mercredi 29 novembre 2023 — Quotidien n° 42782 —2,70 €

Peut-on se passer France Peut-on faire coniance

aux médias ?
du pétrole ? À Villeurbanne,
Quels sont les freins le vivre-ensemble Une information
à la transition ? P. 18 à 20 sur le il P. 4-5 sur mesure ? P. 22-23
éditorial

La France
Anne-Bénédicte Hoffner

Pression

se prend aux Jeux De nouveaux otages

israéliens devaient être
libérés hier en échange
de prisonniers palestiniens,
après la prolongation pour
deux jours de la trêve
dans la bande de Gaza P. 10

L
es autorités israéliennes
Les Alpes ne cessent de rappeler le
but de leur guerre contre
françaises le Hamas : « détruire » le mouve-
ment islamiste, « s’assurer que
sont candidates la bande de Gaza ne sera jamais
une menace à la sécurité d’Israël »
à l’organisation des – autrement dit restaurer la dis-
suasion – et « libérer tous les
Jeux olympiques otages ». Ces trois objectifs font
consensus dans le pays… mais
d’hiver 2030 avec pas leur ordre de priorité.
La libération de 50 otages israé-
la promesse d’une liens détenus à Gaza depuis le
Belgique : 2, 90 € ; Luxembourg : 2, 90 € ; Italie (Rome) : 3, 40 € ; Maroc : 36 MAD

7 octobre en échange de 150 Pa-

édition « économe
Depuis 1883 – ISSN/0242-6056. – Imprimé en France : 2, 70 € ; DOM : 3, 55 €

lestiniens écroués dans des pri-

sons israéliennes est soutenue
et sobre ». Première par le mouvement « Bring them
home now » (Ramenez-les à la
réponse d’ici à la fin maison maintenant), toujours
aussi déterminé. Mais au sein
de la semaine même du gouvernement, des voix
dissonantes se font entendre,
P. 2-3 comme celle du très extrémiste
ministre de la sécurité nationale,
Itamar Ben Gvir, qui a publique-
ment qualiié l’accord avec le
Hamas de « désastre ».
Annonces légales p. 16

La situation intérieure est donc

inconfortable pour le premier
ministre, Benyamin Netanya-
hou. Elle l’est tout autant au plan
international. Le secrétaire d’État
américain Antony Blinken vient
de s’annoncer pour la troisième
fois depuis le début du conlit !
Et il compte « évoquer les efforts
pour contenir le conflit », plaider la
cause des otages israéliens comme
des civils gazaouis, et même dé-
fendre « la création d’un État pa-
lestinien indépendant en tant que
seule solution à terme »…
L’armée israélienne et, donc, le
gouvernement peuvent se targuer,
avec leur campagne de destruc-
tions dans Gaza, d’avoir imposé
au Hamas un rapport de force qui
leur était favorable. Il n’empêche.
Il faut aujourd’hui souhaiter que
la trêve se prolonge encore, et
À Annecy-Le Grand-Bornand, le 17 décembre 2022, Sophie Chauveau participe à la Coupe du monde de biathlon. Nils Louna/Zoom/Presse Sports qu’elle devienne un cessez-le-feu.

2 ÉVÉNEMENT
Jeux d’hiver en France,
un non-sens écologique?
tAvec sa candidature sur
D’ici à la fin l’ensemble du massif alpin,
la France mise sur un projet
de la semaine, qui se veut conscient
le Comité des défis posés par
le changement climatique.
international
olympique doit faire En cinq mois, l’affaire s’est
un premier pas dans conclue. Cinq mois d’intenses
dis cus sions et de mobilis a-
son choix de l’hôte tion des services des régions
des Jeux d’hiver Provence -Alpes- Côte d’Azur
(Paca) et Auvergne-Rhône-Alpes,
2030. de compromis mais aussi d’inté-
rêts bien compris. Tour de force :
le 7 novembre dernier, le dossier
De Nice à la Savoie, de la candidature des Alpes fran-
çaises à l’organisation des Jeux
les Alpes françaises olympiques d’hiver 2030 a pu être
sont candidates déposé auprès du Comité interna-
tional olympique (CIO), puis être
avec de solides défendu deux semaines plus tard
atouts, devant la commission de futur
et la promesse hôte de l’instance. Ses promoteurs
attendent désormais le premier
de Jeux olympiques verdict du CIO, dont la commis-
«économes sion exécutive est réunie à Paris à
partir de ce mercredi 29 novembre.
et sobres». Avec de bonnes chances de
succès dans une rude compéti-
tion où s’alignent aussi la Suisse
Les jeunes athlètes et la Suède ? « On est dans un
match compliqué, mais on est
français sont très bien placés pour gagner », ré-
partagés entre souci sume Renaud Muselier, le pré-
de l’environnement sident de la région Paca, le pre-
et enthousiasme
mier à avoir rêvé très fort « de JO
chez nous ». Son homologue de la
pour des Jeux région Auvergne-Rhône-Alpes,
Laurent Wauquiez, veut croire à la
à domicile. « dynamique collective » qui porte
une candidature « respectueuse de
l’environnement ».
C’est l’argument majeur des par-
ties prenantes au dossier trico-
lore. Ces Jeux, répartis sur quatre
« pôles » (Haute-Savoie, Savoie,
La Croix -mercredi 29 novembre 2023
Briançonnais et Nice), seront « éco-
nomes et sobres », jurent-elles. Au-
cun budget n’est pour l’heure ar-
rêté, mais la somme de 1,5 milliard
d’euros est tout de même évoquée,
et Laurent Wauquiez l’assurait au
sortir du grand oral face au CIO : « Il
y a des partenaires majeurs de Paris
2024 qui ont dit qu’ils étaient prêts
à nous suivre. » Le coût serait d’au-
tant plus limité que les Jeux pro-
iteront des installations en place
et entretenues depuis Albertville
en 1992. La construction d’un seul
équipement est ainsi programmée :
une patinoire à Nice.
« 95 % des infrastructures sont
déjà là », se félicitait lors de la
conférence de presse de présenta-
tion Martin Fourcade, l’ex-cham-
pion de biathlon, membre de la
commission des athlètes du CIO,
poussant derrière le projet. « Notre
soutien n’est pas aveugle mais en-
gagé, précisait-il. Tout le monde a
conscience que les JO de demain ne
peuvent pas être les mêmes que ceux
d’hier. Nous sommes face à un monde
en mutation, mais cette candidature
s’inscrit dans ce monde-là. »
«Les glaciers
s’écroulent, mais
on nous airme
qu’on pourra
toujours faire
du ski!»
Un discours qui irrite au plus
haut point le collectif « No JO »,
constitué pour lutter contre toute
candidature des montagnes fran-
çaises. « En 2050, la totalité des
glaciers alpins situés en dessous de
La station de Méribel (Savoie). Romitas Romala/Getty
3 400 m d’altitude auront disparu.
Les glaciers s’écroulent, les ébou-
lements rocheux se multiplient,
les refuges de haute montagne fer-
ment les uns après les autres mais
on nous airme qu’on pourra tou-
jours faire du ski et qu’on doit conti-
nuer à faire du ski ! », fustigeaient
ces opposants dans un communi-
qué le 21 novembre.
Les Jeux olympiques d’hiver,
en somme, continueraient à pro-
mouvoir un modèle condamné,
le CIO lui-même révélant en oc-
tobre dernier que, sur les quinze
pays qui ont jusque-là accueilli
la quinzaine du grand blanc, dix
seulement auront « la iabilité cli-
matique nécessaire » pour recevoir
Jeux olympiques et paralympiques
« d’ici à 2040 ». Alors pourquoi ne
pas déchausser d’ores et déjà les
skis et passer à autre chose ?
La question fait évidemment
sortir de ses gonds Alexandre
Maulin, le président de Domaines
skiables de France, la chambre
professionnelle des opérateurs de
champs de neige tricolores : « Il ne
faut pas se tromper : le modèle ac-
tuel fait vivre les territoires et sera
toujours valide demain, au moins
jusqu’en 2050 pour les petites sta-
tions, et jusqu’à la in du siècle pour
les grandes, promet-il. Alors ces-
sons le “ski bashing” et n’écoutons
pas tous ceux qui ont décidé que l’on
doit mourir : un projet pour 2030
n’est pas délirant. »
Le président de la Fédération
française de ski (FFS), Fabien
Saguez, escalade la même échelle
de temps : « La société française a
besoin de savoir aujourd’hui ce qui
va se passer dans cinquante ans.
Moi, j’habite la montagne, et j’es-
saye de bien vivre mon présent. Je
ne vois rien d’antinomique entre
les Jeux dans six ans à peine et le
respect de mon environnement, que
je suis le premier à défendre. Au
contraire. Les Jeux peuvent accom-
pagner notre transition en démon-
trant ce que l’on sait et peut faire
pour modiier les comportements
et donner des perspectives de chan-
gement. Rien à voir avec ce qui s’est
fait à Sotchi ou Pékin. »
«Les Jeux peuvent
accompagner
notre transition
en démontrant
ce que l’on peut faire
pour modiier
les comportements.»
Plus de Jeux « hors sol », c’est de
fait la volonté aichée du CIO. Le
sujet est de fait de plus en plus sen-
sible, comme l’ont démontré les
polémiques sur la préparation des
pistes suisses de Zermatt-Cervinia
pour l’ouverture de la Coupe du
monde de vitesse mi-novembre,
nécessitant de creuser le glacier
du Théodule pour rapporter de la
neige. Sous pression, la Fédération
internationale de ski a d’ailleurs
ini par promettre un « plan d’ac-
tions » d’ici à in 2024, pour adap-
ter notamment son calendrier.
« Nous sommes certes montrés
du doigt et nous avons un devoir
d’exemplarité, commente Fabien
Saguez. Mais il faut cesser de culpa-
biliser et agir. La mise en lumière
de nos montagnes grâce à des Jeux,
conçus comme un projet de ter-
ritoires, dépasse le cadre sportif.
Nous avons cette chance en France
de proposer aussi une diversité PPP
 La Croix -mercredi 29 novembre 2023

ÉVÉNEMENT 3

La candidature des Alpes repères

françaises pour 2030 SUISSE
Une réunion cruciale
Le cas de conscience
Villes hôtes historiques

PÔLE HAUTE-SAVOIE
Annecy
CHAMONIX
du CIO

En plus des Alpes françaises,

BIATHLON
SKI DE FOND
Chambéry
PÔLE SAVOIE
BOBSLEIGH
GRENOBLE
SKELETON
LUGE
SKI ALPIN
SAUT / COMBINÉ
PÔLE BRIANÇONNAIS
SNOWBOARD
SKI FREESTYLE
PÔLE CÔTE D’AZUR
CROSS
CURLING
PATINAGE ARTISTIQUE
SHORT TRACK
HOCKEY
Source : Comité national olympique et sportif français
David Lappartient (Comité olympique), Marie-Amélie Le Fur (Comité paralympique) et Laurent
Wauquiez (région Auvergne-Rhône-Alpes), le 7 novembre à Paris. Stéphane Kempinaire/KMSP via AFP
PPP culturelle, patrimoniale, et
une douceur de vivre, plus apaisée
que dans les milieux urbains stres-
sés. » C’est cette vocation sociétale
que tient aussi à mettre en avant
Marie-Amélie Le Fur, la présidente
du Comité paralympique et sportif
français, très engagée dans la can-
didature : « Ce ne sont plus les terri-
toires qui s’adaptent aux Jeux mais
l’inverse, et ce changement de para-
digme est une surprise bienvenue
dont il faut se saisir. D’autant que
la France a les atouts pour. » L’an-
cienne athlète aux neuf médailles
paralympiques rejette l’idée d’un
arrêt brutal des compétitions spor-
tives pour préserver la montagne.
ALBERTVILLE
ITALIE
Digne-les-Bains
Nice
Mer Méditerranée
20 km
« Les Jeux sont de ces événements
qui peuvent créer deux choses : une
ferveur populaire réelle permettant
de faire nation, et ce n’est pas rien,
notamment pour les jeunes géné-
rations ; et puis pour les personnes
handicapées, ils peuvent aussi être
un vecteur d’accélération de l’inté-
gration. »
Et la dirigeante de pointer les
difficultés d’accessibilité à la
montagne, les stations devant
rattraper un retard considérable
sur des problématiques délicates,
comme les cheminements dans
les stations ou l’accès au front de
neige. « Il s’agit bien de domaines
qui touchent la vie quotidienne, et
les Alpes suisses et la ville de
Stockholm (Suède) sont égale-
ment candidates pour l’organi-
sation des JO d’hiver 2030.
La commission exécutive du
CIO se réunit à Paris du 29 no-
vembre jusqu’au 1er décembre,
et entendra les recommanda-
tions de la commission du futur
hôte des Jeux d’hiver de 2030
et 2034.
La commission peut retenir un
ou plusieurs dossiers pour en-
tamer avec les candidats choi-
sis une période de « dialogue
ciblé » permettant de préciser
les contours des candidatures.
Le choix inal interviendra lors
d’une session du CIO en 2024.
L’attribution des JO d’hiver
2034 aura lieu au même
moment et pourrait revenir
à la ville de Salt Lake City
(États-Unis).
les Jeux peuvent aider en la ma-
tière, comme on le mesure déjà avec
Paris 2024, observe Marie-Amélie
Le Fur. Mais à Paris, la prise de
conscience a été un brin tardive,
et sans doute les questions d’acces-
sibilité par exemple ne s’améliore-
ront-elles vraiment qu’après l’évé-
nement. Alors pour 2030, l’idée
serait d’entretenir justement la
dynamique de Paris 2024, de faire
fructiier l’expertise acquise pour
travailler mieux à l’ouverture très
complexe des espaces naturels. » Si
la France est choisie en cette in de
semaine par le CIO, les sujets à ai-
ner ne manqueront pas.
Jean-Luc Ferré
des jeunes sportifs
tPréoccupée par
le réchauffement climatique
qui pèse sur l’avenir
de ses disciplines, la jeune
génération rêve à des Jeux
d’hiver à domicile à taille
humaine et sans excès.
Il y a eu cette courte période
de quelques semaines où, au len-
demain des Jeux olympiques de
Tokyo de l’été 2021, les athlètes
des sports d’hiver devaient qua-
siment rappeler leur existence
aux commentateurs trop pres-
sés. « On entendait : prochain
rendez-vous olympique à Paris !
Et nous, on disait : ah ben non, il
y a Pékin d’abord, raconte Arthur
Bauchet, triple champion para-
lympique justement durant la
quinzaine chinoise de 2022. On a
un peu soufert d’une certaine in-
diférence alors. Du coup, la pers-
pective de Jeux d’hiver en France
en 2030 est un formidable moteur
d’enthousiasme. »
Le jeune médaillé de Saint-Tropez
entamera alors sa trentième an-
née et compte bien être de la par-
tie. « Des Jeux à la maison, c’est la
chance d’une vie, comme de gagner
au Loto ! », applaudit-il. Il n’est évi-
demment pas le seul. « J’ai goûté
aux Jeux olympiques d’hiver de
la Jeunesse de Lausanne en jan-
vier 2020, où nos épreuves se dé-
roulaient en France à Prémanon
dans le Jura, devant toutes nos
familles et nos amis, et c’était for-
midable », se souvient la biathlète
Léonie Jeannier, 21 ans, qui vit sa
dernière saison en juniors chez
les Bleues. « Connaître des Jeux à
domicile pendant sa carrière spor-
tive, c’est exceptionnel. »
Spécialiste du combiné nor-
dique alliant saut à ski et ski de
fond, Mattéo Baud, 21 ans, est
d’autant plus excité par une quin-
zaine alpestre qu’il connaît bien le
site qui pourrait accueillir sa dis-
cipline. « Ce serait une opportu-
nité qui me tient vraiment à cœur
sur les tremplins de Courchevel,
où j’accumule de très nombreuses
heures d’entraînement, précise-
t-il. Et ce serait en plus une très
bonne chose que d’utiliser une ins-
tallation déjà existante. »
Car comme de nombreux ath-
lètes de sa génération, Mattéo
Baud est plutôt sensible à la pro-
blématique environnementale.
« Nous avons grandi avec ces ques-
tions sur le respect de la nature, le
développement durable, souligne-
t-il. Alors oui, je trouve que d’aller
chercher de la neige sur les glaciers
pour garantir certaines compéti-
tions est absurde. Pour autant, je
crois que des Jeux en France sur
des massifs naturellement ennei-
gés et intelligemment organisés ne
sont pas une hérésie. » Rien à voir,
selon lui, avec Pékin (où il init 18e
sur le petit tremplin et 21e sur le
grand) « au milieu du désert et loin
de tout, dans une bulle montée de
toutes pièces où tout paraissait ic-
tif », appuie le Franc-Comtois.
Un souvenir « étrange » aussi
pour Arthur Bauchet, qui ne voit
pas du tout le même tableau sous
ses fenêtres du côté de Serre Che-
valier. « J’ai les montagnes déjà
bien blanches en face de moi, et
nous, on ne va pas les faire péter
pour obtenir plus de dénivelés.
Les pistes, on les a, et elles sont
belles ! » Espoir du slalom, Bap-
tiste Sambuis, 21 ans, glisse sur
la même trace : « De la neige, il
y en aura encore dans six ans, et
nous qui sommes nés après 2000,
nous n’avons pas connu Albertville
1992, alors on ne peut que croiser
les doigts pour 2030. »
« On met tout
en œuvre pour
limiter notre impact
carbone,
même s’il ne faut pas
se cacher, il existe.
Mais des solutions
de transition vont
s’imposer. »
L’éco-anxiété que l’on prête à
leur génération ? « On est pleine-
ment conscients du réchaufement
climatique, et on en parle souvent
entre nous, assure Léonie Jean-
nier. On met tout en œuvre pour
limiter notre impact carbone,
même s’il ne faut pas se cacher, il
existe. Mais des solutions de tran-
sition vont s’imposer, peut-être
pas à l’échelle de ma carrière, mais
progressivement. Des compéti-
tions l’été sur des skis à roulettes
sont déjà de plus en plus fréquentes
au niveau international. On peut
s’adapter. »
Mattéo Baud refuse de voir tout
en noir. « Dans nos disciplines, c’est
dur de recruter. Les Jeux, c’est un
moyen d’allumer des étoiles dans
les yeux et de donner envie, alors ne
ternissons pas les choses. » Arthur
Bauchet veut lui aussi s’abonner
à l’optimisme. Pour les Jeux de
2030, mais aussi pour les sports
d’hiver en général. « Pour moi,
quand je dis que le sport a sauvé
ma vie, c’est vrai, lâche-t-il. Les
grands événements sportifs, avec
leurs émotions, c’est aussi du bon-
heur en partage. S’en priver ne
servirait à rien. On peut montrer
qu’en France on peut faire quelque
chose de responsable, vraiment. »
Jean-Luc Ferré
 La Croix -mercredi 29 novembre 2023

4 ÉVÉNEMENT
Lors de la marche de la fraternité le 26 novembre à Lyon. De G. à D : Benaissa Chana, du conseil régional
Depuis du culte musulman, Christian Delorme, d’AssoHospitalité d’Abraham, et Ruth Ouazana,
d’Amitié judéo-chrétienne Lyon et région. Élisabeth Rull pour La Croix
le 7 octobre,
les échos du
conlit entre
Israël et le Hamas
parviennent
en France.

Selon le dernier
bilan du ministère
de l’intérieur daté
du 14 novembre,
1518 actes ou
propos antisémites
ont été recensés
depuis le 7 octobre.

Villeurbanne,
où les diférentes
communautés ont
l’habitude de vivre
ensemble, résiste
à l’embrasement.

À Villeurbanne,
le vivre-ensemble sur le fil
tLa violence du conflit
israélo-palestinien éprouve la
société française, comme en
témoignent les habitants de
Villeurbanne, dans le Rhône.
tCette ville populaire,
où vit une importante
communauté juive, résiste
pourtant, pour le moment,
aux tensions et à la montée
des extrémismes.
Villeurbanne (Rhône)
De notre envoyé spécial
Dans la vitrine, une carte de Holy
Land, la Terre sainte, et des fanions
de la croix bleue israélienne. Une
pancarte invite à toquer à la porte
pour entrer dans la librairie juive du
centre de Villeurbanne (Rhône). La
petite dame qui ouvre raccroche son
portable sur lequel vient de l’appe-
ler le maire de la ville pour prendre
des nouvelles. La veille, un individu
a couvert le vigile de paroles antisé-
mites avant d’être inalement inter-
pellé par la police.
Malgré les précautions, la libraire
avoue sa « peur ». Elle n’imaginait
pas cela quand elle a repris la bou-
tique, il y a quelques mois, après le
décès de son mari. À trois rues de là,
une autre femme aux mèches claires
s’active dans son commerce, entre
les rayons d’huile d’olive, de savons
de Naplouse, et le comptoir derrière
lequel s’affiche un drapeau pales-
tinien. Mais son sourire s’envole
lorsque l’on évoque le conlit. « Je ne
dors pas plus de trois heures d’affi-
lée. Je ne peux m’empêcher de suivre
les nouvelles à la télévision », dit la
commerçante dont toute la famille
vit en Cisjordanie.
Habitante du quartier Saint-
Jean, dans l’est de la ville, Samira
a quant à elle décidé de se couper
des réseaux sociaux. « Je suis flip-
pée, estomaquée, sidérée. Cette hu-
manité, elle va où, là ? » Engagée
dans la vie de quartier et l’assem-
blée citoyenne mise en place par la
municipalité, cette mère de quatre
enfants s’inquiète pour l’avenir : « Ça
bouillonne, mais les gens ne parlent
Ain
MÉTROPOLE
DE LYON
Lyon
Rhône
Rhône Villeurbanne
Isère
5 km
pas et ça va faire comme le Covid. Si
on ne s’exprime pas, cette violence
va laisser des séquelles, surtout chez
les jeunes. »
Pierre, retraité, membre de l’Asso-
ciation France-Palestine solidarité
(AFPS), assistait à une conférence
sur Gaza, samedi 11 novembre dans
le quartier du Vieux-Lyon, quand
des militants de l’ultra-droite ont
tenté d’attaquer les lieux. Trois par-
ticipants ont été hospitalisés. « J’ai
fait les quatre manifestations de sou-
tien à la Palestine sans qu’il y ait eu
d’incident. Avec la police, les rela-
tions sont bonnes, mais avec le réveil
de l’extrême droite cela devient très
tendu », s’inquiète le Villeurbannais.
Depuis les massacres commis
par le Hamas, le 7 octobre, puis la
riposte d’Israël, la société française
est travaillée par des sentiments
de peur, de soufrance et de colère,
comme en témoignent ces quelques
habitants de Villeurbanne. Et pour-
tant, malgré ce climat pesant, ag-
gravé par les risques d’attentats et
les poussées xénophobes, cette ville
semble amortir l’onde de choc. « Les
tensions sont là, reconnaît le maire
socialiste Cédric Van Styvendael.
Mais Villeurbanne a toujours réussi
à conserver une forme de robustesse. »
Avec plus de 150 000 habitants, la
cité populaire est aujourd’hui la 19e
ville de France mais cultive une cer-
taine discrétion, dans l’ombre de la
prestigieuse capitale des Gaules.
En 1934 sont inaugurées les
deux rangées de gratte-ciel qui ont
donné leur nom au quartier central
et bordent la mairie construite dans
un pur style monumental socia-
liste. C’est là que s’installèrent les
migrants juifs venus d’Allemagne
ou de Pologne. La communauté
compte aujourd’hui 15 000 habi-
tants environ, quatre synagogues
et plusieurs écoles, dont la cité sco-
laire du centre-ville qui draine 1 200
élèves venant de toute la métropole.
Villeurbanne, c’est aussi une tra-
dition d’accueil des vagues mi-
gratoires qui ont composé une
cité cosmopolite. « La ville s’est
construite sur l’hospitalité, ana-
lyse Vincent Veschambre, qui di-
rige le Rize, une institution ori-
ginale dé dié e aux mémoire s
des populations qui réunit un centre
culturel, une équipe de recherche,
une médiathèque et les archives
municipales. « Si on est lucides, bien
sûr on est inquiets, reprend l’an-
cien universitaire. Mais, modeste-
ment, on apporte notre contribu-
tion pour avancer vers une société
plus apaisée. »
Durant le mois d’octobre, le Rize
a accueilli une exposition sur P P P

Un samedi matin au marché des Grattes-Ciel et alentours, à Villeurbanne. Élisabeth Rull pour La Croix
P P P les traces des Ashkénazes en
Europe de l’Est – programmée bien
avant les événements – et n’a dé-
ploré aucun incident malgré la vi-
site de nombreux scolaires. Le maire
attribue aussi cette relative sérénité à
l’intensité de la vie sociale. « On a plus
de 1 000 associations qui sont autant
de relais pour dépasser les clivages,
pour résister au repli sur soi », se fé-
licite l’élu. Alors que les polémiques
ne cessent d’envenimer la scène poli-
tique nationale depuis le 7 octobre,
un climat de consensus a aussi per-
mis ici de faire baisser les tensions.
Le Rassemblement
national fait ici des
scores très faibles,
10% au premier
tour des législatives
de 2022 contre 18%
au niveau national.
Lors du conseil municipal du
13 novembre, l’édile a lu une décla-
ration sur la situation au Proche-
Orient et ses répercussions en
France, dans laquelle tous les mots
ÉVÉNEMENT
étaient pesés. « Notre responsabilité
d’élus, c’est d’abord de ne pas jouer
avec les évidences, ni avec les mots,
ni encore moins avec les fondements
de notre République », a mis en garde
Cédric Van Styvendael dont la majo-
rité municipale est composée d’élus
Insoumis et écologistes. Candidat
Renaissance battu aux municipales
de 2020, Prosper Kabalo salue la
prise de parole claire. Quant au Ras-
semblement national, il fait ici des
scores très faibles, 10 % au premier
tour des législatives de 2022 contre
18 % au niveau national.
Le microclimat social et poli-
tique explique que – jusqu’à pré-
sent du moins – la société résiste au
contexte délétère. Avec 30 % de lo-
gements sociaux, Villeurbanne est
une cité dense, un enchevêtrement
de grands ensembles et de petites ré-
sidences qui dessine un urbanisme
sans charme mais sans ségrégation
entre les quartiers. Avec une cer-
taine eicacité, si l’on en croit l’ab-
sence de tags ou d’inscriptions hai-
neuses, et la discrétion des sirènes
de police. Curé de la paroisse Sainte-
Madeleine, Olivier de Gersigny est
arrivé voici deux ans dans cette ville
dont il apprécie la mixité. « Les gens
se mélangent, ils vivent davantage
La Croix -mercredi 29 novembre 2023
dehors que dans d’autres grandes
villes de l’Ouest où j’ai habité », re-
marque le prêtre dont l’église se
fond, trois fois par semaine, dans
un marché bigarré.
« J’ai une cliente juive, elle vient
régulièrement prendre le thé, té-
moigne la marchande de produits
palestiniens. On est devenues amies.
Culturellement, il y a beaucoup de
choses qui nous sont familières ».
« Les religions font partie de la vie,
relève Prosper Kabalo, lui-même
juif pratiquant. Le week-end, dans
la rue, on se souhaite bon shab-
bat. » Un hommage à la tolérance
qui contraste avec l’ambiance mor-
tifère que dépeignent des partis ou
médias. « Le problème est que cer-
tains veulent faire de ce conlit un
enjeu de civilisation », analyse Pros-
per Kabalo tout en souhaitant que
la société sorte d’une forme « de
déni de la réalité » face au danger de
l’islamisme. Derrière son étal, l’épi-
cier franco-algérien Kader est plus
cash : « C’est Zemmour qui cherche
à importer le conflit et CNews qui
nous fait croire que c’est la guerre en
France. Je vis dans le quartier de la
Duchère, à Lyon, où il y a une mos-
quée, une synagogue. Et il n’y a pas
de problème. »
repères
Actes antisémites
et racistes en hausse
Selon le dernier bilan du minis-
tère de l’intérieur daté du
14 novembre, 1 518 actes ou pro-
pos antisémites ont été recensés
depuis le 7 octobre.
Le ministre de l’intérieur Gérald
Darmanin précisait alors que
la police avait procédé à « quasi-
ment 600 interpellations »
d’auteurs de tags, d’insultes
mais aussi de quelques cas
de coups et blessures.
Pas question pour autant de sous-
estimer le danger. La préfète délé-
guée à la sécurité Juliette Bossart-
Trignat rappelle la mobilisation des
forces de l’ordre, notamment avec
le renforcement des patrouilles de
l’opération Sentinelle. « Tout est fait
pour que malgré tout la vie continue »,
assure la préfète. Il faut faire face au
contexte de risque d’attentats et à la
situation « très tendue » dans le centre
de Lyon avec l’activisme de l’ultra-
droite, reconnaît-elle. Dans la mé-
tropole, une soixantaine de faits ou
menaces de nature antisémite ont été
recensés en sept semaines, donnant
«La plupart des gens
veulent la paix mais,
avec la pression
médiatique, on a
l’impression d’être
assigné dans un
camp ou dans
l’autre.»
lieu à cinq interpellations. Matin et
soir, dans les rues des diférents éta-
blissements de l’École juive de Lyon,
les enfants et adolescents entrent
et sortent sous la surveillance d’un
important dispositif sécuritaire du
service de protection juif et de mili-
taires. Plusieurs parents tentent de
relativiser. « On a l’habitude », esquive
un papa. Il est vrai qu’en 1995, déjà,
exactement au même endroit, le ter-
roriste Khaled Kelkal it exploser une
bombe qui, à quelques minutes près,
aurait causé un carnage.
« Les chiffres de l’insécurité ne re-
flètent pas la réalité, assure Yves
Semhoun, le président du consis-
toire israélite de Villeurbanne. Beau-
coup de gens se font insulter mais ils
ne déposent pas plainte. Par pru-
dence, des juifs ne portent plus leur
kippa, ils enlèvent la mezouza (rou-
leau de parchemin posé au seuil des
habitations) et même leur nom des
boîtes aux lettres. » Daniela Touati,
rabbin libérale de la synagogue Ke-
ren Or, explique que le lieu de culte
bénéficie pour la première fois du
dispositif Sentinelle. « Depuis le 7 oc-
tobre, on a vraiment peur. On a créé
un groupe de parole pour les familles
5
Le bureau de vigilance
du Consistoire israélite a déposé
25 plaintes depuis un mois.
Les actes antimusulmans
se multiplient en lien avec
le meurtre du jeune Thomas,
à Crépol, le 18 novembre.
Samedi, des tags islamophobes
ont couvert les murs de la mos-
quée de Cherbourg, et une mos-
quée de Valence a reçu une lettre
avec menaces de mort.
Samedi également, 13 personnes
ont été interpellées à Paris
pour avoir tagué des croix
gammées. Parmi elles, sept
ichés S d’ultradroite.
avec deux psychologues bénévoles.
On a aussi mis en place un numéro
d’appel pour ceux qui ont besoin
d’aide, surtout des personnes âgées et
des étudiants. »
Le président de Keren Or, Philippe
Marga, a signé le 18 octobre un com-
muniqué avec les responsables catho-
liques, protestants et musulmans de
la commune voisine de Vaulx-en-Ve-
lin pour « exhorter les croyants et tous
les citoyens à préserver le respect et le
vivre-ensemble ». À Villeurbanne, les
communautés religieuses ont sur-
tout brillé par leur discrétion. Le
recteur de la mosquée Othmane,
Azzedine Gaci, ne s’est pas exprimé
après le 7 octobre et n’a pas souhaité
répondre à nos sollicitations.
Sur place, dans ce très beau lieu
de culte inauguré lors du dernier
Ramadan, quelques dizaines de i-
dèles sont réunis pour la prière, ce
jeudi midi. Pas une aiche, pas un
drapeau ou un quelconque signe
en référence à la Palestine. Pas de
forces de l’ordre non plus. « C’est
une mosquée tranquille de quartier
où viennent aussi des étudiants du
campus voisin de la Doua », esquive
le responsable de l’accueil.
Samira, l’habitante du quartier
Saint-Jean, regrette qu’aussi peu de
voix émergent de la société. « La plu-
part des gens veulent la paix mais,
avec la pression médiatique, on a l’im-
pression d’être assigné dans un camp
ou dans l’autre. Il faut que les respon-
sables religieux se bougent », estime
la mère de famille. Pour l’instant, en
vain. Le maire de Villeurbanne, qui
entretient un contact régulier avec
les responsables des cultes, estimait
jusqu’à présent qu’il ne lui revenait
pas de provoquer une parole ou une
démarche communes. Mais comme
rien ne se passe, il n’exclut plus de
« prendre une initiative dans les se-
maines qui viennent ».
Il ne lui sera pas forcément aisé
de convaincre tout le monde. « Il y
a eu des silences, après le 7 octobre,
qui seront diicilement excusables,
anticipe le président du consistoire.
Pour l’instant, on prie. Prier, c’est cal-
mer les esprits. Il faut que la pression
redescende, ensuite on verra », envi-
sage avec beaucoup de circonspec-
tion Yves Semhoun. Si la société a
jusqu’ici tenu dans l’épreuve, celle-ci
laissera des traces longues à efacer.
Bernard Gorce

Avec vous à bord du bateau Elbe Princess 2
Franck Ferrand, Nicolas Stavy,
historien et animateur.
Il est la voix de l’histoire
sur Radio Classique
et celle du patrimoine,
pour France Télévision,
sur le Tour de France.
Directeur de la nouvelle
Cité de l’Histoire,
il dirige depuis
septembre 2023 le
magazine Historia.
Organisation
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vu par Rémi Malingrëy
Les diacres, hommes et femmes,
sont l’avenir de l’Église.
Le prêche devrait leur être
accessible sans difficulté
sous l’autorité des évêques.
Philippe V.
Diacres
t Appeler des hommes
mariés à l’ordination autour
de la quarantaine implique
un certain nombre de condi-
tions, dont dix ans de mariage à
la date d’ordination – ce critère
est souvent respecté à la date
d’appel pour entrer en discer-
nement – et une implantation
dans le diocèse depuis quelques
années. J’ai été ordonné à 51 ans
en étant appelé à 47 ans, après
dix-neuf ans de mariage et
neuf ans de présence dans mon
diocèse (plusieurs déménage-
ments avant). Il faut aussi être
attentif à l’équilibre familial
avec des jeunes enfants.
Je suis aujourd’hui le plus jeune
diacre de mon diocèse (52 ans).
Il est intéressant de regarder
l’évolution de l’âge moyen d’or-
dination des diacres en France,
qui était autour de la quaran-
taine dans les années 1990 et
s’approche de la cinquantaine
désormais. Cela a une certaine
Vos réactions par courrier : 18 rue Barbès, 92128 Montrouge Cedex. Par courriel : lecteurs.lacroix@groupebayard.com. Sur le site : www.la-croix.com
logique : nous nous marions
plus tard, déménageons
plus souvent…
Un lecteur
t Parler du diaconat
comme « ministère sacré »,
c’est aller sur le chemin du
cléricalisme. Et empêcher les
femmes d’accéder au diaconat.
Le diacre est d’abord un minis-
tère qui rappelle aux baptisés le
service nécessaire de la diaconie.
Je l’ai découvert dans les mou-
vements et je trouve dommage
qu’il se « paroissialise ». De plus,
il me semble qu’il n’est pas là
d’abord pour être vu, mais pour
voir et aider à voir. Voir les invi-
sibles, les soufrants, les blessés
de la vie. Voir l’Évangile faire son
chemin dans le cœur des enfants
et des jeunes éloignés de l’Église.
Aider les pauvres à devenir nos
maîtres en charité. C’est un
ministère des marges. Et notre
Église repliée sur ses scandales
et ses querelles de clocher
en a sacrément besoin.
Jean-Pierre G.
À suivre
La Croix -mercredi 29 novembre 2023
Débats 7
billet
Alain Rémond
Au tribunal
C
’est aujourd’hui qu’Éric d’un compte caché en Suisse, pré-
Dupond-Moretti, qui est pare tranquillement son retour
tout de même ministre en politique, comme quoi, ayant
de la justice, saura si la Cour purgé sa peine, il ne voit pas pour-
de justice de la République le quoi il n’en aurait pas le droit.
condamne, ou non, pour « prise il- Il en a le droit, en efet. Sauf que,
légale d’intérêts ». Quant à Olivier pour justiier sa prétention au
Dussopt, qui se trouve être mi- grand coup d’éponge rétrospec-
nistre du travail, c’est demain que tif, Jérôme Cahuzac se réclame
se termine son procès pour « favo- de Kant. Bon, on ne va pas lui
ritisme ». Je n’oublie pas le procès reprocher de ne pas avoir lu tout
en appel de Nicolas Sarkozy, tou- Kant. Mais on peut tout de même
jours en cours, dans l’afaire des lui rappeler que, pour Kant, le
fausses factures liées à sa cam- mensonge est un interdit absolu.
pagne électorale. Disons que tout Disons même un « impératif caté-
ça crée un drôle de microclimat. gorique », qui ne soufre aucun
Là-dessus, un ancien ministre arrangement. De Kant, encore,
du budget, Jérôme Cahuzac, qui, méditons ceci : « Ce tribunal inté-
lui, a bel et bien été condamné rieur que l’homme sent en lui
à cinq ans d’inéligibilité et est la conscience. » Par ailleurs,
deux ans de prison ferme après il existe ce vieux truc qui s’ap-
avoir menti à la France entière, pelle la décence. Élève Cahuzac,
« les yeux dans les yeux », à propos vous avez deux heures.
courrier
Guerre Ce sont des termes qui sont don-
nés, au monde entier, par tous les
ler n’est pas le coloniser. De même,
comment annexer ce qui vous
Israël-Hamas
adversaires et ennemis d’Israël,
qu’ils soient antisémites, antisio-
appartient. Rappelez-vous des
pieds noirs chassés d’Algérie et qui
t « En Israël et à Gaza
nistes, islamistes. (…) Le temps qui
passe, même s’il est très long, n’ef-
se sont réinstallés en France, leur
pays : ils ne l’ont en rien colonisé…
également, les victimes crient
justice. » Merci pour votre
facepas les faits. Les juifs ont été
chassés de leur pays et s’y réinstal-
Georges Pradoura
À suivre
éditorial du 8 novembre qui
rappelle que « la justice est
Meilleure initiative éditoriale Prix de la
inséparable de la paix ». Meilleure enquête meilleure enquête
Cela me renvoie à la prise de posi-
tion ferme et courageuse de l’ar-
LES
chevêque d’Alger, Mgr Jean-Paul
Vesco : « Si cette violence barbare
[du Hamas] est sans excuse,
elle n’est pas sans cause (…)
La paix durable ne se gagne
HÉRITIÈRES
pas par KO (par chaos). Elle ne se
construit que sur la justice »
(La Croix, tribune du 16 octobre).
À son tour, notre paroisse
du Saint-Nom-de-Jésus
(dominicains de Lyon), alors
DE
que notre monde est déchiré
par les guerres, a formulé ainsi
une des intentions de la prière
universelle (dimanche 5 novembre) :
« Heureux les artisans de paix,
GRETA THUNBERG
ils seront appelés fils de Dieu »
(Mt 5,9) : pour que cette béatitude,
entendue en la fête de la Toussaint,
rappelle à tous les acteurs de paix
qu’il n’y a pas de paix possible
sans la justice. seulement
Nicole Girardot
4,50 €
t Dans l’article du 8 no-
vembre « L’avancée menaçante
Balez
des colons de Cisjordanie »,
Illustration : Olivier
comment ne pas s’émouvoir
de lire les mots que vous avez Tous les jeudis
choisis tels « colons », « colonisation »,
« occupation », « annexion ».
 La Croix -mercredi 29 novembre 2023

8 FRANCE

Un plan contre le tabagisme

pour «franchir un nouveau cap»
tLe ministre de la santé,
Aurélien Rousseau,
a présenté mardi
28 novembre un nouveau
programme national de lutte
contre le tabac.
tIl prévoit notamment
la hausse du prix du paquet
de cigarettes en deux temps
et la généralisation des lieux
publics sans tabac.
Quatre ans pour « débanali-
ser » la cigarette et poser les jalons
d’une « génération sans tabac » à
l’horizon 2032. L’objectif affiché
par le ministre de la santé Aurélien
Rousseau est ambitieux, alors que
la France compte encore 12 mil-
lions de fumeurs quotidiens parmi
les adultes. Présenté mardi 28 no-
vembre, le deuxième programme
national de lutte contre le tabac
2023-2027 – le premier datait de
2018 – s’appuie sur deux piliers.
D’abord la hausse du prix du pa-
quet de cigarettes, « la mesure la
plus efficace contre le tabac selon
l’OMS et toutes les études indépen-
dantes sur le sujet », a insisté le
ministre. De 11 € en moyenne au-
jourd’hui, il passera à 12 € en 2025
puis 13 € au cours de l’année sui-
vante. Entre-temps, les fumeurs
devront dépenser 40 à 50 centimes
de plus par paquet dès janvier pro-
chain, en raison de l’inlation. Une proposition de loi transpartisane sera examinée le 4 décembre sur l’interdiction de la « puf ». Serge Tenani/Hans Lucas
Autre mesure phare : la générali-
sation des espaces publics non fu- set. Pour Amélie Eschenbrenner, née du déclic pour les fumeurs
meurs. Déjà bannie dans certains français. Pour les y aider, ilsou-
lieux publics à l’initiative des col-
« il manque une réelle trajectoire
fiscale. Sans hausses fortes et ré- haite expérimenter le rembourse-
repères chaque jour, contre 25,1 % en
2017 selon l’enquête Escapad
lectivités locales, la cigarette n’aura pétées dans le temps, il n’y aura ment systématique des substituts de l’Observatoire français
plus droit de cité dans l’ensemble pas d’impact sur les fumeurs », nicotiniques – patchs, gommes –, Les Français et le tabac des drogues et des tendances
des parcs, plages, forêts, mais aussi anticipe-t-elle. jusqu’ici conditionné à une ordon- addictives (OFDT).
aux abords des établissements sco- nance d’un médecin. En France, un quart des adultes
laires. « C’est intéressant sur le plan Le ministre promet Une mesure unanimement sa- fument quotidiennement, Selon le baromètre 2021
de la santé publique, car cela dénor- luée, tout comme la très probable avec un niveau de consomma- de Santé publique France,
malise le tabac et évite aux non-fu- de surveiller de près interdiction de la « puf », une ciga- tion plus élevé dans les couches six fumeurs quotidiens
meurs d’être importunés, mais aussi d’autres produits rette électronique jetable prisée des les moins favorisées. sur dix souhaitent arrêter.
d’un point de vue environnemen- adolescents et visée par une pro-
tal », salue Amélie Eschenbrenner, arrivés récemment position de loi transpartisane sur Si l’usage reste stable depuis Le tabagisme est la première
porte-parole du Comité national sur le marché, laquelle les députés se pencheront 2019, il diminue chez les cause de mortalité évitable
contre le tabagisme (CNCT). le 4 décembre. Le ministre promet jeunes. En 2022, 15,6 % des en France, avec 75 000 décès
En France, 7,7 milliards de mé- comme les sachets aussi de surveiller de près d’autres adolescents de 17 ans fumaient par an, soit 200 par jour.
gots sont jetés chaque année dans et perles de nicotine. produits arrivés récemment sur
l’espace public. À la tête de l’asso- le marché, comme les sachets et
ciation Addictions France, Bernard perles de nicotine. Les arômes
Basset salue lui aussi « une avancée Faut-il y voir le poids des lob- pour cigarette électronique, eux, contre les buralistes vendant du annonce inattendue : la mise en
très positive, même si le ministre a bys du tabac ? « Le tabac pèse sur vont faire l’objet de discussions ain tabac aux mineurs – soit deux place, dès le premier trimestre
bien précisé que les préfets pour- notre système de solidarité et coûte d’en limiter le nombre et d’éliminer tiers de la profession, selon une 2024, d’un emballage neutre pour
ront adapter cette règle à certaines beaucoup plus aux comptes publics les goûts les plus clairement dirigés enquête du CNCT. « En Suède, les les cigarettes électroniques, sur le
spécificités locales », pointe-t-il. qu’il ne rapporte de taxes », a balayé vers les jeunes. pouvoirs publics ont réussi à pas- modèle des paquets de cigarettes
Concernant la fiscalité du tabac le ministre, rappelant qu’il repré- Car l’enjeu est avant tout d’em- ser à 5 % de fumeurs, contre 30 % neutres. Une sobriété qui éviterait
en revanche, la déception des as- sente chaque année 16,5 milliards pêcher ces derniers d’entrer dans en France, rien qu’en respectant aux jeunes d’être tentés. « Très peu
sociations et des professionnels d’euros de dépenses de santé. Au- le tabagisme, eux qui commencent l’interdiction de vente aux mineurs de pays l’ont fait. Si la France s’y
est grande. « Pour que cela change delà de l’aspect inancier, Aurélien déjà à s’en détacher (lire les instaurée en 1999 », soulève Amélie met, alors elle pourra se considérer
quelque chose, il faut des augmen- Rousseau veut croire que 2024, repères). Pour continuer sur cette Eschenbrenner, sceptique sur comme un fer de lance dans la lutte
tations brutales, qui créent une année marquée par les Jeux olym- voie, le ministère entend renfor- l’efectivité de ces contrôles mais contre le tabac. »
sidération », estime Bernard Bas- piques et paralympiques, sera l’an- cer le contrôle et les sanctions agréablement surprise par une Jeanne Ferney

Un rapport présente des recommandations
pour la scolarisation des enfants handicapés
tUn rapport
d’information
sur l’instruction
des enfants en situation
de handicap, présenté
par les députés Servane
Hugues (Renaissance)
et Alexandre Portier
(Les Républicains), liste
35 recommandations
pour améliorer le quotidien
des élèves.
Après la loi de 2005, grande
étape fondatrice de l’école inclu-
sive, où en est la scolarisation des
enfants en situation de handi-
cap ? Un rapport d’information,
présenté mardi 28 novembre
par les députés Servane Hugues
(Isère, Renaissance) et Alexandre
Portier (Rhône, Les Républicains)
devant la délégation aux droits des
enfants de l’Assemblée nationale
dresse un état des lieux.
Premier constat : le nombre
d’enfants handicapés scolarisés à
l’école ordinaire a plus que doublé
depuis, passant de 210 979 en 2004
Gérald Darmanin va demander la dissolution
de trois groupuscules d’ultra-droite
tAprès la multiplication
d’actions d’extrême
droite depuis le meurtre
de Thomas, lors de la fête
de village de Crépol
(Drôme) le 18 novembre,
le ministre de l’intérieur
a annoncé, mardi
28 novembre, qu’il allait
demander la dissolution
de trois groupuscules
d’ultra-droite.
Depuis le meurtre de Thomas
lors de la fête de village de Crépol,
dans la Drôme, le samedi 18 no-
vembre, l’ultra-droite multiplie
les actions de rue. En particulier
à Romans-sur-Isère, le 25 no-
vembre, et à Lyon, le 27 novembre,
derrière une banderole « L’immi-
gration tue ».
En réponse, le ministre de l’in-
térieur, Gérald Darmanin, a an-
noncé mardi qu’il allait demander
la dissolution de trois groupus-
cules. « Il y a dans l’ultra-droite
une mobilisation qui veut nous
faire basculer dans la guerre ci-
vile », a-t-il argumenté sur France
Inter.
Un récent rapport d’informa-
tion parlementaire sur l’activisme
violent révèle que la Direction gé-
à 475 978 en 2021. Les rapporteurs
pointent toutefois l’imprécision
de ces chifres, le nombre d’heures
effectives de scolarisation res-
tant inconnu. « Bénéficier d’un
état des lieux statistique plus
in » igure ainsi dans la liste des
35 recommandations formulées
par la mission d’information pour
améliorer le quotidien des élèves.
Les rapporteurs
recommandent
de simpliier le quotidien
des parents, qui font
souvent face
à des démarches
administratives
«lourdes» et «répétitives».
Si quantitativement les résul-
tats sont importants, « qualita-
tivement, c’est plus contrasté », a
reconnu Alexandre Portier lors
d’une conférence de presse. Son
rapport souligne en effet les li-
mites de la scolarisation inclu-
sive. « Le dispositif reste bien sou-
vent complexe pour de nombreux
nérale de la sécurité intérieure
estimele nombre d’individus
« relevant de l’ultra-droite à 3 300
environ, parmi lesquels 1 300 vio-
lents – “fichés S” – et 2 000 per-
sonnes faisant office de “caisse
de résonance” ».
Ces militants sont dispersés en
plusieurs groupes locaux issus de
la dissolution successive de plu-
sieurs mouvements : en 2013, Troi-
sième voie et les Jeunesses natio-
nalistes révolutionnaires, puis
L’Œuvre française et les Jeunesses
nationalistes ; en 2019, le Bastion
social (issu du GUD) ; en 2021,
Génération identitaire ; en 2022,
les Zouaves Paris (également is-
sus du GUD). Sans être organi-
quement, voire idéologiquement
liés, les éléments les plus déter-
minés peuvent basculer de l’un
vers l’autre.
Une structure thématique les
réunit d’ailleurs annuellement :
le Comité du 9 mai (C9M). Cha-
peauté par d’anciens membres du
GUD, celui-ci organise tous les ans
un hommage unitaire à Sébastien
Deyzieu, accidentellement décédé
en 1994 en marge d’une manifes-
tation nationaliste révolutionnaire
interdite.
Si les groupes d’ultra-droite ont
en commun l’activisme, leur idéo-
La Croix -mercredi 29 novembre 2023
FRANCE
parents. Les conditions d’accueil
au sein de l’école ordinaire de-
meurent insatisfaisantes, no -
tamment en raison d’une mise en
œuvre laborieuse et hétérogène
des mécanismes de compensation
et d’accompagnement humain »,
note le député.
Les rapporteurs recommandent
de simpliier le quotidien des pa-
rents, qui font souvent face à
des démarches administratives
« lourdes » et « répétitives », et
d’améliorer l’apprentissage des
accompagnants des élèves en si-
tuation de handicap (AESH) et
des enseignants, « un grand point
noir ». « Le constat est unanime,
les enseignants ne sont pas suf-
fisamment formés pour l’accueil
d’un, voire de plusieurs enfants en
situation de handicap », affirme
Alexandre Portier.
Surtout, la mission d’informa-
tion appelle à « sortir du tout inclu-
sif » et prône une individualisation
des parcours. « Il ne suffit pas de
mettre un enfant avec un cartable
sur le dos à l’école et de lui attribuer
une compensation humaine pour
logie est davantage lottante, du
néonazisme à une version mus-
clée de l’intégrisme catholique.
Le premier groupuscule menacé
de dissolution est la « Division
Martel », qui fédère les militants
les plus durs de l’Île-de-France
à la Seine-Maritime. À l’heure
du bouclage de La Croix, le mi-
nistère de l’intérieur se refu-
sait à donner les noms des deux
autres.
Ces militants
sont dispersés
en plusieurs groupes
locaux issus
de la dissolution
successive de plusieurs
mouvements.
À Lyon comme à Lille, le parti
Reconquête ! d’Éric Zemmour a
appelé à participer aux manifesta-
tions qui avaient été initialement
déclarées, puis interdites. Parfois
avec cette consigne, comme dans
le Nord : « Merci de ne pas por-
ter de signes probants d’apparte-
nance au parti. » Reconquête ! s’est
néanmoins gardé de soutenir les
rendez-vous maintenus par les
groupes les plus radicaux après
leur interdiction.
9
essentiel
Justice T Affaire
Bonfanti : la Cour
de cassation retient
la prescription
que cela fonctionne, ce serait beau- Immense déception pour
coup trop simpliste », explique la famille de Marie-Thérèse
Servane Hugues. Bonfanti, disparue en mai 1986,
« Pour beaucoup d’enfants en à 25 ans, dans le village de Pon-
situation de handicap, l’école or- tcharra (Isère). Trente-six ans
dinaire n’est pas adaptée, tandis plus tard, en 2022, un homme,
qu’à l’inverse des enfants placés Yves Chatain, avait avoué l’avoir
en établissements médico-sociaux tuée. Mardi, la Cour de cassation
pourraient suivre une scolarité a cassé la décision de la chambre
en milieu ordinaire », ajoute-t- de l’instruction de Grenoble, qui
elle, recommandant de favori- avait retenu en janvier l’absence
ser les passerelles entre l’école de prescription en raison du fait
ordinaire et les établissements qu’avant les aveux, il n’y avait
médico-sociaux ain que l’enfant pas de certitude quant à l’exis-
puisse changer d’environnement tence du crime. L’afaire est ren-
selon ses besoins. « Cette plus voyée devant la cour d’appel
grande articulation entre deux de Lyon. D’ici là, Yves Chatain
univers et deux logiques, l’éduca- peut demander sa libération.
tif et le soin, est le principal déi de
l’école inclusive. »
Pour cela, des solutions inter- Sectes
médiaires existent. La mission 41 arrestations
d’information prend comme mo-
dèle les unités d’enseignement en lien avec une
spécialisées au sein de l’école ordi- secte internationale
naire, qui permettent un système
mixte incluant les enfants à l’école de yoga
sans pour autant les intégrer dans
la classe. Un total de 41 personnes ont
Esther Serrajordia été interpellées mardi en région
parisienne et dans les Alpes-Ma-
ritimes, soupçonnées d’être liées
à une secte internationale accu-
sée de nombreuses dérives sous
couvert de pratique du yoga. Le
Mouvement pour l’intégration
spirituelle vers l’absolu (Misa), a
de nombreuses écoles de yoga et
autres succursales et compterait
plusieurs centaines d’adeptes.
Légaliste, le parti n’en partage Après un signalement de la
pas moins la même philosophie Miviludes in juillet 2022, une
essentialiste qui considère les gens information judiciaire avait été
pour ce qu’ils sont et non pour ce ouverte par le parquet de Paris
qu’ils font. Dans cette vision, toute en juillet, pour abus de faiblesse,
agression mortelle d’une per- séquestration en bande organi-
sonne de couleur de peau blanche sée, viols et traite des êtres hu-
par une personne issue de l’im- mains. Parmi les interpellés i-
migration « extra-européenne » gure Gregorian Bivolaru, 71 ans,
est aussitôt qualiiée de « franco- le gourou roumain et fondateur
cide » et inscrite dans une suppo- du mouvement.
sée « guerre civile » en cours. C’est
ce qui a motivé Damien Rieu, cadre
de Reconquête ! issu du courant
identitaire et membre de l’équipe X sur la-croix.com
du site Internet Fdesouche, à t Les discriminations
publier le 24 novembre sur les minent une société
réseaux sociaux les prénoms et en proie à un « mouvement
noms de huit des mis en cause réactionnaire »,
à Crépol. alerte l’Observatoire
Laurent de Boissieu des inégalités
de 66% du montant versé et dans la limite de 20%
*Déductible de l’impôt sur le revenu à hauteur
JUSQU’AU 31 DÉCEMBRE
du revenu imposable
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 La Croix -mercredi 29 novembre 2023

10 MONDE

La diplomatie à l’offensive pour

régler le conflit Israël-Hamas
tAlors que la trêve entre
Israël et le Hamas a été
officiellement prolongée
de deux jours, la communauté
internationale presse
les parties pour mettre
un terme aux combats.

La trêve entre Israël et le Hamas

étendue lundi à deux jours sup-
plémentaires a permis de libérer
50 otages israéliens et 150 prison-
niers palestiniens. Après l’émo-
tion des retrouvailles heureuses de
part et d’autre, le conlit lui reste
entier. Pour Israël, l’ofensive mili-
taire doit se poursuivre pour « éra-
diquer » à n’importe quel prix le
Hamas. Alors que pour ce dernier,
chaque jour de trêve lui permet de
gagner du temps pour se réorgani-
ser, tout en soulageant la popula-
tion avec l’aide, certes encore in-
suisante, qui rentre à Gaza.
Mais pour les Occidentaux
comme pour les pays arabes impli-
qués, il est temps de circonscrire
un conlit qui déborde désormais
largement des frontières d’Israël.
La guerre doit laisser la place au
politique, ain de trouver une porte
de sortie. Les déclarations se mul-
tiplient dans ce sens.

Pour les Occidentaux

comme pour les pays
arabes impliqués,
il est temps
de circonscrire
un conflit qui
déborde désormais
largement des
frontières d’Israël.
Le 1 er novembre, le chef de la
branche politique du Hamas,
Ismaïl Haniyeh (basé au Qatar),
s’était dit prêt, dans une décla-
ration télévisée, à s’engager dans
des « négociations pour une solu-
tion à deux États avec Jérusalem
comme capitale de la Palestine », à
la condition d’un cessez-le-feu et
de l’ouverture de couloirs huma-
nitaires pour amener plus d’aide
à Gaza.
Même la Chine, recevant les 20
et 21 novembre une délégation de
chefs de la diplomatie de l’Autorité
palestinienne, d’Arabie saoudite,
de Jordanie, d’Égypte et d’Indo-
nésie, s’est dite prête à « promou-
voir une désescalade (…) et un rè-
Eitan Yahalomi, 12 ans, l’un des trois otages français détenus par le Hamas et libérés lundi 27 novembre. Israeli Defense Forces/via Reuters
glement équitable de la question
palestinienne ».
Enfin et surtout, le président
américain, Joe Biden, appe -
lait dans une tribune, publiée
le 18 novembre par le quotidien
Washington Post, à une future
réunification de la Cisjordanie
et de la bande de Gaza sous une
« Autorité palestinienne revitali-
sée », une fois le Hamas chassé du
territoire palestinien à la suite de
l’opération militaire israélienne
en cours. Il y évoquait aussi la
relance d’une « solution à deux
États », en posant les conditions :
il ne doit pas y avoir de « dépla-
cement forcé des Palestiniens de
Gaza, ni de réoccupation, ni de
repères
Une forte activité
diplomatique
et humanitaire
Les chefs des services de
renseignements américain et
israélien étaient à Doha mardi
28 novembre pour discuter
siège ou de blocus, ni de réduction
de territoire ».
Louables, ces propositions res-
semblent fort malheureusement
à des « copier-coller » de plans dits
de paix, qui ont de l’avis de tous les
experts échoué. « La communauté
internationale est à court d’idées et
en ce moment même, qu’elle veuille
l’admettre ou non, derrière les
portes, il est très clair que les dis-
cussions tournent autour de l’éla-
boration de stratégies destinées à
maintenir le calme dans les terri-
toires occupés », explique Tahani
Mustafa, analyste Israël-Palestine
au Crisis Group. Quant à l’Autorité
palestinienne (AP), elle est « consi-
dérée comme le représentant légi-
avec le premier ministre du
Qatar de la « prochaine phase »
d’un accord potentiel entre
le Hamas et Israël.
Le secrétaire d’État américain,
Antony Blinken, sera en Israël
et en Cisjordanie d’ici à la in
de semaine.
Trois avions militaires améri-
time du peuple palestinien au ni-
veau international, poursuit-elle.
En interne, c’est une autre histoire.
L’AP et le Fatah sont profondément
impopulaires à Gaza ».
Quelle que soit la solution poli-
tique, elle posera inévitablement la
question de son « acceptabilité » par
la population de Gaza, analyse Lae-
titia Bucaille, professeure de socio-
logie politique à l’Inalco. « Dans un
premier temps, toute aide sera un
soulagement pour les Palestiniens
de Gaza, épuisés par les bombarde-
ments, la faim, les destructions et
par le nombre de ses victimes. Mais
à moyen terme ? interroge-t-elle.
Qu’est-ce que cela changera pour
cette enclave fermée sur l’extérieur ?
cains chargés d’aide humani-
taire devaient arriver en Égypte
mardi pour être acheminés
dans la bande de Gaza.
Des centaines de camions
d’aide sont entrés depuis
vendredi dans la bande de
Gaza, via le poste-frontière
de Rafah. Une partie
d’entre eux a gagné le nord.
Quelle possibilité de circuler vers
d’autres territoires ? Est-ce qu’Is-
raël va évacuer tout Gaza ou rester
dans le Nord et créer une zone tam-
pon amputant encore davantage un
territoire de 360 km² où s’entassent
2,3 millions d’habitants ? »
La même « acceptabilité » se
pose autant du côté israélien,
poursuit-elle, alors que l’État hé-
breu est dirigé par un gouver-
nement de droite et d’extrême
droite qui réclame, dit-elle encore,
« l’annexion de la Cisjordanie, le
transfert des populations vers la
Jordanie et la soumission de ceux
qui resteront ».
Quid enin d’une solution à deux
États côte à côte, israélien et pales-
tinien, quand la Cisjordanie res-
semble aujourd’hui à une peau de
léopard mitée par des centaines de
colonies juives ? Et sans les attri-
buts d’un État souverain ? Les lea-
ders politiques devront faire preuve
de beaucoup de créativité et de vo-
lonté pour proposer une solution
« juste » et mettre fin à un conflit
israélo-palestinien vieux de 70 ans.
Agnès Rotivel et Julie Connan
(envoyée spéciale à Jérusalem)

Javier Milei, un proche d’Israël
à la présidence argentine
tJavier Milei,
qui prendra ses fonctions
à la tête de l’Argentine
le 10 décembre, s’est
rendu, lundi 27 novembre,
sur la tombe d’un rabbin
lors d’un séjour à New York.
tÀ plusieurs reprises
par le passé, le futur
président, catholique,
a aiché son intérêt
pour le judaïsme, disant
même songer à la conversion.
Depuis qu’il a surgi sur le de-
vant de la scène politique, l’éco-
nomiste Javier Milei, élu à la tête
de l’Argentine le 19 novembre, n’a
jamais caché son intérêt pour le
judaïsme. En 2021, il avait même
déclaré penser à se convertir et
aspirer à « devenir le premier pré-
sident juif de l’histoire argentine ».
Sa visite, lors d’un déplacement à
New York lundi 27 novembre, sur
la tombe d’un célèbre rabbin ultra-
orthodoxe n’a donc pas surpris. Ni
l’annonce d’un voyage en Israël,
sans doute avant son investiture
le 10 décembre.
Même s’il a fréquemment criti-
qué le pape François, Javier Milei
est catholique. Mais il est très
proche du judaïsme : en juillet, il
Le «droit de mourir» devant la justice
européenne
tInterdire l’aide
à mourir à un malade
incurable est-il une atteinte
à la liberté? C’est la question
qui était examinée,
mardi 28 novembre,
par la Cour européenne
des droits de l’homme
dans l’afaire Karsai
contre la Hongrie.
tLe jugement est attendu
dans quelques mois.
La liberté de pouvoir choisir
sa mort peut-elle être considé-
rée comme partie intégrante des
droits de l’homme ? C’est la ques-
tion sous-jacente à l’audience te-
nue mardi 28 novembre par la
Cour européenne des droits de
l’homme (CEDH) dans l’affaire
Karsai contre la Hongrie. Le requé-
rant, Daniel Karsai, est un avocat
hongrois de 46 ans atteint depuis
juillet 2021 de sclérose latérale
amyotrophique (SLA), une patho-
logie neurodégénérative incu-
rable, plus connue sous le nom de
maladie de Charcot. Cette maladie
s’était déjà rendu à New York sur
la tombe de Menachem Mendel
Schneerson, septième héritier de
la dynastie juive hassidique du
Loubavitch. Dans l’espoir, disait-il
alors, de trouver « sagesse, courage
et tempérance » avant les élections.
Sa visite lundi, lors d’un nou-
veau séjour américain, était donc
attendue – comme une forme de
remerciement après la victoire, se-
lon la presse argentine. Mais cette
visite souligne un peu plus la proxi-
mité aichée par Javier Milei avec
le judaïsme. L’un de ses proches
conseillers est d’ailleurs un rabbin
de la communauté marocaine de
Si la religion n’a pas été un
thème de campagne, Javier
Milei a toutefois clairement
désigné Israël comme allié
potentiel de l’Argentine
en cas de victoire.
Buenos Aires. Pourrait-il se conver-
tir ? Jusqu’en 1994, cette option
n’aurait pas été possible : avant la
réforme de la Constitution argen-
tine cette année-là, il était impéra-
tif d’être catholique pour tenir les
rênes du pays.
Si la religion n’a pas été un
thème de campagne, Javier Milei
entraîne la perte progressive du
contrôle musculaire jusqu’à la pa-
ralysie totale et la mort par étoufe-
ment, alors que le patient garde in-
tactes ses capacités intellectuelles.
Aujourd’hui, Daniel Karsai ne
peut plus marcher ni prendre soin
de lui sans aide. À terme, il redoute
d’être « emprisonné dans son propre
corps » et souhaite mettre in à ses
jours, avant de se retrouver dans
cet état qu’il juge « insupportable ».
Sauf que la loi hongroise inter-
dit l’euthanasie et le suicide as-
sisté. D’où la requête déposée par
Daniel Karsai auprès de la juridic-
tion internationale garante de la
Convention européenne des droits
de l’homme de 1950 signée par les
États membres du Conseil de l’Eu-
rope, au nombre de 46 aujourd’hui.
Pour faire valoir ce qu’il estime
être son droit à « choisir sa mort », il
invoque l’article 3 de cette conven-
tion qui interdit les traitements in-
humains et dégradants, l’article 8
qui protège le droit au respect de
la vie privée et familiale, l’article 9
qui garantit la liberté de pensée, de
conscience et de religion et, enin,
La Croix -mercredi 29 novembre 2023
MONDE
Javier Milei, en novembre.
Luis Robayo/AFP
a toutefois clairement désigné
Israël comme allié potentiel de
l’Argentine en cas de victoire.
Une décision peu surprenante de
la part d’un leader populiste de
droite – au pouvoir, Donald Trump,
dont le futur chef de l’État argen-
tin est un admirateur, aichait sa
proximité avec Israël, tout comme
Jair Bolsonaro à Brasilia. Comme
l’homme d’affaires du Queens,
Javier Milei compte d’ailleurs dé-
placer l’ambassade de son pays en
Israël de Tel-Aviv à Jérusalem.
Mais cette proximité, qui pou-
vait passer pour un calcul poli-
tique aux États-Unis ou au Bré-
l’article 14 qui interdit toute discri-
mination. Daniel Karsai se plaint
aussi d’être empêché d’aller dans
un pays qui autorise le suicide as-
sisté, car une disposition du code
pénal hongrois permet de pour-
suivre toute personne ayant com-
mis un acte criminel sur un de ses
ressortissants et réclame, en consé-
quence, que la Hongrie soit tenue
de lui ofrir la possibilité de mettre
in à ses jours « dans la dignité ».
Daniel Karsai ne peut plus
marcher ni prendre soin
de lui sans aide. Il redoute
d’être «emprisonné dans
son propre corps» et souhaite
mettre in à ses jours.
La CEDH accédera-t-elle à sa de-
mande ? Ce serait une première. Sur
la dizaine d’afaires examinées au
cours des vingt dernières années,
la jurisprudence européenne a tou-
jours été constante : elle établit qu’il
appartient à chaque État de léga-
liser ou non l’euthanasie et/ou le
suicide assisté, sous réserve que le
sil, où les évangéliques, proches
d’Israël, pèsent lourd dans l’élec-
torat, sonne diféremment sur les
bords du Rio de la Plata, où seuls
15,3 % des Argentins se disent
évangéliques (9 % en 2008), selon
une enquête publiée en 2019. Pour
David Copello, chercheur franco-
argentin en science politique à CY
Cergy Paris Université, cet attache-
ment s’inscrit « plutôt dans une dé-
marche personnelle de Javier Milei,
dont on connaît par ailleurs le goût
pour le mysticisme ».
Quant à la communauté juive
en Argentine, elle compte quelque
250 000 personnes, ce qui en fait la
communauté juive la plus impor-
tante d’Amérique latine, et l’une
des plus importantes au monde en
dehors d’Israël. Le pays a été une
terre d’accueil des Juifs persécu-
tés, en provenance de Russie à la
in du XIXe siècle (c’est pour cette
raison que Joseph Kessel est né en
Argentine en 1898) ou d’Allemagne
dans les années 1930, même si l’an-
tisémitisme n’est pas étranger à
l’Argentine, notamment après-guerre
sous Juan Peron. Buenos Aires a éga-
lement été le théâtre de deux atten-
tats meurtriers, contre l’ambassade
d’Israël en 1992 et contre un centre
communautaire en 1994.
Gilles Biassette
cadre légal soit à même d’assurer le
respect du droit à la vie (art. 2) au
nom de la protection des plus vul-
nérables. Dans le même temps, elle
reconnaît que le droit de choisir sa
mort fait partie du respect de la vie
privée (arrêt Haas, janvier 2011).
Un fragile équilibre que certains
interprètent comme un renon-
cement progressif aux principes
fondamentaux inscrits dans la
Convention des droits de l’homme.
« Pour les juges de la CEDH, le res-
pect de la vie humaine et la défense
de la dignité intrinsèque de l’homme
ne sont plus des valeurs suprêmes
puisqu’elles peuvent être mises en
balance avec la liberté de l’individu
et une vision subjective de la dignité.
Ce qui est contraire à l’esprit et à la
lettre de la Convention telle que l’ont
conçue ses rédacteurs », soutient le
juriste Grégor Puppinck, direc-
teur du Centre européen pour le
droit et la justice, une association
chrétienne pro-vie. On saura si ces
craintes se vériient dans l’afaire
hongroise dont le jugement est at-
tendu dans quelques mois.
Antoine d’Abbundo
11
essentiel
Diplomatie
Les pays Baltes
boycottent
une réunion
de l’OSCE
Les ministres des affaires
étrangères estonien, letton et
lituanien ont annoncé, mardi
28 novembre, qu’ils ne parti-
ciperaient pas à une réunion
de l’Organisation pour la
sécurité et la coopération en
Europe (OSCE) cette semaine
à Skopje en raison de la pré-
sence attendue du chef de
la diplomatie russe, Sergueï
Lavrov. L’Ukraine a elle aussi
déclaré qu’elle n’assisterait
pas à cette réunion.
La Bulgarie a accordé à
l’avion transportant Sergueï
Lavrov l’autorisation de sur-
voler son espace aérien afin
qu’il puisse se rendre à la ré-
union de l’OSCE dans la capi-
tale macédonienne, en dépit
des sanctions européennes
frappant la Russie pour son
invasion de l’Ukraine.
Burkina Faso T
Attaque djihadiste
massive contre une ville
du Nord
Au moins 40 civils ont été
tués dans une attaque dji-
hadiste massive dimanche
26 novembre à Djibo, dans le
nord du Burkina Faso, a an-
noncé mardi 28 novembre le
Haut-Commissariat de l’ONU
aux droits de l’homme. Cette
ville avait été assiégée par les
djihadistes pendant des mois
et plusieurs convois cher-
chant à la ravitailler avaient
été attaqués. Depuis 2015, les
violences perpétrées par des
groupes djihadistes ont fait
plus de 17 000 morts civils
et militaires, dont plus de
6 000 depuis le début de l’an-
née 2023, selon l’ONG Acled.
X sur la-croix.com
t La Finlande
ferme complètement
sa frontière avec
la Russie
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humaine et ouverte !
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la-croix.com/don
 La Croix -mercredi 29 novembre 2023

12 ÉCO&TRANSITION
essentiel
La vaccination des canards
redonne espoir aux éleveurs Crédit aux entreprises T
Premier repli des lux
en zone euro depuis 2015
Les crédits accordés aux entre-
prises en zone euro ont reculé
sur un an en octobre, une pre-
mière depuis 2015, dans un
contexte de hausse des taux d’in-
Loire- Maine- térêt, a indiqué hier la Banque
Atlantique et-Loire centrale européenne (BCE).
La BCE a décidé en octobre de
laisser ses taux inchangés, à leur
plus haut historique. Cette pause
Deux-Sèvres

VENDÉE
devrait conduire à desserrer les
La Roche-
sur-Yon La Ferrière conditions de crédit aux entre-
prises et ménages, même si les
données d’octobre ne le laissent
Océan
Atlantique
pas encore entrevoir.
20 km

tLe ministère de Transports

l’agriculture mène depuis
octobre une campagne inédite
de vaccination des canards
contre la grippe aviaire, dont
le niveau de risque en France
a été relevé à «modéré»
mardi 28 novembre.
tChez les professionnels
vendéens, secoués par
l’épizootie l’an dernier,
ces injections sont porteuses
d’espoir.
La Ferrière (Vendée)
De notre envoyée spéciale
Cet après-midi-là, 6 000 canards
duveteux âgés de 10 jours ont droit
à leur première dose de vaccin
contre la grippe aviaire. L’organisa-
tion, bien rodée, permet d’en vac-
ciner 1 000 à l’heure. Un attrapeur
récupère les canetons et les place
dans des contenants, où trois tech-
niciens les piquent un à un dans
le bas du cou, entre les deux ailes,
avant de les laisser retomber sur la
paille pour rejoindre leurs congé-
nères vaccinés. La même opération
Pascal Bousseau (debout), éleveur à La Ferrière, le jour de la vaccination de ses 6000 canetons. F. Pagneux
cadré), environ 10 millions de pal-
mipèdes devraient y être vaccinés
(64 millions dans la France entière).
Cette campagne inédite en
Europe est financée à hauteur
de 100 millions d’euros par le
ministère de l’agriculture, qui
prend en charge 85 % du coût
de la vaccination. Tous les éle-
vages sont concernés, à l’excep-
tion des cheptels de moins de
250 animaux. « Cette décision a été
prise, car les mesures classiques de
JO 2024 des transports d’Île-de-
conie Éric Coutant, président de la
«On espère que ce chambre d’agriculture de Vendée
et vice-président de la FDSEA, qui
bouclier vaccinal a lui-même procédé à l’euthanasie
sera suisant pour de ses animaux l’an dernier.
Chez Jacques Dupont, éleveur en
protéger les autres Loire-Atlantique, à la lisière de la
espèces comme Vendée, la vaccination aura lieu juste
après Noël. Il n’avait pas été touché
les poules, les poulets par la grippe aviaire mais avait été
ou les dindes.» obligé de claustrer ses canards pen-
dant de longs mois. « Cela fait un bien
fou de les sortir de nouveau le matin »,
Le prix des tickets
de métro parisiens
va quasi doubler
pendant l’été
Le prix du ticket de
métro parisien à l’unité
va quasi doubler du-
rant l’été, a annoncé la
Paris présidente du syndicat
France, Valérie
Pécresse, qui souhaite ainsi
inancer le surcoût des transports
lié aux JO de Paris 2024.
Le ticket de métro passera ainsi
à 4 € (contre 2,10 € actuellement)
et le carnet à 32 € (contre 16,90 €),
tandis qu’un forfait spécial JO
à 16 € la semaine sera créé.
Les forfaits Navigo mensuels
et annuels, les passes Imagin’R
et senior ne seront pas concernés
par les augmentations.

sera réitérée dans 18 jours, pour la
seconde dose. « Cette fois, il fau-
dra plus d’attrapeurs que de vac-
cinateurs, car les canards seront
plus grands et se débattront davan-
tage », sourit Thierry Mauvisseau,
vétérinaire sanitaire qui supervise
cette campagne inédite chez l’éle-
veur Pascal Bousseau, membre de
la coopérative Val de Sèvre.
« C’est un geste assez technique : il
faut piquer sous la peau et non dans
le muscle, car c’est ce que les consom-
mateurs mangent, sous forme de
magret, par exemple », poursuit le
vétérinaire. Chez cet éleveur basé à
La Ferrière, près de La Roche-sur-
Yon, les canards sont destinés à
la production de foie gras (espèce
mulard), très présente dans le Sud-
Ouest. En y ajoutant les canards à
rôtir (espèce Barbarie), la Vendée est
le premier département producteur
de canards de France. Alors que le
premier foyer de grippe aviaire de
l’automne a été identifié, mardi
28 novembre, dans un élevage dans
le Morbihan, et que le niveau de
risque en France métropolitaine a
été relevé à « modéré » (lire notre en-
166
biosécurité et d’intervention rapide Ce pari suscite beaucoup d’espoir livre ce membre de la Confédéra-
lors d’une suspicion de foyer d’in- après deux années éprouvantes : tion paysanne et du collectif Sauve
fluenza aviaire ne fonctionnaient plus, 1 378 élevages ont été contaminés et qui poule, qui s’était insurgé contre
explique Christophe Mourrieras, di- 22 millions de volailles abattues en les restrictions imposées aux éle-
recteur départemental de la protec- France, en 2021 et 2022. En Vendée, veurs de plein air. « De mon côté, j’ai projets transfrontaliers
tion des populations de la Vendée. l’épisode a été particulièrement viru- plus souffert des mesures prises pour d’infrastructures énergétiques
On fait le pari de vacciner les canards, lent en raison de la forte concentra- contenir la maladie que de la mala- vont être soutenus par l’Europe.
car ce sont eux qui propagent le plus tion des élevages. D’ailleurs, dans 46 die elle-même, souligne-t-il. L’arri- Plus de la moitié d’entre eux (85)
la maladie. On espère que ce bouclier communes, aucune nouvelle mise en vée du vaccin rassure tout le monde, concernent le transport d’élec-
vaccinal sera suffisant pour protéger production n’a été lancée avant l’ar- même s’il va falloir s’interroger sur la tricité, notamment pour connec-
les autres espèces comme les poules, les rivée des vaccins, au 1er octobre der- concentration des élevages. » ter des parcs éoliens en mer ou
poulets ou les dindes. » nier. « Cet épisode a laissé des traces », La ilière volaille n’est en tout cas bâtir des réseaux intelligents qui
pas pleinement remise du choc. « La permettront d’ajuster les lux
production a été énormément ralentie d’électricité en temps réel.
Le «premier cas de l’automne» et des marchés ont été perdus, déplore 65 porteront sur l’hydrogène et
Éric Coutant. Ceux qui font du haut les électrolyseurs qui produiront
identiié dans le Morbihan de gamme et du bio souffrent encore ce gaz à partir d’énergie propre,
plus à cause de l’inflation. » Selon la un secteur clé pour la décarbo-
préfecture, environ 10 % des éleveurs nation de l’industrie. Et 14 sont
Un foyer de grippe aviaire, le « premier de l’automne 2023 » en pourraient cesser leur activité parce des projets de réseaux de CO2
France, a été identiié dans un élevage du Morbihan, a annoncé qu’ils partent à la retraite, qu’ils ont ain de contribuer à la création
mardi 28 novembre le ministère de l’agriculture. Le niveau perdu des marchés ou ne sont pas d’un marché pour le captage
de risque en France métropolitaine a été relevé à « modéré », prêts à revivre les traumatismes et le stockage du carbone.
la deuxième catégorie sur une échelle de trois. « L’Europe enre- passés. Chez ceux qui continuent,
gistre depuis plusieurs semaines une dynamique de propagation l’hiver sera décisif. « On va scruter de
du virus de l’inluenza aviaire » et « la pression d’infection liée près ce qui va se passer ces prochaines
à la faune sauvage migratrice va progressivement s’accroître », semaines, confirme Éric Coutant. X sur la-croix.com
explique le ministère. Plusieurs oiseaux sauvages infectés ont été On espère surtout que le virus restera t Biodiversité, la France
retrouvés dans la Meuse, en Camargue et dans le Morbihan, dans le spectre couvert par le vaccin. » se veut le champion
où « un élevage de dindes a été déclaré foyer » de grippe aviaire. Florence Pagneux du recensement

Le père Arsenie Boca fascine
les orthodoxes roumains
tUne fascination
grandissante entoure
la igure d’Arsenie Boca,
moine et théologien roumain
persécuté par le régime
communiste.
tChaque 28 novembre,
des milliers de pèlerins
orthodoxes se rendent
sur sa tombe.
Bucarest (Roumanie)
De notre correspondante
Une longue barbe noire en-
cadre un visage jeune et fin, des
yeux bleus perçants fixant l’ho-
rizon. En Roumanie, son visage
orne les églises, mais aussi les
pare-brise des taxis. Sa photo-
graphie se retrouve aussi aiman-
tée sur les réfrigérateurs des mai-
sons ou encadrée derrière les étals
des boutiques. Arsenie Boca, le
« saint de Transylvanie », fait au-
jourd’hui l’objet d’un culte parmi
les croyants orthodoxes, qui repré-
sentent plus de 85 % de la popula-
tion. Chaque 28 novembre, jour de
sa mort, et durant toute l’année,
des dizaines de milliers de pèlerins
se rendent sur sa tombe au monas-
tère de Prislop, où se produiraient
des guérisons miraculeuses.
Né en Transylvanie en 1910,
Arsenie Boca prend part à la ré-
habilitation des monastères or-
thodoxes de la région, devenue
roumaine après la in de l’Empire
austro-hongrois en 1918. « Alors que
la Seconde Guerre mondiale com-
mence, raconte Simion Pop, socio-
logue du fait religieux en Rouma-
nie, il représente un nouvel espoir
pour les paysans. Déjà réputé à
l’époque pour sa clairvoyance, il est
plus instruit que d’autres moines
des zones rurales et prodigue de
nombreux conseils spirituels. Sa
théologie n’est pas dogmatique,
mais pratique et pastorale, et il y
intègre des éléments des sciences
exactes. Il parle de choses pratiques,
par exemple de l’intimité de la vie
paroles
«Ses enseignements
m’ont aidée»
Claudia Lunca
Conseillère pédagogique
à Bucarest
« J’ai commencé à me rappro-
cher de la igure d’Arsenie Boca
il y a environ cinq ans. Mon père
avait un cancer incurable, et j’ai
accompagné ma mère à un pèle-
rinage au monastère de Prislop.
Arsenie Boca. CC/Wikimedia
Ukraine
Moldavie
Hongrie
ROUMANIE
Monastère de Prislop
Bucarest
Serbie Mer
Noire
Bulgarie
100 km
conjugale. On lui attribue aussi plu-
sieurs miracles, qui sont même at-
testés ensuite par la Securitate, la
police secrète communiste. »
Pendant la dictature, Arsenie
Boca est surveillé de près, empri-
sonné puis forcé de retourner à la
vie civile. Il décède le 28 novembre
1989, trois semaines avant la Révo-
lution roumaine et la chute du ré-
gime. « Les années 1990 sont mar-
quées par le renouveau de l’Église
orthodoxe roumaine, avec la mise
en avant de prêtres de l’entre-deux-
guerres. Arsenie Boca en fait partie,
et à partir des années 2000 il y a eu
une vraie efervescence autour de
lui », explique Simion Pop. Cette
fascination prend de l’ampleur
aujourd’hui à travers les médias
et réseaux sociaux, qui relaient de
nombreuses histoires et miracles
autour du prêtre transylvain aux
multiples talents – théologien,
médecin, écrivain, peintre… – qui
Au départ, je pensais qu’Arsenie
Boca était un moine qui atti-
rait et manipulait les personnes
âgées un peu crédules. Mais j’ai
vu que ce pèlerinage avait aidé
ma mère, qui est ensuite décédée
de la même maladie que mon
père. Je suis une personne plu-
tôt scientiique mais aussi avec
un intérêt pour l’invisible, et
Arsenie Boca a réussi à créer une
harmonie entre ces deux dimen-
sions. Il a su montrer aux gens
la force qu’ils ont en eux. Ses en-
seignements m’ont aidée à trou-
ver cette force pour traverser
ces moments diiciles. »
Recueilli par Marine Leduc
La Croix -mercredi 29 novembre 2023
RELIGION
Pèlerinage au monastère de Prislop, en Roumanie, en février 2022.
Sebi/Stock Adobe
sut résister au régime communiste
tout en restant apolitique.
Les photos de sa jeunesse appa-
raissent dans les espaces publics
et privés. « Chez les orthodoxes, la
Pendant
la dictature,
Arsenie Boca
est surveillé de près,
emprisonné
puis forcé
de retourner
à la vie civile.
photo peut être considérée comme
une icône. Arsenie Boca n’est pas
canonisé, mais c’est tout comme »,
ajoute le sociologue, qui observe
par ailleurs un « business » autour
de la vente d’objets à son eigie.
Le père Vlad Vasile, enseignant
en théologie à l’université d’Arad,
critique un certain sensationna-
lisme qui « détourne l’image du
père Arsenie Boca ». Lui-même
préfère parler des écrits du prêtre,
aujourd’hui rassemblés dans
six livres. « Sa théologie est d’un
très haut niveau, avec un discours
dense et clair, aujourd’hui étudié
par les universitaires, décrit-il.
Arsenie Boca cherchait à créer une
harmonie entre la théologie et les
sciences, la génétique, l’art et la
psychologie. Il disait d’ailleurs que
“beaucoup de science rapproche de
Dieu”. Il ne s’agissait pas non plus
d’une théologie trop cérébrale,
mais liée aux expériences de la vie.
Il cherchait à donner une réponse
aux angoisses de l’époque. »
En témoignent ses peintures
réa li sées dans les années 1970.
Surnommée la « chapelle Sixtine
de la Roumanie », l’église Saint-
Nicolas de Draganescu est recou-
verte d’icônes et de représenta-
tions dans un style sortant des
canons habituels. Sur une fresque,
un « homme moderne » apparaît
un téléphone à la main, entouré
d’une télévision, d’une fusée et de
radiotélescopes. Pour Alexandru
Solomon, réalisateur du documen-
taire Arsenie. La Vie après la mort,
sorti cette année, Arsenie Boca a
su rassembler des idèles d’hori-
zons spirituels variés : « Il parle aux
gens du XXIe siècle, en perte de re-
pères, de leur rapport avec les tech-
nologies et de la reconnexion avec la
nature. » Il pourrait être canonisé
dans les prochaines années, mais
le réalisateur craint que la biogra-
phie oicielle qui sera retenue par
l’Église orthodoxe n’efface « les
traits particuliers de son existence »
– parfois en dehors de la norme –
« qui font sa popularité ». Le fait,
d’abord, qu’il a vécu une vie ci-
vile (certes sous la contrainte
communiste) et qu’une femme,
la sœur Zamira, a vécu près de
lui pendant quarante ans ; mais
aussi l’aspect non canonique de
ses peintures (rejeté par certains
orthodoxes attachés à la tradi-
tion), ou encore sa proximité
avec le mouvement anthroposo-
phique de Rudolf Steiner, dont il
avait lu les écrits.
Marine Leduc
13
essentiel
Protestantisme T
Au Dîner des protestants,
un plaidoyer pour
l’engagement féminin
La troisième édition du Dîner
des protestants s’est tenue
lundi 27 novembre à Paris, sur
le thème « Ces protestantes qui
osent ». Devant environ 370 per-
sonnes au Palais de la femme de
l’Armée du salut, les diférents
intervenants ont souligné l’im-
portance de l’engagement des
femmes au sein du protestan-
tisme. La ministre déléguée à
l’égalité entre les femmes et les
hommes, Bérangère Couillard,
représentait le gouvernement.
sur la-croix.com
Un article détaillé
Laïcité
Une administration
pourra interdire
le port de signes
religieux
La Cour de justice de l’Union
européenne (CJUE) a estimé,
mardi 28 novembre, qu’une
administration publique
pouvait décider d’interdire
le port de signes religieux à
l’ensemble de ses employés,
même quand ils ne sont pas
en contact avec le public. Le
jugement porte sur une afaire
concernant le foulard isla-
mique en Belgique. La justice
européenne s’est déjà pronon-
cée plusieurs fois sur des cas
d’interdiction du foulard isla-
mique émanant d’employeurs
privés, mais il s’agit de la pre-
mière décision concernant le
service public.
sur la-croix.com
Un article détaillé
Suisse T
Un nouvel administrateur
apostolique pour l’abbaye
de Saint-Maurice
Mgr Jean-Michel Girard, pré-
vôt des chanoines du Grand-
Saint-Bernard en Valais
(Suisse), a été nommé « adminis-
trateur apostolique sede plena
et ad nutum Sanctae Sedis »
de l’abbaye de Saint-Maurice
en Suisse. Cette décision
du Saint-Siège fait suite
à la démission de l’actuel
recteur, accusé comme
huit autres prêtres de l’abbaye
de violences sexuelles.
X sur la-croix.com
t Père Camille Rio :
« La vocation radica
le du missionnaire en
terres lointaines s’impose
désormais à tous »
 La Croix -mercredi 29 novembre 2023

14 CULTURE
cinéma P Non ! E Pourquoi pas EE Bon film EEE Très bon film EEEE Chef-d’œuvre

Wim Wenders, dans

le hangar du Premier-Film,
lors du festival Lumière 2023,
à Lyon, en octobre.
Paul Grandsard/Institut Lumiere/Saif

entretien
Wim Wenders
Réalisateur

tDans Perfect Days,

le réalisateur allemand
montre le quotidien
d’un employé des toilettes
publiques à Tokyo et signe
un film splendide et d’une
grande spiritualité sur
la beauté de l’instant présent.

Y avait-il une forme de déi

ou d’ironie à rendre poétique
la vie quotidienne d’un employé
de toilettes publiques ?
Wim Wenders : Dans tout autre
pays, ça pourrait sembler para-
doxal mais à Tokyo, ce n’est pas
le cas. Cette attention à cette par-
tie de notre vie ne fait pas partie
de notre culture. Au Japon, il y a
une autre idée des toilettes et de la

«La sobriété amène à une

perfection apportée à cette expé-
rience. Il y a bien sûr une dimen-
sion triviale et routinière dans le
travail de Hirayama mais aussi
métaphysique, puisque son per-

vie intérieure plus riche»

sonnage pose la question de com-
ment vivre. C’est dans ce contraste
que nos vies ont lieu. Nous avons
à la fois des besoins très humains
et des aspirations spirituelles. Et
nous vivons dans ce grand écart.
Hirayama, c’est un peu un person-
nage utopique.
Que vous a apporté la iction
plutôt que le documentaire,
pour répondre à ce qui était
d’abord une commande des
institutions publiques locales ?
W. W. : Si j’avais fait un docu-
mentaire, il aurait porté sur les ar-
chitectes de renom qui ont conçu
ces magniiques toilettes du quar-
tier de Shibuya. Mais je me suis
dit : « Ça va parler à qui ? » Je sen-
tais qu’il y avait quelque chose de
plus grand derrière. Quand je me
suis rendu à Tokyo en 2021, j’ai
été témoin de la façon dont les
Japonais ont vécu la in du coni-
nement et ont repris possession
de leurs parcs et de leurs rues avec
un grand respect pour le bien com-
mun. Il y avait là un grand sujet
pour mon premier film d’après-
pandémie. J’ai donc inventé ce
personnage qui vit une vie assez
simple, qui aime son travail et le
fait le mieux possible, s’assure
que tout reste propre et beau pour
les autres. Et je lui ai donné un nom
qui m’est très cher puisque c’est ce-
lui du vieux héros dans Le Voyage
à Tokyo d’Ozu.
Votre personnage a atteint recommencé à nous comporter et génération. Il pourrait vivre une vie Hirayama, les arbres, les gens, les
une forme de sagesse en vivant à consommer comme avant. Mais où il consomme seulement ce dont choses, tout est habité et constitue
et proitant de chaque moment il y a un mouvement, notamment il a besoin, ce qui le rendrait libre un tout dont il fait partie.
présent. Vous retrouvez-vous chez les jeunes gens, pour essayer et heureux car la sobriété amène à Dans le ilm, on retrouve
dans cette philosophie ? de s’afranchir de cette culture de une vie intérieure plus riche. Il vit la photographie, le road-
W. W. : Après la pandémie qui la consommation, de vivre avec le un peu comme un moine avec un movie, la musique pop
a été une grande rupture dans moins possible. C’est une forme de grand amour pour la nature, la lu- rock des années 1970-1980.
nos vies, nous nous sommes tous responsabilité envers la planète et mière, la beauté et il a ce regard pai- C’est un peu un concentré
demandé comment continuer nos le futur de notre civilisation. sible et bienveillant sur les autres du cinéaste que vous êtes ?
vies. Finalement, les habitudes Je me suis dit que mon person- dont nous avons tant besoin. Ma W. W. : Les déplacements de
ont repris le dessus et nous avons nage pourrait être le héros de cette chance est d’avoir trouvé le meil- Hirayama dans Tokyo pour al-
leur acteur – Koji Yakusho – pour ler à son travail deux fois par jour
ce rôle qui nécessitait une grande m’ont permis de lui donner ce côté
Les jours parfaits de Hirayama capacité d’intériorité. road-movie qui m’est cher, mais
Dans les inimes variations ça donne aussi une autre forme
qui construisent le ilm, avez- de liberté au personnage. Il n’est
Perfect Days eee vous voulu rendre hommage pas prisonnier de son travail, il est
de Wim Wenders à Ozu, que vous considérez maître de son temps et proite de ce
Film germano-japonais, 2 h 05 comme un de vos maîtres ? moment seul dans sa voiture pour
W. W. : Perfect Days ne ressemble écouter sa musique. Celle-ci est
Couronné par le prix œcuménique et par un prix d’interprétation pas à un film d’Ozu mais il s’en fondamentale parce qu’elle raconte
pour son acteur principal lors du dernier Festival de Cannes, rapproche dans l’esprit, dans l’at- en quelque sorte le film. J’avais
le film de Wim Wenders est un petit miracle de beauté et de poésie. tention portée aux détails, dans d’ailleurs placé en exergue du scé-
En filmant l’envoûtante succession des jours d’un employé des toi- l’amour pour ce qu’il montre. On nario la chanson Feeling Good de
lettes publiques de Tokyo, il signe une splendide méditation méta- retrouve le regard d’Ozu dans le Nina Simone : « It’s a New Dawn, a
physique sur la beauté du monde. Le réalisateur nous embarque regard de Hirayama. Dans tous ses New Day, a New Life. » Elle décrit le
dans une ode à la simplicité et au dépouillement, rythmée par une ilms, il y a une grande spiritualité, personnage et sa façon de vivre le
magnifique bande-son des années 1970-1980, dont le Perfect Day une grande transcendance. Chaque moment présent. Finalement, c’est
de Lou Reed, qui donne son titre au film. personnage et chaque chose pos- devenu le dernier plan du ilm.
Céline Rouden sèdent un caractère sacré. Pour Recueilli par Céline Rouden

Disney rejoue ses classiques
sans oublier la politique
tCette année,
le traditionnel film
d’animation de Disney
pour Noël, Wish, Asha et
la bonne étoile, sort en salles
à la différence d’Avalonia
l’an dernier.
tIl convainc plus par
sa dimension politique que
par son hommage compassé
à cent ans de création
du studio aux grandes oreilles.
Wish, Asha et la bonne étoile EE
de Fawn Veerasunthorn
et Chris Buck
Film d’animation américain, 1 h 42
Disney veut croire en sa bonne
étoile. À l’heure où le studio aux
grandes oreilles se débat avec des
difficultés financières dues aux
pertes de sa plateforme Disney+,
il parie sur ses acquis et sur les
bonnes vieilles salles de cinéma.
Contrairement à Avalonia (2022),
le traditionnel film d’animation
de Noël sort cette année sur tous
les écrans. Précédé d’un film à
la gloire du père fondateur, Walt
Disney, rassemblant, derrière
Mickey, 500 personnages des
productions maison à l’occa-
sion du centième anniversaire
de la création du studio, Wish
(« Souhait ») a été conçu comme
le bouquet final d’une année de
célébrations.
Mais il faut bien dire que le feu
d’artiice pâtit de quelques pétards
mouillés… À défaut d’être origi-
nale, la formule de ce nouveau
ilm cherche à renouer avec des re-
cettes éprouvées : le conte de fées
Cesaria Evora, reine des cœurs et de la morna
tDiva du Cap-Vert
et première artiste africaine
au rayonnement mondial
avec Miriam Makeba,
Cesaria Evora impressionne
par son humanité dans ce film
attachant et bien documenté.
Cesária Évora, la diva
aux pieds nus EE
d’Ana Soia Fonseca
Film portugais, 1 h 34
Femme, noire, pauvre, boiteuse
et orpheline, Cesaria Evora aurait
pu grandir sous de meilleurs aus-
pices. Pourtant, sa voix incompa-
rable l’a projetée dans les lieux les
plus prestigieux du monde. Un
don venu du ciel selon la diva du
Cap-Vert (1941-2011). Son histoire
permet de comprendre la fasci-
Ariana DeBose (West Side Story) prête sa voix à Asha. Disney
musical dans la lignée de La Reine
des neiges (dont le coréalisateur
Chris Buck et la coscénariste
Jennifer Lee sont également
aux manettes de Wish) et une
esthétique de livres de contes pour
enfants, avec des décors aquarel-
lés. Il était donc une fois une jeune
fille qui vivait dans un royaume
ibérique où tous les souhaits pou-
vaient être exaucés par le roi,
Magniico. À condition toutefois
de les lui conier et d’en oublier la
nature… Pas dupe, la jeune Asha,
métisse au cœur pur, se rebelle et
Eric Mulet/Epicentre
nation qu’elle a exercée sur son
temps et l’héritage immense laissé
à la musique.
Une légende, une vraie, se dé-
couvre dans le film passionnant
d’Ana Sofia Fonseca. Un rigou-
reux travail d’archives sur l’his-
La Croix -mercredi 29 novembre 2023
CULTURE
adresse aux astres célestes d’une
nuit sans nuages son vœu le plus
cher. C’est alors que surgit une vé-
ritable étoile qui doit aider notre
héroïne à faire entendre raison à
Magniico.
T r u f f é d e c l i n s d ’œ i l a u x
classiques de Disney, Wish ne
parvient jamais vraiment à se
sublimer p our incarner une
nouveauté convaincante. Les sept
amis d’Asha, dont l’un ne cesse
de répéter qu’il est grincheux,
n’ont pas la force de caractère
des compères de Blanche-Neige,
toire du Cap-Vert, qui accède à
l’indépendance lors de l’envol de
la chanteuse, croise les extraits
de concerts et les témoignages de
proches, dont Piroc, son maître
d’hôtel ou Janete, sa petite-ille.
Les faits biographiques marquants
révèlent la générosité de l’artiste et
sa puissance féministe. Ils docu-
mentent l’ascension de la première
diva du tiers-monde, l’égale de la
Sud-Africaine Miriam Makeba.
« Cize », comme l’appelaient des
proches, admire passionnément
Billie Holiday, défend sa liberté
dès l’enfance, chante partout, sort
un premier disque en France, terre
d’accueil des musiques du monde.
Cesaria Evora sera reine de la
morna, musique nostalgique et
douce du Cap-Vert entrée en 2019
au patrimoine de l’Unesco. Elle ne
deviendra une star immense qu’à
paroles
« Le dessin animé
est notre âme»
Jennifer Lee
Présidente du studio
d’animation de Disney
« Je crois que notre avenir est
aussi dans l’animation en 2D.
Le dessin animé est dans notre
âme, notre ADN, notre identité.
Mais ce n’est pas la même
chose que par le passé. Nous
poursuivons dans la fusion
des techniques pour donner
une allure de dessin animé
à l’ancienne aux nouvelles
productions en images de
synthèse en 3D, comme c’est
le cas dans Wish. »
Recueilli par Stéphane Dreyfus
tandis que l’étoile, aux allures de
peluche bon marché, fait pâle
figure à côté de la fée Clochette
de Peter Pan, à laquelle son carac-
tère malicieux fait référence. La
fable politique relève l’intérêt de
cet hommage trop convenu aux
canons du studio. Il y a du Capra
dans cette ode au libéralisme
humaniste qui appelle à se méier
de la démagogie, des dérives auto-
ritaires et des fausses promesses.
« Faites attention à ce que vous sou-
haitez », dit le slogan du ilm…
Stéphane Dreyfus
51 ans, avec la chanson Sodade en
1992. Le film devient captivant
quand il dévoile l’humanité d’une
femme secrète, masquant ses tour-
ments par son art et sa générosité
malicieuse.
Enfermée chez elle au plus
noir de la dépression pendant
onze ans, Cesaria Evora fait tout
ressentir par sa voix mélodieuse
et déchirante. Dans son chant
passe une âme. Le musicien bré-
silien Seu Jorge, qui a fait les pre-
mières parties de l’icône, trouve
les mots les plus justes : « Cesaria
ne se contentait pas de chanter
des mots. Sa manière d’interpré-
ter nous a fait comprendre le poids
de chaque mot, de chaque histoire.
Elle a révélé une chose dans la mu-
sique que personne n’avait enten-
due auparavant. »
Nathalie Lacube
15
essentiel
Cinéma T Le Gaumont-
Marignan fermera
ses portes en décembre
Salle emblématique des
Champs-Élysées, à Paris, le Gau-
mont-Marignan fermera déiniti-
vement ses portes le 3 décembre.
Inauguré dans les années 1930, il
a accompagné l’essor du 7e art et
la place de la « plus belle avenue
du monde » comme haut lieu
des sorties cinématographiques
des Parisiens et des touristes.
La campagne de travaux
de modernisation du Gaumont-
Marignan, dans le respect de ses
contraintes architecturales, ne
verra pas le jour, selon son pro-
priétaire le groupe Pathé, qui
annonce donc son clap de in.
Musée
Accord
de partenariat
entre le Centre
Pompidou et AlUla
Le Centre Pompidou a signé,
le lundi 27 novembre, un accord
de partenariat d’une durée de
quatre ans avec la commission
royale d’AlUla en Arabie
saoudite. Il s’engage à apporter
son expertise scientiique et
technique pour la création
d’un futur musée d’art contem-
porain, conçu par l’architecte
franco-libanaise Lina Ghotmeh,
et qui ouvrira en 2027. Le Centre
Pompidou prévoit de conseiller
ce musée dans la constitution de
sa collection, la déinition de ses
projets scientiiques et culturels,
de son modèle opérationnel et
inancier, d’aider à la formation
des personnels, à la médiation et
au développement des publics.
Médias T Le prix
Albert-Londres décerné
au belge Wilson Fache
Wilson Fache a remporté, lundi
27 novembre, le prestigieux prix
Albert Londres. Le journaliste
belge indépendant de 31 ans a
été choisi pour ses reportages sur
l’Afghanistan (publiés dans les
quotidiens français Libération et
belge L’Echo), sur la gare routière
de Tel-Aviv (paru dans le maga-
zine français Mouvement) et sur
l’Ukraine (L’Echo). Le 39e prix
de l’audiovisuel a été décerné à
Hélène Lam Trong, et le 7e prix
du livre à Nicolas Legendre.
X sur la-croix.com
t Cinéma : « Dumb
Money » EE de Craig
Gillespie ; « La Tresse » EE
de Laetitia Colombani ;
« Le temps d’aimer » E
de Katell Quillévéré
 La Croix -mercredi 29 novembre 2023

16 Services
carnet annonces légales

decès
t Mgr Laurent Ulrich,
Archevêque de Paris,
a la tristesse de vous faire part
du décès du
P. Georges CARRAU,
décédé le samedi 25 novembre
2023, à l’âge de 97 ans,
en la 67e année
de son sacerdoce.
La célébration des funérailles
aura lieu le vendredi 1er décembre
à 11 h 30, en la Chapelle de Tous
les Saint de la Maison
Marie-Thérèse, 277 bd Raspail,
75014 Paris, suivie de l’inhumation
au cimetière du Montparnasse,
dans la chapelle des Saints-Apôtres.
courrier des lecteurs
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messe
t Paix et Bien.
Le 29 novembre, pour la Toussaint
franciscaine, dans les fraternités
de l’Institut des sœurs
de Saint François d’Assise,
une messe sera célébrée pour
les bienfaiteurs, les bénévoles
et tous ceux qui soutiennent
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49 rue Shang mei dong, district Meiyuan
417600 XINHUAChine.
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tion au RCS de PARIS.
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Capital : 1000 €
Siège social : 5 rue Dufrenoy 75116 PARIS.
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Dufrenoy 75116 PARIS. Greffe de PARIS RCS
948 265 632, représenté par M. Taoufik
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cessibles entre associés uniquement.
Durée : 99 ans à compter de l’immatricula-
tion au RCS de PARIS.
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Siège social : 31 Cours des Juilliottes
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été décidé que le siège social a été transféré
au 8bis, rue des Lilas – 93160 NOISY LE
GRAND, à compter du 24 octobre 2023.
Président : David Forner.
L’article 4 des statuts a été modifié.
LIQUIDATION
SCI MONTMARTRE
ABBESSES
SCI au capital de 15000 €
Siège social : 118 rue des Poissonniers
75018 PARIS
RCS PARIS 490899143
Par décision Assemblée Générale Ordinaire
du 26/11/2023 il a été décidé : d’approuver les
comptes définitifs de la liquidation; de
donner quitus au liquidateur, Mme Bonjour
Anne demeurant 118 rue des Poissonniers
75018 PARIS pour sa gestion et décharge de
son mandat; de prononcer la clôture des
opérations de liquidation . Radiation au RCS

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Noël
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enfants Conférence
« Engendrer ou créer ? Vers l’homme fabriqué ? » : jeudi 30 no-
vembre (de 19 heures à 21 heures) et vendredi 1er décembre (de 9
heures à 17 h 30), colloque proposé au Collège des Bernardins.
Ce colloque vient conclure deux années de recherche codirigées par
Véronique Lefebvre des Noëttes, docteur en médecine, docteur en phi-
losophie pratique et éthique médicale UPEM, psychiatre du sujet âgé
AP-HP et gériatre, et Jean Lacau St-Guily, professeur émérite des Uni-
versités d’ORL et chirurgie cervico-faciale à Sorbonne Université.
Collège des Bernardins, 20, rue de Poissy, 75005 Paris.
Rens. et inscriptions : collegedesbernardins.fr/agenda/engendrer-ou-creer-vers-
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du 3 au 25 décembre.
Chaque jour, un conseil à mettre en pratique, une citation inspirante
à méditer, une belle chanson chrétienne à écouter.
Ouvrages disponibles en librairie Inscription : prionseneglise.fr
Nathalie Jira (agenda.lacroix@groupebayard.com)
 La Croix -mercredi 29 novembre 2023

Écrans-radio 17

le choix de La Croix

Éloge de l’infirmière
Inirmières, notre histoire
À 21 h 10 sur France 3
C’est par de chaleureux applau-
dissements que s’ouvre ce docu-
mentaire. Ceux qui, durant les pre-
mières semaines de l’épidémie de
Covid, ont remercié les soignants
chaque soir pour leur engagement.
Et qui, du jour au lendemain, se
sont arrêtés, ramenant les blouses
blanches à leur solitude face à un
système de soins dégradé. Parmi
elles, les infirmières et les infir-
miers. La profession compte
600 000 personnes en France, en
grande majorité des femmes. Peu
visibles mais toujours présentes au-
près des malades, elles ont « la vie
Devant l’hôpital de la Salpêtrière à Paris, en 1932. Gallica/FTV entre leurs mains, du premier cri, au
dernier souffle ». « Je crois que pour
tenir le coup dans ce métier il faut
être une sainte ou une folle, c’est un
métier très difficile », disait déjà l’une
d’elles au début du siècle.
S’appuyant sur des images d’ar-
chives, la réalisatrice Mathilde
Damoisel remonte aux origines de
ce métier, officiellement apparu
avec la loi de 1905. Séparation des
Églises et de l’État oblige, les reli-
gieuses qui consacraient leur vie
aux malades s’efacent au proit de
professionnelles, formées et bientôt
diplômées. Des compétences essen-
tielles dont celles qui seront bien-
tôt surnommées « les anges blancs »
se serviront sur le front de la Pre-
mière Guerre mondiale, puis dans
tous les drames qui émailleront le
XXe siècle. Et pourtant. Volontiers
décrites comme héroïques, les in-
irmières resteront longtemps vues
comme de simples exécutantes par
la hiérarchie. Albert Calmette, l’in-
venteur du vaccin contre la tuber-
culose, ne s’était d’ailleurs pas gêné
pour mettre en garde ces « collabo-
ratrices » contre « l’erreur de sortir de
(leur) rôle et de (se) croire assez ins-
truites des choses de la médecine ».
Surtout, rester à sa place.
Un sentiment de relégation dont
les infirmières françaises, payées
en dessous du salaire moyen de
l’OCDE, continuent de souffrir,
alors même que leur champ de
compétences n’a cessé de s’élargir.
Malgré le lyrisme un peu appuyé du
commentaire, ce documentaire leur
rend un bel et juste hommage.
Jeanne Ferney

TF 1 France 2 France 3 Arte France 5 M6 Et aussi...

10.30 Amour, gloire et 6.30 Télématin; 9.30 La 11.50 Outremer.l’info; 7.50 Invitation au voyage; 9.25 Des trains pas 5.30 M6 Music; 5.40 Canal+ CRYPTÉ : 21.00
beauté; 11.00 Les Feux de maison des Maternelles; 12.00 Le journal des 9.25 La prairie : un petit comme les autres; 10.00 Incroyables transforma- Football : Ligue des
l’amour; 11.50 Les douze 10.40 Météo Outre-mer; solutions; 12.25 ICI 12/13 coin de paradis; 10.55 Nos Le magazine de la santé; tions; 8.50 Ça peut vous champions. 5e journée.
coups de midi; 13.00 10.50 Chacun son tour; – Edition toute région; chères bestioles; 12.25 11.05 Le retour de l’Eu- arriver; 11.30 Ça peut Groupe B : Arsenal
Journal; 13.40 Petits plats 11.55 Tout le monde veut 12.55 Météo à la carte; Des bêtes et des sorcières; rope sauvage; 12.00 An- vous arriver chez vous; – Lens. En direct.
en équilibre; 13.50 Météo; prendre sa place; 13.00 13.55 Météo à la carte (la 13.30 Amen. Drame imaux trop mignons; 12.45 Le 12.45; 13.40 France 4 21.10 Basique,
14.00 Le nounou de Journal 13h00; 13.55 Ça suite); 14.25 Meurtres au (2002), de Costa-Gavras; 13.00 Zoo nursery : Ber- Scènes de ménages; le concert. Magazine. M
Noël. Téléilm sentimen- commence aujourd’hui; paradis; 16.45 Duels en 15.40 Les îles italiennes; lin; 13.35 Le magazine de 14.00 Un jour, un doc; Pokora.
tal (2022), d’Ali Liebert; 16.15 Afaire conclue... familles; 17.25 Slam; 18.10 16.35 Meuh ! L’épopée des la santé; 14.40 Les routes 17.30 Le château de mes NRJ 12 21.10 Retour à
15.40 Mariés à Noël ! Film Magazine. Présenté par Questions pour un cham- cornes; 17.20 Invitation de l’impossible; 15.40 rêves. Magazine; 18.30 l’instinct primaire. Doc-
sentimental (2021), de Da- Julia Vignali; 18.05 Tout pion; 19.05 ICI 19/20 – Edi- au voyage; 18.55 Esca- Vivre loin du monde; Tous en cuisine, menus umentaire. Philippines :
vid I. Strasser; 17.25 Star le monde a son mot à tion locale; 19.15 ICI 19/20 lade : Un sport qui men- 16.30 Merveilles de la vie de fêtes avec Cyril Lig- Caroline et Pascal.
Academy, la quotidienne; dire; 18.40 N’oubliez pas – Edition toute région; ace la nature ?; 19.30 Le sous-marine; 17.25 L’in- nac. Magazine. En di- RTL 9 20.55 La momie.
18.30 Ici tout commence; les paroles; 20.00 Jour- 20.00 Tout le sport; 20.20 dessous des images; 19.45 vité de C dans l’air; 17.40 C rect; 19.45 Le 19.45; 20.30 Film fantastique (1999),
19.10 Demain nous ap- nal; 20.50 Un si grand Journal Météo climat; Arte journal; 20.05 28 dans l’air; 18.55 C à vous; Scènes de ménages. Série de Stephen Sommers,
partient; 20.00 Journal. soleil. Feuilleton policier. 20.40 Aux Jeux, citoyens ! minutes. 20.05 C à vous la suite. humoristique. avec Rachel Weisz, Bren-
dan Fraser (2 h 00).
21.10 New Amster- 21.10 Boomerang. 0 Télé- 21.10 Inirmières, notre 20.55 Rescue Dawn. Film 21.05 La grande librai- 21.10 Le meilleur pâtis- C8 21.20 Mongeville.
dam. Série hospitalière ilm dramatique (2022), de histoire. Documentaire. de guerre (2006), de Wer- rie. Magazine. Présenté sier. Jeu. Présenté par Série policière : « Meurtre
(Saison 4, 17 et 18/22) «Des Christian François, avec Les inirmières sont 600 ner Herzog, avec Chris- par Augustin Trapenard. Marie Portolano. «Délices à la une ». Avec Francis
lendemains qui déchan- Corinne Masiero, Bruno 000 en France. Corps pro- tian Bale, Jeremy Davies L’animateur convie des d’Amérique latine ». Pour Perrin, Gaëlle Bona.
tent » 0 Avec Ryan Salomone (1 h 30). Une fessionnel incontourn- (2 h 00). Pendant la guerre auteurs issus d’univers accéder en demi-inale,
Eggold, Janet Mont- jeune femme sans histoires able, elles se sont inscrites du Viêtnam, l’incroyable diférents, qui font l’ac- les cinq pâtissiers par- KTO
gomery. Pour les équi- se retrouve victime d’une comme une igure myth- évasion d’un pilote de tualité. Romanciers, es- tent à la découverte de
pes de New Amsterdam, agression sexuelle de la ique dans l’imaginaire chasse allemand engagé sayistes, dramaturges et l’Amérique latine, avec 19.55 Trois questions à…;
les abus de la soirée en- part d’un de ses collègues collectif; 22.40 Nous, soi- sous le drapeau améric- philosophes s’expriment notamment une épreuve 20.05 Vêpres Emission
tre collègues ne sont pas et tente de mettre in à gnants. Documentaire. «Le ain et fait prisonnier au autour de la table de «La technique complexe; religieuse; 20.35 Deux
sans conséquence. «Un ses jours; 22.50 Survi- métier d’une vie ». Des sag- Laos; 22.55 Werner He- Grande Librairie» sur 23.10 Le meilleur pâtis- poumons, une respi-
point c’est tout »; 22.50 vantes. Documentaire. En es-femmes, des aides-soi- rzog, cinéaste de l’im- leurs goûts, leur parcours sier : la revanche des ration. Documentaire;
New Amsterdam. Série France, 220 000 femmes gnants, des médecins, possible. Documentaire. et leur démarche d’au- inalistes. Jeu. Présenté 21.30 Vies de famille;
hospitalière (Saison 4, sont victimes de violences des inirmiers partout en En plus d’un demi-siècle teur. Plusieurs rubriques par Mercotte et Chris- 21.40 Audience générale;
19 et 20/22) «Un peu de ma- conjugales. Découverte France prennent la parole. de cinéma, Werner Her- ponctuent l’émission ; tophe Renou. «Margaux 22.40 Trois questions à…;
gie » 0 Avec Ryan Eggold, du travail et de la vocation «Nous, soignants» propose zog apporte son témoi- 22.35 C ce soir. Talk- versus Nils »; «Sophie ver- 22.50 L’esprit des lettres;
Janet Montgomery; «L’es- d’un centre d’hébergement une immersion dans leur gnage et ses souvenirs à show. Présenté par Karim sus Alexandre »; «Gabri- 0.20 Chapelet à Lourdes;
poir est essentiel ». 0 pour femmes. quotidien. ce portrait éclairant. Rissouli et Camille Diao. ella versus Benjamin ». 0.50 La vie des diocèses.

Séance du mardi 28 novembre. Cours en clôture.

7 250,13 pts Accor 31,66 -0,19 +35,59 Danone 59,05 -0,05 +19,95 Kering 394,05 -2,58 -17,13 Ses Imagotag 95,5 +1,38 -21,72
Adp 113,5 +0,09 -9,35 Dassault Aviation 185,3 +1,04 +17,13 Klepierre 22,97 +0,04 +6,69 Societe Generale 22,515 +0,11 -4,11
-0,21% +8,78% Air France -klm 11,4 -0,71 -7,39 Dassault Systemes 42,82 +0,42 +27,84 L'oreal 430,7 -0,52 +29,11 Sodexo 101 +0,30 +12,87
Air Liquide 174,36 +0,33 +31,69 Derichebourg 4,898 +1,62 -11,27 Lectra 28,75 +0,52 -18,32 Soitec 160,7 -0,50 +5,14
Airbus 134,56 +0,72 +21,20 Edenred 49,83 -1,21 -2,06 Legrand 88,76 +0,02 +18,63 Solutions 30 Se 2,258 +2,54 +32,36
Ald 6,14 -0,89 -42,94 Eiffage 91,38 +0,37 -0,59 Lvmh 684,5 -1,84 +0,68 Solvay 103,6 +0,14 +9,68
SBF120 5 533,59 +0,35 Alstom 11,92 -2,42 -47,77 Elior Group 2,534 +4,19 -23,21 Mercialys 8,63 +0,41 -11,67 Sopra Steria Group 189,4 +0,37 +34,14
SBF250 5 413,34 +0,35 Alten 125,1 +0,81 +7,11 Elis 17,75 -0,28 +28,44 Mersen 33,35 +1,06 -11,66 Spie 26,82 +3,00 +10,10
Amundi 55,2 -0,63 +4,15 Engie 15,918 +0,52 +18,90 Metropole Tv 12,3 -1,36 -19,87 Stellantis Nv 18,724 -0,05 +41,10
Dow Jones (New York) 35 507,42 +0,49 Aperam 30,35 +1,17 +2,92 Eramet 70,8 -1,05 -15,56 Michelin 30,11 +1,01 +15,87 Stmicroelectronics 41,84 +0,53 +26,81
Nasdaq (New York) 16 014,34 +0,33 Arcelormittal Sa 22,54 +0,22 -8,28 Essilorluxottica 176,58 -0,24 +4,36 Neoen 26,88 +1,05 -28,53 Technip Energies 21,11 +0,76 +43,90
Nikkei (Tokyo) 33 408,39 -0,12 Argan 77 - +1,58 Eurazeo 62,85 +0,88 +8,18 Nexans 71,65 +0,70 -15,16 Teleperformance 128,95 -0,81 -42,10
EuroStoxx 50 4 347,16 -0,17 Arkema 93,04 +0,35 +10,92 Euroapi 5,1 -0,16 -63,18 Nexity 14,19 -0,28 -45,55 Tf1 6,905 -0,50 -3,49
FT 100(Londres) 7 455,24 -0,07 Atos 5,848 -6,58 -35,11 Eurofins Scient. 52,62 -0,75 -21,53 Orange 11,304 +0,59 +21,80 Thales 138,35 +0,65 +15,97
Axa 28,48 +0,42 +9,31 Euronext 75,35 +0,53 +8,95 Orpea 0,234 +10,95 -96,21 Totalenergies 63,19 +0,52 +7,74
Beneteau 11,32 +0,18 -19,94 Eutelsat Communic. 3,762 -0,42 -45,95 Pernod Ricard 158,05 -2,65 -13,99 Trigano 141,8 -0,28 +11,13
Bic 62,45 -0,48 -2,35 Fdj 33,1 +0,18 -11,92 Plastic Omnium 11,28 +0,80 -16,94 Ubisoft Entertain 26,78 -8,97 +1,40
Etats Unis EUR/USD 1,0949 -0,02 Biomerieux 98,98 +0,32 +1,08 Fnac Darty 25,9 +0,70 -24,80 Publicis Groupe Sa 75,58 +1,07 +27,20 Unibail-rodamco-we 55,26 -0,18 +13,63
Gde-Bret.EUR/GBP 0,8682 +0,17 Bnp Paribas Act.a 56,48 +0,11 +6,07 Forvia 17,22 +1,03 +21,87 Remy Cointreau 110,05 -2,31 -30,17 Valeo 13,11 -0,04 -21,50
Bollore 5,39 +0,09 +3,26 Gecina 100,2 -0,99 +5,31 Renault 35,025 +0,37 +11,99 Vallourec 13,495 +1,96 +9,98
Suisse EUR/CHF 0,9645 +0,05 Bouygues 34,94 +0,17 +24,61 Getlink Se 16,64 -0,27 +11,12 Rexel 21,64 +0,79 +17,35 Valneva 5,232 +0,93 -15,94
Japon EUR/JPY 162,7400 -0,07 Bureau Veritas 22,49 -0,09 -8,61 Gtt 123,9 +0,32 +24,15 Rubis 22,16 +0,09 -9,92 Veolia Environ. 28,43 +0,64 +18,46
Capgemini 182,6 +0,77 +17,09 Hermes Intl 1911,8 -2,01 +32,30 S.e.b. 103,3 -0,48 +32,01 Verallia 31,86 -0,13 +0,57
Carmila 14,54 +0,14 +9,00 Icade 33,54 -0,06 -16,65 Safran 161,2 +0,89 +37,87 Vinci 111,12 +0,52 +19,11
Piece Suisse 20F 355,00 Carrefour 17,395 -0,06 +11,22 Id Logistics Group 286,5 +1,60 +6,90 Saint Gobain 58,51 +0,84 +28,17 Virbac 286,5 +0,70 +25,66
Lingot 1 KG Env. 57 630,00 Piece Latine 20F 364,90 Cgg 0,62 +0,49 +2,61 Imerys 25,68 -0,77 -29,33 Sanofi 85,76 -1,00 -4,54 Vivendi Se 8,742 -0,59 -1,93
Piece 10 Dol USA 900,00 Souverain 449,80 Clariane 2,312 +1,05 -77,15 Interparfums 48,55 -1,52 -12,68 Sartorius Sted Bio 199,25 -1,02 -34,13 Voltalia 8,91 -0,11 -47,77
Piece 10 Florins 389,90 Coface 11,02 -0,72 -9,23 Ipsen 102,6 -0,48 +2,09 Schneider Electric 166,04 +0,21 +27,02 Wendel 77,75 -0,77 -10,84
Piece 20 Dolars 2 000,00 Le baril à Londres 82,08 $ Covivio 43,64 -1,49 -21,30 Ipsos 49,38 -0,36 -15,59 Scor Se 29,01 +0,48 +34,99 Worldline 13,435 -0,96 -63,22
Piece 20F 355,00 Le baril à NY 76,89 $ Credit Agricole 11,746 +0,12 +19,48 Jcdecaux 17,3 +0,87 -2,37 Ses 5,4 -0,46 -11,33 X-fab 10,01 +0,45 +51,32
18
Pétrole Quels sont
les freins à la transition?
À l’occasion de la COP28, qui se tient à Dubaï
du 30 novembre au 12 décembre, La Croix explore
notre rapport au pétrole. Intérêts divergents
de la communauté internationale, inluence
des lobbys, coûts de la transition et risques sociaux
en découlant… Les raisons sont multiples
pour expliquer la diiculté à se passer du pétrole.
L
« ’humanité est sur
une autoroute vers
l’enfer climatique,
avec le pied sur l’ac-
célérateur »… On
s’est habitué ces dernières années
aux phrases chocs du secrétaire
général des Nations unies, Antonio
Guterres, sur le désastre clima-
tique. Mais de là à s’attaquer aussi
frontalement aux compagnies
pétrolières ?
En janvier 2023, après avoir
critiqué leurs « scandaleux » pro-
fits, l’ancien premier ministre
portugais a appelé à les « pour-
suivre en justice » pour leur rôle
dans la remise en cause du ré-
chauffement climatique. « Cer-
tains géants pétroliers ont col-
porté le grand mensonge, a-t-il
martelé lors du forum de Da-
vos, le grand raout de l’élite
économique mondiale. Mais
comme l’industrie du tabac, ils
ont fait peu de cas de leur propre
science. »
Peut-on se passer du pétrole ?
F Comment est-on devenus « accro » ?
F Pourquoi faut-il s’en passer ?
F Peut-on le remplacer ?
F Quels sont les freins à la transition ?
Grâce au travail de nombreux
journalistes et chercheurs ayant
exhumé des milliers de commu-
nications et de rapports coniden-
tiels, le rôle des compagnies pétro-
lières dans la remise en cause du
réchaufement climatique est au-
jourd’hui parfaitement documenté.
Pour certains groupes comme le nu-
méro un américain ExxonMobil,
les campagnes de désinformation
se sont même poursuivies au-delà
des années 2010, à une époque où
le réchaufement climatique était
reconnu par tous, y compris de ma-
nière officielle par la compagnie
elle-même.
« C’est pourquoi lorsqu’on entend
les géants pétroliers dire qu’ils ne
peuvent pas être tenus responsables
d’une demande de pétrole qui aug-
mente, il est diicile de ne pas y voir
une forme de cynisme », observe
Céline Guivarch, directrice de re-
cherche au Centre international
de recherche sur l’environnement
et le développement (Cired). Face
La Croix -mercredi 29 novembre 2023
PLANÈTE/
aux attaques, la hausse insatiable
de la demande d’or noir est en efet
devenu l’un des arguments phares
des compagnies et États pétro-
liers, selon lesquels il appartient
aux gouvernements et aux
consommateurs de prendre leurs
responsabilités.
À l’heure où le réchauffement
climatique n’en init plus de faire
des ravages, et où il est désormais
prouvé que le respect de l’Accord
de Paris n’est pas compatible avec
l’exploitation de nouveaux gise-
ments pétroliers, que penser de
cet argumentaire ? « Aujourd’hui
même l’AIE (Agence internationale
de l’énergie) pourrait paraître un
peu schizophrène sur le sujet, relève
Olivier Gantois, président de l’Uip
Énergies et mobilités, le porte-
parole des pétroliers en France.
D’un côté, elle estime qu’il faudrait
réduire notre consommation de pé-
trole de 80 % pour tenir les Accords
de Paris, et de l’autre, elle continue
de prévoir une augmentation de la
demande dans les années à venir. »
Pour les défenseurs d’un monde
sans pétrole, le débat autour de la
demande nécessite toutefois d’être
un peu contextualisé. Car comme
le rappelle Romain Ioualalen de
l’ONG Oil Change International,
en économie l’ofre et la demande
sont intimement liés : « Personne n’a
jamais dit qu’il faudrait couper les
robinets du jour au lendemain. En
revanche, le reproche fait aux pétro-
liers est d’essayer à tout prix de pré-
server leur business dans les fossiles,
en cherchant à faire passer le gaz
comme “énergie de transition”, et en
se cherchant de nouveaux débouchés
dans la pétrochimie, par exemple. »
Selon les derniers chiffres de
l’AIE, les majors pétrolières ont
consacré seulement 2,5 % de leurs
dépenses d’investissements aux
énergies propres en 2022, contre
les 50 % qui seraient nécessaires.
« Avec l’envolée des prix, les investis-
sements dans l’exploration de nou-
velles réserves de pétrole et de gaz
Infographies Visactu
Dessins Deligne
sont repartis à la hausse », analyse
Moez Ajmi, responsable du sec-
teur pétrolier chez Ernst & Young.
« Il faut par ailleurs mettre cette rhé-
torique en parallèle avec les sommes
astronomiques que les pétroliers in-
vestissent dans des campagnes de
lobbying pour lutter contre les ré-
glementations climatiques », ajoute
Céline Guivarch, cosignataire l’an
dernier d’une tribune appelant To-
talEnergies à cesser « l’instrumenta-
lisation » des rapports du Giec.
En 2019, l’ONG britannique
Influence Map avait par exemple
montré que les cinq plus grosses
compagnies privées mondiales
– Chevron, BP, ExxonMobil,
TotalEnergies et Shell – avaient
dépensé un milliard de dollars
(916 millions d’euros) sur trois
ans après les Accords de Paris de
2015 pour « influencer l’agenda
climatique ».
Reste qu’aussi évidente soit-
elle, l’influence des lobbys pétro-
gaziers ne peut expliquer à elle seule
l’inertie actuelle. Qu’il s’agisse des
intérêts divergents de la commu-
nauté internationale, des coûts éle-
vés de la transition énergétique, de
la quête efrénée de rentabilité des
investisseurs, ou encore de la dii-
culté politique à engager la transi-
tion vers une société sans pétrole…
tout ou presque semble concou-
rir à perpétuer le système actuel.
L’an dernier, les subventions aux
énergies fossiles, comprenant les
avantages fiscaux consentis au
secteur, ont été évaluées à près de
7 000 milliards de dollars par le
FMI (6 500 milliards d’euros), soit
le plus haut niveau jamais enregis-
tré, du fait notamment de la guerre
en Ukraine qui a conduit les États
à dépenser 2 000 milliards de P P P

l’urgence et les solutions
P P P plus pour protéger leurs popu-
lations de l’envolée des prix.
« En comparaison, on estime
qu’il faudrait investir entre 2 000
et 3 000 milliards de dollars par an
dans les technologies bas carbone
pour tenir nos objectifs climatiques.
Ce qui est par ailleurs ridicule par
rapport à ce que nous coûterait le
fait de ne rien faire », rappelle, un
brin dépité, Emmanuel Hache,
économiste à IFP Energies nou-
velles et directeur de recherche
à l’Institut de relations interna-
tionales et stratégiques (Iris).
« En réalité, en dehors de quelques
États, parmi lesquels les plus vul-
nérables au réchauffement clima-
tique, très peu de pays partagent
l’idée que l’expansion pétro-gazière
doit prendre fin », pointe Francis
Perrin, directeur de recherche à
l’Iris. À la veille de la COP 28, qui
commencera le 30 novembre, seuls
seize États (dont la France) sur 197
se sont prononcés en faveur d’une
sortie « progressive » – le terme est
important – du pétrole et du gaz.
L’an dernier,
les subventions
aux énergies fossiles,
comprenant
les avantages
iscaux consentis
au secteur, ont été
évaluées à près de
7 000 milliards de
dollars par le FMI
(6500 milliards
d’euros), soit le plus
haut niveau jamais
enregistré.
Dans le détail, les raisons di-
vergent entre les États producteurs
d’or noir, qui n’ont aucun intérêt à
réduire leur production ; les pays
développés qui ont assis leur ri-
chesse sur les énergies fossiles et
ayant bien du mal à planiier cette
sortie ; et les pays émergents, qui
rappellent à chaque COP qu’ils
n’ont pas de raison de sacriier leur
développement pour un réchaufe-
ment dont ils ne sont pas à l’origine.
D’ailleurs, à chaque fois que
les fossiles surgissent à la table
des négociations, les États ne
manquent pas de se renvoyer à
leurs propres dépendances et res-
ponsabilités. « À Glasgow en 2021,
l’Inde avait par exemple expliqué
qu’elle n’avait aucune raison de ti-
rer un trait sur le charbon, certes
très polluant mais aussi très peu
cher, quand les États-Unis conti-
La Croix -mercredi 29 novembre 2023
19
La demande mondiale de pétrole devrait nuaient à s’enrichir par le pétrole et
le gaz », souligne Romain Ioualalen.
bientôt commencer à décliner Sur le papier pourtant, les re-
Scénarios prédictifs de la consommation mondiale de pétrole cherches tendent à prouver que dé-
carbonation et développement ne
En millions de barils par jour
sont pas forcément incompatibles.
Évolution de la demande mondiale de pétrole selon l'Opep « Les dépenses d’investissement
Évolution de la demande mondiale de pétrole, en suivant les politiques actuelles, selon l'Agence dans les énergies renouvelables
internationale de l’énergie (AIE) peuvent être plus gourmandes en
Évolution de la demande mondiale de pétrole qu’il faudrait, selon l’AIE, pour tenir le scénario matières premières et dans cer-
d’un réchauffement climatique limité à + 1,5 degré tains cas en capital que les énergies
115
fossiles, mais les renouvelables sont
souvent bien plus économes à l’utili-
sation », résume Emmanuel Hache,
95
selon qui tout l’enjeu pour les pays
du Sud est donc celui du inance-
ment des projets. « Le problème,
75 c’est que la plupart de ces États sont
jugés peu crédibles par les investis-
seurs, ce qui renchérit considérable-
55 ment le coût de leur transition. »
Selon l’AIE, financer un projet
d’énergies renouvelables coûte six
35 à sept fois plus cher dans un pays
en développement que dans un
pays développé. Impossible donc
15 pour ces pays de respecter la neu-
tralité carbone sans l’aide des pays
2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
développés de l’OCDE.
Source : Opep, AIE.
Depuis longtemps, les négo-
ciations internationales tournent
Les principaux pays producteurs de pétrole autour de ces questions de inan-
et les plus gros consommateurs
cements et de participation des
pays du Nord à la transition des
pays du Sud, mais les efforts de
Les dix plus gros producteurs de pétrole
En millions de tonnes (2022)
la communauté internationale à
la « dette environnementale » sont
États-Unis 759,5 millions de tonnes (17,2 % de la production mondiale) encore jugés trop faibles.
Arabie saoudite*
573 (13 %) Selon l’AIE,
Russie 548,5 (12,4 %) inancer un
Canada 274 (6,2 %) projet d’énergies
Irak* 221,3 (5 %) renouvelables coûte
Chine 204,7 (4,6 %) six à sept fois plus
E.A.U.* 181,1 (4,1 %) cher dans un pays
Iran* 176,5 (4 %) en développement
Brésil 163,1 (3,7 %) que dans un pays
Koweit* 145,7 (3,3 %)
développé.
*Membres de l’Opep. L'Organisation des pays exportateurs de pétrole dans son ensemble pèse 36,4% de la production mondiale de pétrole.
Parce qu’ils dépensent chaque
Les pays consommant le plus de pétrole année des milliards pour leur ap-
En millions de barils par jour (2022) provisionnement en pétrole et en
gaz, les pays riches – non produc-
États-Unis 20,3 millions de barils par jour (20,2 %) teurs d’or noir – devraient en théo-
Chine rie être les plus enclins à se dé-
14,4 (14,3%)
carboner. À elle seule, la facture
Inde 5,3 (5,3%) énergétique de l’Union européenne,
d’environ 300 milliards d’euros
Arabie saoudite 3,9 (3,9%)
par an ces dernières années (hors
Russie 3,6 (3,6%) Covid, et hors guerre en Ukraine),
pourrait d’ailleurs expliquer que
Japon 3,4 (3,3%) l’Europe soit si allante sur les su-
Brésil jets climatiques, et l’une des seules
3,2 (3,1 %)
régions du monde à voir sa consom-
Corée du Sud 2,9 (2,9%) mation de pétrole reculer…
« Le problème, c’est que la plupart
Canada 2,4 (2,3%)
des pays développés n’ont peut-être
Total UE 11,2 (11,2%) pas d’hydrocarbures, mais leurs
ménages ont des taux d’équipement
Source : Statical Review of World Energy, BP Suite page 20. P P P

20
Pétrole/Quels sont les freins à la transition ?
J. McMonigle, du Forum international de l’énergie, A. Nasser, PDG de Saudi Aramco, H. Qijun, président de
China National Petroleum Corp, et D. Woods, PDG d’ExxonMobil, au Canada, le 18 septembre. Jef McIntosh/AP
P P P Suite de la page 19.
en véhicules thermiques très éle-
vés et des industries des transports
tournées vers le pétrole », alerte
Pierpaolo Cazzola, du Center on
Global Energy Policy de l’université
de Columbia, aux États-Unis. L’an
dernier, la décision européenne
d’interdire la vente de véhicules
thermiques neufs à partir de 2035
a suscité de vives oppositions de la
part des constructeurs, illustrant la
diiculté de planiier une sortie des
énergies fossiles.
« Et puis, au-delà des résistances
au changement, la transition pose
d’innombrables questions d’accès aux
technologies alternatives, et de jus-
tice sociale, comme on le voit actuel-
lement en France avec la question du
prix des véhicules électriques », ajoute
Benoît Leguet, directeur général de
l’institut de l’économie pour le cli-
mat (I4CE) de la Caisse des dépôts.
En Allemagne, l’adoption d’une
loi sur la in des chaudières au gaz et
au ioul a provoqué d’énormes ten-
sions, obligeant le gouvernement
à revoir son calendrier. À la veille
des élections européennes, on ne
compte plus le nombre de partis po-
litiques réclamant un coup d’arrêt
au « pacte vert européen », jugé trop
risqué au plan industriel et social.
De quoi expliquer cette fois les
variations de discours de l’Eu-
rope sur la scène internationale
et nationale. « D’ailleurs, lorsque
la guerre en Ukraine a éclaté, les
Européens ont imploré les pays de
l’Opep de leur vendre du pétrole
et leur gaz pas cher, note Francis
Perrin. Ces derniers étaient trop
contents de pouvoir mettre l’Occident
face à ses contradictions. »
De l’avis des experts, pour que
la demande mondiale de pé -
trole baisse, il faudrait en fait une
conjonction de politiques publiques
contraignantes et incitatives, d’in-
vestissements innovants, mais aussi
d’offres nouvelles permettant de
proposer de réelles alternatives aux
hydrocarbures. « Par exemple pour
que les Indiens roulent à l’électrique,
il faudrait que les constructeurs pro-
duisent de petits véhicules de trois
places plutôt que de gros SUV », il-
lustre Pierpaolo Cazzola.
«La transition pose
d’innombrables
questions d’accès
aux technologies
alternatives,
et de justice sociale,
comme on le voit
actuellement en
France avec la
question du prix
des véhicules
électriques.»
« Il faudrait également repen-
ser en profondeur le système inan-
cier international, en appliquant
par exemple des taux d’intérêt dif-
férenciés pour les projets décarbo-
nés, et en mettant un prix du CO2 en
cohérence avec le coût environne-
mental du réchaufement », ajoute
Emmanuel Hache. Quant à la pro-
blématique des pays producteurs,
La Croix -mercredi 29 novembre 2023
PLANÈTE
elle reste entière. Comment les in-
citer à abandonner une partie de
leurs réserves dans leur sous-sol,
quand certains d’entre eux conti-
nuent d’afficher des taux de pau-
vreté insoutenables ? « Chez Oil In-
ternational nous croyons beaucoup
à l’idée que la solidarité interna-
tionale doit aussi s’exprimer entre
pays producteurs, déclare Romain
Ioualalen. Et qu’il serait légitime
de demander aux riches, comme
les États-Unis, d’arrêter en premier
d’extraire des hydrocarbures et de
inancer la transition énergétique
des pays pauvres comme le Nigeria. »
En dépit de cette impression-
nante série d’obstacles, on pourrait
se dire que les choses commencent
à aller dans le bon sens. Selon l’AIE,
le pic de la demande de pétrole
pourrait intervenir plus tôt que
prévu, avant 2030, grâce au boom
des renouvelables et de l’électri-
ication automobile. Sans grande
surprise, il semblerait que les pé-
troliers préfèrent tabler sur les
prévisions de l’Opep, qui anticipe
une hausse de la demande au
moins jusqu’en 2045, tirée
par les pays émergents.
Grâce au développe-
ment des technologies de
captage et de stockage du
carbone, certaines com-
pagnies se mettent même
à espérer qu’elles n’auront
jamais besoin de réduire leur pro-
duction. Le risque étant bien sûr de
concentrer tous les eforts sur ces
technologies certes prometteuses
mais coûteuses. Et d’activer ainsi
un nouveau levier de l’inaction cli-
matique.
Julie de la Brosse
Le pétrole est partout...
Par quoi remplacer la peinture
sur nos murs ?
L’air que nous respirons entre quatre murs peints est parfois
plus pollué que l’air en ville ! C’est dire à quel point certains
composants de nos peintures
peuvent être toxiques. Si
les pigments qui donnent
la couleur à nos surfaces
sont issus de matière mi-
nérale non carbonée, le
solvant et le liant, servant
à diluer puis durcir la pein-
ture, sont historiquement
transformés à partir de
dérivés du
pétrole. Le
solvant
chimique
est d’au-
tant plus
polluant
qu’il dégage en
séchant des composés organiques volatiles dan-
gereux pour la santé. C’est par un retour aux techniques an-
ciennes de peinture et le développement de la chimie verte que
des industriels ont trouvé de nouvelles compositions vierges
de composants fossiles. Il existe désormais des peintures
entièrement biosourcées : le liant est fait d’huiles végétales
– comme au XVe siècle – et de biomasse. Le solvant, lui, n’est
autre que de l’eau (comme pour les peintures « sans-solvant »).
Albane Bernard
Que faire de nos jouets en plastique ?
Les enfants en rafolent, et les adultes aussi : leurs jouets
aux couleurs vives et formes multiples les tiennent occupés
pendant des heures. Ils sont pourtant moins inno-
cents qu’on pourrait croire. Les
trois quarts sont faits de mé-
langes de plastiques – issus de
dérivés du pétrole – dont un
quart seulement peut être re-
cyclé, tant l’alliage est diicile
à défaire. En outre, après une
durée d’utilisation moyenne
de 8 mois, les jouets sont mis au
placard ou jetés ; on en retrouve
75 000 tonnes dans les centres
d’incinérations français chaque
année. Comment réduire leur
impact environnemental ? La
meilleure
alterna-
tive est de
se tour-
ner vers
les jeux en
bois, coton,
ou autres ma-
tériaux naturels (caoutchouc naturel).
Quant aux jouets en plastiques restants, il faut privilégier
le troc ou la revente, plutôt que le stockage chez soi
(qui init souvent à la poubelle) ou la déchetterie.
Albane Bernard
 La Croix -mercredi 29 novembre 2023

Services 21

L météo saint du jour

contact Bienheureuse Marie-Madeleine vreté et de pénitence du couvent.
Service client (basé en France)
Sordini († 1824) Elle fonde à Rome, avec le consen-
Téléphone : 01 74 31 15 02 Née en Toscane, Caterina tement du pape Pie VII, un couvent
du lundi au vendredi de 8h30 à 19h. Mercredi Sordini entre à l’âge de 16 ans chez d’adoratrices, qui deviendra l’ins-
Votre abonnement
les franciscaines de Viterbe, pre- titut de l’Adoration perpétuelle du
Numéro non reçu, retard de nant le nom de Marie-Madeleine Très Saint Sacrement.
livraison, échéance de votre 2° 7° de l’Incarnation. Élue abbesse à
abonnement, problème de connexion 5° 10 ° 32 ans, elle renforce la vie de pau- Demain Saint André
Votre compte client : 0° 7°
la-croix.com/compte 3° 7°
Question/Réponse en ligne :
la-croix.com/aide
1°
-1 °
8°
5°
méditation
Formulaire de contact : 1° 8°
librairie-bayard.com/serviceclient -2 ° 6° non pas d’abord pour exiger ceci
3° 9° Jeudi 30 novembre, ou cela, mais pour faire lui-même
Pour un changement
d’adresse déinitif ou temporaire
-1 °
2°
12 °
16 °
>20°
18/20°
fête de Saint André, le premier pas et m’aimer comme
la-croix.com/espaceabonne je suis, là où je suis. Son amour ne
en précisant vos nom et adresse
1°
0°
10 °
11 °
16/18°
14/16°
Apôtre (Mt 4, 18-22) sera pas sans conséquence. Bien
actuelle, votre adresse temporaire, 10 ° 20 °
et les dates de changement. Délais de
12/14° des barques et des ilets occupant
2° 13 ° 10/12°

J
prise en compte maximaux: 5 à 7 jours. 6° 16 ° 8/10°
ésus appelle ! Si cette affir- ma vie, resteront derrière moi.
2° 16 ° 6/8° mation ne déplaît à personne Y perdrai-je tout ? Celui qui m’a
Pour vous abonner
Par internet : la-croix.com/abo
9° 16 ° <6° lorsqu’elle reste à bonne dis- aimé, créé et racheté, ne saurait
10 ° 17 ° tance, elle peut prendre un tour in- vouloir me dépersonnaliser. Bien
Par courrier : « La Croix », TSA 70008,
59714 Lille Cedex 9 quiétant lorsqu’on l’entend pour au contraire, c’est une fois dé-
Contacter la rédaction Jeudi Vendredi soi : « Jésus m’appelle, moi ! » Que pouillé de tous mes masques, éla-
18 rue Barbès, 92128 Montrouge cedex. va-t-il me demander, mon Dieu, gué par le contact quotidien avec
Site : la-croix.com que peut-il me vouloir, sinon des Lui, que je trouverai enfin ma
Téléphone : 01 74 31 68 36 contrariétés sans in, des remises pleine stature.
lecteurs.lacroix@groupebayard.com
Sur les réseaux sociaux : en question radicales, voire un « C’est simple de mourir ! » Tels
Facebook : @lacroix.journal aplatissement de mon tempéra- furent les derniers mots d’une re-
Twitter : @LaCroix ment jusqu’à ressemblance par- ligieuse de ma communauté, dé-
Instagram: journal.lacroix faite avec ces statues de saints fa- bordante jusqu’au bout de vie et
Publicité 01.74.31.60.60. briquées en série ? de bonté. Faut-il ajouter, ce que
Pourrions-nous oublier, cepen- son silence laissait transparaître :
Carnet 01.74.31.66.06
de 9 h à 17 h, du lundi au vendredi. dant, qu’avant de nous attirer à « avec Jésus. » ? Car, avec lui, c’est
carnetlacroix@bayardmedia.fr lui, c’est Dieu lui-même qui s’est simple de vivre et de mourir.
approché de nous jusqu’à se faire Sœur Nathalie, monastère
Petites annonces Tél. : 01.74.31.16.18
(de 9 h à 18 h). Fax : 01.74.31.60.00. l’un de nous, s’immergeant plei- des Dominicaines de Taulignan
nement dans notre monde à nous ?
Contact marchands de journaux Jésus m’appelle, oui. Il m’appelle,
0 800 29 36 87 mots croisés Autres lectures : Rm 10, 9-18 ; Ps. 18 A.

Édité par BAYARD,

Problème n° 8270 d’Arthur Gary
société anonyme à directoire et conseil
de surveillance. 18, rue Barbès,
92128 Montrouge Cedex. Téléphone :
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Abonnez-vous
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Horizontalement. – I. À entreprendre pour honorer le patron. – INTÉGRALE ou 474€ par an
II. Qui ne ressemblent à rien. – III. Il peut être une cause de la rage. Fit
briller. – IV. Elle ne s’attache pas à l’argent, à ce qui est dit. – V. Chose
vague… Dessin pour phrase. – VI. Cri pour la passe. Sous sol. Il cause > Chaque jour de la semaine :
du bec. – VII. Divine Terre. Elles durent quelques secondes. – VIII. Il le journal et les 5 suppléments thématiques
s’en est mis plein la panse. Mauvais sable. – IX. Canton du Pas-de-
Calais. Cube. – X. Isolée. Dieu avec arc. > Le week-end : le magazine LA CROIX L’HEBDO
Verticalement. – 1. Spécialistes des soins pour les plantes. –
2. Vulgaire, maintenant. Elle peut glacer si elle est chaude. – 3. Tumeur
> 7J/7, tout le numérique : lecture illimitée
bénigne. Plate, elle est sans bulles. – 4. Protection. Cas d’astre. – 5. Il sur la-croix.com et tous les articles spiritualité
s’observe souvent à l’église. Descendante. – 6. À la mode. Grand de la-croix-croire.com
papillon aux vives couleurs. – 7. Couche en coquille. Château ligérien. –
8. Prénom arabe. Tel l’âne qui va porter. – 9. Trace que la bise peut
laisser. Note. – 10. Agence pour voir loin. Écluses bien. Par téléphone Par internet
au 01 74 31 15 02 la-croix.com/abo
Solutions du n° 8269 : Horizontalement. – I. Faussaires. – II. Espionnite. – du lundi au vendredi Par carte bancaire
III. Méprises. – IV. Édredon. – V. Erra. Sirop. – VI. Lucre. Tire. – VII. Ému. de 8 h 30 à 19 h c’est rapide
Nu. Uri. – VIII. Téton. Éson. – IX. Tu. Sumo. Ie. – X. Ers. Ionisé. et entièrement sécurisé !
Verticalement. – 1. Femmelette. – 2. Ase. Rumeur. – 3. Uppercut. –
4. Sirdar. Os. – 5. Soir. Ennui. – 6. Anses. Mo. – 7. Inédit. Éon. – Comprendre aujourd’hui. Se préparer à demain
8. Risorius. – 9. Et. Norrois. – 10. Sec. Peinée.
 La Croix - mercredi 29 novembre 2023

22 Peut-on faire coniance aux médias ?

Jour 3/10
Ouvrir ses réseaux sociaux compte
parmi les premiers rélexes
pour s’informer. Or, les nouvelles mises
en avant sur ces plateformes sont iltrées
par des algorithmes, pour correspondre
aux intérêts des internautes. Cette méthode
décriée mais eicace bouscule les habitudes des médias
traditionnels. Un réseau social de service public européen
pourrait-il concurrencer les entreprises privées?

L’information
bientôt délivrée
sur mesure?

tQuatre Français sur dix
déclarent s’informer
sur les réseaux sociaux.
tDe nouveaux rélexes
qui interrogent les médias
historiques: faut-il avoir
recours aux algorithmes
pour attirer le public
et constituer une ofre
adoptée?
Patino, président d’Arte et spécia-
liste des questions numériques,
c’est un changement de para-
digme : « Avant, nous allions cher-
cher l’information dans un lieu
spécialisé. Désormais, c’est l’infor-
mation qui est poussée vers nous,
au milieu d’un tas de contenus
très diférents, via des plateformes
privées dont la mission principale
n’est pas d’informer. »
Julie connaît le modèle écono-
biais de conirmation, c’est-à-dire
Les utilisateurs notre attirance pour les contenus
conirmant nos opinions. Les uti-
se retrouvent lisateurs se retrouvent ainsi en-
enfermés fermés dans des bulles de iltres,
et n’ont plus qu’un aperçu partiel
dans des bulles de la réalité. « C’est plus grave que
de iltres, et n’ont la désinformation, juge Arthur
Grimonpont, car sans vision com-
plus qu’un aperçu mune de la réalité, la délibération
partiel de la réalité. publique est impossible. »
Reste que ce changement dans
la une les informations liées à leur
département. Il s’agit ici d’une
personnalisation active, dans
laquelle le lecteur est impliqué,
libre et conscient de ses choix.
« Dans les années 2000, on était
allé très loin, se souvient Bruno
Patino. Certains journaux anglo-
saxons voulaient créer des pages
d’accueil entièrement sur mesure.
Aujourd’hui, on est dans un sys-
tème mixte, avec certaines zones

J
ulie, 23 ans, se tient au
courant des afaires du
monde en faisant défi-
ler les fils d’actualités
sur ses réseaux sociaux.
« Je ne vais pas sur les sites d’infor-
mation, car je trouve cela trop an-
xiogène. Je clique si un sujet m’in-
téresse dans les tendances sur X
(anciennement Twitter, NDLR).
Mais je ne vais pas chercher une
information en dehors de ces sug-
gestions », raconte-t-elle.
Comme elle, 43 % des Français
utilisent désormais quotidienne-
ment les réseaux sociaux pour
s’informer, alors qu’ils n’étaient
que 36 % en janvier dernier, se-
lon les deux derniers baromètres
de la coniance dans les médias
La Croix-Kantar. Pour Bruno
mique des réseaux et sait perti-
nemment que les nouvelles qui
lui parviennent ont été iltrées par
des algorithmes ; que ces derniers
ont enregistré ses centres d’inté-
rêt et ses habitudes de navigation.
« Je sais que ces applications dé-
ploient des trésors technologiques
pour retenir mon attention et qu’il
existe un biais dans leur sélection.
On a souvent l’impression que les
jeunes n’en sont pas conscients,
c’est faux », insiste-t-elle.
Malgré tout, elle voit un inté-
rêt dans cette curation ciblée, qui
n’est pas l’apanage des réseaux
sociaux. « J’aime aussi la sélection
proposée par Google Actualités,
car elle est orientée autour de mes
sujets préférés : les jeux vidéo et la
Corée. » C’est ce ciblage précis des
intérêts du public qui fait le suc-
cès des moteurs de recherche et
des plateformes. Dans la jungle
numérique, la capacité à présen-
ter à l’internaute le bon résultat
au bon moment, à le surprendre
avec une suggestion adaptée, est
la clé du succès.
Avec les réseaux sociaux, le
phénomène a pris une ampleur
sans précédent : « 80 % des conte-
nus sont iltrés par des algorithmes
sur Facebook ou Twitter et jusqu’à
95 % sur TikTok », détaille Arthur
Grimonpont, auteur d’Algocra-
tie. Vivre libre à l’heure des algo-
rithmes (Actes Sud). Cet ingé-
nieur alerte sur les dangers de
ce processus « qui exploite nos
failles psychologiques », dont le
notre façon de consommer l’in-
formation et le succès des plate-
formes questionnent les médias
historiques en quête d’audience :
ne faudrait-il pas s’en inspirer ?
« Si les médias traditionnels ne
s’attaquent pas à la personnali-
sation éditoriale, des enfants de la
Silicon Valley le feront pour eux »,
prévenait le journaliste et cher-
cheur Titus Plattner dès 2018,
alors qu’il travaillait à la Stanford
University.
Dans le s faits, le s médias
mènent des expériences. La plus
commune consiste à personnali-
ser la page d’accueil des sites et
applications. Le Monde suggère à
ses lecteurs de réagencer l’ordre
des rubriques ; la presse régio-
nale propose de faire remonter à
personnalisées et d’autres non. »
La porte que les médias tra-
ditionnels ont le plus de mal à
pousser est celle de la personna-
lisation passive, reposant sur les
algorithmes de recommanda-
tion. Il s’agirait, à l’instar des pla-
teformes, d’exploiter les données
de navigation pour suggérer des
contenus : le fameux « Vous avez
lu/vu, vous aimerez aussi… »
Aujourd’hui, à La Croix, les
liens recommandés dans les ar-
ticles sont sélectionnés par des
éditeurs Web et résultent d’une
décision éditoriale. Mais quelques
rares médias s’avancent sur le ter-
rain glissant des suggestions per-
sonnalisées, comme The New York
Times, qui propose un bandeau en
page d’accueil, ou The Wall P P P

Peut-on faire coniance aux médias ?
P P P Street Journal avec son on-
glet « My WSJ ».
« De façon presque étonnante,
il y a très peu d’utilisations de ces
technologies dans les grands mé-
dias, constate Maxime Loisel,
consultant en stratégie numé-
rique. J’aurais attendu plus d’in-
novations mais il existe des freins :
cela coûte cher et pose des ques-
tions d’éthique éditoriale. »
La porte
que les médias
traditionnels ont
le plus de mal
à pousser est celle
de la personnalisation
passive, reposant
sur les algorithmes
de recommandation.
Le public semble également mé-
iant. Selon le dernier Digital News
Report, le rapport sur l’information
numérique de l’institut Reuters,
seules 30 % des personnes inter-
rogées étaient d’accord pour qu’on
La Croix - mercredi 29 novembre 2023
Sarah Bouillaud/Hans Lucas pour La Croix
leur propose une sélection basée
sur leur historique de navigation.
Dans ce contexte, les médias
avancent à tâtons, à la recherche
du bon équilibre. Cela passe parfois
par un détournement de la techno-
logie. Radio France fait la promo-
tion de son « algorithme de service
public », formule de recommanda-
tion hybride qui allie la technologie
se basant sur les écoutes passées et
les choix d’une équipe éditoriale.
De son côté, France 24 et une
dizaine de médias européens ont
tenté d’inverser la logique des re-
commandations dans le projet « Eu-
rope Talks ». Ils proposaient aux
Européens de conier leur opinion
sur un sujet et de les mettre en rela-
tion avec un avis contraire, grâce à
un algorithme.
« C’est l’un des points que l’on
aborde dans la charte sur l’intelli-
gence artificielle, conclut Arthur
Grimonpont. La personnalisation
et la recommandation de contenus
dans les médias doivent préserver la
diversité de l’information et favori-
ser le dialogue démocratique. »
Elisa Brinai
Demain L’opinion va-t-elle l’emporter
sur l’information ?
le chifre
51 %
des Français trouvent
trop redondantes les in-
formations sélection-
nées par les algorithmes
sur les réseaux sociaux.
Alors qu’ils sont nom-
breux à suivre l’actua-
lité sur ces plateformes,
les Français jugent que l’in-
formation proposée manque
de diversité. Seuls 30 % esti-
ment qu’elle relète une plu-
ralité de points de vue.
Chifre tiré de la 37e édition
du baromètre de la coniance
des Français dans les médias,
Kantar pour La Croix.
quelles solutions ?
Contrer Twitter par
un réseau social public
tL’idée d’un réseau
social de service public,
portée par l’historien
David Colon, trouve
un écho au sein d’instances
intergouvernementales
inquiètes du chaos
informationnel.
L
’oiseau bleu de Twitter ne
gazouille plus. Dorénavant,
il s’appelle X et il becque,
crie, harcèle. Longtemps utili-
sée comme un espace de discus-
sion commun à portée planétaire,
certes imparfaite, la plateforme
spécialisée dans les messages très
courts (microblogging) a laissé
place à une multitude de commu-
nautés virtuelles.
Depuis qu’il a racheté Twitter en
octobre 2022, l’entrepreneur améri-
cain Elon Musk a imposé une nou-
velle ligne. La viralité des publica-
tions de médias a été réduite. Le
mode de certiication des comptes
a été modifié. La propagation de
désinformations a été amplifiée.
Le milliardaire libertaire multiplie
les provocations. Résultat : mi-no-
vembre, de gros annonceurs et la
Commission européenne ont sus-
pendu leurs publicités après qu’il
a approuvé un contenu antisémite.
Nous devons nous mobiliser
pour bâtir d’urgence en Europe
une alternative, réagit l’historien
David Colon, récent auteur de
La Guerre de l’information
(Tallandier). « L’Europe n’a
pas de géants numériques,
mais se consolait jusqu’ici
en proposant un modèle de
régulation à travers son rè-
glement sur les services nu-
mériques (DSA). Mais celui-ci
n’est plus de nature à apporter en
temps utile les réponses nécessaires
à la démultiplication des capacités
de désinformation. »
« L’e s s o r d’o u t i l s d’i n t el l i -
gence (IA) générative permettant
de traduire et de contextualiser des
messages automatisés, déjà utili-
sés par la Chine, donne la possi-
bilité d’orchestrer des campagnes
de désinformation sans commune
mesure avec ce que l’on a connu »,
ajoute le chercheur, spécialiste de
la propagande au Centre d’histoire
de Sciences Po Paris.
Pour s’en protéger, il défend la
création d’un réseau social euro-
péen de service public. « Chacun
pourrait librement y exprimer son
opinion sans qu’elle puisse être am-
pliiée artiiciellement » ni « générer
des revenus publicitaires ». Ce sera
l’une des propositions du groupe
de travail des états généraux de
l’information auquel il participe.
23
Le besoin d’une telle alterna-
tive ne fait pas de doute pour Cy-
rille Franck, in observateur de
l’écosystème des médias. « Cela
redonnerait de la force au service
public au moment où des médias
sociaux deviennent payants »,
analyse-t-il.
« On pourrait imaginer un ser-
vice public de la distribution de
l’information confiée à une ins-
tance indépendante, qui en sécuri-
serait les principes démocratiques
et l’absence de logique marchande,
conirme Christophe Deloire, dé-
légué général de Reporters sans
frontières. Dans l’audiovisuel, il y
a des médias publics et privés. On
pourrait concevoir la même chose
pour les réseaux sociaux. »
«Chacun pourrait
librement y exprimer
son opinion sans
qu’elle puisse
être ampliiée
artiiciellement»
ni «générer
des revenus
publicitaires».
Est-ce réalisable ? « Cela peut pa-
raître inaccessible, convient David
Colon, mais nous avons les capaci-
tés, à l’échelle européenne, de créer
un équivalent de Twitter intègre,
sans publicité, ni bots ou ampli-
fication artificielle. » L’initiative
pourrait aussi venir de l’OCDE, qui
publiera bientôt un rapport avec
des propositions. « La perspective
de campagnes de désinformation
générées par l’IA fait frémir plus
d’un gouvernement, alors qu’une
cinquantaine d’élections auront
lieu en 2024 », note-t-il.
L’efficacité commanderait de
s’appuyer sur un réseau existant.
Bluesky, développé par le créateur
de Twitter, est-il une piste ? « Est-
ce que Jack Dorsey pourrait vendre
Bluesky à l’Union européenne ? Ou
mettre ses compétences au service
d’un modèle européen de liberté et
d’intégrité ? Son point de vue serait
intéressant », répond David Colon,
qui y a « immédiatement pensé ».
Une autre approche, suggère
Christophe Deloire, consisterait à
« considérer que les plateformes nu-
mériques sont des services d’intérêt
général » auxquels la puissance pu-
blique octroierait une délégation
de service public conditionné par
des missions claires de distribu-
tion de l’information.
Aude Carasco

24
L
a misère morale du
monde présent en-
gendre son lot de char-
latans : la mine réjouie,
gonlés de bien-être, ils
viennent vendre leurs livres mi-
racles comme les bonimenteurs de
foire vantant leur machine à tout
faire. La nature, le sacré, la sagesse,
le spirituel en cinémascope, avec
vue imprenable sur l’odyssée hu-
maine, tout y passe : votre escalope
de veau d’or, la préférez-vous crue
ou prémâchée ?
Et l’art ? Il nous en faudrait du
robuste, du raciné, du foré, de l’ir-
rigué-aux-bonnes-sources. Au lieu
de quoi, on nous fournit, à discré-
tion, du coupé au jus de panais,
du distillé à la va-vite, du bafouillé
dans le sens du lux.
En juillet 1964, Imre Kertész note
cette phrase d’Orwell : « Ce n’est pas
en te faisant entendre mais en res-
tant sain d’esprit que tu continues
l’héritage humain » (Journal de ga-
lère, Actes Sud, 2010, traduit par
N. Zaremba-Huzsvai et C. Zaremba).
Rester sain d’esprit ! Dans le monde
comme il ne va plus, le déi n’est
pas mince. Croire la civilité possible
quand la brutalité et la transparence
Ô terre,
«
dont la brume
eface
les sommets,
Suis-je
le spectre et toi
la tombe?
»
Victor Hugo
Mardi 28 novembre,
des sauveteurs se rassemblent
devant l’entrée du tunnel
Silkyara, en Inde, pour secourir
les 41 ouvriers pris au piège
depuis dix-sept jours.
Sajjad Hussain/AFP
La dernière page
Rester sain d’esprit
La chronique de Emmanuel Godo
obligée, les deux sœurs détisseuses,
ont la main sur les rapports sociaux.
Croire que la vérité existe quand
le mensonge s’étale avec une bon-
homie de dépoitraillé. Croire en la
décence quand la vulgarité est reine
– reine poissarde mais reine. Croire
au visage frère quand l’idéologie
colle sur lui le masque afreux de
l’intolérance.
Il existe des sentinelles dans
ce théâtre renversé. Certaines
épuisent de belles énergies à s’op-
poser au Léviathan d’aujourd’hui,
mélange douceâtre de bêtise, de
nonchalance, d’imposture et de
méchanceté. Elles répondent, coup
pour coup, aux injures de l’Hydre.
Travail ingrat, sans aucun doute
nécessaire tant l’ennemi du juste,
en régime de frénésie communica-
tionnelle, dispose de moyens pour
se faire entendre. Mais ces discours
de vigilance, de contrepoint, de
rectiication inissent eux-mêmes
par être pris dans le maelstrom.
Ils s’afaiblissent, paraissent des
opinions parmi d’autres, se voient
afectés, à force d’être martelés,
d’un coeicient de relativité. Il
faut pourtant les remercier – par
exemple de dire publiquement
La Croix -mercredi 29 novembre 2023
Sur les paquets
de cigarettes,
on dit que fumer
tue. Ici, qu’il ne faut
pas manger gras.
Là, qu’il importe de
s’entretenir. Mais
qui nous dit d’élever
notre âme?
qu’un simili-fonctionnaire préposé
à l’humour radiophonique trai-
tant un dirigeant israélien de nazi
non seulement n’est pas drôle mais
procède à un amalgame de la plus
détestable espèce.
Le danger est de se laisser em-
porter par le jeu du jet continu.
D’y user sa parole et son crédit. Au
registre des gesticulations mission-
naires, on dispose du cas original
des politiciens à la retraite ou en
passe de l’être. À partir du moment
où ils ne sont plus en exercice, on
les retrouve intarissables sur les
plateaux, en costume de grands
sages. Ils semblent soudain parler,
l’image
eux qu’on a connus montés sur res-
sorts, depuis une pyramide haute
de plusieurs siècles. Ils laissent
pleuvoir sur nos pauvres vies des
bienveillances à faire bâiller d’ex-
tase les cœurs les plus endurcis. On
les avait connus bretteurs, on les
retrouve pontifes. Naguère tribuns
de la courte vue, les revoilà grimés
en mémorialistes d’outre-tombe.
Les artistes du tout-venant,
oiciant en tête de gondole, sont
confrontés aux mêmes apories.
Ce n’est pas qu’ils soient dans le
faux, toujours, mais ils sont sou-
vent dans le porte-à-faux. Happés
par le temps du marchandage, ils
se rêveraient pythiques et sont
condamnés au manège des sym-
pathies. Rares sont ceux qui, ex-
posés, échappent à cette fatalité :
mettre de l’eau dans son vin pour
le rendre buvable aux palais sans
denture.
On dira que cette acclimatation
est de toutes les époques. Mais la
nôtre est un miroir aux alouettes
au gigantisme inédit. Il faut beau-
coup d’eforts à l’artiste exigeant
– eforts qui inissent parfois par
faire défaut à son œuvre elle-
même – pour demeurer sain d’es-
prit et aider les autres à le rester au
sein du grand capharnaüm. Il est
comme un amoureux des jardins
se retrouvant, sans transition, au
milieu d’un nœud d’autoroutes.
D’Imre Kertész, encore, en no-
vembre 1980 : « Je suis apparem-
ment un personnage anachronique.
Cela ne signifie pas forcément que
je ne comprends pas le monde,
mais il est certain que le monde
ne me comprend pas (et n’a pas
envie de me comprendre). »
C’est de ces voix-là que notre pré-
sent a besoin. Dépaysées-dépay-
santes. Qui ne soient pas là pour
séduire. Mais pour déconcerter le
bruit ambiant. Sur les paquets de
cigarettes, on dit que fumer tue.
Ici, qu’il ne faut pas manger gras.
Là, qu’il importe de s’entretenir.
Mais qui nous dit d’élever notre
âme ? Qui nous aide à nous extirper
du cloaque ? À tenir à bonne dis-
tance le serpent ? Pas le camelot de
tout à l’heure, qui se paie sur notre
soif en nous promettant le salut.
Non. La voix qui nous arme contre
la guerre faite à la vérité. Imre Kertész,
toujours. En 1974 : « Une voix n’est
crédible que si elle vient du plus
profond du destin. »