Quinquae viae

Les quinquae viae (les 5 voies) sont des voies pour accé- sible que le même être, envisagé sous le même
der à l'existence de Dieu par la raison. Elles sont dévelop- rapport, soit à la fois en acte et en puissance ;
pées par Thomas d'Aquin dans la Somme théologique, Ire il ne le peut que sous des rapports divers ; par
partie, question 2, article 3 : « Dieu existe-t-il ? » exemple, ce qui est chaud en acte ne peut pas
être en même temps chaud en puissance ; mais
il est, en même temps, froid en puissance. Il
1 La méthode est donc impossible que sous le même rapport
et de la même manière quelque chose soit à la
fois mouvant et mû, c'est-à-dire qu'il se meuve
La méthode pour remonter à Dieu par la raison se résume
lui-même. Il faut donc que tout ce qui se meut
à trois points : par mode de causalité (il est la cause de ce
soit mû par un autre. Donc, si la chose qui meut
monde), par mode de négation, c’est-à-dire en niant en
est mue elle-même, il faut qu'elle aussi soit mue
lui ce qui est limite en nous (par exemple : Dieu n'est pas
par une autre, et celle-ci par une autre encore.
matériel, mortel, localisé etc.), et par mode d'éminence,
Or, on ne peut ainsi continuer à l'infini, car dans
en affirmant qu'il existe en lui éminemment ce qui est
ce cas il n'y aurait pas de moteur premier, et il
qualitatif en nous (par exemple : Dieu est amour, intelli-
s’ensuivrait qu'il n'y aurait pas non plus d'autres
gence, puissance.)
moteurs, car les moteurs seconds ne meuvent
Saint Thomas n'avait aucunement pour but de prou- que selon qu'ils sont mûs par le moteur pre-
ver l'existence de Dieu ; en effet, s’adressant à des étu- mier, comme le bâton ne meut que s’il est mû
diants en théologie (c'est-à-dire des frères prêcheurs, des par la main. Donc il est nécessaire de parvenir
prêtres, etc...), il n'y avait aucune intention de leur prou- à un moteur premier qui ne soit lui-même mû
ver l'existence de Dieu, car elle était évidente. L'intention par aucun autre, et un tel être, tout le monde
de Saint Thomas était plutôt de montrer que l'on pouvait comprend que c'est Dieu. »
accéder à Dieu avec la raison naturelle en partant de ce
que l'on constate du monde[1] . C'est pourquoi ce ne sont
L'origine de cette preuve remonte à Aristote[2] .
pas des preuves, mais des voies.
Les choses sont constamment en mouvement, or il est né-
Les trois premières voies sont de la même nature, elles
cessaire qu'il y ait une cause motrice à tout mouvement.
évoquent une régression infinie et désignent Dieu pour y
Afin de ne pas remonter d'une cause motrice à une autre,
mettre fin. Elles ne sont que des manières différentes de
il faut reconnaître l'existence d'un Premier moteur non
dire la même chose. La quatrième est un argument de de-
mû : c'est Dieu.
gré ou le sommet de la perfection ne peut être que Dieu.
La dernière voie est un argument du dessein qui nécessite
un ordonnateur qui ne peut être que Dieu.
3 La voie par la causalité efficiente
2 La voie par le mouvement « Nous constatons, à observer les choses
sensibles, qu'il y a un ordre entre les causes
« Il est évident, nos sens nous l'attestent, efficientes ; mais ce qui ne se trouve pas et
que dans ce monde certaines choses se qui n'est pas possible, c'est qu'une chose soit
meuvent. Or, tout ce qui se meut est mû par la cause efficiente d'elle-même, ce qui la sup-
un autre. En effet, rien ne se meut qu'autant poserait antérieure à elle-même, chose impos-
qu'il est en puissance par rapport au terme de sible. Or, il n'est pas possible non plus qu'on
son mouvement, tandis qu'au contraire, ce qui remonte à l'infini dans les causes efficientes ;
meut le fait pour autant qu'il est en acte ; car car, parmi toutes les causes efficientes ordon-
mouvoir, c'est faire passer de la puissance à nées entre elles, la première est cause des in-
l'acte, et rien ne peut être amené à l'acte autre- termédiaires et les intermédiaires sont causes
ment que par un être en acte, comme un corps du dernier terme, que ces intermédiaires soient
chaud en acte, tel le feu, rend chaud en acte le nombreux ou qu'il n'y en ait qu'un seul. D'autre
bois qui était auparavant chaud en puissance, et part, supprimez la cause, vous supprimez aus-
par là il le meut et l'altère. Or il n'est pas pos- si l'effet. Donc, s’il n'y a pas de premier, dans

1
2 7
l'ordre des causes efficientes, il n'y aura ni der-
nier ni intermédiaire. Mais si l'on devait mon-
ter à l'infini dans la série des causes efficientes,
il n'y aurait pas de cause première ; en consé-
quence, il n'y aurait ni effet dernier, ni cause
efficiente intermédiaire, ce qui est évidemment
faux. Il faut donc nécessairement affirmer qu'il
existe une cause efficiente première, que tous
appellent Dieu. »
(ex ratione causae efficientis) Nous observons un enchaî-
nement de causes à effet dans la nature, or il est impos-
sible de remonter de causes à causes à l'infini ; il faut né-
cessairement une Cause Première : c'est Dieu.
4 La voie par la contingence
« La troisième voie se prend du possible
et du nécessaire, et la voici. Parmi les choses,
nous en trouvons qui peuvent être et ne pas
être ; la preuve, c'est que certaines choses
naissent et disparaissent, et par conséquent, ont
la possibilité d'exister et de ne pas exister. Mais
il est impossible que tout ce qui est de telle na-
ture existe toujours ; car ce qui peut ne pas exis-
ter n'existe pas à un certain moment. Si donc
tout peut ne pas exister, à un moment donné,
rien n'a existé. Or, si c'était vrai, maintenant
encore rien n'existerait ; car ce qui n'existe pas
ne commence à exister que par quelque chose
qui existe. Donc, s’il n'y a eu aucun être, il a
été impossible que rien commençât d'exister,
et ainsi, aujourd'hui, il n'y aurait rien, ce qu'on
voit être faux. Donc, tous les êtres ne sont pas
seulement possibles, et il y a du nécessaire dans
les choses. Or, tout ce qui est nécessaire, ou
bien tire sa nécessité d'ailleurs, ou bien non. Et
il n'est pas possible d'aller à l'infini dans la série
des nécessaires ayant une cause de leur néces-
sité, pas plus que pour les causes efficientes,
comme on vient de le prouver. On est donc
contraint d'affirmer l'existence d'un Être néces-
saire par lui-même, qui ne tire pas d'ailleurs sa
nécessité, mais qui est cause de la nécessité que
l'on trouve hors de lui, et que tous appellent
Dieu. »
Il y a dans l'univers des choses nécessaires qui n'ont pas en
elles-mêmes le fondement de leur nécessité. Il faut donc
un Être par Lui-même nécessaire qui est Dieu.
5 La voie par les degrés des êtres
« La quatrième voie procède des degrés
que l'on trouve dans les choses. On voit en ef-
fet dans les choses du plus ou moins bon, du
VOIR AUSSI
plus ou moins vrai, du plus ou moins noble,
etc. Or, une qualité est attribuée en plus ou en
moins à des choses diverses selon leur proxi-
mité différente à l'égard de la chose en la-
quelle cette qualité est réalisée au suprême de-
gré ; par exemple, on dira plus chaud ce qui
se rapproche davantage de ce qui est superla-
tivement chaud. Il y a donc quelque chose qui
est souverainement vrai, souverainement bon,
souverainement noble, et par conséquent aus-
si souverainement être, car, comme le fait voir
Aristote dans la Métaphysique, le plus haut de-
gré du vrai coïncide avec le plus haut degré de
l'être. D'autre part, ce qui est au sommet de la
perfection dans un genre donné, est cause de
cette même perfection en tous ceux qui appar-
tiennent à ce genre : ainsi le feu, qui est su-
perlativement chaud, est cause de la chaleur de
tout ce qui est chaud, comme il est dit au même
livre. Il y a donc un être qui est, pour tous les
êtres, cause d'être, de bonté et de toute perfec-
tion. C'est lui que nous appelons Dieu. »
C'est une preuve reprise de Platon, qui a remarqué qu'il
y a des perfections dans les choses (bien, beau, amour,
etc.) mais à des degrés différents. Or il faut nécessaire-
ment qu'il y ait un Être qui possède ces perfections à un
degré maximum, puisque dans la nature toutes les perfec-
tions sont limitées.
6 La voie par l'ordre du monde
« La cinquième voie est tirée du gouver-
nement des choses. Nous voyons que des êtres
privés de connaissance, comme les corps natu-
rels, agissent en vue d'une fin, ce qui nous est
manifesté par le fait que, toujours ou le plus
souvent, ils agissent de la même manière, de fa-
çon à réaliser le meilleur ; il est donc clair que
ce n'est pas par hasard, mais en vertu d'une in-
tention qu'ils parviennent à leur fin. Or, ce qui
est privé de connaissance ne peut tendre à une
fin que dirigé par un être connaissant et intelli-
gent, comme la flèche par l'archer. Il y a donc
un être intelligent par lequel toutes choses na-
turelles sont ordonnées à leur fin, et cet être,
c'est lui que nous appelons Dieu. »
On observe un ordre dans la nature : l'œil est ordonné à
la vue, le poumon à la respiration, etc. Or à tout ordre il
faut une intelligence qui le commande. Cette Intelligence
ordinatrice est celle de Dieu.
7 Voir aussi
 3

7.1 Bibliographie
• Étienne Gilson, Le Thomisme : introduction à la phi-
losophie de saint Thomas d'Aquin, éditions VRIN,
6e réédition : 2005. Ouvrage fondamental sur saint
Thomas d'Aquin qui expose toutes les points doctri-
naux de la philosophie de saint Thomas d'Aquin.
• R. Joly, Quarta via de la somme théologique, 1920,
Gand

• Jean-Marc Rouvière, Brèves méditations sur la créa-

tion du monde, L'Harmattan, Paris (2006), ISBN 2-
7475-9922-1.

7.2 Autres articles

• Arguments sur l'existence de Dieu

• Thomas d'Aquin
• Emmanuel Kant

8 Notes et références
[1] Voir Étienne Gilson, le Thomisme, “l'existence de Dieu
comme problème”

[2] physique, VIII, 5, 256 a 5 - 256 b et métaphysique, XII, 6,

1071 b, 3

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4 9 SOURCES, CONTRIBUTEURS ET LICENCES DU TEXTE ET DE L’IMAGE

9 Sources, contributeurs et licences du texte et de l’image

9.1 Texte
• Quinquae viae Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Quinquae%20viae?oldid=101065204 Contributeurs : ADM, Sherbrooke, Jean-
Frédéric, Gzen92, Vivien Hoch, Sebleouf, SieBot, Rberthier, M0tty, ZetudBot, Windreaver, Luckas-bot, Nallimbot, GrouchoBot, Cantons-
de-l'Est, Xqbot, Suprememangaka, Alpha7, WikitanvirBot, OrlodrimBot, Poule427, Addbot, Steve.bobillier et Anonyme : 8

9.2 Images
• Fichier:Auguste_Rodin_-_Penseur_50px.png Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/63/Auguste_Rodin_-_
Penseur_50px.png Licence : CC-BY-SA-3.0 Contributeurs : Photo par user:Hansjorn Artiste d’origine : retouche par Walké
• Fichier:IHS-monogram-Jesus-medievalesque.svg Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/91/
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Artiste d’origine : AnonMoos
• Fichier:Saint_Thomas_Aquinas.jpg Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/6c/Saint_Thomas_Aquinas.jpg Li-
cence : Public domain Contributeurs : http://www.cptryon.org/prayer/special/guidaquin.html Artiste d’origine : Fra Angelico (vers 1395–
1455)

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