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Historiques?... Pas au sens propre. En effet d'autres avant moi ont (fort bien) décortiqué les arbres
généalogiques. Ce n'est pas mon élément. Trois axes fondamentaux m'intéressent, trois axes qui sont
liés, étroitement. Trois éléments sans lesquels on ne peut pas comprendre Ventadour :
-L'archéologie du bâti du
château (quoi, dans quel
ordre, et à quelle époque?)
J'y travaille de-ci de-là depuis
très longtemps, mais seule
une présence prolongée sur
place pourrait me permettre
de finaliser -enfin- ce travail
bien engagé.
Pardonnez s'il vous plaît d'éventuelles petites erreurs ou parfois approximations : mes moyens
d'investigation sont limités par l'éloignement. Moyens que des chercheurs plus "pointus" que moi
maîtrisent mieux. Je ne peux mettre le lien sur absolument toutes mes sources, car l'appendice qui
en résulterait serait plus imposant que l'étude en elle-même. Il faut parfois me faire confiance, je ne
suis pas un universitaire rompu aux thèses et aux écrits de haut-vol. Je remercie tous ceux dont les
publications, littéraires ou sur le web, m'ont aidé et inspiré.
Je ne livre pas des vérités!!! Je donne un avis, une vision… N'hésitez pas à me contredire, chercher, et
toujours avancer, avec moi…
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Ces recherches sont dédiées à
Françoise et Pierre Pottier,
à mon épouse Véronique
rencontrée à Ventadour,
et à tous les bénévoles qui se
succèdent depuis 1969 pour
faire revivre le Château.
Jean-Luc Bourbon
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Les voies d'accès à Ventadour
I - Les routes de Meyras et du Puy
Essai d'étude et de compréhension des chemins médiévaux d'accès au château de Ventadour, Ardèche.
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Le réseau routier en Vivarais a été et est encore en mutation… Occupation Romaine,
chemins et routes médiévaux, grandes transformations du 18e siècle… Tout contribue à
superposer et mélanger les époques. Quelques universitaires et chercheurs ont fait à ce
propos des travaux remarquables, mais jamais dans le détail autour de Ventadour.
Deux routes menaient d'Aubenas vers le Puy, anciennes routes romaines, à l'époque médiévale.
Pour ceux qui voulaient rejoindre le Puy par le sud-ouest, il fallait longer l'Ardèche par sa rive droite,
(par actuellement Labégude et Lalevade) et, à hauteur du lieu-dit "la Garde", gravir la montagne pour
arriver sur la falaise basaltique en direction de Jaujac par "le Coulet" (petit col…), redescendre et pas-
ser le Lignon sur le pont du Réjus, ensuite l'Ardèche sur le pont du Barutel (en pointillé bleu sur la
carte), et enfin sur cette rive gauche de l'Ardèche suivre une route sommaire qui deviendra bien plus
tard route royale, puis la N102, et qui monte au col de la Chavade par Thueyts et Mayres.
Une "planche" désigne,
au XVIIIe, un pont à
piles de pierre, mais
tablier de bois.
(Document des archives
départementales de
l'Ardèche).
Le tracé de l'actuelle
N102 sera ouvert et dé-
claré route royale sous
Louis XV, (grâce au pont
Rolandy, 1762) et figure-
ra sur les cartes de Cas-
sini, cartes relevées en
1773 et éditées en 1781
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pour cette région. Il faut oublier pour le moyen-âge toute cette partie actuelle qui va depuis bien
avant Pont de Labeaume au Barutel par la nationale 102...
L'ouverture du "Pont de la Beaume" est contemporaine aussi de Louis XV, mais antérieure. Des écrits
nous parlent d'une "planche" (illustration page précédente) jusque sa construction de 1727 à 1737.
Son utilité est de relier la route de la rive gauche de l'Ardèche à Jaujac. Est-ce dû au développement
de "la Balme", qui engendrera Pont de Labeaume? Il est à noter que la construction du pont Rolandy
ne débute, elle, qu'en 1760, en créant cette future N102. Aussi, on peut déduire que la route du Puy
au nord par le Pal fut privilégiée sur la route du sud par Mayres pendant encore plus de 20 ans.
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La route de la rive gauche de la Fontaulière deviendra donc route royale (carte Cassini). La route sur
la rive droite de l'Ardèche aussi, le pont de Labeaume deviendra en pierre pour desservir Chirols en
passant de rive droite à rive gauche. Exit la vieille route Aubenas-Vals-Chirols-Montpezat par la rive
gauche jusqu'à cet endroit: on fera (en termes modernes) Aubenas, Labégude, Lalevade, Pont de
Labeaume, passage de pont, Chirols, repassage de pont, et direction le Puy par Montpezat et le col
du Pal…
Mais nous sommes hélas ici au 18e siècle. Il nous faut revenir sur la topographie encore antérieure,
au Moyen-âge… Et pour l'instant, toutes les routes semblent bouder le château...
Récapitulons : la première route d'Aubenas passe en face au pied de Nièigles. La seconde par "La
Garde" évite le château pour s'en aller aux ponts du Réjus et du Barutel. Par contre, du Barutel en
passant près de Hautségur, on monte sur Meyras. Meyras, le fief dont dépend Ventadour…
Il est avéré que 2 grands chemins venaient de Meyras au château, un par le sud-ouest, un par le
nord-ouest, correspondant aux portes de l'enceinte.
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Celui du Sud-ouest, qui arrivait à la porte Sud, se voit aisément sur cette carte IGN. Il est à noter que
ce chemin, à la sortie de Meyras, porte sur les cartes le nom de "chemin de la Dame de Ventadour"!
Par le Nord-est, le chemin rejoint Meyras en passant au-dessus du Pradel. Il est aussi devenu chemin
de randonnée. Il partait de la porte nord. J'ai eu le plaisir et l'honneur (!) de l'ouvrir en 1986, l'année
du début de dégagement de la face nord de Ventadour. Il est visible par son mur de soutènement la-
téral. Nous avons rattrapé le niveau du chemin (moderne) du château, par rapport à ces traces de
mur, en y vidant pendant plusieurs été les brouettes de gravats, car le sol du chemin originel avait
été emporté par l'érosion. La végétation a refixé le sol, une petite partie de ce chemin est praticable.
Il est à noter que ces chemins dont subsistent les vestiges (soutènements, rocher taillé dans le flanc)
suivent des courbes de niveau stables. Ce pour épargner les bêtes de somme, qui à l'évidence tiraient
des charrettes. En effet, après contacts avec des sociétés d'élevage d'ânes, mules ou chevaux j'ai ap-
pris qu'on ne fait faire pas n'importe quoi à la bête bâtée, et on la préserve encore plus si elle tire des
chariots : il faut respecter un pourcentage de pente pour ne pas l'épuiser. Or, la largeur de ces che-
mins arrivant aux portes de l'enceinte et la largeur des entrées est compatible avec un chariot étroit.
L'étude soigneuse des courbes de niveau depuis les portes de Ventadour démontre ce soin d'épar-
gner ânes et mules…
Le chemin Nord va à Meyras à côte constante 350 jusqu'au Pradel, puis plein ouest pendant 800m au
dessus de Sébastier pour atteindre la cote 400, et redescendre à la côte 380. Enfin il fait les 800
derniers mètres de nouveau en montée, Meyras est à l'altitude 430. A aucun moment la déclivité
n'excède 7 pour 100.
La porte du Sud ouvre le chemin de Meyras par le Barutel et Hautségur, et part aussi de la côte 350. Il
file plein ouest pendant environ 1000m jusqu'à l'aplomb de "la Jugerie" où il atteint la côte 400. En-
core 1000m et il rejoint le chemin Nord au dessus du lieu-dit "Champ Guérin". L'avantage du chemin
Sud est qu'il peut bifurquer vers Hautségur peu avant, près du lieu-dit "le Moulin de Jean", et se
séparer alors en deux branches, dont l'une descend au pont du Barutel.
L'homme porteur
Plus intéressant encore est le chemin des crêtes! Il en subsiste des vestiges lorsque l'on s'enfonce
dans la forêt, sur la face ouest du château, dans le prolongement de la "porte piétonne" du rempart.
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Bien sûr, il faut d'abord escalader la petite "falaise artificielle" créée par le dégagement au "bulldo-
zer" en 68-69. Jadis, la colline venait mourir doucement au pied de l'enceinte, face au grand rempart.
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Ce réseau se greffe sur les
Les chemins au nord de Meyras, devenus des axes majeurs. Par Meyras
sentiers de randonnée (pointillés mauves). "sud", on retourne sur le
Barutel, et Le Puy par le
col de la Chavade. Par
Meyras "nord", des che-
mins, devenus eux aussi
de randonnée, nous font
rejoindre la vallée de la
Fontaulière au niveau du
pont de Veyrières (et Chi-
rols, où se trouve une bâ-
tisse que je considère
comme tour de guet!) ou
plus en amont vers l'ac-
tuel village d'Amarnier,
retrouvant la route du
Puy par le Pal.
Parce que "Balma" ou "la Balme", village issu de Nièigles, ancêtre de Pont de Labeaume, n'est pas
encore créé. Enfin, même si on traversait l'Ardèche à cette place, il faudrait encore retourner à La
Garde, et faire tout le détour par les ponts du Réjus et Barutel pour aller à Meyras…? Vraiment pas
l'idéal de commodité… Ce point sera développé dans le deuxième volet.
La route de Nièigles originelle rejoint la route du Puy. Cette voie ne passe qu'à quelques dizaines de
mètres de la rivière Fontaulière. Nièigles est un village médiéval grand et puissant comme Meyras. Il
est indissociable de Ventadour (je développe cette théorie dans mon étude des postes de guets du
site) car pour moi, la tour du clocher de Nièigles est un relais visuel de surveillance de la vallée.
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Pour qui connaît les lieux, la Fontaulière est
étroite, basse et calme à cet endroit une
bonne partie de l'année… Mon idée est
qu'on pourrait passer la rivière à gué, ou en
barge lorsqu'elle était plus profonde. Et on
peut envisager aussi un pont de "planches"
ou entièrement de bois, car moins difficile à
édifier ici qu'à l'emplacement de Pont de
Labeaume! Il faut aussi considérer, plus en
amont, mais avant le pont de Veyrières, le
lieu dit "le Gua", vieux français exprimant
un… gué.
Car ce n'est qu'au 18e que l'on trouve les mentions écrites de l'édification d'un pont, par l'adjudica-
tion de sa construction. Cela signifie-t-il qu'il n'y en a pas eu avant? Non! Fions nous aux "on-dit" lo-
caux, car toute tradition orale a une origine! Serge Dahoui, dans des articles datés de 1970 de "la re-
vue du Vivarais", nous parlera de pont à péage en 1626, hélas sans citer de sources.
Mais que desservirait-il? La route de Monpezat (D536), sur la rive droite de la Fontaulière, apparaît
sur le cadastre Napoléonien comme une sente, et ne sera route qu'à mi 19e siècle… Au Moyen-âge, il
n'y a rien encore : le château a "les pieds dans l'eau". Ou alors il faudrait à l'extrémité de ce pont un
ou plusieurs chemins montant au château, qui rejoindraient les chemins nord ou sud vers Meyras.
Nous aurions alors notre "pont du Pourtalou", et notre (nos) chemin(s) du même nom… Notre châ-
teau serait maintenant relié à la route Nord du Puy par Chirols (amont de la Fontaulière), à la route
Sud du Puy par le Barutel (amont de l'Ardèche), et par l'Est et Nièigles (aval de l'Ardèche)… Le verrou
Ventadourien est prêt à fonctionner, les val-
lées sont sous contrôle.
Le fief de Meyras, avec Ventadour, va rapporter de l'argent à Pons de Montlaur et Miracle de Soli-
gnac. La perception d'éventuels droits de passage -par le biais des mandements- doit se faire via un
contrôle et une capacité d'intervention sur les voies de communication. C'est maintenant le cas. Et
s'il faut justement intervenir?… Les points cruciaux sont facilement atteignables au Nord et au Sud.
Mais comment descendre du château au pont du Pourtalou? Encore une fois, il faut alors un chemin.
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Un chemin ou des chemins… On distingue
bien, sur les vieilles cartes postales, des
tailles dans le rocher, plus dénudé qu'au-
jourd'hui. Lorsque j'ai fait la maquette du
site, après mon contact avec "la société
asine", j'avais le pourcentage de grimpée
d'un âne bâté (environ 15-20 pour 100) et
j'avais calculé la dénivellation de la rivière
aux portes du château. Multipliée par ledit
pourcentage, cela m'avait donné une lon-
Sud-Est gueur minimale de chemin pour ne pas
"crever" les bêtes. J'ai tiré cette longueur à
l'échelle, et me suis rendu compte que l'on
peut rejoindre les deux portes, Nord et
Sud, à partir de l'emplacement du Pourta-
lou en respectant une pente supportable,
et une distance raisonnable.
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second est que les cultures en terrasse ont modifié la physionomie du terrain et peut-être effacé des
traces médiévales… Alors, mon ébauche de chemin retrouvé serait "moderne". Affaire à suivre.
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Des travaux engagés à la pointe Sud-Est du site
ont dévoilé un lien pédestre possible entre le pi-
geonnier et ce secteur, dit "des écuries". Mais à
mon sens pas de mouvement de bêtes ou de mar-
chandises entrant directement par ce côté. De
plus, il est très probable que ce pigeonnier soit
tardif. Attention, à la décharge de Philippe Denis,
qui fit cette étude en son temps, il faut savoir que
les travaux de déblaiement n'avaient pas encore
L'escalier "de Huit marches" côté Sud. livré tous les détails extérieurs de la forteresse au
Malgré un aspect rustique, il ne daterait que Nord et à l'Est. Cette étude, ces plans des années
de la création des terrasses du 19e siècle… 70 ont le mérite d'exister. Ils m'ont beaucoup ins-
piré dans les axes de recherche.
Bien sûr, pour ce qui est du ou des chemins du Pourtalou, il restait encore à démontrer la faisabilité
d'un pont (bois ou pierre) enjambant les quinze à trente mètres de la Fontaulière… C'est désormais
fait, et les maquettes d'étude de ces ponts existent et sont visibles au château, nous allons dévelop-
per ce point plus loin.
Il faudrait lancer une "énorme campagne de prospection" sur tout le site à la recherche du moindre
indice: taille du rocher et/ou restes de soutènement. Le travail de recherche est loin d'être achevé, le
chemin du Pourtalou garde encore son mystère à la date des écrits, pour cette année 2021.
Un deuxième opus, spécialement dédié aux ponts et au Pourtalou, suit cette première approche.
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La boucle semble bouclée. Nous avons en main un réseau cohérent desservant Ventadour
depuis Meyras, et vice-versa. Des moyens d'intervention sur les voies à maîtriser, en amont
de l'Ardèche par le Barutel, en amont de la Fontaulière par Chirols et Armanier.
Une rapidité d'action au nœud des vallées, par le Pourtalou. Ces routes maîtrisées sont des
routes "clé": l'axe Aubenas-Le Puy, que ce soit par Le Pal ou Mayres. Ce modeste essai
s'inscrit dans la démarche exprimée en préambule : l'évolution du bâti, les points de
surveillance et les voies d'accès sont un tout indémêlable!
En vert, de la rive droite de l'Ardèche vers Meyras ou le Puy par les ponts du Réjus et du Barutel,
Mayres, col de la Chavade. En bleu, la route du Puy rive gauche de l'Ardèche, par le pont de Veyrières,
Montpezat et le col du Pal. En noir pont et chemin(s) du Pourtalou. En petit pointillé violet, le chemin
des crêtes de Ventadour à Meyras. En traits mixtes orange et rouge, les chemins d'accès Nord et Sud
de Ventadour à Meyras. En pointillé grenat, la liaison vers Hautségur et le Barutel. En pointillé vert
foncé, la liaison Meyras à l'amont de la Fontaulière, sur la route du Pal.
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Les voies d'accès à Ventadour
II - Les ponts et le chemin du Pourtalou…
état d'avancement des travaux du Pont de Labeaume en 1733. Archives numérisées d'Ardèche
Essai d'étude et de compréhension des chemins médiévaux d'accès au château de Ventadour, Ardèche.
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Dans la première partie nous avons évoqué le lieu-dit "le Pourtalou", au pied du château,
sur la Fontaulière. Nous nous sommes rendu compte que cet emplacement était un lieu de
passage obligé au Moyen-âge. Ce passage pouvait être un gué, un "bac", ou un pont.
Pont, certes, il y en aura un au 18e siècle: "…le pont de Pourtalou a été mis en adjudication le 22
février 1759 pour 52000 livres. Il a été terminé en 1762…" nous dit A.V.J Martin dans un très bon
article bien étayé de 1985 sur les ponts Ardéchois, paru dans "Mémoire d'Ardèche et temps présent".
Ces dates ont été vérifiées et certifiées.
Oui, bien sûr, mais la Fontaulière est l'un des affluents brutaux
qui gonflent l'Ardèche, et son débit maxi actuel, bien que
régulé par la centrale de Montpezat, peut atteindre 250 m³/s.
Cela peut paraître peu par rapport aux énormes débits de
l'Ardèche avec 2000 m³/s en crue, mais au vu de sa faible
largeur et son encaissement, on imagine les dégats qu'elle
pouvait occasionner du temps où elle était non maîtrisée…
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Le pont de Labeaume
Ce pont est une pure création du 18e siècle. Le cadastre de Niègles n'en fait nulle mention en 1641.
On peut lire dans des documentations qu'il fut bâti "en remplacement d'une planche traversant
l'Ardèche…". Planche dont on trouve trace en 1714 sur le registre paroissial de Niègles, à cause d'un
fait divers, la noyade d'une jeune fille tombée "de la planche" à la rivière "en revenant de faire ses
dévotions à la sainte Vierge de Niègles".
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Ne perdons pas de vue que
rien, aucune route n'existe
entre cet endroit et le pont
du Barutel, la route du Puy
par Pont de Labeaume n'est
pas le chemin "historique"
vers le Puy. D'aucuns diront
que la route allait jusque
Pont de Labeaume dès
l'antiquité, ce à cause de la
découverte en 1857 d'une
borne milliaire romaine au
bord de l'Ardèche. Ceci
sous-entendrait de passer ici
l'Ardèche pour rejoindre la
Lieu de découverte route romaine du Pal
aproximatif de la (certifiée à 99%) rive gau-
borne au 19e siècle che, puisqu'on a pas de pont
avant 1760 (Rolandy) pour
passer plus loin par le sud.
Cette hypothèse s'est confirmée pour moi après la lecture de la thèse (1090 pages, un monument!)
de Franck Bréchon sur le réseau routier en Vivarais, (Université Lyon 2, année 2000), qui lui aussi
dans ses monographies routières, fait bifurquer la route initiale venant d'Aubenas par la rive droite
au lieu-dit "La Garde" pour relier le Réjus et le Barutel. Nos seules différences porteront sur le trajet
vers le Coulet, car je vois les chemins suivre les cours d'eau, lui se fie au découpage du cadastre.
Le pont Rolandy
Le pont Rolandy, en ouvrant la porte de la nouvelle route Sud vers le Puy, permet un très net progrès
de communication. Il en est, pour preuve, la simple comparaison des anciens et des nouveaux tracés.
Cette carte qui suit est sans appel : d'abord le confort dans la qualité de la chaussée, et ensuite la
progression de la déclivité sont travaillés par les ingénieurs de Louis XV.
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Observez… Pour aller
de "la Garde" (cote
291) au pont du
Barutel (cote 346),
voici les 2 profils
altimétriques calculés
grâce à Géoportail:
A gauche, le trajet
par le Coulet (poin-
tillé bleu). Partant de
290 m, il faut en
moins de 1,5 km
monter à 500 m!!!
Soit près de 15 pour
100… puis redescen-
dre avec une pente
de l'ordre de 9 pour
100. A droite le nou-
veau tracé (N102) est
plus progressif, le graphique parle de lui-même: une moyenne de 1,5 pour 100, constante, pour une
distance quasi égale… Comme je l'expliquais dans le premier chapitre, les bêtes souffrent moins, et
on peut de plus passer du bât à la charrette (le "roulage"), et de fait transporter plus, plus vite, avec
moins de peine.
Le Pont Rolandy subira dès après son édification plusieurs destructions car l'Ardèche est une rivière
capricieuse qui peut se dé-
Gravure du pont en bois en décembre chaîner.
1857. Au fond à gauche, une vue très
romancée de Ventadour… Pour l'anecdote, sachez
qu'il a été reconstruit pro-
visoirement en bois, sur un
modèle américain, suite à
la fameuse crue de 1857,
celle qui a emporté l'arche
du pont de Labeaume…
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Un rappel sur les voies de circulation
L'importance du passage par le col du Pal pour aller au Puy est sans conteste au Moyen-âge. C'est
certifié, c'était une grand-route de la chrétienté pour les pélerins, reliant Avignon au Puy par Viviers.
Toutefois, son trajet entre Montpezat et Le Monastier n'était pas propice au roulage: aux tronçons
aménagés succédaient des sentes, des gués, ou des ponts régulièrement emportés par les crues.
Cette route célèbre, qui aurait vu passer Jules César, a un profil plus adapté aux convois muletiers.
Il est donc logique qu'au 18e, les ingénieurs du Roy cherchent un nouveau chemin plus propice au
négoce, au transport, à la communication. Ce sera la route royale par Mayres, au Sud, ce sera la
construction du pont Rolandy. Nous avons vu plus avant ses avantages entre "la Garde" et le Barutel.
Mais se pose la question de pourquoi entamer la construction d'un pont au Pourtalou en 1760,
puisque l'on a déjà le pont de Labeaume, et qu'on édifie le pont Rolandy.
On peut avancer deux hypothèses. L'une, le chemin de Niègles vers Meyras par le nord, desservant le
Pradel, était nécessaire? Pradel vient de "prade", "prairie"… Il y a effectivement 4 bons hectares de
plat en bord de rivière à cet endroit. Besoin de mener des bêtes? On parle également de moulins à
cet endroit… La seconde, tout simplement le poids de la tradition d'un passage à cet endroit?
Comme le dit Franck Bréchon dans un article paru en 2006 dans "Mémoire d'Ardèche et temps
présent", "l'homme reste maître de l'emplacement des routes selon ses propres besoins", et ces
besoins peuvent nous échapper car plusieurs siècles nous séparent.
En 1760 le château est probablement ruiné et inoccupé. Lors de sa vente comme bien national sous
la Révolution, il sera dit: "cette vieille masure de château qui depuis plus d'un siècle n'a pas apporté
de revenu…". Donc, le pont achevé en 1762 n'est pas fait pour desservir les occupants de Ventadour.
Relier la rive gauche et droite de la Fontaulière pour aller au Pradel pourrait être une première
explication de la mise en œuvre d'un pont en même temps que le Rolandy.
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Du pont du Barutel au Pourtalou…
Aucun chroniqueur ne fait mention, dans quelqu'étude que ce soit, de cheminement existant le long
de l'Ardèche, au Moyen-âge, entre ces deux points. D'ailleurs, quelle en serait l'utilité? Il n'y a rien
entre les deux, hormis le lieu-dit "les Portes" sur la rive gauche. Je n'ai trouvé aucune indication de
ces quelques maisons avant le cadastre Napoléonien. Quand bien même elles existeraient déjà au
12e siècle, elles sont presque sur le parcours du chemin Sud reliant Ventadour à Meyras (opus 1), et
sont accessibles aisément "par le nord" .
Pour cette rive droite de la Fontaulière, entre le Pourtalou et le pont de Veyrières, c'est aussi le grand
vide… Des écrits citent bien le Pradel et "un meunier" en 1525, mais la majorité des documents
médiévaux ne nomment que des
villages sur la rive gauche de la
Fontaulière, comme le Fesc, encore
une fois sur la vieille route du Puy par
le Pal, sur le passage des voyageurs,
pélérins, et marchands.
Analysons par
exemple un trajet du
bas de la route de
Niègles (que l'on
vienne du Pal ou
d'Aubenas…) vers
Meyras. Nous étudie-
rons la variation
d'itinéraire jusqu'aux
En retournant passer l'Ardèche au pont de "Portes", qui est
Labeaume, puis pont Rolandy, et montant vaguement sur le
sur Meyras au niveau de "les Portes" chemin Sud. Le par-
cours est en pointillé
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orange, la longueur calculée par Géoportail en haut à gauche. Distance entre le bas de Niègles et "les
Portes": 1654m pour l'un, 922m pour l'autre… 730 mètres, 1/4 d'heure seulement au pas d'une bête
chargée, avec de surcroît une montée plus progressive pour l'âne ou la mule.
Cela vaut-il le coup de rebâtir un pont? On peut également supposer que c'est à cette époque (18e)
qu'est créée la sente qui
part du pont Rolandy à la
porte sud de Ventadour,
peut-être pour les gens
qui ont besoin d'aller au
château, et qui ont fait le
"grand détour" par La-
beaume et Rolandy . Il
faut également desservir
les cultures en terrasse,
que je pense de cette
époque..
Et pourquoi monter au
Au 18e siècle, en château? Peut-être tout
jaune, Niègles-le simplement pour conti-
Pradel par le nuer à desservir le Pradel
Pourtalou. En par le chemin nord de
rouge, après Ventadour, puisqu'on
destruction du vient de dire qu'il n'y a
pont. Hypothèse pas de chemin qui
d'un chemin du contourne le pied du
Pourtalou par la rocher Rolandy!
face Nord.
Comme on ignore l'état
du château au 18e, on ne
peut donc dire si la tra-
versée du lieu est encore
utile pour autre chose
que le cheminement pur
et simple…
Nous nous sommes beaucoup attardés au 18e siècle! Mais la réflexion dans cette période intéres-
sante était nécessaire pour comprendre les enjeux et évolutions de communication sur ce nœud rou-
tier et fluvial, ce confluent des vallées de l'Ardèche et de la Fontaulière, et définir l'antériorité de tels
et tels parcours.
Et en quelques pages, nous nous sommes rendu compte que le seul passage qui existe au Moyen-
âge entre les deux rives pour monter à Ventadour, Fontaulière et Ardèche réunies, ne peut être
qu'au pied du château, et selon la tradition, au lieu-dit Le Pourtalou!
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La Fontaulière, quelques données hydrauliques et hydrologiques…
D'une longueur de 20,9 kilomètres, la Fontaulière prend sa source près du Pal, sur la commune de
Montpezat, à une altitude de 1005 mètres. Quand elle arrive à son confluent avec l'Ardèche, au pied
du château, elle s'est gonflée de
plusieurs affluents, dont la Bourges,
avec qui elle est souvent confondue
par des chroniqueurs actuels. Elle a
un profil de rivière de montagne,
très pentu (5% de moyenne). Sur sa
fin, entre pont de Veyrières et le
confluent, en à peine 2500m, son
dénivelé est encore de 35m, soit
1,5%!!!
Ces chiffres ne sont pas acceptables sans discussion pour l'étude des conditions au Moyen-âge.
Si on se réfère au rapport du Ministère de l'écologie, on lit en toutes lettres: "la station est influencée
par les rejets de l'usine
de Montpezat. La
banque HYDRO ne
fournit pas les débits
naturels reconstitués".
Débit de la Fontaulière,
source: DIREN 2005
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versant 2 fois plus petit, a une moyenne de 0,67 m³/s, et l'Ardèche au pont du Barutel, avant la
confluence avec la Fontaulière, avec un bassin versant plus imposant, donne 3,6 m³/s.
Sans être ingénieur hydraulicien, je pense que le profil hydro au Moyen-âge devait avoir une
moyenne comme aujourd'hui, entre 1,5 et 2 m³/s réels, mais avec des moyennes mensuelles plus
hautes en hiver, car non régulées comme de nos jours (20-25 m³/s peut-être?) et un étiage bien plus
sévère en été, proche de la sécheresse en juillet-aout, comme le Lignon… Au mois d'août 2016, j'ai
mesuré une vitesse de courant de 0,5m/s sous le pont, et en faisant rapidement le rapport largeur
par profondeur, j'ai déduit un débit de l'ordre de 1,5 m³/s. En août, il y a bien sûr du soutien d'étiage
pour le tourisme… et je retrouve mes données du tableau de la DIREN!...
Le gué
Comme on le voit sur les photos prises depuis le pont actuel, la rivière est encaissée et son front
n'excède pas dix mètres en moyennes eaux, avec une profondeur de moins d'un mètre. De nos jours,
en été, les baigneurs ont pied et ne sont pas renversés par le courant. Le débit, même soutenu par
les lâchers de barrage, est à moins de
1,5 m³/s de moyenne (voir graphique
de la DIREN et mes observations)…
Conclusion, pour moi le gué est possible, oui, mais quatre mois sur douze (juin à septembre). Ce n'est
pas assez pour assurer la continuité entre Meyras et la route du Pal. Essayons un bateau!
29
Le "bac" ou la barque
En se penchant sur l'histoire du Vivarais et de la rivière Ardèche, on trouve des mentions de passage
de ce cours d'eau avec des "bacs". Seule ombre au tableau, la mise en place de ces structures, simple
barque large ou avec des cordes (traille), va se faire à des gros endroits de passage, le plus souvent
en ville, et on n'en parle dans les environs de Ventadour que vers le 14e siècle, avec un bac à Vals en
1313. Le Pourtalou ne répond pas à ces critères. En effet, le passage ici doit commencer selon moi
dès le 11 ou 12e siècle, et il lie Meyras à la route du Pal-Aubenas, et à Niègles, le passage n'est bien
sûr pas aussi intense qu'en ville. Un bac ne serait pas rentable…
La fonction première au haut Moyen-âge de ces rentrées d'argent était le remboursement des frais
engagés et l'entretien de l'ouvrage. Ces bons principes n'ont eu qu'un temps… De même que nous
continuons à payer pour des autoroutes depuis bien longtemps amorties, ce principe a été dévoyé au
Moyen-âge, le péage initial pour le service etant devenu un impôt, une taxe sur les marchandises
traversant le "mandement" et tombant dans les caisses du seigneur des lieux…
Le mandement est une subdivision administrative qui voit le jour autour du 11e siècle après les
vigueries carolingiennes. Cette division territoriale est plus utilisée dans le sud-est qu'au nord. Le
mandement dépend d'un seigneur, d'une famille. On en dénombrera une soixantaine en 1464 en
Vivarais. Notre secteur du château de Ventadour et le Pourtalou dépendent de celui de Meyras.
30
Franck Bréchon, dans sa thèse, place un point
de péage au sud du mandement au niveau de
"la Garde", là où s'infléchit la route d'Aubenas
vers le Barutel. C'est tout à fait logique et
possible, mais c'est sur la rive… droite de l'Ar-
dèche, et comme je l'ai expliqué plus haut, le
"grand axe" de passage est de l'autre côté de la
rivière, la route "du Pal". Quid de celle-ci rive
gauche? On parle de ponts à péage, mais il
ressort des études que peu de ponts sont
"payants" en Vivarais, "payants" au sens où
l'entendaient les romains. Alors disons que l'on profite d'une obligation de passer par le pont pour y
installer le poste de perception. C'est, dans le secteur, le cas à Aubenas, et à Jaujac au pont de la
Tallaide (ancien nom du Réjus).
Le rôle du Pourtalou n'est donc pas seulement un rôle de franchissement de la Fontaulière pur et
simple, c'est l'outil de perception, comme je le disais dans la première partie, et aussi "le moyen
d'intervention" sur la voie, la route, où passent de nombreuses marchandises: la route du col du Pal.
Le Pourtalou est donc un pont. Mais est-ce vraiment un "pont à péage"? Je dirais plutôt pour l'instant
que le Pourtalou est la limite du mandement, le "symbole du péage" des seigneurs de Meyras sur la
route du Puy. Mais est-ce un pont de bois?... Un pont de pierre?...
Les vestiges demandent une interprétation. Certes, les archéologues sont de plus en plus pointus sur
l'histoire et les techniques du Moyen-âge, époque si longtemps galvaudée. Mais si interpréter des
restes de structures en bois sur le lieu de leur construction passée est (relativement) aisé, réinventer
un pont qui n'existe plus, sur une rivière qui a évolué pendant neuf siècles est une autre affaire.
Cette approche est indissociable d'une connaissance minimum des ouvrages en bois en général.
Deux facteurs prépondérants vont donner l'allure de notre pont de bois : la largeur du cours d'eau et
la longueur des bois disponibles. On trouve de nos jours des poutres de 10 m de long, dans des
sections autour de 30x30 cm. Sur 2 appuis, un tablier -sur une poutre doublée- peut tenir 2 tonnes en
son milieu (calcul vérifié). C'est bien
suffisant pour se faire croiser deux mules
chargées avec leur conducteur, ou bien
passer une seule carriole bien chargée.
32
Le défi du maître d'oeuvre du 13e siècle est clairement énoncé: passer une rivière avec des bois
standardisés de maximum 20 pieds (6 m). En se fiant uniquement à la portée du tablier, en réduisant
les assemblages géométriques à des carrés (croisillons à 45°), ou bien des rectangles proches du
carré , en recouvrant l'assemblage central avec un bois de 6m chevauchant de part et d'autre
d'environ un mètre (voir le dessin, plus clair, de Viollet le Duc), on obtient une portée de 16 mètres
environ. Ceci serait déjà insuffisant pour enjamber la Fontaulière.
L'observation des rives de la Fontaulière montre aussi, à quelques mètres à peine du pont actuel, un
rocher qui semble volontairement taillé à pic, et aurait pu faire une belle "base" de départ pour un
pont médiéval. Ce rocher ne dépasse pas cinq mètres…
En fait, en aucun cas on ne peut envisager des piles de 8 à 10 mètres de hauteur, car ce serait plus
haut que… le niveau du pont actuel!
33
Mais ces données et la hauteur de ces
vestiges peuventt nous servir de base pour
dessiner notre pont "idéal" pour l'endroit...
Que dire alors d'une pile de bois? Dès les romains, on sait ficher profondément des bois dans un lit
de rivière avec un mouton. Mais dans le cas présent de la Fontaulière, à quelle profondeur va-t-on
rencontrer le socle granitique? Quasi immédiatement! Il faut donc que la structure appuyée sur le
fond soit suffisamment maintenue aux rives
pour résister au courant. C'est l'illustration ci
contre qui va nous aider à comprendre
comment le charpentier médiéval peut avoir
réfléchi…
34
de grosse pluie, une frontale (coupe transversale) de 30 m², on obtient 3 m/s. C'est la moyenne d'un
torrent de montagne… C'est très dur pour le pont!
Mais la vitesse n'est pas la même au milieu du courant que sur les bords : de façon empirique, plus
on s'éloigne de l'axe de la rivière vers les bords, plus elle diminue, et plus la profondeur augmente,
plus elle diminue aussi. Le charpentier des Solignac ou des Montlaur n'avait pas l'infographie en
couleur pour lui expliquer, mais il avait le bon sens de l'expérience.
M'appuyant sur les photos où l'on voit les anciennes piles (qu'elles soient du 18e au antérieures…), je
placerai le tablier à 5 m au dessus du niveau moyen. Mes relevés dimensionnels fiables nous donnent
une largeur d'eau maximale au Pourtalou à 28 m en hiver et au printemps. Le lit de la rivière étant -
bien sûr- plus creusé au milieu, et sa profondeur d'environ 2 m, je shématiserai son profil par 2
triangles rectangles de 2m x 14m. Cela me donnera une suface frontale de 28 m², arrondi à 30. On
est très proche de la réalité un jour de grosse pluie, cela ferait environ 90m³/s de débit à une vitesse
de flux de 3 m/s. Je considère la hauteur du poteau en eau avant de toucher la structure horizontale
de 3m. C'est la limite que je donne à mon pont pour résister. Au delà, c'est un régime de crue, et il
est menacé d'être emporté.
35
J'avais fait calculer préalablement par un ingénieur en structure les résistances en flexion de poutres
30 x 30 (un pied x un pied) en hêtre ou chataignier de 10 m de long : 2 tonnes! Avec les longueurs
réduites que j'utilise, aucun risque pour supporter un tombereau, une mule et son charretier.
Je vais donc bâtir avec ces poutres de 20 à 24 pieds (6,00 m à 7,20 m), dont la plus longue est au
milieu. Voici ce que cela pourrait donner, avec le niveau haut de la rivière en rouge, le niveau bas en
pointillé. Le code indique les variations de vitesse du flux du milieu vers la rive, rouge étant le plus
rapide, bleu le plus lent.
Les deux poteaux verticaux pourront (et devront!) être renforcés par 2 "croix de St André" dans le
sens transversal pour maintenir solidement l'écartement,
comme dans le pont de Villard de Honnecourt décrit plus
haut. Ainsi, nos assises par rapport à la rive formeront un
treillis de grande résistance pour aider les pieux à tenir au
courant.
On peut envisager que nos ancêtres aient aidé la résistance au courant en accolant aux poteaux des
"déflecteurs" pour couper le flux, comme le montre Viollet le Duc dans certains croquis. Observez à
gauche: des bois sont placés autour des piles en guise de "dé-
flecteurs" pour séparer le flux et réduire la pression d'arra-
chement des pieux de bois… Ou imaginons que le charpen-
tier des Solignac ou Montlaur ait simplement cloué des
planches en "Vé" pour amoindrir l'effort du courant sur les
piles… Pas impossible…
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Alors le poteau, même retenu à la rive, risque de riper sur le fond avec la vitesse du courant… Et c'est
là que l'hydraulique moderne vient au secours de notre charpentier: nous l'avons dit avant, le bougre
n'avait pas un "bac S du Moyen-âge", mais il a le bon sens! Il savait que le courant est moins rapide
sur les rives qu'en plein milieu du flux de la rivière.
Et quand on observe son travail, que constate-t-on? Les poteaux sont dans un flux plus calme, et en
cas de fortes eaux, la contrefiche n'est pas en eau. Cela limite l'effort de poussée sur la structure. Il
aurait pu en outre creuser des trous (carrés?) dans le rocher pour mieux caler les pieux verticaux.
De nombreuses heures de réflexion m'ont conduit à ce modèle, imparfait certes, pas forcément fi-
dèle (mais qui a des photos d'époque?), mais sans réelle déficience et respectant l'esprit médiéval.
37
Je pense ce modèle efficace. Il impose au centre une paire de poutres de 24 pieds, voire légèrement
plus, mais on doit les trouver, car hêtres et châtaigniers sont sinon immenses, au moins de taille suf-
fisante en ces temps, et les forêts sinon nombreuses, au moins peu éloignées. Le bois était fort prisé
au Moyen-âge, non pas par son prix de revient en Ardèche, mais par sa facilité de mise en œuvre.
J'en ai déduit et réalisé cette première maquette, exposée depuis l'été 2016 à Ventadour…
L'avantage de l'étude des ponts anciens de pierre en Ardèche est que nous en trouvons bien plus,
depuis l'époque romaine jusqu'au 18e, et en passant bien sûr par le Moyen-âge. Leur tenue
exemplaire dans le temps prouve que les techniques de construction étaient bien abouties.
L'iconographie internet est riche, on peut les observer de chez soi, sans parcourir des kilomètres.
Pour enjamber sans danger la Fontaulière, l'arche devrait mesurer près de 28 m. La hauteur sous
voûte en serait d'un peu moins de la moitié, soit presque 14 m (plus haut que le pont moderne…) et
donc, puisque je devrais rattraper les rives à la cote 314 (la rivière est à altitude 300), l'ouvrage
devrait mesurer au total 60-70 mètres de long. Peut-être cette solution a-t-elle été choisie au 18e?…
En effet, le pont a été adjugé pour 52000 livres, et celui de Pont de Labeaume, qui mesure près de
100 m, pour 80000 livres. Des "valeurs de proportion prix-longueur" sont vaguement respectées…
38
deviennent des torrents énormes à chaque orage, que si piles intermédiaires il y a, elles sont souvent
ancrées sur le rocher, et hors d'eau en temps normal.
Tout simplement pour les cimenter bien au sec, et éventuellement tailler correctement le rocher
pour l'assise du pilier. Dans cette optique, voici un autre exemple de pont plus petit, mais toujours
avec cette application à sceller la pile sur un rocher affleurant.
39
La Fontaulière, capable de monter à un débit "moderne" de 169 m³/s de moyenne sur une journée,
avec des crêtes à 250 m³/s (8 nov 1982) malgré ses aménagements hydrauliques… Une vitesse de
flux en ce cas supérieure à 5 m/s, et une force de plusieurs dizaines de tonnes sur des piliers…
Alors, imaginons de reprendre le raisonnement des ponts de bois, en plaçant les piles hors d'eau au
moins à la belle saison, et gardons leur l'emplacement au plus près des rives, dans le courant "plus
lent" que nous avions dévolu aux piliers de bois.
Mon nouveau cahier des charges devient le suivant… Des départs de piles reculés vers la rive pour
être en eaux "lentes" en cas de crue, une hauteur de l'arche à 4-5 m du niveau de la rivière en eaux
basses, soit la cote 305, ce pour limiter la longueur et le coût de l'ouvrage. Les pieds des piles devront
être à sec aux beaux jours pour permettre l'inspection et la maintenance de la maçonnerie.
Et surtout, l'ouverture de petites arches de chaque côté (appelées exutoires de crue), permet
l'évacuation du surplus d'eau en cas de forte hausse du niveau, comme cela existe aux ponts de "la
Brousse" et du "Réjus", et évite ainsi le phémomène de submersion du pont,
Ce pont respecte les standards romains et médiévaux. Je pense qu'il peut tenir les cinq siècles
demandés… Jusqu'à
ces crues phénomé-
nales au 17 et 18e
siècle, dont nous lais-
sent trace les écrits
modernes.
40
Je n'ai placé les déflec-
teurs de courant que
d'un côté, me fiant éga-
lement à la configuration
visible au Réjus, où ces
déflecteurs sont d'ail-
leurs "bâtis contre" et
non intégrés à la pile. Je
présume que c'était pour
les rénover, voire les re-
faire à l'occasion, sans
toucher à l'âme de la
construction.
Et le poste de péage?...
41
De la genèse de Ventadour…
Dans mon étude sur "les postes avancés de Ventadour", j'ébauche l'hypothèse suivante: ces tours
avérées ou putatives que je décris sont au départ le maillage d'un réseau de surveillance destiné à
protéger le bourg de Meyras, ou la route Viviers –Le Puy. Je n'hésite pas à donner comme élément le
plus ancien du château le "donjon carré", qui selon moi fut réhaussé par la suite. Dans ma vision
historique du bâti, il est resté longtemps comme une simple tour de surveillance, isolé, tout comme
la tour de Chirols ou de Nieigles.
Au 11e siècle, le fief de Meyras appartient aux Solignac. Il passera aux Montlaur par mariage en 1195.
Entre deux auront été créés les mandements. En moins de cent ans (11 au 12e siècle), le site va
devoir évoluer pour effectivement passer de la "surveillance préventive" au "contrôle des voies de
communication". Il peut être
envisagé pour refuge de la
population comme dans l'imagerie
populaire car, Nieigles ne semble
pas fortifiée, Meyras non plus
d'après mes sources, et Pont de
Labeaume n'existe pas. Les basse-
cours Nord et Sud sont suffi-
samment vastes.
Il n'est pas ici le moment de développer cette théorie du bâti. Je dirai simplement que dans une
autre étude à paraître, je donne mon interprétation de la face Nord (côté Pourtalou), qui correspond
parfaitement à un usage péager.
… au château péager
42
Par contre, on voit très bien l'importance de la "route de
la rive gauche de la Fontaulière", celle du Pal, et la faible
ampleur de celle descendant de Nieigles. Au 11-12e siè-
cle, les deux existent. Elles se rejoignent à à peine 100
mètres à vol d'oiseau du pont…
En compulsant mes documentations, j'ai retrouvé et relu avec attention un article d'AVJ Martin dans
"Mémoire d'Ardèche et temps présent" n°6, de 1985.
De cette excellente étude, il ressort que jusqu'au moins 1740, le pont de Veyrières (Chirols) ne sera
qu'une passerelle de bois. Il apparaît aussi que le grand chemin d'Auvergne (route du Puy par
Montpezat et le col du Pal) passe par… Meyras! Oui! Car le petit tronçon de route (actuelle D536)
reliant le pont de Veyrières à Armanier ne date que d'environ 1740, justement après la construction
d'un pont de pierre en lieu et place du pont de bois…
Ces éléments m'ont amené à repenser l'esprit dans lequel ont été décidés les tracés de ces routes…
43
Récapitulons nos chemins d'Aubenas à Montpezat, sur cette carte où j'ai effacé les routes actuelles,
D536 et N102.
Quand on observe le trajet en jaune, on se rend compte que Ventadour est sur le chemin le plus
court pour rejoindre Meyras et la route de Montpezat (donc du Puy), que ce soit par l'Est (Le Pradel),
ou le Sud et l'Ouest (Le Meynades) quand on vient d'Aubenas par la rive gauche de l'Ardèche..
Le trajet par la rive droite et Le Coulet impose un détour, passer à 500 m d'altitude et franchir deux
ponts. Ce chemin doit, à mon sens, être à cette époque plutôt privilégié pour aller à Jaujac, ou bien
encore pour rejoindre Thueyts et le col de la Chavade, mais trop compliqué pour Meyras…
Le trajet par le pont de Veyrières ne peut être avantageux que si l'on descend des collines Est et
Nord. Or, on ne retrouve dans les écrits anciens que "le Fez" sur la rive gauche de la Fontaulière, et
Chirols ne sera fondée qu'en 1854, la bourgade initiale dépendait de Meyras. Pourquoi conserver
cette route? Peut-être parce que historiquement c'est la plus ancienne. Pourquoi n'avoir pas relié
dès la haute antiquité le confluent (Pourtalou) à Meyras en passant par le Rolandy? Peut-être parce
que la topographie de la route, en vallée, est moins accidentée. Et peut-être parce que la Fontaulière
ne fait que 17 m de large pour la traverser à Veyrières, au lieu de 28 m au Pourtalou, et qu'avant
même ce pont de Veyrières, on traversait à gué, au lieu-dit le Gua…
Il faut toujours considérer le rapport entre le temps de route, le coût, et la difficulté du voyage! De
tout temps, Moyen-âge ou époque actuelle!
Alors, au vu des pages qui précèdent, et que j'espère convaincantes, je conclurai ces lignes
en affirmant tout simplement :
44
Que la forteresse de Ventadour a été créée pour la surveillance, et la sécurité des population, puis
s'est developpée pour percevoir des taxes de mandement en son enceinte.
Que les "grands" chemins Nord et Sud vers Meyras partant du château sont créés en même temps
que s'organise la forteresse pour ce nouveau rôle, soit à la mi-12e siècle avec les Solignac, soit à la
fin 12e siècle avec les Montlaur. Cette évolution est accompagnée par la construction du pont du
Pourtalou et de "son" ou de "ses" chemins, expressément pour devenir un passage obligé de Viviers
et d'Aubenas vers le Puy par le col du Pal.
Ce chemin par le Pourtalou est plus court pour le voyageur, et en permettant la perception pour les
seigneurs du lieu, était essentiel pour la prospérité de Meyras.
Pour moi, c'est certain, la tradition locale, les écrits et la logique se recoupent : le pont du Pourtalou
a existé dès le Moyen-âge, le pont du Pourtalou était bien un pont à péage, et le(s) chemin(s) du
Pourtalou, menant du pont au château, a (ont) existé.
S'il en fallait encore des indices, la grande diversité de provenances des monnaies de fouilles indique
un brassage de populations hétéroclites. La découverte lors des dégagements de poids destinés au
change monétaire prouve qu'il y avait des transactions financières fréquentes. L'étalement dans la
durée, sur plusieurs siècles, des pièces disparates découvertes montrent que ce rôle péager a duré
fort longtemps, jusque sous Louis XIII, puisque des écrits en parlent encore en 1626 (Serge Dahoui).
Ne reste plus qu'à retrouver, sous la végétation du rocher Rolandy, le tracé exact de "ce" ou "ces"
chemins du Pourtalou…
Reste de soutènements,
face Nord du château
"Voulez vous
venir chercher
avec moi?"
Jean-Luc Bourbon,
Septembre 2016
Revu 2021
45
46
Les postes avancés de Ventadour
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Tout a commencé pour moi quand l'église de Niègles était dans un semi abandon, au début
des années 70. C'était une balade du week-end pour les "Ventadouriens". On montait au
clocher ouvert à tous vents pour la vue splendide, sur Ventadour à l'ouest, et la vallée
ardéchoise au sud. On pouvait voir dans ce clocher un élément incongru : une cheminée…
Tour rehaussée et modifiée ensuite pour l'église, retravaillée avec ses baies à ébrasures… Et avec
une cheminée, sans doute tardive, comme dans le "vieux donjon carré" de Ventadour.
49
D'autres voient dans cette tour le logement du prieur. Pourquoi pas… Mais alors plus tard, au 16-17e
siècle, lors de l'évolution finale de l'église et de son clocher, en profitant des aménagements
existants depuis l'origine…
Plusieurs observations me font discuter ces interprétations, et donc je vais vous dire pourquoi je
crois à une tour de guet, à un poste avancé..
J'enfoncerai le clou en livrant ce plan de Notre-Dame de Nieigles. Constatez l'adjonction d'un escalier
extérieur pour l'accès aux pièces en hauteur… Pourquoi? Parce qu'à l'origine, cette tour était
"creuse" et avait des planchers de bois, on y montait les étages par une échelle, comme toute (ou
presque) tour du 10-11e siècle. Les photos des escaliers qui suivront montrent bien qu'il s'agit d'un
élément postérieur. L'ajout architectural est visible sur la face sud.
Heureusement les choses semblent avoir changé, les mentalités ont évolué.
50
Il a été dit, dans la sottise ambiante de ces années de déni, dans une "visite-conférence" de 1983, qui
était toujours visible sur internet en 2015, que (sic): "le clocher date du 17e, que jamais le prieur
n'aurait pu bâtir un clocher avant, parce que le
seigneur de Ventadour n'aurait toléré une telle
construction en face de sa demeure". Je me
demande d'où l'auteur tire cet avis sur les
humeurs des seigneurs de Meyras?
Reprenons mon hypothèse et mon déroulé… Les bases d'une tour sont jetées dès les 10-11e siècles.
Sa hauteur doit être sensiblement jusqu'au second petit rebord de pierres saillantes. C'est un tuyau
vaguement carré, peut être voûté au premier niveau dès la construction (devenu la tribune) dans
lequel on pénètre par une porte en hauteur. Les
fenêtres latérales nord et sud, dont la forme et
les pierres de contour sont bien intégrées à
l'appareil, m'apparaissent comme étant origi-
nelles. Ces fenêtres nous renseignent la hauteur
initiale de la pièce haute du bâtiment. La voûte
de cette pièce est-elle d'origine ou avait-on un
plancher de bois? Il faudrait analyser cette
voûte, mais la restauration récente, avec son
enduit épais (photo page suivante) rend l'étude
difficile.
51
Cela très sûrement lors d'un aménagement, à l'époque où seront ouvertes les 3 fenêtres visibles sur
les photos, destinées à éclairer la nef par l'ouest. Ces 3 ouvertures ne s'accordent pas avec les rangs
de maçonnerie, elles sont tardives.
52
cette tour de guet se limite aux deux seules fenêtres Nord et Sud, à la visibilité limitée il faut un
"chemin de ronde". Mais on a du mal à imaginer le dernier étage en planches, même avec un toit
par-dessus, à cause de l'étanchéité.
Je voulais seulement vous persuader que cette tour, que je m'efforce de vous présenter, a existé, et
fait partie d'un système que je vais développer.
Vue de Niègles
vers Aubenas
Toutefois j'ai déniché une photo prise de Niègles vers l'aval de la vallée de l'Ardèche, vers Aubenas :
la vue porte à plusieurs kilomètres…
Je m'étais bien dit à l'époque que "si poste de surveillance il y a à Nieigles, ce n'est peut-être pas le
seul", et puis, j'ai… oublié.
J'ai, comme beaucoup d'anciens de Ventadour, délaissé Nièigles, les postes de guet, en suivant
l'avancement du chantier de Ventadour de loin en loin.
53
Hautségur
Une autre promenade des "Ventadouriens" de l'époque était le château de Hautségur. Ce château a
une histoire liée avec Ventadour, et parfois ils
ont été confondus dans des ouvrages d'his-
toriens de pacotille.
Déjà à l'époque, je pressentais que Hautségur avait une histoire commune avec Ventadour. Sa pré-
sence initiale semble dater du 12e siècle, il est situé à 430m d'altitude, au dessus de l'Ardèche, il
domine le pont du Barutel. Or pendant longtemps, ce pont fut essentiel (avec celui du Rejus) pour
passer d'une rive à l'autre de l'Ardèche, aller d'Aubenas au Puy en contournant la montagne par le
Sud-Ouest, ou aller tout simplement à… Meyras pour rejoindre la route du Pal!
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En effet, le Pont de La Baume ne sera
Le pont du Barutel, avec construit que sous Louis XV (1727-1737). Le
en arrière plan le pont Rolandy également (1760-1762), et la
château de Hautségur. route ainsi crée par ce dernier (l'actuelle
N102) passera "sous" Ventadour. Elle de-
viendra "route royale de la poste" et appa-
raitra sur la carte de Cassini.
Quoiqu'il en soit, il me paraît hautement improbable qu'une telle position stratégique au dessus du
Barutel n'ait pas été exploitée dès le haut Moyen-âge. Il ne faut aussi pas perdre de vue que le pont
de la "Taillade" (ancien nom du pont du Réjus sur le Lignon) étant une limite du mandement de
Jaujac avec un péage (Thèse de Franck Bréchon), le pont du Barutel pouvait être, lui, limite du
mandement de Meyras et donc très important soit pour la taxation, soit pour une protection
militaire… Mais les années passant, comme pour Niègles, je n'y ai plus prêté grande attention.
La tour de Chirols
Tout a rebondi en 2008 alors que, 30 ans plus tard, je confectionnais un plan-relief du site (exposé
au château), et que je "fouillais" sur internet,
en quête d'indices afin de retrouver les
chemins d'accès au château.
Regardez bien cette photo, car elle est prise au niveau du sol, et elle serait encore meilleure prise du
haut de ladite tour, et… sans la végétation envahissante! Au passage, la tour est en ruines et mérite-
55
rait une intervention rapide pour arrêter sa dégra-
La grande fenêtre face à dation. La végétation est sans pitié, et la vitesse de
Ventadour, avec ses coussièges destruction est exponentielle!
56
J'ai recommencé à étudier par l'intermédiaire de
Les restes de la construction, "Géoportail" les courbes de niveau (travail qui fût
vus du château… fait dans les années 70 par Raphael Boutry pour le
clocher de Nieigles, voir le livre de Georges
Grégoire). Entre cette tour, Hautségur et le clocher
de Niègles, j'ai pris alors conscience de l'existence
et de l'étendue d'un réseau complexe de sur-
veillance des "trois vallées", Ardèche, Fontaulière et
Lignon. J'ai sorti papier et crayons, dépoussiéré mes
cartes, et tiré des conclusions. Elles n'engagent que
moi, et peuvent être contestées ou remaniées, car
rien ne doit rester figé.
57
Carte n°1, données générales
J'ai effectué cette carte préparatoire en 2017, sur photocopies de cartes IGN, et au "stabilo". En
orange en haut, la surveillance de la tour de Chirols sur l'amont de la Fontaulière, en jaune l'axe de
liaison visuel de Chirols vers Ventadour, en vert l'étendue de vision du Château, en orange en bas, le
champ de vision depuis le clocher de Niègles…
Le réseau est déjà énorme. Mais regardez bien : il manque au Nord, le fond de la vallée de la
Fontaulière, au Sud la surveillance de l'amont de l'Ardèche et de la vallée du Lignon, le pont du Réjus
et celui du Barutel…
58
Si vous avez suivi mon raisonnement sur la surveillance des routes, vous vous rendrez compte de
l'importance de ces 2 ponts. Aussi, si j'étais Seigneur de Meyras au Moyen âge, hors de question de
laisser cette passe sans "avoir un œil dessus"!
59
On constate aussi un manque de visibilité sur les rives de la Fontaulière, entre la tour de Chirols et le
château. La vue de Ventadour est coupée rive droite d'abord par la colline du Pradel, puis celle de
Chante-merle… Rive gauche, la colline du Mas de Robert bloque les regards.
60
Carte n°2, données juin 2021, en guise de conclusion provisoire.
Les postes sont représentés par des pavés. Les existants (Ventadour, tour de Chirols, clocher de
Nieigles et Hautségur) sont en jaune, les deux supposés en rouge.
Rouge, tour de Chirols et son champ de vision; jaune, point relais (supposé par l'auteur) et champ de
vison; vert, Ventadour et sa zone de surveillance; bleu, clocher de Niègles et champ de vision; orange,
Hautségur et sa zone de surveillance; gris, à la liaison visuelle de Ventadour et Hautségur, point relais
(supposé par l'auteur) et son complément de surveillance sur le confluent Ardèche-Lignon. En pointillé
rouge, les liaisons visuelles.
Il est évident que si un tel réseau, comme je le crois, existe au Sud de Meyras, on doit trouver son
pendant au Nord.
61
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Analyse et interprétation autour d'un tableau
Essai d'étude et de compréhension des ruines du château de Ventadour à l'aide de tableaux et lithographies.
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Plusieurs artistes ont représenté le château de Ventadour sur leur toile, leur gravure, ou
leur carnet. Les représentations réalisées peuvent-elle nous renseigner sur l'histoire
récente du château?... Nous allons donc chercher, avec l'aide de documents de plus d'un
siècle, et essayer de démêler le vrai de la fantaisie.
Sabine Baring-Gould
Hormis les cartes postales, la peinture centenaire la plus proche de nous que j'aie trouvée, par ha-
sard sur EBay, est peu connue… Réalisée par Sabine Baring-Gould, la reproduction est de petit format
car elle illustre son livre "A book of the Cevennes" édité en 1907 à Londres.
Peu à dire que nous ne sachions déjà… L'ombre portée sur le mur des "parties XVIe" nous montre
l'arche restante du mur de la grande salle donnant sur la cour de la citerne, les murs sont écrénelés
et la courtine Ouest éventrée.
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Car cette peinture n'a pas été
réalisée sur place! Voyez : Ce
n'est une "vulgaire copie" de
la carte postale de fin 19e
siècle/début 20e ci-contre…
Sabine Baring-Gould n'a peut-
être jamais mis les pieds en
Ardèche (ou du moins pas au
château…)! Un peu décevant,
n'est-ce pas?
Jules Thibon
Plus avant, le tableau du peintre Ardéchois Jules Thibon (1824-1881) est bien connu désormais de
tous les "Ventadouriens", depuis qu'il a été publié sur la page internet "wikipédia" du château…
Jules Thibon est un peintre local, oscillant entre l'École de Barbizon et les impressionnistes, né à Au-
benas. Le musée Calvet d'Avignon expose deux de ses toiles les plus représentatives de son Ardèche
natale, "Le château de Ventadour" et "Muletiers du Vivarais". Il peint Ventadour presque 50 ans plus
tôt que Baring-Gould, vers 1860.
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Rien de bien nouveau à extraire : la vue, romantique, sous cet angle est courante dans les photos fin
19e-début 20e siècle et notre château a l'aspect dans lequel nous l'avons trouvé en 1969 (excepté les
moutons et les bergers, les premiers sans doute mangés par les derniers!).
Ce peut être le cas pour cette peinture, puisque dès 1839, le cadastre
Napoléonien fait mention d'une sente contournant l'éperon rocheux
depuis le pont Rolandy, et bientôt s'ouvrira une vraie route, devenant
la D536. Mais sur ce même cadastre, le chemin peint ici ne figure pas.
Enfin, nous avons remonté le temps jusqu'en 1818, où Adrien Joly de La Vaubignon réalise sur com-
mande pour Louis XVIII cette toile: "Vue du château de Ventadour et du Pont de Labeaume".
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Il est très difficile de trouver les renseignements fiables sur Adrien Joly… Tous semblent d'accord
pour le faire naître à Paris en 1788. Mais certains déclarent son décès en 1839, alors que dans des ca-
talogues de vente d'art, on le dit exposant au salon de Paris de 1822 à 1846 ses dessins et lithogra-
phies, car il réalisait aussi des gravures très prisées… Sa toile est exposée au musée de Guéret.
C'est un tableau aux mesures imposantes (162x113 cm) dans le style néo-classique, qui "n'hésite pas
à modifier la nature pour la rendre plus parfaite". Mais au-delà de ces excès, les bâtiments semblent
respectés. Et au vu de la très grande échelle de la représentation, j'aimerais parier sur une fidélité de
la restitution de Ventadour par l'auteur…
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Passons maintenant au bâtiment, au château en lui-même…
Sur la toile d'Adrien Joly, si vaste, cette représentation de Ventadour fait près de 40 cm de large, c'est
énorme. Que de détails un peintre peut-il y loger! Voyons ce que nous pouvons en tirer…
On peut reconnaître la
porte Sud, à gauche, à
moins que ce ne soit
le passage voûté de la
grange. On voit au mi-
lieu, sur le rempart in-
férieur, la "brisure" de
l'angle de l'emplace-
ment dit des écuries.
Au-dessus, on devine
la silhouette de la
porte à assommoir.
Attention, la peinture
est en léger plongé, et
la carte postale en lé-
ger contre plongée, la
vision est un peu faus-
sée.
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Un peu plus difficile ci-contre…
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Si on parlait de lumière?
La lumière peut aider parfois à y voir clair!… Attention: les ouvertures des fenêtres, rendues lumi-
neuses par Adrien Joly, sont ici toutes devenues "rectangulaires" par la pixellisation due à l'agrandis-
sement. Ces ouvertures visibles peuvent aider à décrypter les ruines… Regardez à gauche…
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Nous allons entrer pour le détail suivant dans une hypothèse un peu plus "tirée par les cheveux",
mais je veux y croire. Pour comprendre il faut admettre peut être un peu d'interprétation de la part
d'Adrien Joly, ou peut-être, d'où il peignait, a-t-il fait une erreur de perspective? Ou bien encore il n'a
sans doute pas de jumelles de vue et voit difficilement…
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Une excroissance verticale, un détail troublant…
Ci-contre,
agrandissement du détail
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Puis sur cet autre… Et encore le sui-
vant!!! Tout le 19e siècle, chez les
peintres et lithographes, semblait
s'être passé le mot. Cette "pointe" de
construction, que cela pouvait-il
être?
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Il manque sur la photo aérienne ce mur ci:
Il est à ajouter que les toitures ont été refaites de façon encastrées (à la demande des M.H à
l'époque) alors que l'état des ruines au 19e reflète les modifications de couverture 16e/17e, qui
avaient fait combler les créneaux, et relever la toiture de plus d'un mètre encore.
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La souche visiblement sous-dimensionnée
par rapport à l'ensemble des bâtiments.
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Et le point d'interrogation final…
J'ai développé toute ma démarche autour de cette toile en expliquant qu'Adrien Joly de La Vaubi-
gnon était resté très fidèle dans les reproductions d'architecture.
Son souci du détail, visible dans la représentation des maisons et du pont, la présence de person-
nages confine au miniaturisme des enluminures médiévales… Alors, faisons-lui confiance pour le châ-
teau, même s'il "dérape franchement" sur la forme du donjon.
Seconde hypothèse, Adrien Joly de La Vaubignon a bien respecté l'état du château, les deux échau-
guettes étaient encore là en 1818…
Le mur de courtine Ouest, lui, à cette date est tombé, je l'ai déduit des observations plus avant.
L'abattage de ce mur aurait en-
traîné un déséquilibre des
charges sur le bâtiment porteur,
et à la longue, le poids de
l'échauguette l'aurait fait bascu-
ler vers l'avant, l'ouest?
En jaune, l'emplacement du
conduit de cheminée.
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Ouest est modifié, creusé sur une largeur d'environ 2 mètres, et en profondeur jusqu'au parement
extérieur. Ce mur en est alors affaibli, et on peut supposer que sans le soutien de la courtine, l'angle
nord-ouest de la bâtisse se soit affaissé sous le poids de la tournelle.
Mais, si on considère que la toile de Joly est bien conforme à la réalité, cette chute de l'échauguette
sera provoquée par le minage du temps, elle ne sera pas immédiate après l'abattage du mur Ouest.
Après mûre réflexion, on peut dire que l'échauguette est tombée entre 1818 et 1834 (Litho datée
avec certitude des archives départementales de l'Ardèche). Peut-être plus tôt que 1834, mais nous
ne pourrons le savoir qu'en datant plus précisément les lithographies, en les analysant plus finement,
et pourquoi pas en en trouvant d'autres encore plus parlantes…
Quelques remarques…
Il y a encore vingt ans, il était impensable de lancer cette recherche en n'ayant jamais mis les pieds
au musée de Guéret. Et que dire si en plus, le chercheur ne courait pas les bibliothèques, les anti-
quaires et les ouvrages, en quêtes d'eaux fortes et autres gravures…
L'outil internet n'a pas fini de nous étonner. Dans les prochaines années, la masse de documentation
sur la toile qui augmente exponentiellement et, en parallèle, la puissance sans cesse accrue des mo-
teurs de recherche me font espérer des travaux historiques de plus en plus poussés sans quitter son
bureau. Bonne méthode ou pas, il ne m'appartient pas de juger, mais j'en suis personnellement par-
tisan! J'ai réalisé ces pages à huit cent kilomètres du monument…
J'espère que ces quelques lignes seront utiles à tous ceux qui s'intéressent au château.
Comme j'aime à le dire, rien n'est encore totalement acquis dans l'histoire de Ventadour, et chacun,
par sa persévérance, apportera sa pierre à la connaissance.
Jean-Luc Bourbon
Août 2017
Revu2021
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Le souterrain de Ventadour
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Depuis les premiers dégagements du château en 1969, la rumeur locale nous fait état d'un
souterrain à Ventadour. Ce souterrain aurait relié le château à Niègles,
en passant sous la Fontaulière… Faut-il y croire?
Belle performance : descendre dans le granit depuis la cote 373 -altitude du château- jusque sous la
cote 300 -altitude de la rivière- passer sous le cours d'eau, et regrimper à l'altitude 400, en parcou-
rant 670 mètres à vol d'oiseau!…
Alors là, malgré cette fantaisie évidente, deux remarques très importantes… La première est l'impli-
cation directe de Niègles dans l'historique du château. En effet, si vous vous êtes intéressés à l'article
sur les relais de surveil-
lance, on remarque la
grande présence de ce
village, prospère et puis-
sant, qui engendrera Pt
de Labeaume au 19e siè-
cle (mieux placé…) et ne
lui cédera sa prime place
que au tout début 20e
(1903). Chemins anciens,
maisons du 12-14-16e,
Ventadour-Niègles… Une distance et
oui, Niègles a son mot à
un dénivelé bien peu probables!...
dire dans l'histoire de la
vallée. Ensuite, n'oubliez
pas cette donnée, avérée
désormais, que le clocher
de l'église fut d'abord
une tour, comme celle de
Chirols, de guet de Ven-
tadour ou bien du village
de Meyras, pour la sur-
veillance de l'aval de l'Ar-
dèche.
Seconde remarque : aux 12-13 e siècles, on avait de la main d'œuvre peut être pas à foison, mais en
grand nombre, et en particulier dans les métiers de la construction. Le moindre paysan était aussi
carrier, tailleur de pierre, maçon… Les études diverses le confirment, quelque soient les régions. Et
les exploits architecturaux, tant en dimensions comme en délais étaient pharamineux de par la quan-
tité de main-d'œuvre et la quantité hebdomadaire des heures de travail!
Imaginez, au Moyen-Âge et avant, l'arasement du Rocher Rolandy, l'extraction et la taille des pierres,
la beauté de leur façon, pour bâtir les bases archéologiques de Ventadour? Il faut d'ailleurs ne pas
perdre non plus de vue la probable occupation Romaine pour l'édification de ces bases, car nous
sommes sur la route de Alba vers l'Auvergne par le Pal. Il est peu probable que les romains aient né-
gligé un tel site…
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Oui, les anciens furent capables de prodiges. Alors, un souterrain pour s'échapper en cas de siège, ou
se réfugier, pourquoi pas?...
Je me livre à une parenthèse qui me touche de près : en 1974, je faisais un stage de l'association
Rempart à Oingt en Beaujolais, sous la direction de M. Jean-Gabriel Mortamet, architecte M.H du
secteur. Durant le stage, nous avons appris par la presse qu'un agriculteur de la région, en travaillant
son champ, avait accroché le sommet d'une… voûte! Et était tombé dans un trou avec le tracteur!...
Le trou, c'était les vestiges d'un "tunnel souterrain voûté ayant pu relier 2 châteaux distants de plu-
sieurs kilomètres, assez haut pour qu'un homme puisse y circuler à cheval"…
Cela laisse rêveur, non? Bon, d'accord, nous étions au "Pays des pierres dorées", un calcaire aisé à
tailler, et avec des sols meubles… Le tunnel avait pu ou dû être creusé et bâti à ciel ouvert…
Alors bien sûr, par pitié, oublions le passage sous la Fontaulière… Peu crédible pour les raisons expo-
sées plus haut. Mais gardons la direction de Niègles… Et ne négligeons aucunement la fantastique
capacité de travail de nos ancêtres…
Tous les anciens bénévoles de Ventadour, ceux qui ont connu les débuts du chantier et qui y croient
en sont persuadés : s'il y a un souterrain, c'est dans un point bas du château qu'il faut chercher une
éventuelle entrée. Premièrement, il y a moins à creuser pour s'enfoncer sous les niveaux de circula-
tion! De plus, toute bâtisse se commençant du bas vers le haut, les points bas de construction sont
les plus anciens. Et pourquoi chercher dans le plus ancien? Parce que selon moi, si souterrain il y a, il
a dû être construit aux débuts du site, quand le château n'avait pas encore acquis toutes ses
énormes défenses passives des XIV-XVe siècle, surélévation des murs, tour à échauguettes, toutes
décourageantes pour l'éventuel agresseur. On ne quitte le château que lorsqu'il est totalement in-
vesti, donc un souterrain a son utilité quand le bâtiment, le site, est faible, prenable.
À sa décharge, reconnaissons-le, dans les années 70 le périmètre du château n'étant pas sécurisé, on
pénétrait aisément sur le site. Donner crédit à cette thèse aurait pu inciter des chercheurs "sau-
vages" à venir détériorer l'endroit, voire pis, à s'exposer à des accidents.
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Mais n'aurait-il pas été plus lucide d'encadrer des re-
Comblée, bétonnée, dallée… La faille cherches pour clore définitivement l'affaire?...
est condamnée… pour l'instant?
Georges Grégoire (auteur du livre "le château de Mey-
ras dit de Ventadour", 1976, éditions Humbert et fils)
écrit page 24, à propos de la recherche d'un souter-
rain : "Certains ont cherché, guidés par leur logique et
leur expérience de fouilleurs, et dans l'unique but
d'apporter, si possible, une vérité supplémentaire à la
compréhension du château. Les difficultés qu'ils ont
rencontrées ont été considérables et nous les tairons.
Ils ont dû renoncer, sans espoir de pouvoir reprendre
leurs recherches."
On peut imaginer que si, à l'époque, on avait poussé les investigations jusqu'au bout, on aurait pu sa-
voir si un souterrain part vraiment de cet endroit, ou si c'est une fable, une belle légende…
L'idée de départ est que le souterrain suivrait -ou s'aiderait de- la faille et partirait Sud-est, la direc-
tion de … Niègles! Et nous voici encore revenus aux sources des on-dit locaux…
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Fort de ces approches, et partant de
Zone de sortie raisonnable des lignes de défense, cette hypothèse d'un départ de la cour
selon la direction initiale de faille, en moins de 40 m. de la citerne, sans présumer de l'ar-
deur des carriers médiévaux, et sans
non plus les prendre pour des sur-
hommes, permettez-moi de continuer
à vous soumettre mon idée.
Il utiliserait alors comme entrée la faille, qui fut peut-être fermée par une grille ou une porte, ou
mieux encore par un petit appentis de bois. Il aurait pu être emprunté en temps "normal" comme
raccourci pour rejoindre le pont du Pourtalou? Par des responsables du château qui se sont permis
d'y perdre les monnaies retrouvées? (dont "la plus belle", m'a dit Georges Grégoire). Il bifurque peut-
être un peu, les carriers sont âpres au travail, mais il ne faut pas trop en demander non plus…
Militairement, il ne peut pas aller vers le Nord-ouest, car le chemin (d'accès Nord par Le Pradel) est
coincé entre montagne et abrupt, qui plus est doit être déjà occupé par l'assaillant. Car ce côté Nord-
ouest est le plus vulnérable par sa topographie, dominé par la colline. De plus, il ne peut plus s'aider
de la faille. Nous n'allons pas parier non plus sur un virage plein sud pour ressortir côté chapelle: déjà
la distance commence à être considérable, et en plus, à cet endroit (Sud), les défenses du château
descendent très bas (la source, qui doit impérativement être protégée pour la survie, est environ à la
cote 350). Si on est menacé au point d'évacuer le site, c'est que ces lignes sont déjà envahies.
L'Est et le chemin du Pourtalou! Face à Niègles… Encore une fois la base de la tradition locale!
Le souterrain déboucherait alors près de ce putatif petit chemin piétonnier ou muletier du Pourtalou,
(toujours selon mes hypothèses), à cause de la dénivellation trop importante pour des charrettes, et
des hommes en armes équipés pour un assaut. Tout est réuni pour une échappatoire, ou entre-
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prendre une contre-attaque par derrière à l'ennemi… Il faut moins de 40 m pour bien sortir du péri-
mètre des remparts à cet endroit (Est), moins de 100 pour arriver à la Fontaulière.
Un boyau pour laisser passer un seul homme de front pourrait suffire. La taille de l'époque étant au-
tour de 1,60m, (voir l'escalier du donjon!…) des dimensions frontales de 0,80m (une porte actuelle)
par 1,70m de hauteur feraient très lar-
Plan du souterrain-refuge de gement l'affaire, soit moins de 1,4 m² de
Bazert, sur la commune de section. Je vous invite à calculer que sur
Muret (Haute-Garonne), 40m de long, ça ne fait que 55 mètres
avec la section des galeries. cubes! Si on rapporte ce volume aux ma-
Il est taillé dans du grès. çonneries de Ventadour (0,80m d'épais en
moyenne) ça ne représente en murs
même pas 15m de long sur 4,50m de
haut. Même pas le volume du seul donjon
initial! Entre un demi-mètre cube et deux
tiers de mètre cube de dégagement par
jour, production d'un seul carrier en
pierre à bâtir ou d'un mineur (*) , seule-
ment 110 journées de travail… Une pec-
cadille à l'échelle historique du château.
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Comment expliquer qu'avant le bétonnage de la faille, les chercheurs n'aient rien trouvé?
Marches, pente, rien de cela n'a été mis à jour. Mon ami Georges Grégoire m'avait dit : "on n'a pas
eu le temps de creuser bien profond"… Soit.
Mais des marches, ou ce qu'il en resterait, auraient tout de suite été repérées par les chercheurs
menés par Georges Grégoire, même à faible profondeur…
Ceux qui sont concernés par une évacuation ont accès à l'intérieur des lieux (gérants et soldatesque),
pour les autres, ce sera "vae victis". Il ne faut pas oublier la ségrégation, même en cas d'attaque: le
petit peuple dans les basses cours, les dirigeants au-dessus.
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Où sont les soldats et les responsables du site?
Dans le langage du 12-13e siècle, c'est un ensemble de fortifications seigneuriales (primaires ou plus
élaborées), comportant un habitat, dit "castral" adjoint aux édifices. Au vu de la disposition et du re-
lief du site, cet habitat pourrait être situé sur la face sud, où se trouvent traces de nombreuses bâ-
tisses, pas forcément toutes militaires, avec accès à la source et à la chapelle.
La question est donc : qui a accès à cette cour interne, l'actuelle cour de la citerne…? Tout un chacun,
ou bien seulement les "dirigeants"? Et est-elle bien protégée?
Dans mon analyse "personnelle" du bâti, il y au 12e, époque supposée par moi du souterrain, les bâ-
timents Est en surplomb de la citerne. Il y a peut-être les deux bâtiments où sont les caves voûtées,
(présence d'une porte murée), le passage voûté n'existe pas encore. Le donjon carré est environ moi-
tié moins haut et n'est pas relié au gros bâtiment de gauche (Nord-ouest) en descendant, qui com-
porte moins de niveaux: pièce dite "du surpresseur", et au-dessus l'ancien musée.
Le mur nord (ce mur qui finit au four à pain) est à hauteur d'homme. C'est suffisant car l'à pic est im-
portant. Au-dessous du four, le rocher est accessible, certes difficilement, par escalade, mais en con-
trebas, on a un bâtiment assez fort pour protéger cette grimpette, et qui est d'après moi relié au-
dessous du "Courradou" par des passages en planches passant par le rocher "du four à pain".
Pour atteindre la cour de la "citerne" (citerne qui a mon avis est plus rudimentaire aux prémices du
site, car le remplissage vient des toitures de la salle) par le point haut du rocher Rolandy, il faut être
dans la "cour haute". Cette cour est fermée à l'Ouest par une forte dénivellation entre le donjon et
la tour à échauguettes (pas encore très haute et sans échauguettes). De la tour à échauguettes (pour
guetter au chaud) au bloc Est (dites "parties XVIe"), pas de mur mais encore une dénivellation. Peut-
être un mur juste avant – celui qui rejoint la porte à assommoir - peut fermer l'ensemble. (Toujours
d'après "mon analyse", mais je ne suis pas infaillible!). Enfin, le bloc Est finalise cette fermeture.
La cour haute étant sécurisée, la "cour de la citerne" est protégée par l'accès Sud.
Le rocher du Courradou, dans lequel est la faille, est donc dès les débuts du castrum enfermé au
"saint des saints" pour les occupants des
lieux. Mais comme il y a de la circulation
intra-muros, on ferme cette entrée par
une grille, une porte ou un appentis (cela
expliquerait la taille en retrait du rocher
surplombant) dont seuls les gérants de
Ventadour ont la clé pour l'utiliser en cas
de coup dur. Et si il y a un puits de des-
cente, il faut éviter les chutes, chutes
humaines ou d'animaux domestiques
(chiens, chèvres, porcs?)…
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En conclusion pour cette année 2017…
Pourquoi la tradition locale a-t-elle refait surface en 1969, lors de l'ouverture du chantier? L'état de
ruines et l'envahissement par la végétation ne favorisaient pas, dans les années précédentes, une re-
cherche sereine ou organisée. L'activité et le dégagement du château auront fait délier les langues.
Peut-on croire que les Ardéchois des villages voisins avaient tous lu l'ouvrage de Benoist D'Entrevaux
de 1914, celui qui parle d'un souterrain et des citernes avoisinantes? Non, bien sûr! Donc il y avait un
bouche à oreille local, ancestral peut-être, citant l'existence d'un souterrain. Je reste intimement
persuadé que cette tradition orale a pour origine une réalité.
Nous avons vu que l'existence d'un souterrain allant de Ventadour à Niègles est très peu probable.
Mais nous avons aussi remarqué que la direction cardinale possible d'un souterrain serait celle de
Niègles. Aussi, on peut parier sur l'embellissement du on-dit, une recherche du formidable, la nais-
sance d'une légende par l'exagération.
Maintenant, d'un point de vue médiéviste, pour avoir durant des mois, des années, lu des livres, visi-
té des sites, compulsé les immenses données internet, sur les ouvrages souterrains médiévaux, je
persiste à croire que la présence d'un souterrain à Ventadour est possible, voire probable. Souterrain
de sortie en cas d'assaut qui tourne mal? Ou bien souterrain refuge…? Tout est envisageable.
Et ce n'est, encore une fois, pas la dureté du granit qui va effrayer nos carriers du moyen-âge, quoi-
qu'en disent les détracteurs du souterrain. Ce n'est pas non plus l'ampleur d'une telle tâche qui va les
freiner, car en ce cas, jamais le castrum -puis le château- de Meyras n'aurait vu le jour. Cet ensemble
était constitué à son apogée de plusieurs milliers de mètres cubes de maçonnerie, près de 1500 rien
que pour la grande enceinte extérieure longue de 350 mètres!
Le choix de l'emplacement d'entrée (évoqué par Benoist d'Entrevaux) me paraît judicieux, du point
de vue de la logique (point bas) et pratique (utiliser une faille et l'élargir).
Les équipes du Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, réalisent des prouesses : ils sont spécia-
listes des recherches de cavités depuis la surface (voir l'excellent guide de leurs techniques consul-
table sur le net). Demander leur concours serait une solution rapide et fiable, pour un résultat clair et
net… Mais en avons-nous les moyens?
Rêvons…
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En conclusion… provisoire!
Les emplacements que je suppose pour les relais visuels doivent être passés au peigne fin, pour
confirmer, infirmer ou simplement faire évoluer l'hypothèse soutenue. Il est à prendre aussi en
compte qu'à cette époque, les relais peuvent avoir été bâtis en bois et avoir disparu… Mais je n'y
crois pas trop, la tour de Chirols et le clocher de Nieigles ne doivent pas être uniques en leur genre,
d'autant que la pétrification des constructions a débuté assez tôt en Ardèche, à cause de la rareté de
grands bois.
L'avantage des théories de surveillance exposées ici est que nous sommes totalement en accord avec
l'esprit médiéval de Ventadour : place forte dépendant de familles puissantes qui possèdent un fief
et entendent faire respecter leurs droits sur le passage dans les vallées. Il y a communication visuelle
et capacité d'intervention sur la zone d'influence des seigneurs de Meyras.
L'étude des tableaux et lithographies nous éclaire un peu plus sur certains éléments architecturaux,
et sur les dates de destruction. La recherche continue…
L'existence de souterrain est une vieille question des débuts de Ventadour, elle nous permet de
réfléchir sur ce que nous avons négligé aux débuts du chantier, notre archéologie (hélas) manquée.
Je le répète encore et encore, ces écrits sont surtout des pistes et des suggestions : ce qui m'apparaît
comme une évidence aujourd'hui peut dès demain être battu en brèche par un chercheur plus
pointu, plus astucieux, ou tout simplement plus érudit que moi, modeste amateur bénévole.
Nous n'en avons pas encore fini avec Ventadour, il reste tant à faire et à découvrir,
plus de 50 ans après l'ouverture du chantier!
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