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Chapitre 8.

Place et rôle de l’État dans une économie de marché

Au-delà de la nécessaire intervention de l’État pour corriger les défaillances de marché celui-ci a aussi
un rôle à jouer dans la régulation de l’économie, la mise en œuvre des politiques publiques et
l’organisation de la vie en société.
L’État dispose également de nombreuses institutions spécialisées, à l’échelon national comme au
niveau local. Il est libre d’orienter et de gérer son budget en fonction des objectifs de politique
budgétaire qu’il s’est fixés.

RICHARD MUSGRAVE (1910-2007)


Économiste américain spécialiste de l’économie publique, il applique la logique
microéconomique au fonctionnement de l’État et en définit, en 1959, les trois
fonctions principales.

Quelles sont les fonctions de l’État ?

En parallèle de la régulation par le marché, l’État doit intervenir pour mener des politiques économiques et
sociales.

MUSGRAVE  l’État doit assurer trois fonctions essentielles qui, par leurs interactions, définissent la
politique menée.

Les trois fonctions économiques de l’État


A. La fonction d’allocation des ressources
Parfois, la régulation de l’économie par le marché
est source de défaillances  L’État intervient
alors en les corrigeant afin de garantir l’efficacité
B. La fonction de redistribution
économique.
Également appelée « fonction de répartiton », la
La fonction d’allocation des redistribution consiste pour un État à mener une
ressources consiste à produire ou à politique favorisant la justice et la cohésion
gérer les biens ou les services qui sociale. En particulier, le fonctionnement du
ne sont pas pris en charge par le marché se heurte à des limites dans la répartition
marché. Cette fonction concerne équitable des ressources entre les agents
particulièrement la prise en charge économiques.
de la production des biens L’État peut intervenir dans la répartition des
collectifs ou la gestion des richesses afin de lutter contre les inégalités.
externalités.
C. La fonction de stabilisation

En menant ses politiques publiques  l’État est le


Allouer garant de la stabilité économique. En effet, le
redistribution marché assure rarement l’équilibre et peut,
stable parfois, déclencher des crises économiques. Par le
biais de politiques conjoncturelles, l’État peut
assurer le bon fonctionnement de l’économie, tout
en tentant de maîtriser les grands équilibres
économiques (plein-emploi, stabilité des prix et des
échanges extérieurs).
Les organes de l’action publique

Pour mener à bien sa politique économique, sociale et écologique, l’État dispose d’institutions
spécialisées opérant au niveau national ou local.
Depuis les lois sur la décentralisation de 1982, 2003 et 2013, l’État délègue de plus en plus de
compétences aux collectivités territoriales, jugées plus à même de répondre aux besoins de la
population.

Les collectivités territoriales sont des personnes morales de droit public


distinctes de l’État et bénéficient d’une autonomie juridique et patrimoniale, mais
aussi de transferts de l’État (péréquation).

La répartition des missions entre les di férentes collectivités locales est très précise (tab. 8.1).

Répartition des compétences entre les différentes collectivités territoriales


Transports régionaux de voyageurs
Formation professionnelle continue et
d’apprentissage
Gestion des lycées
Régions Protection du patrimoine
Aménagement du territoire et
développement durable
Développement économique et
innovation
Gestion des déchets
Départements Promotion des solidarités et cohésion
territoriales (aide sociale à l’enfance,
RSA…)
Gestion des collèges
Équipement rural, gestion de l’eau et de la voirie
rurale
Action culturelle et sportive

Groupements Promotion du tourisme


Gestion des aires d’accueil des gens du voyage
intercommunaux Eau et assainissement, traitement des déchets
ménagers
Élaboration des plans locaux d’urbanisme (PLU)

Mise en œuvre de l’action sociale


Gestion des écoles maternelles et
élémentaires Entretien des
Communes bibliothèques, musées, écoles de
musique, monuments communaux
Gestion des équipements sportifs,
aide aux activités sportives
Entretien de la voirie
communale Protection
de l’ordre public local
Organisation des services publics de proximité
Le budget de l’État

Covid

hausse des dépenses publiques pour faire face à la crise sanitaire et économique 
aides d’urgence pour les entreprises, le financement du chômage partiel ou le plan de
relance.

L’instrument principal de mise en œuvre de l’action publique  gestion du budget de l’État


Comme tout agent économique, l’État dispose de ressources  peut mobiliser pour financer son
action à travers les dépenses publiques.

À la différence des ménages ou des entreprises, l’État dispose d’un horizon de vie infini et a donc la
capacité, dans la mesure du raisonnable, d’augmenter ses ressources.
L’ensemble des recettes et dépenses publiques sont retracées dans un document comptable, préparé
par le gouvernement et voté par le Parlement, que l’on appelle « loi de finances ».

 Établi pour une année civile, il ne s’applique qu’aux administrations publiques centrales.
Les dépenses publiques

Les dépenses publiques correspondent aux sommes dépensées par l’État en valeur ou en pourcentage
du PIB.

1. Le niveau des dépenses publiques


2.La structure des dépenses publiques
Les dépenses publiques accompagnent le
développement économique d’un pays  Les dépenses publiques peuvent être
elles traduisent les choix de sociétés en présentées :
matière d’éducation, de santé, de sécurité. Il
n’est donc pas étonnant de voir que celles-ci
– par nature, traduisant une
augmentent régulièrement depuis 1872. À
vision comptable (ex. :
partir des années 1980 en revanche, les
dépenses publiques se stabilisent du fait des dépenses de
crises économiques et de la mise en place de fonctionnement,
politiques d’austérité consommations
intermédiaires,
Le niveau des dépenses publiques françaises rémunération des salariés) ;
est parmi les plus élevés d’Europe
Ce constat découle directement du choix de – par fonction mettant en
socialisation des dépenses de protection évidence les différents
sociale
domaines d’intervention des
administrations publiques, tant
au niveau économique que
sociétal ;
Covid
La crise sanitaire et
– par secteur, soulignant la
économique a touché
répartition des dépenses
l’ensemble des pays
entre les différents niveaux
européens. En effet,
des administrations
la réaction a été
publiques (État central,
quasi-unanime dans
collectivités territoriales,
l’ensemble des pays
Sécurité sociale).
de l’UE avec une
hausse significative
du ratio dépenses
publiques sur PIB.
La majeure partie des dépenses publiques
Cela est dû à un
financent le modèle de protection sociale et de
double effet
santé, suivi par les services généraux et les
concomitant : une
affaires économiques.
chute du PIB et une
hausse des dépenses
publiques.
Les recettes de l’État

Afin de financer ses dépenses, l’État est le seul agent économique qui a le pouvoir de lever l’impôt.

Les recettes de l’État  impôts directs et indirects + différentes taxes et contributions et des cotisations
sociale  prélèvements obligatoires

Les impôts sont des contributions obligatoires au fonctionnement de l’État, en


l’absence de contrepartie directe au paiement ou de léchage budgétaire (c’est-à-
dire de but déterminé).

Les cotisations sociales recouvrent l’ensemble des versements que les individus
et leurs employeurs effectuent aux administrations de sécurité sociale et aux
régimes privés.

Les cotisations sociales sont soit patronales (à la charge des employeurs), soit salariales (à la charge des
salariés).

Focus. Impôts directs et indirects

Les impôts directs sont supportés par des contribuables identifiés par
l’administration (on parle de « personnes assujetties à l’impôt ») et généralement
payés à date fixe, directement au service fiscal concerné.
C’est le cas notamment de l’impôt sur le revenu (IR), de l’impôt sur les sociétés
(IS), de la taxe d’habitation, etc.

Les impôts indirects sont inclus dans le prix des biens et des services consommés.
Ils sont collectés par un tiers qui les reverse ensuite à l’État. C’est le cas
notamment de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou des droits de succession.

 Historiquement, la TVA constitue la recette la plus importante pour l’État, suivie de l’impôt sur le
revenu et de l’impôt sur les sociétés.
Une analyse de l’évolution des finances publiques

La mesure et l’évolution de la dette publique

Le budget de l’État est très rarement à l’équilibre, l’État dépensant plus qu’il ne prélève.

Calculé chaque année en valeur ou en pourcentage du PIB, le déficit public représente le besoin de
financement des administrations publiques

Le déficit public est un flux résultant de la différence entre les dépenses et les recettes.
La dette publique, le plus souvent exprimée en pourcentage du PIB, est un stock qui augmente en fonction
de l’importance des déficits accumulés.

L’État français est en déficit au moins depuis 1980. On a constaté une aggravation de celui-ci lors de la
crise économique survenue après 2007 et encore plus après la crise de la Covid-19, commencée en
2020. Cette accumulation des déficits nourrit et augmente la dette publique

Covid

La crise sanitaire et économique a eu pour conséquence de creuser le déficit de l’État


Le ratio dette publique sur PIB a donc augmenté

Cela s’explique par un double phénomène : une augmentation des dépenses liées au «
coût de la crise » et une baisse du PIB. Logiquement, l’augmentation du numérateur et
la forte dégradation du dénominateur fait chuter le ratio.
La soutenabilité de la dette publique

L’important lorsque l’on aborde la dette publique n’est pas tant son niveau (ex. : la dette publique
américaine représente 105,47 % du PIB en 2017, celle du Japon 236,4 % du PIB) que la soutenabilité de
la dette elle-même et des intérêts associés.

La soutenabilité d’une dette tient à son caractère remboursable par l’acteur qui la contracte.

Chiffres-clés

Pour évaluer la soutenabilité de la dette publique, il est possible de regarder


l’évolution de la charge de la dette. Pour la France, celle-ci s’élevait à près de 50 Mds €
en 2010 et à près de 38 Mds € en 2019. Ramenée en % du PIB ou en % des recettes
publiques, celle-ci représentait en 2019 respectivement 1,6 % et 3 %, deux ratios en
constante baisse depuis 2012, ce qui prouve la soutenabilité de la dette française
avant la crise de la Covid-19.

Soutenabilité et solvabilité sont intimement liées. La soutenabilité de la dette d’un État dépend :
De la capacité de ce dernier à lever de nouveaux impôts ou diminuer ses
dépenses, limitant ainsi le déficit public annuel et donc l’alimentation de la dette

Des perspectives de croissance. Une croissance plus forte permet de dégager des
recettes supplémentaires, c’est un signe de santé économique. Le PIB s’en trouve
augmenté et le ratio Dette/PIB diminue a contrario. De plus, si une dette est
contractée afin de financer des investissements utiles, l’endettement n’est pas
dommageable en soi, bien au contraire.

Des anticipations des marchés financiers. En effet, lorsqu’un État est en déficit, il
emprunte sur les marchés financiers afin de combler son besoin de financement. Cet
emprunt est soumis au versement de taux d’intérêt. Or, lorsque les marchés financiers
(les prêteurs) estiment que le pays est capable de contrôler l’évolution de sa dette
publique et que la probabilité de ne pas rembourser est négligeable, les taux d’intérêt
auquel l’État emprunte sont bas (fig.8.5).

Du patrimoine de l’État. Ce dernier est propriétaire de nombreux bâtiments et


terrains et actionnaire de quantités d’entreprises. Ce patrimoine constitue un
argument en faveur de la solvabilité. En effet, on peut imaginer que l’État revende
tout ou partie de ce patrimoine pour rembourser ses emprunts.
Focus. Le taux d’intérêt négatif

Le taux d’intérêt correspond au prix de l’argent : celui qui emprunte paye un intérêt à
celui qui lui a prêté une somme. En général, ce taux est positif : si j’emprunte 1 000 € à
2 %, alors en plus des 1 000 € (le capital), je devrai verser 20 € (les intérêts) à la banque.
Or, depuis quelques années, certains États comme la France, empruntent à un taux d’intérêt négatif.
C’est donc le prêteur qui verse de l’argent à l’emprunteur pour lui fournir de l’argent. Si
j’emprunte la même somme de 1000 € à – 2 %, je devrai rembourser… 980 € !
Même si cette situation est paradoxale et révèle une fragilité des marchés financiers,
c’est une très bonne nouvelle pour les États qui peuvent emprunter sans augmenter
leur dette publique.

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