L’honneur perdu du procureur

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PANORAMA
ous sommes en mars 1957. Le
général Massu est en train de
N gagner la bataille d’Alger, et de
perdre la guerre, tandis que la cause
indépendantiste attire de nouvelles
sympathies sur le plan international.
La Suisse continue d’observer une
«neutralité active», appliquant cette
doctrine qui permet aux belligérants
de la guerre froide de disposer d’un
espace possible de discussion. Cette
neutralité permet aussi aux militants
algériens de poursuivre leur combat,
notamment en mettant à contribution
les imprimeurs helvétiques pour l’im-
pression des textes et journaux du
FLN, ce qui, on l’imagine, était impos-
sible en France.
Serge Michel, journaliste militant du
FLN se rend en Suisse, sous le pseu-
donyme de Docteur Xavier, avec la
mission de porter à la publication des
numéros de Résistance algérienne (1)
ainsi que le texte de la plate-forme de
la Soummam.
À Paris, le gouvernement socialiste
de Guy Mollet qui venait d’obtenir les
pleins pouvoirs pour l’Algérie s’in-
quiète à raison de la progression en
Europe de la cause en faveur de l’in-
dépendance de l’Algérie. Il reçoit le
procureur de la Confédération helvé-
tique, René Dubois, responsable de
par ses fonctions des services de
contre-espionnage suisses. Dubois
est un fervent socialiste et au nom de
leur appartenance commune à la SFIO
(Section française de l’Internationale
ouvrière), Guy Mollet fait jouer la
corde sensible de la solidarité partisa-
ne. «J’ai besoin de vous», lui dit-il. Le
Le Soir sur internet :
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le soir d’algérie
procureur Dubois se sent alors investi
d’une mission, celle de contrer coûte
que coûte l’influence de Nasser, ce
«nouvel Hitler» auquel le comparaît
Guy Mollet, lequel allait, selon lui,
mettre la Méditerranée à feu et à sang.
Le procureur Dubois autorise la
police fédérale helvétique à mettre sur
écoute l’ambassade d’Égypte à Berne.
Cette opération est menée avec la col-
laboration du chef du SDECE (Service
de documentation extérieure et de
contre-espionnage) à l’ambassade de
France, le colonel Mercier. La légation
d’Égypte à Berne est un lieu névral-
gique autant pour les Algériens en
lutte que pour le Caire. Ce n’est pas
pour rien que quelques années plus
tard, ce sera Fethi Dib en personne, le
chef des moukhabarate de Nasser, qui
sera nommé ambassadeur à Berne.
Pour l’heure, c’est par cette ambas-
sade que passent les voies de com-
munication entre le gouvernement de
Nasser et le FLN. C’est grâce à l’ex-
ploitation de ces écoutes que le
SDECE a pu réaliser deux faits
majeurs.
Le 16 mars 1956, l’Athos, un bateau
de plaisance battant pavillon étranger,
est arraisonné au large de Nemours,
en France. Il transportait une cargai-
son d’armes de guerre livrées par
l’Égypte à l’ALN. En plus de l’équipage
international (soudanais, libyens, alle-
mands, grecs), il y avait à bord six
Algériens membres du FLN. Le débar-
quement devait avoir lieu aux environs
de Nador. Cet arraisonnement donna
un rude coup aux maquisards privés
ainsi d’un armement vital. Ce sont les
écoutes de l’ambassade d’Égypte à
Berne qui permirent d’éventer le projet
tout comme elles renseignèrent le
SDECE sur le vol, en octobre 1956,
d’un avion de la compagnie Air Atlas à
bord duquel avaient embarqué de
Rabat vers Tunis, cinq dirigeants de la
À l’ambassade de France à Berne,
l’officier du SDECE prend le pouvoir.
Une ancienne résistante qui fut rien
moins que la secrétaire du général de
Gaulle à Londres, Elisabeth de Miribel,
y travaille. Elle était célèbre pour avoir
dactylographié l’appel du 18 juin de
De Gaulle.
Excédée par les méthodes du colo-
nel Mercier, elle s’en ouvre à une amie
qui se trouve être en relation avec
Serge Michel. Celui-ci contacte à son
tour un ami, Charles Henri Favrod,
journaliste à la Gazette de Lausanne :
«J’ai une information formidable pour
toi. Je sais par Elisabeth de Miribel
que l’ambassade de France est entre
les mains des services français et que
l’ambassadeur laisse faire.»(2) Il faudra
passer par l’Associated Press pour
que la Tribune de Genève ose faire
éclater le scandale. Convoqué par sa
hiérarchie, le procureur Dubois se tire
une balle dans la bouche dans le gre-
nier de sa demeure. L’affaire a un
retentissement international.
Le déshonneur du procureur aura Par Arezki Metref
cependant des conséquences plutôt arezkimetref@free.fr
fastes puisqu’à la suite de ce scanda-
un film. «Il y a tout là-dedans, espion-
le, la Suisse rééquilibrera sa neutralité
nage, amour…» Pas de film mais une
à l’égard du FLN jusqu’à appuyer la
bande dessinée est sortie des presses
cause de l’indépendance :
en mai 2023. Titre : Berne, nid d’es-
«Dorénavant, le bureau de Lausanne
pions/L’affaire Dubois 1955/1957 sur
du FLN dont Tayeb Boulahrouf est le
un scénario d’Éric Burnaud, les des-
responsable, fonctionne sans difficul-
sins étant de Matthieu Berthod.
té, et Francis Jeanson peut venir
Les auteurs n’ont retenu que les
accorder des interviews sans être
faits avérés en s’appuyant sur des
inquiété.»(3)
archives. Mais selon un témoin, le pro-
Le scandale eut un effet indirect
cureur Dubois aurait subi un chanta-
puisque la Suisse, revenue à la neutra-
ge. Est-ce à cause d’une aventure
lité rompue par René Dubois sous
extraconjugale ? On soupçonne même
l’emprise du SDECE, servira d’inter-
médiaire dans les pourparlers entre une idylle entre Dubois et Elisabeth de
dirigeants du GPRA et le gouverne- Miribell.
ment français qui, après maintes Le fait est que cet acte d’espionna-
étapes, aboutiront aux Accords ge a eu des conséquences considé-
d’Évian. rables, le retour de la Suisse à cette
Dans un documentaire consacré à neutralité qui a permis au processus

Révolution algérienne, Ben Bella, ce sujet, Serge Michel, un acteur du de négociations d’aboutir à l’indépen-
Khider, Lacheraf, Boudiaf et Aït dévoilement de ce scandale, s’étonne- dance de l’Algérie.

Le mieux du pire de la cata !

Ahmed. ra que personne n’ait songé à en faire A. M.

POUSSE AVEC EUX !

jamais à encourager sa fille à porter la kippa encore
plus haut que son sioniste de mari, Jared Kushner.
Rachida…

… Dalti ! Direct-nichen ! Aujourd’hui, t’as quoi ? Biden qui cra-

Par Hakim Laâlam
hlaalam@gmail.com
Je suis toujours étonné, limite « émerveillé » devant
la finesse d’esprit de certains de nos «analystes» qui te
disent en gros ceci : «Pourvu que Trump soit réellement
déclaré inéligible, parce qu’avec Donald revenant à la
Maison Blanche, c’est le soutien total et sans limites à
Israël et ce ne sera pas bon pour nous, la Dézédie.»
Chouf ya sidi ? Parce qu’avec Biden, c’est tout bon pour
nous, c’est du pain bénit pour la Palestine et c’est sur-
tout un cauchemar pour Israël et le sionisme mondial ?
Il est projeté où ce film, les Frères Lumières ? Non, mais
parce que je dois vite courir le voir, ce blockbuster
comique dans lequel, paraîtrait-il, l’actuelle administra-
tion US serait moins gentille, moins encline à passer
tous ses caprices à Tel-Aviv. C’est peut-être de sa
Trump-Tower que Donald bombarde en ce moment
Sanaâ et le Yémen ? C’est peut-être Melania Trump,
l’épouse du «Errougi», qui a levé le bras bien haut au
Conseil de sécurité de l’ONU pour un véto au cessez-le
feu et à la paix ? Sans vouloir offenser le machin coincé
entre vos deux oreilles et censé vous aider à nous éclai-
rer le chemin à nous zôtres, les embrumés des neu-
rones, en quoi cette administration serait moins «h’ni-
na» envers Israël que la précédente ? À la limite, j’me
dis que je préférais Trump qui disait les choses et les
faisait. Il était pour Israël, était sur le point d’ouvrir une
ambassade sous le lit MMA de Momo 6 et n’hésitait
chote deux ou trois mots inaudibles, que tu crois qu’il
veut la paix, mais que quelques secondes après la fin
de son pénible discours, tu entends les bombardiers
américains qui larguent la mort sur les Arabes ! T’as le
même Biden qui charge son Blinken de faire la tournée
des popotes arabo-musulmanes pour vérifier sous les
«kamis» et les «abaya» que tout va bien, que rien ne
bouge ni ne frétille dans le mauvais sens, et ordonne
dans le même temps à ses trésoriers de faire bourse
déliée à toutes les demandes du Boucher Netanyahou.
Maintenant, si mes fins limiers DZ ont autant de flair que
le mien de nez est fin, je vais finir par croire qu’ils
jugent de la position américaine à l’aune des tenues
dézédiennes que porte l’ambassadrice US à Alger en
fonction des saisons et du calendrier des «fich’tat». Il
est vrai qu’elle vient de nous souhaiter un joyeux
«Yennayer Ameggaz», engoncée dans une jolie robe de
notre terroir. Je veux bien que le niveau d’analyse des
rapports stratégiques entre États, entre blocs et centres
d’intérêts planétaires en soit réduit au poulet de
Yennayer apprêté, mitonné à la Texane, mais, très hon-
nêtement, je préférais encore le côté franchement
abrupt des tenues de Halloween-Tay-Tay dont se drapait
Trump et qui ne laissaient aucune place au doute quant
au programme des «réjouissances» à venir. Je fume du
thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
H. L.