs les traces du meurtrier d’un joueur
1h45. Bonnes afaires, terroir et
ses personnages mythiques. cousins en revanche ne sont pas impénitent, visiblement tombé dans LONDRES 8/13 MADRID 15/22 PRAGUE 14/21
camelots : les secrets des plus
rentrés dans l’histoire. un traquenard. RABAT 19/29 ROME 14/26 TUNIS 17/32
23.08 Roland Magdane : Ma femme grandes foires de France. En ville
et moi. Spectacle. 23.00 La petite histoire de France. 22.55 90’ Enquêtes. Magazine. ou à la campagne, près d’un demi-
million de fêtes et de foires sont LUNDI MARDI MERCREDI
organisées en France. Direction
horé-la-Rochette et Marseille.
4/12 6/14 9/14
20.05 C l’hebdo la suite. Talk-show. 19.36 100 jours avec les dépanneurs 20.00 Historiquement Show. Mag. 8/13 4/11 9/13 7/14 12/17 9/14
de l’autoroute. Documentaire.
21.00 Échappées belles 20.50 La guerre des trônes, 7/14 9/17
Magazine. Prés. : Ismaël Khelifa et 21.10 100 jours avec la police la véritable histoire de l’Europe 13/18
Matthieu Tordeur. 1h30. Norvège, des Ardennes Documentaire. Fra. 2021. Réal. : 12/19
« Audition publique », 14/17 16/21 17/20 18/25 18/23
terre d’aventures. Ismaël Khelifa et Documentaire. Fra. 2023. 1h07. 2 épi- Vanessa Pontet, Alain Brunard.
« Points de vue », « Le Club

Matthieu Tordeur débutent tous deux
leur voyage à travers la Norvège au
sommet du mont Fløyen, qui culmine
à 320 mètres d’altitude.
22.30 Échappées belles. Magazine.
sodes. Dans les Ardennes,
la ville de Charleville-Mézières est
un carrefour où se côtoie une popula-
tion éclectique.
00.54 Programme de la nuit

2 épisodes. Le 22 janvier 1701, le duc
Le Figaro Politique »,
d’Anjou, petit-ils du roi Louis XIV,
s’installe sur le trône d’Espagne.
« Le Buzz TV »... Retrouvez
toute l’actualité et tous nos
la c h a i n e m e t e o .c
Par téléphone : LIVE 24/24 Sur L
’A P P LI
22.35 La guerre des trônes, programmes sur Figaro Live
GRATUITE
la véritable histoire de l’Europe. Doc. 2,99 €/appel La Chaîne Météo

MOTS CROISÉS Par Vincent Labbé SU DO KU

1 2 3 4 5 6 7 8 En partant des chifres déjà placés, remplissez les grilles de manière à ce que chaque ligne, Chaque jour un peu plus difficile
PROBLÈME N° 6422 chaque colonne et chaque carré de 3 x 3 contienne une seule et unique fois tous les chifres de 1 à 9.
HORIZONTALEMENT 1
1. Exploitées au maximum. - 2. Gagné au jeu. - 3. Être GRILLE 4514 FACILE GRILLE 4515 DIFFICILE GRILLE 4516 DIABOLIQUE
manifeste en droit. - 4. Opposé à la force. De la gym avec 2
une marche. - 5. A fini par se faire chopper. Éclat du 8 4 1 9 6 9 5 3 8
passé. - 6. Cachés au Québec. - 7. Échangé par de vieux
Chinois. Socle retourné. - 8. À la fin, signale une inflam-
3 3 4 7 8 6 8 7 1 9 7
mation. Du côté de la Provence et des Cévennes. 4 1 2 9 5 1 8 3 6 2
- 9. Les oreilles de l’État. Opinion notoirement favorable.
- 10. Court vêtu. Pratiquait l’ouverture du roi. - 11. Part à 5 8 3 5 6 1 7 3 2 1
la fin du repas. Rivière qui chante au pays des Tyroliens.
6 3 2 4 6 9 5 2 3
- 12. Cette ville alsacienne fut la capitale de l’humanisme
au cœur de la Renaissance.
7
5 7 9 3 6 4 2 6 8 4
VERTICALEMENT
6 9 4 2 1 3 9 6 2 8 1 9
8
1. Soucis d’efficacité. - 2. Condamne avec sévérité. 2 1 5 3 4 6 9 9 2 1
- 3. Mise dans une situation embarrassante. Il donne
selon sa richesse. - 4. Des box pour les boxers. P’t’êt
9 8 5 3 4 2 7 8 4 6
ben qu’oui en Normandie. Glisse sur un plan incliné. - 5. 10
SOLUTION DES MOTS MÉLANGÉS

Procède à l’expulsion. Pied tordu. - 6. Teinte de rose LETTRES EN PLUS LETTRES EN MOINS
chair. Se sépare de sa mère. - 7. Arrose les œillets. 11
Diminua les salers. - 8. Parcours en boucles. Composez un mot de six lettres avec la lettre en plus. Dans chacun des mots horizontaux, rayez une lettre ain de
12 créer un mot nouveau et reportez cette lettre dans la colonne
LE MOT À TROUVER EST : ADEPTE.

Agir comme un garçon

vide. Vous découvrez alors verticalement le mot mystère.
R I V E R +S =
Animal à tête dure S E N T I E R M A N C H E
SOLUTION DU PROBLÈME N° 6421
L I B R E +E =
1

HORIZONTALEMENT 1. Fêtardes. - 2. Unitaire. - 3. Gunitera. - 4. Imaginât. - 5. Té. Anet. - 6. Ira. Ésus. B O U C L E R H O U P P E

- 7. Vache. Mu. - 8. Éthuse. - 9. Mien. Cap. - 10. EV. Icône. - 11. Népérien. - 12. Tsarines. Ôte l’ivraie
C E S A R +L = S A U N I E R J A R R E T
VERTICALEMENT 1. Fugitivement. - 2. Énumératives. - 3. Tina. Ache. Pa. - 4. atigA. Hunier. - 5. Rati- O U V R I E R T R O E N E
A

Il pourrait bien faire afaire

nées. Cri. - 6. Diènes. Écoin. - 7. Erratum. Ânée. - 8. Seat. Suspens.
G I L E T +I = R E L A X E R C OM B L E
 samedi 14 - dimanche 15 octobre 2023 LE FIGARO

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DISPARITION
L’ASTROPHYSICIEN
FRANCO-CANADIEN ÉTAIT
UN VULGARISATEUR HORS PAIR,
HUBERT REEVES
QUI AVAIT SU METTRE L’UNIVERS
À PORTÉE DU GRAND PUBLIC.
L’HOMME
IL EST DÉCÉDÉ VENDREDI À PARIS.
PAR LE SERVICE SCIENCES
QUI PARLAIT
AUX ÉTOILES
C’
est avec les livres Patience
dans l’azur, puis Poussières
d’étoiles, qu’il a fait irruption
sur le devant de la scène,
parmi les « stars » de son do-
maine. Son visage aux allu-
res de sage, sa barbe blanche
et ses yeux bleus, sa voix en-
voûtante au doux accent québécois, sont
devenus emblématiques. Celui qui parlait
aux étoiles, puis traduisait leur langage aux
humains de tout âge, Hubert Reeves, né au
Québec le 13 juillet 1932, s’est éteint hier à
91 ans, a annoncé son fils. « Le Québec perd
un vulgarisateur hors pair, un astrophysi-
cien de renom. Hubert Reeves (…) repart
aujourd’hui comme il est venu, en poussière
d’étoiles », a commenté François Legault,

ULF ANDERSEN/AURIMAGES VIA AFP

premier ministre du Québec.
Grand-père fermier, père employé…
Reeves n’était pas destiné à devenir le plus
populaire des astrophysiciens. Mais alors
qu’il est enfant, son père ramène à la mai-
son l’Encyclopédie de la jeunesse et en lisant
cette dernière, Reeves développe le désir
d’explorer le monde et le cosmos. Toute
son existence, il cultive le goût de l’ex- Hubert Reeves,
ploration intellectuelle et celui de trans- en 2001.
mettre, cultivé lors des « nuits des étoiles »
estivales, où il raconte aux participants les
mystères et les réalités du ciel. à l’Université Cornell (New York). connaissances à disposition du grand En 1999, l’astéroïde (9631) 1993 SL6 a

Talents de conteur
Il fait ses études classiques chez les Jésuites,
au collège Jean-de-Brébeuf de Montréal.
C’est là qu’il observe pour la première fois
Saturne à l’aide d’un télescope qu’il a
fabriqué. Inscrit à la faculté des Sciences de
l’Université de Montréal, il obtient un bac-
calauréat des sciences en physique en 1953,
présente à l’Université McGill (Montréal)
un mémoire de maîtrise, puis un doctorat
Conseiller de la Nasa au début des années
1960, il rejoint la Belgique puis la France en
1965, pour devenir directeur de recherche
au Centre national de la recherche scienti-
fique (CNRS) et conseiller scientifique au
Commissariat à l’énergie atomique (CEA).
Il disait avoir hérité ses talents de
conteur de sa grand-mère maternelle, qui
le faisait rêver quand il était petit en lui ra-
contant des histoires sans fin. C’est une
amie qui l’a convaincu de mettre ses
public dans Patience dans l’azur, dont le
titre est inspiré d’un poème de Paul Valéry
(Patience, patience/ Patience dans l’azur !/
Chaque atome de silence/Est la chance d’un
fruit mûr !). Le manuscrit, refusé par une
trentaine de maisons d’édition, est réécrit
avec l’aide de son ami physicien Jean-
Marc Lévy-Leblond, pour être publié en
1981. Le livre connaît un grand succès
après sa présentation à l’émission Apostro-
phes, de Bernard Pivot.
emprunté son nom à Hubert Reeves, un
honneur accordé par l’Union Astronomi-
que Internationale (UAI). Le populaire as-
trophysicien attendait encore beaucoup de
sa discipline : « Quand on regarde l’Univers
à l’échelon des galaxies ou à celui des ato-
mes, la façon de s’organiser est uniforme. Le
fait que l’on trouve tant de similarités dans
l’organisation à très grande ou à très petite
échelle permet de penser qu’il en est de même
du vivant (…), partout où les conditions sont
favorables. Je trouve très plausible le fait que
la vie existe ailleurs. (…) Patience encore… »,
expliquait-il en 2013 au Figaro.
CHRONO
13 juillet 1932 Naissance à Montréal.
1955 Mariage avec Francine Brunel,
avec qui il aura quatre enfants.
1960 Soutient sa thèse
à l’université Cornell (New York).
1960-1964 Conseiller de la Nasa,
enseignant à l’université Columbia
(New York) et au département de physique
de l’université de Montréal.
1965 Prend un poste de directeur

« UN DES MEILLEURS FILMS DE L’ANNÉE »

Sauvegarder la biodiversité
Mélomane accompli, Hubert Reeves a par-
ticipé à de nombreux spectacles musicaux,
notamment des « cosmophonies » avec la
Les Echos musicienne Karine Lethiec. Il aimait aussi
PRESSE 4,5 SPECTATEURS 4,0 l’Homme, au point de lancer en 2014 une
« déclaration d’amour à l’être humain »
dans les billets d’humeurs publiés entre
de recherche au CNRS au département
d’astrophysique du CEA Saclay.
1981 Publication de son premier ouvrage,
Patience dans l’azur, qui sera suivi en 1984
du best-seller Poussières d’étoiles.
1990 Mariage avec la journaliste

« UN TRÈS GRAND
2013 et 2020 sur le site internet du Point. Camille Scoffier.

« UN PRODIGIEUX
Les quatuors de Brahms, les tableaux de
Vermeer ou de Gauguin, l’insatiable curio- 2001 Devient président de la Ligue ROC
sité de l’Homme à comprendre le monde pour la préservation de la faune sauvage,

FILM DE PROCÈS » Le Point

FACE-À-FACE »
qui l’entoure ou sa capacité à aider ses
semblables étaient selon lui autant de rai-
sons « de vouloir préserver et, ultimement,
devenue en 2012 Humanité et Biodiversité.

Le Monde privilégier l’espèce humaine ». Ces derniè-

« PASSIONNANT »
res années, Hubert Reeves, qui avait avait ment pensent les savants ? (Éditions Librio,

« FORMIDABLE »
passé sa vie à observer les astres, avait
donc décidé de revenir sur Terre pour plai-
der en faveur de la nature et de la sauve-
Le Figaro garde de la biodiversité. En 2001, il succède
Télérama à Théodore Monod à la tête de la Ligue ROC
pour la préservation de la faune sauvage,
devenue en 2012 Humanité et biodiversité.
sous la direction de Geneviève Anhoury,
réédité récemment).
« La connaissance nous ramène toujours à
nous-mêmes et à notre place dans le monde.
Savoir que je suis une poussière d’étoile,
n’est-ce pas fantastique et merveilleusement
bon pour le moral de le savoir ? », lançait-il

« UN FILM Hubert Reeves en était devenu le président

d’honneur en 2015. « Toutes mes démar-
aussi. « On a perdu une source d’inspiration
pour beaucoup de monde, un grand scienti-

IMMENSE »
ches en faveur de l’environnement partici-
pent à ce même mouvement de fraternité
universelle et ont donné un sens à ma vie.
Technikart Elles l’ont aussi embellie. Dès que je me suis
lancé dans ce combat, j’ai eu beaucoup
fique et un grand vulgarisateur qui laisse un
grand vide derrière lui. Cet excellent passeur
d’étoiles a transmis sa flamme à des généra-
tions, qui comprennent mieux l’univers
grâce à lui », a réagi auprès du Figaro Eric

« MAGISTRAL »
moins de problèmes de santé et de somatisa- Lagadec, astrophysicien à l’Observatoire
tions qu’avant », a-t-il expliqué dans Com- de la Côte d’Azur, à Nice. ■

Elle

UN DERNIER MOT Par Étienne de Montety

« UN THÉATRE
edemontety@lefigaro.fr

CAPTIVANT »
Dupont (du-pon)
Pièce maîtresse qui a du jeu.
France Info

L
a France devrait pouvoir compter sur son joueur vedette, Antoine Dupont,
qui se relève de sa blessure.
Le demi de mêlée du XV de France porte un nom familier des Français,
qui renvoie au latin pons, et désigne une construction pour enjamber une dépression
ou un cours d’eau. Comment se porte ce Dupont qui enjambe les blessures avec
allant ? Comme le Pont-Neuf, répondent les médecins de l’équipe, faisant ainsi allusion
aux plaques posées pour réparer sa mâchoire fracturée. On s’en réjouit.
Dupont flottant, on aurait de quoi être inquiet.
`
un film de Cedric Kahn En effet, il est devenu le grand ponte du XV de France, à la fois pondéré et ardent,
habile à distribuer le jeu entre les véloces et les avants, quitte à leur prêter main-forte

ACTUELLEMENT AU CINÉMA
quand ceux-ci se transforment en pontonniers - pour éviter la bérézina.
Il sera sur le pont dès le coup d’envoi. Mais tiendra-t-il le rythme ?
A

C’est assez de savoir qu’il va enfiler les crampons, car si Dupont est chaussé,
alors peut s’ouvrir dimanche soir un boulevard vers la victoire. ■