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Laylâ,
ma raison
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Du même auteur
ŒUVRES LITTÉRAIRES

Le Repas du soir
récit
Flammarion, 1964

Le Fils interrompu
récit
Flammarion, 1971

Les Lavagnes
roman
Flammarion, 1974

Vive la Suranie
roman
Flammarion, 1978
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ANDRÉ MIQUEL

Laylâ,
m a raison
roman

ÉDITIONS DU SEUIL
27, rue Jacob, Paris VIe
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ISBN 2 - 0 2 - 0 0 6 9 6 0 - 1 .

© O C T O B R E 1 9 8 4 , E D I T I O N S DU SEUIL.

La loi du 11 mars 1957 interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation
collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque
procédé que ce soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause, est illicite
et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal
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PERSONNAGES

Qays, puis Majnoun (le Fou), de la tribu des Banou


Amir.
Laylâ, jeune fille de la même tribu.
Al-Moulawwah, père de Qays.
Mahdî, père de Laylâ.
Ward, mari de Laylâ.
Mounâzil, jeune homme des Banou Amir.
Karîma, jeune fille des Banou Amir.
Walîd, fils de Hâchim, ami de Majnoun.
Ziyâd, autre ami de Majnoun.
Amîna, nourrice de Majnoun.
Nawfal, envoyé du calife de Damas.
Un homme des Banou Mourra, autre tribu d'Arabie.
Un ange.
Les familles de Qays et de Laylâ, serviteurs, gens de la
tribu...
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Une naissance au désert

Dès l'instant où il vint au monde, j'étais là. Notre


tribu, les Banou Amir, campait alors au pied du mont
Tawbâd, à quelques journées de marche de la très sainte
ville de Médine, où repose, dans la paix du Seigneur
Miséricordieux, notre Prophète, que Dieu bénisse! La
montagne n'est pas très haute, mais elle s'enlève, isolée,
sur les ondulations plus molles et plus uniformes de ce
que nous appelons par ici le Plateau : le Nejd. Les
voyageurs et nos Bédouins connaissent bien le Tawbâd :
il leur sert de repère, quand ils le voient peu à peu
monter à l'horizon.
Ce mercredi, dix-septième jour du mois de mouhar-
ram, en l'année 45 de la bienheureuse Hégire 1 *, l'un
des hommes les plus éminents de notre tribu, Al-Mou-
lawwah, sut qu'il était favorisé du Très-Haut. Vers la
fin de l'après-midi, quand le soleil disparaissait derrière
le Tawbâd, un fils lui était né.
Au premier cri de l'enfant, j'étais là. Je découvrais
avec lui le monde. L'air bruissait des dernières chaleurs
et des derniers insectes du jour. Au loin, terre et ciel se
confondaient presque : la nuit allait bientôt achever leur
fusion et, seule, la fraîcheur du matin, pour quelques

* Les notes sont rassemblées en fin de volume, p. 153.


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instants à peine, les séparerait. Plus près, dans la direc-


tion du nord, à la lisière où les choses redevenaient plus
distinctes, on pouvait apercevoir les arbustes, tamaris et
jujubiers, qui entourent la source et le petit bassin où
elle se déverse, tous deux rajeunis par une ultime averse
de printemps. Des femmes en revenaient, portant les
outres. Une dizaine d'adolescents les suivaient, juchés
sur les chameaux dont c'était le tour, ce soir-là, d'aller
boire : l'eau deviendrait trop vite rare si les bêtes y
avaient toutes droit chaque jour.
Qui pourrait croire, sinon par la sagesse reçue des
ancêtres, que tout cela passera ? Et pourtant, il faudra
bientôt, la source tarie, aller chercher ailleurs l'herbe
qui fuit, toujours. La tribu refera le même chemin vers
l'est, très loin, jusqu'aux monts du Touwayq 2 là où les
habitués du voyage croient reconnaître, dans le vent,
l'odeur des mers orientales. Les plus beaux chevaux
porteront les chefs, les plus beaux chameaux les femmes,
dans leurs palanquins bien clos sous les étoffes cha-
toyantes. Des deux côtés, les chèvres, les moutons, d'autres
chameaux encore, et toute une multitude à pied, soulè-
veront, dans le soleil, la poussière et les cris, le long
nuage du peuple en marche. Alertées, d'autres tribus
l'attendront, pour négocier avec lui l'accès aux puits et
aux pâturages de sa survie. Peut-être, comme cela s'est
vu tant de fois, faudra-t-il se battre, arracher au désert
et à sa loi un répit de quelques jours, quelques semaines
au mieux.
Mais, en ce mois de mouharram 45, je ne veux penser
qu'à l'instant présent. A ce monde que je vois pour la
première fois et que pourtant je connaissais depuis tou-
jours. Les tentes sont installées tout contre la montagne,
sur un terrain rude et pierreux. La tribu n'a pas voulu
empiéter sur la moindre parcelle de pâture. Juste au-
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delà de l'enclos de branches épineuses, où l'on est en


train de rassembler les troupeaux, à l'abri des rôdeurs
de la nuit, lions, hyènes, chacals ou bandits solitaires, le
désert s'est paré de toutes les fleurs de l'Arabie. L'herbe,
vigoureuse, est venue d'un seul jet, il y a de cela un
mois, après les première pluies. Presque aussitôt, couleurs
et parfums ont suivi, le Nejd est devenu un immense
tapis où dominent le jaune des narcisses et la senteur
des armoises. De quoi perdre la tête, mais la sagesse des
bêtes vaut au moins celle des hommes. Elles savent, dans
cette profusion, éviter les pièges, les poisons possibles,
et ne retenir que ce qu'elles aiment. Comme les femmes
de la tribu, lorsqu'elles cueillent là-dedans les remèdes
à tous les maux qu'il plaît à Dieu de nous envoyer. Sans
oublier, aux buissons, le bois pour les feux du soir, à
l'heure où les bêtes sauvages, retenues dans l'ombre par
les flammes, hurlent ou grognent aux parages du camp.
Leur présence, assourdie par le crépitement du bois et
par les voix des gens de la tribu, accompagne les récits
de batailles et les poèmes, jusque tard dans la nuit
devenue presque glaciale.
L'ombre du Tawbâd s'allonge maintenant loin au-delà
des tentes. AI-Moulawwah, après avoir reçu les félici-
tations des hommes, ses parents, s'avance au milieu des
buissons et des orges sauvages. Il ne craint rien des
bêtes, il est le meilleur chasseur de sa tribu, et même
les lions fuient à son approche. Il est seul. Il a voulu
être seul pour ces derniers moments d'un jour béni entre
tous. Il regarde le désert, son domaine, celui que chantent
tous les poètes d'Arabie, ici et ailleurs. Devant lui, il se
sent fier et heureux d'appartenir à un groupe, au sien :
ici, un homme seul ne survit pas, ou mal : l'exclu se fait
errant et bandit. Mais en même temps, à cette heure où
toutes les ombres vont bientôt disparaître dans l'ombre-
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mère de la nuit, le désert enivre Al-Moulawwah d'un


sentiment de solitude glorieuse. Homme d'une tribu, il
n'en est pas moins unique; peut-être, simplement, parce
qu'il se veut plus riche, plus noble, plus brave et plus
généreux que tous les autres réunis. Le désert lui impose
d'être frère et différent, en donnant l'image la plus haute,
et donc exceptionnelle, des qualités que tous partagent.
De la terre, son regard monte vers le ciel que la nuit
s'apprête à engloutir. Il a posé sur le sol son arc, ses
flèches et sa lance. Il prie : « Seigneur très bon et tout-
puissant, grâces te soient rendues pour ce fils que tu me
donnes. Evite-lui les ruses du monde et des hommes,
fais-le grandir chaque jour davantage en force et en
sagesse, et ne permets jamais qu'il t'oublie! Réjouis-le,
quand le moment sera venu, d'une bonne épouse et
d'enfants en grand nombre! Qu'il soit le prince de sa
tribu, le secours des pauvres, des orphelins, des veuves
et du voyageur égaré! Seigneur, fais-le meilleur que moi,
et qu'après une longue vie, il s'endorme dans la sérénité
de ton infinie clémence, en attendant le jour du Jugement
où il pourra, si tu l'agrées, voir ton visage! »
Très haut dans le ciel, un aigle planait, en quête d'une
proie sans doute, et l'homme contemplait ce seigneur
aérien de la chasse, libre comme lui, intraitable, assoiffé
d'horizon. Alors, pensant à son fils, il eut la certitude
que l'oiseau, l'oiseau noble, était là pour lui annoncer
une destinée impérissable. Et Al-Moulawwah cria, au
désert, au ciel, à l'heure indécise entre jour et nuit, à
tous les carrefours du temps et du monde : « Ce fils, je
m'en vais lui donner le nom de l'un de nos plus lointains
ancêtres, l'un de ceux qui fondèrent le peuple des Arabes
du Nord, et son renom s'étendra sur tout le Nejd, le
Hedjaz et jusqu'aux portes du Yémen. Ô mon fils, dès
ce jour tu seras appelé Qays. »
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II

Les enfances de Qays

Riches ou pauvres, au désert, la vie est la même pour


tous. Dès qu'il put tenir debout sur ses jambes, Qays
partit, avec les enfants de son âge, à la découverte du
camp. Leur univers fut d'abord celui des femmes. Ils
les regardaient traire brebis, chèvres ou chamelles, pré-
parer le fromage et le beurre fondu, cuire la viande, les
jours de fête, assembler les lourds bijoux, teindre la laine
des moutons pour en tisser des étoffes multicolores que
les hommes, parfois, s'en allaient vendre au loin, avec
les gros manteaux, tout d'une pièce, en poil de chèvre
ou de chameau. Revenus des oasis proches de la Syrie,
ou des grandes villes de La Mekke et de Médine, ils
rapportaient d'innombrables histoires, où il était question
de la mosquée sainte entre toutes, de la tombe du
Prophète, mais aussi d'eaux vives, de palmiers si épais
qu'ils cachaient le jour et le soleil, de marchés, d'affaires
conclues ou manquées, de disputes, de mariages ou
d'alliances entre tribus.
Qays oublia ainsi, peu à peu, le monde des femmes
pour celui des hommes. Al-Moulawwah était, comme
tous les pères, pressé de voir grandir Qays, et décidé à
se battre si on lui eût dit que son enfant ressemblait à
n'importe quel garçon. Mais on ne le lui disait pas. Il
était l'un des chefs, le plus puissant peut-être, des Banou
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Amir, et son fils, le plus normalement du monde, déjà


prince au milieu de ses camarades. Au reste, la tribu
entière convenait de la supériorité de Qays, de son
intelligence et de sa force. Il s'imposait tout naturelle-
ment dans les jeux qu'il organisait : batailles rangées, à
coups de pierres et de bâton, courses sauvages et hur-
lantes, jusqu'à perdre le souffle, luttes, feintes et déro-
bades avec les bêtes de l'enclos, chasse aux serpents, et
même aux lièvres ou aux gerboises : seul entre tous,
Qays savait les surprendre au gîte et les assommer
d'un caillou avant qu'ils aient pu fuir dans les profon-
deurs du désert.
Il voulut apprendre, avant les autres, le monde où
Dieu l'avait fait naître. A la halte ou tout au long des
interminables déplacements de la tribu, Al-Moulawwah
n'avait qu'à ouvrir la bouche, et Qays, aussitôt, l'écoutait
en silence, attentif à retenir, par centaines, les noms qui,
lui disait son père, sont plus que le signe des êtres et
des choses : le secret même de leur existence. Il apprit
ainsi à reconnaître les lieux où il passait et séjournait, à
en deviner, par-delà l'horizon, d'autres où il irait peut-
être un jour, depuis les montagnes qui bordent, à l'ouest,
la mer où s'engloutit Pharaon, jusqu'à celles du Touwayq,
de l'autre côté, près de la mer orientale, la mer des
perles et des grands bateaux qui naviguaient vers le bout
du monde, vers les pays de l'Inde et de la Chine. Il sut
qu'au nord, bien après l'oasis de Taymâ', régnait un très
puissant seigneur, successeur du Prophète et lieutenant
du Très-Haut sur terre. Qu'il appartenait à la famille
des Oumayyades et qu'il habitait une très grande ville
appelée Damas. Et Qays apprit aussi dans quelles direc-
tions il fallait chercher la ville d'Alexandre, le Nil, et
ces deux autres grands fleuves qu'on disait venir, avec
lui, du paradis et qu'on nommait Tigre et Euphrate.
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Il n'ignora rien des points d'eau, sources, puits, mares,


étangs, creux où sommeillent, dans les vallées, les restes
de torrents éphémères. Il connut les vents, d'où ils
viennent et leur humeur, attendit, à l'ouest, les souffles
de la mer, et la sécheresse du nord ou du midi. Surtout,
en ce Nejd où les vents sont le caprice même et peuvent
arriver, dans une même journée, des quatre coins du
ciel, Qays discerna très vite les signes, perceptibles aux
seuls initiés, du changement prochain; avec son père, il
sut qu'un petit nuage, apparu à la gauche de tel arbre
isolé, annonçait la tempête de sable, qu'une longue pause
de l'air, à telle heure du jour et en telle saison, était
trompeuse et qu'il fallait, au contraire, resserrer les
cordages des tentes.
Les plantes n'eurent pas plus de secret pour lui. Il
reconnut par leurs noms les graminées sauvages, qui
aiment les terres sableuses, l ' dont on fait des
cure-dents, les truffes qu'on devine à une légère bour-
souflure du sol, les buissons secs, rimth et ghadâ, qui
fournissent le bois pour le feu, le thoumâm, dont on
bourre les interstices des tentes pour faire obstacle au
froid des nuits et de l'hiver, et toutes les herbes, tous
les arbustes dont les chameaux sont friands, le nasî,
le hâdh, le sabat et le hamd, où ils trouvent le sel
qui leur est nécessaire.
Sans la connaissance précise de la terre, un Bédouin
n'est rien. L'eau, enfouie ou visible, la facilité ou les
obstacles du déplacement, la richesse en herbe, passée,
présente, possible, ou, au contraire, l'aridité implacable,
éternelle, font qu'il ne s'agit pas ici de se tromper de
sol. Le regard qu'on porte sur lui et le nom précis par
lequel on le désigne sont des enjeux vitaux. Qays passa
vite maître en cette science, interrogeant son père, mais
aussi les anciens de la tribu, complétant un savoir par
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un autre, assemblant jalousement un trésor que tous,


bientôt, reconnurent parfait. Il pouvait aligner soixante
et un noms, certains très simples de sens et d'autres plus
précis, raffinés même. A côté du qawâ, la terre sans âme
vivante, ou du hazn, le sol inégal et raboteux, il y avait
ainsi le sahb, pays plat avec quelques rares plantes, les
tanâhî, culs-de-sac d'eaux mortes environnées de sables,
les jarâthîm, terres roulées par les vents au pied des
arbres, les jiwâ, dépressions dans les dunes, où l'eau
stagne irrémédiablement et où tout ce qui passe par là
périt, l ' pente dont le pied est lisse, le milieu
rocailleux et le sommet de nouveau uni, l'amyal. partie
basse de montagnes où le sol était si mou que l'on s'y
enfonçait en marchant...
Les hommes, c'étaient aussi les réunions du soir,
autour du feu. Quand les autres garçons de son âge
dormaient, Qays, sous les étoiles, écoutait des choses qui
lui semblaient étranges, merveilleuses. Parfois incompré-
hensibles, mais toujours belles, il n'aurait su dire pour-
quoi. Silencieux comme les femmes qui étaient là, un
peu en arrière, il écoutait les récits des grands jours de
la tribu, ceux où elle avait repoussé, de haute lutte, les
impertinents qui prétendaient lui interdire un puits, ou
lui voler ses chameaux et chevaux. Tout cela, bien sûr,
s'était un peu calmé depuis que le Prophète avait réuni
l'Arabie sous la loi de l'Islam, en la lançant à la conquête
de ces pays riches qui s'appelaient Égypte, Syrie, Irak.
Le désert, pourtant, est si rude qu'il restait bien, de-ci
de-là, une occasion de faire ses preuves, comme avant,
entre soi. Entre soi, oui, car l'Arabie, Qays le pressentait,
était un même monde par-delà ses différences, un monde
où l'on croyait aux mêmes vertus, où l'on vivait les
mêmes joies et les mêmes misères, un monde enfin où,
quand il s'agissait de grands sujets, on parlait la langue
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des poètes, commune à toutes les tribus, et que le vénéré


Coran avait, depuis peu, marquée de son signe ineffa-
çable.
Qays partageait ainsi, avec ses parents et tous les
autres Arabes, un trésor commun. Les guerres, du reste,
n'étaient jamais terriblement meurtrières, n'empêchaient
jamais les réconciliations. Ni de parler, finalement, des
mêmes choses. Et de les aimer tous ensemble. Ainsi du
souvenir des guerres fratricides de Bassous, qui avaient
déchaîné l'une contre l'autre les grandes tribus des Bakr
et des Taghlib, toutes deux, pourtant, issues d'un même
ancêtre, Wâil. Ou des exploits d'Imroul-Qays, prince et
poète, qui, avec l'aide des mêmes tribus, vengea son père
avant d'aller visiter l'empereur de Constantinople, Jus-
tinien, dont il séduisit la fille; alors, pour se venger,
l'empereur lui avait offert une somptueuse tunique qui
couvrit son corps d'ulcères et causa sa mort. On évoquait
aussi Antar, l'esclave noir devenu preux, parfait guerrier
et parfait amant, ou le roi de Saba et du Yémen, Abraha
le chrétien, qui, l'année même où naquit le Prophète,
avait attaqué La Mekke avec d'énormes bêtes qui ne
ressemblaient à aucune autre, des monstres qui écra-
saient tout sur leur passage et qu'on appelait éléphants.
On parlait aussi de chasse, de ce monde d'exploits, de
surprises et de ruses dont Qays, trop jeune, était exclu.
Il croyait, dur comme fer, à tout ce que racontaient les
héros de ce jeu, s'étonnant que la plus belle histoire,
parfois, fît naître des rires incrédules. Vrai ou faux, au
moins lui restait-il l'évocation des bêtes sauvages du
désert, lions farouches ou débonnaires, gazelles, antilopes
aux cornes effilées et immenses, hyènes, chacals, gué-
pards, loups et autruches, ces étranges oiseaux, déme-
surés, et qui ne volent pas. Derrière cette troupe déban-
dée couraient les hommes, à pied, à cheval ou sur les
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« C'était, dit-il, une très douce nuit d'automne. J'avais


quitté la ville pour aller dormir sous les arbres, le long
d e la rivière 41. L a nuit v e n a i t t o u t j u s t e d e d é c h i r e r le

s a c o ù elle e n f e r m e ses t é n è b r e s , r é p a n d u e s m a i n t e n a n t

s u r le m o n d e p o u r a p p o r t e r le r e p o s à c e u x qui sont las,

l'oubli a u x m a l h e u r e u x . É t e n d u sur le sol, je voyais

d a n s e r les étoiles naissantes, a u travers d u feuillage agité

p a r u n reste d e vent. P o u r la p r e m i è r e fois, en p e n s a n t

à M a j n o u n , je m e sentais u n p e u plus c a l m e , et je m ' e n

voulais p r e s q u e : était-ce le d é b u t d e c e t t e p a i x q u e l'on

dit v e n i r s u r les p a s d u t e m p s et qui n'est t r o p s o u v e n t

q u e le m a s q u e a f f r e u x d e l'indifférence? C e s p e n s é e s

m ' a g i t è r e n t j u s q u ' à ce q u e le T r è s - M i s é r i c o r d i e u x m ' e m -

p o r t â t d a n s le s o m m e i l . »

« P e r s o n n e ne sait à q u e l m o m e n t d e celui-ci le rêve

le visite. J'avais, m o i , le s e n t i m e n t d ' é m e r g e r d e siècles

et d e siècles d e nuit, l o r s q u e les o m b r e s se dissipèrent.

U n a n g e était là, d e v a n t moi. J e dis u n a n g e f a u t e d e

m i e u x : c'était u n e f o r m e l u m i n e u s e , et qui m e parlait :

" R e g a r d e , Z i y â d ! " U n e m a i n - c e t t e fois je la vis bien

- é c a r t a , s u r le f o n d d e s t é n è b r e s , q u e l q u e c h o s e d ' u n

p e u plus clair, o ù je c r u s d e v i n e r u n e tenture. P e u à

p e u , c o m m e si la nuit se d é c h i r a i t très l e n t e m e n t , u n e

lueur, u n d e m i - j o u r , puis u n e c l a r t é r e s p l e n d i s s a n t e

e n v a h i r e n t le p a y s q u i se dévoilait à m e s y e u x . C ' é t a i t

u n j a r d i n c h a t o y a n t o ù brillait t o u t ce qu'il y a de plus

m e r v e i l l e u x a u m o n d e . P a r t o u t se d é p l o y a i e n t des a r b r e s

i m m e n s e s , é p a n o u i s c o m m e d e s c œ u r s h e u r e u x . M a i s ce

qu'il y avait d e plus e x t r a o r d i n a i r e encore, c'était q u e

ce p a y s a g e se r e t r o u v a i t parfois tout entier d a n s le plus

petit détail : u n e fleur éclose e n f e r m a i t u n jardin, u n

p é t a l e d e rose d é c o u v r a i t u n palais i l l u m i n é d e flam-


b e a u x . Ailleurs, la féerie c h a n g e a i t : sur u n e prairie, telle

p l a n t e se t r a n s f o r m a i t , d e v e n a i t œil, r e g a r d , tendresse,
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telle corolle une coupe où je savais que dormait le plus


délicieux des vins, préparé pour les hôtes du jardin et
pour les rossignols ivres qui voletaient de-ci de-là. Tout
était couleurs, enchantement sans fin. Et quand, depuis
les bosquets, retentissaient les accents d'un luth, les
harmonies en étaient reprises par la colombe et par tous
les oiseaux de l'arche. »
« Savez-vous ce qu'est une chambre de roses? Moi,
Ziyâd, j'en ai vu une, en ce jardin. Au-dessous d'une
petite cascade, un ruisseau venait se reposer un moment
avant de reprendre son cours. A l'exacte distance d'où
l'on pouvait percevoir son murmure sans en être, à la
longue, incommodé, et contempler la lumière jouant sur
l'eau vive ou éclairant, en aval, les teintes de la pierre
caressée par le courant presque endormi, imaginez un
énorme massif de roses évidé en son milieu et, dans cet
abri, un lit recouvert des brocarts les plus riches. Sur le
lit, un homme et une femme, beaux, jeunes, nimbés de
la douce lumière qui les environnait, et chatoyant des
mille nuances de l'alcôve. Chacun d'eux, habillé d'une
robe somptueuse, souriait à l'autre, dans l'éternité de
leur printemps. Je les voyais prendre une coupe que leur
tendait une main invisible, y boire tour à tour, puis se
parler tout bas, échanger des baisers. Alors, une nuit
venait isoler leur retraite, poser sur elle l'infinie et pro-
fonde douceur de son ombre, tandis qu'aux alentours la
même lumière continuait d'inonder le jardin. De longs
instants après, le voile se déchirait, et tous deux recom-
mençaient à boire, à parler, à sourire. »
« N'importe qui eût été, comme moi, subjugué par
cette vision de bonheur et de beauté, qui épuisait tous
les plaisirs, tous les élans d'une âme. Sauf un, pourtant,
une interrogation confuse que j'entretenais sans doute
encore au plus profond de moi-même : je voulais savoir
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qui étaient ces amants. Toujours est-il qu'un vieillard,


vêtu de blanc, fut là brusquement, à mes côtés, et je
peux répéter, mot pour mot, ce qu'il me dit : " Cet
homme et cette femme sont désormais si bien unis qu'ils
ne forment plus qu'un seul être, et ils le resteront aussi
longtemps que durera l'éternité. Elle, c'est Laylâ, et lui
Qays, mais on l'appela Majnoun à cause de sa folie
d'amour. Ici seulement ils ont gagné ce que le monde
leur refusa. Fidèles jusqu'au bout, ils n'ont jamais oublié
leur serment d'être, l'un pour l'autre, un même rêve, un
même monde. Ils ont failli le payer très cher, par sa
faute à lui. Qu'avait-il besoin d'insulter à la sagesse de
Dieu, en le priant, dans son Temple même, de le rendre
fou, de plus en plus fou, à force d'aimer? Heureusement,
la miséricorde du Très-Haut est infinie. Il n'a voulu,
dans sa toute-puissance, retenir que cette fidélité, la
parole qu'elle a inspirée et leur foi à tous deux, qui
savaient que rien ne s'arrête à la terre. " Sur ces dernières
paroles, le vieillard disparut aussi mystérieusement qu'il
était venu. »
« Puissiez-vous, conclut Ziyâd à l'adresse des gens qui
l'écoutaient, croire comme moi à ce rêve! Je sais quelle
fut la détresse de Majnoun et Laylâ : ils sont aujourd'hui
heureux et triomphants. Je l'ai vu, lui, parfois en révolte
contre le Seigneur, qui lui avait refusé Laylâ : Dieu et
Majnoun sont maintenant réconciliés. Je viens d'un pays
rude, qui ne s'éclaire que par moments des joies de
l'herbe et de l'eau : la patrie éternelle des amants rayonne
de fleurs, de couleurs, de ruisseaux. Gloire à celui par
qui toutes choses arrivent, béni soit-il, sur terre et au
plus haut, au plus inconnu des cieux! »
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XVII

Le témoin

Il me faut maintenant vous dire qui je suis. Mais un


instant encore, pour répondre à une autre question : de
quel droit, en quel nom, vous ai-je parlé de Majnoun, et
pourquoi ? Il est clair, comme vous l'allez voir, que je
n'ai pas été guidé par un quelconque souci de gloire
personnelle : aucun être humain, sur terre, ne me connaî-
tra jamais. Si j'ai parlé, ce fut uniquement pour témoi-
gner de la vérité.
J e suis le ç a d â d e M a j n o u n 42 l'oiseau d e son â m e ,

celui q u e ses vers é v o q u a i e n t : r a p p e l e z - v o u s le d e r n i e r


a d i e u d e W a l î d , s u r la t o m b e d e son a m i . M a d e m e u r e

était d a n s le c o r p s d e M a j n o u n , plus p r é c i s é m e n t e n sa

tête, a u x lieux o ù c h a c u n d e n o u s reçoit les b r u i t s et les

i m a g e s d u m o n d e . T o u t ce q u e M a j n o u n voyait, e n t e n -

dait, pensait, rêvait m ê m e , c'était moi. B i e n d e s c h o s e s

q u e je v o u s ai r a c o n t é e s sont c o n n u e s a u j o u r d ' h u i d e

tous; o n p e u t les lire sous la p l u m e d e c e u x q u i recueil-

lirent l'histoire d e M a j n o u n , à c o m m e n c e r p a r A b o u l -

F a r a j et son b e a u L i v r e d e s C h a n s o n s . M a i s n o m b r e d e

détails, d e secrets aussi, d a n s la m e s u r e o ù il m ' a été

p e r m i s d e les révéler, seraient m o r t s à j a m a i s si j'avais


g a r d é le silence.

A la s e c o n d e m ê m e o ù M a j n o u n expira, j ' a b a n d o n n a i

sa dépouille. A u j o u r d ' h u i et j u s q u ' à la fin d e s t e m p s , u n


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vol invisible, immobile, me garde au-dessus de sa tombe,


tout à côté du çadâ de son amie. Mon pouvoir s'arrête
aux choses de la terre : l'au-delà, comme à vous, me
demeure inconnu, et il fallut le songe de Ziyâd pour me
rassurer sur la vie éternelle de Majnoun. Mais, rivé à la
terre, du moins ai-je la science de tout ce qui continue
à être Majnoun ici-bas, dans la mémoire des hommes.
Les jours, aussi longtemps qu'ils s'écouleront sur le
monde, n'ont pas de prise sur moi. Je connais d'avance
tous les Majnoun de demain. Pour les Persans, son
histoire sera celle d'une âme en quête d'éternité, et son
amour de Laylâ l'image d'un plus grand désir, que Dieu
seul peut combler. Des gens pieux, assoiffés de paradis,
que l'on appellera soufis, prendront Majnoun pour modèle.
Ils le légueront ensuite à un peuple venu des hautes
terres de l'Asie et qui s'installera sur les détroits de
l'orgueilleuse Constantinople, les Turcs. Chez les Arabes
où il naquit, Majnoun portera deux visages. Ivre de Dieu
pour les uns, il restera, pour les autres, le poète, celui
qui donna aux Arabes l'une de leurs voix singulières.
Plus tard, beaucoup plus tard, quand l'histoire, après
bien des infortunes, les replacera, dans le monde, à un
rang plus digne d'eux, un autre poète, né sur les bords
d u N i l r e p r e n d r a la c h a n s o n d e M a j n o u n c o m m e l'un

d e s j o y a u x les plus p u r s d ' u n héritage, p o u r u n e nation


à ressusciter.

M a i s je vois des p a y s plus lointains encore. Là-bas,


a u x fins f o n d s d e l'ouest, d e l'autre côté d e la m e r , u n e

a u t r e histoire est d é j à en m a r c h e . D e s p e u p l e s a u j o u r -

d ' h u i d a n s l ' e n f a n c e vont g r a n d i r , se battre, e n v a h i r la

terre. Ils v i e n d r o n t jusqu'ici. P a r les a r m e s ou p a r les

livres, n o u s a p p r e n d r o n s à n o u s connaître. M a j n o u n les

s é d u i r a , e u x aussi. U n d e leurs p o è t e s v o u d r a d o n n e r , à

ces vers de la vieille A r a b i e , u n e j e u n e s s e nouvelle et, à


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Majnoun, la voix de tous ceux qui aspirent à changer le


monde.
Quand un homme porte en lui quelque chose qui le
dépasse et qu'il ne connaît pas, tous les autres sont libres
de prendre à cette richesse et de la voir avec leurs yeux.
Ainsi en sera-t-il de Majnoun jusqu'au dernier jour. Je
souhaite pourtant que l'on n'oublie jamais de quel prix
fut payé cet exemple : la souffrance, les larmes et le
désespoir du mal d'amour. Ils foisonneront sur la terre,
tous ceux-là qui, sans avoir connu Majnoun, suivront le
même chemin. Je vois, aux limites du monde, dans des
pays et sur des mers de brume, un homme et une femme
blonde, qui boiront leur passion dans un vin mêlé d'herbes
magiques. Je vois, sous des cieux plus ensoleillés, deux
enfants qui croiront pouvoir s'aimer malgré leurs familles
ennemies. Je vois, vers le nord, dans une petite ville
auprès d'une rivière, un amant fou d'une femme qui ne
lui appartenait pas. Pour eux tous, et pour combien
d'autres, la mort.
Qui peut dire en effet si la mort n'est pas la seule
preuve de l'implacable vérité de l'amour, et si la folie
qui y mène n'est pas un voile jeté par la société des
hommes sur un absolu qu'elle redoute? Ce nom de
Majnoun n'est peut-être, venant de nous, qu'une instinc-
tive réaction de défense ou, qui sait? le signe de notre
jalousie, de notre insuffisance à suivre le chemin des
amants parfaits. Mais que leur importe, à eux? Les voici
parvenus au pays qui les réunit loin de nous, aux jardins
où chacun des deux fous peut enfin dire à l'autre : « Ô
toi, ô ma raison! »
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Notes

1. La date indiquée correspond au 9 avril 665.


2. Le Touwayq est situé dans la région de l'actuelle Riyad.
3. La date correspond au milieu de janvier 676.
4. L'île (ou presqu'île) d'Arabie (Jazîrat al-Arab) est le nom que
les Arabes donnent à leur pays; les deux mers (d'Occident et d'Orient)
sont la Méditerranée et l'océan Indien, l'Océan des ténèbres la mer
censée envelopper la terre.
5. Par le mot de « brasier », Qays fait allusion à une coutume
arabe, le qirâ, le feu hospitalier offert à l'hôte ou au voyageur.
6. « Soixante-deux années » selon le comput hégirien (années plus
courtes que dans le calendrier chrétien); nous sommes, avec la fin
du mois de rajab 62, à la mi-avril 682.
7. L ' est un arbuste (cotoneaster) particulièrement apprécié
comme combustible.
8. Les amulettes sont destinées à préserver l'enfant des dangers,
des maladies, du mauvais œil.
9. Wajra (lieu sur la route de La Mekke au bas Irak) et ses
gazelles évoquent un tableau classique de la vieille poésie arabe. Plus
loin, la « lampe de l'ermite » doit s'entendre comme le signal offert
au voyageur égaré.
10. Imroul-Qays signifie : l'homme (par excellence, doté de toutes
les qualités de son sexe) d'Al-Qays (nom d'une divinité de l'Arabie
d'avant l'Islam). Nous dirions : le champion d'Al-Qays.
11. « Été 65 » : Qays, comme on va nous le dire, aura vingt ans
le lendemain. Nous sommes le 16 mouharram de l'année 65 de
l'Hégire, soit le 2 septembre 684.
12. « Bracelets », plus exactement les anneaux portés aux chevilles.
Plus loin, en fin de poème, « devant elle » renvoie à Karîma.
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13. Vers inédit de Qays, sur le mètre basît' : mararti fi h'ulmi


alfi châ'irin bi-t'iwâ/li' alfi 'âmin wa jâ'a yawmu mawlidiki.
14. La date indiquée correspond au 19 novembre 684.
15. Ce vingt-quatrième jour du second mois de râbî' se situe
toujours en l'année 65; c'est le 8 décembre 684.
16. Le hawdhân est une plante du désert, de la famille des
renoncules.
17. Le Wâdî l-Qurâ est la grande dépression qui s'étire à partir
de Médine, vers le nord-ouest. Le 1 (de l'année 66 de
l'Hégire) correspond au 8 août 685. Qays a alors 21 ans moins
quelques jours, selon le comput musulman, 20 ans et 4 mois selon
notre calendrier.
18. Le jour indiqué (de l'an 65 de l'Hégire) correspond au 6 août
685. Le mois en question, le dernier de l'année musulmane, compte
29 jours; nous sommes donc l'avant-veille du 1 mouharram 66 (8 août
685) qui marque le début de la foire de Natâ.
19. Rajab 66 : février 686; la coudée (un peu plus loin) équivaut
à un demi-mètre environ.
20. La fin de chawwâl 66 correspond à la fin de mai 686.
21. L'année 66 s'achève au 27 juillet 686; plus loin, les jets de
cailloux et les lignes tracées entre les points de chute relèvent des
pratiques de la géomancie.
22. Le mois de rajab (ici : de l'année 67 de l'Hégire : 21 janvier
687) est en effet recommandé, dans l'ancienne coutume, pour la
visite de la Kaaba : visite qui se distingue (même si elle devait plus
tard y être associée) du grand pèlerinage communautaire, accompli
au mois de dhoul-hijja, le dernier de l'année musulmane.
23. Dix coudées équivalent à cinq mètres environ.
24. Al-Khayf : la pente, ou le ressaut de terrain.
25. Qanâ, al-Himâ et Al-Batîl sont des toponymes du Nejd.
26. Le 4 chaabân 68 correspond au 13 février 688. Le mauvais
présage dont il va être question est en liaison avec le nom même du
mercredi en arabe : c'est le jour « quatrième ».
27. La date indiquée est notre 5 mai 688.
28. L'extrême fin du premier mois de rabî' de 69 correspond au
début d'octobre 688.
29. 5 rajab 71 : 13 décembre 690.
30. Al-Himâ : lieu du Nejd, célèbre pour sa végétation relativement
abondante.
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31 L ' est un arbre dont les fruits et feuilles fournissent une


nourriture aux bêtes, et le bois une matière appréciée pour les cure-
dents (miswâk, d'où l'autre nom de l'arbre : mesuak).
32. Les voix qui parlent dans le désert sont une des croyances
répandues chez les anciens Arabes.
33. La moitié du premier mois de joumâdâ 73 correspond au début
d'octobre 692. Plus loin, 19 mouharram 74 : 31 mai 693.
34. Le mille arabe équivaut à 1,9 km. La distance totale représente
donc près de 4 000 km, et une moyenne de 14,5 km par jour.
35. Rajab 74 : novembre 693.
36. Sur l ' voir la note 7.
37. Taymâ' est une importante et célèbre oasis, à 350 km environ
au nord-nord-ouest de Médine.
38. La date indiquée correspond au 15 avril 695; ce mercredi est
en effet marqué du chiffre quatre (voir la note 26).
39. Oumm Qays : mère de Qays.
40. La fin de chawwâl 76 correspond au début de février 696.
41. La rivière d'Ispahan est le Zendè-Rûd.
42. Ce qui est dit sur le çadâ réfère à une croyance de l'Arabie
traditionnelle, dont on trouve encore les traces, chez les poètes, après
l'apparition de l'Islam, qui la condamna.
43. Le poète égyptien est Chawqî, auteur d'une pièce de théâtre
sur Majnoun et Laylâ (1916); plus loin, évocation d'Aragon avec le
Fou d 'Elsa, de Tristan et Yseult, Roméo et Juliette, Werther (la
ville est Wetzlar, sur la Lahn, au nord de Francfort).
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Du même auteur
ŒUVRES SCIENTIFIQUES

Le Livre de Kalila et D i m n a
(version a r a b e des fables de Bidpaï)
traduction annotée, Klincksieck, 1957;
réédition (avec nouvelle préface), 1980
La Géographie humaine du monde m u s u l m a n
j u s q u ' a u milieu d u X I siècle,
3 vol. parus, Mouton, 1973-1980
L ' I s l a m et sa civilisation ( V I I siècle)
Armand Colin, coll. « Destins du monde », 1968;
2e éd., avec mise à jour, 1977
La Littérature arabe
PUF, coll. « Que sais-je? », 1969; 2e éd., 1976; 3e éd., 1981
U n conte des mille et une nuits : G h a r î b et Ajîb
traduction et perspectives d'analyse
traduction inédite, suivie d'une étude en quatre chapitres
(l'espace, le temps, l'événement, le discours)
Flammarion, 1977
L e G o l f e e t le F l e u v e
(choix de poèmes de B a d r C h â k e r as-Sayyâb)
Sindbad, 1977

S e p t Contes des Mille et une nuits


Sindbad, 1981

U s â m a I b n M u n q i d h . D e s e n s e i g n e m e n t s d e la v i e
(Kitâb al-I'tibâr)
Souvenirs d'un gentilhomme syrien du temps des Croisades
traduction, introduction et notes, Imprimerie nationale, 1983
L ' H o m m e e t le M o n d e
volume préface à l'édition et traduction de six écrivains arabes
Editions de la Méditerranée, 1983
Propos de littérature a r a b e
essais, Le Calligraphe, 1983
Majnûn, l'Amour poème
choix de poèmes, Sindbad, 1984
U n e histoire d ' a m o u r fou : M a j n û n et L a y l â
en collaboration avec Percy Kemp, Sindbad, 1984
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CET OUVRAGE A ÉTÉ COMPOSÉ ET ACHEVÉ D'IMPRIMER


PAR L'IMPRIMERIE FLOCH À MAYENNE
DÉPÔT LÉGAL OCTOBRE 1984. N° 6 9 6 0 ( 2 2 0 0 1 )
Laylâ, ma raison Au VII siècle, dans un tribu nomade d'Arabie,
un jeune homme, Qays, et sa cousine, Laylâ,
découvrent qu'ils s'aiment depuis leur plus
lointaine enfance; et Qays, poète, décide de
chanter cet amour à tous vents : publicité que les
usages du temps condamnent sans appel. De ce
conflit va naître l'histoire de Qays, devenu
Majnoun (le Fou), et de Laylâ, l'une des plus
vieilles légendes de la littérature arabe, dont ce
roman s'inspire presque à la lettre. L'Arabie y
ouvre les portes à l'immense cohorte des amants
parfaits et maudits, à tous les Werther, Tristan et
Roméo du monde.
A.M.
André Miquel
Arabisant, normalien et agrégé, André Miquel est
aujourd'hui professeur au Collège de France et
administrateur général de la Bibliothèque nationale.
A côté d'ouvrages scientifiques, il a déjà publié deux
romans et deux récits.

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