Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Rédigé par :
Srikssi Oumaima
Sous la direction de :
Membres de Jury :
Président :
Pr. DOURHANI Yassine.
Suffragants :
Pr. BENMARZOUG Mohamed.
Pr. AKESBI Jamal.
Pr. TALBI Anas.
The rise of powerful AI will be either the best or the worst thing ever
to happen to humanity. We don’t yet know which.
– Stephen Hawking
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Remerciements
SOMMAIRE
INTRODUCTION
‘Le juriste augmenté est celui qui parviendra à se saisir des outils digitaux pour
accroître sa valeur ajoutée.’
Au cours des années 1950 et 1960, ce domaine a connu une expansion rapide. Les
chercheurs ont initié le développement de programmes capables de résoudre des
problèmes et de s'engager dans des jeux tels que les échecs. Cette époque a été
caractérisée par un enthousiasme important parmi les chercheurs, prêts à relever des
défis substantiels. Bien que les premiers programmes aient présenté des faiblesses et
commis des erreurs, ils ont néanmoins ouvert la voie à des avancées majeures. 2 Or
comment cette intelligence transforme-t-elle déjà notre monde aujourd'hui ? L'IA est
désormais omniprésente dans notre quotidien, que ce soit à travers des assistants
virtuels ou des véhicules autonomes, apportant des améliorations significatives à
notre vie. Cependant, ces avancées ne sont pas sans risques. Il devient crucial
d'établir des règles et des réglementations afin de garantir une utilisation éthique et
responsable de l'IA.
En 2017, la société DeepMind3 a développé une IA, AlphaGo Master, qui a battu le
champion du monde du jeu de plateau Go. De nombreux experts avaient prédit que
1
Alan Mathison Turing, né le 23 juin 1912 à Londres et décédé le 7 juin 1954 à Wilmslow, était un
mathématicien et cryptologue britannique. Il est l'auteur d'œuvres qui établissent les fondements scientifiques
de l'informatique et est également l'un des précurseurs de l'intelligence artificielle.
2
L'histoire de l'intelligence artificielle : des origines à aujourd'hui 👇 - IA Insights (ia-insights.fr) visité en Juin
2023.
3
L’objectif de Deepmind est de créer des machines intelligentes capables d’apprendre et d’acquérir de nouvelles
connaissances à la manière des êtres humains.
1
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
4
Ryan Abbott , The Reasonable Robot , introduction Artificial Intelligence and the Law, Publisher:
Cambridge University Press , Print publication year: 2020 Page 1-2.
5
Ibid , Ryan Abbott , The Reasonable Robot. Page 3.
6
Ibid.
2
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Il est séduisant de penser que l'intégration harmonieuse de l'IA dans les cadres
réglementaires existants est envisageable. Cependant, les lois conçues pour encadrer
le comportement des acteurs humains peuvent générer des conséquences
involontaires et négatives lorsque les machines commencent à imiter le
comportement humain. Bien que les lois spécifiquement axées sur l'IA aient mis du
temps à émerger, en partie en raison de la crainte qu'un environnement
réglementaire excessivement contraignant n'inhibe l'innovation, l'IA est déjà
soumise à des régulations élaborées il y a des décennies pour traiter des
problématiques telles que la vie privée, la sécurité et la concurrence déloyale. Ce qui
est nécessaire, ce n'est pas nécessairement plus ou moins de lois, mais plutôt
l'élaboration de lois appropriées.
Il est peu probable qu'un seul changement juridique, tel que l'octroi d'une
personnalité juridique à l'IA similaire à une société, résolve tous les problèmes dans
chaque domaine du droit. C'est pourquoi il est nécessaire d'entreprendre le travail
ardu de réfléchir aux implications de l'IA dans divers contextes. À cet égard, il est
encourageant de constater que des efforts ont été déployés ces dernières années pour
formuler des normes politiques ou des principes fondamentaux tels que la fiabilité et
la durabilité spécifiquement pour la régulation de l'IA par les gouvernements, les
groupes de réflexion et l'industrie. Par exemple, l'Organisation de coopération et de
développement économiques a adopté des Principes sur l'intelligence artificielle en
mai 2019, et un mois plus tard, le G207 a adopté également des principes sur l'IA
centrés sur l'humain, guidés par ceux énoncés par l'OCDE.
7
Depuis 2010, le G20 conclut l'année avec un sommet en présence des chefs d'État et de gouvernement
respectifs et avec la participation de leurs homologues des pays invités et des représentants de certaines des
principales organisations internationales et régionales. C’est lors de ce sommet que les résultats des différentes
3
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Quant au définition de celle-ci , elle ne détient pas une notion juridique. Néanmoins ,
elle désigne tout un domaine technologique qui vise à simuler et éventuellement
remplacer l'intelligence humaine en reproduisant les capacités de perception, de
compréhension, d'apprentissage, de raisonnement, de calcul, de mémoire, de
comparaison et de prise de décision. L'aspect "artificiel" se réfère à l'utilisation
d'ordinateurs ou d'autres dispositifs électroniques, tandis que "l’intelligence" se
rapporte à l'objectif d'imiter le comportement humain ou animal. L'intelligence
artificielle combine des éléments de l'informatique, de la logique, des
mathématiques, de l'électronique, des sciences cognitives, des sciences de la
communication, de l'éthologie et de la neurobiologie, notamment grâce aux
techniques d'apprentissage profond inspirées des réseaux neuronaux interconnectés. 9
réunions sont traditionnellement adoptés par les chefs d'État et de gouvernement réunis.
https://www.gouvernement.fr/actualite/le-g20-un-forum-de-cooperation-economique-internationale .
8
Hervé Jacquemin et Alexandre de Streel , L’intelligence artificielle et le droit. Edition LARCIER . Page 73.
9
Le droit en datas : comment l’intelligence artificielle redessine le monde juridique. Boris Barraud Docteur en
droit, chercheur au LID2MS (Laboratoire interdisciplinaire de droit des médias et des mutations sociales,
Université d’Aix-Marseille) Revue Lamy droit de l’immatériel , 2019. Page 1.
4
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Alors que le droit cherche à réguler l'intelligence artificielle pour encadrer son
développement et prévenir les abus, il est indéniable que l'intelligence artificielle
influence profondément le domaine juridique. Elle le façonne et le redéfinit, créant
ainsi un nouvel univers juridique aux contours encore flous. L'intelligence
artificielle transforme à la fois les professions juridiques et les marchés du droit,
5
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
modifiant les méthodes de travail des juristes ainsi que les normes qu'ils appliquent
ou étudient. L'influence des algorithmes sur le droit est si prégnante que la plupart
des juristes sont déjà touchés, ou le seront très prochainement, par les nouvelles
"lois" générées par le traitement automatisé des données.
Ainsi, cette étude ambitieuse cherche à répondre aux questions suivantes de manière
approfondie :
Comment l'intelligence artificielle peut-elle impacter le droit des affaires ? Comment les
entreprises peuvent-elles intégrer et mettre en œuvre de manière responsable l'intelligence
artificielle dans le domaine du droit des affaires, en assurant la confidentialité des données
et la responsabilité des décisions prises par les systèmes d'IA, tout en prenant en compte les
aspects de responsabilité juridique civile et pénale ?
Dans une dynamique classique et dans le but de répondre à ces interrogations, l'intelligence
artificielle sera initialement soumise à l'examen du droit positif, mettant ainsi en lumière les
limites et déformations qu'elle peut induire dans les régimes juridiques existants. La détection
de ces lacunes conduira à la nécessité d'élaborer les fondements et les règles spécifiques dans
les domaines du droit des contrats, du droit de la propriété industrielle et intellectuelle, ainsi
que de la protection des données à caractère personnel (partie I). Cette analyse sera effectuée
en suivant une méthode descriptive et une méthode comparative, étant donné que l'intelligence
artificielle représente un sujet à la fois actuel et novateur dans le domaine juridique. De plus,
6
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
une approche analytique sera employée pour approfondir la compréhension des implications
juridiques dudite intelligence dans ces domaines.
Pour mener à bien cette analyse, une méthode descriptive sera employée pour saisir
la complexité des enjeux juridiques découlant de l'interaction entre l'IA et la
responsabilité civile, tout en utilisant une approche analytique pour identifier les
modifications nécessaires dans le cadre juridique. En outre, une méthode
comparative sera appliquée pour évaluer les diverses approches adoptées par
différentes juridictions face à ces défis émergents en tenant compte que le législateur
marocain n’a pas toujours reconnu une base juridique pour cette dernière. Ainsi,
cette démarche méthodologique multidimensionnelle vise à offrir une perspective
complète et approfondie sur les implications juridiques de l'intelligence artificielle.
7
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Première partie
Impact de l'intelligence artificielle sur le
droit des affaires.
8
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Pour ce faire , nous examinerons plus en détail dans la première section dudit
chapitre la conclusion des contrats par le biais de l’intelligence artificielle , voire la
phase précontractuelle , bien précisément , celle de la négociation , en mettant
l'accent sur les implications dudite intelligence sur les contrats commerciaux
traditionnels et son rapport avec la nouvelle forme des contrats à savoir les contrats
intelligents. Ainsi , nous discuterons le risque qui peut incomber dudit contrat dans
une deuxième section.
“First, we want to establish the idea that a computer language is not just a way of getting a computer
to perform operations but rather that it is a novel formal medium for expressing ideas about
methodology. Thus, programs must be written for people to read, and only incidentally for machines
10
Moradinejad, R. (2019). Le contrat intelligent, nouveau vecteur de confiance dans les relations contractuelles
: réalité ou rêve ? Les Cahiers de droit, 60(3), https://doi.org/10.7202/1064651ar Page 626.
9
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
to execute.”11 (Hal Abelson & Gerald Jay Sussman, dans le livre Structure and Interpretation of
Computer Programs, 1996).12
L’expression « contrat intelligent » tire la sonnette d’alarme aux oreilles des juristes
qui s’intéressent au droit des contrats, 16 l’utilité dudit contrat est souvent souligné en
matière contractuelle. Cette optimisation potentielle concerne tant la phase de
conclusion du contrat que sa phase d’exécution.
Le monde du droit dans notre pays est , bien évidemment, régi par une variété des
règles et de réglementations visant à encadrer les relations individuelles entre les
différentes parties impliquées. Au cœur de ces relations se trouvent les contrats
11
Traduction : "Premièrement, nous voulons établir l'idée qu'un langage informatique n'est pas simplement un
moyen de faire exécuter des opérations à un ordinateur, mais plutôt qu'il s'agit d'un nouveau médium formel
pour exprimer des idées sur la méthodologie. Ainsi, les programmes doivent être écrits pour être lus par des
personnes, et seulement accessoirement pour être exécutés par des machines."
12
Maria Ivone Godoy , La reconnaissance juridique des contrats intelligents face à la réglementation globale
des technologies Faculté de Droit Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de Maître en Droit (LLM),
option Droit des technologies de l’information Avril 2019 © GODOY, 2019. Page 1.
13
، دون ذكر المطبعة،1 " ج- أوصاف االلتزامات- في قانون االلتزامات و العقود المغربي، "النظرية العامة لاللتزامات، مأمون الكزبري
11 ص،1972 لسنة،2ط.
14
L'article 1101 du C.C.F stipule:" le contrat est un accord do volontés entre deux ou plusieurs personnes
destiné à créer, modifier transmettre ou éteindre des obligations".
15
جامعة، ماستر الوسائل البديلة لفض المنازعات- من اعداد الطالب صابر الهدام- دراسة مقارنة-القانون في مواجهة الذكاء االصطناعي
17 ص، 2022-2021 ،سيدي محمد بن عبد هللا بفاس.
16
Moradinejad, R. (2019). Le contrat intelligent, nouveau vecteur de confiance dans les relations contractuelles
: réalité ou rêve ? Les Cahiers de droit, 60(3), 623–651, Page 627. https://doi.org/10.7202/1064651ar
10
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
commerciaux, qui établissent les droits et les obligations des parties cocontractantes.
Lesdits contrats jouent un rôle sine qua non dans la conduite des affaires et sont
sujets à une évolution constante pour s'adapter aux nouvelles réalités du marché.
Pour ce faire , l'intelligence artificielle, à son rôle, a révolutionné la façon dont les
contrats sont négociés, grâce à des algorithmes sophistiqués qui peuvent analyser et
interpréter un grand volume des données contractuelles , tels que l'apprentissage
automatique et le traitement du langage naturel, en permettant aux entreprises de
gagner du temps et de réduire les risques en automatisant certaines tâches liées à la
rédaction et à la gestion des contrats. Ces contrats intelligents, qui sont basées sur la
technologie de la blockchain,17 représentent une autre facette de l'intersection entre
l'IA et les contrats commerciaux. Ces derniers utilisent des protocoles de
confiance et des conditions prédéfinies pour exécuter automatiquement les termes
d'un contrat, sans nécessite d'intervention humaine. Cette technologie émergente
offre des avantages potentiels en termes de transparence, de sécurité et d'efficacité
pour les parties contractantes.
Cependant, l'utilisation des contrats intelligents n'est pas sans risques. Les erreurs de
codage ou les vulnérabilités dans cette technologie peuvent entraîner des
conséquences juridiques et financières graves. Par conséquent, il est essentiel
d'évaluer soigneusement les risques associés à ces contrats et de mettre en place des
mécanismes de contrôle et de supervision adéquats ; mais tout en mettant en
17
Op,cit Maria Ivone Godoy.
11
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Avant d’y répondre , il faut tout d’abord mettre le point sur les notions principales
qu’il faut comprendre à savoir la BLOCKCHAIN , les CONTRATS INTELLIGENTS
voire leur rapport avec le droit des affaires , voire les contrats commerciaux
traditionnels, en sus de son rôle à renforcer les relations contractuelles, notamment
dans le domaine des affaires.
De prime à bord , une blockchain est une base de données décentralisées et sans
besoin d'intermédiaire, permettant l'automatisation, l'authentification et l'horodatage
des transactions tout en garantissant leur immuabilité et leur inviolabilité. Elle offre
également la possibilité de crypter les données pour assurer leur confidentialité.
Cette technologie est parfois considérée comme révolutionnaire, à l'instar d'Internet,
car elle pourrait transformer les échanges de valeurs de la même manière qu'Internet
a transformé les échanges d'informations. Cette transformation suscite de
nombreuses questions juridiques.19
18
Mustapha Mekki , Blockchain : l’exemple des smart contracts Entre innovation et précaution. Agrégé des
Facultés de droit Professeur à l’Université Paris 13 Co-directeur de l’IRD Page 10.
19
Boris Barraud. Les blockchains et le droit. Revue Lamy Droit de l’immatériel, 2018, 147, pp.48-62. ffhal-
01729646f Page 1.
12
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
D’un point de vue personnel , l'avenir rendu possible par les BC est un monde plus
horizontal, où le nouveau droit qu'elles façonnent serait lui aussi plus horizontal, se
dispensant d'organes de surveillance et de contrôle traditionnels. Ce qui veut dire
que l’IA va remplacer toute procédure traditionnelle afin d’avoir une perfection
entière dans l’exécution des rapports contractuels. Par conséquent , les enjeux liés à
la relation entre la BC et le droit sont majeurs, en termes de blockchains saisies par
le droit, mais aussi et surtout en termes du droit saisi par les BC.
Autrement dit , le concept d’un "contrat intelligent" dit (Smart Contract), intégré
dans une chaîne de blocs, est présenté par certains comme une solution radicale
permettant d'éliminer définitivement le problème de confiance dans les relations
contractuelles. Ces initiatives ont abouti à un contrat inviolable, dont l'exécution est
automatique et transparente. Bien que le contrat intelligent ne puisse pas résoudre
20
Ibid , Les blockchains et le droit , Page 2.
13
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Dans certains cas, des relations préexistantes entre les parties favorisent
l'établissement d'une confiance mutuelle. Par exemple, dans le cas d'une vente d'un
objet de faible valeur entre deux voisins, si l'acheteur n'a pas d'argent liquide pour un
paiement immédiat, le vendeur peut être enclin à remettre l'objet en espérant être
payé ultérieurement par son voisin. Dans cette situation, la confiance du vendeur
repose sur la relation existante entre les deux voisins, et des sources externes de
confiance, telles que la loi ou les normes sociales, ne viennent qu'en complément de
cette confiance interne. Cette confiance interne est directement liée à l'intensité de la
relation entre les parties. Cependant, la question à poser est , qu'est-ce qu'on
entend réellement par un contrat intelligent? Et quel est son rapport avec un
contrat commercial ?
L'expression "contrat intelligent" suscite une vive réaction chez les juristes
spécialisés en droit des contrats, car elle met en évidence le terme "contrat". Selon
certains auteurs, le terme "contrat intelligent" diffère du concept juridique
traditionnel du contrat et est principalement utilisé par les acteurs du domaine
informatique.21 Les définitions proposées mettent généralement l'accent sur deux
caractéristiques essentielles. Tout d'abord, il s'agit d'un programme informatique
21
Moradinejad, R. (2019). Le contrat intelligent, nouveau vecteur de confiance dans les relations contractuelles
: réalité ou rêve ? Les Cahiers de droit, 60(3), 623–651.
14
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
A cet effet , plusieurs interrogations se manifestent dans notre étude : Quels seraient
les impacts de l’informatisation du contenu contractuel sur le droit des contrats?
Comment appréhender juridiquement cette informatisation? La réponse à ces
questions dépend essentiellement du rôle que les parties réservent au contrat
intelligent. Le contrat intelligent devient un simple instrument destiné à faciliter
l’exécution du contrat lorsque celui-ci ne joue aucun rôle au stade de sa formation.
C’est alors une hypothèse où l’ensemble des clauses contractuelles sont exprimées
en langage naturel. Les parties décident de traduire une ou plusieurs clauses de ce
contrat en langage informatique dans le but de concevoir un contrat intelligent.
Ainsi, la partie informatisée du contrat n’en devient pas l’instrumentum.23
22
Ibid , Moradinejad, R, Le contrat intelligent, nouveau vecteur de confiance dans les relations contractuelles :
réalité ou rêve ? Les Cahiers de droit, 60(3), Page 627.
23
Ibid , Page 635. En d'autres termes, bien que le contrat intelligent puisse être utilisé pour faciliter l'exécution
et la gestion automatique d'un contrat, il ne remplace pas la substance du contrat lui-même. interface
technologique qui permet d'automatiser certaines fonctionnalités ou conditions d'exécution du contrat.
15
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
manifestation externe de la volonté des parties. Cela peut se faire verbalement, par
écrit ou par des gestes concrets.
Peut-on appliquer cette solution aux contrats intelligents où certains termes sont
exclusivement exprimés en données et en instructions informatiques ? La réponse
à cette question n'est pas facile. Il est nécessaire de faire une distinction entre un
contrat dont les termes ont été négociés en langage naturel et un contrat pour lequel
aucun échange de ce type n'a eu lieu. Cette distinction est primordiale pour vérifier
si le contenu de l'offre et de l'acceptation est intelligible. Ceci veut dire qu’un
contrat normal dit aussi en langage naturel , est un contrat dont l’échange du
consentement entre les parties cocontractantes et sa conclusion ne permettent pas
d’avoir une machine ou un robot pour l’exécuter , c’est un contrat simple et
authentique dont la forme est un acte écrit, alors que le cas d’un contrat intelligent
est étroitement lié à la technologie de Blockchain. La question à poser à ce niveau
est la suivante , est-ce que ce type de contrat nécessitera également une phase
précontractuelle et une négociation comme dans le cas d'un contrat traditionnel ?
et quelles sont les étapes à suivre pour bien conclure ce dernier ?
24
Un contrat d’achat au clic est un contrat qui est exécuté en ligne , c’est-à-dire un contrat associé au
commerce en ligne, notamment à l’achat de logiciels par internet ou à leur téléchargement, qui se distingue
par le fait que le cyberconsommateur indique son accord avec les termes du contrat d’achat en cliquant sur le
bouton ( I agree, I accept ou j’accepte, en français).
16
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
une convention ne peut se former que lorsque les parties cocontractantes sont d’accord
sur les éléments du contrat qu’ils se proposent de conclure.
Une fois qu'il a été déterminé si une volonté de contracter existe ou non, il est nécessaire
d'examiner la validité du consentement. Ce consentement est considéré comme valide
uniquement en l'absence de défauts. Parmi les défauts couramment mentionnés, on
trouve la tromperie et l'erreur. Pour des raisons de concision, nous nous concentrerons
sur le consentement erroné du mandant du système IA, en référence à l'Article 39 du
DOC qui stipule : "Est annulable le consentement donné par erreur, surpris par dol, ou
extorqué par violence."26
Toute partie a le droit de contester la validité d'un contrat si elle a basé son accord sur
une "erreur" ou une perception erronée de la réalité. Pour ce faire, une première
condition est que cette perception erronée de la réalité concerne l'objet du contrat qui a
incité la partie errante à conclure le contrat en premier lieu. De plus, l'autre partie doit
être consciente de la nature cruciale de cet objet. Lorsque l'objet du contrat est considéré
objectivement comme crucial, il n'y a pas de problème supplémentaire. Cependant, cela
peut être plus difficile lorsque la partie errante détermine subjectivement qu'un certain
objet du contrat était décisif pour elle. Dans ce cas, cela aurait dû être clairement
indiqué à l'autre partie.
25
Jan De Bruyne Cedric Vanleenhove (eds.) , Artificial Intelligence and the Law, First published in hardcover in
2021, ISBN 978-1-83970-103-0 , Intersentia Ltd 8 Wellington Mews | Wellington Street Cambridge | CB1 1HW |
United Kingdom CHAPTER 13 A I IN BELGIAN CONTRACT LAW: DISRUPTIVE CHALLENGE OR BUSINESS AS
USUAL? Page 337.
26
Dahir des Obligations et Des Contrats.
17
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
l'objet sur lequel elle prétend s'être trompée. Ainsi, la charge de la preuve incombe à la
partie errante.
Cependant, lors de la livraison, il s'avère que la table livrée est en métal au lieu du bois
spécifié dans la demande de l'utilisateur à l'IA. Dans ce cas, l'utilisateur pourrait
invoquer une erreur comme un vice du consentement, en soutenant que l'IA a commis
une erreur en choisissant un matériau différent de celui spécifié.
La question de savoir si cette erreur est excusable dépendrait de divers facteurs. Si l'IA a
accès à des informations incorrectes sur les caractéristiques du produit ou si elle a mal
interprété les préférences de l'utilisateur en raison d'un défaut dans son programme, cela
pourrait constituer une erreur excusable. Cependant, si l'utilisateur n'a pas fourni des
informations claires à l'IA ou si l'erreur découle d'une défaillance technique inattendue,
cela pourrait rendre l'erreur moins excusable.
Pour y savoir profondément , nous allons faire la distinction entre un contrat intelligent ou qui est
rédigé par un outil d’IA , et entre un contrat traditionnel nommé afin d’analyser les conditions de
chacun des deux et de pouvoir lier les dispositions juridiques de la législation marocaine à un contrat
intelligent qui est l’objet de l’actualité juridique internationale voire nationale.
D’ailleurs , les contrats commerciaux traditionnels sont souvent sujets à des erreurs
humaines et à des retards dans l'exécution. En revanche, des contrats intelligents
sont auto-exécutables27 et s'exécutent automatiquement lorsqu'un ensemble de
conditions prédéfinies est rempli. Les contrats intelligents peuvent également être
27
Smart contract : définition et utilité (legalstart.fr) Visité en 8 Juillet 2023.
18
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
28
Primavera De Filippi and Aaron Wright : Blockchain and the Law: The Rule of Code. [Cambridge, MA:
Harvard University Press, 2018. Note 8. Page 37.
19
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
en quoi consistent ces deux types de contrats et comment ils fonctionnent dans leurs
contextes respectifs. De ce fait , plusieurs interrogations surgissent quant à la
reconnaissance légale des transactions réalisées via les contrats intelligents, et ce, en
conformité avec les lois nationales de chaque État. Parmi ces questions, on peut se
demander si les contrats intelligents sont purement des mécanismes d'exécution de
contrats existants ou s'ils doivent être considérés comme des contrats à part
entière ?, ayant des implications juridiques directes. De plus, la question se pose
de savoir si le langage de programmation utilisé équivaut à un langage
contractuel valide, notamment en ce qui concerne l'expression du consentement
libre et éclairé des parties contractantes ?29
Or , cette étude n’a pas l’audace de répondre à toutes ces questions. Néanmoins
l'application du Dahir des obligations et des contrats peut nous fournir des indices
sur la manière dont ces contrats intelligents pourraient être envisagés dans le cadre
juridique marocain, offrant ainsi une perspective prospective sur la réglementation
potentielle de cette nouvelle forme contractuelle au Maroc.
En se référant aux Dahir des Obligations et des contrats , et en faisant un petit rappel
de quelques dispositions de ce dernier à savoir ; le fameux 2ème article30 qui nous
incite vers la notion de capacité, de volonté des parties cocontractantes , ainsi à
l’objet et à la cause pour laquelle les parties s’obligent. En parlant du deuxième
29
Maria Ivone Godoy , La reconnaissance juridique des contrats intelligents face à la réglementation globale
des technologies , Faculté de Droit Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de Maître en Droit (LLM),
option Droit des technologies de l’information Avril 2019 © GODOY, 2019 Page 72
30
Article 2 Du Dahir des Obligations et de contrats : Les éléments nécessaires pour la validité des obligations
qui dérivent d'une déclaration de volonté sont : 1° La capacité de s'obliger ; 2° Une déclaration valable de
volonté portant sur les éléments essentiels de l'obligation ; 3° Un objet certain pouvant former objet
d'obligation ; 4° Une cause licite de s'obliger.
20
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
condition de cet article qui est , la volonté des parties , cette dernière détient deux
volets essentiels , à savoir : L’offre et l’acceptation. La volonté de conclure un
contrat réside dans le fait que les parties prenantes négocient clairement le contenu
dudit contrat et se mettent d’accord sur sa conclusion, cette conclusion est le résultat
d’une bonne négociation. Néanmoins , la question à poser est la suivante , est-ce que
l’offre et l’acceptation comme ils sont indiquées dans l’article précédent peuvent
être appliquer dans le cas d’un contrat intelligent ?
Une réponse affirmative est plus au moins possible dans notre cas présent , puisqu’il
convient de noter que le Maroc n’a pas toujours prévu des dispositions juridiques
spécifiques qui régissent la conclusion de ces contrats automatisés. A cet effet ,
l’article 2 du DOC peut être appliquer aux contrats intelligents, dans le cas où l’offre
et l’acceptation peuvent être programmés pour se produire automatiquement si
certaines conditions sont remplies. Cependant , dans une étape de négociation , les
parties peuvent discuter des termes et convenir de certains détails avant que l’offre
ne soit faite et acceptée. Dans ce cas, les principes de l’offre et l’acceptation
s’appliquent toujours , mais la façon dont ils sont mis en œuvre peut être différente
de celle d’un contrat traditionnel , vu la nature différente de ce type de contrat.
De surcroît , une clarté et liberté tout au long d’un processus contractuel s’impose,
afin de permettre à chaque cocontractant de consentir en pleine connaissance de
cause. Les parties prenantes trouvent leur source dans l’exigence de bonne foi. Un
arrêt de la Cour de Cassation exprime clairement ceci en mentionnant que :
« Lorsque les termes d'un acte sont formels, il n'y a pas lieu de rechercher quelle a
été la volonté de son auteur… »31 en se basant sur les articles 230, 231 et 461 du
Code des obligations et des contrats, il est établi que les obligations contractuelles
créées de manière valide ont force de loi pour les parties qui les ont établies, et ne
peuvent être annulées que par leur consentement mutuel. De telles obligations et
conditions s’imposent également lorsque l’objet du contrat porte sur une application
d’intelligence artificielle.32
Néanmoins , la valeur juridique des documents ne dépend pas du support sur lequel
ils sont créés mais plutôt sur leur conformité aux exigences légales, en mettant en
31
CCass,15/05/1985,1165 Réf : 20121.
32
Hervé Jacquemin et Alexandre de Streel , L’intelligence artificielle et le droit. Edition LARCIER . P84.
21
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
priorité leur objectif. Par conséquent, que l'accord soit conclu à l'aide d'un
programme informatique ou de manière classique sur papier, c'est l'exécution de sa
fonction qui devrait être la principale préoccupation du droit. 33
Dans le même contexte , certaines personnes soutiennent que les contrats intelligents
peuvent remplacer efficacement le besoin d'un tiers de confiance, en promettant un
climat de confiance infaillible. En droit commercial, cela se traduit par l'émergence
de contrats de vente automatisés, qui fonctionnent de manière autonome et
transparente grâce à la technologie des contrats intelligents. 34
33
Op,cit , Maria Ivone Godoy,Page 81.
34
Reza Moradinejad , Le contrat intelligent, nouveau vecteur de confiance dans les relations contractuelles :
réalité ou rêve ? Volume 60, numéro 3, septembre 2019 Le droit des activités économiques à l’ère numérique
page 646.
22
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
35
Maria Ivone Godoy , La reconnaissance juridique des contrats intelligents face à la réglementation globale
des technologies, 2019 Page 82.
36
Ibid , Page 83.
23
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
réglementations des marchés financiers, car la définition des ICO peut varier
considérablement.
Cependant, il existe également des propositions spécifiques axées sur les contrats
intelligents, bien que ces dernières soient moins courantes. Un exemple notable
d'engagement des autorités publiques dans ce domaine est le projet de la
Commission du droit du Royaume-Uni, un organe indépendant créé par la loi de
1965 sur les commissions juridiques pour surveiller le droit en Angleterre et au Pays
de Galles, et recommander des réformes si nécessaire.
Même s'il ne s'agit pas d'une proposition de loi, cela illustre l'intérêt des institutions
étatiques pour ce sujet. Cette étude soulève différentes questions, principalement
liées à l'interaction entre le droit des contrats existant et les contrats intelligents. Par
conséquent, des concepts tels que la nullité contractuelle, les conditions implicites,
ainsi que les notions d'interprétation, de responsabilité et de résolution de litiges
seront examinés dans le contexte de la recherche menée par la Commission du droit
du Royaume-Uni.
De même, le projet de la loi SB 300 de l'Ohio définit les "records and contracts
secured by blockchain technology as electronic records"37, autorisant ainsi
l'utilisation du terme "contrats intelligents". Tout comme dans les deux normes
précédemment mentionnées, en Ohio, les contrats intelligents sont reconnus comme
étant légalement contraignants, tout comme les contrats traditionnels. 38
En ce qui concerne les contrats intelligents, la loi italienne reconnaît leur validité
juridique et leur force exécutoire. En résumé, les contrats intelligents sont assimilés
aux contrats traditionnels en ce qui concerne les notions de consentement et de
37
Traduction , les enregistrements et contrats sécurisés par la technologie de la chaîne de blocs comme
des enregistrements électroniques.
38
OP, Cit GODOY 2019 , Page 86.
24
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
valeur probante, pour autant que l'authentification des parties respecte les normes
établies par l'Agence pour l'Italie numérique (Agenzia per l'Italia digitale), qui n'ont
pas encore été publiées.
Le caractère interrelié des blocs dans une Block Chain garantirait en lui-même
qu’aucun changement ne pourrait y être effectué. De plus, il n’y aurait aucune
possibilité technique voire juridique pour les parties cocontractantes de s’esquiver de
leur obligation contractuelle ; aucune des parties ne pourrait, techniquement,
empêcher l’exécution du contrat. En effet, le contrat informatisé agirait selon ses
instructions et exécuterait une prestation lorsque les conditions d’exécution seraient
39
Op,Cit Page 85.
25
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
40
Ce principe d’intangibilité des contrats a été mentionné dans le droit québécois dans l’article1439 C.c.Q selon
lequel un contrat valablement formé ne peut être modifié ou révoqué unilatéralement ou par la voie judiciaire
que dans la mesure prévue par la loi. Or, sans l’intervention des tribunaux pour sanctionner une modification
unilatérale du contrat, ce principe demeure un vœu pieux. Le contrat intelligent peut, dans certains cas,
renforcer l’application de ce principe, et ce, sans faire intervenir les tribunaux.
41
L’article 19 du Dahir des obligations et des contrats : La convention n'est parfaite que par l'accord des parties
sur les éléments essentiels de l'obligation… Les modifications que les parties apportent d'un commun accord à
la convention, aussitôt après sa conclusion, ne constituent pas un nouveau contrat, mais sont censés faire
partie de la convention primitive, si le contraire n'est exprimé.
26
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
registres sur la chaîne, les parties sont sûres qu’aucune modification n’a été
apportée.42
Le législateur marocain n’a pas toujours mis en œuvre un cadre normatif qui régit ce
44
type de contrat , cependant la liaison entre la signature électronique qui dispose
déjà d’une loi spécifique qui l’encadre à savoir celle du Dahir n° 1-07-129 du 19
kaada 1428 (30 novembre 2007) portant promulgation de la loi n° 53-05 relative à
l’échange électronique de données juridiques, et la méthode des contrats intelligents
représentant toutes les deux une bonne solution pour maintenir la transparence.
42
Maria Ivone Godoy , La reconnaissance juridique des contrats intelligents face à la réglementation globale
des technologies Faculté de Droit Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de Maître en Droit (LLM),
option Droit des technologies de l’information Avril 2019.
43
BLOCKCHAIN ET CONTRAT COMMERCIAL (murielle-cahen.com) Consulté le 13.06.2023 à 13h08.
44
Sans oublier que le Maroc peut se positionner leader en l’utilisation de la Blockchain comme étant une
innovation, dont les Smart contracts font partie, ainsi en introduisant les meilleures pratiques éprouvées
ailleurs. Nous avons le Groupe de La Banque Populaire à titre d’exemple qui font usage de cette technologie.
27
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
En sus , la transparence est un autre avantage clé des contrats intelligents. Grâce à la
technologie de la BC, les transactions effectuées dans un contrat intelligent peuvent
être enregistrées de manière transparente et immuable, permettant à toutes les parties
d'avoir une visibilité complète sur les transactions et les modifications apportées.
Cependant, pour que les contrats intelligents soient bien appliqués, il est nécessaire
d'avoir un cadre normatif adapté. Ce cadre normatif peut inclure des lois et des
réglementations spécifiques qui encadrent l'utilisation des contrats intelligents,
définissent les droits et obligations des parties, et clarifient les aspects juridiques liés
à leur utilisation. Un cadre normatif approprié permet d'établir la confiance et la
sécurité juridique nécessaires pour l'adoption et l'utilisation généralisées des contrats
intelligents.
28
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
nécessaire pour garantir leur bonne application et fournir une sécurité juridique aux
parties impliquées.
Autrement dit :
"Pendant des décennies, les chercheurs ont reconnu que la logique symbolique, tout comme le code logiciel,
peut réduire l'ambiguïté contractuelle en transformant les promesses en règles techniques objectivement
vérifiables. Parce que les contrats intelligents ne sont rien d'autre que des morceaux de logique exécutés de
manière déterministe, ils peuvent réduire la possibilité de mauvaise interprétation dans les cas où les parties
peuvent identifier de manière fiable des obligations de performance objectivement vérifiables."
45
Primavera De Filippi and Aaron Wright : Blockchain and the Law: The Rule of Code. [Cambridge, MA:
Harvard University Press, 2018. Note 8. Page 38.
46
Allatan NDORDJ : UNIVERSITÉ DE POITIERS FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES SOCIALES
ÉCOLE DOCTORALE DROIT ET SCIENCE POLITIQUE PIERRE COUVRAT — ED 088 THÉORIE DES
RISQUES ET TRANSFERT DE PROPRIÉTÉ COMPARAISON DES DROITS FRANÇAIS, DE L’OHADA
29
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
47
Selon l'article 269 du Code des obligations et des contrats , la force majeure est
définie comme un événement imprévisible que l'homme ne peut empêcher, tel que
des phénomènes naturels (comme les inondations, les sécheresses, les orages, les
incendies, les invasions de sauterelles), une invasion ennemie ou une action
gouvernementale, qui rendent impossible l'exécution de l'obligation.
Il ressort de cette définition que l'événement constitutif de force majeure doit être
principalement imprévisible au moment de la conclusion du contrat. Il est donc
exclu de considérer comme force majeure tout événement dont la survenance était
prévisible au moment de la conclusion du contrat. Cependant, il est difficile de
délimiter précisément ce qui est considéré comme un événement imprévisible en soi.
L'être humain reconnaît que son pouvoir est toujours limité face aux forces
naturelles et aux actions humaines, et cette prise de conscience influence
constamment ses activités. Comme l'a souligné un auteur, "rien n'est imprévisible,
que ce soit la guerre, un vol à main armée, une inondation, la foudre ou un incendie,
car des mots les désignent...".48 Du point de vue de l'existence de l'événement, aucun
cas de force majeure n'est réellement imprévisible, car tout événement existe.
En effet, la responsabilité des risques liés à un contrat repose généralement sur les
parties contractantes, car les erreurs et les fautes sont inhérentes à la nature humaine.
La gestion du risque contractuel dépend donc de la diligence et de la prudence des
parties impliquées. Cependant, dans le cas des contrats intelligents, la dynamique est
totalement différente. Les contrats intelligents sont entièrement automatisés et
programmés pour anticiper et traiter les risques de manière préétablie. Ces contrats
utilisent des protocoles informatiques pour exécuter automatiquement les termes et
les conditions du contrat, y compris la gestion des risques prédéfinis.
30
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
donné le manque actuel de règles spécifiques régissant les contrats intelligents, les
parties doivent prendre l'initiative de les encadrer contractuellement, ce qui
représente une forme d'autorégulation. Deuxièmement, le contrat reste la principale
méthode de gestion des risques, comme l'a souligné J.-M. Mousseron.49 Bien que le
contrat intelligent puisse réduire certains risques, il en crée également de nouveaux
qui doivent être encadrés par des clauses contractuelles qui ne peuvent pas être
programmées. Étant donné que, pour le moment du moins, un contrat intelligent ne
peut fonctionner sans un contrat traditionnel conclu dans le "monde réel", plusieurs
clauses peuvent être utilisées pour atténuer les risques liés à l'utilisation de ce
protocole informatique.50
49
J.-M. Mousseron, La gestion de risques par le contrat, RTD civ. 1988, p. 481.
50
Mustapha Mekki , Blockchain : l’exemple des smart contracts Entre innovation et précaution , Agrégé des
Facultés de droit Professeur à l’Université Paris 13 Co-directeur de l’IRDA Page 12.
51
Ibid Blockchain : l’exemple des smart contracts Entre innovation et précaution P. 9
31
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
responsabilité peut être insérée pour limiter la responsabilité d'une partie en cas de
dommages indirects ou de pertes financières. Une autre clause importante concerne
la résiliation du contrat en cas d'inexécution grave ou de manquement persistant
d'une partie aux termes du contrat. Notamment, pour une clause de résolution des
litiges , en cas de litige découlant du présent contrat, les parties conviennent de
recourir à la médiation avant d'engager une action en justice. La médiation sera
menée par un médiateur neutre et impartial, choisi d'un commun accord par les
parties. Si la médiation ne parvient pas à résoudre le litige dans un délai raisonnable,
les parties peuvent alors engager une action en justice devant les tribunaux
compétents. Les parties renoncent expressément à toute autre forme de résolution
des litiges, notamment à l'arbitrage.
Néanmoins , il est important de souligner que malgré ces avantages, les contrats
intelligents ne peuvent pas éliminer tous les risques. Ils nécessitent toujours une
supervision et une surveillance humaines pour garantir leur bon fonctionnement et
pour gérer les situations exceptionnelles qui ne peuvent être prévues à l'avance. C'est
pourquoi l'inclusion de clauses spécifiques dans les contrats intelligents est
essentielle pour prévoir les risques potentiels et établir des mécanismes appropriés
pour les gérer de manière efficace.
32
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
En effet, si l'on applique les articles 268 et 269 du Code des obligations et des
contrats (DOC)52, la gestion de l'imprévisibilité dans un contrat intelligent repose
principalement sur la première série de clauses contractuelles. Cependant, il
convient de noter que cette approche contractuelle n'est pas entièrement efficace. Il
est essentiel de rappeler que le contrat intelligent n'est pas véritablement
"intelligent". Il ne peut exécuter que ce que le programmeur a prévu qu'il fasse. Par
conséquent, lorsqu'il s'agit de l'imprévisibilité de la force majeure, cela signifie que
le contrat intelligent ne peut pas anticiper ou faire face à des événements qui n'ont
pas été prévus ou programmés à l'avance.
D’ailleurs , l'une des forces et des faiblesses du smart contract réside dans son
caractère automatique, qui peut engendrer des conséquences graves et irréversibles.
Étant donné l'existence de risques certains et incertains, les clauses contractuelles
ont pour objectif de limiter leur étendue et de répartir leur charge. Cela nécessite la
mise en place d'une forme de conformité numérique à travers un ensemble de
52
Article 268 : Il n'y a lieu à aucuns dommages-intérêts lorsque le débiteur justifie que l'inexécution
ou le retard proviennent d'une cause qui ne peut lui être imputée, telle que la force majeure, le cas
fortuit ou la demeure du créancier.
Article 269 : La force majeure est tout fait que l'homme ne peut prévenir, tel que les phénomènes
naturels (inondations, sécheresses, orages, incendies, sauterelles), l'invasion ennemie, le fait du
prince, et qui rend impossible l'exécution de l'obligation. N'est point considérée comme force
majeure la cause qu'il était possible d'éviter, si le débiteur ne justifie qu'il a déployé toute diligence
pour s'en prémunir. N'est pas également considérée comme force majeure la cause qui a été
occasionnée par une faute précédente du débiteur.
53
Blockchain : l’exemple des smart contracts Entre innovation et précaution Mustapha Mekki
Agrégé des Facultés de droit Professeur à l’Université Paris 13 Co-directeur de l’IRDA Page 12.
33
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
On en vient alors aux clauses de répartition des risques, qui peuvent prendre
différentes formes, telles que des clauses limitatives de responsabilité, des clauses
pénales ou des clauses de prise en charge de certains risques. Parallèlement aux
clauses gérant l'imprévu, il est également envisageable qu'un autre smart contract
puisse suspendre ou court-circuiter un smart contract sanction en cas de contestation
ou de risques de dommages irréversibles. Cependant, cette possibilité est plus
réalisable dans une BC privée que dans une BC publique.
En conclusion, la gestion des risques dans les contrats traditionnels implique la mise
en place de clauses spécifiques pour limiter les conséquences indésirables et répartir
les responsabilités. Cependant, avec les contrats intelligents, de nouveaux défis se
posent, notamment en matière de confidentialité. Cela sera exploré plus en détail
dans le prochain chapitre.
54
Le principe de Privacy By Design se retrouve au cœur du Règlement Général pour la Protection des
Données (RGPD). L’article 25 de ce cadre législatif qui a pour but de protéger la vie privée des
citoyens européens, intitulé « Protection des données dès la conception et protection des données par
défaut » prévoit ce principe dit de Privacy by Design, Ce principe de Privacy by Design implique
de protéger les données personnelles dès la conception. Cela signifie que les entreprises ont
désormais l’obligation d’intégrer ce principe de protection des données à caractère personnel dès la
mise en œuvre de projets impliquant un traitement de données au sein d’une structure. Qu'est-ce
le Privacy By Design ? (donnees-rgpd.fr) Déf retraite du site en 25 juin 2023.
55
Op,Cit p.13
34
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
approfondie sur les cadres juridiques existants et leur adaptation aux nouvelles
réalités technologiques.
56
la loi n° 17-97 sur la propriété industrielle.
35
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Cette approche structurée nous permettra d'examiner en détail les enjeux juridiques
et les défis spécifiques au Maroc dans ces deux domaines interconnectés, en tenant
compte des lois marocaines sur la propriété industrielle et intellectuelle.
D'ailleurs, parmi les créations issues d'un traitement par intelligence artificielle, on
peut schématiquement distinguer deux types de "créations IA". En premier lieu, les
créations assistées par ordinateur, qui restent indépendantes du logiciel utilisé,
l'intelligence artificielle ne jouant qu'un rôle d'outil au sein du processus créatif,
lequel est supervisé par un être humain. En second lieu, les créations générées
spontanément par l'intelligence artificielle, qui résultent du logiciel sans qu'une
intervention humaine déterminante n'ait lieu au moment de la création. Certains
estiment même que dans ce cas précis, "c'est essentiellement le programmeur et la
machine qui vont générer l'œuvre finale", voire vont jusqu'à considérer que
l'intelligence artificielle renferme son propre processus créatif. 57
Cette diversité dans les "créations IA" nécessite une approche au cas par cas pour
déterminer la nature de chaque création générée par le biais de ces intelligences
artificielles, ainsi que l'influence, le cas échéant, des différents intervenants,
principalement les auteurs des données en entrée, le programmeur (c'est-à-dire le
concepteur de la base d'apprentissage), et l'utilisateur.
57
Georgie Courtois, Avocat Associé, De Gaulle Fleurance & Associés Jean-Sébastien Mariez, Avocat Associé, De
Gaulle Fleurance & Associés Jeanne Roussel, Avocate, De Gaulle Fleurance & Associés : Intelligence artificielle
et droit d’auteur. Page 2.
36
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Au Maroc, il n'a pas toujours été possible de mettre en place une loi spécifique qui
accorde une reconnaissance totale de la protection du droit d'auteur pour les
programmes d'IA. Cependant, la Loi nº 34-05 modifiant et complétant la Loi nº 2-00
relative aux droits d'auteur et aux droits voisins contient des dispositions pertinentes
à cet égard. En disposant dans son deuxième article58 que tout auteur bénéficie des
droits prévus par la loi sur son œuvre littéraire ou artistique. De plus, la protection de
ces droits commence dès la création de l'œuvre, même si elle n'est pas fixée sur un
support matériel.59 Ainsi , l'article 3 de ladite loi élargit l'application de cette
législation aux œuvres littéraires et artistiques, y compris les programmes
d'ordinateur. Cela soulève la question de savoir si les programmes d'ordinateur
peuvent être considérés comme des œuvres créées par des IA, et si l'article 3 peut
s'appliquer à de telles créations.
En fin de compte, la question cruciale à se poser dans ce contexte est de savoir si les
programmes d'ordinateur générés par des IA peuvent être considérés comme des
œuvres protégées par le droit d'auteur, et si les dispositions de l'article 3 dudite loi
sont applicables à de telles situations. En sus , les créations réalises par le biais
d’une intelligence artificielle, susceptibles de recevoir la qualification d’œuvres ?
58
Article 3 mentionne que : La présente loi s'applique aux œuvres littéraires et artistiques (ci-après
dénommées « œuvres ») qui sont des créations intellectuelles originales dans le domaine littéraire et
artistique, telles que: ….. b. les programmes d'ordinateur ; ….etc.
59
Article 2 de la Loi nº 34-05 promulguée par Dahir nº 1-05-192 du 14 février 2006, modifiant et complétant la
Loi nº 2-00 relative au droits d’auteur et droits voisins. Tout auteur bénéficie des droits prévus dans la présente
loi sur son œuvre littéraire ou artistique. La protection résultant des droits prévus au précédent alinéa (ci-
après, dénommée « protection ») commence dès la création de l'œuvre, même si celle-ci n'est pas fixée sur un
support matériel.
37
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
En effet, contrairement à notre pays, certaines nations telles que les États-Unis,
l'Australie et le Royaume-Uni ont déjà opté pour la protection des créations générées
par l'IA par le biais du droit d'auteur.
Cependant, il est important de noter que certains observateurs regrettent que les
investissements financiers et humains consentis pour le développement et
l'utilisation de technologies innovantes et créatives ne soient pas suffisamment
récompensés par l'octroi d'un droit exclusif. Cela est particulièrement préoccupant
pour des acteurs tels que les éditeurs et les agences de presse, qui de plus en plus,
ont recours à l'IA pour générer du contenu, en raison de sa fiabilité et de son
efficacité économique. Ils contribuent ainsi à la tendance générale de
l'automatisation de la production d'informations. Les coûts associés au
développement, à l'acquisition, à l'utilisation et à la maintenance de cette technologie
peuvent être considérables, et l'absence de protection spécifique peut priver les
investisseurs de rendements adéquats. Dans ce contexte, une solution pourrait
60
Op,cit, Georgie Courtois, Page 2.
38
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
consister à créer un droit sui generis qui permettrait de récompenser l'effort financier
et matériel consenti et de garantir un retour sur investissement approprié. 61
Lorsque l'humain se sert de l'assistance d'une machine pour créer, l'utilisation d'un
outil, qu'il s'agisse d'un logiciel ou d'un autre type d'outil, ne remet pas en question
la reconnaissance du caractère original de l'œuvre qui en découle. À ce titre, la cour
d'appel de Douai a clairement statué que l'utilisation d'une machine n'était
"évidemment pas de nature à faire perdre à l'œuvre considérée son caractère
d'originalité et de nouveauté."62 Cette jurisprudence a été réaffirmée à plusieurs
reprises par l'OMPI, l'UNESCO, et le TGI de Paris. 63 De plus, la cour d'appel de
Bordeaux a également jugé en 2005 qu'une œuvre de l'esprit créée à partir d'un
système informatique serait protégeable dès lors que même une once d'originalité
souhaitée par son créateur serait perceptible. 64
Cependant, la situation est différente pour les créations qui ne sont pas simplement
assistées par un ordinateur, mais générées entièrement par le programme lui-même.
Dans ce contexte, l'humain n'intervient que pour initier le processus de création,
mais n'a aucun contrôle sur l'exécution du processus lui-même. Dans de tels cas, ce
n'est pas une personne physique qui effectue l'acte matériel de création, ce qui
soulève la question de l'existence d'un auteur-créateur.
En vertu de l'article premier de la loi sur le droit d'auteur, l'auteur est clairement
défini comme étant une personne physique, excluant ainsi les machines ou les robots
en tant qu'auteurs potentiels. Cette définition restrictive limite donc le champ
d'application du droit d'auteur en ce qui concerne les créations générées par des IA.
L'article précise que l'auteur est la personne physique qui a créé l'œuvre, et toute
61
Ibid , Page 3.
62
CA Douai, 4 déc. 1964 LNF c. Ass. USVA, Ann. 1965, 218. 1. Cité par : André R Bertrand, Le droit d’auteur:
[histoire, évolution, nature, relation avec les autres droits privatifs, conditions de protection-œuvres
protégeables, champ de la protection, droits et responsabilités des auteurs, titularité des droits d’auteurs,
exploitation des œuvres, défense des droits d’auteur, droit d’auteur international], 3. éd, coll Dalloz action,
Paris, Dalloz, 2010. § 103.24.
63
TGI Paris, 1re ch., 1re sect., 5 juill. 2000, Matt Cooper et al. c. Sté Ogilvy et al. ; M. Raingeart de la Bletiere,
prés. et Mmes Nesi et Dallery, juges ; SCP Schmidt et Goldgrab, Wekstein, SCP Coblence, Ennochi, Jaraud, av. :
Juris-Data n° 130310.
64
Claudia Gestin-Vilion , La protection par le droit d’auteur des créations générées par intelligence artificielle
Mémoire Maîtrise en droit Université Laval Québec, Canada Maître en droit (LL.M.) et Université Paris-Saclay
Sceaux, France Master 2 (M2) © Claudia Gestin-Vilion, 2017 Page 25.
39
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
référence à des droits patrimoniaux dans la loi s'applique aux titulaires originaux de
ces droits, qu'ils soient des personnes physiques ou morales distinctes de l'auteur.
Cette disposition rend la protection du droit d'auteur pour les créations générées par
des IA pratiquement impossible en vertu de cette loi.
Pour résoudre cette exclusion des créations générées par l'IA en matière de droit
d'auteur, certaines voix ont avancé l'idée d'attribuer une personnalité juridique à l'IA.
Cela permettrait de lui donner un patrimoine et de lui accorder des droits et des
privilèges normalement réservés aux personnes physiques. Cependant, cette
proposition, bien qu'elle gagne en popularité parmi certains auteurs, se heurte à de
nombreuses difficultés.
En d'autres termes, cette solution proposée pour remédier à l'exclusion des créations
générées par l'IA du droit d'auteur, à savoir l'attribution d'une personnalité juridique
à l'IA, se heurte à de nombreuses difficultés.
65
Une expérience au cours de laquelle Pleo, un dinosaure robotisé se faisait maltraiter par des humains a conduit
Kate Darling, chercheuse au MIT, à envisager la nécessité d’accorder une protection juridique aux robots sociaux
« non pour eux-mêmes mais au bénéfice des humains » : Lucia Sillig, « Donnons des droits aux robots », Le Monde
science et techno (17 février 2013). Pamela Mc Corduck, auteure de « Machines who think », établit, quant à elle,
un parallèle entre le déni de personnalité juridique aux robots aujourd’hui et la privation de droits des femmes au
19e siècle, au prétexte qu’elles ne possédaient pas un corps masculin. (« Pamela McCorduck has noted that the
structure-based argument against recognition of artificially intelligent machines as persons resembles nothing as
clearly as the nineteenth-century assertions that women were inherently incapable of cognition for lack of a male
body »), dans Willick, supra, note 9.
40
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
vulnérables telles que les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées.
Cette approche pourrait résoudre relativement facilement la question de la
qualification des créations générées par une IA en tant qu'œuvres. En effet, si l'IA
créatrice se voyait attribuer une personnalité juridique, il suffirait alors de
déterminer si la création répond à l'exigence d'originalité pour ouvrir la porte du
droit d'auteur à ces créations.66
Si cette solution n'était guère envisageable il y a une vingtaine d'années, elle gagne
aujourd'hui du terrain parmi les experts juridiques et a même été prise en
considération dans la résolution du Parlement européen précédemment mentionnée.
Cette résolution "demande à la Commission (...) d'évaluer et de prendre en compte
les conséquences de toutes les solutions juridiques envisageables, telles que (...) la
création, à terme, d'une personnalité juridique spécifique aux robots, pour qu'au
moins les robots autonomes les plus sophistiqués puissent être considérés comme
des personnes électroniques responsables, tenues de réparer tout dommage causé à
un tiers. Il serait envisageable de conférer la personnalité électronique à tout robot
qui prend des décisions autonomes ou qui interagit de manière indépendante avec
des tiers."67
Bien que cette proposition ait initialement pour objectif de résoudre la délicate
question de la responsabilité en cas de dommages causés par un robot intelligent,
l'attribution d'une personnalité juridique à celui-ci aura des implications dans
d'autres domaines du droit. Elle pourrait également renforcer les arguments de la
doctrine favorable à la reconnaissance de droits d'auteur au profit de l'IA. Des
indications de ces revendications se retrouvent d'ailleurs dans un document qui
présente des suggestions pour un livre vert concernant les questions juridiques
soulevées par la robotique. Cependant, il semble que les partisans de l'attribution
d'une personnalité juridique à l'IA restent une minorité, et la prudence semble
prédominer parmi les auteurs qui ont jusqu'à présent examiné cette question. En
effet, cette solution semble risquée et, dans tous les cas, prématurée.
66
Ibid , Claudia Gestin-Vilion, Page 30.
67
Parlement Européen, Règles de droit civil sur la robotique. Résolution du Parlement européen du 16
février 2017 contenant des recommandations à la Commission concernant des règles de droit civil sur
la robotique (2015/2103(INL), P8_TA-PROV(2017)0051, février 2017.
41
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Tout d'abord, l'idée d'attribuer une personnalité juridique aux "robots autonomes
intelligents", comme évoqué par le Parlement européen, ne semble tout simplement
pas pertinente. Si l'on examine les critères définis dans la proposition du Parlement
pour qualifier un robot, on constate que celle-ci dépend de cinq conditions :
"l'acquisition d'autonomie grâce à des capteurs et/ou à l'échange de données avec
l'environnement (interconnectivité) et à l'échange et à l'analyse de ces données ; la
capacité d'auto-apprentissage par l'expérience et les interactions (critère facultatif)
; l'existence d'une enveloppe physique, même réduite ; la capacité d'adaptation de
son comportement et de ses actes à son environnement ; le caractère non vivant au
sens biologique du terme."
Cela dit, les obstacles à l'octroi d'une personnalité juridique aux robots, qu'ils
soient virtuels ou physiques, demeurent inchangés. Tout d'abord, cette approche
conduirait à la création d'une troisième catégorie, se situant à l'intersection de la
distinction fondamentale entre les biens et les personnes, et risquerait ainsi
d'introduire une forme de hiérarchisation parmi les biens, ce qui pourrait engendrer
des incertitudes juridiques. Où serait tracée la ligne de démarcation entre les biens
intelligents et ceux qui ne le sont pas ? En effet, le degré et la nature de
"l'intelligence" de ces programmes varient considérablement, dépendant uniquement
du logiciel d'IA et de son niveau de sophistication. À partir de quel moment
pourrait-on considérer qu'un programme est suffisamment intelligent pour mériter
une personnalité juridique ?68
68
Ibid, Claudia Gestin-Vilion, Page 34.
42
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
69
Op, cit.
43
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
question, nous pouvons nous référer à l'article 3 de la loi 34-05 relative aux droits
d'auteur et aux droits voisins.
44
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
ChatGPT produit du contenu textuel, et ce contenu pourrait être protégé par le droit
d'auteur s'il répondait à certaines conditions, tout comme le serait un contenu créé
par un être humain. Cependant, étant donné que ChatGPT est une intelligence
artificielle, des questions complexes se posent concernant la propriété intellectuelle,
en particulier le droit d'auteur. Pour explorer ce sujet en profondeur, nous allons
aborder quatre questions importantes et y répondre.
Question 1 : Les contenus textuels produits par ChatGPT peuvent-
ils bénéficier de la protection du droit d'auteur ?
Réponse : Il semble que non. Pour qu'une œuvre soit protégée par le droit d'auteur,
elle doit être originale, reflétant ainsi la personnalité de son créateur. Cependant, une
IA ne semble pas avoir l'autonomie nécessaire pour prendre des décisions libres et
créatives, et par conséquent, elle ne peut pas véritablement laisser transparaître
l'empreinte de sa personnalité. De plus, la jurisprudence établit que la qualité
d'auteur est réservée aux personnes physiques. Toutefois, pourrait-on envisager un
scénario dans lequel un texte est créé avec l'assistance de ChatGPT : l'IA génère un
contenu qui est ensuite modifié par une personne physique. Quelle serait la situation
dans un tel cas ?71
Quand j'ai posé la question à chat gpt il a répondu comme ceci : les contenus que tu
génères sont-ils protégés par le droit d'auteur?
Non, les contenus que je génère ne sont pas protégés par le droit d'auteur. Mon
fonctionnement est basé sur des modèles de langage pré-entraînés et sur la
combinaison de données textuelles existantes pour générer des réponses et du
contenu textuel en fonction des requêtes des utilisateurs. En conséquence, les textes
que je produis ne sont pas considérés comme originaux au sens du droit d'auteur, car
ils ne reflètent pas l'empreinte de la personnalité d'un auteur humain et ne sont pas
créés de manière autonome et créative. Les droits d'auteur sont généralement
70
CLARA WLOTYKAMIEN : « Chat GPT et la Propriété intellectuelle » CZ FORMATIONS ,article extrait de
Linkedin. Page 1.
71
Ibid, CLARA WLOTYKAMIEN .
45
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
réservés aux œuvres originales créées par des personnes physiques ou, dans certains
cas, par des entités légales.
Cela peut sous-entendre une propriété initiale d'OpenAI sur les contenus générés par
ChatGPT, même si ces contenus ne semblent pas être protégés par le droit d'auteur
(voir question 1). De plus, ces contenus pourraient en réalité être la propriété
d'auteurs tiers dont les données ont été utilisées pour l'entraînement de ChatGPT. Par
conséquent, l'utilisateur doit être prudent en ce qui concerne les créations
préexistantes d'auteurs tiers. En outre, il est important de noter qu'OpenAI décline
toute garantie en cas de contrefaçon, ce qui renforce la nécessité d'une prudence
accrue lors de l'utilisation de ces contenus.
De même , je lui ai posé ‘chatgpt’ la même question comme suivant : qui est
72
propriétaire du contenu que tu génères ?
Sa réponse était la suivante : Le contenu que je génère, en tant qu'IA développée par
OpenAI, est soumis aux conditions d'utilisation établies par OpenAI. Conformément
à ces conditions, dans la mesure permise par la loi, les droits sur les contenus
générés sont généralement cédés à l'utilisateur qui interagit avec moi. Cela signifie
que l'utilisateur est généralement considéré comme le détenteur initial des droits sur
le contenu que je produis en réponse à ses requêtes.
Cependant, il est essentiel de noter que ces conditions d'utilisation comportent des
restrictions, notamment l'interdiction de faire passer le contenu comme s'il avait été
créé par un être humain ou d'utiliser le contenu de manière illégale. De plus, il est
72
Op cit , CLARA WLOTYKAMIEN .
46
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
possible que le contenu généré puisse être basé sur des données préexistantes, ce qui
peut soulever des questions de propriété intellectuelle supplémentaires.
Selon les termes des conditions d'utilisation, les droits sur les contenus produits par
ChatGPT sont généralement transférés à l'utilisateur (comme mentionné dans la
question 2). Cependant, une question importante se pose lorsque le contenu généré
s'avère être en réalité l'œuvre d'un tiers, en tout ou en partie. Dans un tel scénario, le
titulaire des droits sur cette œuvre doit non seulement donner son accord pour
l'utilisation effectuée par ChatGPT, mais il doit également autoriser l'exploitation
par l'utilisateur. Cette situation peut devenir complexe, car il peut être difficile de
déterminer si le contenu est une création de ce dernier ou une œuvre tierce. Par
conséquent, il est impératif d'exercer une diligence raisonnable pour identifier
l'origine du contenu avant de l'exploiter.73
En sus , comment doit-on citer et référencer les réponses que vous fournissez dans
un ouvrage lorsque l'on utilise votre contenu ?
73
Op, cit CLARA WLOTYKAMIEN.
47
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Respect des droits d'auteur : Gardez à l'esprit que, conformément aux conditions
d'utilisation et aux droits d'OpenAI, il est généralement interdit de faire passer le
contenu généré comme s'il avait été créé par un être humain. Assurez-vous donc que
votre utilisation du contenu généré respecte les conditions d'utilisation.
Conformément aux termes et conditions d'utilisation d'OpenAI, il est indiqué que "Si
vous pensez que vos droits de propriété intellectuelle ont été violés, veuillez envoyer
un avis à l'adresse ci-dessous." Cela suggère que les auteurs lésés pourraient
envisager de prendre des mesures légales à la fois contre OpenAI pour avoir permis
la génération de contenu contrefaisant, ainsi que contre l'utilisateur pour avoir utilisé
ce contenu contrefaisant. Cependant, la manière dont ces affaires seraient résolues
dépendrait des circonstances spécifiques et des lois en vigueur dans la juridiction
48
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Sa réponse était : Si le contenu que je génère contrefait une œuvre existante, les
mesures légales appropriées dépendront des circonstances spécifiques et des lois
applicables dans votre juridiction. Voici quelques considérations générales sur les
personnes ou entités contre lesquelles vous pourriez envisager d'agir en cas de
contrefaçon présumée :
74
Op,cit CLARA WLOTYKAMIEN.
49
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
abordent timidement la question de la titularité des droits sur les créations générées
par une IA, en suggérant que l'utilisateur pourrait en être le titulaire, tout en laissant
la porte ouverte à une contribution créative du programmeur : "Le programmeur (la
personne qui établit les programmes) ne pourrait être considéré comme coauteur que
si sa contribution à l'œuvre atteste un tel effort de création." Cette formulation laisse
entendre que si le programmeur démontre un effort créatif, il pourrait être reconnu
comme coauteur, mais sans nécessairement obtenir une titularité exclusive des
75
droits.
La Cour d'appel de Bordeaux a émis une décision sujette à interprétation sur ce
sujet, en déclarant que "une œuvre de l'esprit créée à partir d'un système
informatique sera protégeable si apparaît, même de façon minime, l'originalité qu'a
voulu apporter son concepteur." Cette décision soulève la question de savoir si
l'originalité introduite par le programmeur dans le logiciel peut influencer les œuvres
de l'esprit qui en résultent.
Cependant, d'autres estiment que l'octroi d'un droit d'auteur au programmeur pour
les créations générées par une IA pourrait étendre de manière excessive la portée du
droit d'auteur. Le programmeur est indéniablement l'auteur d'une œuvre, mais celle-
ci réside dans le logiciel de l'IA, qui bénéficie déjà d'une protection (à condition qu'il
soit original). Le code de l'IA ne se retrouve pas directement dans la création finale,
ce qui exclut généralement la qualification d'œuvre dérivée. Par conséquent, le lien
entre le programmeur et les créations générées par le logiciel de l'IA est souvent
75
Claudia Gestin-Vilion , La protection par le droit d’auteur des créations générées par intelligence artificielle
Mémoire Maîtrise en droit. Université Laval Québec, Canada Maître en droit (LL.M.) et Université Paris-Saclay
Sceaux, France Master 2 (M2) ©, 2017 Page 68.
76
Le Copyright Act anglais vient au soutien de cette proposition car il prévoit dans son article 9.3 que « dans le
cas d’une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique qui est générée par ordinateur, l’auteur sera
considéré comme la personne qui prend les dispositions nécessaires pour la création de l’œuvre ».
50
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
considéré comme distant, car l'empreinte de sa personnalité est absente des créations
de l'IA, qui résultent principalement de calculs et de choix aléatoires.
Un exemple futur lié au débat sur la titularité des droits dans le domaine du droit
d'auteur pourrait concerner les œuvres d'art générées par des IA autonomes ou des
robots créatifs. Imaginons une IA artistique avancée capable de créer des peintures,
des sculptures ou des compositions musicales de manière autonome, sans
intervention humaine significative.
D'un autre côté, d'autres pourraient estimer que l'IA elle-même, en tant qu'entité
autonome, devrait être considérée comme le créateur véritable et le titulaire des
droits d'auteur sur les œuvres qu'elle génère, car ces œuvres résultent principalement
de ses propres processus de calcul et de décision, avec une intervention minimale du
programmeur après le paramétrage initial.
Il est tout à fait possible pour un artiste d'utiliser un robot intelligent dans le cadre
d'une création artistique qui porte clairement l'empreinte de sa personnalité. Bien
que la frontière puisse être floue entre la création assistée par IA et la création
générée par IA, il est essentiel de faire cette distinction et de ne pas exclure
automatiquement la possibilité de reconnaître l'originalité d'une œuvre dès lors qu'un
robot intelligent a participé au processus créatif. Selon les principes du droit
d'auteur, le contrôle de cette originalité relève de l'appréciation souveraine des juges
du fond. Ils doivent préciser en quoi la création démontre une contribution
intellectuelle de l'auteur, caractérisant ainsi une œuvre originale. En effet,
l'originalité ne peut être généralisée à un genre particulier d'œuvres et doit être
évaluée au cas par cas. Dans certains cas, l'originalité pourrait être plus facilement
51
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
a. De réclamer la paternité de son œuvre, notamment le droit d'inscrire son nom sur
les exemplaires de son œuvre et, dans la mesure du possible et conformément aux
pratiques habituelles, en lien avec toute utilisation publique de son œuvre.
77
Ibid, Claudia Gestin-Vilion.
78
Ibid, Claudia Gestin-Vilion , Page 81.
52
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Par conséquent, pourquoi ne pas envisager que si un droit moral doit être attribué au
programmeur sur les créations résultant de son programme, son régime pourrait être
aligné sur le droit moral des auteurs de programmes d'ordinateur ?79 Accorder au
programmeur ce régime serait déjà une solution généreuse et plus cohérente avec sa
contribution personnelle par rapport au fait de lui octroyer des droits sur des
créations qui seraient essentiellement étrangères à son acte de création initial.
De plus, attribuer aux créations générées par une IA les prérogatives de droit moral
du droit commun du droit d'auteur serait pratiquement impossible, principalement en
raison de l'ignorance de l'artiste quant à l'existence de ces créations produites par sa
machine. Plus particulièrement, comment pourrait-on mettre en œuvre le droit au
respect et le droit de repentir, étant donné que de tels droits ne pourraient pas être
exercés par l'artiste sur le programme générateur des créations ?
79
Ibid , Claudia Gestin-Vilion ,Page 82.
53
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
par son programme, ce qui rendra impossible son autorisation de divulgation. Une
solution possible serait de conclure à l'épuisement du droit de divulgation lors de la
première communication au public du logiciel. Cette solution pourrait se justifier car
le régime de protection des créations générées par IA attribuées au programmeur
serait similaire à celui du programme lui-même, et parce que ce droit serait
autrement inapplicable une fois que le logiciel quitte les mains du programmeur. 80
En ce qui concerne les articles pertinents de la loi déjà précitées , l'article 4081
prévoit que l'auteur d'une œuvre peut accorder des licences pour permettre à d'autres
personnes d'exercer les droits patrimoniaux associés à cette œuvre. Ces licences
peuvent être exclusives ou non exclusives. Une licence non exclusive permet à son
titulaire d'exercer les droits concédés en même temps que l'auteur et d'autres
titulaires de licences non exclusives. Une licence exclusive donne à son titulaire le
droit exclusif d'exercer les droits concédés, à l'exclusion de tous les autres, y
compris l'auteur lui-même.
Cependant, l'article 4382 de la même loi précise que lorsque l'auteur cède l'original
ou une copie de son œuvre par voie de vente, il n'est réputé avoir cédé aucun de ses
droits patrimoniaux ni avoir accordé de licence pour l'exercice de ces droits, sauf
stipulation contraire du contrat. Cela signifie que, par défaut, la cession de l'original
ou d'une copie d'une œuvre n'entraîne pas la cession des droits patrimoniaux de
80
Ibid, Claudia Gestin-Vilion.
81
Article 40 de la loi 34-05 : L'auteur d'une œuvre peut accorder des licences à d'autres personnes
pour accomplir des actes visés par ses droits patrimoniaux. Ces licences peuvent être exclusives ou
non exclusives. Une licence non exclusive autorise son titulaire à accomplir, de la manière qui lui est
permise, les actes qu'elle concerne en même temps que l'auteur et d'autres titulaires de licences
non exclusives. Une licence exclusive autorise son titulaire, à l'exclusion de tout autre, y compris
l'auteur, à accomplir, ……, les actes qu'elle concerne.
82
Article 43 de la loi 34-05 : L'auteur qui transmet par aliénation l'original ou un exemplaire de son
œuvre n'est réputé, sauf stipulation contraire du contrat, avoir cédé aucun de ses droits
patrimoniaux, ni avoir accordé aucune licence pour l'accomplissement des actes visés par des droits
suite ; patrimoniaux. Nonobstant l'alinéa précédent, l'acquéreur légitime d'un original ou d'un
exemplaire d’une œuvre, contraire du contrat,Le droit prévu au deuxième alinéa ne s'étend pas aux
personnes qui sont entrées en possession d'originaux ou d'exemplaires d'une œuvre par voie de
location ou de tout autre moyen sans en avoir acquis la propriété.
54
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
l'auteur. Néanmoins, l'acquéreur légitime d'un original ou d'une copie d'une œuvre a
le droit de présenter cet original ou cette copie directement au public, sauf
stipulation contraire du contrat. Ce droit ne s'applique pas aux personnes qui sont en
possession d'originaux ou de copies d'une œuvre par le biais de la location ou
d'autres moyens sans en avoir acquis la propriété.
Ces articles peuvent être interprétés de la manière suivante dans le contexte des
programmeurs d'IA : Lorsqu'un programmeur conçoit un logiciel IA et cède des
licences d'utilisation de ce logiciel, il peut conserver les droits patrimoniaux sur les
créations générées par le logiciel, sauf si le contrat de licence stipule le contraire.
Cependant, une fois que le logiciel quitte les mains du programmeur, il peut devenir
difficile pour lui d'exercer ces droits sur les créations générées par le logiciel. La
première communication au public du logiciel pourrait être considérée comme
épuisant le droit de divulgation en ce qui concerne les créations générées par le
logiciel, car le programmeur perd généralement le contrôle sur ces créations à ce
moment-là.
Pour conclure , si des droits d'auteur sont attribués aux créations générées par une
IA, ces droits seront nettement plus limités que ceux accordés en vertu du droit
d'auteur traditionnel. Il est essentiel de faire une distinction entre les créations
assistées par IA et celles générées par IA. Dans le premier cas, lorsqu'un artiste
utilise un robot intelligent sans que cela ne réduise son apport créatif ni l'empreinte
de sa personnalité, il conserve un droit d'auteur complet qui ne nécessite aucune
modification par rapport au régime du droit d'auteur standard, tant que les conditions
légales sont remplies.
Cependant, dans le cas des créations générées par IA, où l'utilisateur est
généralement distinct du programmeur, la titulature des droits d'auteur reste
principalement entre les mains du programmeur. Dans ce scénario, le droit moral du
programmeur sur les créations générées par son programme serait encore plus
restreint que celui généralement accordé sur la conception d'un programme
informatique. Il se limiterait généralement au droit de paternité, sauf dans les cas où
le programmeur conserve un contrôle total sur le logiciel, auquel cas un droit de
divulgation pourrait s'ajouter. Les droits patrimoniaux seraient également limités,
car ils ne pourraient être exercés que si le programmeur maintient le contrôle total de
son logiciel et ne concède pas de licences d'utilisation à des tiers. Lorsque des
55
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
83
Il existe un équivalent de la Convention de Berne (droit d’auteur) pour les brevets: la Convention de Paris
pour la protection de la propriété industrielle (1883). Néanmoins, en vertu de ce texte, chaque État conserve le
pouvoir discrétionnaire d'accorder ou non un brevet en fonction de ses propres critères et procédures
nationaux. Ainsi, la Convention de Paris établit une coopération internationale sans imposer une obligation
d'harmonisation automatique des décisions en matière de brevets entre les États parties.
84
Soleïca Monnier , Université de Montréal La propriété intellectuelle applicable aux systèmes d’intelligence
artificielle .Faculté de droit Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade LL.M. Legum Magister — maîtrise
en droit des technologies de l’information Mars 2022 ©, 2022 Page 75.
56
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
En plus de l'article 2 qui précise que la propriété industrielle a une portée très large
et s'applique non seulement à l'industrie, au commerce et aux services, mais englobe
également toute production relevant des secteurs des industries agricoles et
extractives, ainsi que tous les produits fabriqués ou naturels tels que les animaux, les
minéraux et les boissons.85
En effet , pour qu'une invention soit brevetable, plusieurs conditions doivent être
remplies :
A. Nouveauté : L'invention doit être nouvelle, ce qui signifie qu'elle ne doit pas
avoir été divulguée sous quelque forme que ce soit, que ce soit par les inventeurs
85
Dahir n° 1-00-19 du 9 Kaada 1420 (15 Février 2000) portant promulgation de la loi n°17-97 RELATIVE À LA
PROTECTION DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE.
57
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
eux-mêmes ou par des tiers, que ce soit par publication, communication orale,
poster, etc. Dans le cas où une invention, développée lors d'un travail de doctorat,
nécessite un dépôt de brevet, il est nécessaire de tenir la soutenance soit à huis clos,
soit partiellement à huis clos. Les rapporteurs peuvent avoir connaissance du travail
à protéger après avoir signé un accord de confidentialité.
B. Activité inventive : Cette condition est la plus complexe à évaluer. Elle se définit
comme suit : "Toute invention est considérée comme inventive si elle ne découle
pas de manière évidente de l'état de la technique pour une personne du métier."
Cette condition vise à éviter que des droits exclusifs entravent le développement
technique normal et routinier.
En effet , L'article 2386 précise qu'il existe des exceptions à ce qui peut être
considéré comme une invention en matière de brevets. Ces exceptions incluent les
découvertes, les théories scientifiques et les méthodes mathématiques, ainsi que les
créations esthétiques. Ces dernières, en particulier, sont souvent associées à des
problèmes mathématiques, ce qui les rend abstraites ou théoriques.
Cependant, il est important de noter que le simple fait qu'une invention soit mise en
œuvre sur un support électronique, comme un ordinateur, ne signifie pas
nécessairement qu'elle ne peut pas être brevetée. En d'autres termes, le support
électronique en soi n'est pas un obstacle à la brevetabilité, mais les limitations liées à
des concepts abstraits ou théoriques continuent de s'appliquer.
86
Article 23 de la LOI N° 17-97 RELATIVE À LA PROTECTION DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE : Ne sont pas
considérées comme des inventions au sens de l'article 22 ci-dessus: 1) les découvertes ainsi que les théories
scientifiques et les méthodes mathématiques; 2) les créations esthétiques; 3) les plans, principes et méthodes
dans l'exercice d'activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques, ainsi
que les programmes d'ordinateurs; 4) les présentations d'informations.
58
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
En résumé, selon la CAF, un algorithme seul ne peut pas être breveté car il est
abstrait et ne satisfait pas à l'exigence de « physicalité ». Pour être brevetable, un
algorithme doit être intégré dans une application pratique, faisant partie d'une
nouvelle combinaison d'éléments, cette combinaison étant alors brevetable.
1.2. Des exceptions similaires aux États-Unis et en Europe :
Bien que chaque État ait le pouvoir souverain de définir les conditions d'octroi des
brevets, l'exception prévue à l'article 27-8 de la LCB trouve des équivalents dans le
droit américain et européen.
Aux États-Unis, le United States Code (USC), qui intègre le United States Patent
Act, énonce de manière générale les conditions de brevetabilité d'une invention et de
ses catégories, de manière similaire à l'article 2 de la LCB :88
Les principes développés par la jurisprudence américaine pour interpréter cet article
sont comparables à ceux du Canada, en particulier depuis l'arrêt Alice Corp de 2014.
Dans cette affaire, quatre brevets avaient été déposés pour une méthode
commerciale mise en œuvre par un logiciel, ce qui a suscité des questions de
brevetabilité. La Cour suprême des États-Unis a établi un test en deux étapes pour
déterminer la brevetabilité de l'objet :
87
Soleïca Monnier , La propriété intellectuelle applicable aux systèmes d’intelligence artificielle.Faculté de droit
, Université de Montréal Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade LL.M. Legum Magister — maîtrise
en droit des technologies de l’information Mars 2022 ©. Page 75.
88
Op,cit 82.
59
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
a. Est-ce que l'objet est exclu en raison des "lois de la nature, des phénomènes
physiques et des idées abstraites" ?
b. Dans l'affirmative, la Cour évalue s'il existe une "activité inventive" suffisante
pour justifier la délivrance d'un brevet au-delà de l'objet non admissible en soi.
Ces motifs rappellent ainsi la décision de la Cour d'appel fédérale du Canada dans
l'affaire Schlumberger.
Au-delà des motifs, le raisonnement employé aux États-Unis dans l'affaire Alice
Corp présente des similitudes avec celui du Canada, notamment dans les affaires
Amazon et Schlumberger.89 Cependant, le droit américain a structuré l'analyse en
deux étapes distinctes définies par la jurisprudence : premièrement, la recherche d'un
élément appartenant à l'exception des "lois de la nature, des phénomènes physiques
et des idées abstraites", puis deuxièmement, l'examen de la présence d'une activité
inventive au-delà de cette exception. Au Canada, le point de départ de la réflexion
réside dans l'existence d'un élément visé par l'exception des principes scientifiques
(abstraits) énoncée à l'article 27(8) de la LCB. Ensuite, le test est principalement
déterminé par la jurisprudence, avec l'exigence de démontrer qu'il existe "une chose
dotée d'une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou changement
discernable."
Toutefois, le test élaboré dans l'affaire Alice Corp a fait l'objet de critiques pour son
manque de précision quant à la brevetabilité des inventions. Ainsi, pendant les deux
années suivant cette décision, il semble qu'une simple mention d'un algorithme dans
une demande de brevet pour un programme informatique conduisait souvent au refus
de délivrance au motif de son caractère abstrait. Cependant, la décision ultérieure
dans l'affaire Enfish v. Microsoft 90 de 2016 a clarifié que les logiciels peuvent
apporter des améliorations non abstraites à la technologie informatique, de la même
manière que les améliorations matérielles. Selon l'American Bar Association (ABA),
89
Ibid , Page 83.
90
15-1778.Opinion.7-28-2016.1.PDF (uscourts.gov) l'affaire Enfish v. Microsoft de 2016.
60
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
les chances d'obtenir un brevet pour un système d'IA sont ainsi accrues lorsqu'il
démontre qu'il améliore la "technologie informatique", comme le fonctionnement
des ordinateurs exécutant le système d'IA.
En 2016, dans l'affaire McRO v. Bandai Namco 91, la Cour américaine a élargi la
notion de ce qui est brevetable en vertu du droit américain. Elle a précisé que cela
concerne désormais "un moyen ou une méthode spécifique qui améliore [une]
technologie" au lieu de "un résultat ou un effet qui en lui-même est une idée
abstraite et qui n'invoque que des processus génériques et des machines". Selon les
commentaires de l'American Bar Association (ABA) sur cette décision, cette
modification a des implications importantes pour les systèmes d'IA.
Ainsi, selon l'ABA93, les aspects techniques liés à la collecte, à la configuration des
données, à l'entraînement du modèle d'IA, ainsi qu'à l'interprétation des données de
91
McRO, Inc. v. Bandai Namco Games Am. Inc., 837 F.3d 1299, 1314 (Fed. Cir. 2016). Extrait de 19-1557-2020-
05-20.pdf (justia.com) .
92
Ibid , Page 85.
93
L'ABA, ou American Bar Association, est une association professionnelle d'avocats aux États-Unis. Elle joue
un rôle important dans la formulation de normes et de politiques juridiques aux États-Unis et fournit des conseils
et des ressources aux professionnels du droit.
61
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Si une revendication recourt à une exception judiciaire qui n'est pas intégrée dans
une application pratique, établir que la revendication présente un concept inventif
suffisant pour être éligible.
Le test élaboré dans l'affaire Alice Corp en 2014 reste en place, mais il est
maintenant divisé en deux critères distincts. Selon l'USPTO, il est possible de sauver
une invention en démontrant que, même si elle ne satisfait pas au critère de
l'application pratique, elle présente un caractère inventif (ou "non conventionnel").
Par exemple, dans l'affaire Exergen Corp. v. Kaz USA94, même si l'invention portait
sur un concept abstrait (la mesure de la température corporelle), la Cour a jugé
qu'elle était éligible à la protection par brevet. Cela était dû au fait que la méthode de
mesure n'était pas conventionnelle, routinière ou bien comprise. Après des années et
des millions de dollars de tests et de développement, l'inventeur avait découvert pour
la première fois le coefficient représentant la relation entre la température
temporelle-arterielle et la température corporelle de base, et avait incorporé cette
découverte dans une méthode de mesure de la température non conventionnelle.
94
EXERGEN CORPORATION v. KAZ USA, INC. , No. 16-2315 (Fed. Cir. 2018) Extrait de 16-2315-2018-03-08.pdf
(justia.com).
62
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Ainsi, cette évolution des directives de l'USPTO permet de mieux cerner les critères
de brevetabilité et d'ouvrir la voie à la protection par brevet de certaines inventions,
y compris celles liées aux technologies de l'IA.
95
Abv, L'Office européen des brevets.
63
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
demande de brevet européen ne concerne que l'un de ces éléments pris en tant que
tel.96
En Europe, le test de la brevetabilité en deux étapes est donc intégré à la loi, bien
que la jurisprudence en interprète les détails. Les programmes informatiques et les
formules mathématiques sont deux catégories distinctes d'exceptions, mais le test du
caractère technique peut souvent être appliqué aux systèmes d'IA, même s'ils
contiennent des composantes de logiciels, pour déterminer leur brevetabilité. Le test
de "sauvetage" prévu à l'article 52(3)97 de la CBE demeure similaire dans les deux
cas.
96
L'art. 52(2)c) CBE dispose que les programmes d'ordinateurs ne sont pas considérés comme des inventions
au sens de l'art. 52(1) CBE ; ceux-ci sont donc exclus de la brevetabilité.
97
L'art. 52(3) CBE limite dans des proportions importantes l'étendue de cette exclusion. En vertu de cette
disposition, l'exclusion ne vaut que dans la mesure où la demande de brevet européen ou le brevet européen
ne concerne que des programmes d'ordinateurs, considérés "en tant que tels". Dans la décision T 935/97, la
chambre a constaté qu'il ressort de ces deux dispositions considérées conjointement (art. 52(2) et (3) CBE
1973), qu'il n'était pas dans les intentions du législateur d'exclure de la brevetabilité tous les programmes
d'ordinateurs. En d'autres termes, le fait que seuls les programmes d'ordinateurs considérés en tant que tels
soient exclus de la brevetabilité signifie que les demandes de brevet ayant trait à des programmes
d'ordinateurs peuvent donner lieu à la délivrance d'un brevet, dès lors que l'on considère que ces programmes
d'ordinateurs ne constituent pas en tant que tels l'objet de ces demandes (cf. également T 1924/17, points 17 à
19.4 des motifs en ce qui concerne le contexte de l'art. 52 CBE).
Les revendications portant sur un procédé mis en œuvre par ordinateur, un support ou un dispositif
d'enregistrement lisible par ordinateur ne peuvent pas faire l'objet d'une objection au titre de l'art. 52(2) et (3)
CBE étant donné que tout procédé impliquant l'utilisation de moyens techniques (p. ex. un ordinateur) et tout
moyen technique en soi (p. ex. un ordinateur ou un support d'enregistrement lisible par ordinateur) présentent
un caractère technique et constituent donc des inventions au sens de l'art. 52(1) CBE (T 258/03 ; T 424/03 ; G
3/08, JO 2011, 10).
64
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
98
Un exemple pour simplifier l’idée de notre étude.
65
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
99
Abv, Propriété Industrielle.
100
Yamina Bouadi , Intelligence artificielle, justice pénale et protection des données à caractère personnel
,Mémoire de recherche sous la direction de Madame la Professeure Juliette Lelieur Professeure de droit pénal
à l’Université de Strasbourg. Master 2 droit public comparé EUCOR campus 2019 – 2020 Page 43.
66
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
confidentialité des informations personnelles dans un monde de plus en plus axé sur
la technologie, et mettent en lumière les défis majeurs auxquels sont confrontés les
individus, les entreprises et les autorités réglementaires dans la gestion de cette
question vitale pour la vie privée et la sécurité des données.
D'autre part, les entreprises doivent veiller à ce que les modèles d'IA ne pratiquent
pas la discrimination et qu'ils respectent les principes éthiques en matière de
traitement des données personnelles. Il est impératif pour les entreprises de se
conformer aux obligations légales en matière de protection des données personnelles
lors de l'utilisation de l'IA, car des infractions peuvent entraîner des sanctions
financières et des poursuites judiciaires. Il est à noter que le cadre juridique relatif à
la protection des données personnelles évolue constamment, obligeant les
entreprises à maintenir leur conformité aux lois et réglementations en vigueur.
D'ailleurs , cette protection des données personnelles est cruciale pour préserver la
vie privée et les droits des individus dans le contexte de l'intelligence artificielle. Les
algorithmes d'IA manipulent d'importantes quantités de données personnelles,
nécessitant le respect de réglementations comme la loi 09-08 sur la protection des
données personnelles pour une utilisation responsable. Les individus doivent avoir le
contrôle sur leurs données, les algorithmes doivent éviter les biais, et des mesures de
sécurité sont essentielles en cas de violation. La collaboration entre gouvernements,
entreprises et experts est nécessaire pour une utilisation éthique de l'IA tout en
préservant les droits fondamentaux. L'efficacité de la législation marocaine sur la
protection des données personnelles face à l'IA doit être évaluée dans l’étude
suivante.
67
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
agressives basées sur l'IA deviendront une réalité en situation réelle. 101 Bien qu'il
n'existe pas encore de preuves concrètes de telles attaques en cours, ce rapport met
en lumière le fait que tous les outils nécessaires et les éléments de recherche open
source pour mettre en œuvre une attaque basée sur l'IA existent actuellement. Par
conséquent, il est raisonnable de prévoir que les cyberattaques basées sur l'IA ne
sont plus qu'à quelques années de nous, mais qu'elles deviendront manifestement
une réalité dans un avenir proche.
Pour illustrer comment l'intelligence artificielle peut être employée pour renforcer
les capacités d'attaque, imaginons un groupe fictif de professionnels du piratage
déterminés à infiltrer une grande organisation. Ces individus se considèrent comme
des mercenaires cybernétiques102, prêts à travailler pour le plus offrant, et disposent
d'une équipe de 15 membres collaborant à distance. Chaque membre de ce groupe
possède une expertise unique, comprenant des spécialistes de l'ingénierie sociale,
des développeurs de logiciels malveillants, des opérateurs d'intrusion expérimentés
sur le terrain, ainsi que des analystes de données post-infiltration.
En effet , voyons comment un pirate pourrait utiliser les outils d’IA pour automatiser
le processus d'attaque traditionnel, réduire les facteurs de risque et augmenter son
rendement. Un exemple de cyberattaque visant une entreprise pourrait être une
attaque de phishing103 améliorée par cette dernière . Dans cette attaque, un pirate
pourrait utiliser des algorithmes d'IA pour analyser en masse d'énormes volumes de
101
Op,cit Yamina Bouadi , Intelligence artificielle, justice pénale et protection des données à caractère
personnel.
102
Les mercenaires cybernétiques sont des individus ou groupes rémunérés pour mener des activités
cybercriminelles, telles que le piratage informatique, le vol de données, ou la propagation de logiciels
malveillants, souvent à des fins lucratives.
103
Le phishing (ou hameçonnage en français) est une technique de cyberattaque largement utilisée par des
individus malveillants pour tromper les utilisateurs d'Internet et les inciter à divulguer des informations
personnelles, financières ou sensibles. Cette technique repose sur la création d'une fausse identité ou d'une
fausse entité, telle qu'une entreprise légitime, une banque, une institution gouvernementale, ou même un
contact personnel, dans le but de convaincre la victime de révéler des informations confidentielles.
68
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
données publiques sur les employés de l'entreprise cible, y compris leurs profils de
médias sociaux, leurs publications, et leurs habitudes en ligne. L'IA pourrait ensuite
créer des e-mails de phishing personnalisés, en utilisant des informations réelles sur
les employés pour les rendre plus convaincants. Ces e-mails pourraient contenir des
pièces jointes malveillantes ou des liens vers des sites Web infectés. De plus, l'IA
pourrait être utilisée pour générer du contenu de phishing de haute qualité, en
adaptant le style d'écriture et le langage pour correspondre à celui des employés
ciblés. Cette automatisation et personnalisation accrues rendraient l'attaque de
phishing plus difficile à détecter pour les filtres de sécurité traditionnels, augmentant
ainsi les chances de succès du pirate. En utilisant l'IA de cette manière, un attaquant
pourrait potentiellement cibler efficacement une grande entreprise avec un grand
nombre d'employés, augmentant ainsi le rendement de son attaque tout en
minimisant les risques de détection précoce.
De ce fait le rapport entre les cyberattaques basées sur l'IA et le non-respect des
données à caractère personnel réside alors dans le fait que les cyberattaques d'IA
peuvent aggraver les violations de la vie privée et la protection des données.
104
AKKOUR S. & al. (2023) «LA PROTECTION DES DONNÉES PERSONNELLES FACE À L’INTELLIGENCE
ARTIFICIELLE», Revue Internationale du Chercheur «Volume 4 : Numéro 3» p 10.
69
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Il est à noter que l'article 2106 de la loi 09-08 exclut du champ d'application de ladite
loi les données collectées dans le cadre des activités de défense et de sécurité.
Néanmoins, une interrogation pertinente se pose quant à la possibilité d'invoquer
l'article 24 de la Constitution en tant que fondement de protection des données
personnelles dans le contexte spécifique de ces activités.
105
La Constitution 2011.
106
Dahir n° 1-09-15 du 22 safar 1430 (18 février 2009) portant promulgation de la loi n° 09-08 relative à la
protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel.
70
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
droits des individus concernés, tout en demeurant vigilant quant à la portée de cette
loi en ce qui concerne les activités spécifiques liées à la défense et à la sécurité.
Bien que le Maroc ait adopté une loi sur la protection des données personnelles,
cette législation ne couvre pas tous les aspects liés à l'IA. Par exemple, elle ne traite
pas de la reconnaissance faciale et ne propose pas de mécanisme clair pour garantir
un traitement transparent et éthique des données personnelles utilisées dans les
systèmes d'IA.
71
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
En conclusion, pour éviter les conséquences graves pour la protection des données
personnelles et les droits de l'homme, il est essentiel de mettre en place une
réglementation adéquate pour encadrer l'utilisation de l'IA au Maroc. Cela permettra
de concilier la protection des droits des citoyens avec le développement florissant de
ce secteur technologique.
D'après la citation mentionnée comme suivant , "ce qui paraît nous menacer, est […]
la prolifération et la disponibilité même de données numériques, fussent-elles
impersonnelles, en quantités massives,"108 il est clair que l'ampleur et l'accessibilité
croissantes des données numériques représentent une menace incontestable. De plus,
le caractère personnel des données est en perte de valeur, car une donnée
anonymisée peut, lorsqu'elle est combinée avec d'autres données, être réidentifiée,
rendant ainsi la notion d'anonymat obsolète à l'ère du Big Data. 109
107
Lifrange, Marie , Protection des données à caractère personnel : le consentement à l'épreuve de l'ère
numérique, Faculté de Droit, de Science Politique et de Criminologie, Master en droit, à finalité spécialisée en
mobilité interuniversitaire, 2017-2018, page 19. URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/4888.
108
Entretien d’Antoinette Rouvroy, « Big data : l’enjeu est moins la donnée personnelle que la disparition de la
personne », recueilli par Serge Abiteboul et Christine Froidevaux, Le Monde, le 22 janvier 2016.
109
Entretien d’Antoinette Rouvroy, « Big data : l’enjeu est moins la donnée personnelle que la disparition de la
personne », op. cit.
110
Breyer c. Allemagne, no 50001/12, 30 janvier 2020.
72
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
nécessitent des outils d'enquête adaptés pour les services de police et de sécurité
nationale. L'affaire "Breyer"111 portait sur des données recueillies à partir de cartes
SIM pré-enregistrées par la police allemande dans le but de faciliter les enquêtes. Il
est essentiel de comprendre les risques liés à la protection des données résultant de
ces nouvelles formes de traitement en matière pénale, en particulier en ce qui
concerne la collecte, l'enregistrement et l'exploitation de ces informations, tout en
maintenant une cohérence avec le régime de protection des données à caractère
personnel.
L'objet de cette étude réside dans l'analyse du point d'équilibre délicat entre
l'efficacité des mesures de répression pénale et la préservation des libertés
individuelles, mettant ainsi en lumière la manière dont cet équilibre peut
compromettre la protection des données à caractère personnel. Dans ce premier
intitulé, il convient d'examiner les risques inhérents au droit à la protection des
données personnelles au moment de leur collecte.
En effet, parmi les finalités d'un traitement de données à caractère personnel, il est
impératif que ces données soient traitées de manière juste et conforme à la loi. Leur
exploitation doit également être légale et légitime, en veillant à ce qu'elles soient
appropriées, pertinentes et ne dépassent pas les besoins de la finalité du traitement.
Cependant, l'élément le plus crucial réside dans le fait que ces données ne peuvent
111
Ibid , Breyer c. Allemagne, no 50001/12, 30 janvier 2020.
112
Art. 42§2 Règlement « SIS II », Règlement (CE) nº 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20
décembre 2006 sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen de
deuxième génération (SIS II), JO L 381, 28 décembre 2006.
113
Dahir n° 1-09-15 du 22 safar 1430 (18 février 2009) portant promulgation de la loi n° 09-08 relative à la
protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel.
73
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
114
Entretien d’Antoinette Rouvroy, « Big data : l’enjeu est moins la donnée personnelle que la disparition de la
personne », Ibid.
115
Article 6 de la loi 09-08 : Limites au droit à l’information : L’obligation d’information prévue à l’article 5 ci-
dessus n’est pas applicable : a) aux données à caractère personnel dont la collecte et le traitement sont
nécessaires à la défense nationale, la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat, la prévention ou la répression du
crime ; b) lorsque l’information de la personne concernée se révèle impossible, notamment en cas de
traitement de données à caractère personnel à des fins statistiques, historiques ou scientifiques. Dans ce cas, le
responsable du traitement est tenu d’aviser la Commission de l’impossibilité d’informer la personne concernée
et de lui présenter le motif de cette impossibilité ; c) si la législation prévoit expressément l’enregistrement ou
la communication des données à caractère personnel ; d) au traitement de données à caractère personnel
effectuées à des fins exclusivement journalistiques, artistiques ou littéraires.
74
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Chaque nouvelle attaque suscite l'élaboration de contre-mesures, qui à leur tour sont
contournées par de nouvelles stratégies malveillantes. Récemment, l'IA a fait son
entrée dans cet univers complexe, comme en témoigne le dernier rapport de
l'Agence de l'Union européenne pour la cybersécurité "Enisa", mettant en lumière
les menaces liées à cette dernière. L'Europol à son tour, l'agence européenne de
police, a également consacré son dernier rapport de veille technologique à
ChatGPT.116
116
L’Intelligence artificielle, nouvel enjeu de cybersécurité (lemonde.fr) visité le 21.11.23 à 22h09.
75
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Deuxième partie
Mise à l'épreuve du droit de la
responsabilité dans l'utilisation de
l'intelligence artificielle et ses enjeux.
76
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
77
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Étant donné que l'intelligence artificielle agit de manière autonome, comment peut-
on attribuer la responsabilité en cas de décisions ou d'actions dommageables prises
par une IA sans intervention humaine directe ? Les concepts traditionnels de
responsabilité, tels que le fait personnel ou le fait des choses, peuvent-ils s'appliquer
efficacement dans le contexte de l'IA, ou faut-il envisager de nouvelles approches
juridiques pour répondre à cette problématique émergente ?
Dans cette analyse approfondie, nous explorerons les réponses à ces problématiques
cruciales afin de mieux comprendre les implications juridiques de l'utilisation
croissante de l'intelligence artificielle. En examinant les lacunes des règles existantes
et en remettant en question leur pertinence pour l'IA, nous chercherons à apporter
des éclairages pertinents sur les enjeux complexes qui se posent quant à la
détermination de la responsabilité civile dans ce nouveau paradigme technologique.
Cette sécurité juridique concerne non seulement les potentielles victimes qui
chercheront à obtenir réparation de leur préjudice, mais également les acteurs
économiques ou scientifiques qui peuvent légitimement s'interroger sur l'étendue de
leur responsabilité liée à la mise en service et/ou à la commercialisation de ces
systèmes d'IA. Il est essentiel de trouver un équilibre entre la protection des droits
des individus affectés et la clarté des responsabilités des parties impliquées dans le
développement et la distribution de ces technologies.
78
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
117
ADRIEN BONNET , La responsabilité du fait de l’intelligence artificielle Réflexion sur l’émergence d’un nouvel
agent générateur de dommages Mémoire de recherche Sous la direction de Monsieur le professeur NICOLAS
MOLFESSIS Année 2014 – 2015 Page 5.
79
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
D'autre part, il y a les agents, qu'ils soient matériels ou immatériels, dotés d'un
pouvoir d'agir, c'est-à-dire d'une capacité à intervenir sur le réel sans stimulus
externe. C'est là que réside une difficulté dans le cas des systèmes d'intelligence
artificielle. En effet, l'article 77119 du Dahir des obligations et des contrats spécifie la
responsabilité personnelle en mentionnant la notion de "l'homme" en tant que
responsable juridique. Cela indique clairement que la responsabilité légale est
attribuée à un être humain et non à un objet, rendant ainsi cet article inapplicable aux
systèmes d'IA.
118
ADRIEN BONNET , La responsabilité du fait de l’intelligence artificielle Réflexion sur l’émergence d’un nouvel
agent générateur de dommages Mémoire de recherche , op,cit , Page 6.
119
Article 77 du DAHIR FORMANT CODE DES OBLIGATIONS ET DES CONTRATS : Tout fait quelconque, de
l'homme qui, sans l'autorité de la loi, cause sciemment et volontairement à autrui un dommage matériel ou
moral, oblige son auteur à réparer ledit dommage, lorsqu'il est établi que ce fait en est la cause directe. Toute
stipulation contraire est sans effet.
120
Article 78 de DAHIR FORMANT CODE DES OBLIGATIONS ET DES CONTRATS Version consolidée du 19
décembre 2019 : Chacun est responsable du dommage moral ou matériel qu'il a causé, non seulement par son
fait, mais par sa faute, lorsqu'il est établi que cette faute en est la cause directe. Toute stipulation contraire est
80
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Cependant, cette disposition soulève encore des difficultés lorsqu'il s'agit d'appliquer
cette responsabilité personnelle aux systèmes d'intelligence artificielle, car ceux-ci
ne sont pas des personnes juridiques et ne peuvent pas agir de manière autonome
comme des êtres humains. Cela rendrait toujours inadaptée l'application de cette
disposition aux dommages causés par l'IA, qui sont souvent le résultat de processus
algorithmiques complexes plutôt que d'actes intentionnels ou de fautes commises par
des individus.
sans effet. La faute consiste, soit à omettre ce qu'on était tenu de faire, soit à faire ce dont on était tenu de
s'abstenir, sans intention de causer un dommage.
121
Article 77 du DAHIR FORMANT CODE DES OBLIGATIONS ET DES CONTRATS : « Tout fait quelconque, de
l'homme qui, sans l'autorité de la loi, cause sciemment et volontairement à autrui un dommage matériel ou
moral, oblige son auteur à réparer ledit dommage, lorsqu'il est établi que ce fait en est la cause directe. Toute
stipulation contraire est sans effet».
122
Article 78 du DAHIR FORMANT CODE DES OBLIGATIONS ET DES CONTRATS : « Chacun est responsable du
dommage moral ou matériel qu'il a causé, non seulement par son fait, mais par sa faute, lorsqu'il est établi que
cette faute en est la cause directe. Toute stipulation contraire est sans effet. La faute consiste, soit à omettre ce
qu'on était tenu de faire, soit à faire ce dont on était tenu de s'abstenir, sans intention de causer un
dommage ».
81
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Il est vrai qu'il est possible d'envisager d'aborder la responsabilité des systèmes d'IA
sous l'angle de la négligence ou de l'imprudence de la personne responsable de leur
développement, propriété ou utilisation. Cependant, cela soulève de nouvelles
difficultés. Un système d'IA peut causer des dommages indépendamment de toute
négligence ou imprudence de la part de son propriétaire ou de son utilisateur. Par
exemple, si un algorithme d'IA prend une décision imprévue qui entraîne un
préjudice, il est difficile d'attribuer cette faute à un individu spécifique.
123
ADRIEN BONNET, La responsabilité du fait de l’intelligence artificielle , Mémoire de recherche Sous la
direction de Monsieur le professeur NICOLAS MOLFESSIS Année 2014 – 2015 page 13.
82
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
En effet , la responsabilité délictuelle peut être pertinente lorsque des systèmes d'IA
causent des dommages à des tiers.124 Par exemple, si une IA autonome ou un
algorithme d'apprentissage automatique entraîné par une entreprise génère des
résultats erronés qui entraînent des dommages matériels ou corporels à des
individus, la question de la responsabilité délictuelle se pose. Les questions clés sont
de savoir si l'opérateur de l'IA a agi avec négligence, si l'IA a été utilisée de manière
appropriée et si les dommages étaient prévisibles.
Le défi principal qui nous est soumis avec l'IA est que, contrairement aux êtres
humains, elle peut prendre des décisions de manière autonome, et il peut être
124
Op,cit , ADRIEN BONNET Page 13
83
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
difficile de déterminer qui est responsable en cas de dommage. Cela soulève des
questions juridiques complexes concernant la manière dont la responsabilité
délictuelle peut être établie lorsque les machines sont impliquées.
Par exemple, dans le contexte du droit des entreprises, cela pourrait être illustré par
une entreprise qui programme délibérément son système d'IA pour commettre des
actes dommageables contre un concurrent dans le but de nuire à sa réputation ou à
ses activités. Cette intention malveillante de causer un préjudice spécifique serait un
exemple d'une situation où la responsabilité pour faute intentionnelle pourrait être
engagée.
Un autre exemple lié au droit comptable pourrait être le cas d'une entreprise qui
manipule intentionnellement les données financières dans son système d'intelligence
artificielle dans le but de fausser ses résultats financiers et tromper les parties
prenantes, comme les investisseurs ou les autorités réglementaires. Cette action
délibérée visant à induire en erreur et à causer des pertes à d'autres parties pourrait
entrainer une responsabilité pour faute intentionnelle dans le domaine du droit
comptable.
125
Op,cit , ADRIEN BONNET Page 13.
126
J. FLOUR, J-L. AUBERT, E. SAVAUX. Droit Civil, Les obligations. t. 2, Le fait juridique. 14ème éd., Sirey, 2011,
page.133.
84
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
conduire à une responsabilité pour faute intentionnelle dans le domaine des droits de
douane et fiscaux.
Cette limitation est importante car, dans de nombreux cas, les dommages causés par
des objets, y compris les systèmes d'intelligence artificielle, ne sont pas
nécessairement le résultat d'une action humaine intentionnelle. Par exemple, une
défaillance technique dans un système d'IA peut provoquer un dommage, mais cela
ne signifie pas que quelqu'un a intentionnellement causé ce dommage. En
conséquence, l'article 77 du DOC peut rendre difficile l'application de la
responsabilité basée sur la faute à des situations où le dommage est causé par des
facteurs techniques, automatisés ou non contrôlés directement par des individus.
127
DAHIR DES OBLIGATIONS ET DES CONTRATS.
85
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
128
F. LECOMTE. « Panorama des régimes d’(ir)responsabilité applicables à Google ». RLDI. 2014
129
1ère Civ. 19 juin 2013, n°12-17591. note A. LEPAGE JCP. G. n°36. 2013. 907.
86
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Un élément essentiel à comprendre est que le seul fait d’avoir utilisé ou mis à
disposition une IA, même imparfaite, constituera rarement à lui seul une négligence.
Il est en effet acquis que tout programme informatique comporte des failles, et est
donc toujours susceptible de causer un dommage lorsqu’il est confronté à une
situation inédite.130 Par conséquent, il sera difficile d'établir la responsabilité pour
négligence, cela deviendra imprévisible et potentiellement fictif si son application
devient généralisée pour l'IA.
130
G. COLE. « Tort liability for artificial intelligence and expert systems ». Computer/Law Journal. vol.10, 1990,
p.127; expliquant que « c’est un truisme que de dire que les erreurs de programmation sont inévitables ».
87
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
l'utilisation d'une IA, et que l'une d'elles ne respecte pas ses obligations, l'autre partie
a le droit de mettre fin au contrat.
De ce fait , il est probable que de nombreux dommages causés par ces intelligences
puissent être liés à des obligations contractuelles. Cela peut se produire lorsque l'IA
est l'objet d'un contrat de vente ou d'un contrat d'entreprise visant à créer un robot,
ou lorsqu'elle est utilisée comme un outil pour exécuter une obligation contractuelle.
La responsabilité contractuelle, qui découle toujours d'une action humaine et ne peut
être imputée à l'IA elle-même, ne sera pas examinée en détail dans le cadre de cette
étude.
En premier lieu, en dehors des questions de sécurité, les contrats impliquant une
intelligence artificielle comporteront probablement des obligations de moyens plutôt
que des obligations de résultat. Cela signifie que la difficulté d'évaluer la faute
restera inchangée, en particulier parce qu'il faudra déterminer si l'utilisation de cette
IA par l'autre partie du contrat était ou non le moyen le plus approprié et diligent
pour atteindre le résultat attendu dans le cadre de l'obligation contractuelle.
En effet , la question à poser dans ce sens est la suivante : Est-ce que l’application
des dispositions du Dahir des Obligations et des Contrats est tolérable ? L'article
549 du Dahir des obligations et des contrats énonce le principe selon lequel le
vendeur est tenu de garantir les vices de la chose qu'il vend. Cela signifie que si le
vendeur propose un produit, il doit garantir que ce produit est exempt de défauts
majeurs qui pourraient sensiblement diminuer sa valeur ou le rendre inapproprié à
l'usage auquel il est destiné, conformément à la nature de la chose ou aux termes du
contrat.131
131
Article 549 du DOC : Le vendeur garantit les vices de la chose qui en diminuent sensiblement la valeur, ou la
rendent impropre à l'usage auquel elle est destinée d'après sa nature ou d'après le contrat. Les défauts qui
diminuent légèrement la valeur ou la jouissance, et ceux tolérés par l'usage, ne donnent pas ouverture à
88
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Dans le contexte du IA, cette disposition pourrait être interprétée comme suit : Si
une personne détient une machine d'IA qu'elle propose à la vente ou à l'utilisation
par d'autres, elle pourrait être considérée comme le "vendeur" de cette IA. En tant
que vendeur, il serait tenu de garantir que cette IA ne comporte pas de vices majeurs
qui pourraient sensiblement réduire sa valeur ou la rendre inapte à l'usage auquel
elle est destinée, en fonction de sa nature ou des termes du contrat.
Cela signifie que si cette IA cause des dommages ou ne fonctionne pas comme
prévu en raison de défauts majeurs, le vendeur (détenteur de l'IA) pourrait être tenu
responsable en vertu de la législation existante, telle que l'article 549 du DOC, s'il
est prouvé que ces défauts étaient présents au moment de la vente ou de l'utilisation
de l'IA.
Cela implique que dans les situations où une IA est utilisée pour exécuter une
obligation contractuelle, la question centrale sera de savoir si le choix de recourir à
cette IA était raisonnable et conforme aux attentes de l'obligation contractuelle ?
Les parties devront évaluer si l'utilisation de l'IA était la démarche la plus appropriée
pour parvenir à l'objectif visé, compte tenu de la nature de l'obligation, des
circonstances spécifiques et des alternatives disponibles.
Cependant, l'appréciation de cette question sera complexe car elle nécessitera une
évaluation approfondie des circonstances spécifiques à chaque cas, et il pourrait y
avoir des désaccords sur la diligence et la pertinence de l'utilisation de l'IA dans le
contexte de l'obligation contractuelle. Cette complexité souligne l'importance d'une
réglementation claire et adaptée à l'utilisation de cette dernière dans les contrats, afin
de réduire les incertitudes et de faciliter la résolution des litiges potentiels.
garantie. Le vendeur garantit également l'existence des qualités par lui déclarées, ou qui ont été stipulées par
l'acheteur.
89
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Par ailleurs, la responsabilité contractuelle ne couvre pas les cas où aucune victime
n'a signé de contrat spécifique, car une IA est simplement mise à sa disposition. Cela
se produit, par exemple, dans des affaires similaires à celles de Google Suggest, ou
chaque fois qu'un robot cause des dommages à un tiers qui n'est pas son acheteur
initial.
Tout d'abord, il doit y avoir un contrat en place qui lie l'IA à une partie contractante.
Ce contrat détermine généralement les droits, les obligations et les attentes des
parties impliquées. Si l'IA ne remplit pas ses obligations contractuelles
conformément aux termes du contrat, cela peut donner lieu à une responsabilité
contractuelle.
132
Op,cit, ADRIEN BONNET, La responsabilité du fait de l’intelligence artificielle, page 15.
133
دة حليمة لمغازي دة لطيفة القاضي د هشام لمراكشي-مؤلف جماعي-القانون المجتمع و الرقمنة التأثر والتأثير
مختبر االبحاث والدراسات في العلوم القانونية و السياسسة و االجتماعيةPage 102- 2023
90
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Cependant, il est également important de comprendre que l'IA est une entité non
humaine et ne peut pas être tenue moralement responsable de ses actes de la même
manière qu'une personne physique. Par conséquent, la question de la responsabilité
contractuelle liée à l'IA se pose différemment.
Dans de nombreux cas, la responsabilité contractuelle qui peut émaner de l'IA sera
liée à la performance et à la conformité aux termes du contrat. Si l'IA ne remplit pas
correctement ses fonctions ou si elle ne respecte pas les conditions du contrat, cela
peut entraîner une violation contractuelle. Cependant, il est important de noter que
cela ne signifie pas automatiquement que l'IA est en faute.
Bien que le Maroc n'ait pas encore élaboré de législation spécifique pour réguler
juridiquement l'intelligence artificielle, une analyse approfondie du Dahir des
Obligations et Contrats ainsi que d'autres dispositions générales suggère que la
responsabilité contractuelle en matière d'intelligence artificielle peut être établie sur
la base d'un contrat existant.
L'article 1 du Dahir des Obligations et Contrats précise que les obligations juridiques
peuvent découler de différentes sources, y compris les contrats134. Dans le contexte
des obligations contractuelles liées à l'intelligence artificielle (IA), envisageons un
exemple pour illustrer comment une responsabilité contractuelle pourrait émerger
dans le cadre d'un contrat impliquant une IA :
134
ARTICLE 1 DOC : Les obligations dérivent des conventions et autres déclarations de volonté, des quasi-
contrats, des délits et des quasi-délits.
91
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Supposons qu'une entreprise engage une IA pour rédiger des contrats en son nom.
Conformément à leur accord contractuel, l'IA est chargée de générer des contrats en
suivant les instructions données par l'entreprise. Cependant, lors de l'exécution de
cette tâche, l'IA commet une erreur majeure qui nuit considérablement aux intérêts
de l'entreprise. Cette erreur pourrait résulter d'une mauvaise programmation de l'IA,
d'une mauvaise interprétation des instructions ou de toute autre défaillance de l'IA.
Dans ce scénario, l'entreprise pourrait affirmer que l'IA n'a pas respecté son
obligation contractuelle de produire des contrats conformes aux attentes convenues.
L'entreprise pourrait ainsi engager une action en justice pour violation du contrat et
chercher à obtenir des dommages et intérêts ou d'autres mesures de réparation pour
compenser les pertes subies en raison de l'erreur de l'IA.
Cela illustre comment une responsabilité contractuelle peut découler d'un contrat
impliquant une IA, tout comme elle le ferait dans le cadre de contrats entre parties
humaines. Les principes fondamentaux de la responsabilité contractuelle, tels que
l'exécution conforme aux termes du contrat et la réparation des violations
contractuelles, s'appliquent également aux contrats impliquant des entités non
humaines telles que l'IA.
135
Article 498 : Le vendeur a deux obligations principales : 1. Celle de délivrer la chose vendue; 2. Celle de la
garantir.
92
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
De plus, le vendeur, qui dans ce cas serait la machine elle-même dotée d'intelligence
artificielle, est également tenu de garantir l'existence des qualités qu'elle a déclarées
ou qui ont été spécifiées par l'acheteur.
Dans le cas d'une machine IA, ces obligations s'appliquent également. Si la machine
est livrée en bon état, conforme aux spécifications convenues, et si elle ne présente
pas de vices majeurs qui la rendraient inapte à l'usage prévu, alors le vendeur (la
machine elle-même) a respecté ses obligations. Cependant, si la machine est
défectueuse, présente des problèmes majeurs qui affectent sa valeur ou son
utilisation prévue, ou si elle ne correspond pas aux qualités déclarées, le vendeur (la
machine IA) peut être tenue responsable en vertu de ces dispositions.
En résumé, une machine IA, en tant que vendeur, est également soumise aux règles
relatives à la garantie et à la livraison de la chose vendue, et elle peut engager sa
responsabilité si elle ne respecte pas ces obligations.
Un représentant légal est une entité ou une personne qui agit au nom d'une autre
personne incapable de conclure légalement un contrat. Cette intervention vise à
protéger les intérêts de la personne qui ne peut pas agir par elle-même, en raison de
sa situation particulière.
Les situations courantes où l'on a recours à un représentant légal incluent les cas où
l'une des parties contractantes est un mineur, c'est-à-dire une personne qui n'a pas
encore atteint l'âge de la majorité légale et qui, en conséquence, ne peut pas
contracter de manière autonome.
La question posée ici concerne la possibilité pour une intelligence artificielle d'avoir
son propre représentant légal. Selon la loi civile européenne sur la robotisation,
adoptée en février 2017136, le droit européen reconnaît que les entités non humaines,
y compris les IA, peuvent engager des responsabilités légales et être parties à des
136
2015/2103(INL) Règles de droit civil sur la robotique , Résolution du Parlement européen
du 16 février 2017 contenant des recommandations à la Commission concernant des règles de droit
civil sur la robotique, Textes adoptés - Règles de droit civil sur la robotique - Jeudi 16 février 2017
(europa.eu)
93
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
contrats. En d'autres termes, une IA peut être tenue responsable de ses actions de la
même manière qu'une personne physique.
Ainsi, si une IA est impliquée dans des activités qui donnent lieu à des dommages
ou des contrats, elle peut être représentée légalement par son créateur, son
propriétaire, son gestionnaire ou toute autre personne désignée comme responsable.
Cette approche permet de garantir que les droits et les obligations de l'IA sont
correctement pris en compte dans le cadre juridique, tout comme les mineurs sont
représentés légalement par leurs tuteurs.
Dans un tel cas, la personne détenteur de l'IA pourrait être tenue légalement
responsable de ses actions. Même si l'IA elle-même est simplement un outil, son
utilisation abusive ou illégale peut engager la responsabilité de la personne qui la
contrôle. Cette personne pourrait être poursuivie en justice pour des infractions liées
à la cybercriminalité, telles que l'accès non autorisé à un système informatique, le
vol de données, la fraude informatique, etc.
94
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
nécessaire pour le législateur de créer un nouveau cadre juridique objectif, avec des
critères spécifiques à définir.
137
Hélène Christodoulou. La responsabilité civile extracontractuelle à l’épreuve de l’intelligence artificielle.
Lexbase Droit privé, 2019, n° 807. ffhal-03349668 Page 4.
138
ibid , Hélène Christodoulou , Page 4.
95
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Cependant, il est important de noter que le législateur marocain n'a pas encore défini
de cadre juridique spécifique pour l'intelligence artificielle. Par conséquent, nous
devons nous tourner vers la législation européenne pour répondre à cette question.
En effet, en ce qui concerne l'autonomie de l'intelligence artificielle, il pourrait être
envisagé d'attribuer une responsabilité à cette dernière, sans nécessairement la lier à
une faute humaine. Cette idée peut sembler surprenante au départ, mais elle pourrait
devenir réalisable grâce à des réformes législatives, similaires à celles qui ont
accordé la personnalité juridique aux entités morales.
De ce fait , l'objectif serait donc de créer un statut juridique spécifique pour les
robots intelligents, leur permettant de répondre des dommages qu'ils pourraient
causer, en utilisant leur propre patrimoine. Cette proposition avait déjà été avancée
par le Parlement européen en 2017.
139
Cass. civ. 1, 19 juin 2013, n° 12-17.591.
96
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Toutefois , la problématique qui se pose dans cette même trajectoire est la suivante :
Peut-on, du point de vue légal, autoriser l'utilisation d'objets intelligents dont les
résultats sont prometteurs, même en l'absence de capacité à fournir une explication
juridiquement valable de leur fonctionnement ?
L'idée ici est que le risque pourrait être un fondement juridique approprié pour
traiter les questions liées à l'intelligence artificielle. Contrairement à la faute, qui
exige la preuve d'un comportement incorrect, la théorie du risque repose sur l'idée
que la simple utilisation d'une technologie présentant un potentiel de dangerosité
suffisant peut engager la responsabilité de son utilisateur. Cela signifie que si une
intelligence artificielle cause des préjudices, même sans qu'il y ait eu de faute
intentionnelle ou de négligence, sa simple utilisation pourrait suffire à établir la
responsabilité.
En effet , la théorie du risque est également présente dans le Dahir des Obligations et
Contrats , en vertu de l'article 77 du même Dahir ; Tout fait quelconque de
l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est
97
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
arrivé à le réparer. Cette disposition s'appuie sur la faute, mais elle pourrait être
étendue pour inclure des situations où l'intelligence artificielle cause des dommages
sans qu'il y ait eu de faute humaine directe.140
L'existence d'un dommage: Il doit y avoir un préjudice subi par une personne
ou un bien. Ce préjudice peut être de nature matérielle ou immatérielle.
Un lien de causalité directe: Il doit exister un lien direct entre le
comportement de l'intelligence artificielle et le dommage subi. En d'autres
termes, le dommage doit résulter directement de l'action ou du
fonctionnement de l'IA.
L'absence de cause étrangère: Pour que la responsabilité soit engagée, il doit
être démontré qu'aucune autre cause étrangère n'est à l'origine du dommage.
En d'autres termes, le dommage ne doit pas résulter d'un événement
indépendant de l'IA.
140
Dahir (9 ramadan 1331) formant Code des obligations et des contrats (B.O. 12 septembre 1913).
98
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
En plus du régime général du fait des choses, il est important de considérer un autre
régime, à savoir la responsabilité liée aux produits défectueux. Ce régime pourrait
potentiellement être appliqué pour engager la responsabilité civile du producteur en
cas de préjudice causé par l'intelligence artificielle. Cependant, de nouveaux défis
juridiques se posent à cet égard. La question essentielle est de déterminer si une
intelligence artificielle désincarnée peut être considérée, par nature, comme un
produit au sens de la loi.
Selon l'article 106-2 du DOC141, le terme "produit" englobe tout article mis à
disposition sur le marché dans le cadre d'une activité professionnelle, commerciale
ou artisanale, que ce soit à titre payant ou gratuit, en neuf ou en occasion, qu'il soit
consommable ou non, qu'il ait subi une transformation ou un conditionnement,
même s'il est incorporé dans un autre bien meuble ou immeuble. Cela inclut
également les produits issus de l'agriculture, de l'élevage, de la chasse et de la pêche,
ainsi que l'électricité.
141
Article 106-2 : Le terme «produit» désigne tout produit mis à disposition sur le marché dans le cadre d’une
activité professionnelle, commerciale ou artisanale, à titre onéreux ou gratuit, à l’état neuf ou d’occasion,
consomptible ou non, ayant fait ou non l’objet d’une transformation ou d’un conditionnement même s’il est
incorporé dans un autre meuble ou dans un immeuble. Sont compris les produits du sol, de l’élevage, de la
chasse et de la pêche. L’électricité est considérée comme un produit.
99
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
désincarnée puisse être considérée comme un produit défectueux et, par conséquent,
être soumise à ce régime dans la mesure où elle entre dans le champ d'application
défini par la loi.
En bref, la notion d'incorporation telle que définie dans l'article précédent permet
d'admettre que même les technologies désincarnées, comme les IA basées sur des
logiciels, peuvent être considérées comme des composants de produits ou de
services, et par conséquent, elles peuvent être sujettes aux régimes de responsabilité
associés à ces produits ou services en cas de problème ou de préjudice.
142
Question écrite n°706/88 à la Commission européenne. JO des communautés européennes, n°C114/42 du 8
mai 1989. Journal officiel de l'Union européenne - EUR-Lex (europa.eu).
100
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
143
Op,cit , Hélène Christodoulou. La responsabilité civile extracontractuelle à l’épreuve de l’intelligence
artificielle. Lexbase Droit privé, 2019, n° 807. ffhal-03349668 Page 9.
101
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
144
L. Szuskin, Introduction aux conceptions classiques et nouvelles de l’intelligence artificielle par le droit :
régime applicable et moyens de preuve, colloque portant sur l’intelligence artificielle qui sera responsable ?,
organisé par le Cnejita, 10 avril 2018.
102
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Traditionnellement, pour que la responsabilité civile soit établie, trois éléments sont
nécessaires : un dommage, un fait générateur (dans ce cas, l'action de l'intelligence
artificielle), et un lien de causalité entre ces deux éléments.
Cependant, ce défaut ne doit pas seulement être une anomalie objective, mais il doit
également être évalué en fonction des attentes légitimes en matière de sécurité du
public. Pour simplifier la preuve de ce défaut par la victime, une présomption
pourrait être mise en place. Ainsi, si la victime peut prouver que la chose intelligente
était impliquée dans le dommage, le défaut de sécurité serait présumé. Dans ce
scénario, les concepteurs de la chose auraient la charge de prouver que l'intelligence
artificielle n'a pas causé le dommage pour renverser cette présomption.
Par conséquent , cette approche viserait à établir une responsabilité des concepteurs
en cas de dommage causé par l'intelligence artificielle, présumant que le défaut de
145
En considérant dans ce cas là qu’une IA représente un produit défectueux conformément au DOC ,
103
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Quoi qu'il en soit, il est essentiel de noter que ces propositions prospectives ne
devraient pas être limitées au niveau national. L'intelligence artificielle devra
s'adapter à la fois aux principes fondamentaux établis et aux aspects imprévisibles de
la pratique.
104
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Les crimes liés à l'intelligence artificielle constituent un défi majeur dans notre
monde technologiquement avancé, d'autant plus que l'évolution rapide de la
technologie a donné naissance à de nombreuses nouvelles infractions. Certaines
technologies avancées permettent désormais à des dispositifs dotés d'intelligence
artificielle de prendre des décisions autonomes, ressemblant étroitement à celles
prises par les êtres humains.
105
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
algorithmes sont développés pour identifier des visages sur Internet et interférer avec
la vie privée des utilisateurs à des fins publicitaires.
Dans cette étude, nous diviserons notre analyse en deux sections distinctes. La
première section portera sur l'identification des acteurs ou intervenants qui peuvent
être tenus pénalement responsables, tandis que la deuxième section se penchera sur
la classification des infractions et les sanctions qui leur sont associées.
146
Dahshan, Yahya Ibrahim (2020) "Criminal Liability for Artificial Intelligence Crimes," Journal Sharia and Law:
Vol. 2020 : No. 82 , Article 2. Page 27 available on
https://scholarworks.uaeu.ac.ae/sharia_and_law/vol2020/iss82/2
106
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Il est essentiel d'établir des critères rigoureux pour lutter contre la fraude
commerciale potentiellement commise par les fabricants. Cela garantit une
protection adéquate pour les consommateurs, en veillant à ce qu'ils aient accès à des
produits de haute qualité et sécuritaires.
Dans ledit cas, les réglementations commerciales pourraient exiger que l'entreprise
obtienne le consentement explicite des utilisateurs avant de collecter et d'utiliser
leurs données. De plus, elles pourraient imposer des sanctions sévères en cas de non-
respect de ces règles, telles que des amendes importantes.
107
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Cela montre comment le droit commercial peut intervenir pour réglementer les
technologies d'intelligence artificielle afin de protéger les droits des consommateurs
et garantir un environnement commercial éthique et équitable.
147
Op, cit , Dahshan, Yahya Ibrahim (2020) Article 2. Page 29.
108
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
148
Op,cit Dahshan, Yahya Ibrahim (2020) "Criminal Liability for Artificial Intelligence Crimes," Journal Sharia and
Law: Vol. 2020 : No. 82 , Article 2. Page 29.
109
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
À l'heure actuelle, la plupart des systèmes d'IA sont programmés et supervisés par
des individus ou des organisations, ce qui signifie que la responsabilité légale
incombe généralement à ces acteurs humains. Cependant, à mesure que l'IA devient
149
Op,cit.
110
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Participation d'une tierce partie avec l'IA : Si une tierce partie collabore activement
avec l'intelligence artificielle pour commettre une infraction, alors cette tierce partie
serait généralement tenue responsable de l'infraction. Cependant, il est important de
noter que, même dans ces cas, l'IA pourrait également être tenue partiellement
responsable, en particulier si elle a contribué de manière significative à l'infraction.
Par exemple, si une personne supprime les limites de sécurité d'une IA, permettant
ainsi à l'IA de commettre des actes criminels, cette personne pourrait être tenue
responsable, mais l'IA pourrait également être impliquée.
111
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Par exemple, dans le domaine du droit pénal des affaires, si un individu utilise
délibérément une IA pour commettre une fraude financière, en manipulant des
données pour dissimuler des transactions illégales, les deux parties, c'est-à-dire
l'individu et l'IA, pourraient être considérées comme des co-auteurs de l'infraction.
Le complice humain serait responsable de son implication directe dans la fraude,
tandis que l'IA pourrait être tenue responsable pour sa contribution technologique à
l'infraction.
Cependant, il est important de noter que la responsabilité de l'IA dans de tels cas
dépendrait de sa capacité à agir de manière autonome et de sa participation active à
l'infraction. L'attribution de responsabilité serait basée sur la contribution relative de
chaque partie à l'acte criminel. Toutefois , Peut-on infliger des sanctions pénales
aux entités d'intelligence artificielle ?
La réponse est plus au moins complexe , car l’application du droit pénal aux entités
d'intelligence artificielle est également complexe. En général, le droit pénal suppose
la culpabilité d'un être humain. Cependant, dans certaines situations, lorsque l'IA est
l'instrument de la criminalité, les autorités peuvent confisquer ou détruire la machine
responsable du crime, mais cela ne constitue pas une peine pénale traditionnelle. La
responsabilité pénale est encore un domaine en évolution en ce qui concerne l'IA, et
les législateurs travaillent sur des cadres juridiques pour aborder ces questions.
150
Op,cit Dahshan, Yahya Ibrahim.
112
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Dans cette trajectoire , nous explorerons la typologie des crimes associés aux
systèmes d'IA, en nous penchant sur les différentes manières dont ces machines
peuvent être impliquées dans des activités illégales. Nous examinerons également
les sanctions et les responsabilités légales qui incombent aux personnes et aux
entités responsables de ces systèmes d'IA.
Bien que l'intelligence artificielle joue un rôle primordial dans la détection des
crimes futurs, la prédiction des taux de criminalité, des types de crimes et des zones
à risque à l'aide d'algorithmes basés sur des données spécifiques, elle offre des
résultats extrêmement pertinents151. Ces avancées permettent de se préparer et de
prévenir les crimes anticipés, encourageant ainsi l'adoption des technologies
d'intelligence artificielle dans ce domaine pour atténuer le phénomène criminel.152
Cependant, cette technologie avancée comporte également des risques, notamment
en ce qui concerne les crimes qui peuvent être perpétrés par des systèmes IA. Dans
cette analyse, nous explorerons les différentes catégories de crimes que l'IA peut
engendrer, avec un accent particulier sur la protection des données et du droit fiscal ,
ainsi le droit des sociétés.
De ce fait , voici quelques catégories de crimes qui peuvent être commis par une
machine ou un robot d'IA, classés en fonction de leur pertinence pour le droit fiscal,
le droit des sociétés et la protection des données à caractère personnel, notamment
pour les entreprises :
La première catégorie :
Droit Fiscal :
151
المجلة القانونية (مجلة متخصصة في, المسؤولية الجنائية الناتجة عن أخطاء الذكاء االصطناعي, عبدهللا احمد مطر الفالسي/الباحـث
( الدراسات والبحوث القانونية) مجلة علمية محكمةISSN: 2537 - 0758) page 2849.
152
Dahshan, Yahya Ibrahim (2020) "Criminal Liability for Artificial Intelligence Crimes," Journal Sharia and Law:
Vol. 2020 : No. 82 , Article 2. Page 14. [Published by Scholarworks@UAEU, 2020].
113
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Évasion fiscale automatisée : Les systèmes d'IA peuvent être utilisés pour
élaborer des stratégies sophistiquées d'évasion fiscale en identifiant des failles
dans les lois fiscales et en minimisant les impôts.
Fraude fiscale automatisée : Des robots IA peuvent être programmés pour
falsifier des documents fiscaux, tels que des déclarations de revenus, afin de
réduire artificiellement les impôts d'une entreprise.
Évaluation inexacte des actifs : Les entreprises peuvent utiliser l'IA pour
sous-évaluer délibérément la valeur de leurs actifs, réduisant ainsi leurs
obligations fiscales.
153
Dahir n° 1-09-15 du 22 safar 1430 (18 février 2009) portant promulgation de la loi n° 09-08
relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère
personnel.
114
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Filtration de données personnelles : Les robots d'IA peuvent être utilisés pour
filtrer des informations personnelles à partir de sources publiques ou privées
sans autorisation, ce qui constitue une violation des lois sur la protection des
données.
La deuxième catégorie :
En sus , il existent des crimes liées aux transgressions des algorithmes des réseaux
sociaux. C’est l’idée par laquelle on présume « qu’il n'y a pas de service sans
contrepartie »,154 c'est le cas de Facebook, où la collecte de données ne se limite pas
aux cookies pris par le navigateur de l'utilisateur. En effet, Facebook va jusqu'à
filtrer complètement les conversations vocales et les chats textuels de l'utilisateur
pour trouver des mots clés correspondant à ses intérêts, afin de les utiliser à des fins
publicitaires voire d'autres fins inconnues. Ces derniers temps , beaucoup ont
154
Op,cit, Dahshan, Yahya Ibrahim (2020 Article 2. Page 23.
115
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
remarqué que dès qu'ils discutent d'une certaine marque ou d'une envie spécifique,
des publicités de cette marque ou de ce produit apparaissent sur Facebook. Toutes
ces pratiques constituent des violations de la vie privée de l'utilisateur et peuvent
être considérées comme des crimes. Récemment, quelques chercheurs ont découvert
que Facebook enregistre les appels et les messages texte sur les téléphones des
utilisateurs, une révélation que ladite entreprise a tenté de nier en prétendant que
l'enregistrement des appels était une fonctionnalité disponible uniquement pour les
utilisateurs de Facebook Lite et Messenger sur les téléphones Android, et qu'il
pouvait être désactivé. Et non sur les téléphones iOs. 155
La troisième catégorie :
La troisième catégorie de crimes liés à l'IA concerne le droit pénal des affaires. Les
systèmes d'intelligence artificielle peuvent être utilisés de manière abusive ou
frauduleuse dans le contexte commercial et financier, ce qui peut entraîner diverses
infractions. Voici quelques exemples de ces crimes :
155
Ibid , Dahshan, Yahya Ibrahim (2020 Article 2. Page 23.
116
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Ces crimes peuvent avoir des répercussions graves sur le monde des affaires,
perturbant la confiance du marché, entraînant des pertes financières et nuisant à la
réputation des entreprises. Les autorités de régulation et les organismes de lutte
contre la criminalité financière doivent être vigilants face à ces nouvelles menaces
émanant de l'IA.
Paragraphe 2 : Anticipation des sanctions pour les Systèmes d'IA : Vers une Meilleure
Visibilité Future: 156
156
دة حليمة لمغازي دة لطيفة القاضي د هشام لمراكشي-مؤلف جماعي-القانون المجتمع و الرقمنة التأثر والتأثير
مختبر االبحاث والدراسات في العلوم القانونية و السياسسة و االجتماعيةPage 102- 2023
157
DAHIR N° 1-59-413 DU 28 JOUMADA II 1382 (26NOVEMBRE 1962) PORTANT APPROBATION DU TEXTE DU
CODE PENAL.
117
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
En sus , la question de l'inapplicabilité du code pénal aux machines (IA) se pose, car
ces machines sont considérées comme des objets et non des individus, ce qui
soulève des défis juridiques importants. A cet , plusieurs problématiques se posent :
Pour y répondre , il faut tout d’abord mettre le point sur les défis que posent les
différences entre la loi pénale et l’inapplicabilité de cette dernière sur un système IA
, nous avons tout en premier :
158
Article 3 : Nul ne peut être condamné pour un fait qui n'est pas expressément prévu comme infraction par la
loi, ni puni de peines que la loi n'a pas édictées.
118
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
que la peine touche directement et personnellement l'auteur du délit, que ce soit dans
son corps, sa liberté, son patrimoine, son honneur ou sa considération. Par
conséquent, l'application de sanctions aux robots, en tant qu'entités non vivantes
incapables de ressentir ou de souffrir, pose un défi à ce concept traditionnel de la
peine pénale.159
De plus, il est largement admis que l'imposition de sanctions aux robots ne réalise
pas efficacement les objectifs principaux du droit pénal. L'application de sanctions à
des entités dépourvues de conscience ou de capacité à influencer leur propre
comportement est considérée comme inefficace en termes de dissuasion générale et
de réadaptation individuelle. L'objectif principal du droit pénal est de réformer et de
réhabiliter la personne condamnée, afin de la réintégrer efficacement dans la société.
Cet objectif est difficile à atteindre dans le cas des robots, car ils ne peuvent pas être
réhabilités de la même manière que les individus.
Par conséquent, l'attribution de responsabilité pénale aux robots entre en conflit avec
les principes traditionnels de la peine pénale et manque d'efficacité dans la
réalisation des objectifs du droit pénal. Aborder ce défi nécessite une réflexion
approfondie sur la manière d'adapter le système juridique pour faire face aux
évolutions technologiques et aux questions éthiques liées à l'intelligence artificielle.
Le système de sanctions pénales traditionnelles est impraticable pour les robots. 160
En réalité, l'application de n'importe quelle peine pénale conventionnelle sur un
robot semble irréalisable, que ce soit une peine corporelle telle que la peine de mort,
une privation de liberté comme l'emprisonnement, une amende ou une confiscation,
ou même une sanction touchant à la réputation ou à l'estime. Ce qui est dit à propos
de la mise à l'arrêt ou de l'interdiction d'activité, ainsi que de l'imposition d'amendes,
ces sanctions sont essentiellement dirigées vers le propriétaire ou l'utilisateur du
159
ADOU K. M., Robotum criminalis : Analyse prospective de l’application des concepts de droit pénal
aux robots intelligents, Editions JFD, 2020 page 93.
160
دة حليمة لمغازي دة لطيفة القاضي د هشام لمراكشي-مؤلف جماعي-القانون المجتمع و الرقمنة التأثر والتأثير
مختبر االبحاث والدراسات في العلوم القانونية و السياسسة و االجتماعيةPage 101- 2023
119
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
robot. Même avec les évolutions récentes du système de sanctions, qui tendent à
réhabiliter le condamné et à le réintégrer dans la société, ces sanctions demeurent
inadéquates pour les robots.
Compte tenu des défis posés par l'application des sanctions pénales aux robots et à
l'intelligence artificielle, il est essentiel que la législation marocaine, comme celle
d'autres pays, prenne en considération ces nouveaux enjeux. Il serait nécessaire
d'envisager une révision législative ou la création de lois spécifiques pour
réglementer la responsabilité pénale des robots et de l'IA. Cela permettrait de
combler le vide juridique actuel et de garantir que les sanctions appropriées sont
appliquées en cas de comportement répréhensible de la part de ces entités
artificielles. Ce processus législatif devrait être guidé par des principes
fondamentaux du droit pénal, tels que la clarté, l'équité et la proportionnalité des
sanctions, tout en tenant compte des spécificités de l'IA.
En réalité, les crimes commis par un robot sont imputables à l'entité qui contrôle et
utilise ce robot. Le robot en lui-même n'est qu'un outil, une technologie, et il ne
possède pas la capacité d'agir de manière autonome et intentionnelle. Ainsi, les
crimes commis par un robot sont en réalité perpétrés par l'individu ou l'entité qui
exerce un contrôle sur ce robot et qui l'utilise pour réaliser des actions illégales. Le
robot n'est qu'un instrument entre les mains de cet acteur moral, qui devient le
véritable auteur de la criminalité commise par le biais du robot. Cette notion est
essentielle pour établir la responsabilité pénale dans les affaires impliquant des
robots, car elle identifie clairement l'individu ou l'entité qui doit répondre de ces
actes criminels.
120
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Dans cette même trajectoire, les chercheurs en droit pénal sont confrontés à un défi
majeur en raison de l'absence de textes de loi spécifiques régissant les crimes liés
aux technologies de (IA). Cela contraint les chercheurs à explorer les lois pénales
existantes et à tenter de les appliquer de manière adaptée à ces crimes complexes.
Cependant, cette approche ne résout pas entièrement les problèmes juridiques liés à
l'application des lois existantes aux crimes liés à l'IA.
Dans ce contexte, des solutions juridiques peuvent être explorées à travers deux
approches distinctes :
Bien que le problème de la responsabilité pénale découlant des crimes liés aux
technologies de l'intelligence artificielle trouve son origine dans l'absence de textes
de loi spécifiques, il est complexe en raison de la multiplicité des parties pouvant
être impliquées dans un crime, telles que les concepteurs, les utilisateurs ou même
161
Op,cit , ADOU K. M.
121
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
l'IA elle-même. Par conséquent, les lois existantes peuvent ne pas être entièrement
adaptées à ces types de crimes.
L'idée de la responsabilité morale, parfois désignée comme une entité morale, peut
être explorée lors de la réflexion sur les crimes liés à l'IA. Dans cette perspective, le
concept de "l'auteur moral" est envisagé. Cette approche repose sur l'idée que les
crimes d'IA sont commis par une entité morale, que ce soit le concepteur, le
programmeur, l'utilisateur ou l'IA elle-même.
Même avec l'évolution récente du droit pénal, qui vise à réhabiliter et réintégrer les
délinquants dans la société, ces sanctions restent inapplicables aux IA. La
réhabilitation, par exemple, repose sur la capacité du délinquant à comprendre et à se
réformer, ce qui est impossible pour une IA.
162
L'article 36 du Code Pénal fait référence à la confiscation en tant que peine accessoire, tandis que l'article 42 définit la
confiscation comme le transfert à l'État d'une partie ou de biens spécifiquement désignés appartenant au condamné.
122
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
La réponse est plus au moins affirmative , en tant que mesure de sanction cette
dernière est logique comme elle peut être expliquée de la manière suivante :
En ce qui concerne les objets IA, cela pourrait signifier que s'ils ont été utilisés pour
commettre une infraction ou sont en lien avec une infraction, ils peuvent être saisis
par les autorités compétentes, même si le propriétaire de l'IA n'a pas été condamné.
D'autres articles précisent les infractions spécifiques et les types de confiscation associés à chacune d'entre elles. En
somme, la confiscation est abordée dans ces articles sous différents angles, détaillant les circonstances dans lesquelles elle
peut être appliquée et les biens auxquels elle peut s'appliquer, en fonction de la nature de l'infraction.
163
DAHIR N° 1-59-413 DU 28 JOUMADA II 1382 (26NOVEMBRE 1962) PORTANT APPROBATION DU TEXTE DU
CODE PENAL
123
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Ainsi l'article 87 du même code164 déjà précité peut-il être appliqué en tant que
sanction d'interdiction d'exercice dans le contexte des infractions liées à
l'intelligence artificielle ?
Par exemple, si une entreprise utilise un système d'IA pour commettre des fraudes
fiscales ou des activités criminelles, une mesure de sûreté telle que l'interdiction
d'utiliser des systèmes d'IA pendant une certaine période pourrait être imposée. Cela
empêcherait l'entreprise de continuer à exploiter l'IA de manière nuisible pour la
société.
Il est important de noter que cette mesure serait prise dans le but de protéger l'intérêt
public et de prévenir de futures infractions liées à l'IA. Cela montre comment le
droit pénal existant peut être adapté pour traiter les nouvelles technologies, comme
l'IA, afin de garantir la sécurité, la santé, la moralité et l'épargne publiques.
Dans ces circonstances, les règles éthiques jouent un rôle crucial pour réglementer
les systèmes d'intelligence artificielle.
Comment peut-on établir des liens entre les technologies numériques avancées, y
compris l'IA, et les conceptions actuelles de la responsabilité ? Qui doit assumer la
responsabilité des effets négatifs et des risques liés au développement et à
l'application de ces technologies, y compris les violations des droits de l'homme et
d'autres préjudices causés par leur fonctionnement ? Bien que la question puisse être
164
Ibid.
124
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
D’ailleurs , les relations entre l'éthique et le droit se dessinent dans une ambivalence
complexe, oscillant entre proximité et éloignement, accentuée par la difficulté à
définir clairement la notion d'éthique.165
165
Lêmy Godefroy, Maître de conférences HDR GREDEG UMR 7321 , Éthique et droit de l'intelligence
artificielle Osmose ou symbiose ? - Université Côte d'Azur. Recueil Dalloz 2020 p.231
125
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
L'éthique se trouve au carrefour des idéaux qui confèrent un sens à la vie et des
règles que l'on ressent le devoir de respecter. Elle explore la sphère des valeurs et
des principes moraux, englobant des questions philosophiques fondamentales telles
que la nature d'une action vertueuse, la valeur de la vie humaine, la justice, et la
définition d'une vie bonne. Cette discipline, souvent liée à la philosophie, soulève
des débats où les termes "morale" et "éthique" sont utilisés de manière
interchangeable, chacun renvoyant à des aspects concrets et évaluatifs des
comportements humains.
126
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
166
Op,cit , Lêmy Godefroy.
127
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Les idéaux éthiques, bien que non contraignants par nature, peuvent influencer le
droit une fois réceptionnés et institutionnalisés. Cependant, seules les valeurs
praticables actuellement dans le contexte technologique de l'intelligence artificielle
accèdent à la consécration du droit.
Malgré des croisements ponctuels, l'éthique et le droit restent distincts, séparés par
une membrane semi-perméable sélective, conservant leur irréductibilité mutuelle.
II - Symbiose ?
L'éthique et le droit se caractérisent par leurs finalités distinctes : le droit façonne les
moyens contraignants pour atteindre les objectifs éthiques, tandis que l'éthique
nourrit la confiance dans l'intelligence artificielle. Ils entretiennent un rapport
d'altérité, parfois source d'incompréhensions. 169
A - Altérité
La confiance dans l'intelligence artificielle est cruciale pour son acceptation par la
société civile. L'éthique joue un rôle majeur en favorisant cette confiance, posant les
bases de la confiance sociale envers les systèmes artificiellement intelligents. Les
parties prenantes, dont les citoyens, acteurs économiques, développeurs, et
institutions publiques, participent activement à la construction de cette éthique. Des
mesures concrètes, telles que la privacy by design et des tests de détection de biais,
sont attendues pour rendre ces principes éthiques tangibles.
167
Op,cit, Lêmy Godefroy.
168
Op,cit , Lêmy Godefroy, p.231
169
Ibid.
128
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
B - Incompréhensions
Afin d’éviter tous ces incompréhensions , une mise en place d’un régime
d’assurance est sine qua non.
129
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Une autre option serait d'imposer aux entreprises intervenant dans la chaîne de
valeur concernée de souscrire une assurance responsabilité civile.
L'avantage de cette approche réside dans le fait qu'elle permet aux individus affectés
par les technologies de demander une indemnisation même lorsque l'identification
précise des entreprises responsables des dommages s'avère difficile, ou lorsque ces
entreprises ne sont plus en mesure de couvrir les coûts liés à l'indemnisation.
Imaginons une entreprise qui utilise des robots dotés d'IA avancée pour automatiser
une grande partie de sa production. Au fur et à mesure que ces robots deviennent
plus sophistiqués, l'entreprise constate qu'elle peut remplacer un certain nombre de
ses employés par ces machines, réduisant ainsi ses coûts de main-d'œuvre.
Ainsi, le droit du travail pourrait évoluer pour prendre en compte les spécificités de
l'IA et garantir la protection des droits des travailleurs dans un environnement de
plus en plus automatisé.
Pour conclure cette deuxième partie, il semble assez loin que le Maroc mette en
place une réglementation dans un futur proche pour encadrer et garantir une
utilisation saine de l'intelligence artificielle pour les utilisateurs, les détenteurs et les
tiers. Ceci en vue de la quasi-inexistence d’une robotisation dans un tel domaine.
Dans cette section, notre attention a été principalement axée sur la proposition de
nouvelles dispositions ou hypothèses qui pourraient contribuer à l'établissement de
nouvelles règles concernant la robotisation, en particulier l'IA.
Cependant, et à titre indicatif , dans un domaine spécifique celui des Forces Armées
Royales, le Maroc dispose d'une réglementation particulière concernant les drones,
170
qui sont des machines utilisant l'intelligence artificielle. Cette réglementation est
en conformité avec les normes et pratiques recommandées par l'OACI 171pour la
navigation aérienne, et peut s'appliquer aux opérations de drones dans certaines
situations. Ces derniers ont des limites d’utilisation voire des conditions spécifiques.
170
Magazine scientifique : l'espace marocain des forces armées royales air N°105. Inspection FRA.
171
l'OACI : Organisation de l'aviation civile internationale.
131
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Conclusion
En guise de conclusion, la digitalisation, la numérisation, et la robotisation ont
métamorphosé notre monde, simplifiant les procédures et remodelant la manière
dont nous interagissons avec notre environnement. Cette révolution technologique a
transcédé les frontières de multiples secteurs, impactant profondément le tissu même
de la société. Le monde juridique, en particulier, n'a pas échappé à cette
transformation, se trouvant confronté à la présence omniprésente de l'intelligence
artificielle.
Prenons l'exemple éloquent des contrats intelligents, qui ont été scrutés à travers le
prisme du Dahir des obligations et contrats, ou encore des délits liés aux données à
caractère personnel explorés dans le cadre des lois pénales existantes. Ces analyses
détaillées nous ont permis de démontrer que les codes de base de la loi marocaine
peuvent constituer une assise solide pour une réglementation nouvelle et spécifique
concernant l'utilisation de l'intelligence artificielle et des robots.
Ainsi, notre travail de recherche a posé une question cruciale comme suivante : est-
ce que les dispositions juridiques de notre législation marocaine peuvent servir de
socle pour l'élaboration d'une législation novatrice encadrant les limites
d'utilisation de l'intelligence artificielle et des robots au Maroc ? Nous avons mis
en lumière les opportunités que cela offre pour combler le vide juridique actuel et
garantir une approche équilibrée et adaptée à la réalité numérique qui s'impose.
Notre contribution aspire à être le catalyseur d'un dialogue juridique constructif pour
l'élaboration d'une législation moderne et spécifique, permettant au Maroc de
naviguer avec assurance dans l'ère de l'intelligence artificielle, tout en préservant les
valeurs fondamentales et les droits de ses citoyens.
132
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
172
Le Maroc trace la voie d’un futur éthique en IA avec l'UNESCO | UNESCO Visité le 1 oct 2023.
173
FACT SHEET: President Biden Issues Executive Order on Safe, Secure, and Trustworthy Artificial Intelligence |
The White House Visité le 1 oct 2023.
133
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
134
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
BIBLIOGRAPHIE
Textes et lois législatifs marocains
Dahir des Obligations et Des Contrats
Dahir n° 1-09-15 du 22 safar 1430 (18 février 2009) portant promulgation de la loi
n° 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des
données à caractère personnel.
La Constitution 2011.
Jurisprudence
Cass. civ. 1, 19 juin 2013, n° 12-17.591.
135
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
EXERGEN CORPORATION v. KAZ USA, INC. , No. 16-2315 (Fed. Cir. 2018) Extrait de
16-2315-2018-03-08.pdf (justia.com).
L'affaire Enfish v. Microsoft de 2016. 15-1778.Opinion.7-28-2016.1.PDF
(uscourts.gov)
McRO, Inc. v. Bandai Namco Games Am. Inc., 837 F.3d 1299, 1314 (Fed. Cir.
2016). Extrait de 19-1557-2020-05-20.pdf (justia.com)
1ère Civ. 19 juin 2013, n°12-17591. note A. LEPAGE JCP. G. n°36. 2013. 907.
Ouvrages en arabe
-كأ صأأأ الكزوب زمأأأ ن-أأأز كاأأأزكمأأأ الكزوب زمأأأ نك كزبة أأأا كزب،ك"زبنظ يأأألكزبة مأأألكباب زمأأأ نك،مأأأنمالكزبر أأأ يك
11صك،1972كبسنلك،2كط،ك لكذك كزب طبةلك،1"كجك.
كم سأأأ كزباسأأأ ديكزببطي أأألك-كمأأأعكز أأأطز كزبط بأأأهكصأأأ كزبكأأأطز ك-ك رزسأأألكم ر أأأل-زب أأأ الكاأأأزكمازذكأأألكزبأأأيك كزوصأأأطن ز
17صك،ك2022-2021ك،كذ مةلكسيطيكمح طك عك بطكهللاك ف س،بفضكزب ن ز نك.
زبب حأأأأعبدك بأأأأأطهللاكزح أأأأأطكمطأأأأأ كزبفاسأأأأأزكاكزب سأأأأأا بيلكزبءن ديأأأألكزبن جءأأأأألك أأأأأعكأ طأأأأأ كزبأأأأأيك كزوصأأأأأطن زاكزب ء أأأأألك
يلكمحر ل ( زب ا يلك(مء لكم خصصلكازكزبطرزس نك زببحاثكزب ا يل)كمء لكISSN: 2537 - 0758).
ك ةكح ي أأأألكب أأأأ زيك-كمابأأأمكذ أأأأ زك-يأأأألك مخ بأأأ كزو حأأأأ ثك زبطرز سأأأأ نكاأأأأزكزبة أأأا كزب ا يأأأألك كزبسي سسأأأألك كزوذ
– ةكبطيفلكزب ضزك كهش كب زكشز2023.
Ouvrages en anglais
Ryan Abbott , The Reasonable Robot , introduction Artificial Intelligence and the
Law, Publisher: Cambridge University Press , Print publication year: 2020 Page 1-2.
Jan De Bruyne Cedric Vanleenhove (eds.) , Artificial Intelligence and the Law, First
published in hardcover in 2021, ISBN 978-1-83970-103-0 , Intersentia Ltd 8
Wellington Mews | Wellington Street Cambridge | CB1 1HW | United Kingdom
CHAPTER 13 A I IN BELGIAN CONTRACT LAW: DISRUPTIVE
CHALLENGE OR BUSINESS AS USUAL? Page 337.
136
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Ouvrages en français
Adrien Bonnet , La responsabilité du fait de l’intelligence artificielle Réflexion sur
l’émergence d’un nouvel agent générateur de dommages Mémoire de recherche
Sous la direction de Monsieur le professeur NICOLAS MOLFESSIS Année 2014
Boris Barraud. Les blockchains et le droit. Revue Lamy Droit de l’immatériel, 2018,
147.
137
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
Articles/Revues :
AKKOUR S. & al. (2023) «LA PROTECTION DES DONNÉES PERSONNELLES
FACE À L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE», Revue Internationale du Chercheur
«Volume 4 : Numéro 3».
Magazine scientifique : l'espace marocain des forces armées royales air N°105. Inspection
FRA.
Webographie
https://www.gouvernement.fr/actualite/le-g20-un-forum-de-cooperation-economique-
internationale
FACT SHEET: President Biden Issues Executive Order on Safe, Secure, and Trustworthy
Artificial Intelligence | The White House
138
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
139
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
140
L’intelligence artificielle et son influence sur le droit des affaires
141