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LE MALADE IMAGINAIRE DE MOLIÈRE :

PARCOURS « SPECTACLE ET COMÉDIE

Éléments biographiques importants

https://www.youtube.com/watch?v=tyJLmdqkdj8: bonne biographie (prise de notes).

Un enfant marqué par les tragédies familiales: naissance 1622, décès de sa mère dix ans après, et, dans les
cinq ans qui suivirent, il vit successivement disparaître trois de ses frères et sœurs ainsi que sa belle-mère,
Catherine Fleurette (1637). Père tapissier, puis tapissier du roi (= décorateur). Sa seule consolation = aller
souvent au théâtre avec son grand-père Cressé. Fasciné par les farceurs du Pont-Neuf et par les comédiens
italiens (cf vidéo) .

Des études sévères chez les jésuites (1634-1642) : au Collège de Clermont (actuel lycée Louis-le-Grand)
dirigé par les jésuites et où il fut élève de 12 ans à 20 ans. La renommée de cet établissement attirait des fils
de princes et de ducs. Les jésuites utilisaient le théâtre comme moyen pédagogique, ce qui n'était pas pour
déplaire au futur Molière. Études de droit, abandonnées.

Rencontre avec les Béjart : famille remuante et gaie, passionnée de théâtre. Il admire surtout la fille aînée
Madeleine, déjà comédienne de profession à 23 ans. L'Illustre-Théâtre (troupe) est fondé avec les Béjart et
quelques amis le 30 juin 1643. Mais les débuts à Paris se révéleront très difficiles. Peu de succès. Molière fit
même quelques jours de prison au Châtelet pour dettes.

L’apprentissage : autre troupe, toujours avec les Béjart : voyage de 1645 à 1650, Molière, flanqué des
Béjart, est membre de la troupe de Du Fresne. Ils voyagent dans toute la France… Il en devient le directeur.
Protection du Prince de Conti + pension = signes de renom. Protection de Monsieur (Philippe d’Orléans),
frère du roi. Il est prêt à affronter la cour. Ses années d'errance, confortables toutefois, lui ont appris les «
ficelles » du métier. Il sait jouer, diriger : une troupe et des acteurs, mais aussi écrire.

Paris et la cour : Le 24 octobre 1658, la troupe de Molière joue devant la cour. Succès, autorisation de jouer
dans la salle du Petit-Bourbon, puis en 1661 dans celle du Palais-Royal. Consécration et contestation : celle
des comédiens et auteurs rivaux, bien sûr, mais aussi celles des « beaux esprits » qui se sentent attaqués ( Les
Précieuses Ridicules), des dévots (Tartuffe, Dom Juan). Succès public, amitiés solides de Boileau, de La
Fontaine , protecteurs à la Cour, y compris le Roi.

Les épreuves : malade, vie très agitée. Brouille avec le compositeur Lully, grand favori de la cour, l'a fait
tomber dans une certaine disgrâce : Lully fit des difficultés pour autoriser la musique du Malade imaginaire,
composée par Marc-Antoine Charpentier (lutte d’influence). Ainsi, la pièce ne fut pas, comme prévu,
représentée devant le roi à Versailles, mais au Palais-Royal.
Pièce à statut particulier

- Dernière pièce de Molière et 6 ème pièce évoquant les médecins (solide culture médicale de Molière) /
période sombre de la vie de Molière (La faveur du Roi ne lui est plus acquise.)

- Pièce sur les médecins à l’époque du roi Louis XIV qui a alors 79 médecins à son service. En assistant à la
représentation après la mort de Molière au château de Versailles, Louis XIV aurait dit : « Les médecins font
assez souvent pleurer pour qu'ils fassent quelque fois rire. »

- Meurt après le spectacle. Les comédiens, excommuniés, n'avaient pas droit à une sépulture chrétienne.
Exception autorisée par le Roi.

Rappels sur la comédie classique :

1.Rappels des différences avec la tragédie : différence de personnel dramatique et de de dénouement.

2. Objectif classique : plaire et instruire. Peinture des défauts humains, comme La Fontaine. Le MI n’est pas
exactement intitulé « comédie » : « comédie mêlée de musiques et de danses ».

Réflexion sur le genre dramaturgique

a. Une comédie-ballet :

Genre dans lequel Molière se lance dans les 15 dernières années de sa carrière : -
Louis XIV qui lui donne la possibilité d’être représenté
- Fouquet (encore en grâce) lui demande de travailler avec le chorégraphe Pierre Beauchamp, dans le cadre
d’une fête dédiée au roi lors de l’inauguration du château de Vaux le Vicomte ( disgrâce ensuite). Naissance
en 1661 de la comédie-ballet avec Les Fâcheux (comédie, ballets, chants). Cf l'Avertissement « ne faire
qu'une seule chose du ballet et de la comédie ».

Dès lors : genre créé pour les divertissements royaux, à la demande du roi = moyen de servir sa gloire.
Molière ne cesse d'en perfectionner l'écriture, qu'elles soient en vers ou en prose, relevant le défi de plaire à
la fois au public de la cour et à celui de la ville.

=> type de divertissement qui mêle les genres préférés du roi. C’est un spectacle qui doit être
grandiose et participer de l’art de cour, visant à célébrer la puissance et la générosité de Louis XIV.

Définition de la comédie-ballet = genre composite :


- comédie : farce (tradition populaire), commedia dell’arte (fantaisie)
- parties chantées (en lien avec l’influence de l’opéra franchement importé d’Italie dès 1650) et dansées,
accompagnées de musique : semblables aux ballets sophistiqués qu’on donne dans les palais du roi. Pas de
réelle intrigue, de simples tableaux reliés par un thème commun. NB : pas nés avec Louis XIV : Les Valois,
Henri IV, Louis XIII appréciaient le ballet, prétexte à des danses dont les princes et les courtisans exécutaient
les figures les plus complexes. D’abord burlesques puis plus politiques, les ballets constituaient déjà une
forme de propagande monarchique.

Exemple ici : https://www.youtube.com/watch?v=PdeqbpfXaK8 =extrait du film « Le Roi danse » : sur les


liens entre Louis XIV, Molière et Lully. Scène où l’on voit le roi danser après que Lully lui a confié de
nouvelles chaussures, sa petite estrade personnelle. Règne du paraître.

Verdict : succès immédiat, 10 février 1673 sur la scène du Palais-Royal. Succès lié au rythme endiablé, et à
l’idée de spectacle total : musique, danses, chants, décors magnifiques, représentation somptueuse.

Enjeu : parvenir à conjoindre les deux aspects (cf structure de l’œuvre).


Pièce la plus jouée en France et dans le monde.
Remarque : genre particulièrement abouti dans Le Malade Imaginaire : avec son prologue à la gloire du roi,
ses trois intermèdes [...], sans oublier le petit opéra que donnent Cléante et Angélique. Comédie-ballet donc,
située en fait à un carrefour d’influences.

b. Molière héritier de diverses influences


Thème principal : les amours contrariées d’une jeune fille bourgeoise = typique de la comédie. Mais on
trouve l’influence de :
FARCE : forme de théâtre comique héritée du Moyen-âge. Spectacles populaires, personnages du peuple,
caricaturaux.. Humour grossier, comique visuel.
Échos dans Le Malade imaginaire :
- le bas corporel : les selles d’Argan.
- les coups : les menaces du vieux barbon autoritaire qu'est Argan, prêt à bastonner sa servante (acte I scène
2), celles des archers contre Polichinelle
- le travestissement, celui du jeune Cléante en maître de chant et surtout celui de Toinette en médecin - le
personnage ridicule du médecin, déjà moqué sous la figure du clerc savant dans la farce médiévale, puis en
tant que tel par la comédie italienne.
COMMEDIA DELL’ARTE : héritée d’Italie, « théâtre de professionnels », importée en France fin XVIème
siècle. Personnages récurrents, stéréotypés, identifiables à leurs costumes ou masques : Arlequin,
Colombine… Textes non écrits, simple canevas, mais beaucoup d’improvisation : naturel dans le jeu. Seul
impératif : que le public rie !
Échos dans Le Malade imaginaire :
1.Toinette (//Arlequin), la servante rusée
2.Influence surtout perceptible dans les personnages de médecins ridicules et arrogants (proches du Dottore)
3. Intermèdes musicaux en présence de Polichinelle : traditionnellement, petit homme lâche et fanfaron. «
Pulcinella » en italien (= petit poussin), qui piaille plus qu’il n’agit. Fourbe.
PASTORALE : influence plus ponctuelle mais bien réelle. Personnages mythiques, bergers et bergères
(atmosphère bucolique) dans une campagne idéalisée liée à l’Antiquité. Cf le Prologue : Lieu champêtre,
personnages typiques de pastorale, Dieux. Ballet de bergers autour de Flore, déesse des fleurs et des jardins,
qui a quelque chose à annoncer : le retour de Louis. Célébration. Organisation d’un prix à qui saura « le
mieux nous dire // Les vertus et les exploits// Du plus auguste des rois ».

La structure de l’œuvre (une esthétique de la variété)

Un Prologue (thème pastoral)


3 actes
3 intermèdes : 1 intermède à la fin de chaque acte.
=> bien conforme à la comédie-ballet : alternance des scènes jouées et des parties chantées et dansées.

Remarque : les prologues et intermèdes ne sont pas composés en prose comme le reste de la pièce, mais en
vers hétérométriques (hormis certains passages du premier intermède qui sont en prose). La forme versifiée
s’explique par le genre auquel renvoient certains passages (le prologue relève du genre poétique de
l’églogue) et par le fait que ces morceaux étaient destinés à être chantés.

Remarque sur les intermèdes : Difficilement conservés dans l’histoire des représentations de la pièce
- pour des raisons tantôt politiques : le privilège obtenu par Jean-Baptiste Lully limitant dans les autres
théâtres l’emploi des musiciens, chanteurs et danseurs
- pour des raisons économiques : la présence des musiciens, chanteurs et danseurs alourdit évidemment le
coût du spectacle.
Abandonnés au XIXème, mais reparaissent au XXème siècle.
PROLOGUE : Dédié à Louis XIV, élogieux, et donnant entrée à la pièce « dont le projet a été fait pour le
délasser ». Lieu champêtre, personnages typiques de pastorale, Dieux. Ballet de bergers autour de Flore,
déesse des fleurs et des jardins, qui a quelque chose à annoncer : le retour de Louis. Célébration.
Organisation d’un prix à qui saura « le mieux nous dire // Les vertus et les exploits// Du plus auguste des
rois».
Participants : Tircis et Dorilas (joute poétique) devant leurs aimées, et devant un public (« le reste, comme
spectateurs, va occuper les deux coins du théâtre). Annonce le thème de la mise en abyme.
Série de comparaisons mélioratives pour Louis. Pan rappelle les bergers à l’ordre : ils ne doivent pas se
risquer à entreprendre ce qu’Apollon lui-même n’oserait faire (hybris). Il les incite à s’occuper plutôt des
«plaisirs » de Louis. L’ensemble finit en chansons. Atmosphère bucolique qui va contraster avec la tonalité
scatologique des pages suivantes.
ACTE I : EXPOSITION
Mise en place des deux intrigues principales qui sont fortement liées :
- la maladie imaginaire d'Argan : Argan ouvre la pièce en se livrant à ses compte d’apothicaire
- les amours d'Angélique. L’intrigue familiale se met en place par l’arrivée des personnages féminins :
Toinette dans la scène 2 (scène de conflit maître/servante), Angélique dans la scène 3 et Béline dans la scène
6. Angélique confie son amour pour Cléante à Toinette qui promet de l'aider, et Béline manœuvre, aidée de
son notaire, afin de capter l'héritage d'Argan.

Intermède : amené par Toinette qui vient de promettre à Angélique de l’aider dans ses amours.
Entrée en scène de Polichinelle, amant de Toinette. Scène de « plainte amoureuse » de Polichinelle,
tristement épris d’une « dragonne ». Il entonne une sérénade en italien, dans laquelle il déplore l’indifférence
de sa belle « inflexible », « inexorable ». Il est interrompu d’abord par une vieille, qui dit ne pas croire un
mot de ses serments de fidélité , puis par des violons, puis par des archers. Ballets, danseurs. Les archers
menacent de l’embarquer en prison, il préfère les « croquignoles » (coups de bâton), qui lui sont donnés « en
cadence ».
Dominante de farce (menace des archers) et de commedia dell’arte (personnage de Polichinelle).
Rôles :
- variation sur le thème de l’amour contrarié (lien avec l’intrigue)
- comique de la farce, avec l’interruption systématique de Polichinelle par les violons, archers et danseurs.
Furieux, celui-ci s’efforce de les faire taire, en vain = comique de répétition très efficace et très rythmé, sans
doute accompagné d’une pantomime de Polichinelle. Fin digne de la farce : bastonnade.

ACTE II : NOEUD DE L’INTRIGUE


Dominé par les péripéties qui s'attachent aux amours d'Angélique, sur fond de médecine puisque son père est
malade et qu'il lui destine un jeune médecin, Thomas Diafoirus.
Arrivée des autres personnages masculins (sauf Monsieur Bonnefoy, le notaire qui fait son unique apparition
acte I, scène 7) :
- L'amoureux Cléante apparaît dans la scène 1, déguisé en maître de chant, et reste en scène jusqu'à la fin de
la scène 5 où il est mis en présence de son rival, Thomas Diafoirus.
- Les Diafoirus père et fils sont présents aux scènes 5 et 6, pour ne plus revenir.
Situation critique en fin d’acte : Angélique a éconduit le fils Diafoirus mais a été trahie par Béline et, sous la
contrainte, par sa jeune sœur, qui dit qu'un jeune homme lui a rendu visite. La dernière scène fait
heureusement intervenir Béralde, qui va se révéler un adjuvant précieux.

Intermède : amené par Béralde. Souhaite offrir à Argan un divertissement qui vaut bien une
«ordonnance » de son médecin . Porté par des Égyptiens et Égyptiennes vêtus en Maures, qui chantent et
dansent (ils sont accompagnés de signes avec lesquels ils dansent). Incitation à profiter du moment présent, à
aimer malgré les tourments amoureux et les risques. On voit ici pointer la mode de l'orientalisme et des
«turqueries » telle que l'exploitait déjà la comédie Le Bourgeois gentilhomme.
Rôle : Béralde fait voir et entendre à son frère la réalité de la jeunesse et de l’amour. Critique de la morale
bourgeoise, du mariage par intérêt, épouse la cause de la jeune fille ici. Ici l’intermède divertit, et répond à la
nécessité de faire réfléchir le personnage par le biais de la détente.
ACTE III : STRATAGEME ET DENOUEMENT
- Poursuite de la satire des médecins avec les entrées en scène successives de MM. Fleurant et Purgon
(scènes 4 et 5). Écartés, puis comiquement relayés par Toinette, déguisée en médecin (scènes 8 et 10).
- Les intrigues s'acheminent vers leur résolution grâce aux stratagèmes de Toinette soutenue par Béralde.
- Heureux dénouement de l'intrigue amoureuse. L'hypocrite Béline est démasquée, et Argan, décidément
incurable, se trouve délivré des médecins parasites pour en devenir un lui-même, au cours de la cérémonie
spectacle finale.

Intermède : sorte de dénouement-spectacle. Prolongement de la dernière scène, annoncé par


Béralde, et préparé : Argan, qui y incarne le rôle principal, puisque c’est lui le nouveau médecin qui est
intronisé, sort pour se vêtir afin de se préparer à cette cérémonie. « Cérémonie burlesque » d’après Molière.
Entrée en scène du public : des représentants de la médecine, accueillis par des propos en faux , mêlé
d’italien et de français (effet burlesque, comique). Molière parodie et caricature le langage savant des
médecins. Propos fortement satiriques. Les médecins vivent bien grâce à leurs patients : « le monde entier
nous regarde comme des Dieux ». Il est donc important de ne pas admettre n’importe qui et d’examiner les
capacités d’Argan. Comique de répétition dans les réponses aux questions qui lui sont posées : le remède est
la saignée, quelle que soit la maladie.
Argan doit jurer « d’être, dans toutes les consultations, de l’avis d’un ancien, qu’il soit bon ou mauvais », et
autres serments farfelus. Le président intronise Argan dans le rôle du médecin, et lui donne, entre autres, le
droit de tuer. Il salue tout le monde et est acclamé par la foule.Cérémonie fantaisiste et parodique de la
réception d’un médecin. Argan acteur et spectateur
Rôle : équivalent de la catharsis = le divertissement, comme remède à la maladie

Bilan sur la structure de l’œuvre


- VARIÉTÉ : La pièce alterne actes de la comédie et intermèdes, scènes de confrontation et scènes de
complicité, scènes à deux personnages et scènes chorales, dialogues vifs et longs passages (chant de Cléante
et d'Angélique, tirade de Diafoirus), conférant à l'ensemble sa variété et la vivacité de son rythme.
- CONTINUITE : les intermèdes sont annoncés par les personnages dans les scènes qui les précèdent. C’est
l’effet de « couture » dont parle Molière dans la Préface des Fâcheux.

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