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Haute Ecole Galilée

Institut des Hautes Etudes des Communications Sociales

Starmania, 20 ans après…

Analyse de l’opéra-rock de Michel BERGER et Luc PLAMONDON, son


évolution et les causes de son succès

Mémoire présenté pour l’obtention du titre de Licencié en Communication


appliquée, section Animation Socioculturelle et Education Permanente

par Ronald ALEXANDRE

Directeur : Michel ANSELME

Septembre 2000

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Starmania, version 1999/2000, avec, dans le sens horloger en partant du haut :
Zéro Janvier (Martin FONTAINE), Stella Spotlight (Patsy GALLANT), Ziggy (Andy COQ), Cristal (Edith
FORTIN), Johnny Rockfort (Frank SHERBOURNE), Sadia (Kwin) et Marie-Jeanne (Loulou HUGUES).
(LIBBERECHT & DE RIBAS, 2000, Galeries)

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Introduction

Starmania, c’est le premier opéra-rock de Michel BERGER et Luc PLAMONDON,


écrit entre 1975 et 1977, enregistré en studio en 1978 et créé sur scène à Paris en 1979.

Starmania, c’est un spectacle qui a connu cinq mises en scène "officielles" en


France et au Québec, une multitude d’autres montées par des troupes amateurs et
plusieurs versions traduites en anglais, allemand, espagnol, tchèque, hongrois…

Starmania, ce sont plusieurs millions de spectateurs, d’albums vendus, des


Victoires de la Musique en France, des Félix au Québec, ainsi que des centaines de
représentations de 1979 jusqu’à aujourd’hui.

Starmania, c’est la rampe de lancement de plusieurs interprètes français,


québécois et belges, comme Daniel BALAVOINE, Fabienne THIBAULT, Louise FORESTIER,
Renaud HANTSON, Maurane, Frank SHERBOURNE, Isabelle BOULAY…

Starmania, ce sont des histoires d’amour dans un monde plus que moderne
empreint de solitude, régi par la télévision et partagé entre le totalitarisme et le
terrorisme.

Starmania, c’est le sujet de ce mémoire.

Le succès que connaît cet opéra-rock depuis plus de vingt ans mérite que l’on
s’y attarde l’espace de quelques pages. L’association du compositeur français Michel
BERGER et de l’auteur québécois Luc PLAMONDON a donné naissance à ce qui est
aujourd’hui la référence dans le monde des spectacles musicaux francophones. Qui n’a
pas fredonné un jour Le Monde est stone, qui n’a pas entonné Le Blues du businessman
(« J’aurais voulu être un artiiiiiiiste »), qui n’a jamais entendu Les uns contre les
autres ? Toutes ces chansons, que l’on retrouve dans Starmania, sont devenues des
classiques depuis des années. Le spectacle lui-même a été joué partout à travers la
Francophonie et ailleurs dans le monde. La dernière mise en scène, qui remonte à 1993,
est toujours à l’affiche aujourd’hui, remplissant les plus grandes salles de spectacle de

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France, de Belgique, de Suisse et du Québec. Les sites internet qui sont consacrés à
l’opéra-rock se multiplient à la plus grande joie des fans.

A travers ce mémoire, nous allons tenter de dégager les raisons de ce succès et


voir comment ce spectacle a su s’adapter, se moderniser et être toujours au goût du jour.
Nous replacerons tout d’abord Starmania dans l’histoire des opérettes et des comédies
musicales en donnant un bref aperçu de cet univers qui, depuis Notre-Dame de Paris
(aussi du parolier Luc PLAMONDON, d’ailleurs), est en train de regagner ses titres de
noblesse.

Ensuite, après avoir donné un résumé de l’histoire, nous nous intéresserons aux
changements qu’a connus le spectacle entre les trois différentes versions qui ont été
créées à Paris, soit en 1979, 1988 et 1993. Cette évolution sera observée tant au niveau
des personnages que du texte et de la musique.

Dans le quatrième chapitre, nous nous attarderons un instant sur chacun des huit
personnages centraux. Nous dresserons un portrait psychologique de chacun d’entre eux
en nous appuyant sur le texte, ce qui nous permettra de dégager leurs traits principaux et
leurs caractéristiques. Pour donner suite à ce chapitre, nous décortiquerons les noms que
l’auteur a attribués à ces personnages, ainsi qu’aux différents lieux fréquentés. Nous
verrons dès lors que le choix n’était pas innocent.

Par après, nous nous consacrerons à une analyse plus poussée de la mise en
scène et principalement de celles de Michel BERGER et Luc PLAMONDON de 1988 et de
Lewis FUREY de 1993. Nous les comparerons et montrerons en quoi une mise en scène
peut servir à juste titre un texte et une musique tout en restant d’actualité.

Enfin, le dernier chapitre sera consacré à l’étude des différents thèmes abordés
dans cet opéra-rock, en nous concentrant spécialement sur la place de la télévision et
son rapport avec le pouvoir.

Le point d’appui des différentes analyses textuelles sera le dernier livret en date
d e Starmania, à savoir celui qui est utilisé depuis 1993. Pourquoi un tel choix ? Tout
d’abord parce que c’est la version qui a tourné le plus et qui est toujours à l’affiche

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aujourd’hui. Ensuite, comme nous désirons comprendre les raisons du succès de
Starmania, il est plus intéressant d’utiliser ce qui a été réalisé plus récemment et,
ensuite, de comparer avec les versions antérieures pour comprendre le pourquoi de tel
ou tel changement. Le livret complet de cette dernière version se trouve d’ailleurs en
annexe de ce mémoire.

Après plusieurs tentatives de contacts (téléphone, fax, lettres), qui se sont


avérées infructueuses, avec les producteurs du spectacle, COULLIER ORGANISATION, nous
avons décidé d’écarter de notre étude tout le pan marketing qui, sans les informations
que nous n’avons pas pu récolter, n’aurait pas été assez complète. Nous aurions ainsi pu
nous intéresser à la politique mise en place lors des représentations qui transforme le
hall d’entrée de la salle de spectacle en véritable boutique à souvenirs, avec les disques,
les vidéos, les t-shirts, les briquets, les stylos… à l’effigie des différents protagonistes.
Mais le manque de coopération de la part de la production ne nous a pas permis de
pousser la porte un peu plus.

Il nous a également été impossible d’entrer en contact avec le parolier, Luc


PLAMONDON, avec qui nous aurions voulu nous entretenir de son opéra-rock et éclaircir
quelques ombres qui planaient encore sur quelques parties du texte. Il aurait été aussi
éclairant de rencontrer Lewis FUREY, le metteur en scène de la dernière version, mais ici
aussi, la récolte n’a pas porté ses fruits.

En ce qui concerne les articles de journaux, bon nombre d’entre eux ont été
glanés sur l’internet et dans plusieurs cas, la signature du journaliste manquait. Mais
nous y avons tout de même attaché de l’importance et les avons donc gardés. Il en va de
même pour plusieurs webmasters qui ne déclinent pas leur identité sur leur site. Malgré
plusieurs demandes, ils nous sont à cette heure toujours inconnus.

Qu’à cela ne tienne, nous avons tout de même poussé la porte de l’univers
tourmenté de Starmania. Alors, accompagnés de Marie-Jeanne, Ziggy, Johnny Rockfort,
Cristal, Sadia, Zéro Janvier, Stella Spotlight et Roger-Roger, branchez-vous sur Télé
Capitale et suivez-les dans les souterrains de Monopolis.

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I. Opérettes, comédies musicales,
spectacles musicaux…

« Aux Etats-Unis, et même en Angleterre, elle fait partie intégrante du


patrimoine national. En France, en revanche, la comédie musicale a
longtemps été un mot qui resurgissait périodiquement. » (Sacem – Le
Kiosque, août 98)

Catégorisé opéra-rock par ses créateurs, Starmania est, d’une manière plus
générale, repris sous l’appellation de comédie musicale, même si elle s’en détache
largement. Mais avant toute chose, tentons de resituer Starmania dans l’évolution des
spectacles musicaux en distinguant tout d’abord les différents genres musicaux : opéra
sérieux, opéra bouffe, opéra-comique et opérette. Dans l’opéra sérieux et l’opéra bouffe,
toutes les scènes sont exclusivement chantées, en alternance avec des parties
orchestrales. L’action qui se déroule dans l’opéra sérieux est axée sur le tragique, tandis
que le thème de l’opéra bouffe est plus léger. (Le Petit Larousse Illustré, 1988, 683). Un
changement apparaît avec l’opéra-comique. Effectivement, dans ce nouveau genre
d’opéra interviennent des épisodes parlés. Et enfin, l’opérette est une « œuvre théâtrale
de caractère léger, où se mêlent des parties chantées et parlées » (Le Petit Larousse
Illustré, 1988, 683). Qualifier donc Starmania d’opéra-rock n’est pas innocent. En effet,
l’œuvre de BERGER et PLAMONDON est chantée du début à la fin 1. C’est donc bien un
opéra. Ensuite, il est rock car la partition musicale est avant tout moderne, avec des
tendances rock, pop et même rap, bien que certains airs se rapprochent de temps en
temps du lyrique. La violence des propos et le style langagier donnent également tout
son sens à l’adjectif rock. Mais revenons-en aux origines de l’opérette.

En 1847, Florimond RONGER, dit Hervé, écrit et compose ce qui serait


vraisemblablement la première opérette, à savoir Don Quichotte et Sancho Pança.
Malgré tout, la paternité de l’opérette est attribuée au compositeur Jacques OFFENBACH,
créateur d’Orphée aux enfers, La Belle Hélène ou encore La Vie parisienne. Ce genre

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Il y a bien sûr une petite exception pour le rôle de Roger-Roger, le présentateur de Télé-Capitale, dans la
dernière version du spectacle. Voir plus loin pour de plus amples explications.

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musical, né il y a donc plus ou moins cent cinquante ans, avait pour but premier de
divertir, son ambition étant de donner du bonheur. Sa naissance a été favorisée par deux
facteurs principaux : tout d’abord, le déclin de l’opéra-comique et, d’autre part,
l’éclosion d’un nouveau public qui est la « nouvelle bourgeoisie qui émerge avec le
Second Empire (…) et qui, lassé des guerres, ne rêve que de légèreté et d’amusement »
(LEMAIRE, 2000, 22-23). Les Français ont excellé longtemps dans ce domaine et les
opérettes restent aujourd’hui encore fort populaires. Pour preuve, Pierre JACQUEMART, le
directeur du Théâtre Pépinière Opéra, raconte que La Vie parisienne, jouée récemment
sur une scène de la capitale française, a été retransmise en directe sur écran géant dans
plusieurs salles de spectacles partout à travers la France, ainsi qu’à la télévision. Ce
programme a battu tous les records d’audience. Le public, enjoué et enthousiasmé,
tapait des mains devant un écran en reprenant en chœur les airs populaires de cette
opérette (KAHN & DRUHOT, 1998).

Jean-François KAHN, journaliste français, nous dit qu’à l’époque d’OFFENBACH,


l’opérette se situait entre les bastringues (lieux populaires par excellence dans lesquels
se produisaient toutes sortes d’orchestres) et le grand opéra. L’opérette était dès lors un
espace dans lequel se retrouvaient ces deux mondes, où l’intello et le populaire se
côtoyaient. L’opérette a, toujours selon KAHN, été l’un des acteurs le plus profond de la
démocratisation culturelle en France (KAHN & DRUHOT, 1998).

Même si les opérettes sont qualifiées de genre léger, certaines d’entre elles
revendiquent tout de même une prise de position. On y trouve également des critiques
sociales assez fortes, comme dans La Fille de Madame Angot, qui traite de
l’opportunisme en politique. Les opérettes étaient avant tout composées d’une musique
moderne à ce moment-là et de sujets qui traitaient de problèmes modernes à l’époque où
on les a écrites. D’après KAHN, si on réécrivait des opérettes aujourd’hui, on parlerait,
par exemple, des problèmes de banlieues avec un langage de nos jours, le tout sur une
musique rap ou techno (KAHN & DRUHOT, 1998). Et, même si on ne le classe pas dans le
genre de l’opérette, mais plutôt dans la continuité, Starmania en est un bel exemple par
les sujets qu’il traite, comme nous le verrons plus tard.

Malgré le succès de toutes ces opérettes qui ont fait la gloire de plusieurs
compositeurs français, la relève n’a pas été assurée. Pourtant, on estime à treize millions

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le nombre de Français aimant cette forme de spectacle. D’après Colette RENARD, les
opérettes sont à l’eau de rose, mais les journaux à l’eau de rose, ça se (KAHN & DRUHOT,
1998). Mais à présent, on préfère remonter d’anciens spectacles sûrs, qui amèneront
incontestablement du public, plutôt que de prendre le risque d’en créer de nouveaux.

« Si le musical en plein essor ne quitte jamais des yeux une réalité


historique ou sociale, l’opérette française, jalonnée bien sûr
d’incontestables réussites (…), aura tendance à se cantonner dans un
univers de fantaisie, et disparaît à mesure que disparaissent les grandes
vedettes qui portent sur les épaules le succès des représentations. »
(Sacem – Le Kiosque, août 98).

Il n’y a effectivement, de nos jours, plus de grandes vedettes de l’opérette


comme c’était le cas du temps de Luis MARIANO, Francis LOPEZ, Tino ROSSI… Le
succès des œuvres reposaient beaucoup sur les épaules des interprètes. En ce qui
concerne la création, Jérôme SAVARY peut être cité comme exception avec un spectacle
dans le style opérette mettant en scène des chansons de Charles TRÉNET (KAHN &
DRUHOT, 1998).

« Dans les années nonante, un léger frémissement semble parcourir le


monde de l’opérette. De nouvelles productions se montent avec l’aide de
metteurs en scènes talentueux comme Olivier DESBORDES, qui sait
dépoussiérer le genre en retrouvant son côté actuel, vif et parodique. Mais
ces spectacles sont des œuvres souvent déjà existantes, généralement
d’OFFENBACH. La relève ne semble pas assurée en ce qui concerne les
auteurs, et c’est peut-être le principal écueil que ce genre, si typiquement
français, doit franchir aujourd’hui pour renaître de ses cendres. »
(LEMAIRE, 2000, 25).

Dans la foulée des opérettes, sont apparues en France dès 1920 les comédies
musicales. Elles apparaissent en réalité dès la fin du dix-neuvième siècle aux Etats-Unis
et mettent davantage « l’accent sur les chansons à succès individuelles et sur les corps
féminins » (LEMAIRE, 2000, 25). Si les comédies musicales ont souvent connu le
monopole des Américains, et notamment à Broadway, la France ne fut pas en reste. On

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peut penser par exemple aux Parapluies de Cherbourg ou encore aux Demoiselles de
Rochefort. Grease, West Side Story, Hair, Les Misérables, La Révolution française,
Miss Saïgon… autant de titres qui révèlent le succès prolifique des comédies musicales,
que ce soit sur scène ou en version filmée. Mais si les Français ont excellé dans
l’opérette et même dans la comédie musicale, on se rend compte que les infrastructures
mises en place pour la création de spectacles de ce genre sont très pauvres chez nos
voisins d’outre-Quiévrain.

« A la différence des pays anglo-saxons, où tous les acteurs en rêvent, la


comédie musicale a toujours été perçue chez nous avec une espèce de
mépris, ce qui n’empêchent pas les directeurs de théâtre ( … ) d’en
rechercher ! Pourquoi n’y a-t-il rien de prévu ici pour le théâtre musical
en matière de subventions ? (…) Le problème est d’ailleurs le même au
Québec où la comédie musicale n’entre ni dans le créneau des théâtres, ni
des opéras ni des compagnies de danse. (…) On ne peut pas se payer un
grand orchestre, ça coûte trop cher ! A New York, à Londres, les
musiciens sont salariés à la semaine et à des prix raisonnables, mais ici,
tout est plus compliqué, tout le monde est syndiqué, et si les artistes, les
musiciens sont prêts à se donner davantage, il faut toujours compter les
heures. En France, à la différence de l’Angleterre, les charges sociales
sont aussi très élevées. » (Luc PLAMONDON cité par Sacem – Le Kiosque,
août 98).

Il n’est pas étonnant, dès lors, que les Français décident de monter leur création
hors de leurs frontières, comme Claude-Michel SCHÖNBERG et ses Misérables, Miss
Saïgon et le Retour de Martin Guerre, qui s’est exilé à Londres afin de concrétiser ses
rêves à moindres frais. S’il avait choisi de rester à Paris, ses spectacles auraient coûté le
double du prix. De plus, comme il n’existe aucune salle propice à accueillir les
comédies musicales, vu le coût exorbitant de pareille entreprise, il faut produire ces
spectacles dans des grandes salles pour les rentabiliser. « Des opéras de province
menacent de fermer parce qu’ils n’ont pas assez d’aides alors qu’ils perçoivent 40 ou
50 millions de francs [français] de subventions par année. » (Sacem – Le Kiosque, août
98). Charles AZNAVOUR lui-même vient de créer à Londres une comédie musicale sur la
vie de TOULOUSE-LAUTREC, intitulée tout simplement Lautrec (Time, 16.08.99), étant

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donné la plus grande facilité à créer de grands spectacles en Grande-Bretagne plutôt
qu’en France. Mais voyons à présent l’évolution des comédies musicales (ou spectacles
musicaux) en France depuis 1970.

Les années septante connaissent en France un engouement pour les spectacles


dits musicaux. En 1973, Claude-Michel SCHÖNBERG écrit un double album de vingt-
quatre chansons consacré à la Révolution française. Le succès ne se fit pas attendre et
cinq cent mille albums furent vendus. Vient alors l’idée, déjà présente en filigrane, de
monter un spectacle avec ces chansons. Il ne reste plus qu’à écrire les liaisons entre les
différentes scènes. Déjà à l’époque, La Révolution française a reçu tous les noms
possibles et inimaginables pour
tenter de la classer : spectacle
de variété historique, tableaux
musicaux, comédie musicale,
opéra-rock… (Air Production,
1999). Et c’est à la suite du
succès de ce spectacle que
naîtront Starmania (1978), Les
Daniel BALAVOINE en Johnny Rockfort, entouré de ses
Misérables (1980)… Etoiles Noires
(BERGER & PLAMONDON, 1979)

Un point commun à toutes ces "comédies musicales" est le cheminement suivi


pour arriver à un spectacle sur scène. Tout d’abord, l’auteur et le compositeur
enregistrent un album avec, généralement, les chanteurs qui interpréteront le rôle sur
scène. Ensuite, le succès de l’album va déterminer le choix du producteur. En effet,
aucun d’entre eux ne prendrait le risque de s’engager financièrement s’il n’était pas sûr
que le public suivrait. Et enfin, le spectacle est créé sur scène. Les tubes sont nécessaires
pour attirer le public. Pour Starmania, par exemple, les gens connaissent bien mieux Le
Monde est stone ou Le Blues du businessman que la dramaturgie en elle-même.
D’ailleurs, à titre indicatif, cette dernière chanson serait classée première dans le hit-
parade des karaokés en France (LOUVIN,1999).

Les Misérables, après une petite carrière en France (il n’a été joué que quarante-
deux fois !) en 1980, a connu un succès mondial inespéré depuis : quarante-cinq
millions de spectateurs dans vingt-trois adaptations différentes ! (Air Production, 1999)

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Si la comédie musicale française doit survivre, elle est obligée de s’expatrier et d’être
traduite aussi bien en russe qu’en tchèque, japonais ou encore hongrois.

Un autre point commun des comédies musicales françaises est qu’elles ont
contribué à lancer de nombreuses vedettes encore présentes sur nos scènes actuellement.
Dans la version francophone de H a i r (1969), par exemple, on retrouvait Gérard
LENORMAND et Julien CLERC. La Révolution française a été un tremplin pour Daniel
BALAVOINE, Alain BASHUNG et Hervé CHRISTIANI. Starmania a permis de révéler au
grand public Fabienne THIBEAULT, encore BALAVOINE et aussi Maurane. Contrairement à
la Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, les compositeurs français préfèrent choisir des
chanteurs rock et pop, ce qui demande des castings nombreux et intensifs étant donné
l’emploi du temps des interprètes, ceux-ci étant vite appelés sous d’autres projecteurs.
Par contre, outre-Atlantique et outre-Manche, les interprètes de comédies musicales
passent d’un rôle à l’autre et ne font qu’une carrière unique en music-hall. Ils sont
considérés comme de véritables stars dans leur pays. En France, c’est le spectacle qui
est considéré comme la star (Air Production, 1999).

Si les années septante ont été favorables aux comédies musicales françaises,
celles-ci vont connaître un gouffre énorme jusqu’à l’arrivée en 1998 de Notre-Dame de
Paris de Luc PLAMONDON, à nouveau, et Richard COCCIANTE.

« Avant Notre-Dame, on aurait pu dire que [réaliser une comédie


musicale] c’était là inconscience, suicide commercial. Il était de
réputation internationale qu’en France, la règle, que confirmait
l’exception Starmania, était que la comédie musicale n’avait aucune
chance de succès. A moins d’en faire une traduction comme ce fut le cas
en 1969 avec Hair (…), mais ce spectacle (…) était tellement ancré dans
son époque libertaire qu’il fut pour ainsi dire sans lendemain en tête des
hit-parades. » (Le Soir, 15 et 16.07.00)

Ainsi, entre 1980 (date de création des Misérables) et 1998 (Notre-Dame de


Paris), les spectacles musicaux furent voués à l’échec 2. Nous pouvons prendre par

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Petite exception cependant pour le spectacle Napoléon de Serge LAMA qui a été joué plusieurs fois en
1985 et 1986 en France, en Belgique et au Québec et qui a connu un certain succès.

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exemple l’autre opéra-rock de Michel BERGER et Luc PLAMONDON, La légende de
Jimmy, basé sur la biographie de James DEAN. Il en va de même pour Sand et les
Romantiques, toujours de PLAMONDON, avec la collaboration de Catherine LARA pour les
musiques. Seul Starmania, dans ses différentes versions (1988-1990, 1993-2000) a pu
surmonter le creux de la vague.

Le succès de Notre-Dame de Paris a, semble-t-il, réveillé les compositeurs et


secoué les esprits endormis. L’année 2000 est celle de la renaissance des comédies
musicales, quand on regarde le nombre de créations qui vont déferler sur nos scènes.
Tout d’abord, en Belgique, on a pu revoir une nouvelle version, à Anvers, des
Misérables, en français et en néerlandais. De plus, le traditionnel spectacle de l’année,
joué dans les ruines de l’abbaye de Villers-la-Ville durant les grandes vacances
scolaires, est une comédie musicale : Thyl Ulenspiegel, adaptation de La Légende
d’Ulenspiegel, parut en 1867, de l’écrivain belge Charles DE COSTER. Même Philippe
LAFONTAINE y met du sien et vient de terminer l’écriture d’une comédie musicale
familiale intitulée Célia fée et qui sera montée en décembre 2000 à Uccle. En France, ce
sont trois spectacles de ce genre qui vont être créés très prochainement. Nous aurons
donc droit, à partir du 27 septembre 2000, aux Mille et une vies d’Ali Baba, au Zénith,
d’après une idée originale des compositeurs Fabrice ABOULKER et Alain LANTY et des
auteurs Thibaut CHATEL et Frédéric DOLL. Le Palais des Congrès de Paris accueillera,
quant à lui, dès le 19 janvier 2001, Roméo et Juliette, adapté par Gérard PRESGURVIC, le
compositeur attitré de Patrick BRUEL. Une autre scène parisienne, à savoir le Palais des
Sports, recevra sur ses planches à partir du 4 octobre 2000, Les dix commandements, sur
une musique de Pascal OBISPO. (Le Soir, 15 et 16.07.00)

Comme on peut le constater, la France (et même la Belgique) connaît une


résurrection des comédies musicales, après un passage à vide de plusieurs années.
Comme pour Les Misérables, Starmania et Notre-Dame de Paris, un album reprenant
les chansons phares de ces différents spectacles a été mis en circulation bien avant le
jour de la première. Un tel engouement pour faire revivre un genre qui était bien ancré
dans la culture française et que l’on croyait mort peut peut-être surprendre. Mais il faut
voir dans cette démarche l’aspect lucratif que peut susciter le succès d’un spectacle
pareil.

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« Et rien ne nous enlèvera de l’esprit que cette vogue des comédies
musicales est aussi (et avant tout ?) commerciale. Notre-Dame de Paris a
engrangé tellement d’argent qu’on peut difficilement expliquer autrement
cet arrivage massif de comédies musicales au succès fort hypothétique. »
(Le Soir, 15 et 16.07.00)

Il est vrai que seul l’avenir nous dira si le public suivra. Une chose est sûre, cela
fait plus de vingt ans que Starmania a été créé et il reste toujours un modèle dans le
milieu du spectacle. C’est pourquoi il est intéressant de se pencher plus en avant sur cet
opéra-rock en présentant tout d’abord un résumé de l’histoire.

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II. Le résumé du spectacle

Au milieu de Monopolis, la nouvelle capitale de l’Occident, deux forces se


déchirent. D’un côté, les Etoiles Noires, une bande de zonards ayant à sa tête Johnny
Rockfort, un jeune issu de la banlieue Nord ; il est secondé dans ses actes par Sadia, une
révolutionnaire sortant tout droit de l’université et qui se travestit le soir. D’un autre
côté, Zéro Janvier, le célèbre constructeur de gratte-ciel aux idées totalitaires, qui a
décidé de se présenter aux élections qui éliront le nouveau président de l’Occident.

Le lieu de rendez-vous des Etoiles Noires est l’Underground Café, taverne dans
laquelle travaille Marie-Jeanne, la serveuse automate qui ne rêve que d’une chose :
laisser tomber son tablier et voir enfin le soleil, trop absent de sa vie. Son seul ami est
Ziggy, un disquaire fan de disco et de David Bowie. Il vient souvent rendre visite à
Marie-Jeanne et l’emmène danser dès qu’elle a fini de travailler. Elle en est amoureuse,
mais lui est homosexuel. Une histoire d’amour à sens unique et qui ne se concrétisera
donc jamais.

Sadia, quant à elle, décide de sortir Johnny de l’ombre et contacte Cristal,


présentatrice du show télévisé Starmania, pour une interview en exclusivité à
l’Underground Café. Et c’est le coup de foudre entre l’animatrice et le chef des Etoiles
Noires : Cristal abandonne son métier de journaliste et fait croire à un enlèvement pour
suivre Johnny Rockfort dans ses aventures. Une deuxième histoire d’amour se crée
alors. Sadia, voyant que sa prise de pouvoir n’a plus autant d’impact sur Johnny à cause
de sa concurrente Cristal, décide de les quitter et de rejoindre définitivement Zéro
Janvier pour qui elle travaille depuis le début en tant qu’agent double pour l’aider à
asseoir sa réputation d’homme fort pour les élections.

Celui-ci, quant à lui, voit en Stella Spotlight, actrice de renom qui vient tout
juste d’abandonner le monde du spectacle, un moyen pour se procurer plus de voix en
vue de son élection. Stella n’hésite pas une seconde et se met au service de Zéro Janvier
afin de s’assurer une petite retraite tranquille. Histoire d’amour, troisième.

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Les Etoiles Noires multiplient leurs actes terroristes et décident de faire sauter la
Tour Dorée de Zéro Janvier lors du mariage de celui-ci avec Stella Spotlight au
Naziland, la discothèque tournante située au sommet de la tour, le soir même de
l’élection du businessman à la présidence de l’Occident. Alerté par Sadia, elle-même
rejointe par Ziggy après sa séparation d’avec Marie-Jeanne, Zéro Janvier envoie ses
troupes. A cause d’une bombe mal branchée, Cristal est blessée et meurt dans les bras
de Johnny Rockfort. Une deuxième histoire d’amour est brisée.

Johnny est arrêté et enfermé. Stella Spotlight, dégoûtée par le pouvoir, s’en
retourne à ses rêves d’immortalité et quitte Zéro Janvier qui se retrouve bien seul sur
son trône. Marie-Jeanne, seule elle aussi, quitte le monde souterrain et part à la
recherche de son soleil qui lui manque tant.

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III. L’historique

S i Starmania peut à présent tourner quasiment tout seul, c’est fort d’un passé
laborieux, d’un travail que deux créateurs, Luc PLAMONDON et Michel BERGER, n’ont
jamais abandonné pour pouvoir donner à leur œuvre ce qu’elle est aujourd’hui. Nous
allons donc nous replonger vingt-cinq années en arrière et suivre l’évolution de
Starmania.

Dans les années 70, au


Québec, Luc PLAMONDON est
déj à considéré « comme
l’enfant chéri de la chanson
québécoise et sa renommée
commence à prendre une
tournure internationale. »
(SACD, 2000, Bio PLAMON-
DON). Il est ainsi l’auteur
attitré de, notamment, Diane
Luc PLAMONDON et Michel BERGER
(LIBBERECHET & DE RIBAS, 2000, Galeries) DUFRESNE p o u r q u i i l
composera sept albums et
deux opéras-rock en un acte. Les quatre premiers albums de Diane DUFRESNE, sur une
musique de François COUSINEAU, lui permettront de le consacrer définitivement en
France où, au même moment, le succès de Michel B ERGER, ne fait que s’affirmer. Ce
dernier est auteur, compositeur, interprète de ses propres chansons et écrit également
pour Véronique SANSON, Françoise HARDY et, bien sûr, France GALL, son épouse. Au
cours de l’année 75, Luc PLAMONDON reçoit, en pleine nuit, un coup de fil de Michel
BERGER.

« Bonjour, c’est Michel BERGER. Je voudrais faire un opéra-rock. J’ai envie


de travailler avec toi parce que tu décris la violence du monde moderne.
J’ai une violence en moi que je voudrais exprimer dans ma musique. »
(PLAMONDON cité par COULLIER, 1996, 6).

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Un océan sépare l’auteur et le compositeur. Qu’à cela ne tienne, ils n’hésitent pas
à se jeter à l’eau pour réaliser ensemble ce qui deviendra, et restera vingt ans plus tard,
une référence dans la chanson "francophone", l’opéra-rock Starmania ou La passion de
Johnny Rockfort selon les évangiles télévisés. Pendant deux ans, en 1976 et 1977, ils
s’attelleront à la tâche, PLAMONDON au texte et BERGER à la musique, avançant petit à
petit, l’un proposant quelques phrases sur lesquelles viendront se greffer des accords,
l’autre jouant une mélodie inspirant alors des mots au parolier. La première musique
que BERGER avait composée avant leur collaboration deviendra Le monde est stone,
après que PLAMONDON ait essayé tous les mots de la langue française en une syllabe.
Seul, je marche seul est refusé par Michel BERGER. Ça sonne trop français, il attend
autre chose d’un Québécois. L’auteur, en dernier recours, propose Stone, le monde est
stone (Le Devoir, 25.09.92). Voilà l’étincelle qui embrase le génie de la création des
deux complices.

Un fait divers américain, l’enlèvement de Patricia HEARST, fille d’un magnat de


la presse, par un groupe d’extrême gauche et sa conversion aux pratiques de ses
ravisseurs, a été le point de départ pour la construction de l’histoire.

De fil en aiguille, les chansons s’amoncellent, l’histoire prend forme, les grands
thèmes (l’amour, la mort, la violence, les travers du star système, l’influence de la
télévision, la folie du pouvoir, le mal de vivre dans les cités…) sont dégagés. Après
deux mois de retraite seuls dans une villa au Cap d’Antibes, les titres piliers sont écrits :
Le blues du businessman, La complainte de la serveuse automate, Les adieux d’un sex-
symbol… (Sacem - Le Kiosque, août 98). Mais Michel BERGER continue à pousser Luc
PLAMONDON. Le moindre bout de texte est prétexte à être travaillé. A partir d’un couplet,
le Français trouve une mélodie et un arrangement et le Québécois est chargé de trouver
un deuxième couplet. Ainsi est né Les uns contre les autres. Pierre après pierre, l’édifice
se construit, grandit et se termine enfin. Après deux ans d’étroite collaboration franco-
québécoise, les paroles et la musique de Starmania sont enfin terminées, couchées sur
papier.

Arrive la prochaine étape : l’enregistrement de l’album avec les chansons phares.


PLAMONDON et BERGER recrutent des artistes ça et là. Diane D UFRESNE, pour qui l’auteur
avait déjà travaillé, jouera le rôle de Stella Spotlight, la star déchue. France G ALL, la

18
femme de Michel BERGER, sera Cristal, la présentatrice de Télé-Capitale. Daniel
BALAVOINE, encore pratiquement inconnu à l’époque et aperçu dans une émission de
Michel DRUCKER, interprétera Johnny Rockfort. La chanson SOS d’un terrien en
détresse, dont l’interprétation demande une exigence vocale étendue (plus de trois
octaves) est d’ailleurs à l’intention de ce nouveau chanteur. Le costume de Marie-
Jeanne, la serveuse automate, sera porté par Fabienne T HIBEAULT, rencontrée lors d’un
festival québécois. Sadia, le cerveau des Etoiles Noires, aura les traits de Nanette
WORKMAN. Ziggy sera interprété par Eric ESTEVE. Et enfin, Claude DUBOIS incarnera le
célèbre constructeur de gratte-ciel candidat aux élections du président de l’Occident,
Zéro Janvier. Sort alors le disque enregistré en studio, en 1978, comportant les vingt
chansons principales.

En avril 79, Starmania est créé sur scène au Palais des Congrès de Paris dans une
mise en scène de Tom O’HORGAN, avec les interprètes du disque, sauf Claude DUBOIS,
remplacé par Etienne CHICOT, ainsi qu’Eric ESTEVE qui cède la place de Ziggy à
Grégory KEN. En vingt-neuf représentations, cent vingt mille personnes auront vu et
acclamé l’opéra-rock pour la première fois. Cent cinquante mille autres malchanceux se
sont vus, quant à eux, refuser l’entrée, le Palais des Congrès laissant sa scène à un autre
spectacle au bout du mois. Seulement quatre semaines et un disque auront suffi pour
asseoir la réputation de cette nouveauté dans le paysage de la chanson francophone.

Paris devra attendre presque dix ans, soit 1988, pour revoir une nouvelle
mouture de Starmania. Entre-temps, deux autres versions sont montées au Québec, tout
d’abord en 1980/81, dans une mise en scène d’Olivier R EICHENBACH, avec, notamment,
Louise FORESTIER dans le rôle de Marie-Jeanne, et ensuite en 1986/87, avec une
nouvelle distribution, dont Marie C ARMEN, également dans le personnage de la serveuse
automate. Et enfin, c’est au tour du Théâtre de Paris, où furent par le passé créées des
œuvres d’OFFENBACH, de retrouver en 1988/89 les aventures starmaniaques de Johnny,
Sadia, Cristal, Zéro, Stella… Martine SAINT-CLAIR et les frères GROULX, Norman et
Richard, sont à nouveau de la partie après avoir participés aux versions québécoises
dans les rôles qu’ils reprennent sur la scène parisienne, à savoir respectivement Cristal,
Johnny Rockfort et Zéro Janvier. A leurs côtés viendront se joindre Renaud HANTSON en
Ziggy, Wenta en Sadia, Sabrina LORY en Stella Spotlight, Luc LAFITTE en Roger-Roger,
le présentateur de Télé-Capitale, et la chanteuse belge Maurane qui campera Marie-

19
Jeanne. Le succès toujours
grandissant, les prolongations sont
jouées et la troupe doit déménager
sur les Champs Elysées, au
Théâtre Marigny, pour laisser sa
place à une autre comédie
musicale, Cats. Après plus d’un
an dans la capitale française,
Starmania part en tournée en
France, en Belgique, en Suisse et,
bien sûr, au Québec. Moscou et La troupe de 1988 au Théâtre Marigny
(COULLIER, 1988, 26-27)
Saint-Petersbourg font également
partie du programme.

Une version allemande voit le jour à l’opéra d’Essen en 1991, d’après une mise en
scène de Jürgen SCHWALBE. D’autres apparaissent en Espagne, en Tchéquie et en
Hongrie. En 1992, Tim RICE, célèbre parolier américain à qui l’on doit Jésus-Christ
Superstar ou encore Evita (LIBBERECHT & DE RIBAS, 2000, Dossier Tycoon), se
voit confier la tâche de retranscrire le livret dans la langue de S HAKESPEARE. Cindy
LAUPER, Tom JONES, Nina HAGEN, Peter KINGSBERY, Céline DION… sont chargés de
donner de la voix sur la version studio de ce concept anglophone.

En août de la même année, Michel BERGER meurt, terrassé par une crise cardiaque
après une partie de tennis dans sa villa de Saint-Tropez. Pour lui, l’écriture d’une œuvre
comme Starmania lui aura permis de laisser une trace plus profonde dans le monde de
la chanson.

« La chanson est devenue un objet tellement éphémère… Il me semble qu’en


écrivant des œuvres comme Starmania e t La Légende de Jimmy, un
compositeur a plus de chances que sa musique survive. » (BERGER cité par
COULLIER, 1996, 4)

Mais le spectacle n’est pas terminé et le show doit continuer. Une nouvelle mise
en scène, plus violente, plus bande dessinée, plus visionnaire, signée Lewis F UREY, voit

20
le jour en 1993 au Théâtre Mogador, à Paris et y triomphera pendant un an et demi. Les
personnages sont cette fois joués par Patsy G ALLANT, Bruno PELLETIER, Michel PASCAL,
Judith BÉRARD, Jasmine ROY, Franck SHERBOURNE et Luce DUFAULT. Roger-Roger,
devenu robot, a hérité de la voix de Muriel R OBIN, l’humoriste française. Pendant
quelques mois, sept représentations sont données par semaine, dont deux le samedi. Le
vendredi est consacré à la version anglaise, pour vendre le spectacle aux producteurs
londoniens et à quiconque intéressé par l’achat du concept3. La mécanique est rodée,
toute la troupe part en tournée à travers l’Europe et le Québec. Des Victoires de la
Musique, des Félix4 et des disques d’or viennent couronner le succès de l’opéra-rock.
Depuis plus de huit ans, les salles ne désemplissent pas. Chaque soir, le public est
émerveillé devant les histoires amoureuses et passionnées des personnages de
Starmania.

Starmania a franchi le cap de l’an deux mille, plus de vingt ans après sa création,
et rien, pour l’instant ne semble l’arrêter. La version 93 tourne toujours, avec des
changements au niveau des interprètes. Des anciens, comme les frères GROULX et
Sabrina LORY, par exemple, sont revenus et de nouvelles têtes s’ajoutent au programme.
Les spectateurs, fascinés, n’en démordent pas et sont toujours au rendez-vous. Depuis
quelque temps, on parle d’une adaptation cinématographique. Stéphane CHARPENTIER,
directeur de projet chez Virgin, nous a fait savoir que, à la fin de l’année 2000, sera
enregistré un disque reprenant les principales chansons interprétées par les plus grands
artistes lyriques, avec notamment Françoise POLLET pour Le Monde est stone, mais
également Nathalie DESSAY, Véronique GENS et, du côté des hommes, José CURA et
Placido DOMINGO (CHARPENTIER, 2000). Mais où s’arrêteront-ils ? Allons-nous avoir
droit à une nouvelle mise en scène ? L’actuelle va-t-elle durer ou bien perdre de son
souffle ? L’avenir nous le dira…

D’après certaines rumeurs circulant dans les coulisses, la rentrée 2000 verrait un
Starmania plus allégé, moins coûteux à la production, ne tournant plus que dans des
salles de mille cinq cent à deux mille places. La tour de Zéro Janvier, ainsi que le robot
Roger-Roger et les écrans géants disparaîtraient. Une chose est sûre, pour la Belgique,
du moins, ce ne sera plus Forest National, d’une capacité de cinq mille places, qui
3
La version anglaise du vendredi soir, Tycoon, sera vite abandonnée, n’attirant qu’un public très
irrégulier.
4
Equivalent des Victoires de la Musique au Québec

21
accueillera le spectacle, mais bien le Cirque Royal où quelque mille cinq cents sièges
sont disponibles. Une rumeur qui, apparemment, serait en train de se concrétiser tout
doucement. De plus, question casting, Patsy GALLANT, titulaire du rôle de Stella
Spotlight depuis 1993, quitterait son poste, restriction budgétaire oblige.

« "Vous savez, j'aurais voulu aller jusqu'au bout de Starmania, mais les
circonstances font que... Il paraît que je coûte trop cher à la production.
Comme j'ai été moi-même producteur de spectacles, je peux comprendre ;
mais portant le chapeau de chanteuse que je suis, avec le bagage et
l'expérience qui sont les miens... Un métier, ça se paye !" »
(LIBBERECHT & DE RIBAS, 2000, Interview Patsy GALLANT)

Dès septembre 2000, donc, Starmania retrouvera son côté de proximité avec le
public, comme c’était le cas en 1988. L’interprétation et l’émotion des chanteurs et des
chansons reviendront au premier rang, après avoir été quelque peu supplantées par la
mise en scène et les effets spéciaux. Mais avant d’aborder ces différents points, nous
allons d’abord nous rendre compte des changements qu’a connus Starmania depuis
1979.

22
IV. Les changements dans Starmania entre
les différentes versions 5

Comme nous l’avons vu, Starmania a été l’objet de plusieurs mises en scène
depuis sa création à Paris en 1979. Chacune d’elle a été l’occasion pour Michel BERGER
et Luc PLAMONDON de revoir leurs partitions et leurs textes. Nous tenons compte ici des
différences entre les trois versions françaises, ne possédant pas assez d’éléments
concernant les mises en scène réalisées au Québec.

1979-1988

Pendant cette première période, les auteurs de Starmania ont considérablement


revu et remanié le livret de leur opéra-rock et ce dans un souci de clarté et pour
accélérer le rythme général de l’enchaînement des scènes. Ainsi, tant au point de vue de
la musique que des paroles, on assiste à des changements notoires et à des
bouleversements de séquences entières. Voici un compte rendu de ces différences.

Les personnages

En dix ans, bon nombre des personnages de Starmania ont disparu pour faire
place, en 1988, à seulement huit protagonistes principaux, deux choristes jouant le rôle
d’Etoiles Noires et deux figurants déguisés en gardes du corps de Zéro Janvier. Ainsi
donc, le Grand Gourou Marabout, le leader écologique, est absent, et Zéro Janvier se
retrouve seul sur la scène politique. Il est ainsi l’unique candidat à la présidence de
l’Occident que l’on nous présente. On ne nous parle aucunement de ses éventuels
adversaires politiques, à part peut-être à la fin, juste après la mort de Cristal et
l’arrestation de Johnny Rockfort. En effet, Roger-Roger revient sur le devant de la scène
pour nous annoncer que « Les candidats étaient nombreux, mais l’un d’entre eux a retenu
toute l’attention par ses prises de position. C’est ce soir que nous saurons si, oui ou non,

5
Ce chapitre a été écrit en s’inspirant dans les grandes lignes du site internet consacré à Starmania
(LIBBERECHT & DE RIBAS, 2000, Dossier Starmania 1978-1998).

23
le peuple est avec lui comme les sondages nous l’ont prédit. »6 Zéro Janvier n’est donc pas
l’unique candidat, mais il est clair que c’est sur lui que s’est focalisée toute l’attention des
citoyens et surtout des médias.

A propos de la disparition de personnages, le Gourou Marabout n’est pas le seul


à ne plus faire partie de la distribution de 1988. En effet, il en va de même pour de
nombreux rôles secondaires, comme les clients de l’Underground Café, la speakerine, la
femme de chambre de Stella Spotlight, les associés de Zéro Janvier, les parents de
Cristal. Tous ces personnages disparaissent et, par la même occasion, leurs interventions
chantées également.

Les chansons

Du côté des chansons également, un remaniement s’est imposé. Certaines


d’entre elles ont été éliminées, comme La serveuse et les clients, Paranoïa, Sex-shops,
cinémas pornos, On était des vieux si heureux, Le tango de l’amour et de la mort 7. Ces
chansons-ci étaient justement interprétées par les personnages secondaires dont nous
venons de parler, mis à part Le tango de l’amour et de la mort que reprenaient Stella
Spotlight et Sadia.

Aussi, beaucoup d’autres chansons se retrouvent amputées parfois d’un couplet


entier, comme le prouve cette petite liste :

 Le générique de l’émission de Cristal, Starmania, est fortement réduit.


 Le premier couplet de Besoin d’amour disparaît.
 Le télégramme de Zéro Janvier à Stella Spotlight est considérablement réduit
et perd la moitié de son texte.

6
Extrait du livret de 1988
7
Apparemment, cette dernière chanson figurait initialement dans le livret de 1988, entre Ce soir, on
danse à Naziland, comme dans la version de 1978, et SOS d’un terrien en détresse.. En effet, elle est
présentée dans le programme accompagnant le spectacle de cette année-là. A cette époque, Maurane
tenait encore le rôle de Marie-Jeanne. Mais dans les enregistrements publics de cette version, où le rôle
est repris par Réjane PERRY, c’est-à-dire en 1989, Le tango de l’amour et de la mort a été supprimé.

24
 Les uns contre les autres perd son dernier couplet et Quand on n’a plus rien à
perdre son deuxième, alors que Disc-Jockey’s song se voit retirer la deuxième
moitié de son texte.
 Quelques phrases du SOS d’un terrien en détresse disparaissent et cèdent leur
place à un solo guitare.
 Le jingle de Stella Spotlight est coupé de toutes parts et il ne lui reste plus que
son slogan publicitaire.

Il existe encore d’autres sortes de changements. Un enfant de la pollution est


chanté dorénavant par Ziggy et non plus par Johnny Rockfort. Ziggy vient également
annoncer son départ à Marie-Jeanne, alors qu’en 1979, il partait sans aucune
justification. Ce départ donne lieu à l’apparition de la chanson Nos planètes se séparent.
Le personnage de Ziggy gagne en importance et sa complicité avec Marie-Jeanne est
beaucoup plus évidente. On les voit ensemble durant presque toute la durée du
deuxième acte. Aussi, Ziggy ne veut plus être un danseur, mais bien un batteur de rock.

Par ailleurs, l’ordre des chansons est bouleversé. Dans la version de 1988, en
ouverture du spectacle et en clôture du premier acte, on trouve Monopolis, interprété par
Cristal, alors que cette chanson était située presque à la fin du second acte en 1979. A
présent, le décor est mieux planté et le spectateur a déjà une vision du lieu où va se
dérouler l’action.

En guise d’interview pour Télé Capitale, Johnny Rockfort chante Banlieue Nord,
alors qu’auparavant, il l’interprétait face à Sadia lors de leur première rencontre à
l’Underground Café. La rencontre entre les deux personnages est donc réécrite, et c’est
ainsi qu’apparaît Flash-back.

Besoin d’amour ne conclut plus le premier acte et est placé en milieu de second
acte.

Zéro Janvier, quant à lui, voit un de ses couplets allongé dans la chanson Ego
Trip. Et à présent, il chante en alternance avec Stella Spotlight qui, auparavant,
interprétait seule les couplets.

25
SOS d’un terrien en détresse, chanté par Johnny Rockfort, apparaît suite à la
mort de Cristal, alors qu’en 1979, la chanson intervenait à un moment qui ne justifiait
en rien sa présence. La réaction de Johnny face à la mort de la femme qu’il aime est
ainsi plus claire.

Les trois chansons Quand on n’a plus rien à perdre, Ego Trip et Les uns contre
les autres permutent entre elles, ce qui permet à Marie-Jeanne d’être présente plus
longtemps sur scène. Dans la version précédente, elle disparaissait après Les uns contre
les autres et ne revenait sur scène que bien plus tard, plus d’un quart d’heure après, pour
entonner Le monde est stone. La permutation de ces trois chansons renforce le rôle du
narrateur que Marie-Jeanne véhicule durant l’intégralité du spectacle.

La fin du spectacle est également aménagée. En 1979, les comédiens entament


La chanson de l’extraterrestre, et Johnny Rockfort continue sa trajectoire à travers
l’univers. Ce côté science-fiction est abandonné en 1988. Nous avons une reprise du
Blues du businessman à deux voix (Zéro Janvier et Stella Spotlight) mélangé à des
extraits de Besoin d’amour (Johnny Rockfort), suivi de Le monde est stone (Marie-
Jeanne) qui conclut le spectacle. En guise de rappel, le refrain de cette dernière chanson
est repris en chœur par tous les interprètes.

La musique

Sans entrer pour l’instant dans les détails 8, on peut dire que l’orchestration a été
considérablement allégée. En effet, en 1979, nous trouvons sur scène un orchestre
composé d’une batterie, un piano, une guitare électrique, une basse, ainsi qu’un
ensemble d’instruments à vent (trompette, saxophone, trombone, tuba…), alors qu’en
1988, les synthétiseurs ont la cote, accompagnés d’un saxophoniste présent sur scène et
jouant en live.

8
Nous reviendrons dans le chapitre consacré à la mise en scène au rôle des changements au niveau
orchestral.

26
Quelques partitions sont revues, les mélodies de certaines scènes intermédiaires
sont aménagées. Roger-Roger ne chante plus, mais parle plutôt comme un rappeur
bégayant quelque peu. On assiste ainsi à un relookage musical bien moderne.

1988-1993 (2000)

Les personnages

On prend les mêmes et on continue, mis à part un tout petit changement : Roger-
Roger, le présentateur de Télé Capitale, devient un robot, avec la voix de Muriel ROBIN.
Le côté « électronique » du personnage, déjà présent dans la version de 1988 avec le
rappeur et ses ratés, apparaît au grand jour.

Les deux Etoiles Noires accompagnant Johnny Rockfort et Sadia se sont


multipliées et à présent, ce sont de véritables acrobates, nous livrant des scènes de
combat assez spectaculaires, qui se retrouvent sur scène. Mais à l’inverse des Etoiles
Noires de 1988, celles-ci ne chantent pas.

Stella Spotlight est présente sur scène dès le premier acte, en guise de figuration,
et Roger-Roger parle déjà de la star de cinéma dans ses présentations d’émissions, alors
qu’auparavant, elle n’apparaissait qu’au début du deuxième acte. Beaucoup d’allusions
sont faites à propos d’une éventuelle liaison entre l’actrice déchue et le constructeur de
gratte-ciel.

Les chansons

Quelques coupures, encore, dans les chansons, notamment Monopolis, qui perd
son deuxième couplet. A sa reprise à la fin du premier acte, seul le refrain est chanté,
mais cette fois par tous les interprètes et non plus uniquement par Cristal et Johnny
Rockfort.

27
Disc-Jockey’s song disparaît presque entièrement. Il ne subsiste plus que le « Je
m’envole, je m’envole, je m’envole derrière ma console » de Ziggy.

L’annonce de la victoire de Zéro Janvier par Stella Spotlight, qui était en


quelque sorte la morale de l’histoire, est amputée de ses deux premiers couplets. Il ne
reste donc plus que le troisième en guise de conclusion.

Quant au générique de l’émission de Cristal, Starmania, celui-ci disparaît


complètement.

On ajoute par contre un couplet à la fin de La chanson de Ziggy, celui-là même


qui ne veut plus être un batteur, mais un chanteur de rock, cette fois.

Nos planètes se séparent gagne aussi un couplet à partir de 1998, et d’une


chanson de 1 minute 15, elle passe à 3 minutes 30.

Roger-Roger donne également plus d’informations que par le passé, notamment


lors de l’élection du président de l’Occident. On apprend dès lors que Bill CLINTON
s’était présenté également comme candidat à ce poste, insérant ainsi l’opéra-rock dans
notre monde actuel.

Le trio final, juste avant Le monde est stone, devient un sextet dans lequel
chaque personnage chante la ou les phrases qui lui ressemblent le plus, à l’exception de
Cristal, qui gît sur le sol, morte.

La musique

Toujours des synthétiseurs, mais avec des sons moins artificiels, auxquels on
ajoute une batterie, une basse, des guitares et des percussions. Le saxophoniste,
omniprésent sur scène en 1988, est remplacé par un guitariste déguisé en Etoile Noire,
donnant à la mise en scène un aspect encore plus violent qu’auparavant, notamment lors
de l’enlèvement de Cristal. Mais le guitariste disparaît à partir de 1998 et n’est remplacé

28
que sur les bandes sonores, mais pas sur scène, à l’exception d’une Etoile Noire qui joue
deux ou trois accords de guitare, sans plus.

En ce qui concerne quelques scènes intermédiaires, la partition est revue, sans


que cela n’apporte énormément à l’ensemble de l’œuvre. La musique des Adieux d’un
sex symbol est ainsi réutilisée avec des variations dans la mélodie.

Entre 1993 et 1999, il n’y a eu aucun changement à propos de l’orchestration,


mis à part Nos planètes se séparent. Cependant, lors de la reprise du spectacle en
octobre 99 à Paris, le rôle de Marie-Jeanne est tenu par la Québécoise Loulou HUGUES.
Celle-ci chantant un ton et demi plus haut que les Marie-Jeanne qui la précédaient,
Jannick TOP et Serge PERATHONER, deux des principaux musiciens et anciens
collaborateurs de Michel BERGER, réarrangent et modernisent les morceaux de la
serveuse automate. Il en va de même pour le SOS d’un terrien en détresse de Johnny
Rockfort, interprété depuis octobre 99 également par Frank SHERBOURNE, anciennement
Ziggy. La chanson, créée à l’origine pour Daniel BALAVOINE, avait connu, au fil des
années, une descente d’un ton et demi. Et depuis la reprise du rôle par Frank
SHERBOURNE, la musique a été réorchestrée et rétablie à son niveau initial, lui donnant
ainsi à nouveau une charge émotionnelle plus importante. D’autant plus que le nouveau
Johnny n’hésite pas à réaliser des prouesses vocales atteignant ainsi un contre-sol lors
du dernier refrain.

Ici aussi, nous reviendrons plus en détail sur le rôle des changements de
l’orchestration lors du chapitre consacré à la mise en scène. A présent, voyons un peu la
personnalité des différents protagonistes rencontrés dans Starmania.

29
V. Les personnages

Un des atouts principaux de Starmania est la dimension psychologique que Luc


PLAMONDON a donnée à chacun de ses personnages sans restriction. En effet, nous
pouvons nous rendre compte que chacun d’entre eux a une histoire particulière, un passé
qui explique leur caractère propre à chacun. Pour ce faire, le parolier a attribué à chaque
personnage une chanson reprise en solo dans laquelle il raconte sa vie et ses envies.
Bien sûr, ils sont tous très typés, voire même caricaturés, mais en y regardant bien, le
public peut aisément se reconnaître, ou reconnaître quelqu’un d’autre, dans l’un d’entre
eux. Nous allons donc passer en revue chaque personnage et tenter de dégager ce qu’il
ressort de chacun d’eux.

Marie-Jeanne

Marie-Jeanne est la serveuse de l’Underground Café, lieu de réunion principal


des Etoiles Noires. Elle y travaille quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre et son
rêve est de voir un jour le soleil. Le seul regard extérieur qu’elle porte sur le monde,
c’est via son écran de télévision, apparemment constamment allumé. On la sent très
seule dans ce bar, à répéter toujours les mêmes gestes, comme un robot, d’où le surnom
de la serveuse automate.
Elle n’a que très peu de contacts avec ses
clients. Elle regarde et écoute de loin ce que
trafiquent les Etoiles Noires, mais ne se mêle
de rien. Elle se contente de jeter un œil, mais
sans plus. Elle est présente en toile de fond et
ne veut surtout pas être sur le devant de la
Marie-Jeanne, interprétée par Maurane, dans scène. On ne lui demande rien et elle ne
son Underground Café en 1988
(COULLIER, 1988, 26)
demande rien à personne. « Moi, j’me mêle
pas de ç’qui m’regarde pas »9.

9
Annexe 1, acte 1, chanson n° 6

30
La seule personne qui semble lui accorder de l’intérêt est Ziggy, dont elle est
amoureuse. « Ziggy, t’es mon seul ami »10. Celui-ci vient souvent la chercher pour lui
faire quitter cet endroit et oublier quelque temps sa condition. Mais, malheureusement
pour elle, Ziggy est homosexuel. L’histoire d’amour qu’elle voudrait écrire avec lui est
donc impossible. Alors, elle se contente de son amitié, ce qui est déjà beaucoup dans
Monopolis où le chacun pour soi est roi. Ziggy est souvent à l’Underground Café, aux
côtés de Marie-Jeanne. Nous les retrouvons ensemble pour de nombreuses scènes de
liaisons, surtout dans le deuxième acte11. Mais à part pour La chanson de Ziggy et Le
duo d’adieu, leurs conversations ne sont jamais tournées vers eux, mais bien vers ce que
la télévision diffuse ou encore sur les gros titres des journaux.

Pour Marie-Jeanne, Ziggy est donc la seule personne en qui elle a confiance et à
qui elle peut parler sans crainte. C’est le seul rayon de soleil dans sa vie qui lui permet
de briser son train-train quotidien dont elle ne voit pas le bout. Malheureusement, elle
va sombrer encore plus dans la solitude lorsque Ziggy, ayant trouvé un boulot dans une
discothèque, sous les ordres de Sadia, vient lui apprendre qu’ils ne se verront plus
jamais. Elle décide alors de tout quitter pour partir à la recherche du soleil qu’elle désire
tant voir enfin.

Marie-Jeanne est un personnage un peu à part dans Starmania. En effet, elle ne


participe pas directement à l’intrigue, puisqu’elle reste en permanence dans son bar où,
en somme, il ne se passe rien. C’est elle qui sert de relais entre le spectateur et l’action
qui se déroule puisqu’elle vient souvent apporter ses commentaires à propos des
différentes scènes qui défilent à la télévision. Le spectateur peut donc aisément
s’identifier à elle, ils sont relégués quasiment à la même place. Tous les deux observent
ce qui se passe (le spectateur voyant même plus que Marie-Jeanne), mais aucun des
deux ne peut intervenir dans l’action. La séparation qui existe entre le spectateur et la
scène est la même que celle entre Marie-Jeanne et l’écran de télévision. Pour cette
raison, on peut dire qu’il existe une complicité entre la serveuse automate et les
spectateurs. Elle est, en quelque sorte, la narratrice du récit, la rapporteuse des
événements.

10
Annexe 1, acte 2, chanson n° 36
11
Annexe 1, on les retrouve ensemble pour les chansons n° 12, 13, 14, 15, 22, 24, 27, 34, 36 et 37, soit
presque un quart des chansons totales

31
Marie-Jeanne reflète aussi l’attitude de beaucoup de personnes de notre époque,
à savoir qu’elle ne sait pas vraiment ce qu’elle veut faire dans la vie.

« Seul personnage terre à terre, elle est sans doute très appréciée du public
qui se retrouve en son désespoir, sa résignation face au monde qui
l’entoure. » (Libération Champagne, 26.05.95)

Si elle n’était pas née du tout, cela ne l’aurait pas dérangée. Elle ne veut pas qu’on
lui colle un numéro dans le dos et suivre le troupeau. Ce qu’elle désirerait, c’est faire
quelque chose que j’aime. Mais elle se cherche, elle veut être elle et tout compte fait,
son gros problème, c’est qu’elle ne sait pas ce qu’elle aime.

« C’est là qu’il faut trouver les recettes de ce succès, commente Luc


PLAMONDON, quand Marie-Jeanne, la serveuse, chante : "Je ne sais pas ce
que j’aime, c’est mon problème", tous les gosses de la salle s’identifient au
personnage. » (La Voix du Nord, 10.01.95)

Ce qui est assez significatif, c’est que les mots soleil, nuit et jour reviennent
assez souvent dans ses propos. On sent bien cette envie de voir enfin un jour autre chose
que de la lumière artificielle, de partir à la recherche de ce soleil si absent dans son
souterrain, faiblement éclairé par des néons.

La solitude de Marie-Jeanne se traduit dans les chansons qu’elle interprète et ce,


dès le début du spectacle, avec Monopolis12, chanson décrivant le train-train quotidien
de millions de personnes dans le monde, monde où « les néons de la nuit remplacent le
soleil ». Pour elle, Monopolis a beau être une grande ville peuplée, tout le monde y est
quand même seul et chacun est un étranger pour l’autre. Les uns contre les autres
marque très bien également cette solitude. On se côtoie tous les jours, mais on ne sait
pas qui est notre voisin et on se retrouve « tout seul au monde »13.

Autre remarque significative, le prénom de Marie-Jeanne n’est cité qu’une seule


fois, par Ziggy, sur toute la durée du spectacle14. Personne ne parle jamais d’elle, et il
12
Annexe 1, acte 1, chanson n° 1
13
Annexe 1, acte 2, chanson n° 38
14
Nous parlons ici des versions de 1988 et 1998. En 1978, son prénom n’est pas prononcé du tout !

32
n’y a que son ami qui parle avec elle. Les autres protagonistes ne lui adressent jamais la
parole, sauf peut-être dans l’altercation entre Ziggy/Marie-Jeanne et Sadia/Johnny
Rockfort., et encore, uniquement dans la version de 1998. Effectivement, en 1988,
Sadia et Johnny lui marchent carrément sur les pieds pour s’adresser directement à
Ziggy, comme si elle n’existait absolument pas.

Ce personnage est très riche émotionnellement parlant et il est même arrivé à des
interprètes de craquer nerveusement en jouant ce rôle. Effectivement, Maurane, qui a
incarné Marie-Jeanne en 1988/89, n’a pas su terminer la saison. Enchaînant des
enregistrements en studio pour son album solo la nuit après les représentations de
Starmania et se couchant alors aux petites heures pour recommencer le soir même, elle
n’a pas su faire face à la dure tâche d’endosser le rôle de quelqu’un qui n’était pas elle
et qui était quasi constamment malheureuse. Elle a d’ailleurs écrit une chanson intitulée
Qui es-tu, Marie-Jeanne ?15 à propos de ce personnage qu’elle avait interprété, chanson
dans laquelle elle exprime ce qu’elle ressentait au moment où elle montait sur scène en
endossant le rôle de la serveuse automate.

En somme, Marie-Jeanne est peut-être le personnage le plus raisonné de cette


histoire, même si ce n’est pas le plus heureux, si d’abord l’un d’entre eux peut se vanter
de l’être. Il est vrai qu’elle ne fait pas grand-chose pour se sortir de sa situation, mais
elle semble avoir compris tout de même que ce n’est pas en utilisant la force ou le
pouvoir que l’on peut être heureux. Alors, comment l’être ? Pour elle, peut-être en se
laissant mourir. « J’ai la tête qui éclate, j’voudrais seulement dormir, m’étendre sur
l’asphalte et me laisser mourir »16. La conclusion finale de l’opéra-rock n’est que le
reflet d’une pensée négative de Marie-Jeanne, traduisant très clairement son état d’esprit
et celui de beaucoup de personnes n’ayant plus guère d’illusions dans la vie.

Zéro Janvier

Zéro Janvier, le célèbre constructeur de gratte-ciel, est l’homme le plus riche du


monde. Mais cela ne lui suffit pas : il a soif de pouvoir. Il se lance alors dans la

15
Annexe 2
16
Annexe 1, acte 2, chanson n° 44

33
campagne électorale qui élira le Président de l’Occident. Il crée ainsi son propre parti, le
PPPP (Parti Pris Pour le Progrès). Son programme est très simple : rétablir l’ordre dans
Monopolis, capitale de l’Occident, par n’importe quels moyens. Un totalitarisme pur
anime ses pensées pour conquérir ce poste. Ce qui lui vaut, bien sûr, de se faire détester
par Johnny Rockfort, le chef des Etoiles Noires, bientôt rejoint par Cristal, le sourire de
Télé-Capitale, animatrice de l’émission Starmania.

Ce businessman est le prototype même de l’enfant


gâté qui veut absolument tout avoir quelle que soit la
façon de se l’approprier. Non content de posséder de
nombreuses richesses, il lui faut aussi montrer sa
supériorité en accédant au pouvoir. Rien ne semble
lui résister et ce qu’il fait miroiter à la population de
l’Occident paraît satisfaire celle-ci. Il est évident que
La campagne de Zéro Janvier ces gens n’ont plus vraiment de croyance et qu’ils
(COULLIER, 1996, 16)
voient leur avenir sous un aspect assez sombre.
Chacun fait comme son voisin. L’homme n’est plus qu’un mouton qui suit l’autre. Le
terrorisme faisant peur, il apparaît normal que voter pour quelqu’un qui le réduira au
silence est la meilleure des solutions. Tant qu’il ne faut pas trop réfléchir.

Zéro Janvier peut aussi se permettre de se payer de fréquents passages télévisés 17


(interview par Cristal, slogan et discours électoraux, publicité électorale par une actrice
très connue, débat où il est le seul candidat, retransmission en direct de son mariage…).
Sans la petite boîte à images, on peut se demander ce que serait Zéro Janvier. La
répercussion et l’impact qu’offre la télévision sont profitables à cet homme d’affaires
qui sait très bien comment jouer avec la naïveté des téléspectateurs. Son discours se
rapproche d’ailleurs très fort de certains leaders d’extrême droite. Il prône la sécurité
des villes et la fierté nationale qui doit supplanter l’aide aux pays plus démunis. Ce qui
importe, c’est la nation mère ! Peu importe que le Tiers-Monde meure de faim, tant que
la population d’Occident peut subvenir à ses besoins propres. Son Discours électoral18
en dit long sur la soi-disant démocratie qu’il prétend instaurer une fois qu’il aura accédé
17
Dans le programme du spectacle d’avril 2000, on dit que Zéro Janvier est le propriétaire d’une chaîne
de télévision mondiale, mais rien dans le livret ou dans d’autres articles consacrés à Starmania dans la
presse ne parle de ce statut.
18
Annexe 1, acte 1, chanson n° 19

34
aux pouvoirs, mais le peuple, apparemment, est derrière lui et est prêt à le suivre.
Comme quoi, la communication est importante en politique et la réalité dépasse parfois
la fiction.

La frustration de ne pas avoir accompli son rêve, à savoir celui d’être un artiste
(Le Blues du businessman), a été comblée par une envie de pouvoir. Par ailleurs,
d’autres avant lui auraient voulu être eux aussi un artiste : HITLER a tout de même raté
deux fois son examen d’entrée à l’Académie Viennoise des Beaux-Arts. Zéro Janvier
éprouverait-il quelque sympathie pour cet homme au point de baptiser sa discothèque,
située au sommet de ses bureaux de la Tour Dorée, le Naziland ?

Pour en revenir à l’aspect enfant gâté, si nous regardons la dernière version de


Starmania, nous retrouvons Zéro Janvier, lorsqu’il quitte sa Tour Dorée, habillé en
culotte courte, comme un gamin de huit ans. Le métro aérien de Monopolis est un petit
train électrique comme en demandent les enfants à saint Nicolas, et son bureau est une
immense tour constituée de plusieurs buildings, le tout étant téléguidé. Le rêve de
chaque enfant : avoir des jouets aussi sophistiqués.

La chanson Le Blues du Businessman est un très beau résumé du personnage.


Voici ce qu’en dit Michel PASCAL, l’un des interprètes de Zéro Janvier pendant plus de
huit cent cinquante représentations entre 1989 et 1997 (et ce n’est pas fini puisqu’il a
repris le rôle depuis l’an 2000).

« (…) J’ajouterais que la richesse et la justesse des mots du Blues du


Businessman racontent bien qui est vraiment Zéro Janvier. C’est
justement ce que Lewis FUREY a su exprimer et exploiter dans cette mise
en scène, le côté petit garçon de Zéro Janvier, d’un homme qui est devenu
au fond ce qu’il ne souhaitait pas être. » (LIBBERECHT & DE RIBAS,
2000, Interview Michel PASCAL).

Comment Zéro Janvier en est-il arrivé là ? On l’ignore. Tout ce qu’on peut dire,
c’est que, à l’instar de Marie-Jeanne, il ne fait pas ce qu’il aurait voulu faire. Il se
retrouve à la tête d’une richesse et du pouvoir, mais au fond de lui, il n’est pas heureux.

35
Il aurait voulu être un artiste. Mais il n’y est pas parvenu et se contente donc de combler
ce manque d’une autre manière.

Claude LELOUCH avait compris aussi Le Blues du Businessman dans ce sens-là


dans le film Itinéraire d’un enfant gâté. Effectivement, la chanson colle parfaitement au
personnage interprété par Jean-Paul BELMONDO, Sam Lion, cet homme d’affaires, ayant
travaillé dans un cirque, et réussi dans la vie en montant une grosse boîte d’appareils
ménagers, qui plaque tout et part enfin à la recherche de lui-même, en réalisant ses
fantasmes. Le réalisateur présente la chanson au milieu du film, mêlant des images de
cirque et de safari, bref le monde de Sam Lion.

En allant plus loin, nous pouvons ajouter que Zéro Janvier ne croit pas trop en
lui, à sa situation. En effet, quand Cristal lui demande quel conseil il pourrait donner « à
tous les jeunes qui rêvent de réussir », il répond du tac au tac : « Croyez-en vous, c’est
tout ce que j’ai à leur dire »19. Et juste après, il entame son blues, prouvant bien qu’au
fond de lui-même, il n’a pas cru en lui et s’est menti en se construisant son empire.

Zéro Janvier est aussi quelqu’un de très opportuniste, surtout lors des élections.
Il n’hésite pas à se servir de l’actrice Stella Spotlight, sex-symbol bien présente dans la
tête de millions d’individus, pour se frayer une voie plus rapide vers la victoire. Il
profite de la popularité de celle-ci pour se faire bien voir par ceux qui n’auraient pas
encore eu l’idée de voter pour lui. Tous les moyens sont bons. Ils se marient, mais est-ce
de l’amour ? Il voit sûrement en elle le moyen de s’attirer un nouvel électorat, celui
comprenant les fans de la comédienne. Mais une fois arrivé au pouvoir, Zéro se
retrouvera tout seul, Stella ayant préféré chercher le chemin vers l’immortalité. Une fois
qu’un enfant gâté a cassé tous ses jouets, il n’a plus rien.

Nous verrons aussi plus loin, avec le personnage de Sadia, que Zéro Janvier
n’est peut-être pas entièrement étranger à ce qui se passe dans la cité au point de vue
terrorisme. Serait-il lui-même l’instigateur de tout ce chahut, de cette violence pour,
plus tard, pouvoir calmer les Etoiles Noires et s’attirer ainsi les regards bienveillants de

19

Annexe 1, acte 1, chanson n° 8

36
la population de Monopolis ? Et, pourquoi pas, en profiter pour récolter quelques voix
supplémentaires. C’est toujours ça de pris, avant de gagner les élections.

Johnny Rockfort

Comme la plupart des personnages de Starmania, Johnny Rockfort se présente à


travers une chanson, en l’occurrence Banlieue Nord 20. On apprend donc qu’il y est né et
que s’il est considéré comme un zonard, il ne l’a pas choisi. C’est un jeune des
banlieues, qui vit et dort dans la rue. Son seul refuge est l’Underground Café où il
retrouve ses « amis », d’autres jeunes se trouvant dans la même situation que lui. Leurs
activités consistent à faire régner la terreur autour d’eux, à casser des voitures, à
commettre des attentats, à ébranler le pouvoir en cette période électorale21. Cette bande
de voyous, créée et dirigée par Sadia, secondée par Johnny Rockfort, a pour nom Les
Etoiles Noires.

Johnny Rockfort est le portrait même d’une jeunesse qui a perdu tous ses
repères, qui ne sait pas d’où elle vient ni où elle va. « J’ai pas d’passé, j’ai pas
d’avenir »22, déclare-t-il lui-même en se présentant. La politique ne l’intéresse
absolument pas, mais il pense avoir compris que c’est en commettant des actes
criminels et en tentant de déstabiliser Zéro Janvier qu’on parlera enfin de lui et qu’il
sera reconnu. De petite bande de voyous, lui et ses copains deviennent un gang organisé
opérant sur une plus grande échelle sous l’impulsion de Sadia. Johnny devient alors le
chef des Etoiles Noires avec, dans l’ombre, cette énigmatique fille. Tout seul, il ne serait
jamais devenu leader d’un groupe aussi important de hors-la-loi. D’ailleurs, était-ce
vraiment ce qu’il cherchait à devenir ? Johnny Rockfort est un être fort influençable qui
change sa manière de voir le monde selon qu’il est avec telle ou telle personne. Cela est
très perceptible lorsque la présentatrice de Télé-Capitale, Cristal, vient l’interviewer.
C’est le coup de foudre. Après être tombé amoureux d’elle, il n’hésite pas à la suivre,
délaissant ainsi Sadia.

20
Annexe 1, acte 1, chanson n° 17
21
Annexe 1, acte 1, chanson n° 4
22
Annexe 1, acte 1, chanson n° 17

37
Johnny n’est donc, apparemment, pas capable de penser par lui-même ou de
prendre des décisions seul. Il a toujours besoin d’avoir quelqu’un à ses côtés qui lui
dicte quelle position prendre ou quelle action opérer. Son manque de repères familiaux
et son manque d’identité se reflètent dans sa vie de tous les jours. C’est en fait un leader
qui suit. Il est le chef, mais manipulé par un autre, ou plutôt une autre. Les actes qu’il
pose ne sont pas vraiment les siens ou, du moins, ils ne sont pas à l’image de ce qu’il
est, si, bien sûr, il arrive à s’en donner une. S’il agit de la sorte, c’est pour essayer de
sortir du lot, d’attirer l’attention sur lui, comme s’il éprouvait le besoin de se faire
aimer, ne l’ayant pas été lors de son enfance. Enfance dont on ne sait rien, à part que
son père était alcoolique et que sa mère, suite à cela, est devenue folle. Marie-Jeanne le
dit très bien, d’ailleurs : « Au fond, Johnny n’avait qu’une envie, c’était de faire parler
de lui »23. Et pour lui, justement, tous les moyens sont bons, peu importent les raisons. Il
pose ses actes, mais sans se soucier des conséquences réelles que ceux-ci peuvent avoir.
Il agit pour lui-même, et non au nom d’une quelconque idéologie. « Moi j’fais pas ça
pour des idées ».24

Mais sous ses airs de brute, Johnny cache un cœur d’or. Sa rencontre avec
Cristal lui remet les idées en place, c’est le coup de foudre immédiat, l’ange qu’il
attendait, qu’il a toujours rêvé de rencontrer. A partir de ce moment-là, le chef des
Etoiles Noires est plus réfléchi, il ne fonce plus comme avant, car il a peur pour Cristal.
Pour une fois qu’il a trouvé quelque chose, ou plutôt quelqu’un, qui donne enfin un sens
à sa vie, ça lui ferait mal de la laisser filer entre ses doigts ou qu’il ne lui arrive un
malheur. Mais celle-ci s’en rend bien compte : « Depuis que je suis avec toi, j’ai
l’impression que tu recules »25. Cristal aime également Johnny, mais elle veut plus que
ça. Elle tient à être à ses côtés pour lutter contre le soi-disant démocrate en lice pour les
élections. Il est évident que Johnny ne veut pas perdre le trésor qu’il vient de découvrir
et se fait du souci pour la vedette de la télévision, mais toujours par amour pour elle, il
décidera tout de même d’agir. Ensemble, ils tenteront de détruire la Tour Dorée de Zéro
Janvier, ce qui conduira Cristal à sa perte.

On sent donc bien une différence dans le personnage de Johnny Rockfort entre
les deux actes de l’opéra-rock. Dans le premier, Johnny commet des attentats
23
Annexe 1, acte 1, chanson n° 6
24
Annexe 1, acte 1, chanson n° 6
25
Annexe 1, acte 2, chanson n° 34

38
simplement pour faire parler de lui, sous l’impulsion de Sadia. Il agit quasiment pour
son propre compte en se fichant pas mal des conséquences de ses actes. Par contre, dans
le deuxième acte, ce n’est plus Sadia qui réfléchit, mais Cristal. La gentille petite fille
sage manipule aussi, sans doute malgré elle, Johnny Rockfort afin d’afficher ses idées
politiques. Lui, aveuglé par l’amour qu’il lui porte, la suit et exécute, même s’il
voudrait, au fond de lui, oublier ce présent pour construire un plus bel avenir pour eux
deux. Malheureusement, encore une fois, cette histoire d’amour se déchire. La passion
de Johnny Rockfort pour Cristal entraînera la mort de celle-ci et sa propre perte.

Totalitarisme de Zéro Janvier contre terrorisme de Johnny Rockfort. Deux forces


vives qui s’opposent et se déclarent la guerre. La première l’emporte sur la deuxième.
Mais dans le cas contraire, que se serait-il passé ? Chacune des deux situations
comporte un danger certain pour le monde. Faut-il plaindre Johnny Rockfort ? Nous
devrions plutôt nous interroger sur ce qui a bien pu le mener à ce qu’il est devenu, c’est-
à-dire un jeune qui a grandi dans un milieu peu propice à l’épanouissement de soi, où la
violence ne fait qu’engendrer la violence et où l’avenir reste sombre et indéfinissable.
Mais dans un monde pareil à celui décrit dans Starmania, où la solitude a pris les
devants et la solidarité a laissé sa place au chacun pour soi, l’avenir est-il brillant pour
quelqu’un ?

Stella Spotlight

Après avoir mené une carrière parsemée de succès au cinéma, l’actrice Stella
Spotlight, sentant son déclin se profiler à l’horizon, décide de se retirer et d’écrire ses
mémoires après avoir tourné son dernier film qu’elle a voulu autobiographique. C’est
alors qu’elle reçoit un télégramme de Zéro Janvier, l’invitant à ses côtés pour illuminer
sa carrière professionnelle et surtout, si nous lisons cette lettre entre les lignes, pour
s’attirer un nouvel électorat. Naïvement ou consciemment, Stella accepte et se retrouve
ainsi auprès du futur président de l’Occident, qu’elle épousera le soir même des
élections.

La première question que nous pouvons nous poser vis-à-vis de Stella Spotlight
est la suivante : pourquoi décide-t-elle de quitter les feux des projecteurs de cinéma pour

39
se retrouver éclairée par d’autres, à savoir ceux de la politique, alors qu’elle voulait en
finir, apparemment, avec cette vie médiatique ? Peut-être veut-elle changer son image
de marque pour ne plus qu’on la voie seulement comme une actrice qui récite un texte et
joue un personnage sous les ordres d’un metteur en scène, mais comme quelqu’un qui a
quelque chose à dire ? Ou bien rêve-t-elle également de pouvoir et trouve-t-elle en Zéro
Janvier l’occasion de réaliser ses envies ?

Stella Spotlight est une femme en quête de l’immortalité. Les rôles qu’elle a
interprétés sur grand écran, « en technicolor »26, sont, pour elle, une possibilité
d’accéder à ce statut. Si elle laisse derrière elle des images sur pellicule, les générations
futures se souviendront peut-être un peu d’elle. Elle deviendra un mythe dont tout le
monde parlera en termes prestigieux et élogieux. Mais rien n’est moins sûr,
évidemment. Déjà maintenant, personne ne la
reconnaît dans la rue dès qu’elle enlève son
maquillage et qu’elle redevient madame tout le
monde, alors, dans dix ans, que sera-t-elle devenue ?
Déjà maintenant, sa carrière n’est plus aussi
prometteuse qu’elle l’a été auparavant. Si elle se
maquille, c’est sûrement pour cacher les traces des
cernes qu’elle porte. La fatigue, l’alcool, la
drogue… Tout n’est pas bon à montrer au public.

Aussi voit-elle l’occasion, grâce à Zéro


Janvier, de tenter une conversion en tant qu’épouse
d’homme politique et d’accéder ainsi à un nouveau Stella Spotlight fait ses adieux
(LIBBERECHT & DE RIBAS, 2000,
statut qui lui permettra de rester dans les mémoires Galeries)
de tout un chacun. On peut voir le cas également
dans la vie réelle aux Etats-Unis, avec Hillary C LINTON, qui est presque aussi célèbre
que son président de mari. N’entendons-nous d’ailleurs pas parfois dire que c’est elle
qui porte la culotte ? Stella Spotlight n’est pas amoureuse du constructeur de gratte-ciel.
On le voit très clairement dans la version de 1978, où elle rend visite au Gourou
Marabout, l’ennemi politique de Zéro Janvier, afin de suivre des thérapies de groupe.
L’opportunisme ne la dérange pas du tout, pourvu qu’on parle d’elle et qu’elle ne soit
26
Annexe 1, acte 2, chanson n° 25

40
pas oubliée de sitôt. Tiens, elle aussi… L’image de marque est très importante pour elle,
peu importe l’étiquette.

Elle n’est pas amoureuse, nous l’avons déjà dit, c’est sûr, mais Zéro Janvier non
plus. La chanson Ego Trip est une excellente preuve de cet égoïsme, de ce chacun pour
soi. Chacun se sert de l’autre pour arriver à ses fins, tous les coups sont permis. Et si
Zéro demande Stella en mariage, c’est tout simplement parce qu’il a peur qu’elle ne lui
échappe et donc de voir sa carrière détruite du jour au lendemain, faute d’électeurs
potentiels. L’actrice est un atout sûr pour lui et la voir s’envoler vers d’autres horizons à
la veille des élections ne plairait pas à tous ses fans. D’où l’intérêt de la garder près de
soi le plus longtemps possible, peu importe la manière et les sentiments qui, dans ce cas,
n’entrent sûrement pas en ligne de compte. Pour le reste, on verra bien après. « Moi,
j’suis avec toi parce que tu m’fais du bien, toi tu t’sers de moi pour arriver à tes fins »27
déclare Stella Spotlight à Zéro Janvier, toujours dans la chanson Ego Trip. Sa position
est claire : Zéro Janvier peut lui donner tout ce qu’elle veut, matériellement parlant, et
elle ne s’en prive apparemment pas. Le prix à payer ? Une simple figuration au côté de
l’homme d’affaires politicien à quelques soirées de gala, des cocktails ou autres
concerts de charité, en un mot, tout ce qui pourra le faire bien voir par ses concitoyens.
« Dans la vie, on fait ce qu’on peut, pas ce qu’on veut… »28.

Mais malgré le fait qu’elle peut disposer de tout ce qu’elle souhaite, Stella
n’approuve pas la politique de Zéro Janvier et n’hésite pas à le quitter juste après leur
mariage et l’élection de celui-ci au poste de président. Comme elle le dit, c’est très bien
d’être sous les feux des projecteurs, mais quand personne n’est là pour vous regarder,
vous admirer ou tout simplement être là avec vous, à vos côtés, on y est bien seul. La
chaleur artificielle des éclairages de spectacle ne remplace pas la chaleur humaine. Le
miroir de Stella ne lui a reflété qu’une image, l’image d’une femme qui a « rêvé d’être
immortellement belle »29. Et après avoir flirté avec la gloire, le succès et les
acclamations du public, elle décide d’aller voir enfin ce qui se passe derrière ce miroir.
Toutes les suggestions d’analyse sont les bienvenues à travers ce message. On peut
d’abord penser qu’elle décide de se retirer complètement de la vie publique, de s’exiler
dans un endroit où personne ne la reconnaîtra et où on la laissera enfin tranquille. Et
27
Annexe 1, acte 2, chanson n° 33
28
Extrait du Blues du businessman dans les versions antérieures à celle de 1993
29
Annexe 1, acte 2, chanson n° 42

41
enfin, peut-être, elle s’épanouira et profitera de toutes ces petites choses dont elle avait
oublié l’existence. Ou encore, elle va sombrer dans une profonde déprime, s’adonner de
plus belle à sa drogue favorite qu’est l’alcool. Autre possibilité que ces quelques
phrases peuvent laisser entrevoir, Stella Spotlight va trouver le chemin vers
l’immortalité dans le suicide. Rien n’est dit, mais tout peut le laisser croire, la mort étant
un des thèmes sous-jacents du livret.

Sadia

Le cerveau des Etoiles Noires est une femme. Enfin, tout porte à le croire.
Femme ? Homme ? Elle se présente comme étant un travesti, mais à part la chanson du
même titre30 dans laquelle elle prévient qu’il faut se méfier d’elle car elle n’est pas ce
que l’on pourrait penser : « N’m’app’lez pas Madame sans savoir qui je suis, je n’suis
pas une femme, je suis un travesti »31, à aucun autre moment il n’est mentionné une
quelconque allusion à son statut d’homme. Marie-Jeanne dit même d’elle que c’est
« une révolutionnaire, une fille à papa (…) elle sort de l’université »32. Apparemment, si
c’est réellement un travesti, tout le monde l’ignore. Il est clair que Sadia a une
personnalité très virile, bien qu’elle délègue tout à Johnny Rockfort. Le chef des Etoiles
Noires, c’est Johnny, mais derrière lui, Sadia prépare tout. C’est même elle qui est à
l’origine du groupe terroriste et qui organise les activités. Elle se cache derrière Johnny
Rockfort, mais c’est elle qui tient tout en main.

Lorsque Lewis FUREY a mis Starmania en scène en 1993, il recherchait un


homme pour le rôle de Sadia. Mais pour finir, après avoir auditionné plusieurs
interprètes masculins, son choix s’est porté sur Jasmine ROY, une femme qui, selon lui,
pouvait endosser le rôle grâce à son caractère masculin.

« C’est simple, Lewis FUREY cherchait un garçon. (…) J’ai auditionné


pour Luc [PLAMONDON] et après j’ai rencontré Lewis qui voulait un
garçon, même s’il me trouvait très bonne. Donc, je suis partie en Bosnie

30
Annexe 1, acte 1, chanson n° 5
31
Annexe 1, acte 1, chanson n° 5
32
Annexe 1, acte 1, chanson n° 4

42
chanter pour les casques bleus et on m’a rappelé là bas pour me dire
qu’ils voulaient me revoir en audition. Et ils m’ont entendu et puis,
finalement, ils ont trouvé que je pouvais faire l’affaire en tant que
garçon. » (LIBBERECHT & DE RIBAS, 2000, Interview Jasmine ROY).

Depuis, Jasmine ROY a joué en permanence tous les rôles de l’opéra-rock en tant
que doublure et aucun homme n’a encore interprété le rôle du travesti. Verra-t-on un
jour cette idée de mise en scène réalisée ?

Revenons à présent au personnage de Sadia. Comme nous l’avons déjà souligné,


Sadia se sert de Johnny Rockfort pour agir et poser des actes terroristes. Johnny est à ses
ordres, c’est lui qui est au devant de la scène. Mais dans l’ombre, Sadia tire les ficelles.
C’est une des caractéristiques de nombreux clans ou groupes terroristes que nous
montre également le cinéma. Le cerveau se tient à l’écart et délègue les responsabilités à
quelqu’un qui sait rassembler des troupes grâce à son charisme. Nous pouvons citer, par
exemple, le film American History X, où l’on voit un jeune skinhead chef d’un
groupement local de jeunes néo-nazis, ayant pour « supérieur » un homme d’une
cinquantaine d’années qui ne tient pas à trop se montrer au grand jour, mais qui est
réellement celui qui prend des décisions et mène discrètement sa petite troupe tout en
restant dans l’ombre.

C’est d’ailleurs sur une initiative de Sadia que Johnny Rockfort se fait
interviewer par Cristal. Lui n’en a pas eu l’idée. Mais Sadia se dit que c’est une manière
de faire parler des Etoiles Noires et qu’elles soient connues par le grand public, afin que
celui-ci mette un visage sur ce gang. Encore une fois, c’est celui de Johnny que les
téléspectateurs verront, pas celui de Sadia. Elle est là, derrière, contrôlant tout, mais elle
ne dit rien et son influence sur Johnny est forte assez pour le laisser parler au nom des
Etoiles Noires. Malheureusement pour elle, elle n’avait jamais pensé qu’une autre
pourrait prendre sa place. Effectivement, Johnny trouve en Cristal ce que Sadia n’avait
jamais pu lui offrir, c’est l’amour. Et à partir du moment de la rencontre entre la
présentatrice et le zonard, Sadia aura du mal à retrouver sa place. Cristal lui vole la
vedette et prend de plus en plus d’importance au sein des Etoiles Noires et dans le cœur
de Johnny. Une rivalité va donc opposer les deux « femmes » et Johnny aura à choisir
entre les deux. Comme dans beaucoup de cas, le cœur l’emporte et il remerciera Sadia.

43
Johnny décide de prendre les commandes, ce qui ne plaît pas à notre travesti : « Oui,
mais si moi, j’ai pas envie de jouer les seconds violons » « Alors, personne ne te retient,
tu fais ce que tu veux »33.

Son ego supportant très mal cette remarque, Sadia se retire, mais pas sans une
certaine amertume. En effet, elle rejoint alors les rangs adverses et va dénoncer Cristal
et Johnny Rockfort à Zéro Janvier qui, jusque là, était vraisemblablement son ennemi
juré. Vraisemblablement, car quand Ziggy rejoint Marie-Jeanne pour la dernière fois à
l’Underground Café pour lui annoncer son départ, il déclare : « Sadia travaille pour
Zéro Janvier »34. En effet, c’est elle la gérante du Naziland, la discothèque dont le
propriétaire n’est autre que… Zéro Janvier. Tiens, justement, on en parlait. Travesti,
disait-elle. Elle cachait bien son petit jeu, se glissant parmi les « méchants », mais ayant
derrière elle celui qui veut résorber la violence dans la ville. Quoi de plus facile de faire
disparaître quelque chose que l’on maîtrise ?

Depuis quand est-elle au service de Zéro Janvier ? Est-ce lui qui, en catimini,
donne ses ordres à Sadia pour faire régner la peur dans Monopolis pour assurer sa place
aux élections en combattant ceux qui causent du tort à la population ? Cette simple
phrase de Ziggy nous permet de remettre en question beaucoup de choses par rapport à
Sadia. D’ailleurs, rien ne nous confirme davantage sa situation par rapport au
businessman, ni avant, ni après. Même leur petite entrevue au Naziland, le soir du
mariage de Zéro avec Stella, lorsque les Etoiles Noires se préparent à faire sauter la
Tour Dorée, ne nous dévoile rien de plus sur leur relation, aussi ambiguë soit-elle.

Dans un cas comme dans l’autre, nous pouvons nous demander si Sadia croit
réellement en ses opinions, si toutefois elle en a. Si nous prenons en considération
qu’elle ne collabore pas depuis le début avec Zéro Janvier, nous pouvons nous
demander comment elle peut passer d’un extrême à l’autre sur un simple coup de tête. Il
est clair qu’elle n’a sûrement pas remis en question tout ce qu’elle avait accompli en
tant que cerveau des Etoiles Noires et que c’est purement par jalousie et rancœur qu’elle
décide d’en finir avec ceux qui étaient ses coéquipiers. Voyant qu’elle n’a plus
d’emprise sur Johnny et qu’elle ne veut pas perdre, elle se range du côté de celui qui,

33
Annexe 1, acte 2, chanson n° 28
34
Annexe 1, acte 2, chanson n° 37

44
grâce à elle, gagnera. Pour elle, peu importe le visage du vainqueur, pourvu qu’elle soit
avec lui. Mais peut-on réellement parler de gagnant dans ce genre de combat ? Qui est
vraiment du bon côté, s’il en existe un. La question reste, une fois encore, ouverte.

Sadia est, comme Zéro Janvier, quelqu’un de très opportuniste et qui n’hésite
pas à retourner sa veste, surtout si le vent souffle dans le mauvais sens. C’est un
personnage qui déteste perdre et qui préfère signer un pacte avec le diable plutôt que de
se trouver à l’arrière plan, de jouer les seconds violons. A partir du moment où elle sent
que son pouvoir n’a plus d’impact sur celui à travers qui elle désirait réaliser ses rêves
de conquête et de destruction, elle laisse tout tomber et essaie ailleurs, en l’occurrence
chez celui qu’elle combattait au début. Un traître se cache sous son maquillage de
travesti. Et à ce moment-là, nous comprenons que sa collaboration avec le constructeur
de gratte-ciel ne date peut-être pas d’hier. Ce personnage équivoque est très bien résumé
en un seul mot : Travesti.

Ziggy

Un enfant de la pollution35 qui, pour Marie-Jeanne, est Un garçon pas comme


les autres36. Voici, en deux titres de chansons, résumé le statut de Ziggy, un jeune
homosexuel, plus ou moins bien dans sa peau, qui rêve de devenir chanteur de rock 37. Il
vend des disques dans une boutique, non loin de l’Underground Café où il y retrouve la
serveuse automate tous les soirs pour l’emmener danser. On apprend que Ziggy a vécu
une enfance durant laquelle il était chouchouté par sa mère et, au lieu de pratiquer un
sport comme les autres jeunes de son âge, il prenait des cours de ballet pour pouvoir
plus tard interpréter le rôle du Prince Charmant dans La Belle au Bois Dormant. Tout
cela, bien sûr, selon les désirs de sa mère. Il eut la révélation de sa vie le jour où, en
échangeant un coffret de l’intégrale de TCHAÏKOVSKI chez le disquaire, il découvrit
David BOWIE. Il va même changer son nom pour rendre hommage à son idole et se
rebaptise Ziggy. Petite parenthèse consacrée à David BOWIE et son personnage de
Ziggy.

35
Annexe 1, acte 1, chanson n° 12
36
Annexe 1, acte 1, chanson n° 11
37
Chanteur de rock depuis 1993, mais danseur en 1978 et batteur en 1988

45
En 1972, David BOWIE sort un album
intitulé : The rise and fall of Ziggy Stardust and
the Spiders from Mars. L’album raconte l’histoire
d’un alien rockstar appelé Ziggy Stardust et qui
devient célèbre sur Terre les cinq dernières années
de son existence, avant de se suicider, victime de
son propre succès. Pendant quelques années,
David BOWIE et Ziggy Stardust ne formaient plus
Frank SHERBOURNE en Ziggy
qu’un. Le chanteur se présentait sur scène affublé
(LIBBERECHT & DE RIBAS,
de ce pseudonyme et son personnage lui montait à 2000, Galeries)

la tête. Il a été très difficile pour lui de s’en défaire.


Le nom de Ziggy vient tout simplement du
magasin d’un tailleur (Ziggy’s) que David B OWIE
aperçut un jour en passant en train. Cela pourrait être aussi un dérivé d’Iggy (Iggy POP),
dont BOWIE était fan. Et Stardust a été repris à un chanteur américain de country,
Norman CARL ODOM, qui se faisait appeler sur scène « The Legendary Stardust
Cowboy ». Ce dernier était sous le label Mercury en 1969, en même temps que David
BOWIE. (ANON., 2000) Mais revenons à notre Ziggy…

Ziggy est un garçon moderne, pour ainsi dire. Il dit lui-même que c’est « un
agent de consommation »38 qui ne pourrait pas vivre ailleurs qu’en ville, au milieu de la
pollution des voitures. Il achète toutes les nouveautés, qu’elles soient utiles ou non, et
semble vivre à son aise, sans trop de difficultés financières, malgré le fait qu’il ne soit
que disquaire. La vie qu’il nous décrit, sa vie, donc, le fait paraître un peu égoïste, à
l’image des habitants de Monopolis : le chacun pour soi, le petit confort. D’ailleurs,
c’est pour ses intérêts personnels qu’il cassera le fil de l’amitié qui le relie à Marie-
Jeanne. Mais nous en reparlerons plus tard.

Comme nous l’avons déjà dit précédemment, Marie-Jeanne aime Ziggy, même
si elle sait que lui, il ne l’aimera jamais. Le look qu’il adopte, surtout dans la dernière
version de Starmania, affiche clairement son côté androgyne, surtout depuis qu’il est

38
Annexe 1, acte 1, chanson n° 12

46
coiffé d’une perruque à la Boy GEORGE39. Il ne cache pas son homosexualité, se rendant
dans des « soirées très très gaies »40 et Marie-Jeanne sait à quoi s’en tenir. Mais elle est
quand même pour lui une personne qui compte énormément. Il passe le plus clair de son
temps à l’Underground Café, dès qu’il a fini de travailler, et reste avec elle. Il n’hésite
pas à lui parler de ce qu’il ressent, de sa vie, de son enfance et des relations avec sa
mère. Son rêve est de passer à Starmania, l’émission présentée par Cristal qui laisse leur
chance à des jeunes de devenir star d’un soir. Mais les Etoiles Noires, et surtout Johnny
Rockfort et Sadia, vont l’en empêcher et c’est le chef de la bande qui passera sur les
écrans.

Ziggy n’est, somme toute, qu’un personnage secondaire. Il n’intervient jamais


dans les actions proprement dites et ne fait qu’accompagner Marie-Jeanne. D’ailleurs,
dans la première version, en 1978, il n’apparaît que très rarement, ça et là. Au fur et à
mesure des années, son personnage s’est étoffé et le parolier lui a donné de plus en plus
de consistance. Sa relation avec Marie-Jeanne est plus claire, même si elle reste
ambiguë, et son départ est, à présent, justifié. En effet, il est engagé dans la discothèque
de Zéro Janvier, le Naziland, par l’entremise de Sadia, alors, qu’en 1978, il
disparaissait, sans demander son reste. Son envie d’être connu passe avant son amitié
avec Marie-Jeanne : il devient LE disc-jockey numéro un de Monopolis. Il renonce à
son emploi de disquaire et à la serveuse automate pour, il espère, devenir célèbre.
Puisqu’il n’a pas pu passer dans l’émission Starmania, il sera connu d’une autre façon.
Sa passion pour la musique passe avant tout, c’est sa priorité principale, même s’il doit,
pour y arriver, se défaire de son amie. Plus question à présent de l’emmener tous les
soirs pour aller danser puisque dès maintenant, c’est lui qui fera danser tout le monde.
Et même si elle savait qu’ils s’étaient trompés d’histoire, Marie-Jeanne doit se faire à
cette évidence et l’accepter.

Cristal

Issue des beaux quartiers, Cristal est la présentatrice vedette de Télé Capitale où
elle anime une émission, Starmania, dans laquelle elle reçoit tantôt des personnalités

39
Depuis septembre 99
40
Annexe 1, acte 1, chanson n° 11

47
célèbres (notamment Zéro Janvier et Stella Spotlight), tantôt des jeunes qui viennent
tenter leur chance au petit écran afin d’être, pour un soir au moins, une star. Cristal
mène la belle vie, son émission cartonne en tête des sondages et rien ne l’en détrônera.
C’est d’ailleurs elle que Sadia décide de contacter dans le but de faire découvrir Johnny
Rockfort au monde entier afin que celui-ci mette un visage sur un nom. Télévision égale
passage obligé pour se faire connaître. Apparemment, Télé Capitale et plus précisément
l’émission Starmania sont des plateaux très prisés, à croire qu’aucune autre chaîne
n’émet dans Monopolis. L’Underground Café est constamment branché sur cette
télévision et c’est par ce biais-là que l’histoire nous est contée.

La vie de Cristal va être bousculée par sa rencontre avec Johnny Rockfort. A la


suite de l’interview de celui-ci, les Etoiles Noires capturent la journaliste et l’emmènent
avec eux. Après coup, Cristal s’éprend de passion pour Johnny Rockfort et rejoint ses
idées et ses actes terroristes. La petite fille en rose change de couleur et devient Etoile
Noire à son tour. Cette anecdote est basée sur un événement réel qui s’est déroulé aux
Etats-Unis. Voici ce qu’en dit Luc PLAMONDON, en parlant de Michel BERGER :

« Il a voulu s’inspirer du terrorisme de l’époque, particulièrement de


l’affaire Patricia HEARST, aux Etats-Unis : l’enlèvement en 1974 de la fille
d’un magnat de la presse par un groupe d’extrême gauche et sa
conversion aux pratiques de ses ravisseurs. » (Impact Campus, 01/09/95)

Le 4 février 1974, Patricia CAMPBELL HEARST se fait enlever par un groupe


terroriste, The Symbionese Liberation Army (SLA). Par après, la jeune fille est
formellement identifiée accompagnant les membres du SLA lors de différents attentats
et attaques. Elle envoie même des communiqués aux médias qu’elle signe du prénom
Tania. Elle a adhéré entièrement aux pratiques du groupe. A sa libération, suite à une
attaque policière, elle dira avoir été droguée et menacée de mort si elle n’entrait pas
dans le clan. Elle fut ensuite pardonnée et déclarée innocente. (ZODIAC, 2000) (ABC
News Internet Venture, 1999)

Mis à part que Cristal ne fut pas droguée et qu’elle meurt, la trame reste la
même. Luc PLAMONDON dit avoir voulu s’éloigner du récit original, mais il faut bien
reconnaître que la ressemblance est frappante. De plus, le prénom Tania a une

48
consonance assez directe avec celui de Sadia, le cerveau des Etoiles Noires. La fille du
magnat de la presse est remplacée par un personnage travaillant directement dans ce
milieu. Cristal représente à elle toute seule le monde de la télévision : elle est à la fois
présentatrice de variétés, de talk show et même journaliste. De plus, si nous nous
penchons un peu plus sur les buts du SLA, nous pouvons nous rendre compte que ceux-
ci sont justement le contraire de ce que prône Zéro Janvier, à savoir la destruction du
monde capitaliste et son système de valeurs, la liberté et l’égalité pour tous les êtres
humains, quelle que soit leur race.

« THE GOALS OF THE SYMBIONESE LIBERATION ARMY.


- To unite all oppressed people into a fighting force and to destroy the
system of the capitalist state and all its value systems. To create in its
place a system and sovereign nations that are in the total interest of all its
races and people, based on the true affirmation of life, love, trust, and
honesty, freedom and equality that is truly for all.
- To assure the rights of all people to self determination and the rights to
build their own nation and government, with representatives that have
shown through their actions to be in the interest of their people. To give
the right to all people to select and elect their own representatives and
governments by direct vote. (…) » (ZODIAC, 2000)

Si l’on peut comparer les Etoiles Noires aux membres du SLA, nous voyons que
leurs actions tendent vers les mêmes buts finaux et que l’extermination de politiciens
tels que Zéro Janvier est une solution plus qu’envisageable afin de créer ce qui serait
pour eux le monde idéal, où les individus seraient enfin libres de toute autorité. Mais
comme nous l’avons déjà souligné plus haut, quel est l’extrême qui répondrait aux
besoins de chacun sans nuire à personne ? Peut-être faut-il aller chercher ailleurs.

Cristal a, apparemment, vécu une enfance plus qu’heureuse. « Moi je suis née du
41
beau côté des choses, longtemps je suis restée la petite fille en rose. » Mais cette vie
ne lui plaisait pas. Elle a décidé de tout plaquer pour aller vivre la sienne. Et même si le
milieu dont elle provient est l’opposé de celui de Johnny Rockfort, c’est le coup de
foudre entre les deux. Les contraires s’assemblent et ne forment plus qu’un. A partir de
41
Annexe 1, acte 1, chanson n° 21

49
ce moment-là, elle devient franchement révolutionnaire, même plus que le chef des
Etoiles Noires. Lui a peur qu’il ne lui arrive quelque chose, mais elle veut aller plus loin
que les petits attentats dans les métros. « Depuis que je suis avec toi, j’ai l’impression
que tu recules (…) Si on faisait sauter la Tour Dorée de Zéro Janvier » 42. Mais cette
détermination va causer sa perte : une bombe mal branchée explose et la tue 43.

Il est très difficile d’expliquer ce brusque virage dans la vie de Cristal. Comment
peut-on, du jour au lendemain, passer d’un côté à l’autre et risquer sa vie pour détruire
des gens que l’on côtoyait auparavant. Lorsque Zéro Janvier est son invité dans
Starmania, elle a l’air d’être "complice" avec lui, lui posant des questions sur sa vie
privée, mais pas tellement indiscrètes ni dérangeantes. Pourquoi, si elle éprouve déjà à
ce moment-là des appréhensions vis-à-vis de ce personnage, ne lui fait-elle pas subir un
vrai jeu de la vérité ? Evidemment, si l’on considère que Zéro Janvier est le propriétaire
de Télé Capitale44, chaîne sur laquelle travaille Cristal, on comprend aisément que pour
garder sa place, la présentatrice vedette n’a pas trop intérêt à taquiner son patron. Moins
elle en fait, mieux c’est. Ce serait donc alors Johnny Rockfort qui l’aurait convaincu de
rejoindre les Etoiles Noires et de combattre celui par qui le mal est arrivé.

La jeunesse de Cristal est peut-être à la base de son engouement pour les idées
nouvelles. Ne pas entrer dans la norme, voilà ce qu’elle voit à travers son engagement
avec les Etoiles Noires. Mais la maturité lui manque peut-être pour prendre un peu de
recul et faire la part des choses entre les deux forces qui opposent Johnny Rockfort et
Zéro Janvier, c’est-à-dire entre le terrorisme et le totalitarisme. L’amour rend aveugle,
aussi, alors, agit-elle par amour, par conviction ou bien encore par réaction envers un
système politique fascisant ? Que l’on choisisse l’une ou l’autre des solutions, la finalité
reste la même : la mort au bout du parcours. Mourir pour défendre sa cause, voilà qui
est bien courageux. Mais est-ce toujours utile ?

42
Annexe 1, acte 1, chanson n° 34
43
En 1988, c’était les gardes du corps de Zéro Janvier qui la tuaient lors de la pénétration des Etoiles
Noires dans la Tour Dorée.
44
« [Zéro Janvier] célèbre constructeur de buildings et propriétaire d’une chaîne de télévision mondiale
(…) » (COULLIER, 1999, 18)
44

50
Roger-Roger

Dans toute l’histoire de Starmania, voilà un personnage qui n’a pas cessé
d’évoluer, et même de se transformer. Roger-Roger n’est autre que le présentateur
attitré de Télé Capitale. Il introduit toutes les séquences de la chaîne et interviewe Zéro
Janvier lors de sa campagne électorale. Il présente également le journal télévisé, journal
qui permet, en guise d’introduction, de présenter la plupart des protagonistes de
l’histoire. A peu près tout ce qui se passe lors du spectacle est relayé par Roger-Roger.
Il remplit, un peu comme Marie-Jeanne, le rôle du narrateur, mais en gardant ses
distances vis-à-vis du public. Il relate platement, sans apporter de commentaires
personnels. Il livre l’information comme elle arrive, sans prendre la peine de l’analyser.
Peut-être une directive venue de ses supérieurs afin de pouvoir contrôler l’information
et livrer aux téléspectateurs ce qu’il est bon de savoir. Mais voyons un peu en quoi
consiste l’évolution de ce personnage.

En 1978, Roger-Roger chantait. Jusque-là, tout est normal. Les airs de ses
chansons étaient quasiment identiques, les mêmes mélodies revenaient entre les
chansons principales. En 1988, Roger-Roger ne chante plus. Non, il s’est transformé en
présentateur-rappeur. La musique qui l’accompagne est plus mécanique, teintée de
scratches comme tout bon DJ. Roger-Roger devient lui aussi mécanique dans ses
propos. Il nous livre les informations platement sur un air rap. Parfois, la machine
cafouille et notre présentateur dérape et bégaye. Même sa démarche s’accentue de
manière plus robotisée. Sa coiffure n’est qu’une fausse perruque blonde peinte, une
sorte de casque. Il est constamment perché sur sa grue, mécanisée elle aussi, d’où il
filme tout ce qu’il se passe sur son plateau. Roger-Roger est un jouet utilisé par les
instances supérieures.

Et enfin arrive, en 1993, Lewis FUREY et sa mise en scène renversante. Roger-


Roger n’est plus. Enfin, si, il est toujours présent, mais cette fois c’est un véritable robot
qui nous présente l’actualité. Non pas un homme déguisé en robot ou l’imitant, mais un
véritable robot avec toute l’électronique qui l’accompagne. Le personnage esquissé en
1988 prend véritablement forme dans cette dernière mouture. Le reste d’humanisme
dont doivent se contenter les téléspectateurs répond au nom de Cristal. A côté de cela,
tout a été mécanisé. Pas de risque que le présentateur ne dérape, on l’a entièrement en

51
main. A présent, la question est de savoir qui est vraiment derrière tout ça. Si on prend
en considération que Zéro Janvier est le patron de Télé Capitale, un petit problème se
pose au moment de son interview avec Roger-Roger, qu’il serait alors susceptible de
contrôler. Effectivement, notre petit robot lui demande : « Mais ne craignez-vous pas
que votre politique ne mène directement à la dictature ? (…) Et que comptez-vous faire
contre la pauvreté ? »45. Voilà notre businessman politicien bien embêté. D’autant plus
qu’il se mélange les pinceaux en voulant réciter de jolis poèmes 46. Nous avons donc
deux issues possibles : la première, c’est que Zéro Janvier n’est absolument pas
propriétaire de Télé Capitale et le résumé concernant le
personnage inscrit dans le programme du spectacle est faux
(à moins qu’il ne s’agisse d’une autre chaîne, mais alors, où
réside l’intérêt ?), ou bien, deuxième solution, la technique
n’est pas au point et la machine a quelques défaillances
indépendantes de la volonté des directeurs généraux, ce qui
risque d’être embêtant pour leur place.

Bref, Roger-Roger est un personnage qui, au fil des années


Roger-Roger version FUREY
(LIBBERECHT & DE RIBAS, et de l’évolution du spectacle, s’est de plus en plus
2000, Galeries)
déshumanisé au profit d’une machine. Reflet d’une époque
décrite dans le livret de l’opéra rock, époque que nous pouvons situer pas trop loin de la
nôtre. D’ailleurs, ne serait-ce pas la nôtre ?

45
Annexe 1, acte 2, chanson n° 31
46
« Je vous parle d’un monde où tout ne serait plus qu’ordre et beauté, luxe, calme et… propreté »

52
VI. Les noms utilisés

Peut-être est-il intéressant, après avoir fait le tour des personnages, de se pencher
le temps de quelques lignes sur leurs noms, ainsi que sur celui des lieux utilisés par Luc
PLAMONDON dans Starmania. Nous allons voir que, même si les appellations sont
purement fictionnelles et semblent sortir tout droit d’une bande dessinée (univers
d’ailleurs recréé par la mise en scène de Lewis FUREY), leur symbolique n’en reste
néanmoins pas inintéressante.

Le titre, déjà, de l’opéra-rock est évocateur : star, faisant référence aux stars de
cinéma, du petit écran, bref à un monde qui en fait rêver plus d’un ; et mania, de manie,
c’est-à-dire « avoir un goût excessif pour quelque chose » (Le Petit Larousse Illustré,
1988, 596), ce goût, cette envie, justement, de ne pas être simple spectateur contemplant
ces personnages en deux dimensions et de traverser cet écran pour être avec eux, de tout
faire de façon extrême, excessive pour être élevé à ce même rang, être reconnu, célèbre,
être une star qui « s’habille en technicolor »47, comme le fait Stella Spotlight, celle dont
tout le monde rêve la nuit. Stella, d’ailleurs, en latin, tout comme star en anglais, ne
veut pas dire étoile ? Si Stella Spotlight est une star, une étoile qui a brillé durant toute
sa carrière, d’autres ont eu moins de chances et brillent beaucoup moins, surtout à la
lumière des néons des souterrains de la ville. Nous parlons bien sûr ici des
Etoiles Noires parce que « dans les souterrains, les étoiles ne brillent pas fort »48
d’après Sadia. L’univers de Starmania tourne très fort autour des astres, des étoiles, de
l’univers. Le rêve de Stella Spotlight 49 fait d’ailleurs référence à tout ce qui touche de
près ou de loin aux éléments non terrestres, situés au-dessus de nos têtes : la lune sera
son diadème, la voie lactée, son voile nuptial pour ses noces transsidérales… En 1978
existait même une chanson intitulée L’air de l’extraterrestre dans laquelle un être venu
d’ailleurs critiquait les Terriens.50

« Habitants de la planète Terre


Vous n’êtes pas seuls dans le monde

47
Annexe 1, acte 2, chanson n° 25
48
Annexe 1, acte 1, chanson n° 6
49
Annexe 1, acte 2, chanson n° 42
50
Chanson n’apparaissant que sur le disque vinyle sorti en 1978

53
A cent millions d’années-lumière
Nous avons su capter vos ondes
Qu’est-ce que c’est que cette Starmania ?
Vous vous prenez pour qui, pour quoi ? »

Bien que cette chanson n’ait apparemment jamais été utilisée dans aucune mise
en scène du spectacle, Johnny Rockfort fait quand même référence à ces ondes dont
parle l’extraterrestre dans son SOS : « Je crois capter des ondes venues d’un autre
monde »51. Et, qui plus est, toujours en 1978, le même Johnny Rockfort, à la fin du
deuxième acte, partait à travers la galaxie dans un vaisseau spatial après avoir fait un
bref séjour sur terre. Mais cet univers cosmique, sidéral a été abandonné par la suite.
Seuls les noms cités plus haut et le Rêve de Stella Spotlight ont été gardés pour une mise
en scène plus "terre à terre".

L’étoile est donc un symbole omniprésent dans cet opéra rock. Même Zéro
Janvier en arbore une sur le devant de sa chemise. C’est aussi l’emblème de la chaîne de
télévision Télé Capitale. D’après CHEVALIER et GHEERBRANT, la qualité première des
étoiles est la source de lumière et « leur caractère céleste en fait aussi des symboles (…)
du conflit entre les forces spirituelles, ou de lumière, et les forces matérielles, ou des
ténèbres » (CHEVALIER & GHEERBRANT, 1982, 416). Les Etoiles Noires
représenteraient ici les ténèbres puisque venant des souterrains de la ville, par extension
des entrailles de la terre, lieu des enfers dans les mythes grecs notamment. Le
qualificatif noires est donc bien approprié à ce mouvement d’anarchistes. Non
seulement leurs actes en sont colorés, mais leur vie et leurs pensées également. S’ils se
nomment eux-mêmes étoiles, c’est peut-être une aspiration à être à un niveau plus haut
que leur situation actuelle, à ne pas vouloir être considérés comme des personnes qui
n’ont pas le droit de briller dans la vie de tous les jours. Une vie endeuillée, il est vrai,
par une oppression constante venue des hautes autorités. Dans la croyance populaire
guatémaltèque, les étoiles représentent, encore aujourd’hui, l’âme des morts. Le mode
d’existence des habitants de Monopolis ferait d’eux des morts vivants, qui ne font plus
qu’exécuter des gestes mille fois répétés. Les Etoiles Noires, malgré leur envie de se
détacher de cette existence, sont déjà, en quelque sorte, morts ou, de toutes façons,

51
Annexe 1, acte 2, chanson n° 41

54
condamnés à l’être s’ils ne se mettent pas au pas. Zéro Janvier est d’ailleurs bien résolu :
« Ils n’en sortiront pas vivants si on arrive à temps » 52. Le décès de Cristal en est une
preuve.

Après avoir décrypté le titre, voyons à présent le nom de la capitale de


l’Occident : Monopolis. Si l’on prend le mot étymologiquement, on le traduit par « une
seule ville ». Quand on regarde le phénomène de l’expansion des banlieues qui fait que
les villes qui s’agrandissent ont tendance à se rejoindre, on peut penser que dans
quelques années, il sera impossible de déterminer les frontières entre ces différentes
agglomérations. De par ce nom, Luc PLAMONDON nous donne une vision très futuriste
du monde de demain. Une seule ville qui sera la capitale de l’Occident. Monopolis
serait peut-être un nom général, car les autres cités existent toujours. Effectivement, lors
de l’élection de Zéro Janvier à la présidence de l’Occident, on cite Paris, Madrid,
Londres, Lisbonne, Mexico, Montréal, Buenos Aires, Bonn et Washington en les
nommant capitales du monde occidental53. Même dans l’introduction, la foule dit
qu’ « on ne sort plus le soir à New York ou à Rome »54. Alors, où se situe cette ville de
Monopolis ? Et cette ville existe puisqu’on nous la décrit comme étant nouvelle,
moderne, une ville où il ne se passait jamais rien. C’était la ville rêvée, construite pour
le bonheur des hommes. Bien sûr, il s’agit d’une ville fictive, mais bien présente dans
notre monde terrestre, à cette époque actuelle. On pourrait penser que Starmania prend
place dans le futur, mais il y est fait mention du président CLINTON dans la dernière
version. Des photos (truquées, bien sûr) nous sont également projetées où l’on voit Zéro
Janvier en compagnie de personnalités contemporaines comme KENNEDY, le Dalaï
Lama, le pape Jean-Paul II et d’autres. Monopolis flotte un peu au-dessus de toutes les
autres villes, elle a une place à part, que l’on ne sait déterminer exactement. Une chose
est sûre, c’est que la racine mono peut également nous renvoyer au thème de la solitude,
un sentiment très présent dans Starmania.

L’Occident, quant à lui, serait le regroupement de tous les pays appartenant au


monde occidental, évidemment. Ce monde, apparemment, serait devenu une et une
seule nation, puisque les élections en vue de sa présidence sont organisées. Ou bien
alors, on peut voir un rassemblement de ces pays en un gouvernement supranational qui
52
Annexe 1, acte 2, chanson n° 40
53
Annexe 1, acte 2, chanson n° 40
54
Annexe 1, acte 1, chanson n° 2

55
gérerait la politique des Etats membres. Cette fois, alors, le fait de citer CLINTON comme
étant toujours président des Etats-Unis qui s’incline devant Zéro Janvier après que tous
les autres membres aient fait de même fait de lui un concurrent potentiel du
businessman politicien. Avec ce manque de précision par rapport au statut de
Monopolis et de l’Occident, tout est envisageable. Passons donc alors aux noms des
personnages.

Puisque nous en avons déjà parlé, prenons tout d’abord Stella Spotlight et
attardons-nous quelques instants sur son nom de famille. Si Stella faisait référence aux
étoiles, à celles qui brillent, aux stars, Spotlight nous renvoie directement au monde du
spectacle, aux projecteurs qui apportent un éclairage aux vedettes, qu’elles soient en
train de jouer ou bien en réception pour une quelconque soirée mondaine. A la lumière
naturelle du prénom s’oppose la lumière artificielle du nom, cela faisant d’elle un
personnage à cheval sur deux plans : celui de
sa profession (actrice) et celui de ses rêves
(l’immortalité). Deux mondes qui se
rejoignent et s’affrontent en une seule
personne. Un personnage ambigu, donc. Et si
un projecteur peut être éteint ou tomber en
panne à n’importe quel moment, n’oublions
pas qu’une étoile peut n’être que filante
également. « Je m’appelle Stella car j’ai rêvé L’étoile de Starmania entourant Monopolis
(COULLIER, 1996, 1)
un soir d’être une étoile éternelle. »55

Zéro Janvier. Voilà un prénom quelque peu insolite. Et une date qui l’est tout
autant. Même pas située entre le trente et un décembre et le premier janvier, cette date
n’est rien, ni le commencement, ni la fin d’une année. Un moment qui n’existe
absolument pas. Ou qui ne mérite pas d’exister, comme ce personnage. Zéro est un mot
qui dérive de l’arabe çifa signifiant vide. « Il symbolise aussi l’objet qui, sans valeur
par lui-même, mais uniquement par sa position, confère à d’autres de la valeur. »
(CHEVALIER & GHEERBRANT, 1982, 1036). Si l’on reprend cette symbolique et en
l’élargissant, Zéro Janvier serait alors une personne sans valeur en lui-même, une

55
Extrait du Rêve de Stella Spotlight dans l’album studio de 1978

56
personne vide de toute chose, mais sa position, ici en tant que businessman haut placé et
futur président, donnerait de la valeur aux propos qu’il tient lors de ses discours. On
l’imagine mal prononcer les mêmes paroles en étant simple ouvrier ou fonctionnaire et
acquérant ainsi cette notoriété et cette crédibilité aux yeux de certains. La place qu’il
occupe donc donne une certaine valeur, discutable, bien sûr, à ses actes et à son discours
extrémiste. Il est aussi amusant de voir que le mois de janvier fait référence à Janus, le
« dieu des transitions et des passages, marquant l’évolution du passé à l’avenir, d’un
état à un autre, d’une vision à une autre, d’un univers à un autre » (CHEVALIER &
GHEERBRANT, 1982, 530). Le Discours électoral 56 de notre homme relate tout à fait
cette envie de changement, à commencer par la construction d’un monde atomique.
« Laissons le passé aux nostalgiques, vivons l’aventure du futur »57. Pour Zéro Janvier,
il faut amorcer une transition et il n’y a que lui qui pourra ouvrir cette porte dont Janus
est le dieu. D’ailleurs, le zéro janvier pourrait justement être cette date de transition, un
moment X, qui n’existe pas, mais qui se situerait dans un entre-deux. Maintenant, dire
que l’auteur a voulu exprimer tout ça en donnant ce nom à ce personnage serait
sûrement exagéré, mais pourquoi pas ?

Et Marie-Jeanne, alors ? Lors d’un passage télévisé, l’auteur s’est expliqué, en


rigolant, de la sorte : « C’était les années soixante-dix, alors, Marie-Jeanne,
marijuana… » (LOUVIN, 1999). Il ne faut peut-être pas chercher plus loin. Face à la
désillusion du monde et à la recherche d’un sens à sa vie, la drogue est peut-être un
moyen pour se libérer et s’évader pour certains. Il s’agit bien sûr ici d’une métaphore
entre le personnage de la serveuse automate, son état d’esprit et le prénom qui lui a été
attribué. Et cela reflète également l’ambiance d’une certaine époque.

Quant à Ziggy, nous en avons déjà parlé lorsque nous avons évoqué la passion
de celui-ci pour David BOWIE, le nom étant emprunté à Ziggy Stardust, personnage
incarné par le chanteur le temps d’un album et qui l’a poursuivi pendant plusieurs
années. Et d’ailleurs, nous retrouvons dans Stardust une connotation à l’univers
cosmique dont nous parlions plus haut. Le qualificatif de poussière d’étoile colle bien à
une personne qui ne brille pas dans le showbiz, qui n’a fait qu’un bref passage et où il
n’a laissé que très peu de trace.

56
Annexe 1, acte 1, chanson n° 19
57
idem

57
En ce qui concerne Sadia, nous avons déjà abordé la question avec le fait divers
de Patricia HEARST. Celle-ci avait adopté le pseudonyme de Tania lorsqu’elle avait
décidé de rejoindre les idées de ses ravisseurs et de poser à son tour des actes terroristes.
De Tania à Sadia, il n’y a qu’un pas. Ou deux lettres, si on préfère. Par extension, on
peut entrevoir du sadisme, ce plaisir qu’éprouve une personne à voir souffrir les autres,
peut-être encore une caractéristique de ce travesti. Un travesti qui masque peut-être un
personnage triste, sad en anglais.

Johnny Rockfort ne fait évidemment pas référence au fromage homophone.


Alors que Ziggy incarne le disco qu’il vante 58 (bien qu’il veuille devenir chanteur de
rock), Johnny, lui, représente le rock, selon Sadia : « Alors, Monsieur Disco se prend
pour un rocker. Johnny, tu pourrais lui montrer ce qu’c’est qu’un vrai rocker. Tu
pourrais lui montrer que tu t’appelles Johnny Rockfort. »59 Rock, musique dérangeante
pour certains, musique révolutionnaire avec ses guitares électriques et sa batterie pour
d’autres. Musique qui gêne l’ordre établi, à l’image de Johnny Rockfort et de ses Etoiles
Noires. Et le prénom Johnny ? A l’évidence, emprunté à HALLIDAY, figure
emblématique de ce genre musical en France. Et quand le rock est fort, il dérange
encore plus. On peut également être fort comme le roc, force qu’incarne Johnny à la tête
de ses troupes.

Venons-en à présent à Cristal. Encore un prénom qui n’en est pas un, mais qui
ne choque pas pour autant et auquel on se fait rapidement à l’idée. Toujours selon
CHEVALIER et GHEERBRANT dans leur Dictionnaire des symboles, le cristal est « un
embryon : il naît de la terre, du roc ; selon la minéralogie indienne, il se distingue du
diamant par son degré de maturité embryologique : le cristal n’est qu’un diamant
insuffisamment mûr » (CHEVALIER & GHEERBRANT, 1982, 314). Pourquoi citer un
extrait aussi long concernant le cristal ? Tout simplement pour en faire un
rapprochement direct avec Johnny Rockfort : pour le dictionnaire Harrap’s Shorter,
rock, en argot américain, signifie "diamant" (Harrap’s Shorter, 1991, 732). Le prénom
de Cristal prendrait donc toute sa signification dès sa rencontre avec le zonard rebelle.
La petite fille des beaux quartiers n’atteindrait sa maturité qu’en présence du chef des
58
Jusqu’en 1990, il interprète Disc-jockey’s song en criant : « Me d’mandez pas de slow, j’suis
fonctionnaire du disco ». Il se fait même appeler Monsieur Disco par Sadia.
59
Annexe 1, acte 1, chanson n° 15

58
Etoiles Noires et deviendrait à ce moment-là aussi forte que le roc, aussi solide que le
diamant, « le plus dur des minéraux naturels » (Le Petit Larousse Illustré, 1988, 322).
Les noms de ces deux personnages les prédestinaient l’un à l’autre, un point commun
les reliait, même si tout cela ne peut être que le fruit du hasard. Cristal, au contact de
Johnny Rockfort, va mûrir, développer et fonder ses convictions personnelles. Son
système de valeur va se réorganiser pour épouser celui du zonard. Et si le cristal offre
aux hommes, chez les Indiens d’Amérique, la faculté de s’élever au ciel, la capacité de
voler, la mort de la présentatrice vedette rebellée lui permet de renforcer cette
symbolique. La pureté du Cristal transparaît également dans le personnage, notamment
lors du Coup de foudre : « Moi, je suis née du beau côté des choses, longtemps je suis
restée la petite fille en rose. »60

Un peu plus rationnelle est l’interprétation que l’on peut faire du "prénom"
Roger-Roger. Traduit de l’anglais, le terme roger, comme dans les messages radios,
signifie tout simplement « compris », « bien reçu ». C’est ce qu’a l’air de répéter
constamment cette machine. Elle reçoit l’information et la transmet. « J’ai bien compris
les ordres », semble-t-elle dire. Et elle exécute. Comme un officier obéit à ses
supérieurs. Mais si l’on s’intéresse plus spécifiquement à la phonétique du mot Roger-
Roger, on peut également entendre une consonance avec le très célèbre « Oyez, oyez,
bonnes gens ! » que l’on retrouvait au Moyen Âge, lorsque le messager arrivait sur la
place du village et qu’il rassemblait le peuple pour faire part des dernières nouvelles
relatives à la cour. Roger-Roger pourrait donc être le descendant de ce "journaliste"
diffuseur d’informations d’une autre époque.

Il nous reste encore à passer en revue trois lieux : l’Underground Café, la Tour
Dorée et le Naziland. Commençons par la taverne tenue par Marie-Jeanne. Celle-ci
porte véritablement bien son nom, étant donné qu’elle se situe dans les souterrains de la
capitale et que s’y retrouvent toutes les personnes déambulant dans les entrailles de
Monopolis. Un café somme toute peu fréquentable, à moins d’y avoir de bonnes
relations.

60

Annexe 1, acte 1, chanson n° 21

59
Les bureaux de Zéro Janvier se situent au sommet de la Tour Dorée, qui abrite
également le complexe commercial Zéro Janvier ainsi que le Naziland, la discothèque
tournante. Dès qu’on parle de tour, on peut se référer à la Tour de Babel, construite par
les hommes pour se rapprocher de Dieu, voire même s’élever à son niveau. Il y a un
rapport entre le ciel et la terre, même des fois avec le monde souterrain puisque la base
de certaines tours étaient enfoncées profondément dans le sol. La Tour Dorée s’oppose
ainsi à l’Underground Café, deux mondes séparés qui ne se croisent pour ainsi dire
jamais. Cet antagonisme haut/bas renforce celui de droite/gauche, et donc des idées de
Zéro Janvier et celles des Etoiles Noires.

Et pour terminer, le Naziland, la nouvelle discothèque tournante de Zéro Janvier.


Ici encore, il n’y a pas besoin énormément d’explications à donner à ce mot. En effet, il
se justifie aisément par sa connotation directe avec la politique hitlérienne,
malheureusement encore présente dans trop de milieux d’extrême droite. Que Zéro
Janvier ait baptisé sa discothèque de la sorte en dit long sur son programme électoral et
sur la politique qu’il compte mener une fois qu’il sera à la tête de l’Occident.

60
VII. La mise en scène

Comme nous l’avons déjà souligné lors de l’historique de Starmania, cinq mises
en scène différentes ont été créées, sous la direction de cinq metteurs en scène,
différents eux aussi. Nous parlons bien sûr ici des versions francophones. Les voici
présentées chronologiquement en guise de bref rappel :

 1979 : France, Palais des Congrès de Paris, Tom O’HORGAN


 1980 : Québec, Olivier REICHENBACH
 1986 : Québec, ?
 1988 : France, Théâtre de Paris, Michel BERGER et Luc PLAMONDON
 1993 : France, Théâtre de Mogador à Paris, Lewis FUREY

Il s’agit évidemment des versions "officielles". Bon nombre de troupes


d’amateurs se sont essayées à cet exercice et ont monté, et montent encore, elles-mêmes
leur Starmania, avec les moyens de bords disponibles61. Pour des raisons pratiques,
nous baserons notre analyse de la mise en scène sur seulement deux versions de
Starmania, à savoir celles de 1988 et celle de 1993. En effet, le Starmania original, celui
de 1979, n’a été enregistré que pour une version audio. Il n’en existe que quelques
images captées ça et là par les télévisions de l’époque destinées au journaux télévisés.
Et en ce qui concerne les versions québécoises, seul un disque vinyle de vingt-six
chansons enregistrées en studio a été réalisé outre-Atlantique, disque introuvable chez
nous et épuisé depuis longtemps là-bas. Il nous a été dès lors impossible de nous en
procurer une quelconque version.

1979

Nous pouvons tout de même dire quelques mots à propos de la mise en scène
originale de Tom O’HORGAN en nous référant à des interviews et aux photos et images
que nous en avons.

61
Encore cette année, en septembre 2000, Starmania sera interprétée à Marche-en-Famenne par une
troupe amateur

61
« PLAMONDON trouve que la nouvelle version "visionnaire", un mot qu’il
préfère à "futuriste", de Starmania imaginée par Lewis FUREY est plus
proche de la toute première montée en France, en 1979, au Palais des
Congrès, comparativement à celle que B ERGER et lui avaient créée en 1988
et qui était assez proche de la réalité quotidienne. » (La Presse, 16.02.94)

Déjà à l’époque, l’accent avait été mis sur la télévision et les écrans géants,
comme c’est le cas pour la mise en scène actuelle. La trame de l’histoire se déroulait sur
un fond médiatique largement recouvert par Télé Capitale. A ce moment-là, l’équipe de
télévision se composait de Cristal, Roger-Roger et une speakerine, qui a disparu depuis
lors. Il est important également de dire qu’à l’époque, le titre complet de l’opéra rock
était : Starmania ou la passion de Johnny Rockfort selon les évangiles télévisés, et que
le surnom de Roger-Roger n’était autre que l’Evangéliste. L’influence de la télévision
était donc déjà marquée très fortement dans cette première mise en scène qui restait
néanmoins plus réaliste que celle proposée par Lewis FUREY.

Une option de Tom O’HORGAN était également de miser sur le nombre, la


présence. Effectivement, on trouvait sur scène pas moins de treize chanteurs comédiens
accompagnant les dix personnages principaux (les huit de notre analyse auxquels
viennent s’ajouter le Gourou Marabout et la speakerine). Ces treize personnes
remplissaient divers petits rôles comme les parents de Cristal, l’équipe de télévision, la
femme de chambre de Stella Spotlight, les conseillers de Zéro Janvier… De plus, ils
dynamisaient les scènes de par leur seule présence et leur donnaient une impulsion
supplémentaire. Le fait d’avoir autant de gens sur scène faisait de Monopolis une ville
grouillante de monde dans laquelle les premiers rôles se sentaient moins seuls, moins
isolés. Le metteur en scène insistait plus sur l’aspect chaotique, violent de la capitale du
fait seul de la présence d’autant de comédiens, éclipsant peut-être alors un tantinet le
thème de la solitude qui se dégage des chansons en général. Avoir autant de figurants
permet aussi d’habiller le plateau sans avoir recours à une panoplie de décors qui
peuvent être plus encombrants qu’autre chose.

Le côté visionnaire dont parle Luc PLAMONDON à propos de cette version se


traduit également par les costumes arborés par les protagonistes. Visionnaire et décalé,

62
même, pourrait-on dire. Les Etoiles Noires sont vêtues d’une sorte de combinaison
spatiale rouge avec une grosse étoile noire sur le devant. Un large tablier démesuré
habille la serveuse automate et l’on retrouve Stella Spotlight déguisée en une sorte
d’Albator, pirate de l’espace, lors de son Rêve. Les paillettes débordent des émissions
télévisées, marchandes de rêves, le tout dans un ensemble très kitsch, caractéristique des
émissions de variétés des années quatre-vingt.

De plus, la musique est jouée en direct. Il ne s’agit pas d’une bande enregistrée
comme c’est le cas pour les versions françaises qui suivirent, mais d’un groupe
composé de dix musiciens et de six choristes venant ainsi s’ajouter aux treize chanteurs
comédiens. L’ensemble nous propose donc une présence renforcée, ainsi que plus de
proximité et de complicité entre les chanteurs et la musique. L’exemple est très clair en
ce qui concerne Diane DUFRESNE, interprétant le rôle de Stella Spotlight, lors de la
chanson Sex shops, cinémas pornos dans laquelle elle engage un véritable dialogue avec
la guitare électrique, se répondant l’un l’autre et improvisant musicalement et
vocalement parlant. Une telle chose serait non pas impossible, mais au moins réchauffée
et moins spontanée avec une bande enregistrée. Les choristes et les figurants permettent
également des dialogues entre les personnages, plus d'interactivité entre les premiers
rôles et, on va dire, le monde extérieur, ce qui donne encore plus de dynamique à
l’ensemble.

Malheureusement, le peu d’éléments que nous avons pu rassembler concernant


cette version ne nous permet pas d’en traiter plus longuement. Passons donc à celle de
1988 qui s’est prolongée jusqu’en 1990 en laissant tout d’abord parler Richard GROULX
qui a participé à quatre des cinq versions de Starmania depuis 1980 en jouant tout
d’abord une Etoile Noire en 1980, puis le rôle de Zéro Janvier au Québec en 1986 et en
France de 1988 à 1999 dans la mise en scène de BERGER et PLAMONDON, puis dans celle
de FUREY.

63
1988

« Ma version préférée est celle de 1988. (…) Il y avait la mise en scène de


Michel BERGER qui, avec sa grande sensibilité, nous a livré une mise en
scène dénudée et sobre. Une mise en scène où le texte et la musique
avaient un impact énorme sur le public. Michel avait misé beaucoup sur
les interprètes pour livrer la marchandise et non pas sur des effets
spéciaux. » (LIBBERECHT & DE RIBAS, 2000, Interview de Richard
GROULX)

Plus de télévisions géantes. Et on ne parle pas encore de pétards et de fusées. Ce


qui est mis en avant, cette fois-ci, ce sont les artistes et le texte desquels toute l’émotion
et la force partent. Les chanteurs ont pour mission de faire passer tous les sentiments de
leurs personnages par leur seule interprétation. Un remaniement considérable du livret
et des arrangements musicaux contribue largement au succès de cette deuxième version
parisienne qui tiendra l’affiche pendant plus de trois ans, emmenant toute l’équipe
jusqu’à Moscou pour cinq représentations. Voici ce que disent les journaux de l’époque
à propos de cette restructuration.

« Production moins luxueuse, nouveaux arrangements avec beaucoup de


synthétiseurs et d’ordinateurs, version écourtée (…) nouvelles musiques
d’enchaînement, nouveaux dialogues. "Les gens vont mieux comprendre et
suivre l’histoire. Le show est éblouissant, avec le meilleur des
éclairagistes et une production plus grosse que les deux du Québec",
précise PLAMONDON. Les personnages seraient renforcés, la musique plus
au goût du jour. "On l’a remonté comme si on venait de l’écrire", affirme
le parolier. » (La Presse, 25.09.88)

Les chœurs sont réduits à deux personnes, jouant en même temps le rôle des
Etoiles Noires. La musique est enregistrée sur une bande, mis à part un saxophoniste se
trouvant au cœur même de l’action, accompagnant les interprètes au rythme des scènes.
L’espace scénique est divisé en trois parties, jouant sur la différence des hauteurs : on
retrouve ainsi Zéro Janvier et ses bureaux de la Tour Dorée perchés à l’arrière scène,
tandis que Marie-Jeanne nous convie à son bar par terre, sur le devant, quasiment au

64
niveau des spectateurs qui ne se trouvent qu’à un mètre d’elle. La proximité et la
complicité entre la semi-narratrice et le public sont ainsi renforcées. On a l’impression
que la serveuse automate nous convie réellement à son bar et qu’elle nous invite à
prendre part à l’action qui se déroule sous nos yeux. Action certes moins spectaculaire,
car mise en scène plus sobre, mais tout transparaît dans les voix. Et entre la Tour Dorée
et l’Underground Café, les autres scènes se succèdent. L’avantage d’avoir placé Marie-
Jeanne en contrebas, à l’extérieur de l’espace de jeu, permet aux techniciens de plateau
de changer rapidement le décor (quelques caisses, une ou deux chaises, sans plus) sans
pour autant devoir ralentir le rythme, ce qui fait que tout peut s’enchaîner sans temps
mort, sans noir. Le spectateur est constamment sollicité et on lui donne le temps de
souffler seulement pendant l’entracte.

Les éclairages de Jacques ROUVEYROLLIS sont fort sombres, élément qui donne
encore la possibilité aux chanteurs de mettre en avant leur voix et leur interprétation. De
plus, cela permet de donner à la scène ce côté peu rassurant et fort noir de Monopolis.
Le plein feu n’a pas lieu d’être, et les interprètes sont ainsi quasiment isolés. Les jeux
entre haut et bas favorisent cette relation dominant/dominé et le contraste entre les
beaux quartiers, comme ceux de la Tour Dorée, et les banlieues et les souterrains, le
monde des Etoiles Noires. La grue, dont se sert Roger-Roger pour filmer, et un petit
ascenseur en arrière scène permettent aux chanteurs de passer d’un étage à l’autre ou,
métaphoriquement, de les faire redescendre sur terre. Par exemple, Cristal va
interviewer Zéro Janvier en haut de sa Tour Dorée. Dès qu’il se met à entonner la
deuxième partie de son Blues du Businessman, il emprunte la grue et se retrouve, à la
fin de la chanson, au niveau de la scène, l’air de dire de rester les pieds sur terre et de
redescendre de son nuage, comme si on lui interdisait de rêver. Ou bien on peut encore
interpréter ce mouvement comme si, au bout du compte, Zéro Janvier était un homme
comme les autres. Il suffit qu’il descende de ses bureaux pour être au même niveau que
les autres êtres humains. Stella Spotlight, quant à elle, commence ses Adieux juchée sur
une étoile, surplombant la scène. Au fur et à mesure, cette étoile descend et la ramène
au sol, illustrant ainsi le déclin de la star déchue. Ziggy, lui, s’envole véritablement
derrière sa console en tant que disc-jockey pour le mariage des deux précédents. On ne
retrouvera d’ailleurs jamais Johnny Rockfort perché dans les hauteurs, renforçant ainsi
son statut de zonard, d’habitant des banlieues qui n’a pas le droit d’accéder à un niveau

65
supérieur, niveau réservé à quelques privilégiés. Cristal, quant à elle, quittera ces
hauteurs pour rejoindre Johnny Rockfort dans les souterrains.

Marie-Jeanne reste, la plupart du temps, dans son bar souterrain et ne le quitte


que pour écouter Ziggy lui lire sa lettre ou lui dire qu’il s’en va. Sinon, elle reste
confinée dans les bas-fonds de la ville, ce qui ne lui permet pas de voir ce soleil qu’elle
cherche tant. A la fin du spectacle, pour Le monde est stone, elle se retrouve seule face
au public, avec un lourd mur derrière elle, mur qui éclate soudainement et qui lui laisse
entrevoir ce soleil qui lui manquait tant, éclairant de ce fait toute la salle. Et Roger-
Roger, lui, est quasi constamment en train de se balader au-dessus de tout le monde,
perché sur sa grue. Il voit tout, comme un journaliste, toujours à l’affût de la moindre
information. Sa présence ne gêne pas, personne sur scène ne prête attention à lui, il est
le lien entre les différents tableaux. Le placer ainsi en hauteur fait de la télévision
l’instance suprême, celle qui se trouve au-dessus de tout le monde et qui contrôle tout.

Le fait d’avoir revu le livret et allégé le nombre de personnages permet de


renforcer ceux qui restent, de leur donner plus d’épaisseur. Comme le dit PLAMONDON,
l’histoire gagne en compréhension et la trame centrale est plus évidente à suivre. Elle ne
part plus dans tous les sens et l’attention est focalisée sur les huit personnages centraux.
Les costumes sont également revus et gagnent eux aussi en sobriété : les Etoiles Noires
sont en cuir… noir et portent des baskets aux pieds, comme les jeunes de banlieue de la
fin des années quatre-vingt. Il en va de même pour les autres : chacun est revêtu d’un
habit propre à sa fonction, sans excentricité, tout en mesure. Rien n’est superflu dans le
décor non plus, le fond de la scène illustrant un semblant de ville, pas très nette, mais
néanmoins présente. Une mise en scène qui joue donc le jeu de la réalité, comme le
désiraient les auteurs.

La musique s’est électronisée et les musiciens sont absents. Encore une manière
d’ajouter du poids à la solitude. L’interprète se retrouve seul, face à son public. C’est
lui, l’effet spécial. Seul un saxophone vient l’accompagner, rythmant les scènes plus
envolées et soufflant lentement lors des moments de recueillement. Peut-être peut-on
regretter ce côté musical où les arrangements manquent, où ce sont quasiment tout le
temps les mêmes sons qui reviennent constamment. Le fait de réduire l’instrumentation
à des synthétiseurs déshumanise certainement en partie une mise en scène qui se voulait

66
plus proche de la réalité. Mais justement, la réalité traitée dans Starmania est cette
absence de contact humain. Dans Monopolis, les hommes deviennent des machines,
comme Roger-Roger le deviendra dans la version qui suivra. Alors, à ce moment-là,
pourquoi pas la musique ?

1993

Et puis arrive 1993 et Lewis FUREY avec sa mise en scène tout droit sortie d’une
bande dessinée, comme se plaît à le dire le parolier.

« "Lewis FUREY a réussi une mise en scène vraiment ‘cartoon’", expliquait


PLAMONDON quelques heures avant la première de presse. "Il a fait une
relecture visuelle complète. Il nous a montré la BD musicale que Michel
BERGER et moi avions voulu créer. C’est sans doute la version la plus
imaginative et la plus excitante de toutes." » (Le Soleil, 16.10.93)

Le côté bande dessinée était pourtant déjà évoqué dès les débuts de Starmania à
travers le SOS d’un terrien en détresse de Johnny Rockfort : « J’ai toujours confondu la
vie avec les bandes dessinées. »62 Plus de quinze ans après avoir comparé la vie avec le
monde cartoon, voici les visions de l’auteur représentées par une toute nouvelle et
innovatrice mise en scène.

Auteur, compositeur et interprète, Lewis FUREY n’est pas un nouveau venu dans le
monde de la chanson et du spectacle. Après avoir réalisé trois albums personnels, il se
tourne vers le cinéma et la composition de bandes son. Il s’attaque ensuite à des
comédies musicales filmées pour se tourner par après vers des spectacles alliant la
danse, la musique et le théâtre et finalement des publicités et des clips vidéo pour
Renaud, Mécano, Françoise HARDY et autres (COULLIER, 1999, 11).

62
Annexe 1, acte 2, chanson n° 41

67
L’influence du Québécois Robert LEPAGE63, notamment, est très visible dans
cette version ‘visionnaire’ que nous propose Lewis FUREY ; l’utilisation des écrans
géants et des gadgets mobiles en est une preuve. C’est ce côté "théâtre magique",
"imagiste" que le metteur en scène a tenu à exploiter. Tout est en démesure, les
costumes sont amplifiés, ça tourne, ça entre, ça sort. La musique est plus violente,
moins lyrique, à renfort de guitares électriques. Les coiffures et les maquillages font
pâlir de jalousie les grimeurs pour enfants. Toute convention est exclue de cette
nouvelle vision du spectacle. Chaque élément contribue à faire de Monopolis une cité
du futur bien ancrée dans notre présent.

Fan de Bruce LEE, Lewis FUREY désirait faire transparaître la violence de


l’opéra-rock à travers les chorégraphies. Mais dans Starmania, la violence est tellement
forte, tellement poussée que les ballets n’étaient pas une solution. Alors, cette solution
se trouvait ailleurs : dans les arts martiaux.

« Ce qui collait le plus pour moi, ce sont les films de Bruce LEE. La
combinaison de la pureté des arts martiaux et leur côté acrobatique,
spectaculaire. Pour mon casting des danseurs, j’ai choisi des experts en
arts martiaux et en acrobatie. Puis, j’ai demandé au chorégraphe
Eduardo TORROJA de mettre en forme ce vocabulaire-là. » (La Presse,
02.04.94)

Ce qui nous donne des


Etoiles Noires impressionnantes,
des acrobates qui se révèlent être
des champions de Kung-Fu Wu-
Shu, des cascadeurs et des
contorsionnistes hors pair. Ils
arrivent de partout : descentes en
rappel, sauts arrière
transversaux… Rien ne semble
Les Etoiles Noires acrobates
(LIBBERECHT & DE RIBAS, 2000, Galeries)
63
Homme de théâtre québécois qui n’hésite pas à utiliser tous les moyens techniques et visuels lors de ses
spectacles. Il a notamment monté une version de Hamlet, intitulée Elseneur, dans lequel il interprétait
tous les rôles, aidés par des écrans de télévision, des mini-caméras, une scène tournant dans tous les
sens… C’est de là que vient le terme de théâtre imagiste.

68
les arrêter. Ils nous livrent de véritables scènes de combat et n’hésitent pas à mettre
véritablement le feu aux planches. Des Etoiles Noires violentes, certes, mais qui se
montrent très douces quand la scène le demande, notamment lors des Uns contre les
autres, où tout en finesse, l’un d’entre eux nous fait une démonstration de sabre ou une
autre exécute gracieusement quelques tours de contorsionnisme. Et puis, il y a violence
et violence. Pour FUREY, « la violence de Monopolis, c’est surtout la violence de la
solitude. » (La Presse, 02.04.94)

En ce qui concerne les personnages, le metteur en scène a tenu à leur donner une
personnalité supplémentaire visible par leurs costumes qui reflètent de suite leur
situation. Ainsi, Monopolis est là, sur scène et ne forme qu’un seul bloc qui est en fait
le costume de Zéro Janvier, apparaissant au sommet de sa Tour Dorée. Stella Spotlight
se tient au sommet de son piédestal, seule sur son acropole. Marie-Jeanne est entourée
de son bar et ne semble pas pouvoir en sortir, surtout lors des Uns contre les autres, où
elle danse, le bar accroché à elle, comme une bouée de secours dont elle ne peut se
séparer.

« "J’ai voulu retrouver les émotions


d’origine, pour les illustrer sans filtre."
D’où cette idée lumineuse des costumes-
décors, qui confèrent aux personnages
une dimension spectaculaire. Les
personnages, littéralement, sont habillés
par ce qu’ils sont. Zéro Janvier, le
businessman qui règne sur Monopolis,
devient un gratte-ciel, fait totalement
corps avec Monopolis. Stella Spotlight,
la star d’autrefois juchée sur son
piédestal de gloire, est enveloppée dans Stella Spotlight, interviewé par Cristal,
perchée en haut de son acropole
une robe-piédestal surélevée. (…) "J’ai (COULLIER, 1996, 14)

voulu que les costumes ne soient pas


64
futuristes. GUILLOTEL a créé des costumes poétiques. Ce sont des

64
Il a notamment créé les costumes pour la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’Albertville en
1992, création couronnée par le 7 d’or du meilleur spectacle

69
éléments de costumes d’aujourd’hui, mais exagérés, amplifiés. Ce sont des
extensions des personnages qui sont, eux, complètement actuels." » (Le
Devoir, 07.05.94)

Le bar de Marie-Jeanne se déplace sur scène, d’un bout à l’autre, bien que dans un
premier temps, lors des représentations à Mogador, celui-ci se trouvait sur le devant de
la scène.

« Amovible, il se déplace devant la scène, presque à cheval sur les


spectateurs. On a vraiment l’impression que Marie-Jeanne fait partie du
public et assiste avec nous au drame qui se joue dans les rues de
Monopolis. Nous sommes tous clients à son bar. Autour du demi-cercle de
son bar, c’est à nous qu’elle parle. » (Le Devoir, 07.05.94)

Nous retrouvons l’idée de la mise en scène de 1988 de Michel BERGER et Luc


PLAMONDON, désirant faire de Marie-Jeanne la copine du public, son complice qui
l’entraîne dans les rues de Monopolis et qui nous le fait découvrir. Elle nous invite à
prendre un verre à l’Underground Café et à regarder avec elle, sans savoir intervenir,
impuissants face à l’action qui se déroule sous nos yeux. Le personnage est totalement
isolé des autres, mis à part Ziggy qui vient la rejoindre. Sinon, lorsque Johnny et Sadia
se retrouvent à l’Underground Café, ils ont leur table à eux et n’adressent même pas la
parole à la serveuse, qui reste dans son coin, observant de loin ce qui se trame dans son
bar.

Les interventions de Roger-Roger, devenu robot, sont accompagnées de


séquences télévisées projetées sur grand écran au fond de la scène. Télé Capitale existe
autrement que par ses présentateurs. Elle fait partie intégrante de la vie des habitants de
Monopolis et est quasiment incontournable. L’ouverture du spectacle est d’ailleurs
illustrée par des images d’actualité, images reprises de toutes les télévisions du monde
entier, soulignant de ce fait même le statut de l’Occident qui est devenu un
rassemblement de plusieurs pays du monde occidental. Tout ce qui est enregistré par
Télé Capitale est diffusé, que ce soit les interviews de Zéro Janvier, de Johnny Rockfort
ou encore les interventions pirates de Cristal après avoir rejoint les Etoiles Noires.

70
Même le télégramme de Zéro Janvier à Stella Spotlight est projeté, comme s’il
s’agissait plutôt d’un e-mail destiné à l’actrice. Lewis FUREY a tenu à utiliser le
maximum des moyens de communication actuels pour la réalisation de sa mise en
scène, faisant ainsi de Starmania une fresque de la société moderne, avec ses qualités et
ses défauts.

Cette vision des choses reflète parfaitement celle que nous pouvons avoir de
Monopolis, cette ville nouvelle, cette ville modèle comme elle nous l’est décrite par la
foule dans la chanson d’entrée Il se passe quelque chose à Monopolis65. Le décor est
planté, le spectateur se situe dans un espace-temps décalé par rapport à la réalité tout en
restant fort proche. « Starmania, ce n’est jamais le futur. C’est maintenant. » (Le
Devoir, 07.05.94)

La vidéo permet également quelques effets de miroir intéressants. Sadia, dans


l’introduction de son Travesti, entame une chorégraphie relayée par la télévision sur
laquelle elle apparaît, exécutant les mêmes gestes, mais se transformant littéralement, se
travestissant, changeant de personnages, d’où une très bonne illustration de ce qu’elle
est réellement. La télévision est aussi récupérée comme un mur sur lequel les Etoiles
Noires tagguent leurs cris de détresse, comme le « Sans foi, ni loi »66 de Johnny
Rockfort, projeté en français et repris également en anglais. Et lors des élections, un
défilement des capitales du monde occidental ainsi que le pourcentage des votes nous
67
sont proposés. Lors du SOS d’un terrien en détresse de Johnny Rockfort, nous
apercevons l’électrocardiogramme de Cristal ainsi qu’une radiographie de son cœur
battant faiblement, pour se terminer à la fin de la chanson par une ligne droite. Bref, un
écran télévisé utilisé à bonne dose, illustrant et venant renforcer l’action qui se déroule
sur scène, permettant à l’œil du spectateur de voyager d’un bout à l’autre de la scène,
d’être constamment titillé et interpellé. Une télévision quasi permanente, comme dans
notre société actuelle.

Outre cet écran, le mouvement vient aussi des costumes-décors et des différents
gadgets présents sur scène, comme le bar de Marie-Jeanne, comme nous l’avons déjà
dit. Le gratte-ciel de Zéro Janvier et le piédestal de Stella Spotlight, sa longue et haute
65
Annexe 1, acte 1, chanson n° 2
66
Annexe 1, acte 1, chanson n° 17
67
Annexe 1, acte 2, chanson n° 41

71
robe glissoire, rappellent la mise en scène de 1988 et les rapports haut/bas,
dominant/dominé. Au début de son Blues, Zéro Janvier est au sommet de sa Tour
Dorée, évoquant ainsi sa vie de tous les jours, son présent. Dès qu’il évoque ses envies
intérieures (« J’aurais voulu être un artiste »), il sort de sa carcasse, redescend sur terre
et redevient un être humain, ici vêtu d’une courte culotte, comme un petit enfant. Zéro
Janvier est resté justement cet enfant qui n’a pas réalisé ses rêves, comme nous l’avions
déjà souligné lors de l’analyse des personnages. Stella Spotlight, quant à elle, emprunte
ce toboggan qui la fait aussi revenir au niveau du sol, après avoir quitté son acropole,
descente qui est le symbole de sa carrière se trouvant sur une pente raide, une star en
mal de gloire, une étoile qui a perdu de sa lumière et qui se dirige vers un trou noir.
Marie-Jeanne, elle, reste prisonnière de son bar. Celui-ci la suit dans tous ses
mouvements et va même jusqu’à l’entourer et faire corps avec elle. Seul le final, avec
Le monde est stone, nous montre une Marie-Jeanne enfin libérée, isolée au devant de la
scène, devant un rideau noir, tout comme en 1988. Et la voilà partant à la recherche de
son soleil tant espéré.

D’autres éléments viennent renforcer le côté cartoon, bande dessinée de la mise


en scène, comme par exemple le petit train que font sauter les Etoiles Noires,
représentant le métro aérien et les différents attentats revendiqués par la bande de
Johnny Rockfort et Sadia. Lors de son Discours électoral et de son débat télévisé, Zéro
Janvier apparaît dans une sorte de petit théâtre, avec rideaux rouges, comme si ce qu’il
disait n’était en fait qu’une mise en scène, quelque chose qui n’est que représenté,
auquel le public (ici, les habitants de Monopolis) ne croit pas, car il sait que le politicien
joue un rôle, montrant ainsi la télévision comme un théâtre de marionnettes, quelque
chose qui n’est pas sérieux. Malheureusement, malgré la caricature qui est faite de Zéro
Janvier, celui-ci est quand même élu. Un guignol au pouvoir. D’ailleurs, certains
Français, après les élections présidentielles de 1995, ont avoué avoir voté pour Jacques
CHIRAC à cause de sa marionnette représentée dans l’émission Les Guignols de l’info.
Quand la réalité dépasse la fiction.

72
Lewis FUREY voit la scène comme étant un lieu de passage, où tout s’enchaîne
rapidement, qui peut se remplir et se vider en l’espace de quelques secondes, en
mouvance constante.

« Au départ, Lewis FUREY ne voulait faire ni music hall ni concert, même


s’il y a un peu des deux dans son spectacle : "Je voulais que la scène soit
comme un poumon qui se vide et qui se remplit par le haut, par le côté. En
cinéma, j’aime beaucoup les cadres très riches." » (La Presse, 02.04.94)

« Je voulais aussi créer un théâtre magique, comme celui des grands


68
metteurs en scène québécois, LEPAGE ou MAHEU (Carbone 14). (…)
Alors, j’ai approché la mise en scène de Starmania comme la réalisation
d’un film ou d’une vidéo. C’est toute l’idée de la boîte noire. (…) J’avais
un cadre et ce cadre avait l’avantage de ne pas être plat comme à l’écran,
mais en trois dimensions. Un cube noir. Il s’agissait de le remplir et de le
vider. » (Le Devoir, 07.05.94)

Le metteur en scène a donc pris le parti de donner une troisième dimension à


cette télévision, à cet écran plat. Cette télévision ne s’arrête d’ailleurs pas aux limites de
la scène, mais elle englobe également les spectateurs projetés eux aussi à l’intérieur de
la boîte noire. Ce n’est pas innocent d’ailleurs que les Etoiles Noires descendent de
scène pour venir s’intégrer au public. Le rythme et l’enchaînement des scènes sont
également empruntés au langage cinématographique. Contrairement à la plupart des
opéras classiques, les scènes sont plus courtes. Voilà d’ailleurs ce qu’en dit Luc
PLAMONDON.

« L’opéra a toujours été divisé en très longs tableaux, presque des actes,
alors que nous procédons comme au cinéma, par scènes très courtes.
C’est pour cela que Starmania marche si bien, tout y va très vite. Il y a
deux actes d’une heure, avec une succession de courts tableaux. »
(Sacem – Le Kiosque, août 98)

On retrouve (par hasard ?) ce metteur en scène au côté de Luc PLAMONDON pour son dernier spectacle
68

musical, à savoir Notre-Dame de Paris.

73
Les éclairages répondent aussi au vocabulaire venu du cinéma. Effectivement,
pour les solos, c’est-à-dire les chansons durant lesquelles l’interprète se retrouve seul
face au public, c’est une poursuite 69 qui les éclaire, comme si la caméra opérait un gros
plan sur le personnage, l’isolant du reste. D’autant plus que beaucoup de textes sont en
vérité des sortes de monologues intérieurs. Il suffit d’entendre La complainte de la
serveuse automate, Le blues du businessman, Les adieux d’un sex symbol et l’on s’en
rend bien compte. Monologues intérieurs témoignant d’une certaine solitude, solitude
accentuée par ces poursuites et ces éclairages tamisés.

« "Parfois, quand on va à un concert, le moment le plus fort, c’est


lorsque le chanteur s’assoit tout seul au piano, avec juste une poursuite
qui l’éclaire. (…) Tout à coup, on a des frissons. Je voulais ce frisson-là.
(…) Ses éclairages (d’Alain LORTIE) focalisent l’attention. Il isole les
chanteurs. C’est comme ça, je crois, que l’humanité passe. Cela se réduit
toujours à un gros plan sur le chanteur." » (Le Devoir, 07.05.94)

La mise en scène de 1993 répond donc à une envie déjà présente en filigrane
chez PLAMONDON au tout début de Starmania, à savoir la présentation d’un monde
actuel projeté dans un espace-temps très proche, mais en léger décalage, avec un côté
visionnaire. Les effets spéciaux tiennent donc une grande place, comme nous venons de
le voir. Mais comme nous l’avons déjà souligné, la rentrée de septembre 2000 nous
promet plusieurs changements, tant du côté des interprètes (départ de Patsy Gallant,
fidèle au poste dans le rôle de Stella Spotlight depuis 1993) que du côté de la mise en
scène, avec la disparition de la Tour Dorée, des écrans de télévision et du robot Roger-
Roger. Un retour à plus de simplicité, laissant à nouveau la place aux interprètes et à
leur émotion, comme l’avait voulu Michel BERGER en 1988.

« "Entre 1988 et 90, quand Michel BERGER était metteur en scène de


Starmania, il ne voulait pas montrer la violence, car il estimait que les
textes l’exprimaient suffisamment", dit Norman GROULX 70» (Le Soleil,
26.08.95).

69
Projecteur très puissant, manipulé manuellement et qui suit, « poursuit » l’interprète lors de ses
déplacements, d’où le nom de « poursuite ».
70
Johnny Rockfort entre 1988 et 1990, ainsi qu’entre 1995 et 1999

74
Une volonté qui sera, ainsi donc, peut-être retrouvée. Mais si les écrans télévisés
disparaissent, la télévision, en général, restera (et devra rester) un des thèmes principaux
de Starmania. Survolons donc ces différents thèmes que nous retrouvons l’opéra-rock.

75
Zéro Janvier au sommet de sa Tour Dorée
(LIBBERECHT & DE RIBBAS, 2000, Galeries)

76
VIII. Les grands thèmes de Starmania

Trois histoires d’amour

« Je considère qu'il n'y a pas de rôle phare dans le spectacle. Il y a avant


tout trois histoires d'amour qui s'entrecroisent. » Renaud HANTSON,
interprète de Ziggy et Johnny Rockfort entre 1988 et 1990 (LIBBERECHT
& DE RIBAS, 2000, Interview Renaud HANTSON)

Comme nous l’avons déjà souligné plusieurs fois dans les précédents chapitres,
la dramaturgie de Starmania est articulée autour de plusieurs thèmes, ceux-ci étant soit
d’une nature universelle, soit plus spécifiques de nos sociétés contemporaines. Tout
d’abord, comme dans tout bon récit de fiction, l’histoire d’amour n’est pas exclue de
l’opéra-rock. Nous avons même vu, et comme le rappelle Renaud HANTSON, qu’il en
existait trois dans le récit : l’amour impossible entre Marie-Jeanne et Ziggy, le coup de
foudre entre Johnny Rockfort et Cristal et la relation entre Zéro Janvier et Stella
Spotlight. L’impossible réalisation de ces trois liaisons peut être considérée comme un
thème universel, récurrent dans la littérature et le cinéma et qui constitue bien souvent
l’intrigue centrale de l’histoire : vont-ils, oui ou non, parvenir à leur fin et vivre heureux
et avoir beaucoup d’enfants ? De Roméo et Juliette jusqu’à Titanic, en passant par
Autant en emporte le vent ou encore La Belle et la Bête, l’amour et sa quête ont été le fil
conducteur de nombreuses œuvres, thème central autour duquel viennent s’ajouter des
intrigues secondaires permettant ainsi de disposer d’un répertoire incalculable de
variantes autour d’un même sujet, à savoir un homme, une femme et des sentiments
entre les deux, c’est-à-dire une belle histoire d’amour.

Dans Starmania, les histoires d’amour que nous venons d’évoquer se trouvent
toutes les trois brisées pour des raisons différentes, donnant ainsi une autre dimension à
l’intrigue générale. Les trois éléments causant ces cassures peuvent être repris eux-
mêmes comme sous-thèmes. En effet, dans la relation entre Marie-Jeanne et Ziggy,
c’est l’individualité qui est à l’origine de leur séparation. Ziggy ne parvenant pas à
réaliser ses rêves, c’est-à-dire passer à la télévision et devenir chanteur de rock 71, quitte

71
Ou danseur (1978) ou batteur (1988)

77
la serveuse automate et tente ainsi seul sa chance comme disc-jockey, laissant derrière
lui sa meilleure amie. L’individualité entraîne de ce fait même la solitude, thème qui est,
comme nous avons déjà eu l’occasion de le voir, une constante dans le livret, depuis la
première chanson, Monopolis (« Qui sont tous ces millions de gens seuls au milieu de
Monopolis ? »72) jusque la dernière, Le Monde est stone (« J’ai la tête qui éclate,
j’voudrais seulement dormir, m’étendre sur l’asphalte et me laisser mourir »73). Chacun
des personnages se sent bien seul dans son milieu, Marie-Jeanne dans son Underground
Café, Zéro Janvier au sommet de sa Tour Dorée, Stella Spotlight sur son acropole… Ils
ressentent tous le besoin d’aller vers l’autre, de briser cette solitude, mais c’est un échec
pour chacun, l’individualité, comme nous le disions, l’envie de vivre ses propres envies
indépendamment des autres, sans se soucier de ce que celui qui est à côté peut leur
apporter, l’individualité, donc, l’emportant sur le reste.

Ce sentiment de solitude ainsi causé prend toute son ampleur dans la chanson
Les uns contre les autres74, où Marie-Jeanne dépeint avec tristesse le monde dans lequel
elle vit, où le centre d’intérêt de chacun est sa propre personne. « On se caresse, on se
cajole, on se comprend, on se console, mais au bout du compte, on est toujours tout seul
au monde ». Malgré toute sa bonne volonté, l’homme n’aide l’autre qu’un temps, mais à
la fin, il ne reste que lui-même, seul. Le sextet final 75, où chacun reprend une phrase de
l’opéra qui caractérise la solitude de son personnage, est également une marque de ce
thème présent tout au long du livret. La solitude d’un monde qui, à force de vouloir le
bonheur de l’homme en lui donnant tout ce dont il rêvait, n’a fait que le cloisonner dans
un monde à lui dans lequel il se fait son cinéma.

La mort de Cristal, qui provoque ainsi la fin de son histoire d’amour avec
Johnny Rockfort, est due à la violence accrue qu’ont provoquée les Etoiles Noires pour
exprimer leur prise de position. La violence et la mort représentent encore deux autres
thèmes qui se retrouvent au box office de bon nombre de films projetés à l’écran. Dans
ces cas-ci aussi, l’auteur a su exploiter ce filon et nous le servir avec originalité. La mort
et la quête de l'immortalité (quand on pense à Stella Spotlight) planent au-dessus de cet
opéra-rock, sans pour autant nous en donner une vision glauque et fatale. La mort nous

72
Annexe 1, acte 1, chanson n° 1
73
Annexe 1, acte 2, chanson n° 44
74
Annexe 1, acte 2, chanson n° 38
75
Annexe 1, acte 2, chanson n° 43

78
est présentée comme une issue, une échappatoire à, justement, cette solitude
environnante. Mais elle peut être également vue comme une métaphore et le désir de
quitter une vie, un mode de vie pour en adopter un autre. Ainsi, il faut passer par la mort
pour atteindre ce nouveau stade, comme une chenille meurt, dans le sens n'existe plus,
et renaît papillon. Les rites initiatiques, dans les sociétés primitives, faisaient
s'approcher les adolescents, qui allaient passer dans le monde des adultes, tout près de la
mort en leur infligeant des épreuves à la limite de l'extrême. La réussite de ces épreuves,
qui leur faisaient voir le visage de la mort de très près, leur permettait ainsi
d'abandonner leur statut d'adolescent, de laisser mourir leur enfance et de renaître dans
le monde des adultes (PIEROBON, 2000, 85-87).

Ici, la mort de Cristal fera peut-être voir à Johnny Rockfort une autre issue que
celle de la violence pour se sortir de sa situation et changer ainsi de vie. Stella Spotlight
aussi voit dans la mort, peut-être un suicide, une échappatoire. Pour elle, le rideau
tombe définitivement, les projecteurs peuvent s'éteindre, elle quitte enfin la scène. Elle
va traverser enfin le miroir et tenter une nouvelle vie. Comme nous l’avions déjà fait
remarquer lors de l’analyse de ce personnage, on peut voir dans l’interprétation de son
Rêve76 aussi bien l’envie de changer radicalement de mode d’existence ou bien celle de
se suicider, le manque de précision (sûrement voulu) de la part de l’auteur nous laissant
libre de choisir une des deux situations proposées.

Si la rupture de la troisième histoire d'amour se situe au niveau de la soif de


pouvoir, un autre thème exploité par Luc PLAMONDON, elle a aussi pour origine les
autres thèmes que nous venons de mentionner, à savoir l'individualité (Zéro Janvier
désirait absolument accéder au pouvoir pour sa propre jouissance) et la violence (il fait
tout pour y arriver). L'élection du constructeur de gratte-ciel à la présidence de
l'Occident fait de lui l'homme le plus puissant du monde. Son égoïsme le laisse seul
(Stella le quitte) et il continue à combattre le mal par le mal, la violence par la violence.

La télévision au centre de l’intrigue

76
Annexe 1, acte 2, chanson n° 42

79
Si tous les thèmes que nous venons de relever se retrouvent liés entre eux grâce à
l'intrigue principale, nous pouvons également leur donner une autre origine
commune qui relève beaucoup plus de notre société moderne, à savoir la télévision, son
attrait et son pouvoir.

« Starmania est une émission de télévision… Eh oui ! J’aurais mis plus de


dix ans à allumer sur le fait que la trame du premier opéra-rock
francophone se tissait autour de la télé. Il n’est jamais trop tard, mais il
était temps… » (La Presse, 22.09.90).

Effectivement, la télévision
prend une place très importante
dans Starmania. Le titre de l’opéra-
rock est d’ailleurs l’appellation de
l’émission qui cartonne en tête de
Télé-Capitale, la télévision de
Monopolis. Du début jusqu’à la fin,
cette télévision est omniprésente
Interview de Johnny Rockfort par Cristal et Roger-Roger sur scène. Tout tourne autour
pour Télé Capitale en 1988
(LIBBERECHT & DE RIBAS, 2000, Galeries)
d’elle, chaque personnage a un
rapport avec elle. Elle est allumée
en permanence à l’Underground Café où Marie-Jeanne et Ziggy suivent pas à pas
l’évolution des Etoiles Noires et de Zéro Janvier lors des informations. Ce dernier passe
son temps dans les émissions télévisées, que ce soit lors de son interview par Cristal,
pour son discours électoral, pour son entrevue avec Roger-Roger à propos de son
programme ou encore pour son mariage et son élection. Stella Spotlight, quant à elle, en
est une star incontestée (un passage au grand écran suppose une quantité d’autres sur le
petit), Cristal y est animatrice, au même titre que Roger-Roger, le présentateur attitré.
Ziggy ne rêve que d’y effectuer un passage et Johnny Rockfort y est interviewé.

Ainsi, la télévision est le centre autour duquel gravitent tous les protagonistes.
Ils se retrouvent aussi bien devant qu’à l'intérieur pour assouvir leurs besoins et leurs
passions. Rappelons d’ailleurs que le titre complet de Starmania est, à l’origine :
« Starmania ou la passion de Johnny Rockfort selon les évangiles télévisés »,

80
appellation qui a disparu après la première version de 1979. On pourrait penser que
cette télévision fait office de cohésion sociale, étant donné son rôle rassembleur puisque
tous ont quelque chose à voir avec elle, mais au contraire, elle ne fait qu’accentuer de
plus en plus cet individualisme dont nous parlions plus haut.

« La force de la télévision comme lien social vient justement de son


caractère à la fois contraignant, ludique, libre et spéculaire. C’est en cela
qu’elle est adéquate à une société individualiste de masse caractérisée
simultanément par cette double valorisation de la liberté individuelle et la
recherche d’une cohésion sociale. » (Dominique WOLTON, cité par VAN
MALDERGHEM, 1999, 4)

Les habitants de Monopolis nous donnent l’impression qu’ils sont constamment


rivés sur leur écran, étant donné qu’on ne voit pour ainsi dire que lui durant tout le
spectacle. Ecran qui peut ainsi être transposé entre chaque individu, le fait de ne
regarder que la télévision les empêchant de voir autour d’eux et donc de se voir entre
eux. « En même temps que la télévision rive chacun à son petit écran, elle fait donc
elle-même écran entre les individus qui composent la famille. Elle propose une image,
celle de la famille qui regarde, en même temps qu’elle interdit aux membres de la
famille de se regarder mutuellement. » (VAN MALDERGHEM, 1999, 14).

Aussi, chacun espère pouvoir trouver, à travers son écran, les valeurs qui
pourraient les rassembler et donc assurer la cohésion sociale dont nous parle WOLTON.
Le personnage qui a parfaitement compris le pouvoir rassembleur de la télévision, c’est
effectivement Zéro Janvier, qui profite de cet instrument pour y faire passer ses propos
extrémistes et dangereux, mais propos qui, en mettant en avant les valeurs de la société
d’Occident, rassurent la population de Monopolis, voyant en cet homme l’incarnation
même du Sauveur, du Rassembleur77. A l’instar de ses ‘prédécesseurs’ qui ont su
également exploiter les médias, le businessman a très vite compris l’enjeu énorme que
pouvait assurer la télévision dans le contrôle des masses. Rappelons qu’il n’est pas le
premier à se servir de ce média à des fins de propagande de ce type. Il soigne son image
de marque lors de ses passages télévisés, même s’il n’est pas à l’abri d’un incident

77
« Je suis pour l’Occident l’homme de la dernière chance », se plaît-il à répéter.

81
technique, comme lors de son interview par Roger-Roger. Ses propos sont également
très préparés et il n’hésite d’ailleurs pas à répéter plusieurs fois son discours 78 afin que
la population l’ait bien en tête, une sorte de lavage de cerveau. Ce discours est,
d’ailleurs, très tourné vers l’avenir, le changement. Une vidéo de Stuart WOOLF, dont le
texte a été repris dans le syllabus de José GOTOVITCH, professeur d’histoire
contemporaine à l’ULB, nous présente « l’importance de la gestuelle et du rituel dans
les mouvements fascistes (…) [ainsi que] les procédés et mécanismes médiatiques
utilisés par MUSSOLINI et HITLER » (GOTOVITCH, 1998, 70).

« "Un ralliement de masse doit permettre de couper court au processus de


pensée. Alors seulement, les gens seront disposés à accepter les
simplifications magiques devant lesquelles toute résistance s’écroule."
C’est en ces termes qu’Adolf HITLER décrivait le rôle des cérémonies dans
le développement du fascisme. (...) Les dictateurs cultivaient une image
publique d’eux-mêmes qui en faisait des surhommes visionnaires, souvent
accompagnée d’une évidente suggestion sexuelle. » (WOOLF, s.d.)

Ainsi, le rassemblement de la population en un seul peuple, celui de l’Occident,


rend les individus, perdus dans une masse informe et sans nom, beaucoup plus
malléables. Ils ne prennent dès lors plus le temps ni la peine de réfléchir et laisse un
leader, celui qui deviendra le Président de l’Occident, remplir ces fonctions à leur place.
Zéro Janvier peut donc tranquillement agir à sa guise en faisant avaler des projets pour
le bien-être de chacun et s’assurer de ce fait une place au soleil. Et la suggestion
sexuelle dont nous fait part WOOLF dans sa vidéo est, en ce qui concerne Zéro Janvier,
très claire. En effet, on peut voir dans les gratte-ciel construits par le businessman, ainsi
que dans sa Tour Dorée qui l’habille, une représentation phallique, donnant ainsi à Zéro
Janvier une image publique forte et virile. Il avoue lui-même : « J’ai du succès dans
mes affaires, j’ai du succès dans mes amours »79. Le voilà donc bientôt prêt à établir
l’Etat totalitaire dont il rêve. De toute évidence, les différents éléments déjà mis en
place dans la société occidentale avant son élection ne peuvent mener qu’à ce résultat.
Nous pouvons dès lors comparer la situation de l’Occident de Starmania à celle décrite

78
En effet, par trois fois, il revient avec son couplet Nous bâtirons le nouveau monde atomique où
l’homme ne sera plus l’esclave de la nature…
79
Annexe 1, acte 1, chanson n° 9

82
dans le livre Fahrenheit 451, de Ray BRADBURY (1995) et étudiée de manière plus
sociologique par Jacques CHAMBON et Eric LANGUMIER (1995).

« Au niveau le plus général, l’Etat totalitaire dans Fahrenheit 451 se


caractérise par une "unidimensionnalité" de la société. Le terme (…)
décrit parfaitement le phénomène en question (…) [ainsi que] ses
manifestations essentielles : envahissement total de l’être intérieur (…),
mythe de l’action pour l’action sans réflexion accompagnatrice, création
d’un nouveau réel médiatisé qui supplante la réalité. » (CHAMBON &
LANGUMIER, 1995, 267).

Nous voyons que dans Fahrenheit 451, tout comme dans Starmania, la
télévision est au centre du débat. C’est elle qui nous donne une vision du monde, une
vision tronquée, où l’on ne nous donne à voir que ce que l’on veut bien. Comme elle
devient inévitable (car elle est partout)80, il est plus évident de faire passer par elle tous
les messages et les réalités que le gouvernement mis en place (ou en passe de l’être dans
Starmania) veut édicter au peuple. La vraie réalité n’existe plus, il n’y a plus que celle
de la télévision, celle qui nous est donné à voir médiatiquement, qui compte. On croit ce
que l’on voit, sans plus se donner la peine d’essayer de comprendre. C’est d’ailleurs
grâce à ses interventions télévisuelles que Zéro Janvier remporte les élections, car il a su
donner la vision de sa réalité, en agissant directement sur l’actualité et prendre celle-ci à
son compte. Le public, crédule, croit en cette réalité et la considère comme réelle.

« De toute façon, comment serait-il possible de réfléchir à la réalité à


partir du moment où celle-ci est remplacée par l’image qui en est donnée,
c’est-à-dire par une fiction ? Là encore, l’Etat totalitaire a mis en place
une stratégie destinée à imposer sa vision de la réalité (…). Il a compris
que par son immédiateté, l’image, et de préférence l’image-choc,
supprime toute réflexion et s’autojustifie par sa seule présence. »
(CHAMBON & LANGUMIER, 1995, 269).

80
Dans Fahrenheit 451, le téléspectateur est littéralement entouré d’écrans (trois ou plus, selon ses
moyens financiers), lui projetant ainsi quantités d’images et de sons. Il se retrouve envahi de tous les
côtés par la télévision qui devient, pour lui, une véritable famille.

83
La vision de cette réalité fictive que nous impose la télévision et qui nous donne
à croire ce que l’on nous fait voir est un danger que BOURDIEU a également souligné.

« Les dangers politiques qui sont inhérents à l'usage ordinaire de la


télévision tiennent au fait que l'image a cette particularité qu'elle peut
produire ce que les critiques littéraires appellent l’effet de réel : elle peut
faire voir et faire croire à ce qu'elle fait voir. Cette puissance d’évocation
a des effets de mobilisation. Elle peut faire exister des idées ou des
représentations, mais aussi des groupes. Les faits divers, les incidents ou
les accidents quotidiens, peuvent être chargés d'implications politiques,
éthiques, etc. propres à déclencher des sentiments forts, souvent négatifs,
comme le racisme, la xénophobie, la peur-haine de l'étranger et le simple
compte rendu (…) [cela] implique toujours une construction sociale de la
réalité capable d'exercer des effets sociaux de mobilisation (ou de
démobilisation). » (cité par VAN MALDERGHEM, 1999, 16).

Zéro Janvier sait se servir de l’actualité, des actes terroristes des Etoiles Noires.
De plus, n’oublions pas, comme nous l’avons vu lors de l’analyse du personnage de
Sadia, que c’est lui qui, en fait, est à l’origine de tout ce désordre. Le chaos qu’il a lui-
même créé et qui est relégué par la télévision dont il est une vedette attitrée ne peut,
selon lui, être réglé que par un seul homme : lui-même. Il impose ainsi une situation de
monopole sur l’origine, la répercussion et la résolution du terrorisme. Et cela fonctionne
puisqu’il se retrouve à la tête de l’Occident. Comme le dit BOURDIEU, le malaise qui
circule dans une société où les faits divers et les attentats sont repris à des fins politiques
provoque un rejet de la faute sur l’autre et plus généralement sur l’étranger. Le discours
raciste que profère Zéro Janvier («Cessons de nous ruiner pour le Tiers Monde qui nous
remerciera bientôt avec des bombes. Assurons d’abord notre survivance ! (…)
L’Occident doit fermer ses frontières à toute influence étrangère »81) montre bien que
l’Occident doit se replier sur lui-même et empêcher l’arrivée d’une quelconque culture
étrangère sur son territoire. A l’origine, dans le spectacle de 1979, le texte était encore
plus fort, plus direct et plus parlant. Ainsi, dans son télégramme à Stella Spotlight, Zéro

81
Annexe 1, acte 1, chanson n° 19

84
Janvier la qualifiait de symbole de la race blanche et de nos libertés 82. Et son opposant
politique, le Gourou Marabout, personnage ayant disparu par la suite, était noir.
L’opposition que manifestait Zéro Janvier par rapport aux étrangers était ainsi
clairement marquée. Et il n’hésite dès lors pas à se servir de ce soi-disant argument pour
mener à bien sa campagne électorale.

Cette télévision, et la réalité qu’elle montre, a donc des conséquences tant au


niveau politique, comme nous venons de le voir, qu’au niveau social. Si au niveau
politique, nous pouvons observer le phénomène de cohésion social décrit par WOLTON,
dans le sens où l’accord général se porte sur un seul homme, l’autre aspect que nous
propose l’auteur, à savoir la valorisation des libertés individuelles, se situe plutôt au
niveau social, avec bien évidemment des récupérations par le politique.

« Déréalisé, remplacé par ce que l’on appellerait aujourd’hui une "réalité


virtuelle", le monde - êtres et choses - n’est plus l’objet d’aucune
responsabilité : on se décharge de ses soucis sur autrui (…) ; on ne se
préoccupe plus de l’autre(…) ; on se coupe de la nature pour la sécurité
d’un environnement aseptisé et on laisse s’installer un désordre
écologique. » (CHAMBON & LANGUMIER, 1995, 269)

Cette description du monde dans Fahrenheit 451 peut être aisément transposée à
celle de Monopolis « avec ses souterrains à l’air conditionné et ses buildings de verre
qui filtrent la lumière et ses banlieues chauffées à l’énergie solaire, où il n’y a plus
d’été, où il n’y a plus d’hiver »83. La nature ne fait plus partie des préoccupations, on
l’exclut du quotidien afin de mieux vivre. Le désordre écologique est là et la politique
de Zéro Janvier n’arrangera rien pour le sauver.84 Et le fait de ne plus se soucier de
l’autre a déjà été évoqué.

82
Par après, le texte deviendra « Symbole de nos valeurs et de nos libertés », montrant dès lors
l’importance que le businessman accorde aux valeurs partagés par le peuple d’Occident. Ces valeurs sont
ainsi à l’origine de la cohésion sociale dont nous parlait WOLTON précédemment
83
Annexe 1, acte 1, chanson n°2
84
« Nous bâtirons le nouveau monde atomique où l’homme ne sera plus esclave de la nature. » Ce
discours était contredit en 1979 par le Gourou Marabout qui prêchait pour un retour à la vie naturelle.
« Arrêtons-nous de bâtir des gratte-ciel ! Arrêtons-nous de construire des souterrains ! Sinon, nous
vivrons une vie artificielle, l’univers de demain n’aura plus rien d’humain ». Mais il ne faut pas se
leurrer, lui aussi était pour la violence qui était une réaction saine contre la décadence. A ce point de vue-
là, il rejoignait Zéro Janvier qui lui, croyait qu’elle servirait sa cause (Extraits du livret du spectacle de
1979).

85
Mais cette vraie réalité doit être masquée, rejetée. Un peuple qui se rendrait
compte de cette réelle réalité ne peut être que malheureux. Or, Zéro Janvier désire le
contraire afin de s’assurer la présidence. « Cette évacuation d’une réalité où se poserait
la question de son sens se donne naturellement un beau prétexte : le bonheur pour
tous. » (CHAMBON & LANGUMIER, 1995, 268). Effectivement, par le rejet de la
réalité de tous les jours et grâce à l’acceptation d’une réalité médiatisée, la population
de l’Occident pourra prétendre à un bonheur que l’on pourrait qualifier lui aussi de
virtuel. Mais ici, le mot tous ne comprend qu’exclusivement le peuple occidental, étant
donné le rejet de l’étranger par Zéro Janvier. Cette exclusion est, bien évidemment,
présente dans les partis politiques d’extrême droite de nos sociétés modernes. Ainsi, rien
que par les slogans, les positions de tel ou tel parti peuvent être clairement exprimées.
En France, par exemple, lors des élections de 1995, là où Jacques CHIRAC réclamait une
France pour tous, Jean-Marie LE PEN ripostait par une France pour tous les Français.
« La seule modification grammaticale du « tous » pronom au « tous » déterminant
oppose deux visions de la société, l’une qui se veut ouverte et solidaire et l’autre repliée
sur les seuls nationaux. » (COULOMB-GULLY, 2000, 16). Ainsi, tout comme le leader
du Front National français, Zéro Janvier préconise le bonheur pour tous les
Occidentaux, affirmant de ce fait sa prise de position.

Le chemin vers la présidence

Si Zéro Janvier devient bien Président de l’Occident, il faut rappeler que cette
scène ne se situe qu’à la fin du spectacle. Nous pouvons voir toute l’évolution du
candidat vers ce poste tout au long de la représentation. Et donc, avant d’atteindre cette
étape finale, il devra, comme tout bon candidat aux élections, suivre un petit rituel.
Effectivement, la période des élections est bien souvent l’occasion pour les politiciens
de sortir de la norme institutionnelle, de s’ouvrir au public et de faire, en quelque sorte,
sa promotion aux quatre coins du pays. On peut considérer toutes ces étapes à franchir
comme un véritable spectacle, avec tout ce qu’il comprend de préparation, de répétition
et de tape-à-l’œil, la télévision étant là pour, bien sûr, ne pas en perdre une miette.
Marlène COULOMB-GULLY, que nous avons déjà citée, a étudié ces rituels de campagne
lors des élections présidentielles de 1995 en France (COULOMB-GULLY, 2000). Nous

86
allons voir que plusieurs points sont semblables à la démarche qu’a effectuée Zéro
Janvier lui-même.

Tout d’abord, si nous considérons la campagne électorale comme un spectacle,


celui-ci prend avant tout sa place dans le journal télévisé. En effet, toute une mise en
scène est organisée autour du journal télévisé, avec des personnages, des intrigues, un
décor.

« Le concept de scénarisation est devenu le maître mot de l’approche


critique des journaux télévisés. Mise en scène par le biais d’une
dramaturgie spécifique, présence de personnages au sens théâtral du
terme, ainsi que d’un décor, objet de bien des soins, le JT se présente,
paradoxalement eu égard aux exigences classiques de la notion
d’information, comme le premier spectacle télévisuel. » (REGAIRAZ,
2000, 25)

« L’enjeu réel (…), c’est le journal télévisé, qui, de par sa nature de plus
en plus spectatorielle, aurait tendance à sombrer de plus en plus dans
l’émotionnel, c’est-à-dire en fait dans le spectacle. » ( V A N
MALDERGHEM, 1999, 7 )

Et comme tout bon spectacle, un rebondissement et un certain suspens ne sont


pas à exclure, notamment lors de l’annonce des candidats aux élections qui viennent
eux-mêmes s’exprimer en direct dans le journal télévisé afin de faire part de leur
participation, tout comme François MITTERRAND en 1988 ou encore Edouard BALLADUR
en 1995. Cette déclaration, de quelque nature qu’elle soit, permet à chaque candidat de
se positionner par rapport à ses adversaires politiques (COULOMB-GULLY, 2000, 14).
C’est donc véritablement dans le journal télévisé que commence la course aux élections.
Zéro Janvier a également choisi le canal de la télévision pour déclarer sa candidature
aux élections : « Dans une conférence de presse qui a fait l'effet d'une bombe, l'homme le
plus riche du monde, Zéro Janvier, célèbre constructeur de gratte-ciel, a annoncé sa
candidature officielle aux élections qui éliront le président de l'Occident »85. Et suit

85
Annexe 1, acte 1, chanson n° 4

87
directement un échantillon de ses déclarations présenté au public par le biais de la
télévision. Michel GHEUDE fait également cette observation.

« Dans leur immense majorité, les interventions politiques concrètes se


font à la télévision, le plus souvent en direct dans le journal télévisé, avant
d'être institutionnellement actées par le parlement. Le lieu du coup de
théâtre politique s'est radicalement déplacé. La télévision s'est trouvée
investie des fonctions symboliques de la représentation, mais sans aucune
des garanties et des fondements traditionnels des démocraties (cité par
VAN MALDERGHEM, 1999, 14).

Par la suite, les différents candidats organisent les meetings politiques, toujours
rediffusés par la télévision, qui sont préparés comme de grands rites festifs. A cette
occasion, toute la scénographie est étudiée, mettant en avant les différents éléments
symboliques qui caractérisent le politicien, acteur principal du spectacle 86. Les
banderoles et les slogans ne manquent pas, la couleur de fond est soigneusement
choisie, la disposition scénique également. Le meeting se compose généralement de
deux parties distinctes. Tout d’abord, nous avons le côté plus festif où sont
généralement invités des personnalités du monde de la chanson. Le choix des chanteurs
est effectué en fonction de la position des candidats. Ainsi, « le groupe Zouk Machine
a-t-il constitué l’ouverture de certains meetings de Jacques CHIRAC, symbole d’une
France pluriethnique dont le candidat prétend être le champion. » (COULOMB-
GULLY, 2000, 17). La deuxième partie du meeting, plus sérieuse, est consacrée aux
différents discours, autant ceux du candidat que de ses proches politiques. Dans son
ensemble, cette réunion politique permet de rassembler un large public, du plus
populaire, qui viendra pour la partie variété, au plus intello, qui se déplacera pour
assister aux allocutions. Il est donc important de privilégier les deux pôles de cette
rencontre pour satisfaire les différentes classes sociales présentes dans le public. A la fin
de cette réunion, un hymne est généralement repris en chœur. En France, on notera que
les partis ouvriers préféreront L’Internationale à la Marseillaise. Ici encore, le choix de
l’hymne met en avant la position politique du candidat et de son parti.

86
Si les partis communistes sont fidèles au marteau et à la faucille, c’est que ceux-ci sont chargés d’un
lourd passé symbolique. Le candidat CHIRAC, par contre, a choisi comme emblème pour sa campagne de
1995 une pomme, empreinte d’aucune symbolique existante, mais qui relève de la simplicité, comme a
voulu l’être l’ancien maire de Paris.

88
Notre politicien starmaniaque, qui a choisi l’étoile comme symbole de ses
projets pour le futur étant donné son envie de s’installer dans une station spatiale,
organise son meeting dans un lieu populaire par excellence, à savoir le grand stade
municipal 87, lieu de rassemblement idéal qui permet de réunir une masse
impressionnante d’individus88. Si, généralement, ce sont de plus en plus souvent les
chanteurs, comme Johnny HALLIDAY, Céline DION ou encore des groupes rock, qui se
produisent dans des stades de football, une grande première est effectuée avec Zéro
Janvier en tant que politicien. Mais dans Starmania, on ne nous dit pas si tel ou tel
interprète était présent pour animer la première partie de ce meeting. Seule la deuxième,
à savoir celle des discours, nous est présentée. Mais qu’il n’y ait aucun artiste qui ne se
soit déplacé pour servir la cause de Zéro Janvier n’est peut-être pas innocent. Le cas
s’est même produit en France pour un certain candidat d’extrême droite. « Le Front
National, faute d’avoir trouvé des vedettes ayant accepté d’animer ses meetings, a eu
recours à des sosies : ceux de Michel SARDOU,
de Claude FRANÇOIS ou de Mylène FARMER. »
(COULOMB-GULLY, 2000, 17). Peut-être
que Zéro Janvier n’a trouvé personne pour
venir pousser la chansonnette. D’ailleurs, il
chante (évidemment) seul son Discours
électoral.

Néanmoins, le constructeur de gratte-


ciel a tout de même un faire-valoir de choix.
Stella Spotlight et Zéro Janvier lors de son
En effet, « Stella Spotlight a été remarquée élection au Naziland
(LIBBERECHT & DE RIBAS, 2000, Galeries)
dans la tribunes des invités »89. Celle-ci est
présente très tôt aux côtés de Zéro Janvier, se
trouvant déjà sur scène au moment où celui-ci entonne son Blues du businessman. On la
retrouve donc ensuite au meeting politique 90. Mais ce n’est que par après que Zéro
Janvier lui avouera sa flamme et lui demandera de le rejoindre à ses côtés à travers son

87
Annexe 1, acte 1, chanson n° 18
88
Une foule de cent mille personnes, disent les organisateurs.
89
Annexe 1, acte 1, chanson n° 18
90
Ce choix de mise en scène n’a été effectué que lors de la dernière version de Starmania par Lewis
FUREY. Auparavant, Stella Spotlight n’apparaissait qu’au début de second acte, au moment de ses Adieux,
et il n’était question d’elle à aucun moment durant le premier acte.

89
Télégramme91. Le côté festif du meeting qui n’avait, apparemment, pas été utilisé par
Zéro Janvier, est retrouvé au Naziland, sa nouvelle discothèque tournante, où il célèbre
son mariage avec l’actrice, événement bien sûr rediffusé par Télé-Capitale, la télévision
de Monopolis. Mais entre le meeting du stade municipal et le mariage/victoire électorale
du Naziland, Zéro Janvier aura dû se montrer en public accompagné de son égérie
Stella Spotlight. Ceci constitue le chapitre suivant de la campagne électorale que
Marlène COULOMB-GULLY nomme la déambulation (COULOMB-GULLY, 2000, 19).

Le candidat, entouré de ses proches (JUPPÉ, TOUBON et SEGUIN pour CHIRAC,


FABIUS, LANG, EMMANUELLI autour de JOSPIN), va vers le citoyen, le rencontre à son
domicile, dans son village, se joint à lui en participant au marché du samedi matin, le
retrouve pour un banquet, voyage avec lui dans les transports en commun, discute… Le
médiat qu’engendrait la télévision est brisé par l’immédiat de la rencontre entre
l’homme de tous les jours et l’homme de la télévision, ceux-ci se retrouvant dans des
activités communes qui fait de l’homme politique quelqu’un de proche, de plus
abordable, un homme du peuple, somme toute. Durant la campagne de 1995, les
épouses des candidats ont eu également un rôle qui a pris plus d’importance que par le
passé. En effet, « suscitant l’identification du téléspectateur ( … ) permettant de
réchauffer l’image du présidentiable, de la corriger ou de la confirmer, les femmes ont
été largement sollicitées durant cette campagne et constituent un élément de
l’entourage sur lequel les télévisions aiment à s’appesantir. » (COULOMB-GULLY,
2000, 20). La présence des épouses montre ainsi aux téléspectateurs que le candidat est
un homme comme les autres, qu’il a aussi une famille à ses côtés et qu’il ressemble
donc à son électorat. Par contre, les candidates (Dominique VOYNET ou Arlette
LAGUILLER) n’ont pas exhibé leurs maris et se débrouillent ainsi toutes seules.

Outre les amis politiques et les épouses, le présidentiable aime à s’entourer de


personnalités culturelles issues du cinéma, de la littérature ou encore de la chanson.
L’important ici n’est pas le statut de telle ou telle vedette, mais bien sa reconnaissance
médiatique. En effet, l’artiste n’est pas utile s’il n’est pas connu du grand public. On a
donc pu voir des ralliements de tous bords lors des différentes campagnes politiques
françaises.

91
Annexe 1, acte 2, chanson n°26

90
« Durant la campagne de 1988, les grands noms de la culture française
s’étaient trouvés du côté de François MITTERRAND, Jacques CHIRAC
cultivant davantage le showbiz et le milieu sportif. » (COULOMB-
GULLY, 2000, 20).

Les artistes et intellectuels vont, au même titre que les épouses, légitimer le
candidat et le rendre plus accessible. Le public voit généralement dans l’artiste
quelqu’un de très proche, comme faisant partie de la famille. Il est donc important pour
le présidentiable de s’entourer de personnalités qui le rendront lui-même plus familier
du grand public.

Zéro Janvier a également très bien compris l’enjeu de cette stratégie, faisant
d’une pierre deux coups. Comme nous l’avons vu, c’est accompagné de Stella Spotlight
qu’il mène sa campagne. La présence de cette actrice, très prisée du public, ne peut que
lui valoir un électorat supplémentaire. De plus, il n’hésite pas à lui demander sa main et
à révéler aux téléspectateurs leur mariage très proche, qui a d’ailleurs lieu le soir même
des résultats des élections. Le célibat faisant de lui un être hors norme (la norme étant
conventionnellement le mariage dans notre culture) est ainsi comblé et Zéro Janvier
peut donc prétendre encore plus d’être à l’image du peuple de l’Occident. Mais Stella
Spotlight comprend qu’elle a été manipulée car, une fois Zéro Janvier arrivé au sommet,
elle le quitte, le laissant ainsi seul au pouvoir. Mais il est trop tard, le téléspectateur a été
dupé, bien qu’il risque de ne jamais s’en apercevoir, continuant ainsi à accepter la
réalité que la télévision lui montrera, avec, aux commandes, un businessman avide de
pouvoir. La campagne électorale est donc le moyen privilégié pour révéler au public sa
propre vision des choses et du monde. Durant cette période, le candidat devra montrer
une grande cohérence entre ses propos et ses actes et devra, une fois élu, mettre tout en
œuvre pour imposer sa réalité qu’il décrivait alors.

« Le rite électoral est par définition un rite transformationnel (…). Les


différents candidats à l’élection présidentielle visent en effet à imposer
leur vision du monde. C’est donc bien d’un contrôle symbolique de la
réalité dont il est question. En ce sens, le rituel de campagne (…)
constitue pour les présidentiables une métaphore et une illustration
anticipée de ce que sera, selon eux, le monde de demain, l’utopie d’après

91
les élections (…). Le risque alors encouru est celui du leurre et du
simulacre (…). Jacques TOUBON parlait de la campagne électorale comme
devant "susciter de la passion et du rêve". Sans doute. Mais à vouloir
substituer le principe de plaisir au principe de réalité, on court le risque
d’un réveil social douloureux. » (COULOMB-GULLY, 2000, 23-24)

Ainsi, que se passera-t-il après le Naziland, lorsque Zéro Janvier commencera à


imposer sa politique de répression ? Le peuple sera-t-il vraiment heureux, le bonheur
pour tous sera-t-il réellement d’actualité ? La mise en place de son Etat totalitaire pourra
engendrer un monde comme décrit dans Fahrenheit 451, où ceux qui possèdent des
livres sont considérés comme des fous à éliminer, où les livres sont brûlés pour ne pas
que le peuple puisse penser et où Benjamin FRANKLIN est décrit comme un pompier
chargé de brûler ces livres. Luc PLAMONDON, en écrivant son opéra-rock, a su décrire la
place que la télévision occupait dans nos foyers et dans notre monde en général.
Pourtant, dans les années septante, le petit écran n’avait pas encore l’importance qu’il
occupe aujourd’hui, mais le Québécois a su anticiper très vite cette vision des choses. Il
en va de même quant au chemin parcouru par Zéro Janvier pour accéder à la tête de
l’Occident. L’auteur a en effet su exploiter toutes les facettes de notre société moderne
et des candidats pour donner à la campagne de Zéro Janvier une consistance très
logique, anticipant même sur certains aspects, comme le fait de l’importance d’avoir
une femme à ses côtés, ce qui, d’après Marlène COULOMB-GULLY, est nouveau. En
général, tous les thèmes exploités par Luc PLAMONDON dans Starmania (la solitude dans
un monde moderne, la violence, l’amour, la mort, le pouvoir, la télévision) sont donc
non seulement empreints d’une universalité comme nous le disions pour commencer ce
chapitre, mais ils font également preuve d’une grande actualité.

92
Conclusion

Indéniablement, Starmania vit bien. Comme nous avons pu le constater, un


constant renouvellement et des corrections apportées aussi bien au livret qu’à la
partition, que ce soit des changements complets ou de simples modifications
d’instrumentation, ont permis à l’opéra-rock de traverser les années. Mais c’était
inévitable : le texte original devait évoluer. Faisant, par exemple, allusion à l’an 2000, il
aurait été saugrenu de passer ce cap sans y prêter attention. Le fait d’avoir introduit dans
les chansons des références temporelles oblige le parolier à modifier celles-ci pour que
l’ensemble puisse rester actuel92. Il en va de même pour la musique : il a fallu s’adapter
au passage à l’ère de l’électronique, des synthétiseurs et des ordinateurs pour lui garder
une certaine fraîcheur qui reste dans l’air du temps. L’utilisation d’instruments que nous
pourrions considérer comme plus classiques, à savoir un orchestre à cordes, par
exemple, n’est pas à exclure et pourrait également donner cet effet de modernité. Un
bon arrangement ferait parfaitement l’affaire. Mais il est bien évident que le coût est
beaucoup moins élevé si l’on remplace une quarantaine de musiciens par un ordinateur
manipulé par seulement deux personnes.

La logique financière entre bien évidemment en ligne de compte dans le choix


de l’instrumentation. Comme nous l’avons souligné lors du chapitre consacré aux
opérettes et spectacles musicaux, l’argent est une barrière à la réalisation d’événements
de ce genre, faute d’infrastructures consacrées à ce département. Si un créateur français
voulait absolument créer ce dont il rêve, il devrait s’exiler un temps à Londres et
délaiser ainsi Paris. En ce qui concerne Starmania, c’est grâce à certaines mesures
prises par la production que le spectacle peut continuer à être joué. Ainsi, dans la
version présentée au Théâtre Mogador en 1993/94, des requins géants chevauchés par
Sadia avalaient les télévisions lors de la soirée du Naziland. Une fois que la troupe est
partie jouer en province, ces animaux ont disparu. Il en va de même pour la saison qui
s’annonce et les différents éléments, que nous avons déjà évoqués, qui vont disparaître,
ainsi que certains interprètes. L’investissement de la production COULLIER a donc une

92
Ainsi, dans la chanson Monopolis, la phrase « Marcherons-nous main dans la main comme dans les
années quatre-vingt » a été remplacée par « Marcherons-nous main dans la main, parlerons-nous
d’amour demain »

93
place importante dans la possibilité de survie de Starmania. Dans le mot show-business,
il y a le show… et le business ! Mais, comme nous l’avions annoncé dans
l’introduction, il ne nous est pas possible de parler davantage du rôle de la production
vu leur manque de coopération et d’investissement dans l’aide que nous leur
demandions.

Nous avons vu également que la mise en scène suivait cette règle d’actualisation.
Le jeu scénique ne peut être moderne que s’il est rafraîchi, en mettant à son service les
dernières technologies en matière des arts de la scène. Lewis FUREY le disait lui-même
dans une émission télévisée :

« La mise en scène de Starmania sera toujours différente car c’est une


histoire qui parle du présent, des problèmes des gens d’aujourd’hui. Et ce
sera toujours la même histoire dans dix ans, mais avec un autre présent. Il
faudra donc une autre mise en scène. » (LOUVIN, 1999).

La mise en scène, tout en restant fidèle au texte et à la partition, doit donc


évoluer en même temps que notre monde évolue, pour être ainsi toujours cohérente avec
la réalité et que le public puisse s’y reconnaître. La modernisation d’œuvres classiques
grâce à une relecture de la mise en scène est chose courante dans le monde du spectacle.
Nous avons d’ailleurs pu voir dernièrement Œdipus Rex, la tragédie de Sophocle, au
Cirque Royal, spectacle qui actualisait cet opéra par des références et des comparaisons
entre le drame de cette histoire et la politique belge.

De plus, si le public se reconnaît à travers Starmania, c’est grâce à


l’identification qu’il peut aisément établir entre lui et les différents personnages. La
justesse d’écriture des chansons, décrivant des situations quotidiennes et des états d’âme
partagés par bon nombre d’individus qui nous entourent et dont nous faisons partie,
donne une impression de proximité et de compassion pour ces êtres de fiction. A travers
leurs vies, c’est la nôtre qui défile, avec nos passions, nos envies, nos joies et nos peines
qui la traversent. Nous pouvons donc très facilement nous mettre à la place de ces
personnages fictifs et comprendre de ce fait même ce qu’ils éprouvent dans les
différentes situations qu’ils vivent. Ce phénomène de sympathie s’applique aussi bien
aux personnages qui nous semblent les plus proches, comme par exemple Marie-Jeanne

94
qui est la confidente et le guide du public dans les dédales de Monopolis, qu’à ceux
envers lesquels nous pourrions avoir une certaine appréhension, comme c’est le cas
pour Zéro Janvier. Mais à travers des chansons telles que Le Blues du businessman dans
laquelle l’homme d’affaires nous fait part de sa vie ratée et de ses rêves qu’il a dû
écarter, voire refouler, c’est aussi une partie de notre vie qui défile devant nous, celle où
nous n’avons pas atteint l’objectif que nous nous étions fixé et où nous nous retrouvons
cantonner à un poste qui ne devrait pas être le nôtre. « Qu’est-ce que tu veux, mon
vieux, dans la vie, on fait ce qu’on peut, pas ce qu’on veut ! ». Tous les personnages
starmaniaques connaissent des hauts et des bas, des moments très intenses pour de suite
retomber. Les chansons qu’ils entonnent ne sont en fait qu’un commentaire de leurs vies
respectives, avec un regard sur celles des autres et un parallèle avec la nôtre. Luc
PLAMONDON a décrit, avec des mots très simples, mais très significatifs et très justes, un
certain état d’esprit général inhérent à notre société moderne.

Les thèmes qui se dégagent de l’opéra-rock sont eux aussi relatifs à la vie
quotidienne : l’amour, la mort, la violence, la solitude, l’individualité… Si tous ces
thèmes sont pour la plupart repris dans énormément d’œuvres, qu’elles soient littéraires
ou cinématographiques, la grande innovation a sans doute été de faire transparaître
toutes ces idées à travers l’écran de la télévision, leur donnant ainsi une nouvelle
dimension et un point de vue différent, ce qui était assez décalé, à l’époque, par rapport
aux opérettes et comédies musicales qui étaient proposées au public. Si, comme le
disent certains protagonistes du monde de l’opérette, celle-ci a pour but de donner du
bonheur aux spectateurs et de les faire voyager, Starmania, en plus de procurer un
certain plaisir au public, le fait également réfléchir sur des problèmes de société. C’est
véritablement une critique de la télévision, du monde politique en particulier et du
danger du pouvoir en général qui est mis en place pendant ces deux heures de spectacle.
Si adopter des prises de position par rapport à la politique n’est pas une première en
matière de spectacle musical, la dénonciation de l’influence de la télévision sur les
citoyens en est sûrement une.

Aussi, Starmania est considéré comme un drame musical, car le spectateur est
invité durant deux heures à suivre une trame qui, somme toute, n’est pas vraiment
réjouissante dès le départ. Si l’on y regarde bien, les malheurs se succèdent plus vite que
les bonheurs. Mais le public est ravi de retrouver ces chansons qu’il connaît par cœur. Il

95
ne s’arrête pas à l’histoire et se laisse emporter par ces refrains et par les interprètes qui
sont, à chaque fois, une découverte car, en règle générale, inconnus du grand public. Les
chansons sont donc véritablement les vedettes de la soirée, bien avant les interprètes. Ce
sont elles qui amènent les spectateurs dans les théâtres et qui font avant tout la
renommée de Starmania, au point d’être fort prisée lors de l’organisation de karaokés.
Nous avons dit que Starmania, c’était trois histoires d’amour, mais nous pouvons en
rajouter une quatrième, celle qui se produit entre le public et l’œuvre. Les personnes qui
se déplacent pour voir ce spectacle sont, généralement, conquis d’avance, car ils
connaissent les chansons principales et viennent principalement pour elles. Et tout est
mis en œuvre afin de les leur servir sur un plateau d’argent. Maurane, se rappelant le
spectacle de 1988, le dit elle-même :

« Les gens sont très attachés aux chansons, pourvu qu’elles reviennent,
peu importe les versions (…). A la fin, les gens étaient debout avec un
sourire jusque là. On était heureux et ça rendait les gens heureux, alors
que c’est un fond dramatique. » (KHAN & DRUHOT, 1998).

Mais les chansons ne sont qu’une partie du show. Il faut également donner aux
spectateurs quelque chose à voir et donc user de créativité en ce qui concerne la mise en
scène. Les effets spéciaux et les acrobaties ne laissent pas non plus le public de marbre
et le gardent en haleine toute la durée du spectacle. On ne le laisse se reposer qu’à
l’entracte, on l’entraîne à la vitesse du métro aérien de Monopolis pour le faire voyager
à travers cet univers, cette sorte de monde parallèle qui est très proche du nôtre.

Tous les éléments que nous avons décrits à travers les différents chapitres de ce
mémoire et que nous venons de rappeler ici ont permis à Starmania de traverser les
années et de rester, vingt-cinq ans après que l’idée ait germé dans la tête de ses
créateurs, la référence en matière de spectacle musical en cette fin de millénaire. C’est
parce que l’on y parle des gens, de leurs problèmes, de leurs vies qu’ils se déplacent
pour une représentation. Leur histoire leur est présentée et ils se reconnaissent dans les
personnages, les chansons, les thèmes, la scénographie et la mise en scène. Starmania,
c’est leur monde. Starmania, c’est leur vie. Starmania, c’est eux.

96
Le monde du spectacle n’est pas en manque de créateurs et de créations, mais à
côté de cela, nous voyons bien souvent à l’affiche des théâtres des pièces et des
spectacles écrits voici de nombreuses années. L’intérêt de remonter chaque année ces
spectacles tiendrait dans le fait de les rafraîchir, leur apporter ainsi une connotation
actuelle faisant référence à des problèmes ou des situations d’aujourd’hui. Remettre ces
pièces au goût du jour peut être risqué, mais il faut essayer. Une relecture complète de
telle ou telle œuvre peut lui apporter un petit quelque chose en plus, sans nuire à la
volonté de l’auteur. Ainsi, le film Romeo and Juliet de l’Australien Baz LUHRMANN
plonge cette histoire vieille de quatre siècles dans notre monde moderne en gardant tous
les ingrédients, la finesse et l’esprit shakespeariens. C’est grâce à des adaptations de ce
genre qu’une œuvre peut continuer à vivre sans devenir obsolète. Starmania, grâce à ses
thèmes universels et à ses constantes modifications pourra sûrement perdurer. Et, qui
sait, peut-être que dans quatre cents ans verrons-nous une adaptation de l’opéra-rock de
Mi chel BERGER e t L u c PLAMONDON dans une version autre que théâtrale ou
cinématographique et qui sera, pour la génération du vingt-cinquième siècle, empreinte
d’une grande modernité. Qui vivra…

97
Annexe 1 : Le livret

Starmania (version 1998)


Michel Berger
Luc Plamondon

Acte I
Zéro Janvier et Sadia
Il se passe quelque chose à Monopolis
Ouverture
La foule
1. Monopolis Cette ville qui semblait faite pour le bonheur des
Marie-Jeanne hommes
Vit maintenant aussi à l'heure de la terreur
De New York à Tokyo tout est partout pareil On ne sort plus le soir à New York ou à Rome
On prend le même métro vers les mêmes Quand le soleil se couche tout l'Occident a peur
banlieues
Tout le monde à la queue-leu-leu Zéro Janvier et Sadia
Les néons de la nuit remplacent le soleil Il se passe quelque chose à Monopolis
Et sur toutes les radios on danse le même disco Il se passe quelque chose à Monopolis
Le jour est gris la nuit est bleue
Zéro Janvier
Dans les villes de l'an deux mille Quand le soleil se couche tout l'Occident a peur
La vie sera bien plus facile
On aura tous un numéro dans le dos
Et une étoile sur la peau 3. Quand on arrive en ville
On suivra gaiement le troupeau Johnny Rockfort
Dans les villes de l'an deux mille Sadia

Monopolis il n'y aura plus d'étrangers Quand tout l'monde dort tranquille
On sera tous des étrangers dans les rues de Dans les banlieues dortoirs
Monopolis On voit les Etoiles Noires
Qui sont tous ces millions de gens Descendre sur la ville
Seuls au milieu de
Monopolis Qui est-ce qui viole les filles
Le soir dans les parkings
Qui met l'feu aux buildings
2. Il se passe quelque chose Toujours les Etoiles Noires

La foule Alors c'est la panique sur les boul'vards


Il se passe quelque chose à Monopolis Quand on arrive en ville
Cette ville où il n'arrivait jamais rien
Où l'on appelait la police Quand on arrive en ville
Que si l'on avait perdu son chien Tout l'monde change de trottoir
On n'a pas l'air viril
Zéro Janvier et Sadia Mais on fait peur à voir
Il se passe quelque chose à Monopolis
Des gars qui se maquillent
La foule Ca fait rire les passants
Cette ville nouvelle cette ville modèle Mais quand ils voient du sang
Avec ses souterrains à l'air conditionné Sur nos lames de rasoir
Et ses buildings de verre qui filtrent la lumière
Et ses banlieues chauffées à l'énergie solaire Ca fait comme un éclair dans le brouillard
Où il n'y a plus d'été Quand on arrive en ville
Où il n'y a plus d'hiver Nous tout c'qu'on veut c'est être heureux

98
Etre heureux avant d'être vieux Ce mouvement anarchiste
On n'a pas l'temps d'attendre d'avoir trente ans Continue d'allonger la liste
Nous tout c'qu'on veut c'est être heureux De ses crimes gratuits
Etre heureux avant d'être vieux
On prend tout c'qu'on peut prendre en attendant Roger-Roger
En effet dans la nuit
Quand on arrive en ville D'hier à aujourd'hui
On arrive de nulle part Une bande de zonards
On vit sans domicile Portant au front une étoile noire
On dort dans des hangars Et mitraillette au poing
Ont attaqué le métro aérien
Le jour on est tranquille
On passe incognito Cristal
Le soir on change de peau Un convoi armé
Et on frappe au hasard A été appelé dans la capitale
Par la police locale
Alors préparez-vous pour la bagarre Pour maîtriser ces Etoiles Noires
Quand on arrive en ville
Roger-Roger
Quand la ville souterraine
Est plongée dans le noir Qui veulent ébranler le pouvoir
Les gens qui s'y promènent En cette période électorale
Ressortent sur des brancards
Cristal
On agit sans mobile Nous en reparlerons dans notre éditorial
Ca vous paraît bizarre
C'est p'têt qu'on est débile Marie-Jeanne
C'est p'têt par désespoir De temps en temps je baisse le son de la
télévision
Du moins c'est c'que disent les journaux du soir Pour écouter un peu les conversations
Quand on arrive en ville C'est fou c'qu'on peut entendre c'est fou ce qu'on
peut voir
Quand viendra l'an deux mille Quand on passe sa vie derrière un comptoir
On n’aura plus vingt ans
Si on vit pas maintenant Roger-Roger
Demain il s'ra trop tard Dans une conférence de presse qui a fait l'effet
d'une bombe
Qu'est-c'qu'on va faire ce soir L'homme le plus riche du monde
On va p'têt tout casser Zéro Janvier
Si vous allez danser Célèbre constructeur de gratte-ciel
Ne rentrez pas trop tard A annoncé sa candidature officielle
Aux élections
De peur qu'on égratigne vos Jaguars Qui éliront
Préparez-vous pour la bagarre Le président de l'Occident
C'est la panique sur les boulevards Notre reporter Cristal
Quand on arrive en ville Le sourire de Télé Capitale
Nous décrit l’événement

4. Scène 1 Cristal
En tant que chef incontesté du Parti Pris Pour le
Roger-Roger Progrès
Depuis la capitale de l'hémisphère occidental Zéro Janvier s'est engagé à rétablir l'ordre dans
Ici Roger-Roger la cité
Voici le résumé Voici un court échantillon
Des nouvelles nationales et internationales De ses déclarations

Cristal Zéro Janvier


Mesdames et Messieurs bonsoir Nous bâtirons le nouveau monde atomique
A la Une de ce soir Où l'homme ne sera plus l'esclave de la nature
Encore les Etoiles Noires Laissons le passé aux nostalgiques

99
Vivons l'aventure du futur
N'm'app'lez pas Madame
Si l'on veut éviter de faire que la terre Sans savoir qui je suis
Devienne un jour un seul pays totalitaire Je n'suis pas une femme
L'Occident doit fermer ses frontières Je suis un travesti
A toute influence étrangère
Travesti de vos corps
Roger-Roger Travesti de vos âmes
Un autre communiqué Travesti de vos rêves
Qu'on vient de recevoir Travesti de vos drames
Travesti de vos jours
Cristal Travesti de vos nuits
Signé les Etoiles Noires Travesti de vos amours
Travesti de vos vies
Roger-Roger Travesti de vos vies
A revendiqué Je suis tout c'que vous voulez
L'attentat d'hier soir Je suis tout c'que vous pensez
Je suis vos amours blessés
Cristal Votre jeunesse envolée
Un certain Johnny Rockfort Je suis vos désirs secrets
Serait l'homme fort Et vos haines étouffées
Des Etoiles Noires Je suis le sexe démystifié
Je suis la violence personnifiée
Marie-Jeanne
Moi les Etoiles Noires je peux vous en parler Vous vendriez votre âme pour dormir dans mes
On les voit tous les soirs à l'Underground Café bras
C'est ici qu'ils préparent tous leurs attentats Vous quitteriez vos femmes pour partir avec
Sous la direction d'une dénommée Sadia moi
Une révolutionnaire une fille à papa
Qui a des idées bien arrêtées N'm'app'lez pas madame
Mais quand on la voit Sans savoir qui je suis
On ne dirait pas Je n'suis pas une femme
Qu'elle sort de l'université Je suis un travesti
Regardez-la la voilà
Sadia De vos corps
De vos rêves
Travesti… de vos amours
5. Travesti
Sadia Je suis tout c'que vous voulez
Je suis tout c'que vous pensez
Quand je marche dans la rue Je suis vos amours blessés
J'entends les hommes qui murmurent Votre jeunesse envolée
Regardez cette femme quelle allure Je suis vos désirs secrets
C'est une femme comme on n'en voit plus Et vos haines étouffées
Je suis le sexe démystifié
Est-ce une star en déconfiture Je suis la violence personnifiée
Est-ce une étoile du futur
Regardez-moi cette chevelure Travesti de vos corps
Cette chevelure d'un bleu azur Travesti de vos vies

Si vous pouviez me voir toute nue Travesti


Me voir sous toutes mes coutures
Messieurs vous n'seriez pas déçus Tout c’que vous pensez
De découvrir ma vraie nature Tout c’que vous pensez

Vous vendriez votre âme pour dormir dans mes Travesti de vos nuits
bras Travesti de vos vies
Vous quitteriez vos femmes pour partir avec Travesti
moi

100
Travesti Ont fait la Une des journaux du soir
6. Scène 2 Au fond Johnny n'avait qu'une envie
C'était de faire parler de lui
Marie-Jeanne On peut dire qu'il a réussi
La première fois qu'elle est entrée Chacun fait ce qu'il veut de sa vie
A l'Underground Café Mais moi je n'me mêle pas
Tout le monde s'est arrêté d'parler De c'qui n'm'regarde pas
Et Johnny Rockfort s'est levé
Il s'est approché
Elle s'est présentée 7. La complainte de la serveuse
Ils sont restés debout au bar automate
Ils ont parlé très tard Marie-Jeanne
Flash-back
J'ai pas d'mandé à v'nir au monde
Sadia J'voudrais seulement qu'on m'fiche la paix
J'ai entendu parler de toi J'ai pas envie d'faire comme tout l'monde
Et de ta bande de p'tits copains Mais faut bien que j'paie mon loyer
Vous faites pas mal de bruit déjà J'travaille à l'Underground Café
Mais ça pourrait aller plus loin
J'suis rien qu'une serveuse automate
Johnny Rockfort Ca m'laisse tout mon temps pour rêver
Qu'est-ce que vous voulez dire par là ? Même quand j'tiens plus d'bout sur mes pattes
J'suis toujours prête à m'envoler
Sadia J'travaille à l'Underground Café
Il faut briser Zéro Janvier
C'est l'ennemi numéro un Un jour vous verrez
Il faut à tout prix l'empêcher La serveuse automate
De gagner encore du terrain S'en aller
Cultiver ses tomates
Johnny Rockfort Au soleil
Moi j'fais pas ça pour des idées
Qu'est-c'que j'vais faire aujourd'hui
Sadia Qu'est-c'que j'vais faire demain
Tu es celui dont j'ai besoin C'est c'que j'me dis tous les matins
Pour arriver à mes fins
Si tu me suis tu s'ras quelqu'un Qu'est-c'que j'vais faire de ma vie
Tu s'ras le chef des Etoiles Noires Moi j'ai envie de rien
Et nous renvers'rons le pouvoir J'ai juste envie d'être bien

Johnny Rockfort J'veux pas travailler


Pourquoi ce nom bizarre des Etoiles Noires Juste pour travailler
Pour gagner ma vie
Sadia Comme on dit
Parce que dans les souterrains
Les étoiles ne brillent pas fort J'voudrais seulement faire
Monsieur Johnny Rockfort Quelque chose que j'aime
J'sais pas c'que j'aime
Marie-Jeanne C'est mon problème
Parce que dans les souterrains
Les étoiles ne brillent pas fort De temps en temps j'gratte ma guitare
C'est tout c'que j'sais faire d'mes dix doigts
Marie-Jeanne et Sadia J'ai jamais rêvé d'être une star
J'ai seulement envie d'être moi
Monsieur Johnny Rockfort
Ma vie ne me ressemble pas
J'travaille à l'Underground Café
Marie-Jeanne
Voilà c'est comme ça que tout a commencé
Y'a longtemps qu'j'ai pas vu l'soleil
A partir de ce jour-là Johnny et Sadia ne se sont
Dans mon univers souterrain
plus quittés
Pour moi tous les jours sont pareils
Et les Etoiles Noires
Pour moi la vie ça sert à rien

101
Je suis comme un néon éteint
J'travaille à l'Underground Café Cristal
Mesdames mesdemoiselles messieurs
Un jour vous verrez Ce soir j'ai devant moi un homme
La serveuse automate Que toutes les femmes voudraient connaître
S'en aller
Cultiver ses tomates Pour un instant Zéro Janvier
Au soleil Je vous demanderai d'oublier
Le businessman riche et célèbre
Qu'est-c'que j'vais faire aujourd'hui
Qu'est-c'que j'vais faire demain Ma question vous la connaissez
C'est c'que j'me dis tous les matins Si vous n'étiez pas qui vous êtes
Dites-moi qui vous voudriez être
Qu'est-c'que j'vais faire de ma vie
Moi j'ai envie de rien
J'ai juste envie d'être bien 9. Le blues du businessman
Un jour vous verrez la serveuse automate Zéro Janvier
S'en aller cultiver ses tomates
Au soleil J'ai du succès dans mes affaires
J'ai du succès dans mes amours
Au soleil Je change souvent de secrétaire

J'ai mon bureau en haut d'une tour


8. Scène 3 D'où je vois la ville à l'envers
D'où je contrôle mon univers
Roger-Roger
Et voici maintenant l'émission préférée J'passe la moitié d'ma vie en l'air
Des jeunes de tout âge Entre New York et Singapour
L'émission numéro un dans tous les sondages Je voyage toujours en première
"Starmania" présenté par Cristal
Le sourire de Télé Capitale J'ai ma résidence secondaire
Dans tous les Hilton de la terre
Son invitée surprise d'aujourd'hui J'peux pas supporter la misère
Stella Spotlight, arrivant de Paris
Mais d’abord Zéro Janvier J'suis pas heureux mais j'en ai l'air
Le leader du PPPP J'ai perdu le sens de l'humour
Qu'elle est allée rencontrer Depuis que j'ai le sens des affaires
Dans ses bureaux de la Tour Dorée
Où il lui a exceptionnellement accordé J'ai réussi et j'en suis fier
Une interview passionnante et passionnée Au fond je n'ai qu'un seul regret
Dont voici les meilleurs moments J'fais pas c'que j'aurais voulu faire

Cristal J'aurais voulu être un artiste


Zéro Janvier vous êtes un homme d'avenir Pour pouvoir faire mon numéro
Quels conseils avez-vous donc à offrir Quand l'avion se pose sur la piste
A tous les jeunes qui rêvent de réussir A Rotterdam ou à Rio

Zéro Janvier J'aurais voulu être un chanteur


Croyez-en vous c'est tout ce que j'ai à leur dire Pour pouvoir crier qui je suis
J'aurais voulu être un auteur
Cristal Pour pouvoir inventer ma vie
Tous les matins je reçois un courrier immense Pour pouvoir inventer ma vie
Des jeunes qui me demandent de leur donner
leur chance J'aurais voulu être un acteur
Pour tous les jours changer de peau
Zéro Janvier Et pour pouvoir me trouver beau
Regardez-moi je suis parti de rien Sur un grand écran en couleur
Chacun doit forger son destin Sur un grand écran en couleur

J'aurais voulu être un artiste

102
Pour avoir le monde à refaire C'est mon seul ami
Pour pouvoir être un anarchiste Dans sa tête y'a que d'la musique
Et vivre comme un millionnaire Il vend des disques dans une boutique
Et vivre comme un millionnaire On dirait qu'il vit
Dans une autre galaxie
J'aurais voulu être un artiste
Pour pouvoir dire pourquoi j'existe Tous les soirs il m'emmène danser
Dans des endroits très très gais
Où il a des tas d'amis
J'aurais voulu être un artiste Oui je sais il aime les garçons
Pour pouvoir dire pourquoi j'existe Je devrais me faire une raison
Essayer de l'oublier mais

10. Scène 4 Ziggy


Il s'appelle Ziggy
Roger-Roger Je suis folle de lui
C'est un garçon pas comme les autres
Starmania nous revient dans trois minutes
Mais moi je l'aime c'est pas d'ma faute
Stella Spotlight nous parlera
Même si je sais
De sa lutte contre la drogue
Qu'il ne m'aimera jamais
Chez les adolescents
Et du nouveau film
Qu’elle tourne en ce moment
12. Un enfant de la pollution
Marie-Jeanne Ziggy
Starmania Starmania
Moi j'suis pas faite comme ça J'suis un enfant de la pollution
Mais j'connais un garçon qui n'a qu'une Le nez au vent je respire à fond
ambition Moi le smog c'est ma drogue
C'est d'passer dans cette émission Je n'peux plus m'en passer
La nature et l'air pur
Ca m'fait plutôt tousser
Je suis bien dans ma peau
11. Un garçon pas comme les autres
Comme un poisson dans l'eau
Marie-Jeanne
J'suis un maniaque d'la télévision
Ziggy
Juste en play-back comme un bruit de fond
Il s'appelle Ziggy
Besoin d'bruit même la nuit
Je suis folle de lui
Sinon j'suis insomniaque
C'est un garçon pas comme les autres
Les oiseaux les crapauds
Mais moi je l'aime c'est pas d'ma faute
Ca m'rend paranoïaque
Même si je sais
Besoin pour faire dodo
Qu'il ne m'aimera jamais
Du ronron des motos
Ziggy
Le parfum de l'essence
Il s'appelle Ziggy
Ca m'trouble les sens
Je suis folle de lui
Quand j'ai mal à la tête
La première fois que je l'ai vu
J'fume une cigarette
Je m'suis j'tée sur lui dans la rue
Je vais faire mon jogging
J'lui ai seul'ment dit
Au milieu des buildings
Que j'avais envie de lui
Les pieds sur le ciment
J'suis dans mon élément
Il était quatre heures du matin
J'étais seule et j'avais besoin
Tous les dimanches j'reste à la maison
De parler à quelqu'un
J'branche ma sono j'mets l'volume à fond
Il m'a dit: "Viens prendr'un café"
J'suis content quand j'entends
Et on s'est raconté nos vies
Le téléphone qui sonne
On a ri on a pleuré
La campagne c'est le bagne
Ca manque d'oxyde de carbone
Ziggy
Je suis bien dans ma peau
Il s'appelle Ziggy
Comme un poisson dans l'eau

103
J'suis un agent de consommation 14. La chanson de Ziggy
Quand j'ai d'l'argent je consomme à fond Ziggy
Je m'embête je m'achète Marie-Jeanne
Tout c'qui m'passe par la tête
Je me jette comme une bête Moi j'étais un fils à maman
Sur le dernier gadget Tous les soirs en m'endormant
Je vis mon p'tit train-train Ell'me disait: "Quand tu s'ras grand
De citadin moyen MJ: Tu dans'ras le Prince Charmant
Dans la Belle au Bois Dormant"
Je suis bien dans ma peau Dans la Belle au Bois Dormant
Comme un poisson dans l'eau Tous les sam'dis après-midi
MJ: Bravo bravo bravo Pendant que les gars du quartier
C'est un bon numéro Jouaient au football ou au volley
Moi j'prenais des cours de ballet
Z: Quand j’s’rai numéro un au Top 50
Vous qui riez aujourd’hui quand je chante MJ: C'est pour ça qu't'avais pas d'amis
Vous serez les premiers parmi tous mes
groupies A quinze ans ma mère m'a donné
Vous direz ce Ziggy En cadeau d'anniversaire
C’est mon meilleur ami Tout Tchaikowsky dans un coffret
Moi j'ai couru chez le disquaire
Et vous saurez par cœur Le lendemain pour l'échanger
Et vous chanterez en chœur
Les mots de ma chanson C'est ce jour là que j'ai rencontré
L’enfant de la pollution Le premier amour de ma vie
S'appelait David Bowie
MJ: Sa musique a changé ta vie
13. Scène 5 Z: Moi j'ai changé mon nom pour lui
MJ: T'as changé ton nom pour lui
Marie-Jeanne
Ziggy Ziggy Ziggy
Qu'est-c'que tu fais là
Je n't'attendais pas Je suis parti de chez ma mère
Je suis retourné voir le disquaire
Ziggy Il m'a engagé comme vendeur
J'avais envie de te montrer Mais maintenant je sais c'que j'veux faire
La lettre que je vais envoyer Maintenant j'veux être un chanteur
Pour passer dans Starmania
J'veux être un chanteur de rock
Marie-Jeanne J'veux être un chanteur de rock
Qu'est-ce que tu vas leur raconter Le meilleur chanteur rock au monde

Ziggy JR et S: Il veut
Je vais leur raconter ma vie
Z: J’veux être un chanteur de rock
Marie-Jeanne
Est-ce que tu crois que ça suffit JR et S: Il veut
Ta vie
Z: J’veux être un chanteur de rock
Ziggy
Mais ma vie tu n'la connais pas
Je voudrais leur dire aussi
Tout ce que je n't'ai jamais dit 15. Scène 6
Sadia
Alors Monsieur Disco se prend pour un rocker
Johnny tu pourrais lui montrer ce qu'c'est qu'un
vrai rocker

104
Tu pourrais lui montrer que tu t'appelles Johnny Marie-Jeanne
Rockfort Ziggy

Johnny Rockfort Ziggy


Les concours d'amateurs moi c'est pas mon fort J’veux être un chanteur de rock

Sadia Sadia
Moi je trouve que celui des deux
Une interview en exclusivité
Qui doit passer dans Starmania
Avec Johnny Rockfort à l'Underground Café
C'est pas toi Ziggy
C'est plutôt Johnny
Marie-Jeanne
Marie-Jeanne Ziggy
Mais sa vie tu n’la connais pas
Ziggy
Sadia J’veux être un chanteur de rock
Je vais téléphoner à Télé Capitale
Et demander Cristal Sadia
En me faisant passer pour une amie à elle
Une interview en exclusivité
Avec Johnny Rockfort à l'Underground Café
Ziggy
Tout c’qu je n’t’ai jamais dit
Marie-Jeanne
Sadia Ziggy
Que j'ai connue déjà dans une vie parallèle
Johnny Rockfort
Marie-Jeanne Pour un scoop c'est un scoop
Ziggy Si tu dis la vérité

Sadia Ziggy
Je vais lui proposer une interview en exclusivité J’veux être un chanteur de rock
Avec Johnny Rockfort à l'Underground Café
Sadia
Johnny Rockfort Une interview en exclusivité
Bloc souterrain trente corridor B
Johnny Rockfort
Sadia Avec moi à l'Underground Café
C'est le scoop de sa vie
Ell'peut pas passer à côté Marie-Jeanne
Ziggy
Johnny Rockfort
Pour un scoop c'est un scoop Ziggy
Si tu dis la vérité Le meilleur un chanteur rock au monde
Ziggy Sadia
Mais ma vie tu n’la connais pas Une interview en exclusivité
Avec Johnny Rockfort à l'Underground Café
Sadia et Johnny Rockfort
Pour un scoop c'est un scoop Marie-Jeanne
Si tu dis la vérité
Mais sa vie tu n’la connais pas

Johnny Rockfort
Pour un scoop c'est un scoop
Si tu dis la vérité

105
Tous Je veux vivre et mourir
Il veut être un chanteur de rock Sans feu ni lieu
J'veux pas rentrer dormir
Dans ma banlieue
J'ai tout cassé avant d'partir
16. Interview de Johnny Rockfort
J'ai pas d'passé j'ai pas d'av'nir

Roger-Roger Y'a plus d'av'nir sur la terre


Attention… Silence… Moteur Qu'est-c'qu'on va faire
Y'a plus d'av'nir sur la terre
Cristal Qu'est-c'qu'on va faire
Mesdames messieurs
J'ai devant moi ce soir J'ai jamais travaillé
Johnny Rockfort le chef des Etoiles Noires Mais j'me suis bien débrouillé
Qui pour des raisons évidentes Un jour je m'suis retrouvé
Ne nous montrera pas son vrai visage A l'Underground Café

Johnny Rockfort C'est là que j'ai rencontré


On parle de vous partout Tous mes amis d'aujourd'hui
Johnny Rockfort Quand je sais pas où coucher
Qui êtes-vous d'où venez-vous C'est là que je passe mes nuits
Quelle est le véritable personnage
Dissimulez derrière ce maquillage Sans foi ni loi
Je veux vivre et mourir
Johnny Rockfort Sans feu ni lieu
Voulez-vous être une star J'veux pas rentrer dormir
Johnny Rockfort Dans ma banlieue
Pourquoi les Etoiles Noires J'ai tout cassé avant d'partir
Votre philosophie terroriste J'ai pas d'passé j'ai pas d'av'nir
Est-elle naturiste ou futuriste
Sans foi ni loi
Johnny Rockfort Je veux vivre et mourir
Moi je m'fous de la politique Sans feu ni lieu
J'ai jamais lu un journal J'veux pas rentrer dormir
Et j'm'en porte pas plus mal Dans ma banlieue
J'ai tout cassé avant d'partir
Cristal J'ai pas d'passé j'ai pas d'av'nir
Johnny Rockfort Sans foi ni loi
Vous un enfant du chômage Je veux vivre et mourir
Johnny Rockfort Sans feu ni lieu
Croyez-vous au mariage J'veux pas rentrer dormir
Qu'est-ce que vous aimez en musique Sans foi ni loi
Quel est votre signe astrologique Je veux vivre et mourir
Sans feu ni lieu
J'veux pas rentrer dormir
17. Banlieue Nord
Johnny Rockfort Pas d'passé pas d'av'nir…

J'm'appelle Johnny Rockfort


J'suis né dans la banlieue nord
J'ai grandi sur les trottoirs
18. Scène 7
Roger-Roger
J'ai pas choisi d'être un zonard
Une foule de cent mille personnes
Ma mère est d'venue folle
Disent les organisateurs
Parc'que mon père buvait trop
Et cinquante mille personnes
A quinze ans j'ai quitté l'école
Selon les détracteurs
Et j'ai pris le premier métro
S'était rassemblée aujourd'hui dans le grand stade
municipal
Sans foi ni loi

106
Pour écouter Zéro Janvier dévoiler son Mesdames messieurs
programme électoral Nous interrompons le cours normal de nos
Stella Spotlight a été remarquée émissions
Dans la tribune des invités Par bulletin spécial
Nous apprenons que Cristal
Le sourire de Télé Capitale
19. Discours électoral A été kidnappée ce soir
Zéro Janvier Par les Etoiles Noires

Zéro Janvier Marie-Jeanne


Président Vous voyez bien qu'il ne faut pas croire
De l'Occident Tout ce qu'on raconte à la télé
Si vous voulez savoir
Zéro Janvier Le fond de ma pensée
Président J'crois pas que Cristal ait été enlevée par Johnny
De l'Occident Moi j'pense plutôt qu'elle s'est enfuie avec lui
Zéro Janvier
Président
De l'Occident 21. Coup de foudre
Pour enrayer la nouvelle vague terroriste Cristal
Nous prendrons des mesures extrémistes Moi je suis née du beau côté des choses
Nous imposerons le retour à l'ordre Longtemps je suis restée la petite fille en rose
Si on ne peut pas vivre dans la concorde Mais moi aussi un jour je suis partie
Nous mettrons la capitale Parce que j'avais envie de vivre ma vie
Sous la loi martiale Quand on s'appelle Cristal
On croit en son étoile
Zéro Janvier
Président Johnny Rockfort
De l'Occident
Qu'on vienne d'en haut qu'on vienne d'en bas
En ce qui concerne la pénurie d'énergie Au fond qu'est-ce que ça change
Vous connaissez déjà ma stratégie
Quand nous aurons vidé le fond des mers Cristal
Nous serons prêts à vivre ailleurs que sur terre Je te ressemble bien plus que tu n'le crois
Notre prochaine capitale
Sera une station spatiale Johnny Rockfort
Moi j'ai toujours rêvé de rencontrer un ange
Zéro Janvier Je suis venu au monde en criant au secours
Président
De l'Occident Cristal
Qu'on vienne d'en haut qu'on vienne d'en bas
Cessons de nous ruiner pour le Tiers Monde
Au fond qu'est-ce que ça change
Qui nous remerciera bientôt avec des bombes
Assurons d'abord notre survivance
Johnny Rockfort
Je suis pour l'Occident l'homme de la dernière
chance Je suis venu au monde en criant au secours
Je suis pour l'Occident l'homme de la dernière
chance Cristal et Johnny Rockfort
Qu'on vienne d'en haut qu'on vienne d'en bas
Nous bâtirons le nouveau monde atomique Au fond qu'est-ce que ça change
Où l'homme ne sera plus l'esclave de la nature Je te ressemble bien plus que tu n'le crois
Laissons le passé aux nostalgiques
Vivons l'aventure du futur Johnny Rockfort
Moi j'ai toujours rêvé de rencontrer un ange

Cristal et Johnny Rockfort


20. Scène 8
Je suis venu au monde en criant au secours
J'ai besoin d'amour
Roger-Roger

107
Ici c'est d'venu bien tranquille
Personne n'ose plus mettre les pieds
22. Petite musique terrienne A l'Underground Café
Marie-Jeanne
Ziggy Ziggy
Johnny Rockfort Moi je lis des magazines
Cristal Où l'on voit la vie en rose
Où on roule en limousine
Y'a plus d'av'nir sur la terre
Y'a quelque chose qui tourne pas rond Marie-Jeanne
Dans l'système solaire Et on meurt d'overdose

Y'a-t-il quelqu'un dans l'univers L'actrice Stella Spotlight surnommée la Divine


Qui puisse répondre à nos questions Devant les boucliers de la cause féminine
A nos prières Qui risquait de faire d'elle une passionaria
A nos prières A décidé d'abandonner le cinéma
Qui nous dira
Ce qu'on fait là Après avoir tourné ce film tant attendu
Dans ce monde Où pour la première fois on ne la verra pas nue
Qui ne nous ressemble pas
Ziggy
Qui nous dira Ce film qui s'intitule "Boulevard du
Ce qu'on fait là Crépuscule"
Dans ce monde
Qui ne nous ressemble pas Marie-Jeanne
Décidément elle ne craint pas le ridicule
Ce film est un remake du célèbre classique
23. Monopolis
Tous Dont elle adaptera le scénario à son histoire

Monopolis Ziggy
Ensuite elle se retirera
Il n'y aura plus d'étrangers
On sera tous des étrangers Marie-Jeanne
Dans les rues de Dans sa villa sous les tropiques
Monopolis
Pour écrire ses mémoires
Marcherons-nous main dans la main
Parlerons-nous d’amour demain
Tous les deux dans 25. Les adieux d'un sex-symbol
Monopolis Stella Spotlight

Quand nos enfants auront vingt ans On m'app'lait Baby Doll


Nous on sera d'un autre temps J'ai été votre idole
Le temps d'avant Mais je n'ai plus l'âge
Monopolis De mon image
Il faudrait qu'je convole
Je me vois assis(e) sur un banc Avec un prince du pétrole
Seul(e) au milieu de J'ai déjà l'âge
Monopolis De tourner la page

Un jour je dirai bye bye


A tout ce show business
A tout ce strass à tout ce stress
Acte II Bye bye ma jeunesse

24. Scène 9 Venez voir mourir


Le dernier sex-symbol
Marie-Jeanne Venez tous applaudir
Y'a d'la police dans toute la ville A la fin d'une idole

108
Vous qui m'avez volé ma vie
J'ai passé ma vie Venez vous arracher ma mort
A ne rien faire que ce qu'on m'a dit
J'ai passé ma vie Laissez-moi laissez-moi partir
A étouffer mes rêves mes envies Laissez-moi laissez-moi mourir
Oh oui Avant de vieillir
Vous qui m'avez déjà tout pris
Quand je sors dans la rue sans maquillage Venez vous partager mon corps
Personne ne s'arrête sur mon passage
Même ceux qui rêvent de moi la nuit Je vous aime et je vous embrasse
Dans leur lit Je n'ai été qu'un météore
Voulez-vous voir la mort en face
Vous ne voyez que la surface Elle s'habille en technicolor
De ce monde en technicolor
Vous qui rêvez d'être à ma place
Venez voir l'envers du décor

Moi ma drogue c'est l'alcool 26. Télégramme de Zéro à Stella


Je suis d'la vieille école
Quand j'fume du hasch Stella Spotlight
Ca m'donne pas d'flash Qui peut bien m'envoyer
Cette gerbe d'orchidées
J'ai peur de dev'nir folle Accompagnée d'un télégramme
Toutes les nuits j'rêve qu'on m'viole Signé… Zéro Janvier
Moi qui suis sage
Comme une image Zéro Janvier
Permettez-moi Madame
Comme une image divine De vous importuner
Qu'on adore et qu'on adule C'est avec émotion
Une image de magazine Que j'ai appris votre intention
Sur qui on éjacule D'abandonner votre carrière
Pourtant spectaculaire
Seule sur mon acropole
Je sens qu'je dégringole Laissez-moi vous rappeler
Je sens qu'je dégringole Ce que vous avez été
Pour tous les hommes
Ce n'était qu'un feu de paille De ma génération
Que tout ce show business Quand nous étions au front
Dessous le strass y'avait le stress Pour sauver la nation
Y'avait ma jeunesse
Zéro Janvier
Venez voir mourir
Déesse de l'amour déesse de la guerre
Le dernier sex-symbol
J'avais votre photo sur moi comme une relique
Venez boire venez rire
Vous qui avez guidé ma carrière militaire
A la fin d'une idole
Voulez-vous présider ma carrière politique
J'ai raté ma vie
Symbole de nos valeurs
Je ne veux pas rater ma sortie
Et de nos libertés
J'ai raté ma vie
Me feriez-vous l'honneur
Je ne veux pas rater ma goodbye party
D'aller à mes côtés
Goodbye party
Me feriez-vous l'honneur
D'aller à mes côtés
Devant les caméras du monde entier
Je descendrai le grand escalier
Stella Spotlight
Qui mène au fond de ma piscine
Dorée Devant la destinée
Je veux bien m'incliner
Laissez-moi laissez-moi partir
Laissez-moi laissez-moi mourir
Avant de vieillir

109
27. Scène 10 Laissons-la faire à sa façon

Sadia
Roger-Roger
C'est là qu'on voit que le p'tit garçon
On est toujours sans nouvelle
A bien appris sa leçon
De notre amie Cristal
Qui on se le rappelle
A été kidnappée il y a un mois Johnny Rockfort
Du moins c'est ce qu'on croit OK à partir d'aujourd'hui
Par les Etoiles Noires C'est moi qui prend les décisions

Marie-Jeanne Sadia
J'ai pas r’vu Johnny ni Sadia Oui mais si moi j'ai pas envie
Depuis c'fameux jour-là De jouer les seconds violons

Ziggy Johnny Rockfort


Il paraît qu'ils s'cachent quelque part Alors personne ne te retiens
Dans un vieux hangar Tu fais ce que tu veux

Ils peuvent difficilement s'montrer Sadia


Avec leur petite amie Cristal Johnny je te préviens
Qui doit encore nous préparer Tu joues avec le feu
Un joli scandale
Un joli scandale Cristal
Moi j’suis avec toi Johnny Rockfort
Ziggy A la vie à la mort
Au moins Johnny a réussi
A faire parler de lui
29. Besoin d'amour
Roger-Roger
Scandale scandale C: Son regard a croisé mon regard
Détails à vingt heures trente au téléjournal Comme un rayon laser
J'ai été projeté quelque part
28. Trio de la jalousie Ailleurs que sur la terre

Sadia Au secours
J'ai besoin d'amour
Maint'nant ma p'tite il va falloir
Revendiquer ton enlèvement
S: Die Sönne scheimt im Occident
Je vais rédiger dès ce soir
Und dir gehört das Firmament
Un communiqué en allemand
C: Au secours
Cristal
J'ai besoin d'amour
Je crois que ce serait plus fort
D'envoyer à la télé Comme la terre a besoin du soleil
Un message qu'on filmerait Besoin d'amour
Où je crierais au monde entier Comme les étoiles ont besoin des étoiles
Besoin d'amour
Au secours Comme le ciel a besoin de la mer
J'ai besoin d'amour Besoin d'amour
Au secours Comme l'été a besoin de l'hiver
J'ai besoin d'amour J'ai besoin d'amour...

Sadia JR: Sans foi ni loi


Die Sönne scheimt im Occident
Und dir gehört das Firmament C: J’ai besoin d’amour

Johnny Rockfort JR: Sans foi ni loi


Moi j'dis qu'c'est elle qui a raison

110
C: J’ai besoin d’amour Zéro c'est l'homme qu'il vous faut

JR: Je veux vivre


31. Interview de Zéro Janvier
C et JR: J’ai besoin d’amour
J’ai besoin d’amour Roger-Roger
Après cette publicité
C: Comme j'ai besoin de musique Pour le moins inusitée
Voici donc tel que prévu
S: C’est là qu’on voit que le petit garçon L'interview tant attendue
Comme j'ai besoin de lumière De Zéro Janvier
Le chef du PPPP
S: A bien appris sa leçon Accompagné de son égérie
Stella Spotlight que voici
C: Comme j'ai besoin d'eau comme j'ai besoin
d'air Marie-Jeanne
J'ai besoin d'amour...
Oh làlà
J'peux pas manquer ça
Comme l'oiseau a besoin de ses ailes pour voler
Ca vaut la peine que je m'assois
Comme la lune a besoin de la nuit pour briller
Ca va barder là
J'ai besoin d'amour...
Roger-Roger
J: Sans foi ni loi
Ici pour l'interroger
Je veux vivre
Votre ami Roger-Roger
Qu'avez-vous de neuf à déclarer
C: Juste un peu
Monsieur Zéro Janvier
Juste un peu d’amour
J’ai besoin d’amour
Zéro Janvier
Nous bâtirons le nouveau monde atomique
J: Sans foi ni loi
Où l'homme ne sera plus l'esclave de la nature
Je veux vivre
J’ai besoin d’amour
Roger-Roger
Mais ne craignez-vous pas que votre politique
C: J’ai besoin d’amour
Ne mène directement à la dictature
S: Oui mais si moi j’ai pas envie
Zéro Janvier
De jouer les seconds violons
Un peu de courtoisie je vous prie
Je suis votre invité
C: J’ai besoin d’amour
Stella Spotlight
J: Sans foi ni loi
Je veux vivre Zéro Janvier n’est pas venu ici
J’ai besoin d’amour Pour se faire insulter

S: Die Sönne scheimt im Occident Roger-Roger


Und dir gehört das Firmament Vous n'allez pas vous contenter
De nous chanter votre slogan
J et C: Sans foi ni loi Quelles sont les priorités
Je veux vivre De votre gouvernement
J’ai besoin d’amour
Besoin d’amour Stella Spotlight
Il vous parle d'un monde à réinventer
Un monde où il ferait bon d'exister
30. Jingle de Stella Où notre priorité
Stella Spotlight
Zéro Janvier
Si vous voulez un homme nouveau Serait d'assurer votre sécurité
Zéro c'est l'homme qu'il vous faut
Allez plus loin avec lui Roger-Roger
Votez demain aujourd'hui Parlez-vous d'instaurer

111
Un état policier

Zéro Janvier 32. Scène de ménage


Enfin monsieur voulez-vous m'écouter
Zéro Janvier
Roger-Roger Dépêche-toi d'aller t'habiller
Mais que comptez-vous faire contre la pauvreté On va être en retard à ce concert
Au profit des recherches sur le cancer
Stella Spotlight Tu sais que c'est très important pour ma carrière
Il vous parle d'opter pour notre liberté Mets ton manteau de chinchilla blanc
Les gens qui viennent à cette soirée
Zéro Janvier Veulent en avoir pour leur argent
Je vous parle d'un monde où tout ne serait plus
Stella Spotlight
Stella Spotlight J'en ai assez d'être à ton service
Qu'ordre et beauté Avant je vendais du rêve
Luxe calme Maintenant je vends du vice
Non ce soir je fais la grève

Zéro Janvier
Zéro Janvier
Et propreté Alors tout est fini entre nous
Cristal Stella Spotlight
Au secours
J'ai besoin d'amour Eh bien va-t’en je m'en fous
Au secours
J'ai besoin d'amour Zéro Janvier
Je te le demande à genoux
Roger-Roger Veux-tu me prendre pour époux
Nous regrettons mesdames messieurs
Cet incident malencontreux
33. Ego Trip
Zéro Janvier Stella Spotlight
Zéro Janvier
Comment cela peut-il arriver
C'est du sabotage organisé
SS: On n'a qu'une vie
Pourquoi la partager
Cristal
Pourquoi vivre à deux
Au secours
Si c'est pour vivre à moitié
J'ai besoin d'amour
Au secours
ZJ: Faut pas mélanger
J'ai besoin d'amour
L'amour et la pitié
Quand on est malheureux
Roger-Roger
On l'est bien plus à deux
Ce message de Cristal
Nous a été transmis
SS: On n'arrive jamais à s'aimer
Sans s'marcher
Par des ondes spatiales
Sur les pieds
Dont l'usage est interdit
Moi j'suis avec toi
Marie-Jeanne
Parc'que tu m'fais du bien
Décidément cette Starmania Toi tu t'sers de moi
Ca vous fait faire n'importe quoi Pour arriver à tes fins
J'vous l'avais bien dit que Cristal
Nous préparait son petit scandale ZJ: Faut pas mélanger
Quand à Stella j'vous dis que celle-là L'amour et le métier
Elle est vraiment tombée bien bas On fait tout c'qu'on peut
"Si vous voulez un homme nouveau Pour pouvoir se rendre heureux
Zéro c'est l'homme qu'il vous faut"

112
SS: Oui mais on n'est jamais content Johnny Rockfort
Tous les deux Toute ma vie j'ai rêvé
En même temps D'avoir quelqu'un à aimer
J'ai peur pour toi tu sais
Ego Trip On pourrait s'en aller et tout recommencer
Toi tu fais ton ego trip
Ego Trip Cristal
Moi je fais mon ego trip
J'ai tout quitté pour toi
On n'aime que soi-même
Ne me fais pas douter de moi
Comment veux-tu qu'on s'aime
Maintenant on n'a plus le choix
Ego Trip
Chacun fait son
Il faut qu'on fasse un coup d'éclat
Ego Trip

ZJ: Ma fortune à tes pieds


Pour une heure avec toi Johnny Rockfort
Pour te posséder J'ai pensé qu'on pourrait
Je f'rais n'importe quoi Faire sauter un supermarché
Un regard de toi Pour offrir à tout le monde une entrecôte
Me fait monter aux nues flambée
Si tu me laisses tomber
Je suis un homme déchu Cristal
Veux-tu être à moi pour la vie J'ai une meilleur idée
J't'en supplie Si on faisait sauter la Tour Dorée de Zéro
Dis-moi oui Janvier
On les ferait tous danser au milieu du brasier
Ego Trip
Toi tu fais ton ego trip
Ego Trip 35. Quand on n'a plus rien à perdre
Moi je fais mon ego trip
On n'aime que soi-même Cristal
Comment veux-tu qu'on s'aime Johnny Rockfort
Ego Trip
On nous prend pour des fous
Chacun fait son Ce qu'on peut penser de nous on s'en fout
Ego Trip On se fout de tout
On se fout d'être malheureux
On n'aime que soi-même On s'aime encore mieux
Comment veux-tu qu'on s'aime Quand on n'a plus rien à perdre
Ego Trip Quand on n'a plus rien à perdre
Chacun fait son
Ego Trip J: Si tu pars avec moi
Tu n’en reviendras plus jamais

C: Si je pars avec toi


34. Scène 11 J'oublierais qui j'étais
Roger-Roger
J: Tu seras hors-la-loi
Cristal est devenue une héroïne populaire
Si je t'enchaîne à moi
Depuis qu'on a reçu cette photo spectaculaire
Tu aimeras tes chaînes
Où on la voit avec Johnny Rockfort en costume
d'Etoile Noire
C: Je m'accrocherai à toi
Ce poster est partout en milliers d'exemplaires
Comme le lierre à un chêne
Cristal J et C: Loin des souterrains de Naziland
Il faut qu'on fasse un coup d'éclat On trouvera bien un no man's land
Depuis que je suis avec toi Où on pourra vivre
J'ai l'impression que tu recules Désespérément libres
J'ai crié dans tous les médias
Que je partageais ton combat On nous prend pour des fous
Je n'veux pas être ridicule

113
Ce qu'on peut penser de nous on s'en fout Marie-Jeanne
On se fout de tout Alors elle a laissé tomber les Etoiles Noires
On se fout d'être malheureux
On joue le vrai jeu Ziggy
Quand on n'a plus rien à perdre Si tu veux savoir la vérité
Quand on n'a plus rien à perdre Sadia travaille pour Zéro Janvier
Venez avec nous Marie-Jeanne
Risquer vos vies Ziggy tu m'fais marcher
Sur les autoroutes Dis-moi que c'est pas vrai
De la folie
Alors vous comprendrez
Jusqu'où on peut aller
37. Nos planètes se séparent
Quand on n'a plus rien à perdre...
Ziggy
Nos planètes se séparent
Aujourd'hui pour toujours
Faut pas me retenir
36. Duo d’adieu M'en vouloir si je pars

Marie-Jeanne Nos planètes se séparent


Ziggy Comme la nuit et le jour
Qu'est-c'que je f'rais sans lui
Il est toute ma vie Marie-Jeanne
Il arrive toujours à minuit A quoi ça sert de vivre
Quand je l'attends j'ai peur pour lui S'il faut vivre sans amour
Je m'demande c'qu'il fait
Pourvu qu'il ne lui soit rien arrivé Ziggy
Je m’en vais quelque part
Ah te voilà j'étais inquiète Où ta vie
Prends ton café et je suis prête Et ma vie
Ne se rencontrent pas
Ziggy Au hasard
Marie-Jeanne je regrette De la nuit
Ce soir on n'ira pas danser
Je suis venu t'annoncer quelque chose Marie-Jeanne
Qui va te faire de la peine je suppose On s’est trompé d’histoire
Je n'viendrai plus te chercher C’était clair
Tous les soirs pour aller danser Au départ
Je suis venu t'annoncer que je pars Je t’aimais sans y croire
Nos planètes se séparent Mais sans toi
Que sera ma vie
Marie-Jeanne
Ziggy A quoi ça sert de vivre
T'es mon seul ami S'il faut vivre sans amour

Ziggy Ziggy
Nos planètes se séparent
Tu sais j'ai revu Sadia quelques fois Aujourd'hui pour toujours
Elle m'a fait engager comme disc-jockey au Faut pas me retenir
Naziland M'en vouloir si je pars
La discothèque de Zéro Janvier
Nos planètes se séparent
Marie-Jeanne Comme la nuit et le jour
Qu'est-ce que Sadia vient faire dans cette
histoire Marie-Jeanne
A quoi ça sert de vivre
Ziggy S'il faut vivre sans amour
Elle a des amis au pouvoir
Ziggy

114
A quoi ça sert de vivre Assis derrière ma console
S'il faut vivre sans amour
40. Ce soir on danse à Naziland
Sans amour Sadia
Ziggy
38. Les uns contre les autres
Marie-Jeanne Le soleil brille à Naziland
Sur les buildings de cent étages
On dort les uns contre les autres I've got the whole world in my hand
On vit les uns avec les autres Au cent vingt et unième étage
On se caresse on se cajole
On se comprend on se console Ce soir on danse
Mais au bout du compte Ce soir on danse
On se rend compte On danse à Naziland
Qu'on est toujours tout seul au monde
Roger-Roger
On danse les uns contre les autres Paris Madrid London Lisbonne
On court les uns après les autres Mexico Montréal Buenos Aires et Bonn
On se déteste on se déchire Toutes les capitales
On se détruit on se désire Du monde occidental
Mais au bout du compte Tombent une à une dans la corbeille
On se rend compte De ce nouveau Roi-Soleil
Qu'on est toujours tout seul au monde Il ne manque plus que Washington
Comme joyau à sa couronne
On dort les uns contre les autres
On vit les uns avec les autres On vit déjà cent pieds sous terre
On se caresse on se cajole C'est le retour aux catacombes
On se comprend on se console Entre les murs des grandes artères
Mais au bout du compte L'homme ne voit plus jamais son ombre
On se rend compte
Qu'on est toujours tout seul au monde La ville a étendu ses ailes
Sur toute la grandeur du pays
Mais au bout du compte Les néons flashent dans le ciel
On se rend compte Et le jour ressemble à la nuit
Qu'on est toujours tout seul au monde
Ce soir on danse
Toujours tout seul au monde Ce soir on danse
On danse à Naziland

39. Scène 12 Roger-Roger


C’est le bouquet final
Roger-Roger Le triomphe total
A la surprise générale En direct de Washington
L'actrice Stella Spotlight Le Président Clinton
Vient d'annoncer son mariage avec Zéro Janvier Vient de s’incliner
Le tout Monopolis est invité Devant Zéro Janvier
A une réception géante
Au Naziland la nouvelle discothèque tournante Le soleil brille à Naziland
Située au sommet de la Tour Dorée Sur les buildings de cent étages
Du complexe commercial Zéro Janvier I've got the whole world in my hand
Au cent vingt et unième étage
C’est ce soir-là que nous connaîtrons
Les résultats des élections qui éliront Ce soir on danse
Le Président Ce soir on danse
De l’Occident On danse au Naziland
Zéro Janvier sera-t-il le favori
Comme les sondages nous l’ont prédit Johnny Rockfort et Cristal
Quand on n’a plus rien à perdre
Ziggy
Je m'envole je m'envole je m'envole Roger-Roger

115
Mesdames Messieurs il est vingt heures 41. SOS d'un terrien en détresse
Vous voyez le vainqueur Johnny Rockfort
Apparaître sur vos écrans
Zéro Janvier est Président de l’Occident Pourquoi je vis
Pourquoi je meurs
Ce soir on danse Pourquoi je ris
Ce soir on danse Pourquoi je pleure
Ce soir on danse
Ce soir on danse Voici le SOS
D'un terrien en détresse
Sadia
Je sais où sont les Etoiles Noires J'ai jamais eu les pieds sur terre
Je peux vous dire c'qu'ils vous préparent J'aim'rais mieux être un oiseau
Ne soyez pas surpris d'les voir J'suis mal dans ma peau
Parmi vos invités ce soir
J'voudrais voir le monde à l'envers
Zéro Janvier Si jamais c'était plus beau
Mais qu'est-ce que vous me racontez Plus beau vu d'en haut
Toutes les entrées sont bien gardées D'en haut

Sadia J'ai toujours confondu la vie


Ils sont en train de mettre une bombe Avec les bandes dessinées
Just'en dessous de vos pieds J'ai comme des envies de métamorphose
Vous feriez mieux de vérifier Je sens quelque chose
Avant qu'ils ne puissent s'échapper Qui m'attire qui m'attire qui m'attire
Vers le haut
Zéro Janvier
Ils n'ont sortiront pas vivants Au grand loto de l'univers
Si on arrive à temps J'ai pas tiré l'bon numéro
J'suis mal dans ma peau
Oh
Johnny Rockfort et Cristal
Quand on n’a plus rien à perdre Pourquoi je vis
Pourquoi je meurs
Ziggy Pourquoi je crie
Je m’envole je m’envole je m’envole Pourquoi je pleure

Johnny Rockfort et Cristal Je crois capter des ondes


Quand on n’a plus rien à perdre Venues d'un autre monde

Autour de nous il tombe des bombes J'ai jamais eu les pieds sur terre
Plus besoin de creuser nos tombes J'aim'rais mieux être un oiseau
J'suis mal dans ma peau
Johnny Rockfort et Cristal
Quand on n’a plus rien à perdre J'voudrais voir le monde à l'envers
J'aim'rais mieux être un oiseau
On est tous des morts en vacances Dodo l'enfant do
Mais on s'en fout ce soir on danse

Ce soir on danse 42. Le rêve de Stella Spotlight


Ce soir on danse
On danse à Naziland Zéro Janvier
Tu seras ma victoire
Ce soir on danse Je serai ton pouvoir
Ce soir on danse
Stella Spotlight
Ce soir on danse A quoi ça sert de vouloir monter si haut
Ce soir on danse A quoi ça sert de vouloir être si beau
S'il ne reste plus rien quand vient la fin du show

116
Que la chaleur d'un spotlight sur la peau
Marie-Jeanne et Sadia
L'univers est un star-système A quoi ça sert de vivre
La terre est une poussière d'étoile
La lune sera mon diadème Zéro Janvier
Pour mes noces transidérales Pour pouvoir crier qui je suis
La voie lactée
Sera mon voile nuptiale Stella Spotlight
Ma robe de mariée Laissez-moi
Une aurore boréale
Marie-Jeanne et Sadia
Devant mon miroir S’il faut vivre sans amour
J'ai rêvé d'être une star
J'ai rêvé d'être immortell'ment belle Zéro Janvier
Ce soir j'irai voir J’aurais voulu être un auteur
A travers le miroir
Si la vie est éternelle Marie-Jeanne et Sadia
Eternelle Au secours

43. Sextet Zéro Janvier


Pour pouvoir inventer ma vie
Zéro Janvier
J'aurais voulu être un artiste Sadia et Stella Spotlight
J’ai besoin d’amour
Stella Spotlight
Laissez-moi laissez-moi partir Marie-Jeanne et Ziggy
A quoi ça sert de vivre
Zéro Janvier
Pour pouvoir faire mon numéro Stella Spotlight
Laissez-moi
Stella Spotlight
Laissez-moi Zéro Janvier
J'aurais voulu être un acteur
Johnny Rockfort
Comme l'oiseau a besoin de ses ailes pour Tous
voler Au bout du compte

Zéro Janvier Zéro Janvier


Quand l'avion se pose sur la piste Pour tous les jours changer de peau

Johnny Rockfort Tous


Comme la lune a besoin de la nuit pour briller On est toujours tout seul au monde

Zéro Janvier Zéro Janvier


A Rotterdam ou à Rio Et pour pouvoir me trouver beau

Johnny Rockfort et Ziggy Johnny Rockfort et Ziggy


J’suis mal dans ma peau Comme l’oiseau a besoin de ses ailes pour
voler
Sadia et Stella Spotlight
Au secours j’ai besoin d’amour Zéro Janvier
Sur un grand écran en couleur
Johnny Rockfort et Ziggy
J’suis mal dans ma peau Sadia et Stella Spotlight
J'ai besoin d'amour
Zéro Janvier
J’aurais voulu être un chanteur Marie-Jeanne et Ziggy
A quoi ça sert de vivre
Stella Spotlight
Laissez-moi laissez-moi mourir Stella Spotlight

117
Laissez-moi Que le vent peut détruire
Comme des châteaux de cartes
Zéro Janvier
Pour pouvoir dire pourquoi Stone
Le monde est stone
Tous
J'existe Laissez-moi me débattre
N'venez pas m'secourir
Venez plutôt m'abattre
Pour m'empêcher d'souffrir

J'ai la tête qui éclate


J'voudrais seulement dormir
M'étendre sur l'asphalte
Et me laissez mourir
Laissez-moi me débattre
N'venez pas m'secourir
Venez plutôt m'abattre
Pour m'empêcher d'souffrir
44. Le monde est stone
Marie-Jeanne J'ai la tête qui éclate
J'voudrais seulement dormir
J'ai la tête qui éclate M'étendre sur l'asphalte
J'voudrais seulement dormir Et me laisser mourir
M'étendre sur l'asphalte
Et me laisser mourir Et me laisser mourir

Stone
Le monde est stone Tous
Je cherche le soleil J'ai plus envie d'me battre
Au milieu de la nuit J'ai plus envie d'courir
Comme tous ces automates
J'sais pas si c'est la terre Qui bâtissent des empires
Qui tourne à l'envers Que le vent peut détruire
Ou bien si c'est moi Comme des châteaux de cartes
Qui m'fait du cinéma
Qui m'fait mon cinéma Stone
Le monde est stone
Je cherche le soleil Je cherche le soleil
Au milieu de ma nuit Au milieu de la nuit

Stone J'sais pas si c'est la terre


Le monde est stone Qui tourne à l'envers
Ou bien si c'est moi
J'ai plus envie d'me battre Qui m'fait du cinéma
J'ai plus envie d'courir
Comme tous ces automates Stone
Qui bâtissent des empires

118
Annexe 2 : Qui es-tu, Marie-Jeanne ?
Parole : Maurane et Daria DE MARTYNOFF
Musique : Evert VERHEES

Dis-moi où je pars
Où les lumières m’emmènent tous les soirs
Je joue ton histoire
Mais quand je dors
Je te ressens
Je te ressemble encore

Je sais plus où j’en suis où s’en vont nos vies


Tu es moi, je suis toi
Tu es dans le décor, tu me jettes un sort
Dont jamais je ne sors
Tu m’enrubannes
Qui es-tu, Marie-Jeanne ?
Même si c’est beau
Tu es une star mal dans ma peau

Dis-moi que tu pars


Il faut que la vérité nous sépare
Toute seule dans mon bar
Ton univers me désespère
M’attire dans le noir

Je sais plus où j’en suis où s’en vont nos vies


Tu es moi, je suis toi
Tu es dans le décor, tu me jettes un sort
Dont jamais je ne sors
Tu m’enrubannes
Qui es-tu, Marie-Jeanne ?
Même si c’est beau
Tu es une star mal dans ma peau

Qui es-tu, Marie-Jeanne ?

119
Bibliographie

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Nathalie PETROWSKI
25 août Luc PLAMONDON, seul en scène, par
Nathalie PETROWSKI
7 novembre Starmania de série B
1994 19 février Starmania forever
7 mai LEWIS dans les rues de Monopolis
13 mai Starmania n'a pas souffert du voyage

Est Eclair, L' 1995 10 mai Starmania, version Mogador 94


24 mai La Starmania a encore frappé
26 mai Starmania, le triomphe
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25 août Nouvelle vie pour Starmania
21 septembre Le triomphe mènera-t-il à
Londres ?
17 octobre Le tout Paris court voir Starmania
7 novembre Starmania à l'Elysée
12 décembre Starmania aux Champs-Elysées
1989 19 mars Starmania, contrat à Londres
23 mars Le retour de Claude DUBOIS
8 août Time RICE traduira Starmania
5 septembre Starmania reprend l'affiche à
Paris
1990 21 avril Starmania à Moscou
23 avril Starmania à Leningrad
29 avril Starmania sera traduit en anglais
1er mai Starmania rate un Molière
22 septembre Starmania, la télé dans la télé
1992 4 juillet Starmania devient Tycoon

122
4 août De GERSHWIN à Jean LELOUP; La
chanson française perd un musicien qui a
lancé de nombreuses carrières, par Bruno
DOSTIE
7 août Des obsèques intimes pour Michel
BERGER
14 août Un triomphe endeuillé
29 août Requiem pour l'ami disparu trop tôt,
par Bruno DOSTIE
1993 1er octobre Starmania, nouveau lancement
13 octobre Starmania, comme une première
fois
1994 7 février Une Victoire de la Musique ?
16 février Un Starmania québécois
2 avril FUREY prépare l'arrivée de "son"
Starmania
16 avril En attendant Starmania
30 avril Starmania fait son chemin tout seul
13 mai Revu, corrigé et toujours actuel
18 mai Luce DUFAULT souffrante
1995 7 septembre Bruno quitte Starmania
9 septembre Luce quitte Starmania
1996 28 octobre Starmania sera porté à l'écran
1998 28 janvier Joane LABELLE en serveuse
automate
31 mars Norman GROULX agressé

REGAIRAZ, Chantal 2000 Les parodies du journal télévisé : spectacles


d'une mise en scène, in GOURDON, 2000, 25-
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ro.html et plamondon.html

Soir, Le 1998 22 mai Opéra-rock Starmania version FUREY,


par J.-L. B.
1999 3 février Une fable contre l'exclusion. Vingt
ans après Starmania, Luc PLAMONDON
s'attaque à Victor HUGO et à Notre-Dame de
Paris, article non signé

123
18 février En flamand ou en français, Les
Misérables se portent bien, par Jean-Marie
WYNANTS
2000 15 et 16 juillet De Starmania à Thyl
Ulenspiegel ; Notre-Dame la comédie
musicale, articles de Thierry COLJON et Jacques
DE DECKER, en page 8

Téléstar 1999 25 janvier Starmania, "Le monde est stone"


en a fait des vedettes, par Caroline BONACOSSA,
en page 33

Time 1999 16 août Showtime, par James INVERNE, 42-44

VALENTINE, Roger 1999 Septembre Totally unofficial Starmania fan


site, s.l., www.geocities.com/broadway/2446/
index.htm

VAN MALDERGHEM, 1999 Principes de la TV-Vidéo, syllabus de première


Olivier candidature, Bruxelles, Ihecs

Voir 1994 3 février Une pluie d'étoiles

Voix du Nord, La 1995 10 janvier Un classique passe à Lille


13 janvier Une juste comédie humaine
12 avril Starmania fait le plein
1996 20 février Starmania 3, technique fast-food
1997 21 février Immortelle Starmania
4 mai Le show venu du froid
1998 15 avril Starmania fait le plein

WOOLF, Stuart s.d. Vidéo (sans titre), in GOTOVITCH, 1998, 70-


73

ZODIAC 2000 This is Tania, Patricia HEARST, s.l.,


www.icehouse.net/zodiac/hearst/index.html

124
Table des matières

Introduction.................................................................................................4

I. Opérettes, comédies musicales, spectacles musicaux…........................7

II. Le résumé du spectacle........................................................................15

III. L’historique.........................................................................................17

IV. Les changements dans Starmania entre les différentes versions ...23
1979-1988...................................................................................................................23
Les personnages.....................................................................................................23
Les chansons..........................................................................................................24
La musique.............................................................................................................26

1988-1993 (2000).......................................................................................................27
Les personnages.....................................................................................................27
Les chansons..........................................................................................................27
La musique.............................................................................................................28

V. Les personnages....................................................................................30
Marie-Jeanne..........................................................................................................30
Zéro Janvier............................................................................................................34
Johnny Rockfort.....................................................................................................37
Stella Spotlight.......................................................................................................39
Sadia.......................................................................................................................42
Ziggy......................................................................................................................45
Cristal.....................................................................................................................48
Roger-Roger...........................................................................................................51

VI. Les noms utilisés..................................................................................53

VII. La mise en scène................................................................................61


1979........................................................................................................................61
1988........................................................................................................................64
1993........................................................................................................................67

VIII. Les grands thèmes de Starmania....................................................76


Trois histoires d’amour..........................................................................................76
La télévision au centre de l’intrigue.......................................................................79
Le chemin vers la présidence.................................................................................85

125
Conclusion..................................................................................................92

Annexe 1 : Le livret...................................................................................97

Annexe 2 : Qui es-tu, Marie-Jeanne ?...................................................118

Bibliographie............................................................................................119

Table des matières...................................................................................124

126

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