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CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

Centre Régional de Publications de Marseille

LA BATAILLE DE
L'OUED EL-MAKHAZEN
DITE BATAILLE DES TROIS ROIS
(4 AOUT 1578)

PIERRE BERTHIER

EDITIONS DU CENTRE NATIONAL


DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
15, Quai Anatole-France - 75700 PARIS
1985
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(C) C e n t r e National de la R e c h e r c h e S c i e n t i f i q u e
I.S.B.N. 2-222-03785-9
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à mon père
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« Il y a des causes générales, soit morales,


soit physiques, qui agissent dans chaque
monarchie, l'élèvent, la maintiennent ou
la précipitent ; tous les accidents sont
soumis à cette cause ; et si le hasard
d'une bataille, c'est-à-dire une cause
particulière, a ruiné un Etat, il y avait
une cause générale qui faisait que cet
Etat devait périr par une seule bataille ».

Montesquieu, Grandeur et décadences des


Romains, chap. XVIII.
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Avant propos

Le 4 août 1978, le Royaume du Maroc célébrait avec éclat le quatrième cente-


naire de la bataille de l'Oued el-Makhâzen, victoire fameuse des armes saadiennes sur
les troupes du roi Dom Sébastien de Portugal.
Cette victoire qui, enrichie du poids des ans, prend aujourd'hui valeur de symbo-
le pour tout un peuple, méritait qu'une étude d'ensemble lui soit consacrée. Mais c'est
aussi un regard nouveau qu'il était souhaitable de porter sur « les traces de l'événe-
ment » en raison de son exceptionnelle résonance. C'est ainsi que cet ouvrage s'attache
à concevoir la journée du 4 août 1578 comme l'aboutissement de toute une série de
causes complexes liées à l'histoire de la présence portugaise au Maroc depuis 1415,
ainsi qu'à la situation générale du Royaume de Portugal et de son Empire dans la
seconde moitié du XVIe siècle.
Il était également nécessaire de mettre en lumière les problèmes nés de l'histoire
politique intérieure et extérieure du Maroc saadien durant cette même époque afin de
saisir de meilleure manière les raisons d'un si douloureux affrontement.
Les circonstances de la bataille de l'Oued el-Makhâzen exigeaient d'être replacées
dans le contexte politico-moral de l'histoire de la Méditerranée occidentale dans les
années 1530-1580, et plus précisément dans le cadre du conflit hispano-turc qui s'était
intensifié après l'installation des Barberousse à Alger.
Ce travail, conçu comme une tentative de synthèse, a voulu viser aussi à replacer
le sujet de façon nouvelle dans l'histoire de l'Europe et de l'Afrique du Nord au XVIe
siècle.

Enfin qu'il me soit donné de remercier ici, tous ceux qui directement ou indirec-
tement, ont suscité la naissance de ce travail et qui en ont permis aujourd'hui la
publication. Mes remerciements s'adressent tout particulièrement à Monsieur André
RAYMOND, Professeur à l'Université de Provence, qui durant quatre années a guidé
et suivi mes recherches contribuant ainsi pour une large part à la bonne réalisation de
ce travail ; et à Monsieur Robert MANTRAN, Professeur à l'Université de Provence,
qui depuis toujours m'a apporté son concours et éclairé de ses conseils.
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Introduction

Le lundi 4 août 1578, dans la vaste plaine s'étendant entre la rive droite de
l'oued Loukkos et la rive gauche de l'oued el-Makhâzen, à environ trois lieues au nord
de la cité d'el-Ksar el-Kébir, se déroula dans une atmosphère de chaleur torride, une
des batailles les plus sanglantes et les plus meurtrières de l'histoire militaire du XVIe
siècle. Cette journée vit en effet, l'anéantissement des armées portugaises par les
troupes marocaines.
Le XVIe siècle, regardé comme l'aube des « Temps Modernes », est un siècle
d'audaces et de contrastes, où traditions et innovations se mêlent et se confondent.
Aux audaces des découvreurs de terres nouvelles, à celles des humanistes et des ré-
formateurs protestants, il faut opposer le retard technique et intellectuel de certai-
nes provinces reculées de l'Europe, ainsi que les explosions de fanatisme, d'intran-
sigeance et de zèle religieux, qui parallèlement définissent aussi cette époque riche
d'événements immenses. Le XVIe siècle est une période troublée, agitée par des
conflits de toutes sortes, une époque où la guerre est partout présente. Les guerres
qui rythmèrent et bouleversèrent la vie des populations de l'occident chrétien durant
le XVIe siècle, sont d'une double nature et se déroulèrent sur des théâtres bien diffé-
rents. Elles nous offrent le spectacle d'une catholicité déchirée et divisée de l'inté-
rieur par les querelles religieuses, et dans un contexte plus large et extérieur, celui
d'une chrétienté tour à tour menacée par l'Islam ou menaçant ce dernier. La ba-
taille de l'oued el-Makhâzen se situe dans cette perspective.
Etudier l'histoire d'une bataille, c'est, peut-on penser, se limiter à une simple
étude événementielle n'offrant somme toute qu'un maigre intérêt. Cependant il est
des événements qui traversent l'histoire sans laisser la moindre trace, disparaissant
dans l'oubli, et d'autres auxquels les hommes font constamment référence et qui pren-
nent avec le temps valeur de symbole. Le 4 août 1578, est de ces derniers. L'impor-
tance d'un événement est liée à la nature des causes qui le précèdent et aux consé-
quences qui le suivent. Est important, écrit F. Braudel, « l'événement qui explique...
Est important l'événement qui a des conséquences, qui rebondit au loin, se réper-
cute... Est important aussi tout événement que les contemporains jugent comme
tel, vers lequel ils se reportent comme à une référence, à une coupure essentielle...
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Enfin est important tout événement qui est lié à des antécédents et qui a des suites,
tout événement qui est pris dans une chafne » (1). La bataille de l'oued el-Makhâzen
semble répondre entièrement à cette définition. Nous savons d'ailleurs l'immense
résonnance que produisit dans toute l'Europe chrétienne, ainsi que dans les pays
d'Islam, la défaite portugaise, laquelle fut à l'origine d'une très abondante production
littéraire. Notre effort consistera précisément à saisir ce mémorable événement dans
sa totalité, et non pas ponctuellement en nous limitant à la seule description du
conflit. La bataille de l'oued el-Makhâzen doit être comprise comme l'aboutissement
de toute une série de causes complexes, liées à l'histoire de la présence portugaise
au Maroc depuis 1415, ainsi qu'à la situation générale du Royaume et de l'Empire
lusitaniens dans la second moitié du XVIe siècle. Enfin le 4 août 1578, doit être
regardé comme le point de départ de conséquences nombreuses et variées qui pesè-
rent par la suite lourdement sur l'avenir des royaumes de Portugal et du Maroc.

DE QUELLE BATAILLE PARLER ?

A la lumière des sources, les contemporains qui eurent à mentionner ou à


relater l'événement qui se déroula le 4 août 1578, nous le font connaftre sous plusieurs
appellations. Deux parmi elles, reviennent le plus fréquemment : bataille d'el-Ksar
el-Kébir pour les auteurs chrétiens, les auteurs marocains préférant nous entretenir
de la bataille de l'oued el-Makhâzen. Enfin une troisième dénomination, plus épique,
fit fortune sous le nom de bataille des « Trois Rois ». Quel nom donner, quelle appel-
lation retenir ?
En fait la mention « bataille d'el-Ksar el-Kébir », généralement la plus usitée,
semble le moins convenir. En effet cette appellation n'est guère exacte puisque le
combat eut lieu à 18 km au nord de cette ville. Bataille de l'oued el-Makhâzen, cela
est bien plus juste, ce cours d'eau, affluent de droite de l'oued Loukkos, ayant joué
un rôle déterminant dans le mouvement des opérations militaires et le combat s'étant
déroulé à certains moments en bordure de ses berges. Enfin, bataille des « Trois
Rois », puisque trois monarques, dont deux couronnés, qui participèrent à l'action,
périrent sur le champ de bataille. Si l'on relève trois rois disparus dans le tumulte
des armes, nous en découvrons à l'arrière-plan, deux autres, qui, eux en ont été
les bénéficiaires : le propre frère d'Abdelmalek, Abou-l-Abbas Ahmed qui monta
sur le trône du Maroc le soir même de la bataille et qui se vit octroyer en cette occa-
sion le surnom d'El-Mansour, le Victorieux. L'autre, Philippe II d'Espagne, demeuré
dans les coulisses n'eut qu'à patienter deux années pour s'emparer de la Couronne
de Portugal. On pourrait presque parler alors de bataille des « Cinq Rois ».
C'est l'appellation « bataille de l'oued el-Makhâzen », géographiquement la
plus rigoureuse, que nous retiendrons principalement.
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PREMIERE PARTIE

Les causes de la bataille


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CHAPITRE I

Les causes lointaines

Il nous a semblé utile d'aborder l'histoire de la bataille de l'oued el-Makhâzen,


par une rapide présentation du cadre géographique et par un rappel succinct de l'his-
toire respective et cependant intimement liée du Portugal et du Maroc. Monde ibéri-
que et Maghreb, ont durant de nombreux siècles partagé un espace commun, se heur-
tant en des luttes nombreuses et souvent meurtrières qui ont défini des identités
religieuses et nationales originales.
Pour bien comprendre ce qui s'est passé en 1578, il est nécessaire de remonter
un peu en arrière. A très grande échelle, l'histoire des relations entre le Maghreb et la
péninsule ibérique peut se comparer à un mouvement de flux et de reflux. En rappe-
lant l'évolution respective des royaumes marocain et portugais, nous serons donc
plus à même d'établir et de comprendre les raisons qui aboutissent à l'affrontement
décisif du 4 août 1578.

FLUX ET R E F L U X : DE LA CONQUETE A LA RECONQUETE

LE CADRE NATUREL

Ce qui frappe quand on aborde l'étude du Maroc et du Portugal, c'est tout


d'abord, dans ses lignes simples, l'aspect de ressemblance géographique qui lie ces
deux pays. Tout porte à faire de la péninsule ibérique et du Maghreb un ensemble
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naturel unique, un prolongement l'un de l'autre, le détroit de Gibraltar n'étant qu'un


accident de faible importance n'ayant jamais gêné la circulation des hommes. Certes
ces deux pays possèdent bien des caractères propres à chacun d'eux, définis par la
situation en latitude, la continentalité, la disposition générale des reliefs, ainsi que
par la plus ou moins grande abondance des pluies ; cependant les caractères communs
semblent prédominer. Un climat identique, de type méditerranéen, des mers com-
munes, apparaissent comme les traits d'union entre Maghreb et monde péninsulaire.
Le Maroc intimement lié au continent africain dont il constitue l'extrémité
nord-ouest, mais gêné dans ses désirs d'expansion sur ce continent par la nature de
ses frontières orientales et méridionales (2), s'ouvre beaucoup plus aisément vers
la péninsule ibérique par l'appel de la mer Méditerranée plus « humaine » et attirante
(3), plus navigable aussi que l'océan Atlantique (4). Le Portugal, rectangle allongé
du nord au sud sur la façade ouest de la péninsule ibérique, « s'incline d'un mouve-
ment d'ensemble vers l'océan » (5) dans sa presque totalité. Bloqué à l'est par son
puissant voisin ibérique, le Portugal a trouvé en l'océan une réponse à l'esprit d'aven-
ture de ses hommes, ainsi qu'à ses besoins d'expansion territoriale et économique.
« C'est l'océan qui fait le roi de Portugal, c'est lui le père de l'état national portu-
gais. C'est lui qui met le Portugal en avance sur son temps » (6). Néanmoins la côte
portugaise « comme la côte marocaine à laquelle elle est étroitement apparentée »
(7), offrant peu d'abris sûrs, est une côte difficile peu propice à une vie maritime
active ; « plus favorable est la position du Portugal dans la géographie de l'océan
aisément navigable » (8). Cette position favorable est d'ailleurs partagée par le Maroc,
qui servira de relais et de point d'appui aux entreprises maritimes des Lusitaniens.
Dans cette géographie de l'océan, la côte méridionale du Portugal, l'Algarve,
mince bande de terre coincée entre les serras et la mer, apparaft comme une zone
de transition, comme un trait d'union avec le Maroc. Tout y rappelle le voisin afri-
cain, lumière, climat, végétation. C'est de l'Algarve que partiront les premières ten-
tatives portugaises en terre d'Afrique. C'est en Algarve aussi que la civilisation musul-
mane sut le plus longtemps se maintenir et qu'elle marqua profondément la terre
et les hommes.
On peut concevoir que des espaces géographiques si proches et accueillants
aient été naturellement une terre de rencontre et une terre d'expansion de prédilec-
tion pour chacune des deux civilisations, marocaine, et musulmane en une certaine
période de l'histoire, lusitanienne et chrétienne en d'autres moments. Dans ce mouve-
ment séculaire de flux et de reflux, les envahisseurs et conquérants respectifs avaient
le sentiment de se retrouver dans un cadre naturel connu et qui leur était déjà
familier (9).
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Fig. 13 —Le champ de bataille


(Ministère de l'Agriculture et de la Réforme agraire, Direction de la con
et des travaux topographiques, Rabat (Maroc))
Fig. 14 —L'Oued el-Makhâzen légèrement en amont du douar
(photo prise à la fin du mois de mai, en période de hautes

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