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Histoire des

polynômes

L'histoire des polynômes se confond


avec celle de l'algèbre et celle de la
résolution d'équations. Ils sont les outils
privilégiés utilisés pour résoudre des
problèmes tels que la résolubilité des
équations, la constructibilité et le dernier
théorème de Fermat.
Les fondements
Les mathématiques grecques sont
essentiellement arithmétiques et
géométriques. Les résolutions
d'équations se font pratiquement sans
symbolisme et avec une référence
fréquente à l'aspect géométrique. On voit
apparaître chez Diophante (250) un
début d'écriture algébrique : l'inconnue y
est nommé Le Nombre et une lettre ξ lui
est attribuée.

Durant leur séjour chez les


mathématiciens de langue arabe, les
mathématiques se détachent
progressivement de la contrainte
géométrique. C'est la naissance de
l'algèbre que l'on attribue
traditionnellement à al-Khawarizmi dans
son ouvrage Abrégé du calcul par la
restauration et la comparaison. Il y décrit
et résout les 6 équations canoniques du
second degré ainsi que les méthodes
pour s'y ramener. Il y distingue : la racine
(X), le carré (X²) et le nombre seul. Avec
les travaux d'Abu Kamil, les calculs ne se
font plus à l'aide seulement de rationnels
mais les nombres réels positifs y
prennent toute leur place. On voit
apparaître alors une généralisation des
opérations qui ne vont plus s'appliquer
seulement aux nombres mais aussi aux
inconnues. L'étude des équations se
poursuit avec celle des équations
cubiques chez Omar Khayyam et Sharaf
al-Dīn al-Tūsī (xiiie siècle). Dans les
ouvrages d'Ibn al-Banna (1321), les
polynômes de degré n sont représentés
par la suite de leurs coefficients. La
contrainte d'une homogénéité
géométrique (X est une longueur, X² est
une aire) disparait. Les raisonnements se
font presque entièrement dans le
domaine de l'algèbre.

En Europe, la recherche d'une symbolique


se développe. Michael Stifel (1487-1567)
utilise une inconnue privilégiée qu'il
répète autant de fois qu'il le faut pour
indiquer le degré. Cohabitent à cette
époque, plusieurs symboles pour
l’addition dite « plus » (p ou +) et la
soustraction dite « moins » (m ou -) et
l’égalité (=, [ , S). En 1484, Nicolas
Chuquet invente l'exposant : l'inconnue à
la puissance 5 s'écrira I5. Cette notation
sera reprise par Bombelli, Simon Stevin
et Descartes. Viète (1540-1603)
développe le calcul littéral, représente les
inconnues par des voyelles et les
paramètres par des consonnes et
introduit les notations de la somme, du
produit, du quotient, et de la puissance :
B in A quadratum, plus D in A, aequari C se
traduit ensuite par Descartes en bx² + dx
= c. Tout est alors en place pour que se
développe l'étude générale des
polynômes.

Théorème fondamental de
l'algèbre
Dès cette époque, on cherche à découvrir
les relations existant entre un polynôme
et ses racines (nombres, formes, etc.).
Viète met en évidence les relations
existant entre les coefficients d'un
polynôme et ses racines.

Le nombre de racines d'un polynôme


pose problème. Les racines sont d'abord
cherchées parmi les réels positifs puis
parmi tous les réels. L'invention des
nombres complexes par Bombelli (vers
1572) va permettre de trouver des
racines à toute équation du second
degré. La question suivante se pose
alors : un polynôme de degré n possède-
t-il toujours n racines ? René Descartes
l'affirme sans le prouver. La question est
de savoir si les racines non réelles, dites
imaginaires, sont toutes de la forme
a+b√–1. Jean Le Rond d'Alembert
prouve en 1746 que toutes les racines
doivent avoir la forme précédente.
Cependant, sa démonstration n'est pas
sans défaut, et il faut attendre Carl
Friedrich Gauss (1777- 1855) et une
incursion dans le domaine de l'analyse et
la topologie pour prouver que tout
polynôme de degré n à coefficients réels
possède exactement n racines
complexes. C'est le théorème de
d'Alembert-Gauss ou théorème
fondamental de l'algèbre.

Résolution générale des


équations de degré n
On pourrait croire que le théorème
d'existence des racines achève l'étude
des polynômes. Cependant, un problème
persiste : quelles méthodes peut-on
employer pour les trouver? La résolution
de l'équation du second degré, puis celle
du troisième degré avec les formules de
Cardan-Tartaglia (milieu du xvie siècle)
laisse présager qu'une méthode générale
existe. Les équations du quatrième degré
tombent grâce à Ludovico Ferrari (1522-
1565). Reste le grand champ des
équations de degré supérieur ou égal à 5.
Des tentatives de changement de
variables, pour se ramener à des degrés
moindres sont menées en particulier par
Walter von Tschirnhaus (en 1689),
Leonhard Euler et Étienne Bézout.

Cependant, c'est dans une autre direction


que la solution sera trouvée. Déjà, des
résultats intéressants étaient connus sur
racines et coefficients : les coefficients
s'expriment, en fonction des racines,
sous forme de polynômes symétriques.
En 1770, Alexandre-Théophile
Vandermonde étudie les permutations
des racines dans l'expression des
coefficients. À la même date Joseph
Louis Lagrange met en place une
méthode de résolution, basée sur les
permutations des racines, qui unifie les
méthodes antérieures pour les degrés
inférieurs à cinq. Son échec à résoudre
les équations de degré cinq l'a conduit à
affirmer (sans preuve) l'impossibilité
d'une telle résolution en degré cinq.
Paolo Ruffini en a apporté une preuve en
1799, qui s'est avérée erronée.
Finalement Niels Henrik Abel a prouvé en
1824 l'impossibilité, en général, de la
résolution par radicaux en degré cinq. En
1830, Évariste Galois a redémontré le
résultat d'Abel sous une forme beaucoup
plus générale, en introduisant une
méthode permettant de décider si une
équation particulière est résoluble par
radicaux. Les résultats de Galois sont le
point de départ aussi bien de la théorie
de Galois que de la théorie des groupes
abstraits.

Nombres algébriques
La connaissances des polynômes à
coefficients dans ℝ semble être
complète. Mais qu'en est-il des
polynômes à coefficients dans ℤ ? Quels
sont les réels ou les complexes qui
peuvent être exprimés comme solution
d'une équation de degré n à coefficients
entiers ? L'étude des nombres
algébriques est née, dominée par deux
problèmes célèbres : celui des nombres
constructibles à la règle et au compas et
celui du dernier théorème de Fermat.

La question des nombres constructibles


à la règle et au compas est un problème
qui préoccupe les mathématiciens
depuis l'époque d'Euclide. Quatre
questions résistent encore au
xviiie siècle : la trisection de l'angle, la
duplication du cube, la quadrature du
cercle et la constructibilité des polygones
réguliers. C'est par le biais des
polynômes et des extensions
quadratiques (partant des nombres
rationnels, on agrandit progressivement
l'ensemble en y ajoutant des solutions
d'équations du second degré à
coefficients dans ℚ, puis à coefficients
dans l'ensemble que l'on vient de créer et
ainsi de suite) que la solution sera
trouvée. Gauss décrit les polygones
constructibles (Théorème de Gauss-
Wantzel) et Pierre-Laurent Wantzel fait
tomber les deux autres conjectures (la
quadrature du cercle résistera quelque
temps) et termine la démonstration de
Gauss.

Le dernier théorème ou conjecture de


Fermat – existe-t-il des solutions entières
à une équation du type xn+ yn = zn pour
des degrés autres que 1 et 2 ? – a été
démontré en 1994 par le mathématicien
Andrew Wiles. Ce théorème aura nargué
les mathématiciens depuis le xviie siècle.
Nombreux sont ceux qui ont tenté de le
résoudre par l'algèbre. Euler s'y cassa les
dents. L'école allemande de la fin du
xixe siècle avec Richard Dedekind, Ernst
Kummer, David Hilbert, Emmy Noether va
développer et approfondir le travail sur
les polynômes, construisant la notion
d'anneau, d'idéal, de corps, de nombres
algébriques sans pour autant résoudre le
problème. Cependant, ils ont ainsi fait
faire aux mathématiques algébriques un
saut considérable.
Les problèmes précédents, moteurs des
recherches sur les polynômes, ont
contribué à la naissance et au
développement de l'algèbre générale.

Sources
Ahmed Djebbar, Une histoire de la
science arabe [détail de l’édition]
Jacques Bouveresse, Jean Itard et
Émile Sallé, Histoire des
mathématiques [détail des éditions]
Simon Singh, Le dernier théorème de
Fermat

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