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Art dramatique 4e secondaire EIM

THÉÂTRE CLASSIQUE
MONOLOGUES ET TIRADES

Document préparé par Jonathan Voyer


Mon nom est ______________________________et ceci
est mon recueil de textes.

Art dramatique 4e secondaire

Année scolaire ___________

EIM

1
Rôles féminins

Andromaque ………………………………………………………… p.03


Hermione ………………………………………………………… p.03
Junie ………………………………………………………… p.04
Athalie ………………………………………………………… p.04
Roxane ………………………………………………………… p.05
Atalide ………………………………………………………… p.05
Arsinoé ………………………………………………………… p.06
Marianna ………………………………………………………… p.06
Phèdre ………………………………………………………… p.07
Clytemnestre ………………………………………………………… p.07
Henriette ………………………………………………………… p.08
Chimène ………………………………………………………… p.08
Camille ………………………………………………………… p.09
Lisette ………………………………………………………… p.09
Agnès ………………………………………………………… p.10
Doña Sol ………………………………………………………… p.10
Célimène ………………………………………………………… p.11
Esther ………………………………………………………… p.11
Medée ………………………………………………………… p.12
Armande ………………………………………………………… p.12

Rôles masculins

Agamemnon ………………………………………………………… p.13


Rodrigue ………………………………………………………… p.13
Alceste ………………………………………………………… p.14
Britannicus ………………………………………………………… p.14
Titus ………………………………………………………… p.15
Don César ………………………………………………………… p.15
Ruy blas ………………………………………………………… p.16
Néron ………………………………………………………… p.16
Achille ………………………………………………………… p.17
Tartuffe ………………………………………………………… p.17
Xipharès ………………………………………………………… p.18
Pharnace ………………………………………………………… p.18
Mithridate ………………………………………………………… p.19
Don Diege ………………………………………………………… p.19
Horace ………………………………………………………… p.20
Taxile ………………………………………………………… p.20
Hernani ………………………………………………………… p.21
Jason ………………………………………………………… p.21
2
Andromaque
Racine. Andromaque, acte III, scène VIII.

Dois-je les oublier, s'il ne s'en souvient plus ?


Dois-je oublier Hector privé de funérailles,
Et traîné sans honneur autour de nos murailles ?
Dois-je oublier son père à mes pieds renversé,
Ensanglantant l'autel qu'il tenait embrassé ?
Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle
Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle.
Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants,
Entrant à la lueur de nos palais brûlants,
Sur tous mes frères morts se faisant un passage,
Et de sang tout couvert échauffant le carnage.
Songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris des mourants,
Dans la flamme étouffés, sous le fer expirants.
Peins-toi dans ces horreurs Andromaque éperdue :
Voilà comme Pyrrhus vint s'offrir à ma vue ;
Voilà par quels exploits il sut se couronner ;
Enfin voilà l'époux que tu me veux donner.
Non, je ne serai point complice de ses crimes ;
Qu'il nous prenne, s'il veut, pour dernières victimes.
Tous mes ressentiments lui seraient asservis.

HERMIONE
Racine, Andromaque, Acte V, scène I.

Où suis-je ? Qu’ai-je fait ? Que dois-je faire encore ?


Quel transport me saisit ? Quel chagrin me dévore ?
Errante, et sans dessein, je cours dans ce palais.
Ah ! Ne puis-je savoir si j’aime ou si je hais ?
Le cruel ! De quel oeil il m’a congédiée !
Sans pitié, sans douleur au moins étudiée.
L’ai-je vu se troubler et me plaindre un moment ?
En ai-je pu tirer un seul gémissement ?
Muet à mes soupirs, tranquille à mes alarmes,
Semblait-il seulement qu’il eût part à mes larmes ?
Et je le plains encore ! Et, pour comble d’ennui,
Mon coeur, mon lâche coeur s’intéresse pour lui
Je tremble au seul penser du coup qui le menace,
Et, prête à me venger, je lui fais déjà grâce.
Non, ne révoquons point l’arrêt de mon courroux :
Qu’il périsse ! Aussi bien il ne vit plus pour nous.
3
JUNIE
Racine, Britannicus, Acte II, scène III

J'aime Britannicus. Je lui fus destinée


Quand l'empire devait suivre son hyménée.
Mais ces mêmes malheurs qui l'en ont écarté,
Ses honneurs abolis, son palais déserté,
La fuite d'une cour que sa chute a bannie,
Sont autant de liens qui retiennent Junie.
Tout ce que vous voyez conspire à vos désirs ;
Vos jours toujours sereins coulent dans les plaisirs ;
L'empire en est pour vous l'inépuisable source,
Ou, si quelque chagrin en interrompt la course,
Tout l'univers, soigneux de les entretenir,
S'empresse à l'effacer de votre souvenir.
Britannicus est seul. Quelque ennui qui le presse,
Il ne voit, dans son sort, que moi qui s'intéresse,
Et n'a pour tout plaisir, Seigneur, que quelques pleurs
Qui lui font quelquefois oublier ses malheurs.

ATHALIE
Racine, Athalie, Acte II, scène V

C'était pendant l'horreur d'une profonde nuit.


Ma mère Jézabel devant moi s'est montrée,
Comme au jour de sa mort pompeusement parée.
Ses malheurs n'avaient point abattu sa fierté;
Même elle avait encor cet éclat emprunté
Dont elle eut soin de peindre et d'orner son visage,
Pour réparer des ans l'irréparable outrage.
« Tremble, m'a-t-elle dit, fille digne de moi.
Le cruel Dieu des Juifs l'emporte aussi sur toi.
Je te plains de tomber dans ses mains redoutables,
Ma fille ». En achevant ces mots épouvantables,
Son ombre vers mon lit a paru se baisser;
Et moi, je lui tendais les mains pour l'embrasser.
Mais je n'ai plus trouvé qu'un horrible mélange
D'os et de chair meurtris, et traînés dans la fange,
Des lambeaux pleins de sang, et des membres affreux
Que des chiens dévorants se disputaient entre eux.

4
ROXANE
Racine, Bajazet, Acte IV, scène IV

Ma rivale à mes yeux s'est enfin déclarée.


Voila sur quelle foi je m'étais assurée.
Depuis six mois entiers j'ai cru que nuit et jour
Ardente elle veillait au soin de mon amour.
Et c'est moi qui du sien ministre trop fidèle
Semble depuis six mois ne veiller que pour elle,
Qui me suis appliquée à chercher les moyens
De lui faciliter tant d'heureux entretiens,
Et qui même souvent prévenant son envie
Ai hâté les moments les plus doux de sa vie.
Ce n'est pas tout. Il faut maintenant m'éclaircir,
Si dans sa perfidie elle a su réussir.
Il faut... Mais que pourrais-je apprendre davantage ?
Mon malheur n'est-il pas écrit sur son visage ?
Vois-je pas au travers de son saisissement,
Un cœur dans ses douleurs content de son amant ?

ATALIDE
Racine, Bajazet, Acte V, scène XII

Enfin c'en est donc fait. Et par mes artifices,


Mes injustes soupçons, mes funestes caprices,
Je suis donc arrivée au douloureux moment,
Où je vois par mon crime expirer mon amant.
N'était-ce pas assez, cruelle destinée,
Qu'a lui survivre hélas ! Je fusse condamnée ?
Et fallait-il encor que pour comble d'horreurs
Je ne pusse imputer sa mort qu'a mes fureurs ?
Oui, c'est moi, cher amant, qui t'arrache la vie,
Roxane, ou le sultan, ne te l'ont point ravie.
Moi seule, j'ai tissu le lien malheureux
Dont tu viens d'éprouver les détestables nœuds.
Et je puis, sans mourir, en souffrir la pensée ?
Moi, qui n'ai pu tantôt, de ta mort menacée,
Retenir mes esprits, prompts à m'abandonner !
Ah ! N'ai-je eu de l'amour que pour t'assassiner ?
Mais c'en est trop. Il faut par un prompt sacrifice
Que ma fidèle main te venge, et me punisse.
Elle se tue.

5
ARSINOE
Molière, Le Misanthrope, acte III, scène IV.

Je viens, par un avis qui touche votre honneur,


Témoigner l’amitié que, pour vous, a mon cœur.
Hier, j’étais chez des gens, de vertu singulière,
Où, sur vous, du discours, on tourna la matière ;
Et là, votre conduite, avec ses grands éclats,
Madame, eut le malheur, qu’on ne la loua pas.
Cette foule de gens, dont vous souffrez visite,
Votre galanterie, et les bruits qu’elle excite,
Trouvèrent des censeurs plus qu’il n’aurait fallu,
Et bien plus rigoureux que je n’eusse voulu.
Vous pouvez bien penser quel parti je sus prendre ;
Je fis ce que je pus, pour vous pouvoir défendre,
Je vous excusai fort sur votre intention,
Et voulus, de votre âme, être la caution.
Mais vous savez qu’il est des choses dans la vie,
Qu’on ne peut excuser, quoiqu’on en ait envie ;
Et je me vis contrainte à demeurer d’accord,
Que l’air dont vous viviez, vous faisait un peu tort.

MARIANNA (à genoux)
Molière, Tartuffe, Acte IV, scène II

Mon père, au nom du Ciel, qui connaît ma douleur,


Et par tout ce qui peut émouvoir votre cœur,
Relâchez-vous un peu des droits de la naissance,
Et dispensez mes vœux de cette obéissance.
Ne me réduisez point, par cette dure loi,
Jusqu'à me plaindre au Ciel de ce que je vous dois :
Et cette vie, hélas! que vous m'avez donnée,
Ne me la rendez pas, mon père, infortunée.
Si contre un doux espoir que j'avais pu former,
Vous me défendez d'être à ce que j'ose aimer;
Au moins, par vos bontés, qu'à vos genoux j'implore,
Sauvez-moi du tourment d'être à ce que j'abhorre;
Et ne me portez point à quelque désespoir,
En vous servant, sur moi, de tout votre pouvoir.

6
PHEDRE
Racine, Phèdre (tragédie), Acte II, scène V

Que dis-je ? Cet aveu que je te viens de faire,


Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ?
Tremblante pour un fils que je n'osais trahir,
Je te venais prier de ne le point haïr.
Faibles projets d'un coeur trop plein de ce qu'il aime !
Hélas ! je ne t'ai pu parler que de toi-même.
Venge-toi, punis-moi d'un odieux amour.
Digne fils du héros qui t'a donné le jour,
Délivre l'univers d'un monstre qui t'irrite.
La veuve de Thésée ose aimer Hippolyte ?
Crois-moi, ce monstre affreux ne doit point t'échapper. Voilà mon coeur.
C'est là que ta main doit frapper.
Impatient déjà d'expier son offense
Au devant de ton bras je le sens qui s'avance.
Frappe. Ou si tu le crois indigne de tes coups,
Si ta haine m'envie un supplice si doux,
Ou si d'un sang trop vil ta main serait trempée,
Au défaut de ton bras prête moi ton épée.

CLYTEMNESTRE
Racine, Iphigénie (tragédie), acte IV, scène IV

Est-ce donc être père ? Ah ! toute ma raison


Cède à la cruauté de cette trahison.
Un prêtre, environné d'une foule cruelle,
Portera sur ma fille une main criminelle ?
Déchirera son sein ? Et d'un oeil curieux
Dans son coeur palpitant consultera les Dieux ?
Et moi, qui l'amenai triomphante, adorée,
Je m'en retournerai, seule, et désespérée ?
Je verrai les chemins encor tout parfumés
Des fleurs dont sous ses pas on les avait semés ?
Non, je ne l'aurai point amenée au supplice,
Ou vous ferez aux Grecs un double sacrifice.
Ni crainte, ni respect ne m'en peut détacher.
De mes bras tout sanglants il faudra l'arracher.
Aussi barbare époux qu'impitoyable père,
Venez, si vous l'osez, la ravir à sa mère.
Et vous, rentrez, ma fille, et du moins à mes lois
Obéissez encor pour la dernière fois
7
HENRIETTE
Molière, Les femmes savantes, Acte V, scène I.

Cette amoureuse ardeur qui dans les coeurs s'excite,


N'est point, comme l'on sait, un effet du mérite ;
Le caprice y prend part, et quand quelqu'un nous plaît,
Souvent nous avons peine à dire pourquoi c'est.
Si l'on aimait, Monsieur, par choix et par sagesse,
Vous auriez tout mon coeur et toute ma tendresse ;
Mais on voit que l'amour se gouverne autrement.
Laissez-moi je vous prie à mon aveuglement,
Et ne vous servez point de cette violence
Que pour vous on veut faire à mon obéissance.
Quand on est honnête homme, on ne veut rien devoir
À ce que des parents ont sur nous de pouvoir.
On répugne à se faire immoler ce qu'on aime,
Et l'on veut n'obtenir un coeur que de lui-même.
Ne poussez point ma mère à vouloir par son choix,
Exercer sur mes voeux la rigueur de ses droits.
Otez-moi votre amour, et portez à quelque autre
Les hommages d'un coeur aussi cher que le vôtre.

CHIMÈNE
Corneille, Le Cid, acte IV, scène I

Reprenons donc aussi ma colère affaiblie :


Pour avoir soin de lui faut-il que je m’oublie ?
On le vante, on le loue, et mon cœur y consent !
Mon honneur est muet, mon devoir impuissant !
Silence, mon amour, laisse agir ma colère :
S’il a vaincu deux rois, il a tué mon père ;
Ces tristes vêtements, où je lis mon malheur,
Sont les premiers effets qu’ait produit sa valeur,
Et quoi qu’on die ailleurs d’un cœur si magnanime,
Ici tous les objets me parlent de son crime.
Vous qui rendez la force à mes ressentiments,
Voiles, crêpes, habits, lugubres ornements,
Pompe que me prescrit sa première victoire,
Contre ma passion soutenez bien ma gloire ;
Et lorsque mon amour prendra trop de pouvoir,
Parlez à mon esprit de mon triste devoir,
Attaquez sans rien craindre une main triomphante.

8
CAMILLE
Corneille, Horace, acte IV scène V.

Rome l’unique objet de mon ressentiment !


Rome à qui vient ton bras d’immoler mon amant !
Rome qui t’a vu naître et que ton cœur adore !
Rome enfin que je hais parce qu’elle t’honore !
Puissent tous ces voisins ensemble conjurés
Saper ses fondements encore mal assurés !
Et, si ce n’est assez de toute l’Italie,
Que l’Orient contre elle à l’Occident s’allie ;
Que cent peuples unis des bouts de l’univers
Passent pour la détruire et les monts et les mers !
Qu’elle-même sur soi renverse ses murailles
Et de ses propres mains déchire ses entrailles
Que le courroux du ciel allumé par mes vœux
Fasse pleuvoir sur elle un déluge de feux.
Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre,
Voir ses maisons en cendres et tes lauriers en poudre,
Voir le dernier Romain à son dernier soupir,
Moi seule en être cause, et mourir de plaisir.

LISETTE
Alfred de Musset, Louison, acte I, scène I.

Mais monseigneur le duc alors était absent ;


Où ? je ne sais pas trop, à la noce, à la guerre.
Enfin, ces jours derniers, comme on n’y pensait guère,
Il écrit qu’il revient, il arrive, et, ma foi,
Tout juste, en arrivant, tombe amoureux de moi.
Je vous demande un peu quelle étrange folie !
Sa femme est sage et douce autant qu’elle est jolie.
Elle l’aime, Dieu sait ! et ce libertin-là
Ne peut pas bonnement s’en tenir à cela ;
Il m’écrit des poulets, me conte des fredaines,
Me donne des rubans, des nœuds et des mitaines ;
Puis enfin, plus hardi, pas plus tard qu’à présent,
Du brillant que voici veut me faire présent.
Un diamant, à moi ! la chose est assez claire.
Hors de l’argent comptant, que diantre en puis-je faire ?
Je ne suis pas duchesse, et ne puis le porter.

9
AGNÈS
Molière, L’École des femmes, acte II, scène V

Elle est fort étonnante et difficile à croire.


J’étais sur le balcon à travailler au frais :
Lorsque je vis passer sous les arbres d’auprès
Un jeune homme bien fait, qui rencontrant ma vue,
D’une humble révérence aussitôt me salue.
Moi, pour ne point manquer à la civilité
Je fis la révérence aussi de mon côté.
Soudain, il me refait une autre révérence.
Moi, j’en refais de même une autre en diligence ;
Et lui d’une troisième aussitôt repartant,
D’une troisième aussi j’y repars à l’instant
Il passe, vient, repasse, et toujours de plus belle
Me fait à chaque fois révérence nouvelle.
Et moi, qui tous ces tours fixement regardais.
Nouvelle révérence aussi je lui rendais.
Tant, que si sur ce point la nuit ne fût venue,
Toujours comme cela je me serais tenue.
Ne voulant point céder et recevoir l’ennui
Qu’il me pût estimer moins civile que lui.

DOÑA SOL
Victor Hugo, Hernani, acte I, scène II.

Nous partirons demain.


Hernani, n'allez pas sur mon audace étrange
Me blâmer. êtes-vous mon démon ou mon ange ?
Je ne sais, mais je suis votre esclave. écoutez,
Allez où vous voudrez, j'irai. Restez, partez,
Je suis à vous. Pourquoi fais-je ainsi ? Je l'ignore.
J'ai besoin de vous voir, et de vous voir encore,
Et de vous voir toujours. Quand le bruit de vos pas
S'efface, alors je crois que mon coeur ne bat pas ;
Vous me manquez, je suis absente de moi-même ;
Mais dès qu'enfin ce pas que j'attends et que j'aime
Vient frapper mon oreille, alors il me souvient
Que je vis, et je sens mon âme qui revient !
À minuit. Demain. Amenez votre escorte.
Sous ma fenêtre. Allez, je serai brave et forte.
Vous frapperez trois coups.

10
CÉLIMÈNE
Molière, Le Misanthrope, acte III, scène IV.

Je veux suivre, à mon tour, un exemple si doux,


En vous avertissant, de ce qu’on dit de vous.
En un lieu, l’autre jour, où je faisais visite,
Je trouvai quelques gens, d’un très rare mérite,
Qui parlant des vrais soins d’une âme qui vit bien,
Firent tomber, sur vous, Madame, l’entretien.
Là, votre pruderie, et vos éclats de zèle,
Ne furent pas cités comme un fort bon modèle :
Cette affectation d’un grave extérieur,
Vos discours éternels de sagesse, et d’honneur,
Vos mines, et vos cris, aux ombres d’indécence,
Que d’un mot ambigu, peut avoir l’innocence ;
Cette hauteur d’estime où vous êtes de vous,
Et ces yeux de pitié, que vous jetez sur tous ;
Vos fréquentes leçons, et vos aigres censures,
Sur des choses qui sont innocentes, et pures ;
Tout cela, si je puis vous parler franchement,
Madame, fut blâmé, d’un commun sentiment.

ESTHER
Racine, Esther, acte IV, scène IV

Ô mon souverain Roi !


Me voici donc tremblante, et seule devant toi.
Mon père mille fois m'a dit dans mon enfance,
Qu'avec nous tu juras une sainte alliance,
Quand pour te faire un peuple agréable à tes yeux,
Il plut à ton amour de choisir nos aïeux.
Même tu leur promis de ta bouche sacrée,
Une postérité d'éternelle durée.
Hélas ! ce peuple ingrat a méprisé ta loi.
La nation chérie a violé sa foi.
Elle a répudié son époux, et son père,
Pour rendre à d'autres dieux un honneur adultère.
Maintenant elle sert sous un maître étranger.
Mais c'est peu d'être esclave, on la veut égorger.
Nos superbes vainqueurs insultant à nos larmes,
Imputent à leurs dieux le bonheur de leurs armes,
Et veulent aujourd'hui qu'un même coup mortel
Abolisse ton nom, ton peuple, et ton autel.

11
MÉDÉE
Corneille, Médée, acte V, scène II.

Que sert de t'emporter à ces vaines furies ?


Épargne, cher époux, des efforts que tu perds ;
Vois les chemins de l'air qui me sont tous ouverts :
C'est par là que je fuis, et que je t'abandonne
Pour courir à l'exil que ton change m'ordonne.
Suis-moi, Jason, et trouve en ces lieux désolés
Des postillons pareils à mes dragons ailés.
Enfin je n'ai pas mal employé la journée
Que la bonté du roi, de grâce, m'a donnée ;
Mes désirs sont contents. Mon père et mon pays,
Je ne me repens plus de vous avoir trahis ;
Avec cette douceur j'en accepte le blâme.
Adieu, parjure : apprends à connaître ta femme ;
Souviens-toi de sa fuite, et songe une autre fois
Lequel est plus à craindre ou d'elle ou de deux rois.

ARMANDE
Molière, Les femmes savantes, acte IV, scène VI.

Mon Dieu, que votre esprit est d'un étage bas!


Que vous jouez au monde un petit personnage,
De vous claquemurer aux choses du ménage,
Et de n'entrevoir point de plaisirs plus touchants
Qu'un idole d'époux et des marmots d'enfants!
Laissez aux gens grossiers, aux personnes vulgaires,
Les bas amusements de ces sortes d'affaires;
À de plus hauts objets élevez vos désirs,
Songez à prendre un goût des plus nobles plaisirs,
Et traitant de mépris les sens et la matière,
À l'esprit comme nous donnez-vous toute entière.
Vous avez notre mère en exemple à vos yeux,
Que du nom de savante on honore en tous lieux :
Tâchez ainsi que moi de vous montrer sa fille,
Aspirez aux clartés qui sont dans la famille,
Et vous rendez sensible aux charmantes douceurs
Que l'amour de l'étude épanche dans les coeurs;
Loin d'être aux lois d'un homme en esclave asservie,
Mariez-vous, ma soeur, à la philosophie,
Qui nous monte au-dessus de tout le genre humain (...)

12
AGAMEMNON
Racine, Iphigénie, acte IV, scène VI.

Fuyez donc. Retournez dans votre Thessalie.


Moi-même je vous rends le serment qui vous lie.
Assez d'autres viendront, à mes ordres soumis,
Se couvrir des lauriers qui vous furent promis,
Et par d'heureux exploits forçant la destinée,
Trouveront d'Ilion la fatale journée.
J'entrevois vos mépris, et juge à vos discours
Combien j'achèterais vos superbes secours.
De la Grèce déjà vous vous rendez l'arbitre.
Ses rois, à vous ouïr, m'ont paré d'un vain titre.
Fier de votre valeur, tout, si je vous en crois,
Doit marcher, doit fléchir, doit trembler sous vos lois.
Un bienfait reproché tint toujours lieu d'offense.
Je veux moins de valeur, et plus d'obéissance.
Fuyez. Je ne crains point votre impuissant courroux,
Et je romps tous les noeuds qui m'attachent à vous

RODRIGUE
Racine, Le Cid, acte I, scène VI.

Percé jusques au fond du coeur


D'une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,
Misérable vengeur d'une juste querelle,
Et malheureux objet d'une injuste rigueur :
Je demeure immobile, et mon âme abattue
Cède au coup qui me tue.
Si près de voir mon feu récompensé,
Ô Dieu ! L'étrange peine !
En cet affront mon père est l'offensé,
Et l'offenseur le père de Chimène !
Que je sens de rudes combats !
Contre mon propre honneur mon amour s'intéresse,
Il faut venger un père, et perdre une maîtresse,
L'un m'anime le coeur, l'autre retient mon bras.
Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme,
Ou de vivre en infâme,
Des deux côtés mon mal est infini.
Ô Dieu, l'étrange peine !
Faut-il laisser un affront impuni ?
Faut-il punir le père de Chimène ?

13
ALCESTE
Molière, Le Misanthrope, acte I, scène I.

Allez, vous devriez mourir de pure honte ;


Une telle action ne saurait s'excuser,
Et tout homme d'honneur s'en doit scandaliser.
Je vous vois accabler un homme de caresses,
Et témoigner pour lui les dernières tendresses ;
De protestations, d'offres et de serments,
Vous chargez la fureur de vos embrassements ;
Et quand je vous demande après quel est cet homme,
À peine pouvez-vous dire comme il se nomme ;
Votre chaleur pour lui tombe en vous séparant,
Et vous me le traitez, à moi, d'indifférent.
Morbleu ! C'est une chose indigne, lâche, infâme,
De s'abaisser ainsi jusqu'à trahir son âme ;
Et si, par un malheur, j'en avais fait autant,
Je m'irais, de regret, pendre tout à l'instant.

BRITANNICUS
Racine, Britannicus, acte II, scène IV. À Junie

Madame, quel bonheur me rapproche de vous ?


Quoi ! Je puis donc jouir d'un entretien si doux ?
Mais parmi ce plaisir quel chagrin me dévore !
Hélas ! Puis-je espérer de vous revoir encore ?
Faut-il que je dérobe avec mille détours
Un bonheur que vos yeux m'accordaient tous les jours ?
Quelle nuit ! Quel réveil ! Vos pleurs, votre présence
N'ont point de ces cruels désarmé l'insolence ?
Que faisait votre amant ? Quel démon envieux
M'a refusé l'honneur de mourir à vos yeux ?
Hélas ! Dans la frayeur dont vous étiez atteinte
M'avez-vous en secret adressé quelque plainte ?
Ma princesse, avez-vous daigné me souhaiter ?
Songiez-vous aux douleurs que vous m'alliez coûter ?
Vous ne me dites rien ? Quel accueil ! Quelle glace !
Est-ce ainsi que vos yeux consolent ma disgrâce ?
Parlez. Nous sommes seuls. Notre ennemi trompé
Tandis que je vous parle est ailleurs occupé.
Ménageons les moments de cette heureuse absence.

14
TITUS
Racine, Bérénice, acte IV, scène V.

Et c'est moi seul aussi qui pouvais me détruire.


Je pouvais vivre alors, et me laisser séduire.
Mon coeur se gardait bien d'aller dans l'avenir
Chercher ce qui pouvait un jour nous désunir.
Je voulais qu'à mes voeux rien ne fût invincible,
Je n'examinais rien, j'espérais l'impossible.
Que sais-je ? J'espérais de mourir à vos yeux
Avant que d'en venir à ces cruels adieux.
Les obstacles semblaient renouveler ma flamme.
Tout l'empire parlait. Mais la gloire, Madame,
Ne s'était point encor fait entendre à mon coeur
Du ton dont elle parle au coeur d'un empereur.
Je sais tous les tourments où ce dessein me livre.
Je sens bien que sans vous je ne saurais plus vivre,
Que mon coeur de moi-même est prêt à s'éloigner.
Mais il ne s'agit plus de vivre, il faut régner.

DON CÉSAR
Victor Hugo, Ruy Blas, acte I, scène II.
Il jette la bourse aux pieds de don Salluste.

Gardez votre secret, et gardez votre argent.


Oh ! Je comprends qu'on vole, et qu'on tue, et qu'on pille,
Que par une nuit noire on force une bastille,
D'assaut, la hache au poing, avec cent flibustiers ;
Qu'on égorge estafiers, geôliers et guichetiers,
Tous, taillant et hurlant, en bandits que nous sommes,
Oeil pour oeil, dent pour dent, c'est bien ! Hommes contre hommes !
Mais doucement détruire une femme ! Et creuser
Sous ses pieds une trappe ! Et contre elle abuser,
Qui sait ? De son humeur peut-être hasardeuse !
Prendre ce pauvre oiseau dans quelque glu hideuse !
Oh ! Plutôt qu'arriver jusqu'à ce déshonneur,
Plutôt qu'être, à ce prix, un riche et haut seigneur,
– Et je le dis ici pour Dieu qui voit mon âme, –
J'aimerais mieux, plutôt qu'être à ce point infâme,
Vil, odieux, pervers, misérable et flétri,
Qu'un chien rongeât mon crâne au pied du pilori !

15
RUY BLAS
Victor Hugo, Ruy Blas, acte V, scène I.

C’est fini. Rêve éteint ! Visions disparues !


Jusqu’au soir au hasard j’ai marché dans les rues.
J’espère en ce moment. Je suis calme. La nuit,
On pense mieux. La tête est moins pleine de bruit.
Rien de trop effrayant sur ces murailles noires ;
Les meubles sont rangés, les clefs sont aux armoires.
Les muets sont là-haut qui dorment. La maison
Est vraiment bien tranquille. Oh ! Oui, pas de raison
D’alarme. Tout va bien. Mon page est très fidèle.
Don Guritan est sûr alors qu’il s’agit d’elle.
O mon dieu ! n’est-ce pas que je puis vous bénir,
Que vous avez laissé l’avis lui parvenir,
Que vous m’avez aidé, vous Dieu bon, vous Dieu juste,
À protéger cet ange, à déjouer Salluste,
Qu’elle n’a rien à craindre, hélas ! rien à souffrir,
Et qu’elle est bien sauvée, — et que je puis mourir ?
Il tire de sa poitrine une petite fiole qu’il pose sur la table.
Oui, meurs maintenant, lâche ! et tombe dans l’abîme !
Meurs comme on doit mourir quand on expie un crime !
Meurs dans cette maison, vil, misérable et seul !

NÉRON
Racine, Britanicus, acte II, scène II.

Excité d'un désir curieux


Cette nuit je l'ai vue arriver en ces lieux,
Triste, levant au ciel ses yeux mouillés de larmes,
Qui brillaient au travers des flambeaux et des armes.
Belle, sans ornements, dans le simple appareil
D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil.
Que veux-tu ? Je ne sais si cette négligence,
Les ombres, les flambeaux, les cris, et le silence,
Et le farouche aspect de ses fiers ravisseurs
Relevaient de ses yeux les timides douceurs.
Quoi qu'il en soit, ravi d'une si belle vue,
J'ai voulu lui parler et ma voix s'est perdue ;
Immobile, saisi d'un long étonnement
Je l'ai laissé passer dans son appartement.
J'ai passé dans le mien. C'est là que solitaire
De son image en vain j'ai voulu me distraire.

16
ACHILLE
Racine, Iphigénie, aV, scène II.

Hé bien ! N'en parlons plus. Obéissez, cruelle,


Et cherchez une mort, qui vous semble si belle.
Portez à votre père un coeur, où j'entrevois
Moins de respect pour lui, que de haine pour moi.
Une juste fureur s'empare de mon âme.
Vous allez à l'autel, et moi j'y cours, Madame,
Si de sang et de morts le Ciel est affamé,
Jamais de plus de sang ses autels n'ont fumé.
À mon aveugle amour tout sera légitime.
Le prêtre deviendra la première victime.
Le bûcher par mes mains détruit, et renversé,
Dans le sang des bourreaux nagera dispersé.
Et si dans les horreurs de ce désordre extrême
Votre père frappé tombe, et périt lui-même,
Alors de vos respects voyant les tristes fruits,
Reconnaissez les coups, que vous aurez conduits

TARTUFFE
Molière, Le Tartuffe, acte III, scène III. À Elmire

Ah ! Pour être dévot, je n'en suis pas moins homme ;


Et lorsqu'on vient à voir vos célestes appas,
Un coeur se laisse prendre, et ne raisonne pas.
Je sais qu'un tel discours de moi paraît étrange ;
Mais, Madame, après tout, je ne suis pas un ange ;
Et si vous condamnez l'aveu que je vous fais,
Vous devez vous en prendre à vos charmants attraits.
Dès que j'en vis briller la splendeur plus qu'humaine,
De mon intérieur vous fûtes souveraine ;
De vos regards divins l'ineffable douceur
Força la résistance où s'obstinait mon coeur ;
Elle surmonta tout, jeûnes, prières, larmes,
Et tourna tous mes voeux du côté de vos charmes.
Mes yeux et mes soupirs vous l'ont dit mille fois,
Et pour mieux m'expliquer j'emploie ici la voix.
Que si vous contemplez d'une âme un peu bénigne
Les tribulations de votre esclave indigne,
S'il faut que vos bontés veuillent me consoler
Et jusqu'à mon néant daignent se ravaler,
J'aurai toujours pour vous, ô suave merveille,
Une dévotion à nulle autre pareille.
17
XIPHARÈS
Racine, Mithridate, acte I, scène II

Mettez ce malheur au rang des plus funestes.


Attestez, s'il le faut, les puissances célestes
Contre un sang malheureux, né pour vous tourmenter,
Père, enfants animés à vous persécuter.
Mais avec quelque ennui que vous puissiez apprendre
Cet amour criminel qui vient de vous surprendre,
Jamais tous vos malheurs ne sauraient approcher
Des maux que j'ai soufferts en le voulant cacher.
Ne croyez point pourtant que semblable à Pharnace
Je vous serve aujourd'hui pour me mettre en sa place.
Vous voulez être à vous, j'en ai donné ma foi,
Et vous ne dépendrez ni de lui, ni de moi.
Mais quand je vous aurai pleinement satisfaite,
En quels lieux avez-vous choisi votre retraite ?
Sera-ce loin, Madame, ou près de mes États ?
Me sera-t-il permis d'y conduire vos pas ?
Verrez-vous d'un même oeil le crime et l'innocence ?
En fuyant mon rival fuirez-vous ma présence ?
Pour prix d'avoir si bien secondé vos souhaits,
Faudra-t-il me résoudre à ne vous voir jamais ?

PHARNACE
Racine, Mithridate, acte I, scène III

Jusques à quand, Madame, attendrez-vous mon père ?


Des témoins de sa mort viennent à tous moments
Condamner votre doute et vos retardements.
Venez, fuyez l'aspect de ce climat sauvage,
Qui ne parle à vos yeux que d'un triste esclavage.
Un peuple obéissant vous attend à genoux
Sous un ciel plus heureux et plus digne de vous.
Le Pont vous reconnaît dès longtemps pour sa reine,
Vous en portez encor la marque souveraine ;
Et ce bandeau royal fut mis sur votre front
Comme un gage assuré de l'empire de Pont.
Maître de cet État que mon père me laisse,
Madame, c'est à moi d'accomplir sa promesse.
Mais il faut, croyez-moi, sans attendre plus tard,
Ainsi que notre hymen presser notre départ.
Nos intérêts communs, et mon coeur le demandent.
Prêts à vous recevoir mes vaisseaux vous attendent,
Et du pied de l'autel vous y pouvez monter,
Souveraine des mers, qui vous doivent porter.

18
MITHRIDATE.
Racine, Mithridate, acte IV scène V

Elle me quitte ! Et moi dans un lâche silence,


Je semble de sa fuite approuver l'insolence ?
Peu s'en faut que mon coeur penchant de son côté
Ne me condamne encor de trop de cruauté !
Qui suis-je ? Est-ce Monime ? Et suis-je Mithridate ?
Non, non, plus de pardon, plus d'amour pour l'ingrate.
Ma colère revient, et je me reconnais.
Immolons en partant trois ingrats à la fois.
Je vais à Rome, et c'est par de tels sacrifices
Qu'il faut à ma fureur rendre les dieux propices.
Je le dois, je le puis, ils n'ont plus de support.
Les plus séditieux sont déjà loin du bord.
Sans distinguer entre eux qui je hais, ou qui j'aime,
Allons, et commençons par Xipharès lui-même.
Mais quelle est ma fureur ? Et qu'est-ce que je dis ?
Tu vas sacrifier, qui, malheureux ! ton fils !
Un fils que Rome craint ? Qui peut venger son père ?
Pourquoi répandre un sang qui m'est si nécessaire ?

DON DIÈGUE
Racine, Le Cid, acte I, scène IV.

Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !


N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Mon bras, qu’avec respect toute l’Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trône de son roi,
Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ?
Ô cruel souvenir de ma gloire passée !
Œuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle dignité, fatale à mon bonheur !
Précipice élevé d’où tombe mon honneur !
Faut-il de votre éclat voir triompher le comte,
Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ?
Comte, sois de mon prince à présent gouverneur :
Ce haut rang n’admet point un homme sans honneur ;
Et ton jaloux orgueil, par cet affront insigne,
Malgré le choix du roi, m’en a su rendre indigne.
Et toi, de mes exploits glorieux instrument,
Mais d’un corps tout de glace inutile ornement,
Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense,
M’as servi de parade, et non pas de défense,
Va, quitte désormais le dernier des humains,
Passe, pour me venger, en de meilleures mains.
19
HORACE
Corneille, Horace, acte II scène III.

Si vous n'êtes romain, soyez digne de l'être,


Et si vous m'égalez, faites-le mieux paraître.
La solide vertu dont je fais vanité
N'admet point de faiblesse avec sa fermeté,
Et c'est mal de l'honneur entrer dans la carrière
Que dès le premier pas regarder en arrière.
Notre malheur est grand ; il est au plus haut point
Je l'envisage entier, mais je n'en frémis point :
Contre qui que ce soit que mon pays m'emploie,
J'accepte aveuglément cette gloire avec joie,
Celle de recevoir de tels commandements
Doit étouffer en nous tous autres sentiments,
Qui près de le servir considère autre chose
À faire ce qu'il doit lâchement se dispose,
Ce droit saint et sacré rompt tout autre lien,
Rome a choisi mon bras, je n'examine rien,
Avec une allégresse aussi pleine et sincère
Que j'épousai la soeur, je combattrai le frère.
Et pour trancher enfin ces discours superflus
Albe vous a nommé, je ne vous connais plus.

TAXILE
Racine, Alexandre le Grand, acte 4, scène 4. À Cléophile

Non, ma sœur, je la veux adorer, Je l’aime.


Et quand les vœux que je pousse pour elle
N’en obtiendraient jamais qu’une haine immortelle,
Malgré tous ses mépris, malgré tous vos discours,
Malgré moi-même, il faut que je l’aime toujours.
Sa colère après tout n’a rien qui me surprenne.
C’est à vous, c’est à moi qu’il faut que je m’en prenne,
Sans vous, sans vos conseils, ma sœur, qui m’ont trahi.
Si je n’étais aimé, je serais moins haï.
Je la verrais sans vous par mes soins défendue,
Entre Porus et moi demeurer suspendue.
Et ne serait-ce pas un bonheur trop charmant
Que de la voir réduite à douter un moment?
Non, je ne puis plus vivre accablé de sa haine,
Il faut que je me jette aux pieds de l’inhumaine.
J’y cours, je vais m’offrir à servir son courroux
Même contre Alexandre, et même contre vous.
Je sais de quelle ardeur vous brûlez l’un pour l’autre.
Mais c’est trop oublier mon repos pour le vôtre,
Et sans m’inquiéter du succès de vos feux,
Il faut que tout périsse, ou que je sois heureux.

20
Hernani
Victor Hugo, Hernani, acte III, Scène 4

Monts d’Aragon ! Galice ! Estramadoure !


Oh ! je porte malheur à tout ce qui m’entoure !
J’ai pris vos meilleurs fils ; pour mes droits, sans remords,
Je les ai fait combattre, et voilà qu’ils sont morts !
C’étaient les plus vaillants de la vaillante Espagne !
Ils sont morts ! ils sont tous tombés dans la montagne,
Tous sur le dos couchés, en justes, devant Dieu,
Et s’ils ouvraient les yeux, ils verraient le ciel bleu !
Voilà ce que je fais de tout ce qui m’épouse !
Est-ce une destinée à te rendre jalouse ?
Dona Sol, prends le duc, prends l’enfer, prends le roi !
C’est bien. Tout ce qui n’est pas moi vaut mieux que moi !
Je n’ai plus un ami qui de moi se souvienne,
Tout me quitte, il est temps qu’à la fin ton tour vienne,
Car je dois être seul. Fuis ma contagion.
Ne te fais pas d’aimer une religion !
Oh ! par pitié pour toi, fuis ! Tu me crois peut-être
Un homme comme sont tous les autres, un être
Intelligent, qui court droit au but qu’il rêva.
Détrompe-toi ! je suis une force qui va !
Agent aveugle et sourd de mystères funèbres !
Une âme de malheur faite avec des ténèbres !

JASON
Corneille, Médée, acte i, scène II.

Depuis que mon esprit est capable de flamme,


Jamais un trouble égal n'a confondu mon âme :
Mon coeur, qui se partage en deux affections,
Se laisse déchirer à mille passions.
Je dois tout à Médée, et je ne puis sans honte
Et d'elle et de ma foi tenir si peu de conte :
Je dois tout à Créon, et d'un si puissant roi
Je fais un ennemi, si je garde ma foi :
Je regrette Médée, et j'adore Créuse ;
Je vois mon crime en l'une, en l'autre mon excuse ;
Et dessus mon regret mes désirs triomphants
Ont encore le secours du soin de mes enfants.
Mais la princesse vient : l'éclat d'un tel visage
Du plus constant du monde attirerait l'hommage,
Et semble reprocher à ma fidélité
D'avoir osé́ tenir contre tant de beauté.

21
Critères d’évaluation pour la compétence créer et
interpréter des œuvres dramatiques

Insatisfaisant
Satisfaisant
satisfaisant

Acceptable

satisfaisant
Art dramatique – 4e secondaire
Compétence : créer et interpréter des œuvres dramatiques
Situation : Interprétation d’un monologue du théâtre classique

Très

Peu
A B C D E

8 6 4 2
L’acteur a bien mémorisé son texte. 0
7 5 3 1

Constance dans
l’application des L’acteur parle assez fort et prononce les mots 8 6 4 2
conventions relatives à de sorte que le texte est clairement audible. 0
l’unité de jeu 7 5 3 1

8 6 4 2
L’acteur est concentré et demeure en
0
personnage tout au long de la performance.
7 5 3 1

Les moyens corporels (posture, attitude, 8 6 4 2


gestuelle, démarche) contribuent à appuyer 0
Originalité et les intentions du personnage. 7 5 3 1
expressivité dans le
traitement des éléments
du langage dramatique 8 6 4 2
Les moyens vocaux (intonation, rythme,
0
débit) traduisent l’émotion du personnage.
7 5 3 1

22
Critères d’évaluation pour la compétence apprécier des
œuvres dramatiques

Afin de rendre compte de votre compréhension et de votre interprétation de


l’œuvre étudiée, vous devez créer le journal intime de votre personnage. Comme
tout bon journal intime, celui-ci recueillera les mots qui traduisent les passions, les
désirs, les émotions, les réflexions et les sentiments vécus par votre personnage
tout au long de l’intrigue.

Ce projet peut se réaliser progressivement au courant de l’étape. Il est fortement


conseillé de ne pas attendre à la dernière minute pour s’y mettre.

Voici les consignes que vous devez respecter :

• Le journal aura une page couverture témoignant de la personnalité du


personnage. Vous inscrirez votre nom et votre groupe au verso;

• Le journal comprendra entre 450 et 500 mots répartis en un minimum de


cinq entrées différentes

• Les textes seront écrits à la main;

• Le personnage n’a pas à s’exprimer en vers, mais la qualité de la langue


doit être soignée;

• Les textes devront témoigner de l’évolution psychologique du personnage


à travers son histoire et ses relations avec les autres personnages;

• Au moins une des entrées devra contenir les paroles rapportées d’un autre
personnage;

• L’objet doit être personnalisé. Vous pouvez intégrer des images, des
dessins, de la couleur tout en respectant la personnalité et les intérêts du
personnage.

23
8 7 6 5 4 3 2 1 Résultat
Critères
Analyse de Analyse de Analyse de Analyse de
manière manière manière manière limitée
judicieuse le compétente le convenable l’œuvre et les
contexte, contexte, l’œuvre et les caractéristiques du
Analyse l’intrigue et les l’intrigue et les caractéristiques du personnage.
thèmes de l’œuvre thèmes de l’œuvre personnage.
ainsi que les ainsi que les
caractéristiques du caractéristiques du
personnage. personnage.
Produit des textes Produit des textes Produit des textes Produit des textes
qui démontrent un qui démontrent un qui démontrent un qui démontrent un
investissement investissement investissement investissement
personnel de haut personnel personnel personnel limité
niveau dans le conséquent dans convenable dans dans le processus
Production de processus de le processus de le processus de de création ;
texte création ; création ; création ; démontre un
démontre un démontre un démontre un degré limité de
degré élevé de degré conséquent certain degré de perspicacité,
perspicacité, de perspicacité, perspicacité, d’imagination et
d’imagination et d’imagination et d’imagination et de sensibilité.
de sensibilité. de sensibilité. de sensibilité.
S’exprime à l’écrit S’exprime à l’écrit S’exprime à l’écrit S’exprime à l’écrit
en adoptant un de manière en adoptant en adoptant un
registre et un style compétente en parfois un registre registre et un style
Utilisation de la constamment adoptant un et un style inappropriés, ne
langue appropriés registre et un style convenant au convenant ni au
convenant au convenant au contexte et à contexte ni à
contexte et à contexte et à l’intention. l’intention.
l’intention. l’intention.
Fait un usage Fait un usage Fait un usage Fait un usage
remarquable des compétent des convenable des minimal des
structures structures structures structures
permettant permettant permettant permettant
d’organiser le d’organiser le d’organiser le d’organiser le
Présentation
contenu et contenu et contenu et contenu et celles-
convenant convenant au convenant au ci peuvent ne pas
efficacement au contexte et à contexte et à convenir au
contexte et à l’intention. l’intention. contexte et à
l’intention. l’intention.

24
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