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Comment les mathématiciens de différentes époques ont abordé la notion

d’infini ?
Jusqu’à où peut-on compter ? Jusqu’à où s’étend l’Univers ? Ces questions nous renvoient
vers une même notion : l’infini. Si en physique on ne retrouve aucun équivalent de ce
concept c’est parce que selon l’astrophysicien Christian Magnan : « Toute théorie
physique implique des nombres, en tant que tels forcément répartis sur un intervalle
fini ». Néanmoins, en mathématique ce concept est devenu essentiel. Aujourd’hui, nous
allons expliquer comment a été aborder la notion d’infini durant différentes époques.
Qu’est-ce que l’infini mathématique ?
En mathé matique, le mot infini employé seul n’a pas de sens. Toutefois, on peut
dé finir des expressions. En effet, on emploie le mot infini comme adjectif pour
qualifier un objet qui n’a pas de limite en quantité ou en taille, comme l’ensemble
des points du plan gé omé trique, le nombre de dé cimales d’un nombre irrationnel ou
encore les ensembles de nombres. Dans ce cas, on fait ré fé rence à un ensemble où il
n'y a aucun moyen de « compter » les éléments qui le constitue à l'aide d'un ensemble
borné d'entiers.
C’est en Europe, au XVIIe siècle, qu’apparait le symbole ∞, dit « Lemniscate ». C'est le
mathématicien John Wallis qui abrégea le concept « infini » par ce symbole. Mais, il ne
fut généralisé qu'en 1713 grâ ce à son adoption par Bernoulli.

L’évolution de la pensée de l’infini :

L’infini apparaît dans les textes mathématiques dès l’Antiquité, mais il y apparaît comme
une propriété négative (est infini ce qui n’est pas fini) et non comme un objet d’étude en
soi. Par exemple, Zénon (~450 av. JC) tente de montrer l’impossibilité « physique » de
l’infini en s’en servant pour diviser les choses en éléments toujours plus petits. Il en
résulte son « paradoxe » de la flèche qui, selon lui, ne devrait jamais pouvoir atteindre sa
cible. En effet, on peut toujours diviser son parcours restant par deux et il restera
toujours une portion de chemin à parcourir (1/2, 1/4, 1/8, …), à l’infini. Dans la mesure
où il faut un nombre infini d’étapes pour franchir la distance entre l’arc et la cible, Zénon
conclut à l’impossibilité à la flèche d’atteindre sa destination en un temps fini. Ce
paradoxe fut résolu bien plus tard par une des branches des mathématiques qui étudie
les sommes infinies de nombres : les séries. Ajouter ½ + ¼ + 1/8 + 1/16+… correspond à
chercher la limite de la somme des termes de la suite géométrique de raison ½ et de
premier terme égal à 1, limite qui est égal à 2. Ce qu’il manquait à Zénon, c’est ce résultat
contre-intuitif que la somme d’une infinité de nombres ne donne pas toujours un
résultat infini.

Quelque siècle plus tard, Jean Duns Scot révèle un paradoxe géométrique liée à l’infini. Il
trace deux cercles, un petit noté D et un grand noté B, concentriques à partir d'un
centre a. La circonférence du grand cercle est formée de points, il est possible d'en
identifier deux, b et c. Du point a, il trace une ligne droite joignant chacun de ces deux
points de manière que les deux droites formées coupent le petit cercle D. Résultat :
l’intersection avec le rayon établit une relation biunivoque (bijection) entre les points des 2
cercles. Par conséquent, il y a autant de points dans D que dans B pourtant B est plus grand
que D. De même, Galilée va soulever un autre paradoxe. Il considère la liste des entiers
positifs qui est infinie et l’appelle liste A. Il élève ensuite au carré chaque nombre de la
liste. La nouvelle liste obtenue est aussi infinie, c’est la liste B. A chaque nombre de la
liste A est associé un nombre de la liste B. Il y a donc une correspondance biunivoque
entre les deux listes. Les deux listes doivent donc avoir le même nombre de termes. Or,
chaque élément de la liste B est aussi inclus dans la liste A. Il doit donc y avoir plus de
nombre dans la liste A ! Suivant le raisonnement pris, on arrive à des résultats différents.
A et B sont de taille égale ou A est plus grand que B.
Enfin, à la fin du 19e siècle, Georg Cantor révolutionne notre vision de l’infini. Ce qui est
profondément novateur chez lui est le fait de démontrer des propriétés de l’infini.
L’infini devient objet d’étude. En effet, il a démontré qu’il existe non pas un infini, mais
au moins deux : l’infini des nombres algébriques est le même que celui des nombres
entiers, mais ce n’est pas le même que celui des nombres réels. Les réels ne sont pas
dénombrables. Cantor montre en effet qu’il ne peut y avoir de bijection entre l’ensemble des
entiers et l’ensemble de toutes les parties composées d’entiers. Ainsi, bien qu’ils soient tous les
deux infinis, ces ensembles n’ont pas le même nombre d’éléments : leur infinité n’est pas la
même.

Somme toute, on voit que la notion d’infinis a grandement évolué. Autrefois rejeté, cette
notion a pris du temps à entrer dans les mathématiques mais en fait aujourd’hui parti
intégrante. De la théorie des ensembles jusqu’aux calculs de limites, l’infini est devenu
un outil capital.

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