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MASTER DROIT PRIVE ET SCIENCES CRIMINELLES

LA POLITIQUE CRIMINELLE
ANTITERRORISTE ET LE
DROIT PENAL DE L'ENNEMI

SOUS LA DIRECTION DE
PROFESSEUR : CHAHID SLIMANI

Réalisé par :
Yassmine BENHAYOUN

Sara BARNAK

Yousra EZZAOUYA
2021 - 2022 CHADI QUARQORI

IBRAHIM SALHI

YASSINE JAMALI
REMERCIEMENT

Nous remercions tout particulièrement MR CHAHID SLIMANI pour


ses précieuses orientations, sa disponibilité sans faille, son énorme
soutien et ses judicieux conseils.

Nous espérons que ce travail soit à la hauteur de ses exigences.

Nous sommes également reconnaissant envers toutes l’équipe


pédagogique de l'université Sidi Mohamed Ben Abdellah qui nous ont
fourni les outils nécessaires à la réussite de nos études et nos
recherches.

Et bien sur un grand merci pour tous les membres du groupe qui ont
veillé à réussir ce travail.
Sommaire
Introduction : .......................................................................................................................................... 5
Chapitre I : La politique criminelle marocaine contre de terrorisme .............................................. 8
Section 1 : La lutte anti-terroriste au Maroc .................................................................................. 8
Section 2: les impasses et les obstacles de la lutte anti-terroriste ................................................ 11
Chapitre II : Le droit pénal de l’ennemi ........................................................................................... 13
Section 1 : La théorie du "Droit Pénal de l’Ennemi" .................................................................. 13
Section 2: le droit pénal de l’ennemi et la menace terroriste....................................................... 22
Conclusion : ........................................................................................................................................... 25
Bibliographie ......................................................................................................................................... 26

3
‘’ Si l'on part se battre contre le terrorisme, il revient à notre porte. Ce qu'il faut,
c'est se battre contre les raisons du terrorisme ’’
De Shimon Peres, Homme politique israélien
Introduction :

Le mot terrorisme est devenu un terme omniprésent qui s’aborde quotidiennement que
ce soit par les supports médiatiques ou par le simple citoyen. Cette tendance n’est certainement
pas le fruit du hasard car ce sujet sensible, tabou et péjorativement intéressant est considéré
comme la bête noire de la société qui à la fois représente un danger et un ennemi pour la société
civile et bien entendu les Etats.
le droit pénal de l’ennemi apparaît comme un nouveau modèle possible du droit pénal,
impliquant et justifiant concrètement la multiplication d’interventions « ante delictum » en
réponse à la crise des États qui seraient dans l’incapacité d’assurer le contrôle du crime et de la
sécurité1.
Depuis que le terrorisme, au sens que nous donnons aujourd’hui à ce terme, est apparu dans le
dernier tiers du XIXe siècle2, il n’a cessé de provoquer la fureur des mots3. Et dans la gamme
des caractérisations des auteurs d’actes de terrorisme, la catégorie de l’ennemi a d’emblée pris
une place prééminente4. Cela a favorisé la représentation du terrorisme comme un rapport de
type guerrier5, mais en même temps n’a pas empêché que l’on tienne pour admis que lorsqu’on
fait du terrorisme une guerre, il ne s’agit pas d’une « vraie » guerre6, le recours au lexique de la
guerre traduisant l’intensité de l’antagonisme et la sensation de l’hostilité qui le détermine7,
plutôt que mettant en jeu une catégorie formelle.
Quant au Maroc, ce terme ne s’est propagé qu’après les 5 attentats suicides terroristes déroulés
le 16 mai 2003 à Casablanca. Ces attentats revendiqués par la cellule terroriste « Al-Qaïda »
fondée en 1988 par Abdullah Azzam et Osama Bin Laden , ont causé la mort à 45 personnes
dont 33 individus et 12 des 14 assaillants.
D’autre part, quant à la définition étymologique du terme terrorisme il est issu du mot latin «
terrere » qui signifie terreur et qui fût employé pour la première fois en novembre 1794 pendant
la révolution Française.
De son côté, les Nations unies et selon la définition du chercheur Néerlandais Alex P. Schmid10
: « Le terrorisme est une méthode d’action violente répétée inspirant l’anxiété, employée par

1
Sur ce constat, v. not., CANDIDO DA AGRA, La probation et ses contextes socio-historiques, Revue
internationale de criminologie et de police technique et scientifique, vol. LXIV oct/déc. 2011, p. 403.
2
Gilles FERRAGU, Histoire du terrorisme, Paris : Perrin, 2014 ; Martin A. MILLER, The Foundations of Modern
Terrorism: State, Society and the Dynamics of Political Violence, New York : Cambridge University Press,
2013
3
Michael BURLEIGH, Blood and Rage: A Cultural History of Terrorism, New York : Harper, 2009
4
Isaac LAND (ed.), Enemies of Humanity: The Nineteenth-Century War on Terrorism, Basingstoke : Palgrave
Macmillan, 2008.
5
Isaac LAND (ed.), Enemies of Humanity: The Nineteenth-Century War on Terrorism, Basingstoke : Palgrave
Macmillan, 2008.
6
Didier BIGO et Daniel HERMANT, « Simulation et dissimulation. Les politiques de lutte contre le terrorisme en
France », Sociologie du travail, 28 (4), 1986, p. 506-526.
7
Raison pour laquelle, comme le relève Michael Walzer, dans cet emploi de la notion de guerre, « les
guillemets sont toujours nécessaires ». Michael WALZER, « Terrorism and Just War », Philosophia, 34 (1),
2006, p. 3-12 (ici p. 3).

5
des acteurs clandestins individuels, en groupes ou étatiques (semi) clandestins, pour des raisons
idiosyncratiques, criminelles ou politiques, selon laquelle — par opposition à l’assassinat —
les cibles directes de la violence ne sont pas les cibles principales. Les victimes humaines
immédiates de la violence sont généralement choisies au hasard (cibles d’occasion) ou
sélectivement (cibles représentatives ou symboliques) dans une population cible, et servent de
générateurs de message. Les processus de communication basés sur la violence ou la menace
entre les (organisations) terroristes, les victimes (potentielles), et les cibles principales sont
utilisés pour manipuler la (le public) cible principale, en faisant une cible de la terreur, une cible
d’exigences, ou une cible d’attention, selon que l’intimidation, la coercition, ou la propagande
est le premier but »8
En effet, rares sont les pays qui ont donné une définition claire et précise du terrorisme et à titre
d’exemple on cite la législation Américaine dans son Article 22 de l’United States Code Section
2656f(d) alinéa 2 qui définit le terrorisme comme étant« une violence préméditée, motivée
politiquement, perpétrée contre des cibles non-combattantes par des groupes sous-nationaux ou
des agents clandestins »9 et définit aussi les groupes terroristes dans son alinéa 3 comme étant
« tout groupe pratiquant, ou qui comprend des sous-groupes significatifs qui pratiquent, le
terrorisme international »
Il est aussi important de savoir que le législateur Marocain a aussi pris l’initiative de donner
une définition au terrorisme dans la Loi 03.03 promulguée le 28 mai 2003 dans l’Article 218-
19 du Code Pénal.
L’idée principale de cette théorie repose sur un traitement exceptionnel vis-à-vis d’une
catégorie de criminels qualifiés comme des ennemis ou des sources de danger incessant au point
de les priver de leurs garanties légales que ce soit en matière d’assistance judiciaire ou en ce
qui concerne la durée de la garde à vue sans oublier la déconsidération des principes essentiels
sur lesquels se basent les codes pénaux partout dans le monde comme le principe de la légalité
et le principe de la proportionnalité entre la peine et l’infraction le tout pour réduire les
conditions qui vont aboutir à un procès équitable.
Par ces déplacements successifs, la doctrine du droit pénal de l’ennemi a été confrontée à des
réalités sociales, politiques et légales disparates, à tel point que le contenu de la doctrine n’est
pas le même au départ et à l’arrivée de ce parcours. L’objectif de cette étude est d’établir
comment cette circulation de la doctrine du droit pénal de l’ennemi dans différents contextes

8
« Terrorism is an anxiety-inspiring method of repeated violent action, employed by (semi) clandestine
individual, group or state actors, for idiosyncratic, criminal or political reasons, whereby - in contrast to
assassination - the direct targets of violence are not the main targets. The immediate human victims of violence
are generally chosen randomly (targets of opportunity) or selectively (representative or symbolic targets) from
a target population, and serve as message generators. Threat- and violence-based communication processes
between terrorist (organization), (imperilled) victims, and main targets are used to manipulate the main target
(audience(s)), turning it into a target of terror, a target of demands, or a target of attention, depending on
whether intimidation, coercion, or propaganda is primarily sought » SCHMID P.Alex, Political Terrorism : A New
Guide To Actors, Authors, Concepts, Data Bases, theories, & literature, Amsterdam, Transaction Publishers,
1988, p.28.
9
« the term "terrorist group" means any group practicing, or which has significant subgroups which practice,
international terrorism » Paragraph 3, Title 22 of the United States Code, Section 2656f(d).
sociaux et politiques a conditionné la transformation de son axiomatique et de ses usages. Par
un retour sur cette entreprise doctrinale, sur son développement et sur sa «pertinence »10
Dès lors, une problématique s’avère importante à imposer est la suivante : est-ce possible de
définir l’ennemi en se basant sur le casier judiciaire d’un individu quelconque ou sur ses
comportements ? Et est-ce que cette théorie de l’ennemi permettra à mettre fin aux actes
délictueux commis par des individus considérés comme des ennemis dangereux à la vie sociale
et dans ce cas-là le terrorisme ?
Ainsi pour répondre à ces questions, il conviendra de déterminer et décortiquer la politique
criminelle marocaine contre le terrorisme dans une première partie. Puis le droit pénal de
l’ennemi dans la deuxième.
Mots clés : politique criminelle, dissuasion, criminalité, terrorisme, sanction pénale, sécurité
intérieur, état de droit, dogmatique juridique, Droit pénal de l’ennemi, État de droit, sociologie
de la connaissance, terrorisme.

10
Il ne s’agit naturellement pas de juger de la justesse ou de l’utilité des propositions portées par les
partisans de cette doctrine ou par ceux qui les critiquent. Il s’agit de faire de cette pertinence, que certains
acteurs lui accordent et que d’autres lui dénient, l’objet de l’investigation sociologique, dans une démarche
inspirée par Alfred SCHÜTZ, Das Problem der Relevanz, Francfort-sur-le-Main : Suhrkamp, 1971.

7
Chapitre I : La politique criminelle marocaine contre le
terrorisme

De par sa position géographique, le Maroc est confronté à plusieurs activités terroristes. Pour y
faire face, le Royaume du Maroc déploie, depuis de nombreuses années, des efforts importants
pour mettre en place des réponses efficaces de lutte contre le terrorisme (section 1). A côté de
ces efforts certain obstacles sécuritaires, humanitaires, juridiques et judiciaires constitue un
grand défi pour le Maroc contre le terrorisme (section 2)

Section 1 : La lutte anti-terroriste au Maroc

L’approche marocaine en matière de lutte anti-terroriste "reflète une profonde


conviction quant à la capacité de l'Afrique à inverser la tendance, comme l'a souligné Sa Majesté
le Roi Mohammed VI devant le 29ème Sommet de l'Union Africaine en assurant que "Nous
avons toujours été convaincus que l’Afrique peut transformer ses défis en authentique potentiel
de développement et de stabilité"11.
Il y a dix-neuf ans, le 16 mai 2003, le Maroc est frappé en plein cœur par le terrorisme. Une
stratégie est ainsi mise en place, et à plusieurs niveaux. D’abord, le volet sécuritaire et pénal
pour cerner rapidement le fléau. Ensuite, les autres dimensions de cette stratégie ont été
déployées progressivement, notamment la dimension socioéconomique avec la mise en place
de l’INDH et la dimension religieuse avec la réforme globale et profonde du champ religieux.
L’INDH, comme tout le monde le sait, est actuellement à ce qu’on pourrait appeler la troisième
génération de ses interventions qui est sans doute la plus importante, puisqu’elle touche à un
domaine très sensible, l’enseignement, Ses services sont régulièrement sollicités par des pays
de différentes régions du monde, Sur le plan sécuritaire, le Royaume est devenu leader régional
et vecteur de sécurité et de stabilité dans la région.

Le Royaume du Maroc, conformément à la Vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a mis


en place une stratégie efficace, multidimensionnelle et holistique de lutte contre le terrorisme
et l’extrémisme violent”12

“Plus de 210 cellules terroristes ont pu être démantelées par le Maroc depuis 2002 à la faveur
de cette stratégie”, s’est félicité le ministre.

11 Extrait du discours de sa majesté le Roi Mohammed VI au 29ème Sommet des chefs d'Etat
et de gouvernement de l'Union Africaine.
12
M. Bourita à l’ouverture des travaux de la réunion ministérielle de la Coalition mondiale
contre Daech.
Cette première réunion ministérielle de la Coalition mondiale contre Daech en Afrique se tient
à l’invitation conjointe du ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des
Marocains résidant à l’Etranger et du chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken.

La réunion, qui décortique les défis imposés par le terrorisme sous toutes ses formes et le
repositionnement de Daech en Afrique, passera en revue les actions entreprises en termes
d’efforts de stabilisation dans les zones précédemment impactées par Daech, dans le domaine
de la communication stratégique contre la propagande de radicalisation de ce groupe terroriste
et de ses affiliés, et la lutte contre les combattants terroristes étrangers.

Le Maroc comme plusieurs pays dans le monde a subi des attentats terroristes d’origine
islamiste à partir de Mai 2003. Sa réponse à ces attentats a été multiforme sur les plans
idéologique, sécuritaire, économique et social. La lutte du Maroc contre le terrorisme s’est
déroulée à la fois sur le plan national et international.
Sur le plan sécuritaire et en vue de lutter contre le terrorisme, le Maroc a créé en 2015 le Bureau
central d’investigations judiciaires (BCIJ) basé à Salé, et dépendant de la Direction générale de
la surveillance du territoire (DGST).
Selon l’expérience anti-terroriste marocaine, un nombre de cellules terroristes démantelées par
le Bureau Central d’Investigations Judiciaires (service de la police marocaine).

• Entre 2002 et 2018, 183 cellules ont été démantelées.

• Depuis 2013, les autorités ont démantèle 62 cellules terroristes liées plus spécifique
à l’État islamique.

• 8 cellules, ont été démantelées pour la seule année 2018.

• Démantelé 21 cellules en 2015, 19 en 2016, 9 en 2017 et 8 cellules du début de cette


année à début octobre.

• Depuis 2014, 51 cellules démantelées sont liées à l’État islamique. Ces opérations ont
abouti à l'arrestation de 902 personnes, dont 14 femmes et 29 mineurs.

• Parmi les personnes arrêtées figuraient 22 étrangers, dont huit Syriens et trois
Afghans, le reste étant composé de Français, de Turcs, d’Italiens, de Tchadiens, de Guinéens,
d’Égyptiens, de Libanais, de Russes et de Tunisiens. On y trouve également 10 Belges d'origine
marocaine, cinq Français d'origine marocaine, deux Espagnols d'origine marocaine et un
citoyen français d'origine algérienne.

• Le nombre de Marocains ayant rejoint la Syrie est de 1666 combattants, dont 929 ont
intégré les rangs de "l’État islamique". 225 d’entre eux ont déjà un casier judiciaire lié aux
questions de terrorisme.

• 239 personnes sont revenues sur le sol marocain, tandis que 643 combattants ont
perdu la vie dans la zone syro-irakienne, majoritairement lors d'attaques-suicides.

• Les opérations anti-terroristes dans le Royaume ont permis d’empêcher 361 actes.

9
• Les opérations anti-terroristes marocaine récentes ont abouti à l'arrestation de plus de
3129 personnes, dont 292 ont un casier judiciaire. Leur objectif principal était de « cibler
certains sites sensibles du Royaume ».
L’approche marocaine repose sur trois processus : un processus d’éradication, un processus
préventif, un processus de « dé-radicalisation » / réhabilitation.

Elle se caractérise par une méthode reposant sur le renseignement humain et l’intelligence
artificielle. C’est aussi une approche basée sur la surveillance, le suivi et la neutralisation des
menaces d’une manière non-violente, c’est-à-dire sans éliminer les terroristes afin d’obtenir un
maximum de renseignements et juger les accusés selon les règles du droit.

Un autre aspect qui a renforcé cette efficacité chez les différentes instances sécuritaires du
Royaume est la tendance à la remise en question permanente, caractérisée par le rajeunissement
du personnel dans le secteur de la sécurité, l’amélioration des compétences au travers des
formations continues, et le renforcement de l’arsenal sécuritaire par l’apport des disciplines
scientifiques spécialisées, que ce soit dans les laboratoires scientifiques pour les investigations
judicaires (Forensic Laboratories), ou celles relatives à l’amélioration de l’analyse stratégique
et opérationnelle. Il est aussi nécessaire d’assurer le maintien de canaux de communication
efficaces et vigoureux entre les départements centraux et les administrations locales, au travers
d’une approche non bureaucratique appelée à satisfaire l’interaction rapide dans le transfert et
la vérification des informations.

La Loi n° 03-03 relative à la lutte contre le terrorisme ne contient pas de définition assez précise
du terme « terrorisme », en violation du principe de légalité des délits et des peines. Elle modifie
en outre le Code de procédure pénale du Maroc, en permettant la prolongation de la garde à vue
jusqu'à 12 jours dans les affaires de terrorisme, et elle étend la période pendant laquelle les
détenus sont privés de contact avec leur avocat jusqu'à six jours. Par conséquent, elle rend ces
derniers plus exposés au risque de subir des actes de torture ou d'autres mauvais traitements et
elle porte atteinte à leur droit à une défense adéquate.
Il est aussi important de signaler que le législateur Marocain a aussi pris l'initiative de donner
une définition au terrorisme dans la loi loi 03.03 promulguée le 28 MAI 2003 dans l'article 218-
1 du code pénal13.
Le législateur ne s’est pas arrêté à ce niveau, le processus d’aggiornamento de l’arsenal
juridique s’est poursuivi jusqu’à très récemment avec des mesures juridiques visant le
resserrement du dispositif du blanchiment d’argent ou du financement du terrorisme et du crime
organisé. Il va sans dire qu’en parallèle avec cette évolution législative, plusieurs instances et
mécanismes visant à assurer l’efficacité et l’efficience nécessaires face au terrorisme et à
l’extrémisme, ont été mis en place, et ce, dans le respect des droits et libertés, des garanties de
procès équitables et de l’État de droit.
On peut ainsi citer dans ce contexte, la création de la Cour d’appel de Rabat qui se charge de
l’examen des affaires liées au terrorisme et à son financement, la création du BCIJ, en tant que

La loi 03-03 relative à la lutte contre le terrorisme promulguée le 28 mai 2003 :13
mécanisme de renforcement des organes d’investigation et d’enquête à compétence nationale
et plus tard la création de brigades régionales de la police judiciaire et de l’Autorité nationale
du renseignement financier (ANFR), ainsi que du Comité national chargé de l’exécution des
sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU en lien avec le terrorisme et la prolifération des
armes et leur financement.
L’approche marocaine ne se limite pas au volet sécuritaire. Le champ religieux au Maroc a
connu plusieurs réformes lors des 18 dernières années, à savoir : le monitoring des lieux de
prière, la réduction du volontariat dans l’encadrement religieux, la formation des imams et
prêcheurs, l’inclusion de la dimension du genre, l’encadrement du récit religieux et une
distribution adéquate des rôles (le Ministère des Habous et des affaires islamiques s’occupe
principalement de la logistique et du budget, mais l’élaboration des fatwas reste sous la tutelle
du Conseil supérieur des oulémas. Enfin, la prévention est placée sous la responsabilité de la
Rabita mohammadia des oulémas, qui élabore la déconstruction des narratifs extrémistes. Il
alloue au Roi le statut de médiateur, d’arbitre, d’unificateur et de garant de la sécurité spirituelle
de tous les Marocains.

Section 2: les impasses et les obstacles de la lutte anti-terroriste

À cet égard, il est nécessaire de faire une distinction entre les obstacles de dimension
internationale (I) et les obstacles de nature régionale et nationale (II).
I - Au niveau international
La divergence des systèmes juridiques de nombreux pays dans le domaine de la lutte contre la
criminalité terroriste, qui entrave la coopération internationale pour y faire face, ainsi que les
mécanismes limités de coopération judiciaire avec eux, qui sont entourés de procédures
complexes et de moyens traditionnels de recherche et d’enquêtes, qui restent déficientes et
limitées par rapport aux capacités avancées des organisations terroristes et des réseaux criminels
organisés en général.
La fragilité des structures institutionnelles et sécuritaires pour de nombreux pays qui souffrent
de la détérioration de leurs conditions politiques, sécuritaires, économiques et sociales, comme
c'est le cas dans certains pays arabes, comme la Libye, la Syrie et l'Irak. Et d'autres régions,
telles que la région africaine du Sahel et du Sahara, qui est devenue un terreau fertile pour les
organisations terroristes et les réseaux criminels organisés actifs dans diverses formes de
criminalité organisée ; Comme le trafic d'armes, le trafic de drogue, les personnes et les proches
des immigrés, qui profitent de la détérioration des conditions et de l'insécurité dans ces pays
pour s'infiltrer dans les pays voisins.
Le cyberterrorisme : Ce type de terrorisme moderne est considéré comme l'un des derniers types
de pénétration de l'information, et en fait le plus dangereux et le plus difficile, car l'Internet
avancé fournit un véritable soutien aux organisations terroristes dans la mise en œuvre de leurs
plans terroristes, avec sa flexibilité et sa rapidité dans la transmission de informations à travers
le réseau de communication mondial et son flux continu, et le faible coût des matériaux, et donc
Ces organisations ont exploité ce réseau afin de créer de nombreux sites pour attirer et recruter

11
des terroristes, et pour satisfaire les idées extrémistes, Il existe même des sites spéciaux - et
c'est très dangereux - appartenant à l'organisation de DAICH - qui forment des extrémistes à
travers des manuels et des instructions qui expliquent précisément comment fabriquer des
explosifs, des bombes et des armes chimiques, et même une formation à la réalisation
d'opérations suicides, et donc préparer des combattants - ou du moins des bombes chronométrés
- même sans préparation ou entraînement direct.
Par conséquent, ce type de terrorisme est devenu un choix stratégique pour les organisations
terroristes dans la préparation et la mise en œuvre de leurs projets et plans terroristes, en
particulier face à la difficulté de le prouver, car les données et les informations sont des
impulsions électroniques qui circulent en dehors du système d'information, ce qui facilite leur
destruction et l'effacement des preuves. Ils créent également des sites qui incluent des
plateformes en raison de divulguer la propagande, radicaliser, informer, recruter et diffuser les
idées extrémistes qu'elles adoptent, qui, en revanche, cherchent à attirer des personnes qu'elles
considèrent comme des "moudjahidines". D'autres sites avec des objectifs stratégiques attirent
des dizaines de milliers de visiteurs chaque mois. Des groupes nationalistes tel que Al-Qaida
(AQAP), d'Ansar al-Sharia en Libye (ASL), Jabhat al-Nusra (JN) et Jaysh al-Islam, utilisent le
cyberespace pour promouvoir leurs idéologies, mais également comme une arme pour frapper
les infrastructures nationales et attaques les sites et serveurs étrangers.
II – sur le niveau régional ou national
Les Défis et les menaces sécuritaires au Maghreb et dans la région du sahel et du Sahara :
Ces deux régions ont connu - surtout au cours de la dernière décennie - la croissance du crime
organisé et des groupes terroristes qui constituent une menace pour la sécurité et la stabilité des
pays du Maghreb et des pays du Sahel et du Sahara, en particulier à la lumière de la faiblesse
des autorités après l'effondrement des régimes politiques précédents en Tunisie, en Libye et en
Égypte, et le chaos qui en a résulté a eu des répercussions négatives sur la sécurité et la stabilité
des pays voisins. Ainsi, la région du Maghreb est devenue, à la lumière de ces conditions, un
espace fertile pour les groupes terroristes, notamment avec la faiblesse de l'État en Libye et la
sévérité croissante de la propagation et de la contrebande d'armes, des conflits et de la
concurrence pour les ressources pétrolières, et la croissance de l'extrémisme religieux et du
trafic de drogue, à tel point que ce pays est devenu un refuge logistique pour la violence
terroriste, compte tenu de la propagation de la violence terroriste. Des armes en provenance de
Libye ont contribué à renforcer les capacités des groupes terroristes en Tunisie, en Somalie, en
Algérie, au Mali et au Nigéria, où les médias indiquent que le groupe « Boko Haram » a pu
fournir des armes libyennes à travers les frontières du nord du Niger et de l'ouest du Tchad.
Constitue l'un des principaux obstacles à la stabilité en Libye, dans la région du Maghreb, ainsi
que dans la région du Sahel et du Sahara.
Par ailleurs, les efforts modernes du Maroc dans le domaine de la lutte contre la criminalité
terroriste restent limités et proportionnés en l'absence d'une coopération étroite entre notre pays
et les pays voisins, notamment l'Algérie, compte tenu d'une situation géopolitique marquée par
des tensions entre les deux pays sur la question du Sahara marocain, bien que la périphérie
actuelle soit marquée par les risques et défis croissants de la criminalité terroriste La criminalité
organisée en général, et ses formes infiltrées au-delà des frontières des pays du Maghreb et des
pays du Sahel et du Sahara. Il est impératif de mettre de côté les divergences politiques afin de
servir les intérêts des deux pays frères voisins et de préserver et maintenir la sécurité et la
stabilité des pays du Maghreb dans leur ensemble.

Chapitre II : Le droit pénal de l’ennemi

Les Etats réservent un traitement différencié à certains individus qui oserait porter atteinte de
manière grave aux principes fondamentaux de la société d'où la dénomination « droit pénal de
l'ennemi » qui a été conçue par Günther Jakobs en 1985 et qui a été développée en une théorie
dans les années 90.
Le « droit pénal de l’ennemi » est un règlement basé sur l’anticipation de la préhension
punitive de l’État, à travers la dangerosité du délinquant et l’atténuation, la suppression
des droits et des garanties accordées aux individus. Ainsi, il constitue un règlement
d’exception et de développement en marge d’une législation basée sur la dignité
humaine. Pour cette théorie, c’est à travers la dangerosité du délinquant, que l’État
légitime le non-respect de sa condition humaine pour le déposséder de sa personnalité
et, par conséquent, de tous ses droits en tant que personne.
Dans la première section nous allons traiter la théorie du "Droit Pénal de l’Ennemi" (Section
1). Ensuite, la deuxième section sera consacrée pour le droit pénal de l´ennemi et la menace
terroriste (Section 2).

Section 1 : La théorie du "Droit Pénal de l’Ennemi"

Face aux nouveaux conflits sociaux émergeant de la société du risque, le droit pénal s’est
transformé afin de répondre aux exigences inédites de l’humanité. Avec l’augmentation
progressive du taux de criminalité ainsi que l’accroissement du pouvoir de certains secteurs
criminels- surtout terroristes, l’Etat essaye de trouver de nouveaux moyens pour adapter la
législation pénale à ce nouveau palier de menaces qui lui est affligé. Dans cette tentative de
recherche d’élimination de l’ennemi, l’Etat recourt à des règles pénales exceptionnelles,
orientées, vers certaines personnes de la société. Depuis, l’élaboration de nouvelles normes
pénales justifient de plus en plus, et légitiment ces réponses pénales détachées des postulats
fondamentaux de l’ordre juridique lui-même.

De ce fait, à travers cette « légalisation » permanente d’un nouveau droit d’exception, l’Etat
entend accomplir des actions qui ne seraient pas soumis au fondement de la dignité humaine,
de l’Etat de droit, des garanties de l’ordre légal et procédural, ainsi qu’aux nombreux autres
principes prévues par le droit tant national qu’international. Nous aboutissons, ainsi à un
nouveau modèle de l’ordre pénal qui reçoit le nom de droit pénal de l’ennemi, une théorie
développée par Günther JAKOBS qui depuis lors, son acceptation a considérablement

13
augmenté, de sorte que son influence est chaque fois davantage dans les législations du monde
entier.

Si les hommes ont convenu de se réunir en société et vivre en communauté pour ainsi instituer
l’Etat poussés par le désir d’abandonner l’état de nature dans lequel prospère la guerre 14 et de
permettre une vie plus stable et harmonieuse, et une paix durable, ils renoncent à une partie de
leurs droits pour ainsi, se soumettre à la volonté de l’Etat. Mais, face à certains hommes qui ne
supportent pas vivre sous la régence de l’entité étatique, l’Etat applique un traitement
différencié à celui qui oserait porter atteinte de manière grave et réitérée aux principes
fondamentaux de la société, en se comportant en ennemi.

Les philosophes des Lumières, ont déjà entrevus une action différenciée contre l’ennemi qui
s’insurge gravement contre la paix sociale, malgré qu’ils n’ont jamais fait usage de l’expression
« droit pénal de l’ennemi ».

ROUSSEAU, dans son célèbre ouvrage Le Contrat Social, affirme que l’individu qui déclare
la guerre à l’Etat devient un traître de la patrie, et cesse par conséquent d’être un membre de
l’Etat, une fois qu’il a rompu le contrat social ».15

FICHTE, entend aussi que celui qui abandonne le contrat citoyen dans sa totalité où
comptabilise avec prudence certains termes du contrat, de manière volontaire ou par
imprévision, perd tous ses droits comme citoyen et comme un être humain, et acquiert un état
d’absence complète de droits ».16

Pour HOBBES, l’homme qui rompt avec l’Etat déchoit dans un état de nature, condition de
l’homme qui vit dans un état de guerre, où il n’existe aucun Etat ni loi, en ajoutant que celui
qui ne se soumet pas à la loi n’est pas un citoyen, mais un ennemi. 17 Quant à KANT, il fait
valoir que celui qui ne participe pas à la vie d’un Etat Communitario-légal, doit se retirer, ce
qui signifie qu’il doit être expulsé (ou détenu à travers une mesure de sécurité); dans tous les
cas, il n’est pas traité comme une personne, mais comme un ennemi.18

L’Eglise, à son tour, sous l’égide du Saint Office, a perpétrée un véritable massacre contre des
millions de personnes de différente classes sociales entre le XIIème et XVIIIème siècles,
motivée par le fait que ces individus affichaient des formes de connaissances ou de
comportement différents des standards étatiques orientés par la sainte Eglise Catholique. Le
régime totalitaire nazi a donné également naissance à un droit exceptionnel, applicable à une
partie jugée distincte du peuple allemand. La dogmatique allemande a choisit un certain groupe

14
HOBBES (Thomas), Léviathan (Chapitre XIV- Lois naturelles, et des Contrats). Trad. M. Philippe Foliot, 2002.,
p. 111-122.
15
ROUSSEAU (Jean-Jacques), Le Contrat Social (livre II, chapitre V)., éd. Vrin, 256 pages. 2012., p. 52.
16
JAKOBS (Günther) ; MELIÁ (Manuel Cancio), Direito Penal do Inimigo : Noções e Críticas. Porto Alegre. 2008.,
p. 25-26.
17
HOBBES (Thomas), Léviathan (Chapitre XIV- Lois naturelles, et des Contrats). Trad. M. Philippe Foliot, 2002.,
p. 111-122.
18
JAKOBS (Günther), Op cit., p. 49/50
qualifié comme « ennemi », tout particulièrement les juifs, leur retirant tout fondement de
légitimité citoyenne, pour procéder à un véritable holocauste contre ses personnes jugés des
adversaires-ennemis.

De fait, l’expression droit pénal de l’ennemi, a été conçue par Günther JAKOBS, et a été
utilisé pour la première fois en 1985. Cependant, il est parvenu à la développer comme une
théorie à partir des années 90, gagnant depuis chaque jour plus de force. Günther JAKOBS,
conçoit deux manières différentes de l’application du droit pénal. La première est destinée au
citoyen, auquel est garantit l’application de la norme positive respectant tous les droits qui en
découlent. La seconde, est inhérente à l’ennemi, coupé de tout droit jusqu’à l’élimination du
danger qu’il constitue.

Ainsi, pour Günther JAKOBS l’ennemi serait toute personne qui persiste à commettre des
crimes contre l’entité étatique ou qui met en danger l’existence même de l’Etat.
Subséquemment, “face à l’ennemi il n’y a que l’usage de la contrainte physique, jusqu’à la
guerre qui soit légitime”.19 La conception parachevée de la théorie du droit pénal de
l’ennemi s’est opérée en trois phases distinctes.

D’abord, une première phase en 1985, ou fut présenté le droit pénal de l’ennemi à l’occasion
d’une conférence donnée au séminaire de droit pénal à Francfort. Bien que Günther JAKOBS
adopte une position de désapprobation à l’endroit de cette nouvelle dogmatique, critiquant
plutôt l’endurcissement des lois qui ont été produit au cours de ces dernières décennies en
Allemagne. Ensuite, la deuxième phase en 1999, et se présente comme une progression
significative dans l’acceptation de cette théorie, et l’auteur s’est déplacé pour défendre la
nécessité de sa légitimation partielle comme un moyen de contention de l’amplification du droit
pénal de l’ennemi lui- même dans sa conception intégrale. Ce fut la nouvelle position affirmée
par Günther JAKOBS dans une conférence donnée à Berlin au sommet du troisième Millénaire.
Enfin, la troisième phase en 2003, surtout depuis l’incident terroriste orchestré par Oussama
Ben Laden, déclenchés aux Etats-Unis le 11 septembre 2003, l’auteur passe à la défense du droit
pénal de l’ennemi dans son intégralité. Cependant, en mars 2005 dans un congrès plutôt élargi
sur le thème en Allemagne, Günther JAKOBS est réapparu, réaffirmant le droit pénal de
l’ennemi avec des postures radicales, défendus jusqu’aujourd’hui.

Ainsi, dans un premier temps, il s’agira d’analyser les fondements sur lesquels s’appuie
Günther JAKOBS dans la construction de la théorie du droit pénal de l’ennemi, pour opposer
l’ennemi au citoyen (I). En revanche, dans un deuxième temps, nous traiterons la distinction
entre ennemi et citoyen (II).

19
JAKOBS (Günther). Op cit., p. 30.

15
I. L’ennemi par opposition le citoyen

Partant des fondements théoriques du droit pénal de l’ennemi, nous analyserons d’abord le
traitement pénal du citoyen à travers le droit pénal du citoyen (A), afin, d’évaluer la théorie
même du droit pénal de l’ennemi à travers le traitement pénal différencié de l’ennemi (B) ;

A. Le traitement pénal du citoyen

Dans tout Etat de droit, le statut de citoyen et le principe d’égalité de traitement exige que la
république soit formée par l’union indissoluble des citoyens qui constituent un Etat de droit. Ce
pilier de la structure étatique démocratique, est un principe fondamental qui réunit les principes
de l’Etat de droit et de l’Etat Démocratique, non comme une réunion formelle de ses éléments
respectifs, étant donné qu’il révèle un concept nouveau qui les surmonte, mais comme une
transformation providentielle du statut quo des garanties d’une société pluraliste, libre, juste et
solidaire. 20

Bien avant, l’Etat de droit tient ses fondements dans la conception doctrinaire d’une
Constitution matérielle, laquelle est défini par BONAVIDES comme l’ensemble des normes
pertinentes pour l’organisation du pouvoir, l’attribution des compétences, l’exercice de
l’autorité, la forme de gouvernement, les droits de la personne humaine, tant individuels que
sociaux. Tout ce qui constitue, enfin, un contenu basique et se référant à la composition et au
fonctionnement de l’ordre politique exprimant l’aspect matériel de la Constitution.21

En effet, ce corpus a comme portée de stipuler le fonctionnement de l’ordre politique sous-


tendant l’Etat qui, par conséquent, doit observer et respecter la dignité humaine, avant de l’élire
comme un des prédicats fondamentaux dans l’orbite juridique d’un état qui se dit démocratique
et de droit. Il convient ainsi, que l’Etat de droit n’envisage pas l’existence de certains individus
auxquelles ne sont pas assurés des droits et des garanties fondamentales, sous peine de maculer
le principe indéfectible de l’égalité. C’est à partir de ces présupposés que s’est constitué le socle
fondamental de l’ordre juridique d’un Etat de droit, lequel, inexorablement, se trouve fondé sur
la dignité humaine.

De la sorte, commettre un acte illicite, suppose l’application d’une peine au citoyen infracteur,
un fait qui reste à prouver dans la commission matérielle de cet acte considéré comme criminel
par le droit pénal de cet Etat de droit. La peine, cependant, doit être prévue par la loi et ne doit
pas être appliqué qu’après un examen rigoureux, pour assurer le contradictoire, le procès
équitable et l’observance d’une procédure pénale régulière. A cet égard, la dignité humaine,
apparaît non seulement dans presque tous les textes constitutionnels de l’occident, comme dans
les règlements supranationaux, dans le préambule de la Déclaration Universelle des Droits de

20
JÚNIOR (Dirley da Cunha), Curso de Direito Constitucional, éd. Podivm. 2009.
21
BONAVIDES (Paulo), Curso de Direito Constitucional. 9e éd. Voir. San Paulo., éd. Malheiros, 2000, p. 63.
l’Homme et du Citoyen22, la Convention Américaine des Droits de l’Homme, ou le Pacte de
San José de la Costa Rica.23

C’est ainsi, que le droit pénal s’est établi dans un Etat qui est démocratique et de droit, dont la
dignité humaine est le repère d’ancrage et en même temps le point de départ de toute sa
circonférence juridique. En principe, sont couverts par cet ordre juridique toutes les personnes,
y compris celles qui, commettent des violations des règlements sociaux, même de manière
grave et/ou par rébellion contre les autres personnes ou contre l’entité étatique elle-même et son
existence. Subséquemment, le droit pénal orienté vers le citoyen intégrant cet Etat définit les
crimes commis et les assorties des peines légales et proportionnelles. Ces délits sont bien
matériels, même s’ils sont éventuels et non graves, ils représentent un abus dans les relations
sociales dans lesquelles l’agent est inséré. Cependant, il existe une présomption que le citoyen
qui commet le crime offre ce que Günther JAKOBS appelle une « sécurité cognitive
minimale », laquelle signifie que l’agent se soumet à l’ordre juridique, afin de restaurer sa place
politico-sociale à travers son acceptation de la peine.

Si bien que ces individus continuent à être considérés comme des « personnes », qui selon la
définition de LUHMANN et de Günther JAKOBS signifie ayant à représenter un rôle. Une
personne est le masque, c’est-à-dire, qu’elle n’est précisément que l’expression de la
subjectivité de son porteur, a contrario, elle est la représentation d’une compétence socialement
compréhensible. C’est ainsi, qu’elle maintient son statut de personne et, par conséquent, de
citoyen, elle continue à être un sujet capable de bénéficier de droits et de toutes les garanties
légales, en raison du maintien de sa position dans le contexte social.

Il faut noter, cependant que le droit pénal inhérent au citoyen, tient comme caractéristique
remarquable le fait qu’une fois la règle légale est attaquée, l’Etat offre au délinquant une
nouvelle chance de restaurer la validité de cette norme violée. Et cela est dû au fait que le
délinquant se soumet à la réprimande découlant de ce même règlement, et pouvant ainsi
demeurer en société et d’être protégé des abus de l’Etat lui-même et de la vengeance de l’ordre
privé. De ce fait, l’Etat ne perçoit pas l’infracteur comme un ennemi qui doit être détruit à tout
prix et mérite des peines disproportionnées, mais, tout simplement, comme quelqu’un qui viole
de manière accidentelle l’ordre juridico-social.

Par conséquent, nous assistons à l’observance d’un ordre pénal calqué sur une conception
humanitaire du droit; un droit qui préserve le citoyen et sa dignité humaine intangible; un droit
qui favorise une relation libre, égalitaire, réciproque et d’échange. Une telle relation, est basée
non seulement sur la dignité, mais également sur l’auto finalité de l’être humain. Sur cette piste
de réflexion, même ayant commis un acte criminel, le délinquant ne sera pas exécré au sein de
la société à travers des peines indéterminées et disproportionnelle et exceptionnelles. Au

22
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen Assemblée des Nations Unis, 1948.
23
Convention américaine relative aux droits de l’homme (Adoptée à San José, Costa Rica, le 22 novembre
1969, à la Conférence spécialisée interaméricaine sur les Droits de l’Homme).

17
contraire, l’ordre juridique réserve à l’infracteur/citoyen l’application d’une peine raisonnable,
proportionnelle, compatible avec la primauté de la dignité humaine.

B. Le traitement pénal de l’ennemi

A la lumière de la théorie de Günther JAKOBS, la figure de l’ennemi s’est articulée autour


de l’individu qui récidive de manière dramatique ou constante dans la commission des crimes,
ou qui est disposé à commettre des crimes qui portent atteinte à l’Etat et à son existence même.
Ainsi, pour l’auteur, celui qui par principe se conduit de manière déviante, n’offrant aucune
garantie d’un comportement personnel conforme à la loi, ne peut pas être traité comme un
citoyen, mais doit être combattu comme un ennemi.24 Selon cette théorie, à titre d’exemples les
ennemis seraient les bandes organisées ; les auteurs de crimes sexuels ; les criminels
économiques et, plus particulièrement les terroristes. A cet égard SANCHEZ affirme à propos
du concept de l’ennemi, à l’appui à la théorie de Günther JAKOBS, que l’ennemi est un
individu qui, à travers son comportement, son occupation professionnelle ou, principalement, à
cause de son association à une organisation criminelle abandonnant le droit de manière
vraisemblablement durable et non seulement de manière incidente. Dans tous les cas, l’ennemi
est celui qui ne garantit pas une sécurité cognitive minimale de son comportement personnel et
manifeste ce déficit par sa conduite 25.

Mais, si la caractéristique principale de l’« ennemi » est l’abandon durable du droit et l’absence
de sécurité cognitive minimale de sa conduite, alors il serait inadmissible que le mode d’affront
se fasse à travers l’utilisation de moyens de garantie cognitive dépourvue de peines.

Ainsi, l’ennemi devient un danger immédiat qui doit être combattu. Par conséquent, il est
entendu aussi qu’il y a une légitimité urgente à sauvegarder l’Etat, par l’utilisation de toute sa
structure, voire même l’anticipation de la perpétration des actes criminels prévus par l’ennemi,
en raison de la dangerosité manifestement criminelle. Ainsi, conformément à ce qu’affirme
Günther JAKOBS l’auteur ne doit pas être seulement considéré comme potentiellement
dangereux pour les biens juridiques, mais aussi, pour les actes préparatoires dans sa sphère
privé, libre de tout contrôle; et retirer de son statut du citoyen les limites, anticipant les
sanctions. La dangerosité de l’agent devient, ensuite, la caractéristique de l’ennemi, le
distinguant de la figure du citoyen, puisque, en dépit de la commission d’un délit, il est supposé
que permettre les garanties assurera la survie de l’ordre juridique, en ce que cette démarche
n’offre pas cette garantie.

Dans ce contexte, l’ennemi sera puni pour sa dangerosité, et non pour sa culpabilité. La peine,
de cette manière, peut atteindre les actes préparatoires, repérant les faits criminels futurs, en
vue de les éviter. Ainsi, le focus préciput de l’ordre cesse d’être le dommage commis, mais le
fait criminel futur. C’est ce champ qu’occupe essentiellement le droit pénal de l’ennemi.
L’ennemi cesse d’être un sujet de la procédure pénale, et ne peut plus compter sur les garanties

24
JAKOBS (Günther). Op. Cit, p. 49-50.
25
ROCHA (Luiz Otávio de Oliveir), A Expansão do Direito Penal : aspectos da política criminal nas sociedades
Pós-industriais, Sao Paulo., éd. Revista dos Tribunais, V. 11. 2002.
pénales. Parce que si l’individu se transforme en un ennemi, il ne mérite pas le même traitement
dispensé à quelqu’un qui commet un délit de droit commun aux yeux de l’ordre juridique. De
cette façon, l’ennemi représente une menace de l’ordre politico-étatique et à l’ordre juridique
lui-même, en opposition au criminel « conventionnel », dont le crime atteindrait, au maximum,
un certains groupe de personnes, et à ceux-ci est assignés des réflexes directs de leurs
motivations maléfiques.

A partir de ces postulats, les actions de l’Etat prennent leur ancrage non plus dans les
procédures légales, lesquelles sont sédimentées dans la dignité humaine et dotées de droits et
de garanties, comme ceux touchant le délinquant de droit commun. La voie choisie pour
l’application de la réprobation de l’ennemi devient, en vérité, une véritable procédure de guerre,
prévalant l’entendement que le contraire pourrait mettre en danger la propre structure de l’Etat.

II. La distinction entre ennemi et citoyen

Günther JAKOBS dégage les fondements qui séparent le droit pénal en deux modèles :
le droit pénal du citoyen, adressé aux « personnes », régi par le principe de la culpabilité ; et
le droit pénal de l’ennemi, destiné aux « ennemis » et fondé sur la notion de dangerosité,
justifiant ainsi la perte du statut de « personne » pour devenir un « ennemi », puni à travers une
peine anticipée (A), et dont la dangerosité criminelle justifie la relativisation jusqu’à la
suppression de ses droits et garanties (B).

A. L’anticipation de la peine

Selon la plupart des ordres juridiques dans le monde, le délinquant qui commet un acte illicite
est protégé par de nombreuses garanties procédurales dictées par l’ordre juridique lui-même, y
compris, le droit à un procès équitable. Ainsi, si le délinquant est déclaré coupable pour l’acte
commis, ceci entraîne l’application d’une peine. Il faut souligner qu’en termes d’impératif la
peine appliquée devrait être proportionnelle, et observer indéniablement le principe de la dignité
humaine. Suivant la théorie du droit pénal de l’ennemi, à l’ennemi, est infligée une procédure
pénale différenciée, assortie de l’imposition d’une sanction qualifiée de mesures de sécurité, un
châtiment qui n’est pas ancré de toute évidence dans le jus puniendi.

Au regard du droit pénal de l’ennemi, puisque le délinquant a renoncé à son statut de citoyen
et, par conséquence, aussi à sa condition de personne, il cesse d’être considéré comme un sujet
de la procédure pénale, puisqu’il n’offre plus aucune sécurité qu’il ne commettra pas des crimes
dans l’avenir. Par conséquent, pour ne pas le laisser porter atteinte à la l’Etat de droit et à la
société, et le dissuader, une véritable procédure de guerre est préconisée dont le but est
l’élimination de l’ennemi.

Dans ce scénario, Günther JAKOBS ajoute qu’au-delà du précepte que personne n’a le droit
de tuer, il doit exister aussi la certitude qu’avec un haut degré de présomption qu’il ne tuera
pas. Or, ce n’est pas seulement la norme qui prétend avoir un fondement cognitif, mais la
personne aussi. Celui qui souhaite être traité comme une personne doit offrir en échange une

19
certaine garantie cognitive qu’il va se comporter comme une personne. Sans cette garantie, ou
quand elle est nié expressément, le droit pénal cesse d’être une réaction de la société devant la
conduite criminelle d’un de ses membres et devient une réaction punitive contre un adversaire.26
Ainsi, le droit pénal appliqué à l’ennemi s’oppose dans ces principes déterminants juridiques
aux conséquences de l’infraction commise par le citoyen. Prévoir au préalable la sanction, c’est
pour ainsi dire appliquer des peines anticipées, extrêmement disproportionnées, relativisées et
sans considération des garanties légales et procédurales. Ces caractéristiques de l’anticipation
du droit de punir préconisé par la théorie du droit pénal de l’ennemi, sont appelées par la
doctrine allemande « vorfeldkriminalisierung »27 (criminalisation à l’état préalable).

Dans cette optique, pour sauvegarder les spécificités existantes dans la législation de chaque
pays, le droit pénal doit agir strictement contre tout fait illicite défini comme un crime. En règle
générale, un tel délit doit être conçu seulement après la fin de l’iter criminis, devenant, par
conséquent, dés lors qu’un fait est typique, anti-juridique, et coupable, il est passible de
sanction. Cependant, pour Günther JAKOBS, l’anticipation de la sanction mise en place par
le droit pénal de l’ennemi n’est qu’un aboutissement nécessaire, étant donné que le délinquant
ne viole pas seulement la garantie de la validité de la norme générale et abstraite, mais menace
l’autorité de l’Etat. C’est ainsi, qu’il devient légitime que l’Etat agit afin de punir le délinquant
avant même qu’il ne commet même les simples actes préparatoires d’un crime éventuel.

Par conséquent, ce n’est pas seulement le préjudice consommé ou la tentative contre le bien
juridique protégé par la norme que le criminel est désigné en tant que tel, mais principalement
pour la menace de danger qu’il est capable de perpétrer, puisque, selon le droit pénal de
l’ennemi, la simple menace tient à la propension d’entraver le plein exercice du bien juridique.
Conformément à la théorie, il n’est pas acceptable que l’Etat et le citoyen coexistent
indistinctement avec l’existence d’une potentialité menaçante de dommages portée aux biens
juridiques, telle que la vie.

L’aspect tangible du dommage devient ainsi, indifférent au contexte légal, étant donné que la
sanction du délinquant a lieu en raison de sa dangerosité et non de sa culpabilité. Comme
l’affirme Günther JAKOBS, la situation devient antinomique puisque l’effet assuré est la
référence aux actes futurs, qui ne dépendent pas de la culpabilité, il ne s’agit pas d’actes commis
dans le passé, mais des actes futurs et de la dangerosité stricte de l’individu. Les peines
appliquées, à leur tour – appelé dans le droit pénal de l’ennemi « mesures de sécurité »-, sont
paroxystiques et disproportionnées. Ce qui aboutit, souvent, à atteindre des punitions non
prévues dans la législation des Etats de droit. Cela est dû au fait que les mesures de
sécurité appliquées, appelées aussi par Günther JAKOBS « détention de sécurité », n’ont aucun
lien avec le délit, ils soutiennent uniquement la dangerosité de l’agent, sans aucune
considération pour les circonstances subjectives ou objectives qui peuvent, académiquement,
imprégner le fait criminel. Le troisième et dernier aspect résolument en rapport avec le droit
pénal du citoyen, concerne les garanties légales, les citoyens bénéficient de diverses garanties

26
JAKOBS (Günther), Ciência do Direito e Ciência do Direito Penal. São Paulo : Manole. Coleção Estudos do
Direito Penal, v. 1, Trad. Maurício Antônio Ribeiro Lopes, 2003, p. 55.
27
CAVALCANTE (Eduardo Medeiros), Crime e Sociedade Complexa., éd. Campinas : LZN, 2005, p. 187.
qui limitent l’action punitive de l’Etat sur l’individu, mais, le délinquant considéré comme un
ennemi, ces droits sont relativisés et même supprimés, oubliant délibérément les normes qui
représentent les véritables piliers de l’Etat de droit.

À cet égard, SÁNCHEZ affirme que dans ces domaines dans lesquelles la conduite criminelle
déstabilise non seulement une norme concrètement, mais tout le droit en tant que tel, nous
pouvons ainsi conférer l’accroissement des peines de prison avec la relativisation des garanties
substantives et procédurales. Ainsi, en traitant l’ennemi, sans grandes excuses l’Etat pense
légitimer l’oubli des droits et des garanties assurés aux personnes, même qui sont sculpté en
normes d’importance structurelles.

Somme toute, telle une gouttière, de manière objective, pour inscrire les plus importants points
où nous pouvons observer un antagonisme entre le droit pénal de l’ennemi et le droit pénal du
citoyen. Tout d’abord, le droit pénal de l’ennemi ne comprend pas la validité de la norme
pénale, mais vise l’éradication d’un danger; ensuite, il ne se réalise pas seulement à travers la
rétrospection, mais surtout par la prospection, car l’ennemi réprimandé ne l’est pas seulement
par l’acte criminel commis, mais par ce qui pourrait être commis; subséquemment, l’ennemi
n’est pas considéré comme un sujet de droits, dés lors qu’il renonce à son statut de citoyen, et
par conséquent toute les garanties procédurales qui lui sont appliquées sont relativisées et même
supprimées; enfin, l’ennemi est puni pour sa dangerosité, avec une indifférence totale à sa
culpabilité.

B. La dangerosité du criminel, relativisation et suppression de droits et garanties

Le droit pénal de l’ennemi est un règlement qui est basé sur l’anticipation de la préhension
punitive de l’Etat, à travers la dangerosité du délinquant et l’atténuation/suppression des droits
et des garanties accordées aux individus. Ainsi, il constitue un règlement d’exception et de
développement en marge d’une législation basée sur la dignité humaine. Pour cette théorie,
c’est à travers la dangerosité du délinquant, que l’Etat légitime le non-respect de sa condition
humaine pour le déposséder de sa personnalité et, par conséquent, de tous ses droits en tant que
personne.

En outre, si le droit peut seulement résulter de l’ordre constitutionnel et démocratique de l’Etat,


l’inférence qui peut se faire est que le “droit pénal du citoyen” devient un simple pléonasme. A
cet égard, les bases de ce modèle idéalisé par Günther JAKOBS, ne peuvent maintenir sa
légitimité. Le droit pénal de l’ennemi n’est rien d’autre finalement qu’une nouvelle figure
du droit pénal de l’auteur, puisqu’il vise à punir le délinquant non pas à travers une infraction
consommée, mais pour ce qu’il est, demeurant ainsi, indifférent à sa culpabilité. L’exemple le
plus notoire, et en même temps tragique, de ce type de système, la doctrine nazie, dont un droit
exceptionnel antisémite a légitimé toutes les volontés du Reich Allemand, rendant “légaux”
tous les massacres perpétrés contre ceux qui ont été désignés comme des ennemis.

De ce fait, Eichmann, lors de son procès à Jérusalem, a déclaré que ses actes étaient strictement
légaux. Attendu que les ordres immoraux d’Hitler avaient force de loi pendant le troisième

21
Reich, il affirme qu’il avait été un observateur indéfectible des lois allemandes. Ainsi, force est
de conclure que seules certaines déterminations “légalement” établies sont réalisées. De cette
façon, accepter l’idée d’atténuer la valeur du respect de la dignité humaine et de la vie elle-
même, comme le propose Günther JAKOBS, consiste à accepter la même thèse soutenant
l’holocauste.

Dans cette optique, l’argument que la dangerosité du délinquant permet la suppression de ses
droits et garanties afin de l’éliminer, ressemble aussi à la doctrine du darwinisme social, car
elle est basée sur l’idée que la société doit simplement exécrer les membres qui portent des
caractéristiques ou des comportements inhabituels. De facto, le droit pénal de
l’ennemi “légitime” que les législations démocratiques autorisent la pratique de toute action,
aussi cruelle et inconstitutionnelle qu’elles puissent être. Il suffit que l’infracteur soit désigné
comme un ennemi.

Le délinquant étiqueté comme un ennemi, devient un véritable risque pour l’Etat et ses
institutions. Même si rien ne se produit, l’adoption de mesures drastiques, devient impérative
comme pour répondre aux nécessités intrinsèques à un danger futur. Au final, l’histoire a
démontré que l’autoritarisme de l’Etat et l’intolérance conduisent à des excès et finissent par
attaquer le caractère raisonnable et la proportionnalité, entraînant la mort de l’Etat de droit.
Nous ne pouvons pas oublier, cependant, que l’appareil étatique doit intervenir fermement en
vue d’éviter l’atteinte des biens juridiques individuels, comme la vie, la liberté, le patrimoine,
entre autres, et collectifs comme la sécurité nationale, la paix sociale, etc. Ainsi, pour conclure,
nous pouvons affirmer que l’Etat guidé par le droit pénal de l’ennemi est en vérité un faux Etat
de droit. Le droit pénal de l’ennemi en banalisant la condition humaine, n’est qu’une tentative
sordide de légitimation du mal, ne représentant rien d’autre qu’un prétexte de l’Etat, face à son
inefficience et inefficacité.

Section 2: le droit pénal de l’ennemi et la menace terroriste

Depuis que le terrorisme au sens que nous donnons aujourd’hui à ce terme, est apparu dans le
dernier tiers du XIXe siècle, il n’a cessé de provoquer la fureur des mots1 . Et dans la gamme
des caractérisations des auteurs d’actes de terrorisme, la catégorie de l’ennemi a d’emblée pris
une place prééminente. Cela a favorisé la représentation du terrorisme comme un rapport de
type guerrier, mais en même temps n’a pas empêché que l’on tienne pour admis que lorsqu’on
fait du terrorisme une guerre28, il ne s’agit pas d’une « vraie » guerre, le recours au lexique de
la guerre traduisant l’intensité de l’antagonisme et la sensation de l’hostilité qui le détermine,
plutôt que mettant en jeu une catégorie formelle.

Ainsi, pour constante et répandue qu’elle soit dans les discours publics, la figuration guerrière
du terrorisme a en réalité longtemps été cantonnée à des usages rhétoriques , spécialement là
où la règle voulait que l’action publique soit conforme aux exigences de l’État de droit. Ainsi
on observe que dans les démocraties libérales, du moins depuis la fin de la Deuxième Guerre

28
Raison pour laquelle, comme le relève Michael Walzer, dans cet emploi de la notion de guerre, « les
guillemets sont toujours nécessaires ». Michael WALZER, « Terrorism and Just War »
mondiale, les moyens mis au service de la lutte contre le terrorisme ont été pour l’essentiel ceux
des institutions policières et judiciaires et que, par-delà les déclarations martiales, le terrorisme
a été traité suivant des normes et des procédures juridiques – celles en particulier du droit pénal
–, faisant des terroristes des criminels29. Cela n’a pas évité que la législation antiterroriste puisse
apparaître comme dérogatoire du droit commun, ce qui lui a régulièrement valu de vives
critiques. Mais dans la mesure où, de façon générale, les principes de l’État de droit offraient
un cadre de référence partagé, les problèmes qui se posaient ont été perçus comme des questions
de bon réglage plutôt que comme des questions de principe. Les constats se multiplient
cependant aujourd’hui qui suggèrent qu’une rupture serait intervenue depuis les dernières
décennies du XXe siècle. D’abord discrète puis de plus en plus manifeste, notamment après les
attentats du 11 septembre 2001, elle s’observerait dans la tendance à considérer dorénavant les
terroristes réellement comme des ennemis et non plus comme de « simples » criminels . Une
conséquence en est l’implication croissante de l’appareil militaire dans la lutte contre le
terrorisme . Mais cette rupture a également pour résultat d’introduire des changements profonds
dans les pratiques policières et judiciaires , qui rentrent de plus en plus fondamentalement en
contradiction avec l’État de droit. Cet article ambitionne de contribuer à préciser ce diagnostic,
en déplaçant l’attention des pratiques institutionnelles vers la pensée juridique et en considérant
le développement d’une doctrine encore relativement peu connue en France au-delà d’un cercle
restreint de spécialistes , mais qui, dans d’autres pays, est devenue un objet de débat public : la
doctrine du « droit pénal de l’ennemi ». Les fondements de cette doctrine ont été posés il y a
plus de trente ans, lorsque Günther Jakobs, professeur de droit pénal, de droit de la procédure
pénale et de philosophie du droit de l’Université de Bonn, aujourd’hui émérite, a formulé le
constat, appuyé sur une analyse du droit allemand, que les normes pénales contiennent en
nombre croissant des dispositions qui contreviennent pourtant aux principes censés garantir leur
validité et tendent, en particulier, à traiter le justiciable comme un « ennemi » et non pas comme
un « coupable » (présumé ou avéré). Plutôt que d’ignorer ce constat en jetant sur lui un voile
pudique, affirmait G. Jakobs, il appartenait aux juristes de le rendre explicite et de faire par
conséquent de ce « droit pénal de l’ennemi » un objet de réflexion. Alors même qu’elle fut
rapidement oubliée en Allemagne , cette approche a ensuite été reprise dans des contextes très
différents. Dans les années 1990, elle a attiré l’attention en Espagne ainsi que dans plusieurs
pays d’Amérique latine – en Colombie d’abord, plus tard en Argentine ou encore au Mexique.
C’est dans le milieu des pénalistes hispanophones que ce qui apparaissait auparavant encore
comme une sorte de spéculation juridique a pris les traits d’une véritable doctrine, avec son
corpus de références et son lot de préconisations . Plus tard, elle a également suscité un certain
intérêt dans l’espace nord-américain où elle a semblé acquérir une nouvelle pertinence au
moment de la « guerre à la terreur (war on terror) » déclenchée par l’administration de George
W. Bush. C’est alors sous cette forme qu’au milieu des années 2000 la doctrine du droit pénal
de l’ennemi a fait son retour en Europe, alimentant les débats qu’y a soulevés la lutte contre le
terrorisme. Par ces déplacements successifs, la doctrine du droit pénal de l’ennemi a été
confrontée à des réalités sociales, politiques et légales disparates, à tel point que le contenu de
la doctrine n’est pas le même au départ et à l’arrivée de ce parcours. Le droit pénal de l’ennemi
n’est désormais plus une théorie, mais une orientation qui fût adoptée par plusieurs Etats afin

29
Mathieu DEFLEM (ed.), Terrorism and Counter-Terrorism: Criminological Perspectives

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de lutter effectivement contre le terrorisme et garantir la paix et sécurité publique. Ainsi les
manifestations tangibles de cette théorie ont toujours existé au cours de l’histoire humaine mais
les séries de manifestations concrètes dans l’histoire moderne ne se sont retenties qu’après les
attentats du 11 septembre 2001 puisque plusieurs Etats ont reformé leurs législations anti-
terroristes pour lutter et par conséquent enchaîner le war on terror30.

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Memoire le droit pénal de l’ennemi- salim medromi
Conclusion :

Pour conclure cette étude, nous souhaiterions soulever la question de l’efficacité de la critique
de la raison antiterroriste lorsqu’elle prend appui sur la topique du droit pénal de l’ennemi.
Plutôt que de s’enferrer dans le « piège logique » tendu par les partisans de la doctrine du droit
pénal de l’ennemi, on peut penser que celle-ci a au moins pour mérite de nous indiquer l’urgence
de repenser, relativement aux épreuves que nous vivons, l’État de droit. Cela oblige à prendre
acte du fait que l’État de droit, tel que nous l’avons connu, rencontre aujourd’hui des limites.
L’alternative qui se présente est alors la suivante : accepter que le terrorisme mine le genre
d’existence juridico-politique auquel nous avons donné le nom d’État de droit, ou bien
continuer à y tenir, ce qui implique de faire prévaloir la supériorité non seulement éthique, mais
stratégique du respect inconditionnel de la dignité humaine.

Certes c’est une justification qui est assez bien fondée du fait que le terrorisme peu frapper
n’importe quand, n’importe où et surtout par n’importe qui. Néanmoins, le droit pénal de
l’ennemi n’est-il pas en train de saper toute légitimité sous le couvert du maintien de la sécurité
? D’autre part le droit pénal de l’ennemi est-il une réalité qui devient de plus présente dans le
dispositif anti-terroriste global ou c’est tout simplement une théorie qui offre des solutions
extrêmes à un fléau aussi insaisissable ?

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Bibliographie

Ouvrage :

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Revue :

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2011.

Memoire:
le droit pénal de l’ennemi entre l’efficacité et la lutte anti-terroriste et respect des droits de
l’homme - SALIM MEDROMI

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