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HISTOIRE DU QUÉBEC ET DU CANADA

LA MODERNISATION DU QUÉBEC ET LA RÉVOLUTION TRANQUILLE (1945-1980)


TP02 : MAURICE DUPLESSIS ET LA GRANDE NOIRCEUR
DOSSIER DOCUMENTAIRE

RAPPEL
Pour réaliser l’analyse demandée, vous aurez besoin de consulter, MINIMALEMENT, les ressources suivantes ;
○ le manuel de classe (Mémoire.qc.ca) : pp. 211 à 216 (inclusivement) ;
○ Allô Prof : Le gouvernement Duplessis (1944-1959) : http://www.alloprof.qc.ca/BV/pages/h1189.aspx ;
○ Allô Prof : La société sous le gouvernement Duplessis : https://www.alloprof.qc.ca/fr/eleves/bv/histoire/la-societe-sous-duplessis-h1645# ;
○ Allô Prof : L’économie sous le gouvernement Duplessis https://www.alloprof.qc.ca/fr/eleves/bv/histoire/l-economie-sous-duplessis-h1644# ;
○ l’Encyclopédie canadienne : Maurice Le Noblet Duplessis : http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/maurice-le-noblet-duplessis/ ;
○ Wikipedia : La Grande Noirceur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Grande_Noirceur ;
○ les deux (2) articles présentés dans ce dossier documentaire.

Document 1
Grande Noirceur?
(Trois-Rivières) L'Union nationale traîne la mauvaise réputation d'être le parti responsable de la Grande
Noirceur. Maintenant que les décennies ont passé, est-ce que le regard historique du Québec sur ce parti doit
rester le même ou devrait-il changer?

La Grande Noirceur est cette période qualifiée de sombre par plusieurs en raison notamment d'un certain niveau de
conservatisme affiché par les dirigeants politiques et l'influence encore puissante de l'Église catholique qui réprimaient les
nouvelles idées et les revendications plus libérales. Mais selon Lucia Ferretti, la Grandeur Noirceur est un mythe. La professeure
au département des sciences humaines de l'UQTR estime que le Parti libéral du Québec a créé ce mythe de toutes pièces. Le
but était de chasser Maurice Duplessis du pouvoir, en insistant sur des éléments réels mais caricaturés de son pouvoir, que ce
soit sa relation avec l'Église, le patronage et les présumés pots-de-vin versés durant les campagnes électorales, par exemples.

«Ce qu'on peut reprocher à Duplessis, c'est non pas ce que les libéraux de l'époque lui ont reproché et qui a coloré la mémoire
collective, analyse Mme Ferretti. Ce qu'on peut lui reprocher, c'est d'avoir sous-développé l'État québécois (fonction publique,
rôle de l'État dans la société) pour pouvoir garder une autorité discrétionnaire. Il y a eu beaucoup de développement au Québec
dans les années 1944-1959, mais Duplessis voulait toujours avoir l'air de celui qui accordait une faveur. Il a surdéveloppé la
fonction politique du gouvernement au détriment de la fonction administrative de l'État.

«Le génie du Parti libéral est d'avoir fait croire que la corruption a commencé avec Duplessis et s'est terminée avec Duplessis,
soutient l'historien François Roy. Les journalistes répètent ça, les professeurs répètent ça dans les écoles, alors qu'on sait très
bien qu'avant Duplessis, les moeurs électorales, le financement électoral des libéraux, c'était la même chose. C'était peut-être
même pire. Après Duplessis, c'était simplement plus subtil. Gomery (la Commission) nous l'a montré, Charbonneau nous l'a
montré.»

Le dentiste Yves Dufresne était un proche de Maurice Duplessis, ayant épousé sa nièce, Berthe Bureau. Juste le fait d'évoquer le
terme de la Grandeur Noirceur semble faire grimper sa pression.

«La Grande Noirceur... Mon grand chum Pierre Elliott (Trudeau, avec qui il a étudié à Montréal) nous a placardés avec ça
pendant des années. La Grande Noirceur, c'est faux! Duplessis a ouvert 850 écoles, deux universités. Les gens devenaient de
plus en plus diplômés. La Grandeur Noirceur? Heille. Des ponts, des hôpitaux, 15 budgets balancés», énumère le sympathique
nonagénaire.

Le contrat signé avec l'Iron Ore, permettant aux Américains de mettre la main sur du fer à «une cenne la tonne», a été une autre
histoire que les opposants ont galvaudée à gauche et à droite, selon M. Dufresne.

«Pendant des années, Trudeau et Lévesque (René) nous ont rendus fous avec ça: «C'est-tu écoeurant? On donne nos biens
pour une cenne la tonne». Mais ils ne disaient pas qu'on a reçu des millions: les gars de la Iron Ore ont mis 700 millions de
dollars pour faire le chemin de fer pour se rendre à Sept-Îles. Ils ont fait le port à Sept-Îles, ils ont construit des maisons pour les
employés, ils ont fait travailler des milliers de Québécois, ils ont payé des taxes et des impôts. Et tout ça ne nous a rien coûté.»

Michel Morin a bien connu l'Union nationale. Son père était un organisateur bleu à Saint-Célestin, il a travaillé au bureau de
comté de Clément Vincent. Selon cet ex-député péquiste, la machine électorale de l'Union nationale à la fin du règne de
Duplessis était tout simplement trop forte, ce qui a nui à sa réputation.

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«Il faut faire attention pour que nos organisations ne deviennent pas plus puissantes que le député. Le danger est là. Si tu as une
bonne machine, il faut que tu la contrôles bien. Si elle te contrôle, c'est un défaut et c'est ce qui est arrivé avec l'Union nationale:
les organisateurs tiraient trop. Tu ne peux pas nourrir juste ceux qui sont de la «bonne» couleur. Quand t'es élu, t'es élu pour tout
le monde. On dit que la caisse électorale de l'Union nationale en 1959 avait 18 millions de dollars. Pensez à ça. Martineau
(Gérald), qui gérait la caisse électorale, il en avait-tu, du contrôle? Avec la Commission Charbonneau, on a vu que ça existe
encore. Il ne faut plus que ça existe. Il ne faut plus donner en retour de quelque chose.»

Qualifiant Maurice Duplessis de «ratoureux» et rappelant que ce dernier exerçait un immense contrôle sur son parti, Michel Morin
croit que le «Chef» ne pouvait donner de leçon à personne en matière de moeurs politiques. Mais cette caractéristique n'est pas
le propre de l'Union nationale.

«Les libéraux de Taschereau n'avaient pas de leçon à donner à personne non plus! Avec la venue de Jean Lesage,
l'assainissement s'est fait assez bien et c'était beaucoup moins pire. C'était fini, le temps de mettre de l'asphalte (sur le chemin)
devant les organisateurs bleus et de la garnotte devant les organisateurs rouges, et vice versa.»

La venue de l'équipe du tonnerre du PLQ en 1960 lancera la période de la Révolution tranquille. Selon François Roy, l'Union
nationale a joué un rôle fort important dans cette période charnière du Québec même si le parti avait été chassé du pouvoir.

«Duplessis a été au pouvoir trop longtemps. Après trois mandats, il aurait pu céder sa place. Il a fait deux autres mandats plus ou
moins heureux, ce qui fait qu'on n'a pas un très bon souvenir. Mais la grande réalisation de Duplessis est d'être allé chercher
l'impôt provincial. Il a pu faire ses propres mesures et ça a servi pour la Révolution tranquille. Il a laissé les coffres pleins pour
financer les grands projets.»

Source du texte : Martin Lafrenière, Grande Noirceur, Le Nouvelliste (Publié en ligne le 19 août 2016 à 21h09),
http://www.lapresse.ca/le-nouvelliste/actualites/201608/19/01-5012248-grande-noirceur.php .

Document 2
Pour éclairer la «grande noirceur»
Pendant les années 50, écrit Jacques Godbout, l’école était gratuite et
obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans, mais la majorité des Canadiens
français ne terminait pas neuf ans d’études.

J'aimerais rappeler à nos amis Éric Bédard, Lucia Ferretti, Christian


Rioux et à tous ceux qui décrivent les années 50 sans les avoir vécues
qu'avant d'affirmer que la «grande noirceur» était au fond lumineuse, il
serait avantageux de s'entendre sur ce que signifie ce vocable, et de
quelle noirceur nous parlons.

Il est évident que le soleil brillait autant dans ces années-là que durant la
Révolution tranquille et que les Canadiens français savaient s'amuser,
que la vie quotidienne était moins tragique que difficile, et que si la
noirceur dominait, ce devait être dans un champ particulier de
l'existence. Quand, dans ma génération, nous parlons de «grande
noirceur», nous évoquons le contrôle pervers de la sexualité, le mépris
de l'industrie, de l'art, de l'économie et le refus de la pensée scientifique.
Nous parlons de la vie de l'esprit.

De l'école primaire au cours classique, une seule philosophie imprégnait l'instruction publique. L'école était gratuite et obligatoire
jusqu'à l'âge de 16 ans, mais la majorité des Canadiens français ne terminait pas neuf ans d'études.

Les enfants dans les cours de mathématiques additionnaient les anges et multipliaient les prières, les manuels d'histoire du
secondaire regorgeaient d'anecdotes religieuses et d'appels à la Providence, l'anglais était une langue dangereuse, les
affirmations de saint Thomas d'Aquin incontestables, la théologie tenait lieu de science, les bibliothèques publiques pauvres et
rares, le contrôle ecclésial de l'édition et de la librairie, comme de la censure des spectacles et du cinéma, n'encourageaient que
l'ignorance crasse.

La grande peur

La «grande noirceur» envahissait le Québec et, dès après la guerre, de 1945 à 1960, les garçons et filles les plus ambitieux
durent se rendre en Europe ou aux États-Unis pour acquérir un minimum de compétences. Maurice Duplessis était né au XIXe
siècle, et s'était bien juré de nous empêcher d'accéder au XXe, il y a réussi.
Dossier documentaire TP02 page 2
Je n'entrerai pas dans le détail des exactions de l'Église catholique romaine et de ses Princes; je rappellerai seulement que le
Refus global, texte cité ad nauseam pour prouver notre modernité malgré tout, n'eut pas l'effet de détonateur escompté et que
Borduas alla mourir à Paris dans le silence.

En fait, nous pourrions évoquer«le grand silence» des années d'après-guerre, malgré les lois modernes et importantes
promulguées par le gouvernement d'Adélard Godbout de 1939 à 1944. «Toé, tais-toé!», avait lancé Duplessis à un de ses
ministres. Ce n'était pas seulement le «grand silence» ou la «grande noirceur», c'était aussi, dans tous les milieux intellectuels,
«la grande peur».

L'histoire ne s'écrit pas seulement à partir de documents, il faut parfois l'avoir vécue.

Source du texte : Jacques Godbout, Pour éclairer la Grande noirceur, Le Devoir (Publié en ligne le 28 septembre 2010),
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/297019/pour-eclairer-la-grande-noirceur .

Source de l’image : Omer Beaudoin, Centre d’archives de Québec.

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