Sypros : un outil pour maîtriser en temps réel

les odeurs dans l’exploitation d’une station

d’épuration
n I. ISAAC-HO TIN NOE1, F. SIINO1, M. DIALLO1

Mots-clés : dispersion atmosphérique, modélisation, odeurs, prévision, station d’épuration, surveillance envi-
ronnementale
Keywords: atmospheric dispersion, modelling, odours, forecast, wastewater treatment plant, environmental
monitoring

Introduction concentrations en composés soufrés réduits (total

reduced sulphurs, TRS) mesurées en temps réel. À
Au cours des deux dernières décennies, plusieurs
l’heure actuelle, les TRS sont la principale compo-
facteurs combinés ont conduit à une augmentation
sante de l’odeur issue du traitement des eaux usées
de la surveillance des odeurs autour des installations
des stations d’épuration ;
de traitement des eaux usées. Ces facteurs sont de
– les observations spontanées (plaintes) transmises
trois types :
par les riverains des sites ;
– urbanistique : les villes sont en expansion et ainsi
– les perceptions d’odeurs réalisées par les messagers
les zones entourant immédiatement les usines sont
de l’environnement, formés à la détection des odeurs
devenues plus urbanisées ;
selon la méthodologie d’analyse olfactive du « Champ
– physique : l’augmentation des températures, la
des odeurs [3] » ;
diminution des consommations d’eau potable, la
– les données issues directement de l’exploitation :
réduction des eaux parasites sont en partie à l’origine
caractéristiques physico-chimiques de l’effluent,
de l’augmentation des émissions d’odeurs [1] ;
événements d’exploitation.
– sociologique : la tolérance des riverains vis-à-vis des
En 2008, le Siaap a décidé d’introduire deux
odeurs est de plus en plus faible [2].
nouvelles notions dans le cadre de sa surveillance
Le Syndicat interdépartemental d’assainissement de
environnementale :
l’agglomération parisienne (Siaap) a anticipé ces
– le suivi en temps réel des panaches d’odeurs ;
évolutions et en créant, dès le début des années 1990,
– la prévision de l’impact odorant.
un Observatoire de l’environnement sur chacune des
Pour cela, un nouvel outil a été développé : Sypros
usines de Seine Aval (Achères, Yvelines), Seine Amont
(pour : Système de prévision des odeurs du Siaap).
(Valenton, Val-de-Marne) et Marne Aval (Noisy-le-
Sa mise en œuvre a nécessité la réalisation de plusieurs
Grand, Seine-Saint-Denis). Ces observatoires ont
études spécifiques sur chaque site et des développe-
pour mission la surveillance des nuisances odorantes
ments informatiques spécifiques à l’intégration du
dans les environs des usines, le recueil et le traitement
logiciel de modélisation dans le système d’informations
des plaintes des riverains et leur information.
des observatoires de l’environnement (SIOE).
Les données exploitées par les observatoires sont [1] : Cet article a pour objet d’exposer le fonctionnement
– les données issues du réseau de mesures automa- général de ce nouvel outil et ses principales caractéris-
tiques en continu : données météorologiques et tiques. Il montre également la manière dont Sypros a été
conçu afin de permettre une maîtrise au quotidien des
1 Syndicat interdépartemental de l’assainissement de l’agglomération odeurs des stations d’épuration en prenant l’exemple de
parisienne – 2, rue Jules-César – 75012 Paris.
Courriel : Isabelle.ISAAC-HOTINNOE@siaap.fr la plus importante station d’épuration : Seine Aval.

TSM numéro 5 - 2012 - 107e année 61

 Étude
1. Historique des actions menées par le
Siaap pour la surveillance des odeurs
autour de ses installations
Le Siaap traite les eaux usées de 8,5 millions d’habi-
tants, soit 2 500 000 m3/jour d’eaux usées, sur cinq
stations d’épuration dans la région parisienne
(figure 1).
Ces stations d’épuration sont susceptibles de générer
des odeurs mal perçues par les riverains des usines
résidant dans des villes de plus en plus urbanisées.
Le Siaap a donc créé des « observatoires de l’environ-
nement » qui sont des centres de surveillance, de
collecte et de traitement de l’information sur l’impact
odorant des stations d’épuration.
Le premier observatoire a été créé en 1991 pour la
station d’épuration de Seine Aval. Sur ce site ont été
développés les outils qui ont abouti à la création d’un
dispositif de suivi et de prévision des odeurs : le
système de prévision des odeurs du Siaap (Sypros)
[4]. Sypros intègre les outils existants qui ont été mis
en œuvre depuis le début des années 1990 et les
optimise pour gérer globalement la problématique
« odeurs » sur les trois usines. Il est basé sur
l’ensemble des données qui ont été recueillies depuis.
Les étapes qui ont conduit à la mise en place de cet
outil sont les suivantes [1] :
– 1991 : première plainte « odeur » déposée ;
– 1992 : première opération spécifique dans les zones
Figure 1. Implantation des stations d’épuration du Siaap
62 TSM numéro 5 - 2012 - 107e année
urbaines à proximité de la station d’épuration afin de
localiser les panaches d’odeurs générées par la station
d’épuration ;
– 1993 : premier enregistrement des niveaux d’odeur
par un « jury de nez volontaires », dans les zones
urbaines à proximité de la station d’épuration ;
– 1993-1994 : mise en place du réseau d’appareils de
mesures : mâts météorologiques, édicules abritant des
stations de mesure automatique des concentrations
de TRS dans l’atmosphère, mise en place du centre
technique pour la collecte, la validation et l’enregis-
trement de ces mesures ;
– 1995 : création de l’observatoire de Seine Amont,
et de son réseau de surveillance des odeurs ;
– 1997 : création de l’observatoire de Marne Aval ;
– 2005-2008 : mise en place du système d’informa-
tion des observatoires de l’environnement (SIOE) afin
d’optimiser, sur les trois observatoires, la collecte, la
validation et l’utilisation des données relatives
au suivi des odeurs. Ce système est utilisé par les
observatoires et aussi par les exploitants des stations
d’épuration ;
– 2008 : début des études pour développer un
SYstème de PRévision des Odeurs du Siaap : Sypros ;
– 2009 : développement et premiers résultats de
modélisation issus de Sypros ;
– 2010 : mise en ligne des cartes de prévisions sur le
site Internet du Siaap (www.siaap.fr).
2. Présentation de l’outil Sypros
2.1. Objet de Sypros
Sypros fournit au Siaap un moyen de surveiller en
temps réel et de prévoir les émissions des odeurs de
trois de ses usines de traitement des eaux usées.
Les objectifs de Sypros sont les suivants :
– optimiser les outils de surveillance existants ;
– aider les exploitants des usines à évaluer l’impact
odorant de leurs opérations en fonction des condi-
tions d’exploitation de la station d’épuration et des
conditions météorologiques ;
– assurer la surveillance continue de l’impact des odeurs
sur le voisinage immédiat de la station d’épuration, avec
des résultats mis à jour toutes les demi-heures ;
– prévoir 48 heures à l’avance l’impact odorant pour
les zones proches de la station d’épuration ;
– aider le Siaap à communiquer vers le public sur ses
actions dans le domaine de la réduction des odeurs.
 Sypros : un outil pour maîtriser en temps réel les odeurs dans l’exploitation d’une station d’épuration

2.2. Principe de fonctionnement

Afin de remplir les objectifs de l’outil, trois fonctions
ont été développées (figure 2) :
– fonction « prévision » : Sypros évalue l’impact des
odeurs de la station d’épuration 48 heures à l’avance
en utilisant les prévisions météorologiques et des
prévisions d’émissions d’odeurs provenant des instal-
lations de traitement ;
– fonction « temps quasi réel » : les mesures in situ
des mâts météorologiques et de concentration TRS
sont collectées chaque demi-heure et traitées par
l’outil. Ces données et les concentrations d’odeurs
(définies en unité d’odeur) sont ensuite utilisées Figure 2. Le fonctionnement de Sypros
pour modéliser l’impact des odeurs de la station
d’épuration ; physiques du site de la station d’épuration et de ses
– fonction « diagnostic » : l’impact des modifications environs nécessitant des calculs précis afin de prendre
apportées aux usines peut être évalué afin de tester en compte :
leur efficacité pour réduire les odeurs. – le relief tourmenté (figure 3) ;
Un outil réalisant ces trois fonctions n’avait pas – des vitesses de vent inférieures à 1 m/s ;
encore été développé. – et de nombreuses sources d’odeurs, les principales
sources étant souvent des sources surfaciques.
Sa mise en œuvre a consisté à utiliser un logiciel
À ces contraintes physiques viennent s’ajouter des
commercial de dispersion atmosphérique en 3D
contraintes fonctionnelles parmi lesquelles la durée
(fluidyn-Panache) associé à des développements
des calculs de chaque échéance en temps réel ne
informatiques spécifiques permettant :
– d’intégrer le logiciel dans l’environnement spéci- devant pas dépasser une demi-heure. En effet, pour
fique du SIOE ; le temps réel, les cartes doivent être générées au pas
– d’automatiser l’alimentation des files de calcul en de temps de la demi-heure (pas de temps auquel les
préparant les données d’entrée ; données météorologiques sont disponibles). Il n’est
– d’optimiser le temps de calcul de chaque échéance ; donc pas possible de simuler les vents à chaque
– d’automatiser l’affichage des résultats des calculs de échéance : les conditions de vents les plus fréquentes
modélisation. et les plus représentatives ont donc été calculées au

2.3. Contraintes et choix techniques Topographie

Il existe deux types de modèles de dispersion atmo- N
sphérique pour simuler la dispersion des odeurs : les
modèles gaussiens (bidimensionnels) et les modèles E

tridimensionnels (eulériens, lagrangiens…).

Conflans
Herblay Montigny
Les modèles gaussiens sont principalement utilisés
Frette

Achères
La

Forêt de Maisons Cormeilles

lorsque le site étudié présente un relief peu prononcé. St Germain Laffitte
Sartrouville
Pour les reliefs plus accidentés, les modèles tridimen-
sionnels (lagrangiens ou eulériens), basés sur la UPBD UPEI

résolution des équations de la mécanique des fluides, 20 m NGF 95 m NGF 170 m NGF
sont plus adaptés [5-7].
UPBD : unité de production des boues déshydratées ; UPEI : unité de production des eaux
Dans le cas de Seine Aval, un modèle tridimension- et des irrigations.
nel était le plus adapté en raison des contraintes Figure 3. La topographie des environs de l’usine d’épuration Seine Aval

TSM numéro 5 - 2012 - 107e année 63

 Étude
préalable et rassemblées dans une base de champs de
vents. Ces contraintes ont donc conduit au choix d’un
modèle lagrangien avec bouffées pouvant gérer
plusieurs espèces polluantes et utilisant une base de
champs de vent précalculés.
2.4. Architecture et mode de fonctionnement
de Sypros
2.4.1. Architecture
Sypros se compose de plusieurs modules, illustrés par
la figure 4.
Interface de sortie
Maquette
Données numérique
météo
Calcul de
dispersion
Validation
Interface de sortie
Base de données vent
Site Internet
Interface d’entrée
SIOE Données émission des sources d’odeur
SIOE : système d’informations des observatoires de l’environnement.
Figure 4. Architecture de Sypros
• Une interface d’acquisition automatique de données
Pour la fonction temps quasi réel, les données
d’entrée sont les mesures des mâts météorologiques
(direction du vent, vitesse du vent, stabilité atmo-
sphérique et température), ainsi que les concentra-
tions TRS mesurées sur le site et les émissions par
défaut (odeurs2 et TRS) de chaque groupe d’ouvrage.
Pour la fonction de prévision, les données d’entrée
sont les prévisions météorologiques fournies par
Météo-France et les prévisions d’émissions d’odeur
et de TRS des ouvrages en fonction des conditions
d’exploitation connues (§ 3.1.2.).
• Le logiciel de dispersion atmosphérique avec des
composants spécifiques
Le logiciel de dispersion atmosphérique intègre la
maquette numérique 3D de la station d’épuration,
une base de champs de vent précalculés, un compo-
2 Concentrations déterminées par le biais de campagnes de mesures olfac-
tométriques [8].
64 TSM numéro 5 - 2012 - 107e année
sant pour le rétrocalage des émissions d’odeurs
(spécifique à la fonction temps réel, § 3.2.2.), et un
module de résolution des équations de dispersion
atmosphérique en 3D.
• Une interface graphique pour l’affichage et la
validation des résultats
Une fois les calculs terminés, les cartes sont générées
et intégrées à différentes interfaces permettant la
validation des cartes et la visualisation sur l’intranet et
l’Internet du Siaap (www.siaap.fr).
2.4.2. Mode de fonctionnement
Dans tous les cas, le logiciel identifie dans un premier
temps les conditions météorologiques et recherche
dans la base de champs de vent précalculés la(les)
SIOE condition(s) la(les) plus comparable(s). Il effectue
ensuite, si nécessaire, un calcul d’interpolation/
extrapolation d’un champ de vent qui sera utilisé
pour le calcul de dispersion.
Dans la fonction « temps quasi réel », le logiciel
utilise alors le champ de vent calculé et les mesures
TRS pour évaluer les émissions d’odeurs à partir des
installations de traitement. Une fois que les émissions
des ouvrages sont définies en concentrations
d’odeurs, exprimées en unités d’odeurs (UO), et en
TRS, et que le champ de vent est choisi ou interpolé,
les calculs de résolution des équations de dispersion
atmosphérique en 3D sont réalisés.
Dans la fonction de prévision, les émissions d’odeurs
prévues (UO et TRS) et le champ de vent précalculé
sont directement utilisés pour effectuer des simula-
tions de dispersion atmosphérique.
L’architecture de Sypros est présentée sur la figure 4.
3. Détail des trois fonctions
L’exploitation de stations d’épuration est au cœur de
chacune des trois fonctions qui constituent Sypros :
la fonction prévision, la fonction temps réel et la
fonction diagnostic. Celles-ci permettent de mieux
connaître la situation olfactive de l’usine et de son
environnement.
3.1. Fonction prévision
3.1.1. Principe de la fonction prévision
Le calcul de prévision de l’impact odorant de l’usine
se base sur les données de qualité des eaux usées, sur
les informations concernant les prévisions d’opéra-
 Sypros : un outil pour maîtriser en temps réel les odeurs dans l’exploitation d’une station d’épuration
Figure 5. Principe de la fonction de prévision (mode standard)
tions d’exploitation ainsi que sur les prévisions
météorologiques fournies par Météo-France.
La figure 5 résume le mode de fonctionnement de
cette première fonction, des données d’entrée jusqu’à
la publication des cartes sur Internet.
3.1.2. Prévision des émissions d’odeurs
Un des éléments indispensables à la prévision de
l’impact odorant est la prévision des odeurs émises
par les différentes sources identifiées. Afin de prévoir
ces émissions, un système a été développé.
Ce système repose sur les informations disponibles
au moment de la prévision, à savoir les mesures de
qualité de l’effluent et les états de fonctionnement des
usines prévus pour la période considérée.
Ainsi, pendant la première phase du développement
de Sypros, les paramètres influençant les émissions
d’odeurs ont été étudiés en utilisant l’ensemble de
données disponibles sur une période de trois ans
concernant les mesures des mâts météorologiques,
les états d’exploitation de l’usine, les registres des
opérations de maintenance et les mesures des para-
mètres de qualité des eaux usées. Cette étude a
permis d’identifier les principaux facteurs ayant une
TSM numéro 5 - 2012 - 107e année
influence sur les émissions
TRS, tels que la demande
chimique en O2 (DCO), les
niveaux et variations de
l’oxygène dissous, ainsi que
le potentiel redox en amont
et en aval dans les bassins
d’aération.
Dans un deuxième temps, il
a fallu déterminer quels
paramètres pouvaient être
prévus jusqu’à 72 heures à
l’avance.
Certains d’entre eux peuvent
être prévus à partir du plan-
ning d’exploitation : par
exemple, de faibles valeurs
d’oxygène dissous sont at-
tendues au cours des opéra-
tions de maintenance des
systèmes d’aération. D’autres
paramètres ne peuvent pas être prévus à un moment
précis. Ils sont donc supposés stables au cours de
jours consécutifs.
Une fois définie la méthodologie permettant de
prévoir les principaux facteurs influençant les émis-
sions de composés odorants, l’influence combinée de
ces facteurs sur les émissions d’odeurs a été étudiée.
En effet, les émissions d’odeurs provenant des
ouvrages sont régies par deux facteurs principaux :
la qualité des eaux usées et l’état de l’équipement.
L’outil de prévision pour les émissions d’odeurs se
compose d’une série de tableurs Excel. Ils contien-
nent, en particulier, des tables permettant de montrer
des liens entre les conditions d’exploitation de la
station d’épuration et des niveaux d’émissions
d’odeurs provenant des différents ouvrages.
Ils contiennent également des valeurs de paramètres
mesurés et le planning d’exploitation.
Ils sont utilisés quotidiennement pour la prévision
des niveaux d’émissions d’odeurs et sont mis à niveau
lorsque des données suffisantes permettent de
prévoir les émissions d’une nouvelle source.
Une fois ces prévisions d’émissions reçues et les
prévisions de Météo-France intégrées, les calculs sont
lancés. Ainsi, le lendemain, les cartes de prévisions
65
 Étude
sont mises à disposition de l’ensemble des agents du
Siaap afin qu’elles soient intégrées dans la gestion
quotidienne des usines en permettant, le cas échéant
et lorsque cela est possible, d’adapter les actions
initialement prévues en fonction de l’impact odorant
simulé.
3.2. Fonction temps réel
3.2.1. Principe de la fonction temps réel
Chaque demi-heure, l’outil est alimenté automati-
quement par les données météorologiques et les
mesures TRS moyennées par période de 30 minutes.
Ces données sont utilisées pour le rétrocalage des
émissions en temps quasi réel.
Lorsqu’il n’est pas possible de rétrocaler (§ 3.2.2.) les
émissions, elles sont fixées à un niveau par défaut.
Les émissions d’odeurs ainsi estimées sont utilisées
pour le calcul.
Les cartes de panache des odeurs sont générées à
partir des résultats de ces calculs et affichées sur
l’intranet.
La figure 6 résume le principe du fonctionnement de
la fonction temps réel.
3.2.2. Ajustement des émissions
Afin que les cartes calculées soient les plus proches
possible de la réalité observée sur le terrain, les émis-
sions sont ajustées soit en temps réel lorsque les
sources sont rétrocalées (voir ci-après), soit lorsque
les émissions de l’ouvrage changent (intervention
programmée, incident…). Les émissions par défaut
sont alors ajustées manuellement.
TRS : concentrations en composés soufrés réduits ; UO : concentrations d’odeurs exprimées en unités
d’odeurs.
Figure 6. Fonction temps réel
66 TSM numéro 5 - 2012 - 107e année
• Ajustement des émissions par défaut
À chaque source odorante a été associée une
émission d’odeur par défaut (TRS et unités d’odeurs).
Cependant, afin d’être le plus représentatif possible
de la réalité de la situation, ces émissions par défaut
sont ajustées quotidiennement selon l’état de fonc-
tionnement de l’usine. Ces ajustements se font de la
même manière que pour la fonction prévision.
• Ajustement des émissions en temps réel
Le nombre important de stations de mesures des TRS
installées sur Seine Aval a permis d’individualiser
certaines sources d’odeurs pour y associer un système
d’ajustement en temps réel des émissions odorantes
(ce nombre n’était en revanche pas suffisant pour
mettre en place un tel système pour l’ensemble des
sources identifiées) [9].
Il s’agit, à partir des données de concentration en TRS
mesurées en temps réel dans l’atmosphère de l’usine,
d’identifier les ouvrages contribuant par leurs
émissions à la valeur TRS mesurée afin de déterminer
les émissions associées.
Une étude a donc été menée pour évaluer les émis-
sions de TRS générées par les 81 ouvrages de Seine
Aval à partir des concentrations en TRS mesurées par
les 20 stations de surveillance pour différentes condi-
tions météorologiques.
Pour cela, des facteurs de dilution et de contribution
ont été calculés et regroupés dans une matrice de
rétrocalage. Cette matrice est constituée des tables de
liaison entre les mesures TRS et les estimations des
émissions de TRS par les ouvrages. Elle permet de
rétrocaler en temps réel les émissions d’odeurs des
principaux ouvrages odorants.
Les niveaux de TRS émis par les princi-
pales installations de traitement générant
des odeurs ont pu ainsi être évalués en
temps réel à partir des mesures TRS.
3.3. Fonction diagnostic
L’un des objectifs de la fonction diagnos-
tic est d’étudier des configurations
d’exploitation choisies afin d’en anticiper
l’impact odorant ou bien, rétrospecti-
vement, d’étudier un événement parti-
culier. Elle permet également d’effectuer
 Sypros : un outil pour maîtriser en temps réel les odeurs dans l’exploitation d’une station d’épuration
des études d’impact préalables à la réalisation de
nouvelles installations.
À partir des mesures d’odeurs effectuées sur site ou d’es-
timations réalisées à partir d’installations existantes,
l’impact odorant est calculé sur l’ensemble du domaine
d’étude : sur l’usine et sur les communes riveraines. La
précision du type de modèle utilisé permet en effet
d’assurer une bonne fiabilité des résultats obtenus, y
compris dans les limites du site étudié.
• Étude d’une configuration particulière pour une
condition météorologique donnée
Ce type d’étude est réalisé rétrospectivement afin
d’étudier une situation passée qui n’a pas pu être prise
en compte par la fonction temps réel. C’est le cas, par
exemple, lorsque cette situation est liée à la survenue
d’un événement d’exploitation qui n’avait pas été
prévu. Il est alors possible de réaliser une compa-
raison entre l’impact de l’usine considérée dans son
fonctionnement « normal » et l’impact réel incluant
les conséquences de l’événement survenu.
• Étude de l’impact d’une configuration d’exploitation
particulière ou d’une nouvelle installation à l’échelle
d’une année
La fonction diagnostic est également utilisée comme
n’importe quel outil de modélisation atmosphérique
afin d’établir l’impact global d’une installation dans
le cadre, par exemple, d’une étude d’impact.
Figure 7. Percentile 98 des concentrations d’odeurs (exprimées en unités d’odeur UO) pour le
site de Seine Aval (Achères, Yvelines) sur la période 2007-2009
TSM numéro 5 - 2012 - 107e année
Dans ce cas, les configurations de vent les plus
fréquemment observées sur la période étudiée (une
ou plusieurs années) sont utilisées afin de modéliser
un impact global. Ces calculs permettent de définir
un impact moyen, mais également des fréquences de
dépassement de valeurs de concentrations d’odeurs
(percentiles) afin de déterminer si les objectifs que
s’est fixés le Siaap en la matière sont respectés.
À titre d’exemple, la figure 7 présente le percentile 98
des concentrations d’odeurs modélisées pour le site
Seine Aval entre 2007 et 2009. La valeur de percen-
tile 98 de 5 UO correspond à la valeur limite à ne pas
dépasser fixée pour les activités d’équarrissage et de
compostage [10, 11] (aucune valeur réglementaire
n’est pour le moment fixée pour le secteur de l’assai-
nissement dans le domaine des odeurs).
Ces calculs ont été réalisés dans le cadre du projet de
modernisation du site et ont pour objet de montrer
l’état initial du site avant les travaux de grande
ampleur qui vont être engagés et qui auront entre
autre objectif de réduire son impact odorant.
4. Intégration de Sypros dans les modes
de gestion de l’exploitation
4.1. Utilisation de Sypros dans la gestion au
quotidien
Sypros a été conçu de manière à mettre l’exploitation
au cœur du système [4, 12] : les opérations et événe-
ments d’exploitation les plus
émissifs ont été identifiés et in-
tégrés au modèle et sont utilisés
afin de déterminer les émissions
d’odeurs des différents ouvrages
émissifs. De cette manière, les ré-
sultats obtenus sont représen-
tatifs du fonctionnement réel des
usines.
Néanmoins, pour cela, il est
indispensable de collecter les
informations nécessaires au
modèle. C’est pourquoi une pro-
cédure a été mise en place afin
que, trois fois par semaine lors
des réunions de consigne, les
données nécessaires soient col-
lectées à partir des plannings et
des consignes d’exploitation. En
dehors de ce cadre formel, toute
67
 Étude
information disponible permettant d’ajuster les émis-
sions odorantes est intégrée au modèle dès que pos-
sible. C’est le cas pour tout événement non pro-
grammé.
Les données de qualité de l’effluent, également inté-
grées au calcul des émissions odorantes des différents
ouvrages, sont quant à elles récupérées automatique-
ment auprès d’une base de données regroupant les
données issues des capteurs présents sur l’usine et
des analyses de laboratoire (demande chimique en
oxygène, demande biologique en oxygène).
L’ensemble de ces informations est analysé afin d’être
utilisé tant pour les prévisions que pour le temps réel.
Les cartes ainsi calculées sont utilisées au quotidien dans
l’exploitation par les agents. Ils peuvent, comme tout
agent du Siaap, les consulter via une page dédiée de l’in-
tranet. Par ailleurs, ces agents ont reçu une formation
spécifique afin de pouvoir interpréter ces cartes.
4.2. Utilisation du retour d’expérience pour
adapter l’exploitation et diminuer les nui-
sances
Chaque jour, l’observatoire de l’environnement
recense les plaintes, les perceptions des jurys de nez
et celles du messager de l’environnement [1].
Chacune de ces observations est analysée afin d’en
déterminer l’origine. Les cartes générées par Sypros au
moment d’observation permettent dans un premier
temps de l’attribuer ou non aux activités de l’usine.
Dans un deuxième temps, elles sont une aide dans
l’identification de l’origine des odeurs perçues en
donnant une indication sur la zone de l’usine de
laquelle elles proviennent. Cette analyse permet, le
cas échéant, d’identifier des opérations particulière-
ment émissives et d’agir pour en diminuer l’impact :
– en modifiant le déroulement pour diminuer les
émissions d’odeurs ;
– en modifiant leur planification à des périodes plus
propices à la dispersion des odeurs ;
– ou en les supprimant lorsque cela est possible.
Par ailleurs, l’utilisation de la fonction diagnostic de
Sypros permet au Siaap d’évaluer l’impact odorant de
ses futures installations et ainsi de les adapter ou
d’orienter ses choix afin d’atteindre les objectifs qu’il
s’est fixés.
68 TSM numéro 5 - 2012 - 107e année
Conclusion
Le développement de Sypros a conduit à optimiser
l’utilisation des outils existants. Il permet le suivi en
temps réel et la prévision de l’impact odorant exprimé
en concentration de TRS et en concentration
d’odeurs. Ce modèle a été développé par le Siaap sur
ses trois principales usines. Il s’inscrit dans le cadre
de sa triple ambition :
– construire des usines du futur conformes à la direc-
tive cadre sur l’eau ;
– promouvoir une démarche visant au « zéro
nuisances » ;
– être autonome sur le plan énergétique.
Grâce à sa conception originale, le système s’est
révélé novateur à plusieurs égards :
– en fonction des conditions météorologiques,
l’origine des concentrations TRS mesurées sur
quelques stations de surveillance peut être identifiée
et les flux de TRS émis par ces ouvrages peuvent ainsi
être évalués en temps réel (rétrocalage) ;
– les principaux facteurs influençant les émissions
d’odeurs ont été identifiés et utilisés pour prédire
l’impact olfactif de la station d’épuration ;
– le modèle a été ajusté à l’aide des données expéri-
mentales.
Les informations ainsi obtenues sont destinées à la
fois aux agents du Siaap et aux riverains qui peuvent
ainsi connaître l’impact odorant dans l’environne-
ment via un site intranet et le site Internet du Siaap.
La phase de développement étant maintenant termi-
née, Sypros est entré dans sa phase opérationnelle
durant laquelle il continuera d’évoluer. Ainsi :
– chaque nouvel ouvrage, chaque nouveau bâtiment
construit sera intégré à la maquette numérique ;
chaque nouvelle source sera caractérisée et ajoutée
aux sources existantes… ;
– de nouvelles campagnes de mesures olfactomé-
triques seront réalisées régulièrement afin d’amélio-
rer la connaissance de chaque source dans un maxi-
mum de configuration d’exploitation, et d’améliorer
leur prise en compte.
Ces évolutions en continu font aujourd’hui de Sypros
un outil utilisé au quotidien pour le suivi et la prévi-
sion des odeurs sur les usines du Siaap. Il permet
ainsi d’anticiper et de prévenir ou de limiter les
épisodes odorants lorsque l’exploitation et ses
contraintes le permettent.
 Sypros : un outil pour maîtriser en temps réel les odeurs dans l’exploitation d’une station d’épuration
Bibliographie
[1] HO TIN NOÉ I., RIOTTE M., KRIER J., LAHALLE D.,
TISSERAND B., CHARON I., DELEBARRE X. (2008) :
« Évolution climatique et gestion préventive des
odeurs ». TSM ; 12 : 81-98.
[2] JAUBERT J.N. (2010) : « Surveiller la qualité odorante
de l’air ». Pollution Atmosphérique ; 205, janvier-mars :
103-114.
[3] JAUBERT J.N., TAPIERO C., DORÉ J.C. (1995) : « The
field of odours: toward a universal language for odour
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[4] LESQUEL E. (2010) : « Un logiciel de prévision des
odeurs ». La Gazette des communes, des départements,
des régions, 19 avril 2010.
[5] HILL R., ARNOTT A., PARKER T., LAWTON T., ROBINS
A. (2007) : « Field and wind tunnel evaluation of CFD
model predictions of local dispersion from an area
source on a complex industrial site ». Proceedings of the
11th International Conference on Harmonisation within
Atmospheric Dispersion Modelling for Regulatory
Purposes ; July 2-5 ; Cambridge, UK.
[6] JENKINSON P., HILL R., LUTMAN E., ARNOTT A.,
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of CFD, wind tunnel and Gaussian plume models for
estimating dispersion from a complex industrial site ».
Developments in Environmental Sciences ; 6 : 742-743.
Résumé
I. ISAAC-HO TIN NOE, F. SIINO, M. DIALLO
Sypros : un outil pour maîtriser en temps réel les odeurs dans l’exploitation d’une station
d’épuration
Le Syndicat interdépartemental d’assainissement
de l’agglomération parisienne (Siaap) a mis en
place un nouvel outil spécifique pour la prévision
et la surveillance de l’impact des odeurs des
stations d’épuration sur les zones urbaines avoisi-
nantes. Ce Système de prévision des odeurs du
Siaap (Sypros) est basé sur la modélisation en
trois dimensions de la dispersion des composés
odorants dans l’atmosphère.
Il concerne trois usines de traitement du Siaap :
Seine Aval à Achères (78), Seine Amont à Valenton
(94) et Marne Aval à Noisy-le-Grand (93).
Il est structuré autour de trois fonctions : la prévi-
sion des panaches odorants sur 48 heures, le suivi
en temps quasi réel des odeurs, le diagnostic
des installations existantes ou à venir (études
d’impact). Un tel outil intégrant ces trois fonctions
n’avait pas encore été développé.
TSM numéro 5 - 2012 - 107e année
[7] MAZZOLDI A., HILL T., COLLS J. (2008) : « Leakages
from carbon dioxide transportation and storage facili-
ties: a comparison of CFD and Gaussian atmospheric
dispersion modeling ». Atmospheric Environment ; 42 :
8046-8054.
[8] (2003) : Norme NF EN 13 725 pour le prélèvement et
l’analyse des émissions odorantes.
[9] HO TIN NOÉ I., SIINO F., BARA C., URVOY Y., HAASER
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of odour on water treatment plant using a 3D simulation
tool coupled to on-site sensors ». Conférence HARMO13,
Paris, juin 2010.
[10] Arrêté ministériel du 22 avril 2008 fixant les règles
techniques applicables aux installations de compostage
et de stabilisation biologique soumises à autorisation.
[11] Arrêté ministériel du 12 février 2003 relatif aux
prescriptions applicables aux installations d’équarris-
sage soumises à autorisation.
[12] VERGNES A. (2010) : « Nuisances odorantes : agir
globalement dans le cadre d’une démarche méthodo-
logique rigoureuse ». L’Eau, l’Industrie, les Nuisances ;
332, mai : 25-44.
Le système d’exploitation des stations d’épuration
est au cœur de cette innovation. En effet, toutes
les sources odorantes, qu’elles soient issues des
opérations de traitements, d’opérations de main-
tenances diverses ou d’éventuels dysfonction-
nements, ont été identifiées au cours des trois
dernières années et intégrées au modèle Sypros.
Aujourd’hui en phase opérationnelle, Sypros est
alimenté quotidiennement en fonction des plan-
nings des travaux sur les ouvrages et de la gestion
des dysfonctionnements rencontrés dans l’exploi-
tation des usines.
Les cartes générées à partir de ces informations
sont consultables sur l’intranet par l’ensemble des
agents du Siaap. Elles sont ainsi intégrées dans la
gestion quotidienne de l’exploitation des usines en
permettant, lorsque cela est possible, d’adapter
les actions en fonction de l’impact odorant simulé.
69
 Étude
Sypros: a tool for real-time monitoring of the wastewater treatment plant odours impact
The “Syndicat interdépartemental pour l’assainis-
sement de l’agglomération parisienne” (Siaap) has
created a specific tool in order to forecast and
monitor the wastewater treatment plant odours
impact on the surrounding urban areas. Sypros
(Siaap odours forecasting system) is based on
the analysis of atmospheric dispersion using a
three-dimensional numerical model.
The Siaap has added Sypros to three of its plants:
Seine Aval in Achères (78), Seine Amont in Valenton
(94) and Marne Aval in Noisy-le-Grand (93).
It includes three functions: a forecast function to give
the odour impact of the wastewater treatment plant
48 hours in advance, a real-time function to produce
continuous odours concentrations and a diagnosis
function to model the impact of a particular event or
70 TSM numéro 5 - 2012 - 107e année
A b st ra c t
I. ISAAC-HO TIN NOE, F. SIINO, M. DIALLO
a new installation. It is the first time that a system,
including these three functions, is developed.
Moreover, one of the aims of Sypros is to constitute
an operating assistance tool. Indeed, all parameters
which influence odours emissions such as treat-
ment operations, maintenance tasks or possible
dysfunction on facilities, were identified during the
last 3 years and included in the model.
On a daily basis, Sypros is fed according to facili-
ties scheduled operations and dysfunctions occu-
ring on the operating plants.
This information allows generating maps which
are available for internal purposes. Therefore, Sypros
is integrated into the information and decision-making
system for plants operation as the technical officer
can assess the odour impact of on-site operations.