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Séquence de seconde. La poésie du Moyen -Age au 18 e s.

Sonnets amoureux de la Renaissance :


aimer à perdre la raison ?
➢ Question de réflexion de fin de séquence : l’amour fait-il perdre au poète tous ses moyens ?

Table des matières


Louise LABE, Œuvres, sonnet VIII (1555) ............................................................................................................... 1
Laurent de la GRAVIERE, Epitaphes avec quelques sonnets. (1558) ..................................................................... 2
Rémi BELLEAU, La bergerie, XXVII (1565) .............................................................................................................. 2
Pierre de RONSARD, Amours diverses, sonnet VIII (1578) .................................................................................... 3
Etienne de la BOETIE, Vingt-neuf sonnets, III (1595) ............................................................................................. 3
Jean de SPONDE, Sonnets d’amour, sonnet V (1597)............................................................................................ 4
Marc-Papillon de LAPHRISE, Les amours de Théophile in Œuvres (1599) ............................................................. 4

Louise LABE, Œuvres, sonnet VIII (1555)

Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;


J’ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m’est et trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.

Tout à un coup je ris et je larmoie,


Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;
Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.

Ainsi Amour inconstamment me mène ;


Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.

Puis, quand je crois ma joie être certaine,


Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.

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Laurent de la GRAVIERE, Epitaphes avec quelques sonnets. (1558)

Phèdre voyant les membres d’Hippolyte,


Sanguinolents, épars en divers lieux,
A proféré d’un cœur audacieux,
Ce qui s’ensuit, tout irée, et dépite :

Si de toi vif, j’ai été éconduite,


Et que mon corps lubrique, et vicieux,
Je n’aye pu joindre au tien précieux,
Ta mort n’a pas éteinte ma poursuite :

Car maintenant, jusqu’au lac Stygien,


Mon esperit, de près suivra le tien :
Puis ell’ se tut : et dans son côté dextre

Virilement un grand glaive enfonça,


Par où, le sang, et l’âme, elle époussa :
Fol amour fait tels monstres souvent naître.

Rémi BELLEAU, La bergerie, XXVII (1565)

Je veux dire qu'Amour n'est qu'un fâcheux émoi,


Qu'un désir importun, qu'un abject qui dévoie
Le train de la raison, qu'une humeur qui fourvoie
Çà et là par les sens, et les met hors de soi :

Ou si l'Amour est rien, c'est bien je ne sais quoi,


Qui vient je ne sais d'où, et ne sais qui l'envoie,
Se paist ne sais comment, de ne sais quelle proie,
Se sent je ne sais quand, et si ne sais pourquoi :

Comme un éclair mêlé des pointes de la foudre


Sans offenser la chair, broie les os en poudre,
Ainsi cette poison, sèche, et brûle, le cœur :

S'il n'est rien de cela, c’est un malheur étrange


Qui consomme en verjus l'espoir de la vendange,
Et jamais ne permet de voir le raisin meur…

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Pierre de RONSARD, Amours diverses, sonnet VIII (1578)

Amour, tu es trop fort, trop faible est ma Raison


Pour soutenir le camp d'un si rude adversaire.
Va, badine Raison, tu te laisses défaire :
Dez le premier assaut on te mène en prison.

Je veux, pour secourir mon chef demi-grison,


Non la Philosophie ou les Lois : au contraire
Je veux ce deux fois né, ce Thébain, ce Bon-père,
Lequel me servira d'une contrepoison.

Il ne faut qu'un mortel un immortel assaille.


Mais si je prends un jour cet Indien pour moi,
Amour, tant sois tu fort, tu perdras la bataille,

Ayant ensemble un homme et un Dieu contre toi.


La Raison contre Amour ne peut chose qui vaille :
Il faut contre un grand Prince opposer un grand Roy.

Etienne de la BOETIE, Vingt-neuf sonnets, III (1595)

C'est fait, mon cœur, quittons la liberté.


De quoi meshui servirait la défense,
Que d'agrandir et la peine et l'offense ?
Plus ne suis fort, ainsi que j'ai été.

La raison fut un temps de mon côté,


Or, révoltée, elle veut que je pense
Qu'il faut servir, et prendre en récompense
Qu'onc d'un tel nœud nul ne fut arrêté.

S'il se faut rendre, alors il est saison,


Quand on n'a plus devers soi la raison.
Je vois qu'Amour, sans que je le desserve,

Sans aucun droit, se vient saisir de moi ;


Et vois qu'encor il faut à ce grand Roi,
Quand il a tort, que la raison lui serve.

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Jean de SPONDE, Sonnets d’amour, sonnet V (1597)

Je sens dedans mon âme une guerre civile,


D'un parti ma raison, mes sens d'autre parti,
Dont le brûlant discord ne peut être amorti
Tant chacun son tranchant l'un contre l'autre affile.

Mais mes sens sont armés d'un verre si fragile


Que si le cœur bientôt ne s'en est départi
Tout l'heur vers ma raison se verra converti,
Comme au parti plus fort, plus juste et plus utile.

Mes sens veulent ployer sous ce pesant fardeau


Des ardeurs que me donne un éloigné flambeau,
Au rebours la raison me renforce au martyre.

Faisons comme dans Rome, à ce peuple mutin


De mes sens inconstants arrachons-les enfin,
Et que notre raison y plante son Empire.

Marc-Papillon de LAPHRISE, Les amours de Théophile in Œuvres (1599)

Si les pleurs douloureux, si les tristes complaintes,


Si les mortels sanglots, si les regrets cuisants,
Si les fières fiertés, si les ennuis nuisants,
Si les funestes cris, si les rigueurs non feintes,

Si les maux outrageux, si les dures atteintes,


Si les noires fureurs, si les gémissements,
Si les soupirs profonds, si les âpres tourments,
Si les afflictions, si les ardeurs contraintes,

Si la sainte raison, si la douce amitié,


Si l’honneur désireux doit mouvoir à pitié,
Vous devez (il est temps) de m’être favorable.

Par vous à tous moments je meurs tout insensé,


Trois fois maudit Amour, méchant, qui eût pensé
Que ta puissance eût pu me rendre misérable ?

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